[Enregistrement électronique]
Le jeudi 22 juin 1995
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Nous devons approuver ce rapport avant 10 heures, afin que M. Easter puisse le déposer à la Chambre. Le délai est donc assez serré ce matin.
[Français]
M. Chrétien (Frontenac): Le dépose-t-on à la Chambre à 10 heures, monsieur le président?
Le président: Oui.
[Traduction]
Le président: Chers collègues, la motion porte sur le rapport intitulé Abolition de la subvention du Nid-de-Corbeau: comment en réduire les conséquences. On vous demande d'adopter la motion en question.
La motion est adoptée
Le président: La motion suivante est destinée à autoriser le Comité à faire imprimer l'opinion dissidente soumise par Jean-Guy Chrétien en annexe au rapport, immédiatement après la signature du président.
La motion est adoptée
Le président: La troisième motion, c'est que le président présente le rapport en question à la Chambre, le plus tôt possible.
La motion est adoptée
Le président: La quatrième motion est la suivante: Que conformément à l'article 109 du Règlement, le Comité demande au gouvernement de donner une réponse globale au rapport, dans un délai de 150 jours.
La motion est adoptée
Le président: Y a-t-il d'autres questions que vous aimeriez aborder?
PAUSE
Le président: Un peu d'ordre, s'il vous plaît.
Monsieur Landry.
[Français]
M. Landry (Lotbinière): Il me fait plaisir de prendre la parole et de proposer que le Comité demande au ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire de prolonger pour une période indéterminée le moratoire sur l'hormone somatotrophine bovine, et lui demande de prendre les mesures nécessaires afin de faire interdire complètement l'utilisation de ce produit au Canada jusqu'à ce que ses conséquence sur la santé humaine soient mieux connues.
[Traduction]
Le président: Monsieur Easter.
M. Easter (Malpèque): Monsieur le président, je voudrais proposer un amendement, à savoir que le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire entame des négociations avec les entreprises touchées en vue d'une prolongation du moratoire actuellement en vigueur.
Le président: Monsieur Benoit.
M. Benoit (Vegreville): Je voudrais également proposer un amendement, à savoir qu'on supprime tout ce qui suit le mot «comité», et qu'on le remplace par...
Le président: Nous ne pouvons examiner qu'un amendement à la fois.
M. Benoit: Excusez-moi. Nous débattons actuellement l'autre amendement.
Le président: Oui, en effet.
M. Benoit: Très bien. Vous connaissez déjà mon opinion sur le sujet, monsieur le président. Je trouve tout à fait absurde que le comité décide qu'il est mieux placé que les responsables du système réglementaire actuellement en place pour déterminer si un produit sans danger peut être commercialisé ou non. C'est une atteinte à la crédibilité de notre système de réglementation si un groupe d'élus décident qu'il est plus à même de prendre ce genre de décision - même si nous n'avons pas les ressources, les compétences techniques, les crédits ou le temps nécessaires pour le faire - que les autorités réglementaires, même si notre système a assez bien fonctionné jusqu'à présent, à mon avis, et ce faisant, de s'immiscer dans le processus d'homologation ou non par le ministère de la Santé d'une substance comme la somatotrophine bovine.
À mon sens, cette question devrait relever des responsables du système de réglementation actuellement en place à Santé Canada. Si certaines personnes doutent du bon fonctionnement du système de réglementation, il est normal qu'elles expriment ces doutes et décrivent leur perception du problème. Nous pouvons ensuite essayer d'y apporter des changements. Si le système n'est pas adéquat pour bien traiter ce produit, prenons des mesures correctives. Mais ne défavorisons pas une entreprise particulière qui a beaucoup investi dans ce produit ainsi que tout un groupe de producteurs laitiers qui voudraient s'en servir simplement à cause des émotions que provoque la question.
M. Reed (Halton - Peel): J'ai écouté attentivement les observations de M. Benoit. J'avoue que ces arguments me semblent très convaincants.
L'amendement proposé me préoccupe un peu en raison de la formulation: Je la trouve ambiguë. La dernière ligne se lit ainsi: «...de prendre les mesures nécessaires afin de faire interdire complètement l'utilisation de ce produit au Canada jusqu'à ce que ces conséquences sur la santé humaine soient mieux connues». En réalité, ces conséquences pour la santé humaine sont maintenant mieux connues qu'il y a trois ans, tout comme elles étaient mieux connues il y a trois ans que l'année précédente. Je trouve que l'expression «mieux connues» et assez ambiguë et subjective, sans être vraiment efficace.
Pour être juste envers M. Benoit, cependant, je dois avouer qu'à long terme, les politiques ont la responsabilité ultime du bon fonctionnement du système de réglementation. Nous sommes les représentants élus de la population canadienne. Donc, nous devons en assumer l'ultime responsabilité.
Je suis très sensible à vos arguments. Je tiens aussi à vous faire remarquer que l'opinion est partagée au sein de l'industrie laitière elle-même. Il n'y a pas d'unanimité sur la question, de sorte qu'il faille se ranger d'un côté ou de l'autre.
Je vous fais également remarquer que la situation n'est pas non plus très claire en ce qui concerne les conséquences. Là aussi, nous entendons deux sons de cloche. En ce moment, chaque député et le comité font l'objet de pressions.
Pour l'instant, la situation n'est pas claire. Pour cette raison, je serais disposé à appuyer une demande de prolongation du moratoire, mais je n'aime pas du tout l'ambiguïté de la formulation de la motion. Si l'on y prévoyait une période fixe, je pourrais peut-être envisager de voter en faveur.
Je sais qu'il s'agit là d'une question épineuse. Une organisation en particulier essaie de monter les consommateurs contre ce produit, alors que nous savons tous très bien - il y a à mon sens suffisamment de preuves à l'appui - que si les autorités décident d'interdire l'utilisation de cette hormone, ce ne sera certainement pas en raison des risques potentiels pour la santé des consommateurs. Le seul vrai risque dans tout cela, c'est qu'on suscite des craintes au sein de la population, car certaines organisations gagnent leur vie justement en provoquant justement ce genre de réaction. C'est une tactique tout à fait typique qui s'emploie couramment. Il suffit de regarder les publicités. J'en ai vu une ici ce matin qui est presque diffamatoire.
Je serais donc prêt à appuyer une motion qui prévoit une durée précise pour le moratoire en question, mais je proposerais en même temps qu'on supprime la dernière partie de la motion que je trouve trop ambiguë. Je pense qu'il serait préférable de simplement laisser tomber le bout de phrase où l'on parle des conséquences.
M. Pickard (Essex - Kent): Je présume, puisqu'un amendement a été présenté, que nous débattons actuellement l'amendement, et non la motion.
Le président: C'est exact.
M. Pickard: En ce qui concerne l'amendement proposé par mon collègue, j'avoue que jusqu'à présent, je n'ai pas pris de position là-dessus. Pour moi il ne s'agissait pas vraiment d'une question critique car je sais, pour en avoir parlé avec différentes personnes qui travaillent dans l'industrie, que les avis sont effectivement partagés. Certains estiment qu'il faut prendre les dispositions qui s'imposent pour l'interdire, alors que d'autres estiment que cela poserait d'énormes difficultés pour l'industrie. Il y a aussi différents groupes de consommateurs qui soulèvent toute sorte de questions concernant l'information publiée à ce sujet.
Jusqu'à présent, ceux qui essaient de renseigner le public à ce sujet n'ont pas cherché à le convaincre que c'est dans leur intérêt que ce produit continue d'être disponible sur le marché. Par conséquent, il me semble que la décision que nous avons à prendre est une décision politique. Personnellement, j'en suis convaincu. Vu l'information scientifique actuellement disponible, la publicité et l'opinion des consommateurs eux-mêmes à l'heure actuelle, nous sommes obligés de tenir compte d'un ensemble de facteurs - pas uniquement de l'opinion de la bureaucratie, des compagnies pharmaceutiques ou des associations de consommateurs. Nous devons essayer de trouver un juste équilibre.
Je ne suis pas toujours d'accord avec M. Easter, mais j'estime qu'il a proposé cette fois-ci un excellent amendement. Il ne propose pas que la question reste en suspens indéfiniment. Il ne prétend pas non plus qu'il n'y a pas moyen de tenir compte de l'avis de tous les groupes concernés. Il propose que nous examinions la totalité de l'information actuellement disponible, que nous négocions avec ceux qui ont le pouvoir de prendre une décision et que nous prévoyions un délai raisonnable pour la prolongation du moratoire.
Cette approche offre deux possibilités: D'abord, ceux qui veulent à tout prix empêcher sa commercialisation auront l'occasion de prouver le bien-fondé de leurs préoccupations concernant les risques que le produit pose pour la santé - et là j'inclus les représentants de l'industrie et tous les autres intéressés. En même temps, le groupe qui veut à tout prix faire commercialiser ce produit aura l'occasion de prouver le bien-fondé de sa position. Il est certain que nous allons entendre des arguments pour et des arguments contre.
Cela m'inquiète quand des gens comme ma femme me disent que nous avons tendance ici à adopter des lois et à nous apercevoir cinq ans plus tard qu'il y a un problème grave que nous ignorions à l'époque. On nous donne toujours toutes sortes de garanties concernant l'innocuité des produits commercialisés, mais il resque que 5, 10 ou 15 ans plus tard, les fabricants de ces produits sont poursuivis en justice. Je cite à titre d'exemple, les prothèses mammaires dont on disait qu'elles ne posaient aucun risque pour la santé. Elles ont été commercialisées il y a très longtemps, et maintenant les gens ont des préoccupations très sérieuses au sujet des risques potentiels qu'elles posent pour la santé.
Je ne prétends pas nécessairement que nous aurions raison d'avoir des préoccupations sérieuses au sujet du produit dont nous discutons aujourd'hui. Par contre, les préoccupations sont assez généralisées à l'heure actuelle qu'il faut à mon avis y répondre d'une manière satisfaisante. Par conséquent, j'estime que la proposition de M. Easter est tout à fait idéale, puisqu'elle recommande une prolongation du moratoire. Ça cadre tout à fait avec ce que propose M. Landry, avec cette seule différence que l'amendement prévoit un délai fixe, qu'on pourra évidemment allonger à plusieurs reprises, s'il le faut. Ainsi, nous aurons la certitude que le produit en question ne sera pas autorisé tant qu'on n'aura pas répondu à la grande majorité des préoccupations exprimées.
À mon avis, la motion originale de M. Landry est excellente, mais je voudrais qu'on adopte l'amendement pour prévoir un délai fixe, afin qu'on puisse éventuellement demander une autre prolongation du moratoire et continuer à en discuter tant qu'il le faudra. Si nous adoptons la motion de M. Landry telle qu'elle est actuellement formulée, nous n'aurons pas la possibilité de relancer le débat sur la question.
Donc, si nous adoptons la motion et l'amendement proposés, nous aurons à mon avis réussi à trouver un juste équilibre qui nous permette de mieux nous orienter. Il ne convient pas de fonder toutes nos décisions sur l'information bureaucratique, scientifique ou administrative qu'on nous a fournie, car nous savons fort bien qu'il y a toujours la possibilité d'erreur. Nous devons nous assurer, s'il existe la possibilité d'une erreur, que nous en tenions compte. Je pense que c'est justement le sens des motions de nos deux collègues.
[Français]
M. Landry: Je me contenterais très bien d'un délai de deux ans et je suis prêt à retirer les mots «et lui demande de prendre les mesures nécessaires afin de faire interdire complètement l'utilisation de ce produit au Canada jusqu'à ce que ses conséquences sur la santé humaine soient mieux connues.» Donc, l'amendement de M. Easter me convient.
[Traduction]
Le président: Monsieur Assad.
[Français]
M. Assad (Gatineau - La Lièvre): L'amendement reflète assez bien les témoignages que nous avons entendus ici. Certains étaient pour et d'autres, contre. Par contre, il faut dire que ceux qui étaient pour étaient assez vagues. Dans le passé, on ne s'était pas rendu compte jusqu'à quel point certaines maladies comme celle causée par la thalidomide pouvaient être dramatiques. C'est un exemple parmi d'autres. Il y a aussi les implants mammaires.
Je ne comprends pas le point de vue de mon collègue de l'Alberta. Pense-t-il que le Comité est ici pour la forme? On est ici pour prendre certaines décisions. On n'a pas essayé d'imposer nos connaissances scientifiques. On a écouté les témoignges.
J'ai assisté à des regroupements d'agriculteurs dans le domaine de l'industrie laitière. Ils ont exprimé leur inquiétude et même signé des pétitions. Je peux vous dire que 80 p. 100 des agriculteurs de tout le Québec ont signé une pétition pour qu'il n'y ait pas de STb dans le lait. Donc, je trouve curieuse l'approche de notre collègue de l'Alberta, compte tenu des témoignages et du fait qu'en Europe, on a décrété un moratoire de cinq ans.
[Traduction]
Monsieur Benoit, il ne nous appartient pas de décider si les organismes de réglementation font des erreurs ou non. Le fait est que personne n'est actuellement en mesure de nous garantir que la STB est sans danger pour la santé humaine. Ce n'est pas la première fois qu'on nous offre ce genre de garantie, et ce n'est que logique d'y réfléchir un peu plus et de suivre l'exemple de l'Europe où un moratoire de cinq ans a déjà été imposé.
Le président: Monsieur Assad, ayez l'obligeance de passer par le président en adressant vos remarques à votre collègue.
Monsieur Benoit.
M. Benoit: J'aimerais dire tout d'abord que je trouve tout à fait sain qu'il y ait un débat public sur la question, sur ce produit, sur un autre produit ou même sur l'efficacité du régime de réglementation. Je suis très content que l'utilisation de ce produit fasse l'objet d'un débat public. J'aimerais qu'on se penche un peu plus sur le régime de réglementation, mais en même temps, je trouve inquiétant que des élus prennent une décision qui me semble tout à fait injustifiée.
Je sais que cette question suscite beaucoup d'émotion. Mais j'estime qu'aucun d'entre nous ne dispose du temps ou des ressources nécessaires pour bien évaluer ce produit. C'est déjà assez difficile pour Santé Canada et les responsables du régime de réglementation. À mon avis, aucun membre de ce comité n'a les compétences requises pour le faire, et c'est malgré tout ce qui est envisagé.
Quel message allons-nous communiquer au public au sujet de ce produit si nous décidons de demander la prolongation du moratoire? À mon avis, celui-ci sera voué à disparaître à tout jamais, et une telle action risque aussi de compromettre pendant bien longtemps l'utilisation d'autres types de produits biotechnologiques.
Je me permets d'affirmer encore une fois que nous ne devrions pas nous immiscer dans la procédure d'homologation de ce produit. Si certaines personnes ont des préoccupations en ce qui concerne l'efficacité du régime de réglementation, penchons-nous là-dessus. Mon collègue avait tout à fait raison de dire tout à l'heure que les élus ont l'ultime responsabilité de s'assurer du bon fonctionnement du régime de réglementation. C'est effectivement notre responsabilité. Si nous allons débattre la question et envisager d'empêcher la commercialisation d'un produit, nous devrions le faire en nous fondant sur les défauts du régime de réglementatiaon proprement dit.
Le président: C'est justement ce que nous faisons, à mon avis.
Chers collègues...
M. Benoit: Je n'ai pas encore fini, monsieur le président.
Le président: ...nous pouvons mettre l'amendement aux voix. Ainsi, nous saurons ce qu'en pensent les membres du comité.
M. Benoit: Vous employez la clôture en comité, monsieur le président.
Le président: Non, j'essaye simplement...
M. Benoit: Vous l'avez déjà fait à la Chambre cette année, mais ce n'est pas une bonne idée en comité, à mon avis. En fait, ce comité n'aura plus aucune raison d'exister si c'est ainsi que vous allez le diriger.
Le président: Essayons simplement de voir ce que pensent les membres de l'amendement proposé.
Nous votons sur l'amendement, à savoir que le ministre négocie avec les entreprises touchées en vue d'une prolongation du moratoire sur la somatotrophine bovine recombinante actuellement en vigueur.
L'amendement est adopté
Le président: Nous allons maintenant voter sur la motion principale, telle que modifiée, à savoir que le Comité demande au ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire de négocier avec les entreprises touchées en vue d'une prolongation du moratoire sur la somatotrophine bovine recombinante déjà en vigueur.
La motion est adoptée
Le président: La séance est levée.