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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 2 mai 1995

.1532

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Nous allons commencer même si, comme vous pouvez le remarquer, je n'ai pas mon marteau.

M. Mifflin (Bonavista - Trinity - Conception): Comment pouvez-vous diriger les débats sans marteau?

Le président: Exactement. Je veux dire, c'est sans précédent dans les annales du Parlement; on n'a jamais déclaré une séance ouverte sans marteau. Je suis sûr que la greffière l'a remarqué.

Avant de commencer, je veux également vous dire qu'une personne qui est présente dans cette salle m'a dit que, même si Paul Martin comparaissait aujourd'hui devant le Comité des affaires étrangères, il estimait que notre réunion était beaucoup plus intéressante et a décidé d'y assister. Je n'en dirai pas plus, mais j'ai cru bon de partager cela avec vous.

Je tiens à souhaiter la bienvenue à Margaret Bloodworth, sous-greffier, Sécurité et renseignement, Bureau du Conseil privé. Je lui demanderais de bien vouloir présenter les personnes qui l'accompagnent et, si elle le souhaite, de faire une déclaration liminaire, après quoi nous passerons aux questions.

Bienvenue, vous avez la parole.

Mme Margaret Bloodworth (sous-greffière, Sécurité et renseignement, Bureau du Conseil privé): Merci, monsieur le président. Je suis accompagnée de M. Stewart Woolner, chef du Centre de la sécurité des télécommunications.

On va vous remettre des copies de la déclaration liminaire. Je m'excuse de ne pas pouvoir vous les donner tout de suite, mais elles devraient être disponibles bientôt.

Si tout le monde y consent, je pense que je vais commencer pour sauver du temps.

Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner. Avec l'accord du comité, je décrirai brièvement le mandat du Centre de la sécurité des télécommunications ainsi que mes responsabilités en tant que sous-ministre responsable du CST.

Je suis heureuse d'être parmi vous, car je pense que c'est une occasion idéale pour moi de faire le point sur le CST et, de façon générale, sur le secteur de la sécurité et du renseignement au Canada.

Étant donné la nature du sujet qui nous occupe, je ne puis évidemment tout révéler sur cet organisme de renseignement, mais l'actuel gouvernement tient à ce qu'il y ait plus de transparence, y compris dans le secteur de la sécurité et du renseignement.

Le ministre de la Défense nationale m'a par conséquent demandé de dévoiler au sujet du CST certains renseignements qui étaient jusque là classifiés, notamment des chiffres précis relativement à son budget et à ses ressources, et certains détails sur les activités du CST et la nature de certaines de nos relations avec des pays étrangers.

.1535

[Français]

C'est en ma qualité de sous-ministre responsable du CST que je me présente devant vous aujourd'hui. Mais, à titre de sous-greffier, Sécurité et Renseignement, il m'incombe également de conseiller le premier ministre et le Cabinet sur les questions de sécurité et de renseignement. À ce titre, je suis responsable de la supervision et de la coordination des activités de sécurité et de renseignement de tous les ministères et organismes gouvernementaux.

Je répondrai volontiers à vos questions sur ce rôle-là aussi, mais je pense que vous vous intéressez surtout à mes responsabilités relativement au CST.

[Traduction]

Il serait peut-être bon, monsieur le président, que je donne d'abord un aperçu de la structure de responsabilisation du CST.

Comme vous le savez, le lien de responsabilité avec le Parlement est direct et similaire à celui d'autres ministères. Un seul ministre rend compte au Parlement des activités de cet organisme, et c'est le ministre de la Défense nationale. C'est ce ministre qui approuve les principales dépenses en capital du CST, son plan opérationnel pluriannuel et les initatives qui ont d'importantes conséquences sur les plans stratégique ou juridique.

Il est secondé par deux sous-ministres, celui de la Défense nationale et moi-même. Le sous-ministre de la Défense nationale rend compte au ministre de l'administration du CST, tandis que moi, je rends compte au ministre des politiques et des activités du CST.

Cette façon de procéder peut paraître inusitée, vu la présence de deux sous-minstres, mais elle fonctionne très bien. Cette structure inhabituelle vient du fait qu'on a jugé bon que la haute direction accorde plus d'attention que d'ordinaire à un tel organsme. Cela assure que le CST réponde aux besoins gouvernementaux en matière de renseignement étranger, de façon légale et efficace, tout en tenant compte de l'évolution des relations internationales. Comme je l'ai dit, cette façon de faire marche très bien en pratique.

Pour toutes les questions de politique et les questions opérationnelles, M. Woolner, en sa qualité de chef du CST, me rend compte à moi. Pour les questions financières et administratives, il rend compte au sous-ministre de la Défense nationale.

Naturellement, nous sommes tous les deux responsables devant le ministre qui, en bout de ligne, répond au Parlement pour ce qui est du Centre de la sécurité des télécommunications. Dans le quotidien, le sous-ministre de la Défense nationale et moi-même entretenons des relations très étroites, ainsi qu'avec M. Woolner, pour indiquer au CST les orientations à suivre.

En outre, il est bon de noter que le CST a également, sur place, des conseillers juridiques venant du ministère de la Justice qui ont accès à tous les renseignements sur les activités du CST.

Permettez-moi de passer maintenant au mandat du CST, de préciser en quoi consistent ses activités et comment il s'en acquitte. Cet organisme tient son mandat des pouvoirs conférés au ministre de la Défense nationale par la Loi sur la défense nationale. Le CST a un mandat en deux volets: premièrement, recueillir des renseignements sur les transmissions à l'étranger et, deuxièmement, veiller à la sécurité des communications gouvernementales.

Du côté du renseignement sur les transmissions, le mandat du CST est de recueillir et d'examiner les signaux radio, radar et autres signaux électroniques venant de l'étranger. Cela correspond à ce que les spécialistes du renseignement appellent couramment le SIGINT.

Le CST s'aide pour cela du Réseau radio supplémentaire des Forces canadiennes, qui a des stations à différents endroits au Canada, y compris à Alert, dans les Territoires du Nord-Ouest, à Masset, en Colombie-Britannique, à Gander, à Terre-Neuve, ainsi qu'à Leitrim, en banlieue d'Ottawa. Le traitement et l'analyse de ces signaux donnent à l'ensemble du gouvernment fédéral ce qu'on appelle le renseignement étranger.

.1540

[Français]

Il conviendrait peut-être que j'explique brièvement ce que nous entendons par «renseignement étranger». C'est, à mon avis, fondamental pour bien comprendre ce que le CST fait au juste.

Par «renseignement étranger», on entend de l'information concernant les capacités, les intentions ou les activités d'un État étranger, d'une personne étrangère ou d'une société étrangère. En d'autres termes, il s'agit d'information sur l'évolution de la situation dans les États étrangers. À l'occasion, cela peut recouper des questions de sécurité comme le terrorisme. Ainsi, par définition, la collecte de cette information vise les communications des étrangers et non celles des Canadiens.

Le Canada a besoin de cette information et s'en sert pour d'évidentes raisons de défense, par exemple pour apporter un soutien aux missions de maintien de la paix impliquant les Forces armées canadiennes. Cette information est aussi utilisée de façon plus générale dans l'élaboration de notre politique étrangère et de défense.

[Traduction]

Je viens de vous indiquer ce que fait le CST. Permettez-moi de prendre un moment pour vous dire ce qu'il ne fait pas. Le CST ne vise pas, dans ses activités de renseignement, les Canadiens ni les communications des Canadiens. Il n'a pas non plus de grandes antennes dans le ciel qui captent toutes les transmissions possibles. Comme tous les ministères et organismes gouvernementaux, le CST est assujetti à toutes les lois canadiennes, notamment le Code criminel, la Charte des droits et libertés, la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le CST respecte ces lois scrupuleusement.

Permettez-moi de passer maintenant au deuxième volet du mandat du CST, qui est tout aussi important et qui concerne la protection de l'information et des communications.

Par cette fonction, le CST rend au gouvernement de précieux services qui ne sont pas toujours bien connus. Le CST dispense au gouvernement des conseils, des orientations et des services techniques relativement à la façon d'assurer la sécurité des télécommunications et du traitement informatique des données dans l'administration fédérale. Cette activité est couramment appelée INFOSEC ou Sécurité de la technologie de l'information.

L'objet de ce service est très simple. Il s'agit d'empêcher une personne ou une organisation d'avoir accès, sans autorisation, aux réseaux téléphoniques et informatiques de l'État. Une des grandes réalisations de ce programme est la mise en place du Réseau téléphonique protégé de l'État. Ce réseau se compose de postes téléphoniques protégés, les téléphones que vous avez pu entendre décrire sous le nom STU-III, et de matériel cryptographique fabriqué et entretenu par le CST pour coder et protéger l'information de l'État.

Le CST met également son expertise au service des industries canadiennes qui fabriquent du matériel relié à la sécurité de la technologie de l'information. Il fait, par exemple, l'essai et l'évaluation de produits informatiques éprouvés, c'est-à-dire de produits qui correspondent à des normes de sécurité bien définies.

Il est devenu crucial de protéger nos télécommunications compte tenu des nouvelles menaces, de la rapidité des progrès techniques ainsi que des moyens de plus en plus perfectionnés utilisés pour déjouer les mesures mises en place par le gouvernement pour protéger ses communications.

Permettez-moi maintenant de passer au budget et au coût de certaines des activités du CST que j'ai décrites. J'aimerais souligner tout d'abord que les ressources du CST ont toujours figuré, même si ce n'était pas sous une rubrique distincte, dans le budget annuel des dépenses du ministère de la Défense nationale. Cependant, pour la première fois, le gouvernement a décidé d'en livrer le détail séparément.

Ainsi, pour l'année financière 1995-1996, les chiffres suivants représentent les ressources du CST: pour les salaires, 60,5 millions de dollars, pour le fonctionnement et l'entretien, 23,6 millions de dollars et, pour les immobilisations, 29,1 millions de dollars, ce qui fait un budget total de 113,2 millions de dollars. Le personnel du CST est composé d'environ 900 équivalents à temps plein.

J'aimerais maintenant vous donner quelques indications qui, auparavant, n'avaient pas fait l'objet de discussion publique officielle, soit les relations du Canada avec des pays étrangers dans le domaine du renseignement.

Il est important de noter, monsieur le président, que les programmes du CST en matière de renseignement sur les transmissions et de sécurité de l'information profitent énormément des ententes que nous avons conclues avec des pays étrangers, ententes qui, de fait, remontent à la Deuxième Guerre mondiale. Le Canada échange avec certains de ses alliés les plus proches et les plus anciens des éléments de renseignement étranger et de haute technologie dans le domaine de la sécurité de l'information. Ses proches alliés sont les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande où l'on trouve des organismes comparables au CST.

.1545

Ces ententes se sont révélées avantageuses pour les cinq pays en question. Toutefois, sans entrer dans le détail des arrangements conclus, je crois qu'il est important que vous sachiez, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, que le Canada, en tant que partenaire junior, retire un avantage certain de ces arrangements. Certains diront que notre relative moindre envergure nous avantage par rapport à nos autres partenaires, mais vous entendrez également dire que l'on nous traite certainement sur un pied d'égalité.

Les renseignements que nos alliés nous transmettent aident le CST à répondre aux besoins du gouvernement du Canada en matière de renseignement étranger.

Un des aspects de ces accords est que chaque partenaire a convenu de ne pas cibler les communicatins des autres partenaires. Ceci est indispensable au maintien de la confiance et de la coopération et voilà maintenant plus de 50 ans que l'on procède ainsi.

Notons en passant que nous ne leur demandons pas non plus de cibler les citoyens canadiens pour notre compte et que c'est un accord réciproque.

Je vous ai exposé en donnant quelques détails les fonctions du Centre de la sécurité et des télécommunications et je vous ai dit où il se situe à l'intérieur de l'administration gouvernementale. En procédant ainsi, monsieur le président, j'ai voulu faire ressortir que cette organisation est assujettie à des mécanismes propres qui assurent la responsabilisation et qui font en sorte que le CST réponde aux besoins de l'administration fédérale.

Ces mécanismes sont très efficaces de telle façon que le ministre peut vous donner l'assurance, ainsi qu'à tous les Canadiens, que les activités du CST sont utilisées dans l'élaboration de la politique étrangère du Canada, dans le respect des lois canadiennes. Toutefois, à ce sujet, comme la plupart d'entre vous le savent peut-être, la Chambre des communes a récemment adopté une motion portant création d'un mécanisme indépendant d'examen du CST. En réponse à cela, le ministre a fait savoir qu'il verra quel mécanisme de surveillance externe pourrait s'ajouter aux structures déjà en place.

Je m'arrêterai là, monsieur le président, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer aux questions.

Avant cela, j'aimerais vous signaler qu'il y a un vote cet après-midi et que nous devrions nous efforcer de terminer nos travaux autour de 17 heures, si possible. La cloche commencera à sonner à 17h15. Je vous dis cela uniquement à titre de renseignement. Nous avons amplement de temps. Cela nous donne plus d'une heure.

Je vais d'abord donner la parole à M. Jacob, puis nous passerons à M. Richardson. Après cela, je vous demanderai de lever la main.

[Français]

Monsieur Jacob.

M. Jacob (Charlesbourg): Bienvenue, madame la sous-ministre. Bienvenue, monsieur Woolner.

Ma première question portera sur le budget. Vous avez parlé des salaires, du fonctionnement, de l'entretien et de l'immobilisation. Les montants que vous avez mentionnés comprennent-ils l'ensemble des dépenses consacrées à l'organisme appelé CST ou si des sommes additionnelles, provenant de militaires des forces régulières de l'Armée canadienne, sont utilisées par le CST?

[Traduction]

Mme Bloodworth: Cela représente le total des ressources du Centre de la sécurité des télécommunications, mais vous avez tout à fait raison, monsieur Jacob, l'organisme a également recours à certaines des ressources du Réseau radio supplémentaire des Forces canadiennes, comme je l'ai indiqué dans ma déclaration liminaire.

Ces chiffres ne sont pas inclus dans le total. Il ne s'agit pas d'un budget contrôlé par le CST. C'est inclus dans le budget du ministère de la Défense nationale qui a d'autres activités à part l'aide qu'il accorde au CST. Il y a là d'autres ressources.

[Français]

M. Jacob: Il n'y a pas possibilité de chiffrer l'argent qui pourrait être consacré aux activités du CST par d'autres organismes. Vous avez dit que le CST comptait 900 employés. Pourriez-vous chiffrer le nombre de militaires de la force régulière qui collaborent aux activités du CST de façon courante et permanente et qui ne sont pas comptés parmi les employés du CST?

[Traduction]

Mme Bloodworth: Je vais essayer de vous donner un chiffre et si je me trompe, M. Woolner pourra intervenir.

Parmi ces 900 employés du CST, il y a quelques militaires qui font partie du personnel, mais cela ne comprend pas les gens qui travaillent au Réseau radio supplémentaire des Forces canadiennes. Il y a cependant quelques militaires qui font partie du personnel du Centre de la sécurité des télécommunications et qui sont comptés parmi ces 900 employés.

.1550

Le président: [Difficultés techniques] ... de vous identifier aux fins du compte rendu, et cela me donne une occasion de...

M. A. Stewart Woolner (chef, Centre de la sécurité des télécommunications): Stewart Woolner, chef du CST.

Le président: Merci, monsieur Woolner. Je mentionne cela car nous sommes en train de mettre en place au comité une nouvelle méthode d'enregistrement des témoignages, l'enregistrement électronique. Il est donc important que les gens qui sont chargés de faire le compte rendu sachent qui a la parole. Sous le feu roulant des questions, quand un nouvel interlocuteur intervient, il faut savoir de qui il s'agit. Je vous remercie.

M. Woolner: Je comprends, monsieur le président.

Margaret, si vous me permettez d'apporter une petite précision, il y a environ 90 membres des Forces armées canadiennes qui travaillent au CST par roulement. Ces 90 personnes ne sont pas incluses dans les 900 employés dont a parlé Mme Bloodworth.

[Français]

M. Jacob: Merci, monsieur Woolner.

À plusieurs reprises, il a été dit que le CST espionnait des Canadiens membres de certains partis politiques, entre autres certains partis souverainistes.

Lorsque Mme Bloodworth a parlé du mandat du CST, elle a dit que le mandat de l'organisme était de recueillir des informations sur les États étrangers, les étrangers et les sociétés étrangères. Pouvez-vous assurer ce Comité qu'il n'y a aucune écoute électronique effectuée par satellite ou par voie hertzienne sur les appels interurbains entre Canadiens ou gouvernements provinciaux avec des pays étrangers?

Par exemple, si le gouvernement du Québec avait des communications avec le gouvernement de la France, votre organisme aurait-il le mandat de capter ces transmissions et d'en soutirer des informations?

[Traduction]

Mme Bloodworth: Le mandat du Centre de la sécurité des télécommunications est d'obtenir des renseignements sur les étrangers. Les Canadiens ne sont pas visés.

[Français]

M. Jacob: Je vais préciser ma question. Lorsque le gouvernement du Québec communique avec le gouvernement de la France ou d'autres pays, compte tenu que ces communications se font avec des pays étrangers, est-ce que le CST a le mandat de capter et d'étudier ces communications-là?

[Traduction]

Mme Bloodworth: Si votre question vise à savoir s'il est possible, lors d'activités destinées à recueillir des renseignements sur les étrangers, de tomber sur une conversation engagée par un Canadien, oui, c'est possible. Il y a des Canadiens qui vivent à l'étranger. C'est possible.

Le mandat du CST est d'obtenir des renseignements sur les étrangers suivant des méthodes très strictes qui permettent, premièrement, de réduire au minimum la possibilité de capter des communications provenant de Canadiens et, deuxièmement, si cela arrive, d'assurer que l'information ainsi recueillie sert uniquement à obtenir des renseignements sur les étrangers - parce que le CST ne vise pas les Canadiens.

[Français]

M. Jacob: Dans le même ordre d'idées, il a été dit par certains spécialistes de l'écoute électronique ou des communications que le CST pourrait être un immense entonnoir interceptant toutes les télécommunications ou communications faites au Canada. Ces communications seraient colligées sous forme de données électroniques et transmises aux Américains qui les analyseraient et nous retournaient les renseignements qu'ils jugeraient bon de nous communiquer. Est-ce exact?

Mme Bloodworth: Je ne suis pas sûre d'avoir compris tout à fait votre question, mais permettez-moi d'y répondre, et si vous ne jugez pas ma réponse satisfaisante, je suis sûre que vous reviendrez là-dessus.

.1555

[Traduction]

Comme je l'ai signalé, un des aspects fondamentaux des accords que nous avons passés avec nos alliés les plus proches est que chaque partenaire a convenu de ne pas cibler les communications des autres partenaires et de leurs ressortissants respectifs. Nous ne faisons tout simplement pas cela, et eux non plus. Nous leur faisons confiance... Et nous croyons qu'ils ne le font pas, et ils ne le font certainement pas pour notre compte.

[Français]

M. Jacob: J'aimerais préciser un peu ma question. Le CST, avec l'équipement électronique qu'il possède, capte d'innombrables communications de tout genre. Ces communications seraient, sous forme de données électroniques, transmises aux Américains, plus précisément à l'Agence de sécurité nationale, à Fort Meade, en Virginie. Ces données seraient ensuite analysées par les Américains parce que le CST ne peut les interpréter.

Comment, à ce moment-là, pouvez-vous affirmer ne pas avoir intercepté des conversations ou des communications qui peuvent porter atteinte à l'intégrité de certains Canadiens? Vous les envoyez avant même qu'elles soient analysées.

[Traduction]

Mme Bloodworth: Je ne peux que répéter ce que j'ai dit. Un des éléments de nos accords avec les Américains et, soit dit en passant, avec les Anglais et les Australiens, prévoit que nous ne ciblons pas nos communications respectives. Autrement dit, nous avons convenu avec les Américains que nous ne ciblerions pas leurs communications, et ils ont accepté, pour leur part, de ne pas cibler les nôtres. De plus, nous n'utilisons pas nos agences respectives pour contourner les lois nationales que nous devons observer respectivement. Par conséquent, nous ne visons pas les Canadiens et un des éléments de l'accord que nous avons passé avec les Américains est qu'ils ne visent pas non plus les Canadiens.

[Français]

M. Jacob: En ce qui a trait à votre programme d'immobilisation de l'équipement, plus tôt, vous avez dit que vous avez prévu 29 millions de dollars dans le budget 1995-1996. Cette gestion des équipements est-elle faite par le ministère de la Défense nationale ou par le CST?

Pour l'achat de l'équipement, devez-vous justifier vos dépenses au ministère de la Défense nationale?

[Traduction]

Mme Bloodworth: Excusez-moi. Je voulais juste confirmer avec M. Woolner que cela faisait bien partie du budget du CST.

[Français]

M. Jacob: C'est comme cela que les choses fonctionnent.

J'ai une autre question. Les systèmes de téléphone protégé, Phase I, et d'accès restreint font-ils partie des équipements du CST?

[Traduction]

Mme Bloodworth: Excusez-moi, pas tous les postes téléphoniques protégés. Les coûts que cela représente ne sont pas tous inclus dans le budget du CST. On trouve des postes téléphoniques protégés dans tous les ministères et chacun d'entre eux assume les dépenses que cela représente.

Le CST assume les frais généraux liés au développement et à l'entretien des systèmes ainsi que du matériel cryptographique nécessaire, mais non le coût de l'équipement lui-même. C'est le ministère qui s'équipe d'un téléphone de ce genre qui en paie le coût.

[Français]

M. Jacob: Est-ce la même chose pour les réseaux de téléformatique intégrés au ministère de la Défense nationale? Cela fait-il partie de votre équipement, de celui du ministère de la Défense nationale ou des deux?

[Traduction]

M. Woolner: Dans ce cas, monsieur Jacob, le ministère de la Défense nationale finance lui-même l'achat de son équpement, de ses ordinateurs, etc. Notre rôle est de leur fournir des conseils et des renseignements concernant le matériel cryptographique si ces réseaux doivent servir à transmettre des renseignements protégés, afin d'assurer l'intégrité de l'équipement acheté par le ministère. Mais l'achat de l'équipement lui-même est financé par le ministère de la Défense nationale, et non par le CST.

Mme Bloodworth: Le budget des immobilisations dont j'ai fait état est celui du CST et comprend les ordinateurs du CST, les meubles du CST, et ainsi de suite; c'est-à-dire tous les biens d'équipement du CST. Mais il y a d'autres biens d'équipement au ministère de la Défense nationale.

.1600

[Français]

M. Jacob: Mais le matériel d'immobilisation, dont le systère de téléphone protégé, appartient-il au CST? Cela fait-il partie de vos équipements?

[Traduction]

Mme Bloodworth: Les postes téléphoniques protégés du gouvernement?

M. Jacob: Yes.

Mme Bloodworth: Il y en a bien sûr un certain nombre au sein-même du CST et, par exemple, j'ai dans mon bureau un poste téléphonique protégé qui n'est pas couvert par le budget du CST. C'est couvert par mon propre budget. Cela s'applique également au ministère de la Défense nationale et à tous les autres ministères. Ils assument les coûts liés à ces postes téléphoniques, comme ils le feraient pour tout autre téléphone.

M. Woolner: Peut-être pourrais-je apporter quelque précision. L'organisme que je dirige agit à titre d'agent ou d'intermédiaire pour acheter ces biens d'équipement aux États-Unis. Nous assurons ce service au lieu de laisser chaque ministère acheter lui-même ce matériel aux États-Unis. Nous agissons à titre de dépositaire. Suite aux demandes que nous recevons des ministères, nous allons acheter un certain nombre de téléphones et nous allons les distribuer, les installer et assurer l'entretien du matériel cryptographique, c'est-à-dire nous assurer que ces postes téléphoniques sont bien protégés.

Toutefois, ce sont les ministères eux-mêmes qui financent l'achat de ces téléphones. Cela ne fait pas partie du budget du CST.

J'ajouterai autre chose. Au début, lorsque nous avons installé le réseau téléphonique protégé, le CST a financé, à même ses propres fonds, l'achat d'un certain nombre de téléphones. Je ne peux vous en dire le nombre exact, mais nous en avons acheté un certain nombre pour nous assurer que les ministres et les sous-ministres qui devaient faire partie de ce réseau étaient équipés. Nous avons financé cela afin de permettre au réseau de démarrer; par la suite, et c'est le cas maintenant, tous les ministères ont payé leur propre équipement.

M. Richardson (Perth - Wellington - Waterloo): Un petit renseignement tout d'abord, madame Bloodworth. D'après ce que je comprends, le sous-greffier a le rang de sous-ministre dans le service?

Mme Bloodworth: Oui.

M. Richardson: Et vous, monsieur Woolner, vous avez le grand honneur de rendre compte à deux sous-ministres, un pour les questions de politique et l'autre pour les questions financières et administratives?

M. Woolner: C'est exact, monsieur.

M. Richardson: Du point de vue du budget des dépenses, celui du CST est-il séparé ou est-il inclus quelque part? J'ai passé en revue le budget des dépenses de la Défense nationale mais je n'ai rien remarqué. Peut-être l'ai-je manqué par inadvertance. Était-il inclus dans le budget de la Défense nationale?

Mme Bloodworth: Vous ne l'avez pas manqué par inadvertance, monsieur Richardson, parce que cela n'est pas précisé. C'est inclus; le chiffre est donné dans la section intitulée Opérations interarmées du Budget de la Défense nationale. C'est la première fois que ce chiffre est donné séparément.

M. Richardson: Je veux aller un peu plus loin, parce que chaque fois, il y a beaucoup de mystère... Je sais que depuis la Seconde Guerre mondiale, les relations internationales ont pris de l'importance, mais je sais aussi que l'on pratique l'écoute électronique au Canada. Est-ce le SCRS et la GRC qui sont responsables de cela ou seulement le SCRS?

Mme Bloodworth: Si vous voulez parler de la possibilité de capter les communications des Canadiens...

M. Richardson: C'est bien cela.

Mme Bloodworth: ...alors, évidemment, s'ils obtiennent un mandat, les services de police et le SCRS ont la possibilité de le faire, c'est vrai.

M. Richardson: J'ai posé cette question uniquement pour que les choses soient claires autour de cette table. J'aimerais que l'on donne des précisions à ce sujet, car il y a là un certain mystère.

Mme Bloodworth: Il faut que cela soit fait dans le cadre des lois canadiennes.

M. Richardson: Vous devez obtenir un mandat pour...

Mme Bloodworth: Mais le CST n'a pas la possibilité de demander un mandat de ce genre. Seuls le SCRS, la GRC ou d'autres services de police, selon les circonstances, peuvent le faire.

M. Richardson: Donc, l'organisme emploie 900 personnes et le budget est d'environ 112,6 millions de dollars; il n'y a que 90 employés du Service des communications qui sont détachés pour travailler avec vous - surtout des techniciens, je suppose, spécialistes en communications.

Si cet organisme ne faisait pas appel à des employés du Service des communications du ministère de la Défense nationale, serait-il une entité séparée?

.1605

Mme Bloodworth: Au fil des années, on s'est demandé quelle était la meilleure place pour le CST. Cependant, ce n'est pas uniquement parce que nous faisons appel au personnel du ministère de la Défense nationale que le CST en fait partie. Une bonne partie des activités du CST, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, vise à appuyer les Forces armées canadiennes, par exemple pour le maintien de la paix. Il y a donc là un motif important de lier nos activités aux opérations de défense, quel que soit l'organisme auquel nous pourrions être intégrés.

M. Richardson: Je sais que le réseau du renseignement de sécurité faisait partie des services généraux de sécurité au cours de la Seconde Guerre mondiale et des guerres qui ont suivi.

Mme Bloodworth: Les activités de maintien de la paix sont de moins en moins pacifiques. Par conséquent, ce facteur prend de l'importance.

M. Richardson: Dans le cadre du maintien de la paix, votre rôle n'est donc pas de recueillir des renseignements. Autrement dit, il s'agit simplement de communications directes.

Mme Bloodworth: Il s'agit de fournir des renseignements aux Forces canadiennes où qu'elles soient, mais particulièrement lorsqu'elles sont chargées de maintenir la paix, c'est vrai.

M. Frazer (Saanich - Gulf Islands): Je tiens à vous souhaiter la bienvenue au comité. Il est réconfortant d'obtenir quelques informations détaillées qui dissipent les doutes et clarifient ce qui peut préoccuper les gens.

Je voudrais parler des contrôles téléphoniques qui font partie de vos activités. Tout en reconnaissant que votre mandat n'est pas de viser les Canadiens, d'après ce que je crois comprendre, il doit néanmoins vous arriver d'intercepter des conversations téléphoniques entre Canadiens ou entre des Canadiens et, comme l'a dit mon collègue, des organismes étrangers. Lorsque cela se produit, que fait-on une fois qu'on s'est assuré que cela ne présente aucun intérêt pour le Canada? Est-ce que les employés ont l'ordre de détruire ces renseignements?

Mme Bloodworth: Comme je l'ai indiqué tout à l'heure lorsque j'ai répondu à M. Jacob, le mandat de l'organisme est d'obtenir des renseignements sur les étrangers. Ce sont les étrangers que nous visons. Je l'ai dit à M. Jacob, je ne peux vous assurer que dans le cadre de ces activités, nous n'allons jamais capter les conversations d'un Canadien car bien sûr, il y a des Canadiens à l'étranger, ailleurs qu'au Canada. Mais, tout d'abord, il y a des procédés très stricts pour empêcher que cela ne se produise, pour réduire cette possibilité au minimum. Deuxièmement, si cela se produit, il y a des procédés très stricts pour assurer qu'aucun des renseignements qui ont été recueillis ne sera utilisé à d'autres fins; autrement dit, nous nous conformons à la Loi sur la protection de la vie privée.

Par conséquent, si certains des renseignements obtenus ne sont pas appropriés, ils seront effectivement détruits ou nous nous assurerons qu'ils ne sont pas utilisés. Il y a des procédés très stricts à cet égard.

M. Frazer: Qui détermine quand et si une conversation doit être détruite et non conservée pour considération future ou pour être regroupée avec d'autres éléments?

Mme Bloodworth: Premièrement, étant donné que cela est fait électroniquement, il y a des procédés stricts pour tenter d'éviter cela. Je ne prétends pas être une spécialiste de l'électronique, mais il y a des procédés très stricts pour tenter d'éviter cela. C'est la première garantie. Ensuite, il y a les superviseurs du CST. Ensuite, il y a M. Woolner. Enfin, il y a moi, au cas où je serais mise au courant. Nous empêcherions que cela se produise.

M. Frazer: Permettez-moi de prendre un exemple fictif: disons qu'une entreprise canadienne située au Canada communique avec une entreprise américaine aux États-Unis. Si je vous comprends bien, l'espionnage industriel fait partie de votre mandat. Est-ce vrai?

Mme Bloodworth: Pas au sens où nous nous intéressons à certaines entreprises, non. Cet exemple n'est peut-être pas bien choisi étant donné que nous ne visons pas non plus les Américains.

M. Frazer: Je comprends cela. Mais pour protéger le Canada contre l'espionnage industriel, comment faites-vous?

Mme Bloodworth: Mais cela ne fait pas partie du mandat du CST.

M. Frazer: Non? Je vous ai mal comprise.

Mme Bloodworth: Je crois que la sécurité nationale est une responsabilité qui incombe au SCRS. Ce service donne des conseils aux entreprises sur la façon de se protéger, il me semble, mais ce n'est pas moi qui peut vous répondre là-dessus. Je ne sais. Ce n'est pas quelque chose que ferait le CST.

Vous pensez sans doute à ce que j'ai dit lorsque j'ai souligné que, dans le domaine de la sécurité de la technologie de l'information, le CST met son expertise au service des entreprises qui fabriquent du matériel cryptographique. Par exemple, il existe du matériel qui sert à empêcher aux personnes non autorisées d'avoir accès aux ordinateurs. Par conséquent, le rôle du CST est de caractère technique et consiste à dire à ces entreprises si le matériel qui les intéresse leur permettra de se protéger ou non. Il ne s'agit donc pas d'espionnage industriel.

.1610

M. Frazer: J'aimerais maintenant aborder la question du terrorisme. Je crois comprendre que vous avez aussi le mandat de surveiller les activités terroristes.

Mme Bloodworth: Ce n'est pas directement notre mandat. Le SCRS, je le répète, est un des organismes responsables de la sécurité nationale au Canada. Toutefois, dans le cadre de la collecte de renseignements étrangers, il est possible que nous puissions recueillir certaines informations pouvant servir à la lutte contre le terrorisme, et nous les fournirions alors certainement aux personnes compétentes.

M. Frazer: Qui détermine que la chose relève du SCRS? Votre personnel évalue chaque parcelle de renseignement qui lui est transmise.

Mme Bloodworth: Oui, et il y a une procédure en vigueur. Tout un service serait affecté à cette tâche. Le mandat du CST ne porte pas directement sur le terrorisme, mais évidemment si le CST relevait des indices d'activités terroristes, il ne les écarterait pas. Il les transmettrait.

M. Frazer: Au SCRS?

Mme Bloodworth: Probablement au SCRS. S'il était par exemple question de faire exploser un avion au-dessus de l'océan - on agirait peut-être plus directement, selon les cas. On ferait quelque chose. Je n'entendais rien d'autre par là. Je mentionnais simplement qu'une partie du renseignement étranger concerne le terrorisme et que ce serait l'une des fonctions du renseignement étranger de recueillir de l'information au sujet du terrorisme dans le monde.

M. Frazer: Je ne sais pas si je dois adresser ma question à vous ou à M. Woolner. J'aimerais en savoir plus sur votre mécanisme de surveillance extérieure. D'après ce que je sais, cette mesure vous sera imposée, et vous devez donc avoir une certaine notion de la façon dont elle pourrait être mise en oeuvre. Pouvez-vous me donner une idée de ce que vous prévoyez?

Mme Bloodworth: Je ne le peux pour l'instant, car le gouvernement n'a pas encore pris de décision à ce sujet. Il est vrai que la mesure nous est en quelque sorte imposée, mais personne au CST ne s'inquiète à ce sujet, ni moi, ni personne. D'un certain point de vue, il n'est pas mauvais que quelqu'un soit en mesure de dire qu'en effet, nous observons la loi comme nous l'affirmons.

En ce qui concerne le mécanisme, vous le savez, la motion a été adoptée récemment, et le ministre n'a pas encore pris de décision quant à la formule précise à appliquer. La question sera examinée, et le ministre a l'intention d'agir dans un proche avenir.

M. Frazer: Il me semble que, peut-être, c'est votre organisation qui serait le plus à même de le conseiller, puisque vous connaissez les tenants et les aboutissants des dossiers et que vous savez pourquoi les choses se font d'une façon et non d'une autre.

Mme Bloodworth: Je m'attends certainement à ce que nous lui fournissions des conseils, en effet. Mais je ne peux que vous dire, monsieur Frazer, que rien n'est encore décidé.

M. Mifflin: Je veux souhaiter la bienvenue aux témoins qui viennent aujourd'hui nous entretenir de ce très important sujet.

Ma question porte sur le volume des activités. Je ne me souviens pas des budgets précédents. Je veux d'abord dire que le CST était très bien vu à l'époque de la Guerre froide, qu'on ne trouvait rien à y redire, mais aujourd'hui, maintenant que la Guerre froide est terminée, certains Canadiens s'interrogent sur la pertinence de cette organisation. Les médias en font régulièrement état, à peu près tous les 18 mois, et vous pourriez peut-être commencer par traiter de cet aspect.

Ma deuxième question, celle qui m'intéresse le plus, porte sur les ressources, les 900 employés et le volume des activités. En quoi le volume des activités de ce service se compare-t-il avec celui que vous connaissiez au plus fort de la Guerre froide, il y a environ dix ans?

Mme Bloodworth: Permettez-moi de répondre d'abord à la question sur la Guerre froide. Au moment où la Guerre froide a pris fin, je crois que nous avons sans doute tous pensé, moi y compris puisque je ne m'occupais certainement pas de renseignements à l'époque, que le monde deviendrait plus sûr. Mais tel n'a pas été le cas. En fait, il y a encore beaucoup de gens dangereux et beaucoup de personnes qui s'opposent aux intérêts du Canada.

M. Frazer: Vous avez lu notre rapport.

Mme Bloodworth: Je suis d'accord avec le contenu de votre rapport, même s'il y a toujours certains risques à ce qu'un fonctionnaire se prononce. Je crois que c'est sans doute Jim Woolsey, ancien directeur de la CIA, qui a le mieux décrit la Guerre froide comme une époque pendant laquelle nous étions tous en lutte contre un dragon. Nous sommes maintenant dans une jungle, nous combattons 1 000 serpents. C'est une analogie très colorée, mais elle est plutôt juste.

En effet, la cible était très évidente, très directe, il n'était pas nécessaire de chercher beaucoup pour la trouver pendant la Guerre froide. Mais nous avons découvert, non sans regret parfois, que le monde n'était peut-être pas aussi menacé par un holocauste nucléaire que nous le croyions, qu'il y a d'autres dangers et d'autres forces s'opposant aux intérêts du Canada, et qu'il nous faut nous protéger.

.1615

Pour ce qui est des ressources, je ne suis pas certaine de pouvoir vous fournir une réponse précise.

M. Mifflin: Une réponse approximative nous conviendrait parfaitement.

Mme Bloodworth: Je sais que le CST, comme tous les ministères du gouvernement, a assumé sa juste part de compressions ces dernières années, mais j'ignore si je peux vous fournir les chiffres estimatifs pour une période qui remonte à dix ans. Nous pourrions peut-être faire des recherches pour tenter de retrouver de l'information plus précise à votre intention.

M. Mifflin: Monsieur Woolner, pourriez-vous nous aider à ce sujet?

M. Woolner: Si vous vous intéressez à ce que nous appelons la Guerre froide, cette période dont nous parlons, qui a pris fin il y a cinq ans, je peux vous dire qu'au cours des cinq dernières années, le budget du CST - et nous vous avons communiqué les chiffres au début - a été réduit de plus de 10 p. 100.

Comme le disait Mme Bloodworth, nous nous détournons de l'approche monolithique et nous diversifions notre activité pour nous pencher sur le renseignement économique et nombre d'autres types de renseignements. Les exigences auxquelles doivent répondre les services de renseignements, en matière de spécialisation, de soutien informatique, de langues, d'analyse cryptographique, ce genre de choses que le service accomplit... les exigences, donc, auxquelles doit se plier un organisme comme le mien, deviennent de plus en plus difficiles à satisfaire.

M. Mifflin: Pourriez-vous nous donner une idée de la façon dont les efforts sont répartis entre les deux mandats que vous avez?

Mme Bloodworth: Nous avons examiné avec attention la façon dont le budget pouvait être réparti sans favoriser les ennemis des intérêts du Canada, si je peux m'exprimer ainsi. Nous n'avons donc pas créé deux grands postes, l'un pour INFOSEC et l'autre pour l'autre mandat. Il faut toutefois dire qu'INFOSEC représente une plus petite part du budget que l'autre mandat, mais une part quand même importante. Il ne représente pas que 5 p. 100 du budget, mais correspond plutôt à une part respectable.

M. Mifflin: Je remarque que vous insistez sur la coopération avec les alliés, dans le cadre, je crois, du G-7 et de l'OCDE et de toutes ces autres organisations magnifiques. Je crois que la question ne doit pas être oubliée.

Si nous ne faisions pas partie d'une organisation qui accomplit la même chose que le CST - et je crois que vous avez exposé le mandat de façon fort claire - quelles en seraient les conséquences sur la sécurité nationale? J'imagine que c'est là ma véritable question.

Mme Bloodworth: Si le Canada n'avait pas le CST?

M. Mifflin: Oui.

Mme Bloodworth: Premièrement, les ententes dont j'ai parlé n'existeraient plus. Pour être partie à ces accords, il faut posséder une organisation similaire au niveau national. Nous n'aurions plus accès à une quantité notable de renseignements étrangers, y compris une grande quantité de renseignements qui nous servent à appuyer les soldats de la paix et divers intérêts canadiens. Ce serait donc une véritable perte pour le Canada, parce qu'il n'y aurait pas de raison... Oui, nous pouvons supposer que nous obtiendrions certains renseignements, mais uniquement lorsque ce serait dans l'intérêt de leurs détenteurs de nous les communiquer.

Je peux aussi ajouter que, dans le monde que je viens de décrire, ce groupe des cinq, les quatre autres pays et le nôtre, constitue un groupe d'alliés indéfectibles. Autrement dit, nous avons des amis qui sont alliés depuis longtemps, et qui sont nos amis de longue date. Nous ne sommes pas nécessairement toujours d'accord avec eux. Nous avons à l'occasion des différends. Mais dans un monde comme celui que je viens de décrire, il est sans doute sage de rester fidèles aux amis que nous connaissons et de tenter parallèlement d'établir de nouvelles alliances, évidemment.

M. Mifflin: Pour terminer, je veux poser une question qui constitue le corollaire de ce dont nous venons de discuter. Je crois comprendre, madame Bloodworth, d'après ce que vous avez dit et suggéré, que parce que nous avons une organisation comme le CST et que nous collaborons étroitement avec nos alliés, nous obtenons de cette alliance de l'information que nous ne serions pas en mesure de recueillir individuellement.

Mme Bloodworth: C'est exact.

Le président: Avant de donner la parole à M. Leroux, je me demande si nous ne pourrions pas demander quelques précisions, si le comité me le permet.

Avez-vous dit que le budget était moindre aujourd'hui qu'autrefois?

M. Woolner: Oui, je l'ai dit. La seule mise en garde que j'aimerais faire à ce sujet, c'est qu'il devient un peu complexe d'avancer des chiffres lorsque l'on compare le budget de 1995-1996 à celui de 1990-1991 en dollars courants. Mais je crois pouvoir dire sans crainte qu'en règle générale, le budget de mon organisme est maintenant inférieur de 10 p. 100 à ce qu'il était.

.1620

Le président: Nous vivons dans un monde plus troublé, et pourtant notre budget est moins sûr. N'est-ce pas étrange? Je me demande si vous pourriez m'éclairer. Nous sommes heureux que vous ayez lu le rapport. Vous êtes la deuxième personne à nous dire que vous l'avez lu, et nous sommes ravis que vous en approuviez le contenu. Nous croyons fermement que le monde est plus instable aujourd'hui. Il me semble que nous avons besoin maintenant d'encore plus de renseignements. Peut-être suis-je dans l'erreur.

Mme Bloodworth: Nous ne sommes pas venus ici nous plaindre de ne pas avoir assez d'argent. Je crois que le CST est dans la même situation que tous les autres ministères. Nous sommes tous en train de rationaliser nos structures pour nous efforcer d'accomplir plus avec moins. Nous ne voulions certainement pas donner à entendre que nous ne pouvons pas faire le travail que le gouvernement demande de nous. Je crois que nous sommes en mesure de le faire, notamment grâce à nos liens avec les alliés. À cet égard, nos alliés sont certainement très importants.

Mais, tout comme le ministère de la Défense nationale ou tout autre ministère, nous sommes bien conscients du fait que le gouvernement doit réduire ses dépenses, et le CST s'y prépare. Il a, dans toute la mesure du possible, tenté de réduire ses dépenses et il continue dans cette voie en rationalisant son activité et en réalisant des économies plutôt qu'en mettant fin à certaines fonctions. Nous ne sommes pas venus vous demander plus d'argent, il est incontestable que le gouvernement doit tenter de poursuivre son activité avec moins de ressources.

Le président: Toutefois, si le comité voulait recommander que l'on double votre budget, vous ne vous y opposeriez pas, n'est-ce pas? Je ne sais pas si le gouvernement le ferait - mais s'il le voulait.

De toute façon, je donne maintenant la parole à M. Leroux, même si j'aurais voulu poser quelques questions sur le codage et des choses de ce genre. J'aimerais savoir comment on procède. Nous y reviendrons peut-être si le temps nous le permet.

[Français]

M. Leroux (Shefford): Ma première question portera sur ledit French problem au CST. À plus d'une reprise, le solliciteur général et le premier ministre ont affirmé en Chambre que le gouvernement n'espionne ni le gouvernement du Québec ni les partis politiques souverainistes. Or, selon le livre récent d'un ex-employé du CST, Mike Frost, il semblerait que cet espionnage se fait plutôt par la section French problem du CST. Pouvez-vous confirmer que cette section dite French problem du CST est toujours en opération et pourrait même être plus imposante que jamais?

[Traduction]

Mme Bloodworth: Il n'existe pas de section French problem au CST. En fait, elle n'aurait même aucune raison d'être, car nous ne ciblons pas les Canadiens. Nous ne nous intéressons ni aux citoyens canadiens, ni aux partis politiques canadiens, non plus qu'aux gouvernements canadiens.

[Français]

M. Leroux: Là, vous êtes en train de me dire que Mike Frost pas dit la vérité dans son livre, qu'il a menti. C'est cela?

[Traduction]

Mme Bloodworth: Je vous dis qu'il n'y a pas de section French problem au CST.

[Français]

M. Leroux: Et cela n'a jamais existé avant vous?

[Traduction]

Mme Bloodworth: Non.

[Français]

M. Leroux: Vous confirmez cela aussi, monsieur?

[Traduction]

M. Woolner: Oui, je le confirme.

[Français]

M. Leroux: Donc, Mike Frost a inventé cela. Selon vous, est-ce de la pure fiction?

[Traduction]

Mme Bloodworth: Je ne veux pas discuter de l'ouvrage de M. Frost.

Le président: Monsieur Hopkins.

M. Hopkins (Renfrew - Nipissing - Pembroke): Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'organisme qui a précédé le CST faisait partie d'une organisation de renseignement sur les transmissions; combien de personnes travaillaient alors dans cet organisme? Pouvez-vous nous fournir des chiffres approximatifs à cet égard?

Mme Bloodworth: Je ne m'en souviens pas, mais peut-être que M. Woolner peut vous répondre.

M. Woolner: Lorsque la direction générale des communications du Conseil national de recherches a été créée par le premier ministre de l'époque, l'honorable William Lyon Mackenzie King, le 1er septembre 1946, je crois qu'il y aurait eu... J'allais dire environ 500 personnes, mais il y en avait peut-être moins. Je ne peux pas être plus précis. Je suis désolé. Il y aurait eu plus de 100 personnes mais moins de 500, quelque chose de cet ordre.

.1625

M. Hopkins: Je ne me risquerais pas à mettre en doute la décision de Mackenzie King, mais pourquoi le CST était-il intégré au CNR?

M. Woolner: Pendant la Seconde Guerre mondiale, comme l'a décrit votre collègueM. Bryden, il y avait une très forte activité dans le domaine du renseignement sur les transmissions. Nous commencions, mais nous étions actifs, les Forces armées, les Affaires extérieures et le Conseil national de recherches. À la fin de la guerre, il a d'abord fallu décider s'il fallait poursuivre l'effort de renseignement sur les transmissions en temps de paix. Et on a décidé de continuer.

Ensuite, il fallait déterminer, puisque l'on continuait cette activité, où il convenait de la placer. J'imagine que des questions comme la rivalité entre les éléments, les rivalités peut-être entre le ministère de la Défense et les Affaires extérieures... Je crois que le Conseil national de recherches a été jugé à l'abri de ces querelles, et c'est là qu'on a placé l'organisation. Nous y sommes restés jusqu'en avril 1975.

M. Hopkins: Lorsque vous êtes passés au MDN, en 1975, quels étaient vos effectifs?

M. Woolner: Je ne me souviens pas, mais j'avancerais le chiffre de 600.

M. Hopkins: Avons-nous maintenu jusqu'à aujourd'hui nos liens avec les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Nouvelle-Zélande, l'Australie? Combien des 900 membres du personnel, le chiffre que vous nous avez donné, travaillent au Canada et combien sont à l'étranger?

Mme Bloodworth: La plupart d'entre eux sont au Canada, n'est-ce pas?

M. Woolner: Oui. Nous exploitons un très petit bureau de liaison au Royaume-Uni; nous avons aussi un petit bureau de liaison aux États-Unis. À ces deux exceptions près, tout le personnel du CST se trouve au Canada.

M. Hopkins: Nous n'avons rien en Nouvelle-Zélande et en Australie aujourd'hui?

M. Woolner: Nous entretenons des relations avec ces pays, mais nous ne procédons à aucun échange d'agents de liaison avec eux.

M. Hopkins: Et nous n'avons personne au Moyen-Orient?

Quelles relations entretenez-vous dans le cadre de votre système de communication? Vous mentionnez que la guerre froide est terminée, tout le monde en parle, mais aujourd'hui il y a de nombreux autres défis à relever. Si tout votre personnel se trouve au Canada, il me semble que nous n'avons pas de communications à surveiller dans ces autres secteurs. Comment procédons-nous?

Mme Bloodworth: Je crois que vous abordez un domaine où il est difficile de vous répondre sans révéler des ennemis éventuels du Canada des choses que nous préférerions qu'ils ignorent.

En effet, le personnel se trouve au Canada, mais il recueille des renseignements étrangers à l'extérieur du pays.

Je pourrais peut-être illustrer mon propos au moyen d'un exemple dont je peux parler. Alert est utilisé. Cela signifie que le CST a des antennes à Alert, un endroit très éloigné, et qu'il peut donc concrètement recevoir les signaux ici, à Leitrim. Il est possible de procécer ainsi.

M. Hopkins: Nous avons donc modernisé nos appareils électroniques et notre technologie et nous avons utilisé des services déjà en place?

Mme Bloodworth: Oui.

Le président: Je n'avais pas mes lunettes et je n'ai pas vu que le nom de M. Proud figurait sur ma liste. Je crois cependant que ses questions ont été traitées au cours de l'échange avec M. Mifflin.

M. Proud (Hillsborough): M. Mifflin et M. Hopkins ont demandé avec combien de pays nous travaillons. Je me demandais pourquoi nous ne travaillerions pas, par exemple, dans les pays de l'OTAN. Que je sois ou non d'accord avec vous, vous avez répondu de façon assez complète à cette question.

.1630

Je veux maintenant aborder une autre question. Si nous, membres de ce comité, demandions à visiter une de vos installations, un de vos quartiers généraux, quel genre d'habilitation de sécurité devrions-nous obtenir, si jamais on nous autorisait même à faire cette visite? Aurions-nous l'occasion d'entendre et de voir certaines des choses que vous faites, ou est-ce totalement impossible?

Mme Bloodworth: La sécurité est très stricte dans ce secteur. En règle générale, nous accordons à très peu de gens l'autorisation d'y pénétrer, et ceux que nous accueillons ont des habilitations de sécurité de très haut niveau, sans doute le plus haut niveau qui soit. Nous devrions demander au ministre s'il est possible de faire visiter certains secteurs.

M. Proud: Nous avons visité les installations du NORAD, par exemple, l'été dernier et je me demandais simplement s'il était possible d'envisager de faire la même chose.

Le président: J'imagine qu'il faut avoir une très bonne réputation pour entrer là.

M. Proud: C'est vrai.

Le président: M. Frazer veut revoir un point et Mme Hickey veut poser des questions, je vais donc commencer par M. Frazer.

M. Frazer: Je cède la parole à Mme Hickey.

Mme Hickey (St. John's-Est): Je voulais savoir si vous pourriez nous expliquer la différence entre votre groupe et le SCRS, parce que je croyais qu'il s'agissait de la même chose. Pourquoi y a-t-il deux groupes et pourquoi deviez-vous travailler séparément?

Mme Bloodworth: La principale différence est que le SCRS s'occupe de sécurité nationale - autrement dit, il oeuvre au Canada et il lui appartient à veiller à ce que le Canada soit un endroit sûr - le CST, pour sa part, est un organisme de renseignements étrangers.

Pourquoi sont-ils distincts l'un de l'autre? Dans la plupart des pays occidentaux, les services du renseignement étranger et ceux du renseignement national ont toujours été distincts. Il n'existe pas de règle à cet égard, mais on semble toujours procéder de la même façon. La chose s'explique sans doute en partie par la volonté de protéger, dans toute la mesure du possible, tous les citoyens sans distinction.

Il y a aussi une différence d'approche. Les services de sécurité nationaux travaillent au pays pour protéger les citoyens du pays, souvent contre d'autres citoyens. Autrement dit, ils s'apparentent plus à un service de police. Ils ne détiennent pas les mêmes pouvoirs que les services de police, mais ils s'intéressent aux mêmes types d'activités, tandis qu'un service de renseignement étranger s'intéresse à la capacité, aux intentions et aux motifs des gouvernements étrangers.

Mme Hickey: Est-ce que vous collaborez parfois?

Mme Bloodworth: Oui, dans certains domaines nous le faisons. J'ai mentionné précédemment que si le CST devait, en recueillant des renseignements étrangers, découvrir certaines informations se rapportant au terrorisme, comme les terroristes et les organisations terroristes ne respectent pas nécessairement les frontières, il veillerait certainement à ce que le SCRS possède suffisamment d'informations pour protéger les Canadiens.

M. Frazer: Je voulais vraiment en savoir un peu plus dans le domaine que Mme Hickey vient d'aborder. Lorsqu'il est établi qu'il faut véritablement assurer une liaison entre le SCRS et le CST, quel est le mécanisme de contrôle qui permet au CST ou au SCRS de déterminer qu'il s'agit d'un domaine à étudier? De quelle façon les contacts sont-ils orientés et approuvés? Comme la chose concerne le ministre de la Défense nationale et le solliciteur général, faut-il satisfaire à certaines exigences en matière d'examen?

Mme Bloodworth: Comme vous le savez sans doute, le SCRS est étroitement assujetti à des mécanismes d'examen. Toute collaboration du SCRS avec le CST sera soumise à ces mécanismes. Autrement dit, le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité aura droit de regard ou d'enquête sur tout ce qui fait l'objet d'une collaboration entre le CST et le SCRS.

M. Frazer: Je veux parler plus spécifiquement des opérations, car le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité les surveille certainement de temps à autre, mais pas de façon régulière.

Supposons que des signaux interceptés révèlent qu'il est nécessaire d'établir le contact. Qui approuverait ce contact et de quelle façon le surveillerait-on jusqu'à ce que l'objectif soit atteint?

Mme Bloodworth: Il y a deux étapes. Premièrement, en vertu de la politique, toute collaboration serait approuvée au niveau ministériel, mais cela ne signifie pas nécessairement... Ils concluent un protocole d'entente qui fixe la tâche et ce protocole d'entente précise les tâches respectives du CST et du SCRS.

Mais en ce qui concerne la politique ou la prise de décisions au sujet du contact ou de la collaboration, c'est au niveau ministériel que les choses se passent.

.1635

M. Frazer: Un de vos opérateurs intercepte le signal et, que ce soit cet opérateur ou la personne qui analyse l'information qui détermine si la chose intéresse ou non l'autre organisation, que fait-on ensuite pour indiquer qu'il faut établir un contact et un lien, et qui procède à l'examen de cette question? Êtes-vous mise au courant? J'imagine que le ministre de la Défense nationale ou le solliciteur général intervient. Mais il faut que quelque part une décision soit prise de communiquer avec le SCRS.

M. Bloodworth: Je voudrais répondre à votre question, mais je ne peux donner de détails sur les opérations. J'essaie donc de vous fournir une réponse sans entrer dans les détails qui suscitent des difficultés.

Permettez-moi de commencer en disant que cette question des rapports entre le SCRS et le CST relève d'un domaine. C'est une question sur laquelle le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité peut se pencher à tout moment, mais l'inspecteur général du SCIS a présenté au Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité un rapport portant spécifiquement sur la question en octobre 1991. Il n'avait relevé aucun exemple où le SCRS aurait fait usage de façon non raisonnable ou inutile de l'un de ses pouvoirs dans le cadre d'échanges de renseignements avec le CST.

Il n'y a pas que le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité qui intervienne dans ce domaine, l'inspecteur général est également concerné. Toute intervention qui se produit fait l'objet d'un examen de ce côté.

M. Frazer: Je complique peut-être un peu trop les choses. Vous avez une équipe de service et, on peut le supposer, cette équipe a un chef. Est-ce cette personne qui prend la décision? Vous parliez d'intercepter une information concernant la possibilité qu'une bombe soit placée dans un avion, ou quelque chose du genre. De toute évidence, il faut prendre des mesures sans délai, et c'est la même chose dans les cas d'activités terroristes, par exemple. La décision est-elle prise par le chef de service et, dans l'affirmative, cette personne doit-elle en référer à d'autres pour faire approuver sa décision?

Mme Bloodworth: Je vais tenter de répondre en termes généraux, sans fournir de détails à caractère délicat.

En premier lieu, il existe des ententes qui définissent la relation. Une procédure détaillée régit ensuite tout ce que l'organisation fait. Il y a peut-être quelque chose de prévu dans cette procédure. Si ce n'est pas le cas, la responsabilité incomberait au superviseur de service ou à la direction du CST. Le niveau auquel la décision serait prise dépendrait du caractère de la question.

M. Frazer: Je ne crois pas que je réussisse à obtenir une réponse, monsieur le président.

Le président: Nous savons combien de postes il y a, nous allons maintenant changer de poste. Les membres du comité n'ont plus aucune question à poser.

Je m'intéresse à la façon dont le codage est effectué, l'effet de ce codage et à la procédure à suivre.

Mme Bloodworth: Ma réponse sera très brève, car je n'y connais pas grand-chose, mais permettez-moi d'essayer d'expliquer la chose d'une façon «non spécialisée» et Stewart me corrigera au besoin.

Le codage se fait la plupart du temps de façon électronique, et c'est très compliqué. Il faut maintenant des ordinateurs pour percer les codes. Cela se fait de façon électronique, par des mathématiciens qui exécutent des tâches que je ne prétends pas comprendre ou pouvoir expliquer, mais il faut utiliser des ordinateurs parce que la chose est fort complexe. Je suis certaine que nous avons tous entendu parler des machines utilisées pendant la Seconde Guerre mondiale. Cette époque est bien révolue. Tout est beaucoup plus compliqué maintenant. On utilise des ordinateurs non seulement pour percer des codes, mais aussi pour les créer. En outre, ceux qui sont capables de le faire ont aussi beaucoup perfectionné leurs méthodes, alors ceux qui doivent se protéger, le CST, par exemple, doivent aussi recourir à des moyens perfectionnés. Les ordinateurs ont un grand rôle à jouer.

Stewart, avec-vous quelque chose à ajouter?

M. Woolner: Vous avez très bien répondu. Même si l'équipement n'a plus rien de comparable avec les machines et le matériel de la Seconde Guerre mondiale, les principes du chiffrage demeurent les mêmes.

Pour que les communications se fassent en toute sécurité, il faut utiliser une formule de chiffrement tout à fait aléatoire. C'est pourquoi nous avons besoin de mathématiciens, d'informaticiens et d'ingénieurs, qui conçoivent des programmes pour qu'il soit possible de communiquer avec quelqu'un d'autre, cette communication est codée et ne peut être reconstituée en aucune façon parce que les communications codées sont tout à fait aléatoires.

Si l'informaticien et le mathématicien ne font pas bien leur travail, si le matériel ne fonctionne pas bien, si quelqu'un oublie d'insérer une clé, on peut utiliser l'ordinateur pour reconstituer la communication. C'est là le principe de base du chiffrement et du déchiffrement.

Mme Bloodworth: C'est aussi très important, évidemment, de bien protéger les clés, sinon quelqu'un qui le veut pourrait percer les codes.

.1640

Le président: Alors, les conversations internationales se font-elles aussi derrière des écrans de fumée, comme certaines conversations sur la Colline parlementaire.

Nous n'avons plus de questions à vous poser. Quelqu'un veut-il demander des précisions?

Je vous remercie beaucoup d'être venus. Vous nous avez montré que le renseignement canadien, contrairement au service postal, n'est pas un oxymoron. Merci encore.

Mme Bloodworth: Merci.

Le président: La séance est levée.

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