[Enregistrement électronique]
Le mercredi 21 juin 1995
[Traduction]
Le vice-président (M. Dromisky): Bienvenue à tout le monde. Nous commençons notre réunion légèrement en retard, car j'attendais quelqu'un d'autre du côté gouvernemental. Les gens sont en chemin et comme nous avons le quorum de toute façon, nous pouvons poursuivre notre programme.
Je suis très heureux d'accueillir cet après-midi Moy C. Tam, directrice générale de l'Organisation du service aux immigrants d'Ottawa-Carleton. Nous avons hâte d'entendre votre exposé, après quoi nous passerons à une période de questions pour laquelle chaque parti d'opposition ainsi que la majorité disposeront du même temps. Vous pouvez commencer.
Mme Moy C. Tam (directrice générale, Organisation du service aux immigrants d'Ottawa-Carleton): Merci, monsieur le président, et merci aussi aux députés et autres membres du comité.
J'estime que c'est un privilège pour moi que de me retrouver ici cet après-midi devant vous. Comme je n'ai eu qu'un préavis très bref pour ma comparution, mon exposé sera plutôt court. Cela étant, j'espère que vous disposerez de plus de temps pour me poser des questions et pour discuter.
Je vous ai fait distribuer une brochure sur les services offerts par notre organisme. Si vous désirez savoir comment fonctionne un organisme de base populaire, n'hésitez pas à me poser des questions par la suite.
Je vais commencer par couvrir les trois questions qui m'ont été posées la semaine dernière. Je vous parlerai d'abord de l'obligation de rendre compte faite aux organismes non gouvernementaux en ce qui a trait à la prestation des services de même qu'à la reddition de comptes au gouvernement. En ce qui nous concerne, je pense que la reddition de comptes revêt essentiellement deux aspects: Le premier est la responsabilité comptable et l'autre est la responsabilité sur le plan des programmes.
La responsabilité financière est relativement bien établie. Il n'y a, pour l'instant, aucune difficulté entre les ONG et les fournisseurs de fonds gouvernementaux relativement à la responsabilité financière. Il existe des procédures en matière de vérification. Les états financiers vérifiés sont généralement soumis au gouvernement de façon périodique et à intervalles prédéterminés.
D'un autre côté, les choses ne sont pas aussi claires dans le cas de l'évaluation des programmes, sans doute parce que ce genre d'activités, dans le domaine des services sociaux, n'est pas un art encore bien maîtrisé. Même les théoriciens de la question fouillent encore le sujet et force est de constater que l'évaluation des programmes, dans les services sociaux, n'est pas une science très exacte.
Au sein des ONG, qui luttent sans cesse pour leur survie et qui sont aux prises avec d'autres difficultés de fonctionnement, on tend parfois à oublier l'évaluation des programmes. Par contre, les ONG qui la pratiquent la trouvent extrêmement valable.
Notre organisme estime que l'évaluation des programmes est essentielle. Elle nous aide à améliorer nos services, à évaluer les différentes façons d'offrir un service pour mieux venir en aide à notre clientèle, réaliser des économies et mieux utiliser notre budget.
Les ONG qui sont mal financées essaient de tirer le maximum de leur budget. Il en va donc de notre intérêt de faire en sorte que nos programmes soient particulièrement rentables.
Dans le milieu des prestateurs de services sociaux, on parle généralement de deux types d'évaluation. Le premier est ce que l'on appelle l'évaluation de l'incidence ou des résultats, qui consiste à se demander si un service donné permet vraiment d'aider les clients. Pour ce qui a trait à l'établissement des immigrants, on peut se demander si nos programmes favorisent l'intégration des nouveaux arrivants.
Comme vous le savez, l'intégration elle-même n'est pas très bien définie. Tout le monde ne définit pas de la même façon ce qu'il faut entendre par une intégration véritable dans la société canadienne. À cause de cette imprécision, nous avons affaire à une science très approximative quand vient le temps d'évaluer les résultats.
Le plus souvent, nous partons du principe que le service offert est valable, qu'il aide effectivement les clients et, dès lors, nous nous contentons d'effectuer ce qu'on appelle une évaluation des processus.
Celle-ci consiste à mesurer l'information de nature opérationnelle, comme le nombre de clients servis, le nombre de clients qui reviennent pour bénéficier de différents services ou la ventilation par sexe et par âge, et ainsi de suite. Il s'agit plutôt de renseignements sur les clients et sur leur temps de résidence au Canada.
C'est cela que les organismes d'aide à l'établissement ont tendance à faire en matière d'évaluation. C'est assez limité, parce que l'évaluation d'incidence est particulièrement complexe. En effet, le suivi d'un groupe de clients sur un certain laps de temps afin d'étudier l'incidence de certains services dont ils ont bénéficié peut être s'étaler sur plusieurs années.
Il convient d'isoler différents facteurs ayant pu influencer leur intégration. Nous ne pouvons pas plus revendiquer tous les cas d'intégration réussie qu'on ne peut nous reprocher les échecs. En effet, de nombreux autres facteurs influencent l'intégration, comme l'emploi ou la situation familiale. Ce n'est généralement pas quelque chose dont les organismes d'aide à l'établissement s'occupent.
Pour l'évaluation des processus, on s'intéresse au fonctionnement. Nous savons que le gouvernement veut obtenir des statistiques ou des données quant au type de personnes que l'on aide, au nombre de clients servis et toute autre information comme la profession de nos clients dans leur pays d'origine et leur profession depuis leur arrivée au Canada.
Il est très difficile de trouver une formule convenant à tout le monde, un mécanisme d'évaluation de programme pouvant s'appliquer à tous les organismes. Les différences d'un organisme à l'autre sont considérables, selon qu'il s'agit d'un milieu rural ou urbain, selon la taille de l'organisme et la population d'immigrants desservie et même selon les origines et la philosophie des organismes eux-mêmes. En effet, ce qui est valable pour un organisme peut ne pas l'être pour un autre.
Voilà pourquoi il est important de s'en tenir à un petit dénominateur commun. Le nombre d'informations que les organismes doivent recueillir devrait être relativement faible et ceux-ci devraient avoir assez de latitude pour rassembler les renseignements qui leur paraissent importants, afin de dériver des indicateurs qui sont importants à leurs yeux.
Les exigences relatives à la collecte des données ne devraient pas être lourdes au point qu'il soit nécessaire de prendre sur le temps normalement consacré à la prestation des services. Cela devrait être assez simple pour que les organismes n'aient pas à engager un conseiller en évaluation de programme, à temps plein ou à contrat.
Il ne faut pas oublier non plus qu'une grande partie de ces renseignements n'ont pas à être recueillis de façon régulière. Le travail d'évaluation pourrait en grande partie être limité dans le temps si l'on pouvait s'appuyer sur un questionnaire ou sur des données recueillies pendant une période déterminée. Il existe diverses façons de simplifier les choses.
Pour élaborer un mécanisme d'évaluation des processus, il pourrait être intéressant d'assurer un soutien financier à un petit groupe d'ONG ou à une ONG intéressée afin de permettre une consultation avec d'autres ONG et la mise au point de modèles variés utilisables par tous les organismes et pouvant s'appliquer à différentes situations. Il y a énormément de variables: il pourrait s'agir d'un organisme en milieu rural ou en milieu urbain desservant un groupe particulier d'immigrants ou opérant dans un milieu où de nombreux autres services sont également offerts.
Les choses sont très différentes selon qu'il s'agit d'un organisme situé à Terre-Neuve qui est le seul à offrir un service d'aide à l'établissement, ou d'un organisme de Toronto qui est un parmi 30 ou 50 autres desservant la population d'immigrants. Les variables étant tellement nombreuses, il est impossible de disposer d'un modèle convenant à tous les organismes dans toutes les villes. Voilà pourquoi il est très important de ne pas perdre de vue toutes ces différences. On pourrait élaborer plusieurs modèles pour que chaque organisme choisisse celui lui correspondant le mieux pour l'appliquer à sa propre situation.
Il serait également très utile que le ministère organise des ateliers ou des séances de consultation pour expliquer la façon dont les choses fonctionnent. En effet, si l'on n'explique pas clairement les modalités d'évaluation d'un programme, on finit par comparer des pommes avec des oranges. On peut bien accumuler un grand nombre de renseignements, mais ils ne signifieront pas grand-chose.
Je vais vous citer un cas où l'on estimait que les choses seraient facilement mesurables. Il s'agit d'un service qui consiste à livrer des repas à domicile aux personnes âgées. Il y a aussi un autre programme, baptisé «ramassage-repas» qui consiste à transporter les personnes âgées à un lieu où l'on sert des repas.
Dans le cadre de la collecte de données, un organisme a déclaré qu'il servait 200 repas et un autre a également communiqué le nombre de repas servis. À partir de là, le gouvernement a établi qu'un des deux organismes pouvait servir 200 personnes pour un coût moindre que l'autre, ce qui en faisait donc une organisation apparemment meilleure et plus rentable.
Mais à l'analyse, on a constaté que tel n'était pas le cas. On avait certes fourni les statistiques, mais on n'avait pas mesuré la même chose. Et pourtant, on aurait pu penser que quelque chose d'aussi simple que des repas n'aurait pas dû prêter à la confusion.
Pourtant, un organisme avait compté le nombre de repas servis non seulement aux personnes âgées, mais également aux bénévoles travaillant sur place. Les bénévoles, eux aussi, mangent. On ne peut pas simplement leur demander de regarder les personnes âgées se nourrir, il faut bien aussi les servir et on avait donc compté leurs repas. Par contre, l'autre organisme avait estimé que les bénévoles n'étaient pas des personnes âgées et qu'il ne fallait donc pas compter leurs repas.
Si on compare leur rentabilité, l'organisme n'ayant pas compté les bénévoles est pénalisé. Vous n'avez pas idée du nombre de facteurs qui peuvent fausser les calculs pour quelque chose d'aussi simple qu'un repas.
Mais quand il s'agit d'un service, les choses sont beaucoup plus complexes dans le domaine de l'orientation en matière d'établissement. Il y a là beaucoup de place pour l'erreur. Si l'on se retrouve avec des données accusant un taux d'erreur de plus ou moins 30 ou 50 p. 100, les résultats ne signifient plus grand-chose et ils sont administrativement inutilisables.
Quand on élabore un système de ce genre, il est sage de consulter les organismes communautaires. Ils peuvent en effet vous dire quelles sont leurs particularités en matière de prestation des services, ce qui vous permettra de parvenir à des renseignements plus précis et à des instruments de mesure plus exacts.
Enfin, je dirais simplement qu'afin de permettre aux prestateurs de service de se concentrer sur la fourniture des services, sur leur amélioration et sur la conduite d'une bonne évaluation des programmes, il importe de leur laisser savoir que le gouvernement s'engage à leur assurer un financement stable et à continuer de les soutenir. Quand les employés d'un organisme doivent fonctionner dans des conditions incertaines, ils n'ont pas l'esprit à la prestation des services. Toute la journée, ils se demandent d'où viendra leur prochain chèque de paye. Ils ne peuvent pas vraiment se concentrer sur l'amélioration des services quand ils sont inquiets.
Je vais à présent vous parler de la structure du comité consultatif local. Je ne connais pas l'historique de ce comité et je ne sais pas non plus ce que vous en pensez. Je veux simplement vous présenter de façon très générale le genre de critères qu'il convient, selon moi, de ne pas perdre de vue.
Les membres du comité consultatif doivent être au courant des questions relatives à l'établissement. Ils doivent comprendre que l'établissement n'est pas une affaire de six mois, d'un an ou de trois ans et que sa durée peut varier d'une personne à l'autre. Ils doivent parfaitement comprendre ce dont il s'agit.
Les membres du comité doivent aussi connaître la gestion des programmes et les questions relatives aux finances et au fonctionnement d'un organisme. En outre, il faut faire attention aux conflits d'intérêts, toujours possibles dans les comités locaux.
Les membres du comité doivent être rémunérés pour leur temps. Certes, ce ne sont pas des salariés de l'organisme, puisqu'ils sont bénévoles. Cependant, il faudrait les rémunérer pour leur temps afin qu'ils puissent faire les efforts requis. En outre, cela leur permettrait de participer sur un même pied que tous les autres. Si je vous dis cela, c'est que je ne sais pas à quel genre de structure vous avez pensé.
De plus, le comité doit être représentatif de la population immigrante, et compter, éventuellement, des immigrants nouvellement arrivés et des immigrants de plus longue date.
Bien qu'il soit important d'avoir un point de vue local, il ne faut négliger pour autant le point de vue du gouvernement fédéral ou du gouvernement provincial. Nous nous soucions de l'uniformité des services et des normes retenues à l'échelle de la province et du pays. Sans cela, vous risquez d'assister à des mouvements migratoires vers les endroits où on offre de meilleurs services.
Encore une fois, comme on confie une telle responsabilité à un comité consultatif local, on n'insistera jamais assez sur le risque de conflit d'intérêts dans les petites villes. Vous devez donc envisager une structure permettant d'éviter ce genre de problème.
Les modèles d'organismes fédéraux-provinciaux ou d'organismes consultatifs locaux abondent. Vous auriez peut-être intérêt à les examiner pour éviter les pièges dans lesquels certains sont tombés et pour tirer profit de leurs réussites.
Enfin, je parlerai du rôle du gouvernement fédéral. Il est notamment très important de veiller à communiquer des renseignements conséquents aux agents en poste à l'étranger. Cela nous préoccupe beaucoup. Si chaque province a son mot à dire en matière d'immigration, ne va-t-on pas se retrouver avec des renseignements différents et contradictoires en provenance des diverses provinces?
Un résident étranger ne se rappellera pas forcément de quelle province lui est parvenu tel ou tel renseignement. À son arrivée au Canada, il peut très bien se déplacer. On peut donc s'attendre à ce qu'il y ait beaucoup de méprises et de malentendus.
Le gouvernement fédéral peut également s'assurer que les fonds d'aide à l'établissement soient répartis de façon équitable en fonction du nombre de nouveaux arrivants dans chaque province et que ces fonds servent à la prestation de services d'aide à l'établissement et à rien d'autre.
Le gouvernement fédéral peut remplir un autre rôle très important, celui de s'assurer que la qualité des services obéit à la même norme, partout au Canada. La communication aussi est importante pour que les ONG et les provinces reçoivent les mêmes renseignements.
Enfin, le gouvernement doit continuer à recueillir les droits qu'il a établis.
Le vice-président (M. Dromisky): Merci beaucoup.
Nous allons débuter la période de questions par M. Nunez.
[Français]
M. Nunez (Bourassa): Merci pour votre exposé. Je vois que votre organisme existe depuis 1977. Vous avez beaucoup d'expérience dans le domaine de l'accueil et de l'intégration des immigrants. Pouvez-vous nous donner un aperçu général des services que vous offrez? Qui est responsable de l'évaluation et à quelle fréquence se fait-elle? Est-ce que tous les services que vous offrez sont gratuits?
[Traduction]
Mme Tam: Je commencerai par répondre à votre dernière question. Presque tous nos services sont gratuits. Il peut arriver que nous exigions un petit quelque chose dans quelques rares cas.
Notre organisme dispense des services d'orientation en matière d'établissement aux nouveaux arrivants, tant aux particuliers qu'aux groupes. C'est ainsi que nous avons pu rendre notre programme plus rentable. Dans certains cas, nous nous adressons à des groupes, par exemple, pour les renseignements sur l'emploi, sur les processus d'immigration, sur le logment et sur le système éducatif.
Nous offrons également des cours d'anglais. À un moment donné, nous dispensions aux personnes formées aux soins infirmiers à l'étranger une formation destinée à leur permettre de devenir aides-infirmières en Ontario. Nous avons fait cela pendant un an mais nous avons cessé à cause des réductions du financement.
Nous offrons également un service de counselling personnel aux particuliers et aux familles. Comme vous le savez, certains réfugiés ont été traumatisés par la torture ou la guerre et nous leur offrons un counselling aide spécialisé dans différentes langues. Nous offrons nos services dans un total de 22 langues environ. Le bassin des langues utilisées dans le cadre du programme de counselling continue à s'élargir. Je pense qu'à l'heure actuelle nous pouvons offrir ce service dans huit à dix langues. Au besoin, nous pouvons toujours faire appel à des interprètes culturels qui parlent d'autres langues.
Nous offrons également un programme spécial aux immigrantes portant sur la législation en matière de bien-être de l'enfance et sur le droit de la famille - surtout ce qui touche à la violence conjugale, à la nutrition, à la santé, à l'habillement pour l'hiver et ainsi de suite.
Nous offrons également un programme de développement communautaire grâce auquel nous pouvons aider de petits organismes à vocation ethnique à se débrouiller eux-mêmes. Nous leur fournissons les informations de base et nous les aidons parfois à trouver un local où tenir leurs réunions.
Nous avons aussi ce que nous appelons un programme de liaison multiculturelle dans le cadre duquel nous offrons des services aux enfants immigrants dans les écoles, ainsi qu'à leurs parents et au personnel des écoles. Nous intervenons sur les trois plans. Nous aidons le personnel de l'école à comprendre les conditins qu'ont connu les immigrants, leur culture et les barrières ils doivent surmonter pour s'intégrer à l'école. Nous aidons les parents à comprendre le système éducatif pour qu'ils puissent à leur tour aider leurs enfants à mieux faire à l'école ou à prendre une part plus active aux activités scolaires, comme les rencontres parent-professeur. Enfin, nous aidons les enfants à s'adapter au système parce que la plupart des services d'aide à l'établissement au Canada ne sont offerts qu'aux adultes. Les services offerts aux enfants et aux adolescents sont rares, pour ne pas dire inexistants.
Voilà donc les services que nous offrons.
Notre organisme pratique l'évaluation des programmes depuis pas mal d'années déjà. En fait, cela a commencé sous l'impulsion de Centraide d'Ottawa-Carleton. Vous verrez que de nombreux bureaux de Centraide un peu partout au Canada exigent de telles évaluations des organismes qu'il finance.
Cependant, à cause des fonds limités dont nous disposons, nous ne pouvons nous permettre les services d'un expert-conseil, sauf dans le cas d'un programme qui a été évalué par un consultant de l'extérieur. Généralement, ce travail est effectué par notre conseil d'administration. Celui-ci est composé de bénévoles et certains membres siègent au comité des programmes où ils examinent chaque programme et demandent pourquoi telle ou telle chose aura été faite de telle ou telle façon. Là encore, nous nous limitons à l'évaluation des processus.
Je vous en ai apporté quelques exemples. Ne vous gênez pas si vous voulez les parcourir.
Ces documents sont produits à l'interne. Le personnel fournit les statistiques et les membres du conseil soulèvent les questions car ils sont plus objectifs pour évaluer les programmes.
M. Mayfield (Cariboo - Chilcotin): Pendant que vous nous donniez les détails de la reddition de comptes, je me demandais si vous ne pourriez pas nous parler de l'historique de votre organisme et de de votre mission. Pouvez-vous me dire en quelques mots qui vous êtes et quelle est la nature de votre organisation?
Mme Tam: Elle a été mise sur pied de façon informelle en 1976 et, à ma connaissance, elle a été constituée en organisation caritative sans but lucratif en mai 1978, je crois.
Au début, il s'agissait de faire face à l'afflux de gens qui avaient fui l'Indochine en bateau dans le cadre du projet 4000. Cela vous dira peut-être quelque chose, mais moi je n'étais pas là. C'était un projet lancé par Marion Dewar quand elle était maire d'Ottawa. Comme beaucoup de bénévoles participaient à l'opération, un conseil d'administration composé de bénévoles a été mis sur pied.
Ce n'est qu'un an ou deux plus tard que l'organisme a engagé son premier salarié. Au début, tout le monde était bénévole. C'était des bénévoles qui enseignaient l'anglais. Bien sûr, le programme n'était pas normalisé, pas plus que les titres de compétence des enseignants. Ceux et celles qui le désiraient, et qui en avaient le temps et l'énergie, pouvaient enseigner. C'est ainsi que les choses fonctionnaient.
Au fil des ans, elles ont évolué. Près de vingt ans plus tard, les organismes d'aide à l'établissement ont considérablement changé, par leur taille et par leur mandat.
Notre énoncé de mission précise que nous sommes là pour aider les nouveaux arrivants, immigrants ou réfugiés, à participer pleinement à la vie économique, politique et sociale du Canada. C'est la définition que nous donnons à l'intégration. Elle est très vaste.
Essentiellement, nous aidons les gens à se familiariser avec le au fonctionnement des systèmes canadiens, avec la façon dont fonctionne le système de soins de santé, les transports, les lois du pays et ainsi de suite. Nous les outillons, en quelque sorte.
À un moment donné, nous avions organisé un club de recherche d'emploi qui aidait nos clients à rédiger des curricuculum vitae et à chercher du travail. À une époque, c'était très facile: il suffisait de faire quelques appels téléphoniques et l'on trouvait un emploi pour le client. Mais avec le temps, tout cela a changé et maintenant nous n'aidons plus personne à rédiger des curriculum vitae. Ils le font eux-mêmes.
Nous offrons aussi des programmes de formation linguistique dans le cadre desquels nous donnons une formation de base, une sorte d'anglais de survie, mais il y a également d'autres programmes linguistiques qui nous permettent de former nos clients en vue de favoriser leur intégration au marché du travail. Pour l'instant, nous n'offrons pas ce programme.
Nous donnons également des ateliers sur un thème s'apparentant à celui des projets de développement économique. Par exemple, dans le cadre du programme pour immigrantes, nous demandons aux femmes de nous dire ce qui les intéresse. À un moment donné, c'était la couture puis, plus tard, elles voulaient travailler comme traiteurs pour différents groupes et gagner un peu d'argent.
Plus récemment, nous avons mis sur pied un cours portant sur la façon de lancer sa propre entreprise à l'intention des immigrantes, pour leur montrer les ficelles; nous leur disons comment s'y prendre pour lancer une entreprise au Canada, quelles sont les règles à suivre, tout ce à quoi elles doivent faire attention. Dans le cas d'une entreprise de traiteurs, il y aura, par exemple, les règlements en matière de santé. Nous leur donnons tous les outils dont elles ont besoin pour devenir autonomes. Nous essayons de leur donner les moyens de se lancer et d'identifier leurs points forts.
Notre projet le plus récent a été notre programme de conseillères en périnatologie. Nous avons formé un groupe de femmes qui avait déjà reçu une formation dans le domaine de la santé dans leurs pays d'origine. Nous leur avons fait suivre un cours du ministère de la Santé publique. À la fin du cours, elles connaissaient le système hospitalier et pouvaient apporter un soutien aux nouvelles arrivantes sur le point de donner naissance à leur premier enfant au Canada et qui ne savaient pas que faire à cause des barrières d'ordre linguistique et culturel.
Ces techniciennes seront rémunérées à l'acte. Elles nous appellent, nous effectuons une sélection et nous les référons à la personne appropriée. Les conseillères en santé périnatale accompagneront jusqu'à l'hôpital les femmes sur le point d'accoucher et l'hôpital les remboursera. Donc, nous offrons également ce programme.
À l'occasion, nous offrons également un enseignement interculturel aux organismes qui comptent un nombre croissant d'immigrants parmi leur clientèle mais ne savent pas vraiment comment composer avec eux. Nous leur enseignons certaines choses élémentaires, comme les coutumes ou la culture de leurs clients, parce qu'il s'est produit, dans le passé, quelques incidents rares mais très regrettables dont les causes étaient pourtant fort simples.
Je vais vous donner un exemple qui s'est produit à l'école Cambridge, si je ne m'abuse, il y a quelques années. En plein mois de janvier, l'école toute entière a dû être évacuée à cause de ce qu'on avait cru être une fuite de gaz. Pendant l'heure du repas, un enseignant qui s'était rendu dans la cafétéria a détecté une odeur ressemblant à celle du gaz naturel et en a fait part au directeur. Celui-ci a immédiatement prévenu le service des incendies et, à leur arrivée, les pompiers ont repéré l'origine de l'odeur: directement sous un ventilateur dans la cafétéria. C'était quelque chose d'enveloppé dans du Saran et qui avait été placé directement sous le ventilateur, de sorte que l'odeur s'était propagée dans tout le système d'aération.
Un peu plus tard, on s'est rendu compte qu'il s'agissait d'un fruit tropical à l'arôme marqué. C'est le fruit que je préfère, mais bien des gens le détestent. et disent que son odeur rappelle celle des ordures ou du gaz. C'était quelque chose de fort simple, mais toute l'école a dû être évacuée et les élèves ont été rassemblés et dirigés vers une école voisine. Donc bien des choses qui peuvent paraître, a priori, fort simples peuvent donner lieu à des incidents incroyables.
Nos agents de liaison interculturels, qui travaillent dans les écoles pour régler les différents problèmes qui s'y posent, ont été récemment mêlés à un autre incident. Ils peuvent donner des ateliers de formation interculturelle aux enseignants, mais ils peuvent aussi être appelés à régler de petits problèmes. Ainsi, un enseignant avait remarqué qu'un enfant iranien portait une paire de bottines beaucoup trop petites pour lui. Comme il ne pouvait en parler avec les parents à cause de la barrière linguistique et était inquiet, il a communiqué avec le travailleur iranien pour lui demander de prendre contact avec les parents.
Un autre parent aurait pu conclure que cet enfant était maltraité, que les parents ne l'aimaient peut-être pas, qu'ils ne se préoccupaient pas de son bien-être ou qu'ils étaient tellement pauvres qu'ils ne pouvaient lui acheter une nouvelle paire de bottines. Les conclusions possibles sont innombrables. Mais notre employé, lui, a découvert que le père de l'enfant était un musulman très pratiquant. Il ne voulait rien acheter d'autre qu'une paire de bottines halal, dont le cuir est traité conformément aux principes de la religion musulmane. Il avait rapporté la paire en question d'Iran depuis je ne sais combien d'années et il n'avait pas l'intention d'acheter un produit canadien qui ne soit pas halal. C'est alors que le travailleur a pu lui expliquer que l'on pouvait se procurer ici des bottines synthétiques et que rien n'interdisait le port de bottines en caoutchouc ou en n'importe quelle autre matière. L'enfant a donc été très heureux de recevoir une nouvelle paire de chaussures. Mais l'histoire ne s'arrête pas là.
Nous avons découvert qu'on avait supposé que l'enfant avait deux ans de plus que son âge réel à cause du fait que le calendrier iranien est différent du nôtre. La nouvelle année tombe au mois de mars et je crois que deux personnes ont, tour à tour, ajouté une année à l'âge de ce pauvre enfant de sorte qu'au moment de son inscription, il avait officiellement deux ans de plus que son âge réel. On l'avait donc mis en première ou en deuxième année, je ne sais pas exactement.
Quand on a découvert l'erreur, on a décidé de le redescendre de deux classes pour le placer en maternelle ou en pré-maternelle et son jeune frère, qui était en pré-maternelle, a été renvoyé à la maison pour deux autres années.
Pensons-y un instant. Si l'on ne s'était pas rendu compte de cette erreur, on aurait étiquetté ces enfants comme ayant des difficultés de développement ou comme présentant un comportement perturbateur à cause d'un manque de maturité pour leur âge. On peut imaginer l'ampleur du quiproquo.
Voilà le genre de problèmes auxquels nous sommes confrontés.
Mme Clancy (Halifax): Bienvenue, madame Tam. Je suis heureuse de vous revoir, car cela fait déjà longtemps.
Au fait, excusez-moi d'être arrivée en retard, j'ai été retenue à la Chambre.
Quand je suis arrivée, vous étiez en train de parler de la constitution de votre conseil d'administration et des gens qui travaillent au sein d'associations d'aide à l'établissement comme la vôtre. Une chose a retenu mon attention: vous avez dit qu'il fallait s'assurer d'éviter tout conflit d'intérêts. Qu'entendez-vous par là exactement?
Mme Tam: Je parlais de reddition de comptes. Je crois que les gens des organismes communautaires se perdent en conjectures et se demandent à quoi pourrait ressembler ce Comité consultatif local si l'aide à l'établissement était effectivement confiée à l'échelon local. Qui finirait par y siéger? Qui déciderait d'attribuer les fonds? De toute évidence, vous ne voulez pas que je siège à ce comité pour attribuer des fonds à mon organisme, parce que le conflit d'intérêts serait alors évident.
Mme Clancy: Mais s'il y avait des gens comme vous qui siègent à ce comité et qui représentent les différents organismes? Dans ce cas, la tension serait différente.
Mme Tam: C'est exact. Mais je ne suis pas certaine si...
Mme Clancy: Ce n'est pas ce que je veux dire. Je voulais simplement clarifier ce dont vous parliez. Ça va. J'en ai raté une partie.
Deuxièmement, vous avez dit que les services devraient être de qualité égale dans tout le pays et je pense que c'est là un point très important à la lumière de ce que nous avons appris au cours de nos dernières consultations. Je me rappelle, par exemple, une séance de consultation à Sarnia, en Ontario, où plusieurs groupes sont venus nous dire qu'ils seraient ravis qu'un plus grand nombre d'immigrants choisissent Sarnia. Le problème, bien sûr, c'est que les gens ont tendance à aller là où se trouvent leurs familles ou leurs amis, ou du moins là où il y a déjà une communauté de leurs pays d'origine
S'agissant de la nécessité de fournir des services de qualité égale, dès que l'on sort des cinq grandes villes... En fait, il y a vraiment trois grandes villes d'accueil pour les immigrants au Canada. Mais même ma petite ville de Halifax a une association d'aide à l'installation des immigrants qui est pas mal active. Donc, dès que l'on passe aux petites villes, qui accueillent moins d'immigrants... Avez-vous une idée, grâce à votre expérience ou à votre travail, du niveau des services d'aide à l'établissement dans les petits centres urbains?
Mme Tam: Je ne suis pas très au courant de ce qui se passe dans les autres petites villes, mais je dois préciser que je ne veux pas dire que l'uniformité doit régner.
Mme Clancy: Bien sûr, je comprends.
Mme Tam: Nous voulons, je crois, simplement nous assurer que des services sont disponibles même dans les petites villes. Peut-être faudrait-il envisager pour elles des modèles de prestation de services différents et peut-être que ces services devraient relever d'un organisme central s'occupant d'un certain nombre de choses.
Je sais qu'à Terre-Neuve il y a un organisme d'accueil des nouveaux arrivants qui effectue un travail différent du nôtre. Il travaille à un niveau de détail que nous n'imaginons pas.
Mme Clancy: Vous devez être particulièrement au courant de la question des bottines à Terre-Neuve.
Mme Tam: Tout à fait.
Mme Clancy: Vous avez parlé des méprises et des malentendus auxquels la politique peut donner lieu et vous avez dit craindre que cela ne se produise si l'on en venait à confier trop de responsabilités aux provinces, que les normes seraient différentes. Autrement dit, si, avant de quitter son pays d'origine, une personne pense aboutir en Ontario et qu'elle décide ensuite de déménager pour se retrouver en Saskatchewan ou ailleurs... Quel genre de renseignements ces provinces donnent-elles aux immigrants à l'heure actuelle? Êtes-vous au courant?
Mme Tam: Pas vraiment, mais j'ai entendu dire que le Québec donnait des renseignements différents. Je pense aux emplois occupés à l'étranger et aux titres de compétence étrangers que toutes les provinces ne reconnaissent pas de la même façon.
Mme Clancy: Je n'étais pas certaine que c'était de cela dont vous parliez. Donc, vous parlez, par exemple, des associations professionnelles ou...
Mme Tam: Il pourrait également s'agir d'autres choses, même des lois en vigueur dans les différentes provinces. Je pense que les agents en poste à l'étranger risquent de trouver très troublant d'avoir affaire à des gens ne sachant pas dans quelle province ils vont aboutir et ayant entendu différentes histoires, parce que très souvent ils auront été mal informés. Il arrive très souvent que les gens prétendent qu'on ne leur a jamais dit, dans les bureaux à l'étranger, qu'ils ne pouvaient pas directement pratiquer la médecine au Canada.
[Français]
M. Nunez: Pouvez-vous nous dire quelques mots à propos du financement de votre organisme? Est-ce qu'il vient seulement du gouvernement ou s'il vient aussi d'organismes privés, de donations, etc.?
[Traduction]
Mme Tam: Excusez-moi. Vous m'aviez posé la question plus tôt et je n'y ai pas répondu.
Nous sommes financés par différents ordres de gouvernement, notamment les ministères de la Citoyenneté et de l'Immigration et Patrimoine Canada, pour le gouvernement fédéral, et par le ministère provincial de la Citoyenneté et de l'Immigration. À l'occasion, nous recevons des fonds du ministère des Services sociaux et communautaires. Nous sommes aussi financés par la Municipalité régionale d'Ottawa-Carleton, par la Ville d'Ottawa et par Centraide dont la contribution est également très importante pour nous. En outre, il y a tous les dons que nous recevons et certaines activités qui nous rapportent un peu d'argent.
M. Nunez: Quel est le total?
Mme Tam: Le total du budget?
M. Nunez: Oui.
Mme Tam: Il varie entre 1,3 et 1,4 million de dollars par an.
[Français]
M. Nunez: Pour combien de clients?
[Traduction]
Mme Tam: Entre 5 000 et 6 000 par an.
[Français]
M. Nunez: Vous avez dit qu'au cours des dernières années, vous avez offert des services aux réfugiés vietnamiens en particulier. Aujourd'hui, est-ce que la clientèle a changé et comment vous êtes-vous adaptés à la nouvelle clientèle?
[Traduction]
Mme Tam: Au début, nous offrions nos services essentiellement aux réfugiés indochinois. Aujourd'hui, nous avons encore des clients venant du Viêtnam, mais nous en avons aussi qui viennent de Pologne, de Somalie, de Russie, de l'ex-Yougolsavie, des pays hispanophones et d'Asie du Sud-Est. Cela se reflète d'ailleurs dans le fait que nos employés parlent en tout 22 langues.
La manière dont nous nous en sortons est la suivante: chaque fois qu'un de nos employés nous quitte, nous réévaluons nos besoins de façon à le remplacer par quelqu'un qui parle les langues requises. Par exemple, quand j'ai commencé à travailler pour l'organisme, il y a cinq ans, nous n'avions aucun employé parlant le somalien. Aujourd'hui, nous en avons sept ou huit. Demain, la situation changera peut-être encore, selon les besoins. De même, nous avons aujourd'hui deux employés qui parlent le russe, alors que nous n'en avions aucun il y a cinq ans.
Nous essayons de nous adapter. Je crois que les ONG savent généralement bien s'adapter à l'évolution de la situation. De toute façon, nous sommes tellement habitués aux changements que cela nous devient très facile.
[Français]
M. Nunez: Avez-vous des chiffres sur le nombre de clients que vous servez par année, pour l'année dernière, par exemple?
[Traduction]
Mme Tam: Entre 5 000 et 6 000. Le chiffre n'est pas très précis, car certains clients peuvent avoir été comptabilisés deux fois. Si nous fournissons deux services différents à la même personne, cela peut arriver. En gros, cependant, le chiffre se situe entre 5 000 et 6 000.
[Français]
M. Nunez: Et vous, comme employée de l'organisme, est-ce que vous offrez des services en français?
[Traduction]
Mme Tam: Entre 30 p. 100 et 40 p. 100 de nos employés parlent le français et l'anglais. Nous avons également mis sur pied un projet de liaison multiculturel. Nous avons fourni une année de services au sein du conseil scolaire public francophone, et nous espérons continuer cet automne. De plus, le conseil a engagé des fonds à ce sujet.
J'ai oublié de mentionner que le Conseil scolaire d'Ottawa fournit également des crédits pour notre programme de liaison multiculturelle qui représentent la moitié du budget. À l'automne, nous espérons faire la même chose avec le conseil francophone et avec le Conseil scolaire de Carleton.
[Français]
M. Nunez: Est-ce que vous devez rendre des comptes à tous ces organismes? Est-ce qu'il faut que vous fassiez des bilans financiers, etc.?
[Traduction]
Mme Tam: Cela dépend de nos bailleurs de fonds. Certaines organisations peuvent fonctionner de manière un peu différente. Par exemple, certaines organisations affiliées à des Églises peuvent recevoir des fonds de ces dernières et fonctionner avec un système de responsabilité financière différent. Certaines organisations ne sont pas financées par les services locaux de Centraide, organisme qui a tendance à exiger beaucoup d'informations. Par exemple, l'an dernier, nous avons dû fournir un plan pluriannuel à Centraide. C'est un plan de quatre ans exposant les services que nous avons l'intention d'offrir.
Nous fournissons parfois aussi des évaluations de nos programmes, si le bailleur de fonds l'exige. La situation peut varier de l'un à l'autre, mais tous exigent des rapports financiers.
[Français]
M. Nunez: Est-ce que les exigences du gouvernement sont plus sévères, par exemple celles des ministères de la Citoyenneté et de l'Immigration et du Patrimoine canadien, à l'égard de ces clients du secteur privé?
[Traduction]
Mme Tam: À mon avis, c'est Centraide qui est probablement la plus exigeante car l'argent qu'elle distribue lui vient de dons. Elle veut donc s'assurer que tout cet argent est utilisé à bon escient.
Je pense que Centraide est probablement le bailleur de fonds le plus exigeant - mais cela ne veut pas dire que les gouvernements ne le soient pas. Je pense même que le gouvernement fédéral est plus exigeant en matière de rapports financiers. Nous devons remettre des formulaires mensuels. Certains bailleurs de fonds exigent beaucoup d'information sur les clients, ce qui nous prend beaucoup de temps.
Par exemple, en ce qui concerne les services de counselling du gouvernement régional, nous devons fournir le nom de chaque client, ainsi que son revenu, pour pouvoir prouver qu'il était admissible à nos services. S'il y a une erreur dans le nom ou dans le prénom, par exemple parce que nous les avons mal épelés ou intervertis, nous n'obtenons pas l'argent.
M. Hanger (Calgary Nord-Est): Je voudrais moi aussi vous parler de financement, mais pas des fonds d'origine gouvernementale. Puisque vous avez évoqué Centraide, pourriez-vous nous dire quel pourcentage de vos fonds provient de l'entreprise privée, de dons privés?
Mme Tam: C'est un pourcentage relativement minime si l'on en exclut Centraide.
M. Hanger: C'est précisément ce que je vous demande.
Mme Tam: En excluant Centraide, c'est peut-être 5 p. 100, voire moins. Chaque année, nous faisons beaucoup d'efforts pour recueillir des fonds mais il s'agit-là d'une activité très spécialisée, pour laquelle il faut recruter des spécialistes. Hélas, comme nous n'avons pas assez d'argent pour les payer, nous ne pouvons pas les recruter et nous devons donc nous débrouiller nous-mêmes.
Cela veut dire que nous devons demander aux membres de notre conseil d'administration, qui sont d'excellentes personnes, de consacrer du temps à l'organisation de collectes de fonds. L'an dernier, nous en avons organisé une qui nous a rapporté environ 6 000$. Ce n'est pas une somme énorme. Certaines personnes nous font spontanément des dons, mais ce n'est donc pas un montant...
M. Hanger: Vous disiez qu'il y a des différences en ce qui concerne les fonds fournis à différentes organisations. Autrement dit, chaque ONG ne reçoit pas le même pourcentage de fonds, d'origine publique ou privée. Pourriez-vous expliquer ce que vous voulez dire par là?
Mme Tam: Je ne voulais pas nécessairement parler de pourcentages. Ce que je voulais dire, c'est que différentes organisations ont des sources de financement différentes. Par exemple, une organisation peut être financée par le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration mais pas par la Ville d'Ottawa ou par Centraide. Une organisation peut être financée par le ministère de l'Éducation, mais une autre pas. Je parlais donc simplement de bailleurs de fonds différents.
M. Hanger: Ces organisations fournissent-elles des services équivalents ou inférieurs aux vôtres?
Mme Tam: Il y a bien des organisations de tailles différentes qui fournissent des services aux nouveaux arrivants. Il y a certaines organisations très petites qui n'ont que deux ou trois personnes et qui fournissent également des services aux nouveaux arrivants.
M. Hanger: Reçoivent-elles également des fonds du gouvernement?
Mme Tam: C'est possible.
M. Hanger: Ou en reçoivent-elles plutôt des églises ou d'autres organismes?
Mme Tam: Cela dépend.
M. Hanger: Je vais vous parler d'un cas intéressant qu'on m'a rapporté à Calgary. Il s'agit d'un groupe de Vietnamiens qui exprimaient des inquiétudes au sujet de leur intégration dans la société canadienne. Une entreprise de la région de Calgary employait environ 350 Vietnamiens dont moins de la moitié parlaient l'anglais. En outre, la plupart de ceux qui parlaient un peu l'anglais avaient quand même du mal à le parler assez bien pour fonctionner normalement.
Le problème est que les services publics ne répondaient pas à leurs besoins de formation linguistique ou autres et bien des organisations religieuses non plus. Bon nombre de ces personnes, qui étaient pourtant ici depuis plusieurs années, se trouvaient toujours dans la même situation.
Certaines organisations religieuses voulaient intervenir davantage et ont demandé un peu d'aide supplémentaire au gouvernement mais, comme elles n'étaient pas classifiées dans le même secteur que la société d'aide aux immigrants de Calgary, par exemple, elles ne pouvaient pas obtenir de crédits pour donner des cours de langue. Le gouvernement n'a pas offert d'autres types d'assistance pour solliciter des entreprises. Ces organisations ont demandé à l'entreprise qui avait engagé tous ces gens de leur donner du temps et, si possible, un instructeur, pour qu'il puissent perfectionner leur anglais.
Votre organisation a-t-elle envisagé des projets coopératifs de cette nature avec des entreprises?
Mme Tam: Nous espérions mettre sur pied de tels projets de coopération. Nous avons commencé en établissant une relation de partenariat avec les conseils scolaires. Nous travaillons également avec le Collège Algonquin pour la prestation du programme de formation du personnel infirmier. Cela existe depuis une couple d'années. En ce qui concerne les entreprises, nous avons essayé d'offrir un programme d'aide aux employés, et nous pensions participer à des programmes d'éducation interculturelle, mais notre personnel est tellement occupé que nous n'avons pas pu aller de l'avant. C'est cependant une idée à laquelle nous réfléchissons depuis longtemps.
M. Hanger: Si vous examinez attentivement les besoins actuels, et les sommes disponibles, vous devez voir que c'est une tendance inévitable. Quand vous voyez les budgets prévus pour les années futures, même en ce qui concerne l'installation des immigrants, et quand vous constatez que le gouvernement y consacre 500 millions de dollars par an, vous devez bien comprendre que vos fonds devront être réduits.
Que penseriez-vous de l'idée que les gens paient eux-mêmes pour les services qu'ils utilisent?
Mme Tam: Je pensais qu'ils le faisaient déjà, avec la taxe d'établissement et...
M. Hanger: Nous dépensons quand même 500 millions de dollars par an.
Mme Tam: À mon avis, le produit de la taxe d'établissement de 975$ est supérieur à tout le budget des services d'installation des immigrants. Multipliez ce montant par 200 000 personnes, plus ou moins, et vous verrez que cela donne ce résultat.
Une chose que l'on oublie souvent est que les immigrants qui arrivent ici à l'âge adulte représentent une excellente affaire pour le Canada, car c'est un autre pays qui a payé leurs études - pendant une vingtaine d'années - et les soins qu'ils ont reçus pendant leur enfance. Cela constitue pour nous une excellente économie. Je ne vois pas ce que vous pouvez attendre de plus d'eux. En fait, si vous leur demandez de payer ces services, certaines personnes dont la venue serait souhaitable risquent de ne pas pouvoir venir.
À l'heure actuelle, si nous fournissons des services à 5 000 ou 6 000 personnes par an, avec un budget d'environ 1,3 ou 1,4 million de dollars, cela veut dire que chaque personne obtient pour moins de 100$ de services. Pourtant, c'est un investissement très productif, et il ne faut pas faire preuve de myopie en matière d'immigration. Vous dites que certains de ces immigrants vietnamiens ne parlent pas encore l'anglais. Pour ma part, j'en connais qui tenaient tellement à pouvoir parrainer leur famille lorsqu'ils sont arrivés ici, parce qu'ils venaient de camps, par exemple, qu'ils se sont mis immédiatement à travailler dans des usines ou n'importe où pour pouvoir économiser le plus possible. À l'époque, je faisais du bénévolat à Toronto et je pouvais le constater personnellement. De ce fait, ils ne prenaient pas le temps d'apprendre l'anglais, et c'est pourquoi ils ne le parlent toujours pas, 10 ans après.
C'est la même chose avec les immigrants d'Italie. Vous en voyez certains, qui sont aujourd'hui âgés, et qui ont toujours besoin d'aide parce qu'ils ne peuvent pas comprendre les formulaires qu'ils doivent remplir. Il n'y avait pas de programmes de formation linguistique en 1950 ou en 1960, mais cela montre bien que, si nous pouvons former les immigrants aujourd'hui, nous aurons moins de problèmes plus tard.
Mme Terrana (Vancouver-Est): Je vous remercie d'avoir dit cela. En ce qui concerne les chiffres, je crois qu'il faut les examiner, car ils ne sont pas acceptables.
Je voudrais savoir quelle est la taille de votre organisme. Combien avez-vous d'employés?
Mme Tam: Nous avons 29 employés à temps plein et de nombreux employés saisonniers, à temps partiel. Leur nombre change beaucoup parce que les programmes changent.
Mme Terrana: Fournissez-vous tous vos services à partir de cette adresse, sur Somerset et Hilda?
Mme Tam: Non, nos bureaux sont à cette adresse mais nous fournissons des services partout dans la région. Nous avons une employée qui travaille avec le conseil scolaire d'Ottawa et qui se rend partout où des personnes adultes peuvent avoir besoin d'apprendre l'anglais langue seconde, afin de bien cerner leurs besoins et de les aiguiller vers les services adéquats.
Pour sa part, notre agent de développement communautaire se rend partout où des groupes ethniques travaillent avec d'autres prestataires de services publics. Ses activités se déroulent donc en dehors de nos locaux. Nous avons aussi une personne au collège Algonquin, sur le campus Huron, depuis deux ou trois ans. Nous organisons des cours de langue au Centre commercial Saint-Laurent et au Centre communautaire Forbes, à l'est de la ville.
Mme Terrana: Votre organisme est-il le seul à fournir des services de formation linguistique?
Mme Tam: Non, il y en a beaucoup d'autres, notamment les conseils scolaires.
Mme Terrana: Donc le conseil scolaire s'en occupe aussi.
Mme Tam: Oui.
Mme Terrana: Mais vous êtes le plus gros organisme d'Ottawa en ce qui concerne les services d'installation des immigrants?
Mme Tam: Oui.
Mme Terrana: Vous avez également parlé de Centraide. En Colombie-Britannique, nous avons un plan de trois ans, après quoi les fonds ont stabilisés. Comment cela se passe-t-il pour vous? Est-ce que Centraide examine votre plan pour les quatre ans à venir puis décide combien vous allez recevoir pendant cette période?
Mme Tam: Oui, c'est cela, pour prévoir les besoins futurs. En soumettant nos plans, nous indiquons si nous avons des projets d'expansion, mais je dois reconnaître que nous constatons souvent, au bout de deux ans, que les choses sont complètement différentes de ce que nous avions prévu. Il n'empêche que nous essayons de prévoir le mieux possible.
Mme Terrana: Je voudrais revenir sur les travailleurs de zone école-maison dont vous parliez plus tôt. En Colombie-Britannique, ce sont les conseils scolaires qui les emploient. Dans votre cas...
Mme Tam: C'est nous qui les employons.
Mme Terrana: Vous les employez directement?
Mme Tam: Oui. Nous avons commencé il y a quatre ans, car il nous paraissait extrêmement important qu'ils soient nos employés pour être bien sensibilisés aux problèmes. S'ils sont employés par le conseil scolaire, ils risquent de n'être que de simples rouages dans la bureaucratie et de se retrouver secrétaires ou gardiens des objets trouvés pendant la journée. Il est très facile de leur confier d'autres tâches.
Mme Terrana: On peut aussi les renvoyer, comme cela se fait actuellement.
Mme Tam: Oui.
Mme Terrana: Je voudrais maintenant parler de de l'information des immigrants. Tout d'abord, pourriez-vous me dire si le nombre d'immigrants à Ottawa a augmenté? Y en a-t-il plus qu'avant ou le chiffre est-il assez stable?
Mme Tam: Je crois qu'il est assez stable. Nous en sommes toujours à environ 3 p. 100 du nombre total d'immigrants, et je crois qu'Ottawa est la troisième destination parmi les villes ontariennes.
Mme Terrana: On avait autrefois le sentiment que les nouveaux immigrants ne recevaient pas assez d'informations. Quelle est la situation aujourd'hui?
Mme Tam: Il n'y a pas vraiment de programme d'information autre que celui dont j'ai parlé, assuré par une de nos employée qui travaille au Conseil scolaire d'Ottawa. Cependant, elle ne peut aller dans toutes les écoles, ce qui limite notre efficacité.
Autrefois, nous nous en remettions aux Centres d'emplois du Canada pour faire l'aiguillage. Je suis sûr qu'ils le font encore aujourd'hui mais, en ce qui nous concerne, nous n'avons pas les fonds nécessaires pour mieux faire connaître nos services ou mieux diffuser des informations. Cela se fait surtout de bouche à oreille.
Mme Terrana: Parmi les immigrants?
Mme Tam: C'est cela.
Mme Terrana: Y a-t-il également des gens qui vous sont envoyés par le gouvernement?
Mme Tam: Je suis sûre que les bureaux d'immigration nous en envoient certains, et nous essayons également de mettre nos brochures à la dispositions des arrivants à l'aéroport Pearson, où il y a un programme d'aiguillage.
Mme Terrana: Voici ma dernière question. Vous avez parlé d'un comité consultatif local. Existe-t-il déjà ou est-ce une suggestion?
Mme Tam: Il n'y en n'a pas encore. La semaine dernière, on m'a demandé de vous en parler. Autrement dit, on m'a demandé à quoi ressemblerait un comité consultatif local si le gouvernement fédéral décidait de transférer la responsabilité de l'immigration à la province ou à d'autres organismes.
Mme Terrana: C'est donc juste...
Mme Tam: Ma première réaction à cette idée.
Mme Terrana: Merci beaucoup.
Le vice-président (M. Dromisky): Merci beaucoup.
Nous revenons maintenant à M. Nunez. Avez-vous d'autres questions à poser?
[Français]
M. Nunez: À la page 2, vous parlez d'une distribution équitable du financement des programmes d'accueil et d'intégration des immigrants. Quels sont les critères que le gouvernement ou d'autres agences pourraient établir pour que le financement soit équitable? Est-ce que c'est le nombre de clients ou la gravité du problème?
[Traduction]
Mme Tam: Il nous semble évident à nous, dans les organismes spécialisés, que les crédits devraient être fondés sur le nombre de clients. Peut-être est-ce parce que nous sommes plus habitués à utiliser ce critère pour déterminer ce qui est juste. Nous estimons que les sommes attribuées à la province devraient être fondées sur le pourcentage d'immigrants que celles-ci accueillent. De fait, nous pensons que l'Ontario est relativement pénalisé à ce chapitre depuis longtemps, puisque cette province ne reçoit que 42 p. 100 des fonds et probablement plus de 60 p. 100 des immigrants.
M. Nunez: Veuillez m'excuser. Je ne suis pas d'accord avec vous, parce que nous avons un problème particulier dans un cas différent.
Mme Tam: Certes, mais vous pouvez aussi tenir compte des différences qualitatives. Si vous accueillez tous les réfugiés, il y en aura un plus grand nombre qui auront besoin d'aide s'ils ne connaissent que leur propre langue. Cela dit, c'est seulement en ayant des données solides prouvant qu'un pourcentage très élevé des gens qui arrivent dans telle ou telle province ne parlent pas une langue officielle que l'on peut déterminer l'ampleur des besoins en formation linguistique.
[Français]
M. Nunez: Est-ce que votre financement a augmenté au cours des dernières années? Est-ce qu'il diminue ou est-ce qu'il se stabilise? Est-ce que vous avez déposé de nouvelles demandes pour accroître le financement ou si cela est établi à l'avance et que vous n'avez rien à faire?
[Traduction]
Mme Tam: C'est pour cela que je vous ai dit que notre budget se situe entre 1,3 et 1,4 million de dollars. Je crois qu'il a légèrement baissé cette année, parce que nous ne faisons plus certaines choses que nous faisions auparavant et aussi parce que le gouvernement fédéral a réduit les budgets de la formation linguistique ainsi que ceux de l'intégration des immigrants. Cela dit, nous recevons aussi des fonds, par exemple des deux conseils scolaires, comme je l'ai dit plus tôt, et nous nous attendons à une légère hausse de leur part. Il y a donc des fluctuations d'une année à l'autre.
Je précise que notre organisation n'est pas nécessairement représentative des autres. Je sais qu'il en y a des petites dans de petites villes qui ont été obligées de fermer leurs portes à cause de la réduction du budget du programme Planification de l'emploi.
[Français]
M. Nunez: Est-ce que vous pouvez nous parler un peu de la composition de votre personnel? Est-ce que ce sont des gens qui ont immigré ici ou est-ce qu'ils sont nés ici? Faut-il des qualités particulières pour qu'un immigrant serve d'autres immigrants?
[Traduction]
Mme Tam: Notre personnel se compose essentiellement de femmes. C'est d'ailleurs le cas de la plupart des ONG, qui sont ce que nous appelons des ghettos de cols roses. C'est incontestable.
L'autre caractéristique est que la plupart de nos employés sont des immigrants, à cause de nos exigences linguistiques. De plus, cela s'explique par la nécessité d'avoir un personnel comprenant les antécédents culturels des nouveaux arrivants.
Pour ce qui est des chiffres, nous avons 29 personnes à temps plein et, en tout, 15 à 18 personnes à temps partiel.
Pour ce qui est des qualifications, pratiquement tout le monde a un diplôme universitaire. Comme beaucoup de pays d'où viennent nos immigrants n'ont pas nécessairement d'écoles de travail social, nos employées ne sont pas toutes des travailleuses sociales. Cela dit, elles peuvent avoir une formation en psychologie ou même en économie et, grâce à leur expérience pratique, elles peuvent devenir de vraies spécialistes dans la prestation de services aux immigrants. Je crois que le facteur le plus important est que la plupart de nos employées sont des immigrantes ayant des connaissances linguistiques diverses et qu'elles sont extrêmement dévouées.
M. Hanger: Je voudrais maintenant parler de l'évaluation de vos services. Vous avez parlé de deux possibilités: une évaluation du processus et une évaluation des résultats. Selon vous, l'évaluation des résultats est extrêmement difficile à faire, ou il est difficile d'en tirer des conclusions fermes. Cela veut dire, si je comprends bien, que la seule solution est l'évaluation du processus.
Est-ce que vous évaluations portent seulement sur l'intégration?
Mme Tam: Elles portent sur les services que nous fournissons. Il ne s'agit pas seulement de l'intégration, et tous les organismes de service social font face aux mêmes problèmes à ce sujet.
M. Hanger: Pensez-vous que les conclusions sont assez précises?
Mme Tam: J'ai travaillé dans le passé pour des organismes de service social qui n'avaient rien à voir avec l'immigration. Ils faisaient face exactement aux mêmes défits. Si vous voulez une étude parfaitement scientifique, il faut faire une étude longitudinale et suivre vos clients pendant 10 à 20 ans de façon à mesurer leur degré d'intégration. Franchement, je ne sais pas comment faire cela.
M. Hanger: Vous ne savez donc pas si des études de ce genre ont été faites et s'il y a des rapports à ce sujet?
Mme Tam: Je n'en connais pas.
M. Hanger: J'ai lu quelque part que le ministère avait commandé une étude, ou en avait effectué une, qui avait clairement montré, par exemple, que le programme de formation linguistique ne desservait en fait que 40 p. 100 des personnes en ayant besoin. Autrement dit, il y avait un pourcentage élevé de personnes ayant besoin de services mais incapables de les obtenir, pour des raisons variables: manque de crédits, manque de personnel, ou impossibilité de se rendre au point de service. Cela vous paraît-il exact?
Mme Tam: Comme je ne connais pas cette étude, je ne saurais vous dire si le chiffre est exact, mais je sais qu'il y a des gens qui ont besoin de services linguistiques et qui ne les obtiennent pas. Il y a toujours des noms sur les listes d'attente.
M. Hanger: Même si vous ne connaissez pas l'étude, avez-vous le sentiment que ce que je vous ai dit est exact, c'est-à-dire qu'il y a des gens dans le besoin et que vous ne pouvez pas fournir les services?
Mme Tam: Je sais qu'il y a des gens qui ont besoin de services de formation linguistique et qui ne les obtiennent pas.
M. Hanger: Pour les raisons que j'ai mentionnées?
Mme Tam: Je ne sais pas.
M. Hanger: Vous n'avez donc jamais fait d'évaluation auprès de ces personnes?
Mme Tam: Non, parce que nous n'avons pas de point de contact.
M. Hanger: Je vois.
M. Assadourian (Don Valley-Nord): Merci, madame Tam.
Pourriez-vous me dire ce qui se passe, très brièvement, lorsqu'une famille-un mari, une femme et deux enfants - s'adresse à vous pour obtenir des services? Quelle est la chronologie?
Mme Tam: Tout dépend des services demandés. Nous avons aujourd'hui quelqu'un qui évalue chaque nouveau cas pour en déterminer les besoins.
Je dois vous dire que ce sont beaucoup plus souvent les hommes que les femmes qui viennent nous voir. La raison en est que, bien souvent, les femmes ne sont pas encore arrivées, ou qu'elles ne parlent pas l'anglais, ou qu'elles sont à la maison avec les enfants. Nous avons donc tendance à voir surtout des hommes.
Leurs besoins peuvent être très variés. S'il s'agit d'un problème d'immigration, notre agent va leur demander leurs documents pour faire le point. Bien souvent, il s'agit d'hommes qui essaient de faire venir leur épouse et notre rôle est de les aider dans le processus d'immigration, en les aidant à envoyer les documents pertinents là où il faut.
Comme ils ne connaissent pas nécessairement la nature de nos services, nous leur disons également ce que nous avons à leur offrir, selon leurs besoins. S'il s'agit d'une femme isolée qui a besoin de services, nous pouvons l'orienter vers le programme des immigrantes. Il n'y a donc pas de procédures typiques.
M. Assadourian: Chaque cas est donc différent, plus ou moins?
Mme Tam: Oui, tous les cas sont extrêmement différents.
M. Assadourian: J'ai deux autres questions à poser.
Premièrement, avez-vous des contacts avec des organismes semblables au vôtre dans la région?
Deuxièmement, vous dites dans votre brochure que vous appuyez les groupes ethnoculturels. Puis-je vous demander si vous recevez également l'appui de ces groupes pour la prestation de vos services?
Mme Tam: J'ai beau y réfléchir très sérieusement, je n'en suis pas certaine. Il se peut qu'il y ait une certaine collaboration dans certains domaines, par exemple, pour aider ces groupes à s'organiser, mais je ne suis pas sûre que nous recevions leur appui. Cela dit, je suis sûre qu'ils n'hésiteraient pas à le donner si nous le demandions.
Vous m'avez posé une autre question.
M. Assadourian: Oui. Avez-vous des contacts avec d'autres organismes semblables au vôtre?
Mme Tam: Oui. De fait, nous aurons une réunion lundi prochain à ce sujet. Nous nous rencontrons régulièrement pour discuter de nos problèmes communs. Nous faisons également partie d'un organisme provincial, le Conseil ontarien des organismes de service aux immigrants, ce qui nous permet de discuter de nos problèmes communs avec les autres.
Il y a également des ateliers à l'intention de notre personnel, car nous n'avons pas les moyens de leur fournir du perfectionnement professionnel. En règle générale, ces choses-là se font conjointement.
M. Assadourian: À en juger d'après vos réponses antérieures, je suppose que vous bénéficiez d'un large soutien de la collectivité. Vous avez dit que vous recevez des crédits de sept ou huit organismes ou ministères différents, pour un total de 1,5 million de dollars environ, ou 1,2, ou 1,3. Vous avez dit aussi que vous recevez des dons de simples citoyens. Peut-être certains de ces dons viennent-ils de personnes qui ont bénéficié de vos services dans le passé.
Je regrette de ne voir ici que le montant des contributions et votre emblème. Vous n'indiquez pas que vous bénéficiez d'un large soutien des gouvernements, de la population et d'organisations diverses.
Si vous me le permettez, je vous recommanderais de l'indiquer dans votre brochure, de façon à ce que ses lecteurs sachent que votre organisation bénéficie d'un large soutien provincial, fédéral et municipal, ainsi que de l'appui de particuliers et d'entreprises.
Mme Tam: C'est une excellente remarque. De fait, cela figurait dans notre ancienne brochure et je crois que nous l'avons enlevé dans la nouvelle au profit de la carte, car nous avons déménagé l'an dernier. Je suis cependant d'accord avec vous.
M. Assadourian: Puisque vous bénéficiez d'un large soutien du public, je crois que cela devrait être indiqué.
Mme Tam: Oui, merci.
Le vice-président (M. Dromisky): Madame Clancy, voulez-vous poser une question?
Mme Clancy: M. Assadourian vous a interrogée sur l'appui des groupes ethnoculturels. Je me trompe peut-être mais je suppose que c'est à Toronto que les groupes ethnoculturels sont le plus solidement établis, puisque c'est la ville qui reçoit beaucoup d'immigrants depuis le plus longtemps, plutôt qu'Ottawa, Vancouver, d'où vient Mme Terrana, ou Halifax, ma propre ville. Ai-je raison?
Mme Tam: Je ne connais pas vraiment la situation à Vancouver ou dans les autres villes. Je crois cependant que vous avez raison de dire qu'à Toronto, les organisations sont plus nombreuses et implantées depuis plus longtemps.
Le vice-président (M. Dromisky): Merci beaucoup. Monsieur Nunez, avez-vous d'autres questions?
M. Nunez: Une seule.
Vous avez parlé d'un programme spécial pour les immigrantes. De quoi s'agit-il?
Mme Tam: Nous avons tendance à leur fournir des services de groupes. L'an dernier, nous avons lancé un nouveau projet, c'est-à-dire une tournée en autobus.
Certaines de ces femmes sont très isolées, ne connaissent peut-être pas bien l'anglais ou le français, hésitent à sortir de chez elles et, parfois, leur mari les maltraite. Nous nous efforçons donc de les familiariser avec la ville, en les emmenant voir les principaux édifices, comme ceux de la Colline parlementaire. Cela peut être utile à certaines.
En ce qui concerne la violence, certaines de ces femmes sont dans l'ignorance la plus complète des services auxquels elles peuvent avoir accès. Nous essayons donc de leur indiquer ceux qui sont disponibles dans la ville d'Ottawa, en les encourageant à s'en prévaloir.
Nous essayons également d'organiser des ateliers qui les intéressent, par exemple sur la façon de monter sa propre entreprise. Nous organisons également des ateliers sur la nutrition, les vêtements d'hiver, comment habiller les enfants et comment leur préparer des repas nutritifs avec des produits qui ne sont pas les mêmes que ceux du pays d'origine. Les sujets sont très variés.
En ce qui concerne la législation sur l'enfance, bon nombre de parents immigrants ne savent pas qu'ils n'ont pas le droit de laisser des mineurs sans surveillance.
M. Hanger: Je voudrais corriger ce que j'ai dit plus tôt au sujet du budget d'intégration des immigrants, il s'agit de 276 millions de dollars.
Mme Clancy: Merci.
M. Hanger: Merci, Mary.
Cette question d'intégration des immigrants m'intéresse beaucoup. J'ai entendu beaucoup d'opinions contradictoires à ce sujet. J'ai discuté avec des représentants de petites organisations qui disent qu'il y a un besoin considérable dans la collectivité et qu'ils n'ont pas les employés ou les crédits nécessaires pour y répondre. Je parle ici de ma propre circonscription.
Je me suis rendu à Vancouver où j'ai pu constater la réussite d'un organisme local. À mon avis, ce bureau de Vancouver est probablement l'un des plus efficaces que j'ai jamais vu. Il y a huit personnes qui travaillent dans une petite pièce, alors qu'ailleurs, par exemple à Calgary, il y a une seule personne dans un bureau de la même taille. D'après ce que j'ai vu, ces huit personnes répondent bien aux besoins de leur clientèle. Je n'ai pas vérifié leurs livres de comptes, mais ce que j'ai pu voir ne me fait certainement pas penser que ces gens font un mauvais usage de l'argent qu'ils reçoivent.
Cela dit, si un grand nombre d'immigrants arrivaient d'un seul coup dans notre pays, quels genres de services pourriez-vous leur fournir sans recevoir plus de crédits publics? Quelles autres ressources pourriez-vous mobiliser pour répondre à leurs besoins?
Je vais vous donner un exemple. Nous savons que 22 000 Vietnamiens viennent d'être rapatriés au Nord-Vietnam des camps où ils se trouvaient. Nous avons reçu une délégation de Vietnamiens qui soupçonnent qu'il y a encore des réfugiés parmi eux.
Si nous décidons d'en accueillir un grand nombre, pourriez-vous mobiliser des ressources complémentaires pour répondre à leurs besoins, sans demander l'aide du gouvernement?
Mme Tam: Tout dépend du nombre. Si nous en recevions 2 000 en un jour, je puis vous garantir que nous ne pourrions rien faire. Par contre, je me souviens du jour où des Bulgares sont arrivés à Ottawa-Carleton avec un bref préavis. C'était un vendredi après-midi, à 15 h 30 - je revois encore nettement la scène - lorsque cinq ou huit Bulgares sont arrivés de la côte Est sans billet de retour et avec une valise à la main. Notre conseillère a réussi à leur trouver un logement et de quoi se nourrir pour la fin de semaine.
Notre personnel fait beaucoup d'efforts. Nous devons parfois avoir recours à des bénévoles, mais ceux-ci ne sont pas fiables à long terme. La qualité des services qu'ils fourniraient deviendrait très inégale.
Vous compariez tout à l'heure un organisme de Calgary à un autre de Vancouver. Je sais qu'il y a de grandes différences d'un organisme à l'autre, d'une région à l'autre. Certes, on pourrait penser que l'agence de Calgary a de grands bureaux, mais il se peut que les loyers y soient beaucoup plus faibles qu'à Vancouver. Je ne sais pas. Il peut y avoir des raisons historiques.
Le vice-président (M. Dromisky): Merci beaucoup, madame Tam.
Je voudrais maintenant conclure en faisant quelques remarques. D'abord, je tiens à féliciter les membres du comité d'avoir posé des questions fort pertinentes mais pas insidieuses, que je qualifierais même d'intelligentes dans leur portée et leur teneur. Si vous voulez mon évaluation, je vous donne tous un A+.
Je crois cependant que la meilleure note doit aller à Mme Tam qui nous a fait un exposé non seulement exhaustif mais très succinct, extrêmement professionnel et plein d'informations. Vous nous avez donné tellement d'informations en si peu de temps que la tête me tourne. Je vous remercie beaucoup pour la qualité de votre exposé.
Mme Tam: Merci beaucoup de m'avoir accueillie. Je précise que vous pouvez venir n'importe quand visiter nos locaux, si cela vous intéresse. Vous verrez que nous sommes très efficaces et très efficients.
M. Nunez: J'aimerais demander à notre chercheur de préparer un questionnaire.
[Français]
Pouvez-vous préparer des notes d'information comme vous le faites pour les autres consultations?
Mme Margaret Young (attachée de recherche): J'ai envoyé ces notes hier. Ce sera fait pour le voyage. Est-ce que cela ira?
M. Nunez: Je n'ai pas compris. Vous les avez envoyées aux députés?
Mme Young: Je ne les ai écrites qu'hier; elles seront prêtes pour vendredi.
Le vice-président (M. Dromisky): La séance est levée.