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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 22 novembre 1995

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[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Mesdames et messieurs, je souhaite la bienvenue à la Canadian Association of Agri-Retailers. Ce groupe est représenté par Randy Wolgemuth, président, Lloyd Sandercock, vice-président, et Jacqueline Ryrie, directrice générale.

Je vais céder la parole à Lloyd Sandercock qui nous livrera quelques observations, et nous enchaînerons ensuite.

M. Lloyd Sandercock (vice-président, Canadian Association of Agri-Retailers): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis très heureux d'avoir été invité à vous présenter un exposé aujourd'hui.

Je voudrais signaler que Randy a d'importantes entreprises dans le commerce des engrais au Manitoba et une autre en Saskatchewan, je crois. Comme la plupart d'entre vous le savez, je viens de la Saskatchewan. J'y travaille également dans le commerce des engrais. Jackie est la très compétente directrice générale de notre association et de nos bureaux de Winnipeg.

Notre exposé d'aujourd'hui portera surtout sur les facteurs de production et les produits antiparasitaires du point de vue des détaillants. Nous sommes disposés à vous apporter toute l'aide nécessaire pour répondre à toutes les questions qui se posent dans ce domaine.

La Canadian Association of Agri-Retailers est une association volontaire des commerces de détail des produits antiparasitaires et des facteurs de production végétale. Elle compte plus de 500 membres d'un océan à l'autre et représente les détaillants indépendants, comme Randy et moi-même, et des entreprises à structure hiérarchique ayant des points de vente multiples, comme Prairie Pools et Cargills.

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Les membres de la CAAR fournissent des engrais et des produits chimiques ainsi que des services au secteur de la production dans presque toutes les localités rurales du pays. Les agriculteurs et les membres de la CAAR appartiennent à des secteurs interdépendants. Les produits et les services offerts par le secteur de vente au détail permettent aux agriculteurs de produire en abondance des produits alimentaires sains et les aident à tirer le plus de profit possible de leur investissement foncier. En contrepartie, c'est des agriculteurs que dépend la réussite soutenue des commerces locaux. On reconnaît que ce partenariat permet aux entreprises de survivre et de prospérer. À ce titre, les membres du CAAR s'intéressent vivement à ce qui peut influer sur les recettes agricoles, comme le prix des facteurs de production et la rentabilité générale des exploitations de leurs clients.

Pour comprendre la fluctuation des prix dans l'industrie des engrais, il faut considérer le marché canadien des engrais dans le contexte qui est le sien. L'industrie nationale des intrants agricoles constitue une infime partie d'une industrie nord-américaine plus importante. Le secteur du commerce de détail dispose d'une certaine liberté concernant les prix locaux, mais le prix des engrais est fixé principalement sur les marchés en vrac américains, plus importants.

En gros, l'industrie des engrais agricoles au Canada compte pour environ 10 p. 100 de la totalité du marché continental et pour moins de 3 p. 100 du marché mondial. Comme les agriculteurs canadiens sont des preneurs de prix plutôt que des décideurs de prix sur les marchés céréaliers mondiaux, l'industrie canadienne des engrais occupe trop peu de place pour avoir beaucoup d'effet sur le marché mondial des engrais.

Au cours des dix dernières années, l'industrie mondiale des engrais s'est regroupée en raison d'une rentabilité très faible et d'une longue période de demande anémique, ce qui a entraîné une forte réduction de la capacité de production. Toutefois, après cette période de déclin, la demande s'est nettement redressée, ce qui a rendu l'industrie extrêmement sensible à la variation des quantités de produits utilisées en agriculture et dans l'industrie. Ces deux dernières années, la Chine et l'Inde ont augmenté leur production agricole et suscité ainsi une nouvelle demande importante sur les marchés internationaux des engrais.

Le marché intérieur continental a également connu un accroissement de l'utilisation des engrais. En Amérique du Nord, l'utilisation de l'ammoniac pour la production d'urée, de nitrates et de phosphates a nettement augmenté au cours des 18 derniers mois, et la consommation d'ammoniac par l'industrie s'est également accrue de plus de 10 p. 100. En outre, le raffermissement des prix dans le secteur céréalier a incité les agriculteurs à maximiser les applications d'engrais pour accroître la production. Tous ces facteurs ont contribué à porter la demande mondiale à un niveau sans précédent.

La demande mondiale s'est caractérisée par une concurrence de plus en plus vive, mais les grandes sources des approvisionnements internationaux se sont raréfiées. Des fermetures d'usines, des changements de propriétaires et d'autres facteurs ont provoqué une baisse de la production américaine de plus d'un million de tonnes ces dernières années. Il est important de faire observer que l'Amérique du Nord n'est pas autosuffisante et que ses importations d'ammoniac anhydre s'élèvent à plus de trois millions de tonnes par année. L'ex-Union soviétique a déjà fourni plus de 30 p. 100 de l'ammoniac mondial. Au mieux, elle fonctionne aux deux tiers de sa capacité et est devenue une source très irrégulière. Le résultat de ces facteurs est une lutte pour obtenir suffisamment de produits pour satisfaire la demande croissante, ce qui pousse les prix à la hausse pour les utilisateurs d'engrais.

L'industrie des engrais est fortement intégrée dans toute l'Amérique du Nord. Les écarts de prix entre le Canada et les États-Unis sont donc assez négligeables, et ils peuvent être attribués en grande partie à des fluctuations du taux de change et à des facteurs locaux influant sur l'offre et la demande. Il arrive parfois que ces fluctuations permettent de réaliser une bonne affaire d'un côté ou de l'autre de la frontière, mais ces anomalies sont de courte durée et personne, d'un côté ou de l'autre de la frontière ne s'arroge la plus grosse part de ces avantages. Une comparaison des prix locaux au cours de la dernière année montrerait que les prix demandés aux États-Unis et au Canada pour les engrais évoluent généralement à l'unisson.

Enfin, étant donné que l'ammoniac anhydre et le phosphate monoacide d'ammonium sont des denrées cotées au Chicago Board of Trade, les agriculteurs de part et d'autre de la frontière peuvent suivre dans les quotidiens ou à leur ordinateur personnel, à l'aide d'une antenne parabolique, la tendance des prix en Amérique du Nord pour ces produits.

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Il serait très difficile, et imprudent, pour les commerçants locaux d'établir une politique de fixation des prix qui s'éloigne énormément de la tendance des prix publics. En outre, comme la frontière est ouverte, dans le commerce de ces produits, la concurrence corrige rapidement les variations locales.

Vous trouverez dans notre mémoire un graphique illustrant les prix de détail de l'urée, du phosphate, de l'azote liquide et de l'ammoniac anhydre. Comme vous pouvez le constater, il y a eu des augmentations de prix importantes au milieu des années 80, suivies d'une baisse marquée à la fin des années 80 et au début des années 90, puis d'une hausse au cours des dix-huit derniers mois.

Les critiques ont affirmé qu'il s'agissait des prix les plus élevés jamais enregistrés, mais le graphique montre que les prix étaient plus élevés au début des années 80, si l'on tient compte de la valeur relative du dollar. Il n'y a guère de doute que les agriculteurs paient les engrais plus cher qu'il y a deux ou trois ans, mais ces coûts sont légèrement plus faibles qu'il y a quelques années, et ils ne sont pas déraisonnables, compte tenu des modifications de l'offre et de la demande enregistrées depuis deux ans.

Voudriez-vous continuer, Randy?

M. Randy Wolgemuth (président, Canadian Association of Agri-Retailers): L'industrie canadienne des produits antiparasitaires est tout à fait différente de l'industrie des engrais. Le prix des engrais est fixé par l'offre et la demande à l'échelle mondiale, mais celui des produits chimiques est établi selon un système de réglementation propre au Canada. La fixation des prix est fonction de ce système.

Trois facteurs sont pris en compte pour déterminer le prix du marché définitif: premièrement, le coût des travaux de recherche et développement initiaux nécessaires pour faire homologuer le produit en vertu de la législation canadienne; deuxièmement, la valeur du produit pour les agriculteurs en fonction de l'accroissement du rendement, c'est-à-dire que le coût du produit à l'acre doit être plus faible que l'avantage financier tiré du produit; troisièmement, la rentabilité relative des différents produits antiparasitaires.

Les agriculteurs canadiens n'ont jamais eu accès à un aussi grand choix de produits antiparasitaires à prix concurrentiel qu'aujourd'hui. La concurrence a ainsi pu assurer une relative stabilité des prix. Ces dernières années, le prix de certains produits a légèrement augmenté, mais celui d'autres produits a diminué. Résultat net, aucune région du Canada n'a subi une augmentation de prix supérieure à 4,1 p. 100 pour les trois dernières années.

Pourtant, certains agriculteurs de l'Ouest ont vu leurs dépenses en produits antiparasitaires augmenter en flèche. Or, ce phénomène n'est pas attribuable à une hausse de prix, mais plutôt à un regrettable problème d'infestation.

Pour illustrer la situation plus clairement, nous avons calculé le coût des produits chimiques agricoles utilisés dans une exploitation céréalière de 2 000 acres au Manitoba. Pour une rotation constante comprenant 1 200 acres de céréales, 600 acres d'oléagineux et 200 acres de cultures spéciales, la facture totale des produits antiparasitaires s'élevait à 49 148$ en 1993 et à un peu plus en 1994, 49 954$, mais elle devrait atteindre 54 206$ en 1995. Cette hausse est attribuable à l'application d'insecticides pour combattre l'invasion de légionnaires bertha et de fausses-teignes des crucifères. Cette augmentation des coûts est vraiment regrettable, mais elle s'explique par un phénomène naturel et non par des anomalies dans l'établissement des prix des produits chimiques.

Le graphique montre clairement qu'une comparaison des prix demandés pour les produits antiparasitaires ne fait ressortir aucun changement appréciable dans les trois dernières années, quelle que soit la catégorie de produit.

Même si la comparaison révèle que les changements de prix ont été minimes, la Canadian Association of Agri-Retailers s'inquiète des augmentations de coûts qui pourraient survenir dans l'avenir. Récemment, le système canadien de réglementation des produits antiparasitaires a été refondu, l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire a vu le jour. Par ailleurs, le gouvernement fédéral et l'industrie se dirigent vers un système fondé entièrement sur le recouvrement des coûts. L'industrie appuie cette orientation, mais il faudra en surveiller la mise en oeuvre avec soin pour que le système obtenu soit rentable.

Dans un contexte de recouvrement des coûts, le maintien de l'infrastructure de réglementation coûterait environ 34 millions de dollars par année à l'industrie, soit 20 millions de dollars de plus que pour les dernières années. Il ne faudra donc ménager aucun effort pour garantir que le coût du nouveau système corresponde réellement à la valeur des services obtenus.

Or, cette augmentation des coûts n'a pas été justifiée de manière satisfaisante aux yeux de l'industrie ni des agriculteurs. Il faudra donc trouver une solution qui satisfasse les deux parties avant que le projet ne soit mis en oeuvre.

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Une solution qui permettrait sans doute de réduire les coûts et qui justifierait des démarches énergiques est l'harmonisation des systèmes de réglementation canadien et américain. En effet, une harmonisation des exigences des deux systèmes permettrait de réaliser des économies appréciables, en réduisant les chevauchements relatifs aux efforts de recherche et aux processus de réglementation. Bien des indices portent à croire que l'énergie consacrée à l'élaboration de systèmes complémentaires serait largement compensée par les économies qui en résulteraient. La Canadian Association of Agri-Retailers recommande instamment que cette solution soit étudiée de manière plus approfondie.

Le Canada jouit actuellement d'une excellente réputation comme fournisseur sûr de produits agricoles de qualité, et il est important de préserver cette réputation. Cependant, il importe tout autant que le système assurant ce niveau de sécurité soit le plus efficace possible. En effet, l'inefficacité du processus d'homologation entraîne des coûts réels qui sont appréciables. En termes simples, tout retard à un point ou à un autre du processus augmente les frais généraux de la recherche et du développement et ralentit le lancement de nouveaux produits, ce qui nuit à la capacité de livrer concurrence sur les prix et de mettre les nouveaux acquis de la technologie à la disposition des producteurs. On ne saurait trop insister sur la responsabilité qui incombe au gouvernement fédéral d'épargner les répercussions d'un système de réglementation coûteux et inefficace aux agriculteurs et aux consommateurs, qui devront en fin de compte en assumer les frais. En conclusion, il est important que l'industrie et le gouvernement cherchent ensemble à éliminer les coûts inutiles dans tout le système.

Depuis cinq ans, les gouvernements fédéral et provinciaux, l'industrie et les secteurs de la vente au détail et de l'agriculture travaillent ensemble en vue d'adopter des principes d'intendance rigoureux pour protéger l'environnement et assurer la sécurité du public. Des initiatives comme le nouveau Règlement sur le transport des marchandises dangereuses, le Programme canadien de contrôle de la qualité des engrais, la nouvelle Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, plusieurs lois provinciales sur l'environnement et le programme d'entreposage des pesticides préconisé par l'industrie ont contribué à rendre l'industrie plus sûre et moins dangereuse pour l'environnement. La vigueur avec laquelle l'industrie a appuyé ces changements et les a adoptés montre bien qu'une relation de travail efficace et bien structurée s'est instauré dans tout le système.

La Canadian Association of Agri-Retailers a agi de manière proactive à l'égard de ces questions. En général, nos membres sont convaincus que les nouvelles normes s'appliquant à l'industrie assureront un niveau élevé de confiance à l'égard du système, tant au sein du gouvernement que parmi le public. Cependant, l'ampleur des changements est telle que le secteur de la vente au détail a déjà éprouvé des difficultés et est préoccupé par l'orientation des prochaines années. Le secteur craint notamment qu'un changement qui se poursuivrait à un rythme aussi rapide n'entraîne des dispositions inutiles et des chevauchements dans la réglementation et ne nuise à la compétitivité de l'industrie.

La liste qui suit énumère les modifications de la réglementation mises de l'avant par l'industrie ou mises en oeuvre par le gouvernement au cours des dernières années. Dans l'ensemble, ces initiatives ont été appuyées par le secteur de la vente au détail, mais elles lui imposent une charge financière qu'il sera tôt ou tard obligé de facturer au producteur primaire. Le titre de la liste est «Modifications à la réglementation».

La refonte du Règlement sur le transport des marchandises dangereuses prévoit notamment la vérification et le remplacement des raccords des citernes d'ammoniac anhydre, l'examen visuel de chaque citerne par un inspecteur provincial et un inspecteur fédéral, la délivrance des permis respectifs et la vérification de l'intégrité des citernes.

Les modifications de la réglementation des appareils de mesure pour l'ammoniac anhydre comprennent une pénalité en fonction du volume pour l'emploi d'un système de mesure à compteur ou l'investissement dans l'installation de balances pour les unités de livraison de ce produit.

La liste des normes de sécurité des véhicules comprend l'adoption de divers règlements, selon les provinces «les coûts tiennent essentiellement au fait qu'il faut rendre le vieil équipement conforme aux nouvelles normes», et la délivrance d'un certificat de sécurité pour chaque camion.

Les modifications dans la mise en oeuvre du Système d'information sur les matières dangereuses utilisées au travail comprennent la mise en place d'un système d'étiquetage à chaque point de vente, l'obligation de garantir qu'une fiche signalétique à jour est disponible pour chaque produit, et un cours de trois jours pour les employés sur les bonnes méthodes de travail.

En ce qui concerne les permis et la formation, notons les permis et la formation pour les applicateurs à forfait, les permis et la formation pour les vendeurs de pesticides, l'homologation des distributeurs de pesticides et la formation à ce sujet, les permis pour l'utilisation environnementale d'un site, la certification pour matières dangereuses des conducteurs et unités de livraison d'ammoniac anhydre, la certification des conducteurs de chariots élévateurs, les permis des détaillants de pesticides, les permis des grossistes en pesticides et la certification des entrepôts de la phase III, réglementée par l'industrie.

Le changement suivant a été apporté au Programme canadien de contrôle de la qualité des engrais: prélèvement volontaire «mais obligatoire dès 199» d'échantillons d'engrais pour la certification de leur qualité.

L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire a vu des modifications apportées au processus d'homologation des pesticides pour les fabricants.

Enfin, il y a eu refonte complète des normes d'entreposage des pesticides suivies par l'industrie en matière d'entreposage des produits chimiques.

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Il est difficile d'établir avec précision les coûts reliés à certains de ces changements. Cependant, si on fait une évaluation approximative en tenant compte du temps consacré par le personnel, du prix des permis, de l'achat d'équipement et du coût des investissements, on s'aperçoit que le coût total est élevé, de l'ordre de 5 millions de dollars. Ce montant équivaut à plus de 30 000$ par année et par fournisseur de produits antiparasitaires ou d'autres facteurs de production agricole.

On ne peut pas négliger les répercussions de ces coûts sur les prix des intrants agricoles. Je voudrais ajouter ici que nous avons amorti sur plusieurs années certains des investissements les plus considérables.

Le secteur de la vente au détail a déjà apporté un soutien massif et engagé des montants énormes en vue d'assurer la sécurité de la manutention des engrais et des produits chimiques. Cependant, cet effort ne pourra se continuer au même rythme sans avoir de lourdes conséquences sur la compétitivité de l'agriculture canadienne. Il est donc important que la réglementation proposée fasse l'objet d'une évaluation minutieuse, de manière qu'elle procure des avantages mesurables. Il faudra également évaluer toute autre solution afin de retenir en fin de compte celle qui sera la plus rentable et la plus raisonnable. C'est notre avenir qui est en jeu, en tant qu'industrie et que fournisseurs sûrs de denrées alimentaires

La Canadian Association of Agri-Retailers serait heureuse de collaborer avec vous en vue d'atteindre cet objectif. Merci de nous avoir accordé votre temps et de bien vouloir prendre nos réflexions en considération. C'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.

Le président: Merci beaucoup de cet exposé; nous vous en sommes très reconnaissants. Je tiens à vous féliciter de l'avoir communiqué au comité à temps pour que nous puissions le diffuser. Cela aide les membres de notre comité à mieux comprendre ce qui se passe.

Monsieur Chrétien, voulez-vous...? Tout va bien? D'accord.

Monsieur Hoeppner.

M. Hoeppner (Lisgar - Marquette): Nous accueillons aujourd'hui les détaillants, n'est-ce pas?

Le président: C'est exact.

M. Hoeppner: Je vous souhaite la bienvenue, madame et messieurs.

Hier, nous avons accueilli les représentants de l'Institut canadien des engrais. Nous avons discuté des causes de ces énormes hausses de prix.

Comme j'ai quitté l'agriculture il y a déjà quelques années, je ne suis pas très proche de certains de ces secteurs d'activité. Je supposais qu'Imperial Oil occupait encore une très grande place dans la fabrication, mais j'ai très rapidement constaté que ce n'était pas le cas. Cela m'a frappé, car je n'avais pas entendu dire que le système avait changé aussi radicalement. Après les séances, j'ai donné quelques coups de fil pour avoir davantage de détails. Je viens tout juste de recevoir quelques renseignements, je n'ai pas encore pu en prendre connaissance, mais j'ai des contacts au Manitoba qui, me semblait-il, sont assez sûrs, dans le secteur des engrais. Je viens de jeter un coup d'oeil et je suis presque renversé de ce que j'apprends. Je me demande si c'est exact. Il faudra que je vérifie, mais vous pourriez peut-être me dire ce que vous en savez.

On dit ici qu'Imperial Oil a vendu ses intérêts à Sherritt le 1er avril 1994. Est-ce exact?

M. Sandercock: Ce doit être à peu près à ce moment-là. Je ne suis pas certain que ce soit la date exacte.

M. Hoeppner: C'est ce qu'on dit ici. On dit que Sherritt achète toutes les usines d'Imperial Oil; Engro avait des liens avec l'entreprise et devient un autre distributeur-détaillant. Sherritt vend ses produits aux coopératives, à Cominco, à l'UGG et aux indépendants. Est-ce exact?

M. Sandercock: Tout à fait.

M. Hoeppner: Autre chose. On a les listes de prix ici. Je n'oserais pas dire que ces renseignements sont justes parce que je n'ai pas vérifié, mais on dit ici que, en mars 1994, avant qu'Imperial Oil ne vende ses installations, le prix de l'ammoniac anhydre était de 256$ la tonne. Dès le mois d'août 1994, le prix était de 340$, soit près d'une centaine de dollars de plus la tonne. Au 1er avril, ce qui n'avait pas servi à la fabrication ou été livré aux détaillants serait normalement resté là.

Cette hausse de près de 100$ entre le 1er avril et le mois d'août est-elle possible?

M. Sandercock: Cette hausse de prix est indéniable, elle est réelle, mais elle n'a rien à voir avec la vente de ces usines. Comme je l'ai dit dans notre mémoire, ces produits se vendent et s'achètent sur le marché mondial; ils font l'objet de transactions au Chicago Board of Trade. L'infime partie du marché mondial que le Canada représente ne peut absolument pas expliquer cette évolution.

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M. Hoeppner: Le marché à terme de marchandises peut-il avoir autant d'influence? J'ai observé le comportement des marchés à terme dans le secteur des phosphates. Il y avait très peu de transactions au départ, mais, depuis que j'ai quitté l'agriculture, en 1993, les choses ont peut-être changé. Je croyais que c'était plus ou moins le marché au comptant qui dictait les prix.

M. Sandercock: Non. Nous avons affaire à un marché mondial. L'une des difficultés que nous avons est celle de la valeur du dollar canadien en ce moment. Les produits canadiens sont extrêmement concurrentiels, sur le marché mondial, à l'heure actuelle, et, compte tenu de la pénurie qui existe et à laquelle nous avons fait allusion dans notre exposé, tout cela entraîne une hausse des prix pour les agriculteurs canadiens.

M. Hoeppner: Un autre produit étonnant est le 46-0-0, qui se vendait 248$ en mars 1994 et seulement 238$ au mois d'août suivant. Il y a donc eu une baisse de 10$ la tonne alors que le prix de l'ammoniac anhydre a augmenté de 100$. Pourtant, il s'agit d'azote dans les deux cas.

M. Sandercock: Cela s'explique facilement. C'est le jeu de l'offre et de la demande sur le marché mondial. Si un produit est plus en demande qu'un autre, les prix fluctuent.

M. Hoeppner: Il ne m'apparaît pas évident que le 46-0-0 puisse être moins en demande que l'ammoniac anhydre. C'est un produit plutôt populaire, et il est passablement utilisé.

M. Sandercock: Sans doute que, avec les nouvelles méthodes agricoles que nous employons dans l'ouest du Canada, avec la culture sans labour, le 46-0-0 a beaucoup gagné en popularité dans cette région. Le phénomène se répand au fur et à mesure que les agriculteurs deviennent plus efficaces. J'ignore les pourcentages, et ce serait pure spéculation que d'avancer des chiffres, mais je dirais que de très nombreux agriculteurs de l'ouest du Canada adoptent la culture sans labour.

Les produits changent donc et leur proportion change avec les années au gré de l'évolution des méthodes de semis des agriculteurs. L'ammoniac anhydre est l'un des produits qui ne sont pas très bien adaptés à la culture sans labour ou au semis direct. Ce phénomène-là joue également.

M. Hoeppner: Ce que j'ai du mal à saisir, dans la hausse du prix des engrais « et peut-être que cela ne se vérifie pas dans toute l'Amérique du Nord «, c'est que nous avons réduit la quantité d'engrais utilisée. C'est ce qui s'est produit dans mon exploitation et celle d'un bon nombre de voisins. Les agriculteurs ont réduit leurs dépenses à l'acre parce que leurs moyens étaient limités. Leur situation budgétaire l'exigeait. Cela me porterait à conclure à un fléchissement de la demande, mais cela ne se vérifie peut-être pas dans d'autres parties du monde en développement.

M. Sandercock: C'est juste.

M. Hoeppner: Ce sont des données que je n'ai pas. C'est presque renversant; 100$ la tonne, c'est toute une hausse... du coût de la vie... des frais de production. Cela n'a rien à voir avec le prix de revient, en fait; on demande ce que le marché peut accepter de payer.

Mme Jacqueline Ryrie (directrice générale, Canadian Association of Agri-Retailers): Vous ne devez pas oublier non plus que les agriculteurs ne sont pas les seuls à utiliser ces produits. On utilise l'ammoniac anhydre pour presque tout ce qui est fabriqué à partir de polymères. Pour les moquettes, le rouge à lèvres et toutes sortes de produits, l'ammoniac anhydre sert de base. La consommation qu'on en fait dans l'industrie, plus particulièrement aux États-Unis, a augmenté de manière presque aussi frappante qu'en agriculture.

En examinant cette situation, on ne peut pas nécessairement établir une corrélation directe entre la consommation agricole et l'ammoniac anhydre. Il faut également tenir compte d'autres facteurs. Les agriculteurs ne sont pas les seuls à rechercher ce produit, ils ne sont pas la seule source de demande. C'est pour cette raison qu'il y a une concurrence de plus en plus vive sur ce marché, et qu'il est beaucoup plus difficile de le contrôler, pour peu qu'on essaie de le faire.

M. Hoeppner: Ma prochaine question porte sur le coût des facteurs de production des fabricants. Ont-ils tellement augmenté? Le prix du gaz naturel, qui est probablement le principal facteur de production, n'a pas tellement fluctué.

M. Wolgemuth: Comme nous ne sommes pas fabricants, nous ne pouvons pas vous renseigner avec exactitude sur les frais de production, mais je crois que c'est encore la loi de l'offre et de la demande qui joue. La demande est beaucoup plus forte, et la production a fléchi dans les années 80 parce que la demande était anémique. Il y a eu depuis une forte augmentation de la demande mondiale. C'est la loi de l'offre et de la demande qui est la principale explication. La demande en Amérique du Nord et dans le monde entier est beaucoup plus ferme.

M. Hoeppner: De quel côté faut-il se tourner, ou vaut-il même la peine de s'interroger davantage sur les frais de production? Il n'y a rien que nous puissions y faire. Nous devons recommencer à mettre le tiers des terres en jachère et arrêter d'employer des engrais. Est-ce bien cela que vous nous dites?

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M. Wolgemuth: Non. C'est l'agriculteur ou le producteur qui décide combien d'engrais il lui faut, combien il a les moyens d'en acheter et quelle solution est la plus rentable. Peu importe ce que lui ou n'importe qui d'autre fait, il faut tenir compte des données économiques. S'il est logique d'employer moins d'engrais, qu'il en emploie moins; s'il est logique d'en utiliser plus, qu'il le fasse.

M. Hoeppner: En discutant avec quelques marchands d'engrais cet automne, j'ai constaté qu'ils avaient des problèmes de liquidités parce que des agriculteurs n'arrivent pas à payer certains de leurs facteurs de production. Vous savez que les frais de transport ont augmenté. Que va-t-il se passer? Allons nous faire disparaître un tas d'agriculteurs pour que la demande diminue? Donnez-moi quelques indications sur ce que nous devrions faire. C'est votre secteur d'activité. Vous voulez vendre le plus d'engrais possible parce que c'est ainsi que vous gagnez votre vie.

M. Wolgemuth: Je pense que, en fin de compte, si, pour l'agriculteur, il est économiquement justifié d'utiliser des engrais, il doit le faire. Dans le cas contraire, qu'il n'en utilise pas. J'estime, moi qui travaille auprès des agriculteurs, qu'il est tout à fait logique d'utiliser des engrais, des produits AgCan ou autres, peu importe.

M. Hoeppner: Comme homme politique, je voudrais essayer de stabiliser le marché, car les fortes fluctuations, en agriculture, ne font de bien à personne. Vous le savez d'expérience.

Vous dites que, dans les années 80, les prix ont été en chute libre parce que la demande n'était pas là. À regarder la situation en ce moment, je me dis que notre pays ne peut pas se permettre ces fluctuations. Nous devons instaurer une plus grande stabilité. Si nous sommes ici, c'est, je crois, pour trouver ce qui a causé des hausses si marquées des facteurs de production ces 12 ou 18 derniers mois. Jusqu'à maintenant, nos efforts n'ont pas donné grand-chose. J'espérais que vous pourriez nous éclairer un peu et nous donner des éléments de réponse.

M. Sandercock: M. Goodale et le gouvernement fédéral appliquent un programme de sécurité en agriculture « il s'agit essentiellement du CSRN « pour atténuer ces fluctuations en agriculture, alors que nous voyons ces fortes variations sur le marché. Le Canada ne pèse pas très lourd sur le marché mondial des engrais, surtout lorsqu'il y a une forte demande comme en ce moment dans les pays industrialisés... ce qui a une grande incidence sur les prix.

En ce moment, nous sommes dans une phase d'augmentation des prix. Si on faisait une étude de l'évolution du prix des engrais, on remarquerait ce mouvement cyclique constant. L'un des avantages du programme CSRN, par exemple, qu'on met en place dans tout le pays, est d'atténuer le mouvement et de permettre aux agriculteurs de survivre.

Les temps sont durs, en agriculture. Je suis un céréaliculteur de la Saskatchewan, et je n'ai pas de mal à comprendre ce que vous dites. Nous devons arriver à joindre les deux bouts.

M. Hoeppner: Nous sommes de moins en moins nombreux. Nous serons bientôt une espèce éteinte.

M. Sandercock: J'ai du mal à départager mes rôles de commerçant d'engrais et d'agriculteur. Comme agriculteur, je dois retirer des revenus de mon exploitation, mais, dans le commerce de détail, nous achetons le produit au grossiste et le revendons à l'agriculteur. Nous ne sommes pas vraiment en bonne position pour dire ce qui va se passer dans le commerce de gros.

M. Hoeppner: C'est justement ce que me raconte mon détaillant: les marges bénéficiaires sont étroites et il n'y a pas beaucoup de latitude pour réduire les prix. Si des réductions sont possibles, elles devront se faire ailleurs.

Je vais m'arrêter là, monsieur le président. Je remercie les témoins de cette information.

M. Sandercock: Je voudrais ajouter une observation avant que nous ne passions à autre chose. Je suis à Ottawa depuis quatre jours. Le directeur de mon commerce d'engrais m'a téléphoné aujourd'hui pour m'apprendre que mon fabricant vient d'annoncer une autre hausse de prix, pendant mon séjour ici. C'est toujours la même chose. Le détaillant ne peut pas avoir un très grand contrôle.

M. Reed (Halton - Peel): Dans votre exposé, j'ai cru lire entre les lignes qu'il y a possibilité d'augmentation de la production d'ammoniac au Canada. Vous avez dit que nous importions de l'ammoniac. C'est donc que notre production ne peut pas satisfaire le marché intérieur. Je reconnais que nous sommes liés aux marchés mondiaux, etc. Je me demandais simplement quelle sorte d'avantage concurrentiel la production locale pouvait avoir. Autrement dit, les frais de transport et autres font augmenter le prix des importations.

M. Sandercock: Dans notre exposé, nous avons fait allusion au fait qu'il y a une pénurie d'ammoniac anhydre sur le marché nord-américain, et pas nécessairement sur le seul marché canadien.

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Récemment, dans ma province, la Saskatchewan, on a construit une grande usine qui a coûté des millions de dollars. En raison de la demande mondiale, une grande partie de la production franchit la frontière. Par contre, il y aussi des produits qui nous arrivent des États-Unis. Je ne pense pas, en somme, qu'on puisse dire qu'il y a pénurie dans telle ou telle partie du pays ou du continent.

M. Reed: Je devrais peut-être formuler ma question différemment. Serait-il justifié d'accroître la production d'ammoniac pour la porter au niveau de la consommation intérieure? Autrement dit, y a-t-il un écart de 10$ la tonne ou de 50$ la tonne?

M. Sandercock: Comme j'ai essayé de l'expliquer, il n'y a en réalité aucun avantage, que la production se fasse au Canada ou... Mais ce sont les emplois et l'activité économique que nous voulons créer au Canada. Je le répète, ces produits circulent librement d'un pays à l'autre, et les prix sont littéralement les mêmes de part et d'autre de la frontière.

On a annoncé récemment une certaine expansion de la production d'ammoniac anhydre dans l'ouest du Canada. Avec les délais de mise en marche et les problèmes d'ordre écologique d'une nouvelle usine, les coûts sont tellement élevés de nos jours, qu'il faut que ce soit une saine décision commerciale de la part d'investisseurs qui sont disposés à faire des dépenses aussi considérables.

M. Reed: Par simple curiosité, quels sont les pays qui sont au premier rang quant à l'accroissement de l'utilisation d'engrais en ce moment? Des noms vous viennent-ils à l'esprit?

M. Sandercock: Ce sont les pays en développement du tiers monde. La Chine et l'Inde sont des marchés dont la croissance est très vigoureuse. Vous avez fait allusion au fait que la Russie était un fournisseur. Nous savons que l'infrastructure se dégrade en Russie. Elle n'est pas un fournisseur sûr, et la production manquante a été en grande partie comblée par l'Amérique du Nord.

M. Reed: Il est plutôt évident, si on essaie de faire des prévisions, qu'il y aura un incroyable accroissement de la consommation en Asie, puisqu'il y a là une population de deux milliards de consommateurs.

M. Sandercock: On peut sans doute dire sans crainte de se tromper « et nous nous mettrions rapidement d'accord là-dessus, dans cette salle « que, à cause de l'augmentation de la population mondiale, nous allons tous devoir produire plus de denrées alimentaires pour nous nourrir. Comme nous le savons tous, le Canada est l'un des pays producteurs dont les coûts sont parmi les plus faibles du monde. Tous les agriculteurs sont fiers de ce que nous essayons de faire, dans l'agriculture canadienne.

M. Calder (Wellington - Grey - Dufferin - Simcoe): Lloyd, je vais par quelques questions vous obliger à faire appel à vos diverses expériences.

Ce que nous essayons de faire, par cette discussion sur les coûts des facteurs de production, c'est essentiellement de nous renseigner, il me semble, pour que les deux parties essaient de comprendre que l'autre ne tente pas de l'exploiter. Les détaillants ont-ils fait des efforts pour expliquer aux groupements agricoles votre position sur les causes de la hausse des coûts, par exemple, en Ontario, avec la Fédération de l'agriculteur de l'Ontario, le Syndicat national des cultivateurs ou la CFFO? Avez-vous essayé d'expliquer votre position pour qu'ils comprennent ce qui se passe?

Je suis aussi très intéressé par ce qui se produit en Russie. En somme, vous dites que, à une certaine époque, elle fournissait 30 p. 100 de la production mondiale d'ammoniac et que, en ce moment, ses usines ne tournent qu'aux deux tiers de leur capacité. Autrement dit, leur production a diminué de 33 p. 100 et l'offre mondiale est en baisse de 10 p. 100. Combien de temps cela va-t-il durer? Que fait-on en ce moment pour s'adapter à la situation?

M. Sandercock: La première partie de votre question est très facile pour nous. Nous avons régulièrement des discussions avec les agriculteurs, peut-être pas collectivement ou avec les conseils d'administration, mais nous discutons sans cesse avec les agriculteurs. Nous expliquons ce qui se passe dans notre secteur, ce que nous essayons de faire « c'est en somme le même genre de discussion que celle-ci « et pourquoi les prix augmentent ou fléchissent. Nous sommes tous préoccupés, dans notre secteur, par la hausse des prix. Alors je puis dire que oui, nous discutons de ces questions avec les autres associations.

.1610

Je n'ai pas de vraie réponse à la deuxième partie de votre question. J'en suis réduit aux spéculations. Si j'essaie de spéculer, je peux dire que j'entrevois des risques de pénurie, mais les détaillants ne sont pas vraiment en mesure de se prononcer.

Mme Ryrie: Il se passe deux choses. Personne, dans le secteur manufacturier, n'oublie la dure période que nous venons de traverser. Pendant la majeure partie des années 80 et au début des années 90, le rendement sur l'investissement n'était pas énorme. Lorsque cela se produit, les investisseurs hésitent à se lancer sur le marché.

La contraction de l'offre soviétique n'a pas vraiment dérangé qui que ce soit parce que la demande diminuait. Elle est maintenant en train de se raffermir. Il y a effectivement quelques nouveaux projets, de nouveaux débouchés et un accroissement de la production, mais je crois que les investisseurs vont faire preuve d'une grande prudence et attendront de voir si cette demande se maintient à long terme ou tourne court. Tout homme d'affaires prend ce genre de décision rationnelle.

M. Calder: Vous me dites donc que, désormais, votre industrie va se contenter d'un système de livraison et d'expansion « juste à temps ». En d'autres termes, vous n'êtes pas prêts à envisager une capacité de production accrue. Vous allez simplement utiliser à fond la capacité existante.

M. Wolgemuth: Nous sommes des détaillants, pas des fabricants. Nous ne pouvons pas nous prononcer à leur place.

J'ajoute que SIMPLOT, à Brandon, vient d'annoncer, il y a quelques semaines, une expansion de 200 millions de dollars. Depuis l'implantation de l'usine en Saskatchewan, je crois que c'est la première usine d'azote construite en Amérique du Nord, et peut-être même dans le monde. Il ne se construit presque aucune grande usine.

J'en suis réduit aux spéculations, mais je suis d'accord avec Jackie pour dire que les investisseurs vont hésiter à construire tant qu'ils n'auront pas l'impression que ce marché est stable.

M. Calder: Oui, je peux comprendre.

Merci, monsieur le président.

Le président: Pour faire suite aux questions de M. Calder, je crois que les évidences sont là, mais il faut sans doute donner une réponse: comment les prix vont-ils évoluer dans un avenir rapproché?

M. Wolgemuth: Pour le moment, l'approvisionnement est serré, plus serré qu'il ne l'a été pendant des années. Je dirais donc que les prix vont augmenter, mais je ne pourrais absolument pas dire dans quelle mesure. Je ne penserais pas que la hausse va être phénoménale, mais il y en aura une.

Le président: Il y aura donc une hausse.

L'autre question qu'il convient de poser maintenant est la suivante: il y a différentes sources d'approvisionnement, certaines au Canada, d'autres à l'étranger. Y a-t-il partout pénurie?

M. Sandercock: Oui, effectivement. C'est pourquoi, au fur et à mesure que le prix augmente, une grande partie de la production se dirige vers d'autres marchés.

Une autre observation sur l'offre et la demande. Dans notre industrie, nous n'avons aucune réserve. Les entrepôts sont vides. La production est expédiée au fur et à mesure. Cette semaine, mon entreprise a même été soumise à un contingentement. Cela veut dire que, si je veux vous vendre un chargement d'engrais aujourd'hui, je ne pourrai peut-être pas l'obtenir dès aujourd'hui. Nous en sommes là en ce moment, et il reste encore quelques mois avant la saison des semailles.

Le président: Il n'a donc pas de stocks en réserve.

M. Sandercock: C'est exact.

Le président: Encore une ou deux questions.

Je voudrais poser une question sur l'établissement du prix des produits chimiques et ce qui se passe sur ce plan-là. Il me semble que, lorsque je discute avec mes électeurs, l'une questions fréquemment soulevées est celle de ADMIRE. C'est le régime de réglementation des produits chimiques utilisés au Canada qui est en cause. Quel effet ce régime a-t-il sur les prix au Canada? Que pensez-vous de notre régime de réglementation et de son effet sur les prix?

M. Wolgemuth: À mon avis, le régime de réglementation fait que les produits chimiques coûtent plus cher qu'aux États-Unis. L'autre difficulté, selon nous, c'est que le régime canadien de réglementation est plus lent qu'aux États-Unis. Les agriculteurs américains utilisent des produits excellents, et qui nous semblent sûrs, puisqu'ils ont été utilisés aux États-Unis, mais nous devons attendre plusieurs années avant de les employer.

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Le président: Certains prétendent que, souvent, nos sociétés font leur demande aux États-Unis bien avant de la faire au Canada, et que le régime canadien est tout aussi rapide, quand il a les mêmes données, que celui des États-Unis. Le problème résiderait dans la présentation tardive des demandes par de nombreuses sociétés plutôt que dans la rapidité du régime de réglementation canadien. Voulez-vous commenter?

Mme Ryrie: Le Canada a connu quelques réussites. Il y a beaucoup de vrai, quand on dit que, parfois, le régime canadien peut faire vite. Nous avons été les premiers à cultiver des pommes de terre résistant aux herbicides. Il y a eu quelques succès modestes.

Cependant, il y a aussi quelques problèmes découlant des ministères de la Santé, de l'Agriculture, de l'Environnement, bref de tous ceux qui sont en cause. Lorsqu'un problème surgit à un moment donné dans le processus d'homologation, on dirait qu'on s'enlise beaucoup plus rapidement au Canada. Nous devons simplifier le processus, le rendre plus efficace et plus rapide.

Si on demande l'homologation de deux produits dans les deux pays en réclamant que les choses se fassent le plus vite possible, il se peut, vous avez raison, que le Canada remporte la course. Mais je ne pense pas que ce soit toujours le cas. Je ne crois pas que nous soyons toujours aussi efficaces que nous pouvons l'être.

Le problème, nous le signalons dans notre mémoire, c'est que tous ces délais occasionnent des coûts pour les producteurs canadiens. Chaque fois que le processus ralentit, ce n'est pas seulement l'homologation et la recherche et le développement qui coûtent plus cher. Il y a aussi le fait qu'un produit de remplacement n'arrive pas sur le marché et que les autres producteurs peuvent augmenter légèrement leurs prix tant qu'ils n'ont pas de concurrents.

Je crois qu'une manière de contourner le problème est d'harmoniser la réglementation des deux côtés de la frontière pour qu'une partie des vérifications qui s'imposent puissent se faire une seule fois plutôt que deux.

Le président: Bonne idée. Comment cette harmonisation devrait-elle se faire, selon vous?

Mme Ryrie: Le régime américain... Si on prend l'EPA et les autres organismes en cause... Il pourrait y avoir des discussions avec les organismes canadiens de réglementation, avec la nouvelle Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, et nous pourrions voir sur quels éléments il y a moyen de s'entendre. Je suis sûre que, dans certains domaines, il peut y avoir accord unilatéral. On pourrait partir de là.

Je ne dis pas que, dans les six prochains mois, nous pouvons en arriver à un régime complet qui est complètement harmonisé dans les deux pays, mais je crois qu'il y a quelques premiers éléments sur lesquels nous pouvons nous entendre. Je crois qu'il faut travailler dans cette optique. C'est un secteur où nous pourrions beaucoup réduire les coûts.

Le président: Que pensez-vous de notre dernière initiative, qui consistait à éliminer le régime de réglementation à l'Agriculture et à confier toute cette tâche à la Santé? Est-ce que c'est plus commode, plus simple, puisqu'il n'y a pas deux ministères, deux groupes de personnes en cause? Que pensez-vous de ce qui s'est passé? Cela est relativement récent. Quelle est votre impression, pour l'instant?

Mme Ryrie: Pour être honnête, je dois vous dire que nous étions un peu nerveux lorsque cette fonction est passée à la Santé. Nous aimions bien traiter avec le ministère de l'Agriculture; ce ministère semblait avoir des fonctionnaires qui comprenaient bien la situation. D'après ce que nous avons constaté jusqu'à maintenant, c'était peut-être le meilleur compromis. Le passage à la Santé semble avoir un peu accéléré le processus.

Je suis très préoccupée par la hausse des coûts, qui sont passés de 14 millions de dollars à 34 millions, si on se fie aux prévisions. Je ne me l'explique pas très bien. Je ne crois pas que nous ayons encore reçu des explications satisfaisantes. Jusqu'à maintenant, il me semble que cette initiative a été bonne. Nous allons rester vigilants. La Canadian Association of Agri-Retailers n'a pas de critique jusqu'à maintenant.

Le président: Vous dites que nous devrions examiner les coûts prévus et voir ce qui se passe dans le système pour pouvoir commenter. L'observation est très valable. Je le comprends. Cela peut nous aider...

Mme Ryrie: Il est certain que, si on gonfle de 20 millions de dollars les coûts des fabricants, les prix vont augmenter pour les détaillants, ce qui aura inévitablement des conséquences sur le coût des facteurs de production agricole, et nous serons de retour ici l'an prochain pour discuter des causes d'une nouvelle augmentation. Mais je ne pense pas que, cette fois-là, il sera question des fabricants. La hausse aura peut-être été provoquée par le gouvernement.

Le président: Un dernier point. Notre régime de réglementation est présenté comme extrêmement sûr pour assurer la salubrité des aliments partout au Canada. Ce régime nous inspire une grande fierté. Est-ce que vous voyez, quant à vous, des manières de rendre le régime plus efficace, en dehors de l'harmonisation et de l'accélération, par exemple, pour nous ayons la même protection, mais de façon plus économique? Avez-vous quelque chose à dire là-dessus?

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Mme Ryrie: Je crois qu'il vaudrait mieux adresser cette question aux fabricants, parce qu'ils sont plus étroitement concernés que nous. Sauf erreur, ils comparaissent demain. Ils pourront probablement répondre à cette question.

Selon nous, la bureaucratie est peut-être plus lourde qu'il ne faut. Je tiens à souligner que nous ne voulons en aucune manière compromettre des protections pour le consommateur, la compétitivité de nos produits dans le monde entier et notre réputation. Nous ne voulons rien appuyer qui risque d'avoir ces conséquences. Par contre, nous devons veiller à faire les choses de manière extrêmement efficace.

Le président: Merci beaucoup.

Wayne, c'est votre tour.

M. Easter (Malpèque): Je voudrais parler des hausses découlant du recouvrement des coûts. Mais, pour ce qui est des pénuries, je me demande comment nous pouvons aller au fond du problème, s'il y a quelqu'un dans le réseau de distribution qui s'attribue des profits excessifs, faisant augmenter plus que de raison le coût des facteurs de production.

Comme vous l'avez dit, les approvisionnements en engrais sont maintenant limités. Y a-t-il quelque possibilité que la pénurie de matières premières dans l'industrie des engrais ait été orchestrée de façon délibérée? Soutenez-vous qu'elle ne l'a pas été?

M. Sandercock: Je ne crois pas qu'elle l'ait été. La demande mondiale est de loin supérieure à la capacité de production. Si vous voulez aller au fond des choses, il nous faut davantage d'investissements dans des usines dans le monde entier. Le problème se résume à cela, selon moi.

M. Easter: D'accord. Supposons qu'il y a pénurie réelle.

Je suis moi-même agriculteur. Nous aimons toujours à nous en prendre aux intermédiaires. Il faut toujours que ce soit l'intermédiaire. Dans le secteur agricole, il arrive parfois que nous soyons l'intermédiaire.

Quoi qu'il en soit, dans votre secteur, le commerce de détail, qu'avez-vous fait pour améliorer votre rentabilité? Nous faisons porter la pression sur les agriculteurs, cela ne fait aucun doute. La pression se fait sentir sur les localités agricoles: pour faire face à la concurrence, il faut être plus efficace. Que faites-vous dans votre domaine qui puisse nous inciter à croire que vous êtes efficaces et concurrentiels et que vous faites ce que vous pouvez pour que nous soyons concurrentiels sur le marché mondial, en proposant une production à valeur ajoutée?

M. Wolgemuth: Il y a 18 ans, j'ai repris à mon père l'entreprise que je dirige maintenant. On peut dire que nous avons fait presque tout ce que les agriculteurs ont fait, bien que nous ne soyons pas dans l'exploitation agricole à proprement parler. Nous avons acheté d'autres usines, comme des agriculteurs ont acheté d'autres exploitations, pour avoir une entreprise un peu plus importante et étaler nos coûts sur des ventes plus considérables. Nous avons poussé cette initiative assez loin, en collaborant étroitement avec les agriculteurs pour les aider à devenir plus efficaces, en les épaulant pour qu'ils puissent nous faire vivre.

Nous avons fait bien des choses, la liste est longue, mais cela se résume à être plus efficaces, en essayant de faire plus avec moins de personnel, avec du meilleur matériel, plus gros. En ce moment, notre entreprise, comme d'autres, implante un important système informatique qui nous permettra de travailler beaucoup plus efficacement, d'avoir plus d'information à notre disposition sans accroître le personnel. Nous espérons augmenter notre chiffre d'affaires de 20 à 40 p. 100 au cours des quatre ou cinq prochaines années, mais en n'ayant presque pas plus de personnel. De cette manière, nous continuerons d'être plus efficaces et économiques pour nos clients.

M. Easter: Je vois. En somme, vous dites que vous êtes efficaces.

Monsieur le président, cela m'amène au niveau suivant, celui du gouvernement. Au sujet du recouvrement des coûts, je voudrais savoir « les documentalistes pourront peut-être faire quelques recherches là-dessus « si les chiffres estimés à 34 millions de dollars sont exacts. Cela représente une augmentation de 20 millions par rapport aux années antérieures.

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Ce que je constate, à propos du recouvrement des coûts par le gouvernement, c'est qu'il y a un effet de cascade au niveau des exploitations agricoles et dans toute l'industrie. C'est peut-être très bien de recouvrer les frais de l'inspection des pommes de terre, mais lorsqu'on ajoute l'augmentation des droits de quai et A, B, C et D, cela commence à prendre de l'ampleur, et c'est une manière de refiler les coûts aux échelons inférieurs.

Lorsqu'il s'agit de recouvrement des coûts en soi, est-ce que le ministère qui adopte ces mesures réglementaires est lui-même assez efficace? C'est ce que je voudrais savoir.

Bien que je sois profondément convaincu de la valeur des services du gouvernement, je crois aussi que, si le gouvernement payait et devait rendre des comptes, il insisterait peut-être davantage auprès de la fonction publique pour que le travail se fasse au lieu d'augmenter de quelques sous les coûts pour les producteurs. Avez-vous des réflexions à nous livrer à ce sujet?

M. Sandercock: Oui, je suis tout à fait d'accord avec vous. Des membres de ce comité ont aidé notre association récemment à régler un problème d'ammoniac anhydre. Il nous fallait inspecter toutes les citernes qui transportent ce produit dans l'ouest du Canada. Cela allait coûter à notre secteur environ 40 millions de dollars, et nous n'étions pas d'avis que c'était la bonne solution. Nous ne pensions pas qu'il fallait inspecter toutes les citernes. Il aurait été possible, littéralement, d'en acheter une nouvelle en juin et de devoir payer 400$ le 1er juillet pour obtenir un nouveau certificat. Nous avons pu convaincre les bureaucrates, avec l'aide du gouvernement et de membres de ce comité, qu'il fallait revoir ce dossier.

Nous n'avons rien contre la sécurité; nous croyons qu'elle est nécessaire. Notre secteur a l'un des meilleurs bilans qui soient en matière de sécurité. Nous pensions que c'était nous imposer une réglementation trop lourde. Nous nous occupons du problème. Nous allons réaliser des économies et en faire réaliser aussi aux agriculteurs et à l'ensemble du secteur. Dans ce genre de dossier, il faut agir de la sorte.

Mme Ryrie: Il incombe aux deux parties, c'est-à-dire l'industrie et le gouvernement, de faire en sorte que nous fassions exactement cela. Nous sommes tout à fait favorables au recouvrement des coûts, et nous ne voulons pas alourdir davantage la dette fédérale.

Nous devons aussi avoir un certain contrôle sur la composition du système. On ne peut pas s'attendre que l'industrie ou les agriculteurs paient sans avoir un contrôle sur les modalités. Il faut que ce soit dans les deux sens, il faut qu'il y ait un partenariat.

M. Easter: C'est ma dernière question, monsieur le président.

À la page 9, la dernière de votre mémoire, vous parlez de coûts importants de 45 millions de dollars, ce qui équivaut à 30 000$ par an et par fournisseur de facteurs de production. Avez-vous une idée de ce que sont les coûts comparables aux États-Unis ou en Europe?

Mme Ryrie: Ce sont des dispositions réglementaires tout à fait nouvelles, pour la plupart.

M. Easter: D'accord.

Le président: Je voudrais revenir sur un point soulevé par M. Easter. Il a été question dans la réponse de consultations très poussées entre l'industrie et le gouvernement. Je voudrais situer cette affirmation dans son contexte? Voulez-vous dire plus poussées qu'aujourd'hui? Il y a déjà beaucoup de consultation. Lorsqu'il y a un problème, cela peut s'arranger. Demandez-vous davantage de consultations, avant le fait, entre le gouvernement et l'industrie sur les grandes questions?

Mme Ryrie: Oui.

Le président: D'accord. Je voulais simplement m'en assurer.

M. Sandercock: J'aime à penser que nous essayons tous, tant dans le gouvernement que dans l'industrie, de voir venir les problèmes au lieu d'y réagir lorsqu'ils se posent. Dès qu'on se contente de réagir, cela nous coûte un tas d'argent.

Le président: Monsieur Maloney.

M. Maloney (Erie): Je voudrais faire appel à votre double expérience de détaillant et d'agriculteur. En songeant à l'agriculteur, mais avec l'expérience d'un détaillant, que conseilleriez-vous à un agriculteur ou à une collectivité agricole qui négocie les prix des engrais ou des pesticides? Quelles sont les informations qui vous sembleraient utiles? Que proposeriez-vous pour négocier les prix?

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M. Sandercock: Vous allez devoir reprendre votre question, je n'ai pas très bien compris.

M. Maloney: Vous avez deux titres.

M. Sandercock: D'accord.

M. Maloney: Vous êtes à la fois agriculteur et détaillant de produits utilisés en agriculture.

M. Sandercock: C'est juste.

M. Maloney: Avec votre expérience de détaillant, que conseillez-vous à l'agriculteur qui négocie avec un détaillant le prix des engrais ou des pesticides?

M. Sandercock: Si vous me permettez, je peux probablement répondre à titre d'agriculteur.

M. Maloney: C'est d'accord, mais je veux aussi faire appel à votre expérience de détaillant.

M. Sandercock: Comme agriculteur, j'ai besoin de certaines choses, dépendant de la taille de mon exploitation. Tout d'abord, il me faut un produit de qualité, mais ce qui importe le plus, c'est le service. C'est la préoccupation première dans notre secteur. Au fur et à mesure que les exploitations prennent de l'importance, le resserrement des marges est tel que nous avons peu d'employés. Le coût n'est plus toujours la première préoccupation; c'est le service qui compte avant tout.

Prenons mon marchand d'engrais. Il se trouve que je ne suis pas mon propre fournisseur parce que mon commerce se trouve à 100 milles de mon exploitation. Lorsque nous achetons un produit, nous choisissons un fournisseur qui peut assurer un service.

Si je me mets maintenant dans la peau du négociant, je dois vous dire que je n'ai qu'une chose à vendre à mes clients, le service. Vous pouvez acheter les produits meilleur marché ailleurs que chez moi telle ou telle journée, mais vous recevrez de moi du service et de bons conseils.

Le président: Merci, John.

Lyle.

M. Vanclief (Prince Edward - Hastings): Monsieur le président, j'aurais quelques observations à faire. Certaines d'entre elles serviront peut-être de réponse à l'intervention de M. Easter et se grefferont aussi aux propos des témoins d'aujourd'hui sur le coût du processus de réglementation, etc.

Comme il a été dit, nous avons maintenant l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire. J'espère que nous allons commencer à y voir clair. Auparavant, pour l'homologation, on ne savait où donner de la tête. Maintenant, au moins, on a affaire à un seul organisme. Tous les représentants d'Agriculture et Agro-alimentaire Canada, d'Environnement Canada, de Santé Canada, etc. sont là « c'est l'image que je me fais « autour de la même fontaine. Ils savent que ce que fait la main droite est peut-être préférable à ce que fait la main gauche, ils savent dans quelle mesure les délais sont respectés.

Les 34 millions de dollars, je crois que certains le savent, sont un chiffre qui a été calculé à partir de tout ce qui est contenu dans les recommandations de l'examen de la question des pesticides qui a été fait en 1990. Il y avait des recommandations et des exigences de tous les participants et acteurs de cette industrie, depuis le producteur primaire jusqu'au fabricant en passant par le consommateur et le milieu écologiste. On estime que c'est ce qu'il en coûterait si on donnait satisfaction à tout le monde.

Autre chose à ne pas oublier, s'il y a accord pour ne pas prendre la totalité de ces mesures, les coûts ne seront pas nécessairement aussi élevés. Il faut aussi se rappeler que beaucoup de pesticides qui sont en usage ne sont pas employés en agriculture.

C'est donc là le total des coûts, et je ne crois pas qu'ils devraient être intégralement assumés par l'agriculture.

Ces consultations se poursuivent, et il est admis que l'industrie ne va pas payer si elle ne reçoit pas le service. Il faut respecter les contraintes de temps, comme Lloyd l'a dit, qu'il s'agisse de la livraison des engrais ou de l'homologation d'un produit.

Quant à l'harmonisation, le groupe de travail ACCEU poursuit son travail très efficacement. On m'a appris l'autre jour que d'excellentes négociations se déroulaient en ce moment sur une forme d'homologation commune au Canada et aux États-Unis pour un ou deux produits. C'est une évolution que nous souhaitons.

Comme il a été dit tout à l'heure, nous avons à notre bilan de belles réussites pour certains produits. L'an dernier ou l'année d'avant, je crois, nous avons approuvé plus rapidement que les Américains un herbicide pour le maïs. Bien sûr, il doit aussi arriver aux systèmes américains de s'enliser.

ADMIRE, le printemps dernier, a été une autre réussite. Il reste encore un an de travail à faire, mais il a été fait une excellente utilisation des données qui avaient été accumulées aux États-Unis cette année pour l'homologation de ADMIRE.

Personne ne tient à réinventer la roue, mais il faut voir certaines des choses que nous faisons au Canada. Nous vérifions l'efficacité, l'exposition des personnes qui appliquent les produits et de celles qui sont en contact avec le pesticide. Cela ne se fait pas aux États-Unis.

En fin de compte, jusqu'à maintenant « et je ne crois pas que cela changera, pour ma part « nous continuons à prendre les décisions au Canada, mais cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas échanger de l'information. Nous commençons à le faire beaucoup mieux.

.1635

De plus, sans vouloir manquer de respect à qui que ce soit, un certain nombre de ceux qui demandent des homologations ont admis qu'ils devaient mieux faire leurs demandes, et ils s'améliorent à cet égard. Les deux parties doivent faire leur part. Les demandeurs doivent savoir ce qu'ils ont à produire comme renseignements, et il incombe à l'organisme de le leur dire. Mieux la demande est faite, moins on risque d'avoir à se reprendre pour ajouter des données. Cela vaut aussi bien pour le permis de conduire ou le passeport que pour l'homologation de pesticides.

Le président: Lyle, pourrions-nous préciser un peu ce que vous dites. Vos 34 millions, en somme, ne peuvent être comparés directement aux coûts de 14 millions que nous avions avant, et il faut tenir compte d'autres produits, d'autres secteurs d'activité en dehors de l'agriculture?

M. Vanclief: D'après ce qui a été demandé « je ne peux pas vous dire au juste combien le système coûtait par le passé « les 14 millions de dollars sont le montant que le gouvernement s'est dit prêt à prendre à sa charge, dans les coûts totaux de 34 millions de dollars. Cela veut dire que, si les coûts restent à 34 millions, il reste un écart de 20 millions à combler. Mais cela ne va pas se passer du jour au lendemain. Je crois que le gouvernement a accepté de dépenser 15 millions au cours des deux prochaines années pour résorber l'arriéré dans les homologations. Il s'agit de crédits qui viennent du Plan vert. Une partie de ces 15 millions servira à mettre l'Agence sur pied et à la mettre en état de fonctionner.

S'il manque 20 millions de dollars, eh bien tout le monde espère qu'il sera possible de répondre pour beaucoup moins que cela aux exigences, aux besoins, aux voeux, si je peux dire, de tout le monde.

Mais n'oubliez pas, je le répète, que, en ce qui concerne l'homologation... Au Canada, à l'heure actuelle, ce sont les agriculteurs qui utilisent le plus de pesticides. Je suis sûr que nos témoins pourront nous donner plus de précisions là-dessus demain. Par contre, un bien plus grand nombre d'homologations servent à d'autres consommateurs que les agriculteurs.

N'oubliez pas que nous utilisons... Tel produit que vous utilisez dans votre piscine doit être homologué, tout comme le produit de nettoyage des toilettes. Les citadins vous diront qu'ils n'utilisent pas de pesticides chez eux. Nous disons tous la même chose. Il ne doit pas y avoir beaucoup de foyers où il n'y a pas 20 ou 25 produits qui ont dû être homologués.

Pour le processus d'homologation, donc, il doit y avoir recouvrement des coûts pour cet élément de l'industrie des pesticides.

Le président: D'accord. Vous avez parlé de rattrapage. S'agit-il de 14 millions de dollars plus un million ou de 14 millions plus 15 millions?

M. Vanclief: Ces 15 millions de dollars viennent s'ajouter.

Le président: Merci.

Jake.

M. Hoeppner: Je regardais M. Vanclief puis j'ai levé les yeux et j'ai vu M. Turner, avec son air déterminé. J'espère que, tous les deux, ils font le travail aussi bien que M. ...

M. Vanclief: J'espère faire autant d'argent que lui en une année.

Des voix: Oh, oh!

M. Hoeppner: Je voulais en revenir à...

Le président: Il y a une présence magnifique dans cette salle...

M. Hoeppner: Effectivement.

Le président: ... si on tient compte de ceux qui se trouvent au mur.

M. Hoeppner: Je préfère siéger ici et regarder de ce côté.

Le président: Il y a des gens bien là-bas aussi.

M. Hoeppner: Jackie a fait une observation intéressante. Il s'agit de l'harmonisation de la réglementation des produits chimiques.

Autour de 1983, mon député était M. Murta, du Manitoba. C'était son thème de prédilection, l'harmonisation des produits chimiques, de la réglementation des produits chimiques avec les États-Unis. Il est devenu un ministre assez influent. Il ne s'est pas passé beaucoup de choses pendant ces années-là.

Pourriez-vous m'expliquer pourquoi le gouvernement tarde tellement à donner suite à certaines de ces promesses? Les propos de M. Vanclief me paraissent très réconfortants. Peut-être le dossier va-t-il finir par aboutir. Mais que peut-on faire pour faire bouger la machine politique, qui semble parfois faire marche arrière au lieu d'avancer?

Mme Ryrie: Vous me demandez de m'aventurer là où les anges n'osent pas aller.

M. Hoeppner: Je suis toujours dans l'eau bouillante, alors pourquoi ne feriez-vous pas...

Mme Ryrie: Ce qui ralentit le gouvernement? Les consultations font sans doute partie du problème. Une fois qu'on a réussi à consulter tous les intéressés, c'est un nouveau gouvernement qui est en place. C'est sans doute là un élément du problème.

.1640

Dans ce cas, je pense que le gouvernement précédent et celui-ci ont travaillé très fort pour remanier de fond en comble le système des pesticides. L'examen de la question, en 1990, a mis du temps à venir. Il fallait consulter beaucoup de monde, et les modifications qui ont été proposées ne peuvent pas être mises en oeuvre du jour au lendemain.

Je suis d'accord pour dire que nous avons beaucoup progressé. Il y a eu une certaine harmonisation. Je crois que nous avons fait environ 20 p. 100 du chemin.

M. Hoeppner: Seulement 20 p. 100?

Mme Ryrie: Il reste encore beaucoup à faire...

M. Hoeppner: Pas possible !

Mme Ryrie: ... avant que tout soit en place de manière satisfaisante pour tout le monde. Tous le reconnaissent. Nous avons accompli des progrès remarquables.

Il y a d'autres domaines où nous n'avons pas vu des changements aussi radicaux que dans celui de la gestion des pesticides. Nous avons fait quelques bonnes choses. Il nous reste encore un bout de chemin à faire.

M. Hoeppner: Permettez-moi une réflexion. J'essayais de lire entre les lignes. Vous avez dit que certaines sociétés, dans le domaine des produits chimiques, profitaient du fait que des produits ne soient pas homologués. J'ai parfois entendu cette réflexion de la part d'autres personnes. Cela a-t-il quelque chose à voir avec le fait que, parfois, il est avantageux de ne pas avoir l'homologation? Cela réduit la concurrence.

Mme Ryrie: Bien sûr, si Randy a en ce moment un produit chimique sur le marché et si je ne peux pas faire homologuer le mien, Randy en profite. Cela ne fait aucun doute. Mais, pour ma part, je vais faire tout mon possible pour obtenir l'homologation le plus vite possible, et de la manière la plus sûre.

Tout ce que je veux dire, c'est que nous devons faire en sorte de ne pas créer d'obstacles. Il serait plus difficile de mettre sur le marché d'autres produits concurrentiels.

M. Hoeppner: Je crois que c'est très important. Si nous créons des obstacles, nous sommes fichus. Et, pour passer de 20 à 100 p. 100, il y a tout un chemin à parcourir.

Merci de ces observations.

Le président: Je voudrais aborder un autre domaine. On diminue sans cesse la quantité d'herbicides et de pesticides utilisée par souci pour l'environnement et à cause d'une plus grande efficacité dans la production. Dans bien des cas, on obtient les mêmes résultats avec une quantité moindre.

Certains prétendent qu'il y a d'autres moyens, d'autres méthodes qui permettraient de réduire l'usage de ces produits. On parle par exemple de lutte biologique. Selon vous, y a-t-il d'autres moyens d'améliorer l'efficacité dont on pourrait profiter dans le système pour que l'agriculture parvienne dans l'avenir à un niveau supérieur d'efficacité?

Mme Ryrie: Je ne peux pas dire, au pied levé, que nous pourrions faire ceci ou cela plus efficacement, mais j'insiste sur le fait qu'il ne faut pas entraver l'accès au marché pour les méthodes nouvelles.

À une époque, par exemple, il fallait beaucoup de temps pour faire homologuer les bioherbicides. Il y a eu le cas d'un champignon qu'on essayait d'utiliser pour combattre la mauve à feuilles rondes. Il a fallu un temps infini. Apparemment, lorsque l'homologation a été accordée, l'entreprise ne pouvait plus survivre.

Il y a eu des problèmes par le passé parce que, lorsqu'on est en présence de quelque chose d'entièrement nouveau, personne ne sait au juste comment s'y prendre. Dans quelle catégorie classer l'innovation? Lorsqu'elle ne cadre pas avec une catégorie étroitement définie, il y a des difficultés.

Nous devons veiller à ce que les nouvelles solutions ne soient pas écartées, à ce qu'elles ne fassent pas l'objet d'études si longues que la société finit par disparaître. Je dis simplement que nous serons aussi efficaces que possible, compte tenu des contraintes de l'homologation. Il faut éviter que le processus que nous mettons en place nous empêche de voir les nouveaux produits, les nouvelles idées, les nouvelles solutions.

Le président: Estimez-vous qu'il y a assez d'efforts du côté de la biotechnologie, en ce moment, pour que les choses progressent, ou estimez-vous qu'il existe un bon équilibre. Faisons-nous tout ce que nous pouvons? Qu'en pensez-vous, de manière générale?

Mme Ryrie: Les fabricants seraient peut-être mieux placés que les détaillants pour répondre à la question.

Je le répète, la biotechnologie est un domaine assez nouveau. D'une part, nous devons éviter de faire entrer dans notre écosystème des choses dont nous ne voulons pas. Le gouvernement assure très bien cette protection. Mais nous devons aussi prendre soin de ne pas prolonger les vérifications au point d'empêcher les produits d'atteindre le marché. Il faut que le processus d'évaluation soit équitable.

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Le président: D'autres membres du comité auraient des questions à aborder?

Je vous remercie beaucoup tous les trois. Vous nous avez appris une foule de choses. Nous avons obtenu beaucoup de renseignements qui nous seront utiles pour tirer nos conclusions. Merci beaucoup d'être venus. Nous vous sommes reconnaissants de votre franchise et de vos réponses.

M. Sandercock: Merci de nous avoir accueillis, monsieur le président. Nous sommes heureux d'avoir pu venir et de vous avoir donné des renseignements qui, nous l'espérons, vous seront utiles.

Le président: Ils le seront, c'est certain. Merci.

Je rappelle aux membres du comité que la séance débute à 8 h 30 demain matin. Est-ce exact? C'est ce que disait le dernier avis. Je voulais préciser l'heure, car je...

Une voix: Je croyais que c'était à 9 heures

Le président: C'était 9 heures?

M. Hoeppner: Je trouve que 8 h 30 est un peu trop tôt pour...

Le président: Ce sera donc à 9 heures demain matin.

La séance est levée.

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