[Enregistrement électronique]
Le mercredi 14 juin 1995
[Traduction]
Le président: Chers collègues, nous étudions aujourd'hui le projet de loi C-92. Comme vous le savez, la Chambre n'en a pas encore terminé l'examen, mais nous avons pensé que, comme nous disposions d'un peu de temps, cela nous donnerait l'occasion d'entendre l'opinion des représentants du Manitoba Pool. Nous accueillons donc aujourd'hui Ken Edie, le premier vice-président - bienvenue, monsieur Edie - et le directeur, David Sefton - bienvenue.
Je crois que vous avez une brève déclaration à faire et que vous serez ensuite prêts à répondre à des questions.
M. Ken Edie (premier vice-président, Manitoba Pool Elevators): Merci beaucoup, monsieur le président. Avant de commencer, je voudrais présenter mes excuses aux députés francophones. Je n'ai aucun exemplaire de notre mémoire en français. Nous le faisons normalement, mais le pré-avis était très court et nous n'avons pu terminer notre document qu'à 16h30. Nous mettrons des copies en français à votre disposition.
Nous sommes certainement très heureux de pouvoir prendre la parole devant vous à ce sujet. Je vais passer les différents points en revue et M. Sefton et moi-même seront heureux de participer à une discussion avec vous.
Manitoba Pool Elevators et Saskatchewan Wheat Pool, les deux plus grandes coopératives appartenant à des agriculteurs dans l'est des Prairies, présentent ici le point de vue de 40 000 membres-propriétaires installés entre Moose Jaw en Saskatchewan et la frontière entre le Manitoba et l'Ontario.
Les agriculteurs de l'est des Prairies seront grandement affectés par un projet de loi visant à modifier le système de mise en commun de la Commission canadienne du blé à partir du 1er août 1995, soit un an avant la date annoncée le 27 février 1995.
Cette mesure renforcera les conséquences des autres décisions importantes annoncées dans le budget qui doivent entrer en vigueur le 1er août 1995, notamment l'abrogation de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest et l'élimination conséquente de la subvention du Pas du Nid-de-Corbeau accordée par le gouvernement fédéral pour le transport du grain ainsi que de divers mécanismes d'aide aux producteurs et aux expéditeurs de grain face au monopole des deux compagnies de chemin de fer du Canada.
À la suite de tous ces changements, les producteurs de l'est des Prairies devront payer beaucoup plus pour transporter leurs produits jusqu'au port de mer, ce qui diminuera par la même occasion le prix à la ferme des expéditions de blé et d'orge par la Commission canadienne du blé.
Manitoba Pool Elevators et Saskatchewan Wheat Pool reconnaissent la nécessité de modifier le régime de mise en commun de la Commission canadienne du blé pour mieux tenir compte des conditions du marché et les coûts correspondants et sont d'avis que les agriculteurs de l'ouest des Prairies ne devraient pas avoir à partager le coût de l'expédition du grain produit dans l'est des Prairies jusqu'à Thunder Bay en vue de son acheminement ultérieur par la Voie maritime du Saint-Laurent. Toutefois, les agriculteurs de l'est des Prairies seront durement touchés par les modifications proposées et il faut donc qu'ils reçoivent une indemnisation juste et adaptée.
Une augmentation de l'accompte ou du versement final de la Commission canadienne du blé compensera en partie les déductions plus élevées pour les frais de transport, c'est vrai, mais les conséquences négatives combinées d'un changement des points de mise en commun de l'est et de l'élimination de la subvention du Pas du Nid-de-Corbeau imposeront un lourd fardeau financier aux producteurs du Manitoba et de l'est de la Saskatchewan.
Je ne vous lirai par le paragraphe suivant parce qu'il mentionne trop de pourcentages. Si quelqu'un veut approfondir la question, je pourrais néanmoins le faire mais l'encadré figurant sur le côté présente le concept et le problème tel que nous le voyons.
Les producteurs de blé de Winnipeg et de Sintaluta verront leurs déductions pour frais de transport augmenter en tout de 148 p. 100 et de 137 p. 100 respectivement à la suite de l'introduction des changements au régime de mise en commun et de l'adoption de tarifs de transport non subventionnés. De toute évidence, les agriculteurs de l'est des Prairies auront à effectuer d'importants ajustements financiers à la suite du changement des points de mise en commun. Cet ajustement sera d'autant plus difficile que le gouvernement fédéral a annoncé ces changements alors que les décisions relatives à 1995-1996 avaient déjà été prises.
Le changement des points de mise en commun de la Commission canadienne du blé est révélateur d'une diminution du rôle de l'inter-financement dans les politiques et les programmes du gouvernement fédéral. Afin d'assurer une application plus homogène de la politique et de mettre en place un système plus équitable et plus efficace de transport du grain, le gouvernement fédéral devrait réexaminer sa récente proposition de modifier la Loi d'exécution du budget pour financer les compagnies de chemins de fer d'intérêt local existantes en augmentant les tarifs maxima de transport de marchandises. Paradoxalement, une telle modification forcerait tous les producteurs des Prairies à assurer l'inter-financement des activités de deux de ces petites compagnies de chemins de fer d'intérêt local.
Le budget fédéral prévoit un fonds d'adaptation de 300 millions de dollars qui viendra en aide pendant six ans aux agriculteurs des Prairies pour leur permettre de faire face à la réforme du régime des transports. Les agriculteurs subissant le contre-coup des modifications apportées par la Commission canadienne du blé au système de mise en commun auront droit à certaines indemnisations.
Malgré nos contacts épistolaires et oraux constants avec le ministre de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire, Manitoba Pool Elevators et Saskatchewan Wheat Pool continuent de se demander si les mesures d'aide dont on envisage de faire profiter les producteurs de l'est des Prairies affectés par ces changements seront suffisantes pendant la période de transition.
La période d'adaptation envisagée s'étend aux deux années suivants la campagne agricole 1995-1996. C'est insuffisant, puisque les producteurs n'ont pas eu la possibilité de tenir compte dans leur planification de la mise en oeuvre d'un changement des points de mise en commun au cours de la campagne agricole prochaine. On ne sait pas encore à combien se monteront les indemnités et on ne peut donc pas savoir si elles seront suffisantes. Même si on a parlé d'environ 100 millions de dollars, le montant des indemnités n'a pas encore été confirmé aux coopératives qui ne savent pas non plus comment les sommes prévues seront réparties.
Sur la base des chiffres réels et estimés en ce qui concerne les livraisons de grain depuis 1992-1993, on s'attend à ce que le changement du régime de mise en commun coûte aux producteurs de l'est des Prairies 50 millions de dollars de plus en 1995-1996 pour les seules déductions des frais de transport.
Les bassins desservis par chacun des points d'exportation identifiés dans la proposition de la Commission canadienne du blé en matière de mise en commun ne seront pas déterminés avant juillet 1995. Cela veut dire que les déductions de frais de transport proposées pour chaque compte de mise en commun et pour chaque point de livraison pourraient encore changées. Il faut absolument que les déductions de frais de transport possibles avec le nouveau système de mise en commun tiennent compte, le cas échéant, des avantages géographiques dont jouïssent certains points de livraison de l'est des Prairies par rapport au marché d'exportation concurrent.
Contrairement aux assurances données par Agriculture et Agro-alimentaire Canada, la Direction d'assurance-récolte du Manitoba a signalé que le RARB ne tiendra pas compte des conséquences négatives pour les revenus du marché d'un changement des points de mise en commun. Il n'en est donc que plus important d'indemniser de façon satisfaisante les producteurs du Manitoba. Les producteurs de l'est des Prairies ont le droit et ont le besoin urgent de savoir quelles déductions de frais de transport leur seront accordées dans le cadre du nouveau régime et quels seront le montant, le mode de répartition et la durée de l'aide qui leur sera accordée pour faciliter la transition vers le nouveau régime.
Manitoba Pool Elevators et Saskatchewan Wheat Pool sont en faveur de la mise en oeuvre d'une méthode équitable de répartition des frais de transport entre les producteurs de blé et d'orge des Prairies. Toutefois, le gouvernement fédéral doit absolument reconnaître l'augmentation considérable des frais de transport et des importantes mesures d'ajustement auxquelles devront faire face les producteurs de l'est des Prairies à la suite des changements envisagés en ce qui concerne les points de mise en commun de la Commission canadienne du blé. Le gouvernement doit donc assurer une indemnisation financière satisfaisante échelonnée sur une période raisonnable et communiquer rapidement et ouvertement les décisions et les informations relatives aux mesures d'aide à la transition et au fonctionnement du nouveau système de mise en commun.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup.
M. Chrétien.
[Français]
M. Chrétien (Frontenac): Monsieur le vice-président, bienvenue à Ottawa. Je suis heureux de connaître les positions des deux groupes qui totalisent près de 40 000 membres. Vous savez que le projet de loi C-92, dont nous sommes saisis, a deux fins. D'abord, il s'agit de changer la mission du port de Thunder Bay et de donner la mission qu'il a à un ou plusieurs ports du Bas-Saint-Laurent. On cite souvent les ports de Baie-Comeau, Montréal, Trois-Rivières, Québec, enfin un port le long du Saint-Laurent.
Cependant, en ce qui a trait aux coûts de transport en provenance de Thunder Bay, l'un de ces fameux ports de transbordement, on est dans un dilemme. Qui va payer les frais de transport? Votre association est entièrement d'accord pour que les producteurs céréaliers des Prairies n'aient pas à défrayer ces montants. Le but du projet de loi C-92 est de débloquer 100 millions de dollars sur une période de trois ans, ce qui permettrait aux producteurs agricoles de s'adapter.
Bien sûr, le ministère de l'Agriculture a présenté des tableaux. La région de Winnipeg est probablement celle qui est la plus durement touchée. En 1995, il pourrait en coûter jusqu'à 37,20$ la tonne métrique pour transport. C'est un dur coup.
Nous, du Bloc québécois - vous me direz ce que vous en pensez - avons l'intention de suggérer au gouvernement un amendement qui aurait pour objet d'échelonner cela sur cinq ans au lieu de trois, afin que les agriculteurs puissent s'adapter en douce. Bien sûr, je n'ai pas à défendre le gouvernement, étant membre de l'opposition.
J'ai voté contre le projet de loi C-76, mais il est adopté, et maintenant il faut vivre avec, un peu comme pour le projet de loi C-68 qui a été adopté hier. Je n'ai pas eu le courage de me présenter en Chambre pour voter contre; je suis resté à mon bureau. Toutefois, en répondant à une question sur les ondes d'une station de radio de ma circonscription, ce midi, j'ai recommandé à mes électeurs de se soumettre à la loi. La démocratie, c'est cela aussi: il faut se soumettre.
La démocratie veut également que, dans un premier temps, la LTGO disparaisse. Les subventions directes pour le transport des céréales sont abolies. Il y a un plan d'adaptation de 300 millions de dollars. À l'origine, je ne croyais pas qu'on aurait pu utiliser une partie de ces 300 millions de dollars pour créer un système de financement et de compensation parallèle au transport des grains. Il semblerait que ce soit un demi-mal. Au départ, je croyais que c'était pour l'amélioration de routes, de tronçons de chemins de fer, ou encore pour la construction de silos primaires, mais il semble qu'on n'en prendra que le tiers pour cela.
Je vais proposer, avec mon collègue de Lotbinière, Jean Landry, qu'on porte cela à cinq ans et peut-être qu'on porte la somme de 100 millions de dollars à 120 millions de dollars. Évidemment, si on en prend trop, il n'en restera plus pour autre chose, parce qu'il n'y a que 300 millions de dollars.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Chrétien, vous avez abordé différents projets de loi dans votre question, certaines des choses que vous avez dites n'ayant aucun rapport avec le projet de loi C-92. Si les témoins veulent donner leur avis là-dessus, je les autoriserai néanmoins à le faire.
M. Edie: Merci, monsieur le président.
J'ai eu un peu de mal à faire marcher mon récepteur d'interprétation.
La première question que j'ai entendue était celle de savoir qui paierait les frais de transport par exemple de Winnipeg à Montréal ou Baie Comeau? C'est là l'élément fondamental dans ce qui a été proposé. Ces frais seront assumés par l'utilisateur, c'est-à-dire l'expéditeur de céréales de l'est des Prairies au point de mise en commun situé sur le St-Laurent, quel que soit celui qui sera choisi. Comme nous l'avons dit, nous ne sommes pas contre le fait que l'on fasse de cela un objectif intermédiaire. Cela ne répond toutefois pas aux exigences d'équité en matière d'établissement de tarifs moyens et de mise en commun des coûts, principes auxquels nous tenons.
Pour ce qui est de vos commentaires au sujet d'une période de cinq ans, je pense que nous serions très heureux que la période de transition soit plus longue. Cela serait très utile. Nous serions tout à fait en faveur de telle mesure. L'une des choses qui nous préoccupe, aussi bien que le montant des indemnités, est la période pendant laquelle elles seront offertes.
[Français]
M. Chrétien: Si vous me le permettez, je vais compléter ma pensée. J'ai parlé de cinq ans, mais en diminuant graduellement les montants. Ce pourrait être de l'ordre de 40 millions de dollars la première année et ensuite de 30, 20, 10 et 5 millions de dollars. La dernière année, ce serait des montants minimes pour qu'on s'endorme sans trop sans rendre compte.
[Traduction]
M. Edie: Monsieur le président, un tel système serait très utile. On a laissé entendre que 100 millions de dollars pourraient être versés soit à raison d'un tiers par an pendant trois ans soit selon la formule 40 p. 100, 30 p. 100 et 30 p. 100. Cela ne nous paraît pas satisfaisant. Nous partageons donc votre point de vue.
Mme Cowling (Dauphin - Swan River): J'aimerais remercier les trois représentants de Manitoba Pool Elevators et de la Saskatchewan d'être venus nous rencontrer.
Pour préciser les choses et pour que cela figure au procès-verbal, je signalerai que certaines des choses dont Jean-Guy Chrétien a dites à propos du projet de loi me paraissent incorrectes. Il n'y est nullement question d'argent versé à titre d'indemnité. Le projet de loi C-92 déplace le point de mise en commun de la Commission canadienne du blé de Scott à Sintaluta en Saskatchewan. Toutefois, l'adoption de ce projet de loi aura d'énormes conséquences pour le Manitoba. Nous en avons parlé assez longuement au sous-comité du transport. À la suite de ces changements, les agriculteurs de ma circonscription de Swan River ainsi que, je crois, ceux de la circonscription de Bernie Collins, dans l'est de Saskatchewan, à Estevan, auront à assumer les coûts de transport des céréales les plus élevés du pays.
Peut-être pourriez-vous nous préciser quelle indemnité on devrait, selon vous, accorder aux agriculteurs du Manitoba et de l'est de la Saskatchewan pour couvrir les frais plus élevés qu'ils devront assumer du fait qu'ils sont installés loin des côtes.
M. Edie: Comme je l'ai dit, il était envisagé, mais aucune décision n'a encore été prise, de verser une somme de 100 millions de dollars répartie sur trois ans, ce qui correspond donc à une moyenne de 33,333 millions de dollars par an. Dans leur estimation remontant jusqu'à 1992-1993 - cela figure juste au dessus du milieu de la page 3 du mémoire - la Commission canadienne de blé et Agriculture Canada ont trouvé 50 millions de dollars de déductions supplémentaires pour la seule année 1995-1996. Cela dépend un peu du volume des expéditions. Nous pensons donc que ce serait un minimum et que la période de trois ans est trop courte. Lors d'une conférence téléphonique, nous avons conseillé au ministre de passer à une période de quatre ans. Ce chiffre a néanmoins été confirmé par plusieurs sources digne de foi et je crois que c'est donc quelque chose de fiable.
Mme Cowling: Certaines des modifications législatives concernant les lignes de chemins de fer d'intérêt local auront-elles des répercussions sur les producteurs du Manitoba et de l'est de la Saskatchewan? Cela entraînera-t-il pour eux des frais supplémentaires? Pouvez-vous nous donner plus de détails là-dessus?
M. Edie: Afin que chacun comprenne bien ce dont il s'agit, lorsque la Loi sur le transport du grain de l'Ouest a été adoptée, on a prévu l'exploitation de deux petites compagnies de chemins de fer d'intérêt local: Central Western en Alberta et Southern Co-op dans le sud de la Saskatchewan. Elles recevaient une aide financière en plus du barême général appliqué au reste des expéditions de céréales. Toutes deux recevaient le tarif de base ainsi qu'une somme supplémentaire. Le montant exact n'a jamais été rendu public et c'est quelque chose qui a été prélevé sur les fonds prévus pour la subvention du Pas du Nid-de-Corbeau, ce qui veut dire que les autres producteurs devaient payer plus que leur part normale.
Je crois que ces paiements étaient effectués en vertu de l'article 50 de la LTN. La subvention du Nid-de-Corbeau disparaissant à partir du 1er août, ces compagnies n'auront plus accès à des fonds supplémentaires. Un amendement a donc été apporté à la loi d'ajustement aux termes duquel tous les autres producteurs de l'ouest du Canada devraient payer en moyenne 10$ de plus par tonne que le tarif normal pour compenser la perte de cette source de financement pour ces compagnies. Il nous paraît paradoxal que, à une époque où le gouvernement cherche à éliminer la mise en commun et l'étalement des coûts - c'est en fait de cela qu'il s'agit en ce qui concerne la Voie maritime - il crée néanmoins une autre catégorie prévoyant une mise en commun et un calcul de la moyenne des coûts pour assurer la survie de ces petites compagnies de chemins de fer d'intérêt local.
M. David Sefton (directeur, Saskatchewan Wheat Pool): Je pense que c'est quelque chose à quoi nous nous opposons également. On commence à changer de système pour qu'il reflète davantage les conditions du marché et les producteurs de l'est de la Saskatchewan et du Manitoba devront payer la totalité des frais de transport le long de la Voie maritime du St-Laurent alors qu'une catégorie de producteurs céréaliers continueront de profiter d'un inter-financement en matière de frais de transport. Il paraît absurde de créer deux catégories différentes. Pourquoi mettre en place deux structures différentes de frais de transport à l'intérieur d'une province où à l'intérieur de la région de l'Ouest.
M. Benoit (Vegreville): J'aimerais que Mme Cowling précise ses propos. Elle a parlé du projet de loi C-92 en disant que le point de démarcation passerait de Scott en Saskatchewan, à un autre endroit. J'ai examiné le texte du projet de loi et je n'ai rien vu à ce sujet. Je me demande si j'ai la même version qu'elle. Cela ne figure pas dans le projet de loi, n'est-ce-pas?
Mme Cowling: Non.
M. Edie: Pour préciser les choses, il n'y a aucune indication là-dessus dans le projet de loi car on parle de Vancouver et du St-Laurent. Mais le point de démarcation en ce qui concerne la Commission canadienne du blé va être Sintaluta; c'est l'endroit où le transport jusqu'à l'océan sera le plus coûteux. C'est pour des raisons purement géographiques et non pas à cause d'une décision législative ou réglementaire arbitraire; c'est comme ça tout simplement.
À l'heure actuelle c'est à partir de Scott, en Saskatchewan, que les frais de tranport de Thunder Bay à Vancouver sont les plus élevés. Puisque l'on passe à Montréal, on constate un déplacement vers l'Est et il se trouve simplement que l'endroit en question est Sintaluta.
M. Benoit: Je comprends que Scott est le point central à l'heure actuelle et que cela va changer, mais je n'ai pas vu cela dans le projet de loi. Je pensais qu'il y avait peut-être des éléments plus précis qui y figurent, mais il ne contient pas grand'chose de précis à cet égard, en fait.
Vous avez abordé la question en indiquant que les agriculteurs du Manitoba et de l'est de la Saskatchewan devront assumer une proportion beaucoup plus importante des frais de transport. Quelle sera l'augmentation la plus élevée en ce qui concerne la part des frais de transport que devront assumer les agriculteurs?
M. Edie: En haut de la page 2, nous donnons un exemple de Winnipeg où les coûts vont augmenter de 287 p. 100. Il y a trois ou quatre endroits à l'est de Winnipeg où ce chiffre sera légèrement plus élevé, mais nous parlons de Winnipeg parce que les gens savent où c'est et que c'est très proche de la limite est. Nous parlons également de Moose Jaw parce que déjà les gens savent où se trouve Moose Jaw; nous aurions pu faire référence à Scott, en Saskatchewan.
M. Benoit: On nous a retiré vos mémoires parce qu'il n'y avait pas de traduction en français. Nous ne les avons donc pas devant nous.
M. Edie: J'en suis désolé.
M. Benoit: Avec ces changements, combien les agriculteurs devront-ils dépenser de plus qu'à l'heure actuelle?
M. Edie: À Winnipeg, la déduction pour frais de transport se monte actuellement à 9,11$ la tonne. Elle va passer à l6,78$ le 1er août à cause de l'élimination de la subvention du Nid-de-Corbeau. Ensuite, avec les modifications relatives aux points de mise en commun, ce montant passera à 22,59$, soit une augmentation totale de 13,48$ ou 148 p. 100. Voilà les chiffres en ce qui concerne Winnipeg.
À Calgary, bien sûr, la subvention du Nid-de-Corbeau disparaîtra mais les comptes de mise en commun de la Commission canadienne du blé entraîneront un revenu plus important, si bien que les frais de transport coûteront 25 p. 100 de plus. Ce sont donc les chiffres aux deux extrémités et ils varient bien sûr entre ces deux points.
M. Benoit: La région où les agriculteurs auront à payer les frais les plus élevés sera donc approximativement la même qu'avec le présent régime, mais le point de référence a beaucoup changé. La part la plus élevée est payée actuellement à Scott et elle est d'environ 14$ la tonne.
M. Edie: Aujourd'hui, le montant le plus élevé en ce qui concerne les frais de transport avant l'élimination de la subvention du Nid-de-Corbeau dépasse les 18$ la tonne. Les producteurs assument en moyenne une part d'environ 18$ la tonne. Où que ce soit, la part des producteurs et expéditeurs se montait à 48 p. 100 de l'ensemble des frais de transport. Il faut donc littéralement doubler ce montant et ajouter encore un petit quelque chose.
M. Benoit: À l'heure actuelle, le coût maximum est donc de 18$ la tonne. Après les changements, ce sera...
M. Edie: Ce sera 35$.
M. Benoit: Mais la part assumée par les agriculteurs dans les zones où ce prix est le plus élevé actuellement sera...
M. Edie: Elle sera de 35$ la tonne.
M. Sefton: Cela varie également selon le produit, les conditions du marché étant différentes d'un produit à l'autre. Il y a par exemple une importante augmentation pour l'orge à Winnipeg: le marché de l'orge ou des céréale fouragères se situe à l'Ouest, contrairement à celui du blé ou du blé dur. Toutes les céréales ont des marchés spécifiques à l'est et à l'ouest. Voilà pourquoi les frais d'expédition du blé sont plus élevés depuis Sintaluta que depuis Winnipeg.
M. Benoit: Je comprends. Les frais d'expédition depuis Winnipeg et depuis Scott ne seront donc pas tellement différents une fois que ces modifications seront intervenues. Ce sera pratiquement identique.
M. Sefton: Ces frais seront beaucoup plus élevés dans l'est de la Saskatchewan et à Scott, parce qu'il y a les 20$ de la Voie maritime qui s'ajoutent aux frais de transport ferroviaire qui sont actuellement payés de Scott à Vancouver. Il y aura donc 10 à 15$ de plus à payer par rapport aux frais de chemin de fer.
M. Edie: C'est dans l'est du Manitoba que les frais de transport jusqu'à la côte océanique sont les plus élevés.
M. Benoit: Et à Scott, ils se monteront à environ 29$, presque 30$ après ce changement.
M. Edie: À peu près.
M. Benoit: Ce sera donc 35$ au lieu de près de 30$.
M. Edie: Les revenus de leur pool seront néanmoins plus élevés puisqu'aucune déduction ne sera faite pour le transport en ce qui concerne la Voie maritime. Donc, même si les frais de transport ferroviaire ne sont pas tellement différents, il y a le transport par la Voie maritime qui s'ajoute pour les producteurs de l'est de la Saskatchewan et du Manitoba. Cela sera en fait à l'avantage de l'Alberta et de l'ouest de la Saskatchewan.
M. Benoit: Mais tout cela est pris en considération dans les sommes dont nous parlons.
Quelle est la situation des agriculteurs du Manitoba? C'est eux qui sont le plus durement touchés. Comment vont-ils faire face à ces modifications?
M. Edie: Nous n'en savons rien. C'est précisément cela qui nous préoccupe: nous voulons nous assurer qu'on facilite leur adaptation dans le cadre de la brève période de transiton proposée.
M. Benoit: Mais il devrait y avoir cette indemnité de 100 millions de dollars qui ne figure pas dans le projet de loi, bien entendu - versée sur trois ans. De façon générale, comment pensez-vous que des agriculteurs du Manitoba feront face à ce changement? Vous avez dû en parler?
M. Edie: Ils essaieront de choisir un des produits peu volumineux valant plus cher. Le problème est que, en ce qui concerne les produits qui occupent un faible volume par hectare, il peut s'agir de canola, du lin ou des lentilles... ils n'ont pas un marché illimité. Si trop de gens se mettent à en cultiver, leur valeur risque de chuter brutalement.
Il y a un autre problème que vous avez à peine abordé et dont je voudrais parler plus longuement. Le marché des États-Unis exercent une forte attraction et nous savons tous ce qui s'est passé là-bas. On y a finalement imposé un plafond qui doit être éliminé le 12 septembre 1995. Après la réduction ou la suppression de la subvention du Nid-de-Corbeau, toutes autres choses étant égales par ailleurs, rendra le marché américain encore plus attrayant qu'à l'heure actuelle, vu l'augmentation des frais de transport. S'il exerce déjà actuellement un certain attrait, ce sera encore plus vrai à la suite de la réduction du prix à la ferme.
M. Benoit: Pensez-vous que des agriculteurs vont insister pour que des modifications soient apportées au règlement de la Commission canadienne du blé afin de leur permettre d'avoir directement accès à ces marchés sans devoir...
M. Edie: Ce que nous proposons - et la Commission du blé a commencé à agir dans ce sens - est que l'on tienne compte de l'attrait exercé par certaines régions. Prenons un exemple. Lorsque le blé est livré à Minneapolis, le transport par camion depuis l'extrémité sud du Manitoba coûte un peu moins de 30$ la tonne. En revanche, pour livrer ce grain jusqu'à Vancouver, il en coûtera environ 47 ou 48$ la tonne et à peu près la même chose pour le livrer à Montréal. Par conséquent, les producteurs chercheront à récupérer cette différence de prix.
Sans entrer dans le détail, si les producteurs s'aperçoivent qu'ils ne peuvent pas récupérer cet écart de prix et qu'ils ne bénéficient plus de l'étalement des coûts du transport maritime, ils vont tenter par tous les moyens d'augmenter le prix de base. La Commission canadienne du blé a participé à certaines discussions. Nous avons vu certaines dispositions que proposent les membres de la Commission pour régler ces problèmes. De fait, nous allons les rencontrer vendredi prochain pour discuter de l'opportunité de trouver une solution aux problèmes de ces agriculteurs.
M. Benoit: J'ai des voisins qui expédient en ce moment aux États-Unis des céréales qui ne sont pas produites dans la zone relevant de la Commission canadienne du blé; et cela se passe à Mannville, une localité qui n'est pourtant pas très proche de la frontière. Ces voisins aimeraient exporter du grain «Commission» sans avoir à passer par l'intermédiaire de la Commission elle-même. On me dit qu'ils redoutent que cet avantage soit accordé aux producteurs du sud du Manitoba, mais qu'il soit refusé à ceux de ma région...
M. Edie: Je pense qu'il y a encore beaucoup à faire car ce que vous dites est vrai et pourtant, parmi les producteurs de la région sud qui englobent également la Saskatchewan et l'Alberta, certains expédient du grain aux États-Unis. Comme vous l'avez indiqué, les pressions ne cesseront d'augmenter tant qu'on n'aura pas trouvé une solution paraissant juste et équitable aux agriculteurs. C'est évident.
M. Sefton: Vous nous dites que les agriculteurs de votre secteur se tourneront vers le marché américain...
M. Benoit: C'est déjà fait.
M. Sefton: C'est déjà fait. Ce qu'il faut bien voir, c'est que si les producteurs peuvent vendre leur production à Minneapolis ou ailleurs aux États-Unis, les agriculteurs de l'est de la Saskatchewan et du Manitoba seront beaucoup mieux placés, compte tenu de la distance, que ceux de votre région, et leurs frais de transport seront moins élevés.
Comme l'a précisé M. Edie, il faudra tenir compte du marché de destination de ces produits au moment de l'établissement du prix de mise en commun et du prix de base. Sinon, on s'exposera à toutes sortes de déséquilibres qui auront les conséquences que vous avez évoquées.
C'est la même chose dans le secteur de l'élevage. Vous vous demandez ce que feront les agriculteurs. Dans le secteur de l'élevage à l'est des Prairies - Vancouver représentant le prix de base puisqu'elle est le point de détail du marché du grain fourrager - l'Alberta devra payer 20$ de plus que l'est de la Saskatchewan et du Manitoba pour son approvisionnement en fourrage. Autrement dit, il en coûtera 20$ de plus par tonne de grain fourrager en Alberta. Qu'est-ce que tout cela donnera avec le temps? Ce sont des problèmes auxquels nous seront confrontés.
C'est la même chose dans l'industrie du broyage, puisque le prix de départ est fixé à Vancouver.
M. Benoit: Pas pour longtemps, cela a été changé.
M. Sefton: Peu importe, le marché est orienté dans cette direction. Le tourteau de canola que l'on utilise comme supplément protéinique coûtera plus cher à l'ouest des Prairies qu'à l'est. L'industrie de l'élevage sera fortement incité à prendre de l'ampleur, non pas à cause de la destination de ses produits mais en raison des coûts de production beaucoup plus faibles dans les secteurs situés à l'est des Prairies.
C'est pourquoi nous réclamons un certain temps de transition afin que ces ajustements n'est pas lieu du jour au lendemain. Il faut que la réalité économique, c'est-à-dire l'écart de 15 et de 20$ la tonne entre les deux secteurs des Prairies se mette en place de manière civilisée plutôt que brutalement.
M. Edie a raison également de souligner que les agriculteurs auront tendance à faire pousser les produits les plus chers. Nous avons déjà assisté à une énorme augmentation des surfaces cultivées de lin et de canola par opposition à l'orge, sauf dans le secteur est des Prairies et au Manitoba où il a plu tellement que nous avons quand même fini par avoir de l'orge cette année.
[Français]
M. Chrétien: M. Benoit a posé presque l'essentiel des autres questons que je voulais poser. Nous avons probablement les mêmes préoccupations.
Selon les chiffres du ministère, nous exportons environ 30 millions de tonnes métriques de céréales, si bien qu'il y en a sept millions qui seraient expédiées par Thunder Bay ou le Bas-Saint-Laurent et 23 millions par les autres ports, notamment Vancouver.
Comme vous le disiez plus tôt à M. Benoit, si les producteurs céréaliers se tournent vers les productions les plus payantes, il n'est pas impossible qu'il y ait une diversification dans la production animale, ce qui entraînera nécessairement une diminution des expéditions.
Vous êtes tous les deux des visionnaires puisque vous occupez des postes de direction dans vos associations. Comment voyez-vous l'agriculture de l'Ouest dans 10 ans? Si on se fermait les yeux et qu'on prenait une photo de l'agriculture d'aujourd'hui et une photo de l'agriculture de l'est des Prairies dans 10 ans, jour pour jour, comment la verriez-vous dans votre rêve?
[Traduction]
M. Edie: Monsieur le président, M. Chrétien a très bien cerné la question et c'est un aspect auquel nous réfléchissons depuis quelque temps. Nos organisations ont toujours estimé que la diversification n'est pas facile et qu'il faut l'aborder avec prudence, car elle s'accompagne de son lot de problèmes sur le plan financier et au niveau des marchés.
Les activités du Saskatchewan Wheat Pool et du Manitoba Pool Elevators ne se bornent pas à l'expédition de grains bruts. Nous prenons part à d'autres activités telles que le broyage de céréales oléagineuses, la mouture de l'avoine et nous produisons même des produits de boulangerie, de la farine et de l'orge de brasserie. Nous continuerons d'oeuvrer dans ces domaines. Les réactions des agriculteurs varieront en fonction d'éléments que nous sommes incapables de prévoir. Voilà maintenant que je parle comme un économiste qui présente toujours les deux côtés de la situation.
L'avenir dépend non seulement du prix relatif du grain, mais de son prix absolu. Le canola et le lin ayant un prix relatif plus élevé que le blé et l'orge, les emblavures de blé qui étaient de 27 millions d'acres avant l'entrée en vigueur de la subvention du Nid-de-Corbeau est passée à 20 ou 21 millions. On peut donc constater que les agriculteurs ont déjà effectué ce genre d'ajustements.
Nous organisons également des marchés de bestiaux. Nos trois pools exploitent 13 marchés. C'est un domaine auquel nous nous intéressons. Les craintes que suscite un marché illimité donnant lieu à une augmentation de la quantité de produits sont justifiées. Je suppose que l'on peut s'attendre à une combinaison de tous les facteurs.
Il y a une chose dont on a pas parlé et que nous avons évoqué de temps à autre: c'est que beaucoup d'agriculteurs quittent le secteur agricole. Ce n'est pas un phénomène nouveau et il pourrait se poursuivre selon le dynamisme du marché.
Je sais que le tableau que je vous présente n'est pas l'image claire et complète que vous demandiez, mais l'agriculture, comme toute entreprise, dépend énormément des marchés, du prix relatif, du prix absolu, de l'inflation, de l'évolution de la demande des consommateurs, de la production européenne, du programme américain d'encouragement des exportations et même de l'état de l'économie de la Chine qui est devenue un très grand acheteur de blé, de malt et d'orge, de grains et d'huile de canola. Si la prospérité de l'Asie se maintient, l'agriculture canadienne pourra en bénéficier.
En Europe, la production d'oléagineux a évolué en raison d'une diminution de la superficie cultivée et d'une réduction de la production pour des raisons climatologiques. Cette année, nous expédions des quantités considérables de canola par Thunder Bay. Mais tout cela peut changer si l'Europe remet en culture certaines terres mises en jachère et modifie le régime de restitution ou de subventions à l'exportation, et si ce marché ne nous est plus acquis. La demande et les marchés sont continuellement en proie à des nombreux changements et nous faisons tout notre possible, les agriculteurs et nous-mêmes, pour nous adapter aux conditions.
M. Sefton: J'aimerais ajouter quelques mots à ce que vient de dire M. Edie, mais j'aimerais d'abord préciser que je ne fais pas partie de la direction. Je suis un représentant élu par les producteurs au poste de directeur du Saskatchewan Wheat Pool. Je ne fais pas partie à proprement parler de l'équipe de direction, j'appartiens seulement au conseil d'administration.
J'imagine qu'à l'avenir les agriculteurs cesseront d'être des producteurs de grain et deviendront plutôt des producteurs de denrées alimentaires. Cela va tout à fait dans le sens de la vision exposée par M. Edie qui imagine les agriculteurs de l'avenir propriétaires et dirigeants d'entreprises produisant des denrées alimentaires à valeur ajoutée.
Ken vous a donné des noms d'entreprises de ce secteur. CanAmera est le plus grand producteur-raffineur de graines oléagineuses du Canada. Cette société appartient au Saskatchewan Wheat Pool, au Manitoba Pool et à Centra Soya, une entreprise américaine. Nous avons d'autres entreprises comme Pound-Maker, une usine intégrée de production d'éthanol, la seule en Saskatchewan à produire de l'éthanol et à utiliser les déchets de production comme fourrage pour le bétail. Nous avons aussi Dawn Foods, le plus grand fournisseur de produits de boulangerie au Canada, qui appartient au Saskatchewan Wheat Pool et à la société américaine Dawn Foods. Quant à Prairie Malt, c'est un des plus grand exportateurs de malt du Canada.
M. Edie vous a parlé de l'élevage, mais il n'a pas précisé que nous proposons un programme de financement destiné à encourager les éleveurs de bétail à finir les bovins à la ferme. Cela aussi fait partie de la nouvelle vision.
Il existe également une nouvelle technique de pré-cuisson des aliments aux infrarouges qui s'applique aux légumes secs comme les pois et les lentilles. Cela permet aux consommateurs qui souhaitent faire de la soupe aux pois, par exemple, de cuire ces légumes pré-cuits en 15 minutes, au lieu des trois heures habituelles.
La société Bioriginal Foods and Science Corporation s'intéresse au secteur pharmaceutique utilisant les grains et les produits de l'Ouest canadien pour produire des produits de type pharmaceutique que l'on peut transporter bien entendu au même tarif de 37$ la tonne, mais qui présente l'avantage de valoir 200 000$ plutôt que 200$.
Voilà le genre de choses que j'entrevois mais nous avons besoin de ce genre de transition. Le Saskatchewan Wheat Pool détient des parts dans Robin's Donuts. Je suis certain que vous connaissez les Robin's Donuts. Quant à moi, je les connais trop bien.
Le président: La valeur ajoutée est considérable.
M. Sefton: Print West... voilà ce que nous devons viser, mais cela ne se fait pas d'un coup de baguette magique.
Le président: David, quel rôle le gouvernement jouerait-il selon vous? C'est un aspect dont nous traitons constamment dans ce comité. Il faut exporter et miser davantage sur les produits à valeur ajoutée. Quel rôle doit jouer le gouvernement selon vous?
M. Sefton: Le gouvernement doit assurer la recherche et fournir l'infrastructure. Je crois qu'il doit d'abord contribuer au financement de départ, puis, pour être franc, se retirer lorsque les choses commencent à bouger. Je considère le gouvernement comme un troisième partenaire. Il y aura l'agriculteur, il y aura les entreprises, il y aura le gouvernement et ses politiques qui permettront de faire avancer les choses.
Encore une fois, la raison pour laquelle nous sommes ici à parler des modifications au régime de mise en commun, c'est que nous avons besoin dans le projet de loi d'un engagement à l'égard du financement. Nous avons besoin d'un engagement au sujet de la durée de ce financement afin que nous puissions commencer à aborder la transition. Nous savons où nous allons mais il nous faudra du temps. C'est ce qui pose un problème.
M. Reed (Halton - Peel): Ma question porte en partie sur la période de transition dont vous avez besoin. J'étais dans l'Ouest l'hiver dernier et j'ai parlé avec un certain nombre d'agriculteurs, de producteurs et autres.
Je suppose que nous continuons à marcher sur la corde raide. Si l'on obtient suffisamment de subventions, il n'y aura pas d'incitation au changement. Mais si tout disparaît, la période d'adaptation devient très difficile. Je comprends cette situation. Comment trouvons-nous le juste milieu?
J'ai rencontré des gens dans l'Ouest qui souhaitent s'engager dans des activités leur donnant une plus grande valeur ajoutée. Quels sont donc les délais envisagés et quel serait la période de transition appropriée?
M. Sefton: Le mémoire indique trois à cinq ans. Nous savons que nous allons finir par payer la totalité des coûts. Vous savez aussi bien que quiconque que si l'on met au point des méthodes et des produits agricoles nouveaux, ou même si l'on construit des nouvelles usines de biscuits, on ne peut pas le faire d'ici le 1er août.
Je pense qu'il faut accepter que nous allons finalement devoir relever le défi financier. Mais dans la mesure où tout cela se passe après que les plans de semence aient été fait pour l'année - bien que certains d'entre nous aient été assez long à semer, nos plans étaient prêts au début de l'hiver - nous avons besoin d'une période de transition pour construire des parcs d'engraissement ou une autre installation pour l'avoine ou une autre installation de broyage ou tout ce dont nous aurons besoin. On a déjà annoncé la construction d'une installation de broyage pour Saskatoon mais elle ne sera pas en service avant 1996 ou 1997. Voilà le genre d'installations dont nous avons besoin et c'est la raison pour laquelle il nous faut également cette période de transition.
M. Reed: Je ne suis pas de très près les marchés des grains depuis un certain nombre d'années et je me demande qu'elles sont les tendances. Je crois comprendre que le canola a récemment repris de la vigueur et il semble qu'il représente de bonnes perspectives pour l'avenir. Qu'en est-il des autres céréales? Qu'en est-il du blé? Pensez-vous qu'il y a une reprise globale?
M. Edie: Je pense que le blé entreposé dans les silos et destiné à la consommation humaine dans le monde est à son plus faible niveau depuis 23 ans ou quelque chose du genre. Cela ne s'est pas traduit par une augmentation importante du prix du blé pour un certain nombre de raisons: les programmes de dédommagement européen, les programmes de stimulation des exportations, la capacité des acheteurs qui ont appris à réduire leurs stocks. Il n'y a donc pas eu une augmentation des prix. Dans ce contexte, certains aspects peuvent être utiles. Cela ne s'est pas encore traduit par des revenus supplémentaires pour l'agriculteur.
Le canola a considérablement progressé grâce au développement et à la recherche. J'aimerais d'ailleurs féliciter le gouvernement pour la recherche et le financement qu'il a fourni pour le canola lorsqu'il en a vu l'intérêt. L'industrie y a vu un intérêt et tout ceci a été coordonné grâce à une instance industrielle et à la participation du gouvernement, des producteurs, des transformateurs, des négociants et des gouvernements provinciaux.
Pour en revenir au projet lancé à la demande de M. Goodale il y a un peu plus d'un an, il s'agissait d'exporter 20 milliards de dollars de produits agricoles, ce qui est un objectif extrêmement élevé mais qui peut-être réalisable.
Dans ce cas, suivant les chiffres que vous choississez, le nombre d'années que vous envisagez pour le faire et si l'on ajoute la subvention du Nid-de-Corbeau avec Agriculture Canada de manière à réduire le financement dans l'ensemble du Canada, on voit que l'agriculture est réduite d'environ 62 p. 100. On peut choisir ces chiffres et partir de là.
Qu'il s'agisse de 42, 52 ou 62 p. 100 importe peu. Ce qui est important c'est le genre de soutien que nous allons obtenir d'Agriculture Canada pour la recherche et le développement, le genre de soutien que nous apportera Transports Canada pour l'infrastructure afin que nous ayons la possibilité de faire tout cela, en gardant à l'esprit que l'infrastructure est conforme aux règles du GATT. Il n'y a pas de ramifications sur nos relations commerciales.
M. Reed: Avec l'industrialisation de pays très importants et très largement peuplés comme la Chine et l'Inde, il y aura certainement une augmentation de la demande de produits alimentaires canadiens. Si l'on regarde la courbe de la population mondiale telle qu'elle évolue actuellement, au niveau de la spinode de la courbe exponentielle, il semble que la tendance augure plutôt bien pour l'avenir des produits agricoles en termes de production alimentaire, n'est-ce pas?
M. Sefton: Je dirais sans doute que cela augure bien pour la production agricole, mais que si nous continuons à exporter uniquement des produits bruts, nous n'allons pas en obtenir des prix élevés. Si nous pouvons exporter un produit partiellement fini ou l'amener jusqu'à l'étape suivante... par exemple de l'huile de canola plutôt que des graines de canola. On peut vendre de l'huile de canola pour presque le même prix la tonne que l'on vend les graines, et il reste encore à vendre la moulée. Voilà le genre de choses qui doivent se produire.
Mais là encore, cela ne se produira que par transfert commercial, en l'absence de tout obstacle aux produits finis. Encore une fois, il faut faire très attention au genre de produits envisagés. Si un conteneur de produits pèse cinq tonnes parce qu'il contient surtout de l'air, un paquet de biscuits plutôt qu'une tonne de céréales, il faut alors obtenir davantage pour le produit expédié.
Il y a des possibilités à la fois extraordinaires et exécrables. On peut doubler les prix en expédiant en Chine du malt plutôt que du malt de brasserie. Par exemple, si chaque Chinois buvait une bouteille de bière de plus par an, le Canada ne pourrait pas produire suffisamment d'orge pour satisfaire cette consommation. Pour ce qui est du boeuf ou de l'huile de canola ou de tout autre produit, il existe des possibilités énormes, mais nous devons d'abord surmonter tous les problèmes.
M. Reed: Vous avez de toute évidence une vision et vous avez déjà commencé à la mettre en oeuvre.
M. Sefton: Il nous manque deux choses, le temps et l'argent. Si nous n'avons pas le temps nécessaire en temps que producteur, c'est-à-dire qu'au lieu d'avoir un agriculteur ou une exploitation agricole qui produit 1 600 acres de récolte, comme c'est mon cas, il n'y a qu'une seule exploitation agricole produisant 5 000 acres on n'aura pas le même type de gestion ni de production. La terre sera toujours cultivée et travaillée, mais au lieu d'obtenir...
Je reviens à l'industrie du canola, qui est un exemple parfait. Nous avons planté sept millions d'acres de canola il y a 10 ans. Lorsque nous avons augmenté le nombre d'acres, notre production par acre a diminué. Au cours des deux dernières années, elle a doublé. Nous sommes passés à 14 millions d'acres. Comme nous avons des producteurs compétents et conscientieux, nous avons à peine réduit notre production.
C'est le genre de chose pour lesquelles nous avons besoin d'une période d'adaptation.
M. Edie: Avec la production agronomique très intensive qui a été mise au point pour se faire.
Mme Cowling: Je crois comprendre que la raison pour laquelle vous comparaissez devant le Comité au sujet du projet de loi C-92 est que vous dites...
Le président: Il a été difficile de le savoir à certains moments. Je pense que la plupart du débat a porté sur autre chose.
Mme Cowling: Je crois comprendre que vous recommandez au Comité d'aller doucement et de donner aux producteurs du Manitoba et de l'est de la Saskatchewan du temps pour s'adapter. Le ministre devra vous dire assez rapidement qu'elle sera le financement pour que vous puissiez procéder à la transition. Est-ce exact?
M. Edie: C'est exact.
M. Sefton: Nous avons besoin en fait de trois choses.
Premièrement, si le projet de loi est mis en oeuvre, il doit l'être rapidement pour que la Commission du blé et les compagnies céréalières aient la possibilité de s'organiser d'ici le 1er août afin que les divers coûts, comme le transport, puissent être retranchés du prix initial.
Nous devons également obtenir un engagement financier ferme. Nous avons besoin de savoir car nous ne pouvons pas estimer si le financement sera suffisant ou non car nous n'en connaissons pas le montant. Rien dans le projet de loi ne précise s'il s'agira de $1 ou de 100 millions de dollars. Nous devons le savoir et nous devons également avoir une idée de la durée de ce financement.
Nous devons également avoir des règlements uniformes pour tout le secteur du transport ferroviaire. Comme M. Edie l'a souligné, les chemins de fer d'intérêt local ne doivent pas bénéficier de l'inter-financement par l'ensemble de l'industrie alors que la Saskatchewan et le Manitoba paient le coût total de l'expédition par la Voie maritime.
Le président: Messieurs, je tiens à vous remercier d'avoir comparu aujourd'hui au sujet du projet de loi C-92. Même si nous nous sommes écartés passablement du sujet, la discussion a été malgré tout très utile. Nous n'avons pas souvent l'occasion d'entendre les responsables des coopératives. Nous apprécions votre franchise et nous espérons vous revoir bientôt. Merci.
M. Edie: Merci beaucoup, nous vous remercions du temps que vous nous avez accordé.
Le président: La séance est levée.