[Enregistrement électronique]
Le jeudi 27 avril 1995
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Le Comité des finances poursuit son étude du projet de loi C-76 qui porte sur le récent budget. Nous recevons aujourd'hui M. Ray Howe, président de Prairie Pools Inc., M. Leroy Larsen, président du Saskatchewan Wheat Pool, M. Alex Graham, président de l'Alberta Wheat Pool, etM. Jack Granger, vice-président des Manitoba Pool Elevators.
Messieurs, merci d'être venus nous donner votre point de vue sur cette question très importante. Nous allons écouter votre exposé avec beaucoup d'intérêt.
M. Ray Howe (président, Prairie Pools Inc.): Merci beaucoup, monsieur le président. Nous avons préparé un exposé à l'intention du comité. Nous pouvons le présenter en très peu de temps. Je vous saurais gré de me permettre d'en faire la lecture. Nous pourrons ensuite en discuter si vous le désirez.
Nous sommes accompagnés d'une autre personne que nous aimerions vous présenter. Il s'agit de Mme Patty Townsend - bon nombre d'entre vous la connaissez peut-être - de notre bureau d'Ottawa. En tant que directrice de ce bureau, elle est la représentante de Prairie Pools Inc. à Ottawa. Nous apprécions son travail, de même que celui de M. Gordon Pugh.
Je vais suivre assez fidèlement le document que vous avez devant vous. J'essaierai d'en faire une lecture textuelle, de sorte qu'il ne sera pas nécessaire de prendre des notes.
Prairie Pools Inc. apprécie l'occasion qui lui est offerte de rencontrer les membres du Comité permanent des finances pour discuter des incidences du budget fédéral de 1995 sur les agriculteurs des prairies. Prairie Pools Inc. représente les plus grandes coopérataives agricoles de l'Ouest du Canada: Alberta Wheat Pool, Saskatchewan Wheat Pool et Manitoba Pool Elevators. Les trois regroupements assurent la manutention de près de 60 p. 100 des céréales et oléagineux, sont parmi les plus gros investisseurs des provinces des Prairies et grâce à leurs efforts de diversification, figurent parmi les principaux intervenants de l'industrie agricole et agroalimentaire du Canada. Par conséquent, ces regroupements s'intéressent vivement à l'avenir du secteur du transport du grain dans l'Ouest canadien.
Le projet de loi C-76 abrogera la Loi sur le transport du grain de l'Ouest le 31 juillet 1995. Cette mesure influera de façon drastique sur la situatiaon financière des producteurs de céréales et d'oléagineux, et sur l'économie même des Prairies.
L'abrogation de la LTGO aura pour effet, pour les agriculteurs, de faire augmenter immédiatement, en moyenne, de 16,43$ le coût de transport d'une tonne de céréales et d'oléagineux. Cette augmentation se traduira directement par une réduction du prix obtenu par les agriculteurs pour leur grain. Le prix attendu du blé diminuera donc de plus de 10 p. 100.
L'abrogation de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest signifie en outre que les agriculteurs, qui sont essentiellement captifs de deux compagnies de chemin de fer et, dans la plupart des cas, de l'une d'entre elles, pour le service indispensable de transport, perdront la protection réglementaire qui, en l'absence de concurrence, leur assurait un service adéquat et une part des économies réalisées grâce à l'efficacité du système.
Il faudra à tout prix que le gouvernement collabore avec l'industrie pour rendre le système moins onéreux. Il sera tout aussi important de mettre en place des mécanismes pour s'assurer que les agriculteurs ont leur part de toute économie réalisée au chapitre des frais de transport. Nous ne croyons pas que ces mécanismes seront protégés de façon adéquate par les dispositions du projet de loi C-76.
La déréglementation en l'absence de concurrence: Quelque 60 p. 100 des grains et oléagineux produits dans les Prairies sont exportés et doivent être transportés sur de longues distances, à travers des régions accidentées, vers des ports d'exportation. Le chemin de fer est le seul mode de transport abordable et logique pour les producteurs de grains et d'oléagineux des Prairies, car il n'y a pratiquement pas de concurrence possible dans cette région de la part d'autres transporteurs oeuvrant notamment dans les secteurs du transport routier et du transport maritime. Le transport du grain par camion de l'Alberta à Vancouver coûte actuellement entre 10$ et 15$ la tonne de plus que le prix régulier en vertu de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest.
En l'absence d'autres modes de transports, les producteurs de grain des Prairies n'ont pratiquement pas le choix et doivent utiliser le chemin de fer. Dans le meilleur des cas, les producteurs ont accès à deux compagnies de chemin de fer. Cependant, de vastes secteurs géographiques des Prairies sont desservis par une seule compagnie ferroviaire. Un exemple frappant du monopole touchant le transport du grain est celui de High Level, en Alberta, où les expéditeurs se trouvent à plus de 500 kilomètres d'une autre compagnie de chemin de fer autre que celle qui les dessert.
Il a été démontré à maintes reprises dans le commerce qu'un fournisseur qui est le seul à offrir un service essentiel peut généralement demander le prix et donner le service qu'il veut. En ce qui concerne le prix, il n'a pas besoin de tenir compte de ce qu'il lui en coûte pour offrir le service, ni d'aucun autre facteur susceptible d'influencer le prix dans un marché concurrentiel. Le service n'a pas besoin de refléter la demande du marché et l'on n'a pas à tenir compte des conséquences possibles d'un service de mauvaise qualité; de fait, il peut arriver qu'aucun service ne soit offert à une nombreuse clientèle.
Il existe des situations de ce genre au Canada. Selon la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, le taux de fret régulier, fondé sur les coûts du transport du grain de Calgary à Vancouver, est de 22,95$ la tonne. Le taux commercial est, quant à lui, de 33,07$ la tonne, c'est-à-dire plus de 10$ de plus la tonne que le taux fondé sur les coûts.
On trouve aux États-Unis un autre exemple des prix demandés à une clientèle captive. Sur la Côte Nord-Ouest du Pacifique, où les expéditeurs sont essentiellement captifs d'une compagnie de chemin de fer, le prix demandé pour transporter de l'orge de Mocassin, au Montana, à Portland, en Oregon, est d'environ 4,75 cents la tonne-mille. Par contre, là où le transport par chalands sur le Mississipi suscite de la concurrence, la situation est toute autre. Ainsi, il n'en coûte que 2,88 cents la tonne-mille pour expédier de l'orge de Bismarck, au Dakota du Nord, à Tulare, en Californie.
C'est à cause de ce manque de concurrence que le transport par chemin de fer des grains et oléagineux des Prairies est régi par la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. Par le biais d'un processus transparent d'examen des prix, la législation en question garantit que les taux de fret reflètent les coûts de transport, en plus de contribuer généreusement, à notre avis, aux coûts constants - à hauteur de 20 p. 100 des coûts variables. Elle garantit également que les réductions de coûts sont transmises aux agriculteurs par le biais de taux de fret moins élevés. La législation n'empêche aucunement la compagnie de chemin de fer d'être rentable. En fait, le transport des grains constitue une source importante de revenu pour les compagnies de chemin de fer depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest en 1984.
Sans une saine concurrence, et en l'absence de l'examen des coûts et des mécanismes d'établissement des taux prévus dans la loi, les chemins de fer établiraient certainement des taux où la contribution aux coûts constants serait beaucoup plus importante que celle qu'ils obtiendraient dans un marché concurrentiel ou en vertu de la loi. Par exemple, une étude récente sur la compétitivité des moyens de transport dans l'Ouest, menée par l'Institut des transports de l'Université du Manitoba, révèle que les taux de fret exigés pour les autres marchandises en vrac sont beaucoup plus élevés qu'ils ne le seraient probablement dans un contexte concurrentiel. Les taux de fret imposés par le transport du charbon représentent une contribution de 44 p. 100 aux coûts constants des chemins de fer et, en ce qui concerne le soufre, une contribution de 70 p. 100 des coûts variables aux coûts contants.
Il est fort probable que sans protection réglementaire, les producteurs de grain seraient dans une position bien plus difficile que les producteurs d'autres marchandises en vrac, car leur pouvoir de négociation est limité. Les autres marchandises en vrac, comme le charbon, la potasse et le soufre, sont produites et expédiées en très grandes quantités à partir de moins de dix points dans les Prairies. La disparition d'un seul de ces points aurait une incidence majeure sur le trafic et, par conséquent, sur les résultats financiers des compagnies de chemin de fer. Parce qu'elles sont produites et expédiées en très grandes quantités à partir de quelques points seulement dans les Prairies, l'expédition des autres marchandises en vrac peut influencer le rendement des compagnies de chemin de fer et les prix qu'elles imposent. Elles doivent accepter le principe selon lequel, si elles ne transportent pas la marchandise immédiatement, elles risquent de perdre l'expédition.
Le grain, par contre, est récolté dans plus de 100 000 endroits différents des Prairies, et il est expédié à partir de plus de 1 000 endroits dotés de silos. Contrairement au charbon, à la potasse et au soufre, le grain n'est pas produit au point de livraison. La perte d'une unité de production, d'un point de livraison ou même d'une société céréalière n'a pratiquement aucune incidence sur les bénéfices nets d'une compagnie de chemin de fer. Le transport du grain se fera alors à partir de l'un des nombreux autres points de livraison ou unités de production des Prairies. Les unités de production et les points d'expédition étant nombreux, les quantités à expédier ne sont pas aussi importantes et on part du principe que si l'expédition n'est pas faite immédiatement, on pourra toujours s'en charger plus tard.
Il importe de bien comprendre que la Loi sur le transport du grain de l'Ouest découle d'une entente entre les agriculteurs, les compagnies de chemin de fer et le gouvernement, intervenue en 1984. Afin d'obtenir un meilleur service des compagnies de chemin de fer, les agriculteurs ont renoncé au tarif marchandises réglementaire, le taux du Pas du Nid-de-Corbeau, et ont consenti à payer une part croissante du coût du transport du grain.
Les compagnies de chemin de fer ont accepté d'offrir un rendement et des services améliorés en échange de tarifs-marchandises couvrant leurs coûts variables et contribuant généreusement à leurs coûts fixes. Le gouvernement s'est engagé à payer, à perpétuité, une partie des frais de transport du grain et à instaurer un cadre de réglementation pour protéger les producteurs dont l'activité dépend d'un système de transport du grain monopolistique.
Si les agriculteurs avaient su que la Loi sur le transport du grain de l'Ouest n'était qu'une étape vers l'application de la Loi sur les transports nationaux, ils n'auraient fort probablement pas accepté cet arrangement.
Cela nous amène à la façon dont nous pourrions remédier à la situation, en modifiant le projet de loi C-76 pour protéger les agriculteurs.
En partant du principe qu'un mode de transport efficace et abordable est essentiel pour assurer la compétitivité et la survie même de l'industrie des céréales et des oléagineux des Prairies, et qu'il n'y a à peu près aucune concurrence dans le transport du grain, il est alors indispensable de réglementer le transport du grain dans le but de protéger les agriculteurs qui sont des expéditeurs captifs.
Prairie Pools Inc. demande que les amendements suivants soient apportés au projet de loi C-76, qui porte sur l'exécution du budget. Les amendements proposés sont en caractères gras et le nouveau texte est en gras et souligné.
En premier lieu, l'article 181.12(2) proposé devrait être modifié afin de supprimer la référence au nombre d'années durant lesquelles le plafond des tarifs-marchandises sera appliqué. Il se lit actuellement comme suit: «Le barème pour les campagnes agricoles - supprimer la référence aux années - est établi par l'Office conformément à l'article 181.13» - puis ajouter les mots «et fait l'objet d'une recommandation au ministre», supprimer les mots «au plus tard le» et poursuivre comme suit: «avant le 30 avril de la campagne qui précède». Ajouter ensuite une dernière phrase à l'article qui se lirait comme suit: «Le ministre établira le barème au plus tard le 30 avril de la campagne qui précède».
En deuxième lieu, l'article 181.18 proposé, relatif à l'examen de 1999, devrait être modifié pour qu'il soit exigé, lors de l'examen, de vérifier si les agriculteurs ont bénéficié de façon égale des économies réalisées. Cet examen devrait également inclure une révision du plafond des tarifs-marchandises dans l'optique de fixer un plafond constant.
Le nouveau libellé de l'article proposé pourrait se lire comme suit:
- «Au cours de l'année 1999, le ministre procède, en consultation avec les expéditeurs, les
compagnies de chemin de fer et toute autre personne qu'il juge indiquée, à l'examen des effets
de la présente loi - en particulier de la présente section - sur l'efficacité du système de
transport et de manutention du grain».
- «L'examen comprendra une évaluation du plafond des tarifs-marchandises en vigueur pour
s'assurer que les cultivateurs profitent adéquatement des avantages qui en découlent.»
En conclusion, mentionnons que l'agriculture compte pour 40 p. 100 dans la balance commerciale positive du Canada - en 1993, le Canada affichait un excédent commercial d'environ 3 milliards de dollars en produits agricoles - et représente 2 millions ou 15 p. 100 de tous les emplois, et 70 milliards de dollars en biens produits chaque année.
Le ministre de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire, en collaboration avec l'industrie des céréales et des oléagineux, a adopté une stratégie optimiste pour l'industrie selon laquelle on doublerait la capacité de transformation et d'exportation des céréales et des oléagineux des Prairies. La suppression de l'aide fédérale au transport du grain met en péril cette stratégie et la capacité même de l'industrie de soutenir la concurrence.
Il importe que tous les intéressés, qu'ils s'occupent de production, de marketing, de manutention ou de transport, collaborent avec le gouvernement afin de réduire les coûts du système de façon considérable. Il importe tout autant que les agriculteurs profitent équitablement des avantages découlant de cette réduction.
Sans concurrence efficace dans le transport du grain et sans la protection réglementaire que leur assurait la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, il est peu probable que les agriculteurs profitent d'un quelconque avantage qui découlera d'une efficacité accrue.
Les amendements que nous proposons au projet de loi C-76 serviront à protéger les agriculteurs en l'absence de concurrence. Ils ne nuiront pas à la rentabilité des chemins de fer et n'entraîneront aucune dépense gouvernementale. Nous prions ce comité de recommander ces amendements à la Chambre des communes dans l'intérêt de tous les producteurs des Prairies.
Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Howe, pour une présentation qui va droit au but.
Nous allons commencer la période de questions avec M. Caron. Monsieur Caron, c'est la première fois que vous êtes parmi nous et je vous souhaite la bienvenue.
M. Caron (Jonquière): Je vous remercie.
Je vous remercie, messieurs, de votre présentation. Vous avez clairement exprimé votre position. Vous croyez que les dispositions de la loi ayant trait au plafond des tarifs du transport ferroviaire sont insuffisants et vous fondez votre argumentation sur le fait qu'il n'y a pas de concurrence dans l'Ouest en ce qui concerne le transport des grains ou qu'il n'y a seulement, au mieux, que deux compagnies ferroviaires.
Ne pensez-vous pas que les dispositions actuelles seraient suffisantes et pourraient aussi, d'une certaine façon, permettre à d'autres moyens de transport, comme le camionnage, de se développer? Parce qu'on voit qu'il y a une situation de monopole dans l'Ouest, mais il y a quand même également d'autres industries, que ce soit dans le secteur des mines ou de certaines industries forestières, où il y a aussi une situation de monopole, et je ne pense pas que ces industries demandent le soutien du gouvernement canadien pour pouvoir les aider, en tout cas, de la façon aussi directe qu'on retrouve dans l'Ouest.
Ne croyez-vous pas que les dispositions actuelles de la loi permettraient à l'industrie de s'adapter, au cours des prochaines années, de façon que les subventions directes au transport soient éliminées?
[Français]
M. Howe: Je pense que je vous ai très bien compris. Merci bien.
Je n'ai pas l'intention de répondre à toutes vos questions moi-même. C'est pourquoi ces trois autres messieurs sont ici; deux sont directeurs de leur organisme et l'autre est vice-président du Manitoba Pool. Je vais tenter de répondre à cette question, ou du moins, commencer. J'essaierai d'être le plus bref possible.
Je pense qu'il y a d'autres moyens de transport, cela va de soi, et qu'ils peuvent être utilisés dans certaines circonstances. En général, lorsqu'on parle du transport de quelque 30 millions de tonnes ou plus d'un produit d'exportation, comme le grain ou une marchandise brute - c'est ce que nous faisons aujourd'hui - et nous pensons d'ailleurs que ce chiffre va augmenter à l'avenir, en dépit de nos efforts pour ajouter de la valeur à ce produit et pour le transformer - il faut voir que nous aurons encore un important marché d'exportation pour des marchandises brutes. Il faut donc avoir en place un système qui permettra de les transporter rapidement jusqu'au marché, de la façon la plus économique qui soit. En ce sens, le transport par rail va certainement jouer un rôle important à ce chapitre dans l'avenir prévisible.
Je ne veux pas dire qu'il n'y aura aucun transport par camion. C'est la solution de rechange logique, à moins d'acheminer notre produit sur le Mississippi ou par barge. Une certaine quantité pourrait être acheminée de cette façon, mais, autant que possible, nous aimerions transporter les plus grandes quantités possibles de la façon la plus économique, en passant par les ports canadiens. Nous pensons que le transport par rail nous permettrait d'atteindre cet objectif. Donc nous ne prétendons pas qu'il s'agit du seul moyen, mais que ce sera certainement le moyen par lequel la plus grande partie des marchandises sera transportée.
Je ne pense pas que ce soit par hasard que le Canada a transporté plus de 30 millions de tonnes au cours des dernières années. C'est parce que nous avons un système très réglementé qui fait en sorte que tout est harmonisé. Nous avons eu des problèmes, malgré tout, mais nous avons quand même réussi à transporter le grain; nous continuerons de le faire à l'avenir, mais le système doit être réglementé. Je ne pense pas que les agriculteurs de l'Ouest canadien en demandent trop.
Le président: Avez-vous d'autres questions, M. Caron?
M. Caron: Non, merci.
Le président: C'est une bonne question. Merci.
[Traduction]
Monsieur Hoeppner.
M. Hoeppner (Lisgar - Marquette): Je remplace M. Speaker, comme vous le savez.
Le président: C'est un plaisir de vous accueillir parmi nous.
M. Hoeppner: Merci beaucoup. Je suis heureux d'être ici, car la manutention du grain est un dossier qui m'a toujours intéressé.
J'aimerais revenir sur une des observations qui a été faite. Vous parliez des tarifs-marchandises de l'Alberta à l'Oregon. Pourriez-vous faire une comparaison avec les tarifs de transport par camion pour ce même trajet?
M. Alex Graham (président, Alberta Wheat Pool): Je ne peux pas vous fournir de chiffres exacts, mais je peux vous dire que nous avons transporté du grain par camion de l'Alberta. De fait, nous avons parfois expédié des quantités importantes de grain de 'Alberta par camion, surtout vers les marchés de l'Oregon et de la Californie, comme chargement de retour, dans les camions qui apportaient les légumes de la Californie en Alberta.
Ce qui a le mieux marché, ce sont les expéditions de grain par conteneurs refrigérés à partir de nos silos ruraux de la région d'Edmonton ou du sud d'Edmonton à destination de l'industrie du fourrage des marchés de la Californie et de l'Oregon. Toutefois, cette activité est rentable seulement si c'est un retour à charge au taux de transport inférieur. Le tarif supérieur est appliqué aux produits agricoles transportés vers le Nord, ce qui nous permet de bénéficier du taux moins élevé au retour. Sans cela, nous ne sommes pas concurrentiels sur ce marché en faisant transporter nos marchandises par camion.
Cela vaut seulement pour les trajets en ligne droite vers le Sud. Les coûts sont beaucoup plus élevés pour le transport par camion en direction Ouest, vers Portland ou Seattle.
M. Hoeppner: Je me demandais si cette activité faisait concurrence au transport ferroviaire.
M. Graham: Certainement pas aux taux actuels, ni même selon le nouveau régime proposé après l'élimination de la subvention du Nid-de-Corbeau. Le transport par camion demeure non concurrentiel.
Nous expédions beaucoup de grain par camion de la zone de Calgary, en Alberta, vers les moulins de Rogers dans le Sud-Ouest de la Colombie-Britannique. Nous payons alors 10$, 15$ ou même 20$ la tonne de plus que le plein taux de transport. Cela est acceptable pour des quantités peu importantes et si le retour se fait à charge; sinon, nous ne sommes pas concurentiels. On ne peut vraiment pas dire que le transport par camion fasse concurrence au transport ferroviaire, vu le volume de grain transporté au Canada.
M. Hoeppner: Cela répond à la question.
Nous préparons notre rapport final sur les transports, cette question nous concerne donc tout autant. Je sais qu'il faut trouver des façons de rendre la manutention du grain moins coûteuse, parce que les producteurs agricoles ne peuvent pas continuer d'assumer tous ces coûts.
Peut-être pourriez-vous m'éclairer sur une chose que quelqu'un m'a dite ce matin. Je parlais à un homme de la Saskatchewan des paiements anticipés des récoltes. Est-il vrai que les agriculteurs s'endettent de plus en plus parce qu'ils sont incapables de rembourser les paiements anticipés en raison des coûts élevés auxquels ils font face actuellement? D'après lui, cela représentait environ 0,5 p. 100 il y a deux ans, 5 p. 100 l'année dernière et environ 15 p. 100 cette année. Est-ce vrai? Ces chiffres sont inquiétants, surtout quand on pense qu'il va falloir faire entrer tous ces coûts dans le système de transport.
M. Leroy Larsen (président, Saskatchewan Wheat Pool): Je ne sais pas si ces chiffres sont exacts, mais je peux vous dire qu'on s'inquiète un peu de l'augmentation constante des arriérés dans les remboursements de paiements anticipés.
M. Hoeppner: Vraiment? J'ai été surpris d'apprendre cela. Je pensais que nous étions sortis de la récession et que les choses commençaient à aller mieux.
D'après vous, comment faudrait-il que le gouvernement s'attaque à ce problème? Ou que vous vous y attaquiez?
Je suis allé au Dakota du Nord juste après Noël étudier leur réseau de transport. Nous savons que nous devons utiliser davantage les trains-blocs, ou un système de ce genre, pour réduire les coûts. Les silos-élévateurs de tête de ligne de l'intérieur que les agriculteurs de la Saskatchewan font construire et exploitent eux-mêmes vont un peu dans ce sens. Je ne crois pas que les coopératives céréalières des Prairies ni les syndicats suivent cet exemple. Est-ce vrai? Ou est-ce que je suis mal informé?
M. Larsen: Je voudrais revenir un peu sur votre première question, au sujet du remboursement des paiements anticipés. Les chiffres qu'on vous a fournis se rapportaient probablement aux campagnes agricoles des dernières années. On n'a pas encore les chiffres de la campagne agricole de cette année; or, les prix ont augmenté et la qualité est certainement meilleure.
M. Hoeppner: Donc, ce monsieur parlait probablement de la campagne agricole de 1993-1994.
M. Larsen: Probablement. Comme vous le savez sûrement, en 1992-1993 et en 1993-1994, nous avons eu une récolte de qualité inférieure et les prix n'étaient vraiment pas très bons. Il ne faut pas oublier, non plus, que le programme a changé à cette période et qu'il est désormais mieux réglementé et surveillé de plus près.
Pour ce qui est de votre question au sujet de ce que les coopératives céréalières font du côté des trains-blocs, les trois organismes utilisent déjà tous cette méthode, je pense. Le Saskatchewan Wheat Pool, à qui appartient AgPro Grain, ainsi que les élévateurs de tête de ligne de l'intérieur de Moose Jaw et de Saskatoon ont tous expédié des trains-blocs de grain nettoyé selon les normes d'exportation, et nous avons l'intention d'accroître ce genre d'expéditions à l'avenir.
M. Hoeppner: Pouvez-vous nous donner la différence de prix entre le transport par train-bloc à partir de cette région et l'autre système, soit celui du silo-élévateur primaire?
M. Larsen: Si le grain est transporté par train-bloc, les subventions prévues par l'ancienne LTGO s'appliquent. Les sociétés de chemin de fer en déterminent le niveau et demandent ensuite le taux de subvention qu'elles offriront à leurs clients. Je pense que le montant maximal a été fixé à environ 5$ la tonne. Cette mesure sera cependant assouplie avec les modifications proposées à la loi.
M. Hoeppner: Il ne semble pas y avoir une différence marquée. Pensez-vous que les sociétés de chemin de fer fixent les prix pour le transport par train-bloc? La différence semble être plus prononcée aux États-Unis.
M. Larsen: C'est ce que j'ai dit lors d'une réunion avec l'actuel ministre fédéral des Transports. Il a avoué qu'il s'inquiétait de l'absence d'une vraie concurrence entre les deux principales sociétés de chemin de fer du pays.
M. Hoeppner: Si je comprends bien, c'est la concurrence qui va faire baisser les coûts, n'est-ce pas?
M. Larsen: Oui, et c'est pourquoi nous demandons qu'il y ait des règlements en l'absence de concurrence.
M. Hoeppner: Je suis certainement d'accord avec vous sur ce point.
M. Graham: J'aimerais qu'on examine la question sous un autre angle. Nous précisons dans notre mémoire que lorsqu'il n'y a pas de concurrence entre les sociétés de chemin de fer, le taux de transport de l'orge ou du blé à partir de Moccasin, au Montana (au sud de l'Alberta) jusqu'à Seattle ou Portland, sur la côte nord-ouest du Pacifique, est de 4,75 cents la tonne-mile. Cela fait environ 54$ la tonne.
Avec le nouveau régime de taux de transport - j'ai devant moi les taux proposés ainsi que les nouvelles dispositions sur la mise en commun - il est question, pour les agriculteurs, de 25$ la tonne à Lethbridge, qui se trouve seulement un peu plus au nord que Moccasin. Si le taux de transport est deux fois plus élevé (voire même davantage) et qu'ensuite, les gros chargements sont subventionnés, qu'est-ce que l'agriculteur en retire?
Voilà pourquoi nous proposons les amendements énoncés dans le mémoire que vous avez sous les yeux; nous ne voulons pas que le taux soit deux fois plus élevé pour ensuite avoir droit à une subvention pour les gros chargements.
En Alberta, nous avons, depuis un bon bout de temps, un certain nombre d'installations qui permettent de charger entre 26 et 30 wagons. Les nouvelles installations qui ouvriront en juillet de cette année permettront d'en charger 100. Malgré tout, les économies réalisées ne sont pas spectaculaires.
Nous ne voulons absolument pas que le taux passe à 54$ la tonne. Les propositions contenues dans notre mémoire empêcheront que cela n'arrive.
M. Hoeppner: Je suis bien content que vous soyez ici et que vous fassiez part de vos recommandations au ministre et au Comité de finances. En effet, lorsque nous examinons les chiffres de Statistique Canada, nous remarquons que de nos jours, 48 p. 100 du revenu agricole net provient d'emplois extérieurs. Vous comprenez donc que si la situation ne s'améliore pas, le nombre d'agriculteurs diminuera, et alors, on n'aura plus besoin d'un système de transport. Il est d'importance capitale que vous fassiez bien comprendre au gouvernement et aux partis d'opposition que les agriculteurs doivent passer en premier. Sinon, pourquoi ne pas tout laisser tomber, retirer du système de chemin de fer sa valeur de récupération et nous mettre au chômage ou avoir recours aux autres moyens dont on dispose pour survivre...
M. Fewchuk (Selkirk - Red River): Comme se faire élire au Parlement!
M. Hoeppner: Se faire élire au Parlement. Cela est pourtant bien difficile de nos jours au Manitoba.
Vous en avez sans doute entendu parler.
Le président: Pourriez-vous m'expliquer une chose? Vous comparez le coût de transport du grain au Canada à celui des États-Unis. Vous établissez cela en fonction de tonnes-miles. Est-ce le standard utilisé? J'aimerais avoir une norme pour faire des comparaisons équitables.
M. Graham: Nous aurions dû faire preuve de plus d'uniformité, et c'est une lacune dans notre mémoire. Si vous prenez 4,75 cents par tonne-mile, tel qu'indiqué dans notre mémoire, et que vous le convertissez ce chiffre pour avoir un taux par tonne sur une distance égale, vous obtenez environ 54$ la tonne.
Le président: Aux États-Unis?
M. Graham: Aux États-Unis.
Le président: C'est donc 54$ la tonne. Est-ce en dollars canadiens ou américains?
M. Graham: En dollars canadiens.
Le président: Quel est le taux au Canada?
M. Graham: En partance de Lethbridge, qui n'est pas très loin au nord de Mocassin, Montana, le nouveau taux proposé est de 25,12$.
Le président: Cela équivaut à moins de la moitié du coût de transport qui est exigé aux États-Unis.
M. Graham: Oui. Il est question ici d'une zone captive. Dans une zone d'où l'on a accès à Tulare, en Californie, ou au Mississippi, ce taux serait réduit environ de moitié, puisqu'on il y a des barges et d'autres formes de concurrence sur le plan du transport. On ne fait que présenter la situation dans une zone sans concurrence, c'est-à-dire où le chemin de fer constitue le seul moyen de transport.
Le président: Je ne saisis pas très bien. Je sais que nos agriculteurs sont compétitifs sur le plan de la production du grain. Selon vous, quelle comparaison pourrions-nous utiliser pour déterminer si nous pouvons demeurer compétitifs au chapitre du transport? Nous tenons tous à ne pas nous faire dépasser dans ce secteur.
M. Graham: Je pense que notre document formule les recommandations nécessaires...
Le président: Je comprends vos recommandations. Ce qui m'échappe, c'est si nous pouvons, dans l'ensemble, faire concurrence aux États-Unis pour le transport du grain. Je ne sais même pas quelle question il faut poser pour savoir si nous sommes compétitifs. Vous dites que s'il était possible d'utiliser des barges, le coût serait à peu près le même que celui en vigueur maintenant, soit la moitié de 54$. Les agriculteurs auront encore un avantage considérable sur les Américains chaque fois qu'ils devront utiliser le train. Est-ce bien ce que vous dites? Parlez-vous de la première année d'application du plafond?
M. Graham: Oui, en vertu du nouveau plein tarif-marchandises.
M. Hoeppner: Je pense que c'est là un point très important, puisque la Commission canadienne du blé formule actuellement des recommandations s'appuyant sur l'idée qu'il est possible d'expédier du grain via le Mississippi. C'est ce que j'ai constaté au Dakota du Nord. Si on se trouve dans une région où on a accès à des trains-blocs, où un plafond est établi et où il n'y a pas de véritable concurrence, l'écart de prix est d'environ 50 p. 100 ou même parfois plus. Le gouvernement doit, avant tout, déterminer si notre système de transport du grain est concurrentiel. Si ce n'est pas le cas, nous sommes dans le pétrin. Nous risquons plus facilement d'être isolés que les Américains. Les agriculteurs doivent survivre, et ils y parviendront d'une façon ou d'une autre, mais la lutte pourrait être ardue. Je pense que les coopératives peuvent vous fournir des renseignements très intéressants à ce sujet.
Il faut, à mon avis, reconnaître que les Américains ont de 5 à 10 années d'avance sur nous pour ce qui est de la rationalisation du réseau ferroviaire. Dans le secteur de la manutention des grains, il sera très important de rattraper les Américains, du moins en ce qui concerne les trains-blocs.
Mme Brushett (Cumberland - Colchester: Je désire poser une brève question, monsieur le président, car comme vous, il y a quelque chose qui m'échappe dans ce scénario.
Je viens de l'Est du pays. Nous avons privatisé quelques lignes sur courtes distances, et le réseau ferroviaire est maintenant plus efficace. Ce réseau fait des profits énormes, mais personne ne se plaint du taux exigé par tonne de marchandise transportée.
Je vous demande donc - car je ne comprends pas la situation de producteurs de blé de l'Ouest - pourquoi, étant donné le nombre d'agriculteurs, et la quantité de silos-élévateurs dont vous disposez, n'exercez-vous pas collectivement votre influence pour toujours négocier avec le réseau ferroviaire les prix les plus bas?
M. Graham: Êtes-vous jamais allée dans l'Ouest?
Mme Brushett: Oui.
M. Graham: Je crois, madame, que la différence se situe au niveau des distances. Le camion et le train sont des moyens concurrentiels sur des distances de 300 à 500 kilomètres. Par contre, sur des distances plus longues, le transport par camion est définitivement plus coûteux que le transport par rail.
Mme Brushett: Mais, dites-moi, si les trains se vident, s'il n'y a pas suffisamment de potasse ou de soufre ou de charbon à transporter et si les wagons restent vides, pourquoi les responsables du réseau ferroviaire ne négocieraient-ils pas avec vous afin de vous permettre d'obtenir collectivement un meilleur prix pour le transport de votre grain?
M. Graham: S'il y avait une forme quelconque de concurrence pour les obliger à négocier, oui, mais comme il n'y en a pas, ils n'ont pas besoin de négocier.
Mme Brushett: Ils ne vont tout de même pas faire circuler des wagons vides à travers les Prairies, n'est-ce pas?
M. Graham: Ils ne les feront tout simplement pas circuler.
Mme Brushett: Si vous êtes en affaires dans le secteur ferroviaire, vous désirez tout de même gagner un peu d'argent. Alors, vous voudrez nécessairement transporter quelque chose.
M. Graham: Au taux le plus élevé possible. Ce que nous demandons, nous, c'est une protection quelconque pour les agriculteurs.
Mme Brushett: Je pense que vous êtes en bonne position pour négocier. J'ai déjà été en affaires et j'estime que, vu la quantité de grain que vous faites transporter, vous avez du pouvoir.
M. Graham: Le fait est - comme nous le mentionnons dans notre document - que nous n'avons à peu près aucune influence en ce qui concerne l'établissement du taux.
Mme Brushett: Je vous remercie.
M. Easter (Malpèque): Pour commencer, je veux seulement confirmer l'exactitude de la dernière déclaration à la page 3, étant donné que j'ai participé de près à cette lutte.
En ce qui concerne l'observation de Dianne, monsieur le président, j'estime que ce qui importe pour notre comité... bon, disons que si on regarde une carte des réseaux ferroviaires et des cours d'eau en Amérique du Nord, on comprend facilement les difficultés auxquelles se heurtent les producteurs de grain de l'Ouest du fait qu'ils sont les clients captifs des compagnies de chemin de fer et qu'ils se trouvent loin du littoral.
L'histoire démontre, Dianne, en ce qui concerne l'Ouest, que les chemins de fer ont le gros bout du bâton. La clientèle n'a vraiment aucun pouvoir de négociation.
La principale question que j'aimerais poser à Prairie Pools a trait aux amendements recommandés. Il va sans dire qu'il existe un monopole naturel. Les amendements proposés dans le projet de loi C-76 traitent en réalité, monsieur le président, de deux questions, et on semble en oublier une. Pour commencer, il y la baisse des paiements versés à l'Ouest. C'est ce qui semble prévaloir. Mais il y a un autre facteur, qui entraînera une toute nouvelle façon de faire les choses dans l'Ouest canadien: la déréglementation résultant de l'abolition de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, en particulier d'ici 1999.
Je me demande si les représentants de Prairie Pools pourraient préciser davantage ce qui s'ensuivra si leurs amendements ne sont pas intégrés à la législation. En d'autres mots, comment l'économie sera-t-elle touchée, dans son ensemble, si on laisse en place le monopole naturel dont jouissent les compagnies de chemins de fer?
Permettez-moi de soulever un autre point pendant que vous réfléchissez à cela. Le représentant du Bloc a parlé d'autres moyens de transport. Ce n'est pas si simple. Il n'y a pas de camions. L'étude Elliot suggère que dix millions de tonnes de grain soient expédiées par camion aux États-Unis. Le chiffre est élevé, vous en conviendrez.
Le transport du grain par camion vers les États-Unis aurait des conséquences très sérieuses sur l'ensemble du système, notamment la Voie maritime du Saint-Laurent et le reste de l'industrie du transport au Canada, ainsi que sur le contrôle de la qualité.
Je me demande si vous pouvez commenter davantage ces deux ou trois points.
M. Howe: Je traiterai d'abord du premier point, puis je laisserai à quelqu'un d'autre le soin de parler du second, parce qu'il s'agit, à mon avis, de deux points distincts.
En ce qui concerne l'aspect réglementaire de la question, pour ce qui est de la coupure de fonds, il y a un problème. Nous reconnaissons que cela va entraîner bien des difficultés et que la situation ne sera pas facile. Nous pensons que les agriculteurs, vu la façon dont ils fonctionnent, seront capables d'y faire face, et nous allons les aider en ce sens. Nous allons être obligés de nous débrouiller nous-mêmes, et je dis cela car nous sommes tous ici des agriculteurs.
Je reviens à ce que j'ai déjà dit. Je ne pense pas que ce soit par hasard que le Canada ait pu, année après année, accroître la quantité de grain exportée. Il y a une raison majeure à cela: nous avions un système réglementé, qui a fait en sorte que les choses restent en marche et fonctionnent le mieux possible.
Si on supprime la réglementation et qu'on permet au système de commencer à s'autoréglementer, sans qu'une autorité quelconque n'impose quoi que ce soit, cela va être le chaos parce qu'il y aura des défaillances. Il est impossible que le système continue à fonctionner et qu'on puisse transporter une telle quantité de grain. On pourra peut-être, à la longue, remettre un système semblable sur pied, mais, à court terme, la quantité de grain que nous allons pouvoir transporter va baisser considérablement. Une petite défaillance a suffi pour le prouver l'année dernière, et encore cette année. Dès qu'il se pose un problème, nous ne pouvons pas fonctionner comme il faut. Nous avons donc besoin d'un système réglementé pour faire face à nos engagements et maintenir le volume de nos ventes à l'exportation.
M. Larsen: Je vais répondre à la deuxième partie de votre question, sur l'étude Elliott, où l'on prétend que l'on pourrait expédier dix millions de tonnes par le biais du système américain. Cela aura certainement une incidence sur la Voie maritime, et aussi sur l'ensemble du système canadien. En effet, si l'on prive notre pays de près du tiers du transport, et ce, en faveur d'un autre pays qui semble déjà avoir du mal à acheminer les quantités sensiblement inférieures, expédiées vers ce marché, cela va avoir une incidence majeure.
Voulons-nous mettre sur pied un système qui est tributaire d'un autre pays? Je pense qu'il faut s'interroger sérieusement sur ce que nous sommes en train de faire.
M. Graham: Monsieur Easter, j'aimerais ajouter quelque chose en réponse à votre question.
Je comprends ce que M. Elliott dit dans son étude, mais en tant que patriote canadien, je ne peux m'empêcher de me demander pourquoi nous voudrions compromettre nos emplois, nos immobilisations et tout ce qui nous a tant coûté à mettre en place. Pourquoi serions-nous si pressés de suggérer que tout cela soit exporté vers les États-Unis?
Ce que nous voulons, en réalité, c'est améliorer le bien-être économique au Canada. Comment créer des emplois, une infrastructure et des sytèmes de transport? Comment contribuer au développement du Canada de manière à créer plus d'emplois ici, à garder les gens sur place et à faire fructifier les millions de dollars que nous avons déjà investis dans notre pays? C'est ce que nous voulons réellement. Faisons ce qu'il faut pour régler nos problèmes et employer plus de gens.
Je voulais traiter brièvement de l'autre partie de votre question, en ajoutant quelques observations aux propos de M. Howe. Si l'on ne prend pas en considération les amendements proposés ici, il faudra automatiquement accepter la LNT par défaut en 1999, ce qui veut dire que le plafond actuel disparaît jusqu'en 1999.
Ce que nous prévoyons, c'est une augmentation immédiate des coûts, mais sans qu'il existe de mécanisme permettant aux agriculteurs de déterminer si oui ou non ils profitent des économies réalisées. Nous demandons que l'examen qui sera fait en 1999 détermine si les chemins de fer ont, au cours des cinq années précédentes, partagé avec les agriculteurs certains des bénéfices dus aux hausses de prix prévues par la loi, et si les agriculteurs ont réalisé quelque gain que ce soit au cours de ces cinq années.
Si au moins il font preuve de bonne foi, on pourra peut-être voir. Mais ne nous obligez pas à accepter la LNT sans avoir pu constater que les agriculteurs ont, ou non, participé aux bénéfices au cours des cinq dernières années en question.
M. Easter: Alex, en ce qui a trait à votre observation sur les emplois et le transfert économique vers le Sud, c'est-à-dire vers les États-Unis, diriez-vous que votre amendement réduirait les chances que cela ne se produise? Si oui, tant mieux.
Vous avez eu beaucoup d'expérience avec les chemins de fer et j'en ai pas mal moi-même. On a eu du mal, au fil des ans, à trouver une façon de s'assurer que les chemins de fer transféraient les gains de rendement - ou certains d'entre eux, à tout le moins - d'une façon équitable pour les agriculteurs.
Vous avez sans dout constaté que, dans le contexte de l'application de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, les chemins de fer n'ont pas toujours respecté leurs obligations, comme ils avaient dit qu'ils le feraient en 1984. Je me demande si ce projet de loi, tel qu'il est présentement libellé, n'accorde pas trop de pouvoirs aux chemins de fer alors qu'ils détiennent un monopole naturel. Le cas échéant, de quelle façon pourrait-on corriger la situation, en apportant quels changements à la législation? Vos amendements suffisent-ils?
Le président: Voilà une question non insidieuse s'il en est une.
M. Graham: Les amendements n'empêcheront certainement pas le transfert d'un pouvoir considérable aux chemins de fer, mais ils nous donnent au moins la possibilité de débattre la question avant que tout cela ne se fasse en 1999.
Même si la LNT comprend des dispositions concernant l'arbitrage des propositions finales, nous passerions tout notre temps au tribunal si nous voulions en tirer quoi que ce soit avec quelque 1 000 ou 1 500 destinations de livraison dans l'Ouest canadien.
Si vous voulez réellement nous donner le pouvoir que nous avions auparavant, apportez les changements voulus à la législation existante et laissez-nous la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. Les chemins de fer n'ont pas répondu à toutes nos attentes dans le cadre de cette législation, mais nous avions un mécanisme, un examen des coûts et un processus nous permettant, tous les quatre ans, de faire certaines économies. Pendant cette période, nous avons vu le taux baisser.
Je ne pense pas que votre gouvernement soit enclin à nous laisser la LTGO. Il nous demande plutôt de la changer. Nous n'essayons pas d'entraver le processus. Nous vous invitons tout simplement à nous aider le plus possible en adoptant ces amendements, si jamais vous allez de l'avant avec le projet de loi C-76.
M. Easter: Merci.
M. Discepola (Vaudreuil): Je désire obtenir quelques précisions au sujet des amendements proposés. D'abord, vous dites que vous voudriez que ce soit le ministre, et non l'Office, qui établisse les taux avant le 30 avril. Personnellement, je ne vois où est la différence, mais je me demande pourquoi vous insistez tellement sur ce point.
Le président: C'est parce qu'ils ont une énorme confiance dans notre ministre actuel de l'Agriculture.
M. Discepola: Qu'arrivera-t-il s'il est remplacé?
Le président: Cela ne se produira pas.
M. Discepola: En deuxième lieu, je ne comprends pas du tout pourquoi vous demandez un tel examen. Il est déjà établi qu'en 1999, le ministre procédera à un examen, en consultation avec les expéditeurs, les compagnies de chemin de fer et toute autre personne qu'il juge indiquée. Vous précisez sur quoi l'examen devrait porter. Je me demande pourquoi vous désirez ce changement. Prétendez-vous encore que ces amendements, s'ils sont adoptés, n'auront aucune incidence sur les dépenses gouvernementales, et surtout, ne les augmenteront pas?
M. Howe: En réponse à votre première question, nous proposons que ces changements soient recommandés au ministre et que ce soit lui qui les apporte. Notre demande s'appuie sur le fait que le ministre est lié par une obligation de rendre compte. C'est quelqu'un avec qui nous pouvons établir des relations.
Je présume que cette remarque peut paraître inappropriée étant donné la région d'où nous venons, mais nous avons effectivement d'assez bonnes relations avec le ministre actuel. Nous espérons qu'il en sera toujours ainsi, peu importe de quelle région du Canada le ministre est originaire. Il doit rendre des comptes à l'électorat et c'est pour cette raison que nous réussissons à bien nous faire comprendre de lui. C'est aussi le motif pour lequel nous voulons qu'il soit le principal responsable du processus d'établissement des taux pour les agriculteurs de l'Ouest canadien.
M. Discepola: Pensez-vous ainsi pouvoir influencer la décision du ministre?
M. Howe: Bien sûr, s'il obtient le pouvoir final de décision. Il tient compte, comme vous le faites aussi j'en suis certain, du point de vue des gens qui l'ont élu.
La deuxième partie de la question, c'est-à-dire le fait que nous voulons ajouter «cet examen devrait inclure également une révision du plafond des tarifs-marchandises en vigueur» - et il s'agit là des mots clés, «une révision du plafond des tarifs-marchandises en vigueur» afin de s'assurer que les agriculteurs reçoivent une part satisfaisante des avantages et économies...
M. Discepola: Comment pouvez-vous concilier cela et ce que vous venez de dire lorsque vous affirmez qu'il n'y aura pas de dépenses supplémentaires pour le gouvernement.
M. Howe: Il n'y en aura pas puisque nous parlons ici des chemins de fer et non des dépenses gouvernementales. Ce sont les agriculteurs qui paieront les tarifs-marchandises, pas le gouvernement.
M. Discepola: Mais vous avez aussi indiqué tout à l'heure qu'il n'y aurait pas non plus d'incidence sur la rentabilité des chemins de fer.
M. Howe: C'est vrai, parce que nous connaîtrons leurs revenus, ce qui nous permettra de déterminer si les tarifs-marchandises en vigueur sont gonflés ou non.
M. Discepola: Merci.
M. Hoeppner: Je voulais justement souligner quelque chose. Nous voyons bien que le problème est épineux. Il y a un monopole dans le système de transport. L'agriculteur, qui se trouve au bas de l'échelle, lutte aussi contre d'autres systèmes qui détiennent un monopole, comme la Commission canadienne du blé. Je pourrais dire aussi que les entreprises céréalières sont parfois prises en otage par ces systèmes.
À mon avis, ceux qui détiennent des monopoles dans le système du transport ferroviaire, de même que les entreprises céréalières, devront réduire leurs prix, car si un seul groupe le fait, cela ne sera pas efficace. En tant qu'agriculteur, je considère très important que mes compagnies céréalières enregistrées commencent à examiner leurs propres coûts ainsi que celui du transport de leur grain.
M. Fewchuk: Vous êtes-vous réunis avec des représentants des compagnies de chemin de fer au cours des 30 à 60 derniers jours? Leur avez-vous demandé s'ils sont disposés à renégocier et à vous offrir des tarifs moins élevés?
M. Larsen: Nous avons discuté avec eux en tant qu'intervenants dans l'industrie. Les principales entreprises céréalières, la Commission canadienne du blé et les deux compagnies de chemin de fer se sont réunies pour discuter de l'incidence des changements qui sont présentés ici et des moyens d'améliorer le système. Nous n'avons pas tenu de réunions, du moins je le pense - cette tâche revient à notre personnel d'exécution - pour négocier un tarif-marchandises à cette étape-ci du processus.
M. Fewchuk: Je dis cela parce que j'ai rencontré dernièrement des dirigeants du CP et j'ai cru comprendre qu'ils étaient prêts à envisager une baisse de leurs taux. C'est par simple curiosité. Je pense que quelqu'un devrait s'occuper de la question.
M. Easter: Sur les lignes principales?
M. Fewchuk: Enfin, pour les agriculteurs, pour le transport du grain. Ils se rendent compte qu'il faut faire quelque chose. Donc, ils attendent que quelqu'un intervienne.
M. Graham: Monsieur le président, j'estime qu'il s'agirait d'une nouvelle fort réjouissante si les représentants d'une compagnie de chemin de fer venaient nous dire qu'ils aimeraient bien discuter d'une baisse de leurs taux. J'ai déjà participé à de nombreuses discussions et négociations portant sur les taux: on discutait du tarif pour le transport de marchandises à partir du point A par rapport au point B et de la raison pour laquelle il fallait d'autres mesures d'incitation vu que l'on avait déjà les aménagements nécessaires pour 25 wagons à un silo-élévateur à l'est d'Edmonton ou quelque chose de ce genre. Je n'ai encore jamais entendu une compagnie de chemin de fer dire qu'elle aimerait discuter d'une baisse de notre taux. Les discussions que nous avons eues avec les compagnies de chemin de fer portaient toutes sur le mode d'établissement des taux et sur la façon d'y faire face, et il était toujours question d'augmenter les tarifs.
J'ai assisté, au cours des derniers mois, à plusieurs réunions au cours desquelles on expliquait aux agriculteurs les changements apportés à la LTGO, leur incidence, etc., et chaque fois, les compagnies de chemin de fer comparaient le coût total au Canada au coût total aux États-Unis. Le seul coût qui est plus élevé aux États-Unis qu'au Canada est celui du transport ferroviaire. Vu le système que nous avons au Canada, tous les autres coûts, y compris celui de la main-d'oeuvre et des autres composantes, sont moins élevés. Leur principale préoccupation est de trouver le moyen d'obtenir les mêmes tarifs-marchandises qu'aux États-Unis.
M. Fewchuk: Qui participe à ces réunions? Qui pose ces questions en votre nom?
M. Graham: Soit moi-même, à titre de président de l'Alberta Wheat Pool, soit le directeur général ou des cadres supérieurs de notre organisme.
Le président: Si les compagnies de chemin de fer posent un si grand problème en raison du monopole qu'elles exercent, manifestement, les clients de l'Ouest qui expédient autre chose que du grain doivent aussi payer des prix dictés par ce monopole. Comment arrive-t-on à mettre les producteurs agricoles de l'Ouest, autres que les producteurs de grain, à l'abri de cette pratique de prix sauvages? Y a-t-il un système en place pour encourager la concurrence? Je comprends la situation comme suit: supposons que vous vous adressiez au Canadien Pacifique pour faire transporter des marchandises et que le tarif exigé soit de 100$. Vous vous adressez ensuite au CN, qui, lui, vous offre un tarif plus avantageux. Le CP doit alors assumer les frais de transfert des marchandises de sa ligne à celle du CN. Est-ce, en gros, la façon dont le système fonctionne?
M. Larsen: Pas en ce qui concerne le transport du grain.
Le président: Non, mais pour tous les produits autres que le grain. Les prix du transport du grain sont réglementés. Nous savons cela. Comment cela fonctionne-t-il pour tous les autres produits?
M. Larsen: Je crois que le système fonctionne un peu commme vous le dites.
Le président: Il y a donc un système en place qui a pour but de susciter la concurrence. Et, à moins qu'il y n'ait conspiration entre les compagnies de chemin de fer pour fixer les prix, ce qui serait totalement illégal, il devrait théoriquement y avoir concurrence. Pourtant, vous nous dites que vous savez d'expérience qu'aucune concurrence ne s'exerce, qu'il n'y en aura pas et que les compagnies de chemin de fer n'ont pas l'intention de négocier.
M. Howe: La grande différence, c'est que le grain est le principal produit dans ce cas-ci et qu'il ne peut être transporté par deux réseaux ferroviaires différents. Il n'en existe qu'un qui dessert la plupart des endroits d'où provient le grain.
Le président: Mais, admettons que vous mettiez le même système en place... Il n'y a qu'un réseau, mais supposons que le CN vous fasse un prix plus bas à partir d'un point commun et que le CP propose un prix trop élevé; celui-ci devrait assumer le coût du transport jusqu'à la ligne du CN, soit par camion, par barge ou autrement.
M. Howe: Encore une fois, nous parlons ici d'une très grande quantité de marchandises. Si vous comptez essayer de susciter la concurrence entre les deux compagnies de chemin de fer des Prairies, les données logistiques...
Le président: Vous êtes en train de dire que les règles touchant les autres types de produits agricoles ne pourraient jamais s'appliquer au grain parce que le grain est le principal produit transporté par chemin de fer.
M. Howe: C'est ça. La plupart des autres produits agricoles expédiés par chemin de fer partent d'un ou deux endroits, et non d'un grand nombre d'endroits différents.
Le président: Vous dites que pour le grain exporté, les coûts de transport vers les ports du Canada représentent moins de 50 p. 100 des coûts de transport correspondants aux États-Unis. Pendant combien de temps pensez-vous que nous allons pouvoir bénéficier de cet avantage au Canada? Nous en bénéficierons sûrement pendant les cinq années de la réduction progressive des subventions et de la réglementation des prix. Après ça, pensez-vous que les coûts au Canada monteront en flèche et atteindront le niveau des coûts aux États-Unis?
M. Larsen: Vu l'absence de concurrence - et je pense que c'est le genre de comparaison que nous faisons ici - c'est un secteur où il n'y a pas de concurrence aux États-Unis.
Les coûts sont presque le double des nôtres. Cela nous fait peur, parce qu'il n'existe pas de voies maritimes qui pourraient être utilisées pour créer une concurrence et maintenir les prix à un niveau peu élevé. Le pouvoir de marchandage dont vous parlez n'existe pas, ce qui est aussi le cas aux États-Unis.
Le président: Donc, vous êtes satisfait du projet de loi présenté, du moins pour les cinq premières années, mais après ça, vous craignez le pire.
M. Larsen: Nous demandons un mécanisme quelconque dans le prolongement de ces mesures, ou au moins un examen de la situation qui permettra de voir comment le réseau ferroviaire s'est comporté jusque-là.
M. Howe: Pour notre part, nous sommes d'accord avec le projet de loi. Nous pensons qu'il prévoit cet examen au cours des cinq prochaines années, que cette disposition est incluse, mais nous aimerions que l'examen commence immédiatement, plutôt que d'attendre cinq ans et d'ensuite examiner ce qui s'est passé. Nous pensons que l'examen devrait débuter tout de suite et se poursuivre, de façon à ce que nous puissions voir régulièrement où nous en sommes et si nous atteignons les objectifs établis.
Il est possible qu'à la fin de la période de cinq ans, si nous atteignons tous les objectifs fixés, nous envisagions l'avenir autrement que nous le voyons aujourd'hui. Franchement, nous ne pensons pas que nous allons pouvoir atteindre tous ces objectifs.
Le président: Comment la potasse de la Saskatchewan est-elle expédiée? Par le train?
M. Howe: Oui, je pense.
M Larsen: La plus grande partie est expédiée par le train. Mais une certaine quantité est expédiée directement aux États-Unis par camion.
Le président: Y a-t-il de la concurrence dans ce secteur?
M. Larsen: Eh bien, les seules quantités transportées par camion sont destinées aux États-Unis. Pour l'exportation outre-mer, le transport se fait par chemin de fer.
Le président: Les deux sociétés ferroviaires se font-elles concurrence dans ce secteur?
M. Howe: Oui, je pense qu'il y a une concurrence, en raison de l'emplacement des mines et du fait que les deux principales sociétés ferroviaires y ont accès.
Le président: Avez-vous déjà entendu les gens parler de prix de monopole à propos du transport dans ce secteur?
M. Larsen: Je n'ai pas entendu de plaintes comme telles, mais je sais que les gens sont mécontents du coût qu'engendre également dans ce secteur l'absence de concurrence.
M. Graham: Monsieur le président, pourrais-je faire une ou deux remarques au sujet de votre question?
D'après l'étude sur les transports effectuée par l'Université du Manitoba, que nous avons mentionnée dans notre mémoire mais qui est beaucoup trop longue pour vous être présentée ici, pour pouvoir faire des profits et survivre, les sociétés ferroviaires doivent demander 25 p. 100 de plus que l'ensemble des coûts variables à long terme.
Dans le cas du charbon, elles font actuellement payer 44 p. 100 de plus que ces coûts - pas 25 p. 100, mais bien 44 p. 100. Pour le soufre, la marge est de 70 p. 100. C'est pour cette raison qu'est en train de se former une nouvelle organisation. Vous avez sûrement déjà vu la brochure de cette nouvelle organisation de l'Ouest du Canada appelée Western Canadian Shippers Coalition. Elle regroupe pour le moment Canpotex, Cominco Fertilizers, Luscar Coal, Minalta Coal, Novacor Chemicals, Potash Corporation of Saskatchewan, Saskferco et d'autres. Voilà des gens qui se regroupent pour tenter de faire opposition aux effets de la Loi sur les transports nationaux et à ses répercussions sur les activités des secteurs qui font appel au transport ferriviaire. Les coûts du transport représentent plus de la moitié de la valeur de leurs marchandises. Et ils ne seront bientôt plus concurrentiels sur le marché international. Ils se regroupent pour demander des tarifs communs, un plus grand accès aux voies ferrées et d'autres concessions.
Je pense que le message commence à passer. La Loi de 1987 sur les transports nationaux commence à être attaquée. Elle ne répond pas aux besoins de l'industrie et elle ne contribue pas à la compétitivité du Canada.
Ce qui nous inquiète, c'est que le projet de loi met les agriculteurs dans la même situation. Et c'est la raison pour laquelle nous demandons d'y apporter les changements proposés, pour nous donner une chance d'éviter que cela se produise.
Le président: Donc, au lieu d'aller vers une déréglementation totale et d'évoluer dans cette direction, ce que vous proposez, c'est de revenir à une réglementation beaucoup plus stricte des coûts du transport par chemin de fer que dans la loi précédente.
M. Graham: Au moins de la modifier un peu par rapport à ce qui existe actuellement dans la Loi sur les transports nationaux.
M. Pillitteri (Niagara Falls): En plus d'être député, je suis agriculteur, dans le Sud de l'Ontario. Lorsque j'ai appris il y a plusieurs années...
Le président: Gary, vous n'êtes pas agriculteur; vous produisez des vins de qualité qui ont remporté des prix dans des concours internationaux. Ce n'est pas de l'agriculture.
M. Pillitteri: J'ai une ferme, monsieur le président.
Il y a bon nombre d'années, lorsque je cultivais les fruits tendres et la vigne, j'ai appris que le secteur de l'agriculture bénéficiait de subventions au Canada, et j'ai voulu en avoir ma part. Il fallait que je sois proche d'une voie ferrée pour bénéficier d'une subvention. Je n'ai pas pu en trouver pour moi. J'ai appris que les subventions étaient destinées seulement aux gens de l'Ouest du Canada et en particulier, aux producteurs agricoles. Mais quand j'ai approfondi la chose, j'ai fini par comprendre que les subventions allaient en réalité au secteur des transports, plus particulièrement aux sociétés ferroviaires. Et les sociétés ferroviaires voulaient que cette subvention, appelez ça comme vous voudrez, continue.
Quant à vous, vous représentez ici Prairie Pools et vous dites que vous êtes avant tout des agriculteurs ou que vous représentez les agriculteurs. Il y a une chose que je ne comprends vraiment pas. Lors des audiences pré-budgétaires que nous avons tenues à Saskatoon à l'automne dernier, une organisation de producteurs agricoles a pris la parole - on pourra vérifier cela facilement - pour nous demander de ne pas mettre fin à la subvention tout de suite, mais plutôt de leur donner trois ans pour s'adapter graduellement. Ce projet de loi prévoit une période de cinq ans. Je pense que cela peut être confirmé. Les groupes d'agriculteurs ont demandé une période de transition de trois ans et on leur donne cinq ans. Et moi, j'attends toujours ma subvention.
Je vais bientôt poser une question, monsieur le président.
Vous avez dit auparavant que vous vouliez que le ministre soit le principal responsable parce que vous avez grande confiance en lui. J'ai aussi confiance en lui, mais je n'ai pas réussi à obtenir l'aide du ministre ni pour moi ni pour des électeurs de ma province, l'Ontario. Il y a dans ma province un secteur réglementé par le gouvernement en vertu de l'accord de libre-échange et ce secteur est en train de s'effondrer. J'essaie de trouver des moyens de le préserver.
Oui, je connais le ministre, mais il ne m'a pas donné les moyens de préserver ce secteur. Rien n'est prévu dans le projet de loi pour le transport de mon produit. Le projet de loi prévoit des paiements de 1,6 milliard de dollars aux propriétaires fonciers, mais cela ne me concerne pas. Les agriculteurs ont demandé une période de transition de trois ans et ils en ont obtenu cinq. Je pense que vous pouvez vous faire comprendre du ministre. On a prévu cinq ans. Le changement ne va pas se produire subitement; cela sera graduel.
Monsieur le président, je ne comprends pas très bien comment l'honorable député de l'Opposition peut dire: nous ne voulons pas de subventions, nous ne devrions pas en avoir, nous devons nous débrouiller sans cela, alors que bien des gens qui l'ont appuyé disent qu'ils veulent avoir une subvention. Je ne comprends vraiment pas.
M. Howe: Nous n'avons indiqué nulle part dans ce document que nous voulions des subventions. Je crois que nous reconnaissons le fait que la subvention du Nid-de-Corbeau n'existe plus, que c'est fini. Je ne vois pas où vous avez pris l'idée que nous voulions obtenir d'autres subventions. Nous ne demandons pas d'autres subventions.
M. Pillitteri: Je sais que vous ne demandez pas d'autres subventions.
M. Howe: Nous demandons en fait l'adoption d'un règlement qui empêcherait les divers intervenants de l'industrie de nous imposer des prix déraisonnables. C'est tout ce que nous cherchons à obtenir par le biais des amendements que nous proposons.
Monsieur le président, vous avez parlé d'un règlement beaucoup plus strict pour l'industrie céréalière. Je ne crois pas que nous demandions cela non plus. Moins la réglementation sera stricte, mieux nous nous en porterons. Mais il faut quand même une certaine réglementation, et c'est cela que nous cherchons à obtenir.
Le président: Vous demandez une réglementation relative aux coûts du transport.
M. Howe: C'est exact, mais nous ne voulons pas qu'elle soit plus stricte. Nous demandons simplement une réglementation qui permette de contrôler ce qui se passe activités et d'assurer qu'une part des économies réalisées revienne à la communauté agricole. C'est cela que nous voulons.
Le membre du comité qui vient de partir a fait allusion au fait que les sociétés céréalières et tous les intervenants devraient participer à ce processus. Nous sommes entièrement d'accord avec lui. Il a tout à fait raison. Nous nous attaquons au problème pour agir le plus rapidement possible et nous nous en sommes déjà préoccupé. Je ne sais pas quelle était notre dernière augmentation. Je crois que nous avons imposé une légère augmentation l'année dernière, mais pendant trois années consécutives, nous n'avons pas augmenté notre tarif pour le réseau d'élévateurs à grain parce que nous savions que les agriculteurs éprouvaient des difficultés. Les entreprises ont plutôt réduit leur marge de profit. C'est ce qui s'est produit.
Nous nous efforçons actuellement de régler le problème. Nous savons que nous avons un rôle important à jouer à ce niveau. Mais nous ne demandons pas de subventions; nous n'en faisons pas mention dans notre document.
M. Pillitteri: Alors, le 1,6 milliard de dollars, de quoi s'agit-il, monsieur?
M. Howe: Il s'agit d'une prestation historique.
M. Pillitteri: Une prestation historique?
M. Howe: Eh, bien oui. Nous fonctionnons tous dans le cadre d'un régime de ce genre depuis des années. Dans le passé, le gouvernement du Canada a décidé que l'industrie dans l'Ouest canadien avait besoin de financement pour survivre; il a donc accordé une aide financière. Au fil des ans, cette aide financière a été graduellement réduite. Les agriculteurs ont accepté une réduction de 10 p. 100 il y a quatre ou cinq ans, ainsi qu'une réduction de 5 p. 100 que le gouvernement actuel a imposée. Puis, on a annoncé une autre réduction. Je crois que les agriculteurs savaient ce qui se passait et ils se sont trouvés dans une situation difficile. Néanmoins, ils s'y sont adaptés et l'ont acceptée. Ils savaient ce qui se passait.
M. Pillitteri: De même, lorsque le gouvernement a modifié les lois qui régissaient mon industrie, qu'il a conclu l'accord de libre-échange et qu'il a déréglementé cette industrie, j'ai dû m'adapter; j'ai perdu des acquis et j'ai dû apprendre à fonctionner dans ce nouveau régime.
M. Howe: Certainement, et nous apprenons à faire la même chose. Je crois que le problème vient du fait qu'une grande part de nos produits sont exportés sur les marchés étrangers, où nous ne pouvons contrôler les prix; nous sommes donc preneurs des prix qui sont imposés par d'autres pays. En réalité, le prix est fixé par les Américains et la Communauté européenne, qui ont les moyens d'investir dans le système, alors que nous ne pouvons pas en faire autant. Nous reconnaissons cela, nous le savons.
Nous voulons tout simplement des règles du jeu équitables afin de pouvoir exploiter nos entreprises de façon viable. Le gouvernement du Canada a reconnu ce besoin au fil des années, nous en sommes conscients; c'est pourquoi il nous a donné le soutien dont nous avons bénéficié. C'est pourquoi la subvention du Nid-de-Corbeau a été accordée pendant 90 ans; le gouvernement avait reconnu que les agriculteurs n'arrivaient pas à rendre leurs opérations rentables eux-mêmes.
M. Pillitteri: Monsieur le président, je comprends la situation de ces messieurs, mais je maintiens qu'il est temps que nous nous adaptions tous à la réalité. Vous ne pouvez pas savoir à quel point je suis furieux quand je pense à ce qu'a subi mon industrie dans le Sud de l'Ontario. On dit qu'il n'y a plus de fonds pour soutenir nos activités, comme dans le passé. Indépendamment de notre volonté, nous sommes à la merci de la concurrence; en outre, notre produit ne peut pas être entreposé, parce qu'il ne se conserve pas. C'est bien différent du blé; si on ne le vend pas ce mois-ci, on peut le vendre le mois prochain ou dans six mois.
Le président: Monsieur Pillitteri, je dois vous contredire sur ce point. J'ai entreposé votre vin pendant un an et demi et il s'est très bien conservé.
M. Pillitteri: Il ne s'agit pas de mon industrie. Je parle de l'industrie des fruits tendres.
M. Larsen: Je pensais que la qualité du vin s'améliorait avec l'âge.
Le président: Ce principe s'applique certainement aux humains. Je ne sais pas s'il s'applique au vin de Gary.
M. Pillitteri: N'oublions pas non plus le GATT. Je n'ai pas vu si vos amendements contrevenaient aux dispositions du GATT.
M. Graham: Monsieur le président, nous devons essayer de conclure cette discussion, mais en fait, nous sommes en train de confondre ce dont il s'agit. Permettez-moi de souligner, monsieur le président, que vous mentionnez certaines modifications énoncées dans le budget que nous avons acceptées. Le document n'en dit pas grand-chose mais reconnaît que tous ces changements ont été faits, que tous ces rajustements seront faits, et que l'industrie va s'adapter.
Les amendements proposés dans le projet de loi C-76 visent le présent et l'avenir et détermineront ce que sera le réseau de transport dans l'Ouest canadien. Nous vous demandons de collaborer en apportant deux ou trois changements relativement mineurs qui permettront aux agriculteurs d'avoir leur mot à dire au sujet de leur avenir, et ce, sans dépense gouvernementale supplémentaire et sans subvention, donc dans des conditions qui ne seront pas faussées par quoi que ce soit.
Nous vous demandons de collaborer pour permettre aux agriculteurs de se prononcer sur leur avenir, tout en reconnaissant que le monde a changé et que nous devons nous adapter rapidement.
Le président: Merci, monsieur Pillitteri.
Avant de partir, M. Hoeppner m'a demandé de poser la question suivante en son nom: Trouvez-vous que les autorités chargées de contrôler les coalitions n'ont pas émis des réglements assez stricts pour limiter les risques de monopole sur les prix ou le contrôle d'un secteur?
M. Howe: Vous voulez dire en ce qui concerne les chemins de fer, je présume?
Le président: Oui.
M. Howe: Je ne peux pas vraiment répondre à cette question. De fait, je ne crois même pas que nous y ayons vraiment pensé.
M. Larsen: La raison pour laquelle nous n'y avons jamais réfléchi, c'est que la LTGO...
Le président: Vous n'avez pas eu à vous préoccuper de cette question.
M. Larsen: Nous n'avons pas eu à nous en préoccuper. Si cela devait poser un problème, je pense que c'est un autre secteur qui devrait s'en charger.
Le président: Les questions que vous soulevez devant nous sont difficiles à régler. Il s'agit de changer des choses qui ont existé et bien fonctionné pendant des années, qui ne peuvent plus fonctionner comme dans le passé parce que la réalité a changé, mais qui touchent un secteur énormément important de notre pays. Nous ne prenons pas ces questions complexes à la légère, car nous savons à quel point elles sont importantes à vos yeux.
Au nom de nous tous, je tiens à vous remercier pour un témoignage très clair et sincère au nom des producteurs. Merci beaucoup.
M. Howe: Merci beaucoup, monsieur le président, de nous avoir accueillis. Nous vous en sommes reconnaissants.
Le président: La séance est levée. Nous siégerons à nouveau à compter de mardi à 9h30 dans la salle 308 de l'Édifice de l'Ouest.