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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 9 novembre 1995

.1553

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Conformément à l'article 108(2) du Règlement, le comité reprend l'étude du rapport de la Commission spéciale sur la restructuration de la réserve.

Nous recevons aujourd'hui le major-général E.W. Linden, chef, Réserves et cadets, et le brigadier-général A.R. MacDonald, conseiller pour la réserve.

Messieurs, je vous demanderais de faire un exposé d'environ 10 minutes, et je ne nie pas qu'ensuite beaucoup de questions vous seront posées.

Soyez encore une fois les bienvenus. Nous sommes impatients d'examiner avec vous ce rapport, comme nous l'avons fait hier avec les responsables de sa rédaction et comme nous le ferons avec les autres témoins qui viendront nous voir au cours des prochains jours.

Le major-général E.W. Linden (chef, Réserves et cadets, ministère de la Défense nationale): Monsieur le président, mesdames et messieurs, comme vous le savez, le Livre blanc de 1994 réitérait l'engagement du gouvernement à l'égard du concept de la force totale, qui regroupe des militaires à plein temps et à temps partiel afin de constituer des forces polyvalentes et aptes au combat.

En vertu de ce concept, la force régulière assure une capacité d'intervention immédiate tandis que la réserve est censée renforcer et soutenir les unités de la force régulière et, dans certains cas, accomplir des tâches que cette dernière n'exécute pas.

Le Livre blanc précisait que d'ici à 1999, l'effectif de la première réserve serait réduit à 23 000. Ces réductions, conjuguées à l'impact du schéma de mobilisation et à l'importance accrue des opérations multilatérales favorisant la stabilité mondiale, entraînent des changements à la structure des forces en plus de leurs réductions.

Comme l'indique le Livre blanc, le nombre de réservistes sera réduit, mais la qualité de la réserve et sa capacité globale de fournir aux unités du personnel d'appoint compétent seront grandement améliorées. En outre, la réserve supplémentaire sera maintenue, mais sans attribution de fonds.

.1555

Dans cette optique, bien entendu, vous n'êtes pas sans savoir qu'en avril dernier le ministre de la Défense nationale a ordonné la création d'une commission spéciale chargée de mener une étude et de formuler des recommandations sur le rôle, la structure et l'emploi de la réserve des Forces canadiennes, et de proposer des options de restructuration.

Je prendrai quelques minutes pour vous donner un aperçu des forces de réserve du Canada telles qu'elles existent aujourd'hui. Certains de mes commentaires seront rendus plus clairs par les diagrammes et les cartes que nous allons projeter.

La réserve comporte quatre sous-éléments, soit la première réserve, la réserve supplémentaire, les Canadian Rangers et le cadre des instructeurs des cadets. L'étude de la commission spéciale a porté principalement sur la première réserve et la réserve supplémentaire. Je limiterai donc mes commentaires à ces deux sous-éléments.

La première réserve se compose d'officiers et de militaires du rang qui se sont portés volontaires pour accomplir des tâches et recevoir la formation qui peuvent être exigées d'eux. Ils font généralement partie d'unités et de sous-unités constituées et s'entraînent périodiquement tout au long de l'année. La première réserve compte quatre composantes: la réserve navale, la milice, la réserve aérienne et la réserve des communications.

Cette année, la première réserve a un plafond autorisé d'environ 29 500. Répartie dans169 établissements situés d'un bout à l'autre du pays, la première réserve assure un lien vital entre les Forces canadiennes et les collectivités locales.

Elle dispose d'un budget de quelque 260 millions de dollars pour la solde et les dépenses secondaires de fonctionnement et d'entretien. Selon la partie III du Budget des dépenses, le coût estimatif de la première réserve pour 1995-1996 s'élevait à 919 millions de dollars, ce qui comprend toutes les dépenses imputables, comme la rémunération du personnel de soutien de la force régulière, les frais de soutien des bases et les dépenses en capital propres à la première réserve et celles qu'elle partage. Ce chiffre de 919 millions de dollars est très approximatif, et le quartier général est en train de chiffrer le budget d'une manière plus précise.

Les composantes maintenant. La réserve navale est une formation qui relève du COMAR au même titre que les MARLANT et les MARPAC, les Forces maritimes de l'Atlantique et du Pacifique, respectivement. En tant qu'élément de renfort de la marine, en disponibilité opérationnelle, la réserve navale a pour mission de fournir au Commandement maritime du personnel compétent pour doter les éléments navals de combat et de soutien. La réserve navale compte 24 divisions disséminées dans tout le pays et groupées en régions, ainsi qu'une école et un quartier général à Québec.

Chaque division de la réserve navale constitue une unité dont la structure ressemble vaguement à celle de l'équipage d'un navire, comme par exemple à bord d'une frégate, où l'on retrouve un commandant, des services, etc. Le rôle des divisions de la réserve navale consiste à dispenser, surtout l'automne et l'hiver, une formation professionnelle et une instruction militaire générale; on donnera bientôt une instruction modulaire et décentralisée en ce qui concerne les navires de défense côtière, ou NDC. L'école de la réserve navale à Québec est une école de la force totale, mais elle est en voie de devenir un centre d'excellence pour les cours relatifs aux NDC et aux opérations côtières.

La réserve navale est chargée principalement d'assurer la défense côtière et de fournir des équipages pour les 12 navires de défense côtière, dont le premier, le HMCS Kingston, a été lancé récemment. Pour fournir l'équipage complet d'un NDC, on a recours à un personnel venant des diverses divisions au sein de la région.

La réserve navale est également responsable de la défense portuaire, du contrôle naval de la navigation commerciale et du renforcement de la flotte. Par défense portuaire, on entend la défense des ports, des mouillages et de leurs abords immédiats, tandis que le contrôle naval de la navigation commerciale assure une capacité de contingence lorsqu'il s'agit de placer des navires marchands sous le contrôle du gouvernement et, au besoin, de les protéger. Il y a quatre unités de défense portuaire, appuyées par des équipes de plongée, et quatre équipes régionales de contrôle naval de la navigation commerciale, soit deux sur chaque côte.

Avec un plafond rémunéré actuel de 4 550, la majorité du personnel est affecté à des petits bâtiments de guerre. Les officiers et les MR reçoivent l'instruction de base avec la force régulière.

La réserve des forces terrestres est la composante la plus importante de la réserve. La structure de commandement et de contrôle de la force terrestre est établie selon le secteur géographique. La chaîne de commandement de chaque secteur enveloppe toutes les unités de la force régulière et de la réserve qui s'y trouvent. Pour fournir une force terrestre polyvalente et prête au combat le quartier général de secteur est chargé de constituer la force, et il est en mesure de renforcer les unités de la force régulière à l'aide de réservistes et de préparer les unités de la force totale en vue d'opérations.

Le commandement de la force terrestre est divisé en quatre secteurs. Il compte environ 20 000 militaires de la force régulière et dispose pour la réserve d'un plafond rémunéré de 20 109, ce qui inclut les quelque 400 postes fournis à la réserve des communications pour la milice des transmissions. Actuellement, l'effectif s'élève à près de 17 500 réservistes. La milice se compose de 133 unités réparties dans 125 villes d'un bout à l'autre du pays.

.1600

Pour assurer la bonne marche de ce vaste système de commandement, les secteurs de la force terrestre sont divisés en districts qui comptent en tout 14 quartiers généraux. Plus précisément, le secteur de l'Ouest de la force terrestre comporte quatre districts et 42 unités dont l'effectif réel est de 4 083 réservistes. Ces chiffres datent du mois d'octobre. Le secteur du Centre de la force terrestre comprend quatre districts et 43 unités de réserve dont l'effectif réel est de 5 421 réservistes. Le secteur du Québec de la force terrestre compte trois districts et 27 unités dont l'effectif réel s'établit à 4 142 réservistes. Enfin, le secteur de l'Atlantique de la force terrestre comporte trois districts et 21 unités dont l'effectif réel est de 3 475 réservistes.

Ces dernières années les réserves de la force terrestre ont fait l'objet de nombreuses critiques. Nombre d'entre vous en ont eu un écho lors des audiences, l'année dernière, du comité mixte spécial. Il ne faudrait pas malgré tout oublier le remarquable rôle d'appoint joué par ces réserves dans les missions de maintien de la paix.

Depuis 1989, près de 4 500 réservistes de l'armée de terre ont été affectés à des opérations des Nations Unies. Ces réservistes comptent pour 18 p. 100 de la participation de la force terrestre, et tout le monde reconnaît l'excellence de leur travail. Cela ne veut pas dire pour autant que des changements ne sont pas nécessaires, mais c'est la preuve de l'existence d'un corps de réservistes sur lesquels nous pouvons compter.

Maintenant, la réserve aérienne. Le rôle de la réserve aérienne consiste à accroître la capacité nationale d'urgence de la force aérienne du Canada et à appuyer l'élément régulier de cette dernière dans le cadre des tâches et des activités permanentes en temps de paix. Le commandement aérien veut que toutes les unités soient des unités de la force totale et que leur personnel, composé de réguliers et de réservistes, serve dans des établissements intégrés. Le degré d'intégration dépendra de l'état de préparation.

La réserve aérienne possède un plafond rémunéré de 1 739, et ses principales unités sont deux escadres d'aviation tactique qui comprennent trois escadrons chacune et qui relèvent du commandant du dixième groupe aérien tactique, à Toronto et à Montréal; deux escadrons intégrés de la force totale qui relèvent du commandant du groupe de chasse et qui assurent un soutien en matière de guerre électronique et de patrouille côtière; et enfin, un escadron indépendant qui appuie l'école de navigation aérienne et la formation sur DASH-8 et fournit des moyens de transport aérien.

Il y a également 21 détachements et escadrilles de renfort de la réserve aérienne qui, en fournissant du personnel compétent à toutes les unités du commandement aérien, leur assurent une combinaison de réguliers et de réservistes dans toutes les bases du commandement aérien.

Le CAir est en voie de mettre sur pied une escadre de soutien en cas d'urgence dont la mission consistera à planifier et à exécuter des opérations de soutien et des opérations combinées dans n'importe quel secteur géographique. Les éléments de soutien de contingence comprennent des escadrons d'infrastructure, un escadron de soutien au combat aérien, un escadron de commandement, de contrôle, de communications et de renseignement ainsi que des forces de sécurité et de défense.

On a déjà commencé à mettre sur pied deux des trois escadrilles de l'escadron d'infrastructure de la réserve à Bridgewater, en Nouvelle-Écosse, et à Gander, à Terre-Neuve.

Le CAir a également instauré un programme de réserve industrielle dont le but est d'enrôler dans la réserve des employés de l'industrie civile qui, grâce à des contrats de maintenance avec le MDN, mettent déjà leurs compétences au service des appareils et du matériel des FC. Un protocole d'entente a d'ailleurs été signé avec les sociétés Bristol Aerospace et Bombardier (Canadair).

Enfin, la réserve des communications fait partie de l'organisation du SMA (SID) et comprend 23 unités d'un bout à l'autre du Canada. La structure actuelle compte six régiments, 16 escadrons et une sous-unité. Trois de ces formations, situées à Regina, à Borden et à St. John's, sont des unités intégrées de la force totale. L'une d'entre elles est dirigée par un commandant de réserve. Les autres sont structurées selon une chaîne de commandement intégrée.

Les unités de la réserve des communications sont affectées à l'un des cinq groupes des communications régionaux et au réseau radio supplémentaire au sein de la DGOSI. Le rôle de cette réserve consiste à fournir du personnel d'appoint apte au combat, de façon à répondre aux besoins des missions liées aux systèmes tactiques et stratégiques de commandement, de contrôle et d'information, y compris la fonction de la milice des transmissions qui accompagne l'armée de terre sur le terrain. Elle assure également l'instruction militaire générale et la formation sur les systèmes d'information ainsi que des services de communication.

La réserve des communications n'est pas chargée de fournir des unités constituées, mais plutôt de fournir, presque exclusivement, de petits détachements constitués dans le but de renforcer la force régulière. À l'heure actuelle, 14 des 52 membres de l'OSID déployés en Yougoslavie, soit 29 p. 100, font partie de la réserve des communications. Des membres de la réserve des communications servent aussi sur le plateau du Golan, en Haïti et au Rwanda.

Il y a en tout temps plus de 100 membres de la réserve des communications prêts à appuyer directement les missions de l'OSID partout au Canada, notamment comme préposés aux centres de communication, techniciens et poseurs de lignes.

.1605

Cette année, le plafond rémunéré de la réserve des communications totalise 2 016, c'est-à-dire 1 624 postes de l'OSID et 392 crédits transférés annuellement du commandement de la force terrestre et affectés au recrutement, à l'instruction et à l'administration de la milice des transmissions.

Dans la mesure du possible, on a fait en sorte que l'instruction de la réserve des communications soit équivalente à celle de la force régulière. Pour les grades de soldat à caporal-chef et d'élève-officier à lieutenant, les réservistes doivent satisfaire aux mêmes normes d'instruction que leurs homologues de la force régulière. Bien qu'il soit difficile d'établir l'équivalence des normes d'instruction aux grades supérieurs, on tentera de les rapprocher le plus possible, compte tenu de l'utilisation et des tâches réelles du personnel d'appoint.

En dernier lieu, j'aimerais parler de la réserve supplémentaire, composée d'officiers et de militaires du rang qui, sauf s'ils sont en service actif, ne sont pas tenus de servir ou de s'entraîner. Leurs noms figurent sur une liste. En général, la réserve supplémentaire compte du personnel qui a acquis une expérience militaire et qui pourrait être rappelé en cas d'urgence. Toutefois, des civils possédant des compétences particulières peuvent également s'enrôler.

La réserve supplémentaire comporte deux volets, la réserve supplémentaire d'attente et la réserve supplémentaire disponible, qui totalisent environ 47 000 membres. Même si la différence entre les deux s'est estompée depuis quelques années, la réserve disponible devait fournir une réserve de personnes dont les compétences étaient à jour et qui désiraient se porter volontaires pour servir au besoin. La réserve d'attente, quant à elle, regroupait les personnes dont les compétences étaient moins à jour ou dont la disponibilité était plus restreinte. Les commandements sont responsables d'administrer leur part respective de la réserve disponible, tandis que la réserve d'attente relève du quartier général de la Défense nationale.

Pour assurer la viabilité de la réserve disponible, les membres devaient être autorisés à conserver leur uniforme, leur carte d'identité et leur attestation de sécurité. En outre, ils étaient tenus de se présenter chaque année pour qu'on détermine s'ils pouvaient encore faire partie de la réserve disponible, et un traitement de 300$ leur était versé. Au cours des dernières années, la plupart de ces éléments ont été éliminés et, plus récemment, en raison du Livre blanc de 1994, la rémunération a été supprimée.

Avant de conclure, permettez-moi de citer certains des problèmes qu'il faudra régler dans le cadre de cette restructuration de la réserve. Le premier concerne l'administration et l'instruction. Le vérificateur général a beaucoup insisté sur ce problème dans son rapport.

Pour répondre à ces critiques, nous avons fait de très gros efforts dans l'administration de l'instruction des réservistes. Les normes d'instruction sont dans une large mesure alignées sur celles de la force régulière, et nous sommes également en train de modifier nos politiques de gestion des carrières pour qu'elles soient analogues à celles de la force régulière. C'est dans une certaine mesure le résultat des rôles nouveaux attribués aux réservistes.

L'aviation a été la première à adopter ces nouvelles méthodes pour les pilotes. Les tâches confiées aux réservistes de l'armée de terre dans les missions de maintien de la paix et aux réservistes de la marine placés sur les nouveaux NDC nécessitent des qualifications et une formation supérieures.

Dans le contexte de ce concept de force totale, la semaine dernière nous avons promulgué une politique donnant aux réservistes la priorité pour combler les postes vacants dans la force régulière et facilitant le passage de la réserve à la force régulière.

Enfin, il y a le problème de la solde et des avantages. Des progrès ont été réalisés dans ce domaine depuis la publication du Livre blanc de 1987, mais il reste encore beaucoup de choses à faire sur le plan de la parité salariale, des primes à la spécialisation, des congés payés, des pensions et des indemnités de départ. Dans certains de ces domaines, des avantages requis par la loi pour pratiquement tous les autres Canadiens sont refusés aux réservistes.

Bien que le MDN désire vivement procéder à ces changements, il ne le pourra pas avant 1997, les restrictions budgétaires imposées par la loi ne le lui permettant pas. Par exemple, un système de pensions pour les fonctionnaires à temps partiel a été approuvé par le Conseil du Trésor alors que les salaires étaient gelés, et pourtant il a refusé d'approuver la mise en place d'un régime d'indemnités de départ beaucoup moins généreux pour les réservistes.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, général, de cet exposé qui, je crois, ne manquera pas de susciter beaucoup de questions.

Nous commencerons de la manière habituelle: dix minutes pour le premier tour et ensuite des tours de cinq minutes.

Monsieur Leroux.

[Français]

M. Leroux (Shefford): Messieurs, je vous souhaite la bienvenue au comité.

J'aurais quelques questions qui touchent des domaines différents les uns des autres. Ce sont des questions que je me pose et sur lesquelles vous pourrez peut-être m'éclairer.

Allier une carrière civile à celle de réserviste présente plusieurs difficultés. Pensez-vous qu'il est plus facile d'être réserviste aujourd'hui? Et si tel n'est pas le cas, que doit-on faire pour permettre à des jeunes qui ont le goût d'être réservistes de faire parallèlement une carrière dans un autre domaine? Quelles mesures proposeriez-vous?

.1610

[Traduction]

Mgén Linden: Parmi les mesures que nous essayons de prendre pour faciliter les choses il y a eu notre initiative majeure avec le Conseil de liaison des Forces canadiennes. Ceux d'entre vous qui étaient membres du comité mixte spécial se souviendront de l'exposé de M. John Eaton qui est le président de ce comité. Depuis environ deux ans et demi, M. Eaton et le directeur administratif, Léo Desmarteau, font un excellent travail en contactant les employeurs pour s'assurer dans la mesure du possible que leurs employés se voient accorder suffisamment de journées libres sans devoir les prendre sur leurs vacances pour terminer leur instruction de réserviste.

Nous essayons aussi d'offrir nos cours à d'autres périodes que l'été, car, pour de nombreuses entreprises, accorder aux réservistes, en plus de leurs vacances, des congés pour suivre les cours d'instruction crée des difficultés. Ces politiques ont pour but d'atténuer les problèmes civils de nos réservistes.

[Français]

M. Leroux: On entend souvent dire que les militaires de la réserve ne sont pas comme ceux des forces régulières. Ils ne sont pas entraînés de la même façon. Je l'ai même entendu aujourd'hui, monsieur le président.

On sait d'autre part que les réserves canadiennes participent aux missions de maintien de la paix. Comme je le disais au comité hier, j'ai même rencontré deux de mes anciens étudiants qui font partie de la réserve et qui sont allés en Bosnie-Herzégovine. Est-ce que ces jeunes-là, après avoir fait partie de la réserve, sont suffisamment entraînés pour faire le travail exigé lors de ces missions?

[Traduction]

Mgén Linden: Oui. Les réservistes choisis pour participer à des missions de maintien de la paix suivent un entraînement à temps complet pendant trois mois au sein de l'unité dans laquelle ils seront déployés, en Yougoslavie par exemple.

Selon les commandants des bataillons en Bosnie et en Croatie, il est impossible, une fois sur place, de faire la différence entre les réservistes et les réguliers. C'est au niveau des sous-officiers et des officiers qu'on a remarqué quelques petits problèmes. Par exemple, les officiers du rang, les sergents, n'ont pas l'expérience des sergents de la force régulière, ce qui leur pose quelques petits problèmes à jouer ce rôle. Lorsque les caporaux, les caporaux-chefs et les simples soldats d'aujourd'hui ayant vécu ces expériences de maintien de la paix seront devenus sergents, il n'y aura plus de problème à ce niveau-là non plus.

Pour les jeunes officiers, d'après eux, il y a deux manières d'instruire les officiers de la milice. La première, c'est de leur faire suivre les mêmes programmes que les officiers de la force régulière. Pour cela, encore une fois, il n'y a par la suite aucune différence entre eux et les officiers de la force régulière. Pour ceux qui ne peuvent suivre ces cours d'instruction qu'à temps partiel surtout et selon des critères un peu différents, il faut un peu plus de temps pour les hisser au niveau nécessaire. Les résultats sont tout à fait satisfaisants.

[Français]

M. Leroux: Autrement dit, lorsque ces jeunes-là sont envoyés dans un détachement avec des militaires des forces régulières, ils sont aussi prêts, aussi bien formés que ces derniers. C'est bien ça?

[Traduction]

Le brigadier-général A.R. MacDonald (conseiller pour la réserve, ministère de la Défense nationale): Oui. Quand ils terminent leur phase d'instruction de trois mois, les jeunes réservistes doivent être agréés par l'officier commandant de leur future unité pour pouvoir être déployés avec elle outre-mer.

Donc, au départ, il y a une différence. Mais cette période d'instruction de trois mois la résout, et quand l'unité quitte le pays il n'y a plus de problèmes.

Si vous me le permettez, j'ajouterais, au sujet de l'instruction et des normes pour les unités qui s'entraînent dans leur manège, que l'armée de terre est en train d'aligner les normes d'instruction. Auparavant nous avions une norme d'instruction pour les réserves et une norme d'instruction pour l'armée régulière. Désormais, les qualifications seront les mêmes dans tous les domaines. Il y aura une norme d'instruction pour l'armée de terre, et tout le monde devra y satisfaire.

Pour le réserviste cela peut créer un petit problème, car il prend sur son temps de travail ou sur ses études pour suivre cette instruction, et il n'en a peut-être pas suffisamment pour aller jusqu'au bout du cours d'un seul coup. En conséquence, chacun des cours a été fractionné pour que les réservistes puissent les suivre jusqu'au bout et finir avec la même formation que les réguliers.

.1615

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

M. Leroux: Monsieur le président, j'ai un dernier point à soulever. À la fin de votre exposé, vous avez dit que les fonctionnaires qui avaient travaillé un certain nombre d'heures à temps partiel avaient droit à une pension, mais pas les réservistes. Autrement dit, quelqu'un qui travaille dans la réserve ne reçoit pas de pension. C'est bien cela?

[Traduction]

Mgén Linden: C'est exact. Même si on est réserviste à plein temps, et il y a un certain nombre de réservistes qui l'ont été à plein temps, 365 jours par an pendant cinq ou dix ans, on n'est pas admissible à un régime de pension à moins d'être un ancien membre de la force régulière, et il n'y a ni pension ni indemnité de départ pour les réservistes à temps partiel.

[Français]

M. Leroux: Quelqu'un qui, par exemple, serait dans la réserve et qui travaillerait pour le gouvernement du Canada comme fonctionnaire, ne pourrait compter le temps passé dans la réserve pour sa pension. C'est bien cela?

[Traduction]

Mgén Linden: Non, absolument pas. C'est totalement distinct.

[Français]

M. Leroux: Et la proposition que vous faites, c'est qu'il y ait une pension pour les réservistes.

[Traduction]

Mgén Linden: Oui.

[Français]

M. Leroux: Est-ce que vous avez préparé un document? Est-ce que vous en parlez dans ce que vous nous présentez? Je n'ai pas eu le temps de tout lire.

[Traduction]

Mgén Linden: Oui. Nous avons fait un certain nombre de propositions concernant les régimes de pension et les indemnités de départ, et je peux m'assurer que vous en receviez copie.

[Français]

M. Leroux: Merci beaucoup.

[Traduction]

M. Speller (Haldimand - Norfolk): Je vous remercie, messieurs, de votre exposé.

Je suis d'une région rurale du Sud-Ouest de l'Ontario où on retrouve ces manèges militaires dont vous parlez un peu partout dans le paysage. L'Ontario représente maintenant près de 40 p. 100 de la population - 37, 38, 39 p. 100 de la population - et pourtant ce rapport ne recommande que deux brigades pour l'Ontario. Est-ce que cela vous semble suffisant, ou devrait-il y avoir une brigade de plus, étant donné l'importance de la population? Le nombre d'unités en Ontario est beaucoup plus important qu'au Québec, par exemple.

Mgén Linden: Il faudrait que votre comité, s'il en décide ainsi, en fasse la recommandation au ministre. Je suppose que vos discussions vous permettront de déterminer si la recommandation de la commission à cet égard est raisonnable, si le cas de l'Ontario est traité correctement, et, dans la négative, vous pourrez faire parvenir une recommandation ad hoc au ministre.

M. Speller: Mais j'aimerais pouvoir préciser que j'en ai parlé aux intéressés, qui estiment que ce n'est pas suffisant. N'est-ce pas?

Mgén Linden: Le ministre nous a demandé de nous abstenir de tout commentaire sur les recommandations de la commission. On nous a conseillé de laisser à votre comité le soin de prendre ses propres décisions sur la base des témoignages et des dépositions. Je préfère donc ne pas répondre à votre question.

M. Speller: Monsieur le président, ce nombre me semble simplement insuffisant.

Passons à la restructuration. La commission recommande, page 82, numéro 10(2):

Savez-vous ce que cela veut dire? Il s'agit du numéro 10(2), page 82, au chapitre 5 des recommandations regroupées concernant la milice.

Mgén Linden: Je crois que cela veut dire que le nombre d'unités dans chaque brigade ne sera pas systématiquement le même. En d'autres termes, l'armée tiendra compte des circonstances particulières. Il n'y aura pas de gabarit stipulant que chaque brigade devra compter six unités de ci et quatre unités de ça, mais plutôt une évaluation des unités dans la région pour constituer des brigades correspondant à l'histoire, aux traditions et aux conditions locales des manèges militaires et à tous les autres critères mentionnés par la commission.

.1620

M. Speller: Quels critères, d'après vous, seront retenus au moment des décisions? Vous avez mentionné, par exemple, l'état des manèges.

Mgén Linden: En fait, je crois que la commission en dresse une liste. J'ai tendance à être d'accord avec cette liste, car, en fait, c'est celle qui a été fournie par mon bureau. Nous l'avons volée aux Australiens, qui viennent de se soumettre à un exercice analogue.

Il y a par exemple la constance de bons résultats.

Il y a aussi la base démographique locale, bien que cela ne soit pas forcément un critère crucial, car, comme je le mentionnais à votre président, l'Île-du-Prince-Édouard, qui ne compte pas une très forte population, représente un très gros pourcentage des réserves. Nous ne suggérons pas de baser ces décisions strictement sur des critères démographiques, mais sur une combinaison de critères démographiques et de résultats.

Il y a la proximité d'unités des forces régulières. Encore une fois, les forces régulières prenant en charge certains des besoins des réserves, si celles-ci sont exagérément éparpillées, cela coûte plus cher.

Il y a l'état des manèges militaires.

Ils parlent aussi des traditions et de l'histoire des unités. Chaque fois que ce sera possible, il faudra essayer de préserver les traditions, surtout dans les unités qui sont étroitement liées au tissu social de la collectivité locale. En tenir compte chaque fois que c'est possible est probablement une bonne idée.

M. Speller: Je me demande si vous prévoyez qu'à la fin de ce processus un certain nombre de manèges vont demeurer, comme par exemple à Toronto, Hamilton, London, Windsor, et que des unités seront démantelées, comme à Simcoe, Guelph, et dans les petites villes du Sud-Ouest de l'Ontario, ou même dans tout le reste du Canada.

Mgén Linden: Je pourrais demander au général MacDonald de vous répondre, car il connaît ces unités. Cependant, j'ai l'impression qu'il n'y a pas forcément de corrélation entre l'importance de la communauté et la survie d'une unité particulière. Il y a plusieurs cas, l'Île-du-Prince-Édouard étant un cas collectif, aussi bien dans la réserve navale que dans celles de l'armée et des communications, où les traditions locales et les commandants d'unités locales ont fait un excellent travail de recrutement. Il ne s'agit donc pas nécessairement de fermer dans les petites villes et de laisser ouvert dans les grandes.

Je suis sûr que le général MacDonald, fort de son expérience dans les Maritimes, peut vous répondre.

Bgén MacDonald: Les critères appliqués à la réserve de l'armée de terre sont énumérés à la page 81.

Pour ce qui est de votre question sur l'emplacement des manèges après la restructuration, j'espère qu'ils ne seront pas tous situés dans les grands centres urbains. J'espère que nous aurons une bonne répartition dans tout le pays. Il y a des localités que je qualifie de rurales qui sont très solides. Ces unités sont très solides et l'ont été traditionnellement. Leur avenir semble excellent.

Je vois donc un mélange rural et urbain. En milieu urbain, par exemple, il y a des problèmes particuliers, car nous avons maintenant des manèges qui sont au même endroit depuis 20, 30 ou 40 ans, alors que la population s'est déplacée. Elle est partie de la zone des manèges vers les banlieues.

C'est une vaste question qui va nécessiter une étude approfondie. Nous allons devoir examiner chaque cas, car chaque zone est unique, comme chaque région de notre pays.

Voilà donc une réponse assez générale à votre question. Il va falloir que les commandants de région et les commandants de l'armée se penchent sur chacun de ces points.

M. Speller: Merci.

Le président: Merci, monsieur Speller.

Avant de vous laisser passer à cette question, monsieur Frazer, j'aimerais ajouter quelque chose.

Comment voyez-vous votre rôle si tout cela est accepté et si les recommandations sont transmises au gouvernement? Quel rôle pensez-vous jouer au niveau de leur mise en oeuvre?

Mgén Linden: Je vais laisser le général MacDonald répondre le premier, puisqu'on a mentionné son rôle.

Bgén MacDonald: Dès que le ministre du QGDN aura transmis ses instructions au commandant de l'armée, celui-ci a l'intention de me faire participer étroitement à ses travaux en tant que principal responsable de la réserve pour l'armée. J'aurai un personnel avec lequel je pourrai commencer à élaborer des idées et des suggestions à l'intention du commandant et des commandants de zone.

Nous allons partir du rapport et de ses bases. Je me réjouis personnellement de son contenu. Nous allons nous servir des critères énoncés à la page 75 ainsi que des autres directives que nous recevrons, et nous partirons de là.

Ce qui nous intéresse tout particulièrement en ce moment, évidemment, ce sont les retombées du budget. C'est une des principales questions auxquelles nous allons devoir nous attaquer immédiatement. Nous passerons au reste le plus vite possible.

.1625

Le commandant de l'armée a l'intention de faire participer le plus possible les réservistes de tous les niveaux à cet exercice, pour y intégrer toute la communauté, l'histoire, le patrimoine et le point de vue des réservistes, car, comme on l'a déjà dit, les réservistes ont aussi d'autres préoccupations à prendre en compte.

Mgén Linden: Mon rôle, comme le recommande le rapport de la commission - mais, encore une fois, c'est à votre comité de recommander ce qu'il voudra - consiste à m'occuper de la mise en oeuvre du rapport au niveau du QGDN.

Voici l'une des raisons pour lesquelles je pense que la commission a fait cette recommandation. Si nous reprenons les autres rapports, par exemple, celui du vérificateur général, on constate que beaucoup des recommandations du vérificateur général ont été réalisées, mais qu'il n'y avait pas de bureau central ou d'organe central de contrôle de la mise en oeuvre pour veiller à l'application uniforme de ces recommandations au niveau de tous les commandements. On s'en remettait donc à l'initiative de chaque commandant plutôt qu'à une cellule coordonnée qui aurait suivi le déroulement des opérations.

Le président: Merci.

Monsieur Frazer.

M. Frazer (Saanich - Les Îles-du-Golfe): Bienvenue, messieurs. Merci pour votre exposé. Si je le peux, je voudrais partir d'une tangente. Il s'agit du domaine de la réserve, mais je veux parler du cadre des instructeurs de cadets.

Plusieurs personnes m'ont dit qu'elles avaient très envie de devenir instructeur de cadets et semblaient avoir les qualifications voulues, mais ne répondaient pas aux exigences physiques d'un officier de la réserve ou de l'armée régulière. Je me demande si on a réfléchi au cas de ces personnes. Je pense qu'on manque de gens qui veulent vraiment participer et sont vraiment motivés. Avez-vous envisagé de dispenser ces personnes des exigences établies pour la réserve?

Mgén Linden: Il y a deux réponses à cela.

Premièrement, ces personnes peuvent devenir des instructeurs civils, et c'est déjà souvent le cas. C'est en général vers ce créneau qu'elles se tournent.

La deuxième question que la commission a examinée a été de savoir si les instructeurs de cadets devaient continuer à faire partie de la première réserve. Cela signifie qu'ils doivent respecter certaines normes. Je sais que pratiquement tous les membres du groupe des instructeurs de cadets avec lesquels j'ai parlé sont unanimes à vouloir continuer à faire partie de la réserve plutôt que d'être versés dans une catégorie différente, ce qui serait le cas si nous assouplissions considérablement les normes. Je pense donc que nous allons devoir continuer à fonctionner avec ce créneau des instructeurs civils.

M. Frazer: Bon. Que pensez-vous de la recommandation selon laquelle les anciens sous-officiers devraient pouvoir fonctionner à ce titre au lieu de devoir être promus officiers? Êtes-vous d'accord?

Mgén Linden: Je vous le répète, on nous a demandé de ne pas nous prononcer pour ou contre la recommandation. Je peux vous dire que c'est une des choses que beaucoup de gens chez les cadets...

M. Frazer: Je sais bien que vous êtes bâillonné, mais je vous demande, vu votre expérience de chef, de nous dire si c'est une idée valable qui marchera. J'ai l'impression que c'est une idée excellente. Ces gens-là pourraient fonctionner dans un domaine qu'ils connaissent très bien et où ils ont énormément d'expérience. Ils pourraient en faire profiter les cadets.

Pas de commentaires?

Mgén Linden: Pas de commentaires; désolé.

M. Frazer: Alors je vais vous mettre sur la sellette maintenant, puisque vous ne voulez pas répondre à cette question-là. Partout où nous sommes allés parler à des réservistes, nous les avons entendus se plaindre du système de solde. Je ne suis pas sûr que vous connaissiez bien la situation. Savez-vous ce qui ne va pas? Si oui, pourquoi ne l'avez-vous pas rectifié?

Mgén Linden: Durant les quelque 30 années que j'ai passées dans la réserve, la solde a toujours été notre cauchemar. Le système de solde est en gros fixe pour la majorité du Canada. La plupart du temps, il fonctionne bien.

Le problème, s'est le projet SISPFR, qui a été mis en oeuvre dans la région atlantique. Il y a eu des problèmes de logiciel, de technologie des communications et de formation du personnel.

C'est devenu une de ces affaires que les experts vous promettent de régler en un mois. Quand cela tombe en panne, ils vous disent de nouveau qu'ils vont régler cela en un mois. Et vous êtes sans cesse entraînés plus loin par la promesse d'une nouvelle amélioration future.

On intervient maintenant à deux niveaux. D'une part, tous les commandants de l'armée de l'air, de la marine et de l'armée de terre ont dit à leurs unités locales qu'en cas de défaillance du système SISPFR ils doivent trouver l'argent par tous les moyens possibles pour payer les soldats, les marins et les aviateurs. Je sais que la marine, par exemple, a pris des dispositions très sérieuses avec la Banque Toronto-Dominion par le biais de l'unité de la réserve navale d'Halifax pour être sûre que la solde serait versée.

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Pour ce qui est du SISPFR, d'après ce que l'on m'a dit, les trois dernières paies se sont déroulées normalement. Le ministère a mis sur pied des ressources internes et une espèce d'équipe de choc pour essayer de régler le problème. Apparemment, en investissant encore à peu près deux millions de dollars, nous devrions avoir un système qui fonctionnera sans accroc. Le problème, c'est que quand nous avons lancé ce système, ce qui était manifestement une erreur, nous aurions dû continuer à faire fonctionner en parallèle l'ancien système RDS. Il est presque impossible de revenir au RDS, car on a perdu tous les dossiers de la période intermédiaire. En outre, comme l'armée quitte Saint-Hubert, il est douteux que nous puissions maintenir le système RDS dans tout le pays.

Nous avons tout intérêt à ce que le système SISPFR fonctionne bien et se généralise. La solution immédiate consiste à travailler au niveau de l'unité locale, et en cas de problème informatique il faudrait que le commandant de l'unité locale aille prendre l'argent à la base locale pour payer les gens à la main s'il le faut, comme dans le bon vieux temps.

M. Frazer: Vous dites «il faudrait». Est-ce qu'on va lui dire de le faire?

Mgén Linden: C'est ce qu'on leur a dit, effectivement.

M. Frazer: Donc, en cas de défaillance du système, si les gens ne sont pas payés, le commandant pourra passer outre et effectuer la paye.

Mgén Linden: Absolument.

M. Frazer: C'est déjà le cas maintenant?

Mgén Linden: Oui.

M. Frazer: Je ne suis pas sûr que vous puissiez répondre à cette question-ci, mais la commission a dit qu'il serait souhaitable d'assurer une certaine perméabilité; c'est-à-dire de faciliter une rotation des réservistes et des éléments de l'armée régulière. Êtes-vous d'accord avec ce type d'action?

Mgén Linden: Je ne suis pas très à l'aise pour parler de cela, car le ministère a formulé sa position avec la plus grande clarté dans un message publié la semaine dernière, comme je vous le dis dans mon exposé. Les réservistes seront les premiers appelés en cas de recrutement dans les forces régulières. Il y a aussi diverses procédures qui facilitent les choses sur le plan administratif. Ce qui reste à régler, ce sont les problèmes administratifs que nous avons avec les membres des forces régulières qui passent à la réserve, ce qui prend quelquefois plusieurs mois de trop. Je pense que le ministère s'oriente de façon décisive vers une plus grande perméabilité. Je crois que c'est un progrès important au niveau de la force totale.

Vous vous souvenez peut-être qu'il y a quelques années on avait transmis un message disant qu'il ne fallait pas recruter de réservistes pour combler les postes vacants dans les forces régulières parce qu'il fallait continuer à recruter dans le grand public pour maintenir une continuité de la formation. En un sens, c'est logique, mais, d'un autre côté, ce n'est pas logique du tout quand on a des gens formés, et aussi des forces régulières qui peuvent puiser parmi les réservistes déjà formés. On s'en est rendu compte, et nous avons non seulement résolu ce problème, mais adopté aussi une démarche beaucoup plus positive.

M. Frazer: Quand un membre des forces régulières va faire un tour dans la réserve, est-ce qu'on lui donne la garantie qu'au moment approprié, à condition qu'il ait les qualifications voulues, on le reprendra dans les forces régulières?

Mgén Linden: Vous voulez parler de quelqu'un qui quitterait les forces régulières ou de quelqu'un qui assurerait régulièrement un soutien?

M. Frazer: Je veux parler d'un membre des forces régulières qui, pour toutes sortes de raisons - sa femme ou son mari, par exemple - choisirait de quitter les forces régulières pour passer à la réserve afin de pouvoir continuer son activité, mais qui souhaiterait ultérieurement revenir dans les forces régulières. Est-ce prévu?

Bgén MacDonald: Les seuls exemples de ce genre que j'ai connus, ce sont les membres des forces régulières affectés à des unités de réserve pour y effectuer une tâche particulière et qui reviennent ensuite dans les forces régulières.

M. Frazer: Donc, ce ne sont pas des gens qui partent; ils sont simplement détachés.

Bgén MacDonald: Pas pour les raisons que vous avez données dans votre exemple. Ils seraient normalement affectés à la réserve, ils passeraient un certain temps dans une unité de réserve, et ensuite ils reviendraient dans les forces régulières. Il n'y a pas de problème de cette manière.

M. Frazer: Je voudrais maintenant passer au problème de la réadaptation de gens qui ont vécu des circonstances assez traumatisantes, par exemple la Bosnie, la Croatie ou le Rwanda. Quand un membre des forces régulières revient, on l'accueille dans la famille qui l'entoure au sein de son unité locale. À ce que je crois savoir, le réserviste repart tout simplement chez lui. A-t-on prévu une forme d'aide à la réadaptation de ces personnes pour les aider à retrouver une vie normale après avoir vécu des situations assez épouvantables?

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Bgén MacDonald: Quand un réserviste revient d'une mission des Nations Unies, il rentre effectivement chez lui. Mais il existe un filet de sécurité ou une ligne de communication au niveau de son quartier général de zone et de son quartier général de district. S'il a un problème, il suffit d'en informer le commandant de l'unité locale. Celui-ci intervient et déclenche la réaction du système.

Je l'ai constaté dans le Canada atlantique. Le système s'est amélioré, et il fonctionne bien.

M. Frazer: Ce qui m'inquiète, c'est qu'on risque de ne pas se rendre compte qu'il y a un problème. Dans une unité, les collègues vont s'apercevoir que quelqu'un a besoin d'aide. Mais cela n'a pas l'air d'être le cas dans la situation que vous mentionnez.

Bgén MacDonald: Les dirigeants du manège militaire local, de l'unité locale, sont au courant. On leur a donné des séances d'information. Ils connaissent les signes et les indices à surveiller. Le commandant de compagnie, les officiers et les aumôniers militaires locaux connaissent ces signes et symptômes. Ils restent en contact. Nous maintenons une bonne communication avec ces personnes au niveau du manège. Je suis donc assez confiant.

Nous n'avons pas la solution à 100 p. 100, mais je suis plutôt satisfait de la situation actuelle. Le système fonctionne très bien, d'après ce que j'ai constaté dans le Canada atlantique.

M. Frazer: J'ai tout de même l'impression que c'est un fil assez ténu. J'espère que cela marche.

Bgén MacDonald: J'en suis convaincu pour l'instant. Remarquez, on pourrait toujours élargir et améliorer le système, mais je crois qu'il fonctionne très bien pour l'instant.

M. Frazer: Il y a une des recommandations de la commission qui m'inquiète un peu.

Je suis tout à fait d'accord avec l'idée de descendre en grade parmi les officiers supérieurs et les sous-officiers supérieurs de la réserve afin de pouvoir étaler plus largement les finances et intégrer plus de simples soldats et caporaux, etc. Ce qui m'inquiète, c'est les répercussions que cela aura au niveau de la progression à l'intérieur de la réserve. Les réservistes ont tendance à progresser un peu plus vite que les membres des forces régulières actuellement, mais on mettra probablement un frein sérieux à cette situation. Pensez-vous que cela risque de vous donner plus de difficulté à conserver des gens dans la réserve?

Mgén Linden: Je ne le pense pas. Si je peux faire un parallèle avec les forces régulières, les promotions se font très lentement, et il y a de moins en moins de grades supérieurs; nous sommes passés de 128 généraux il y a quelques années à 88 aujourd'hui, et nous en serons bientôt à 70 ou 60.

Évidemment, tout le monde aimerait bien avoir des tas de promotions, mais nous savons bien que dans la réserve comme dans les forces régulières le resserrement signifie qu'il y aura moins d'ouvertures vers le sommet qu'auparavant. Ce n'est certainement pas quelque chose qui renforce le moral des membres des forces régulières ou de la réserve, mais c'est une réalité que nous devons tous affronter ensemble. Nous allons en l'occurrence répartir les difficultés de la force totale sur l'ensemble des effectifs.

M. Frazer: Vous en êtes conscient, et j'en suis conscient aussi, mais est-ce que le simple soldat ou le caporal s'en rendent compte eux aussi?

Mgén Linden: Il va bien falloir. Ils vont devoir réviser leurs espoirs. Le problème, c'est la période de transition. En période de transition, c'est pire parce qu'il y a des gens excédentaires dont il faut se débarrasser, ce qui freine la promotion normale des autres. De plus, les espoirs de ceux qui sont entrés dans l'armée il y a 15 ou 20 ans se sont développés au sein d'une armée beaucoup plus vaste que maintenant.

Nous allons donc probablement avoir une période d'environ cinq ans où les éléments des forces régulières et de la réserve vont devoir rectifier le tir pour ce qui est de leurs espoirs de promotion.

Prenons l'exemple de la réserve navale. Beaucoup de leurs unités de plus de 200 hommes sont commandées par des lieutenants-commanders. J'étais hier à une soirée avec un commander du Chippawa de Winnipeg qui est très heureux de commander son unité avec le titre de lieutenant-commander. C'est le commandement qui compte pour lui, pas le titre.

M. Frazer: Je voudrais faire une remarque pour terminer. Les commissaires disent que si l'on assurait la formation au niveau d'unité de taille conséquente, on répondrait à cet énorme problème. Je pense que c'est vrai.

Merci.

M. Bertrand (Pontiac - Gatineau - Labelle): Pourriez-vous me dire en gros combien gagne un réserviste par mois ou par an? Quelle est sa solde?

Mgén Linden: Pour un rang inférieur dans l'armée ou la réserve navale, c'est de 3 000$ à 4 000$ par an. En cas de longue période de formation l'été, cela peut peut-être monter à 4 500$ par an.

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Cela varie. Les réservistes de l'armée de l'air, étant donné le degré de compétence technique très élevé qu'on exige d'eux, vont peut-être avoir 80 jours de présence, et un réserviste de l'armée n'en aura peut-être qu'une cinquantaine, y compris les périodes de l'été. Ce ne sont donc pas des sommes énormes.

M. Bertrand: Dans les chiffres que vous mentionnez dans votre rapport, vous dites que la solde et les frais d'exploitation et d'entretien sont d'environ 260 millions de dollars pour environ 29 000 réservistes. J'ai fait un calcul rapide; cela nous donne environ 8 800$ par réserviste.

Je sais bien que les officiers de rang supérieur gagnent plus, mais j'ai l'impression qu'il y a un écart assez considérable entre les fonds disponibles et le montant effectivement versé aux réservistes.

Mgén Linden: Je crois que la commission a constaté que c'était un problème et recommandé d'y remédier en essayant d'affecter le maximum d'argent directement aux manèges.

M. Bertrand: Évitez les dérivations.

Mgén Linden: Pour vous donner un exemple des causes de cette situation, il y a dans l'armée 14 quartiers généraux de district, ce qui représente un fardeau administratif considérable. Dans la réserve de l'armée de l'air, celle que je connais le mieux, puisque j'y ai été commandant, 40 p. 100 de mon budget était consacré à 10 p. 100 de mes effectifs, qui étaient des réservistes à plein temps. Nous avions besoin d'un important effectif de réservistes à plein temps, et il représentait 10 p. 100 des 1 500 personnes que je commandais. Si j'en avais eu 4 000 ou 5 000, il nous aurait fallu le même nombre de réservistes, et leur pourcentage aurait donc diminué proportionnellement. Nous avions simplement besoin d'un cadre administratif dans certaines de nos unités et certains de nos quartiers généraux.

Je crois qu'à l'époque où j'étais commandant j'ai fait l'erreur de ne pas chercher plus agressivement à supprimer certains de ces postes à plein temps. À l'époque, nous étions moins préoccupés par les budgets. Quand nous avions des unités efficaces, nous n'étions pas vraiment incités à les rendre aussi rentables qu'elles auraient pu l'être.

Après mon époque, le commandement aérien a essayé de supprimer tous ces postes à plein temps qui n'étaient pas essentiels pour affecter le maximum de crédits au niveau des manèges. Il y aura une prime si on le fait dans les réserves maintenant avec les réductions. Comme le soulignent les commissaires, on vise 14 500 pour la réserve dans les manèges, mais c'est le chiffre sur lequel se fonde le budget. Si l'on trouve le moyen de mieux gérer l'argent, on pourra avoir plus de réservistes.

Les commissaires nous ont présenté des graphiques qui montrent que dans certains cas de figure on pourrait avoir une réserve qui aurait pratiquement la même taille que maintenant. Ce genre de stimulant devrait être la réponse à votre inquiétude au sujet de l'utilisation de l'argent, parce qu'il n'arrive pas au niveau du caporal ou du simple soldat. Si vous incitez un gestionnaire à fonctionner plus efficacement en lui disant qu'il aura des effectifs supérieurs, vous allez avoir un gestionnaire qui va travailler dans la bonne direction.

M. Bertrand: Vous dites aussi que dans la partie III du Budget des dépenses il y a 919 millions de dollars, ce qui englobe toutes les dépenses attribuables, y compris les salaires de soutien réguliers et les frais de soutien de base. Pouvez-vous me donner plus de détails sur ce à quoi correspondent ces 919 millions de dollars?

Mgén Linden: Cela inclut actuellement le coût des BPNDC, c'est-à-dire un programme très coûteux d'acquisition d'immobilisations, coûteux en tout cas comparativement au budget total de la réserve.

Puisque nous voulons essayer de ramener ces coûts à des proportions un peu plus réalistes, il y a une chose que je conteste, et c'est le fait que si un capitaine des forces régulières part en service en Bosnie, revient au Canada, et, au lieu d'aller à l'unité du Patricia à Winnipeg, va au Royal Winnipeg Rifles, on affecte ce coût à l'élément de la réserve dans la partie III du Budget. Je ne vois pas en quoi ce serait un coût attribuable à la réserve, puisque cette personne va être de retour au Canada pour quelques années en tout cas, et peu importe que sa formation s'effectue dans le cadre du régiment Patricia ou du Rifles.

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Cela ne veut pas dire qu'il y a des gens mal intentionnés au QGDN et dans les forces régulières qui essaient de refiler tous les coûts à la réserve. C'est simplement qu'à l'époque où nous n'étions pas aussi obnubilés par les coûts on n'avait aucune raison de se préoccuper de ce qui était inscrit dans cette section de la partie III du Budget. Ce qui nous intéressait, c'était le coût total du MDN, pas la ventilation, car nous n'avions pas tous les impératifs de gestion que nous avons maintenant.

Ce n'est que récemment que nous avons essayé de ventiler les coûts qui reviennent vraiment à la réserve. Les gens des forces régulières au QGDN sont tout à fait d'accord pour en discuter ouvertement. Contrairement à ce qu'on laisse entendre dans des publications comme le Militia Monitor, ils ne cherchent pas à donner l'impression que nous coûtons cher pour pouvoir sabrer dans nos ressources. C'est simplement que personne auparavant n'a jamais cherché à savoir combien coûtait vraiment la réserve parce que ce n'était pas une préoccupation.

M. Bertrand: Si quelqu'un qui ne s'y connaît pas prend simplement ces chiffres... ils sont impressionnants. Nous consacrons près d'un milliard de dollars à la réserve. C'est énorme.

Mgén Linden: C'était encore plus que cela. Dans un des budgets précédents, c'était presque 1,25 milliard de dollars.

Lors de l'une de nos réunions à Merrickville, j'ai demandé ce que signifiait ce chiffre, et nous l'avons immédiatement réduit d'environ 300 millions de dollars. Il n'a fallu que quelques semaines pour cela, parce qu'on s'est rendu compte qu'il y avait des choses qui n'avaient pas à être imputées à la réserve. En fait, il s'agit simplement de rationaliser notre comptabilité.

M. Bertrand: Merci.

M. O'Reilly (Victoria - Haliburton): Messieurs, merci d'être venus. J'espère que vous n'allez pas invoquer le cinquième amendement chaque fois que je vais vous poser une question, mais nous allons essayer.

Dans vos réserves, y a-t-il un élément de premiers soins médicaux? Est-ce que cela intervient dans votre équation?

Bgén MacDonald: Oui.

Bgén Linden: Je crois que nous venons de répondre à cette question, qui nous a été posée par quelqu'un d'autre.

M. O'Reilly: Pas ici, tout de même? Ou alors je dormais?

Bgén MacDonald: Non.

Dans la milice, actuellement, nous avons effectivement une capacité de réserve médicale et aussi une capacité dentaire dans certaines régions.

M. O'Reilly: Dit-on quelque part dans le rapport que la formation civile, par exemple la formation d'ambulanciers, fera partie de la formation quand quelqu'un effectue par exemple une période de service dans la réserve et perd son rang parce qu'il vit trop loin de là et qu'il faut qu'il retourne s'occuper de sa famille? Quand ces gens-là reviennent, est-ce que l'on tient compte de leur formation civile?

Bgén MacDonald: Évidemment, la commission a fait des recommandations en ce sens, mais je préfère ne pas toucher à ce sujet pour l'instant.

M. O'Reilly: Vous invoquez le cinquième amendement. Bon.

Mgén Linden: Je peux répondre.

Là encore, cela rejoint la politique précédente du ministère. Quoi que la commission dise à cet égard, nous essayons d'améliorer la situation en reconnaissant et en exploitant la formation civile.

Par exemple, dans la réserve de l'armée de l'air, nous avons mené un projet intitulé Projet Hélicop, où nous prenions des gens qui avaient une formation civile de pilote d'hélicoptère et faisions une évaluation de leurs compétences civiles à bord de nos hélicoptères à Portage. Nous déterminions leurs connaissances et leurs aptitudes physiques dans un hélicoptère et nous organisions le cours en fonction de ce qu'ils savaient et de ce qu'ils devaient apprendre pour être au niveau des normes militaires. Nous avons ainsi pu former des pilotes d'hélicoptère pour la réserve en dépensant la moitié de ce que nous aurait coûté la formation à partir de zéro.

Nous avons réalisé le même programme avec un peu moins de succès pour les officiers d'entretien technique des aéronefs, mais c'est un projet qui se poursuit en collaboration entre le collège Édouard-Montpetit et la réserve aérienne de Montréal.

Il y a donc longtemps que nous avons pris l'initiative de reconnaître les compétences civiles. Il a été parfois difficile d'intégrer cette souplesse dans le système de formation des forces régulières, mais en haut lieu au quartier général de la Défense nationale on a certainement la volonté ferme de faire exactement ce que vous dites. Ça n'a pas vraiment de sens de former les gens deux fois pour faire la même chose.

M. O'Reilly: Parfois, la formation qu'ils reçoivent hors de l'armée est plus soutenue. Je ne dirais pas que c'est une meilleure formation, mais, chose certaine, ces gens se servent de leurs compétences davantage que dans la milice. Cela dit, je me demande seulement s'il y a moyen d'assouplir cette règle. Quand on quitte la réserve, semble-t-il, on perd son grade. Peu importe si vous revenez un an plus tard. Même si on vous redonne l'affectation que vous aviez avant, cela ne compte pas.

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Je veux donc savoir si on est moins rigide de ce côté.

Mgén Linden: Le modèle que nous voulons appliquer, c'est l'évaluation des compétences, et nous voulons, de là, former les gens selon nos normes à partir du niveau où ils sont. Même dans les forces régulières, c'est l'orientation que nous prenons.

J'arrive de l'escadron 403 de Gagetown, qui vient d'obtenir les nouveaux hélicoptères, les Griffons. Normalement, lorsque l'armée de l'air change d'aéronefs, tout le monde suit le même cours, qu'on ait 5 000 heures de vol en hélicoptère ou 150. Aujourd'hui, le commandant de cette unité a un programme souple, et si vous pouvez atteindre tous les objectifs plus rapidement vous ne resterez pas à Gagetown. Vous allez rentrer chez vous et reprendre votre service dans votre unité.

C'est un principe qu'on applique à l'ensemble des forces régulières, mais cela s'applique beaucoup mieux aux réservistes en raison de toute la formation qu'ils obtiennent à l'extérieur.

Le président: Avant de délaisser ce sujet, vous mentionnez la réserve industrielle à la page 7 de votre exposé. C'est la même chose, non ? Les gens travaillent dans le secteur industriel dans le cadre de contrats avec la Défense nationale, et ils se servent ensuite de leurs compétences dans le domaine militaire.

Mgén Linden: Oui, et il y a des possibilités dans d'autres domaines aussi. Par exemple, à cause de la réduction des forces armées, nous songeons à convertir à des fonctions civiles une partie des services de soutien du personnel - des métiers comme celui de steward et d'instructeur d'éducation physique. Mais cela creuse un trou quand l'armée part en campagne. Souvent, c'est le genre de monde dont vous avez besoin sur les bateaux ou que vous devez déployer dans les camps si vous voulez avoir des programmes d'éducation physique.

L'une des possibilités qui s'offrent à nous est celle-ci: lorsque nous engageons des civils pour faire ce travail, on les oblige à se joindre à la réserve, si bien que si on a besoin d'eux sur un navire dans l'Adriatique ou dans un camp de maintien de la paix dans le Sinaï, ils n'ont qu'à revêtir l'uniforme pour faire le travail qu'ils faisaient à la base de Winnipeg ou de Gagetown comme civils.

M. O'Reilly: Au dernier paragraphe de la page 1 de votre texte, vous dites que vous allez réduire le nombre de réservistes, en améliorer la qualité et donner une meilleure formation. Je me demande comment vous allez faire ça avec moins de fonds, en fermant les manèges et en concentrant tout dans les grands centres urbains.

Je sais que dans la ville de Lindsay, après la guerre de Corée, on a fermé le manège, et des gens comme moi, qui étaient dans la réserve, étaient obligés de conduire 100 milles aller-retour jusqu'à Oshawa s'ils voulaient y rester. Évidemment, on ne pouvait pas faire cela. On a fermé les réserves, et notre unité a été démantelée.

Je vois que cela se fait encore, et je me demande comment vous allez desservir le Canada rural si vous l'isolez davantage en déplaçant les bases et en fermant... Je ne dis pas que c'est ce que vous faites, mais je me demande comment vous allez améliorer les choses, comme vous le dites ici, alors que la réalité dont je parle n'a pas changé.

J'aimerais que vous m'expliquiez cette affirmation que vous faites ici.

Mgén Linden: Tout d'abord, l'orientation qui consiste à diminuer la réserve, à mieux la former et à la rendre plus efficiente est énoncée dans le Livre blanc; c'est donc une politique gouvernementale, et c'est ce que nous allons faire.

M. O'Reilly: Cela ne veut pas dire que je suis d'accord avec vous. Je tiens à ce que vous le sachiez.

Mgén Linden: Mais cela veut dire que je dois être d'accord avec ça.

Pour ce qui est de la question rurale, encore là, nous avons tâché d'y voir plus tôt, mais je ne crois pas que cela signifie nécessairement qu'on va éliminer les unités rurales. Il y a plusieurs façon de conserver les unités rurales. Nous pourrions vous parler des moyens innovateurs qu'on a pris dans les Maritimes.

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M. O'Reilly: Si vous voulez me parler de l'Île-du-Prince-Édouard, je vous arrête tout de suite. Ma circonscription fait deux fois la taille de l'Île-du-Prince-Édouard, et je représente le même nombre d'habitants. Chez nous, tout ferme. J'ai 18 légions et une armée d'anciens combattants qui se demandent pourquoi les réserves sont concentrées dans les grandes villes aujourd'hui, et pourquoi on oublie le corps de cadets. Donc, c'est formidable à l'Île-du-Prince-Édouard, qui ne fait que 75 milles.

Le président: Nous sommes une province.

M. O'Reilly: Eh bien, ma circonscription est plus grande qu'une province.

Le président: Nous sommes une province, voyez-vous, et pas vous.

M. O'Reilly: Ma circonscription est deux fois plus grande que votre province, et moi je n'ai aucun pouvoir. Il vous faut quatre députés pour représenter la moitié de ma circonscription.

Le président: De toute évidence, nous y parvenons mieux que vous.

Mgén Linden: Le brigadier-général MacDonald vous citera des exemples de la Nouvelle-Écosse rurale qui correspondent davantage à votre région.

Dans les remèdes qu'elle recommandait, la commission disait qu'il fallait maintenir une empreinte au Canada. Cela fera partie de notre mandat de restructuration si votre comité et le ministre décident de donner suite à cette recommandation de la commission.

M. O'Reilly: Dans ma définition à moi, une empreinte, c'est quelque chose qui reste après qu'on est parti.

Mgén Linden: Je ne crois pas que c'était là l'intention de la commission.

Bgén MacDonald: Nous définissons l'empreinte comme une présence dans la localité; il faut en faire partie, il faut être visible dans la localité. Nous voulons être représentés dans tout le pays, dans les régions tant rurales qu'urbaines.

Le président: Et vous serez là, monsieur O'Reilly.

Bgén MacDonald: Ce sera un défi intéressant, cela ne fait aucun doute. Cela a fait l'objet de nombreuses discussions. C'est une question que je connais, et nous avons créé des structures de formation diverses.

J'ai fait l'expérience de la structure de la brigade lorsque j'étais dans l'Atlantique au cours des quelques dernières années, et cela a fort bien marché. Cela nous a permis de prendre des soldats dans les unités de réserve, de les réunir dans des pavillons ou de petites organisations, de les former et de les envoyer en campagne avec une bonne formation - ce qui justifiait le coût de la formation. C'est l'une des possibilités qui s'offrent à nous.

Je ne vais pas prédire ce qui se fera à l'avenir, mais je pense qu'il faut songer à la viabilité d'unités fortes. Je ne crois pas que qui que ce soit ait l'intention de les abolir. Nous avons besoin de tous les réservistes que nous avons, mais nous devons obtenir un meilleur rendement de notre investissement, et je sais que nous y arriverons.

Il y a diverses façons de régler le problème. Les commandants des régions et le commandement de l'armée, une fois qu'ils auront les instructions voulues, devront réfléchir, faire les calculs nécessaires et trouver les meilleurs arrangements possible. Mais il n'entre pas dans nos intentions de consolider toutes les unités de réserve dans les grandes villes, je ne le crois pas. J'espère que non, parce que je suis moi-même un gars de la campagne.

Mgén Linden: De même, si l'on n'a pas la population qu'il faut pour soutenir un régiment ou un bataillon, on peut quand même conserver l'unité, mais sous forme de compagnie ou de peloton qui fait alors partie d'une unité régionale.

À l'époque où le général MacDonald commandait la région de l'Atlantique, on a pu maintenir la viabilité des unités en en augmentant les effectifs pour les envoyer en campagne, mais on gardait aussi l'empreinte - et c'était l'empreinte d'une personne visible - dans la région où il commandait.

À mon avis, ce que nous sommes vraiment obligés de faire, c'est de trouver des moyens innovateurs de faire cela, particulièrement si l'on ferme des bases des forces régulières partout et si l'on crée quelques super bases pour des raisons d'économie. Nous admettons que nous devons tout simplement maintenir la viabilité d'une présence militaire dans tout le pays.

M. O'Reilly: Il y a un corps de cadets à 50 milles de Lindsay, dans le village de Cobocank, qui a pris le nom naval de Hood. Ils ont pu trouver des artefacts du Hood, et les cadets en sont très heureux. Ils n'ont pas de sabre de marine; ils en ont donc fabriqué un.

Les gars de Trenton y sont allés et leur ont promis un sabre il y a deux ans. J'ai fini par aller voir l'amiral Mifflin et je lui ai demandé ce qu'on pouvait faire, et il m'a suggéré de m'adresser à des magasins de la réserve, où je pourrais peut-être en trouver un. Cela vous montre bien que les cadets aujourd'hui ne sont pas bien financés et n'ont pas tout le soutien voulu.

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Je veux donc savoir précisément ce que vous comptez faire pour améliorer la formation des cadets et leur donner plus de soutien.

Mgén Linden: L'un des problèmes qui se posent aujourd'hui, c'est que nous fermons nos bases de soutien régulières dans tout le pays. Par exemple, avec la fermeture de la base de Calgary, nous avons perdu un élément qui soutenait les cadets à merveille.

Donc, que faisons-nous pour donner ce service? À l'heure actuelle, au ministère, nous avons une idée exacte du coût direct des cadets. Il y a un budget de 60 à 70 millions de dollars dont nous nous servons pour faire des chèques aux cadets. À cela s'ajoutent les autobus, les repas, tout le système de fournitures, tous les services médicaux aux camps, et tout le reste.

En ce moment, nous sommes à identifier tous ces coûts indirects, et ce, afin de reprendre cet argent de la comptabilité de toutes les bases de soutien, pour ensuite le verser directement aux unités de cadets. Donc, si vous n'avez plus d'autobus de la base de Calgary pour amener les cadets à la formation, vous aurez au moins l'argent en main pour louer un autobus civil. Ce que nous tâchons de faire, c'est de donner directement aux unités locales de cadets les crédits qui servaient à payer auparavant les services indirects. Les cadets peuvent soit acheter des services du marché privé, soit les racheter de leurs bases de soutien.

Il en coûtera probablement 60 millions de dollars de plus qui seront versés aux unités locales de cadets. On en retiendra une partie pour les services que nous offrons aux camps de cadets. C'est vraiment la seule façon d'assurer un niveau de soutien uniforme à tous les cadets du pays. C'est tout un défi que d'identifier tous les services que les bases offrent aux cadets et d'en estimer le coût.

M. O'Reilly: Bien sûr, si je pose la question, c'est parce que je trouve que les cadets offrent de précieux services dans les petites localités du Canada rural, et j'ai consacré un certain temps à l'unité dont je vous parle; je les ai vus grandir. Ils sont très enthousiastes. Dans une région où la pauvreté et le chômage élevé sévissent, c'est un outil formidable pour les jeunes. Je pense que c'est un outil formidable pour tous les jeunes du Canada, et pas seulement dans ma circonscription à moi.

J'espère que lorsqu'on aura les livres blancs et tous les rapports, les décisions ne seront pas politiques, mais davantage militaires, et plus conformes à ce qu'il faut faire pour que les bases donnent tout le soutien voulu aux cadets et aux rangers.

Le président: Merci.

M. O'Reilly: Merci, monsieur le président. Je vois que vous allez me couper la parole.

Le président: Amiral Mifflin, vous avez quelques minutes.

M. Mifflin (Bonavista - Trinity - Conception): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je souhaite la bienvenue aux généraux Linden et MacDonald. J'ai bien aimé ce que j'ai entendu jusqu'à présent.

J'ai trois questions. J'imagine qu'elles sont en ordre ascendant de discussion, si vous me passez l'expression. La première est très simple; ce n'est que pour ma propre curiosité. Est-ce que le fait que cette étude a été réalisée a eu un effet positif sur les réserves?

Mgén Linden: À mon avis, c'est sûrement le cas, parce que la nouvelle orientation nous a permis de mettre fin à toutes sortes d'angoisses. Personne ne savait quels critères on allait utiliser.

Le fait que le ministre a pu réunir trois des plus éminents citoyens du Canada, qui se sont concertés pour édifier la réserve de l'avenir, était une chance extraordinaire. Nombre des éléments qu'on retrouve dans ce rapport s'intègrent dans des projets qui sont déjà en cours à la Défense nationale.

Parce que ces gens ont pu consulter des centaines et des centaines de personnes, parce qu'ils ont pu réfléchir ensemble et trouver des solutions, nous aurons une bien meilleure réserve à l'avenir que si nous avions tout fait à l'interne, sans ces personnes et leurs excellents collaborateurs qui ont rédigé ce rapport en six mois.

Du point de vue de l'armée de terre...

Bgén MacDonald: Absolument, monsieur. Je pense que c'est excellent. Je suis tout simplement ravi. On a tenu compte du jeune soldat et des vieux soldats comme nous, dont certains servent depuis plus de 30 ans, et on s'est penché uniquement sur la réserve et sur un certain nombre de questions qui, comme disait le général Linden, font l'objet de débats depuis un certain temps. On a pu mettre en lumière ces questions, et j'espère sincèrement qu'on trouvera bientôt une solution. Je suis très optimiste.

M. Mifflin: Bien. Je suis très heureux de vous l'entendre dire.

Comme vous le savez, nous, du Comité mixte spécial sur la politique de défense, nous intéressons vivement à la réserve. Nous avons entendu plusieurs exposés, et je crois que le général Linden a fait l'un d'entre eux. Bien sûr, nous ne pouvions pas nous concentrer sur ce problème au même titre que la commission; je suis donc ravi si c'est la réaction que vous avez eue.

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Ma deuxième question est peut-être un peu plus technique, mais c'est celle à laquelle je n'ai pas de réponse, car je ne sais pas exactement ce qu'il faut faire.

Est-ce que la transition des 14 districts aux sept groupes-brigades sera très difficile? Est-ce qu'il y aura beaucoup de bouleversements, sachant que la plupart des gens n'aiment pas particulièrement le changement? Entrevoyez-vous de grandes difficultés si nous recommandons ce changement?

Bgén MacDonald: Cela va poser certains problèmes, mais je crois que c'est faisable. Je prends un risque ici, mais je crois fermement dans la notion de groupe-brigade. Je pense que cela offre plusieurs possibilités.

Oui, il y aura des changements, car nous ne ferons plus les choses comme par le passé. Mais si vous parlez aux réservistes et aux soldats, vous allez voir qu'ils sont prêts pour le changement. Ils sont fiers d'appartenir aux Forces armées et extrêmement fiers de leur contribution aux Nations Unies. Si l'on recommande le groupe-brigade, cela rejoindra notre doctrine et l'enseignement que nous donnons dans nos écoles et collèges militaires. Il y aura des difficultés, mais je pense que c'est faisable.

Nous avons un certain temps pour nous adapter et pour faire cela, mais les objectifs que nous allons nous fixer doivent être réalisables. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour y arriver, parce qu'il y a plusieurs années qu'on fait de nombreuses promesses à la réserve, et on ne les a pas toutes tenues. J'espère que nous allons nous fixer des objectifs réalisables.

M. Mifflin: Donc, dans votre esprit, il y a moyen de passer à sept groupes-brigades?

Bgén MacDonald: Je ne suis pas sûr du nombre exact.

M. Mifflin: D'accord. Oublions le nombre exact et parlons de la transition au concept de groupe-brigade dans tout le pays.

Bgén MacDonald: D'après ce que m'ont dit mon entourage et les gars à qui j'ai parlé avant la publication du rapport, oui, on aime ce concept. Il y en a qui ne sont pas d'accord, mais on s'entend généralement pour dire que ça va, amiral.

Mgén Linden: Il est également bon que vous sachiez qu'à l'époque où il était commandant intérimaire de la région atlantique, le général MacDonald a structuré ses réserves sous forme de brigade de formation et les a emmenées en campagne. J'ai eu la chance d'aller voir de plus près comment cela fonctionnait. Il a donc une expérience directe de ce genre de formation.

Je tenais aussi à parler du coût humain de la restructuration et du processus douloureux qui est en jeu. On dit qu'on va se débarrasser de certains officiers supérieurs, et si votre comité et le ministre décident de fermer des bases les gens qui travaillent dans les districts seront les premiers touchés. En théorie, plusieurs réservistes comptant de longues années de service, qui sont aujourd'hui lieutenants-colonels ou majors, vont se retrouver au chômage.

La commission n'a pas fait de recommandation quant à l'indemnisation de ces réservistes. J'ai demandé à M. Granatstein pourquoi, et il m'a dit que si nous montrons de la créativité dans la gestion de nos ressources les effectifs ne diminueront pas. Je suis d'accord avec lui pour dire que c'est possible. Cependant, les mêmes personnes seront touchées. Si vous retranchez un lieutenant-colonel pour ajouter quatre simples soldats, il y a tout de même un lieutenant-colonel qui part. Son service est terminé, et ce n'est pas nécessairement parce qu'il n'est pas un bon lieutenant-colonel; c'est simplement qu'il est désormais inutile.

Les forces régulières ont un programme de réduction des effectifs. L'effectif civil a un programme de réaménagement des effectifs. Lorsqu'on a restructuré les réserves américaines, les réservistes qui ont perdu leur emploi ont eu droit à une gratification.

L'une des choses que j'aurais aimé voir dans le rapport de la commission, ce n'est pas nécessairement une grosse indemnité, mais une indemnisation quelconque pour le réserviste comptant 25 années de service qui a travaillé la nuit, la fin de semaine, les jours fériés et pendant ses vacances, et dont la carrière vient de prendre fin sans qu'il en soit responsable. Je pense qu'il appartiendrait à votre comité d'y voir, si vous croyez que cela fait problème. Mais il y a des gens qui vont souffrir, comme c'est le cas dans tout processus de réduction des effectifs.

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M. Mifflin: C'est certainement une remarque intéressante. C'est très gentil à vous de soulever ce problème. C'est une question à laquelle nous devrons nous intéresser.

Ma troisième question porte sur ce vieux problème qu'est la loi. Je perds peut-être la mémoire, ou celle-ci devient sélective, mais je pense me rappeler certains thèmes communs qu'ont fait ressortir les réservistes lorsque notre comité spécial a fait son étude. Si je m'en souviens, c'est parce que j'étais très déçu. Je pensais que tout le monde serait d'accord pour dire que, oui, le comité devrait proposer une loi. Il y a eu des hésitations, et tout le monde s'est dit que ça irait, mais le problème avec une loi, c'est qu'on risque d'empêcher un employeur d'engager un réserviste. J'aimerais avoir votre avis à ce sujet.

Mgén Linden: La commission sur la réserve a dit ne pas avoir vu cela. D'après ce qu'elle a vu, la plupart des gens dans les manèges militaires voulaient cette loi.

J'ai moi-même changé d'avis plusieurs fois à ce sujet. Je me rappelle que lorsque j'ai fait mon exposé devant le Comité mixte spécial, j'ai recommandé l'adoption d'une loi. Je vais vous donner deux réponses.

Le ministère s'emploie actuellement à rédiger un projet de loi que le gouvernement pourrait adopter s'il jugeait nécessaire d'appeler les réservistes en cas d'urgence nationale. J'ai réussi à persuader le contentieux des Forces armées de rédiger ce projet loi parce que nous voulons un bon train de mesures qui permettra aux employeurs de faire appel; qui permettra d'indemniser les employeurs, par exemple, les petits entrepreneurs qui se retrouveraient lésés; qui permettrait d'indemniser des personnes, comme les médecins, qui seraient obligées de quitter leur pratique. Au mieux, nous avons une année ou deux pour exiger ce projet de loi et nous assurer d'avoir une bonne loi dans les mains, ce qui vaut mieux que rédiger un projet de loi en 30 minutes si jamais un tremblement de terre dévastait la côte ouest et qu'il nous fallait appeler des réservistes, ou si un pays quelconque nous envahissait par surprise, auquel cas nous aurions besoin d'aide. Chose certaine, c'est ce que nous allons faire au ministère de toute façon.

Ce que je jugerais acceptable du point de vue des réservistes, ce serait une loi qui nous permettrait de mettre en oeuvre ce train de mesures, mais seulement dans les cas où les réservistes seraient appelés à intervenir dans une crise nationale quelconque. Avoir une telle loi donnerait aux commandants confiance dans une réserve fiable. Avoir des réservistes mieux formés et mieux équipés ne signifie pas grand-chose pour les commandants s'ils pensent qu'ils ne pourront pas y recourir.

Il y a ce vieil adage qui dit qu'on ne sait jamais quand on va descendre de l'autobus. Eh bien, jusqu'à présent, chaque fois qu'on leur a demandé de descendre de l'autobus, nos réservistes étaient là. Il y avait trois autobus plutôt qu'un. Mais il y a des commandants qui sont encore tiraillés par cette insécurité, et je pense qu'on les rassurerait si on avait les moyens de mettre en oeuvre ce train de mesures.

L'étape suivante consistera à préserver les emplois des réservistes qui se portent volontaires pour les missions de maintien de la paix ou la formation estivale. Vraiment, je ne crois pas que ce serait une bonne idée. Mes amis de la réserve américaine me disent qu'il y a aujourd'hui des personnes qui abusent de ce système en se portant volontaires trop souvent. Certains employeurs se sont d'ailleurs plaints à l'organisme national du patronat d'être harcelés par des gens qui se portent volontaires pour 32 engagements consécutifs de 15 jours de suite et deviennent des employés inutilisables. C'est dans des cas pareils que des employeurs vont exercer de la discrimination.

Je ne pense pas que beaucoup d'employeurs s'opposeraient à un train de mesures bien pensé qui protégerait l'employeur aussi bien que l'employé dans un cas où nos effectifs militaires réduits seraient mobilisés pour une crise nationale. Nous avons 60 000 personnes dans l'armée régulière. Nous aurons peut-être besoin de ces 23 000 réservistes pour des opérations modestes. Étant donné que les employeurs voient bien qu'ils paient moins d'impôt si nous réduisons nos dépenses militaires, je ne crois pas qu'ils s'opposeront à un certain réinvestissement - particulièrement si on les indemnise pour les torts qu'ils subissent - et c'est pourquoi il faut mettre au point ce train de mesures. Mais je ne crois pas que la plupart des réservistes veulent cette loi pour être formés. Il se peut qu'il y ait des personnes qui la veulent, mais si on y réfléchit globalement, ce n'est probablement pas une bonne idée.

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M. Mifflin: Ils n'en veulent pas pour protéger leurs emplois.

Mgén Linden: Pas pour la formation, mais ils sontcertainement en faveur de cette loi pour les situations de crise.

M. Mifflin: Le corollaire de votre proposition est donc que le Conseil de liaison des Forces canadiennes devrait suffire.

Mgén Linden: Absolument. Je pense que le conseil fait un beau travail. Il vient de se mettre en marche. Il s'efforce de rencontrer tous les employeurs de tous les réservistes du Canada.

Il faut se rappeler que ce conseil revitalisé ne s'est remis en marche qu'il y a un peu plus de deux ans. Dans le contexte gouvernemental, c'est environ une nanoseconde. Et si l'on voit ce qu'il a réussi à faire au cours de cette période, je crois que cela augure bien pour l'avenir.

M. Mifflin: Général MacDonald, êtes-vous d'avis contraire?

Bgén MacDonald: Non, je n'ai rien à ajouter. J'ai une certaine expérience des réservistes, des employeurs civils et du travail qu'a fait le Comité de liaison des forces canadiennes. Je suis certainement d'accord avec tout ce qui a été dit. Il faut faire une distinction entre la formation et une crise nationale. Mais je suis d'accord avec ce qui a été dit, monsieur.

M. Mifflin: Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci. Une chose en particulier que les membres de la Commission ont dite à propos du Comité de liaison est que les employeurs auxquels ils avaient parlé représentaient un très petit nombre de personnes qui étaient véritablement des réservistes. Ils avaient tous l'impression de ne pas avoir contacté les bonnes personnes.

Ils ont également dit que le débat même allait donner lieu à une prise de conscience des vrais besoins sur le terrain. C'est une autre chose qu'ils ont portée à mon attention, du moins.

Mgén Linden: Vous permettez une observation à propos de l'appui des employeurs? Quels sont les employeurs qui ont été contactés? Comme je l'ai mentionné, le CFLC est un organisme relativement nouveau depuis qu'il est redevenu actif. Il a été inactif pendant de nombreuses années.

Ils ont mis en oeuvre divers programmes, le plus récent étant le programme d'appui aux unités de réserve. Cela veut dire que chaque unité de réserve du pays est dotée d'un agent de l'appui des employeurs. Un de leurs officiers est affecté à ce service. Nous encourageons donc chaque réserviste, au niveau local ou à la base, d'appeler leur employeur en particulier au sujet des fonctions.

Alors plutôt que de travailler avec des organismes nationaux ou autres, ce que nous faisons encore, je pense que ce programme d'appui aux unités de réserve va vraiment faire le gros du travail de soutien aux employeurs. C'est ainsi que nous allons pouvoir nous mettre en rapport avec le gérant du personnel de la boulangerie McGavin à Edmonton, si c'est bien lui qui est l'employeur du Caporal Smith. C'est ce travail individuel à la base qui va être profitable à long terme.

Les premières séances de formation de ce programme ont eu lieu au printemps, alors le travail ne fait que commencer.

Le président: Je n'ai pas de préjugé comme président, mais en tant qu'ancien syndicaliste, j'ai du mal à croire que cela va donner des résultats. En tout cas, merci.

Monsieur Frazer.

M. Frazer: Merci, monsieur le président. Je n'ai qu'une brève question, si vous me le permettez. Lorsque vous parliez de formation des pilotes d'hélicoptère, Général, vous avez dit que vous preniez des gens qui étaient déjà qualifiés et qui voulaient perfectionner leurs compétences.

Toute formation dans les Forces armées coûte cher, mais la formation d'aviateur est particulièrement dispendieuse. C'est également une compétence fort monnayable que les gens peuvent obtenir pour aller ensuite avec des compétences accrues.

Est-ce que cette formation est liée à certaines obligations, comme c'est le cas pour les collèges militaires, par exemple? Vous obtenez la formation, mais ensuite vous nous devez un certain nombre d'années de service. Y a-t-il des mesures incitatives ou des exigences pour les gens qui ont reçu ce genre de formation afin qu'ils s'engagent à nous donner tant de jours ou d'années de service?

Mgén Linden: Ça n'a jamais été le cas. J'ai suivi un programme de formation de réservistes. Le jour où j'ai reçu mon diplôme, j'ai reçu une offre d'emploi d'American Airlines. J'aurais pu remercier l'Aviation canadienne pour ma formation et m'en aller à Chicago pour me mettre à piloter des B-727. En fait, il y en a qui l'ont fait. Ils n'étaient pas nombreux, mais....

M. Frazer: Vous n'avez pas l'air d'un chauffeur d'autobus, Général.

Mgén Linden: Ils n'étaient pas nombreux, mais leur nombre était quand même suffisant pour m'agacer. Alors c'est une croisade que je mène depuis nombre d'années pour essayer de lier les réservistes à cause de la formation précieuse qu'ils reçoivent.

Du moins auparavant, le personnel du JAG pouvait nous expliquer pour quelles raisons certaines choses étaient interdites au lieu de nous aider à les faire. Je trouve que le JAG actuel a une attitude très différente. La réponse qu'on me donnait constamment au bureau du JAG c'est que l'on ne peut pas faire telle ou telle chose parce qu'il ne s'agit que d'un service à temps partiel et que nous ne pouvons pas nous ingérer dans leur vie des civils.

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Je pense qu'une partie du travail que nous avons fait récemment portait précisément sur le programme de formation (Intégration à la réserve). En fait, une partie du travail que j'ai fait personnellement se retrouve dans les recommandations de la commission, c'est-à-dire un système par lequel on ne peut pas nécessairement lier quelqu'un à servir dans la réserve parce que cela irait à l'encontre de sa liberté en tant qu'employé civil, mais s'ils choisissent de ne pas demeurer réservistes, ils doivent rembourser.

Je pense que si ce système est mis en vigueur pour le programme de formation (Intégration à la réserve) par exemple, nous devrions également en mettre un en oeuvre dans le cas de la formation des pilotes réservistes ou autre spécialité onéreuse. Je suis fermement convaincu que nous devrions le faire.

Pour ce qui est de nos pilotes réservistes, ce n'est pas une perte sérieuse. Nous en avons perdus très peu de cette façon-là, mais même un c'est trop. Je suis très irrité lorsque cela se produit.

M. Frazer: Je suis convaincu que la plupart des gens comme vous ne ferait pas cela, mais il y en a qui en profiteraient pour ensuite s'en aller. Or, cela coûte très cher.

C'est ma dernière question, si vous me le permettez. La Commission sur la réserve a recommandé - et je suis tout à fait d'accord - que lorsque les unités passent de la réserve aux forces régulières, elles devraient fonctionner en tant qu'unité déjà formée.

Le seul problème que j'y vois - je suppose que le général MacDonald est celui à qui je m'adresse - c'est que c'est très bien de dire que deux ou trois personnes d'une unité de réserve se joindront à une unité régulière, mais faire en sorte que 30 ou 40 personnes s'engagent et soient disponibles en même temps est assez problématique, n'est-ce pas?

Bgén MacDonald: Ça va certainement être un plus grand défi que par le passé. Jusqu'à présent, il s'agissait d'individus. Le type part s'il est qualifié, comme je l'ai déjà dit et le commandant accepte s'il répond aux normes de formation.

Il faudrait presque que je fasse des observations sur le rapport, mais lorsque j'étais dans la région de l'Atlantique, j'ai toujours rêvé de pouvoir envoyer un sous groupe secondaire formé ou une organisation de la taille d'un peloton. Je pourrais les laisser partir en tant que groupe collectif avec insigne de coiffure, ce qui reflète le service de régiment qui nous a toujours bien servi.

Je pense que c'est faisable si nous prolongeons la durée. En d'autres mots, au lieu de dire que nous avons une conscription dans six semaines et que nous avons besoin de X personnes pour tel ou tel...

M. Frazer: Vous voulez dire donner plus de préavis?

Bgén MacDonald: Oui. Que pensez-vous de deux ans? Une fois que nous aurons passé à travers ça, nous organiser, et structurer nos réserves mieux qu'elles ne le sont aujourd'hui, je pense que cela pourrait être faisable.

M. Frazer: Il s'agirait de planifier à l'avance, et nous ne sommes pas particulièrement connus pour ça.

Mgén Linden: Pour situer ça dans un autre contexte, la commission recommande des plus grandes unités. Disons que vous avez une unité de 300 ou 400 personnes, au lieu de 128, et qu'on vous donne 18 mois de préavis que vous allez être responsable d'un peloton. Si vous avez 18 mois pour le faire, je pense que les unités feraient la queue pour avoir la chance d'être les prochains à envoyer leurs peloton.

M. Frazer: Je suis d'accord. Sauf que cela vient rejoindre ce que John et Bob Speller disaient il y a quelques instants. Lorsque vous avez votre grande unité, cela veut dire regrouper les gens, et vous perdez l'impact de l'unité en milieu rural. Pour chaque avantage, il y a toujours un inconvénient.

Bgén MacDonald: Si vous me permettez, cela ne signifie pas vraiment la fusion des unités, parce que nous pourrions encore avoir plusieurs endroits dans plusieurs comtés. Ils ont en commun le commandement et le contrôle. Donc, la géographie est certes un facteur, mais...

Mgén Linden: Pourquoi ne pas leur décrire l'une de ces unités du Canada atlantique. Dites-leur où se trouvent les compagnies et les pelotons.

Bgén MacDonald: Je pourrais le faire. Par exemple, nous avons une certaine tradition de montagnards en Nouvelle-Écosse. Nous avons deux bataillons de montagnards dans cette province, tous deux dans l'infanterie. Ils s'étendent d'Amherst, à la frontière du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse, jusqu'à Sydney.

Donc sur le plan géographique, il s'agit d'une étendue de près de 400 milles. Parmi ces sous-groupes, il y en a sept là en hiver. Lorsque j'ai organisé un bataillon pour la formation d'été sur le terrain, ces unités ont été ramenées en une seule unité, comptant deux ou trois compagnies.

C'était faisable. C'est réalisable. Même l'hiver, Commandement et contrôle peut le faire avec un commandement à temps partiel qui peut se déplacer, faire des visites, rester en contact avec les gens et savoir ce qui se passe dans chacun de ces endroits. Mais l'été, cela nous a été très avantageux.

Je vous suggérerais d'appliquer cette formule à l'échelle du pays. On peut s'en tenir aux régions rurales ou on peut y faire participer les régions urbaines. C'est faisable.

M. Frazer: Merci.

Le président: Merci beaucoup, messieurs. Ce fut un après-midi très intéressant.

.1725

J'ai beaucoup apprécié votre exposé et vos commentaires sur la situation actuelle et future des unités de réserve.

Nous allons réfléchir à tout cela. Nous espérons que nous allons pouvoir en arriver à une conclusion à ce sujet avant le 15 décembre. Merci beaucoup.

[La séance se poursuit à huis clos]

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