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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 7 juin 2000

• 1537

[Traduction]

Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Bon après-midi, chers collègues. Je déclare ouverte cette séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous étudions aujourd'hui le projet de loi C-223, Loi modifiant la Loi sur le Programme de protection des témoins et une autre loi en conséquence (protection des conjoints dont la vie est en danger).

Le parrain de ce projet de loi est le député de Prince George—Peace River, notre collègue Jay Hill.

J'invite M. Hill à faire sa déclaration d'ouverture.

M. Jay Hill (Prince George—Peace River, Alliance canadienne): Merci beaucoup, monsieur le président. C'est avec plaisir que je prend la parole aujourd'hui.

Je voudrais tout d'abord remercier les membres du comité de me donner l'occasion de présenter aujourd'hui le projet de loi C-223. Il n'arrive pas souvent qu'un projet de loi d'initiative parlementaire se rende aussi loin, surtout s'il est parrainé par un député d'opposition.

Dans mon allocution d'aujourd'hui, je vais traiter très brièvement du problème de la violence familiale dans notre société, des lacunes de notre législation actuelle, et de l'actuel programme de changement d'identité. Je vais expliquer les initiatives proposées dans le projet de loi C-223 et vous faire part des raisons personnelles qui m'ont incité à présenter ce projet de loi.

La violence familiale est l'un des problèmes les plus épouvantables qui affligent notre société. Pour moi, les crimes commis au sein de la famille semblent beaucoup plus haineux que ceux qui sont commis par des étrangers. Je crois que c'est la violation de la confiance qui fait la différence.

Les statistiques sont vraiment effrayantes. En 1996, on a recensé 21 901 cas de violence conjugale dans un échantillon de 154 services de police d'un bout à l'autre de notre pays. Environ 80 p. 100 des victimes de harcèlement criminel étaient des femmes. Entre 1977 et 1996, il y a eu 2 048 homicides entre conjoints au Canada. En 1998, il y a eu 70 homicides entre conjoints; les quatre cinquième des victimes étaient des femmes; et 57 femmes ont été tuées par leur conjoint actuel ou par un ex-conjoint. Dix autres femmes ont été tuées par leur ami de c«ur ou leur ex-ami de c«ur. En tout, un peu plus de la moitié de toutes les femmes victimes d'homicide ont été tuées par quelqu'un avec qui elles avaient une relation intime.

Des 13 hommes tués par leur conjoint l'année dernière, 12 ont été tués par leur conjoint actuel et un homme a été assassiné par son ancienne partenaire.

• 1540

Dans soixante pour cent des homicides entre conjoints, il y avait des antécédents de violence conjugale entre l'accusé et la victime, antécédents dont la police était au courant.

Il n'est pas facile d'éradiquer la violence familiale. Je suis pleinement conscient que ce processus prendra du temps. Il n'y a pas suffisamment de lois qui visent à prévenir la violence familiale et conjugale. À part les lois sur le harcèlement criminel et les injonctions restrictives, il n'y a pas beaucoup de recours.

La plupart de nos lois mettent l'accent sur le châtiment pour des crimes qui ont déjà été commis et interviennent donc souvent trop tard pour les victimes. Je crois que nous devons faire de la dissuasion un élément plus important de nos lois. À mon avis, les pratiques actuelles en matière de détermination de la peine, par exemple le recours à des peines conditionnelles pour des infractions de ce genre, sont inacceptables. Autrement dit, le châtiment ne correspond pas au crime.

Les ordonnances restrictives et l'engagement de ne pas troubler l'ordre public font appel à l'observation volontaire. Ces mesures exigent que le respect rationnel de la loi l'emporte sur la rage émotive que les agresseurs ressentent envers leurs conjoints. J'ai dit tout à l'heure que dans beaucoup de ces cas, il y avait des antécédents de violence de longue date. L'homme qui a déjà battu sa femme a déjà fait la preuve d'un comportement irrationnel. Comment pouvons-nous, en tant que législateurs, nous attendre à ce que cette personne obéisse ensuite à une ordonnance du tribunal? Dans bien des cas, la procédure suivante est une accusation de meurtre. En quoi cela sert-il les intérêts de la victime?

Cela m'amène à vous parler de l'affaire de Terry-Lynne Miller, de Dawson Creek, dans ma circonscription. En février 1997, Brad Neuman, ancien conjoint de fait de Miller, alors qu'il était en probation, a battu celle-ci jusqu'à ce qu'elle soit dans le coma, dans son appartement à elle. Terry-Lynne est restée étendue sur le sol, grièvement blessée à la tête, pendant plus de 21 heures avant de recevoir des soins médicaux. Ensuite, elle est restée dans le coma jusqu'en mars dernier, alors qu'elle a fini par mourir de ses blessures.

L'une des conditions imposées à Neuman dans le cadre de sa probation était qu'il ne devait avoir aucun contact avec Terry-Lynne Miller. Celle-ci n'avait aucun moyen d'assurer sa propre sécurité, sinon de se cacher, et elle a payé le prix ultime. C'est cette affaire qui m'a vraiment ouvert les yeux et fait prendre conscience de la tragédie de la violence familiale. C'est triste à dire, mais il y a eu des milliers d'autres cas tout aussi tragiques, des cas beaucoup trop nombreux à mon avis, dans vos propres circonscriptions.

En janvier 1999, j'ai lu un article publié dans le journal The Province, de Vancouver, décrivant ce que j'appellerais un programme non conformiste dirigé par des fonctionnaires du ministère de Revenu Canada, en collaboration avec Développement des ressources humaines Canada. Dans le cadre de ce programme, on donne de nouvelles identités à des personnes qui se trouvent dans des situations où leur vie est menacée. Cela leur permet de changer de nom et de numéro d'assurance sociale pour pouvoir se cacher d'un conjoint ou ex-conjoint violent.

La femme dont il était question dans l'article avait été battue, avait subi une torture psychologique et avait reçu des menaces de mort. Le programme de changement d'identité l'a aidée à s'installer dans une nouvelle ville, munie de nouveaux documents d'identité. Malheureusement, ses titres de compétence et son curriculum vitae n'étaient pas transférables à sa nouvelle identité. Il lui a donc fallu trouver un emploi quelconque pour subvenir à ses besoins et à ceux de son enfant. Quand son conjoint retrouvait sa trace, elle devait s'enfuir et reprendre en panique le même processus pour assurer sa survie.

Je voudrais maintenant vous dire quelques mots sur le processus d'élaboration du projet de loi d'initiative parlementaire C-223. J'ai communiqué avec plus de 500 foyers d'hébergement pour femmes battues et maisons de transition d'un but à l'autre du Canada. En réponse, j'ai reçu des lettres d'appui dans lesquelles on racontait des anecdotes personnelles tragiques et effrayantes. J'ai aussi reçu des pétitions signées par des centaines de gens qui appuient le projet de loi. Je tiens à bien faire comprendre aux membres du comité que tous ces gens-là espèrent que nous, parlementaires, pourrons légiférer pour les protéger.

J'ai une liste de témoins potentiels et je compte faire témoigner, soit en personne soit par écrit, sous forme de déclaration assermentée, des femmes qui vivent actuellement sous de nouvelles identités. Elles nous raconteront leur histoire et, surtout, décriront en s'appuyant sur leur expérience personnelle les lacunes de l'actuel programme de changement d'identité.

Ce programme de changement d'identité est un programme ponctuel qui vient en aide aux personnes qui en ont besoin. Ce programme est toutefois mal connu et fonctionne en l'absence de tout mandat ou financement officiel. Nous devons reconnaître le très grand service que les fonctionnaires de ces ministères ont rendu par leur initiative. Ces personnes sont allées bien au-delà de leur description de poste pour aider les personnes dans le besoin. À mes yeux, ils incarnent le véritable sens de l'expression «service public».

Pendant le débat en deuxième lecture, des députés ministériels ont déclaré dans leur discours qu'on établissait un partenariat entre les provinces et le gouvernement fédéral pour s'attaquer au problème de la violence familiale et que le programme de changement d'identité était le meilleur outil pour aider ces femmes.

Pendant que ces délibérations se poursuivent, deux personnes par semaine, en moyenne, meurent au Canada, tuées par leur conjoint ou leur ex-conjoint. S'il n'existait pas un besoin pour ce programme, ce taux d'homicide serait beaucoup plus bas. Bien qu'aucune loi ne puisse éliminer complètement ces décès, le fait d'en empêcher ne serait-ce qu'un seul serait déjà un premier pas extrêmement positif.

• 1545

Je crois que le programme de changement d'identité devrait tout naturellement s'intégrer au programme de protection des témoins. Les femmes inscrites au programme bénéficieraient des connaissances et de l'expertise de la GRC, qui s'occupe déjà de réinstaller les témoins à charge. Tous les organismes d'application de la loi d'un bout à l'autre du pays sont en liaison électronique, ce qui permet d'avoir accès à ce programme à partir des localités les plus éloignées et isolées du Canada. En faisant relever le programme de changement d'identité de la Loi sur le programme de protection des témoins, je crois que nous pouvons en faire plus, principalement pour les femmes qui en ont besoin et pour leurs enfants. La Loi sur le programme de protection des témoins définit la protection selon un certain nombre de critères: déménagement, logement, changement d'identité, counselling et aide financière.

Ces services n'existent pas actuellement dans le cadre du programme de changement d'identité. Le programme de protection des témoins ne fonctionne pas aussi bien qu'il le devrait. L'étude de ce projet de loi par le comité nous permettra de réexaminer la Loi sur le programme de protection des témoins et de remédier aux éventuelles lacunes.

Ce programme n'est pas pour tout le monde. En fait, c'est même tout le contraire. Le programme de changement d'identité est un dernier recours et je tiens à insister là-dessus. Il ne serait utilisé qu'en dernier recours, par celles que la loi n'a pas réussi à protéger et qui craignent pour leur vie et la vie de leurs enfants. Ces personnes, pour la plupart des femmes, couperaient tout lien avec leur famille et leurs amis de manière que leur conjoint ou ex-partenaire ne puisse retrouver leur trace. Ce n'est pas une décision que l'on prend à la légère. C'est une question de vie ou de mort.

Certains critiques ont affirmé que les femmes pourraient utiliser ce programme pour s'enfuir avec leurs enfants. Je soutiens qu'il y aurait des solutions plus faciles et, de toute façon, nous entendrons ces témoins. Je crois que leurs préoccupations sont légitimes. C'est pourquoi il faut des critères et des sauvegardes pour réduire au minimum ou éliminer les abus. Pour éviter les abus, il y aurait une liste de facteurs ou de critères à prendre en compte pour être admis au programme. On évaluerait la nature du risque pour la sécurité de la personne. D'autres méthodes qui permettraient de protéger la personne sans l'inscrire au programme seraient envisagées, et l'on tiendrait compte également de la nature des blessures subies par la personne, du dommage psychologique important qui lui a été infligé par son conjoint ou de tout antécédent criminel. Il faudrait évidemment évaluer les circonstances qui ont amené la personne à croire que sa vie est en danger, de même que tout autre facteur que le commissaire de la GRC jugerait pertinent.

Je crois donc avoir prévu des critères suffisamment étoffés pour nous assurer que le programme ne donnera pas lieu à des abus. Je crois que les critères sont justes et, comme je l'ai dit, je crois qu'ils permettraient aux personnes qui ont vraiment besoin du programme d'y avoir accès.

En terminant, bon nombre de membres du comité me connaissent et vous savez que je suis une personne dotée d'un bon sens pratique. Le programme de protection des témoins aide les gens à disparaître. D'aucuns ont soutenu qu'il vise seulement les témoins à charge. Je dis qu'il faut voir tout cela d'un «il neuf. Les Canadiens sont des gens inventifs que les difficultés de l'existence ont forcé à faire preuve d'imagination. Pourquoi n'en ferions-nous pas autant? Servons-nous vraiment bien les Canadiens en adoptant une approche étroite pour l'élaboration des lois? Nous avons affaire à des cas de vie ou de mort. Je dis que nous devons nous retrousser les manches et nous mettre à la tâche pour trouver des solutions tous ensemble. Nous sommes des parlementaires élus pour représenter nos commettants et légiférer dans leur meilleur intérêt. Ce projet de loi vise à sauver des vies, à aider des gens qui sont en danger mortel, à sauver les membres les plus vulnérables de notre société, pour la plupart des femmes et des enfants. Je suis ici pour demander au comité d'étudier attentivement le problème de la violence familiale et je crois que nous avons beaucoup de travail à faire.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, nos lois n'empêchent pas que ces actes atroces soient commis, même ce projet de loi aidera à sauver des vies tout en remédiant à certaines lacunes. À ceux d'entre vous qui seraient contre le projet de loi, je pose la question: que faisons-nous maintenant? Si nous n'adoptons pas ce projet de loi, alors quoi? Sinon maintenant, alors quand? La loyauté politique et la partisannerie n'ont pas leur place dans ce débat. Nous devons mettre cela de côté et trouver des solutions. Je vous donne ma parole que si, dans le cadre de vos délibérations, vous trouvez un meilleur moyen d'assurer cette protection, je vais retirer mon projet de loi et le remplacer par les recommandations du comité.

Je vous remercie et je me ferai un plaisir de tenter de répondre à toute question ou observation.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Hill. Nous allons maintenant passer aux questions. Premièrement, je vais donner la parole à votre collègue, qui semble avoir hâte de vous mettre sur la sellette.

Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne): Je ne ferai pas cela à mon whip.

Le président: Nous savons tous que les whips ont de la poigne.

• 1550

M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président, et merci, monsieur Hill, d'être venu témoigner. Je pense qu'il va sans dire que tous mes collègues autour de la table et, j'en suis certain, tous nos collègues à la Chambre ont assurément de sérieuses préoccupations au sujet des questions que vous tentez d'aborder ici.

J'ai une question assez simple à vous poser et elle porte sur le financement. Je suppose que tout cela se ferait sous les auspices de la GRC et ceux d'entre nous qui sommes de l'Ouest connaissons bien sûr les contraintes, notamment les contraintes financières qui pèsent ces jours-ci sur la GRC. Je me demande dans quelle mesure vous avez réfléchi au coût de cette mesure et si la GRC a les ressources voulues pour s'acquitter de cette tâche.

M. Jay Hill: Oui, bien sûr, j'ai réfléchi à la question et il est très difficile de connaître précisément quel en serait le coût puisque nous ne savons pas exactement combien de personnes seraient admises au programme; nous ignorons quelle serait l'étendue de l'aide accordée.

Aux termes de la Loi sur la protection des témoins qui est actuellement en vigueur, on peut fournir divers degrés d'aide, par exemple aux témoins à charge, et nous ne savons donc pas exactement combien serait accordé. Je soupçonne que la décision serait prise au cas par cas, à savoir si la personne visée serait réinstallée à l'autre bout du pays, dans une autre province. Bien sûr, plus la distance est grande, plus le coût augmente.

Je pense que c'est une préoccupation très légitime. Un certain nombre de personnes, dans leur discours prononcé dans le cadre du débat en deuxième lecture à la Chambre des communes, quand la Chambre était saisie du projet de loi, ont soulevé la question de ce qu'il en coûterait à la GRC, et je respecte tout à fait cette préoccupation.

Je pense qu'il faudrait nécessairement que le comité se penche sur cette question durant son étude du projet de loi. Je crois qu'aucun député, de quelque parti que ce soit, même le parti ministériel, n'est habilité à proposer un projet de loi d'initiative parlementaire qui entraîne des dépenses. C'est pourquoi, au lieu de concevoir un nouveau programme visant expressément la protection des conjoints, j'ai dû envisager d'autres solutions et j'en suis arrivé à la suggestion évidente, qui est faite dans ce projet de loi, de faire relever tout cela de la Loi sur le programme de protection des témoins, qui existe déjà. Et si je devais proposer un projet de loi créant un nouveau programme qui exigerait de nouvelles dépenses, il serait déclaré irrecevable, parce que seul le gouvernement peut présenter ce qu'on appelle un projet de loi de finances.

Mais la question du financement est une préoccupation fort valable. Je pense que si le comité devait adopter ce projet de loi ou le modifier... il faudra évidemment que le gouvernement s'en mêle, car, comme vous l'avez signalé, monsieur Cadman, la GRC est actuellement à bout de ressources et il faudrait injecter de nouveaux fonds pour ce programme.

En bref, je dirais que je suis conscient de la difficulté, mais que nous avons souvent entendu à la Chambre des communes: quelle valeur accordons-nous à la vie humaine? Je l'ai dit dans mon exposé et je le répète, ce sont les membres les plus vulnérables de notre société qui sont en cause. Je pense que ce serait un prix minime à payer, quel qu'il soit, d'injecter des fonds additionnels dans le budget de la GRC pour étendre le programme de protection des témoins de manière à y inclure les conjoints, de payer pour sauver des vies. Pas une semaine ne passe sans que l'on voie dans les journaux écrits ou télévisés le cas d'une femme ou parfois même des enfants... parfois, c'est un meurtre suivi d'un suicide et des gens perdent la vie à cause de la violence familiale. Je trouve que ce serait de l'argent dépensé à bon escient.

M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Madame Venne.

Mme Pierrette Venne (Saint-Bruno—Saint-Hubert, BQ): Bonjour, monsieur Hill.

Évidemment, la première question est celle de l'argent. On ne connaît pas les tenants et les aboutissants de tout cela, mais on sait que cela va certainement nécessiter des fonds supplémentaires. On verra à ce moment-là.

Ma question est la suivante. Vous avez décidé de décrire les organismes chargés de l'application de la loi. J'ai lu cela dans votre projet de loi. Vous mentionnez aussi que ce sont tous ministères au sens de la Loi sur la gestion des finances publiques. Je vous avoue honnêtement que je n'ai pas eu le temps d'aller voir la Loi sur la gestion des finances publiques. Donc, j'aimerais savoir quels sont les ministères auxquels vous faites allusion et qui pourraient recommander une femme à ce programme de protection des témoins.

• 1555

[Traduction]

M. Jay Hill: De la façon dont j'entrevois les choses, ce serait les divers services de police qui en feraient la recommandation. Les policiers sont certainement au courant. Comme je l'ai dit dans mon exposé, dans la majorité des cas d'homicide entre conjoints, il y a des antécédents de violence et les corps policiers, qu'ils soient municipaux, provinciaux ou la GRC elle-même, sont au courant des antécédents de la personne en cause. Les policiers recommanderaient donc à la victime d'envisager de s'inscrire au programme.

Cela répond-il à votre question?

[Français]

Mme Pierrette Venne: Non. Dans l'actuelle Loi sur le programme de protection des témoins, si je ne me trompe pas—je l'ai bien regardée—, on ne décrit pas un organisme chargé de l'application de la loi. Vous avez trouvé nécessaire d'en donner la définition et je veux savoir pourquoi.

La définition se trouve ici, au paragraphe 3(2) de votre projet de loi. Vous dites que ce seraient les ministères au sens de la Loi sur la gestion des finances publiques. Donc, je vous demande quels sont ces ministères et pourquoi vous trouvez maintenant nécessaire de définir les organismes chargés de l'application de la loi. Est-ce qu'il y a un but précis à cela ou est-ce simplement un éclaircissement? C'est tout ce que je veux savoir, au fond.

[Traduction]

M. Jay Hill: Cette disposition est inscrite dans le projet de loi parce que le programme actuel, le programme ponctuel, le programme de changement d'identité qui est dirigé par les fonctionnaires bien intentionnés dont j'ai parlé dans mon allocution relève du ministère du Développement des ressources humaines, en collaboration avec Revenu Canada, le solliciteur général et le ministère de la Justice. Enfin, il y a plusieurs ministères fédéraux qui travaillent ensemble à ce programme pour aider ces gens-là, parce qu'évidemment, si quelqu'un veut disparaître et adopter une nouvelle identité, il faut que les divers ministères aient un moyen de retrouver sa trace aux fins de l'impôt et autres formalités.

En même temps, il faut que la nouvelle identité soit tout à fait secrète, afin que si le conjoint ou l'ex-conjoint embauche un détective privé, par exemple, il ne puisse pas retrouver sa trace. Le gouvernement doit donc connaître la nouvelle identité de la personne et savoir qu'elle n'est pas tout simplement disparue de la surface de la terre, mais il faut aussi que cela demeure secret.

[Français]

Mme Pierrette Venne: D'accord. C'est à peu près tout pour l'instant. Je vais continuer à examiner votre projet de loi avec beaucoup d'intérêt. Si j'ai d'autres questions, je vous les poserai certainement. Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Saada.

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): D'abord, je veux vous dire, monsieur Hill, que je trouve très louable ce que vous faites. L'objectif que vous poursuivez est extrêmement louable. J'ai pris la parole en Chambre à propos de ce projet de loi et, bien que je sois arrivé à la conclusion qu'il me fallait voter contre ce projet de loi, son objectif me paraissait très, très souhaitable. Il me paraît souhaitable parce qu'effectivement, une nouvelle identité ne suffit pas à la tâche. C'est évident. Il y a énormément de travail à faire à cet égard et il y a beaucoup de progrès à apporter à cela. On est tous d'accord là-dessus.

Je suis aussi d'accord sur le fait que le vote contre ce projet de loi ne se justifie aucunement, en ce qui me concerne, par des questions de financement. Ce sont des choses qui viennent après, une fois qu'on a établi le mécanisme.

J'avais d'importantes réserves et j'ai toujours de grosses réserve parce que le programme de protection des témoins, pour ce genre de situation où une conjointe est menacée, ne peut pas se faire dans un vide. Il faut qu'il y ait des services de soutien. Il faut qu'il y ait des services sociaux qui puissent contribuer à l'exécution de ce programme. Ce sont là des choses du domaine provincial. Votre projet de loi est un projet de loi unilatéral. Quelles approches avez-vous faites auprès des gouvernements provinciaux pour connaître leur réaction à cette initiative?

[Traduction]

M. Jay Hill: Je pense que c'est une préoccupation légitime. Ce serait certainement abordé dans le cadre des délibérations et de l'étude du comité, mais je pense que ce que j'ai tenté de faire... pour répondre directement à votre question, je n'ai pas pressenti les gouvernements provinciaux. Je sais que la législation diffère qu'une province à l'autre. J'ai voulu voir ce qu'il était possible de faire au niveau fédéral pour aider ces victimes.

• 1600

Oui, il faudrait que ces mêmes victimes aient aussi accès aux services de counselling, aux maisons de transition, aux refuges, etc. Il n'y a aucun doute là-dessus. Il faudra travailler à tout cela au cours des discussions qui ont actuellement lieu et auxquelles vous avez fait allusion dans votre discours à la Chambre des communes. Il faudra qu'il y ait collaboration entre les deux niveaux de gouvernement.

Ce que je tente de faire, évidemment, c'est de voir ce que l'on peut faire au niveau fédéral et qui serait uniforme dans l'ensemble du pays, en vue de créer un programme auquel tous les Canadiens pourraient avoir accès en dernier recours pour essayer de sauver leur vie.

Je pense que je vais m'en tenir là pour l'instant.

M. Jacques Saada: Si vous lancez une initiative qui va accélérer le processus ou tenter de régler la question plus rapidement qu'elle ne l'est à l'heure actuelle dans le cadre des rencontres fédérales-provinciales, qu'est-ce qui vous incite à croire que l'adoption de ce projet de loi accélérerait la mise en «uvre des services provinciaux qui doivent être dispensés pour l'application de ce projet de loi?

M. Jay Hill: Eh bien, je me trompe peut-être, mais je ne crois pas que le problème se situe du côté de la rapidité avec laquelle les gouvernements provinciaux mettent en «uvre les services qu'ils offrent.

M. Jacques Saada: Je fais allusion à... vous avez posé une question très valable dans votre allocution. Vous avez dit: si nous n'adoptons pas ce projet de loi, alors que faisons-nous d'autre, et quand?

M. Jay Hill: Exactement.

M. Jacques Saada: J'en déduis que l'un des objectifs de ce projet de loi, c'est qu'à défaut d'autre chose, il pourra au moins accélérer l'adoption de mesures visant à atteindre vos objectifs. Je trouve que c'est logique. N'est-ce pas?

M. Jay Hill: Non, je ne le considère pas comme un moyen d'accélérer les choses. Je considère que c'est un moyen d'établir un programme qui offrira aux victimes certains services, certaines protections qui ne sont pas actuellement offerts par ce programme ponctuel. Tout ce que le programme actuel fait, c'est qu'il donne aux personnes un nouveau numéro d'assurance sociale. Cela leur permet de changer de nom. C'est tout.

J'ai vérifié auprès des refuges pour femmes battues un peu partout au Canada et j'ai constaté que très peu de gens, même parmi les intervenants eux-mêmes, les gens qui travaillent dans ces refuges, les conseillers, les gens qui sont censés venir en aide aux victimes de violence familiale, très peu connaissent l'existence de ce programme.

N'en connaissant même pas l'existence, ils ne peuvent pas en faire la recommandation à une victime qui voudrait peut-être s'en prévaloir. Ce que je dis, c'est que ce programme est évidemment bien intentionné, mais qu'il n'a pas de mandat, pas de financement, pas de communication et pas suffisamment de liens avec les groupes intéressés, au point que les gens n'en connaissent même pas l'existence. Même pour celles qui y ont accès, le programme actuel n'a pas suffisamment de fonds. Il ne peut pas les aider vraiment. Beaucoup de ces gens-là sont tout à fait désespérés, comme vous le savez sans doute, et n'ont pas les moyens d'entrer dans la clandestinité, à même leurs propres ressources financières. Elles ont besoin d'un peu d'aide.

Le programme actuel de protection des témoins, dirigé par la GRC, peut fournir tout cela. À mes yeux, c'est la différence. Je ne vois pas que le problème consiste tellement à essayer d'accélérer le processus; il s'agit de mettre en place au niveau fédéral un programme vraiment valable auquel les gens peuvent avoir accès.

M. Jacques Saada: D'accord.

Je m'excuse, est-ce qu'il me reste du temps?

Le président: Poursuivez.

M. Jacques Saada: Je comprends ce que vous dites, mais vous dites en même temps qu'il s'agit plutôt de donner un élan à une forme quelconque de protection nouvelle pour ces gens-là qui ont besoin d'aide, plutôt que de résoudre le problème lui-même, concrètement, parce que les problèmes ne seraient pas complètement résolus à moins qu'il y ait une intervention provinciale dans le processus.

Ai-je bien compris, êtes-vous d'accord avec cela?

M. Jay Hill: Eh bien non, je ne suis pas d'accord avec cela. Je pense que bien souvent, un programme comme celui-ci peut résoudre le problème—cela dépend évidemment des cas individuels—si la personne n'a pas besoin de counselling par exemple et si elle estime que tout ce qu'il lui faut, c'est de se réinstaller ailleurs, elle-même, ou bien avec ses enfants, dans une autre province.

• 1605

En m'entretenant avec elles, j'ai été frappé par le désespoir de ces femmes. Je ne peux pas personnellement m'imaginer dans une situation où je dirais, bon, je vais couper tout lien avec ma famille, avec mes amis, avec mon passé. Je vais prendre mes enfants et disparaître. Dans bien des cas, leur carrière est finie, même si elles ont passé des années à étudier à l'université, à obtenir un diplôme ou quoi que ce soit, parce qu'elles doivent devenir une nouvelle personne.

Je perçois le besoin de mettre en place un programme qui permettrait aux personnes qui sont dans ces situations désespérées de se réinstaller, et de les aider à se réinstaller et à commencer une nouvelle vie, une vie qui, il faut l'espérer, ne sera pas marquée par la peur.

Ces personnes n'auront pas besoin—je ne peux pas imaginer pourquoi elles auraient besoin d'avoir d'accès, par exemple, à un refuge pour femmes battues, qui est dirigé par les autorités provinciales, ou à des services provinciaux de counselling et autres programmes du genre. Il y aura probablement des cas, en effet, où des gens auront besoin de l'aide des programmes provinciaux pour surmonter cette tragédie qui a perturbé leur vie. Mais dans d'autres cas, je pense qu'elles n'en auraient pas besoin. Le programme serait tout ce dont elles ont besoin.

Le président: Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président.

J'ai une brève question, monsieur Hill, qui s'inspire d'une considération d'ordre pratique.

Vous avez dit dans votre allocution que l'on pourrait entendre des témoins qui viendraient essentiellement nous raconter leur vie et nous dire pourquoi c'est tellement important pour eux. Je pense que certains de ces témoins tiennent probablement à garder leur identité secrète. Comment peut-on leur demander de venir témoigner devant un comité ouvert, sous les feux de la rampe et de s'identifier devant le monde entier, y compris leur conjoint dont elles ont peur?

M. Jay Hill: C'est une bonne question. Je pense que certaines personnes ne viendront pas. Celles qui se sont données beaucoup de mal déjà pour disparaître effectivement, qui seraient susceptibles de nous donner les meilleurs témoignages, si vous voulez, pour vraiment faire comprendre au comité ce qu'elles ont dû endurer, refuseront de comparaître devant le comité. Dans ces cas-là, comme je l'ai dit dans mon exposé, tout ce que nous réussirons à obtenir sera un témoignage écrit et assermenté.

Pour les autres... peut-être y aura-t-il des cas comme une femme qui est venue me voir à mon bureau ici même sur la colline du Parlement. Elle est venue déguisée. Elle est venue pour une brève rencontre d'une demi-heure et elle était manifestement terrorisée. Mais elle trouvait que la question était d'une telle importance qu'elle est venue quand même.

J'insisterais certainement pour que le comité, au moment d'entamer des travaux là-dessus, s'efforce dans toute la mesure du possible de garantir la sécurité de quiconque vient témoigner.

C'est une question très valable. Les personnes que le comité tiendrait le plus à entendre sont celles-là même qui ont le plus peur de comparaître devant le comité.

M. Chuck Cadman: Merci, monsieur Hill.

Le président: Merci, monsieur Cadman.

[Français]

Madame Venne.

Mme Pierrette Venne: Vous ne parlez pas des enfants dans votre projet de loi. Est-ce parce que vous considérez qu'ils sont inclus? Est-ce sous-entendu? Je me pose simplement la question.

[Traduction]

M. Jay Hill: Si vous examinez l'article 7—et j'en ai fait mention dans mon allocution quand j'ai parlé des critères—il est certain que la GRC tiendrait compte de l'intérêt supérieur de l'enfant en examinant chaque cas au mérite. Je pense que dans la plupart des cas, et lorsqu'il y a suffisamment d'éléments de preuve pour appuyer l'octroi de la protection au titre de ce programme à la personne, homme ou femme—dans la grande majorité des cas, c'est une femme—les enfants accompagneraient la mère. C'est ce que j'entrevois. Je n'en ai pas parlé explicitement, mais j'ai fait mention des enfants à quelques reprises dans mon exposé.

• 1610

Il y a eu très récemment au Canada deux ou trois affaires très médiatisées et très tragiques d'une personne qui a assassiné toute sa famille avant de se suicider. Il est donc évident que les intérêts des enfants sont primordiaux, en plus de ceux du conjoint dont la vie est en danger.

[Français]

Mme Pierrette Venne: Pour ma dernière question, je ne voudrais pas être redondante et revenir sur ce que vous avez déjà dit, mais dois-je comprendre que les femmes auraient recours à cette forme de protection en dernier ressort?

[Traduction]

M. Jay Hill: C'est certainement ma vision des choses. Comme je l'ai dit, je ne peux pas imaginer qu'une personne se mette dans cette situation à la légère, en raison de la nature même de la nouvelle identité, qui exige de couper tous ses liens avec le passé, comme le font les témoins à charge qui sont protégés aux termes de l'actuel programme de protection des témoins dirigé par la GRC. Je ne peux même pas m'imaginer ne plus jamais pouvoir communiquer avec mes parents, ne plus jamais parler à mon meilleur ami et ne plus jamais avoir le moindre contact avec d'anciens collègues. C'est un peu comme si l'on mourait.

Quand je dis que pour moi, ce serait un programme de dernier recours, je pense que c'est ainsi que les victimes elles-mêmes le voient. C'est pourquoi cela ne va pas mettre fin... pas plus que n'importe quelle mesure particulière que nous, législateurs, pourrions prendre. Nous ne résoudrons pas le problème à l'aide d'un seul programme. Malheureusement, il y aura encore au Canada des gens qui se feront assassiner par leur conjoint ou leur ex-conjoint. J'essaie seulement d'en sauver quelques-uns, ceux qui sont prêts à prendre cette mesure extraordinaire et tout à fait tragique de couper tous les liens avec leur passé et d'adopter une nouvelle identité. C'est pourquoi je dis que pour moi, ce serait vraiment un dernier recours.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Maloney.

M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Monsieur Hill, existe-t-il un système semblable dans d'autres juridictions?

M. Jay Hill: Vous voulez dire au Canada?

M. John Maloney: Non, à l'étranger. Y a-t-il un pays quelconque où il existerait un système semblable?

M. Jay Hill: Pas à ma connaissance. Vous demandez si aux États-Unis, par exemple, ou bien en Angleterre ou en Australie, ils ont un programme semblable à celui que je propose de créer ici?

M. John Maloney: Oui.

M. Jay Hill: Je n'en connais pas, mais je dois admettre que je n'ai pas fait de recherche pour vérifier au niveau international. Un membre de mon personnel dit qu'il a fait quelques vérifications préliminaires et qu'il n'a pu trouver l'équivalent nulle part. Au meilleur de notre connaissance, il n'y en a pas.

M. John Maloney: Vous vous rendez compte qu'il semble y avoir chevauchement des compétences pour ce qui est de la garde des enfants, qui est de ressort provincial aux termes du droit de la famille, et pour le soutien des enfants. Ce que vous proposez, c'est qu'un commissaire de la GRC prenne la décision unilatéralement, sur recommandation de la GRC. Vous n'avez pas consulté les provinces. Qu'advient-il des provinces dans tout cela? Les décisions relativement au soutien et à la garde sont prises par un juge en application de la loi provinciale, et voici qu'on fait table rase de tout cela.

M. Jay Hill: Je dirais qu'aux termes du programme actuel, le programme ponctuel, cette décision est prise par des fonctionnaires, des bureaucrates qui aident les personnes en cause à adopter une nouvelle identité. Je pense donc que ce serait une amélioration que cette décision soit prise par le commissaire de la GRC, guidé par certains critères, plutôt que par ces fonctionnaires, aussi bien intentionnés soient-ils.

M. John Maloney: Aux termes du programme actuel, lorsqu'un témoin adopte une nouvelle identité, ses enfants l'accompagnent-ils?

M. Jay Hill: Dans certains cas, les enfants sont autorisés à adopter la nouvelle identité avec la mère.

M. John Maloney: Sans l'intervention de quiconque.

M. Jay Hill: Pardon?

M. John Maloney: Sans qu'aucune autre juridiction ou agence intervienne; la décision est prise et les enfants s'en vont.

M. Jay Hill: Je pense que c'est ainsi que cela se passe.

Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]

Le président: Excusez-moi, monsieur Hill. Je n'ai aucune objection à ce que votre collaborateur intervienne, mais je lui demanderais de s'identifier.

• 1615

M. Rob Taylor (adjoint législatif, Bureau de Jay Hill, député): Je suis Rob Taylor, l'adjoint législatif de Jay.

L'une des femmes que Jay a mentionnées dans son allocution est actuellement bénéficiaire du programme. L'un des problèmes qu'il faut régler, c'est que son mari obtient de l'aide juridique pour tenter de recourir aux services d'un enquêteur privé pour trouver l'enfant et sa mère, même s'il y a un dossier de la police de sept pouces d'épais. Elle a la garde de l'enfant, mais parce qu'il n'y a pas eu de décret l'autorisant à quitter la province avec l'enfant... C'est l'un des aspects qu'il faut tirer au clair. Nous estimons que la GRC et le gouvernement fédéral seraient les mieux placés pour s'en occuper, au lieu de s'en remettre aux fonctionnaires.

M. John Maloney: Allez-vous faire venir des représentants de la communauté policière, l'Association canadienne des chefs de police, ou bien l'Association canadienne des policiers, qui viendraient témoigner qu'ils appuient ce programme?

M. Jay Hill: Puis-je le faire?

M. John Maloney: Le ferez-vous?

M. Jay Hill: Nous avons communiqué avec eux et ils n'ont pas encore confirmé s'ils viendront ou non. Dans le cas de la GRC, tout ce que je sais, c'est ce que j'ai lu et entendu dans les médias après l'adoption du projet de loi. Par exemple, la GRC a exprimé des préoccupations, tout comme M. Cadman l'a fait, au sujet du financement, et c'est pourquoi la GRC hésite à appuyer le programme. Il y a donc des préoccupations de ce côté.

Chose certaine, comme je l'ai dit dans mon discours à Chambre des communes, je voudrais que le comité entende les intervenants—je déteste ce mot—quiconque est directement intéressé à la question, qu'il s'agisse des chefs de police, des associations de policiers, ou de simples agents de police qui ont quotidiennement à intervenir dans des affaires de violence conjugale. Je pense qu'il serait très valable que le comité entende le témoignage de ces gens-là, qui pourraient nous dire si, à leur avis, le programme pourrait leur être utile ou s'il devrait être modifié. Je suis absolument en faveur de cela. Ils n'ont pas confirmé leur comparution et je ne les ai donc pas inscrits sur la liste des témoins que j'ai remise au président aujourd'hui, mais je ne suis certainement pas contre le fait de les ajouter à la liste des témoins, ou bien un autre membre du comité pourrait le proposer. Je l'appuierais à coup sûr.

M. John Maloney: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman: Je n'ai plus de questions.

Le président: Monsieur Saada.

M. Jacques Saada: Puisque votre collaborateur vous a appelé Jay, je vais vous appeler Jay moi aussi, en tant que collègue.

M. Jay Hill: Merci.

M. Jacques Saada: Votre sincérité m'impressionne. J'ai des réserves au sujet du projet de loi, mais cela n'enlève rien à ce que je viens de dire.

Quand vous consultez des victimes, je peux comprendre que celles-ci sont bien sûr dans un état psychologique tel que l'on peut s'attendre à ce qu'elles soient prêtes à appuyer n'importe quelle proposition susceptible d'améliorer leur sort ou de les rassurer. C'est très logique et compréhensible. Mais ce n'est pas nécessairement la meilleure source d'information quand à ce qui serait la meilleure solution en l'occurrence, à mon avis. Avez-vous consulté le personnel des refuges pour femmes battues et d'autres intervenants du genre? Quelles ont été leurs réactions? Que pensaient-elles, par exemple, d'un programme dirigé par la police par opposition à un programme dirigé par les autorités civiles? Qu'avez-vous tiré de ces consultations?

M. Jay Hill: Je pense que vous avez raison. Je viens de mentionner les discours que j'ai prononcés à la Chambre des communes sur cette question et, comme je l'ai dit, j'encourage certainement le comité à faire comparaître des personnes qui travaillent dans ce domaine—j'hésite à parler d'une industrie—qui s'occupent professionnellement d'aider les victimes de violence familiale, qu'ils soient conseillers ou employés de refuges pour les femmes ou de maisons de transition, etc. J'encourage le comité à les entendre directement.

J'en ai effectivement consulté un bon nombre. Vous avez raison, ils avaient des réserves au sujet d'un programme dirigé par la police. Ils ont exprimé des préoccupations. Ils appuyaient certainement l'intention du programme, mais je ne vais pas tenter de vous faire croire qu'ils ont appuyé aveuglément le projet de loi tel quel. Ils se demandaient effectivement si c'était une bonne idée de donner au commissaire de la GRC le pouvoir de prendre la décision ultime quant à savoir qui peut bénéficier du programme. Je pense que tout cela doit être discuté ouvertement pendant les délibérations du comité.

• 1620

J'ai toujours soutenu que si le comité, après avoir étudié la question, peut trouver mieux, peut modifier le projet de loi et le rendre meilleur, si le gouvernement—et je l'ai dit au gouvernement lui-même, au ministre de la Justice—peut proposer un programme séparé ou qui s'ajouterait à l'actuel programme de protection des témoins et qui constituerait une amélioration, je me prononcerais certainement en faveur d'une telle initiative.

Comme vous l'avez dit au début de votre intervention, mon intention est très sincère. Je veux seulement venir en aide à ces gens-là. Je pense que notre pays leur fait défaut et les conséquences sont tragiques. Je pense que nous pouvons faire plus et c'est notre devoir de le faire. Je trouve que votre comité ne saurait se donner une tâche plus grande et plus noble que celle d'étudier de façon approfondie la question de la violence familiale et, dans les rares cas où des personnes risquent vraiment de se faire assassiner par leur conjoint ou leur ex-conjoint, de concevoir un programme pour leur venir en aide.

M. Jacques Saada: J'essaie de me rappeler combien de réunions fédérales-provinciales ont eu lieu au cours des derniers mois, je pense qu'il y en a eu au moins trois et, sauf erreur, à chacune de ces rencontres cette question était à l'ordre du jour: l'amélioration du programme de changement d'identité ou son remplacement par un programme quelconque. On me reprendra si je me trompe, mais je crois aussi que l'une des provinces hésitait beaucoup à participer aux réunions sur cette question pour une foule de raisons, fort probablement des querelles de compétences, mais je ne saurais l'affirmer. Je n'étais pas là et personne ne m'a fait rapport sur cette question.

Je trouve qu'il serait dommage qu'une initiative comme la vôtre frappe un mur et que rien ne vienne la remplacer. Je serais plutôt en faveur d'exercer des pressions sur les ministères fédéraux et provinciaux pour qu'ils s'attaquent à ce problème.

Si l'on modifiait votre projet de loi, surtout quant au rôle de la police, ce serait un changement tellement fondamental que ce ne serait plus un amendement mais un tout nouveau projet de loi. Je suis prêt à écouter et j'ai hâte de suivre les audiences, mais si vous tenez compte des préoccupations des femmes pour ce qui est d'un programme dirigé par la police, si vous tenez compte de la complexité des relations fédérales-provinciales, etc., si vous tenez compte du fait que la police hésite, ne serait-ce que pour des raisons financières... C'est l'une de leurs préoccupations, comprenez-moi bien, ce n'est pas moi qui le dit, mais ils ont aussi d'autres réserves.

Le programme de protection des témoins a été conçu pour des fins précises. En fait, vous ne faites que changer le programme de protection des témoins. Vous ne pouvez pas le changer d'une seule manière. Si vous le changez, vous en changez tout le fonctionnement, ce qui veut dire que vous modifiez aussi son fonctionnement pour les fins pour lesquelles il a été conçu à l'origine. Votre initiative soulève donc en même temps un certain nombre d'autres préoccupations.

Si nous décidons de ne pas en confier la direction à la police, nous n'avons aucune compétence fédérale nous permettant d'imposer quoi que ce soit, parce que tout votre projet de loi est fondé sur la GRC.

Je veux entendre ce que les témoins auront à dire là-dessus, mais pour le moment, je ne suis vraiment pas disposé à appuyer le projet de loi dans sa forme actuelle pour ces raisons précises.

• 1625

Un dernier point, pour faire suite à une question posée par John Maloney. Oui, en effet, les décisions sont prises par des fonctionnaires dans le cadre du programme actuel. Elles seront prises par la police dans le nouveau programme. Mais au moins, sous le régime actuel, elles sont prises par des fonctionnaires dans le cadre d'une entente fédérale-provinciale, tandis que cette décision de la police, si nous adoptions le projet de loi tel quel, serait prise sans qu'il y ait entente entre les organisations fédérales et provinciales.

Pour illustrer la différence sur le plan de la garantie, je pense que la meilleure garantie de succès de toute initiative dans ce dossier, c'est la volonté commune, d'un bout à l'autre du pays, de remédier au problème.

M. Jay Hill: C'est bien vrai qu'un certain nombre de personnes ont exprimé des réserves quant au fait que ce serait la GRC, et plus particulièrement le commissaire de la GRC qui prendrait la décision finale d'admettre quelqu'un au programme, mais je voudrais bien moi-même entendre leurs arguments, qu'ils me disent le pour et le contre. Tout comme vous, j'ai hâte d'entendre ces arguments.

J'ai étudié cette question de façon assez approfondie depuis un an et je pense que mon projet constituerait une amélioration. La GRC a manifestement compétence au niveau fédéral. Il est évident que sa compétence s'exerce d'un bout à l'autre du pays, depuis le Grand Nord jusqu'à Toronto. C'est donc un moyen pour nous d'offrir un programme, tout comme il existe un programme de protection des témoins à charge, peu importe de quel coin du pays ils viennent.

Si les responsables croient qu'une personne devrait avoir accès au programme de protection des témoins, alors la personne en question est inscrite à ce programme et je pense que cela pourrait marcher. Faudrait-il modifier le projet de loi? Peut-être. Mais vous avez tout à fait raison en ce sens qu'il faudrait que les mêmes éléments de base du programme actuel de protection des témoins demeurent en place pour protéger également les conjoints. C'est de cette façon que j'ai conçu le projet de loi.

J'ai déjà déclaré publiquement à de nombreuses reprises, y compris à la Chambre des communes, que la principale raison pour laquelle j'ai choisi cette façon de faire, pour tenter de donner une meilleur protection aux conjoints victimes de violence en les faisant bénéficier du programme de protection des témoins, c'est parce que c'était la seule solution possible pour moi. Je ne suis pas ministre de la Justice. Il m'est impossible de concevoir un tout nouveau programme et de dire «voici un programme qui sera meilleur que l'autre». Je ne peux pas faire ça en tant que simple député, mais je reconnais qu'il est très possible qu'il puisse exister une meilleure solution, que vous la trouviez durant vos délibérations et que le gouvernement puisse présenter quelque chose de mieux que mon projet. Je l'ai toujours soutenu.

Le président: Merci, monsieur Saada.

Monsieur Abbott.

M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Alliance canadienne): Merci.

J'ai pris spécialement la peine de venir à cette réunion parce que la question m'intéresse particulièrement vu que j'ai été l'objet de démarches de la part d'un certain nombre de personnes qui, dans la vraie vie, sont tombées sous le coup du programme actuel de protection des témoins. Je pense que le projet de loi que vous proposez, qui ajoute au programme la protection des conjoints, nous donne une excellente occasion de nous pencher sur cette question, et j'appuie votre projet de loi à cet égard, mais cela ouvre aussi la porte au Comité de la justice, ou à l'organisme compétent du Parlement, pour examiner toute la question du programme de protection des témoins.

D'après l'expérience des gens qui ont communiqué avec moi après avoir été attirés dans ce programme, celui-ci est extrêmement insatisfaisant à de nombreux égards. On a porté à ma connaissance des allégations très graves, des allégations qui m'ont semblé très plausibles étant donné la façon dont le tout est structuré actuellement, relativement à des abus de la part de personnes dans les milieux de l'application de la loi. Ce sont de rares exceptions, mais elles existent. On m'a aussi fait comprendre que le programme manque cruellement de ressources financières.

Nous avons eu hier ici même une excellente réunion du Comité de la justice, au cours de laquelle nous avons été saisis de la motion M-79 inscrite au nom de M. MacKay. Nous avons décidé au comité de travailler à l'unisson en vue d'atteindre un objectif très louable et nous avons fait certaines recommandations au ministre de la Justice. Nous pouvons travailler de la sorte au comité et nous avons eu hier une très bonne journée.

• 1630

J'invite les membres du comité à considérer que, s'il est vrai que le Comité de la justice a un ordre du jour très chargé au point qu'il déborde, et que c'est un grave problème pour nous, il n'en demeure pas moins que cette initiative nous donne l'occasion d'examiner une question précise, à savoir la protection des conjoints, mais aussi d'en profiter pour examiner toute la question de la protection des témoins. Je trouve que c'est un outil précieux pour les organismes d'application de la loi au Canada, et pourtant le programme a actuellement grandement besoin d'être remanié. Remarquez bien que je n'ai pas dit retouché, mais bien remanié.

J'ai compris où M. Saada voulait en venir avec ses questions, et peut-être que son attitude reflète la position du gouvernement sur cette question. Il disait: «C'est très bien, mais...». Alors peut-être que nous n'irons pas plus loin.

Je trouve que nous devrions réfléchir très sérieusement en vue de trouver une solution quelconque au cours de la législature actuelle, compte tenu du fait que nous sommes déjà en juin et que nous en arrivons à la fin de la session, mais il devrait être possible au cours de la législature actuelle... Au lieu de simplement renvoyer le projet de loi C-223 en disant que c'est très bien mais que ça ne va pas, nous devrions saisir l'occasion, même si nous devons créer un sous-comité, pour examiner toute la question de la protection des témoins, en y ajoutant la protection des conjoints sous le régime de la Loi sur le programme de protection des témoins.

M. Jay Hill: Eh bien, je m'en voudrais de parler au nom de M. Saada, mais ce n'est pas ce que j'ai compris de ses propos. En fait, j'ai même compris tout le contraire: il a hâte de participer aux délibérations du comité si celui-ci a bel et bien le temps d'étudier cette question. C'est du moins ce que j'ai cru comprendre de ses questions, observations et commentaires.

Je suis d'accord avec vous pour dire que c'est l'occasion pour le comité d'étudier toute la question de la violence conjugale et familiale, ce qui est déjà une tâche énorme. Mais l'étude de ce projet de loi dans sa forme actuelle permettrait aussi au comité—en fait, ce n'est pas que cela lui permettrait de le faire, ce serait plutôt son devoir de se pencher sur le programme actuel de protection des témoins pour vérifier s'il fonctionne bien ou mal. Nous pourrions effectivement étudier en même temps le programme de protection des témoins parce que la question va évidemment se poser. Elle s'est posée dès que j'ai commencé à faire des recherches pour ce projet de loi.

Des gens, peut-être même les mêmes qui ont communiqué avec vous, sont venus me voir pour me dire: «Pourquoi envisagez-vous d'étendre la portée du programme de protection des témoins alors qu'il ne donne pas des résultats tellement satisfaisants dans mon cas. Je suis un témoin à charge inscrit au programme et ça ne fonctionne pas tellement bien. Il faut le retravailler, le remanier. Par conséquent, pourquoi voulez-vous y ajouter la protection des conjoints?» Je leur ai expliqué la situation, leur ai dit que je n'avais vraiment pas d'autre créneau, pour ainsi dire, pour ce que j'avais en tête, et ils ont compris. En fait, ils étaient contents de mon projet de loi parce que, comme vous l'avez dit, ils estimaient que cela donnerait au comité une occasion en or de se pencher sur le programme de protection des témoins en même temps qu'il étudierait toute la question de la protection des conjoints les plus vulnérables.

Le président: Merci, monsieur Abbott et monsieur Hill.

Je vais donner la parole à M. Saada, mais avant de le faire, je voudrais apporter une petite précision. À l'instar de M. Abbott, j'ai été très excité par le consensus qui s'est dégagé hier et par l'excellent travail accompli au comité. Mais je pense que nous devons aussi reconnaître que le Parlement nous a donné, par un vote très serré, le mandat d'accomplir une tâche précise.

Nous pouvons entendre des témoins et les interroger sur l'efficacité du programme de protection des témoins et tout le reste, mais la réalité est que nous étudions une mesure législative précise comme le Parlement nous en a donné l'ordre après un vote très serré. Je ne pense pas que nous puissions élargir tellement la portée de cet exercice.

• 1635

Deuxièmement, certains membres du comité savent que nous examinons aussi des questions connexes à d'autres tribunes dans le cadre de cette activité associée. Je ne veux pas que nous devenions redondants. Je le signale simplement pour éviter que nous nous laissions emporter par notre enthousiasme et tentions cet après- midi de résoudre tous les problèmes du monde.

Monsieur Saada.

M. Jacques Saada: Monsieur le président, je vous promets que je vais demeurer enthousiaste, mais que je ne me laisserai pas emporter.

Jim, vous avez fait une suggestion. Je voudrais rappeler à tous que nous nous sommes donnés à nous-mêmes le mandat, en tant que parlementaires, d'étudier tout ce qui concerne de près ou de loin le crime organisé. Nous avons un sous-comité qui a été créé à la suite d'une motion adoptée à l'unanimité à la Chambre. Nous savons que la très grande majorité des gens qui bénéficient du programme de protection des témoins sont des gens qu'il faut protéger parce qu'ils ont témoigné dans le cadre de la lutte contre le crime organisé. Nous avons donc là une occasion; à nous de la saisir.

Je trouverais extrêmement difficile de comparer la performance d'un programme qui existe dans un cadre donné à celle du même programme tel qu'il pourrait être. C'est difficile d'avoir les deux en même temps.

Je vous réponds simplement que pour ce qui est d'examiner le programme de protection des témoins, c'est une chose et nous avons les outils pour le faire. Il n'en dépend que de nous. Quant à la pertinence du programme de protection des témoins pour réaliser le projet de M. Hill, c'est vraiment ce que nous voulons entendre de la bouche des témoins.

Suis-je clair? Suis-je compréhensible? Vous n'êtes pas obligés d'être d'accord, mais dites-moi au moins que je suis compréhensible.

M. Jim Abbott: Vous êtes compréhensible.

M. Jacques Saada: Bien.

Le président: Maintenant que nous avons constaté que nous ne sommes pas nécessairement d'accord, mais qu'il est compréhensible, nous allons entendre M. MacKay.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Je me le tiens pour dit et je vais essayer d'être compréhensible. Je ne m'attends pas à ce que vous soyez d'accord. Vous avez toutefois donné votre accord hier et j'en suis reconnaissant.

Monsieur Hill, je tiens à vous féliciter pour le travail que vous avez fait sur ce projet de loi. Je pense que c'est une très noble cause et je vous appuie de tout coeur dans vos efforts. J'ai deux ou trois questions à poser au sujet de la loi actuelle.

Si je comprends bien le projet de loi dans sa forme actuelle... Je sais ce que vous essayez de faire; vous essayez d'attirer l'attention là-dessus et de faire inscrire dans la loi que les conjoints doivent être inclus dans la loi actuelle. Mais rien ne dit que les conjoints en sont exclus. S'ils correspondent aux critères et si l'on juge qu'ils sont en péril, ils peuvent actuellement présenter leur candidature et ils le font. Dans le passé, j'ai encouragé des témoins qui étaient justement dans cette situation de violence conjugale à poser leur candidature au programme de protection des témoins et ils ont été accepté. Cette éventualité n'est nullement exclue actuellement, n'est-ce pas?

M. Jay Hill: Non, elle ne l'est pas. Mais le principal critère, comme vous le savez bien, c'est que les personnes en question doivent être disposées à témoigner contre leur conjoint pour être admissibles au programme. C'est toute la différence. Avec les changements que je propose, elles n'auraient plus à le faire. Beaucoup hésitent à faire cela parce qu'elles estiment que cela ne fait qu'accentuer leur vulnérabilité et les chances d'être victimes de leur conjoint.

M. Peter MacKay: Oui. Je pense que vous avez touché du doigt le noeud du problème. Vous n'ignorez pas que la violence conjugale est très répandue d'un bout à l'autre du pays. On se bute invariablement à des cas de ce genre. Lorsque le procès est imminent, l'épouse décide souvent, de son propre gré, d'abandonner la poursuite. Souvent, c'est parce que la personne a été la cible de nouvelles menaces de violence ou bien parce qu'il y a des enfants en cause. Il y a une foule de facteurs psychologiques. C'est un problème énorme et vous méritez des félicitations pour essayer de le résoudre.

Aux termes du libellé que vous proposez, vous dites essentiellement que les conjoints eux-mêmes doivent être exemptés de la nécessité de témoigner après avoir été admis au programme.

M. Jay Hill: Eh bien, aux termes de la loi actuelle, la femme qui choisit de ne pas témoigner contre son conjoint ou son ex- conjoint dans une poursuite au criminel n'est pas pour autant éliminée du programme. C'est un choix personnel.

• 1640

J'espère que dans les cas les plus horribles, les femmes qui ont été battues, agressées et menacées, enfin vous êtes bien au courant de tous ces cas tragiques, j'espère qu'on continuera de les encourager à témoigner contre leur conjoint ou ex-conjoint.

M. Peter MacKay: Y a-t-il lieu de s'inquiéter... Je suis sûr que vous y avez réfléchi, mais cette mesure vient renforcer un programme. Vous essayez en fait d'en étendre la portée, d'affirmer plus explicitement l'admissibilité des conjoints, et peut-être que cela nous amène à examiner toute l'affaire. Je peux imaginer des cas semblables, des témoins qui ne sont pas nécessairement des conjoints ou qui n'ont pas de liens de ce genre avec l'accusé et qui devraient également être inscrits au programme et exemptés de témoigner.

M. Jay Hill: Je vous le dis bien franchement, je n'ai pas débordé du cadre. Je n'ai pas étudié non plus les cas de personnes qui peuvent être en danger mortel sans pour autant être en mesure de témoigner dans une poursuite criminelle contre une autre personne.

M. Peter MacKay: Je n'essaie pas de vous mettre sur la sellette, parce que je sais que vous-même et votre parti avez adopté une certaine position sur cette question, mais quelle définition de conjoint avez-vous proposé dans ce projet de loi?

M. Jay Hill: Essentiellement, nous l'avons laissée suffisamment vague pour que n'importe qui soit admissible. En fait, je pense que ce n'est pas clairement défini. J'ai laissé la question ouverte. On m'a demandé si les couples de même sexe seraient admissibles, aux termes du libellé actuel. J'ai demandé un avis juridique là-dessus et on m'a répondu que oui, qu'ils seraient admissibles. Quand j'ai rédigé le projet de loi, mon intention était de faire en sorte qu'il s'applique à toute personne qui répondrait aux critères et pourrait prouver au commissaire de la GRC que sa vie est effectivement menacée par un conjoint ou un ex- conjoint...

J'ai dit dans des interviews que l'orientation sexuelle n'a pas d'importance pour moi à cet égard. Dès que la vie d'un citoyen ou d'une citoyenne du Canada est en danger, cette personne doit être admissible au programme et être protégée.

M. Peter MacKay: Certainement, il faut donc que ce soit le plus inclusif possible quand c'est la sécurité du public qui est en jeu.

M. Jay Hill: Exactement.

M. Peter MacKay: Je suis certain que nos collègues ont abordé la question, mais les ressources voulues pour faire ce que vous envisagez... Le nombre de personnes visées va s'accroître de façon exponentielle, en fonction des critères d'admissibilité. C'est déjà un énorme défi que d'administrer ce programme actuellement et c'est probablement son pire défaut. À toutes fins pratiques, vous demandez que l'on réhabilite une personne, ou plutôt que l'on permette à cette personne de commencer une nouvelle vie, parfois dans une nouvelle ville et parfois pour une période prolongée. Je suppose—et c'est plus une observation qu'une question—que ce sera le plus grand obstacle à surmonter, compte tenu des contraintes financières actuelles, puisque le nombre de personnes visées va doubler ou peut-être même tripler. Ce sera tout un défi que d'obtenir cet engagement.

Je suis sûr que vous le saviez au départ et que vous avez foncé quand même. Encore une fois, je vous félicite pour vos efforts jusqu'à maintenant.

M. Jay Hill: Merci. Au sujet du coût, la question a déjà été soulevée à quelques reprises dans notre discussion cet après-midi et je reconnais certainement que c'est une considération importante. Je pense que nous tous ici présents et en fait tous nos collègues à la Chambre de tous les partis sont au courant des contraintes qui pèsent actuellement sur la GRC.

Comme je l'ai déjà dit, le comité, ou tout au moins le gouvernement devra s'attaquer à un moment donné à ce problème de financement. C'est vraiment difficile de savoir de combien le coût augmenterait parce que l'on ignore combien de gens seraient inscrits au programme. Nous savons que le programme ponctuel existant, dirigé par ces fonctionnaires du gouvernement bien intentionnés qui l'ont mis sur pied, a aidé un peu plus de 200 personnes à adopter une nouvelle identité au cours des six dernières années.

Comme je l'ai dit en réponse à une question tout à l'heure, la réalité est que l'aide accordée aux termes de la loi sur le programme de protection des témoins peut prendre diverses formes: déménagement, placement, aide en attendant de trouver du travail.

• 1645

Les personnes admises au programme n'entraînent pas toutes exactement les mêmes coûts. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il en coûterait plus cher de faire déménager quelqu'un de Nouvelle-Écosse en Colombie-Britannique, plutôt que de Nouvelle-Écosse au Nouveau- Brunswick.

C'est donc difficile de savoir exactement combien cela coûterait et combien de personnes bénéficieraient du programme. Il n'y a aucun doute que si ce projet de loi est adopté, le coût assumé par la GRC pour le programme augmentera considérablement.

M. Peter MacKay: Pour faire suite à ce commentaire, estimez- vous que ces ressources seraient peut-être dépensées à meilleur escient si l'on s'en servait pour renforcer les programmes de foyers d'hébergement? On sait que ceux-ci subissent les mêmes contraintes que d'autres programmes. Je sais que c'est essentiellement de ressort provincial, mais en fin de compte, c'est de l'argent fédéral.

Pendant qu'on y est, cela vient de me frapper: ce serait une intervention plus directe et plus opportune. Il semble que parfois, la paperasse à remplir et les modalités d'admission sont très problématiques pour un conjoint qui a besoin immédiatement d'un refuge.

Je sais que ce n'est pas du ressort de votre projet de loi. Pensez-vous personnellement que l'argent serait peut-être mieux dépensé dans ce domaine...

M. Jay Hill: Je n'ai pas envisagé la question sous cet angle, à savoir qu'il faut que ce soit l'un ou l'autre. Puisque vous posez la question, je dirais que non, parce que je ne pense pas que l'on puisse ériger un mur assez haut autour de ces soi-disant refuges pour femmes battues. Les murs ont beau être hauts, il n'en demeure pas moins que le conjoint ou l'ex-conjoint sait que cette personne à qui il veut faire du mal se trouve à l'intérieur des murs.

À moins de devenir prisonnière de cette maison à tout jamais, je suppose qu'il faut envisager différents modes de vie. Je ne peux pas m'imaginer vivre dans la peur toute ma vie, comme certaines de ces personnes ont dû le faire. Je trouve au contraire que les ressources seraient dépensées plus judicieusement si elles étaient consacrées à un programme comme celui-ci, qui vise à aider les gens à mettre fin à cette peur avec laquelle ils vivent jour après jour. On n'y arrivera pas en construisant un refuge plus solide, plus fortifié.

M. Peter MacKay: Non. Je voulais dire que c'est plus immédiat. Vous avez raison et je comprends votre réponse. Pour réhabiliter de façon durable la qualité de vie de ces personnes, il est certain que la protection des témoins et la possibilité d'aller vivre à distance et dans l'anonymat représente peut-être des mesures plus importantes, globalement.

Merci.

Le président: Le dernier intervenant sera M. Abbott.

M. Jim Abbott: J'ai une question sur la définition de «conjoint». Je cite:

    pendant au moins un an

Est-ce pour respecter une quelconque loi? Est-ce que ça pourrait être moins? Faut-il que ce soit un an, ou bien une période plus courte serait-elle acceptable?

M. Jay Hill: Je pense que c'est parce qu'il est reconnu, notamment par Revenu Canada, aux fins de l'impôt sur le revenu, que si l'on cohabite avec une personne pendant un an, en union de fait, cette personne est considérée comme le conjoint. Si je me rappelle bien, c'est la raison pour laquelle on a précisé cela dans le projet de loi.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Hill.

Merci, à tous.

Monsieur Hill, je vous demanderais de bien vouloir rester avec nous pendant quelques minutes, car votre connaissance évidente des dossiers de la justice pourrait nous être utile, et votre présence physique également, car il nous faut neuf personnes présentes. Vous comprenez que, puisque vous êtes le whip, nous pouvons vous demander de rester ou bien vous demander de faire venir quelqu'un d'autre. Il serait donc peut-être plus simple que vous restiez.

M. Jay Hill: Je suis prêt à rester pendant quelque temps.

Le président: Je cède la parole au président du sous-comité sur le crime organisé.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Le sous-comité sur le crime organisé, à sa réunion du lundi 5 juin, a adopté une motion par laquelle le sous-comité demande l'autorisation de se déplacer et qu'on lui attribue un budget provisoire.

Je pense que la procédure idoine est que le comité permanent doit adopter ou accepter cette motion. Nous devions envoyer notre négociateur en chef au comité de liaison, mais je suppose qu'il s'est porté manquant. Je présenterai donc l'affaire au comité de liaison, demain, espérons-le.

Le président: Et je suis sûr que vous vous débrouillerez très bien, monsieur le président.

S'il n'y pas d'objections, je vais mettre la question aux voix.

(La motion est adoptée)

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

Monsieur MacKay.

• 1650

M. Peter MacKay: Monsieur le président, c'est à propos du calendrier. Le projet de loi C-18 va nous revenir pour l'étude article par article et je suppose que celle-ci sera plutôt instantanée. Est-ce que cela correspond à la réalité?

Le président: Eh bien, à moins que quelqu'un veuille nous informer... Je pense qu'à moins de changement, nous étudierons le projet de loi C-18 demain matin...

M. Peter MacKay: C'est bien cela.

Le président: ... et j'avais l'impression que nous pourrions peut-être expédier le C-18 très rapidement parce que c'est une question dont on a déjà discuté. Un élément en avait été retranché et on est en train de réintégrer cet élément manquant, mais mon greffier me dit que j'ai reçu trois avis de motion demandant que l'on convoque des témoins, etc., de la part du député qui est responsable de notre horloge, laquelle n'a pas beaucoup avancé, je dois dire... Notre horloge fait de l'obstruction, si vous voyez ce que je veux dire.

Je ne peux donc pas prédire avec certitude ce qui pourra se passer demain matin quand nous serons saisis du projet de loi C-18, mais les fonctionnaires du gouvernement sont censés être présents.

Quant à votre autre position, vous êtes au courant des discussions qui ont eu lieu et qui nous ont incités à croire que l'on pourrait peut-être procéder rapidement, mais nous sommes saisis de motions qui indiquent le contraire.

M. Peter MacKay: D'accord. C'est pourquoi je posais la question.

Je n'ai pas d'objection à vous dire que l'affaire a été abordée à la réunion des leaders à la Chambre. J'espère que les gens se rendent compte des conséquences de tout cela. Je veux dire que nous pourrions bien siéger jusqu'en juillet. Ce n'est pas impossible, car les gens ont des opinions catégoriques sur ce projet de loi et tiennent à le faire adopter avant que nous partions.

Le greffier du comité: Pourrais-je dire un mot au comité?

Le président: Le greffier voudrait prendre la parole.

Le greffier: Je veux seulement informer les membres du comité que, comme le président l'a dit, j'ai reçu trois avis de motion de M. Bellehumeur. On est en train de les traduire en ce moment même. Vous devriez les avoir dans vos bureaux dès votre retour.

M. Peter MacKay: Merci.

Le président: Merci.

La séance est levée.