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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 29 avril 2003




¹ 1525
V         La présidente (Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.))
V         M. Don Head (sous-commissaire principal, Service correctionnel Canada)

¹ 1530
V         La présidente
V         Mme Rosaline Frith (directrice générale, Intégration, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration)

¹ 1535

¹ 1540
V         La présidente
V         M. Graham Stewart (directeur exécutif, Société John Howard du Canada)

¹ 1545

¹ 1550
V         La présidente
V         Mme Elizabeth McIsaac (directrice, directrice, «Maytree Foundation»)

¹ 1555

º 1600
V         La présidente
V         Mme France-Line Carbonneau (coordonnatrice, Programme d'alphabétisation familiale, Joindre l'Est à l'Ouest, Y des femmes de Montréal)

º 1605

º 1610

º 1615
V         La présidente
V         M. Monte Solberg (Medicine Hat, Alliance canadienne)
V         M. Don Head
V         M. Monte Solberg
V         M. Don Head
V         M. Graham Stewart

º 1620
V         M. Monte Solberg
V         M. Graham Stewart
V         M. Monte Solberg
V         M. Graham Stewart

º 1625
V         M. Monte Solberg
V         M. Graham Stewart
V         La présidente
V         Mme Diane St-Jacques (Shefford, Lib.)
V         Mme Rosaline Frith

º 1630
V         Mme Diane St-Jacques
V         Mme Rosaline Frith
V         Mme Diane St-Jacques
V         Mme France-Line Carbonneau

º 1635
V         Mme Diane St-Jacques
V         Mme France-Line Carbonneau
V         Mme Elizabeth McIsaac
V         La présidente
V         M. Sébastien Gagnon (Lac-Saint-Jean—Saguenay, BQ)
V         M. Don Head
V         M. Sébastien Gagnon
V         M. Don Head

º 1640
V         M. Sébastien Gagnon
V         Mme France-Line Carbonneau
V         M. Sébastien Gagnon
V         Mme France-Line Carbonneau

º 1645
V         M. Sébastien Gagnon
V         La présidente
V         M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.)
V         Mme Rosaline Frith
V         M. Eugène Bellemare
V         Mme Rosaline Frith

º 1650

º 1655
V         M. Eugène Bellemare
V         La présidente
V         Mme Rosaline Frith
V         La présidente
V         Mme Rosaline Frith
V         La présidente
V         Mme Rosaline Frith
V         La présidente
V         Mr. Raymond Simard (Saint Boniface, Lib.)

» 1700
V         M. Don Head
V         Mr. Raymond Simard

» 1705
V         Mme Rosaline Frith
V         M. Raymond Simard
V         Mme Elizabeth McIsaac
V         Mr. Raymond Simard
V         Mme France-Line Carbonneau
V         M. Raymond Simard
V         Mme France-Line Carbonneau

» 1710
V         M. Raymond Simard
V         La présidente
V         M. Gurbax Malhi (Bramalea—Gore—Malton—Springdale, Lib.)
V         La présidente
V         M. Gurbax Malhi
V         Mme Rosaline Frith
V         M. Gurbax Malhi
V         Mme Rosaline Frith

» 1715
V         La présidente
V         Mme France-Line Carbonneau
V         Mme Zaïa Ferani (responsable, Centre d'alphabétisation, Y des femmes de Montréal)
V         La présidente
V         Mme Zaïa Ferani

» 1720
V         La présidente
V         M. Don Head
V         La présidente
V         Mme Rosaline Frith
V         La présidente
V         M. Graham Stewart

» 1725
V         La présidente
V         Mme Elizabeth McIsaac
V         La présidente
V         Mme France-Line Carbonneau
V         La présidente










CANADA

Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 025 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 29 avril 2003

[Enregistrement électronique]

¹  +(1525)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs, je vous souhaite la bienvenue à la 25e séance du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées.

    Nous en sommes maintenant à l'audition de nos derniers témoins dans le cadre de notre étude sur l'alphabétisation. Nous sommes impatients de prendre connaissance de ce que vous avez à nous dire aujourd'hui sur le sujet.

    Je vais demander à chacun des groupes de se présenter avant de témoigner.

    Nous allons commencer par M. Head, qui représente le Service correctionnel du Canada.

+-

    M. Don Head (sous-commissaire principal, Service correctionnel Canada) (sous-commissaire principal, Service correctionnel du Canada): Merci, madame la présidente.

    Je m'appelle Don Head et je suis sous-commissaire principal au Service correctionnel du Canada.

    Je vais d'abord vous présenter rapidement le Service correctionnel du Canada et je vous exposerai ensuite brièvement ce que nous faisons en matière d'alphabétisation et dans le cadre de nos programmes d'enseignement auprès des délinquants incarcérés dans des établissements fédéraux.

    Quotidiennement, il y a environ 12 600 détenus en établissement et 8 500 au sein de la communauté. Environ 7 600 détenus sont admis chaque année au sein du système.

    Parmi les détenus, 96 p. 100 sont des hommes et 4 p. 100 des femmes. Environ 40 p. 100 de ces détenus ont de 20 à 34 ans. Pour ce qui est de la race, environ 85 p. 100 des détenus sont non-autochtones et 15 p. 100 autochtones. Environ 68 p. 100 de la population des détenus purgent une première peine fédérale.

    Le Service correctionnel du Canada est régi par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, qui impose entre autres au service l'obligation d'offrir une gamme de programmes visant à répondre aux besoins des délinquants et à contribuer à leur réinsertion sociale. L'un des moyens d'y parvenir est d'offrir des opportunités d'éducation et de formation professionnelle ayant fait l'objet de recherches et ayant été validées par le fait qu'elles réduisent les risques entraînés par la réinsertion des délinquants au sein de la collectivité.

    Nous avons cherché à évaluer les risques et les besoins des délinquants et, pour ce faire, nous nous sommes efforcés d'agir en particulier dans le domaine de l'emploi. Nous avons relevé trois facteurs importants qu'il convenait d'examiner lorsqu'on se penche sur la question de l'emploi des délinquants.

    Le premier a trait aux expériences de vie du détenu : les emplois qu'il a déjà occupés éventuellement et certains facteurs ayant contribué au fait qu'il n'a pas pu obtenir ou conserver un emploi. Nous avons aussi examiné les possibilités de développement des compétences des détenus, celles qui ont eues et celles qu'ils pourraient avoir au sein du système correction fédéral. Nous avons aussi examiné leur niveau d'éducation, et surtout sur le plan fonctionnel.

    Pour ce qui est du niveau d'éducation effectif des détenus dans les établissements fédéraux, un peu plus de 75 p. 100 n'ont pas un diplôme d'études secondaires. Surtout, un peu plus de 50 p. 100 n'ont pas atteint la 10e année, et environ 25 p. 100 ont un niveau inférieur à celui de la 8e année. Le Service correctionnel du Canada se sert de la 10e année comme critère de référence en matière d'éducation.

    Un certain nombre de recherches précises en matière d'amélioration du niveau d'éducation des détenus ont été menées à bien il y a quatre ou cinq ans. L'une d'entre elles a porté sur un peu plus de 6 000 délinquants masculins ayant participé au programme de formation de base des adultes et a comparé leurs résultats à ceux de tous les autres détenus libérés entre 1990 et 1993. Il y a eu une période de suivi de deux ans après leur libération.

    Cette étude a montré que ceux qui avaient terminé le programme FBA-2, qui correspond à la 8e année, avait enregistré une baisse de 7 p. 100 du taux de réincarcération et que ceux qui avaient terminé le programme FBA-3, soit l'équivalent de la 10e année, avaient enregistré une baisse de 21 p. 100 de ce même taux de réincarcération.

    Les études nous indiquent que lorsque nous consacrons du temps et de l'énergie aux besoins des détenus en matière d'éducation et d'emploi, nous sommes en mesure d'influer davantage sur la baisse des taux de réincarcération. Les interventions dans ces deux domaines se sont révélées efficaces.

    L'un des principaux avantages que nous avons constatés pour les détenus qui participent à des programmes d'éducation et d'alphabétisation découle du fait qu'on leur donne suffisamment d'aptitude à la lecture et à l'écriture pour qu'ils puissent faire état d'une alphabétisation fonctionnelle leur permettant en fin de compte de trouver de l'emploi.

    Je vais vous donner rapidement quelques exemples des différents programmes d'alphabétisation mis en oeuvre par le Service correctionnel du Canada. Dans la région des Maritimes, l'un de nos établissements offre un programme intitulé «Tourner la page». Il offre aux détenus la possibilité de remédier à leurs problèmes d'analphabétisme tout en leur permettant d'apporter de leur côté une contribution à la collectivité.

    À mesure qu'ils améliorent leur capacité en lecture, ils prennent part à l'enregistrement de livres pour enfants. Les bandes magnétiques et les livres sont alors distribués par Scholastic Books dans le réseau des écoles de la collectivité. Nous avons eu des commentaires très positifs de la part des différentes écoles ayant pris part à ce programme et reçu ces documents. Des émissions ont d'ailleurs été diffusées sur Canada AM et sur la station de télévision ABC.

    Nous avons aussi, au sein de nos établissements correctionnels pour femmes, un programme qui s'adresse aux mères et à leurs enfants. Il cherche à remédier à l'analphabétisme chez les femmes, mais il aide aussi leurs enfants à apprendre à lire. C'est un programme qui s'est avéré très utile.

    Nous avons constamment quelque 270 enseignants qui dispensent dans tout le pays des services d'éducation et l'alphabétisation. Dans leur majorité, ils sont sous contrat avec le Service correctionnel du Canada. Les classes comptent de 13 à 18 étudiants. Tout dépend du niveau d'alphabétisation des différents groupes concernés. On a pu ainsi constater que des classes de cette taille convenaient aux méthodes de formation de base des adultes que nous avons choisies d'utiliser au sein de nos établissements.

    Lors des prochaines étapes, le Service correctionnel du Canada envisage de mettre en oeuvre un processus de dépistage pour les troubles d'apprentissage lors de l'évaluation. Lorsqu'un nouveau détenu arrive, il fait l'objet d'une évaluation à l'entrée dans différents domaines, notamment en ce qui a trait à son niveau d'éducation et d'alphabétisation. Par ailleurs, nous avons déterminé qu'il nous fallait à l'entrée affiner nos outils d'évaluation afin de déceler les troubles d'apprentissage.

    Il nous arrive de plus en plus de détenus qui souffrent du syndrome ou des manifestations d'alcoolisme foetal. Nous devons en tenir compte avant que ces personnes prennent part à d'autres programmes d'éducation ou de prise en charge traditionnelle au sein de notre système correctionnel, pour ce qui est par exemple de la toxicomanie ou de la violence familiale.

    Nous envisageons de mettre en place des outils d'évaluation normalisés afin de définir les troubles d'apprentissage. Nous avons envisagé des moyens de signaler les détenus susceptibles d'avoir des troubles d'apprentissage au sein du système afin qu'on leur accorde toute l'aide et l'attention nécessaires. Nous pensons que cela nous aidera aussi à les renvoyer à d'autres services pour qu'ils prennent part à d'autres programmes au sein du système.

    Nous avons donc une bonne expérience des questions d'alphabétisation et d'éducation au sein du système correctionnel. J'estime que nous pouvons faire beaucoup de progrès pour alphabétiser les détenus, qu'il s'agisse des hommes ou des femmes. Nous chercherons à continuer à améliorer notre capacité d'intervention et, il faut l'espérer, à contribuer à une bonne réintégration de tous les détenus lorsqu'ils postuleront à un emploi au sein de la collectivité.

¹  +-(1530)  

+-

    La présidente: Merci, monsieur Head.

    Je vais maintenant donner la parole à la représentante du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.

+-

    Mme Rosaline Frith (directrice générale, Intégration, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Bonjour. Je m'appelle Rosaline Frith et je suis directrice générale des services d'intégration à Citoyenneté et Immigration Canada. Bon après-midi. Je suis heureuse de pouvoir vous entretenir aujourd'hui du sujet de l'immigration et des compétences linguistiques.

    Citoyenneté et Immigration Canada est conscient que la connaissance du français ou de l'anglais est essentielle à l'intégration économique, sociale, culturelle et politique. Des études nous ont révélé que même la santé mentale des nouveaux arrivants était affectée par l'incapacité à parler une langue officielle au niveau exigé pour s'intégrer efficacement.

    Le gouvernement fédéral accorde une très grande importance aux besoins en formation linguistique. Près de 80 p. 100 des fonds alloués pour l'établissement, soit quelque 333 millions de dollars annuellement, sont destinés au programme linguistique offert aux immigrants adultes.

    Permettez-moi de débuter en examinant rapidement les récentes tendances observées sur le plan des connaissances linguistiques des nouveaux arrivants. Comme vous pouvez le constater dans le graphique I, entre 1999 et 2001, le nombre de nouveaux arrivants ayant déclaré pouvoir parler l'anglais, le français ou les deux langues n'est que légèrement supérieur à celui des nouveaux arrivants ayant déclaré ne pouvoir parler aucune des deux langues officielles. Par exemple, en 2001, sur les 250 346 nouveaux arrivants au Canada, 114 775 ou 46 p. 100 ont déclaré pouvoir parler l'anglais, 4,5 p. 100 pouvoir parler français et 5 p. 100 être bilingues, comparativement à 111 000, soit 44 p. 100, qui ont mentionné ne pouvoir parler aucune des deux langues officielles.

    J'aimerais souligner que les tendances observées sur le plan des connaissances linguistiques pour les enfants d'immigrants montrent qu'un nombre croissant d'entre eux ont besoin de suivre des cours de langue seconde. Le graphique II du document distribué porte sur le groupe d'âge des cinq à neuf ans. Sur les 19 640 enfants de ce groupe d'âge en 2001, plus de 13 000, soit 68 p. 100, ne parlaient ni l'anglais ni le français. La majorité de ces enfants vivent dans les grandes villes où certains systèmes scolaires éprouvent des difficultés à répondre à la demande en ce qui a trait à l'enseignement des langues secondes. 

    Sans cours d'anglais ou de français langue seconde efficaces, plusieurs de ces enfants seront désavantagés par rapport à leurs pairs, étant donné l'importance des connaissances linguistiques dans tous les aspects de l'apprentissage à l'école.

    Les récentes tendances observées sur le plan des niveaux d'études des immigrants lors de leur arrivée au Canada montrent des augmentations soutenues en ce qui a trait aux niveaux d'études, comme l'illustre le graphique III. En 2001, 47 p. 100 des nouveaux arrivants étaient titulaires d'un baccalauréat ou d'un diplôme d'études supérieures. Cette situation se compare très avantageusement aux personnes nées au Canada, dont 34 p. 100 étaient titulaires d'un baccalauréat ou d'un diplôme d'études supérieures.

    Les nouveaux arrivants ayant un niveau d'études plus élevé peuvent apprendre plus facilement les langues et améliorer rapidement leurs aptitudes linguistiques. Les programmes actuels doivent être améliorés pour répondre aux besoins de ces nouveaux arrivants. D'ailleurs, on a affecté précisément dans le dernier énoncé budgétaire 5 millions de dollars de crédits supplémentaires par an à l'amélioration de la formation linguistique.

    Les fournisseurs de services qui offrent des cours de langue parrainés par nous-mêmes, les provinces, les organismes voués à la défense des droits et les nouveaux arrivants eux-mêmes nous ont dit que les immigrants avaient besoin de cours de langue plus avancés de même que des cours de langue propres à leur profession afin de leur permettre de mieux s'intégrer sur le plan économique. Le gouvernement fédéral finance chaque année la formation linguistique de base de quelque 50 000 nouveaux arrivants à l'extérieur du Québec, à un coût théorique d'environ 2 800 $ par étudiant.

    Nous finançons le programme Cours de langue pour les immigrants au Canada dans toutes les régions du Canada, à l'exception de la Colombie-Britannique, du Manitoba et du Québec, qui conçoivent et administrent des programmes similaires. Tous les résidents permanents adultes sont admissibles aux cours de langue. Des cours de langue sont offerts par des ministères, des particuliers, des organismes sans but lucratif, des conseils scolaires, des entreprises et des collèges communautaires.

    Le programme fédéral est offert en respectant les paramètres associés au cadre Niveaux de compétence linguistique canadiens. Ce cadre définit quatre compétences linguistiques, l'écoute, l'expression orale, la lecture et l'écriture, selon un continuum non linéaire de 12 niveaux de compétence.

¹  +-(1535)  

    Un cadre parallèle appelé Standards linguistiques canadiens existe pour les cours de français langue seconde à l'intention des nouveaux arrivants. Les deux cadres comportent des clauses visant à aider les nouveaux arrivants qui ne maîtrisent pas leur langue maternelle ou qui ne connaissent pas l'alphabet romain.

    Certains organismes voués à la défense des immigrants et certaines provinces ont répandu l'idée que les nouveaux arrivants adultes dont la langue maternelle est linguistiquement éloignée de l'anglais ou du français, comme le chinois et le russe, auront besoin d'une formation plus longue pour acquérir une langue officielle. Les résultats préliminaires tirés d'une recherche cofinancée par notre ministère suggèrent que ce n'est pas le cas. Le facteur prédominant dans l'acquisition d'une langue semble être le niveau d'études du nouvel arrivant. Les nouveaux arrivants ayant un niveau d'études élevé maîtrisent l'anglais ou le français plus rapidement que ceux ayant un niveau d'études inférieur.

    Suite au budget fédéral de février, CIC dispose dorénavant de fonds supplémentaires pour élaborer et administrer des projets de formation linguistique associée au marché du travail en partenariat avec les intervenants au cours des cinq prochaines années et ultérieurement. La formation mettra l'accent sur les programmes spéciaux conçus pour répondre aux besoins des immigrants en fonction de leurs professions respectives.

    La nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés a été mise en oeuvre en juin 2002. En vertu de ses critères de sélection, un demandeur peut obtenir un maximum de 16 points pour une maîtrise élevée de la première langue officielle et jusqu'à huit points pour la maîtrise élevée de la seconde langue officielle. L'anglais et le français ont un statut équivalent comme première ou seconde langue officielle.

    Il est possible que cette pondération élevée de la maîtrise de la langue officielle dans le processus de sélection—jusqu'à 24 points sur un total de 100—aura ultérieurement comme conséquence de faire diminuer la demande de cours moins avancés parrainés par CIC au Canada. Le passage à des niveaux plus élevés de formation semble opportun. Il est toutefois trop tôt pour évaluer son incidence éventuelle.

    Avant de conclure, laissez-moi vous donner quelques précisions au sujet de certains programmes spécialement conçus par le ministère—qui portent, par exemple, sur la prise en charge des personnes handicapées. J'estime que c'est important. Vous trouverez les renseignements correspondants à la page 6 de notre mémoire.

    La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés prévoit que les personnes protégées à titre humanitaire sont sélectionnées à l'étranger en fonction de leur besoin de protection de la part du Canada, sans égard à leurs handicaps. Elles sont alors dirigées vers des villes canadiennes où des services répondant à leurs besoins particuliers sont disponibles.

    Par exemple, à Winnipeg, au Manitoba, la province a un contrat avec la Society for Manitobans with Disabilities pour offrir de la formation linguistique aux immigrants adultes atteints de surdité. Le programme intègre la langue des signes américaine avec l'anglais langue seconde. Des initiatives semblables existent dans d'autres provinces pour les personnes ayant des handicaps auditifs ou visuels, et celles ayant des problèmes de mobilité.

    Certaines adaptations sont aussi effectuées dans le processus d'attribution de la citoyenneté. Dans un cas particulier, une personne âgée candidate à la citoyenneté, dans une communauté éloignée du Nunavut, a prononcé son serment de citoyenneté devant un agent de la GRC tandis qu'un juge de la citoyenneté présidait la cérémonie par téléphone, à partir d'Iqaluit.

    Dans un autre cas, à Winnipeg, une personne âgée gravement malade était hospitalisée et son souhait était de mourir en étant canadienne. Le juge de la citoyenneté s'est rendu à l'hôpital pour célébrer une cérémonie privée pour cette personne.

    Nous faisons tout notre possible en fait pour intégrer avec succès les immigrants au sein de la grande famille canadienne. Les connaissances linguistiques jouent un rôle très important en la matière.

    Je serais heureuse de répondre à toute question que vous pourriez avoir.

    Je vous remercie.

¹  +-(1540)  

+-

    La présidente: Merci.

    Au nom de la Société John Howard, nous allons maintenant entendre M. Stewart.

+-

    M. Graham Stewart (directeur exécutif, Société John Howard du Canada): Merci, madame la présidente, je vous souhaite une bonne après-midi.

    Je suis particulièrement heureux d'être ici aujourd'hui pour pouvoir aborder certaines des questions qui nous intéressent en matière d'alphabétisation et de justice. Pour ceux qui ne connaissent pas notre société, il s'agit d'une organisation nationale de bienfaisance qui depuis de nombreuses années s'occupe en particulier de la réhabilitation et de la réinsertion des détenus au sein de la collectivité.

    Je vous ai distribué mes notes d'allocution, dans lesquelles vous trouverez tout ce que j'aurais aimé dire si j'avais disposé d'un peu plus de temps. Je ferai très rapidement quelques observations à titre d'introduction avant de passer en revue nos recommandations.

    Je commencerai par citer la très honorable Beverley McLachlin, juge en chef de la Cour suprême du Canada, qui a déclaré :

[...] nous devrions faire notre possible pour que la loi soit claire et accessible à tous les Canadiens. C'est la loi qui probablement influe le plus sur la vie des gens. Il est bien vrai de dire que celui qui ne comprend pas ses droits n'a pas de droits.

    Je vais vous citer un autre cas que je connais, celui d'un jeune traduit devant le tribunal, qui a répondu au juge de première instance alors que celui-ci lui demandait « Êtes-vous l'accusé » le premier jour du procès, « Non, monsieur le juge, je suis celui qui a volé le camion. » Il est très clair à mon avis dans un cas comme celui-ci que quelqu'un qui ne comprend pas quels sont ses droits et qui n'a pas le niveau d'instruction nécessaire pour ce faire ne dispose pas vraiment de ces droits. Il est bien difficile d'imaginer dans ce cas que la justice puisse s'appliquer en toute impartialité.

    Il y a deux domaines que je veux aborder. Le premier est celui du système judiciaire—les tribunaux et les instances administratives—et l'autre a trait au service correctionnel. Je fais une distinction entre les deux parce que l'analyse est dans chaque cas différente. En ce qui a trait aux tribunaux, nous parlons des droits à un juste procès et, par conséquent, l'analyse est fondée sur les droits. En matière correctionnelle, il convient de développer l'alphabétisation des détenus pour qu'ils puissent se réinsérer au sein de la collectivité et, par conséquent, l'analyse doit porter avant tout sur l'éducation.

    Dans la pratique, les tribunaux opèrent dans un cadre qui fait appel à un niveau d'expression très complexe. La langue employée, les notions et même les mots courants ont un sens particulier dans ce cadre. Pour être à son aise et pour bien comprendre ce qui se passe, une personne a besoin d'être très alphabétisée. Pourtant, la majorité des gens qui comparaissent devant un tribunal—pas seulement les accusés, mais aussi les témoins et les victimes—n'ont souvent qu'un très faible niveau d'alphabétisation. Dans ce genre de situation, les tribunaux ont la très lourde charge de s'assurer que la procédure soit juste et équitable afin que les intéressés ne subissent pas un déni de justice.

    Dans le service correctionnel, nous constatons que pratiquement toutes les couches défavorisées sur le plan social, économique ou culturel sont surreprésentées au sein de l'univers carcéral. Il serait certes erroné de dire que l'analphabétisme est l'une des causes de la criminalité, mais il n'en reste pas moins que l'on rencontre dans les établissements correctionnels des taux d'analphabétisme bien plus élevés que dans la population en général.

    Ce que tous les délinquants ont en commun, c'est l'absence de ciment social. La corrélation entre les activités criminelles et l'absence de liens avec la famille, la collectivité et la société dans son ensemble est très élevée dans les différents établissements. C'est avant tout en renforçant ces liens sociaux que l'on s'efforce dans les établissements correctionnels de favoriser la réintégration de ces personnes.

    Bien évidemment, une personne qui est peu alphabétisée est désavantagée sur plusieurs plans. Il est très difficile de maintenir des liens familiaux dans cette situation et la participation aux programmes est problématique. Il faut bien voir aussi que toute espèce de faiblesse ou de vulnérabilité pose généralement un problème lorsqu'on est en prison. On a tendance à ne pas vouloir le montrer, ce qui fait que l'on se cache les réalités. L'une des façons de cacher son analphabétisme est de faire preuve d'indifférence ou d'hostilité. Il peut en résulter une évaluation plus élevée du risque que pose l'intéressé, ce qui lui rend plus difficile l'accès aux programmes et aux services. Il aura moins de chances de se voir accorder une libération conditionnelle, par exemple, et de bénéficier par la suite de services de réinsertion. Il y a donc là un cercle vicieux.

    Il est tout à fait normal au sein du service correctionnel qu'on mette fortement l'accent sur l'alphabétisation. M. Head a fait état d'une baisse de 21 p. 100 du taux de récidive, ce qui est très significatif. Il est par ailleurs utile de signaler que même une baisse de 1 p. 100 du taux de récidive compense largement le coût des programmes d'alphabétisation mis en place dans ce cadre.

¹  +-(1545)  

    Cela étant dit, je vais passer directement à nos recommandations.

    En matière de justice, nous estimons que dans leur action les tribunaux doivent présumer de l'existence d'un très faible niveau d'alphabétisation et non pas du contraire comme ils le font actuellement. La plupart des tribunaux partent du principe que les gens comprennent à moins qu'ils aient vraiment des raisons de penser le contraire. Nous savons par expérience que les juges se doutent bien souvent que des problèmes d'alphabétisation se posent mais qu'ils ne savent pas vraiment quoi faire pour y remédier.

    Le matériel, les ressources et l'information doivent être conçus pour que les personnes faiblement alphabétisées puissent comprendre dans toute la mesure du possible. Des ressources doivent être mises à la disposition des tribunaux pour les aider à se mettre au service des personnes faiblement alphabétisées en leur fournissant des interprètes ou des évaluateurs en mesure de garantir aux juges qu'elles comprennent bien ce qui se passe.

    On délivre souvent aux gens des ordonnances de mise à l'épreuve en leur disant de comparaître à une certaine date et à une certaine heure. D'un signe de tête ils indiquent qu'ils ont compris alors que ce n'est pas le cas. Parfois, ils ne savent pas de quel jour il s'agit et ils ne connaissent pas la date du lendemain. Ils ne savent pas lire et ne peuvent pas dire quelle heure il est. Par conséquent, les infractions sont importantes. Il faut bien se souvenir que l'infraction criminelle la plus courante qui est commise par les jeunes contrevenants est le défaut de respecter une condition fixée. Cela les amène à repasser devant le tribunal et à se voir infliger finalement des peines plus lourdes.

    Il est important que tous les professionnels de la justice et non pas simplement les juges reçoivent une formation. Nous avons constaté que les juges étaient très réceptifs. Nous avons pris part à de nombreuses expériences de formation avec les juges, mais les problèmes sont tels qu'on ne peut pas les régler en s'adressant uniquement aux juges.

    Nous vous répétons que toutes les règles et procédures du Service correctionnel doivent être rédigées le plus possible dans un langage courant pour que les personnes incarcérées les comprennent bien.

    Nous estimons que chaque fois qu'un détenu est incarcéré, il convient d'évaluer son niveau d'alphabétisation et de chercher à l'inscrire à des cours éventuels de formation. Dans les établissements fédéraux, les détenus restent plus de deux ans et le travail qui y est effectué est excellent dans l'ensemble. Toutefois, la grande majorité des détenus ne sont pas incarcérés dans les établissements fédéraux au Canada; ils purgent en moyenne une peine de 40 jours dans un établissement provincial. Il est bien évident que l'on ne peut pas alphabétiser en 40 jours une personne, mais c'est suffisant pour procéder à une évaluation et à un renvoi au sein de la collectivité. De manière générale, nous avons constaté que les établissements provinciaux ne procédaient pas ainsi dans le cas des personnes détenues pour une courte peine.

    Toutes les prisons, à notre avis, devraient dispenser des cours de base en matière d'alphabétisation et inciter les détenus à y participer. Il convient de faire de véritables efforts au sein des établissements pour déstigmatiser l'analphabétisme. Cette carence est courante au sein des établissements et il est important de remédier à cet obstacle.

    Les écoles ne devraient pas se contenter de donner un minimum de cours; elles devraient aller plus loin que cela. Il est très important que les gens fassent le lien entre l'alphabétisation et l'éducation et que l'on favorise la mise en place de programmes d'études allant jusqu'au secondaire dans les établissements provinciaux, et même plus loin dans les établissements fédéraux.

    Le personnel des établissements devrait être formé afin de pouvoir reconnaître et aider les personnes faiblement alphabétisées, notamment lorsqu'on sait que ces dernières font souvent tout leur possible pour cacher cet état. Des mécanismes spéciaux doivent être mis en place, notamment dans le cadre des commissions de discipline, lors des audiences des libérations conditionnelles ou chaque fois que des décisions importantes doivent être prises au sujet de personnes faiblement alphabétisées ou qui comprennent mal la procédure et risquent donc de se trouver nettement désavantagées.

    Sur un plan plus général, nous recommandons la mise en oeuvre d'une stratégie nationale globale et intégrée visant à remédier au problème d'alphabétisation dans la société canadienne, et je suis sûr que ce problème préoccupe aussi les membres de votre comité. Plus particulièrement, nous recommandons que le ministère de la Justice montre l'exemple en simplifiant et en clarifiant les lois et les règlements et en veillant à ce que les Canadiens puissent se faire expliquer clairement les textes de loi. On a déjà fait quelque chose en ce sens, mais c'est une procédure qui reste extrêmement complexe.

    Nous voulons aussi étendre le rôle des programmes d'information et d'éducation juridiques et d'autres programmes destinés à promouvoir une justice accessible et compréhensible au Canada. Le ministère de la Justice devrait aussi collaborer avec Communications Canada et le Secrétariat national à l'alphabétisation afin de devenir un centre d'excellence dans la communication d'information sur le droit et le système juridique à tous les Canadiens.

    À cet égard, je vous signale que le Secrétariat national à l'alphabétisation nous a été d'un très grand secours dans notre travail en vue de promouvoir l'alphabétisation. Comme vous pourrez le constater dans l'annexe de ce mémoire, nous sommes très fortement impliqués dans ce domaine depuis quelques années.

¹  +-(1550)  

    Le ministère de la Justice, en collaboration avec le comité des administrateurs généraux des organismes et des représentants du Bureau du Conseil privé et du Secrétariat national à l'alphabétisation devrait élaborer un plan assurant que les organes administratifs du gouvernement fédéral tiennent compte de la question de l'alphabétisation; leurs règlements, leurs politiques et leurs communications devraient être clairs et simples et les membres des tribunaux devraient être informés du problème de l'alphabétisation et agir en conséquence.

    Enfin, nous recommandons que le ministère de la Justice collabore avec d'autres partenaires du système et la collectivité dans le but de dégager et d'éliminer les obstacles procéduraux qui limitent l'accès du système judiciaire aux Canadiens ayant des difficultés à lire et à écrire. Le ministère devrait mettre en place des projets pilotes qui montreraient comment abaisser ces obstacles. Ces démonstrations pourraient s'appliquer tant aux tribunaux pénaux qu'aux tribunaux administratifs.

    Nous cherchons ici à mettre sur pied des tribunaux spéciaux conscients des problèmes d'alphabétisation, qui partiraient du principe que les justiciables sont faiblement alphabétisés et qui s'efforceraient d'ajuster leur procédure et de l'améliorer en tenant mieux compte de ce problème.

    Je vous remercie.

+-

    La présidente: Merci, monsieur Stewart.

    Je vais maintenant donner la parole à la représentante de la Fondation Maytree.

+-

    Mme Elizabeth McIsaac (directrice, directrice, «Maytree Foundation»): Merci, madame la présidente et honorables membres du comité.

    Je m'appelle Elizabeth McIsaac et je fais partie de la Fondation Maytree, une fondation privée de Toronto. L'un des principaux objectifs de notre programme s'adressant aux réfugiés et aux immigrants est de faciliter l'accès à l'emploi aux nouveaux arrivants en reconnaissant comme il se doit leurs compétences, leur niveau d'études et leur expérience. En tant que fondation privée, Maytree s'efforce de trouver des solutions pratiques pour mettre en oeuvre ses objectifs.

    Je vais vous parler plus particulièrement aujourd'hui des compétences linguistiques des immigrants et des solutions mises en oeuvre par la fondation. Ces solutions s'intègrent à un ensemble de recommandations politiques visant à faciliter l'intégration des immigrants sur le marché du travail.

    Je commencerai par vous donner un aperçu de la situation en matière d'immigration. Je pense que Rosaline vous a donné une bonne idée des gens qui venaient au Canada. Je tiens toutefois à apporter une ou deux précisions car j'estime que c'est important pour bien comprendre la situation.

    Il y a de plus en plus d'immigrants qui arrivent au Canada. Au cours des années 90, nous avons reçu 1,8 million de personnes, contre 1,2 million au cours de la décennie antérieure. Cette augmentation des flux d'immigration s'explique par les impératifs démographiques d'une population qui vieillit et d'une baisse des taux de fécondité. Il en résulte des pénuries sur le marché du travail. Il est bien établi désormais qu'en 2011, la totalité du solde net de nouveaux arrivants sur le marché du travail au Canada sera due aux immigrants. C'est significatif.

    L'immigration est un programme national qui est avant tout un investissement dans les besoins en capital humain de notre économie. Cela ne veut pas dire pour autant que notre politique d'immigration ne répond pas à d'autres engagements humanitaires et à d'autres valeurs nationales. C'est effectivement le cas, mais pour l'essentiel, notamment pour ce qui est du programme s'adressant aux immigrants qualifiés, il s'agit d'un investissement en capital humain.

    Par rapport à l'ensemble de la population, le nombre d'immigrants est par ailleurs significatif. En 2001, 18,4 p. 100 de notre population n'était pas née au Canada. C'est le pourcentage le plus élevé après celui de l'Australie. Les immigrants arrivés ces dix dernières années représentent 6,2 p. 100 du total. Dans certains centres qui sont des moteurs de notre économie comme Toronto, par exemple, 47 p. 100 des habitants sont nés à l'étranger. C'est énorme. C'est significatif lorsqu'on tient à s'assurer que ces gens sont bien intégrés au sein de l'économie.

    Je crois qu'il est par ailleurs utile dans ce cadre d'indiquer rapidement qui arrive au Canada. Les immigrants nous arrivent de nouveaux pays comme la Chine, l'Inde, les Philippines, le Sri Lanka, le Pakistan, Taiwan et l'Iran. Les pays d'origine ont leur importance, comme vous l'a indiqué Rosaline, parce que dans nombre d'entre eux l'anglais et le français ne sont pas des langues officielles. Cela a des répercussions pour ce qui est des compétences en langue seconde.

    Les immigrants sont plus instruits. Plus de 40 p. 100 de ceux qui arrivent au Canada ont fait des études universitaires et plus de 60 p. 100 ont suivi plus ou moins des études postsecondaires. Là encore, le niveau d'études a des répercussions importantes sur l'apprentissage de la deuxième langue, notamment en ce qui a trait à la conception des programmes.

    Les immigrants qui sont arrivés au cours des années 90 ont représenté près de 70 p. 100 de la croissance totale de la main-d'oeuvre, mais leur participation au marché du travail et leur niveau de revenu ne se comparent pas à celui des groupes précédents d'immigrants. Par le passé, les immigrants rattrapaient leurs homologues nés au Canada moins de dix ans après leur arrivée. Ce n'a pas été le cas pour les immigrants qui sont arrivés au cours des années 90, les hommes ayant immigré gagnant moins de 80¢ chaque fois qu'un homme né au Canada gagnait un dollar. C'est ce que l'on constate au bout de dix ans de vie au Canada. Ces chiffres sont tirés du dernier recensement effectué en 2001 par Statistique Canada. Ils nous indiquent aussi qu'il y a une surreprésentation des immigrants ayant fait des études universitaires qui occupent des emplois faiblement qualifiés. La situation n'est donc pas bonne.

    Les difficultés économiques des années 90 ne suffisent pas à expliquer les différences de revenu et de participation au marché du travail compte tenu des qualifications et du niveau d'instruction des récents immigrants. De plus, les statistiques du sous-emploi traduisent l'existence d'obstacles que l'on connaît bien lorsqu'il s'agit de permettre aux immigrants d'accéder librement au marché du travail. Il s'agit de la non-reconnaissance des compétences, de l'inefficacité des méthodes d'évaluation, du manque d'information, des critères liés à l'expérience canadienne, de l'absence de programmes de transition adaptés et de ce qui fait l'objet de la discussion d'aujourd'hui, soit le manque de capacité linguistique sur le marché du travail.

    La Fondation Maytree s'est penchée sur ce problème et, ces deux dernières années, a mis au point des solutions à l'intérieur d'un certain cadre car nous considérons que ce problème relève d'un ensemble complexe de systèmes.

    J'ai apporté des diapositives, mais malheureusement—et je vous prie de m'en excuser—elles n'étaient pas disponibles en français, et je me contenterai donc de vous dire que nous avons mis au point un ensemble de programmes très élaborés. Ici, au centre, vous avez un ensemble de programmes et de services qui nous apparaissent indispensables pour mieux intégrer les nouveaux arrivants au marché du travail.

¹  +-(1555)  

    Le premier niveau de services a trait aux conseils, à l'information, à l'évaluation et aux différents outils nécessaires dans ce domaine. À un deuxième niveau, toutefois, il convient de mettre en oeuvre des programmes de transition intégrés—des programmes susceptibles de combler les lacunes que peuvent avoir les nouveaux arrivants avant de pouvoir faire valoir efficacement leurs compétences sur le marché du travail.

    Nous reconnaissons que nombre d'immigrants qualifiés qui arrivent chez nous ont des lacunes qui les empêchent d'intégrer efficacement le marché du travail, que ce soit sur le plan des qualifications, des connaissances ou de l'expérience. Ces lacunes peuvent concerner le niveau d'études, les capacités linguistiques, les capacités techniques ou la connaissance du marché de l'emploi au Canada. Pour combler ces lacunes, nous estimons qu'il est préférable de s'en tenir aux points précis qui font problème plutôt que de demander à ces gens de reprendre leur formation à partir de zéro ou de retourner en première année d'université. Nous considérons que ces différents domaines sont étroitement liés, et la solution que nous préconisons fait appel par conséquent à une formation intégrée. Je vais vous donner un exemple de ce que nous considérons comme un bon modèle au sein de la collectivité.

    Il existe un programme de transition pilote qui est dispensé par la Faculté de pharmacie de l'Université de Toronto. Ce programme vise à combler les lacunes propres aux pharmaciens formés à l'étranger lorsqu'ils arrivent au Canada et les prépare à leur agrément. Ce programme prévoit des cours préparant à un examen, une formation linguistique spécialement adaptée à la profession dispensée tout au cours de l'année et une formation s'appliquant au cadre juridique et culturel de la pharmacie au Canada. Il a été conçu et mis au point par les différents partenaires du secteur : l'université, le ministère provincial chargé de la formation, des collèges et des universités, l'ordre professionnel, les organismes communautaires, et surtout les employeurs. Shoppers Drug Mart a été l'un des premiers à s'impliquer dans ce domaine.

    Pour l'instant, tout se passe très bien. Les intéressés suivent le programme, obtiennent leur agrément et se mettent immédiatement après à travailler. Le grand défi à relever est cependant celui du financement. Ce programme n'est pas bon marché. Il est nécessaire d'apporter des crédits de démarrage pour mettre en place des programmes intégrés de ce genre. Il faut que leur financement soit assuré par le paiement de droits mais, parallèlement, si l'on doit faire payer des droits, nous proposons que l'on dispense une aide suffisante aux intéressés en leur permettant de bénéficier des prêts pour étudiants et d'autres programmes de ce genre. De manière générale, les programmes de transition ne peuvent pas bénéficier des dispositions de la Loi fédérale sur les prêts aux étudiants, et il en est de même pour les nouveaux arrivants lors de leur première année de séjour au Canada.

    Pour ce qui est de la question précise de la formation linguistique sur le marché du travail, nous recommandons un redéploiement et une extension du programme CLIC qu'a évoqué Rosaline—le programme de cours de langue pour les immigrants au Canada. Il s'agit d'un programme de Citoyenneté et Immigration. À l'heure actuelle, ce programme va jusqu'à la troisième année, ce qui ne permet pas aux intéressés d'acquérir pleinement le niveau d'alphabétisation et les compétences linguistiques exigés sur le marché du travail et ce qui ne permet pas non plus à un parent de suivre véritablement les études de son enfant et de communiquer efficacement avec les responsables du réseau scolaire. Ce sont là des éléments indispensables d'intégration économique et sociale. Nous recommandons par conséquent qu'on relève le niveau du CLIC, qu'on oriente davantage ce programme sur le marché de l'emploi et que l'on mette au point des critères de formation propres à chacune des professions. Pour cela, il faut éventuellement pouvoir disposer de nouveaux mécanismes de financement.

    Il faut que DRHC et CIC harmonisent leur planification et leur financement et qu'il y ait par conséquent une certaine coordination. Il est nécessaire de faire preuve d'initiative en convoquant toutes les parties prenantes et en mettant en place des initiatives stratégiques nationales. Il convient d'instaurer de nouvelles relations entre les différents ministères et les différents paliers de gouvernement—il faut renforcer la coordination horizontale et verticale.

    Une expérience est actuellement faite en ce sens dans la région de Toronto. La Toronto City Summit Alliance vient de présenter des recommandations en matière d'immigration et de mettre sur pied une commission d'intégration économique des immigrants. Dans ce cadre, elle s'efforce d'améliorer la coordination verticale et horizontale en faisant venir des représentants de DRHC, de CIC, des ministères provinciaux compétents et surtout des municipalités. Nous estimons que les solutions viendront d'une coordination au niveau local et d'un traitement local des problèmes.

    Dans ce cadre, et surtout au sein de Développement des ressources humaines, nous avons besoin de discuter véritablement de l'admissibilité au sein du programme d'A-E, pour que les affectations antérieures au sein du marché de l'emploi ne soient pas un obstacle aux nouvelles affectations, sans bénéfice pour personne. Par conséquent, cette condition est précisée dans la grande majorité de ces programmes de formation devant faciliter l'intégration au sein du marché du travail.

    L'expérience récente des immigrants sur le marché du travail canadien montre de manière générale que la situation est difficile sur le plan de l'accès à l'emploi. Si nous voulons que les immigrants comme le Canada tirent profit de l'immigration, il est impératif de trouver des solutions pour intégrer les immigrants au marché de l'emploi.

    Je vous remercie.

º  +-(1600)  

+-

    La présidente: Merci, Elizabeth.

    Le dernier groupe appelé aujourd'hui à témoigner est le Y des femmes de Montréal.

    Soyez les bienvenues.

[Français]

+-

    Mme France-Line Carbonneau (coordonnatrice, Programme d'alphabétisation familiale, Joindre l'Est à l'Ouest, Y des femmes de Montréal): Je suis France-Line Carbonneau, du Y des femmes de Montréal. Je coordonne le Programme d'alphabétisation familiale, Joindre l'Est à l'Ouest.

    Le Y des femmes a développé deux programmes d'alphabétisation depuis dix ans: Paroles de femmes et Joindre l'Est à l'Ouest.

    Paroles de femmes utilise la méthode de tutorat et ajoute en ce moment une approche collective à ses activités. Soixante quinze pour cent des apprenantes qui fréquentent le centre d'alphabétisation sont des femmes immigrantes, analphabètes dans leur langue maternelle. De ce nombre, deux tiers des femmes font une démarche en alphabétisation.

    L'objectif visé par les apprenantes est de s'intégrer à la société et d'y jouer un rôle actif. Ces femmes sont soutenues dans leur démarche par des tutrices bénévoles qui s'engagent pour une période minimum d'une année. De plus, elles peuvent se joindre à de petits groupes pour réaliser des activités où seront sollicitées des habiletés liées à la prise de parole en groupe, à la résolution de problèmes, à la réflexion, à l'imagination, à une pratique de l'écriture.

    Le programme Joindre l'Est à l'Ouest, le programme d'alphabétisation familiale, a pour but de freiner le cycle de l'analphabétisme. Ses objectifs spécifiques visent à reconnaître et renforcer les compétences parentales, à démystifier le monde de l'écrit et à faire naître ou stimuler le goût de la lecture dans les familles peu à l'aise avec l'écrit.

    Par ce programme, le Y des femmes vise à soutenir les familles qui veulent éveiller leurs enfants d'âge préscolaire au monde de l'écrit et partager un moment de plaisir et d'échange avec eux.

    Nous proposons aux familles des activités basées sur le quotidien. Ces activités visent à reconnaître et à utiliser les ressources et les forces des individus. Nous voulons mettre en place les conditions nécessaires au développement de liens positifs avec l'écrit dans une complicité parent-enfant.

    Nous offrons un service d'animation en petit groupe parents-enfants, en partenariat avec des écoles et des groupes communautaires, et un service d'accompagnement au domicile des familles. Des séries de dix ateliers sont alors réalisés avec toute la famille, y compris les tout petits, les grands frères et grandes soeurs.

    Je vais vous parler de nos partenaires. Nous aurions apprécié avoir un peu plus de temps pour vous présenter les besoins qu'on observe tous sur le terrain. Nous avons quand même réussi à consulter un de nos partenaires riche de 30 ans d'expérience en alphabétisation dans différents quartiers sensibles de la ville. Le premier besoin que nous vous présentons est ressorti de la conversation que nous avons eue avec cette personne.

    Les mesures de soutien pour les apprenantes et les apprenants. Si nous voulons aider les femmes immigrantes analphabètes, nous devons penser à des mesures de soutien selon les situations vécues. En voici quelques-unes.

    Certaines ont l'entière responsabilité de trois à cinq enfants, avec des revenus qui se situent nettement en-dessous du seuil de la pauvreté. Si ces femmes envisagent une démarche en alphabétisation, elles doivent trouver des mesures facilitantes telles une halte garderie gratuite. Des mesures financières d'encouragement aideraient ces personnes à persister dans une telle démarche et stimuleraient l'appétit à retourner à l'école. En général, les personnes analphabètes ont développé une peur de l'école. Il faut développer d'autres modèles de lieux d'apprentissage qui peuvent combiner l'apprentissage d'un métier et la continuité de la formation de base. C'est le cas de la combinaison de l'entreprise d'insertion au travail qui peut prendre des ententes avec des centres de formation qui offrent de la formation de base. C'est le cas de Cuisine atout et de Formétal, à Montréal.

    Deuxième recommandation. Nous avons rencontré au cours des derniers 18 mois des exemples de projets dont les résultats et les retombées sont très intéressants, et nous jugeons pertinent de vous les faire connaître.

    Il y a la Boîte à lettres de Longueuil, qui utilise le récit de vie comme méthode, alliant approche individuelle et collective. Familles en tête réalise L'école en milieu naturel dans le quartier Pointe-St-Charles; on y offre aussi une garderie gratuite sur place. Le groupe Alpha Laval adopte une approche collective. Le Groupe d'alphabétisation de Montmagny-Nord utilise des outils du courant pédagogique de l'éducation cognitive. Le groupe DÉBAT a conçu, en collaboration avec l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, un outil pour Apprendre à apprendre.

    Par la suite, nous désignerons ces centres sous le nom de groupes communautaires, auxquels le Y des femmes se rattache. Tous ces groupes ont développé ce que l'on appelle des programmes différents. Nous soutenons qu'il est essentiel de privilégier cette diversité.

    Nécessité des différents modèles. Nous constatons qu'il y a plusieurs façons de faire en alphabétisation, mais qui s'inspirent tous du pédagogue Paolo Freire. Les groupes communautaires ont développé une approche qui s'éloigne du modèle traditionnel d'enseignement que l'on retrouve dans les différentes commissions scolaires. Il faut continuer à soutenir les efforts de ces centres d'alphabétisation.

º  +-(1605)  

    Selon nous, la force des démarches proposées par les groupes communautaires est à l'effet qu'ils ne reproduisent pas le modèle d'enseignement traditionnel qu'ont connu les apprenants en alphabétisation. Même si la majorité des projets en action dans les groupes tirent leurs principes pédagogiques dans les théories de Paolo Freire, ils affichent tous une personnalité propre. Pourquoi? Parce que chaque projet est conçu pour répondre à des besoins différents et spécifiques. Une de nos recommandations vise à confirmer ce constat. Nous pensons que les personnes immigrantes bénéficient de démarches similaires.

    1. Les immigrantes à faible niveau d'alphabétisme qui fréquentent le centre d'alphabétisation du Y ont besoin de faire une démarche individuelle avec le soutien d'une tutrice qui cumule les rôles, dont ceux d'ambassadrice du monde de l'écrit et d'aider l'apprenante à renforcer sa confiance dans sa capacité de réussir.

    2. Les apprenantes ont aussi besoin de faire une démarche collective en alphabétisation pour prendre conscience qu'elles ne sont pas seules à vivre cette situation; pour qu'elles puissent se créer un réseau de connaissances; pour qu'elles puissent prendre la parole et s'exprimer en partageant leurs expériences et réflexions; pour qu'elles puissent bénéficier de lieux de pratique dans lesquels elles pourront utiliser leurs connaissances au niveau de la langue écrite et parlée.

    3. Pour faire sa mission, le centre d'alphabétisation du Y, comme tous les autres groupes communautaires, a un besoin récurrent de moyens pour écouter, analyser et répondre aux besoins des femmes immigrantes à faible niveau d'alphabétisme en général. Un principe soutient ce besoin: nous croyons qu'un modèle développé par un groupe communautaire, même s'il répond à la perfection dans un milieu précis, est toujours en développement. Il doit bouger et s'ajuster au rythme des besoins.

    4. Nous soutenons également qu'un modèle qui a fait ses preuves dans un centre d'alphabétisation ne doit pas être appliqué comme un modèle unique mur à mur. Nous pensons que ce serait une erreur de tenter de recréer un succès qu'a connu un projet. Cela dit, nous croyons qu'il est essentiel de garder contact avec les autres groupes communautaires pour connaître les démarches réalisées. Ces démarches deviennent alors des sources d'inspiration, des modèles à adapter.

    5. Il doit être laissé une grande marge de manoeuvre au centre d'alphabétisation pour écouter, identifier les besoins et concevoir des projets, des outils pour atteindre les objectifs poursuivis par les apprenants.

    6. C'est dans ce contexte que les besoins des immigrants sont entendus. Nous voulons partager avec vous une expérience récente vécue par l'équipe du projet d'alphabétisation familiale.

    Nous visitons depuis l'automne dernier une famille immigrante dans un quartier sensible de la ville. Je vous rappelle que l'objectif du projet est d'accompagner les familles dans le processus d'éveil à l'écrit. La présence du parent est donc primordiale, car nous croyons que le fait de vivre des moments privilégiés et de plaisir à travers des activités liées à l'écrit donnera à la famille le goût de refaire des activités semblables par la suite.

    Dernièrement, nous avons constaté l'absence de participation de la maman. Que se passait-il? La responsable des accompagnatrices s'est rendue à domicile pour échanger avec la maman. Cette mère de quatre enfants est débordée par son travail, entre autres, et de retour à la maison, elle fait l'entretien de la maison, la cuisine et toute la panoplie de tâches liées à la famille. Elle voudrait prendre des cours de français le soir, mais où trouver le temps et l'énergie?

    Alors, nous avons décidé de modifier légèrement les ateliers que nous proposons à cette famille. Nous allons ajouter une période où les enfants et l'accompagnatrice aideront la maman dans la tâche ménagère qu'elle se propose de faire à ce moment. Tout un vocabulaire émerge d'une seule tâche. Faire la cuisine invite à nommer le nom des ingrédients, des actions, des éléments, des ustensiles utilisés. Il intègre également des notions de poids et de mesures, de chaleur, sans oublier des notions d'hygiène. Nous sommes même prêtes à aller faire le marché avec elle.

    Dans cette façon de faire, le parent est valorisé comme premier éducateur reconnu pour ses compétences et soutenu dans son souci de voir ses enfants réussir dans le monde scolaire et apprendre la langue d'accueil.

    Conclusion. La recommandation que nous faisons ici est à l'effet que les groupes communautaires ont besoin de conditions de travail qui leur permettent d'utiliser des programmes et des outils avec souplesse et modifier en cours de route les moyens pour réaliser les objectifs selon les besoins observés.

    Le dernier besoin que nous voulons exprimer ici est en lien avec les écoles. Nous pensons que les difficultés d'apprentissage des enfants sont en partie liées à la perception de certaines familles face au monde de l'écrit, qui leur paraît difficile, frustrant et hors d'atteinte. Nous croyons que des ponts doivent être faits entre les familles et l'école.

    Voici ce que nous expérimentons avec des familles, des écoles et des groupes communautaires de quatre quartiers sensibles de Montréal depuis trois ans. Nous avons comme objectif commun de rejoindre les familles peu à l'aise avec l'écrit, de stimuler le goût de la lecture. Comme moyens pour réaliser ces objectifs, nous proposons aux écoles des activités à faire pendant la période de classe ou en parascolaire. Nous invitons les parents d'élèves de quatre et cinq ans à se joindre à nous deux heures par semaine, sur une période de cinq semaines. Les activités ciblent des moments précis du quotidien et propose de transformer l'heure du bain, la lessive ou autres activités ménagères en moments privilégiés entre le parent et l'enfant, en suggérant des outils, des «comment faire» que le parent pourra reprendre lorsque la série d'ateliers sera terminée.

º  +-(1610)  

+-

     Parmi les retombées du projet, une enseignante à noté un plus grand intérêt du parent face au cheminement scolaire de son enfant, par ses questions au sujet de ce parcours et par sa participation aux rencontres à l'école.

    Les accompagnatrices ont observé une plus grande motivation pour l'école chez des enfants visités à la maison.

    Pour certains parents, se fut une occasion d'entrer dans l'école pour une première fois, à part l'inscription. Ils ont apprécié de voir leur enfant en action avec leurs pairs.

    Ma retombée préférée, c'est celle du petit garçon qui réclame des histoires à sa mère avant de se coucher le soir.

    Voici une autre activité en rapport avec l'école qu'on a réalisée dernièrement, toujours dans le but de créer des ponts entre les parents plus à l'aise avec l'écrit et l'école. On a conçu un atelier d'aide aux devoirs pour les parents, une présentation et une expérimentation d'outils pour faire connaître les différentes façon d'apprendre, pour reconnaître les forces chez les enfants, faire connaître des jeux pour apprendre et acquérir des notions présentées par l'école. Les parents ont été emballés de distinguer et reconnaître les types visuel, auditif, logico-mathématique ou kinesthésique.

    Nous croyons qu'il est nécessaire de continuer à créer des ponts pour que les parents ébranlent leur peur de l'école, autant pour eux que pour leurs enfants. La société a besoin de créer des façons de bâtir la confiance des parents, immigrants ou non, dans les écoles. Nous y travaillons.

    Merci.

º  +-(1615)  

[Traduction]

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Mesdames et messieurs les membres du comité, je vais maintenant passer aux questions. Je vais vous demander de vous en tenir chacun à 10 minutes. Si vous voulez obtenir des réponses plus précises à vos questions, il serait peut-être bon de les adresser à un témoin en particulier plutôt que de demander à chacun de répondre.

    Monsieur Solberg, c'est vous qui allez commencer.

+-

    M. Monte Solberg (Medicine Hat, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente, et merci à tous les témoins.

    J'ai apprécié les interventions. Vous abordez différentes questions jusqu'à un certain point. Notre temps étant limité, je vais vous interroger sur un point en particulier, soit celui de la justice et du service correctionnel. J'ai bien apprécié les exposés de MM. Head et Stewart sur la question.

    Je commencerai par dire qu'instinctivement je considère que l'alphabétisation est importante dans les prisons. Cela m'apparaît tout simplement logique. Toutefois, je tiens aussi à préciser, bien entendu, qu'une corrélation n'est pas toujours une relation de cause à effet. Je pense que M. Stewart l'a lui aussi précisé.

    Je suis tenté de faire une observation, sur un point de détail peut-être, en ce qui a trait au fait que les détenus qui suivent des cours d'alphabétisation risquent moins de récidiver. Je vous suggère simplement que l'explication vient peut-être du fait que les personnes qui sont dégoûtées de la prison sont justement celles qui ont déjà pris la résolution de changer et qui par conséquent suivent des cours d'alphabétisation. Il est probable que ce n'est pas le cas, mais c'est une simple observation que je vous fais.

    J'ai une ou deux questions à vous poser. Tout d'abord, puisque je vous ai tous les deux devant moi, j'ai une chose à demander à M. Head. M. Stewart a fait un certain nombre de recommandations concernant le service correctionnel dans son mémoire. Qu'est-ce qui vous empêche de les adopter? Peut-être les avez-vous adoptées. Il est possible qu'elles ne s'appliquent dans certains cas qu'aux prisons provinciales. Ainsi, il nous dit que les programmes et les règles du Service correctionnel devraient être, il me semble, rédigées dans une langue courante. Qu'est-ce qui vous empêche de le faire? Est-ce que vous remédiez à cette lacune?

    Monsieur Stewart, n'hésitez pas vous non plus à intervenir.

+-

    M. Don Head: Pour répondre à votre question, je pense que c'est une des choses que nous considérons—nous voulons que les documents que nous remettons aux détenus soient faciles à comprendre. Je pense que nous nous sommes rendu compte ces dernières années que nous ne nous exprimions pas toujours aussi clairement et aussi simplement qu'il le faudrait dans les documents et les communiqués remis aux détenus. Nous avons appris à la longue que des choses aussi simple que les manuels d'orientation que nous distribuons aux détenus doivent pouvoir être bien compris par les intéressés. Il ne s'agit pas simplement de remettre des documents écrits aux détenus, il faut encore consacrer du temps et de l'énergie pour qu'ils les comprennent. Parfois, on doit aller jusqu'à leur lire ces documents.

    Pour ce qui est de prendre conscience de ce qui se passe dans la procédure correctionnelle—sur le même plan que ce qui a été évoqué par M. Stewart au sujet de la procédure judiciaire—nous sommes très familiarisés avec le niveau d'alphabétisation des détenus. Les agents des libérations conditionnelles doivent parfois lire aux intéressés les différents rapports rédigés à leur sujet pour qu'ils puissent les comprendre.

    Nous savons aussi qu'il y a certaines catégories de détenus auxquels il ne suffit pas nécessairement de lire les documents pour qu'ils en prennent acte. Notre tâche ne s'arrête pas là. Il y a des personnes, et nous le constatons pour celles qui souffrent du syndrome ou des manifestations d'alcoolisme foetal, qui nous disent qu'elles comprennent ce qui se passe, alors qu'en fait il n'en est rien.

+-

    M. Monte Solberg: M. Stewart a parlé de la formation du personnel afin de lui permettre d'identifier les personnes qui sont faiblement alphabétisées mais qui ne veulent pas le reconnaître. Est-ce que vous faites ce genre de chose?

+-

    M. Don Head: Oui. C'est l'une des possibilités que nous envisagerons lors de notre prochaine étape d'évaluation à l'entrée. Nous avons parlé de nous doter d'outils permettant de mieux évaluer le degré d'alphabétisation des détenus, mais il faudra en même temps dispenser une formation aux membres du personnel des services d'évaluation à l'entrée pour qu'ils puissent repérer les personnes concernées. Nous pourrons alors déterminer dès le départ qu'il convient de leur accorder davantage d'attention au sein de l'établissement.

+-

    M. Graham Stewart: Ce n'est pas du jour au lendemain que l'on peut mettre des documents plus simples et plus clairs à la disposition des détenus; c'est une opération qui doit être permanente. Le Service correctionnel du Canada a pris un certain nombre d'initiatives importantes au fil des années pour faire en sorte que les documents soient plus clairs et plus simples, mais c'est une tâche considérable qu'il faut reprendre constamment.

    Parallèlement, le réseau correctionnel fédéral, au sein duquel les détenus restent plus de deux ans et qui dispose de manière générale de plus de ressources que les réseaux provinciaux, rend de bien meilleurs services à la majorité des détenus. Dans les différentes prisons territoriales, provinciales et locales, avant d'utiliser une langue plus simple, il faudrait pour commencer que nombre d'informations soient rédigées par écrit. De nombreux membres du personnel ne sont pas conscients du problème.

    Les détenus arrivent et repartent si rapidement que l'on ne se préoccupe pas particulièrement de leur fournir des documents compréhensibles et bien présentés. Les situations sont donc très différentes au Canada selon l'établissement concerné et la durée de l'incarcération.

º  +-(1620)  

+-

    M. Monte Solberg: J'aimerais enchaîner sur ce point. Quelle est la réaction que vous enregistrez de la part des gouvernements provinciaux? Y a-t-il des provinces un peu plus conscientes que d'autres dans ce domaine? Voilà en fait où je veux en venir : que peut faire le gouvernement fédéral pour apporter une contribution dans les domaines de compétence provinciale?

+-

    M. Graham Stewart: Le gouvernement fédéral, en mettant en oeuvre des stratégies globales s'appliquant à l'alphabétisation et faisant en sorte que le gouvernement réponde davantage aux attentes du public, fixe des normes que les provinces se sentent automatiquement obligées de suivre. Je comprends bien que ce n'est pas simplement une question de législation.

    Lorsqu'on voit qu'il y a une importante corrélation entre les cours d'alphabétisation et les taux de récidive—et je reconnais qu'il est souvent bien difficile dans notre domaine de faire la distinction entre une corrélation et une relation de cause à effet—nous avons de très bonnes raisons de croire que l'alphabétisation joue un rôle important dans la réinsertion d'un détenu. Même si ce n'est peut-être pas un facteur suffisant, c'est certainement un facteur nécessaire à la réinsertion, comme le sont d'autres initiatives. La plupart de ces problèmes ne peuvent pas être résolus si l'on n'agit que sur un seul plan.

    Mais, de ce point de vue, les initiatives prises en faveur des droits des détenus devant les tribunaux inciteront ces derniers à se doter de plus de ressources pour mieux tenir compte des faibles niveaux d'alphabétisation, nous amèneront à fixer des normes de clarté susceptibles d'être appliquées dans les établissements correctionnels fédéraux, et enfin nous pousserons à faire toutes les recherches nécessaires. C'est un excellent exemple à donner et j'espère que votre comité pourra nous aider en la matière.

+-

    M. Monte Solberg: Pour en revenir à l'administration de la justice, il semble ici que le Service correctionnel soit allé jusqu'à un certain point dans le sens que vous souhaitez, mais j'ai l'impression qu'éventuellement la justice n'est pas allée aussi loin. Vous nous avez indiqué que le grand nombre des dossiers en retard et le manque de ressources entraînaient des difficultés. Avez-vous cependant l'impression que l'on fait de véritables progrès?

    Je comprends que vous nous dites qu'il y a là en quelque sorte une question de justice fondamentale et qu'il faut que les détenus comprennent ce qui se passe. Je pense que nous sommes déconcertés jusqu'à un certain point par la terminologie juridique de la profession. Certaines expressions sont très archaïques. C'est une discipline particulière, et il faut bien savoir comment elle fonctionne.

    Mais, en laissant de côté tout cela un instant, il est évident que c'est une très grande source de confusion pour quelqu'un qui est faiblement alphabétisé, et c'est une question de justice fondamentale. Cela étant, fait-on rapidement des progrès? Est-ce que l'on fait des progrès? Est-ce que tout est bloqué? Est-ce qu'un responsable du ministère de la Justice devrait se pencher sur la question?

+-

    M. Graham Stewart: Il le faudrait probablement, mais nous sommes très satisfaits de l'attitude du barreau comme de la magistrature au Canada et nous avons beaucoup travaillé ensemble sur les questions touchant l'alphabétisation. Nos projets ont été très bien accueillis.

    Nous avons publié deux brochures d'information, une en collaboration avec le barreau. C'est nous qui l'avons publiée, mais elle a été rédigée par des avocats. L'autre a été rédigée par des juges et elle a été largement utilisée dans la formation des magistrats. Je vous faisais remarquer tout à l'heure que les juges sont très conscients de ce problème. Ils savent qu'il est très difficile d'accorder un procès juste et équitable à quelqu'un qui ne comprend pas ce qui se passe. Parallèlement, ils savent bien qu'ils ont un procès à diriger. Ils sont confrontés à une multitude d'autres problèmes sociaux dont il leur faut tenir compte.

    Leur formation est donc très étendue et ils doivent tenir compte de nombreuses préoccupations sociales. Toutefois, lorsque la situation se présente, lorsque le juge n'est pas sûr que le justiciable est suffisamment alphabétisé, comment va-t-il évaluer la chose? Dans quelle mesure s'agit-il d'une ingérence? Ce sont là des questions qui le préoccupent de nos jours et qui l'ont toujours préoccupé.

    Je pense qu'ils sont nombreux à vouloir de l'aide sur ce plan. Si des spécialistes étaient détachés devant les tribunaux, ils pourraient s'assurer que les justiciables comprennent ce qui se passe, notamment pour des formalités aussi simples qu'une ordonnance de mise à l'épreuve. Est-ce que les détenus comprennent vraiment ce qui se passe? Ils vont vous répondre : «Oui, je comprends, monsieur le juge» simplement pour pouvoir sortir du tribunal. Toutefois, cela ne signifie pas qu'ils comprennent vraiment.

    J'ai le sentiment que dans un cas comme dans l'autre il n'y a pas vraiment de résistance. Le barreau a institué un comité permanent sur l'alphabétisation qui s'efforce depuis des années de promouvoir notamment l'adoption de lois rédigées dans une langue simple. Il en va de même des magistrats. Il n'en reste pas moins que les juges ne peuvent pas tout faire compte tenu du temps limité dont ils disposent dans des affaires complexes.

    Nous avons l'impression que si le ministère de la Justice accordait à la chose une plus grande priorité et s'efforçait d'améliorer les documents... Des études ont montré que ce n'était pas simplement les personnes faiblement alphabétisées, mais aussi celles qui étaient très instruites, comme les avocats ou les juges, qui tiraient vraiment profit de lois rédigées simplement. Les efforts faits dans ce sens revêtent donc une grande priorité pour le ministère de la Justice et il faut qu'ils se poursuivent.

º  +-(1625)  

+-

    M. Monte Solberg: Si cela peut vous consoler, nous n'avons toujours pas de Loi sur l'assurance-emploi rédigée simplement. Nous cherchons à l'obtenir, mais le gouvernement ne nous a pas encore donné satisfaction.

+-

    M. Graham Stewart: Il est difficile de reformuler toutes les lois, mais il est bien important de produire des documents supplémentaires nous aidant à expliquer certaines textes législatifs fondamentaux.

+-

    La présidente: Madame St-Jacques.

[Français]

+-

    Mme Diane St-Jacques (Shefford, Lib.): Merci, madame la présidente. J'aimerais remercier nos témoins pour leurs excellentes présentations.

    Madame Frith, vous avez mentionné dans votre présentation que les programmes actuels doivent être améliorés pour répondre aux besoins des nouveaux arrivants. J'aimerais savoir ce que, selon vous--et la question peut peut-être s'adresser à tous les témoins--, nous devrions prioriser en tant que gouvernement? Il y a plusieurs choses à faire, mais peut-être qu'on doit prioriser des secteurs.

    Par exemple, madame Carbonneau, vous parliez de flexibilité. C'est beau, les projets que vous faites, mais comment peut-on arriver, puisque les besoins sont tellement grands et que c'est tellement large, à avoir une certaine flexibilité et à s'assurer que les services se rendent comme ils le doivent et que, finalement, on réussisse à obtenir des résultats?

    La question est ouverte à tout le monde.

+-

    Mme Rosaline Frith: C'est une question vaste, n'est-ce pas?

    Je dois dire que ça fait plusieurs années que le ministère travaille avec les provinces, les territoires et les agences à travers le Canada pour améliorer la programmation, pour s'assurer qu'on rejoigne vraiment tout le monde qui ont des besoins, tous les immigrants adultes, hommes et femmes, qui ont besoin de formation linguistique. En faisant cela, on s'est aperçu très vite qu'il fallait avoir des soutiens en matière de transport pour s'assurer que les personnes puissent même se rendre à des classes de formation linguistique.

    Aussi, il faut avoir des garderies pour les enfants, surtout parce que souvent des gens qui arrivent d'autres pays ont peur de laisser leurs enfants ailleurs que là où la classe de formation linguistique a lieu. Alors, c'est très important de lier la garderie avec la classe de formation linguistique.

    Il faut que les cours soient flexibles, qu'ils soient offerts de jour, en soirée, la fin de semaine, tout ça. Alors, on le fait déjà. On peut toujours améliorer, il n'y a aucun doute, mais on le fait déjà.

    De plus, il faut absolument ne pas ignorer les besoins de base. Il faut avoir une formation linguistique pour les gens qui sont peut-être analphabètes ou qui sont à un niveau très bas en matière de formation linguistique. Il ne faut pas seulement se concentrer sur les personnes très qualifiées, qui ont une très bonne éducation et qui sont à un haut niveau. Si on veut vraiment réussir à intégrer les immigrants au Canada, il faut s'assurer qu'on fait le travail nécessaire pour atteindre tout le monde.

º  +-(1630)  

[Traduction]

    C'est difficile parce qu'à l'heure actuelle nous consacrons environ 80 p. 100 de nos crédits d'établissement à la formation linguistique. Dans la majorité des cas, nous réussissons à atteindre ce que nous appelons le CLIC de niveau 4 au Canada. J'aimerais que nous puissions atteindre le CLIC de niveau 8 pour répondre véritablement aux besoins de ces personnes lorsqu'elles entrent sur le marché du travail.

+-

    Mme Diane St-Jacques: CLIC 4 et 8...?

+-

    Mme Rosaline Frith: C'est très compliqué. Il y a différentes façons d'évaluer la formation linguistique. Au gouvernement fédéral, nous avons fixé un ensemble de critères de référence en collaboration avec le Centre des niveaux de compétence linguistique canadiens, en anglais et en français. Ce sont là les critères établis.

    À l'aide de ces critères, nous avons par ailleurs mis sur pied un programme de formation linguistique adaptée précisément aux besoins des nouveaux arrivants au Canada. Le CLIC est le cours de formation linguistique dans le cadre du programme s'adressant aux nouveaux arrivants au Canada, en anglais c'est le LINC.

[Français]

    On a les deux. C'est basé sur des standards, et ce sont les mêmes standards linguistiques qu'on utilise pour les gens qui sont à l'extérieur du Canada et qui ont besoin de points pour entrer par le biais du système de sélection.

    Alors, c'est tout organisé ensemble, mais c'est très complexe, et comme j'ai expliqué, il y a quatre différents éléments à cela: listening, reading, hearing... En tout cas, c'est compliqué.

[Traduction]

    Dans le cadre de sa stratégie sur l'innovation, le gouvernement a reconnu qu'il était absolument indispensable de dispenser une meilleure formation linguistique pour répondre aux besoins du marché du travail. C'est plus important aujourd'hui qu'il y a dix ans parce que les emplois ont changé au Canada. Notre économie est avant tout axée sur le savoir et, dans ce cadre, il est particulièrement important de savoir bien communiquer.

    Par conséquent, si un spécialiste très bien formé en sciences informatiques arrive au Canada pour travailler dans une grande société technologique et perd ensuite son emploi, il lui est bien souvent impossible de se faire réembaucher dans un secteur différent. Il peut s'agir d'un ingénieur ayant un haut niveau de formation, mais il n'a pas les compétences linguistiques lui permettant de bien diriger une équipe et de communiquer en dehors du domaine très spécialisé qui lui a permis d'être embauché dans le domaine de la technologie de l'information. Il nous faut donc trouver les moyens de combler cette lacune.

    Je pense qu'en collaborant avec Industrie Canada, le ministère du Développement des ressources humaines et Patrimoine canadien afin de sensibiliser les employeurs, de même qu'avec des organisations comme la Fondation Maytree pour s'inspirer des recherches qu'elles ont effectuées ou de leur façon d'agir sur le terrain, nous pourrons mieux mettre à profit les crédits dont nous disposons déjà et les ressources supplémentaires qui nous ont été fournies.

    Je vous le répète, nous venons de recevoir 5 millions de dollars supplémentaires par an pour lancer précisément des projets de démarrage auprès des organisations, des employeurs, des groupements communautaires, des collèges communautaires et des universités, qui doivent nous permettre justement de renforcer la formation linguistique adaptée à la main-d'oeuvre.

+-

    Mme Diane St-Jacques: Quelqu'un veut faire d'autres commentaires?

[Français]

+-

    Mme France-Line Carbonneau: Je pourrais ajouter quelque chose. Quand j'ai parlé de flexibilité, j'ai nommé plusieurs groupes que j'ai connus--ce n'est que ma deuxième année en alphabétisation au Y--et j'ai parlé de la Boîte à lettres, j'ai parlé du groupe Alpha Laval, du groupe DÉBAT. Ce sont tous des groupes qui ont été subventionnés par le Secrétariat national à l'alphabétisation, et j'ai envie de vous dire de continuer comme ça.

    En ce qui nous concerne, au Y des femmes, on fait un projet; en cours de route, on est obligé de changer des choses, on le note dans les rapports et ça va bien. Je sens qu'on a cette ouverture-là, et ce que je voulais dire ici, c'est que cette ouverture est nécessaire. Je la sens depuis un an et demi, et elle est nécessaire. Donc, mon message, c'est de continuer comme ça.

º  +-(1635)  

+-

    Mme Diane St-Jacques: Une certaine flexibilité dans...

+-

    Mme France-Line Carbonneau: Une flexibilité entre ce qu'on présente comme projets et ce qui a été réalisé, parce qu'il peut y avoir des différences entre ce que vous voulez faire et... Il y a des résultats, mais ce ne sont pas nécessairement les résultats qu'on pensait avoir au début.

[Traduction]

+-

    Mme Elizabeth McIsaac: J'ajouterais simplement—et c'est davantage une question d'attitude—lorsque vous nous demandez quelles doivent être les priorités, que dans une certaine mesure nous recommandons et nous mettons en place un modèle au sein duquel les priorités sont répertoriées et fixées localement par une multitude d'intervenants.

    J'ai évoqué rapidement le projet de lancement d'un conseil de l'emploi et de l'immigration dans la communauté urbaine de Toronto par la Toronto City Summit Alliance. Il s'agit dans ce cadre de réunir toutes les parties prenantes—associations d'immigrants, associations professionnelles, corps professionnels, différents paliers de gouvernement et municipalités régionales—pour qu'il y ait une certaine cohérence et une certaine coordination au niveau local et que l'on puisse établir par exemple des priorités de nature locale. C'est très difficile parce que les priorités ne sont pas les mêmes et que les différences régionales sont grandes au Canada.

    Je veux aussi saisir cette occasion pour préciser que nous avons rédigé un document d'orientation exhaustif qui est à votre disposition. Il a été publié en la matière par l'Institut Caledon et il s'intitule Fulfilling the Promise: Integrating Immigrant Skills into the Canadian Economy. Plus récemment, avant que nous nous mettions à élaborer un modèle d'organisation locale avec la participation fédérale, l'Institut Caledon a publié un document intitulé Nation Building Through Cities: A New Deal for Immigrant Settlement in Canada. Ce document est lui aussi à votre disposition.

+-

    La présidente: Monsieur Gagnon.

[Français]

+-

    M. Sébastien Gagnon (Lac-Saint-Jean—Saguenay, BQ): Merci.

    J'ai deux petites questions. La première s'adresse tout d'abord à M. Head. Actuellement, est-ce que ce sont tous les établissements et pénitenciers dans l'ensemble du pays qui offrent des programmes d'étude?

[Traduction]

+-

    M. Don Head: Oui, c'est le cas. Nous avons des services d'enseignement dans tous nos établissements correctionnels et, en permanence, 30 à 35 p. 100 des détenus y suivent des cours sous une forme ou sous une autre.

[Français]

+-

    M. Sébastien Gagnon: D'accord.

    Vous avez soulevé l'exemple du taux de récidive, qui est en diminution lorsque ces gens-là sont insérés dans un programme. Mais il y a une problématique qui fait en sorte que les détenus qui viennent pour une courte période ne peuvent pas en bénéficier; du moins, c'est difficile de tenter de les atteindre pour les insérer dans un système. Est-ce qu'il est possible, par exemple à la sortie...? Je ne connais pas les termes des pénitenciers ou les lois applicables à ce domaine, mais est-il possible qu'un détenu qui y va pour une courte période puisse avoir un suivi au terme de sa probation, peut-être pour l'aider et s'assurer qu'on puisse continuer à diminuer le taux de récidive?

[Traduction]

+-

    M. Don Head: M. Stewart a fait précisément allusion tout à l'heure au fait que les détenus purgeaient des peines de courte durée dans les établissements territoriaux et provinciaux. J'ai déjà travaillé au sein des réseaux du Territoire du Yukon et de la province de la Saskatchewan avant d'entrer dans le Service correctionnel du Canada.

    L'un des grands défis que doivent relever les provinces et les territoires—le problème qu'a justement évoqué M. Stewart—c'est que les peines sont de courte durée et que l'on n'a que le temps de procéder à l'évaluation des détenus et non celui de leur faire suivre des cours. Il n'en reste pas moins que les provinces et les territoires s'efforcent de mettre au point des programmes de formation et d'alphabétisation adaptés aux détenus. Ils s'efforcent de prendre des dispositions en collaboration avec les collèges communautaires susceptibles d'être implantés dans la région pour que ces détenus, une fois libérés, puissent s'y inscrire et poursuivre la formation qu'ils ont pu entreprendre dans l'établissement provincial ou territorial.

    Un certain nombre de provinces et de territoires ont pris connaissance des études portant sur les détenus ayant pris part aux programmes d'éducation et d'emploi. Ils se rendent compte que ce n'est pas le seul facteur qui contribue à une baisse des taux de récidive, mais ils en voient les avantages et ont entrepris de collaborer avec les organisations d'enseignement provinciales pour mettre au point des programmes encourageant les intéressés à participer et effectuent ensuite un suivi une fois que ces derniers sont réinsérés dans la collectivité.

    Certains juges provinciaux ont commencé à faire preuve d'innovation en se servant dans certains cas des ordonnances de mise à l'épreuve pour inciter les intéressés à suivre ce genre de programme. Ils répertorient cette activité dans le cadre du programme à suivre, mais ce recours n'est pas encore très fréquent. En règle générale, les ordonnances de mise à l'épreuve ou de prise en charge communautaire renvoient plutôt à des programmes traditionnels concernant la toxicomanie, la violence familiale ou la gestion de la colère. Toutefois, certains magistrats commencent à se pencher sur l'enseignement et sur des programmes très précis pour répondre aux besoins des justiciables.

º  +-(1640)  

[Français]

+-

    M. Sébastien Gagnon: Merci. J'ai une petite question pour Mme Carbonneau. On sait qu'au Québec, il y a souvent une problématique quant aux groupes communautaires. J'ai eu la chance, il y a quelques années, de monter un fonds, le Fonds Jeunesse Québec, et on avait eu à intervenir dans différents programmes pour les 15 à 35 ans. On a réparti sur divers projets des sommes quand même assez importantes, mais on se rendait compte souvent qu'il y avait des programmes qui étaient plus ou moins adaptés pour couvrir différentes clientèles.

    Est-ce que, dans les exemples que vous nous avez donnés plus tôt--je pense, par exemple, à la Boîte aux lettres, à laquelle nous avions donné une subvention à l'époque, etc.--, la pérennité de ces organismes-là est assurée? Est-ce que les programmes qui existent actuellement au niveau fédéral assurent cette pérennité? Est-ce qu'ils vont aussi financer adéquatement ces programmes pour que, justement, on puisse continuer à lutter dans le bon sens?

+-

    Mme France-Line Carbonneau: Je ne peux pas parler de tous les organismes parce qu'on ne m'a pas demandé de les représenter. J'ai nommé ces organismes-là parce que je trouve qu'ils font un travail important, je trouve que les retombées sont intéressantes aussi. Je vais vous donner un exemple

    L'an passé, j'ai assisté au Forum Alpha 2002 et j'ai vu des jeunes de la Boîte aux lettres et je suis tombée en amour avec eux, avec le programme, parce qu'on sentait une reconstruction. Ce sont des jeunes qui ont eu beaucoup de frustrations par rapport à l'école, dans leur vie personnelle aussi, qui ont vécu des choses dramatiques, etc., et on sentait une reconstruction de l'estime de soi, de la confiance en soi, et ils ont pu, je dirais, reprendre confiance en eux par rapport à l'écrit.

    Donc, c'est pour ça que j'ai nommé ces organismes-là tout à l'heure. Je pense que ces organismes-là sont là pour rester. Entre autres, le Y des femmes est là depuis 1875 à peu près. Alors, je suis pas mal sûre qu'on est là pour quelques années encore. J'en suis pas mal certaine. Donc, les autres, dont le groupe DÉBAT, auquel je pense, sont là...

    Je pense qu'une des clés est peut-être de garder le lien avec tous ces groupes, de voir ce qu'on fait, de se respecter aussi et de se reconnaître.

+-

    M. Sébastien Gagnon: Ma question visait, par exemple, des programmes fédéraux qui existent pour vous donner un coup de main. Est-ce que, actuellement, c'est adéquat pour que vous puissiez continuer à faire votre travail? Comme je l'ai dit, je ne connaissais pas très bien la proportion de cela, mais c'était simplement pour que vous puissiez dire au comité... Vous avez démontré ce qui se fait, mais est-ce que c'est suffisant, et est-ce qu'on s'assure aussi que dans le futur, vous pourrez continuer à exercer votre travail adéquatement?

+-

    Mme France-Line Carbonneau: J'aime votre question, en ce sens qu'on ne sait jamais, d'une année à l'autre, si on va pouvoir exister en septembre. Ça, ce n'est pas le Y, c'est le programme. Je n'étais pas là à cette époque, mais on nous avait dit que le programme était subventionné pour un an. Or, à la lumière du rapport et selon ce qui a été fait, le fédéral a donné son accord pour une deuxième année. L'an passé, on a dit oui pour une troisième année. Je viens d'appeler notre agent et je lui ai dit que j'étais affectée à ce programme depuis ma première année et que j'aimerais être là une deuxième année. Alors, on ne le sait pas. Ça, c'est clair: on ne sait jamais d'une année à l'autre si on va pouvoir fonctionner.

    Ce dont on se rend compte, c'est qu'on répond à un besoin. On fonctionne aussi avec, comme je le disais tout à l'heure, les écoles, les groupes communautaires et les CLSC. Alors, on essaie de se former un partenariat. Je participe aux tables de concertation, etc. Je pense que c'est assez solide comme programme. Est-ce qu'on va exister? Ça dépend. J'ai passé une partie de mon année, dirais-je, à essayer de voir comment je vais pouvoir assurer la présence du projet dans les quatre quartiers où on fonctionne.

    Est-ce que ça répond à votre question?

º  +-(1645)  

+-

    M. Sébastien Gagnon: Oui, merci.

[Traduction]

+-

    La présidente: Merci, monsieur Gagnon.

    Monsieur Bellemare.

[Français]

+-

    M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.): Merci, madame la présidente.

    Madame Frith, avec environ 250 000 immigrants par année, puisque c'est là notre sujet, comment faites-vous pour évaluer l'éducation de base des immigrants?

    Deuxièmement, on aimerait que les immigrants deviennent des gens productifs. Quand on dit «productifs», ça veut souvent dire, mais pas toujours, des gens qui travaillent, qui participent à la société. S'ils ne travaillent pas, au moins qu'ils participent à la société d'une façon bénévole ou qu'ils y participent d'une autre façon quelconque. Comment faites-vous pour les identifier? Comment faites-vous pour avoir accès à eux? Comment faites-vous pour les convaincre de suivre des cours d'éducation de base? Qui fait ce genre de travail, une fois que vous les avez en classe? Est-ce que ce sont des programmes qui sont donnés à des conseils scolaires ou à des organismes non gouvernementaux?

    Je vais m'arrêter là.

+-

    Mme Rosaline Frith: Chaque personne qui vient au Canada remplit un formulaire. Alors, dès le début de l'exercice, que ce soit un immigrant sélectionné ou quelqu'un de la catégorie «famille» ou un réfugié, de toute façon, il remplit un formulaire et il indique sur le formulaire son niveau d'éducation. Alors, j'ai les données sur le niveau d'éducation de chaque personne qui vient au Canada.

+-

    M. Eugène Bellemare: Les gens remplissent un formulaire, mais s'ils ne savent ni écrire ni lire, comment font-ils pour remplir leur formulaire, d'abord?

    Est-ce qu'on doit faire une distinction entre les immigrants et les réfugiés? J'ai l'impression que c'est chez les réfugiés que le problème d'analphabétisme existe.

+-

    Mme Rosaline Frith: Oui, il faut faire une distinction entre les différentes catégories. Si une personne ne peut pas remplir un formulaire seule, quelqu'un d'autre remplit le formulaire pour elle, parce que j'ai besoin de l'information sur chaque personne. Alors, dès le début de l'exercice, on aura l'information. Qu'il s'agisse d'un réfugié, d'un immigrant en vertu de la catégorie «famille» ou d'un immigrant sélectionné, de toute façon, on a l'information.

    Alors je vais savoir quel est son niveau d'éducation, si la personne parle anglais, français ou si elle est bilingue. Je n'ai pas nécessairement l'information sur toutes les autres langues que la personne peut parler. Souvent les immigrants qui arrivent au Canada parlent cinq ou six langues.

    En moyenne, 44 p. 100 d'entre eux ne parlent ni l'anglais ni le français. Cela ne veut pas dire que ces personnes sont analphabètes; cela veut dire simplement qu'elles ne parlent ni l'anglais ni le français.

    On sait qu'au delà de 61 p. 100, à peu près, ont une éducation postsecondaire: collégiale ou universitaire. C'est très élevé. Si on parle de 61 p. 100 des adultes, je sais très bien que ce ne sont pas seulement les personnes qui sont sélectionnées, mais que ce sont aussi, pour une bonne partie, des personnes de la catégorie «famille» et des réfugiés. Alors, il y a un très bon nombre de ces personnes qui sont très bien éduquées.

    Une bonne partie de ceux qui ne parlent ni l'anglais ni le français sont les enfants. Lorsque je regarde les données sur les enfants, c'est plutôt 68 p. 100 des enfants qui ne parlent ni l'anglais ni le français.

    Nous avons beaucoup d'informations. Je prends l'information de base, et après un certain nombre d'années, nous allons regarder l'information disponible sur les revenus des personnes et nous faisons le lien entre le revenu de ces personnes et leur formation de base, pour arriver à dire que si les personnes ont atteint un niveau de revenu égal à celui d'une personne ayant le même niveau d'éducation, mais qui est née au Canada. On fait des statistiques comparables.

    C'est là que l'on voit que depuis dix ans, depuis les années 1990, les personnes bien éduquées n'ont pas été capables de réussir aussi bien que les personnes ayant la même éducation, mais nées au Canada. Alors, il y a une différence, et un des facteurs clés, c'est la connaissance des langues; on le sait.

    En ce qui concerne la participation, je dois dire que la plupart des immigrants adultes travaillent. On sait que le niveau de personnes qui ont recours à l'assurance-emploi et à l'assistance sociale chez les immigrants et les réfugiés n'est pas plus élevé que la moyenne des Canadiens nés au Canada.

    Après un certain nombre d'années, ils commencent à atteindre un niveau plus proche de celui des personnes nées au Canada. Cela ne veut pas dire que c'est dans les premières années; c'est toujours difficile dans les premières années. On sait en ce moment que le taux de pauvreté est beaucoup plus élevé chez les immigrants qu'il ne l'était auparavant. C'est le cas depuis les derniers dix ans seulement. Si je prends la moyenne nationale, ce n'est pas aussi pire, mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas un groupe qui souffre de pauvreté; il y en a un.

    En ce qui concerne l'accès, je dois dire qu'on n'a pas besoin d'encourager beaucoup les immigrants et les réfugiés en matière d'apprentissage. Ces personnes ont l'habitude de poursuivre leur éducation, de poursuivre la formation linguistique.

º  +-(1650)  

    On a des programmes. À l'extérieur du Canada, on a un programme d'orientation pour informer un certain nombre de personnes--ce n'est pas beaucoup, mais ça touche à peu près 9 000 personnes--sur ce à quoi elles doivent s'attendre en arrivant au Canada. On leur dire quels sont les cours disponibles et que c'est extrêmement important d'apprendre le français ou l'anglais.

    On donne une trousse d'information à chaque personne qui arrive au Canada. On leur donne une première trousse au moment où ils reçoivent leur visa, et lorsqu'ils arrivent au Canada, au port d'entrée, on leur donne encore une autre trousse de bienvenue au Canada.

[Traduction]

    Une trousse de bienvenue au Canada.

[Français]

    Cela leur donne des contacts dans l'ensemble du pays, dans leur communauté, pour aller chercher de l'aide pour l'apprentissage des langues et de l'aide en général pour s'orienter dans les communautés, afin qu'ils soient capables de prendre l'autobus, d'inscrire leurs enfants à l'école et de faire toutes ces différentes choses. Alors, il y a tout un système d'informations pour aider les immigrants à bien s'intégrer.

    Qui donne les cours? Ça peut être un petit organisme à but non lucratif, ça peut être un collège, ça peut être un système d'écoles. Par exemple, nous avons un contrat avec le Conseil scolaire de Peel, à Toronto, de je ne sais pas combien de millions de dollars. C'est beaucoup d'argent parce que c'est l'un de nos pourvoyeurs extraordinaires. Ça peut aussi être un collège, une université. On fait affaires avec les gens qui sont les plus en mesure de nous aider dans chacune des communautés. Normalement, on consulte dans les communautés, on forme des comités d'experts pour parler avec les différentes personnes afin de pouvoir trouver les pourvoyeurs. C'est comme ça que l'on travaille.

    C'est fait de façon différente dans les différentes provinces. Comme vous le savez, au Québec, ça tombe sous l'accord Canada-Québec. On remet une somme d'argent directement au gouvernement du Québec, qui est complètement responsable de l'administration du programme. C'est différent au Manitoba et en Colombie-Britannique, où on a aussi des ententes. On travaille de très près avec ces gens-là, mais ils sont responsables du programme et ils créent des contrats avec les pourvoyeurs.

º  +-(1655)  

+-

    M. Eugène Bellemare: Si j'ai bien compris...

[Traduction]

+-

    La présidente: Je vais être dure avec vous, mais il me faut vous interrompre.

    J'ai une question qui découle de la vôtre.

    Madame Frith, vous nous avez dit que l'on demande aux nouveaux arrivants s'ils parlent anglais ou français. Comment déterminez-vous leur niveau de compétence?

+-

    Mme Rosaline Frith: Je pense que nous avons bien progressé dans ce domaine. Jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi en juin 2002, on se fiait à l'évaluation d'un agent et à la propre déclaration de la personne concernée, ce qui n'est pas toujours une bonne solution. Tous les nouveaux arrivants estimaient très bien s'exprimer.

    Aujourd'hui, nous avons mis en place un système s'appuyant sur les critères linguistiques mis au point par le Canada. Nous avons les moyens de procéder à une évaluation indépendante des personnes appartenant aux catégories retenues à l'entrée de façon à ce que les personnes sélectionnées soient des immigrants qualifiés. Les demandeurs principaux, qui représentent quelque 26 p. 100 du nombre total d'immigrants arrivés au Canada, doivent répondre en fait à des tests par écrit destinés à évaluer objectivement leur niveau. Je ne peux pas vous donner plus de précisions. Nous n'avons commencé qu'à partir de juin 2002. C'est un système tout nouveau en ce qui nous concerne.

    Les personnes appartenant aux catégories du regroupement familial et des réfugiés font dans l'ensemble une simple déclaration. Elles ne sont pas tenues de passer un test lorsqu'elles entrent au Canada. Elles n'obtiennent pas de points en conséquence.

+-

    La présidente: Dans la trousse d'information que vous distribuez, vous nous parlez du niveau de langue employé par la justice. Est-ce que ce niveau...?

+-

    Mme Rosaline Frith: Nous sommes très conscients du problème. Nous avons oeuvré en compagnie du Secrétariat à l'alphabétisation et de différents ministères. Surtout, à mon avis, nous avons collaboré avec les collectivités qui reçoivent et qui prennent en charge tous les jours des immigrants, pour nous assurer que l'on parle dans un anglais ou dans un français simple et que le niveau de langue soit à la portée des intéressés. Je pense que cette collaboration a été très profitable dans ce domaine.

    Nous venons de refaire notre brochure s'adressant aux futurs citoyens : “A look at Canada”, «Regard sur le Canada». Nous avons revu le niveau de langue, les tableaux, les graphiques, et nous nous sommes assurés que tout était suffisamment clair pour que les gens puissent savoir comment voter, quel est le mode de gouvernance du Canada, etc.

+-

    La présidente: Toutefois, il s'agit là en fait d'une deuxième étape. C'est bien après l'arrivée au pays.

+-

    Mme Rosaline Frith: Effectivement, mais trois ans après leur arrivée au Canada, les immigrants peuvent demander la citoyenneté. Il reste encore à ce stade des personnes âgées qui ne parlent pas très bien ni l'anglais ni le français, mais qui sont très fières et qui veulent absolument passer les tests de la citoyenneté comme tout le monde. Elles ont besoin de documents qu'elles puissent comprendre.

+-

    La présidente: Est-ce que vous pourriez remettre une copie de ces deux documents aux membres de notre comité?

    Monsieur Bellemare. Je n'ai pas fait cette intervention en prenant sur votre temps, mais sur le mien.

    Monsieur Simard.

+-

    Mr. Raymond Simard (Saint Boniface, Lib.): Merci, madame la présidente.

    On a déjà répondu à nombre des questions que je voulais poser, mais je vais adresser une série de questions à M. Head. On pourra enchaîner sur ce que nous a dit M. Solberg.

    Pour commencer, est-ce que le Service correctionnel du Canada dispense ses propres cours ou est-ce qu'il le fait en collaboration avec les ministères provinciaux de l'éducation? Depuis combien de temps dispensez-vous ces programmes de cours? Que peut faire le gouvernement fédéral pour augmenter l'assistance à ces programmes d'alphabétisation?

    Vous avez parlé d'une réduction de 7 p. 100 pour FBA-8 et de 21 p. 100 pour FBA-10, de sorte que si la tendance se poursuit, la réduction pour FBA-12 sera de 63 p. 100. Ce devrait être nos objectifs—mais je plaisante.

    Pourriez-vous dire précisément à des néophytes ce que représente FBA-10. S'agit-il d'un certain nombre de semaines? S'agit-il d'atteindre un certain niveau d'études?

»  +-(1700)  

+-

    M. Don Head: Je vais m'efforcer de répondre à chacune de vos questions.

    Nos programmes d'alphabétisation et de cours sont dispensés à la fois par notre personnel agréé par les provinces et par des enseignants engagés sous contrat. Nous passons par ailleurs des contrats avec des organisations qui détachent chez nous des enseignants. Tous les crédits sont prélevés sur le budget du SCC.

    Les programmes de cours sont offerts depuis de nombreuses années par les établissements correctionnels. Il y a eu des améliorations ces 10 dernières années et l'on a mis l'accent sur l'alphabétisation. Jusqu'alors, on insistait sur les programmes de cours de la 10e à la 12e année. Nous avons appris toutefois depuis un certain temps que même si les détenus nouvellement incarcérés affirment éventuellement avoir déjà le niveau de la 10e année, lorsqu'on procède à des contrôles en appliquant des critères de référence normalisés, on s'aperçoit qu'ils ont peut-être atteint ce niveau dans l'enseignement public, mais que ce n'est pas corroboré par les tests qui leur sont appliqués. Nous avons donc procédé à une grande refonte du programme d'études de base au fil des années.

    Je reviens dans un instant à votre troisième question. Ce que vous voyez ici dans les diapositives n'est pas tout à fait exact. Nous avons en fait quatre niveaux de FBA : FBA-1 correspond aux années 1 à 5; FBA-2 aux années 6 à 8; FBA-3 aux années 9 et 10; et le niveau FBA-4 correspond à la 11e année et au diplôme d'études secondaires.

    Quant à ce que pourrait faire le gouvernement fédéral, nous cherchons constamment à étendre le champ d'application de nos programmes d'alphabétisation. Comme je vous l'ai indiqué tout à l'heure, nous nous penchons sur les possibilités d'affiner les outils d'évaluation qui nous servent précisément à évaluer certaines difficultés d'apprentissage. C'est un problème qui revêt une grande importance. En tant qu'organisme fédéral, notre action est limitée dans ce domaine. Nous dépendons de l'intervention des ministères provinciaux de l'éducation et nous devons tirer parti de leur expérience. Nous nous inspirons de l'action du Secrétariat à l'alphabétisation pour essayer de mettre au point ces outils, ainsi que de toutes les études qui ont pu être faites au plan national ou international.

    Après nous être dotés de ces outils d'évaluation, nous faisons par ailleurs le maximum pour mettre en place des programmes modifiés ou perfectionnés afin de repérer les personnes souffrant de ces difficultés d'apprentissage. Un domaine qui nous paraît difficile à l'heure actuelle, c'est celui de la prise en charge des personnes souffrant du syndrome ou des manifestations de l'alcoolisme foetal. C'est un problème, vous le savez pertinemment, que doivent aussi affronter d'autres organismes.

    C'est donc un point important en ce qui nous concerne. Tout ce que l'on pourra faire grâce à une collaboration entre les provinces et le gouvernement fédéral pour remédier à ce problème sera d'une aide considérable en ce qui concerne les détenus nouvellement incarcérés.

+-

    Mr. Raymond Simard: J'ai entendu dire quelque part—je ne suis pas sûr des chiffres exacts—que dans les six à huit années à venir, la totalité de notre main-d'oeuvre nous viendra de l'immigration. Je vois ici que les immigrants sont de manière générale plus instruits que les Canadiens et que 47 p. 100 d'entre eux ont un baccalauréat ou un niveau d'études supérieur. Doit-on s'en réjouir? Quel est le rapport entre ces statistiques et leur capacité à trouver un emploi?

»  +-(1705)  

+-

    Mme Rosaline Frith: Je dois me réjouir du fait qu'ils ont un niveau d'instruction élevé. Effectivement, il est vrai qu'entre 2011 et 2016, la totalité de la croissance de notre main-d'oeuvre sera due à l'immigration. Elle est déjà de plus de 70 p. 100. Les effets seront donc considérables sur une très courte période.

    Nous savons qu'au départ plus de 70 p. 100 des emplois exigent un diplôme d'études postsecondaires. Il faut avoir un niveau d'instruction élevé pour travailler au Canada. Il est très difficile de trouver un emploi sans avoir fait suffisamment d'études. Donc, effectivement, il faut s'en réjouir.

    Ce qui n'est pas réjouissant, c'est que les employeurs ont encore besoin d'être mieux sensibilisés à la condition des immigrations, à la diversité et aux enjeux liés aux différentes cultures. Ils doivent s'ouvrir davantage à des personnes éduquées dans des pays différents. Il faut qu'ils se mettent à reconnaître l'expérience professionnelle acquise à l'étranger.

    Notre ministère, de même qu'Industrie Canada, Développement des ressources humaines Canada et Patrimoine canadien, ont donc évidemment de nombreux défis à relever pour sensibiliser les employeurs et, de concert avec les provinces, les organismes de réglementation et les ordres professionnels, pour essayer d'obtenir une meilleure reconnaissance des qualifications étrangères. Nous devons faire encore un grand travail auprès des collectivités, qu'il s'agisse des municipalités ou de certains groupements communautaires, pour les inciter à faire connaître notre action, parce que ce sont eux qui sont le plus en contact avec les employeurs et les personnes concernées.

+-

    M. Raymond Simard: Madame McIsaac, vous avez fait une observation très intéressante, à savoir que les immigrants ne rattrapent plus aussi rapidement leurs homologues canadiens. Par le passé, si je comprends bien, le rattrapage se faisait en 10 ans.

    Vous avez aussi évoqué les programmes de formation intégrés qui ne se limitent pas à l'alphabétisation. Dans quelle mesure cette situation est-elle liée à l'analphabétisme? Auparavant, le rattrapage se faisait en 10 ans. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Est-ce que ce facteur explique 10 p. 100 du problème; 90 p. 100?

+-

    Mme Elizabeth McIsaac: Je ne peux pas vous donner de chiffres. Je pense que différents facteurs sont en cause. Il est important d'avoir des compétences linguistiques et de connaître le niveau de langue propre à l'emploi considéré. C'est pourquoi cela doit faire nécessairement parti des programmes de transition élaborés à partir de maintenant.

    Il est évident, d'après les études qui ont été faites au sujet des années 90, que la récession du début des années 90 a frappé tout le monde. Au Canada, le chômage a augmenté et la participation au marché de l'emploi de même que les revenus ont baissé. Les Canadiens ont repris du terrain à la fin des années 90, mais ça n'a pas été le cas des immigrants. Nous devons donc nous pencher sur les autres facteurs en jeu ici.

    Comme l'a indiqué Rosaline, des questions telles que la reconnaissance des qualifications ont tout autant d'importance que la formation linguistique préparant à un emploi. Le Conference Board du Canada a fait une étude à ce sujet en précisant que l'on gaspillait quelque 43 milliards de dollars par an parce que l'on ne savait pas reconnaître les qualifications. C'est donc là aussi un élément très important. Il y a donc plusieurs dimensions à ce problème.

+-

    Mr. Raymond Simard: C'est difficile à mesurer.

    Je vais vite poser une dernière question pendant que la présidente ne fait pas attention.

[Français]

    Madame Carbonneau, vous avez dit tout à l'heure qu'un projet d'alphabétisation qui fonctionne dans une situation ne s'applique pas nécessairement partout. J'ai trouvé cela intéressant. Je voudrais savoir si vous offrez, par exemple, un nombre de programmes préconçus ou si vous les faites sur mesure. Est-ce que vous analysez la clientèle et que vous le modifiez en cours de route?

+-

    Mme France-Line Carbonneau: On travaille avec un programme qui a été conçu au Y des femmes, mais en cours de route, on le modifie selon ce qui se passe. Il y a deux semaines, une garderie nous a téléphoné parce qu'elle a constaté qu'il y avait des retards de langage. Cela correspond à une constatation que l'on fait dans les écoles. Dans un quartier, entre autres, il y a trois écoles où 50 p. 100 des enfants ont un besoin de soins en orthophonie. Alors, il y a quelque chose là.

+-

    M. Raymond Simard: Des enfants de quel âge?

+-

    Mme France-Line Carbonneau: Je ne pourrais pas vous le dire; on a parlé de l'école en général, mais au centre pour enfants, ce sont des enfants de moins de quatre ans.

    On sait qu'il y a des problèmes qui s'en viennent, ce qui me fait réfléchir sur ce qu'on peut offrir comme services. On a un rendez-vous téléphonique la semaine prochaine pour que je lui explique exactement en quoi consiste notre programme. Elle voudrait qu'on donne une formation aux éducatrices pour qu'elles puissent ensuite transmettre ces outils afin qu'on les applique à la maison, avec les parents, ou dans les groupes communautaires ou à l'école. Il faudrait qu'on les fasse avec les éducatrices pour qu'elles puissent ensuite les transmettre aux parents.

»  +-(1710)  

+-

    M. Raymond Simard: Merci beaucoup. Merci, madame la présidente.

[Traduction]

+-

    La présidente: Ce n'est pas parce que je ne regardais pas que je ne vous ai pas vu. Je suis une mère de famille. Je suis en mesure de voir et d'entendre.

    Monsieur Malhi.

+-

    M. Gurbax Malhi (Bramalea—Gore—Malton—Springdale, Lib.): Merci, madame la présidente.

    Quel est le groupe le plus alphabétisé : les nouveaux immigrants, les femmes immigrantes ou les handicapés?

+-

    La présidente: À qui adressez-vous cette question, monsieur Malhi?

+-

    M. Gurbax Malhi: À l'ensemble des témoins. Disposez-vous de statistiques à ce sujet?

+-

    Mme Rosaline Frith: Vous voulez savoir qui a le plus besoin de cours d'alphabétisation. Je dirais que de manière générale, lorsqu'on considère l'ensemble de nos immigrants et de nos réfugiés, ce sont les femmes qui ont un peu plus besoin d'une formation linguistique que les hommes. Cela vient tout simplement du fait que dans de nombreux pays les hommes sont avantagés et l'égalité des sexes n'est pas la même qu'au Canada. Par conséquent, les femmes qui arrivent au Canada ont plus besoin d'être aidées. Toutefois, la différence n'est pas grande. Les femmes ne sont pas bien plus mal placées que les hommes.

    Nous avons constaté que nous avions autant d'hommes que de femmes dans nos cours de formation linguistique. Lorsque nous dispensons des cours à l'intention des femmes, nous voyons qu'elles y assistent autant que les hommes. Bien des femmes qui arrivent aujourd'hui au Canada se retrouvent sur le marché du travail, presque tout autant que les hommes. Les femmes ont tendance par ailleurs à accepter des emplois moins bien rémunérés pour faire vivre leur famille et elles hésitent moins à accepter des emplois qui ne sont pas à la hauteur de leur niveau d'instruction. Elles entrent rapidement sur le marché du travail et ont besoin pour cela d'une formation linguistique, de sorte qu'elles ont davantage tendance à suivre des cours.

    Pour ce qui est des handicapés, je ne peux pas vraiment vous donner de chiffres. Nous avons un grand nombre de réfugiés qui ont subi des traumatismes et qui ont besoin d'une aide psychologique et linguistique. Notre aide leur est indispensable et c'est une priorité. Je ne peux pas toutefois vous donner de chiffres ou de pourcentage.

+-

    M. Gurbax Malhi: Qu'entendez-vous par priorité concernant les cours d'alphabétisation dispensés à ces catégories?

+-

    Mme Rosaline Frith: Notre grande priorité est de nous assurer que tous les immigrants et les réfugiés qui ont besoin d'une formation linguistique de base et qui commencent au-dessous du niveau CLIC-3 puissent bénéficier des cours correspondants.

    Nous collaborons par ailleurs avec les collectivités dans lesquelles se retrouvent un grand nombre d'immigrants très instruits qui ont besoin d'une formation linguistique plus poussée. Il se peut alors que cela devienne la priorité dans ces collectivités. Chaque collectivité fait donc l'objet d'un traitement particulier.

    Nous cherchons en priorité à dispenser une formation linguistique aux derniers arrivants plutôt qu'à ceux qui sont déjà sur place depuis quelques années. Nous ne dispensons pas, dans le cadre de nos programmes d'établissement, une formation linguistique aux citoyens canadiens. Les personnes qui sont immigrantes depuis trois ans, qui ont demandé la citoyenneté et qui sont devenues citoyennes tout en ayant accord des difficultés sur le plan linguistique ne peuvent pas bénéficier des programmes linguistiques prévus lors de l'établissement.

    Nos priorités sont donc les suivantes : les immigrants récents, les premiers niveaux de compétence et, dans la mesure du possible et en partenariat, des niveaux plus poussés de compétence linguistique pour les personnes qualifiées qui en ont besoin. Nous nous efforçons aussi de combiner, chaque fois que nous le pouvons, une formation linguistique poussée avec des programmes de transition liés à l'emploi afin de disposer d'un guichet unique permettant d'assurer à la fois une formation linguistique et professionnelle intéressant davantage les employeurs.

»  +-(1715)  

+-

    La présidente: Mme Carbonneau souhaite vous répondre.

[Français]

+-

    Mme France-Line Carbonneau: J'aimerais laisser ma collègue Ferani, Zaïa, qui est responsable du centre d'alphabétisation, donner une réponse à monsieur.

+-

    Mme Zaïa Ferani (responsable, Centre d'alphabétisation, Y des femmes de Montréal):

    Bonjour.

[Traduction]

+-

    La présidente: Avant de répondre, pouvez-vous préciser votre nom et vos qualités afin que cela figure dans notre procès-verbal?

+-

    Mme Zaïa Ferani: Certainement.

[Français]

    Je m'appelle Ferani, Zaïa. Je suis responsable du programme Paroles de femmes, qui est le programme d'alphabétisation spécifique pour les femmes uniquement. Nous travaillons beaucoup avec des femmes immigrantes.

    Tout à l'heure, monsieur a parlé d'accès, d'évaluation, d'intégration, du marché du travail, des réfugiés, des immigrants sélectionnés, etc. Il y a une grande différence entre les immigrants sélectionnés et les réfugiés, parce que les réfugiés, on les accepte parce que ce sont des réfugiés. Donc, on ne fait pas attention à leur niveau d'éducation de base. On les accepte, c'est comme ça, il le faut. D'accord?

    Quant aux personnes sélectionnées--je parle du Québec parce que je suis francophone et que je vis au Québec--, le Québec sélectionne surtout des francophones pour la province. Donc, il y a un certificat de sélection qui est donné aux personnes immigrantes qui arrivent au Québec avec des bagages. Je dis bien «des bagages», donc pas moins de 12 années de scolarité. Donc, ce sont des personnes qui sont déjà lettrées, ne serait-ce que d'une part, qui est le français. La seconde partie, c'est l'anglais. L'anglais est connu comme une seconde langue mondiale, et toute personne éduquée connaît l'anglais de base. Si elle ne le parle pas couramment, elle a une expérience.

    Cela dit, parmi les femmes qui arrivent chez nous, il y en a pas mal qui sont illettrées. Il y a des femmes analphabètes dans leur langue. J'en ai beaucoup de cas; je peux vous dire que je sers au moins 75 p. 100 de femmes immigrantes. Ce qui est vital pour elles, c'est travailler. Si elles parlent le français un peu, le gouvernement du Québec offre une formation de 2 000 heures, je crois, le MRCI. C'est la francisation, c'est vraiment la langue d'insertion sociale pour pouvoir fonctionner adéquatement dans la société, mais ce n'est pas assez. Pour les femmes qui ont une petite base, c'est bon, mais pour d'autres, non, ce qui fait que quand elles arrivent à notre niveau, elles sont à peu près au niveau 1 avancé ou bien au niveau 2.

    Pour elles, le français est acquis; elles veulent travailler. Donc, il y a l'obstacle de l'anglais. Si je ne sais pas parler anglais, je ne peux pas travailler. Je veux d'abord apprendre l'anglais pour pouvoir aller sur le marché du travail. Je suis au Québec, mon français se perfectionne au fur et à mesure.

    Donc, nous sommes quand même en face de cette problématique. Ma suggestion personnelle serait d'adapter un outil en fonction du bagage de base, parce que toute personne arrivant au Canada a des bases, c'est-à-dire qu'elle est soit médecin, soit pharmacien; je ne sais pas, mais elle est éduquée quelque part. Je pense que si on fait un programme, qu'il doit viser à alphabétiser de façon à les insérer dans la vie économique et sociale pour les rendre productifs.

    À la longue, vu que ces dernières années nous avons reçu un très grand nombre d'immigrants... Le Canada a ouvert ses portes. C'est bien pour peupler le Canada. Je ne vous cache pas que je suis immigrante, mais je suis canadienne. Personnellement, j'ai été confrontée à ce genre de problème. Je suis médecin, j'ai fait des études médecine, mais je n'ai jamais travaillé dans mon domaine. Pourquoi? Parce qu'il fallait reprendre à zéro, et ma priorité à cette époque-là, c'était mes enfants. Pour moi, j'étais suffisamment éduquée. Je pouvais changer ma voie et laisser la voie à mes enfants. C'est ce qui a été ma priorité, et c'est pour ça que j'ai fait un certificat en alphabétisation. Je me suis dit que j'avais un rôle à jouer dans la langue française et dans l'insertion des immigrants dans notre société.

    Je crois, monsieur, que c'est un très grand enjeu. Je pense que nous devons nous serrer les coudes pour pouvoir canaliser et orienter vers la société canadienne. C'est très important de jouer sur les deux langues, parce que c'est le Canada et qu'on a besoin des deux langues.

    Vous avez parlé d'argent, vous avez parlé d'aide. Entre vous et moi, je n'en ai pas vu. Le Secrétariat national à l'alphabétisation nous aide quand on développe des programmes. Nous avons développé un programme que nous avons voulu promouvoir et rendre à l'échelle nationale. Ma collègue l'a fait l'an dernier pour essayer de l'étendre. C'est quelque chose qu'on a adapté pour les femmes selon leurs besoins, pour pouvoir les acheminer vers le marché du travail, mais c'est très dur d'avoir de l'argent. Ce n'est pas facile. Sincèrement, il faut être là. Nous sommes un organisme à but non lucratif et nous sommes tout le temps en train de solliciter de l'argent pour pouvoir garder un programme. Le programme Alpha-Famille est très important pour nous. Nous voulons le garder, mais comment?

[Traduction]

»  +-(1720)  

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Avant que ne se termine notre séance, je vais accorder une minute environ à chacun de nos intervenants. Si vous avez quelque chose à ajouter à votre exposé, c'est le moment. Je vais procéder dans le même ordre.

    Monsieur Head, vous êtes le premier. Excusez-moi de ne pas vous avoir laissé beaucoup de temps pour vous préparer.

+-

    M. Don Head: Madame la présidente, je tiens à vous remercier à nouveau de nous avoir donné l'occasion de nous présenter devant le comité.

    Je me contenterai de dire avant que nous nous quittions que nos études ainsi que le travail que nous avons effectué au sein des établissements correctionnels fédéraux nous ont appris que plus nous consacrerons de temps, d'énergie et d'efforts au problème d'alphabétisation et de formation des détenus, plus nos collectivités seront en sécurité une fois que ceux-ci se seront réinsérés.

    Je vous remercie de nous avoir écoutés.

+-

    La présidente: Madame Frith.

+-

    Mme Rosaline Frith: Je tiens simplement à ajouter qu'au cours des prochaines années nous allons mettre l'accent sur notre cadre d'évaluation et sur nos programmes de formation linguistique. Vous serez ainsi bien mieux informés du niveau des détenus à l'entrée, de la durée des cours leur permettant d'atteindre un niveau supérieur et des différences éventuellement enregistrées au niveau de la capacité de gains. Nous allons procéder à ces études et nous serons en mesure de revoir un certain nombre de ces cours lors des prochaines années pour faire un meilleur travail. Je crois que c'est absolument indispensable.

    Nous devons aussi nous pencher sur les vraies questions concernant la situation des personnes analphabètes et nous demander si elles reçoivent suffisamment d'aide pour pouvoir bien se débrouiller dans la société canadienne. Nous devrons recueillir les données correspondantes et oeuvrer davantage dans ce domaine. Le travail est en cours, nous avons simplement besoin de temps pour être mieux informés.

    Je vous remercie.

+-

    La présidente: Merci.

    Monsieur Stewart.

+-

    M. Graham Stewart: Nous constatons que 65 p. 100 des détenus dans les établissements fédéraux au Canada ont de grosses lacunes en matière d'alphabétisation. Dans d'autres établissements, notamment lorsqu'il y a une forte concentration de détenus autochtones, ce pourcentage peut aller jusqu'à 80 p. 100. Toutefois, 5 p. 100 seulement de ces personnes sont prêtes à avouer leurs lacunes et 2 p. 100 à suivre des cours.

    Donc, les difficultés évidentes qu'entraîne un manque d'alphabétisation pour se débrouiller au sein de la société canadienne viennent se doubler du fait qu'une véritable honte s'attache à une personne analphabète au sein de notre société, même s'il y en a un nombre considérable qui relèvent de cette catégorie.

    Il m'apparaît que si le gouvernement sensibilise l'ensemble du public et part du principe qu'il y a un faible niveau d'alphabétisation et non pas le contraire, les gens qui éprouvent ce genre de difficultés pourront éventuellement surmonter les effets de cet ostracisme, et c'est là à mon avis une condition préalable indispensable si l'on veut véritablement remédier en soi à l'analphabétisme. Je voulais simplement donner cette précision.

»  -(1725)  

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Madame McIsaac.

+-

    Mme Elizabeth McIsaac: Je me contenterai de répéter une ou deux choses que j'ai déjà évoquées tout à l'heure, notamment en ce qui a trait à l'immigration et aux immigrants.

    Nos études ont révélé la véritable nécessité d'une coordination entre les pouvoirs publics. CIC doit oeuvrer en collaboration avec DRHC, Patrimoine, les provinces et les différentes parties prenantes. Comme l'a indiqué Rosaline, il faut qu'un certain nombre d'entre elles, et avant tous les employeurs, s'engagent plus résolument. Il faut qu'elles participent à la véritable résolution des problèmes et ne pas se contenter de se tenir au courant. Il faut qu'elles viennent à la table des négociations et qu'elles participent. C'est un investissement qui les concerne elles aussi.

    Dans le cadre de ces nouvelles relations et des nouveaux partenariats qui doivent s'instaurer, il faut aussi s'assurer de nouveaux financements, de crédits fiables et stables à l'intention des organisations communautaires qui ne disposent pas de cette sécurité d'une année sur l'autre. Elles seront alors en mesure de se développer et d'offrir de meilleurs services.

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Madame Carbonneau.

[Français]

+-

    Mme France-Line Carbonneau: Je parlerai pour le programme Paroles de femmes dont Zaïa parlait. Je pense que ça joue un rôle important. Les femmes se sentent accueillies. Elles disent que le centre est une famille pour elles. Ce que je trouve important aussi, c'est que le fait qu'il y ait juste des femmes les sécurise aussi, parce qu'il y en a quelques-unes qui ont vécu des choses difficiles: du harcèlement, etc. Alors, le fait qu'il y ait juste des femmes, ça semble répondre à un besoin.

    L'autre chose, c'est pour le programme que je coordonne. Le fait qu'on aille à la maison ou qu'on soit dans les groupes communautaires--on dessert, au moins pour la moitié, des familles immigrantes--, ça répond à un certain besoin. On n'a pas d'analyses scientifiques, mais je pense que les familles, à ce moment-là, se sentent appuyées, qu'elles se sentent accueillies, et il y a une aide au niveau de l'apprentissage de la langue, au niveau de la culture, même un accompagnement face à l'école. Alors, je pense qu'il y a quelque chose à examiner de ce côté-là.

[Traduction]

-

    La présidente: Je vous remercie tous de votre intervention, notamment ceux qui nous ont apporté des précisions supplémentaires. Nous ne manquerons pas d'en tenir compte lorsque nous rédigerons notre rapport.

    Nos séances touchent à la fin. Je pense qu'il reste deux jours d'audience à notre comité, après quoi nous nous pencherons sur notre rapport. Je sais que chacun d'entre vous a très hâte de le lire. Nous nous ferons un plaisir d'écouter vos commentaires une fois que vous en aurez pris connaissance.

    Je vous remercie.

    La séance est levée.