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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 2 mars 2000

• 1538

[Traduction]

Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): La séance est ouverte.

Nous avons aujourd'hui deux invités: la Conférence des évêques catholiques du Canada et les Frères chrétiens, représentés par M. Don Logan. Si c'est le cas, il n'y a pas de problème. Monsieur Logan, si vous voulez vous approcher. Dans notre avis de convocation, M. Logan est présenté comme intervenant à titre individuel, mais naturellement nous n'entendons que des organisations. En l'occurrence, il représente les Frères chrétiens.

M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le président, comme il semble y avoir une certaine confusion au sujet de la situation de M. Logan, j'aimerais savoir quelle place il occupe chez les Frères chrétiens et s'ils l'ont précisément autorisé à comparaître en leur nom.

M. Don Logan (Frères chrétiens): Oui. J'ai comparu en leur nom de nombreuses fois.

M. Svend Robinson: Ce n'est pas ce que j'ai demandé. Je voulais savoir quel poste vous occupez dans l'Église des Frères chrétiens et s'ils vous ont spécifiquement autorisé à comparaître ici aujourd'hui en leur nom.

M. Don Logan: Oui. Je dois préciser que nous n'avons pas une organisation structurée de façon très officielle, mais j'ai leur entière approbation.

• 1540

M. Svend Robinson: Quel poste occupez-vous dans cette Église?

M. Don Logan: Je suis simplement un frère.

M. Svend Robinson: Par qui êtes-vous autorisé à comparaître?

M. Don Logan: Par les frères.

M. Svend Robinson: Par qui?

M. Don Logan: C'est un peu difficile à expliquer car nous n'avons pas une organisation classique, nous sommes simplement une organisation relevant du Christ. Nous ne sommes pas officiellement structurés.

M. Svend Robinson: Je ne voudrais pas insister trop lourdement, mais vous dites que vous avez été autorisé à comparaître par les Frères chrétiens.

M. Don Logan: C'est exact.

M. Svend Robinson: Qui, dans cette organisation, vous a autorisé à comparaître?

M. Don Logan: Beaucoup de personnes, mais j'occupe moi-même une place importante.

M. Svend Robinson: Vous pouvez me donner un nom?

M. Don Logan: Oh, certainement. Disons Gord Noble à Winnipeg.

M. Svend Robinson: C'est un des directeurs de l'Église?

M. Don Logan: Il vit dans la même ville que moi. Nous sommes éparpillés dans le monde entier.

Le président: Chers collègues, nos collaborateurs me signalent que les Frères chrétiens ont déjà comparu au comité. Je ne connais pas personnellement cette organisation. Quand nous avons lancé l'invitation, c'est M. Logan qui a répondu. Il a été question qu'il comparaisse à titre individuel plutôt qu'en tant que représentant des Frères chrétiens. Je lui ai expliqué que ce ne serait pas possible parce que nous avions décidé de ne pas entendre d'intervenants à titre individuel.

Pour ce qui est de la nature de l'Église des Frères chrétiens, je ne peux pas en parler, car je ne sais pas. Je me fie à notre personnel. Il nous a soumis une liste que nous avons examinée, et où cette Église figurait en tant qu'organisation.

Le greffier souhaite-t-il ajouter quelque chose?

Le greffier du comité: Non.

Le président: Sauf objection, M. Logan représente donc les Frères chrétiens. Cette organisation a déjà comparu devant des comités parlementaires dans le passé.

Les deux témoins que nous allons entendre sont donc les Frères chrétiens, représentés par M. Logan, et la Conférence des évêques catholiques du Canada, représentée par l'Évêque Brendan O'Brien et Monseigneur Peter Schonenbach.

Sans plus tarder, je vais donner la parole au représentant de la Conférences des évêques catholiques du Canada et leur préciser que chacune des organisations a dix minutes pour faire un exposé et qu'ensuite nous aurons une discussion avec les membres du comité. Merci.

Son excellence monseigneur Brendan O'Brien (évêque, Conférence des évêques du Canada): Merci, monsieur le président. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir donné l'occasion de venir témoigner à votre comité et de faire cet exposé.

Je m'appelle Brendan O'Brien. Je suis l'évêque du diocèse catholique romain de Pembroke en Ontario, et membre de la direction de la Conférence des évêques catholiques du Canada. Je suis accompagné de monseigneur Peter Schonenbach, secrétaire général de la conférence. Je vais lui demander de commencer notre exposé.

[Français]

Son excellence monseigneur Peter Schonenbach (Conférence des évêques catholiques du Canada): La Conférence des évêques catholiques du Canada, la CECC, est l'association nationale des évêques catholiques. Elle a été fondée il y a plus de 55 ans et elle représente les évêques de 75 diocèses catholiques du pays, qui ont la charge pastorale de quelque 12,5 millions de catholiques.

Au cours des dernières années, la CECC a participé au débat portant sur les mêmes avantages dans les divers groupes de discussion, y compris à la Cour suprême du Canada comme membre d'une coalition multiconfessionnelle pour la cause Egan dans laquelle il était question de la définition du conjoint, et devant le comité de la Chambre des communes sur le projet de loi C-33 visant à amender la Loi canadienne sur les droits de la personne. La CECC a également fait parvenir de nombreuses lettres au premier ministre, aux membres du Cabinet et aux comités du Parlement, en son nom et en collaboration avec l'Organisme catholique pour la vie et la famille, dont la CECC est un des membres fondateurs.

Les diverses initiatives gouvernementales et les réactions au jugement de la cour à ce sujet illustrent combien il devient difficile d'avoir des conversations réfléchies et respectueuses à propos des questions sociales délicates. Espérons qu'au cours de cette année 2000, année où les chrétiens célèbrent le Grand Jubilé selon la tradition biblique de renouveau et de réconciliation, tous les peuples de bonne volonté pourront se réunir et avoir le temps de discuter de ce projet de loi de façon constructive.

• 1545

Dans toutes les interventions précédentes, la CECC a considéré les projets de loi et les suivis à la cour à la lumière des principes suivants de l'enseignement de l'Église.

Il y a d'abord la dignité de la personne humaine. Au centre de l'enseignement de l'Église se trouvent le respect et la dignité de chaque personne, du fait que chaque personne, sans exception, est unique et créée à l'image et à la ressemblance de Dieu.

Deuxièmement, il y a le principe du mariage comme institution sociale et sacrement. Oui, nous croyons que le mariage est une union exclusive et permanente entre un homme et une femme, une relation d'amour ouverte à la possibilité d'une nouvelle vie. C'est à la fois un sacrement et une institution sociale vitale. Le mariage est le pivot de la stabilité de la famille pour les soins à lui prodiguer et l'éducation des générations futures. Le juge Gérard V. La Forest a dit dans la cause Egan, et je cite:

    Qu'il me suffise de dire que, depuis les temps immémoriaux, le mariage fait corps avec notre tradition légale, tradition qui emprunte à de vieilles et solides traditions philosophiques et religieuses. Mais sa raison d'être ultime transcende tous ces facteurs et s'enracine fermement dans la réalité biologique et sociale que les couples hétérosexuels sont les seuls qui peuvent procréer, que la plupart des enfants sont le fruit de cette union et qu'ils sont généralement soignés et élevés par ceux et celles qui vivent dans un tel état.

Toutes les civilisations du monde ont leurs propres institutions, traditions et rituels de mariage. L'engagement public d'un homme et d'une femme est universel. Pour l'Église, toutefois, le mariage constitue une réalité sacrée:

    Le sacrement du Mariage signifie l'union du Christ et de l'Église. Il donne aux époux la grâce de s'aimer de l'amour dont le Christ a aimé son Église; la grâce du sacrement perfectionne ainsi l'amour humain des époux, affermit leur unité indissoluble et les sanctifie sur le chemin de la vie éternelle.

L'Église catholique a toujours enseigné que les relations sexuelles entre un homme et une femme doivent avoir lieu uniquement à l'intérieur du mariage et être faites en vue de la procréation. Pour cette raison, nous considérons que les relations sexuelles hors mariage, qu'elles soient hétérosexuelles ou homosexuelles, sont moralement inacceptables.

[Traduction]

Monseigneur Brendan O'Brien: Voici nos remarques sur le projet de loi C-23. Comme évêques, il n'est pas de note ressort d'examiner en détail tous les changements que le projet de loi C-23 propose d'apporter à 68 lois différentes. Nous voudrions cependant faire un commentaire sur l'objectif général énoncé par le gouvernement, qui consiste à étendre les avantages et obligations aux partenaires de même sexe, sur la même base que ceux conférés aux couples de sexe opposé vivant en union de fait.

Nous avons constamment demandé au gouvernement de répondre aux défis des tribunaux et aux pressions sociales pour étendre les avantages de façon à protéger l'institution du mariage et la définition quasi universelle du terme «époux». Nous exprimons notre reconnaissance d'avoir pu nous faire entendre comme bien d'autres pour qui le mariage et les conditions qui y sont associées présentent une signification profonde et ont une grande importance, dans la mesure où le projet de loi C-23 semble effectivement avoir répondu à cette attente.

Les couples mariés jouent dans la société un rôle de service à autrui et distinct de toute autre forme de relations humaines, qu'elles soient amoureuses, intenses ou interdépendantes. Le mariage entre un homme et une femme, fondé sur un amour réciproque, comporte la probabilité d'avoir des enfants à charge. Une minorité de couples cependant, soit en raison d'infertilité ou par choix personnel, n'auront pas d'enfants. Mais cela n'altère pas la possibilité de procréer basée sur les fondements biologiques d'un mariage hétérosexuel, fondement qu'aucune tendance dans les courants d'idées ou les nouvelles technologies ne peut changer.

• 1550

Nous soutenons fermement qu'il faut maintenir la distinction entre le mariage et d'autres formes de relations, en raison de la contribution établie du mariage à la stabilité de la famille et à l'avenir de la société. Nous espérons que le gouvernement trouvera des façons d'affirmer et de reconnaître ce rôle essentiel tant dans la substance que dans la forme. Une bonne façon de commencer serait de réaffirmer dans le projet de loi C-23 la définition du mariage qui a été appuyée par une majorité écrasante le 8 juin 1999 à la Chambre des communes, par voie de la motion suivante qui a été adoptée par 216 voix contre 55:

    Que, de l'avis de la Chambre, il est nécessaire, parallèlement au débat public entourant les récentes décisions judiciaires, de confirmer que le mariage est et doit demeurer exclusivement l'union d'un homme et d'une femme, et que le Parlement prendra toutes les mesures voulues dans les limites de sa compétence pour préserver au Canada cette définition du mariage.

Le fondement historique des avantages pour les couples hétérosexuels tient à ce que la plupart des enfants naissent et sont nourris par la cellule familiale. Ce qui a été affirmé, ce n'est pas la nature amoureuse de la relation ou la relation sexuelle en soi, mais le fait que ces couples sont sujets à avoir des enfants sur lesquels repose l'avenir de la société.

Étant donné que le projet de loi C-23 n'étend pas les avantages en vertu de la possibilité de la procréation et qu'il efface, ce faisant, la distinction importante entre couples de sexe opposé et partenaires de même sexe, il semble maintenant qu'il n'y ait pas de principe de base empêchant qu'on étende les avantages à d'autres personnes qui vivent également une relation à long terme fondée sur une dépendance réciproque, tel que des frères et soeurs, des amis, de la parenté, des enfants adultes et leurs parents, etc.

Voici en conclusion notre position générale sur ce projet de loi.

Premièrement, nous sommes reconnaissants au gouvernement d'avoir répondu aux voix fortes et constantes qui ont demandé que la distinction entre le mariage—ainsi que les termes qui y sont associés, tels que «époux»—et les autres formes de relations soient maintenues.

Deuxièmement, le gouvernement doit trouver des façons de renforcer et protéger le mariage qui est une institution fondamentale dans la construction d'une civilisation.

Troisièmement, en abandonnant le motif historique pour l'attribution des avantages aux unions qui ont la capacité inhérente de procréer et de contribuer ainsi à l'avenir du pays, le gouvernement n'a pas d'autres choix que d'inclure d'autres formes de relations qui sont aussi solides et interdépendantes que celles qui ont un aspect sexuel.

Quatrièmement, étant donné l'importance de chaque enfant pour l'avenir de notre société, le gouvernement doit s'assurer qu'indépendamment du statut des parents de l'enfant, les droits et besoins de tout enfant sont protégés par des politiques et programmes gouvernementaux appropriés fondés sur les meilleurs intérêts de l'enfant.

Cinquièmement, nous considérons que la Loi sur les droits de la personne ainsi que la Charte canadienne des droits et libertés continueront de protéger la liberté de religion et le droit de faire des choix selon diverses références pour les organismes religieux et les communautés de foi.

Les questions entourant le projet de loi C-23 ont de profondes implications sur nos relations personnelles et sociales, sur nos institutions publiques et privées et sur notre vie commune dans une société pluraliste. Nous estimons que nos commentaires constituent une contribution constructive qui, nous l'espérons, sera prise en compte au cours du débat qui se poursuit.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre M. Logan, au nom des Frères chrétiens.

M. Don Logan: Merci, monsieur le président.

Je souhaite remercier le président et les membres du comité de m'avoir donné l'occasion de vous parler de mes frustrations au sujet de ce projet de loi C-23. Il est à porter au crédit de notre régime parlementaire canadien qu'il soit ouvert aux opinions contradictoires. J'espère que vous jugerez utile mon intervention.

En tant que croyant en Notre Seigneur Jésus-Christ, je considère que la Sainte Bible est la parole inspirée de Dieu, qui me guide dans chaque moment de ma vie, et j'essaie constamment d'en suivre les directives et les préceptes. Je sais que je suis loin de parvenir à cet idéal, mais je cherche sincèrement l'aide de Dieu pour lui obéir implicitement.

Avant d'aborder mon bref exposé, je voudrais encore une fois souligner à quel point j'admire l'excellent gouvernement que nous avons au Canada. Je remercie chaque jour Dieu de ce régime, et je m'efforce d'en être un sujet obéissant. En même temps, j'estime avoir le devoir de témoigner contre l'abandon des premiers principes qui figuraient dans le projet de loi que nous examinons aujourd'hui.

Le problème du projet de loi C-23, c'est que son principe de base va à l'encontre des Saintes Écritures dans les principaux arguments qu'il énonce. Il n'est pas question ici de persécuter une minorité désavantagée ni de témoigner un manque de respect des droits de certains de nos concitoyens, sauf si quelqu'un a la témérité d'accuser la Bible elle-même de manifester une telle persécution ou un tel manque de respect. Je ne pense pas que quelqu'un l'ait fait.

• 1555

Comme des millions d'hommes et de femmes au Canada et dans le monde entier, je considère que les Saintes Écritures sont la parole de Dieu qui nous a été transmise et qui constitue une bénédiction pour l'humanité depuis des siècles. Les Écritures témoignent de son amour et de sa justice, de sa bonté et de sa sérénité. On y trouve tous les trésors de la sagesse et de la connaissance.

La Bible interdit explicitement les relations sexuelles en dehors du mariage. On pourrait en citer maints passages. Les Écritures interdisent clairement la fornication, 1 Corinthiens 6:18; l'adultère, épître aux Romains 13:9; et les actes homosexuels, épître aux Romains 1:26-27. Or, le projet de loi C-23 vise globalement à légitimiser les relations sexuelles à l'extérieur du mariage. Le Psaume 94.20 parle d'ériger le mal en loi, et c'est à peu près ce que l'on est en train de faire, même si ce n'est pas l'intention.

Il n'est évidemment pas difficile de comprendre pourquoi beaucoup de vos électeurs sont scandalisés par un projet de loi qui est une véritable insulte à l'enseignement de la Bible. Beaucoup ne viennent pas vous le dire ici, car ils sont convaincus d'après leur expérience de ces dernières années qu'on ne les écoutera pas.

Vous me direz peut-être que j'oublie que ce genre de choses existe depuis des temps immémoriaux, et c'est certes vrai, mais c'était sans la sanction d'une loi, du moins jusqu'à tout récemment, et jamais avec l'approbation généralisée implicite dans le projet de loi C-23.

Les commentaires publiés des personnes qui pensent qu'elles profiteront de ce projet de loi témoignent bien de son effet. Ces personnes disent: «Cela va nous donner la respectabilité que nous demandons, cela va nous intégrer à l'ensemble de la société, cela montre que nos rapports sont tout aussi acceptables que ceux des autres». C'est le genre de choses qu'on peut lire dans la presse depuis plusieurs semaines. On parle très peu des avantages financiers substantiels qu'apporte le projet de loi. Ce qui importe aux personnes concernées, c'est la reconnaissance et l'approbation de leur situation.

Ce que je trouve déplorable dans ce projet de loi, c'est qu'il s'écarte des principes moraux sur lesquels s'est fondée notre nation en donnant un solide prétexte à nos concitoyens, en particulier aux jeunes, pour s'écarter des saines normes de conduite morale sous prétexte que la loi va désormais autoriser et même encourager de tels écarts. Le coût pour notre pays sera incommensurable, qu'il se manifeste sous forme de tristesse, d'abandon de famille, de divorce, de maladie ou de criminalité. Ce projet de loi ouvre la porte à un monde de chagrin.

À propos de l'obligation du mariage il y a 150 ans, un sage enseignant chrétien disait, et je cite:

    [...] on ne saurait le prendre trop à la légère; institué au paradis et confirmé par le Seigneur lui-même, sa sainteté constitue, je n'en doute pas, le lien providentiel de tout l'ordre moral du monde.

Autrement dit, le respect de la sainteté du mariage est le lien providentiel de tout l'ordre moral du monde. Je le crois.

Ce vieux monde a beaucoup dérapé depuis, et le lien du mariage a été méprisé et souillé. Mais le projet de loi C-23 constitue une accélération sans précédent de cette détérioration.

Certains répondent que la Cour suprême du Canada considère que le projet de loi C-23 est conforme à l'ordre des choses. Est-ce une justification? Le Parlement demeure, en principe tout au moins, le tribunal de dernier ressort. C'est pour cela que nous sommes ici aujourd'hui. Je vous conjure d'arrêter cette déchéance du cadre législatif du Canada.

Le vieux proverbe dit que qui veut peut. Je vous supplie de trouver ce pouvoir pour notre bien, et plus important encore, pour le bien des générations à venir.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons passer aux questions des membres du comité, et commencer par M. Lowther, pour sept minutes.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je remercie les témoins. J'aimerais poser quelques questions aux deux membres de l'Église catholique.

En lisant votre mémoire, je constate que vous considérez le mariage comme un sacrement et une institution sociale vitale. Je voudrais me concentrer sur cette notion d'institution sociale vitale. Je vois aussi que dans votre mémoire vous dites que les relations sexuelles en dehors de mariage, qu'il s'agisse de relations hétérosexuelles ou homosexuelles, sont moralement inacceptables pour l'église, mais que vous ajoutez ensuite:

    Nous soutenons fermement qu'il faut maintenir la distinction entre le mariage et d'autres formes de relations, en raison de la contribution établie du mariage à la stabilité de la famille.

• 1600

Un peu plus loin, vous ajoutez, à propos du projet de loi, je crois:

    Ce qui a été affirmé, ce n'est pas la nature amoureuse de la relation ou la relation sexuelle en soi, mais le fait que ces couples sont sujets à avoir des enfants sur lesquels repose l'avenir de la société.

La réalité de fait au Canada aujourd'hui, c'est que beaucoup des avantages consentis aux couples mariés sont aussi consentis aux couples de concubins. Je comprends que l'église soit plus favorable à une reconnaissance marquée du mariage plutôt que du concubinage, mais étant donné que cette situation existe de fait... Vous soulignez judicieusement que certains des avantages consentis aux personnes mariées en raison de leurs possibilités de procréation ont été étendues aux personnes vivant en concubinage, mais qu'avec ce projet de loi, on entre dans une nouvelle formule de principes d'un tout autre ordre.

Pourriez-vous développer cela un petit peu plus? Je pense qu'il faut admettre l'union de fait, et une réalité un petit peu différente, celle des conjoints de fait, qui nous entraîne dans un domaine différent.

Monseigneur Brendan O'Brien: Si je puis commencer, nous croyons parler du mariage tel que le conçoit l'église catholique et aussi tel qu'il existe légalement dans notre pays qui attache à ce mariage certains avantages et certaines obligations. Au fil des ans, nous en sommes venus à reconnaître les unions de fait entre un couple de sexe opposé.

L'église catholique fait beaucoup de travail de préparation au mariage, par exemple. Nous avons fait des études et nous savons que la préparation au mariage de personnes qui vivent en union de fait ou ont une relation prémaritale ne contribue pas à la stabilité de mariage de ces personnes, contrairement à ce que l'on pourrait croire. En fait, les statistiques montrent que quand des personnes qui vivaient en union de fait ou dans une situation analogue se marient, leur mariage n'est pas tellement stable.

Nous défendons donc et le sacrement du mariage tel que le conçoivent les catholiques et l'institution du mariage telle que la conçoit le pays.

Dans les unions de fait où les conjoints sont de sexe opposé, la raison pour laquelle on leur a accordé une partie des avantages dont bénéficient les couples mariés, c'est la possibilité inhérente que ces unions donnent naissance à des enfants.

Quand vous dites maintenant que vous ne pouvez pas avoir seulement des unions de fait entre personnes de sexe opposé mais aussi entre personnes du même sexe, vous ne pouvez pas justifier cela sur la capacité inhérente de procréer et d'élever des enfants. Il faut donc modifier un peu la justification et dire que c'est à cause du lien d'interdépendance et de son caractère sexuel. Il y a donc un gros changement lorsque l'on élargit les motifs donnant droit aux avantages dont bénéficient les unions de fait, non plus seulement aux couples de sexe opposé mais aussi aux couples de même sexe.

M. Eric Lowther: La raison première de ces avantages a donc changé, à mon avis.

Plus tôt ce matin, quelqu'un a dit que le critère déterminant est le concept de «conjugalité». On en a beaucoup parlé, sur la question de savoir si une union conjugale suppose des rapports sexuels. Certains disent que non, d'autres peut-être et d'autres encore affirment que oui. Quel est votre avis sur ces points?

• 1605

Monseigneur Brendan O'Brien: Cela dépend du sens que vous donnez au mot «conjugal». Je ne sais pas en fonction de quoi les gens disaient que cela suppose ou non des rapports sexuels. Il est évident, par exemple, que le lien entre un frère et une soeur ou un parent et un enfant ne constitue pas un lien conjugal. Il faut donc faire ces distinctions.

À quoi pensiez-vous comme lien conjugal ne comportant pas d'élément sexuel?

M. Eric Lowther: Ne pensez-vous pas que normalement, quand les gens entendent parler du relation conjugale ils supposent intuitivement que cela signifie que la relation est consommée dans une forme quelconque d'activité sexuelle, qui en est l'un des éléments principaux, sinon l'élément essentiel?

Monseigneur Brendan O'Brien: Dans notre compréhension du mariage au sein de l'Église catholique romaine, la personne a le droit à des rapports sexuels s'il elle est mariée et son conjoint doit pouvoir lui accorder ce droit, sinon il n'y a pas de base pour un mariage.

M. Eric Lowther: Et quand vous utilisez cela dans l'Église catholique, ce droit à des rapports sexuels signifie des rapports physiques, qui peuvent engendrer des enfants, ce genre de choses?

Monseigneur Brendan O'Brien: Oui.

M. Eric Lowther: C'est donc votre façon de voir. Merci.

Le président: Cela fait sept minutes.

[Français]

Monsieur Ménard.

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Sans vouloir vous manquer de respect et avec toute la déférence qui est due à ceux qui croient à la liberté d'expression, je ne peux pas m'empêcher de vous signaler qu'il m'apparaît qu'il y a trois caractéristiques qui imprègnent votre témoignage: une certaine démesure, un bon lot de préjugés et, certainement, un manque de rigueur. Et là-dessus, je voudrais m'expliquer.

Il y a démesure parce que, évidemment, je ne peux pas souscrire à l'idée—et ça prendra la forme de questions—ni à des affirmations comme celles qui sont faites par M. Logan, quand on lit, à la page 3, que le projet de loi va créer un monde de douleur. Évidemment, il y a un excès de langage qui, je pense, ne peut pas être juridiquement étayé.

Vous vous étiez présentés devant nous lorsque le gouvernement fédéral avait amendé la Loi canadienne sur les droits de la personne et vous teniez à peu près le même discours. À ce que je sache, le fait qu'on ait ajouté l'orientation sexuelle dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, comme les tribunaux nous demandaient de le faire, n'a pas créé un monde de douleur.

Il y a aussi un certain nombre de préjugés. Je ne vois pas comment vous pouvez soutenir que moi qui suis homosexuel, qui aime les hommes et qui suis régulièrement engagé dans une relation homosexuelle, j'ai des relations moins authentiques et moins gratifiantes et que je contribue moins à la société canadienne que ceux qui sont hétérosexuels. C'est un manque de rigueur et c'est un peu décevant parce que vous vous présentez devant nous en sonnant l'alarme. Vous nous dites qu'en changeant la définition du mariage, nous faisons un affront au mariage. Il faut être très clair: vous pouvez ne pas être d'accord sur le but de la loi mais, contrairement à ce que dit M. Logan, nous écoutons tous les témoins, qu'ils soient pour ou qu'ils soient contre, et nous engageons le dialogue avec tous. Vous ne pouvez pas, en toute rigueur, écrire dans vos mémoires que cela va avoir quelque incidence que ce soit sur le mariage, du moins dans la définition juridique qu'on en donne, parce que ça ne change pas la définition du mariage.

Cela m'amène à vous poser deux questions. Premièrement, quand vous vous présentez devant un comité parlementaire, quel est votre mécanisme de consultation? Par exemple, dans Hochelaga—Maisonneuve, dans l'est de Montréal, il y a une douzaine de paroisses. Il y a une communauté chrétienne très vibrante sans laquelle mon quartier ne serait pas ce qu'il est—et Dieu sait que je travaille très bien avec eux—, et je ne crois pas que les pasteurs, ceux qui ont charge de cette communauté chrétienne dans Hochelaga—Maisonneuve, se reconnaîtraient dans un discours comme celui que vous tenez. C'est ma première question.

J'ai une deuxième question et je m'arrêterai là-dessus. Quand M. Logan dit que les gens n'appuient pas ce projet de loi, je crois, malgré tout le respect que je lui dois, qu'il erre et qu'il est «dans les patates». Selon l'information la plus récente que nous avons, il y a 75 p. 100 des Québécois—je ne prétends pas parler pour le reste du Canada—qui sont d'accord pour qu'on mette fin à la discrimination et qui souhaitent que les gouvernements légifèrent.

• 1610

Alors j'aimerais bien que M. Logan nous dise, en toute rigueur, sur quoi il se base pour dire que les Canadiens ou les Québécois n'appuient pas ce projet de loi. Quel est votre mécanisme de consultation? Croyez-vous qu'il existe dans la société de la discrimination à l'endroit des homosexuels, et êtes-vous à l'aise face à cela? Voilà mes trois questions.

[Traduction]

M. Don Logan: Voulez-vous répéter la première?

[Français]

M. Réal Ménard: Il y a trois questions. Quand vous dites que les Canadiens ou les Québécois n'appuient pas le projet de loi et les démarches visant à mettre fin à la discrimination et à reconnaître les conjoints de même sexe, je pense que c'est une affirmation complètement gratuite, qui méprise complètement la réalité, et que vous êtes dans l'erreur. On a des sondages à répétition qui nous disent exactement le contraire.

Deuxièmement, le processus de représentation qu'est le vôtre m'amène à penser que vous ne parlez pas au nom des évêques ou des pasteurs qui sont responsables de la communauté chrétienne de mon comté d'Hochelaga—Maisonneuve, qui ne se reconnaîtraient certainement pas dans votre discours. Donc, je vous demande quel a été votre mécanisme de consultation pour la présentation du mémoire que vous déposez aujourd'hui.

Troisièmement, je vous demande si vous croyez qu'il existe, dans la société canadienne, de la discrimination à l'endroit des couples homosexuels.

[Traduction]

M. Don Logan: Commençons par la première.

Je ne doute pas qu'il y a de la discrimination contre les couples homosexuels. Je ne pense pas qu'on puisse m'en accuser, même si vous pouvez le penser. Mais il ne fait pas de doute qu'il y a discrimination. Je suis contre—par exemple, le mauvais traitement des homosexuels. Je suis tout à fait contre.

Est-ce que cela vous aide?

[Français]

M. Réal Ménard: Ça ne répond pas à la question, mais c'est un bon début. Si vous estimez qu'il y a de la discrimination, est-ce que vous reconnaissez qu'il est du devoir des législateurs d'y mettre fin? Est-ce que vous acceptez, comme valeur chrétienne, que la discrimination continue d'exister dans la société canadienne?

[Traduction]

M. Don Logan: La question essentielle, évidemment, c'est de savoir ce qui constitue de la discrimination. C'est une très vaste question. Je dis en tout cas qu'il ne devrait pas y avoir de violence.

En réponse à la première question, je peux vous assurer que dans ma communauté personne ne serait en désaccord avec ce que je dis ici. C'est une petite communauté. Je ne peux pas parler pour les communautés que les évêques représentent. Ils voudront peut- être répondre eux-mêmes. Mais je connais ma communauté.

[Français]

M. Réal Ménard: Ce n'est pas ce que vous avez dit. Vous avez dit que les Canadiens n'appuyaient pas le projet de loi. Vous avez parlé des Canadiens qui ne viennent pas devant le comité parce qu'ils ont peur qu'on ne les écoute pas. Parler pour votre communauté, c'est une chose, mais dire que la population n'appuie pas le projet de loi, c'en est une autre. Que vous soyez autorisé à parler pour votre communauté, cela ne me pose pas de problème. Il est possible que votre communauté n'appuie pas le projet de loi, mais entre votre communauté, les Canadiens et les Québécois, il y a des univers qui peuvent être très différents.

[Traduction]

M. Don Logan: Il y a beaucoup d'opinions différentes. Je le sais. Mais vous remarquerez que je parle «d'un grand nombre de nos membres»; je n'ai pas dit tous les Canadiens. Beaucoup de nos membres sont inquiets.

[Français]

M. Réal Ménard: Que veut dire «beaucoup de nos contribuables»? Quand il y a 75 p. 100 des Québécois qui appuient la fin de la discrimination et la reconnaissance des conjoints de même sexe, on commence à ratisser large. Il ne doit pas y en avoir tant que cela qui ne sont pas d'accord; peut-être 20 ou 25 p. 100.

Enfin, passons la parole à vos collègues, si vous le permettez. Je voudrais connaître leur mécanisme de représentation.

Monseigneur Peter Schonenbach: Je dois d'abord dire que c'est la première fois de ma vie que je rencontre M. Logan. Il n'y a aucun lien entre notre présentation et la sienne.

Évidemment, la Conférence des évêques catholiques du Canada a une longue tradition de consultation. Tout ce que nous présentons ici a été vu clairement par tous nos évêques. Les évêques, bien sûr, sont toujours en consultation avec ceux qu'ils représentent.

Ce que nous disons ici se base sur la grande tradition que nous représentons. Nous étions ici quand on a débattu de projets de loi précédents, et ce que nous disons est une continuité de ce que nous avons dit plus tôt.

M. Réal Ménard: Je termine là-dessus...

Le président: Merci, monsieur Ménard.

[Traduction]

Monsieur Robinson.

M. Svend Robinson: Merci, monsieur le président.

• 1615

Je remercie les témoins d'être venus comparaître. Je suis l'un de ceux qui ont eu le plaisir d'interroger les représentants de la Conférence des évêques catholiques pendant les audiences sur le projet de loi C-33. Mes souvenirs sont très nets. Ils ont comparu à cette occasion pour s'opposer aux dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne interdisant la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle—autrement dit, pour empêcher des gens d'être expulsés de chez eux ou d'être congédiés à cause de leur orientation sexuelle. Les évêques étaient contre cela à ce moment-là.

J'ai parcouru mes dossiers et j'ai trouvé un article très intéressant de la Gazette de Montréal qui date de 1984: «L'Église catholique ne renoncera jamais à condamner les rapports sexuels pour le plaisir». Le secrétaire général de la Conférence canadienne des évêques catholiques, le Révérend André Vallée—peut-être le connaissez-vous—a déclaré que l'Église catholique condamne les rapports sexuels pour le plaisir, même au sein du mariage et ne cédera jamais.

Pour satisfaire ma curiosité, l'Église est-elle revenue sur sa position depuis ou a-t-elle la même?

Monseigneur Brendan O'Brien: Voulez-vous dire à l'intérieur du mariage?

M. Svend Robinson: C'est de cela qu'il parlait. À l'intérieur du mariage, oui.

Monseigneur Brendan O'Brien: Eh bien, je pense que les rapports sexuels à l'intérieur du mariage peuvent être une source de plaisir, mais il y a beaucoup d'autres choses qui y sont associées également.

M. Svend Robinson: Eh bien, il est bon de voir qu'il y a une évolution sur ce point, parce que cela n'était pas admis du tout. Peut-être dans quinze ans il y aura d'autres...

Monseigneur Brendan O'Brien: Je suis plutôt étonné. Si vous consultez les documents de Vatican II, où il est question du mariage...

M. Svend Robinson: Je serais heureux de vous remettre une copie de l'article. C'est le secrétaire général qui parle.

Monseigneur Brendan O'Brien: Je ne crois pas toujours ce que je lis dans les journaux.

M. Svend Robinson: Eh bien, peut-être voudriez-vous en discuter avec le Révérend Vallée.

Monseigneur Peter Schonenbach: Il se peut aussi parfois qu'un secrétaire général ait la langue de bois. J'essaie d'éviter cela.

M. Svend Robinson: On ne sait jamais.

J'ai aussi un autre document que vous connaissez peut-être; il s'agit du catéchisme de l'Église catholique. Ce document, entre autres, désigne les actes homosexuels comme des «actes d'une grave dépravation», «intrinsèquement déséquilibrés», «contraires à la loi naturelle», et qui «ne procèdent pas d'une authentique complémentarité sexuelle affective». Il déclare également que «les personnes homosexuelles sont invitées à la chasteté». Autrement dit, les gais et les lesbiennes ne doivent jamais avoir de rapports sexuels, point à la ligne. C'est la position de l'Église catholique, n'est-ce pas?

Monseigneur Brendan O'Brien: La position de l'Église catholique sur ce point est que la seule activité sexuelle jugée morale, que ce soit pour les hétérosexuels ou les homosexuels, a lieu à l'intérieur du mariage.

M. Svend Robinson: Oui. Vous dites également que le mariage ne doit pas être ouvert aux gais et aux lesbiennes.

Monseigneur Brendan O'Brien: Précisément.

M. Svend Robinson: Ce que vous dites, donc, c'est que toute activité sexuelle des gais et des lesbiennes avec d'autres gais et lesbiennes est immorale, inacceptable et est un péché.

Monseigneur Brendan O'Brien: C'est cela.

M. Svend Robinson: Il n'est pas étonnant lorsque vous comparaissez devant un comité pour discuter d'un projet de loi destiné à admettre et reconnaître les unions homosexuelles... Si vous dites ne même pas admettre la possibilité morale d'unions homosexuelles, il n'est pas étonnant que vous disiez ne pas vouloir reconnaître les unions des gais et des lesbiennes. Il n'est pas étonnant du tout que vous voudriez que moi et M. Ménard et d'autres gais et lesbiennes vivent une vie dépourvue de tout rapport sexuel.

J'imagine que la vie d'un prêtre... Nous savons qu'il y a beaucoup de prêtes homosexuels dans l'Église catholique et nous savons que, tragiquement, un trop grand nombre d'entre eux sont morts du sida. De toute évidence, ce n'est pas une interdiction qu'ils ont respectée, et c'est un drame.

Nous savons aussi que dans l'Église catholique, puisque l'on parle de valeurs morales, il y a eu d'énormes problèmes de sévices sexuels sur des enfants. J'espère que l'Église est aussi énergique et déterminée dans la lutte contre ces sévices, qui étaient monnaie courante au sein de votre institution, et qui ont été exercés par des prêtres sur des enfants que vous l'êtes dans la lutte contre le péché chez les homosexuels.

J'aimerais vous poser une question à propos des avantages. Le texte propose d'accorder des avantages aux conjoints de même sexe tout comme ils le sont aux conjoints de fait hétérosexuels. Vous avez dit que, parce qu'il est au moins possible pour les conjoints de fait hétérosexuels d'élever des enfants, c'est une toute autre paire de manches et que les avantages dans leur cas devraient être traités séparément.

J'ai deux questions sur ce point. Tout d'abord, si le critère c'est d'élever des enfants, vous devez être d'accord pour octroyer des avantages aux familles où des enfants sont élevés par des parents qui sont des lesbiennes ou des homosexuels. Êtes-vous d'accord? Voilà ma première question, si vous vous souciez des enfants.

• 1620

Deuxièmement qu'en est-il des avantages qui n'ont rien à voir avec l'éducation des enfants? La pension de survivant, par exemple, et tout l'éventail des autres avantages. En fait, la plupart des avantages visés par le projet de loi C-23 n'ont rien à voir avec le fait d'élever des enfants. Admettez-vous que si nous traitons sur un pied d'égalité les unions de fait hétérosexuelles et les unions de fait homosexuelles, s'il n'est pas question d'enfants ou de les élever, l'argument que vous venez de formuler n'a aucune justification?

Monseigneur Brendan O'Brien: En réponse à la première question, concernant les gais et les lesbiennes qui élèvent des enfants, nous disons dans notre mémoire que l'idéal pour l'enfant... C'est le numéro 4.

    Étant donné l'importance de chaque enfant pour l'avenir de notre société, le gouvernement doit s'assurer, qu'indépendamment du statut des parents de l'enfant, les droits et besoins de tout enfant sont protégés par des politiques et programmes gouvernementaux appropriés fondés sur les meilleurs intérêts de l'enfant.

Par exemple, dans le cas où une lesbienne a eu un enfant dans un mariage puis est entrée dans une union lesbienne, il est entendu dans mon esprit que l'enfant ferait partie d'office de cette union, si la mère obtient la garde de l'enfant.

M. Svend Robinson: Reconnaissez-vous là des familles qui doivent aussi être aidés?

Monseigneur Brendan O'Brien: Je pense que la loi devrait donner... L'enfant appartient à cette personne, si bien que ce serait semblable à la situation où quelqu'un est veuf, par exemple. La situation normale serait que l'enfant serait élevé dans un...

M. Svend Robinson: Je veux seulement bien comprendre. Vous admettez que ces familles doivent aussi être encouragées et recevoir les mêmes avantages?

Monseigneur Brendan O'Brien: Oui, oui.

M. Svend Robinson: Bien.

En ce qui concerne l'autre question, les autres avantages...

Monseigneur Brendan O'Brien: Il y a deux façons d'envisager la chose. Ce que nous disons c'est qu'une fois que vous modifiez les avantages, qu'ils sont associés non plus à une union au sein de laquelle il est, par définition, au moins possible d'élever des enfants, mais à un lien d'interdépendance auquel vient s'ajouter, pour quelque raison que ce soit, une dimension sexuelle, pourquoi s'arrêter là? Pourquoi ne pas les accorder à toutes les formes de liens d'interdépendance?

Le président: Veuillez être bref, monsieur Robinson.

M. Svend Robinson: Oui, je vais essayer.

Ne voyez-vous pas qu'il y a une distinction fondamentale? Par exemple, l'union entre moi et mon conjoint n'est pas uniquement de nature sexuelle. C'est une union qui repose sur un engagement profond et sur l'amour. Ne voyez-vous pas la différence entre cette union et les liens qui existent, par exemple, entre deux prêtres qui habitent ensemble et qui, en théorie en tout cas, n'ont pas de rapports sexuels? Ne voyez-vous pas la distinction?

Monseigneur Brendan O'Brien: Il y a une distinction, mais quant à savoir s'il faut la reconnaître en créant une catégorie distincte, je n'en suis pas convaincu.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Maloney ou monsieur McKay?

M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Par courtoisie, je vais céder ma place à mon collègue, en raison de ma position.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Quelle générosité de votre part.

M. John Maloney: J'ai quelques observations à faire, cependant.

M. John McKay: Je m'adresse au panel. La question est toute simple. Qu'a de particulier le mariage pour justifier une protection juridique? Qu'a-t-il de particulier?

Deuxièmement, pensez-vous que si l'institution du mariage était protégée en droit, cela exercerait une discrimination contre les autres unions ou est-ce une façon de la distinguer d'autres types d'union?

Monseigneur Brendan O'Brien: La première question était...

M. John McKay: Qu'est-ce qui fait la particularité du mariage? Je suis délibérément polémique et provocateur, mais je veux que votre réponse soit consignée au compte rendu.

M. Svend Robinson: Je peux vous citer, John?

M. John McKay: Polémique et provocateur?

Monseigneur Brendan O'Brien: Lorsqu'on examine la société, nous réalisons que nous dépendons énormément du mariage au profit de la société, assurément pour la procréation dont la société a besoin. Dans certaines parties de la société, nous n'atteignons même pas le taux de remplacement. Nous dépendons également beaucoup d'un milieu familial stable pour élever les enfants pour qu'ils atteignent leur plein potentiel comme membres de la société.

• 1625

À mon avis, la meilleure façon d'y parvenir est que les êtres prennent un engagement, non seulement entre eux en privé, mais aussi en public, devant l'État et devant l'Église s'ils pratiquent une religion, ce qui les aide à maintenir cet engagement parce que, comme nous le savons, la vie n'est pas toujours rose pendant toute la durée du mariage. Je crois donc qu'un lien juridique ou religieux est un facteur de plus en faveur de la stabilité du mariage, qui joue ce rôle important dans la société.

M. John McKay: Qu'est-ce qui fait la particularité du mariage, par rapport aux autres formes d'union, qui influe sur le bien-être de la société d'une manière ou d'une autre? Encore une fois, qu'est-ce qu'il a d'exceptionnel? Qu'est-ce qui fait que deux personnes qui se marient et deux autres dans une autre forme d'union, qu'ils soient du même sexe ou de sexe opposé...? Qu'est-ce que cela a d'exceptionnel pour l'Église et la société?

Monseigneur Brendan O'Brien: Pour moi, c'est l'institution sur laquelle repose la famille. Les autres institutions ou unions n'ont pas cette fonction. Et par rapport au mariage de fait, je dirais que la société est prise à témoin lorsque vous prononcez des voeux devant un juge de paix ou un ministre du culte. Il y a donc un engagement public de sorte que si le mariage prend fin, il y a aussi une forme de divorce public.

M. John McKay: Que répondez-vous à ceux qui pensent qu'il s'agit d'un anachronisme philosophique ou historique?

Monseigneur Brendan O'Brien: Eh bien, c'est leur opinion. Je sais qu'il y a beaucoup de gens qui sont de cet avis, mais lorsqu'on regarde la société, la plupart des sociétés ont constaté qu'il faut que le mariage et la famille soient stables pour que la société soit saine.

M. John McKay: Merci.

Le président: Monsieur Maloney.

M. John Maloney: Je remercie les évêques catholiques de leur mémoire soigneusement préparé. Quand je le lis, je ne vois vraiment rien qui me dit que vous êtes contre le projet de loi C-23. Vous dites que peut-être nous pourrions renforcer et protéger le mariage et vous citez la résolution adoptée au Parlement au mois de juin. Vous dites également qu'un avantage devrait être accordé à certains liens. Je vous ai bien compris?

Monseigneur Peter Schonenbach: Nous sommes en fait ici comme organisation appartenant à la société pour aider les législateurs à faire une chose qu'ils sont obligés de faire. La Cour suprême a rendu sa décision et vous devez maintenant trouver le moyen d'y donner suite.

Nous vous disons donc que nous sommes reconnaissants du travail que vous faites. Nous apprécions le fait que vous avez pris soin de maintenir une certaine distinction dans le cas du mariage. Nous pensons que c'est excellent. N'oubliez pas cependant qu'avec cette extension, comme monseigneur O'Brien l'a dit, vous entrez dans un domaine nouveau. Vous délaissez une vision des avantages fondés sur des principes en faveur de quelque chose de nouveau. Si vous passez à quelque chose de nouveau, nous disons dans ce cas: «Soyez logique: Accordez ces avantages à d'autres types de liens.»

Mais nous comprenons que la loi est là. Il n'y a pas de retour en arrière. Nous respectons la décision de la Cour suprême.

M. John Maloney: Merci.

Monsieur Logan, si l'un de mes cinq enfants rentrait un jour et m'annonçait qu'il est gai, est-ce que je l'aimerais moins et est-ce que je voudrais qu'il subisse une forme ou une autre de discrimination?

M. Don Logan: Je ne conçois pas que vous l'aimiez moins.

M. John Maloney: Non, en effet. Je l'aimerais tout autant.

Qu'en est-il d'une forme quelconque de discrimination?

• 1630

M. Don Logan: C'est un mot tellement difficile à définir. Moi- même, je ne pourrais pas avoir les mêmes rapports avec le fils qui s'y adonnerait qu'avec celui qui ne s'y adonnerait pas, pas plus qu'avec celui qui rentrerait dans une union de fait par rapport à celui qui ne le ferait pas.

M. John Maloney: Voudriez-vous qu'il soit traité de façon différente par les autres?

M. Don Logan: Oh, non.

M. John Maloney: Il y a une autre question avec laquelle je me débats.

Votre Dieu est un Dieu aimant...

Le président: Je vous signale que cela marque la fin de ce tour. Nous reviendrons à vous. N'oubliez pas ce que vous voulez dire.

M. John Maloney: Très bien. Merci.

Le président: Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: Merci, monsieur le président. Je vous en suis reconnaissant.

Monseigneur, je constate que le projet de loi C-23 modifie la définition de famille et de personne liée. Deux dispositions du texte définissent la famille et les personnes liées comme celles qui sont unies par les liens du mariage, les liens du sang ou l'adoption. L'union de fait a donc été en quelque sorte regroupée là-dedans en tant qu'union hétérosexuelle.

Quand je consulte le cathéchisme de l'Église catholique, cela correspond à peu près, à l'exception, peut-être, du mariage de fait, qui est hétérosexuel, mais c'est à peu près la même chose.

Selon la nouvelle définition du projet de loi C-23, deux hommes qui vivent ensemble depuis un an et ont ce qui s'appelle une relation «conjugale»—on peut discuter de ce que cela signifie et ce sont les tribunaux qui décideront—sont maintenant considérés comme une «famille». Selon vous est-ce que deux hommes qui vivent ensemble pendant un an constituent une famille?

Ce n'est pas que je veuille vous mettre sur la sellette, mais vous parlez pour un très grand nombre de citoyens qui souscrivent à un certain ensemble de valeurs et qui veulent que celles-ci se reflètent dans l'action du gouvernement.

Monseigneur Brendan O'Brien: Non, pour moi ce n'est pas une famille. Il y a beaucoup de gens qui veulent élargir le concept de famille à tout groupe de personnes qui veulent être ensemble pendant un certain temps. Mais je crois que c'est là la difficulté. En accordant une reconnaissance sociale comme celle-ci, je pense que l'on brouille les cartes.

Nous parlons de l'importance du mariage, mais nous connaissons aussi la fragilité du mariage aujourd'hui dans notre société. Le mariage n'est pas en très bonne santé et que nous avons besoin de tout l'encouragement possible pour être certain de ce qu'est le mariage et de ce qu'est la famille. Je pense qu'en élargissant ces concepts, on n'arrange pas les choses.

M. Eric Lowther: Je vous remercie de votre réponse. J'apprécie vos réponses aujourd'hui. Je ne suis pas catholique, mais plus je vous écoute et plus je pense à le devenir.

J'aimerais vous mettre un peu sur la sellette. Vous dites dans votre mémoire que vous êtes heureux de voir que le projet de loi protège l'institution du mariage comme institution vitale. Dans quelle mesure selon vous le projet de loi C-23 protège-t-il le mariage? En réalité, comment le fait-il?

Monseigneur Brendan O'Brien: Ce que nous avons suggéré, dans la première partie je crois, où nous disons que le projet de loi a évité d'assimiler union à mariage ou a évité d'utiliser des termes comme époux et a employé l'expression «conjoint de même sexe», je pense qu'au moins dans la terminologie on a essayé de conserver une distinction entre le mariage et les autres types d'union. Mais nous disons que ce n'est pas suffisant. En fait, nous ne sommes pas d'accord si le projet de loi accorde une plus grande reconnaissance sociale aux unions de même sexe.

M. Eric Lowther: Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Maloney, nous revenons à vous pour que vous puissiez terminer ce que vous disiez.

M. John Maloney: Merci.

Monsieur Logan, si vous me permettez de revenir où j'en étais, vous avez cité divers passages de la Bible qui interdisent les rapports sexuels en dehors du mariage et vous avez dit que les textes sacrés interdisent clairement la fornication.

Il y a de la fornication dans la société d'aujourd'hui. Il y a aussi de l'adultère et de l'homosexualité. Mais dans la société d'aujourd'hui, on ne lapide pas ces gens-là et on ne les punit pas non plus.

• 1635

Moi-même, je me débats avec cette question. Si votre Dieu est un Dieu juste et équitable et tolérant, je me demande comment Il voterait au sujet de cette loi s'Il était à ma place aujourd'hui.

M. Don Logan: Je pense savoir comment Il voterait, mais vous n'accepterez sans doute pas mon autorité en la matière. J'écoute Sa parole. Pour moi, c'est la parole de Dieu. Je l'accepte et je n'éprouve pas de doute. Je l'accepte au pied de la lettre.

M. John Maloney: Merci.

Le président: Monsieur Ménard, à vous la parole.

[Français]

M. Réal Ménard: Je suis prêt à faire un bout de chemin au niveau de l'explication chrétienne du monde. Pour moi, la religion est une explication du monde. Il peut y avoir différentes explications, comme il y a différentes religions. Mais je n'ai jamais pu comprendre le lien que vous faites entre l'existence de facto de l'homosexualité—il serait intéressant de savoir comment vous expliquez la genèse de l'homosexualité, mais disons que c'est une question très personnelle—et la menace que cela représente pour l'institution du mariage.

Je donne toujours l'exemple de ma famille. Chez nous, nous sommes cinq enfants. Nous avons tous été élevés de la même façon et j'ai un frère jumeau identique, homozygote. Mon frère jumeau est très hétérosexuel et je suis très homosexuel. Pourtant, je ne vois pas comment le fait que je suis homosexuel—lui est marié et croyant, mais n'a pas d'enfants par ailleurs—peut menacer le libre choix de gens qui veulent se marier et qui sont hétérosexuels.

J'ai eu un peu l'impression, au cours de vos témoignages successifs—cela fait trois ou quatre fois que j'entends des témoignages de la Conférence des évêques catholiques du Canada—, que vous parliez de l'homosexualité comme d'un menu à la carte, d'une espèce d'opting out: on peut l'être ou ne pas l'être, mais, finalement, si on l'est, cela menace l'autre. C'est ce qui suinte de votre mémoire quand vous dites au paragraphe deux de votre conclusion: «Le gouvernement doit trouver des façons de renforcer et protéger le mariage». Dans la logique de ce que vous avez écrit, cela signifie que vous croyez que la reconnaissance de relations qui ne sont pas à l'intérieur du mariage constitue une menace. Or, j'ai de la difficulté à comprendre cela et j'aimerais que vous me l'expliquiez. Ma question n'est pas préjudiciable; elle est totalement dépourvue de malice et elle constitue une interrogation réelle.

[Traduction]

Monseigneur Brendan O'Brien: Je pense que si nous étendons le mot «mariage» pour englober davantage qu'une union hétérosexuelle, on change la nature du mariage parce que normalement il n'est pas possible dans une union homosexuelle de procréer et d'élever les enfants que l'on a procréés. Il me semble donc qu'il vous faudra trouver une autre définition du mariage qui inclura les autres possibilités. Cela a, je crois, un effet sur la façon dont nous voyons le mariage.

Le président: Ce sera votre dernière question.

[Français]

M. Réal Ménard: Mais que faites-vous des couples comme celui de mon frère jumeau, hétérosexuel, très, très porté vers les femmes, quoique fidèle—je tiens à le dire, car je ne voudrais pas qu'il y ait d'équivoque ici—, et de sa femme, qui n'ont pas d'enfants? Est-ce que vous considérez qu'il souille l'institution du mariage? Ce n'est pas vrai que le mariage ne peut servir qu'à la procréation.

En Occident, le Québec et le Canada figurent parmi les sociétés où le taux de procréation est le plus faible. On dit qu'une société doit avoir un taux de reproduction de 2,2 p. 100 pour se perpétuer; nous sommes à 2,1 p. 100. Certaines provinces sont à 1,9 p. 100. Voulez-vous réserver le mariage seulement pour ceux qui veulent avoir des enfants?

Ma collègue Pierrette Venne, qui va voter contre le projet de loi à moins que je ne réussisse à l'influencer, a 41 ans. Elle est avec le même homme depuis plus de 10 ans et elle n'a pas d'enfants. Est-ce que vous croyez qu'elle a déshonoré l'institution du mariage?

• 1640

[Traduction]

Monseigneur Brendan O'Brien: Je ne crois pas que tous ceux qui sont mariés doivent avoir des enfants, faute de quoi ils ne sont pas dignes du mariage. Il y a beaucoup de raisons pour lesquelles on peut ne pas avoir d'enfants dans le mariage. Mais je voudrais que la définition du mariage comporte toujours le lien inhérent avec la procréation et l'éducation d'enfants.

Le président: Merci.

Monsieur Grose.

M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Merci, monsieur le président.

Ce que je vais dire va sans doute de soi, mais cela ne m'a jamais empêché de le dire avant. Je suis ici, je pense, pour protéger vos droits, vos convictions et votre philosophie. Je suis ici aussi pour protéger mes concitoyens et vous empêcher d'imposer—ou empêcher le gouvernement d'imposer en votre nom—vos droits, convictions ou philosophie sur eux. Si je croyais que ce projet de loi empiétait le moindrement vos droits, convictions ou philosophie—et je souscris à beaucoup d'entre eux, d'ailleurs, notamment le mariage et la famille, même si je trouve parfois très difficile de continuer, mais je persévère... Quoi qu'il en soit, c'est ce que je crois. Vous avez dit que le mariage est fragile. Oui, mais si l'idée que vous vous faites du mariage et de la famille est fragile au point que ce texte les mettrait en péril, je pense que vous et moi avons de gros problèmes.

Monseigneur Brendan O'Brien: Toutefois, je reste convaincu que si vous élargissez le concept du mariage, ce qu'est le mariage dans la société devient de moins en moins clair. Tout le monde comprend que, même si ce projet de loi traite d'avantages, il accorde une reconnaissance sociale accrue aux relations homosexuelles. Il leur accorde un statut qu'elles n'avaient pas auparavant. Certains pourraient dire qu'il y a maintenant trois voies, le mariage, les unions de fait hétérosexuelles et les unions de fait homosexuelles, et qu'elles sont toutes plus ou moins pareilles.

M. Ivan Grose: Vous croyez sincèrement que quelqu'un abandonnerait son mariage hétérosexuel pour s'engager dans une relation homosexuelle tout simplement parce que les homosexuels jouissent de plus d'avantages qu'auparavant?

Monseigneur Brendan O'Brien: Non. Je n'ai pas dit ça.

Monseigneur Peter Schonenbach: Le simple fait que vous consacriez tant de temps à la législation m'amène à croire que vous savez comme moi que les lois sont normatives. Les lois contribuent à façonner la société. Les lois ne sont pas simplement des règles...

M. Ivan Grose: Si ce sont de bonnes lois.

Monseigneur Peter Schonenbach: ...elles façonnent aussi la société. Voilà pourquoi nous estimons que, si votre loi reste vague sur certains sujets qui nous apparaissent importants... À notre sens, une union permanente entre un homme et une femme, un partenariat d'amour ouvert sur la possibilité d'une nouvelle vie est d'une grande valeur. Nous croyons que la loi doit être normative et diriger la société vers cela.

M. Ivan Grose: Réglerions-nous votre problème si nous définissions le mariage dans ce projet de loi?

Monseigneur Peter Schonenbach: Si vous incluiez au projet de loi la définition que vous avez adoptée à la Chambre des communes, cela l'améliorerait. Mais, comme l'a dit monseigneur O'Brien, on devrait examiner plus attentivement le nouveau principe qui sous- tend l'octroi d'avantages. Il serait logique, comme je l'ai déjà dit, d'accorder ces avantages à tous les genres de relations.

M. Ivan Grose: Merci.

Le président: Monsieur Robinson.

M. Svend Robinson: Je veux être sûr de bien vous comprendre: vous estimez que les relations sexuelles entre un homme et une femme qui utilisent un moyen de contraception sont immorales, n'est-ce pas?

Monseigneur Peter Schonenbach: Elles sont immorales. Mais l'institution existe, et la façon dont les gens vivent au sein de cette institution... Bien sûr, nous sommes tous pécheurs et nous tendons tous vers un idéal. Nous ne prétendons pas que le monde devrait n'être peuplé que de saints.

M. Svend Robinson: Je tenais seulement à m'assurer que c'était bien là votre position.

Monseigneur Peter Schonenbach: Oui.

• 1645

M. Svend Robinson: Et il faut éviter les activités homosexuelles tout au long de sa vie.

J'ai trois courtes questions. Premièrement, en ce qui a trait aux avantages accordés aux unions de fait hétérosexuelles et qui n'ont rien à voir avec les enfants, estimez-vous que ces avantages devraient être accordés aux couples non mariés? C'est ma première question.

Ma deuxième question fait suite à celle de M. Maloney car elle m'apparaît importante. J'ignore encore votre position sur le projet de loi. Vous avez reconnu la décision qu'a rendue la Cour suprême du Canada dans l'affaire M. c. H., et dit que le gouvernement est tenu d'y donner suite et qu'un projet de loi est préférable à une intervention au cas par cas, ce qui constituerait un gaspillage de l'argent des contribuables. Appuyez-vous ce projet de loi ou non? Voteriez-vous pour ou contre? Cette question s'adresse aux évêques.

Ma troisième et dernière question porte sur le catéchisme qui dit que les actes homosexuels sont des actes d'une grande dépravation et «intrinsèquement déséquilibrés». Mais le catéchisme dit aussi—et je présume que vous, messeigneurs, pourrez me l'expliquer—qu'ils ne procèdent pas d'une véritable complémentarité affective et sexuelle. Pourriez-vous m'expliquer ce que cela signifie?

Monseigneur Brendan O'Brien: Je vais commencer par répondre à votre dernière question. La complémentarité affective est la complémentarité hétérosexuelle qui existe entre un homme et une femme. Les rapports homosexuels n'ont pas cette caractéristique, cette qualité.

M. Svend Robinson: On dit qu'elles ne procèdent pas d'une véritable complémentarité affective et sexuelle.

Monseigneur Brendan O'Brien: Oui. Ces adjectifs décrivent tous la complémentarité qui est celle qui existe entre un homme et une femme. Ces relations ne peuvent être véritablement complémentaires du point de vue affectif et sexuel.

M. Svend Robinson: Autrement dit, elles ne sont pas hétérosexuelles.

Monseigneur Brendan O'Brien: C'est exact.

M. Svend Robinson: C'est ce que cela veut dire. Je vois.

Et les deux autres questions?

Monseigneur Brendan O'Brien: Appuyons-nous le projet de loi?

M. Svend Robinson: Voteriez-vous pour ou contre?

Monseigneur Brendan O'Brien: Nous avons suggéré que des changements soient apportés. Premièrement, nous croyons que vous devriez accorder ces avantages à tous les liens d'interdépendance plutôt qu'aux seuls liens d'interdépendance accompagnés de rapports sexuels.

M. Svend Robinson: Mais voteriez-vous pour ou contre le projet de loi?

Monseigneur Brendan O'Brien: Nous n'appuierions pas le projet de loi dans sa forme actuelle; sinon, pourquoi serions-nous ici? Nous sommes venus pour vous suggérer des changements. Si le projet de loi nous satisfaisait, je ne me serais pas donné la peine de venir jusqu'ici pour vous le dire.

M. Svend Robinson: Ma dernière question portait sur les avantages consentis aux unions de fait hétérosexuelles. Si vous estimez que ces relations sont immorales, pourquoi seriez-vous prêt à leur accorder des avantages qui n'ont rien à voir avec les enfants?

Monseigneur Brendan O'Brien: On ne nous demande pas de retirer aux unions de fait...

M. Svend Robinson: Ces avantages devraient-ils leur être accordés?

Monseigneur Brendan O'Brien: Cela dépend. Sur certaines questions, peut-être...

Je vous répondrai ainsi. À notre avis, dans toute relation d'interdépendance, que ce soit une union de fait hétérosexuelle ou un autre genre de relation, telle que celle qui existe entre un adulte et un de ses parents, il y a peut-être des inégalités qui devraient être supprimées. Si ces problèmes sont corrigés, cela nous satisfait.

Le président: Merci, monsieur Robinson.

Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: Merci, monsieur le président.

Le président: Excusez-moi, monsieur Lowther. C'est au tour de M. McKay.

M. John McKay: Vous me pardonnerez.

Je me disais que M. Robinson aurait dû mieux étudier son catéchisme, mais étant moi-même protestant, j'admets avoir du mal à comprendre tout cela.

Pour revenir au projet de loi, aux deux premiers alinéas de votre conclusion, vous dites que vous cherchez des façons, pour le gouvernement, de consolider et de protéger le mariage, et que vous êtes reconnaissant que le gouvernement ait maintenu la distinction entre le mariage et les autres formes de relations. Le projet de loi vous plairait-il davantage s'il comprenait une définition du mariage?

Monseigneur Brendan O'Brien: Oui, nous l'avons déjà dit.

• 1650

M. John McKay: De quelle autre façon le gouvernement pourrait- il consolider et protéger le mariage?

Monseigneur Brendan O'Brien: Nous avons aussi dit en réponse à une question, que certains programmes du gouvernement pourraient aider les familles et encourager les couples mariés à avoir des enfants.

M. John McKay: Ces programmes gouvernementaux ne s'adresseraient-ils qu'aux couples mariés?

Monseigneur Brendan O'Brien: J'imagine que les lois actuelles prévoient déjà les avantages qui peuvent être accordés aux couples légalement mariés et ceux qui s'adressent aux unions de fait. Je ne connais pas toutes les distinctions, mais je présume que, de nos jours, la plupart des avantages consentis aux couples mariés le sont aussi aux conjoints de fait.

M. John McKay: En fait, à part définir le mariage, le gouvernement est limité dans ce qu'il peut faire pour consolider et protéger le mariage.

Monseigneur Brendan O'Brien: Oui, il serait bon de définir le mariage et peut-être aussi de se pencher sur les questions économiques relatives au mariage et à la famille afin de faire tout ce qui est possible pour accroître la stabilité des mariages.

Un des problèmes de la société contemporaine, c'est que, pour diverses raisons, les mariages ne durent pas, ce qui entraîne d'importants coûts sociaux et humains, surtout chez les enfants.

Le président: Merci, monsieur McKay.

Monsieur Lowther, avez-vous une question?

M. Eric Lowther: Merci.

Les témoins ne m'ont pas donné l'impression d'être contre qui que ce soit. Ils n'aiment pas le comportement de certaines personnes, mais ils ne sont pas contre qui que ce soit en particulier.

J'aimerais vous lire des extraits de la Charte des droits de la famille du Saint-Siège:

    La société, et en particulier l'État et les organisations internationales, doivent protéger la famille grâce à des mesures de nature politique, économique, sociale et juridique qui visent à consolider l'unité et la stabilité de la famille afin qu'elle puisse remplir sa fonction précise;

Si je paraphrase, vous aimeriez que le gouvernement mette en oeuvre des politiques qui protègent, stabilisent et renforcent la famille.

Un peu plus loin, la Charte dit:

    La valeur institutionnelle du mariage devrait être confirmée par les pouvoirs publics; la situation des couples non mariés ne doit pas être considérée égale à un mariage en bonne et due forme.

Nous avons entendu parler d'études, certaines ayant même été menées par le gouvernement fédéral, qui montrent que, du point de vue statistique, les unions de fait n'offrent pas la même stabilité aux enfants. Je crois que vous y faites allusion dans votre mémoire. Vous dites donc ici que rendre l'union de fait égale au mariage est une mesure que vous ne pouvez appuyer, pour de bonnes raisons empiriques, à mon avis.

Vos réserves à l'égard du projet de loi découlent-elles de ce que le dernier rend les unions de fait homosexuelles et hétérosexuelles égales au mariage? Les critères prévus au projet de loi C-23 ne font pas de différence entre ces trois formes d'union. Or, le Saint-Siège est d'avis qu'il faut prévoir des politiques qui renforcent le mariage.

Est-ce là votre objection fondamentale?

Monseigneur Brendan O'Brien: En ce qui concerne la distinction entre le mariage et les unions de fait hétérosexuelles, au fil des ans, elle est de plus en plus atténuée pour ce qui est des avantages qui leur sont accordés.

J'ignore si cela encourage les hétérosexuels à ne pas se marier. J'ai plutôt l'impression que, de nos jours, il est difficile pour bien des gens de prendre un tel engagement, pour diverses raisons. Par conséquent, c'est un état de chose présent dans notre société, et c'est un problème.

• 1655

Comme je l'ai dit, il ne semble pas que le fait de vivre en union de fait avant de se marier, quelle que soit la dynamique, constitue une bonne façon de se préparer au mariage. Ça, c'est une chose. Pour notre part, nous nous opposons au fait d'accorder les mêmes avantages aux unions de fait homosexuelles, car cela ne fait qu'ajouter à la confusion qui entoure déjà la notion de mariage.

Le président: Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: J'ai encore une petite question, si vous me le permettez.

Le président: Allez-y, mais soyez bref.

M. Eric Lowther: Monseigneur, dans votre conclusion, j'ai été étonné de voir le cinquième alinéa. Vous y dites que nous tenons pour acquis que la législation en matière de droits de la personne, y compris la Charte canadienne des droits et libertés, continuera de protéger la liberté de religion et les pratiques de recrutement préférentiel des organisations et communautés religieuses. J'ai l'impression que vous craignez pour l'avenir.

J'aimerais approfondir cette question. Par exemple, est-ce que vous vous inquiétez de ce qui se passerait si l'Église catholique refusait d'engager quelqu'un parce qu'il vit dans une union homosexuelle sanctionnée par l'État? Craignez-vous qu'on vous oblige à l'embaucher même s'il a choisi un style de vie allant à l'encontre des enseignements de l'Église?

Monseigneur Brendan O'Brien: Nous souhaitons que ceux qui ont de telles croyances religieuses sincères ne soient pas tenus de passer outre à leurs croyances ou de faire quoi que ce soit qui n'y soit pas conforme.

À l'heure actuelle, dans la plupart des cas, nous sommes en mesure d'insister pour que nos employés partagent nos valeurs et qu'ils ne soient pas, objectivement, en conflit avec ces valeurs. La situation qui prévaut au pays est en évolution constante. Qui sait si nos droits ne seront pas attaqués un jour?

M. Svend Robinson: J'ai une courte question complémentaire.

Je suis d'accord avec monseigneur. Je m'adresse à M. Lowther par votre entremise, monsieur le président: il est bien clair qu'il ne s'agit pas seulement d'orientation sexuelle. L'Église catholique écarte les femmes de la prêtrise. Il y a donc une discrimination fondée sur le sexe. Personne ne prétend qu'on devrait s'en plaindre à la Commission des droits de la personne. Il est vrai que certaines femmes contestent cet état de chose. Mais en toute justice, je crois qu'elles reconnaîtraient que, même si certaines de ces pratiques de recrutement sont à première vue discriminatoires, elles sont acceptées au nom de la liberté de religion.

Le président: Merci beaucoup.

Avant de clore la discussion, j'aimerais faire suite à certaines questions qui ont été posées plus tôt.

Je respecte le fait qu'il serait difficile de s'engager dans un débat public sur des sujets que l'institution que vous représentez au niveau spirituel n'approuve pas. Je comprends que vous participez à un débat public sur des mesures qui ne font pas l'approbation de votre institution. Je comprends cela.

Je crois que vous vous résignez à accepter l'idée qu'on accorde des avantages aux conjoints de fait hétérosexuels qui ont des enfants, même si ce genre d'union vous apparaît inacceptable.

Dans le cas d'une famille constituée de deux lesbiennes et d'enfants provenant d'un mariage précédent, par exemple, ne devrait-on pas aussi consentir des avantages? Quelle est la distinction entre ces deux situations familiales si, de toute façon, ni l'une ni l'autre n'est conforme aux valeurs de l'Église? Dans le premier cas, vous êtes prêts à approuver l'octroi d'avantages parce qu'il y a un enfant, mais dans le second cas, il y a aussi un enfant. Quelle est la différence?

Monseigneur Brendan O'Brien: Comme vous le dites, ni l'une ni l'autre de ces unions de fait n'est acceptable.

Le président: Je comprends.

• 1700

Monseigneur Brendan O'Brien: Mais il est possible que l'union de fait hétérosexuelle produise un enfant; les conjoints de fait auront donc la responsabilité d'éduquer cet enfant. Par conséquent, même si nous n'approuvons pas les unions de fait, nous estimons important de veiller aux besoins de l'enfant.

Le président: Mais dans les cas où il y a des enfants...

Monseigneur Brendan O'Brien: Oui.

Le président: Mais dans le cas du couple homosexuel qui éduque des enfants—je pense à des gens que je connais, voilà pourquoi je vous pose la question—si l'un ou l'autre venait à mourir, une indemnité de survivant serait accordée au conjoint survivant et aux enfants qui font maintenant partie de cette famille. Quelle est la différence?

Monseigneur Brendan O'Brien: Nous n'exclurions pas nécessairement cette situation, mais nous préférerions que ce genre d'avantages soient accordés à tous ceux qui sont dans une situation d'interdépendance et non pas seulement aux relations qui comprennent des rapports sexuels.

Le président: Je comprends votre position. Nombreux sont ceux qui la partagent. Je comprends aussi votre position dans le premier cas. Merci beaucoup. Je vous sais gré de votre témoignage; il nous a été très utile. Je le répète, je reconnais qu'il est parfois difficile de participer à un débat public sachant que la position de l'Église sur certains de ces sujets rend le débat difficile.

Je voudrais remercier les membres du comité et les témoins.

La séance est levée.