SDIR Communiqué de presse de comité
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Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international | Subcommittee on International Human Rights of the Standing Committee on Foreign Affairs and International Development |
Pour publication immédiate
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
La situation des droits de la personne en République démocratique du Congo
Ottawa, 15 juin 2018 -
Marquée par des décennies de conflit et de corruption, la République démocratique du Congo (RDC) n’a jamais connu la transition pacifique du pouvoir. Aujourd’hui, une année et demie après l’expiration du mandat constitutionnel du président Joseph Kabila, le peuple congolais se demande si des élections seront tenues comme prévu en décembre 2018, et si ces élections seront libres ou justes. Cette crise politique fait suite à plus de 25 années de conflit et d’instabilité, période au cours de laquelle la violence, la malnutrition et les maladies, exacerbées par les déplacements de masse, ont emporté plus de six millions de Congolais. En l’absence d’une véritable réconciliation, de mécanismes de reddition de comptes et d’institutions stables, la méfiance règne à l’égard du gouvernement central. Stimulées par le mouvement des alliances politiques et les clivages ethniques, avec le soutien des acteurs régionaux dans certains cas, les milices locales prospèrent, acquérant des territoires et, partant, leur richesse en ressources naturelles.
Au cours de quatre réunions tenues en mai 2018, le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes (le Sous-comité) a entendu les témoignages convaincants de Mme Yolande Bouka, spécialiste des conflits en RDC, Mme Tshala Kalambay et M. Aimé Kabuya, membres de la diaspora congolaise au Canada, l’honorable lieutenant-général (à la retraite) Roméo Dallaire, fondateur de la Roméo Dallaire Child Soldiers Initiative, Mme Rachel Pulfer, directrice générale de Journalists for Human Rights et Félix Tshisekedi, chef du parti de l’Union pour la démocratie et le progrès social, un parti d’opposition congolais. Ces témoins ont décrit les lacunes fondamentales des institutions démocratiques de la RDC, ainsi que les conséquences dramatiques qu’a eues l’instabilité sur le peuple congolais. Ils ont unanimement dit au Sous-comité que la communauté internationale doit de toute urgence s’occuper prioritairement de la situation en RDC.
Les milices locales ont proliféré depuis 2016 dans l’est de la RDC, ainsi qu’au Kasaï, fief de l’opposition et région autrefois stable. L’intensification de la violence a donné lieu à une immense crise humanitaire, marquée notamment par le déplacement de plus de quatre millions de Congolais, qui sont à nouveau vulnérables à la malnutrition et aux maladies, et qui pourraient être politiquement exclus. Les travailleurs humanitaires œuvrant dans les régions touchées par les conflits ont eux aussi été pris pour cible par les groupes armés.
Dans un pays où plus de la moitié de la population a moins de 18 ans, les activités des milices dépendent du recrutement d’enfants-soldats. Le général Dallaire a décrit une « guerre générationnelle », où des jeunes filles recrutées ont donné naissance à des enfants qui, sans aucune autre perspective, sont maintenant devenus enfants soldats. Selon lui, « il sera impossible de mettre fin à la guerre si on ne parvient pas à enrayer le cycle de l’utilisation des enfants en tant qu’instruments de guerre ». Mme Pulfer et le général Dallaire ont souligné que la participation des femmes est essentielle à l’établissement d’une paix durable, faisant observer que les femmes utilisent leur pouvoir pour s’attaquer à des enjeux comme l’éducation et le développement, plutôt que pour participer à des stratégies politiques.
La Commission électorale nationale a fait de la sécurité une condition préalable à la tenue d’élections. Des témoins en ont conclu que le président Kabila utilise l’insécurité et le chaos politique comme prétexte pour retarder les élections. Certains ont dit au Sous-comité que le président Kabila fomentait la violence entre les milices, particulièrement au Kasaï.
Les doutes jetés sur les élections ont entraîné des manifestations sans précédent à Kinshasa et dans tout le pays. Le gouvernement central a répondu par la violence, par des interdictions générales à l’égard des manifestations et par la restriction de l’accès aux médias sociaux, source essentielle de nouvelles. Des témoins ont exprimé des inquiétudes quant à l’intégrité du processus d’inscription des électeurs, effectué alors qu’avaient lieu des déplacements massifs. Aucun recensement n’a été réalisé en RDC depuis plus de 30 ans. L’annonce indiquant que le gouvernement central allait utiliser des machines à voter, dont on a révélé qu’elles sont hautement susceptibles d’être manipulées, a aussi semé l’inquiétude. S’il est déjà trop tard pour que la communauté internationale puisse observer le processus crucial d’inscription des électeurs, des témoins ont souligné qu’il est nécessaire d’intervenir sans tarder afin d’établir la confiance à l’égard des prochains résultats électoraux.
Le gouvernement du Canada a fermement exprimé publiquement sa détermination à promouvoir la transition démocratique du pouvoir et le respect des droits de la personne. Il s’est engagé à financer des organismes voués à l’éducation civique, à soutenir les médias locaux et à mettre un terme à l’utilisation des enfants-soldats. Mme Pulfer a souligné que le Canada peut jouer un rôle unique en RDC, parce que les Congolais ne lui prêtent pas d’intentions impérialistes. Mme Kalambay et M. Kabuya ont insisté sur la force de la diaspora congolaise au Canada, ainsi que sur le rôle constant qu’elle joue dans son pays d’origine. En misant sur ces forces, nous devons redoubler nos efforts, dans l’immédiat et à long terme.
La situation en RDC requiert l’attention urgente de la communauté internationale. À la lumière des témoignages obtenus, le Sous-comité est fermement convaincu que :
1. Le président Kabila doit respecter la constitution de son pays et retirer catégoriquement sa candidature à la présidence. Le gouvernement du Canada devrait encourager ses partenaires, y compris les organismes internationaux et les organismes locaux concernés, ainsi que les États, à exercer leur influence en RDC afin de favoriser une transition authentique et pacifique du pouvoir.
2. Le gouvernement du Canada doit, le plus tôt possible, unir ses efforts à ceux de ses partenaires internationaux et faire pression sur le gouvernement de la RDC pour qu’il accepte une initiative internationale d’observation électorale. Des observateurs indépendants doivent évaluer tous les aspects de la préparation en vue des élections, y compris la formation des scrutateurs. Il est impératif que la sécurité et l’exactitude des machines à voter que la Commission électorale nationale a choisi d’utiliser soient soumises à enquête et à une surveillance indépendantes.
3. Sans le respect des valeurs démocratiques et la participation civique communautaire, les élections ne font qu’approfondir les clivages. Le peuple de la RDC doit obtenir le pouvoir et la liberté de faire valoir ses intérêts. À titre d’exemple, les médias congolais doivent être libres de rendre compte des enjeux locaux, y compris les droits de la personne, et d’exiger des explications du gouvernement. Le gouvernement du Canada doit s’employer à appuyer la liberté d’expression en RDC.
4. Le gouvernement du Canada devrait envisager, de concert avec ses partenaires internationaux, l’imposition de sanctions ciblées contre les Congolais responsables de violations graves des droits de la personne.
5. Les besoins humanitaires du peuple congolais, particulièrement ceux des personnes qui ont subi de multiples déplacements, doivent être pris en charge. La communauté internationale doit continuer à insister pour obtenir accès à ceux dont les besoins humanitaires sont les plus grands
Le Sous-comité offre son soutien au peuple congolais et continuera à suivre la situation.
CITATIONS
« Le fait de ne pas avoir tenu, dans les délais prescrits, des élections exigées par la constitution a exacerbé l’incertitude et la violence en République démocratique du Congo, entraînant de graves conséquences pour la population. La situation requiert l’attention immédiate et soutenue de la communauté internationale, en commençant par l’observation des élections, le soutien à long terme de la participation civique et la promotion des droits internationaux de la personne. »
- Michael Levitt, député, président du Sous-comité des droits internationaux de la personne
« Le Canada et la communauté internationale doivent agir non seulement pour garantir que le peuple congolais pourra voter au cours d’élections libres et transparentes, mais aussi pour assurer une véritable transition du pouvoir. Le président Kabila doit indiquer catégoriquement qu’il ne participera pas aux prochaines élections. »
- David Sweet, député, vice-président du Sous-comité des droits internationaux de la personne
« Après des décennies d’instabilité, l’acrobatie politique, la corruption et la violence se poursuivent sans relâche en République démocratique du Congo. Les richesses naturelles de la République démocratique du Congo, volées au peuple congolais, sont utilisées pour alimenter les conflits. Le Canada, ainsi que ses partenaires internationaux, doit agir immédiatement pour veiller à ce que la RDC vive sa toute première transition pacifique du pouvoir en décembre 2018, avec la participation accrue des femmes et des médias indépendants à cet important processus. »
- Cheryl Hardcastle, députée, vice-présidente du Sous-comité des droits internationaux de la personne
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