[Enregistrement électronique]
Le mercredi 22 novembre 1995
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Nous passons maintenant, conformément à l'article 108(2) du règlement, à l'étude du Rapport de la Commission spéciale sur la restructuration de la réserve des Forces canadiennes.
Nous accueillons parmi nous cet après-midi Michael McCloskey, directeur exécutif de l'Association des réservistes du Canada. M. McCloskey est un officier subalterne dans les forces de réserve et il a une opinion bien précise sur la question. M. McCloskey a déjà comparu précédemment devant la commission spéciale et nous sommes heureux de l'accueillir aujourd'hui parmi nous pour qu'il nous fasse part de son point de vue.
Avant que vous commenciez, monsieur McCloskey, je vous demanderai de nous présenter les gens qui vous accompagnent. Vous pouvez nous présenter un exposé de 10 minutes et nous passerons ensuite aux questions et aux réponses.
M. Michael J. McCloskey (directeur exécutif, Association des réservistes du Canada): Monsieur le président, j'ai ici avec moi Christopher Brown, qui est le directeur des communications de l'Association des réservistes du Canada. Il est lui aussi membre actif de la réserve. Il est diplômé de l'Université Citadel de la Caroline du Sud. Il exerce aussi ses activités au Collège militaire royal de Kingston. Dean Howard est de Kentville, en Nouvelle- Écosse, et il est venu aujourd'hui assister aux délibérations.
Voilà deux ans que je suis directeur exécutif de l'Association des réservistes du Canada. Je vais commencer par lire la déclaration que j'ai préparée et nous répondrons ensuite à vos questions.
L'ARC est devenue en peu de temps le porte-parole et le soutien moral des 26 000 membres actifs de la réserve. Nos membres viennent de partout au Canada et l'association compte un représentant dans chaque grand centre du pays. Nous avons dans nos rangs des membres des divers échelons et de tous les services et les éléments de la milice, la marine, les communications, la réserve aérienne ainsi que les instructeurs des cadets.
Lors de notre dernière campagne d'affiliation, qui a eu lieu il y a 60 jours, nous avons enregistré la signature d'un millier de membres actifs. Nous sommes la seule association indépendante de la défense vouée à l'étude et au soutien des unités de réserve du Canada.
Nous sommes heureux de venir témoigner devant le comité en cette période pleine de défis stimulants. À la différence d'autres organisations, notre association est un agent de changement, mais notre action est fondée sur des données fiables et des analyses objectives. C'est pourquoi nous croyons de notre devoir de nous élever contre le récent rapport sur la restructuration des unités de réserve. Nous avions espéré que ce rapport répondrait aux deux questions essentielles posées par les réservistes dans l'ensemble du pays: quels changements devons-nous apporter pour accroître l'efficience de l'organisation? Ces changements permettront-ils de réaliser de véritables économies?
Malheureusement, c'est justement à ces deux questions que la commission spéciale a omis de répondre. Il est souvent difficile de parler des unités de réserve sans se laisser emporter par les détails des échelles salariales, les antécédents des régiments et les organigrammes. Je vous invite toutefois à vous pencher sur la question en conservant un certain sens des proportions.
Le Canada se prépare à remplacer le personnel rentable et compétent de la réserve sans effectuer un examen détaillé de l'ensemble du ministère. Certains ont tendance à considérer la réserve comme une roue de secours, que l'on garde justement en réserve «au cas où». Le récent rapport de la commission présente une sérieuse lacune, en ce qu'il tente de déterminer la taille et la forme de la roue de secours, sans tenir compte de l'ensemble du véhicule, c'est-à-dire le ministère de la Défense nationale.
Il est également intéressant de mentionner que dans le rapport, la restructuration des unités de réserve est abordée dans la langue des affaires. Le rapport ne s'appuie toutefois pas sur une analyse économique solide. Nous proposons d'examiner les dépenses d'exploitation des troupes de réserve. Nous estimons que ces dépenses s'élèvent à 500 millions de dollars par année, ce qui représente environ 5 p. 100 de l'ensemble du budget du ministère de la Défense nationale, ou de celui d'une entreprise privée de même taille telle que la compagnie Magna International ou la compagnie Noranda. Ces entreprises savent à quel point il est important d'être efficace et efficient.
J'ai apporté une copie du rapport annuel de la compagnie Magna International à titre d'exemple. On y indique clairement à quoi les montants dépensés ont été affectés, alors que dans le rapport de la commission, des expressions telles «des coûts d'environ ...» sont utilisées abondamment.
Il est étonnant de constater à quel point le rapport de la commission est peu documenté. Vous remarquerez également que les estimations des coûts effectuées par le ministère ne sont pas présentées en annexe. Avant d'apporter quelque changement que ce soit, d'importantes recherches doivent être menées. Notre association s'est employée à chercher des solutions novatrices pour accroître l'efficience de l'organisation. Nous avons par exemple élaboré un projet de nouveau modèle pour la milice et la réserve, où le mode de rémunération actuel des jeunes réservistes est remplacé par le paiement de leurs frais d'université. Nous avons également commencé à mener un sondage auprès de 40 000 membres actuels et anciens de la réserve. C'est le plus important sondage que nous ayons effectué jusqu'à présent.
Nous continuons par ailleurs à nous demander pourquoi le ministère estime devoir faire appel à un organisme de l'extérieur pour effectuer sa recherche fondamentale. Le rapport de la commission n'indique pas quelle est l'ampleur des économies que les importants changements structurels prévus permettront de réaliser. On demande à notre association et au présent comité de croire le ministère sur parole, ce que nous ne pouvons pas faire, pas plus que les dirigeants des communautés avec lesquels nous sommes en rapports de façon quotidienne. Les contribuables canadiens n'accepteront pas, eux non plus, de croire le ministère sur parole lorsqu'on leur montrera que les montants consacrés aux unités de réserve, soit 5 p. 100 du budget total du ministère de la Défense, rapporteront d'importants dividendes sur le plan du maintien de la paix. J'espère que le manque de précision sur les coûts liés aux unités de réserve incitera le présent comité à entreprendre un examen approfondi des méthodes d'administration de ces unités.
Laissons de côté les questions qui ont fait l'objet d'un examen trop superficiel pour nous pencher sur celles qui n'ont pas été examinées du tout. Une multitude de facteurs n'ont pas été pris en compte dans le rapport et méritent d'être mentionnés ici. Divers groupes, dont les femmes et les minorités visibles, seront touchés par l'application de ces politiques de fortune. Par exemple, quelles seront les incidences sur les femmes et sur les minorités visibles dans l'armée?
En fait, dans une lettre que notre association a envoyée au ministre d'État de la Situation de la femme, il est mentionné que la proportion de femmes occupant un poste dans les unités de combat traditionnellement constituées d'hommes, en particulier les forces terrestres, est de 80 p. 100 supérieure dans les forces de réserve à celles que l'on trouve dans les troupes régulières. Une réduction du nombre de réservistes entraînera d'office une diminution du nombre de femmes occupant un poste dans les unités de réserve. La réserve est un bon modèle pour l'armée régulière en ce qui a trait à la représentation des femmes.
Les conséquences pour les membres des minorités visibles sont très semblables. On coupera également de moitié le nombre des citoyens membres de ces minorités qui occupent un poste dans la réserve. Nous avons eu l'occasion de nous entretenir avec les dirigeants de divers groupes, qui se disent vivement inquiets de ce que les militaires soient envoyés dans des endroits isolés. Les incidents survenus récemment en Somalie et mettant en cause le régiment aéroporté leur ont fait prendre davantage conscience du fait que le principe du multiculturalisme n'est pas encore appliqué dans l'armée régulière.
Encore là, les réservistes offrent un exemple au ministère et à l'ensemble du Canada car ils sont présents et sont recrutés dans toutes les localités du pays. Il est mentionné dans le rapport que les forces armées sont le reflet de la société dont elles sont issues. Nous souhaitons que cette affirmation se concrétise encore davantage, et que tous les Canadiens puissent occuper un poste dans les forces armées. Or, cet objectif ne peut être atteint en coupant de moitié l'effectif des troupes de réserve.
Le rapport de la commission ne tient pas compte non plus des conséquences pour les 85 localités qui ne bénéficieront plus de la présence d'une unité. Il faut aussi se demander quels seront les effets sur l'unité du pays de la disparition de la dernière institution nationale. Quelles seront les conséquences pour les diverses localités partout au Canada sur le plan de la protection civile? Enfin, quelle sera l'incidence de la diminution des effectifs de la réserve sur la création d'emploi chez les jeunes, le développement régional et les économies locales?
Mesdames et messieurs, la qualité de ce rapport laisse grandement à désirer, et les membres de la réserve que nous représentons ici aujourd'hui, la population du Canada et le présent comité méritent beaucoup mieux que cela. Je vous incite vivement à apporter des changements véritables à la réserve, des changements découlant d'une réflexion approfondie et non des conclusions hâtives de la commission. Notre association est disposée à participer activement à la mise en oeuvre de ces changements.
En terminant, je vous rappelle que dans ces échanges, les principaux intéressés sont les réservistes, des hommes et des femmes qui croient en eux-mêmes et en leur pays, qui s'emploient à défendre la liberté, et auxquels les Canadiens se fient en temps de crise, tant au pays qu'à l'étranger. Le Canada a besoin d'eux, et ils sont là, ce sont les Canadiens à leur meilleur. Nous vous demandons de rejeter ce rapport.
Merci de votre attention. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
Le président: Merci, monsieur McCloskey.
Monsieur Frazer.
M. Frazer (Saanich - Les Îles-du-Golfe): Bonjour, monsieur McCloskey et monsieur Brown, je vous souhaite la bienvenue. J'ai relevé que vous aviez fait observer dans votre exposé que la commission avait déterminé la taille et la forme des forces de réserve, mais il m'apparaît que ce sont des choses assez déterminées à l'avance étant donné le mandat qui lui a été confié. Essentiellement, il lui a été demandé de ne pas dépasser 23 000 membres. Êtes-vous d'accord avec ça?
M. McCloskey: Oui, en effet. Ce qui nous a toujours grandement préoccupés au sujet de la commission, c'est sa structure et son mandat. La commission a déclaré au départ qu'elle ne serait pas limitée par ce mandat. Nous avons été déçus de voir, au moment de la publication du document de la commission, que cette dernière indiquait qu'elle ne s'était pas senti le droit de déborder de ces limites.
M. Frazer: Êtes-vous conscient du fait que la commission a fait remarquer que le nivellement par le bas - c'est-à-dire la suppression d'un certain nombre de postes de haut rang qu'elle jugeait excédentaires dans la réserve - allait finalement permettre de dégager des crédits pour prendre de l'expansion? Selon le chiffre qu'elle a utilisé, je pense, le fait de vous départir d'un lieutenant-colonel vous permettait d'engager quatre soldats supplémentaires. Êtes-vous conscient de cette réalité et appuyez- vous ce genre d'argument?
M. McCloskey: Oui, nous appuyons la rationalisation du fonctionnement des forces de réserve.
M. Frazer: Êtes-vous donc d'accord pour dire qu'il y a à l'heure actuelle trop de postes de haut rang dans la réserve?
M. McCloskey: Non. Ce n'est pas ce que je dirais. L'une des difficultés qu'éprouvent les forces de réserve comparativement aux forces régulières provient du fait que les unités de réserve ne disposent pas de bureaux ou de services supplémentaires permettant d'accueillir le personnel surnuméraire. Un lieutenant du 48e Highlanders de Toronto va s'élever tout au long de la hiérarchie du commandement et la commission va récompenser ses services, une fois qu'il aura assisté à tous les cours de formation, en lui disant que son poste va être supprimé.
Dans les forces régulières, il y a différents postes disponibles qui permettent de faire passer ces membres du personnel d'un bataillon d'infanterie ordinaire à un service du quartier général de l'OTAN ou du quartier général de la Défense nationale.
Oui, à première vue, les forces de réserve ont un grand nombre d'officiers. Toutefois, si l'on compare aux forces régulières, je crois que c'est en fait inférieur.
M. Frazer: Vous savez que notre comité, composé de membres du comité spécial mixte, n'a pas exprimé une grande sympathie envers la position que vous défendez. Nous avons recommandé des compressions d'effectifs d'au moins 50 p. 100 dans la hiérarchie du quartier général de la Défense nationale et d'autres quartiers généraux parce que nous avons estimé qu'il y avait trop de chefs et pas assez de subordonnés au sein de l'organisation. Cela s'applique aussi - c'est en tout cas mon avis, je ne peux parler pour les autres membres du comité - aux réservistes actuels.
Je conviens que votre lieutenant va être quelque peu limité pour progresser dans la hiérarchie, mais le but poursuivi doit être qu'en cas de rappel dans les forces actives dans une situation d'urgence, chaque réserviste puisse progresser d'au moins un et peut-être de deux rangs en raison de l'expansion prise par les forces. Êtes-vous d'accord avec cela?
M. McCloskey: Je pense que M. Brown a quelque chose à ajouter.
M. B. Christopher A. Brown (directeur des communications, Association des réservistes du Canada): N'oubliez pas, monsieur Frazer, qu'il ne s'agit pas ici de savoir s'il y a ... vous nous dites qu'il faut réduire les effectifs, qu'il y a trop d'officiers en général par rapport au nombre de soldats. C'est peut-être vrai dans le cadre actuel.
Toutefois, en tant qu'officier, il y a une chose que j'aimerais dire ici. Est-ce qu'avec tous les autres officiers et tous les autres soldats de la milice je vais être puni en raison de l'existence de ce système, d'un système qui ne permet pas à un officier qui pourrait...? Je vais peut-être commencer mon année avec 12 soldats, ou encore mon colonel aura peut-être un régiment censé compter 400 soldats alors que le système ne lui permet pas de les avoir pour différentes raisons que vous avez tous entendu évoquer à satiété, j'en suis certain, après avoir organisé toutes ces audiences et entendu tous ces témoins.
Allons-nous punir les gens qui se trouvent à l'intérieur du système parce que le système a failli? N'allons-nous pas plutôt considérer l'ensemble du mécanisme et nous demander comment on peut remédier à la situation? Je crois qu'il y a des changements globaux que l'on peut faire qui nous permettrons de trouver effectivement des soldats pour occuper ces postes, abaisser ce ratio et faire en sorte que le coût soit globalement inférieur.
M. Frazer: Je crois que je vais faire état d'emblée de mon parti pris. La commission a déclaré qu'après avoir interrogé un certain nombre de réservistes elle en avait conclu que les gens retireraient une bien plus grande satisfaction du commandement d'un véritable peloton ou d'une véritable section. En votre qualité d'officier, vous ne devriez pas commander une section. Ce devrait être le travail d'un sergent ou d'un caporal.
M. Brown: En effet.
M. Frazer: En autorisant un surplus d'officiers qui n'ont pas suffisamment de choses à faire, on se voit donc dans l'obligation de retirer au personnel de grade inférieur la possibilité de faire ce qu'il devrait faire et on le sous-emploie dans ces postes. Je ne suis pas d'accord avec votre raisonnement qui consiste à dire que le ratio actuel des officiers au sein des forces de réserve est bon.
M. Brown: Je pense que c'est une situation que nous comprenons parce que nous la vivons toutes les semaines. J'ai été soldat, caporal, caporal-chef; j'ai connu cette situation. Je sais ce qui se passe, je sais pour quelle raison les soldats ne se présentent pas et ce qui fait que les régiments sont dans l'état où ils sont à l'heure actuelle. On ne résoudra pas le problème en éliminant tous les officiers et en en supprimant 20 p. 100, pour ensuite réduire de 20 p. 100 les effectifs des régiments; à la fin on se retrouvera devant les mêmes difficultés et les ratios resteront les mêmes.
M. McCloskey: Si vous me permettez d'ajouter une chose, il ne faut pas oublier non plus ici la formation acquise aux échelons supérieurs de la réserve - sergent-major, major et colonel. Je déjeunais samedi avec un colonel qui m'a dit qu'il lui suffisait de s'adresser à un centre de la main-d'oeuvre du Canada pour trouver en une après-midi 100 soldats. Où pouvait-il s'adresser pour trouver un sergent-major ou un major déjà qualifié? La réponse qui vient immédiatement à l'esprit c'est: nulle part.
M. Frazer: Vous m'excuserez, mais un sergent-major de la réserve sans régiment lui permettant de travailler n'est pas pleinement qualifié. Il opère bien au-dessous de sa capacité ou de sa présumée...
M. McCloskey: Tout est dans le point de vue que l'on adopte. Va-t-on se pencher sur le système, dire qu'il ne donne pas de bons résultats et qu'il faut donc comprimer les effectifs? Ou va-t-on adopter un point de vue différent et se demander comment faire fonctionner le système de manière à l'étoffer tout en y consacrant la même quantité d'argent? Voilà où nous voulons en venir.
M. Frazer: Selon l'information que nous a fournie la commission - et je ne peux que m'en remettre à elle dans un premier temps - c'est que les gens seraient davantage satisfaits et auraient plus de chance de rester dans les forces de réserve et de devenir des réservistes productifs si on leur confiait de véritables tâches, un sergent et non pas un lieutenant commandant par exemple une section et un commandant de peloton, un capitaine ou un lieutenant étant chargé de commander un véritable peloton.
Pour changer de sujet, vous nous avez fourni un chiffre très intéressant - 500 millions de dollars pour les forces de réserve - chiffre que la commission et d'autres intervenants, notamment le vérificateur général, n'ont pas vraiment réussi à préciser. Vous nous avez cité Magna en exemple en disant que cette entreprise parvient à ventiler tous ses coûts. Toutefois, est-ce que Magna a du matériel qui est utilisé par deux éléments différents? Est-ce que ces éléments sont imbriqués l'un dans l'autre et doivent se demander quelle est la part qui revient à l'un et à l'autre? Est-ce que c'est aussi facile que cela?
M. McCloskey: Magna doit rendre des comptes à ses actionnaires et j'imagine que le ministère de la Défense nationale a uniquement des comptes à rendre aux citoyens.
M. Frazer: Non, Magna rend compte de l'utilisation de son matériel ou de son personnel. Dans le cas qui nous occupe, il y a une utilisation conjointe et nous devons donc expliquer d'une manière ou d'une autre comment nous faisons la répartition entre chacun.
M. McCloskey: L'une des grandes questions que nous aimerions aborder aujourd'hui, c'est le fait que les premières estimations de coût ont débuté à 1 milliard de dollars et qu'elles ont ensuite régulièrement baissé. Je suis sûr que le comité va se pencher très sérieusement sur la question et nous en indiquer les raisons. D'où vient la première différence de coût entre le chiffre de 1 milliard de dollars et celui de 875 millions de dollars? Je n'en sais rien exactement.
M. Frazer: Je crois qu'il vient de nulle part. Lorsqu'elle a informé M. Hart et moi-même, la commission a déclaré qu'il s'agissait d'environ 750 millions de dollars, sans en donner l'explication. Elle a tout simplement dit qu'il ne s'agissait plus de 1,08 milliard de dollars ou d'un chiffre de ce genre.
M. McCloskey: En effet, et c'est tout le problème.
M. Frazer: Je suis d'accord avec vous, mais je vous demande comment vous faites la ventilation des coûts alors que vous avez deux utilisateurs différents qui font usage de l'équipement, des installations et de l'ensemble des services? Comment procédez-vous à la répartition pour en arriver à un chiffre précis? Je suis d'accord avec vous pour dire que j'aimerais bien le connaître.
M. McCloskey: Pour ce qui est des principes comptables, je suis sûr qu'il y a de nombreuses organisations qui partagent de l'équipement et qui ont trouvé les moyens de résoudre ces complexités, mais nous n'avons pas les ressources suffisantes pour le faire. Pour en arriver à notre chiffre de 500 millions de dollars, nous sommes partis du bas et nous sommes remontés jusqu'en haut des forces de réserve. Nous avons soustrait des postes tels que le recrutement et l'utilisation des centres de recrutement des forces canadiennes de la part correspondant aux forces de réserve.
M. Frazer: Il s'agit d'un service administré pour votre compte. Je sais que vous n'aimez pas le service qui est offert, mais...
M. McCloskey: Oui. C'est un service très coûteux, très inefficace, qui est théoriquement dispensé pour le compte des forces de réserve. Il remplace quelque chose que faisaient très bien les forces de réserve pour leur propre compte.
M. Frazer: À quel coût?
M. McCloskey: Les forces de réserve, avant l'intervention des centres de recrutement des forces canadiennes pouvaient opérer en faisant appel à des postes de classe A ou de classe B ... l'un des deux, pour répondre à leurs besoins de recrutement. Aujourd'hui, à Toronto, par exemple, il y a un centre de recrutement des forces canadiennes qui compte quelque 35 employés à plein temps se chargeant d'acheminer les demandes d'engagement dans les forces de réserve.
Ne me faites pas dire que c'est là une utilisation efficace de l'argent consacré à la réserve, et c'est quelque chose sur laquelle j'espère que le comité se penchera. Il faut que quelqu'un prenne la décision et en arrive à un chiffre précis. Je ne crois pas qu'il soit acceptable que les dépenses, même si elles se situent dans la partie inférieure de la fourchette, ce qui correspond à notre estimation de 500 millions de dollars, ne puissent être clairement précisées. Je ne pense pas que ce soit bien acceptable et je suis sûr que votre comité fera tout ce qui est en son pouvoir pour en arriver à un chiffre rationnel. Comment allons-nous savoir ce que nous allons économiser si nous ne savons pas ce que ça coûte?
M. Frazer: Je suis d'accord avec vous et je vous appuie. Si l'on pouvait parvenir à préciser ce chiffre, ce serait particulièrement utile, non seulement au ministère de la Défense nationale, mais aussi aux contribuables.
J'ai une autre question à vous poser. Vous avez parlé des femmes et des minorités visibles, et là encore je vais vous donner d'emblée mon point de vue. Nous ne croyons pas à l'équité dans l'emploi. Nous considérons que ce sont les gens les plus qualifiés qui doivent obtenir des emplois. Laissez-vous entendre qu'il faudrait en réalité que les forces de réserve intègrent le principe de l'équité dans l'emploi et prévoient des postes spéciaux à l'intention des femmes ou des minorités visibles pour s'assurer qu'elles reflètent le multiculturalisme du Canada, ou préconisez- vous que l'on engage les gens les plus qualifiés pour faire le travail conformément aux intérêts du Canada?
M. McCloskey: Nous voulons que l'on engage les gens les plus qualifiés et je considère que la part prise par les femmes et par les représentants des milieux multiculturels dans les forces de réserve, sans que l'on ait recours à l'équité dans l'emploi, montre bien que l'on en n'a pas véritablement besoin.
Nous avons mentionné ces deux éléments parce que dans la réserve nous avons une forte proportion, notamment dans les secteurs urbains, de Néo-Canadiens et de femmes autorisés à servir dans des postes qui n'en comptent pas par ailleurs. Ainsi, je ne connais aucune femme servant à l'heure actuelle dans un bataillon d'infanterie régulier dans l'ensemble des forces canadiennes régulières.
M. Frazer: Mais vous savez toutefois qu'il y en a eu.
M. McCloskey: Il y en a eu, oui. Toutefois, il est indéniable que les forces de réserve ont largement dépassé les forces régulières pour ce qui est de cette intégration.
M. Frazer: Puis-je vous demander si les forces de réserve exigent dans ce cas la même chose de leurs éléments féminins que les forces régulières?
M. McCloskey: Disons que nous attirons des gens différents.
M. Frazer: Non, non, je vous demande si elles exigent la même performance. Autrement dit, y a-t-il une raison pour laquelle il n'y a pas de femmes à l'heure actuelle dans les bataillons de l'infanterie?
M. McCloskey: Pour ce qui est des normes de formation, elles sont fixées par le ministère.
M. Frazer: Non, je parle de la performance. Il ne s'agit pas des normes de formation ou du niveau de leur formation; il s'agit des exigences qu'impose le travail qu'elles sont appelées à faire dans l'exécution de leur service. Je me demande, par conséquent, si vous n'êtes pas en train de comparer deux choses qui n'ont rien à voir.
En passant, je voudrais qu'il soit bien clair qu'à notre avis nul ne peut être empêché de demander à entrer dans les forces de réserve ou dans les forces régulières et, à ma connaissance, il n'y a aucune restriction de ce type dans les forces régulières.
M. McCloskey: Non.
M. Frazer: Ce que vous aviez laissé entendre...
M. Mifflin (Bonavista - Trinity - Conception): Sauf dans les sous-marins.
M. Frazer: Excusez-moi. Les femmes ne sont pas autorisées à servir dans les sous-marins.
M. Brown: Monsieur Frazer, vous nous dites qu'il ne faut pas comparer deux choses qui n'ont rien à voir, et pourtant c'est ce que nous faisons. On nous dit dans ce document qu'il y a deux cultures, et en fait il y a bien deux cultures ici. Les réservistes et le personnel des forces régulières ont tendance à appartenir à des segments différents de la société. Les personnalités ne sont pas les mêmes. Nous avons des gens qui veulent servir leur pays à temps partiel. Nous constatons qu'il y a là une plus grande possibilité pour les minorités visibles d'être représentées en plus grand nombre, de faire appel au visage multiculturel de notre pays et de donner des chances de participation égales aux hommes et aux femmes. Le fait est que nos régiments opèrent selon les mêmes normes, ou même des normes plus strictes, qu'il y a 10 ou 20 ans.
Pour répondre à votre question, non, les femmes n'ont pas remis en cause à l'heure actuelle la capacité opérationnelle de ces unités conformément aux normes établies par le ministère.
M. Frazer: Excusez-moi, mais est-ce que l'on parle de la performance effective exigée de ce personnel - en l'espèce, les exercices et les tâches d'un bataillon d'infanterie?
M. Brown: En 1991, j'étais caporal-chef à Meaford, en Ontario, et j'ai commandé la première section de recrues féminines dans le corps blindé royal du Canada. Je peux vous garantir que je leur ai appliqué les mêmes normes, et peut-être même des normes plus strictes - peut-être inconsciemment, je dois l'avouer - que la norme de recrutement des blindés et que les normes qui s'appliquent dans l'ensemble du corps blindé royal du Canada. J'ai obtenu un taux de succès de 100 p. 100 et ces recrues continuent à servir dans leur régiment.
Donc, pour répondre à nouveau à votre question, j'ai 10 ans d'expérience de la réserve et je considère que ces femmes soldats se conforment aux normes de service établies.
M. McCloskey: De même, les réservistes qui ont servi dans le cadre des missions des Nations Unies dans les corps d'infanterie et dans les services du génie des Vandoos comme des Patricias se sont très bien acquittés de leurs tâches.
M. Frazer: Je vous comprends mal, donc. Si elles se sont très bien acquittées de leurs tâches dans les forces régulières, pourquoi...
M. Brown: Les auxiliaires provenant de la réserve.
M. Frazer: Très bien.
Le président: Monsieur Richardson.
M. Richardson (Perth - Wellington - Waterloo): Merci, monsieur le président. J'aimerais aborder rapidement un certain nombre de points. Ils se rattachent au programme de recrutement.
Puisque vous connaissez bien le centre de recrutement de Toronto, combien de recruteurs de ce centre sont des réservistes de classe B ayant une formation de recruteurs?
M. McCloskey: Je ne sais pas exactement combien d'entre eux font actuellement partie des effectifs. La différence ici, lorsque je parle de personnel à plein temps, se fait entre ceux de la classe B et le personnel régulier, c'est-à-dire les soldats de la classe A qui vont défiler sur le terrain de rassemblement.
M. Richardson: Je partirai donc de votre réponse. Combien d'argent - on parle du montant en dollars - est affecté selon vous aux services de la classe B ou de la classe C comparativement aux services de la classe A chez les réservistes, les membres de la classe A et de la classe C étant du personnel à plein temps et les membres de la classe A du personnel à temps partiel, dans quelle catégorie y a-t-il le plus grand nombre de réservistes et quelle est à peu près la différence en dollars?
M. McCloskey: Pour ce qui est de l'ensemble du mécanisme de recrutement?
M. Richardson: Non, l'ensemble du système - en enlevant la classe A et en séparant l'ensemble de la classe B de la classe A. Ce devrait être facile à définir.
M. McCloskey: Nous n'avons pas ces statistiques sur nous mais nous pouvons vous les préparer.
M. Richardson: Ce serait très utile.
J'enchaîne donc à partir de là. Lorsqu'on recrute dans le centre-ville de Toronto et dans la région de Toronto, les transports publics permettent assez facilement de faire venir les gens au centre de recrutement. Comment va faire un habitant du comté de Renfrew ou de Lanark pour aller jusqu'à Pembroke? Comment va-t-il se rendre jusqu'au centre de recrutement?
M. Brown: Généralement, le recruteur local a un circuit qu'il fait à partir d'un centre de recrutement des forces canadiennes et, par exemple, il ira tous les mercredis à Cobourg, en Ontario, ou à Lanark. Il se peut qu'un bureau de recrutement soit implanté dans le bureau de poste local et qu'il y ait un horaire régulier. Ainsi, il pourra être là le jeudi après-midi. Il suffit donc de consulter les pages jaunes locales et d'appeler le numéro indiqué pour savoir qu'à telle heure il y aura un recruteur dans votre région. Sinon, ils viennent en autobus.
M. McCloskey: Je ne veux pas que nous nous écartions du sujet, mais si nous évoquons la question du mécanisme de recrutement, c'est parce que lorsqu'on tient compte de la démographie à l'entrée dans les forces de réserve, on voit que dans la plupart des cas il s'agit d'étudiants qui entrent au collège ou à l'université. Nous cherchons à rationaliser le mécanisme de manière à rendre l'opération la plus simple possible et à faire en sorte qu'elle soit le plus rentable possible.
Je vais vous donner un exemple des paradoxes qu'offre le système. Prenez le cas d'un étudiant admis à suivre des cours de licence en physique à l'Université de Toronto et à qui on demande au moment du recrutement de passer l'épreuve type des forces canadiennes dans laquelle on lui demande de dire parmi des mots tels que «chien», «chat», «bâton de base-ball», et autres, quels sont ceux qui existent ou non. C'est ce genre de situation. Cette épreuve a été conçue pour les candidats des années 1950 et 1960 lorsqu'on s'adressait à un groupe différent d'un point de vue démographique. L'administration de cette épreuve, les calculs, le classement et l'entreposage des données coûtent de l'argent. Avons-nous besoin de tout cela aujourd'hui pour servir notre population?
Lorsqu'un candidat veut entrer dans les forces de police de la région de Peel, la police régionale de Peel lui demande d'aller voir son docteur personnel pour passer un examen médical. C'est ce genre de choses que nous cherchons à faire comprendre au comité pour que la situation évolue.
Nous voulons conserver un personnel nombreux dans la réserve. Nous voulons être sûrs de pouvoir disposer de cette capacité dans la réserve, mais nous reconnaissons - et je l'ai indiqué, que nous sommes un agent du changement. Nous voulons nous assurer que l'on ne gaspille pas de l'argent qui pourrait être mieux utilisé ailleurs pour appuyer notre système.
M. Richardson: J'irais plus loin, parce que les commandants signalent souvent que c'est le problème numéro un au Canada, celui du recrutement, de la disponibilité, de l'identification et des trajets aller et retour jusqu'aux centres de recrutement, surtout dans la région de la Nouvelle-Écosse en raison des distances.
Je vais enchaîner sur un autre sujet à la suite des questions posées par M. Frazer sur les budgets, le recrutement et le rapport du nombre d'officiers par rapport aux soldats. N'est-il pas vrai que le budget d'un régiment, d'un escadron, d'un régiment d'artillerie ou d'un bataillon des services est alloué à l'unité concernée à partir du quartier général de la région, ce qui détermine ce que celle-ci peut recruter? Est-ce que ce n'est pas le budget qui guide tout? Vous avez un effectif de 250 personnes dans un bataillon traditionnel - et pour certains cela va jusqu'à 300 et quelques - mais votre budget n'est pas prévu pour ce nombre de gens.
M. McCloskey: Certainement pas.
En réalité, pour rajouter encore une chose, les commandants des unités sont théoriquement payés en fonction du barème de la solde des FC, ce qui donne environ 130$ par jour lorsqu'ils défilent.
M. Richardson: Laissez-moi vous arrêter sur ce chiffre. Qu'avez-vous dit? Je vais vous donner la possibilité de le corriger. Vous avez parlé de 131$ par jour.
M. Brown: C'est simplement un chiffre approximatif...
M. McCloskey: C'est la paie d'un lieutenant-colonel pour une journée.
M. Brown: N'ayant pas encore atteint ce grade, je ne suis pas très au courant.
M. McCloskey: Mais sur papier, c'est là le barème de la solde. Toutefois, qu'il ait droit ou non à sa solde pour ces jours-là, le colonel renonce à la toucher pour qu'elle soit affectée à ses troupes. Il y a de nombreuses journées non payées dans le service de la réserve. Il y a bien des tâches que l'on fait chez soi sur un coin de table et qui ne sont pas rémunérées. Je crois qu'il serait là encore intéressant que le comité se penche sur la question pour ce qui est du ratio et de la façon dont il s'applique. Effectivement, si nous nivelons par le bas les forces de réserve en faisant d'un lieutenant-colonel un major payé à ce grade, combien va-t-on effectivement économiser d'argent compte tenu de la situation générale?
M. Richardson: J'essayais de voir le type de ratio dont parlait M. Frazer. On ne pourrait jamais atteindre ce genre de ratio avec les budgets que l'on reçoit au niveau du bataillon. Ce n'est pas une question de recrutement.
M. McCloskey: Pas selon les paramètres actuels, non.
M. Brown: Il y a une chose que j'aimerais ajouter, là encore en fonction de mon expérience personnelle. J'ai été recruteur au niveau d'une unité locale et, à un moment donné, je renvoyais des candidats pleinement qualifiés qui avaient suivi toute la procédure de recrutement parce que nous avions atteint notre plafond. Cela ne veut pas dire que nous n'avions pas de place sur le terrain de rassemblement. Cela ne veut pas dire que nous n'avions pas les ressources, mais nous avions épuisé toutes nos possibilités d'affectation. Nous sommes un régiment, ce qui signifie que nous devrions théoriquement pouvoir compter 300 soldats, de tous les grades, lors des rassemblements. Toutefois, je devais en refuser un certain nombre. Donc, pour répondre à votre question, effectivement, c'est le budget qui détermine tout.
Si je me trouve au sein du Régiment royal de Montréal ou des Seaforth Highlanders, il se peut que ce soit les unités les plus prisées dans leur région. Elles pourront avoir les meilleures recrues mais il leur faudra refuser des candidats qualifiés.
M. McCloskey: Dans le rapport de la commission lui-même, il est indiqué, à la page 52, qu'en dépit de toutes les difficultés, les unités de la réserve ne manquent pas de recrues. Pourtant, à la page 2 de la préface, on précise que les réservoirs de recrutement sont trop éloignés des unités de la réserve. Nous n'avons pas encore réussi à comprendre cette situation.
Le président: Je vous remercie. M. O'Reilly va maintenant poser les prochaines questions mais, avant de lui donner la parole, je veux vous avertir qu'il va probablement vous dire à plusieurs reprises que sa circonscription est plus grande que ma province, et je voulais donc...
Des voix: Oh, oh!
M. O'Reilly (Victoria - Haliburton): Je pensais que nous avions réglé la question hier, monsieur le président, et que vous aviez accepté la réalité.
Monsieur McCloskey, monsieur Brown et monsieur Howard, je vous souhaite la bienvenue. J'ai apprécié que vous ayez pris le temps de venir ici et de nous donner votre point de vue au sujet du rapport, mais je tiens à vous rappeler pour quelle raison nous sommes ici, en l'occurrence pour étudier ce rapport. Nous avons pour mandat d'étudier le rapport et de le présenter au Parlement en apportant éventuellement des amendements, et votre mandat est de faire en sorte qu'on l'écarte complètement. Je vous demanderai donc tout d'abord s'il y a une partie de cette étude que vous aimez.
M. McCloskey: Nous aimons le fait qu'à la fin du rapport, on laisse entendre qu'il faudra procéder à d'autres études. C'est la première chose à laquelle nous sommes favorables. Nous sommes favorables aussi au fait que l'étude reconnaît que les forces de réserve ont de la valeur - je crois que c'est la terminologie employée. En dehors de cela, je considère que le rapport ne s'en tient pas suffisamment aux faits et ne donne pas des chiffres suffisamment précis pour que vous puissiez savoir ce que vous allez économiser. En fait, on y reconnaît que l'on n'a pas procédé à une analyse statistique ou financière des forces de réserve.
Ce rapport préconise de nombreuses mesures administratives qui à première vue semblent devoir bénéficier aux forces de réserve, et pourtant ce sont des questions administratives qui auraient pu être réglées il y a 15 ans. Il n'y a rien de nouveau dans ce rapport.
M. Brown: En période de restrictions budgétaires, à un moment où il nous faut rationaliser les crédits de moins en moins nombreux que nous devons affecter à la défense nationale, je pense que c'est une erreur de la part du ministre et du ministère de venir dire à votre comité que tout le mal dans le secteur de la défense vient de ce qui est répertorié dans ce document. C'est une illusion de penser qu'en acceptant les arguments de ce rapport on va trouver une solution.
L'ensemble du système doit être examiné de plus près; l'ensemble du système a besoin de faire l'objet d'une étude spéciale. Pour ce qui est des membres de la commission, et j'en connais deux personnellement pour lesquels j'ai le plus grand respect, je crois que cela fait penser à quelqu'un qui voudrait examiner la question de la médecine sociale dans notre pays sans qu'aucun médecin et aucune personne connaissant les milieux médicaux ne participe à cette tâche.
Je pense qu'il est erroné de parler des réserves sans qu'aucun réserviste ne participe à l'opération.
Nous disons donc qu'effectivement il faut qu'il y ait des changements, mais pas ceux qui se trouvent dans ce document, et que les changements que vous voulez obtenir ne se trouvent pas dans les forces de réserve.
M. O'Reilly: Vous demandez une plus grande efficacité lorsqu'il s'agit d'économiser de l'argent. Vous nous dites que la question n'est pas abordée ici.
Plus particulièrement, comment faites-vous pour tenir compte des restrictions budgétaires du gouvernement du Canada à l'heure actuelle et qu'allez-vous faire alors pour faire face au changement?
M. McCloskey: L'un des gros problèmes que nous pose ce rapport, c'est qu'il examine les coûts structurels, mais pas les coûts de traitement. Par coûts de traitement, je veux parler du fait que le système des forces de réserve au niveau de l'unité est essentiellement administratif. La lourdeur de l'administration et le temps consacré à l'administration dans les unités de réserve, par opposition au temps passé à s'acquitter du rôle principal du service militaire, est trop élevé. Nous voulons l'abaisser et essayer d'optimiser le temps consacré à la formation militaire en réduisant la lourdeur de la procédure.
Par exemple, et c'est un mécanisme difficile à suivre, le système de la solde des forces de réserve... et je suis sûr que si votre comité n'en a pas encore entendu parler, ça va être le cas.
M. O'Reilly: J'allais vous poser une question sur ce point. Quelle est votre réponse au problème posé par les trois systèmes de solde? Il est clair que vous lisez dans mes notes, vous pouvez donc y aller.
M. McCloskey: Le système de solde de la réserve pose un problème très complexe et il est bien dommage que ce soit si complexe. Nous avons des soldats qui n'osent pas penser qu'ils puissent être engagés par McDonald et que deux semaines plus tard ils puissent recevoir un chèque de paie exact.
Une simple anecdote, les services effectués le mois dernier par M. Brown ne lui ont pas été payés en raison d'un problème de solde.
Il va falloir effectuer de nombreuses études, mais il y a un certain nombre de possibilités de solutions novatrices. Ainsi, au lieu de verser aux soldats leur solde en espèces, on pourrait se servir d'un régime de paiement de bourses semblable au régime ROTC des États-Unis qui s'applique à tous les grades admissibles. Cette solution permettrait aux soldats/étudiants de la réserve de suivre des cours à l'université à tarif réduit et d'être rémunérés au titre de leur service militaire par le paiement de leurs frais d'inscription universitaires. Cela nous libérerait de l'obligation de prévoir un budget de classe A devant permettre de payer 56 $ par jour les soldats de la réserve, à moins qu'il n'y ait qu'une demi- journée, etc.
Nous cherchons des solutions novatrices pour remédier à ce problème. Nous pourrions déployer davantage de soldats au même coût. En fait, nous cherchons à en déployer davantage à un coût moindre.
M. O'Reilly: Je vous ai demandé quelque chose de précis dans ce domaine particulier et vous m'exposez des théories que j'ai déjà ici. Deux séries de théories ne m'aident pas à prendre une décision.
M. McCloskey: Un exemple précis de l'inadaptation du système de la solde?
M. O'Reilly: Tout d'abord, la question qui consiste à tenir compte des restrictions budgétaires... je suis sorti des forces de réserve au cours des années 1960 et je ne sais pas si j'ai été payé la dernière fois. Il me faudrait aller vérifier, mais je crois que les services sont maintenant fermés. Donc, ce système existait déjà à l'époque et de toute évidence il existe encore aujourd'hui.
M. McCloskey: Votre chèque de paie est probablement quelque part dans un classeur.
M. O'Reilly: Ce n'était pas beaucoup d'argent à l'époque.
M. Brown: Nous étions ici il y a près d'un an alors que le chef de la défense a pris la parole pour dire au Congrès des associations de la défense que l'on avait versé 14,7 millions de dollars dans le système de solde provisoire de la réserve. Vous devriez tous être horrifiés de voir qu'en ces temps de restrictions budgétaires nous dépensions autant d'argent sans résultat.
M. Frazer: Nous en avons l'habitude.
M. Brown: Vous m'avez demandé où se situent les forces de réserve dans ce programme de réduction et de restrictions budgétaires. Comme vous le savez tous, puisque vous votez tous les ans le budget et que les prévisions budgétaires vous viennent du MDN, les trois grands domaines d'affectation de crédits sont les dépenses d'équipement, les frais d'exploitation et d'entretien et le personnel.
Nous avons tous pu constater au cours de notre histoire que lorsqu'on néglige les dépenses d'équipement, il faut alors payer bien davantage 20 ans plus tard lorsqu'il faut remplacer tous ces navires, ces aéronefs et ces véhicules blindés. Il faut pouvoir les remplacer et les entretenir. Nous avons aussi les frais d'exploitation et d'entretien. D'où vont donc provenir les économies?
Il nous faut pouvoir maintenir une armée opérationnelle en cas de guerre. Nous devons maintenir la capacité de notre défense nationale. En appliquant des principes économiques de base, vous voyez donc que ces économies doivent provenir des frais de personnel. On ne peut pas diminuer la solde du personnel. Voilà cinq ans qu'elle est bloquée. Donc, à partir du moment où ces économies doivent provenir du personnel, où peut-on réaliser le plus d'économies? Les responsables de l'opération Défense 2000, qui vise à éliminer la paperasserie au MDN, ont indiqué dans leur dernier rapport que ce sont les forces de réserve qui étaient le meilleur marché, et pourtant c'est dans ce secteur que l'on s'efforce de réaliser des économies.
Disons qu'un soldat à plein temps vous donne 365 jours par an en termes de capacité de défense nationale. Vous le payez 100 p. 100 du coût. D'un autre côté, vous allez payer un réserviste 30 jours par an, soit un douzième du coût, alors qu'il va vous procurer une capacité de 70 p. 100 du point de vue de la défense nationale. Voilà qui me paraît être le bon endroit pour réaliser des économies.
Est-ce que nous expédions immédiatement des soldats en opération? Oui, nous le faisons. C'est pourquoi nous avons besoin d'une armée permanente. Mais pourquoi pratiquer des compressions d'effectifs chez les réservistes alors que ce sont eux qui sont le meilleur marché? Prenons le cas d'opérations prolongées. Nous pouvons former des réservistes pour qu'ils atteignent une capacité de 100 p. 100. Nous l'avons fait ces cinq dernières années en Yougoslavie.
Pour en revenir à votre question, monsieur O'Reilly, où va-t- on trouver des économies en cette période de restrictions budgétaires, de contraintes financières et de compressions? Ce n'est pas en pratiquant des compressions d'effectif dans les forces de réserve mais en les rationalisant et en repensant tout le mécanisme de défense que nous y parviendrons.
M. O'Reilly: Il semble parfois qu'il y ait davantage d'officiers de réserve à la tribune qu'il y a de soldats sur le terrain de rassemblement. Est-ce que le recrutement a été ramené à zéro? Est-ce en raison du fait que l'avancement au mérite est si rapide dans le cadre du système que trop de soldats deviennent officiers ou est-ce parce que l'on ne recrute pas à l'autre bout?
M. McCloskey: C'est en partie une question de budget étant donné que les crédits alloués au recrutement sont fixes. Il y a donc des hauts et des bas. Il arrive à l'occasion que le commandant d'une unité ait davantage de soldats qu'il ne peut en absorber alors que d'autres fois il n'en a pratiquement aucun.
Ainsi, l'une des unités de Toronto est passée de 35 personnes une année à 200 l'année suivante. C'est lié directement aux crédits budgétaires. Nous voulons une harmonisation du système pour qu'il y ait toujours un certain nombre de soldats. À l'heure actuelle, il y a des disparités criantes en ce qui a trait au recrutement dans les forces de réserve selon les endroits.
M. O'Reilly: Je voulais signaler aussi que la comparaison que vous faites entre l'armée de réserve et la société Magna est très mauvaise. Je dois vous avouer qu'elle ne m'impressionne pas. C'est comme si l'on comparaît Quaker Oats à quelque chose qui ne lui fait aucune concurrence.
Je vous conseille, si vous devez faire ce genre de comparaison, de vous référer plutôt à d'autres pays qui possèdent des armées de réserve, qui font des rappels... le système américain ou d'autres systèmes comparables. Magna est un très mauvais exemple. Je me demande pourquoi vous l'avez citée.
M. McCloskey: Si nous avons cité l'exemple de Magna, ce n'est pas pour dire que c'était la même chose que les forces de réserve. Nous avons pris l'exemple du rapport annuel de Magna pour montrer qu'une société ayant des frais d'exploitation de même montant au cours de l'année n'avait aucune difficulté à savoir où allait l'argent, et qu'elle le faisait chaque année.
Nous avons ici le rapport d'une commission dans lequel on retrouve des termes comme «environ», «autour de», et «le ministère nous dit». Où sont les chiffres? Où sont les statistiques? Où est la bibliographie utilisée dans le rapport?
Nous ne disons pas que nous ne faisons pas confiance aux chiffres du ministère, mais où sont-ils, et comment peut-on les examiner? Lorsqu'on nous les fournit pour qu'on les examine, nous voyons qu'il y a une différence entre 1 milliard de dollars et 875 millions de dollars.
Voilà donc pourquoi nous avons cité ici cet exemple. Cela n'a rien à voir avec le fonctionnement effectif de cette société. C'est tout simplement parce qu'elle dépense la même quantité d'argent en étant pourtant en mesure de rendre compte de son affectation et de savoir combien elle consacre à la recherche et au développement.
Pour ce qui est de la réserve, où se trouve notre équipe d'experts novateurs? Où se trouve au ministère le groupe de gens qui va s'assurer que les nouvelles idées au sein de la réserve pourront voir le jour? L'un d'entre eux ne se trouve même pas à la direction des forces de réserve, c'est une équipe indépendante: celle de l'opération sur la paperasserie.
M. O'Reilly: Mais pour chaque société que vous pouvez citer en exemple, nous pouvons en trouver quatre qui sont de mauvais exemples. Je vous dis simplement qu'il faut comparer des choses qui sont comparables.
Ma dernière question a trait au fait que vous avez déclaré dans le numéro du 1er août de Defence Policy Review: «Des millions de dollars d'équipement informatique restent inutilisés dans les unités de la réserve de tout le pays». Pouvez-vous nous en donner des exemples précis? S'agissait-il de «millions de dollars» ou avez- vous été mal cité?
M. McCloskey: Non, absolument pas. Il s'agit de terminaux et de systèmes informatiques qui restent inutilisés. Par «inutilisés» j'entends qu'ils ne sont pas à l'heure actuelle raccordés aux systèmes en réseau. Nous avons dans les salles des rapports des bataillons de la réserve des commis qui ne sont pas formés à l'utilisation des logiciels informatiques. Nous avons des cours destinés au personnel qui se font sur papier, on leur enseigne essentiellement à rédiger des notes de service, etc., alors que ça pourrait se faire automatiquement sur ordinateur.
Nous pourrions réduire le grand nombre d'employés administratifs qui travaillent actuellement dans les unités de la réserve en ramenant par exemple à cinq le nombre d'employés administratifs desservant une unité comptant 100 personnes - en recourant à bon escient à l'informatisation.
De la même manière, sur le plan des approvisionnements, les unités viennent juste de se doter de systèmes leur permettant de s'approvisionner par ordinateur. C'est avant tout un système qui fait appel à la paperasserie et je ne pense pas que vous soyez bien étonnés si vous entriez dans une salle des rapports d'un bataillon à l'heure actuelle. Le choc culturel ne serait pas très grand pour ce qui est de l'administration.
C'est quelque chose qui dérange bien des gens dans les forces de réserve. Lorsque vous affectez des gens qui proviennent du milieu des entreprises, d'un milieu universitaire, dans une unité de la réserve, ils se croient revenus en 1971 pour ce qui est de l'administration. Nous pouvons économiser de l'argent en améliorant ce genre de choses.
M. O'Reilly: C'est la même chose à Ottawa. C'est pourquoi j'ai mis aujourd'hui ma cravate du Parc jurassique. Le Sénat est en train de voter sur un texte quelconque.
Je vous remercie.
Le président: Merci messieurs.
Avant de passer la parole à M. Hart, j'aimerais que vous me disiez ce que vous pensez de ce projet de loi sur la protection de l'emploi et me dire s'il va avoir un effet négatif ou positif sur les réservistes qui cherchent un emploi quelque part.
M. McCloskey: La protection de l'emploi, en ce qui nous concerne, est un peu le dernier de nos soucis à l'heure actuelle. Nous avons bien d'autres préoccupations en dehors de la loi sur la protection de l'emploi.
Là encore, nous n'avons aucune base de données donnant des informations que l'on pourrait étudier. Le Conseil de liaison des forces canadiennes n'indique pas combien de réservistes devraient bénéficier de cette loi, combien de réservistes ont réussi à arrêter des modalités détaillées avec leurs employeurs actuels.
Ce qui nous préoccupe aussi, après avoir parlé à la Chambre de commerce du Canada, à l'Association des manufacturiers canadiens et à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, c'est que l'on se demande quand a eu lieu la consultation que nous jugeons nécessaire au sujet de toute loi de protection de l'emploi, la consultation avec les entreprises pour qu'il n'y ait pas d'effet négatif sur les réservistes et pour qu'ils puissent servir leur pays? Nous considérons qu'il ne vaut pas bien la peine de mentionner la loi sur la protection de l'emploi dans ce rapport en l'absence de cette base de données.
Le président: Monsieur Hart.
M. Hart (Okanagan - Similkameen - Merritt): Merci, monsieur le président.
Monsieur McCloskey, monsieur Brown et monsieur Howard, je vous souhaite la bienvenue. Nous sommes heureux de vous avoir ici parmi nous et d'entendre votre point de vue.
J'aimerais vous parler d'un certain nombre d'exemples précis mais, tout d'abord, vous avez indiqué dans votre exposé qu'on ne pouvait pas créer un environnement positif pour les réserves si on diminuait de moitié leur nombre. Ce n'est pas vraiment ce que dit ce rapport. Il ne propose pas que l'on diminue de moitié les réserves. À moins que ce soit votre interprétation du rapport, que l'on préconise en fait une diminution par deux des réserves?
M. McCloskey: Quand on prend les chiffres théoriques avancés par la Commission pour ce qui est du personnel militaire, on ne diminue pas de moitié les réserves. Pour ce qui est du nombre d'unités selon leur emplacement dans le pays, on réduit de moitié les réserves.
M. Hart: Bien des gens pourront considérer que c'est là un moyen très efficace d'intervenir en regroupant éventuellement deux unités dont les effectifs sont moins nombreux. Pour quelle raison n'acceptez-vous pas cette théorie?
M. McCloskey: Oh, elles sont nombreuses. La première d'entre elles, c'est que là encore nous n'avons pas de données chiffrées qui nous disent que nous allons économiser de l'argent. En théorie, oui, si l'on ferme les salles d'exercice d'une unité, on va économiser de l'argent sur le chauffage et l'électricité. Toutefois, la plupart des salles d'exercice de notre pays sont désormais des bâtiments historiques et leur valeur de revente est nulle.
M. Brown: Laissez-moi ajouter que ce n'est pas parce que nous avons 163 unités dont les effectifs ne sont pas complets qu'il faut en réduire le nombre. Si nous agissions ainsi, nous n'aurions plus un seul régiment dans l'armée canadienne, à l'exception de ceux qui sont en opération pour le compte de l'ONU.
Je veux dire par là que c'est la situation dans l'ensemble des forces canadiennes. Nous n'avons pas d'escadron de chasseurs dont les effectifs soient complets. Nous n'avons pas d'escadron naval dont les effectifs soient complets. C'est une caractéristique des forces canadiennes prises dans leur ensemble et non pas une caractéristique propre à la réserve.
C'est pourquoi nous disons qu'il peut y avoir là des solutions mais que toutes n'y sont pas. Nous serions mal avisés de venir vous dire qu'il vous faut accepter le rapport de la commission, parce qu'il ne règle pas l'ensemble du problème.
M. McCloskey: Par ailleurs, j'ai eu l'occasion de lire un compte rendu préparé par Brian MacDonald en vue d'un prochain exposé. Il s'étend très longuement... je ne veux pas aujourd'hui lui couper l'herbe sous les pieds, même si j'en ai très envie, parce qu'il a fait un excellent travail de statistiques. L'une des observations qu'il fait, c'est qu'à partir du moment où vous avez une unité de 100 personnes qui se trouve à 45 minutes et une autre unité de 100 personnes située ailleurs et où vous les rassemblez en un troisième lieu, il n'est pas mathématique que l'on va se retrouver avec une unité de 300 personnes. Après avoir fermé les deux premières, on va se retrouver avec une unité de 100 personnes.
Dans la ville de Toronto, par exemple, nous constatons que plus on s'éloigne du centre-ville, où se trouvent la plupart des unités de la réserve à Toronto... il y a un rayon correspondant à un déplacement de 45 minutes tout autour des salles d'exercice. Pour les gens qui habitent en dehors de ce rayon, le taux d'abandon est très élevé. Les gens ne vont pas se déplacer sur de grandes distances pour faire ce genre de chose.
Par conséquent, l'idée qui consiste à fermer une unité à Stratford dans l'espoir que tous ces gens vont prendre leur voiture particulière et faire 40 minutes de route pour aller jusqu'à l'unité de London a besoin à mon avis d'être réexaminée.
M. Hart: Laissiez-vous entendre par ailleurs dans vos observations que la réserve payait le recrutement des réservistes?
M. McCloskey: Il y a quelqu'un qui paie. Oui, j'ai relevé que l'on disait dans le rapport que les forces de réserve ne paient pas la facture du recrutement, mais il y a quelqu'un qui paie. C'est un mécanisme qu'utilisent les forces de réserve et dont elles n'ont pas besoin, que les crédits soient ajoutés ou non au budget de la réserve pour chaque mois considéré. Il y a quelqu'un qui paie. Est- ce que l'on en a pour notre argent? Je ne le pense pas. Il faudrait là encore que le comité se penche sur la question.
M. Hart: J'ai dit au départ que je voulais évoquer certains exemples précis. Il ne s'agit pas par là de critiquer les forces de réserve mais de dire essentiellement qu'il y a un problème de structure. Je voudrais que l'on se place dans ce contexte.
L'été dernier, il y a eu un incendie juste à l'extérieur de Penticton; 5 500 hectares ont été détruits, 18 personnes ont perdu leurs maisons et des milliers de gens ont été évacués. On a finalement appelé les militaires à l'aide. Quelque 125 soldats ont été envoyés de Calgary. Toutefois, j'ai trouvé étrange à l'époque que l'on n'ait pas appelé à ce moment-là l'unité de la réserve qui se trouvait à une heure de là à Kelowna, les B.C. Dragoons. Je crois qu'en tant que réserviste... je pense que ces gens auraient été heureux d'y aller.
M. McCloskey: Ils auraient certainement été très heureux d'y aller. Si vous parlez à des réservistes, vous verrez qu'ils se sentent une forte obligation morale et qu'ils souhaitent servir les collectivités dans lesquelles se trouvent leurs unités. Si l'on n'a pas fait appel à leurs services, ce n'est pas d'eux que ça vient. Les réservistes veulent participer à ce genre d'opérations.
Il est arrivé, lors des grosses tempêtes de neige à Toronto, que des gens viennent s'adresser aux unités de la réserve en pensant que puisque nous avions là tous ces véhicules, nous pourrions faire quelque chose.
Traditionnellement, les unités de la réserve ne sont pas incorporées aux plans d'urgence ou de protection civile parce qu'on se dispute pour savoir qui va payer la note et parce qu'elles ont peur que les municipalités abusent de leurs privilèges et les appellent toutes les 10 minutes, etc. C'est quelque chose que nous voulons corriger en nous efforçant d'améliorer notre capacité d'intervention. C'est une excellente opportunité de servir pour les réserves. Aux États-Unis, la garde nationale est passé maître dans ce genre d'intervention.
Par ailleurs, pour ce qui est des relations entre les militaires et les collectivités, l'effet est considérable. Les gens voient alors que leur argent... un soldat nous a dit qu'il était intéressant de voir que nous pouvions dépenser des milliers de dollars pour qu'il aille en Bosnie aider les populations, organiser leur alimentation en eau, accompagner les convois alimentaires et veiller à la sécurité alors qu'on dit que les unités de la réserve n'ont pas la formation pour participer à des opérations de protection civile au Canada.
M. Hart: À moi aussi, cela me paraît étrange. L'une des choses qu'il nous faudra aussi examiner, à mon avis, au sujet des forces de réserve, c'est le rôle qu'elles jouent au Canada.
Il y a un autre exemple. Nous en avons entendu parler ici, dans les nouvelles locales, mais j'ai rencontré une personne qui était très préoccupée par la question étant donné qu'elle était un ami proche du chasseur qui s'est égaré dans la région de Low, au Québec, Chris Brown, il y a maintenant une semaine environ. Il n'y a personne qui le recherche, absolument personne. La police ne fait pas de recherches. Les militaires l'ont apparemment cherché pendant deux jours puis, comme vous le dites, les crédits se sont épuisés. Il y a des amis de la famille, des réservistes, qui sont à l'heure actuelle en train de le chercher en prenant sur leur propre temps. C'est une situation terrible. Il y a là une famille qui ne sait absolument pas si M. Brown est mort ou vivant et dans quelle situation il se trouve, et il n'y a personne qui le cherche. Il y a des militaires et il y a des forces de réserve dans notre pays. Que se passe-t-il donc?
M. Brown: Je trouve intéressant que vous évoquiez cette situation, monsieur Hart. Tout d'abord, nous avons le même nom, mais ensuite j'en ai entendu parler à la radio l'autre soir et j'ai eu la même réaction.
Il y a des localités dans notre pays qui comptent des réservistes. Tous veulent servir, mais nous les menottons. La solution n'est pas d'en faire leur rôle principal, mais d'en faire un rôle secondaire ou auxiliaire. Toutefois, il n'y a pas d'appareil. Il n'y a aucun système en place qui permette de le faire.
Le ministère va vous dire: nous pourrions confier ce rôle aux forces de réserve, mais comment pouvons-nous savoir combien de réservistes vont se présenter? Il y a là une connotation négative et on laisse entendre que tous ces gens aimeraient bien mieux être ailleurs. Ce n'est absolument pas le cas.
M. McCloskey: Pour aller dans le même sens, il est dit dans le rapport de la commission que les réserves devraient envisager de s'occuper de protection civile. Toutefois, on nous dit ensuite que l'on va réduire la présence de ces unités, les centraliser et essentiellement les retirer des localités qu'elles pourraient aider. C'est encore l'une des contradictions du rapport.
Le président: Est-ce que Jack pourrait intervenir rapidement?
M. Richardson: J'aimerais préciser un point que vous avez soulevé, monsieur Hart. En tant que réserviste, vous savez pertinemment que vous pouvez être appelé. Lors de la crise d'Oka, 700 réservistes ont été appelés. C'est une procédure simple qualifiée d'aide au pouvoir civil.
Quelle en est l'origine? À une époque, toutes les forces de réserve de notre pays, la milice, relevaient du contrôle des provinces, le Haut et le Bas-Canada. Lorsque ces dernières se sont réunies au sein de l'union, elles ont abandonné ce pouvoir aux termes de la loi sur la milice, mais elles ont voulu conserver à la place une garantie. Ce pouvoir a été exercé à de nombreuses reprises pour mettre fin à des grèves et pour faire d'autres choses qui n'ont plus cours comme avant aujourd'hui. Toutefois, c'est une procédure qui existe. On fait la demande et on s'adresse au chef de l'État major de la défense et non pas au gouvernement.
M. Hart: Il y a là toutefois un problème lorsque la province ne fait pas de demande. Nous nous retrouvons avec un citoyen canadien perdu quelque part au milieu de la forêt sur un terrain hostile et personne ne le recherche. Qui devrait s'en charger?
M. Richardson: J'ai vu la chose se produire. Il y a une jeune fille qui s'est perdue dans le marais de Minesing autour de Camp Borden. On a fait appel à l'unité de réserve locale pour fouiller le marais sur les conseils du commandant de l'époque. Il y a eu des cas où la chose s'est produite. Lors des inondations qui ont eu lieu à Winnipeg, on a fait appel à l'armée régulière et les unités de la réserve y ont participé. Il y a eu toutes sortes d'exemples au cours de l'histoire d'un recours à ce genre de mesure. C'est de moins en moins utilisé.
Incidemment, les provinces ne paient pas. On peut les facturer, mais elles n'ont pas payé la facture...
M. McCloskey: Si je peux ajouter quelque chose, je crois que c'est une question d'administration. Oui, il y a eu des exemples par le passé, mais ils sont très clairsemés.
M. Richardson: On peut simplement remonter à ce qui s'est passé il y a quatre ans.
M. McCloskey: Oui. À l'heure actuelle, toutefois, les unités individuelles de la réserve, qui n'ont qu'un ou deux véhicules, ne sont pas en mesure d'apporter leur aide en cas de catastrophe nationale.
À Toronto, le président de la Croix-Rouge m'a fait savoir que les unités de la réserve n'entraient absolument pas dans les plans. Comment peut-il en être ainsi dans une ville de 4,5 millions d'habitants? C'est là un autre exemple qui a été évoqué lors d'entretiens privés avec le ministre de la Défense, M. Collenette, qui à un moment donné nous a précisé, n'est-ce pas, que 11 unités dans une même ville, c'était beaucoup. Nous lui avons alors signalé qu'il y avait 4,5 millions d'habitants dans la ville de Toronto. Si l'on additionne tous les policiers en uniforme et tout le personnel d'intervention d'urgence, même dans la zone environnante, on n'arrive pas à mettre un policier à chaque coin de rue.
Nous avons environ 2 000 réservistes dans la ville de Toronto. Comment se fait-il qu'ils ne soient pas pris en compte dans les plans de protection civile? Ils ont une obligation morale d'intervenir. Je ne sais pas exactement d'où viennent ces réticences. On part peut-être du principe que c'est une chose qui ne peut pas arriver ici.
M. Hart: J'aimerais simplement mentionner deux autres points. Je suis très heureux de constater que le CIC fait partie de votre organisation. J'ai été membre de cette organisation pendant cinq ans et je considère que le CIC et que les réserves sont les institutions les plus précieuses qui émanent du gouvernement canadien étant donné qu'elles consacrent de nombreuses heures à leurs tâches bien au-delà de celles qui peuvent leur être payées chaque année. Les officiers du CIC ne sont payés que 20 jours par an mais, lorsqu'on considère le nombre d'heures de bénévolat qu'ils font - 60 ou 70... certains de ceux qui sont à la retraite se présentent tous les jours dans l'unité pour travailler sur des questions intéressant les cadets. C'est une institution précieuse qui émane du gouvernement. Nous aimerions la conserver pour nous assurer que nous faisons le lien avec toutes les collectivités du pays. Je crois que c'est un rôle important.
M. Brown: Je peux témoigner de l'existence de ce lien. Récemment, j'ai assisté à la 83e partie de la Coupe Grey à Regina, et qui se trouvait sur le terrain lors de la cérémonie d'ouverture? Le contingent des réservistes de la marine, les cadets de l'armée de l'air, les cadets de l'armée de terre et les cadets de la marine, et les appareils de l'aviation royale volaient au-dessus du terrain. L'impression était grandiose. On avait tout devant les yeux en rouge et blanc - des Canadiens au service de leur collectivité et actifs au sein de leur localité. C'était un moment très patriotique. Si nous acceptons certaines des propositions du rapport de la commission, tout cela va être enlevé. Avec ce système, nous allons punir les citoyens les plus dévoués de notre pays.
Au lieu de nous atteler à la tâche et de chercher à voir ce qui ne va pas, nous allons nous débarrasser du système et je considère que c'est une erreur.
M. Hart: Je ferai une dernière observation au sujet de la société Magna. Savez-vous si cette société autorise ses employés à prendre des congés pour suivre une formation dans la réserve?
M. McCloskey: Je ne connais pas la politique de la société Magna en ce qui concerne les réservistes.
M. Hart: Je vous ai posé la question parce que j'ai pensé que cela appuierait votre exposé que de dire que cette société sait exactement ce qu'il en coûte et qu'elle a des employés qui sont des réservistes.
M. Brown: Cet été, j'ai travaillé pour le compte d'une entreprise qui faisait la moitié de son chiffre d'affaires annuel - plusieurs millions de dollars - avec le MDN. Je suis allé voir le président de l'entreprise et je lui ai demandé s'il avait un programme d'employés réservistes - s'il y avait d'autres réservistes au sein du personnel - et il m'a répondu que non. C'est une erreur fondamentale.
Le président: Monsieur Mifflin.
M. Mifflin: Je souhaite la bienvenue à nos témoins aujourd'hui. La discussion a été intéressante jusqu'à présent. J'aimerais rétablir la vérité, mais sans qu'il y ait des excuses à faire et sans recourir à des pressions. Étant donné que les effectifs de la milice et des forces de réserve seront de 23 000 personnes - il s'agit là d'un énoncé de politique - le comité n'avait ici aucune marge de manoeuvre. Je voudrais donc que les choses soient claires. Ce n'est pas lui qui a décidé du chiffre de 23 000; il s'agissait d'un énoncé de politique provenant du livre blanc.
Nous contribuons parfois à l'élaboration des politiques, mais nous n'avons pas la possibilité de changer les lois. Je voulais que cela soit clair. Nous pouvons faire toutes les recommandations que nous voulons, mais il s'agit là d'une politique et on ne peut pas reprocher à la commission ce chiffre de 23 000.
J'ai une précision à demander. Comment en êtes-vous arrivé à ce chiffre de 85 localités?
M. McCloskey: Il provient d'une analyse faite par Brian MacDonald, qui doit comparaître.
M. Mifflin: Vous n'en avez donc pas encore connaissance?
M. McCloskey: Non, pas avant sa comparution.
M. Mifflin: Je me posais quelques questions au sujet de ces 85 localités.
M. McCloskey: Il parle de l'empreinte des militaires. Il y aura 85 localités...
M. O'Reilly: Ne parlez plus d'empreinte. Une empreinte, c'est quelque chose que l'on laisse derrière soi. Écartez ce terme. Une empreinte, c'est quelque chose que quelqu'un laisse quand il est parti.
M. McCloskey: Ce chiffre est tiré d'un rapport effectué par Brian MacDonald. Il sera...
M. Mifflin: Je ne voyais pas d'où il venait.
Je connais vos positions et il est intéressant d'entendre quelqu'un qui a votre point de vue au sujet de ce rapport, mais je dois vous préciser quel est notre mandat. Il nous reste six ou sept jours d'audience pour faire des recommandations sur ce document, et nous aurons bien des difficultés si tous les témoins viennent nous dire que ce rapport est un chiffon de papier. Si les avis sont également partagés, il nous faudra user de notre jugement mais si, au contraire, tout le monde nous dit que c'est le meilleur rapport au monde, nous demanderons probablement sa mise en application parce qu'il fait l'unanimité.
C'est donc une bonne chose que d'entendre des avis différents. En tant que membre du comité, je les accueille avec plaisir. Cela dit, il y a une ou deux choses dans le rapport qui ne me préoccupent pas nécessairement mais qui vont être au centre de mes préoccupations lorsque je devrai apposer mon nom au bas des recommandations du rapport définitif.
Que pensez-vous de la sixième recommandation, qui parle de ramener les 14 districts à 7 brigades?
M. McCloskey: Nous n'avons pas vraiment établi de politique en ce qui concerne les commandements de district par opposition à ces nouveaux commandements de brigade. En vertu de ce nouveau dispositif, il n'y aura plus de chiffres permettant d'établir les comparaisons. Un district coûte tant de dollars aux termes du rapport, et nous allons le remplacer par un quartier général de brigade, ce qui fait que nous n'avons pas défini le montant que nous allons pouvoir économiser.
M. Mifflin: Au risque de m'écarter quelque peu du sujet, ce que je ne tiens certainement pas à faire, laissons pour l'instant les coûts de côté. Strictement du point de vue de l'organisation, il est dit dans le rapport... Laissez-moi revenir en arrière. Dans le rapport de notre comité mixte - et nous sommes nombreux à avoir siégé au sein de ce comité - nous avons déclaré qu'il y avait un problème au sujet des réserves. Nous ne savions pas ce que c'était, mais nous avions besoin d'étudier la question davantage. Nous n'avions pas le temps de le faire et de nous intéresser de près à la question parce que d'autres choses exigeaient notre attention et c'est pourquoi nous avons recommandé dans notre rapport qu'une commission soit mise en place. Nous avons pressé le ministre d'agir jusqu'à ce que nous ayons obtenu cette commission.
En dépit de votre observation et quoi qu'on puisse en penser, son président était un juge en chef du Canada et l'un de ses membres un lieutenant général à la retraite ayant débuté dans la milice. En tant que commandant de l'armée de terre, il avait commandé des unités de la milice - qui toutes se trouvaient dans l'armée de terre - et il s'agit probablement de l'un des meilleurs historiens du Canada.
Je crois qu'il nous faut en tenir compte. Je n'essaie pas de vous faire abandonner votre point de vue. Cela dit, faites abstraction du coût. Strictement du point de vue de l'organisation, ne pensez-vous pas qu'il serait préférable d'avoir sept brigades - une dans l'est du Canada, une dans la région de l'Atlantique et deux dans chacune des trois autres régions - plutôt que 14 districts? Dans l'affirmative comme dans la négative, quelles en sont les raisons?
M. Brown: C'est du rafistolage. Voilà ce que c'est. J'ai en haute estime tous ces messieurs et je les respecte beaucoup, je veux que cela soit clair, mais en ce qui a trait à la nature de ce rapport et de ces recommandations - c'est du rafistolage.
M. Mifflin: J'y viens.
M. Brown: Transformer des districts en brigades - à quoi est- ce que cela rime? Avons-nous modifié le rôle des milices?
M. Frazer: Il y en a sept de moins.
M. Brown: Oui, mais le problème global... Pourquoi y a-t-il 14 districts dont les effectifs sont incomplets? Pourquoi y a-t-il 163 unités dont les effectifs sont incomplets? Est-ce en raison du personnel des quartiers généraux? Non, c'est parce qu'il y a un problème qui tient au système. Il n'y a pas de rôle véritable. Il n'y a pas d'appareil offrant un véritable service. Les réservistes sont tellement menottés que ce n'est pas en remplaçant 14 districts par sept brigades - à moins que ces brigades ne s'intègrent au sein d'une division repensée ayant un rôle véritable et qu'on les forme aux côtés des forces régulières, que l'on changera quoi que ce soit; ce n'est qu'une illusion.
M. Mifflin: Je tiens à remercier M. Frazer de son intervention parce qu'à mon avis, comme au sien, le grand avantage de se débarrasser de tous les districts, c'est d'éliminer tous les officiers supérieurs dans les quartiers généraux. On se retrouve en fait avec une brigade qui a davantage une raison d'être et qui joue un meilleur rôle. J'ai lu quelque part que cela était axé sur le modèle des divisions.
La critique que vous venez donc de faire est donc en fait l'une des raisons qui explique cette orientation. Je ne veux pas vous contredire et je respecte votre avis, mais je considère...
M. Brown: Laissez-moi aller un peu plus loin.
D'accord, nous avons donc une division repensée. Supposons par exemple que la première division canadienne de Kingston englobe le 2CMBG de Petawawa, une brigade, disons, d'Ottawa, et une autre basée à Toronto. Pensez-vous vraiment à ce moment-là que dans la situation actuelle, de la façon dont les réservistes sont structurés aujourd'hui, que cette division va aller un jour sur le terrain?
M. Mifflin: C'est possible. Elle n'ira certainement pas sur le terrain de la façon dont elle est composée à l'heure actuelle, sauf pour suppléer...
M. McCloskey: Non. Ce que veut dire M. Brown - et je crois que l'argument est fondamental ici - c'est que les réserves dans leur état actuel ne peuvent pas aller sur le terrain. Rien n'indique que si l'on passe d'un quartier général de district à un quartier général de brigade, il se produira un véritable changement se répercutant de haut en bas du système.
M. Mifflin: Par contre, on se débarrassera de tous ces gens dans les quartiers généraux.
M. Brown: Il y aura toutefois sept brigades ayant les mêmes problèmes que les 14 districts à l'heure actuelle et on se retrouvera avec sept brigades ayant des effectifs insuffisants.
Si l'on a des unités ayant les effectifs actuels, c'est en partie parce que le personnel s'identifie à son unité, à sa collectivité et à son régiment. Si l'on retire ce...
Imaginons qu'il ne vous reste que la moitié de ces gens et que vous pratiquiez des compressions dans les quartiers généraux; vous vous retrouvez avec les mêmes problèmes. Au lieu de 14 unités ayant des effectifs insuffisants, vous aurez sept unités regroupées dont les effectifs seront insuffisants. Le problème sera le même parce que le système, dans son ensemble, n'est pas structuré de façon à donner un rôle effectif aux forces de réserve.
M. McCloskey: Le principe qui sous-tend votre question à l'origine - si vous me permettez de revenir sur ce point - soit de laisser de côté les coûts, n'a jamais été envisagé par l'ARC.
Nous partons du point de vue des coûts et de ce que va être notre production. Je ne pense pas que nous puissions vous donner une réponse très détaillée en ce qui concerne les applications administratives ou structurelles de la transformation des districts en brigade. Nous n'avons pas vu les chiffres correspondants en dollars.
Par conséquent, ce n'est pas vraiment une question qui nous intéresse tant que l'on n'aura pas déterminé dans quelle mesure on va ainsi améliorer le système, sans se contenter de déplacer des pions.
M. Mifflin: Jack, vouliez-vous ajouter quelque chose?
M. Frazer: Si j'ai bien compris l'organisation que l'on recommande, les brigades... Il y a là un squelette d'organisation qui va finalement se subdiviser en deux corps. Seulement, à l'heure actuelle, il y a une rationalisation qui fait que chacun d'entre eux connaît son appartenance et sait comment on va l'étoffer pour constituer ces deux corps. N'est-ce pas ce qui en résulte?
M. Brown: Si vous nous demandez, donc, si nous voyons quelque difficulté à ce que nous les appelions des brigades ou des districts, nous répondons par la négative. Est-ce qu'il s'agit selon nous d'une solution? Non.
M. Frazer: Non, mais je ne suis pas d'accord avec vos calculs. Vous nous dites qu'il y a 14 districts qui manquent d'effectifs et que l'on manquera encore d'effectifs lorsque l'on aura que sept brigades.
Pourtant, si l'on divise par deux le nombre des unités, les effectifs de chacune vont devoir augmenter, n'est-il pas vrai?
Quant à s'identifier à une unité, est-ce que les gens ne font pas d'abord allégeance au Canada et à l'ensemble du pays? N'est-ce pas là l'objectif?
M. Brown: Oui, monsieur Frazer, dans un monde idéal, c'est éventuellement ce qui pourrait se passer. Ce sont toutefois des soldats qui s'identifient fortement à leur collectivité.
Je suis sûr que vous pouvez comprendre que dans certains coins du pays... Imaginons que je fasse partie du régiment de l'Î.-P.-É. C'est le seul régiment de la milice de l'Île-du-Prince-Édouard.
M. Frazer: Il n'y a alors pas d'autre choix.
M. Brown: Oui, mais il y a une forte affinité avec...
M. Frazer: C'est compréhensible et on peut supposer qu'on ne l'abandonnera pas.
M. Brown: En fait, tout est remis en question ici.
M. Frazer: Non, non. Le bon sens va devoir bien sûr prévaloir dans un cas comme celui-là. Si c'est la seule unité de l'Î.-P.-É., n'est-il pas vraisemblable...
M. Brown: Eh bien, j'espère...
M. McCloskey: C'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui, monsieur Frazer, pour que l'on fasse preuve de bon sens face au travail de cette commission.
M. Frazer: Toutefois, je vous répète là encore que ces gens ont recommandé qu'il incombe à la milice de décider quelles allaient être les unités qui subsisteraient et quelles allaient être celles qui seraient supprimées. On ne peut certainement pas demander mieux.
M. McCloskey: Je vous répète que nous ne voyons pas la raison pour laquelle on supprime des unités actuelles.
M. Frazer: Leurs effectifs sont insuffisants.
M. McCloskey: Oui.
M. Brown: Mais toutes les unités de l'armée régulière ont des effectifs insuffisants.
M. Frazer: Non, non. Ce qui se passe, c'est que les gens sont mécontents parce qu'ils ont affaire à tous... Comme nous le disions tout à l'heure, un lieutenant va commander une section. Il ne devrait pas commander une section.
M. Brown: Oui.
M. Frazer: Les gens tireraient davantage de satisfaction d'un peloton complet...
M. Brown: En effet.
M. Frazer: ... plutôt que...
M. Brown: Cependant, monsieur Frazer, la solution, si l'on veut essayer ce genre de chose, c'est de le concevoir sur papier et de faire un essai.
Il n'y a aucune entreprise au monde qui décide simplement de construire et de vendre une voiture après en avoir eu l'idée. Elles font d'abord des essais, elles testent le marché, elles cherchent à voir si ça fonctionne.
Nous n'avons aucune preuve que ça marche. À titre d'exemple, en théorie...
M. Frazer: Comment savez-vous que notre comité ne va pas justement recommander cela, que nous essayions dans un secteur?
M. McCloskey: C'est ce que nous souhaitons. Nous espérons...
M. Frazer: Toutefois, ce n'est pas ce que vous avez recommandé. Je ne cherche pas ici la confrontation, mais...
Le président: Je vais vous arrêter là et en revenir à M. Mifflin.
M. Mifflin: Êtes-vous disposé à examiner les recommandations et à nous dire quelles sont celles avec lesquelles vous êtes en désaccord et celles que vous acceptez?
Vous pouvez toujours prendre un rapport et dire, je ne l'aime pas, je n'aime pas les principes sur lesquels il se fonde, je n'aime pas la façon dont les coûts sont établis. Vous auriez pu le faire avec notre rapport, qui nous a paru pourtant excellent. Je parle du rapport du comité mixte.
Donc, en tant qu'analyste des systèmes, vous pouvez prendre un rapport quelconque et dire, les hypothèses que vous avez faites, par exemple... C'est le commentaire qu'a fait M. O'Reilly au sujet de l'égalité des droits et de tout ce genre de chose... moi-même, je m'y suis perdu.
Mais cela étant mis de côté, j'aimerais savoir... Vous semblez tous deux être très attachés à la milice et en avoir une grande expérience. Laissez-moi vous aider sur ce point. J'aimerais savoir quelles sont les recommandations qui vous plaisent et celles qui ne vous plaisent pas.
M. McCloskey: Donc, est-ce que le rapport est entièrement mauvais? Nous avons subdivisé le rapport en deux parties, celle que l'on peut changer d'un coup de crayon et celle qui, une fois changée, ne pourrait pas être réinventée même avec une baguette magique, si je peux employer l'expression en ces lieux.
Le grand clivage se fait entre les changements structurels... une fois qu'une unité est fermée et qu'elle a déménagé, si on s'aperçoit un ou deux ans plus tard que l'on a commis une erreur, il va être très difficile et très onéreux de la rétablir.
Les changements administratifs recommandés par le comité - l'élargissement des prestations, la mention en passant de la loi sur la protection de l'emploi, etc. - pourraient être faits d'un simple coup de crayon et auraient pu être faits d'un coup de crayon il y a cinq ans.
Les prestations auraient pu être élargies à ce moment-là. Il n'était pas nécessaire de créer une commission pour le déterminer. Par conséquent, la principale question, bien réelle et concrète, est celle des changements de structure. C'est la raison pour laquelle nous rejetons ce rapport.
Il y a aussi le mandat du rapport. On est parti d'un mandat erroné concernant le rapport, d'un mandat restrictif. Même le comité l'a mentionné. On ne lui a pas permis de considérer certains autres domaines, comment les réserves allaient s'intégrer dans le cadre général.
Comment conduire les travaux d'une commission sur la réserve? Une réserve pour quoi faire? Comment intégrer cette organisation dans le cadre plus général?
M. Mifflin: Je crois que c'est écrit dans le rapport. C'est fait très clairement.
M. Brown: Comment peut-on discuter...? Si on se limite au cas des réserves, les solutions de principe devront alors se limiter aux réserves.
Je pense que la démarche est erronée. Toute restructuration des réserves doit se faire dans le cadre de la restructuration de l'ensemble du ministère de la Défense nationale et on n'a pas autorisé la commission à le faire.
M. Mifflin: Vous ne pouvez pas demander aux gens de changer le monde. Trois personnes dans...
M. McCloskey: Monsieur Mifflin, laissez-moi vous répéter ce que nous avons déclaré dans notre exposé...
M. Mifflin: Il faut fixer des paramètres lorsqu'on demande à des gens d'étudier une question.
M. McCloskey: Dans bien des cas, la force de réserve a été décrite comme étant la roue de secours. Là encore, nous n'avons pas de rôle clairement défini. La différence fondamentale c'est entre ce qui au Canada...
M. Mifflin: Puis-je vous interrompre ici? Je pense, monsieur le président, que c'est important.
Vous avez dit que les réserves n'avaient pas un rôle clairement défini. Et bien, je ne suis pas d'accord avec vous sur ce point parce que je vois ce qui se passe dans les réserves navales. Je dois vous dire qu'il y a une dizaine d'années j'ai inspecté toutes les divisions de réserves navales au Canada parce que je voulais savoir ce qui pouvait bien s'y passer.
M. McCloskey: Je peux préciser que je voulais parler des réserves de la force terrestre.
M. Mifflin: Très bien, mais je vais vous dire ce qui s'est passé. Les normes étaient différentes. Les gens ne croyaient pas vraiment à ce qu'ils faisaient. J'ai vu des capitaines à quatre galons dont le travail, au cours d'un exercice, consistait à montrer une carte à l'aide d'une règle. C'était dégradant.
J'ai aussi remarqué lors des inspections qu'il n'y avait pas de chefs et de sous-officiers. Il y avait un grand nombre de marins chevronnés et de marins qualifiés. Si l'on allait au mess des sous- officiers de grade supérieur, on en trouvait trois, quatre, parfois deux.
J'ai donc commencé par poser des questions: où trouver des sous-officiers de grade supérieur, des chefs et des officiers subalternes dans la marine? Je me suis aperçu que le problème n'était pas là. Le problème c'était: qu'est-ce que vous voulez que les réserves de la marine fassent? On m'a répondu, voilà une bonne question, qu'est-ce qu'elles sont censées faire? Elles sont censées venir suppléer les forces régulières. À notre époque, les situations sont complexes et la formation est poussée et je m'attends à ce qu'un opérateur radar qui est réserviste en sache autant qu'un membre de la force régulière. J'ai répondu à ces gens que c'était impossible, que c'était de la folie.
Nous avons donc mis au point ce que nous avons appelé les neuf étapes menant à la satisfaction. Nous sommes partis du rôle de la réserve navale et nous sommes descendus jusqu'au bas de l'échelon. Il nous a fallu 18 mois pour y parvenir.
Finalement, nous en sommes arrivés à obtenir de nouveaux navires parce qu'ils avaient de nouveaux rôles. Nous avions des réservistes de la marine qui n'avaient pas à passer deux ans à se spécialiser dans un domaine particulier. Nous avons en fait élaboré des domaines de classification pour les réservistes.
Nous en sommes donc arrivés à des navires moins complexes, plus petits, confiés à la charge des réserves navales. Pour ce faire, il nous a fallu leur confier un autre rôle, c'est-à-dire essentiellement le contrôle côtier, le contrôle de la navigation côtière.
M. McCloskey: Avec leurs propres navires spécialement affectés.
M. Mifflin: Avec leurs propres navires spécialement affectés. Nous sommes allés voir le gouvernement et nous avons obtenu... et ce n'était pas non plus le gouvernement libéral. Le gouvernement nous a dit que oui, c'était une entreprise raisonnable.
M. McCloskey: Je crois que cette logique se retrouve bien dans ce rapport, monsieur Mifflin, étant donné que la commission n'a pas eu grand-chose à dire au sujet de la réserve navale.
M. Mifflin: C'est exact.
M. McCloskey: Je ne pense pas que cette logique ait été appliquée à la réserve des forces terrestres pour ce qui est de son rôle.
Nous parlons de structure. Nous parlons de détails mineurs comme celui de savoir combien de majors nous avons à 60 $ par tête. Qu'allons-nous faire du point de vue du rôle devant être joué par les unités?
Les États-Unis ont de véritables forces de réserve. Des tâches bien précises sont confiées aux unités. Une unité de la réserve pourra par exemple être chargée de la décontamination chimique.
M. Mifflin: Mais ils n'ont pas la même structure que la nôtre. Leur législation elle aussi est différente.
M. McCloskey: Pour ce qui est du rôle, toutefois, les unités ont un rôle bien défini. On ne leur demande pas de tout faire en même temps.
Au Canada, les unités de la réserve - je prendrai l'exemple des bataillons d'infanterie étant donné que c'est ceux que je connais le mieux personnellement - sont censé respecter les mêmes normes qu'un bataillon de l'armée régulière avec une infime partie du matériel et des crédits d'exploitation. C'est impossible.
Il faut voir maintenant qu'on a avancé un certain nombre d'idées qui méritent une analyse plus approfondie, et nous aimerions que ça se fasse. Nous voulons voir progresser... examinons ce rôle. Qu'est-ce que nous voulons faire?
On ne peut pas examiner le rôle de la réserve sans voir dans quel cadre elle se situe. La réserve vient simplement appuyer ce qui existe déjà à l'heure actuelle ou ce que l'on veut faire faire par l'armée. Par conséquent, il faut que la réserve vienne combler le manque.
M. Mifflin: Est-ce que ça n'a pas été décrit dans les phases de mobilisation?
M. McCloskey: Je parle en termes de capacité des unités, d'une unité d'infanterie à laquelle on a confié une tâche et un rôle précis qu'elle est en mesure d'exécuter.
Le plan de mobilisation est intéressant mais, du point de vue de son application effective et de ses effets sur les unités de la réserve à l'heure actuelle, il reste très limité. Là encore, il est bon de parler de la mobilisation lorsque le système fonctionne bien. Nous avons un grave problème au sujet de l'organisation et du système tel qu'il est actuellement. Il nous faut donc revenir à la base.
Le président: Je vous remercie.
M. Mifflin: Je pourrais poursuivre, mais d'autres ont des questions à poser, par conséquent...
Le président: Merci.
Monsieur Cannis.
M. Cannis (Scarborough-Centre): Merci, monsieur le président. Je tiens moi aussi à souhaiter la bienvenue aux témoins. Je suis nouveau au sein de ce comité et je dois dire que comparativement aux deux autres comités au sein desquels j'ai siégé précédemment, je suis très content de ce que j'entends ici.
Avant que nous poursuivions, j'ai entendu parler tout à l'heure de «baguette magique». C'est une expression sacrée.
M. McCloskey: Je vous fais mes excuses.
M. Cannis: Il n'y a qu'une seule personne qui soit autorisée à utiliser une baguette magique, et qui en possède une, c'est M. Bouchard.
Des voix: Oh, oh!
M. Cannis: L'autre jour, nous avons rencontré M. Mannix et il a lui aussi fait appel à cette notion d'entreprise, à ce principe qui consiste à être en mesure de faire ses propres prévisions budgétaires, etc.
Je n'ai peut-être pas bien écouté, mais pouvez-vous me donner des précisions et me dire comment vous en êtes arrivé à ce chiffre de 500 millions de dollars? Je sais que c'est une des questions dont nous avons discuté hier. Nous n'avons pas encore réussi à établir un coût et il nous faut en passer par là avant d'aller plus loin.
Vous avez parlé du matériel informatique qui n'était tout simplement pas utilisé. Est-ce qu'il est tout bonnement entreposé? Je vous pose la question parce que vous avez déclaré qu'il n'était pas branché sur le réseau. Est-ce qu'on utilise des machines autonomes? Si cet équipement est utilisé de manière autonome, au moins on s'en sert, ou est-ce qu'on l'a tout simplement mis sous clé et entreposé?
Je sais que l'on a fait certaines recommandations. Je ne nous ai pas entendu cet après-midi discuter de recommandations précises pour les accepter, les refuser ou apporter des changements. Vous avez cependant mentionné un secteur, en ce qui a trait au programme universitaire. Je sais que la commission a fait effectivement une recommandation précise. Êtes-vous d'accord avec sa recommandation pour ce qui est du calendrier et du programme de recyclage? Vous avez présenté une analyse générale.
M. McCloskey: Vous m'avez posé là plusieurs questions et je vais tout d'abord répondre à celle qui a trait à l'informatique.
Lorsque je dis qu'il y a des millions de dollars d'ordinateurs qui sont inutilisés, je veux parler de l'utilité que pourrait présenter ce système si l'on optimisait l'informatisation des tâches administratives, ce qui n'est pas fait à l'heure actuelle.
Nous avons formé des commis qui sont incapables de faire fonctionner les machines. Elles ne sont pas branchées sur le réseau. Lorsque je dis réseau, je ne parle pas d'Internet; je veux parler d'un branchement sur une partie de l'autoroute électronique en mesure de transmettre l'information dans les deux sens d'une manière efficace. Nous sommes tous favorables à ce genre de mesure. Nous voulons que les choses s'améliorent et progressent, comme nous l'avons dit dans l'article.
Votre dernière question portait sur l'université. L'association des réservistes du Canada est très heureuse d'avoir un grand nombre de membres qui suivent des cours dans les universités et les collèges. Nous jugerions très bénéfique toute intervention visant à accroître la participation, dans le cadre de certains programmes, des membres de la réserve qui sont dans les collèges et les universités. Il nous faut toutefois mettre à l'épreuve ces programmes.
Le programme COTC qui était en place à l'origine il y a bien des années a permis de répondre à un grand nombre de questions. Il a assuré une présence militaire sur tous les campus du pays; toutefois, nous aimerions que ces avantages, pour ce qui est de la formation des officiers, s'exercent sur tous les rangs de la réserve. Nous considérons que c'est un excellent moyen de réduire les coûts et d'augmenter la participation au maximum.
M. Cannis: Pour ce qui est du calendrier - laissez-moi vous lire ici la recommandation. La commission recommande que la durée du service dans la réserve primaire pour les diplômés du programme de formation en vue de l'intégration à la réserve soit de cinq ans au cours des 10 premières années suivant le diplôme. Êtes-vous d'accord?
M. McCloskey: Laissez-moi tout d'abord vous dire que le programme de formation en vue de l'intégration à la réserve, qui permet aux réservistes d'assister aux cours des collèges militaires, n'acceptent pas de candidats à l'heure actuelle par manque de lits disponibles, ainsi que l'a indiqué le commandant du CMR. Je ne suis pas vraiment sûr que la question se pose.
Pour ce qui est du calendrier, je ne crois pas qu'il y ait un problème lorsqu'on demande à quelqu'un de signer. Si l'on fait figurer la chose dans un accord contractuel, c'est très bien dans la mesure où toutes les clauses sont bien présentées à l'intéressé.
M. Cannis: Et pour ce qui est de la méthode employée pour en arriver au chiffre de 500 millions de dollars?
M. McCloskey: Nous pouvons fournir une copie de ce rapport au comité. La méthode a consisté à partir du bas, soit d'une unité de la réserve servant de modèle, et de remonter le long de la hiérarchie en définissant quels étaient les coûts attribuables uniquement aux activités de la réserve. Cela signifie que l'on ne tient pas compte du recrutement, du paiement d'un droit d'utilisation d'un secteur réservé à la formation, ou d'une partie des frais fixes d'équipement correspondant à un matériel assigné à la réserve mais qui se trouve maintenant stationné dans l'ancienne Yougoslavie.
Voilà d'où vient notre chiffre de 500 millions de dollars et nous le soumettons à la discussion. Si nous avons fait cette étude, c'est en partie pour engager la discussion concernant les coûts et permettre à votre comité d'essayer d'en arriver à des chiffres un peu plus précis sur lesquels on pourrait au moins s'entendre.
C'est l'estimation faite à l'origine, soit 1 milliard de dollars, qui a mis tout cela en branle. Un milliard de dollars, c'est beaucoup d'argent, et nous n'avions pas l'impression de les retrouver sur le terrain de rassemblement. Où étaient-ils passés et est-ce que c'est là la manière la plus efficace de faire des soldats, des marins et des aviateurs?
Le président: Je vous remercie.
M. Frazer: Je pourrais peut-être enchaîner sur les observations de M. Mifflin. Je suis à la page 76 du rapport; le «mécanisme budgétaire» qui correspond au point 11.
Je me demandais si l'on ne pourrait peut-être pas s'entendre pour dire qu'éventuellement certaines de ces recommandations sont marquées au coin du bon sens et présentent de l'intérêt.
Voici ce que l'on dit au point 11:
- 11. La commission recommande que toutes les unités de la milice aient un financement garanti
de quatre jours par mois pour fournir la formation requise à chacun de leurs membres effectifs
pendant la période qui va de septembre à mai. L'unité devra consacrer entièrement et
directement ces fonds à la formation de ses membres.
- Êtes-vous d'accord ou non?
M. Frazer: Très bien.
On nous dit au point 12:
- 12. La commission recommande par ailleurs que le niveau des crédits nécessaires à l'exercice
du commandement, du contrôle et de l'administration des unités soit quantifié et que les unités
soient financées en conséquence.
- Êtes-vous d'accord ou non?
M. Frazer: Êtes-vous d'accord avec cette recommandation?
- 13. La commission recommande en outre que toute délégation de tâches aux unités (telles que la
formation collective) s'accompagne des fonds nécessaires à l'exécution de ces tâches.
M. Frazer: Êtes-vous d'accord avec celle-ci?
- 14. La commission recommande que l'on délègue plus de pouvoir aux unités de la réserve et
qu'on leur confère plus de souplesse pour qu'elles puissent gérer les coûts d'exploitation et
d'entretien de leur unité et de leur infrastructure.
M. Frazer: Vous êtes donc d'accord avec un certain nombre de choses qui figurent dans ce rapport?
M. McCloskey: C'est une bonne méthode d'exploitation et de fixation des budgets des forces de réserve. Oui, nous sommes pleinement d'accord avec cette méthode. Toutefois, avant qu'on puisse appliquer cette merveilleuse méthode, il nous faut savoir combien nous payons.
M. Frazer: Toutefois, il faut commencer quelque part et les principes qui sont exposés ici vont certainement...
M. McCloskey: Nous sommes pleinement d'accord avec les principes qui figurent ici et qui consistent à autoriser les unités de la réserve à utiliser leur argent et leur équipement de la façon la plus rentable possible et à donner aux échelons inférieurs du commandement le plus d'autonomie possible pour ce qui est des dépenses à effectuer.
M. Frazer: Vous voyez que nous avons besoin de votre aide. Nous constatons qu'il y a quatre recommandations du comité avec lesquelles vous êtes d'accord. Pourtant, vous avez déclaré qu'il n'y avait rien de bon dans le rapport.
M. Brown: Mais il faut voir qu'un simple colonel à Halifax pourrait prendre ces décisions. Pas besoin d'un comité pour le faire. Ce qu'il vous faut vous demander, c'est ce qui suit: très bien, voilà le rapport de la commission, mais est-ce que c'est là le type de changement que l'on veut faire?
M. Frazer: Toutefois, ces mesures ne sont-elles pas nécessaires?
Le président: C'est ce que nous faisons.
M. Frazer: Est-ce qu'elles ne sont pas nécessaires? Il est recommandé que l'on garantisse le financement de quatre jours par mois pour chacun de leurs membres effectifs. Cela implique que ce n'est pas ce qu'on fait à l'heure actuelle.
M. Brown: Toutefois, ce qui va se passer, c'est que vous allez prendre un rapport comme celui-là et dire, ces mesures sont sensées, allons-y. Vous allez alors avoir l'impression que vous avez réglé le problème.
Le problème n'est pas là. Vous devriez vous offusquer que l'on entre ainsi dans les menus détails. On devrait vous faire parvenir...
M. Frazer: Vous pensez peut-être que ce sont de menus détails, mais ce n'est pas mon avis. C'est d'un financement dont vous dites avoir besoin pour faire le travail. Vous avez aussi parlé de menus détails lorsqu'on en vient au nombre d'officiers, et je ne crois pas, là non plus, que ce soit de menus détails. Je considère que c'est très important. Nous parlons de la satisfaction des gens qui participent au programme.
M. McCloskey: Pour en terminer avec la question budgétaire, est-ce que les points 11 à 14 nous donnent mal au coeur? Non. Nous n'avons pas mal au coeur à l'idée que les réservistes aiment leur pays, mais ce n'est pas quelque chose qui doit figurer dans ce rapport. Les recommandations, dans ce cas, doivent être faites de la manière dont nous l'avons fait.
M. Frazer: Toutefois, ces principes sont stipulés ici. Si nous sommes d'accord avec ces principes, bien évidemment, si vous êtes d'accord avec ça, c'est un pas dans la bonne direction pour résoudre les problèmes dont nous parlons, n'est-il pas vrai?
M. McCloskey: Est-ce que quatre jours par mois - et c'est là une autre question qu'on peut se poser - c'est suffisant pour chacun des membres effectifs?
M. Frazer: Je n'en sais rien. Je vous ai posé la question.
M. McCloskey: Qu'est-ce que vous voulez que fassent les réserves, monsieur Frazer? Tant que nous n'aurons pas déterminé...
M. Frazer: Effectivement, ce que j'aimerais qu'elles puissent faire, en leur donnant un préavis suffisant, c'est qu'elles constituent une unité susceptible d'être déployée en Bosnie ou n'importe où ailleurs. Elles ont besoin d'une formation suffisante pour pouvoir y parvenir, dans la période qui va de septembre à mai, mais aussi pendant les mois d'été, ce qui augmente cette formation, ou à d'autres époques de l'année. Voilà quels seraient selon moi les besoins en définitive, en plus de former ce noyau, ce squelette, que l'on pourrait utiliser dans un plan de mobilisation national.
Ce que j'attends peut-être de vous, c'est que vous vous montriez un peu plus positif, que vous disiez éventuellement: «J'aime cette mesure, mais il y a là quelque chose qui manque.» Vous vous êtes tout simplement contenté de dire qu'il y avait absolument rien de bon dans ce rapport à l'exception du fait que l'on y mentionne la nécessité de procéder à d'autres études.
Cela ne nous aide pas beaucoup. Comme l'a déclaré l'amiral Mifflin, il nous reste six jours pour en discuter et il nous faudra ensuite nous en accommoder.
M. McCloskey: Laissez-moi vous dire une fois de plus que ces détails, dans le cadre du processus budgétaire, sont essentiels à la base ou devraient l'être. Je précise: nous sommes prêts à les accepter comme donnée du fonctionnement de tout système de réserve.
Toutefois, là où nous avons des difficultés, c'est que nous parlons d'un mécanisme budgétaire sans discuter du rôle, sans discuter du contexte global. Au sujet de la façon dont vous interprétez le rôle que devrait pouvoir jouer la réserve, et au sujet de l'interprétation de M. Hart, soit qu'elle puisse exécuter certaines missions des Nations Unies, pouvoir apporter une aide locale en cas d'urgence, être en mesure de faire telle ou telle chose, je vous réponds: est-ce que nous pouvons le faire en quatre jours?
C'est pourquoi nous sommes venus ici en ayant plus de questions à poser que de réponses à donner. Nous voulons savoir.
M. Frazer: Jusqu'à présent, vous n'aviez même pas mentionné la durée de la formation. Cela ne faisait pas partie de l'information que vous nous avez donnée. Je vous le répète, nous cherchons à nous informer.
M. McCloskey: Là encore, la durée de la formation, sortie de son contexte, n'est que de la poudre aux yeux. Nous sommes ici pour faire part de nos préoccupations en ce qui a trait aux crédits qui sont... Nous parlons d'économies, de la nécessité d'être efficace et utile, mais nous n'avons pas défini combien les choses coûtaient. Si nous ne savons pas cela, nous ne pouvons pas préciser combien nous allons économiser. Si nous ne parlons pas de notre rôle, nous ne pouvons pas préciser dans quelle mesure quatre jours c'est suffisant ou non, ou s'il faut 10 jours. Comment le déterminer? La seule façon de le faire...
J'aimerais avoir toute une trousse de documentation à votre intention. Vous disposez de six jours; nous avons eu cinq jours pour nous préparer avant de venir ici. Je voulais m'assurer que le comité comprenait bien nos réserves au sujet du rapport de cette commission, que l'on a apporté des changements de structure en partant du raisonnement suivant: «croyez-moi sur parole, nous allons économiser de l'argent et nous allons rendre le système plus efficace.»
Nous parlons d'une organisation dont on peut penser que les dépenses s'élèvent à 500 millions de dollars. On pourrait peut-être implanter un modèle progressif de restructuration, en faisant des essais, dans quatre ou cinq régions du pays, un système de paiement de type universitaire dans l'une, un système basé sur des contrats dans l'autre, et encore une autre option dans une troisième.
Ce n'est pas ce que vous dit ce rapport. Ce rapport vous dit que tout va très bien. Il suffirait de regrouper les unités, de les interchanger, de déplacer quelques pions au quartier général, et nous pourrions réaliser des économies.
M. Frazer: Sans vouloir vous contredire, vous ne nous avez pas fait ce genre de recommandations. Vous êtes venu vous dire que le rapport ne valait rien. Pourtant, vous avez des idées sur la façon dont on pourrait essayer toutes ces choses. Nous n'avons rien obtenu de vous. Nous devons maintenant vous les arracher de force.
M. McCloskey: Nous sommes venus ici uniquement pour discuter des fondements du rapport, et le rapport lui-même est...
M. Frazer: Oui, il y a le rapport, mais nous cherchons à améliorer la capacité de la milice. Ce n'est pas une très belle image, mais en ce qui me concerne il vaut mieux avoir une mauvaise haleine que pas d'haleine du tout. À partir du moment où nous allons dans la bonne direction, il est certain que rien n'est fixé à jamais. Ce que nous cherchons, c'est la façon de remettre la milice sur ses pieds. Voilà ce qui m'intéresse, je crois, et je suis sûr qu'il en est de même pour vous.
M. Brown: Je trouve triste, non seulement en tant que membre de la milice et que réserviste, mais aussi en tant que contribuable, d'avoir à venir ici dire à votre comité que l'on ne doit pas donner suite à ce rapport.
M. McCloskey: Nous attendions énormément du comité.
M. Brown: Je trouve cela triste personnellement, mais je ne peux pas en mon âme et conscience, en tant que représentant de nos membres, venir vous dire que nous sommes prêts à donner suite aux recommandations actuelles, que ce soit en tout ou en partie.
Cela étant dit, nous devons vous demander, en notre âme et conscience, de l'écarter, de le rejeter et d'exiger le réexamen de l'ensemble de la structure du MDN et de ses différents rôles. Je n'ai pas peur de vous dire que la tâche sera considérable. On parle d'un budget de 11 milliards de dollars. Nous visons à le ramener à 9,5 milliards de dollars en 1999, je crois. C'est une lourde tâche. Toutefois, nous nous devons de l'accomplir pour nos membres. Nous le devons aux citoyens de notre pays. Le MDN le doit à ses employés et aux militaires. C'est une lourde tâche, mais nous devons l'accomplir.
Nous ne sommes plus en 1950. Nous avons changé, du haut en bas de la hiérarchie. Effectuer quelques réglages et quelques redressements à la milice: le problème n'est pas là. On blâme les réservistes. On blâme les citoyens qui sont les plus patriotes du pays en raison des problèmes qui existent au MDN. Je considère que c'est un tort.
J'aimerais pouvoir venir vous parler différemment, monsieur Frazer. Le général Belzile est le mentor de nombre d'officiers subalternes. J'ai étudié auprès de Jack Granatstein, j'ai beaucoup étudié ses ouvrages. J'aimerais pouvoir venir vous dire ici que c'est un excellent travail; c'est un excellent travail, mais ce n'est pas celui que nous devrions faire à l'heure actuelle.
Le président: Je vous remercie.
Rapidement, une question posée par l'amiral.
M. Mifflin: C'est probablement quelque part dans mes dossiers, mais qui représentez-vous exactement?
M. McCloskey: L'Association des réservistes du Canada représente tous les membres des réserves, y compris ceux de la marine, de l'armée de l'air et les cadres d'instruction des cadets - tous les membres de tous les grades. Nous avons des membres qui sont simples soldats et d'autres qui sont des généraux. Tous se sont réunis car ils croient au système de la réserve et ils sont convaincus que ce système doit être conservé et amélioré.
M. Mifflin: Combien avez-vous de membres?
M. McCloskey: À l'heure actuelle, nous avons 1 000 membres. Nous avons un représentant dans chacun des grands centres du Canada.
M. Mifflin: Avez-vous des membres dans chacune des unités de la milice et de la réserve navale?
M. McCloskey: Depuis que nous avons entamé notre campagne d'affiliation active au cours des 60 derniers jours, nous avons désormais 60 membres dans des unités bien déterminées. Nous avons des représentants qui sont membres de l'armée de terre ainsi que de la marine.
M. Mifflin: Merci, monsieur le président.
Le président: Je vous remercie.
Je tiens simplement à vous dire, messieurs, qu'il y a un an et demi nous avons entrepris de réviser l'ensemble du système de la défense. La plupart des gens qui étaient là au sein de ce comité sont encore ici aujourd'hui. Nous avons mené à bien cette tâche et, comme l'ont dit aujourd'hui une ou deux personnes, nous étions très fiers de ce rapport. Je suis persuadé - et je le dis sans peur d'être contredit - que lorsque ce rapport sortira de notre comité, nous en serons très fiers. J'espère que ce sera aussi votre cas.
J'ai une chose à vous demander. Vous allez revenir devant le comité, si je comprends bien, avec le détail du coût de 500 millions de dollars dont on a parlé. Vous allez nous revenir avec des détails.
M. McCloskey: Effectivement.
Le président: Serait-il possible que vous nous indiquiez précisément ce que vous pensez de chacune des recommandations?
M. McCloskey: Certainement.
Le président: Nous vous remercions d'être venus aujourd'hui et de nous avoir présenté vos commentaires.
La séance est levée.