[Enregistrement électronique]
Le mardi 9 mai 1995
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Nous poursuivons l'examen du projet de loi C-76.
Nous recevons d'abord ce matin les représentants de l'Association des universités et collèges du Canada.
Bienvenue.
[Français]
M. Claude Lajeunesse (président, Association des universités et collèges du Canada): Merci, monsieur le président.
Mon nom est Claude Lajeunesse. J'aimerais vous présenter la délégation de ce matin,M. Robert Best et M. William Leggett, directeur principal de l'Université Queen's. M. le professeur Leggett fera la présentation au nom de l'AUCC.
[Traduction]
M. William Leggett (directeur principal, University Queen's à Kingston, Association des universités et collèges du Canada): Merci, monsieur le président. Je suis heureux d'être ici à l'occasion de la deuxième comparution de l'AUCC devant votre comité au cours des six derniers mois.
Déjà avant notre dernière présence lors des audiences prébudgétaires de novembre dernier, l'examen des questions de la sécurité sociale ainsi que de la science et de la technologie avait soulevé des questions cruciales en matière de politique à l'égard des responsabilités fédérales au sujet de points comme la notion d'équité dans l'accès à l'éducation dans les différentes régions du Canada, l'aide financière et l'endettement des étudiants, la mobilité des étudiants, sans oublier la viabilité des infrastructures de recherche dans les universités canadiennes. Beaucoup prévoyaient l'an dernier - et d'ailleurs c'était le gouvernement fédéral lui-même qui avait créé cette impression - que l'examen de ces politiques donnerait au gouvernement la possibilité de mettre en place des politiques innovatrices relativement à ces questions dans son budget de 1995.
Pourtant, six mois plus tard et près de trois mois après le dépôt du budget, rien n'a été fait à propos de ces questions cruciales. Les décisions budgétaires touchant l'éducation supérieure et la recherche semblent avoir été dictées par des motifs d'ordre strictement financier et ne semblent viser aucun objectif politique déterminé. On peut même dire que ces décisions s'écartent carrément des propres déclarations du gouvernement et des conseils formulés par les comités parlementaires. Ainsi, on lit dans le Livre rouge que le programme libéral est fondé sur une approche cohérente et intégrée englobant différents secteurs de la politique publique qui sont, et qui doivent être, reliés entre eux.
Le président: Cela semble judicieux.
M. Leggett: Jusqu'à maintenant, il n'y a rien à redire.
Par contre, dans le budget, on semble avoir oublié d'établir quelque lien que ce soit entre les politiques financières, les politiques sociales et les politiques régissant le domaine des sciences.
Revenons au Livre rouge. On y mentionne que, pour conserver cette position privilégiée, le Canada dans son ensemble doit miser sur ses compétences technologiques, sur la sophistication de notre infrastructure, sur notre capacité d'innover, mais d'abord et avant tout sur l'éducation et sur les aptitudes des Canadiens et des Canadiennes.
Le président: De mieux en mieux.
M. Leggett: Nous sommes heureux de voir que vous en convenez avec nous, monsieur le président.
Malheureusement, certaines décisions prises par le gouvernement sont en totale contradiction avec les énoncés que l'on retrouve dans le Livre rouge. Pensons à l'élimination progressive du Programme Bourses Canada. Il s'agit pourtant d'un programme qui s'est avéré remarquablement efficace dans sa tâche, c'est-à-dire encourager les jeunes, et plus particulièrement encore les jeunes femmes, à étudier dans les domaines du génie, des mathématiques et des sciences naturelles.
Autre exemple - les réductions financières touchant les conseils subventionnaires, ainsi que l'absence de la moindre mention dans le budget à propos du financement des infrastructures de recherche universitaire. Or, le Livre rouge promettait que le financement des conseils subventionnaires ne subirait pas de restriction. D'ailleurs, si je me souviens bien, votre propre comité avait recommandé que les conseils subventionnaires ne fassent l'objet d'aucune réduction financière.
Qui plus est, dans son document intitulé Un nouveau cadre de la politique économique, le ministre Martin disait clairement l'importance et la nécessité de soutenir la recherche et les conseils subventionnaires, qui étaient, selon lui, un outil clé de formation de la main-d'oeuvre hautement qualifiée grâce à laquelle le Canada pourra se maintenir à la fine pointe de l'économie du savoir.
En février, le Comité du développement des ressources humaines de la Chambre des communes a souligné l'importance du financement de la recherche universitaire ainsi que de l'infrastructure qui en constitue la fondation, ce qui vaut la peine d'être noté. De l'avis du comité, le gouvernement fédéral doit reconnaître l'importance d'une infrastructure adéquate pour que les subventions fédérales d'aide directe à la recherche soient utilisées de façon efficace.
Ce n'est pas par hasard si les gouvernements centraux de la plupart des fédérations de la planète, si ce n'est de toutes, jouent un rôle central dans le domaine de la recherche. Au Canada, le gouvernement fédéral a soutenu les infrastructures de recherche universitaires de façon indirecte, par le truchement du Fonds des paiements de péréquation et des transferts de fonds au titre de l'éducation postsecondaire.
L'infrastructure est essentielle pour tirer tout le parti possible des investissements fédéraux directs dans la recherche universitaire, ainsi que pour réaliser les transferts de connaissances et l'établissement de liens entre les universités et l'industrie. Cette question revêt une importance nationale, et même, j'oserais dire, internationale.
Je tiens à insister sur l'importance de cette question pour les universités. Le Canada et les universités canadiennes doivent s'imposer sur la nouvelle scène internationale. Pour y parvenir, les universités canadiennes doivent se doter des infrastructures nécessaires pour pouvoir mener des projets de recherche de grande qualité, et, ce qui importe tout autant, elles doivent être en mesure de s'attacher les services de chercheurs de calibre international. En outre, le Canada doit être capable d'élaborer et de mener des initiatives nationales de recherche.
Je suis persuadé qu'il ne sera pas possible de garantir de tels résultats si les décisions relatives à l'établissement de cette infrastructure sont dévolues aux provinces. Cette infrastructure de recherche représente l'élément clé pour assurer à long terme une recherche de haut niveau, et son importance déborde les frontières provinciales.
Au sujet de l'aide aux étudiants, le Comité du développement des ressources humaines de la Chambre des communes a approuvé le principe du prêt avec remboursement en fonction du revenu dans le cadre d'une approche visant à améliorer l'aide aux étudiants; ce comité a également mentionné l'importance de prendre des mesures pour que tous les Canadiens aient la possibilité de poursuivre des études ainsi que pour aider les étudiants à ne pas trop s'endetter.
La hausse des coûts que doivent assumer les étudiants a entraîné une hausse de l'endettement au cours des dernières années. Malgré ce fait, ni le budget ni le projet de loi C-76 n'abordent les questions de l'aide aux étudiants et de son évolution nécessaire. Voilà un bien piètre message à communiquer aux jeunes quant à l'importance accordée par le gouvernement national à l'enseignement supérieur, cet enseignement qui doit leur être dispensé.
En mettant fin au FPP et au RAPC, et en mettant en place, à compter de 1996, un nouveau mécanisme de paiements de péréquation comportant le transfert d'un montant global et réduit, le projet de loi C-76 représente certes un changement radical en matière de transfert. Toutefois, étant donné que cette décision était fondée sur des considérations de politique financière, elle a soulevé plus de questions qu'elle n'a apporté de réponses quant aux intentions du gouvernement fédéral au sujet de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Lorsque l'AUCC a comparu devant votre comité en novembre dernier, nous avons proposé, en remplacement des propositions du Livre vert sur la sécurité sociale, une initiative que vous avez vous-mêmes qualifiée d'intéressante et de concrète. Cette initiative se serait traduite par des économies importantes pour le gouvernement tout en assurant un niveau d'investissement élevé de la part du gouvernement fédéral sur le plan de l'infrastructure et de la qualité de l'accès à l'éducation dans l'ensemble du Canada.
De toute évidence, ces considérations ont dû céder le pas à d'autres impératifs au cours de l'élaboration du budget par le gouvernement. Néanmoins, les questions que nous abordions dans notre projet demeurent tout aussi importantes qu'elles l'étaient en novembre dernier.
Il faudra un certain temps avant que nous puissions évaluer toutes les conséquences des nouveaux paiements de transfert au titre de la sécurité sociale et de la santé, ainsi que des réductions qui seront apportées à ces paiements en 1996 et en 1997. Ces conséquences peuvent fort bien varier d'une province à l'autre. Comme les réductions toucheront un montant global, les universités ne devraient pas être touchées de façon particulièrement sévère par rapport à d'autres secteurs.
Il n'en demeure pas moins que le FPP et les transferts au titre de l'enseignement postsecondaire n'allégeront pas le fardeau financier des étudiants ni ne contrebalanceront les effets négatifs sur l'accessibilité. Au contraire, ils risquent même de les aggraver. Ils n'aideront pas non plus à assurer un investissement adéquat et soutenu en matière d'infrastructure de recherche; nous craignons même que cela n'ait l'effet opposé.
Le projet de loi C-76 prévoit que le ministre du Développement des ressources humaines incite les provinces à mener des consultations et à faire preuve de collaboration en vue d'élaborer, par voie de consentement mutuel, des principes et objectifs partagés qui pourraient servir de fondement au nouveau mode de transfert.
L'AUCC demande à tous les gouvernements du Canada de reconnaître l'importance de questions comme l'équité en matière d'accès à l'enseignement supérieur de haute qualité dans tout le Canada, la mobilité des étudiants de niveau postsecondaire d'une province à l'autre et d'un pays à l'autre, et la création de programmes d'aide aux étudiants efficaces et d'une infrastructure de recherche universitaire compétitive sur le plan international. Nous croyons que le gouvernement fédéral ne doit pas renoncer à ses responsabilités en la matière, étant donné que l'intérêt national est en jeu.
Par conséquent, nous demandons au gouvernement fédéral de s'acquitter de ses responsabilités et d'investir de façon judicieuse en vue d'assurer à tous les Canadiens, peu importent leur lieu de résidence et leurs moyens financiers, l'accès à l'enseignement supérieur, et de façon à garantir la viabilité à long terme de la recherche universitaire.
Nous tenons à bien préciser que nous sommes prêts à travailler en collaboration avec le gouvernement fédéral à l'élaboration de mécanismes adéquats dans ces secteurs qui revêtent une importance stratégique immense pour le Canada dans son ensemble. Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Leggett.
[Français]
Nous allons commencer la période de questions avec M. Tremblay.
M. Tremblay (Rosemont): Il est assez clair que vous établissez une grande différence entre le contenu du Livre rouge et l'action gouvernement.
Malheureusement, je n'étais pas présent, en novembre dernier, lorsque vous avez fait votre proposition sur la façon de diminuer le poids fiscal du gouvernement fédéral, tout en assurant une meilleure aide financière aux étudiants. Pourriez-vous rapidement reprendre cette proposition?
[Traduction]
M. Leggett: Je vais laisser M. Lajeunesse vous parler plus en détail de ce plan, étant donné qu'il le connaît fort bien.
[Français]
M. Lajeunesse: Notre proposition visait la solution de trois problèmes particuliers: d'abord, le soutien aux étudiants; deuxièmement, le soutien à l'infrastructure de recherche; et, troisièmement, le soutien à l'accessibilité dans tout le pays pour les études postsecondaires.
Notre proposition visait à restructurer les sommes engagées, de façon à permettre aux étudiants de recevoir le soutien dont ils ont besoin, aux universités de recevoir l'argent nécessaire à l'infrastructure et, finalement, aux provinces qui n'ont peut-être pas les moyens financiers de s'offrir un système postsecondaire adéquat, de recevoir un soutien du fédéral. Nous croyons, en effet, que dans ces trois cas, il s'agit d'un rôle essentiel du gouvernement fédéral, tel qu'exposé dans le Livre rouge et aussi tel que défini par le Comité auquel nous participons aujourd'hui et par le Comité du développement des ressources humaines.
M. Tremblay: Ça ne m'en dit pas long sur la façon dont vous vouliez y arriver. Je comprends que vous voulez financer les étudiants et l'infrastructure et aussi aider les provinces. Mais, concrètement, par quelles mesures comptiez-vous y arriver?
M. Lajeunesse: Le gouvernement fédéral va, cette année, transférer aux provinces environ 1,6 milliard de dollars, aux fins de l'enseignement postsecondaire. Ce que nous recommandions, c'était que cette somme, réduite à 2 milliards de dollars en 1996-1997, soit répartie d'une autre façon, c'est-à-dire qu'on attribue à un programme d'aide aux étudiants, un milliard de dollars, ce qui permettrait de mettre sur pied un programme de prêts aux étudiants remboursables en fonction du revenu, deuxièmement, qu'une partie de la somme, 500 millions de dollars, soit affectée à la distribution interprovinciale et que, finalement, un montant de 500 millions de dollars soit affecté aux fins de l'infrastructure de la recherche universitaire.
M. Tremblay: C'est une proposition qui va un peu dans le sens de la première proposition de M. Axworthy, si je comprends bien. Il n'y aurait plus de transferts aux provinces, mais plutôt une sorte de péréquation pour certaines provinces.
M. Lajeunesse: C'est exact. Pour les domaines où il est intéressant pour le gouvernement canadien de demeurer actif et dont les enjeux dépassent les frontières provinciales, comme la recherche et l'aide aux étudiants, nous recommandions effectivement que le gouvernement fédéral joue un rôle.
[Traduction]
M. Leggett: Selon nous, le gouvernement fédéral a un rôle très important à jouer en ce qui touche l'avancement de la recherche et de l'éducation en général, et il doit maintenir sa présence au niveau national.
Il faut réaliser que, à mesure que le Canada s'engagera dans le 21e siècle, nous devrons faire preuve d'une efficacité de plus en plus grande sur la scène internationale, et ce, non seulement pour ce qui est de la recherche, mais également sur le plan des possibilités qui seront offertes à nos étudiants pour qu'ils puissent acquérir une expérience internationale, ainsi que de la mesure dans laquelle nous saurons amener de jeunes étudiants et de futurs dirigeants d'autres pays à venir étudier dans nos universités. Il sera plus facile d'y parvenir s'il existe une présence fédérale et une politique fédérale qui transcendent les intérêts propres à chaque province.
Il s'agit là de l'une des raisons pour lesquelles nous sommes persuadés que le gouvernement fédéral doit conserver les pouvoirs lui permettant d'élaborer et d'exécuter des stratégies de dimension nationale, plutôt que de simplement transférer aux provinces l'entière responsabilité de ces initiatives.
[Français]
M. Tremblay: Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples des situations dont vous parlez, où l'intérêt national serait si important que les provinces, comme l'Ontario, le Québec ou d'autres provinces, ne pourraient pas réaliser ce dont vous parlez dans les domaines de recherchem, à l'exception du domaine spatial peut-être, et encore?
[Traduction]
M. Leggett: Je vais tenter de le faire, et ma réponse comportera deux volets.
Parlons d'abord de l'infrastructure de la recherche. Le fait est que la recherche ne peut plus désormais être menée de façon efficace au niveau provincial. D'ailleurs, même au niveau national, il est de plus en plus difficile d'assurer une recherche de haut niveau.
La réussite connue par les réseaux des centres d'excellence, auxquels j'ai eu le privilège de participer, montre bien l'importance de dépasser les frontières provinciales et de réunir les plus grands savants et les meilleurs spécialistes de tout le pays afin qu'ils travaillent ensemble à des questions et des problèmes d'importance nationale. J'ajouterai même que certaines de ces initiatives, et notamment celle à laquelle j'ai travaillé - dans le domaine des pêches et des produits de la mer - dépassent largement le cadre national.
Non seulement nous devons maintenir le plus haut degré de crédibilité possible au niveau international, de manière à pouvoir imposer nos opinions lorsque surgissent des situations semblables à celle qui s'est produite récemment avec les Espagnols, mais nous devons en outre établir et cultiver des contacts internationaux efficaces si nous voulons tirer tout le parti possible des ressources, des infrastructures ainsi que des ressources intellectuelles d'autres pays. Il s'agit là de partenariats réels, et nous devons, pour être efficaces, posséder une infrastructure qui nous permette de contrebalancer les infrastructures que nous recherchons chez nos partenaires et dont nous comptons tirer parti.
Passons maintenant à la mobilité des étudiants ainsi qu'à l'importance de l'éducation internationale. J'ai récemment séjourné deux semaines en Asie, et j'ai été frappé par la détermination de plusieurs pays asiatiques d'étendre leur présence au niveau international, de même que par l'importance accordée par le gouvernement de ces pays à la création de débouchés au niveau international pour leurs étudiants. Dans le cadre des programmes nationaux mis en place dans ces pays, ce ne sont pas quelques centaines, mais bien des milliers d'étudiants qui auront l'occasion d'aller étudier dans des universités européennes et nord-américaines, ce qui leur donnera l'occasion d'établir des contacts, d'acquérir une expérience précieuse, et de se familiariser avec différentes cultures et pratiques. Nous sommes là à des lieues de la situation qui prévaut ici selon une étude menée récemment par le gouvernement fédéral, qui montre que la proportion d'étudiants canadiens qui ont l'occasion d'acquérir une expérience internationale directe dans le cadre de leur éducation est l'une des moins élevées parmi les pays du monde industrialisé.
Si nous voulons vraiment être compétitifs sur la scène internationale, et si nous voulons susciter les occasions nécessaires pour y parvenir, nous devons mieux saisir l'importance de cette question, et il faut que le gouvernement fédéral ait au moins la possibilité de prendre une décision politique à ce propos, puis de la réaliser au moyen des ressources nécessaires.
[Français]
M. Tremblay: Je suis moi-même professeur agrégé à l'École des Hautes Études commerciales de Montréal. J'ai occupé diverses fonctions internes et j'ai eu l'occasion, entre autres avec la Communauté urbaine de Montréal, de travailler avec plusieurs universités dans plusieurs domaines de recherche. Nous avons effectivement toute une série d'ententes internationales et de projets internationaux.
Les entreprises elles-mêmes, on le voit avec Biochem et Glaxo au Québec, ont toute une série d'ententes internationales dans le domaine de la recherche avec différentes universités. Nos professeurs ont été formés dans toutes les universités du monde.
Je comprends que ces ententes sont nécessaires. On sait qu'on vend peut-être 40 p. 100 de notre PIB à l'extérieur. Forcément, nous entretenons des liens internationaux.
Dans quelle mesure la présence du gouvernement fédéral, en termes d'infrastructure de recherche, vient-elle changer quelque chose dans cette dynamique nécessaire?
Je comprends mal ce qui est important de savoir au sujet du financement. Dans le passé, nos grands centres de recherche canadiens, dont une bonne partie étaient à Ottawa, n'ont pas été très performants.
Pendant un certain temps, j'étais au ministère de l'Industrie, des Sciences et de la Technologie, à titre de secrétaire parlementaire et on ne peut pas dire qu'on a eu, dans ce que j'appellerais nos grandes cathédrales fédérales de recherche, des performances extraordinaires. L'action du gouvernement fédéral, en termes d'infrastructures de recherche, ne m'a pas semblé très performante, dans le passé, et il me semble que l'orientation privilégiée est peut-être trop près de l'entreprise.
Il y a de plus en plus de liens avec les entreprises, et comme on a une différenciation régionale des économies de plus en plus forte au Canada, la nécessité absolue de la présence du gouvernement fédéral ne me semble pas évidente.
Je comprends qu'il faut établir des liens internationaux. Les universités en établissent tous les jours avec les entreprises dans leur milieu et des entreprises internationales, mais en ce qui a trait à l'impératif du gouvernement fédéral dans tout ceci, je n'en ai pas compris la démonstration dans ce que vous m'avez dit.
[Traduction]
M. Leggett: Nous ne devons pas nous préoccuper outre mesure du passé, mais plutôt nous tourner vers l'avenir et nous demander quelle ligne de conduite nous devons adopter. Or, avec l'adoption du projet de loi dont il est question ici, nous nous dirigeons vers une perspective de plus en plus provinciale pour l'éducation et la recherche, alors que pourtant le reste du monde préconise de plus en plus une vision internationale de l'éducation et de la recherche. Et si nous voulons revenir sur le passé et nous demander si ce que nous avons fait était vraiment efficace, je crois pour ma part que oui, nous avons agi efficacement.
J'irai jusqu'à dire que la recherche canadienne, malgré les critiques dont elle a fait l'objet de la part de bien des intervenants au sein de la société, a peu de choses à se reprocher.
Je vous citerai en exemple les blâmes adressés aux océanographes et aux spécialistes de la science halieutique canadiens, au cours des deux ou trois dernières années, à mesure que l'on réalisait la gravité de la situation, d'abord sur la côte atlantique, puis sur la côte du Pacifique. Je tiens à préciser que, selon mon point de vue - qui vous donne l'impression que je suis sur la défensive, mais interprétez-le à votre guise - on a accordé beaucoup trop d'attention aux échecs connus dans le domaine de la science halieutique, et bien trop peu à l'échec de la politique gouvernementale dans le domaine des pêches, et qu'en fait l'efficacité avec laquelle nous avons agi avec les Espagnols et à l'égard d'autres questions importantes, dont l'appel interjeté auparavant devant la Cour internationale de justice au sujet du banc Georges, question d'une importance fondamentale pour le Canada... ces réussites, dis-je, sont tributaires de la qualité de notre infrastructure de recherche nationale, qui est reconnue dans toutes les parties du monde, sauf malheureusement au Canada, comme l'une des meilleures qui soient. Notre capacité de régler ce genre de questions sur la scène internationale, et par le fait même notre capacité de déterminer nous-mêmes notre avenir, dépend grandement de cette infrastructure.
Nous comprenons bien sûr l'importance de la dimension financière de la question, et je crois que les universités ont montré qu'elles étaient prêtes à accepter le fait que nous tous et tous les secteurs de la société devons faire notre part et concourir tous à la santé financière du Canada. Nous ne sommes pas opposés à cette question. Ce que nous voulons par contre, c'est que le gouvernement de notre pays soit présent et qu'il soit en mesure d'exercer son autorité et de mettre en place une politique efficace dans des secteurs qui sont cruciaux pour notre prospérité comme nation.
L'un de ces secteurs est la recherche, aussi bien la recherche nationale que la recherche internationale. Comme je vous l'ai déjà mentionné, je ne crois pas que nous puissions être aussi efficaces si nous laissons notre infrastructure se détériorer et si nous nous contentons de demander à d'autres pays, à d'autres provinces et à d'autres organisations de mettre en place cette infrastructure pour nous. Si nous voulons être des partenaires à part entière dans ces secteurs, nous devons pouvoir fournir cette infrastructure en échange de ce que nous attendons de nos partenaires.
M. Speaker (Lethbridge): J'aimerais poursuivre cette discussion. Il s'agit là à n'en pas douter d'un point crucial, c'est-à-dire de déterminer l'ampleur de la présence du gouvernement national dans les domaines de la recheche et de l'éducation postsecondaire.
Pourriez-vous me donner quelques chiffres supplémentaires? Dites-moi par exemple quel est le pourcentage des fonds affectés à l'éducation postsecondaire en général et des fonds de recherche qui sont fournis par le gouvernement fédéral.
M. Leggett: Le pourcentage applicable à quoi en particulier?
M. Speaker: Disons le financement brut fourni par les provinces et par le gouvernement fédéral. Par exemple, est-ce que le gouvernement fédéral fournit plutôt 5 p. 100, 10 p. 100 ou 40 p. 100 des fonds affectés à la recherche? S'agit-il d'une fraction importante des fonds qui y sont affectés actuellement? Je vous demande cela afin de pouvoir me faire une idée de ce dont il est question ici.
M. Lajeunesse: Il est très difficile de répondre à votre question en citant simplement quelques chiffres. Je m'explique. Si on considère simplement la recherche, il est évident que la plus grande part du soutien direct à la recherche provenant des conseils subventionnaires est imputable au gouvernement fédéral.
D'un autre côté, cette recherche ne serait pas possible si nous ne disposions pas d'une infrastructure de recherche adéquate: les salles de laboratoire, les professeurs, les chercheurs, les assistants, et toutes les autres personnes qui contribuent à la recherche. Sans cette infrastructure, il serait impossible d'utiliser efficacement les sommes affectées directement à la recherche.
Il est vrai que cette infrastructure de recherche est financée actuellement par les provinces, mais les provinces reçoivent du gouvernement fédéral des paiements de transfert destinés à soutenir cette infrastructure. Comme vous le savez, la proposition originale prévoyait une réduction de 2,6 milliards de dollars dans le soutien fourni par le gouvernement fédéral. Nous ignorons encore quel sera l'effet de la nouvelle proposition, mais nous avons fait certaines recherches en nous fondant sur la proposition originale, et nous avons calculé que, étant donné que 40 p. 100 environ de ces 2,6 milliards de dollars toucheraient le soutien à la recherche, et après répartition de cette somme entre les universités et les collèges communautaires, le gouvernement fédéral réduisait de 800 millions de dollars son soutien à l'infrastructure de recherche dans le secteur universitaire.
M. Speaker: Supposons que les provinces obtiennent des points d'impôt supplémentaires. Les dispositions législatives envisagées ne prévoient pas que de nouveaux points d'impôt soient dévolus aux provinces afin que celles-ci puissent percevoir des recettes supplémentaires dans le cadre des transferts au titre de la santé et des programmes sociaux. Si les provinces pouvaient obtenir de nouveaux points d'impôt, nous disposons d'une formule de péréquation efficace permettant de distribuer des fonds de manière à ce que les provinces pauvres puissent financer de façon adéquate l'éducation postsecondaire
Prenons pour hypothèse que le financement est disponible au niveau provincial. Croyez-vous que dans ces circonstances les universités...? Si nous franchissons ce pas, quelles en seront les conséquences? Le fait est que nous allons aller de l'avant avec ce plan, sans que les provinces disposent d'un financement approprié. C'est là un des problèmes.
Supposons maintenant que les provinces disposent des fonds nécessaires. C'est une question difficile, car en réalité on ne dispose jamais des fonds nécessaires: il y a toujours plus d'idées que de fonds pour les réaliser. Mais si tel était le cas, est-ce que les universités seraient en mesure d'être compétitives dans un tel contexte? Seraient-elles à même d'établir leurs priorités, de maintenir les normes indispensables par rapport à la communauté mondiale, en auraient-elles les moyens si elles travaillaient directement avec les provinces? Les provinces auraient dès lors compétence en matière d'éducation, et le gouvernement fédéral ne pourrait plus intervenir comme il le fait maintenant. Est-ce qu'il sera possible d'obtenir d'aussi bons résultats, ou sommes-nous simplement forcés de nous contenter de cette option pour la seule raison que les provinces ne peuvent concevoir ces nécessités dans les perspectives plus larges de la communauté mondiale?
M. Leggett: C'est possible en théorie. Mais, bien sûr, nous ne faisons ici qu'émettre des hypothèses, puisque nous ignorons dans les faits si nous disposons des fonds nécessaires, et que la situation est loin d'être claire.
Si on examine les modes de financement des universités ainsi que les priorités régissant l'affectation des fonds dans les provinces, on se rend compte que, à certaines époques, il y a des provinces qui ont su appréhender cette problématique dans sa globalité et qui ont pris des mesures rigoureuses en fonction des impératifs qui en découlent. D'autres provinces ont plutôt adopté une approche axée strictement sur leur situation particulière, et il est même arrivé qu'elles ferment leurs frontières aux étudiants étrangers, dans le but de réduire radicalement le soutien et l'infrastructure qu'elles doivent fournir.
J'en conclus que vous n'obtiendrez pas un modèle homogène dans tout le pays, même dans l'environnement que vous décrivez. En raison de cette absence de cohérence, il arrivera que des particuliers seront désavantagés dans différentes provinces, et c'est là un point qui nous préoccupe. Nous sommes d'avis qu'il faut apporter des correctifs pour éviter cet écueil, et que le pays doit avoir une vision, une conception globale de ce qui est nécessaire, et qu'il doit avoir les moyens d'aller de l'avant dans le cadre d'une approche plus large et plus cohérente.
M. Lajeunesse: Monsieur le président, permettez-moi d'ajouter un mot. Je pense que si nous examinons soigneusement les questions comme la recherche, nous constatons que les démarches préconisées se situent à un niveau national et ont une optique essentiellement stratégique. D'ailleurs, en Europe, les initiatives de recherche ont de plus en plus tendance à être d'envergure européenne au lieu d'être circonscrites à un seul pays. La raison est fort simple: étant donné la portée du travail à accomplir et l'importance des ressources financières humaines nécessaires pour pouvoir faire concurrence au Japon, aux autres pays d'Asie, et à tous les autres, il est impossible de mener des activités de recherche à un niveau plus restreint. La tendance générale que l'on peut observer à l'heure actuelle consiste à adopter des approches stratégiques nationales à l'égard de ces questions. Le tout doit être plus que l'ensemble de ses parties.
M. Speaker: La Loi canadienne sur la santé perpétue les cinq principes des soins de santé, et le gouvernement fédéral fait sentir sa présence relativement aux politiques provinciales. Par exemple, l'Alberta souhaite prendre certaines mesures, et le ministre fédéral de la Santé répond: «Si vous allez de l'avant avec ces mesures, nous ne vous verserons pas de subventions fédérales.»
Avec le transfert global de fonds qui est proposé, la portée de la Loi canadienne sur la santé est élargie encore. Ainsi, si une province ne se conforme pas à une politique donnée, la Loi canadienne sur la santé permet de bloquer le versement de l'ensemble de la subvention. Il s'agit là d'un pouvoir considérable.
Est-ce que vous affirmez dans vos propos qu'il devrait peut-être exister une loi canadienne sur l'éducation, qui prévoirait certaines normes valables pour tout le Canada? Avons-nous vraiment besoin d'un tel mécanisme?
J'aimerais entendre vos commentaires sur ces deux questions, d'abord à propos de la Loi canadienne sur la santé et de son incidence sur la ligne de conduite que vous allez adopter, étant donné que si une province adopte une certaine politique, cela peut avoir pour conséquence le blocage de vos fonds. Également, j'aimerais savoir si, à vos yeux, le gouvernement fédéral doit disposer de pouvoirs législatifs plus grands pour assurer le maintien des normes auxquelles j'ai fait référence?
M. Leggett: Je vous répondrai simplement qu'il nous importe d'abord et avant tout de savoir si le gouvernement fédéral continuera de pouvoir intervenir à l'égard de questions d'ordre national et international qui ont une grande importance pour notre pays. Je ne crois pas que nous ayons formulé une position particulière sur la façon dont cela doit être fait. Il appartient plutôt aux provinces et au gouvernement fédéral de décider des modalités en la matière. Ce qui importe d'abord, ce n'est pas de définir le mécanisme à utiliser, par exemple de déterminer s'il faut suivre le modèle de la Loi canadienne sur la santé ou un autre, mais plutôt de faire en sorte que le gouvernement fédéral continue d'être présent et conserve des pouvoirs d'intervention relativement à ces activités.
Si nous poursuivons encore longtemps les démarches en vigueur actuellement, le moment viendra où il n'y aura plus de fonds pouvant être bloqués. À ce moment-là, quel pouvoir posséderez-vous? Vous pouvez avancer tous les arguments que vous voulez, il n'en demeure pas moins que si les provinces disposent de tous les fonds, votre capacité de bloquer les subventions s'avérera illusoire dans la pratique.
M. Speaker: C'est vrai, j'en conviens.
M. Robert Best (directeur des Affaires publiques et des Relations avec les gouvernements, Association des universités et collèges du Canada): J'aimerais ajouter un mot. Vous vous souviendrez que les arguments que nous avons présentés lorsque nous avons comparu devant votre comité en novembre dernier, et auxquels nous avons fait allusion plus tôt, mettaient l'accent sur les investissements fédéraux par le truchement de programmes plutôt que sur des transferts, des modalités et autres contingences.
Comme le disait M. Leggett, le gouvernement fédéral dispose de différents moyens pour atteindre ses objectifs. Il existe bien des modèles de par le monde. Mais le fait est que, ni dans ce projet de loi, ni dans le budget, il n'en est fait mention en relation avec l'éducation postsecondaire. On ne propose aucune orientation, et il existe bien des questions sans réponse au sujet de la marche que nous devrions suivre et des objectifs que nous devrions viser. Il existe néanmoins divers moyens pour atteindre les mêmes fins. Le financement de programmes est l'une des solutions auxquelles on peut recourir en remplacement des transferts, des modalités et autres mesures similaires, et il s'agit certes d'une solution qui mérite d'être examinée.
Mme Stewart (Brant): Merci à tous d'être ici.
À mesure que nous écoutons les délibérations, qu'il s'agisse d'éducation, de santé ou des programmes d'aide du Canada, je me rends compte que les discussions que nous avons sont probablement les plus importantes que j'aurai jamais en tant que législatrice. Je le crois vraiment.
Je m'intérese au commentaire que vous venez de faire, monsieur Best. Vous dites essentiellement qu'il y a de nombreux modèles, et je suis d'accord avec vous. Il s'agit là des modalités d'application.
M. Leggett disait justement que ce ne sont pas les modalités d'application qui sont importantes, mais plutôt le fait que le gouvernement fédéral devrait conserver son rôle. L'ensemble de ce débat... Je répéterai simplement certaines des questions qui ont été posées, mais le sujet est très déroutant.
J'aimerais simplement commencer en demandant, étant donné les structures actuelles dont nous disposons, et le processus en place comportant une série de transferts, dans quelle mesure avons-nous réussi dans les quatre catégories qui vous importent: l'accès équitable, la disponibilité interprovinciale et internationale, le soutien aux étudiants et la recherche et les infrastructures.
M. Leggett: Pour commencer par la fin, en ce qui concerne les infrastructures de recherche, jusqu'à dernièrement, je crois que nous avons assez bien réussi. Une de nos réussites - je suis certain qu'elle sera perçue ainsi - est le Programme des réseaux de centres d'excellence, qui a pris les ressources disponibles dans tout le pays, les a réunies, a fourni un cadre permettant à ces groupes de bien fonctionner ensemble et a certainement créé une présence nationale et internationale qui n'était pas là avant. C'est là un exemple très efficace du rôle du gouvernement fédéral.
Mme Stewart: Le programme appuyait la recherche et la présence internationale.
M. Leggett: Oui. Le programme a aussi certainement permis de rehausser la qualité de la recherche effectuée, sa créativité et la reconnaissance internationale de cette recherche.
D'autre part, en ce qui concerne l'éducation, notamment au niveau de l'enseignement du deuxième cycle universitaire, où les réseaux de centres d'excellence ont eu et continuent d'avoir un impact majeur, nous avons vu la création dans un domaine d'une masse critique qui n'aurait jamais été atteinte dans n'importe laquelle des universités participantes. Grâce à la présence du gouvernement fédéral, il a été possible de rassembler cette masse critique de ressources de partout au pays et de créer, pour les étudiants du deuxième cycle universitaire, des occasions d'apprentissage dépassant largement ce qui aurait pu être atteint dans n'importe quelle université de n'importe quelle province, et des occasions sur le plan international pour les étudiants ainsi qu'en raison du profil.
Ainsi, du côté du soutien des infrastructures - et je ne donne qu'un seul exemple; nous pourrions en trouver plusieurs autres - nous avons bien réussi. On voit la preuve du rôle très puissant du gouvernement fédéral en tant que facilitateur.
Mme Stewart: Permettez-moi de faire un essai. Étant donné la structure que nous avons, où un transfert est effectué essentiellement - comme mon collègue, M. Speaker, le souligne - sans aucun contrôle, sans aucune norme nationale comme pour le RAPC ou la Loi canadienne sur la santé, l'argent a été là, et vous avez tout de même réussi en dehors de cela ou malgré cette structure quant à quelques...
M. Leggett: Je crois que le point essentiel ici, c'est que ces sommes ne sont pas venues de transferts; elles sont venues directement du gouvernement fédéral...
Mme Stewart: De l'extérieur de ce processus.
M. Leggett: ...de l'extérieur de ce processus. Ce que nous avons proposé à votre comité au cours de notre réunion précédente, c'était que le gouvernement conserve - et non transfère - conserve une partie de ces fonds qui seraient utilisés de la façon dont, par exemple, les fonds des réseaux de centres d'excellence ont été utilisés, pour créer quelque chose allant au-delà de ce que les provinces...
Mme Stewart: Cela pourrait venir de plusieurs sources différentes.
M. Leggett: Oui, c'est ce que nous avons indiqué. Mais si tout l'argent est transféré aux provinces et que le gouvernement fédéral n'a aucune ressource financière pour appuyer, entreprendre et créer de telles initiatives, alors cette occasion est perdue. Une fois perdue, je dirais qu'elle est perdue pour toujours. Nous vous invitons donc fortement à conserver une partie de cet argent dans les coffres du gouvernement fédéral pour soutenir les infrastructures nécessaires à la création de ces occasions. De même, vous conserveriez une partie de cet argent pour appuyer l'aide aux étudiants par un régime de remboursement en fonction du revenu ou d'autres méthodes permettant d'élargir l'accès dans tout le pays.
Mme Stewart: Quelque chose de semblable au statu quo.
M. Leggett: Pas tout à fait.
Mme Stewart: Abordons la question différemment. En ce qui concerne la probabilité et la possibilité que les provinces se réunissent et travaillent davantage en commun en tant que pays, comme ce que nous voyons dans d'autres parties du monde, je crois que je vous ai entendu dire que vous voyez une possibilité de concertation, que vous n'avez eu aucune indication quant à un refus sur ce plan.
M. Leggett: Non. Je n'ai pas dit cela. Je ne me souviens pas avoir dit cela. J'ai dit, en réponse à la question posée, que si vous regardez le comportement des provinces au fil des ans, vous constaterez une stratégie assez différente d'une province à l'autre.
Permettez-moi de donner un exemple: la politique du gouvernement de l'Ontario en matière de frais de scolarité, dans la mesure où elle se rapporte aux étudiants étrangers et à l'ouverture du système d'éducation de l'Ontario aux étudiants étrangers, du premier et du deuxième cycles universitaires. La politique de ce gouvernement a toujours été d'augmenter les frais de scolarité imposés à ces étudiants. Le fait est qu'à l'heure actuelle l'Ontario n'est tout simplement plus compétitif sur le marché international des étudiants.
Le nombre d'étudiants étrangers au deuxième cycle dans nos universités plafonne. Le nombre d'étudiants de premier cycle est en baisse. En fait, pour vous donner un chiffre, les frais de scolarité pour un étudiant étranger de deuxième cycle dans une université de l'Ontario se chiffrent actuellement à environ 14 000$ par année.
Mme Stewart: Donc, en ce qui concerne l'accès équitable, nous n'avons pas très bien réussi.
M. Leggett: La Colombie-Britannique a une stratégie tout à fait différente. Dans cette province, ils accordent de l'importance aux étudiants étrangers et aux possibilités de recherches internationales; ils ont donc graduellement réduit les frais de scolarité, qui se chiffrent maintenant à environ 2 300$ pour un étudiant étranger du deuxième cycle universitaire. Il ne s'agit pas là d'une politique nationale. C'est un peu une question de chance. Nous pourrions aller dans toutes les autres provinces et obtenir...
Mme Stewart: La question suivante à discuter porte sur les modalités d'application et les nombreux modèles existants qui pourraient nous aider quant à cette question de l'accès équitable et d'une base commune élargie. Pourriez-vous nous suggérer certaines de ces choses? Je ne veux pas parler d'argent. Je ne veux pas parler de contrôle de l'argent.
Une chose qui me vient à l'esprit, c'est toute la question des barrières commerciales interprovinciales. Il est évident que l'éducation peut être déterminée comme étant une entité gagnante ou perdante. Voyez-vous une possibilité pour le gouvernement fédéral d'avoir des discussions facilitantes comme nous en avons déjà eu avec les provinces de ce point de vue, dans le but de fournir un meilleur accès? Quels sont certains des modèles possibles que nous pourrions examiner?
M. Leggett: Le programme Erasmus, en Europe, est un exemple d'une approche nationale, nationale sur le plan européen, une approche transnationale à l'éducation. Ce programme a connu une très grande réussite. Le nombre d'étudiants allant d'une université à une autre, d'un pays à un autre, et se faisant des relations internationales, est énorme. Comparez cela au modèle canadien, qui est plutôt décevant, c'est le moins qu'on puisse dire. C'est là un exemple.
Peut-être mes collègues voudront-ils en souligner d'autres, mais je crois qu'il y a...
Les Réseaux des centres d'excellence étaient une initiative du gouvernement fédéral. Elle n'est pas venue des provinces. Cette initiative, qui venait du gouvernement fédéral, a fourni l'infrastructure grâce à laquelle il a été possible pour moi, travaillant alors au Québec, d'échanger avec des collègues qui étaient en Colombie-Britannique, à Terre-Neuve, en Nouvelle-Écosse et en Ontario, puis de rassembler nos ressources respectives pour mener à bien une mission qu'aucun d'entre nous n'aurait pu réussir à partir d'une base provinciale. C'est là un autre exemple.
Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Je suis bien d'accord pour dire que les universités des provinces Atlantiques, la recherche en biologie marine, etc., le droit international de la mer à Dalhousie, et les programmes touchant les relations et les problèmes internationaux sont importants et réussissent très bien. Je crois que le nombre d'universités là-bas ainsi que la quantité de programmes d'éducation qui sont nationaux et internationaux sont exceptionnels.
La semaine dernière encore j'ai présidé une réunion avec les syndicats des professeurs enseignant dans les universités des provinces Atlantiques pour obtenir leurs commentaires. Un des points très importants qui sont ressortis de cette discussion, c'était la valeur ou l'avantage de l'éducation dans la société d'aujourd'hui. Les participants ont parlé d'un montant de près de 5 000$ comme avantage pour une personne se retrouvant sur le marché du travail après avoir obtenu son diplôme de premier cycle universitaire. Après un diplôme de deuxième cycle, un montant supplémentaire de 5 000$ peut être ajouté à la rémunération.
Pour certains journaux, l'avantage découlant d'un diplôme équivaut à 50 000$.
Je vous demande votre avis sur la façon dont nous pourrions mesurer cet avantage pour savoir ensuite comment nous pouvons financer l'éducation, parce que si l'avantage équivaut à 50 000$, alors nous pourrions certainement rembourser les prêts aux étudiants. Cependant, s'il ne s'agit que de 5 000$ et que les coûts augmentent proportionnellement, comme ce peut être le cas, alors nous n'allons peut-être nulle part. J'aimerais avoir vos commentaires.
M. Leggett: Il n'est pas possible de traiter ce sujet de façon aussi simple.
La meilleure étude que j'ai vue à ce sujet a en fait été réalisée par la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants. Cette étude a donné deux résultats très révélateurs.
Le premier est que le taux de chômage des étudiants qui possèdent un diplôme de deuxième cycle est beaucoup moins élevé que le taux de chômage de ceux qui n'ont pas cet avantage. Nous parlons d'environ la moitié ou moins. Il y a donc une valeur en soi qui ne se traduit pas dans ce que sera le revenu supplémentaire. Nous ne devrions pas supposer que tout le monde travaille, mais plutôt regarder qui travaille et quel est son revenu. Il s'agit donc d'un premier avantage, un avantage sociétal. Soit nous payons les gens pour qu'ils aillent à l'université, soit nous leur versons l'assurance-chômage ou l'aide sociale, et nous pourrions payer cela pendant longtemps.
De plus, en ce qui concerne la valeur ajoutée au revenu annuel d'un étudiant ayant son diplôme universitaire - je crois que vous parlez de revenu annuel - nous ne pouvons pas attribuer un seul chiffre à cette valeur. Pour une personne qui possède un diplôme de médecin pour 2 500$ par année de frais de scolarité, la valeur ajoutée lui permettra probablement de rembourser l'ensemble de son prêt en un an. La valeur ajoutée pour les étudiants en dentisterie et en droit, ou dans le secteur des affaires, est beaucoup plus élevée que celle pour les étudiants en sciences humaines ou sociales.
Il n'est donc pas possible de donner un seul chiffre à cette valeur, et je crois que c'est une des raisons pour lesquelles un certain nombre de pays, y compris le nôtre, ont parlé d'une possibilité de remboursement en fonction du revenu, qui touche cette question dans une large mesure. Il se pourrait qu'un étudiant ayant un diplôme en études classiques reçoive un avantage de 5 000$ annuellement, tandis qu'un étudiant en médecine recevrait entre 50 000$ et 75 000$ de plus que ce qu'il aurait reçu sans diplôme, et la politique de remboursement en fonction du revenu nous permet de...
Mme Brushett: Vous pensez donc que nous allons dans la bonne direction avec cette approche?
Le président: En tant que président, je fais face à un important dilemme. Nous avons déjà dépassé notre horaire de trois minutes avec ces témoins, et j'ai deux autres membres qui souhaitent poser des questions. Je vous laisse cela entre les mains.
Je crois comprendre de M. Walker que nous devons voter dans environ 25 minutes. C'est une question de procédure à la Chambre des communes. Je vais suggérer que nous avancions le plus possible et que nous revenions ensuite ici dès que possible pour tenter de nous réajuster de cette façon.
Des voix: D'accord.
Le président: D'accord? Thank you.
Vous êtes très importants pour notre avenir. Je ne suis pas certain de comprendre ce que vous nous dites. Vous dites que nous devons maintenir une présence, nous ne devons pas tout céder. Je crois que nous reculons peut-être, mais nous n'abdiquons pas. Nous n'effaçons pas notre présence. Je crois que votre préoccupation est qu'à la longue, si nous continuons pendant des années de cette manière, il pourrait ne plus y avoir aucune présence fédérale. Mais je ne vois pas comment le dernier budget a réduit ou effacé notre présence dans le domaine de l'éducation postsecondaire.
Êtes-vous d'accord avec cela?
M. Leggett: Je crois que notre lecture du projet de loi et la trajectoire que nous suivons est la suivante: vers l'an 2000, vous aurez perdu votre présence. C'est à peu près cela.
Le président: Vous voulez dire qu'il n'y aura plus de centres d'excellence, plus de prêts aux étudiants, plus de transferts aux provinces?
M. Lajeunesse: C'est exact, monsieur le président. Je crois que ce budget ne règle pas la question de l'aide aux étudiants. Nous nous posons des questions. Les étudiants ont le droit de savoir quelles sont les intentions du gouvernement fédéral.
Le président: D'accord, je comprends cela.
M. Lajeunesse: Il n'y a aucune infrastructure de recherche.
Le président: Nous avons le CNRC et les centres d'excellence.
Permettez-moi également de dire ceci. Il est très intéressant de constater que les groupes représentant le secteur de l'éducation, y compris les groupes d'étudiants, n'ont pas tous appuyé l'idée d'un régime de remboursement en fonction du revenu.
De toute façon nous participons ici à un grand débat national dont vous êtes une partie importante, et je vous remercie tous d'être ici. Nous l'apprécions.
Notre témoin suivant est Laurie Beachell, coordonnateur national du Conseil des Canadiens handicapés.
M. Laurie Beachell (coordonnateur national, Conseil des Canadiens handicapés): Merci. Je suis heureux d'être ici. Nous avions espéré que notre présidente nationale, Mme Francine Arsenault, pourrait être présente également. Elle a été malade hier soir et n'a donc pu venir.
Je comprends que vous avez des délais très serrés, et j'essaierai donc de résumer assez rapidement notre position et de passer rapidement aux questions.
Notre organisation en est une de personnes handicapées. Nous existons depuis 1976 et travaillons activement à la promotion d'un statut amélioré pour les Canadiens handicapés. Nous nous sommes attaqués aux domaines des transports, de l'emploi, du logement, des droits de l'homme, de la politique économique, de la politique sociale, etc.
Essentiellement, ce budget du gouvernement fédéral nous préoccupe de deux façons. Bien que nous reconnaissions la nécessité de mettre de l'ordre dans les affaires du Canada, nous sommes également d'avis que le déficit n'est pas la création des personnes handicapées. La plupart des personnes handicapées ont des revenus de moins de 10 000$, et ce ne sont pas elles ni leur dépendance à l'égard de services qui ont créé notre problème, puisque les Canadiens handicapées sont toujours considérablement désavantagés. En fait, les statistiques démontrent que même s'il y a eu des améliorations appréciables au cours des deux dernières décennies la situation économique des Canadiens handicapés n'a pas beaucoup changé.
Notre préoccupation générale en ce qui concerne le budget, c'était qu'en même temps que vous réduisez les paiements de transfert, les mesures visant le financement global ont créé un nouveau climat, une nouvelle situation dans laquelle les Canadiens handicapés et les services dont ils dépendent sont en concurrence avec les services de santé et l'éducation. Notre inquiétude, c'est qu'en raison de la réduction du financement, des mesures de financement global et de l'absence de processus permettant au gouvernement fédéral de déterminer la façon de dépenser ces fonds, vous faites courir un risque considérable à des personnes vulnérables.
Nous savons que les sommes allouées aux soins de santé augmentent; nous savons que les besoins en matière d'éducation augmentent également. En même temps, pour fournir les services de soutien dont les Canadiens ont besoin pour participer à leur collectivité et à l'économie, nous devons concurrencer ces besoins.
Les programmes à frais partagés comportaient auparavant différentes catégories de financement établissant certaines priorités quant à la prestation de services au pays. Ce n'est pas le cas dans le cadre du financement global.
On pourrait également dire que la seule norme énoncée dans le projet de loi C-76 est une exigence de non-résidence. Cela est loin des normes qui ont été établies dans le cadre du Régime d'assistance publique du Canada, de la norme selon laquelle l'aide serait fournie en fonction des besoins; qu'il y aurait un mécanisme d'appel si l'aide vous était refusée; qu'il n'était pas question de travail; que pour recevoir de l'aide, il n'était pas nécessaire que vous alliez travailler pour votre municipalité ou autre chose.
Il n'y a plus de mesures visant à faire l'équilibre des sommes fournies par le gouvernement fédéral pour des services que nous jugeons essentiels pour permettre aux Canadiens de faire partie de leur collectivité.
Il y a trois choses que nous voulons que vous sachiez: soit que les Canadiens handicapés sont toujours considérablement désavantagés; que le leadership du gouvernement fédéral dans le domaine de la politique relative aux personnes handicapées a été essentiel à l'avancement de la politique sociale pour les personnes handicapées; et que le financement global sans normes nationales remet en question l'égalité des chances pour les personnes handicapées, égalité que nous espérions voir venir.
Notre organisation a certainement travaillé en collaboration avec le gouvernement par le passé, et je crois qu'il est entendu que les Canadiens handicapés recherchent d'autres améliorations. Nous savons que les changements n'auront pas lieu du jour au lendemain. Nous savons que les désavantages, la pauvreté, l'isolement et l'institutionnalisation des personnes handicapées ne changeront pas du jour au lendemain. Cependant, nous considérons que l'attitude et les mesures progressives visant d'autres changements sont remises en question par les niveaux réduits de financement et par l'approche de financement global des services.
Nous avons énuméré un certain nombre d'inquiétudes liées au financement global: il pousse différents groupes désavantagés à se faire concurrence pour obtenir les ressources; il n'y a aucun mécanisme permettant de faire en sorte que les fonds soient dépensés d'une manière appuyée par tous. Tout ce que nous avons dans le projet de loi, c'est une invitation du ministre aux provinces pour qu'elles participent à une réunion pour discuter de la possibilité de convenir ensemble de normes nationales.
Étant donné le contexte, nous ne croyons pas qu'un consensus puisse être atteint. Vous chercherez à respecter les délais pour les élections dans les provinces; vous chercherez à respecter les délais des débats référendaires, et d'autres questions de cette nature. Il est peu probable que des normes puissent être élaborées pour l'ensemble du pays. À mon avis, le gouvernement fédéral devrait faire preuve d'un certain leadership dans les domaines essentiels de la politique sociale, et nous croyons que les personnes handicapées font partie de ces domaines.
Nous nous sommes opposés aux transferts des pouvoirs dans le cadre de l'Accord de Charlottetown, mais ce que nous voyons maintenant, non pas dans un cadre constitutionnel, mais dans un cadre économique, c'est que nous continuons à déléguer les responsabilités aux provinces. Nous croyions que les Canadiens avaient voté contre cela; nous, en tant que Canadiens handicapés, avons encouragé le vote contre l'Accord de Charlottetown.
En garantissant des normes relatives aux soins de santé, on prend une initiative positive que nous appuyons en tant que Canadiens handicapés; cependant, en garantissant ces normes, et rien d'autre, vous remettez en question tout le reste alors que des normes existent en vertu du Régime d'assistance publique du Canada ou de la Loi sur la réadaptation professionnelle des personnes handicapées.
Selon nous, un autre point important, c'est que les transferts liés à la santé et aux programmes sociaux doivent comporter un processus grâce auquel les Canadiens pourront participer aux discussions avec les provinces, et ces discussions doivent être assez libres. Nous savons que le débat entre les provinces et le gouvernement fédéral sera difficile, mais nous croyons que les Canadiens doivent également avoir l'occasion de faire connaître leurs souhaits dans ce débat, mais, jusqu'à maintenant, rien n'a été mis en place à cet égard.
J'aimerais également dire qu'il y a lieu d'élaborer, dans ce contexte, un mécanisme pour ce que nous pourrions appeler une vérification sociale, soit une façon de déterminer, comme pays, comment les sommes sont dépensées. Si vous transférez des fonds aux provinces, iront-ils à des services sociaux nécessaires, ou iront-ils aux égouts et aux routes, et est-ce cela que vous voulez faire comme nation?
Les Canadiens handicapés ont profité du leadership du gouvernement fédéral, qui demeure essentiel pour que nous puissions atteindre le statut de citoyens égaux dans notre pays. Depuis 1982, il y a eu des initiatives du gouvernement fédéral qui ont été importantes pour nous. Nous voudrions que cela se poursuive.
En même temps que le budget a changé de climat en ce qui concerne les programmes de transfert, le fonds d'investissement dans les ressources humaines nous préoccupe beaucoup. À l'heure actuelle, aucun mécanisme de consultation n'est en place à l'égard du fonds d'investissement dans les ressources humaines. D'après moi, vous devrez, en tant que députés, prendre des décisions à ce sujet au début de juin, et il n'y a encore eu aucune discussion avec la collectivité sur la façon dont cela se fera.
Le gouvernement fédéral délègue de plus en plus ses responsabilités à l'égard des personnes handicapées, et cela nous fait peur. Certains de nos membres laissent entendre qu'ils rechercheront maintenant les provinces offrant les meilleurs programmes de services sociaux et qu'ils déménageront. Nous connaissons déjà des cas de personnes qui déménagent d'une province à l'autre.
Voulons-nous d'un pays où les gens vulnérables doivent déménager, comme dans les années trente, pour trouver soit un emploi à temps partiel, soit du soutien? Ce n'est pas là la vision du Canada que nous avions. Ce n'est pas là le Canada auquel nous croyons, tel qu'il est décrit dans la Charte canadienne des droits et libertés.
En bout de ligne, ce que nous voulons, c'est de voir les personnes handicapées participer à la discussion entourant le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux et voir à la mise en place d'un processus de vérification sociale. Nous voulons voir l'élaboration de normes à l'échelle du pays relativement à ce transfert. Nous voulons que des normes nationales soient adoptées pour assurer la transférabilité, l'affectation des ressources selon les besoins, une garantie de mécanismes d'appel pour ceux à qui l'aide a été refusée, un engagement selon lequel l'aide sera suffisante pour couvrir les besoins de base, une interdiction du travail obligatoire et l'élaboration également de mécanismes d'évaluation et de vérification sociale.
Nous croyons également qu'une initiative stratégique du gouvernement fédéral est nécessaire en ce qui concerne les personnes handicapées. Depuis 1982, nous voyons qu'elle est nécessaire. Nous voudrions qu'elle soit maintenue.
En dernier recours, si ces normes ne sont pas élaborées, la seule option dont disposent les Canadiens handicapés, c'est de contester devant les tribunaux les lois qui ne prévoient pas de ressources suffisantes ou qui les empêchent de participer à la collectivité, de contester en cour les immeubles inaccessibles, les bureaux de vote inaccessibles, les systèmes de transport inaccessibles, l'inégalité d'accès à l'emploi, etc. Ce n'est pas là la méthode que nous préférons. Nous ne croyons pas que les tribunaux rendront nécessairement les meilleures décisions, mais nous nous retrouvons de plus en plus souvent devant les tribunaux.
Franchement, au sein de la collectivité des personnes handicapées, il y a un climat de frayeur et...
Le président: Monsieur Beachell, est-ce que je pourrais vous interrompre pour une seconde?
Nous avons la possibilité de pairer si M. Speaker souhaite rester; deux d'entre nous pourraient rester ici et poursuivre les délibérations, ou nous pouvons prendre une pause et revenir pour entendre M. Beachell.
M. Speaker: Pourriez-vous me dire sur quoi porte le vote?
Le président: Une question de procédure.
Est-ce que quelqu'un du bureau du whip pourrait nous dire de quoi il s'agit?
M. Walker (Winnipeg-Nord-Centre): Je me demandais si M. Beachell pourrait, pour le compte rendu, présenter ses collègues qui ne sont pas à la table, mais qui sont ici avec lui.
Le président: Ce serait parfait.
M. Beachell: Traci Walters est directeur administratif de l'Association canadienne des centres de vie autonome; George Simpson travaille pour le Centre de vie autonome d'Ottawa; Lorne Daley travaille pour l'Association canadienne des centres de vie autonome, tout comme Michael Horne.
Je crois qu'ils vous feront un exposé jeudi après-midi. Je crois également que l'Association canadienne pour l'intégration communautaire fera un exposé la semaine prochaine. Ainsi, un certain nombre de groupes de personnes handicapées vont se présenter.
Le président: Nous poursuivons la réunion. Nous avons encore le quorum; c'est merveilleux.
Je suis heureux que nous puissions poursuivre, monsieur Beachell, car c'est très important pour nous tous. Je m'excuse de l'interruption.
M. Beachell: Je comprends que cette situation puisse se produire; nous avons en effet comparu à de nombreuses occasions devant des comités parlementaires.
Je disais que chez nous on manifeste passablement d'anxiété à l'heure actuelle à cause de la question du financement global, mais à cause également de problèmes plus vastes, de points chauds touchant directement les handicapés. En particulier, nous sommes très sensibles au débat autour de la question du suicide assisté, l'euthanasie.
Nous sommes intervenus dans l'affaire Latimer, en Saskatchewan. Nos membres ont été affligés de constater qu'une partie de l'opinion publique s'était rangée derrière M. Latimer après l'assassinat de sa fille, une enfant invalide.
Ce genre d'événements commencent à nous porter à croire que nous n'avons pas progressé selon nos espérances ces 20 dernières années. Une forte proportion de la population continue de considérer que les Canadiens handicapés ne sont pas des citoyens à part entière. Nombre de personnes soutiennent également que lorsqu'une personne handicapée est assassinée, la sentence imposée au coupable devrait être moins sévère que s'il s'agissait d'une personne non handicapée. Cette position est odieuse et très stressante pour nous.
Je ne veux pas exagérer l'importance de ce projet de loi, mais il suit une tendance générale qui a été perçue: le gouvernement fédéral, qui a joué un important rôle de chef de file à l'échelle nationale et internationale à l'égard des questions d'invalidité, délaisse maintenant ces questions.
Nous continuons de constater de la bonne volonté au sein de différents ministères, et par suite de nos rencontres avec MM. Martin et Axworthy, de même qu'avec d'autres députés. Dans le contexte actuel, toutefois, il appert que l'attention est de moins en moins dirigée vers les handicapés, alors qu'elle continue à converger vers d'autres questions.
Des organismes qui dispensaient des programmes de préparation à l'emploi nous apprennent qu'ils ont cessé d'être financés parce qu'ils ne servaient pas des prestataires de l'assurance-chômage. Si nous concentrons nos programmes actuels visant l'emploi uniquement vers ces prestataires, il sera impossible pour les gens qui vivent de l'aide sociale, les personnes handicapées, les mères chefs de famille, etc., d'intégrer les rangs de la population active.
En terminant, je me contenterai de dire que le malaise ne se limite pas uniquement au projet de loi C-76 et à son contenu. Il découle également d'un problème de vieille date concernant les transports, soit la délégation des responsabilités entourant les aéroports à des intérêts privés, etc., la compression des effectifs du ministère, de 2 000 à 300 employés - un changement avec lequel nous devons composer - et les nombreux paliers de compétence requis pour garantir l'égalité d'accès aux transports dans notre pays.
Ce n'est donc pas uniquement ce projet de loi qui nous inquiète.
C'est plutôt qu'au sein de nos troupes on a généralement l'impression que le gouvernement fédéral est moins enclin à tenir ses promesses d'égalité d'accès à tous les citoyens. Les handicapés sont fort peinés de faire ce constat.
Je pense que d'autres intervenants comparaîtront au cours des prochaines semaines. Nous espérons pouvoir rencontrer les députés dans leurs circonscriptions ainsi que sur la colline du Parlement afin de leur faire part de nos doléances. Voilà; je vous invite à m'adresser vos questions, si vous en avez.
Le président: Nous en avons. Merci beaucoup, monsieur Beachell.
Monsieur Speaker.
M. Speaker: Vous avez fait un bon exposé, et je comprends fort bien votre point de vue.
Je suis sensible à votre dernière déclaration, celle portant sur la peine imposée à la personne à laquelle vous faites allusion. Pour nous, législateurs, ce rappel s'impose à ce stade, car cette décision semble presque avoir été prise avant qu'elle soit présentée au Parlement.
M. Beachell: Oui,
M. Speaker: En ce qui a trait à la question fondamentale que nous débattons maintenant - que vous avez soulevée, tout comme l'ont fait les personnes qui ont présenté des exposés immédiatement avant vous - sur le plan des normes nationales appliquées par le gouvernement fédéral afin d'assurer le maintien de certains niveaux de financement, ainsi que le maintien d'un certain cadre législatif, il semblerait ressortir de votre exposé que vous êtes en faveur de telles mesures, qui devraient même être renforcées par rapport à l'autonomie, aux compétences et aux responsabilités conférées aux provinces.
Pourriez-vous m'aider à ce sujet? Les municipalités, les gouvernements provinciaux et fédéral ainsi que les entreprises du secteur privé ont tous dû subir des rationalisations qui ont des effets sur leurs recettes et leurs dépenses. Pourriez-vous nous dire, pour nous aider un peu, s'il se produit présentement des choses au Canada qui mettront en évidence ce manque de compassion, une orientation législative ou un modèle de budgétisation qui vous affecterait en tant qu'organisme ou qui affecterait les handicapés dans l'ensemble du Canada?
M. Beachell: Certainement. Pendant que le gouvernement fédéral refile ce que nous considérons être ses responsabilités, parallèlement nous constatons que les gouvernements provinciaux en font autant avec les municipalités. Bien souvent, ces dernières ne possèdent pas de longs antécédents au chapitre de l'exécution des programmes concernant les handicapés et ne disposent ni des programmes ni de l'infrastructure requis.
Nous assistons dans bien des cas à un retour à la médicalisation de l'aide civique et communautaire, de sorte que tous les services visant les personnes handicapées sont de nouveau soumis au cadre médical. À notre avis, ce cadre est extrêmement onéreux, car les médecins coûtent cher. Nous estimons que les organismes communautaires seraient mieux en mesure de dispenser cette aide que les organismes qui représentent les professionnels de la santé.
Nous assistons à un autre phénomène à l'échelle du pays: le «dégraissage», c'est-à-dire l'accent mis sur les moins démunis, le rendement de l'investissement, les résultats immédiats destinés à démontrer que vous permettez aux gens de retourner travailler. Ceux et celles qui sont les plus démunis ne reçoivent pas le même genre de soutien.
On se livre au jeu des statistiques, et à mon avis les personnes les plus handicapées ne reçoivent pas la même aide qu'auparavant.
Nous assistons au Canada à une régression du côté des soins à domicile, de sorte que les gens ne peuvent plus demeurer chez eux comme ils le faisaient. Les réseaux de transport qui prenaient de l'expansion et permettaient de meilleurs programmes d'accès communautaire et professionnel, etc., subissent un recul. Même si vous trouvez le programme de formation qui vous convient, il est peu probable que vous y aurez accès, car il n'y aura pas de moyen de transport régulier qui vous permettra d'arriver à temps.
Le gouvernement fédéral pourrait agir comme chef de file dans le domaine des transports. Des progrès importants ont été réalisés au chapitre de l'accessibilité du transport aérien, du transport par autobus et par train, etc., et même le gouvernement fédéral encourage les municipalités à faire l'acquisition de véhicules accessibles.
Par contre, il n'y a essentiellement aucun progrès du côté des réseaux d'autobus interprovinciaux, le système de transport le moins dispendieux au pays. Si ce réseau n'est pas accessible, c'est à mon avis à cause du gouvernement fédéral, qui concédait en 1954 ses compétences en la matière aux provinces.
Ces dernières n'ont jamais réussi à s'entendre sur les normes à mettre en application. Elles convenaient il y a un an d'établir une norme d'accessibilité nationale, laquelle serait toutefois régie par 13 compétences différentes. Par exemple, si vous prenez l'autobus à Winnipeg et passez par Thunder Bay et que vous avez des problèmes, vous pourriez devoir déposer votre plainte conformément à la loi sur les véhicules automobiles de l'Ontario et du Manitoba.
Ces deux réseaux diffèrent du réseau fédéral. En effet, il est facile de déposer une plainte concernant ce dernier réseau, alors qu'il faut avoir recours à un conseiller juridique dans le cas des deux autres réseaux. Nous ne voulons pas d'un tel système dans les services sociaux, où 12 ou 13 paliers de compétence doivent être mis au point.
Prenons l'exemple d'une étudiante de la Saskatchewan venue faire sa maîtrise en travail social à l'université Carleton. Ici, en Ontario, elle a pu intégrer son travail de préposée aux soins à son programme, tout en pouvant fréquenter l'université pour y faire sa maîtrise. Elle désire retourner vivre chez elle, en Saskatchewan, afin d'y faire son stage en travail social, mais là-bas elle ne peut intégrer le travail de préposée aux soins. Si elle retourne faire son stage en Saskatchewan elle devra elle-même engager et payer un préposé pendant ses quatre mois de stage.
Nous savons que ces inégalités existent. Et nous croyons qu'elles vont empirer.
M. Speaker: Monsieur le président, je ne connais pas de moyen pour empêcher de telles situations. Je crois qu'il s'agit d'un bon exemple de normes qui seraient inappropriées si elles relevaient de la seule compétence provinciale.
M. Beachell: En outre, la seule norme qui figure dans cette loi a trait à la non-résidence. Cela signifie tout simplement que vous avez le droit de vous déplacer pour trouver le meilleur système possible, et cette situation nous fait penser aux chemins de fer des années trente. Ce n'est pas le genre de Canada dont nous voulons, je crois.
M. Speaker: J'allais vous faire valoir que les autorités locales ou provinciales, qui sont plus près des besoins des gens dans ces domaines, devraient être mieux en mesure de s'acquitter de cette tâche qu'une instance nationale, par exemple.
En ma qualité d'ancien ministre de la Santé et du Développement social, je sais que lorsque j'instaurais une politique à ce moment-là je ne pensais jamais au gouvernement fédéral. Nous n'avions qu'à foncer et à faire pour le mieux dans les circonstances, puis quatre ou cinq personnes venaient se quereller en coulisse au sujet des répartitions dans le cadre du Régime d'assistance publique du Canada. C'est de cette façon que nous procédions: d'abord agir, ensuite argumenter.
C'est l'argument que je voulais vous présenter, et j'aimerais que vous y réfléchissiez. C'est de cette façon que cela se passe.
M. Beachell: Nous ne prétendons pas que les anciens modèles étaient parfaits. Nous ne prétendons pas non plus que le Régime d'assistance publique du Canada, le Programme de réadaptation professionnelle des personnes handicapées ou le financement des programmes établis étaient parfaits, mais, à notre avis, peut-être ont-ils finalement eu plus d'effets positifs que les programmes vers lesquels nous nous dirigeons présentement.
Le principe de l'autonomie et de la compétence locales est merveilleux. Il laisse place à l'imagination, à la créativité, mais encore faut-il que la communauté soit en mesure de brosser un tableau global et soit appuyée de façon pertinente. J'ai constaté dans certaines des petites communautés où j'ai travaillé un sens du leadership et un potentiel de créativité et d'innovation exceptionnels. Je me suis également rendu dans des communautés où le découragement et le désespoir total régnaient, où les choses devaient être amorcées de l'extérieur pour engager le mouvement.
Nous serions bien heureux que les provinces et le gouvernement fédéral s'entendent sur des normes nationales et des mécanismes d'appel, etc.
M. Speaker: C'est là qu'il y a eu échec, comme vous le dites; les provinces, du point de vue des normes de transport, n'ont pu s'entendre et ont tenté... Elles innovent toutes à leur propre façon, ce qui rend les déplacements d'une province à l'autre très difficiles.
M. Beachell: Dans ce contexte, nous doutons que les gouvernements fédéral et provinciaux puissent s'entendre sur des normes de fond.
M. Speaker: Les provinces qui élaborent cette politique en matière de transport pensent-elles d'abord aux répercussions juridiques plutôt qu'à l'accessibilité?
M. Beachell: Effectivement, il y a eu entente au sujet d'une norme nationale. Des lignes directrices et une réglementation ont été rédigées, présentées au ministre des Transports et discutées par les ministres fédéraux et provinciaux. La réglementation nous revient, et le message que nous entendons, c'est que l'on souhaite l'adoption d'un système d'observation volontaire et non pas d'un système exécutoire. Cette position n'est pas acceptable.
Mme Stewart: Nous convenons que le système actuel n'a pas éliminé les différences, et, mon Dieu, vous craignez que si nous enpruntons cette direction, la situation pourrait empirer au lieu de s'améliorer. Mais il existe une voie pour amorcer le mouvement dans une direction qui pourrait être différente, positive. À cet égard, vous avez signalé dans votre exposé un moyen qui promet beaucoup, à mon avis; je parle du processus de vérification sociale.
Peut-être voulons-nous trouver des façons de permettre au gouvernement fédéral de jouer un rôle extrêmement important pour faciliter l'accès aux programmes à tous les Canadiens, un rôle ne se limitant pas seulement au financement. Le gouvernement fédéral pourra peut-être se charger de cette vérification sociale dans chaque province et en diffuser les résultats largement. Ce genre de stimulation pourrait nous mener vers un système amélioré.
Au sujet de cette stratégie, comment la verriez-vous? Un bon comité parlementaire ou un comité mixte pourraient-ils servir aux fins des vérifications? Avez-vous pensé également aux outils qui pourraient être utilisés?
M. Beachell: Nous ne nous sommes pas vraiment beaucoup penchés sur la question. En bout de ligne, si un gouvernement ne sait pas de quelle façon les dollars qu'il investit sont dépensés, qu'est-ce qui lui indique qu'on s'attaque aux problèmes?
Mme Stewart: De toute évidence, dans le cadre du système actuel, nous fournissons les fonds ainsi que les lignes directrices, comme on l'a déjà dit. Néanmoins, vous relevez des différences; tout n'est pas encore parfait.
M. Beachell: Non, tout n'est pas encore parfait.
Mme Stewart: La solution ne s'est pas trouvée dans le transfert, ni même dans les normes. L'optimiste en moi me dit qu'il faut pencher du côté des stratégies du XXIe siècle, des stratégies qui n'ont pas encore été mises à l'essai et qui, mon Dieu, pourraient vraiment changer les choses. De plus, le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle à un niveau différent. Votre concept de vérification sociale est excellent, à mon avis.
M. Beachell: Je crois qu'il promet beaucoup et qu'il faut analyser en profondeur les façons de situer les questions relatives à la qualité de vie dans différentes compétences. Il sera absolument essentiel que ce projet soit étoffé, de façon que nous sachions qui...
Mme Stewart: Mais il pourrait s'agir d'un examen qu'effectueraient les parlementaires, en supposant la présence de toutes les provinces, qui viendraient répondre à une série de questions sur différents sujets.
M. Beachell: Oui, il pourrait s'agir d'un processus parlementaire, d'un comité... Nous examinons déjà par l'entremise de Statistique Canada toute une gamme d'autres questions. Ce genre d'analyse est faisable. Nous effectuons ou faisons effectuer des analyses comparatives touchant différents pays et...
Mme Stewart: ...notre position va dans ce sens.
M. Beachell: Oui.
Mme Stewart: Mais peut-être pourrions-nous travailler ensemble à un tel projet dans le but d'établir des solutions qui seraient acceptables pour la communauté et qui nous permettraient de réaliser des essais.
Autre chose; lorsque nous parlons de transports, il peut s'agir de textes législatifs. Par l'intermédiaire du droit pénal, des mesures législatives concernant l'équité en matière d'emploi, des lois dans le domaine du transport, il nous est encore possible de signaler, au moins aux sociétés sur lesquelles nous exerçons une certaine compétence: «Vous devez avoir des normes, et les respecter.» Nous ne perdons rien de ce côté. En fait, nous pourrions renforcer ce rôle.
M. Beachell: Effectivement, nous pourrions le renforcer. Le gouvernement fédéral a joué un rôle important dans le domaine des transports et a dû exiger, au moyen de mesures législatives, que les transporteurs ne restreignent pas indûment la mobilité des handicapés. Il a créé un mécanisme, l'Office national des transports, dont le mandat est de recevoir les plaintes, etc. Je crois qu'effectivement, c'est ce que nous voulons.
Nous ne prenons pas position au sujet de la privatisation. Que ce soit le gouvernement ou l'entreprise privée qui nous offre le service, nous désirons y avoir accès. Si des aéroports ou des secteurs des transports sont privatisés, nous voulons que les contrats de vente ou autres soient assortis d'une garantie d'égalité d'accès à tous les Canadiens, notamment aux handicapés.
Mme Stewart: J'ai un autre court commentaire à faire. Pourriez-vous me répondre? Récemment, le ministre du Développement des ressources humaines a présenté certaines modifications qui seront apportées au programme d'invalidité du RPC. Ces changements ont été fort bien accueillis par mes commettants handicapés, et j'espère que personne n'ira interpréter ces modifications dans le sens d'un programme de travail obligatoire. Au contraire, nous devons apporter notre soutien et reconnaître que nous ne favorisons pas la médicalisation, préférant une approche proactive. Est-ce votre interprétation?
M. Beachell: Les modifications apportées au RPC ont eu un effet positif. À notre avis, elles vont dans le bon sens, et nous sommes bien heureux de constater que les personnes conserveront leurs prestations d'invalidité dans le cadre du RPC tout en continuant de travailler pendant un certain temps. Cette mesure nous semble positive.
D'autres mesures pourraient être prises pour permettre aux gens de travailler à temps partiel. Bon nombre de personnes handicapées pourraient effectivement travailler à temps partiel. Elles ne veulent pas être étiquetées comme étant inaptes au travail en permanence. Elles désirent donc pouvoir travailler à temps partiel et conserver une partie des sommes qu'elles pourraient recueillir, plutôt que l'assistance sociale récupère le tout.
Il y a là un certain nombre de changements progressistes. Pour les handicapés, le facteur clé n'est pas tant le programme que la qualité de ses ramifications avec d'autres programmes.
Mme Stewart: Le contenu.
M. Beachell: Vous pouvez trouver des ressources pour la formation des personnes handicapées, mais sans les services d'appui, tels les soins auxiliaires, les services d'interprétation, le matériel pertinent et les médias substituts pour les personnes aveugles, etc., le programme de formation est voué à l'échec. Pour nous, donc, l'interconnectivité des services est essentielle.
Dans le cadre des transferts globaux, nous craignons que les services de la santé, de l'éducation et de l'aide sociale ne soient avantagés au niveau du financement au détriment des services sociaux. Étant donné que les provinces doivent composer avec une escalade des coûts liés à la santé et à l'éducation, nous croyons que les services de soutien communautaire qui serviront d'accès à ces systèmes sont en péril.
Mme Stewart: À mon avis, cela signifie qu'il faut travailler encore plus fort. Il y a quelques autres solutions, que nous trouverons et concrétiserons à force d'acharnement.
M. Beachell: Il faut un engagement politique qui se traduise par une vision et un projet à l'échelle nationale. Cet engagement doit se concrétiser dans les textes législatifs et la réglementation pertinents.
Nous croyons que c'est ce que nous avons obtenu en 1982 lorsque la Charte des droits et libertés a été entérinée avec sa disposition contre la discrimination basée sur les capacités physiques ou intellectuelles. Nous sommes surpris du nombre d'occasions où nous sommes encore forcés d'aller devant les tribunaux pour contester les textes législatifs existants. Nous aimerions mieux consacrer nos énergies à autre chose. Nous ne tenons pas à engager à grands frais des avocats pour tenter de poursuivre des gouvernements, de quelque palier qu'ils soient. Cela ne rime à rien.
M. Speaker: Ne croyez-vous pas qu'au niveau provincial on discute beaucoup présentement des programmes communautaires de bénévoles, de ce genre de choses? Ne s'agit-il pas de mots à la mode chez les gouvernements provinciaux? On sait qu'il n'y a pas de fonds pour ces programmes, mais il y aura sans doute un groupe de bénévoles qui vont prendre les choses en main, que vous serez parmi ces groupes, et que vous vous chargerez des services que vous dispensiez auparavant.
M. Beachell: Bon nombre des organismes de bénévoles exploitent déjà leurs ressources à la limite. Ces dernières diminuent en nombre, car nos communautés ont changé. En vérité, on ne trouve plus les mêmes gens pour faire du bénévolat. Je ne voudrais pas que mon commentaire soit interprété comme étant sexiste, mais il y a 15 ans nous retrouvions souvent un grand nombre de femmes de nos communauté pour diriger ces organismes et accorder un appui massif à la population.
Les familles ne se fient plus maintenant à un seul revenu; elles ont beaucoup de mal à joindre les deux bouts avec deux revenus, sans compter qu'elles consacrent le peu de temps qu'il leur reste à leurs enfants. La situation n'est plus comme il y a 15 ans; ce ne sont plus les mêmes gens qui dirigent les organismes bénévoles.
Ces organismes sont invités à assumer de plus en plus de responsabilités et à s'en remettre davantage au financement privé. Nous ne voulons pas d'un pays où il faut faire des téléthons chaque semaine pour pleurer sur l'épaule des gens et leur expliquer la gravité de notre situation pour qu'ils nous envoient 10$ par la poste. À notre avis, les Canadiens handicapés ne méritent pas un tel traitement comme citoyens de notre pays.
Il faut donc un engagement à tous les niveaux, aux paliers municipal, provincial et fédéral. Déjà, certaines stratégies de collaboration ont été pensées dans ce sens. Il s'agit d'énoncer une vision.
Le gouvernement fédéral a déjà agi de la sorte dans le passé. Nous estimons qu'il doit continuer à jouer un rôle, et nous craignons que le transfert de pouvoirs ne lui nuise considérablement à ce chapitre.
M. Speaker: Aux termes du Régime d'assistance publique du Canada, les provinces ont joui d'une grande autonomie relativement aux programmes d'orientation de principe et aux priorités touchant les dépenses. Je ne sais pas jusqu'à quand remonte votre expérience, Laurie, mais durant les années 1975 à 1982 les dépenses gouvernementales ont sans cesse augmenté. Nous en subissons en partie les contrecoups aujourd'hui, car nous avons été incapables de suivre la cadence.
Pendant cette période, avez-vous trouvé que les provinces ont pu, en établissant leurs orientations, répondre davantage aux besoins des handicapés? Le pays se comportait-il mieux à l'époque?
M. Beachell: Je ne suis pas convaincu que nous faisons mieux. Je pense que des sommes d'argent étaient dépensées, mais je ne suis pas certain qu'elles l'étaient judicieusement. Le milieu des années 1970 a été marqué par le début véritable du mouvement de consommation chez les personnes handicapées. Encore aujourd'hui, la plus grande partie de nos dépenses sont destinées aux soins médicaux en établissement.
Je pense qu'il existe maintenant des options économiques consistant à transférer directement les fonds aux personnes afin qu'elles fassent l'acquisition des services dont elles ont besoin. À mon avis, ces modèles existent présentement, et nous pouvons vraiment... Je ne veux pas copier les propos de M. Martin, mais nous pouvons faire plus avec moins, ou autant. Il existe différentes façons de dépenser cet argent.
Nous sommes vraiment peu disposés à affirmer que les personnes handicapées, qui sont mal servies depuis 20 ans, peuvent faire mieux avec moins. Comment faire une telle affirmation quand on sait qu'on ne répondait pas aux besoins des handicapés il y a 20 ans, 10 ans, 5 ans ou même 2 ans?
Essentiellement, nous estimons que la stratégie du gouvernement fédéral consistant à renflouer son assiette fiscale au détriment des défavorisés au Canada est malavisée à long terme. Nous ne voulons pas dans chaque grand centre urbain de notre pays d'une rue Yonge, où les personnes handicapées s'assoient et mendient comme elles le faisaient il y a 40 ans. Ce n'est pas notre vision du Canada, mais c'est la réalité.
Je le répète, ce sont les plus vulnérables parmi les handicapés qui écopent. Ce sont les gens qui présentent les handicaps les plus marqués. Sans soutien, ils n'ont pas vraiment d'autre choix que de dépendre complètement de leur famille, d'amis ou d'un organisme de bienfaisance en faisant appel à leur compassion. Ce n'est pas cela l'égalité civique.
M. Speaker: Vous faites état d'une vision dans le contexte économique actuel. Pourriez-vous élaborer?
M. Beachell: Certainement.
M. Speaker: Il s'agit d'une très vaste question, mais je crois que dans le contexte du financement présentement... [Inaudible].
M. Beachell: Cette vision appelle une responsabilisation des personnes, un transfert de responsabilité aux personnes handicapées leur permettant de prendre des risques. Nous connaissons des gens qui sont demeurés pendant des années à l'hôpital ou dans des centres de soins infirmiers où ce genre de soins constituaient la seule option possible. Mais si les sommes consacrées à ces soins avaient été versées aux personnes concernées afin qu'elles fassent l'acquisition de leur propre système, elles auraient probablement pu se doter d'un système qui les satisferait davantage, qui leur permettrait de demeurer dans leur propre appartement avec un préposé résidant, ou qui leur permettrait d'engager leur voisin pour 5$ afin de faire les repas ou autre chose.
Nous préconisons un système plus souple qu'auparavant.
M. Speaker: Je comprends bien.
M. Beachell: Nous préconisons que les personnes handicapées soient appelées sur une base régulière à relever les obstacles et à indiquer comment les éliminer, afin d'améliorer la situation.
M. Speaker: Vous voulez dire que chaque personne peut porter un jugement si elle dispose de certaines garanties financières. Croyez-vous que cela pourrait se faire sous l'égide du programme d'aide sociale, ou encore...? Il y avait l'autre fonds global, appelé H, si je me souviens bien, que les handicapés pouvaient recevoir. Qu'en pensez-vous? Je me souviens qu'on posait toujours la question du point de vue de la dignité. S'agissait-il de charité ou d'un système de soutien pourvu d'un peu de respect?
M. Beachell: Nous croyons que les Canadiens handicapés ne devraient pas être tenus de supporter les frais de leur invalidité. Ces frais devraient être assumés à l'aide de mécanismes visant la société dans son ensemble. À cet égard, nous suggérerions une structure fiscale qui permette de compenser des frais d'invalidité supplémentaires.
Bon nombre d'entre nous disposent d'une assurance-invalidité par l'entremise de régimes privés ou professionnels, ou par l'entremise d'indemnisations des accidents du travail, etc. Nous payons tous très cher au Canada afin de nous assurer une protection contre les risques de devenir handicapé. Des sociétés s'enrichissent grâce à ces régimes. Nous verrions d'un bon oeil un programme d'assurance-invalidité global destiné à tous les Canadiens, de sorte que notre niveau de vie ne dépende pas de la façon dont nous sommes devenus handicapés.
Présentement, si vous êtes blessé lors d'un accident d'automobile, vous pouvez en règle générale poursuivre quelqu'un, obtenir des sommes d'argent décentes et espérer continuer à mener une vie active. Si vous avez un handicap dû au travail, vous pouvez recevoir une assurance-invalidité de longue durée ou une autre indemnité, telle que celle qui est prévue pour les accidents du travail, et si vous êtes né handicapé, vous avez droit au bien-être. C'est ainsi que fonctionne essentiellement le régime actuel.
À notre avis, le ministère des Finances devrait également examiner, dans le cadre de sa révision du régime fiscal, divers modes de compensation des frais supplémentaires. Il y a eu diverses approches progressives à la solution de ce problème, mais nous croyons qu'il faudrait élargir notre champ d'étude pour inclure d'autres façons de procéder.
Le président: Je n'aimerais pas être handicapé, et j'aimerais encore moins, dans les circonstances actuelles, être pauvre et handicapé. Je crois que vous avez fait ressortir de façon très éloquente notre devoir à tous face aux personnes qui souffrent d'un handicap, et je tiens à vous remercier sincèrement des arguments très convaincants que vous avez présentés.
M. Beachell: Merci.
Le président: Je crois que M. White préférerait attendre qu'un plus grand nombre de députés aient fini de voter. Un délai de cinq minutes serait-il suffisant? Je crois comprendre que le vote est maintenant terminé. Nous reprendrons dans cinq minutes.
PAUSE
Le président: Nous reprenons nos travaux.
Nous entendrons maintenant les représentants du Congrès du travail du Canada, c'est-à-dire le président, Bob White, Cindy Wiggins, recherchiste principale, et Andrew Jackson, économiste principal, qui ont déjà comparu devant le comité.
Vos témoignages et votre présence parmi nous sont toujours fort appréciés. Nous regrettons, monsieur White, de ne pouvoir vous accorder tout le temps prévu, mais nous essayerons d'être aussi généreux que possible.
M. Robert White (président, Congrès du travail du Canada): Je serai aussi direct que possible pour ne pas perdre de temps.
Je tiens d'abord à remercier M. Peterson et les députés de cette occasion qui m'est donnée de comparaître devant le comité.
Je n'irai pas par quatre chemins, car le projet de loi a suscité de vives réactions qui nous ont incités à rédiger un mémoire détaillé. Je commencerai par présenter certaines observations préliminaires qui seront suivies d'une période de questions, si le temps le permet.
Nous sommes revenus devant votre comité parce que, à notre avis, le projet de loi C-76 est tombé comme une bombe sur le peuple canadien, et celui-ci n'a pas conscience de toutes ses répercussions.
Lorsque nous avons comparu devant le comité avant le budget, nous avons indiqué que le chômage et ses conséquences sociales et économiques étaient les premiers problèmes auxquels le Canada devait s'attaquer. Nous avons prié le gouvernement d'accorder une importance prioritaire à la création d'emplois et de ne pas adopter, à l'instar des gouvernements précédents, une politique de réduction du déficit s'appuyant uniquement sur une compression massive des dépenses.
Nous croyons qu'il existe des solutions de rechange à cette approche qui sont critiques et qui permettraient de réduire le déficit à 3 p. 100 du PIB de façon stable et équilibrée, comme le gouvernement avait promis de le faire lorsqu'il s'est présenté aux élections.
Nous avons fait un pas de plus en 1994 en préparant, en collaboration avec une organisation du Manitoba appelée Choices Coalition, le Centre canadien de recherche en politiques de rechange et un certain nombre d'économistes du pays, un budget fédéral de rechange qui n'est pas une simple liste de voeux, mais qui a été établie en fonction de l'objectif même du gouvernement, qui est de réduire le déficit à 3 p. 100 du PIB.
Nous avons montré qu'en adoptant une politique fiscale et monétaire crédible il était possible de créer des emplois et d'investir modestement dans les programmes sociaux. Malheureusement, lorsque j'ai mentionné nos suggestions à M. Martin lors de notre première rencontre après le budget, il était sans doute distrait, puisqu'il semble avoir rejeté totalement dans son budget la plupart de ces suggestions des groupes progressistes du pays.
Le projet de loi C-76 - comme nous sommes de plus en plus nombreux à le constater - n'est pas un budget ordinaire, puisqu'il met en jeu l'avenir du Canada. Il trace une voie qui aboutira à une restructuration fondamentale du pays et à une transformation radicale des valeurs et des principes qui ont présidé à l'édification de ce pays.
La mise en oeuvre du projet de loi conduira à une décentralisation des pouvoirs exercés par le gouvernement fédéral dans le domaine de la politique sociale et au transfert des programmes de santé et des programmes sociaux du Canada, ce qui entraînera la disparition du volet national des programmes sociaux de la santé, de l'assistance sociale et de l'éducation. Or, l'élimination de ce volet va à l'encontre des deux grands principes qui ont présidé à l'édification de la société canadienne.
Le premier est l'obligation du gouvernement fédéral d'agir dans l'intérêt national et le second, sa responsabilité d'assurer collectivement une certaine sécurité sociale et économique aux Canadiens. Comme les programmes sociaux nationaux sont une manifestation concrète de l'application de ces deux principes, leur élimination, combinée à une compression massive des effectifs de la fonction publique et à une réduction des subventions au développement agricole et au transport, livre un message très clair aux Canadiens.
Le gouvernement fédéral est prêt à céder sa responsabilité de promouvoir l'égalité des conditions économiques et sociales entre les régions, les familles et les personnes. L'objectif important de la redistribution équitable des revenus et des richesses est mis de côté. Le gouvernement est également disposé à renoncer au rôle crucial qu'il est appelé à jouer dans la stabilisation de l'économie en planifiant les dépenses en fonction des risques de récession.
Pour situer la question dans le contexte de la conjoncture économique actuelle, j'ajouterai que le projet de loi C-76 arrive à un moment où les Canadiens vivent dans un climat d'insécurité économique et sociale qui risque de se prolonger. Chaque jour, d'autres entreprises réduisent leur effectif en procédant à la mise à pied d'employés permanents et à la fermeture d'établissements. Depuis l'adoption du budget, Bell Téléphone, Petro-Canada, Unitel et bien d'autres compagnies ont pris de telles mesures, sans compter l'effet d'entraînement sur l'industrie automobile dont je parlais avec M. Peterson il y a quelques instants dans le couloir.
La multiplication des emplois non normalisés et la nouvelle tendance à n'utiliser la main-d'oeuvre qu'au moment adéquat a eu pour effet de réduire le nombre des emplois à temps plein, bien rémunérés et permanents, de sorte que le revenu familial moyen est demeuré pratiquement le même depuis 15 ans. Pendant ce temps, le gouvernement fédéral a grandement contribué à l'accroissement du chômage en adoptant des politiques de soutien des taux d'intérêt et de compression massive des dépenses qui sont encore en vigueur aujourd'hui.
La situation économique, pour ce qui est de la création d'emplois et de la croissance, n'est pas très reluisante. Nous avons eu une bonne année en 1994, selon les statistiques, mais depuis novembre 1994 la création d'emplois est au point mort, ou presque. Ces chiffres montrent que la situation de l'offre a nui au moral des travailleurs, qui ont cessé de chercher du travail. Je crois que 9 000 emplois environ ont effectivement été créés entre décembre 1994 et avril 1995.
Le Conference Board a déclaré récemment que la situation de l'emploi inquiète sérieusement les consommateurs. À notre avis, c'est le gouvernement fédéral qui est en grande partie responsable de l'insécurité croissante des Canadiens à cet égard.
Le budget, qui prévoit une réduction massive des programmes sociaux et l'élimination de 45 000 emplois du secteur tertiaire dans la fonction publique a de quoi effrayer les Canadiens, qui savent que ces mises à pied auront un effet d'entraînement au niveau des administrations provinciales et locales, des conseils scolaires, des hôpitaux et du secteur privé. Partout il est question de décroissance et des moyens d'y parvenir, ce qui se traduit par une perte d'emplois pour bien des gens.
Les marchés n'ont pas récompensé le gouvernement pour son budget radical. En dépit des événements des deux dernières semaines, les taux d'intérêt sont encore extrêmement élevés par rapport au taux d'inflation. Les Canadiens sont plus pauvres que jamais, et la proportion d'enfants qui vivent sous le seuil de la pauvreté est de 21 p. 100, ce qui dépasse tous les records. Un grand nombre de jeunes se perçoivent comme une génération perdue, et les aînés, en particulier les femmes, risquent de n'avoir pas suffisamment de revenu au moment de la retraite. Les travailleurs perdent leur emploi, ils ont plus difficilement accès à l'assurance-chômage, et la pauvreté des mères de familles monoparentales, qui dépassent déjà la norme acceptable, augmente.
Par contre, la productivité, les bénéfices des entreprises, les salaires des cadres et leurs primes augmentent, et l'écart entre les riches et les pauvres ne cesse de grandir, mais en dépit de ce fait le budget semble créer des conditions qui ne peuvent qu'aggraver la situation. C'est pourquoi nous ne pouvons accepter la vision que nous propose le gouvernement fédéral dans ce projet de loi, car elle repose à notre avis sur une idéologie politique axée sur les marchés, les banques et les titulaires d'obligations, et non pas sur le peuple canadien.
Comme le temps dont nous disposons est limité, je m'efforcerai d'être bref, mais je désire aborder la question du transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, car elle est à mon avis l'un des points clés du débat en cours. Dans le passé, l'examen de cette question n'aurait pas été confié à un comité des finances à cause de son impact sur les programmes sociaux, mais elle est ici abordée de façon globale.
Nous ne croyons pas que les changements que l'on se propose d'apporter aux programmes sociaux soient superficiels, puisqu'ils modifient radicalement les grands principes qui régissent la politique sociale du Canada depuis 50 ans, en particulier le partage des coûts entre les gouvernements fédéral et provinciaux, l'universalité, les normes nationales et les programmes fondés sur le respect des droits et de la dignité de la personne.
Le processus commencera par une énorme saignée qui réduira de 40 p. 100 en quatre ans les transferts de fonds du gouvernement fédéral pour la santé, l'éducation et la protection sociale. On peut donc s'attendre à des coupures dans les programmes provinciaux et à des pertes d'emplois dans le secteur public.
D'après le mécanisme de financement prévu pour le transfert, il est certain que les contributions pécuniaires du gouvernement fédéral à ces programmes seront abolies, probablement d'ici à l'an 2010, ce qui aura d'énormes répercussions sur le régime d'assurance-maladie. Le transfert de fonds est le seul instrument qui permet au gouvernement fédéral d'appliquer les cinq normes nationales que prévoit la Loi canadienne sur la santé pour assurer l'universalité, l'intégralité, l'accessibilité, la transférabilité et la gestion publique du régime d'assurance-maladie. S'il ne peut appliquer ces normes, le gouvernement fédéral ne pourra garantir le maintien d'un régime d'assurance-maladie public et sans but lucratif.
On entend souvent dire et répéter depuis quelque temps que le coût des soins de santé est excessif et ne peut plus être maintenu au niveau actuel et qu'il est exagéré de consacrer 10 p. 100 du PIB à la santé des Canadiens. Il convient de préciser à cet égard que le 10 p. 100 en question représente l'ensemble des dépenses liées aux soins de santé et que la part des dépenses publiques est de 6,8 p. 100 seulement. Le pourcentage des fonds publics consacrés à la santé est à peu près le même au Canada que dans tous les autres pays de l'OCDE, la seule exception étant le régime des États-Unis, et j'ose espérer que personne ne voudrait d'un tel régime. D'après les statistiques, il est clair que le secteur des dépenses où le coût des soins de santé augmente le plus rapidement est celui du secteur privé, où le coût des médicaments et de l'assurance pour les soins complémentaires de santé est particulièrement élevé.
En abolissant le Régime d'assistance publique du Canada, le transfert supprime le partage égal des coûts associés aux programmes sociaux qui est à la base de ce régime et qui est l'un des principes qui nous définissent comme Canadiens. Selon ce principe, personne ne devrait être laissé dans le dénuement et privé des nécessités de la vie que sont la nourriture et le logement. L'abolition du Régime d'assistance publique se trouve à supprimer une loi qui protège le droit de chaque Canadien à la satisfaction de ses besoins essentiels, et ce droit n'est pas garanti pas les dispositions régissant le transfert. Il s'agit d'une mesure choquante et indéfendable, qui n'est absolument pas justifiée.
Les normes nationales que prévoyait le Régime d'assistance publique ont été exclues du transfert, et cette exclusion n'a qu'un seul but à notre avis: celui de permettre des concessions aux provinces. Celles-ci recevront moins d'argent du gouvernement fédéral, mais elles bénéficieront d'une plus grande marge de manoeuvre pour innover et modifier leurs programmes sociaux. Dans bien des cas, l'utilisation de certains termes cachent des intentions qui peuvent avoir de très sérieuses répercussions sur la politique sociale du Canada. C'est ce qu'on appelle le «fédéralisme sans conditions».
Sans les normes nationales que prévoit le Régime d'assistance publique, rien ne garantit que les contributions du gouvernement fédéral seront consacrées à des programmes sociaux. Elles pourraient tout aussi bien servir à la réfection des routes et des ponts. Alors que le partage égal des coûts oblige chaque province à conserver un programme d'assistance sociale, le transfert n'offre aucune garantie à cet égard. Les provinces n'étant plus tenues d'offrir une assistance en fonction uniquement des besoins, elles sont libres de décider de ne fournir cette assistance qu'aux pauvres qui la méritent.
Le transfert permet aux provinces d'imposer un régime de travail obligatoire qui n'a pas sa place dans une société évoluée, puisqu'il est humiliant et dégradant et repose sur des opinions préconçues quant au caractère des personnes dans le besoin qui sont totalement injustifiées. Ceux qui prônent l'adoption d'un tel régime savent qu'il n'y a pas assez d'emplois et de services de garderie abordables, que les salaires minimums sont insuffisants et que les personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté y sont souvent forcées par la maladie et les circonstances. Il est bien évident que le concept d'un tel régime est le produit d'un esprit arrogant et malveillant et que les plus ardents défenseurs de ce concept se trouvent parmi ceux qui ont la richesse, le pouvoir et toutes sortes de privilèges.
Le travail obligatoire s'inscrit dans un autre programme fondé sur une stratégie de réduction des salaires. Loin de créer des emplois, il ne fait qu'accroître la concurrence sur un marché du travail où les emplois sont déjà trop rares. Il n'y a que deux résultats possibles, et dans les deux cas les travailleurs seront perdants, puisque le travail obligatoire les privera de certains emplois et contribuera à réduire l'ensemble de la masse salariale.
C'est une stratégie que nous trouvons tout à fait inacceptable. Je suis convaincu pour ma part qu'un certain nombre d'économistes de renommée mondiale perçoivent cette stratégie comme un des facteurs contribuant au problème économique lié au revenu des particuliers.
En supprimant le principe du partage égal des frais consacrés à la protection sociale, le gouvernement fédéral abandonne son rôle dans la stabilisation de l'économie, en particulier durant les périodes de récession. En outre, le fait de limiter l'accès à l'assurance-chômage force un plus grand nombre de citoyens à recourir à l'assistance sociale pour survivre.
Suite au transfert, le gouvernement fédéral n'assumerait plus sa part du coût de l'assistance sociale, dont le coût augmente automatiquement en temps de récession en même temps que le chômage. Dans la mesure où le Régime d'assistance publique joue un rôle stabilisateur, il est un programme tout aussi économique que social.
Comme je m'entête à le répéter partout où je vais, l'argent versé dans le cadre du Régime d'assistance publique et des autres programmes sociaux n'est pas perdu. Il est dépensé sur place et sert à stabiliser les économies locales et à prévenir une aggravation de la récession et la perte d'emplois. L'abolition du Régime d'assistance publique du Canada est une mauvaise décision tant du point de vue économique que social.
Le processus que prévoit le projet de loi C-76, c'est-à-dire la compression massive des opérations du gouvernement fédéral, se traduira pour les employés du secteur public par la perte de 45 000 emplois. Des volets entiers de ces opérations passeront au secteur privé, et d'autres services seront carrément supprimés. En outre, l'imposition de frais d'utilisation sera beaucoup plus fréquente, comme certains l'ont déjà constaté.
Pour réaliser la décroissance voulue, le gouvernement fédéral compte adopter ce projet de loi et retirer ainsi à ces travailleurs le droit à la négociation collective. Les dispositions des parties I et II l'emportent sur la convention collective des syndicats représentant les employés de la fonction publique fédérale et en annulent l'essence même, ce qui va directement à l'encontre des promesses faites par le Parti libéral lors des dernières élections et de la convention de l'OIT concernant le droit à la libre négociation collective.
À notre avis, ces dispositions portent atteinte à tous les droits des travailleurs et livrent un message incroyable à tous les employeurs du pays en leur laissant entendre qu'ils peuvent modifier les conventions collectives à leur gré.
Le gouvernement ne peut tenir de discours contradictoire et insister sur la collaboration entre syndicats et employeurs tout en faisant fi du caractère sacré de la convention collective de ses propres employés. Il est facile d'imaginer ce qui se passerait si les organisations syndicales décidaient du jour au lendemain de déchirer et d'oublier les conventions collectives signées au nom des employés qu'elles représentent parce qu'elles ne sont plus d'accord avec les clauses de ces conventions. Nous serions vite emprisonnés et traînés devant les tribunaux.
À notre avis, le gouvernement fédéral a l'obligation, en tant qu'employeur, de respecter le droit à la négociation collective et d'arriver à des solutions négociées comme le font tous les autres employeurs en ces temps très difficiles.
La nouvelle orientation générale du gouvernement est présentée comme une politique d'assainissement de l'appareil gouvernemental. Comment est-il possible de concilier cette vision du Canada avec celle que prônait le Parti libéral dans son programme électoral, où il promettait de travailler à promouvoir l'égalité des conditions sociales entre les Canadiens, de négocier et non de légiférer, de fournir aux personnes nécessiteuses l'assistance sociale dont elles ont besoin et de ne pas abandonner son rôle actuel dans le domaine de la santé?
Dans sa plate-forme électorale, ce parti avait également clairement rejeté les programmes du gouvernement précédent, qui risquaient, selon lui, de mener à une plus grande polarisation de la société et d'accentuer l'écart entre les riches et les pauvres. Les Libéraux avaient aussi promis de faire de la création d'emplois le premier impératif du gouvernement comme moyen non seulement de réduire le déficit, mais aussi de rendre aux Canadiens l'espoir et la dignité.
Si l'on en juge par le budget de 1995, le gouvernement n'est pas fidèle à cette vision. Le fait que le ministre se soit vanté à tort d'avoir amené la part des dépenses dans l'économie à son plus bas niveau depuis 1951, ce dont il est permis de douter, montre bien quelle est la véritable vision du Canada que partage le présent gouvernement, c'est-à-dire un pays qui n'offre qu'une sécurité sociale minimale et dans lequel la sécurité financière des citoyens dépend des caprices et des fluctuations du marché. En somme, ce projet de loi ramène le pays à l'époque où l'individu ne pouvait compter sur aucune autre forme de sécurité économique et sociale que celle qu'il était en mesure d'assurer lui-même à sa famille.
Je crois que nous avons tous connu cette époque, celle de la dépression, où les victimes incapables de subvenir à leurs besoins ne pouvaient bénéficier d'aucun soutien de la société. Il n'y avait alors aucune assistance sociale, aucun régime public d'assurance-maladie ou d'assurance-chômage et aucun régime de pension du Canada. Les Canadiens ne pouvaient compter que sur leurs propres moyens. Quand j'entends les économistes du monde nous parler de cette nouvelle orientation, je ne peux oublier les dangers qu'elle comporte.
Je suis sûr qu'aucun des membres du comité ne pourra nier que les Canadiens jouissent aujourd'hui d'une grande qualité de vie, en dépit des difficultés qu'éprouve une bonne partie de la population. Si nos villes sont plus propres, si les taux de criminalité et de mortalité infantile sont à la baisse et si nous sommes plus instruits et en meilleure santé, c'est grâce aux programmes sociaux et aux services publics. Personne ne peut prétendre que ces programmes n'ont pas amélioré les conditions de vie au Canada, mais le gouvernement adopte néanmoins une orientation qui, à notre avis, nous ramène à l'époque où ces programmes n'existaient pas.
Je crois qu'il y a également un autre fait qu'aucun membre du comité ne peut nier.
Nous n'avions pas prévu et aucun de ceux qui ont participé aux consultations qui ont précédé la présentation du budget n'avait prévu que les mesures annoncées par le ministre des Finances dans son exposé économique comprendrait un programme de l'envergure du transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, qui modifie radicalement les principes de base de la politique sociale de notre pays et abolit à toutes fins utiles le volet national des programmes sociaux. Nous n'avons pas abordé cette question lors des consultations en question parce qu'elle n'avait pas été soulevée.
En fait, les Canadiens n'ont pas encore été informés des répercussions sérieuses que ce transfert pourrait avoir sur les programmes de santé, d'éducation et d'assistance sociale. Je crois comprendre qu'en dépit du nombre de demandes reçues - j'en ai des dizaines - le comité n'a pas l'intention de se rendre dans les diverses localités visées pour y discuter de ce texte de loi d'une importance cruciale.
Je vous avouerai franchement que je trouve cette décision anti-démocratique, ce qui n'est pas peu dire. Si je me souviens bien, le premier ministre a lui-même mentionné, dans sa réponse à des questions portant sur le marché obligataire, que le gouvernement du Canada ne peut gouverner à la manière d'un conseil d'administration et ne peut agir avant d'avoir pris en considération l'opinion des Canadiens. Je tiens à souligner à cet égard que les ballons d'essai précédant le dépôt du budget et les sondages postérieurs à ce dépôt n'ont rien de démocratique.
Vu la restructuration massive envisagée dans le cadre du transfert que prévoit ce projet de loi, nous croyons qu'un débat public en bonne et due forme s'impose, car ce débat est tout aussi important que ceux qui ont précédé les décisions concernant l'accord de libre-échange et ceux du lac Meech et de Charlottetown. C'est tout le régime fiscal canadien qui se trouve remis en cause.
Nous demandons au comité d'envisager sérieusement la possibilité de créer une commission semblable aux commissions Macdonald, Carter, Hall, Marsh et Rowell-Sirois, qui serait composée de personnes éminentes et qui serait chargée d'examiner la question du partenariat fédéral-provincial et des programmes sociaux nationaux.
Nous ne nommons personne; nous croyons seulement que les répercussions d'une telle mesure sur la politique sociale future du Canada devraient être examinées et que nous avons le temps de le faire. Le délai d'un an que prévoit l'ancien calendrier pour la mise en oeuvre pourrait facilement être porté à deux ans. Il y a certainement au Canada des personnes éminentes qui ne sont pas disposées à laisser l'entière responsabilité de cette décision aux élus des provinces et du gouvernement fédéral, et il existe sûrement, en dehors de la scène politique, des personnes qui sont prêtes à faire le travail nécessaire, à entendre les citoyens et à examiner les répercussions réelles d'une telle mesure sur les programmes sociaux et sur le tissu social du pays. Allons-nous permettre au gouvernement d'abolir par un simple projet de loi des programmes qui ont si bien servi les Canadiens pendant tant d'années?
Nous vous prions d'inclure la proposition que nous présentons aujourd'hui au comité dans votre rapport au Parlement, car elle mérite d'être examinée sérieusement.
Merci. Vous m'avez donné la possibilité de m'exprimer franchement, et je l'ai fait.
Le président: Vous êtes demeuré fidèle à votre livre.
Comme il reste moins de 20 minutes et que j'aimerais entendre quatre personnes, dont une du Parti libéral, elles auront chacune moins de cinq minutes.
Monsieur Tremblay.
[Français]
M. Tremblay: Je vous remercie de votre présentation.
J'aimerais que vous nous parliez davantage de la recommandation de discussion que vous faites, à savoir de créer l'équivalent de la Commission Macdonald. Est-ce que vous avez pensé à la composition et aux perspectives de cette commission, et en particulier à toute la question des relations fédérales-provinciales?
Du point de vue du Québec, et je pense que c'est vrai pour d'autres provinces, le gouvernement fédéral donne de moins en moins d'argent, mais veut maintenir en partie l'illusion et aussi des pouvoirs de gestion très importants qui rendent difficile la vie des provinces.
Je suis d'accord avec vous que la campagne électorale qui a été menée par le Parti libéral ne laissait pas prévoir le Budget qu'on a présenté. Au contraire, on nous parlait de création d'emplois et non de coupures.
En ce qui concerne cette commission, est-ce que vous avez une proposition plus articulée que celle-là? Avez-vous pensé à la composition de cette commission et au rôle des provinces dans cela? Souvent, les grandes commissions fédérales ont tendance à laisser les provinces de côté.
Or, dans un sujet comme celui-là, ce sont les provinces qui auront une bonne partie de la responsabilité à l'avenir. J'essaie de voir comment cette idée fédérale-provinciale peut s'articuler, parce que les grandes commissions d'enquête fédérales sont souvent un prélude à l'imposition des vues du gouvernement fédéral aux provinces et non une participation des provinces avec le fédéral. Souvent, au Québec, on a créé des commissions d'enquête pour répondre aux commissions d'enquête fédérales. Je pense notamment à la Commission Rowell-Sirois. Sur le plan fiscal, du point de vue des provinces, c'est toujours inquiétant, une grande commission d'enquête fédérale.
[Traduction]
M. White: Ma façon d'envisager le processus est assez simple. Il y a plusieurs années, lorsque le régime d'assurance-maladie était accusé de tous les maux, le gouvernement d'alors s'en est beaucoup inquiété et a décidé de confier au juge Emmett Hall la tâche d'examiner ce régime. Ce dernier a parcouru le pays et a présenté un rapport au gouvernement fédéral après avoir entendu le point de vue d'un certain nombre d'organisations et de représentants des gouvernements fédéral et provinciaux sur le régime d'assurance-maladie.
Ce que je propose, ce n'est pas une consultation qui aurait l'envergure d'un forum constitutionnel fédéral-provincial se déplaçant à la grandeur du pays. C'est la dernière chose que nous souhaitons, mais je crois qu'il y a au Canada des personnes éminentes qui pourraient examiner le projet actuel de restructuration du réseau social canadien, c'est-à-dire son mode de financement, la façon dont les décisions sont prises et dont les normes sont appliquées, et la manière dont certains éléments du régime devront être modifiés dans l'avenir. C'est une façon de procéder que je trouve assez simple.
Il faudrait parcourir le pays et demander le point de vue des gouvernements provinciaux, mais aussi des organisations qui travaillent dans le domaine, et revenir ensuite rédiger et présenter au gouvernement fédéral un rapport sur les répercussions de la restructuration envisagée avant qu'elle n'entre en vigueur à la suite de l'adoption du projet de loi. Lorsque nous aurons fait les premiers pas et que nous aurons légiféré à cet égard, le projet fera l'objet de négociations fédérales-provinciales qui mèneront à des concessions, et nous savons que dans notre pays les leaders des provinces n'accordent pas tous la même importance à notre régime d'assurance-maladie. Certains voudront mettre en oeuvre des programmes de travail obligatoire et d'autres changements..., d'où l'importance de secouer notre torpeur et de nous interroger sur le bien-fondé de tels changements - les gains à court terme peuvent-ils justifier des mesures qui auront à long terme des conséquences malheureuses pour le pays? Ne serait-il pas souhaitable que quelqu'un se penche sur la question et examine les répercussions de ce tout nouveau programme...qui diffère réellement à mon avis de tout ce que l'on pouvait prévoir avant le budget?
Je crois qu'il y a une solution très simple. Bien que nous n'ayons pas le droit de nommer qui que ce soit, il y a certainement des personnes qui n'ont rien à gagner sur le plan politique et qui seraient disposées à examiner ces propositions et leur répercussion sur la structure fondamentale du filet de sécurité sociale du Canada, qui aura toujours la même importance à mon avis. Il serait insensé de démanteler ce que la prochaine génération devra rebâtir de toute évidence.
Le président: Monsieur Speaker.
M. Speaker: Monsieur le président, je remercie M. White de son exposé, et j'ai trouvé bien intéressant qu'il passe en revue toutes les promesses des Libéraux qui ont été rompues ou qui ont tourné au fiasco. Toutefois, le ministre a bien compris certains d'entre nous, et il serait peut-être difficile de débattre de certaines des questions qui ont été abordées.
Vous soulevez un point qui est fondamental dans tout ce débat. Les provinces ont toujours joui d'une assez grande autonomie en ce qui concerne le Régime d'assistance publique du Canada. Même si elles devaient respecter certaines normes, telles que l'accessibilité et la tranférabilité, elles ont toujours pu déterminer les moyens à prendre pour atteindre un objectif social donné; il a toujours été possible de passer d'une province à l'autre sans craindre de perdre nos droits fondamentaux en tant que Canadiens. Croyez-vous sincèrement que les provinces, même pour des raisons politiques, pourraient, dans les circonstances actuelles, faire fi de leurs responsabilités à cet égard si elles devenaient plus autonomes, même sans les fonds actuels?
M. White: Je vous avoue franchement que je ne croyais pas qu'il était possible que l'on renonce politiquement à bien des choses que l'on semble pourtant vouloir abandonner. Si l'on songe sérieusement aux événements qui ont mené au budget, aux discours des porte-parole de la bourse de New York et de Toronto et du monde des affaires et au battage publicitaire ayant entouré la perte d'emplois et l'impasse dans lequel le pays se trouve face à la dette, il n'est pas étonnant que les gens ait été pris de panique. S'ils croient que la situation est sans issue, comment pourraient-ils espérer trouver une solution? Je sais qu'il y a des personnes dans notre pays qui abolissent des programmes que la population juge importants et qui font quand même très bonne figure dans les sondages. C'est possible.
Pour rester dans le sujet, si je le peux aujourd'hui, je crois qu'il ne faut pas limiter le débat à une simple question politique. Vous savez tout comme moi, j'en suis sûr, que la restructuration en question va changer considérablement le Canada tel que nous le connaissons.
M. Speaker: Je le sais et je suis favorable à ce changement.
M. White: Nous avons eu un grand débat concernant l'accord du lac Meech et celui de Charlottetown, même si dans ce dernier cas j'étais favorable à l'accord. La possibilité que l'accord de Charlottetown entraîne le démantèlement du fédéralisme canadien a été bel et bien examinée. Je crois qu'il est juste de dire que la même question se pose maintenant en termes de fédéralisme financier. Je voudrais simplement que l'on poursuive ce débat en dehors de l'arène politique pendant quelque temps afin que la question soit examinée à la lumière de l'histoire des programmes sociaux du Canada, qui sont à l'origine de notre situation actuelle en tant que pays.
Quelles sont les conséquences pour nous? Si le gouvernement actuel décide d'aller de l'avant même s'il connaît ces conséquences, il a le pouvoir de le faire, puisqu'il est majoritaire.
Pour résumer, je crois pouvoir affirmer en toute justice qu'aucun d'entre nous ne sait exactement quelles seront pour nous les répercussions futures des changements envisagés.
Le président: Merci, monsieur Speaker.
Madame McLaughlin.
Je vous souhaite la bienvenue au sein de notre comité, et j'espère que nous aurons l'occasion de vous y voir régulièrement.
Mme McLaughlin (Yukon): Merci, monsieur le président, de m'accorder ce temps pour poser une question. J'essaierai d'être brève.
Je suis également convaincue que le changement que prévoit ce projet de loi n'est pas qu'un simple remaniement du financement de certains programmes, mais une transformation en profondeur de la structure même de notre pays.
Si nous sommes prêts à former des comités pour étudier les problèmes liés à la banque de sang du Canada parce que nous avons conscience de l'urgence de ces problèmes, qui est réelle, il est tout à fait logique que nous envisagions sérieusement de former une commission - et non pas une commission royale de grande envergure, mais une commission qui, comme l'a laissé entendre le témoin, étudierait simplement les répercussions du changement envisagé.
Ma question se rapporte à l'un des points qui ont été soulevés concernant le caractère à la fois social et économique des programmes sociaux et des programmes de santé. Elle porte sur l'aspect économique de ces programmes.
Nous entendons souvent parler de compétitivité et de l'importance pour le Canada d'être compétitif. En tant qu'organisation, vous êtes souvent mêlés de près aux négociations. Il me semble que nos programmes sociaux et nos programmes de santé sont un atout très important sur le plan économique, puisqu'ils fournissent en fait aux milieux des affaires un régime de base et une structure que n'ont pas certains de nos compétiteurs, notamment les États-Unis.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. White: Il y a déjà quelque temps que je ne suis plus mêlé aux négociations dans le secteur de l'industrie automobile, mais je ne crois pas que les statistiques aient beaucoup changé. Lee Iacocca, que tous connaissent, a toujours parlé aux États-Unis de l'énorme avantage que représente notre régime d'assurance-maladie pour les usines canadiennes à cause de son impact sur le coût de la main-d'oeuvre. Ce n'est pas par hasard que l'un des grands employeurs des États-Unis a appuyé les efforts déployés par Clinton pour instaurer un tel régime. Les Américains constatent que le coût des soins de santé monte en flèche aux États-Unis et fait grimper celui des conventions collectives. Ils sont donc beaucoup plus disposés à envisager la possibilité d'adopter un régime semblable au nôtre.
Notre régime d'assurance-maladie et son mode de financement sont des facteurs qui contribuent grandement à la compétitivité des entreprises canadiennes.
Toutefois, ce n'est pas une raison pour ne pas modifier notre régime et pour ne pas innover dans ce domaine. Lorsque l'on prend en considération le coût de la privatisation et les frais supplémentaires que doit assumer la Croix-Bleue à cause des compressions, il est clair que les dépenses sont à la hausse dans le secteur privé.
Le président: Monsieur Campbell.
M. Campbell (St. Paul's): Merci, monsieur le président.
Ce débat est extrêmement important, et j'ai bien apprécié votre exposé ce matin, mais il est aussi très important d'être clair et précis. Il y a beaucoup de rhétorique dans le débat des deux côtés, y compris dans votre exposé de ce matin, où vous prétendez notamment que les programmes sociaux seront complètement balayés. J'aimerais apporter certaines précisions et vous poser quelques questions complémentaires à cet égard.
Vous dites que le Régime d'assistance publique nous garantit le logement. Est-ce vraiment le cas?
Mme Cindy Wiggins (recherchiste principale, Congrès du travail du Canada): La loi instituant ce régime exige que les programmes provinciaux garantissent aux personnes dans le besoin les ressources financières nécessaires pour répondre à leurs besoins fondamentaux, que l'on définit comme étant la nourriture, le logement, les vêtements et d'autres éléments essentiels, comme le savon de blanchissage, etc.
M. Campbell: Vous dites également que le transfert aboutit à l'imposition du travail obligatoire. Qu'entendez-vous par là?
M. White: Je suppose que le terme «imposition» est probablement... Mais nous croyons que le transfert est certainement susceptible d'aboutir à une généralisation du travail obligatoire.
M. Campbell: Il est très important d'utiliser les bons termes, car les questions dont nous essayons de débattre sont des questions qui nous préoccupent beaucoup.
M. White: Eh bien, si vous désirez vous attarder à ce terme, si c'est ce qui vous arrange le plus... Disons que le transfert élimine certainement tous les obstacles à une telle imposition.
M. Campbell: Dans quel sens, monsieur White?
M. White: Parce qu'il se trouve à supprimer un principe bien établi, qui indique clairement qu'il n'est pas nécessaire de travailler pour pouvoir bénéficier de l'assistance sociale.
M. Campbell: Qu'est-ce qui vous préoccupe au juste?
M. White: Le fait que les provinces auront une plus grande marge de manoeuvre.
M. Campbell: Craignez-vous que les provinces ne fassent du travail obligatoire une condition d'accessibilité à l'assistance sociale?
M. White: Oui.
M. Campbell: Pourquoi doute-t-on à ce point de la volonté des gouvernements provinciaux, y compris les gouvernements NPD, de veiller au bien-être des citoyens de leur province?
M. White: Ce n'est pas un manque de confiance, mais il faut se demander dans quelle direction nous entraîne cette nouvelle orientation. C'est ce qui nous inquiète, c'est ce qui se passe actuellement dans notre société, où la dette et le déficit semblent être notre unique préoccupation. Quelle que soit la façon dont vous procédez, ce seront toujours les plus démunis qui seront le plus durement frappés.
M. Campbell: Croyez-vous que les provinces seront sensibles aux besoins des travailleurs, des pauvres et des enfants dont elles ont la responsabilité?
M. White: Si j'en juge par ce qui se passe actuellement, elles pourraient l'être davantage.
M. Campbell: Vous ne faites pas confiance aux gouvernements provinciaux. Vous croyez que le gouvernement fédéral pourrait faire davantage.
M. White: Permettez-moi d'ajouter ceci. Si nous sommes un véritable pays... nous croyons en notre mouvement, qui est un mouvement composé de fédérations provinciales... deux des représentants de ces fédérations vous rappelleront que notre meilleure garantie, c'est l'établissement de normes nationales comme celles que prévoit le régime d'assurance-maladie. C'est une solution qui a fait ses preuves.
M. Campbell: Ce régime était à l'origine un programme provincial.
M. White: Il a fallu établir des normes nationales. Je sais comment ce régime a commencé. J'étais là. Je m'en souviens. Nous avons établi des normes nationales, des normes minimales, dont l'universalité et la transférabilité d'une province à l'autre. Nous ne voulons pas d'un régime balkanisé où une province pourrait se décharger de ses responsabilités sur une autre... comme le fait actuellement l'Alberta en réduisant le nombre de ses assistés sociaux et le montant de leurs prestations, les incitant ainsi à s'installer ailleurs pour bénéficier de l'assistance sociale. Bien que de telles mesures puissent aider l'Alberta, elles ne sont pas de très bon augure pour notre société à long terme... ou pour le système garantissant actuellement une certaine égalité en obligeant certaines des provinces plus riches à verser des paiements substantiels aux provinces de l'Atlantique. Cette égalité ne peut être assurée par une province et exige l'intervention d'un gouvernement national.
Le président: Monsieur White, quel lien existe-t-il entre le CTC et la Fédération du travail de l'Ontario, la FTO?
M. White: La Fédération du travail de l'Ontario est l'un de nos membres fondateurs, mais elle jouit d'une pleine autonomie en Ontario.
Le président: Tous ceux qui sont réunis autour de cette table aimeraient à ne pas avoir à effectuer des compressions touchant des programmes dont nous sommes satisfaits.... Ce n'est pas de gaieté de coeur que nous abordons cette tâche. Nous sommes toujours à la recherche de solutions. Par exemple, M. Gordie Wilson nous a proposé la semaine dernière de réduire les taux d'intérêt et de rapatrier notre dette extérieure en demandant à la Banque du Canada de racheter la part de cette dette détenue par des non-résidents, qui s'élève à 300 milliards de dollars. Croyez-vous que ce soit une approche viable à la politique monétaire?
M. White: Je n'ai pas vu l'exposé de M. Wilson.
Le président: Mon intention n'est pas de susciter la discorde, mais de souligner que notre désir à tous est de trouver des solutions qui nous permettraient de ne faire aucune compression.
M. White: Les montants que vous mentionnez me semblent un peu exagérés, mais permettez-moi d'ajouter, monsieur Peterson...
Le président: Ou même une partie des montants en question.
M. White: ...que nous croyons que la Banque du Canada pourrait jouer un rôle beaucoup plus important qu'elle ne l'a fait dans le passé en ce qui concerne les taux d'intérêt. En dépit de notre politique traditionnelle de soutien des taux d'intérêt... il est évident que le problème de l'inflation est toujours là et continue d'être un sujet de préoccupation. Je crois que le taux d'intérêt et la Banque du Canada... et je répète, comme nous le mentionnons dans notre mémoire, qu'il est encourageant que le premier ministre ait soulevé toute la question des marchés internationaux de capitaux au sommet du Groupe des sept, car cette question nous préoccupe également. Le montant de 300 milliards de dollars avancé par M. Wilson me semble un peu exagéré, mais il est indéniable...
Le président: Ou même une partie de ce montant.
M. White: ...qu'il est urgent de rapatrier une plus grande part de la dette extérieure du pays et de ramener à moins de 20 p. 100 la part des REÉR qui peuvent être investis à l'étranger... de telles mesures sont très importantes, et le rôle de la Banque du Canada à cet égard n'est pas négligeable.
Le président: Merci beaucoup. Le témoignage du CTC devant notre comité, et le vôtre, monsieur White, nous montrent pourquoi vous êtes l'une des voix les plus importantes dans les débats critiques qui s'engagent actuellement à l'échelle nationale. J'espère que vous continuerez de participer à nos délibérations, et je vous remercie très sincèrement au nom de tous les membres.
M. White: Merci beaucoup.
Le président: Nos témoins suivants sont des représentants de l'Association canadienne des professeurs d'université que les membres du comité connaissent déjà, c'est-à-dire la présidente de l'association, Joyce Lorimer, le directeur administratif, Donald Savage, et l'agent des relations gouvernementales, Robert Léger.
Nous vous remercions de votre présence, et nous serons heureux d'entendre votre exposé.
Vous pouvez commencer, madame Lorimer.
Mme Joyce Lorimer (présidente, Association canadienne des professeurs d'université): Comme vous nous avez déjà présentés, je vais passer immédiatement aux faits.
Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas l'ACPU je dirais que cette association fut créée en 1951 et qu'elle représente actuellement quelque 32 000 professeurs, bibliothécaires et chercheurs dans des universités de l'ensemble du pays. Elle comprend des associations de faculté dans des universités de toutes les provinces. Nos politiques et nos procédures sont établies par un conseil d'administration représentatif qui tient des réunions deux fois l'an. Les données que je vous présente proviennent de ce conseil.
Vous avez en main notre mémoire et une version française. Vous avez également un sommaire, qu'on m'a montré ce matin et dans lequel j'ai relevé quelques erreurs. Je n'en ai pas de copie en main, mais je vous signale que les alinéas 4a), b) et c) qui se trouvent à la page 1 de la version anglaise auraient dû être enlevés. L'article 4 devrait commencer par le texte qui se trouve au haut de la deuxième page du sommaire.
Les alinéas 4a), b) et c) devaient faire l'objet d'une recherche et d'une élimination dans l'ordinateur. Cette commande n'a pas été exécutée.
Le président: Je propose qu'on les laisse tels quels.
Mme Lorimer: Je me servirai principalement du texte plus exhaustif de notre mémoire. Pour ceux d'entre vous qui veulent suivre mes observations, je commencerai probablement à la page 4 du document et, premièrement, je parlerai de ce que l'ACPU prévoit être l'ampleur des compressions visant les transferts de FPE et l'incidence du projet de loi C-76 sur les universités canadiennes.
Le gouvernement fédéral soutient que les réductions visant les transferts aux provinces - notamment la péréquation - conformément au projet de loi C-76 ne sont pas énormes et représentent quelque 4,4 p. 100 pour 1996-1997 comparativement à 1994-1995. Ce chiffre, selon l'ACPU, découle de calculs très contestables. Le gouvernement arrive à ce chiffre en fusionnant les transferts de fonds et les transferts fiscaux de 1976. Selon nous, ce calcul masque l'ampleur des compressions effectuées.
Si nous avons bien compris ce qui se passe dans le cas des transferts de fonds en 1994-1995, ceux-ci seront de 2,37 milliards pour l'enseignement postsecondaire. Ils seront réduits ensuite de quelque 189 millions de dollars, pour s'établir à 2,18 milliards de dollars en 1995-1996, soit une réduction de 8 p. 100 en un an seulement.
Examinons maintenant l'incidence du projet de loi C-76 sur ces transferts de fonds. À compter de 1996-1997, les transferts de FPE pour la santé et pour l'enseignement postsecondaire ainsi que le Régime d'assistance publique du Canada seront remplacés par un transfert unique appelé le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. En 1995-1996, le total des transferts de fonds pour ces trois programmes sera de 16,3 milliards de dollars. En 1996-1997, le nouveau transfert sera de 12,83 milliards de dollars, soit une réduction importante de 3,47 milliards de dollars, ou de 21,3 p. 100, comparativement au chiffre de l'année précédente.
Nous estimons que le transfert de fonds pour l'aide sociale et la santé sera de quelque 110,33 milliards de dollars en 1997-1998, soit une autre réduction de 2,53 milliards de dollars, ou de 19,7 p. 100, comparativement à l'année précédente. De 1994-1995 à 1997-1998, les compressions totales seront de l'ordre de 6,61 milliards de dollars, ou de 39,1 p. 100. En d'autres mots, chaque année, à compter de 1997-1998, on comptera 6,61 milliards de dollars de moins qu'en 1994-1995.
Je vous rappellerai l'observation de Gérard D. Lévesque, l'ancien ministre des Finances du Québec, concernant un budget fédéral antérieur, qui disait que le gouvernement fédéral «pelletait son déficit dans la cour des provinces». C'est exactement ce qui se passe ici, mais sur une plus vaste échelle.
Le deuxième point que j'aimerais soulever touche l'incidence de ces réductions sur la qualité et l'accessibilité de l'enseignement postsecondaire au Canada. Des réductions de cette importance ne pourront qu'avoir un effet dramatique sur l'enseignement supérieur au Canada. On ne peut effectuer de telles réductions et présumer qu'elles n'auront pas d'incidence importante sur le secteur touché. Mais, d'une façon ou d'une autre, l'accessibilité sera réduite du fait qu'on devra augmenter de beaucoup les frais de scolarité ou réduire le nombre des admissions, ou les deux.
On peut déjà observer des conséquences de ces réductions. L'augmentation des frais de scolarité a contribué à la diminution de la demande dans les universités et à une réduction importante des demandes d'admission d'étudiants vulnérables sur le plan financier. Les plus vulnérables d'entre eux sont les étudiants à temps partiel.
L'examen des demandes d'admission des étudiants à temps partiel révèle que celles-ci ont diminué de 6,46 p. 100 et de 5,29 p. 100 au cours des deux dernières années. En 1994-1995, environ la moitié des universités ont enregistré une diminution des demandes d'admission en première année. Il ne fait aucun doute que cette conjoncture ne fera qu'accélérer la tendance actuelle à la diminution du nombre d'étudiants en science.
Des réductions de cette ampleur ne pourront qu'avoir une incidence importante sur la qualité des universités. Il sera plus difficile pour les établissements d'enseignement supérieur d'entretenir le matériel scientifique qu'ils possèdent déjà et d'acheter de nouveaux instruments de pointe. Davantage d'universités devront refuser des subventions de recherche parce qu'elles ne disposent pas de l'infrastructure que celles-ci exigent.
Aux États-Unis, on observe déjà les débuts d'une tendance à éliminer des programmes comme ceux de chimie et de physique, et ce, parce qu'ils coûtent trop cher, étant donné le nombre d'étudiants qui y sont inscrits. Si la tendance se maintient, ces départements ne pourront qu'offrir des cours de services élémentaires pour les étudiants qui n'étudient pas en science.
En outre, comme nous l'avons déjà observé au cours des 10 dernières années, le nombre d'étudiants augmentera dans les classes, et il y aura moins de contact avec les professeurs, ce qui va à l'encontre du rapport Smith, qui insistait sur l'importance de l'enseignement. La plupart des politiciens et des bureaucrates font l'éloge de ce rapport. La qualité des ressources documentaires a déjà diminué et continuera de décroître. Le nombre d'abonnements aux revues, surtout aux revues scientifiques, qui contiennent l'information scientifique la plus à jour, sera réduit parce que le coût en est très élevé.
Comme l'enseignement postsecondaire fait l'objet d'un sous-financement depuis plus d'une décennie, les universités et les collèges ne disposent plus de ressources pour compenser la diminution abrupte de l'aide fédérale. Les étudiants d'aujourd'hui et de demain recevront donc un enseignement de qualité inférieure.
Même s'il est vrai que les fonds ne sont pas liés dans le cadre du transpert de FPE, tout le monde s'attend à ce que le gouvernement provincial transmette les réductions imposées par le gouvernement fédéral. De plus, comme l'a clairement indiqué le gouvernement fédéral dans son Livre vert publié l'automne dernier, presque toutes les réductions de transfert visent l'enseignement postsecondaire. Nous estimons que cette position se reflète dans le nom du nouveau transfert, Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, et nous croyons que ce n'est pas une coïncidence si le mot «enseignement» est absent du titre. Ces compressions signifient que les universités canadiennes deviendront moins compétitives dans un monde où la mondialisation des connaissances prend une allure folle. Cette approche va directement à l'encontre du contenu du Livre rouge.
Position de l'ACPU.
Premièrement, les membres présents à la réunion générale annuelle qui a eu lieu à la fin d'avril ont vigoureusement condamné les réductions de transfert, non seulement pour ce qui est de l'enseignement postsecondaire, mais aussi pour les soins de santé et l'assistance sociale. Les membres présents à la réunion générale du conseil ont autorisé leurs directeurs à exiger le maintien d'une présence explicite du gouvernement fédéral dans le financement de l'enseignement postsecondaire, conformément aux positions de principe établies.
Les défenseurs des professionnels de la santé pressent le gouvernement fédéral d'affecter une somme précise au secteur de la santé dans le cadre des nouvelles dispositions de transfert.
L'ACPU appuie cette position. Nous l'appuyons et nous estimons que des fonds devraient également être affectés à l'enseignement postsecondaire et à l'assistance sociale. En fait, nous pensons que ce transfert devrait porter le titre de «Transfert canadien en matière de santé, d'enseignement et de programmes sociaux». Nous estimons que c'est là le seul moyen de vraiment rendre compte des fonds.
Nous doutons beaucoup que les contribuables canadiens soient très intéressés à défendre le droit des provinces d'utiliser des fonds du gouvernement fédéral, fonds qui, à l'origine, étaient destinés à l'enseignement postsecondaire, à la santé et à l'assistance sociale, pour l'aménagement de routes ou des projets de patronage.
Les membres présents à la réunion générale annuelle ont également réaffirmé leur appui - il s'agit de notre troisième point - à leur politique antérieure, notamment à l'utilisation d'une partie des fonds affectés précédemment à l'enseignement postsecondaire dans le cadre des dispositions sur le FPE pour le financement de programmes fédéraux précis dans des domaines tels que l'aide aux étudiants, la recherche et l'appui aux bibliothèques universitaires.
L'annexe A, qui est jointe au mémoire, indique la formulation précise de la proposition du conseil.
Bref, l'ACPU réaffirme son appui à la politique voulant que le gouvernement fédéral maintienne une présence explicite dans le financement de l'enseignement postsecondaire. Nous demandons au gouvernement fédéral d'affecter des fonds séparés à la santé, à l'enseignement postsecondaire et à l'assistance sociale dans le cadre des nouvelles dispositions proposées pour le tranfert. Nous réaffirmons notre politique voulant que des fonds du FPE affectés auparavant à l'enseignement postsecondaire soit réaffectés au financement d'un groupe de programmes, notamment à la recherche, aux bibliothèques universitaires et à l'aide aux étudiants.
Pour conclure - et je parle peut-être ici davantage à titre d'historienne, profession que j'exerce lorsque je ne remplis pas les fonctions de présidente de l'association - j'aimerais inciter particulièrement les membres libéraux du comité à examiner les mesures prises par les gouvernements libéraux depuis la Seconde Guerre mondiale.
Depuis cette guerre, les gouvernements libéraux ont toujours fait en sorte que le gouvernement fédéral joue un rôle clé dans le financement de l'enseignement postsecondaire. Ils estimaient qu'il s'agissait là non pas de simples dépenses, mais aussi d'un investissement, d'un investissement dans l'avenir du Canada, et d'un moyen de garantir l'accès à un enseignement supérieur de qualité pour tous les Canadiens.
Ils estimaient que les universités devaient avoir une vision qui ne soit pas limitée aux frontières provinciales dans des domaines comme, par exemple, l'étude des affaires internationales et des systèmes économiques internationaux ou la recherche portant sur les océans ou les régions polaires. Ils reconnaissaient que nombre des marchés auxquels sont destinées les personnes qui possèdent des diplômes d'études supérieures sont nationaux ou internationaux et que les contribuables locaux et les provinces pouvaient s'opposer à l'utilisation de fonds provinciaux à des fins qui n'étaient pas complètement et évidemment liées aux objectifs desdites provinces.
Je dois signaler que le message véhiculé actuellement, si on lit attentivement le rapport Roblin, du Manitoba, c'est que les provinces ne devraient financer que les projets de recherche universitaire qui les intéressent directement.
L'appui financier du gouvernement fédéral a donc, au cours des ans, aidé les établissements postsecondaires à répondre aux besoins internationaux et nationaux, ainsi que locaux et provinciaux. Dans un monde où la mondialisation des connaissances s'accélère de façon dramatique, la plupart des pays industrialisés reconnaissent ce fait et l'importance des systèmes d'enseignement supérieur. Il me semble que le Canada s'est engagé, très curieusement, dans la direction opposée.
Si les réductions de transferts sont effectuées, l'ACPU estime - en fait, nous voudrions nous faire l'écho de ce que M. White a dit avant nous - qu'il ne s'agira pas de simples mesures budgétaires. Nous assistons, en fait, à une modification des principes et des droits sociaux fondamentaux établis au pays après la Seconde Guerre mondiale. Ces compressions ôteront aux Canadiens un droit individuel fondamental maintenu et célébré par les divers gouvernements libéraux qui se sont succédés au pouvoir depuis la Seconde Guerre mondiale, soit le droit qu'ont tous les citoyens compétents, peu importe leur classe sociale, d'avoir accès à un enseignement postsecondaire de qualité.
Si, comme beaucoup d'entre vous le soutiennent, les connaissances sont la clé d'une prospérité durable au 21e siècle, les universités du Canada doivent être alimentées, car elles sont à la source de la création et de la diffusion des connaissances. Pour que le Canada demeure un modèle unique de compatibilité malgré les diversités régionales et culturelles, le gouvernement fédéral ne doit pas abdiquer sa responsabilité de voir à ce que tous les citoyens compétents aient également accès à l'enseignement universitaire.
L'autre jour, j'écoutais le premier ministre parler des célébrations de la victoire en Europe. Il assurait aux anciens combattants canadiens que le gouvernement ne les laisserait pas tomber. J'aimerais rappeler aux membres du comité que, peu importe ce que les intérêts et les idéologues de droite peuvent maintenant qualifier d'«intérêt spécial», les anciens combattants qui se sont battus pendant la Seconde Guerre mondiale représentaient les droits sociaux.
Je pense que nous pouvons convenir avec le CTC que c'est toute une série de droits sociaux qui sont remis en cause ici. Bien que nous suggérions dans notre document que le comité tienne des séminaires sur les conséquences du projet instances du projet de loi C-76, nous croyons qu'il faudrait appliquer la suggestion de M. White voulant qu'un groupe de penseurs ou d'experts voyagent dans tout le pays et examinent avec les citoyens du Canada les incidences de ces changements fondamentaux sur le régime d'aide sociale canadien.
Merci.
Le président: Je vous remercie beaucoup, madame Lorimer.
[Français]
Monsieur Tremblay, s'il vous plaît.
M. Tremblay: Comme il semble que la majorité de ces remarques s'adressaient aux libéraux, je vais leur laisser la parole.
Le président: Bon. Après, on pourra peut-être revenir à vous, si vous avez des questions.
Monsieur Speaker, s'il vous plaît.
[Traduction]
M. Speaker: Croyez-vous que l'idée maîtresse de votre mémoire soit adaptée à la conjoncture financière actuelle?
Mme Lorimer: Oui, si votre question signifie qui peu en assumer les frais.
M. Speaker: Essentiellement, vous recommandez de maintenir le statu quo. C'est le message que je reçois: maintenir le statu quo. Même si l'on ne faisait que cela, il faudrait accroître le financement, si l'on tient compte de l'inflation, etc. C'est là l'essence de votre mémoire.
Si vous dites que vous êtes prioritaires, on ne peut vous toucher. J'ai essayé de m'arrêter et d'examiner toutes les fonctions du gouvernement en me demandant ce que je peux laisser passer... L'enseignement est, dans l'esprit des Canadiens, l'un des secteurs qui devraient être le moins touchés par les réductions. Même à cela... il serait difficile de ne pas toucher quelque peu ce secteur. Croyez-vous que cela est possible?
Mme Lorimer: Je crois que plusieurs observations peuvent être faites. Vous avez énoncé la première et la plus importante, soit le sens des priorités. Si l'objectif est d'atteindre et de maintenir une plus grande prospérité économique au Canada et de créer un développement économique durable, je crois qu'il faut comprendre comment on en arrive à ces résultats.
Ma première réponse à votre question, c'est que les universités jouent un rôle important dans la réalisation de cet objectif de prospérité. Il faut donc procéder avec beaucoup de prudence pour déterminer quel type d'investissement favorisera la prospérité économique et quel autre y nuira. C'est là le premier point de ma réponse.
Le deuxième point est semblable en ce qui concerne les compressions. J'aimerais signaler que ces compressions visent un système qui est déjà sous-financé depuis longtemps. Il est donc très difficile de nous dire que nous devons continuer de produire malgré ces nouvelles réductions, lorsque nous estimons avoir fait l'objet de compressions importantes et en être déjà réduits à l'essentiel.
Mon troisième point, c'est que je n'ai pas encore parlé du dernier point du mémoire, c'est-à-dire la question de savoir qui devra assumer les frais. L'ACPU a appuyé le travail de Choices, qui offre d'autres possibilités de budget, et je vous recommande de les examiner.
Nous avons également, l'automne dernier, signalé au Comité des finances que certaines parties du régime fiscal devaient être examinées de près. Nous lui avons fait remarquer que les impôts auxquels on renonçait en n'imposant pas de contributions aux gagnants à la loterie et aux jeux de hasard, etc., même selon les chiffres du ministère des Finances, étaient presque équivalents au budget complet des trois conseils de recherche fédéraux.
Le président: Combien cela représentait-il au total?
M. Donald C. Savage (directeur administratif, Association canadienne des professeurs d'université): Il s'agissait de quelque 800 millions de dollars.
Le président: Le ministère des Finances a renoncé par la suite...
Mme Lorimer: En effet.
Le président: ...à estimer les dépenses fiscales pour l'imposition de contributions sur les loteries et les jeux de hasard.
M. Speaker: Je note dans le mémoire une méfiance à l'égard des politiciens provinciaux: on croit qu'ils aménageront des routes et des autoroutes et qu'il y aura du népotisme. C'est là beaucoup de soupçons. Croyez-vous que le grand public les laisserait agir ainsi et ne pas aider nos universités de qualité?
Mme Lorimer: Il y a deux points que je désire soulever. Il y a longtemps que la question des liens entre le financement fédéral et le financement provincial nous préoccupe. Les dispositions existantes concernant le FPE ne prévoyaient pas de lien juridique pour le financement, mais celui-ci a été établi en fonction d'une part de 28,3 p. 100 du budget pour l'enseignement postsecondaire. Il n'y avait pas d'obligation juridique, mais une obligation morale, et les gouvernements provinciaux pourraient être tenus de rendre des comptes tant sur le plan moral que sur le plan politique.
Nous savons que, dans le passé, des gouvernements provinciaux ont utilisé cet argent pour d'autres projets. Nous craignons que le gouvernement fédéral ne perde son influence s'il se retire complètement du processus.
Nous avons déjà parlé de cette question dans le cadre du comité des ressources humaines. Je ne peux comprendre la position d'un gouvernement fédéral qui remet de l'argent aux provinces et qui ne prend aucune mesure pour établir comment il sera dépensé. Je ne peux imaginer des gens d'affaires adoptant une attitude semblable, c'est-à-dire distribuant de l'argent sans condition; nous croyons que vous devriez utiliser ces fonds pour tel ou tel projet, mais nous ne voulons pas du tout exercer un contrôle sur vos dépenses.
À plusieurs égards, l'ACPU représente bien ce qu'on pense dans l'ensemble du pays; elle compte des représentants de toutes les provinces et des associations provinciales qui en sont membres. Nous venons tout juste de signer un protocole avec la FOPPU. Nous sommes très représentatifs de l'ensemble du pays, et nous comprenons les préoccupations des gouvernements fédéral et provinciaux. Nous comprenons également les rapports constitutionnels.
Nous ne prétendons pas que le gouvernement fédéral devrait financer et gérer les programmes d'enseignement dans les provinces. Cependant, nous estimons qu'il y a une différence entre le financement et la gestion. Nous voulons seulement que les fonds remis aux provinces soient affectés à l'enseignement postsecondaire. Cela ne signifie pas que vous devez imposer aux provinces les programmes à suivre, mais que celles-ci devraient affecter les fonds à l'enseignement postsecondaire.
Le président: Monsieur Tremblay.
[Français]
M. Tremblay: Je peux vous dire que là-dessus, nous ne partageons pas du tout votre opinion. L'explication est très simple. C'est l'argent des contribuables, ce n'est pas l'argent du gouvernement fédéral. Alors, la comparaison avec l'entreprise... Mon argent personnel, je peux le donner à qui je veux, mais l'argent des contribuables, c'est l'argent des contribuables et c'est une décision qui passe par ici ou qui passe directement aux provinces. Si on en est rendus là, c'est précisément parce qu'on a trop dépensé ailleurs.
Le président: D'autre part, pour y ajouter quelque chose, la péréquation n'est pas...
[Traduction]
Mme Lorimer: Je suis désolée, je n'ai pas tout compris.
[Français]
Le président: La péréquation n'est pas contrôlée, mais c'est donné aux provinces. Mais...
[Traduction]
M. Walker: Il y a un certain nombre de points que j'aimerais examiner. Nous avons dit à d'autres témoins qu'il s'agit d'une question à laquelle nous sommes tous très sensibles, car nous nous engageons dans une nouvelle voie, et nous voulons procéder de la bonne façon. Il me semble que nous devons faire très attention de ne pas trop embellir les conditions actuelles.
Mme Lorimer: L'ACPU sera coupable à cet égard.
M. Walker: Non. C'est ce que j'entends l'ACPU dire depuis que je suis député, et, évidemment, j'ai été membre de votre association pendant les 15 années précédentes.
Le président: Est-ce qu'ils vous ont forcé à partir, monsieur Walker?
M. Walker: Il y a une coalition bien connue pour me faire partir. Je peux vous dire, à titre de membre de l'ACPU...
Le président: Sa cote vient juste de monter incroyablement dans mon estime.
M. Walker: Si je pensais que les membres de l'ACPU appuient complètement Choices, je n'en croirais pas mes oreilles. Si je pensais un seul instant que les universités du Manitoba l'appuient comme vous venez tout juste de le dire...je ne peux comprendre que cela ait été dit. Je ne peux croire qu'un groupe comme celui-là... que je connais, car la personne qui était à sa tête a occupé le bureau voisin du mien pendant 12 ans. Leur donner la crédibilité nationale que vous leur accordez, après les raccourcis qu'ils ont pris dans leur exposé, est au-delà de toute compréhension.
Deuxièmement, vous parlez d'examiner les avantages fiscaux. Le président a déjà parlé de la réalité des loteries et des jeux de hasard, qui relèvent des provinces, desquelles nous avons déjà reçu, indirectement, quelque 95 millions de dollars. Nous répugnons à nous engager davantage, car il y en a parmi nous qui sont convaincus que la dernière chose à faire, c'est d'ajouter l'enseignement à la liste des organismes de charité, des organismes sportifs et des établissements de santé qui reçoivent de l'aide découlant des jeux de hasard. Je suis surpris que les membres dans l'ensemble du pays soient de cet avis.
Troisièmement, lorsque vous parlez du nouveau nom du transfert canadien, si vous voulez qu'il soit consigné que cela a été approuvé par les associations provinciales dans l'ensemble du pays et que les dix provinces sont tout à fait d'accord pour que le gouvernement fédéral mentionne précisément le mot «enseignement» - non pas seulement «enseignement postsecondaire», mais «enseignement» - comme l'un des moyens de désigner directement les fonds...
M. Savage: En ce qui concerne Choices, si vous lisez la dernière page de notre mémoire, vous verrez que nous recommandons quelque chose de semblable, mais peut-être un peu moins considérable que M. White vous a dit, notamment une série de séminaires pour examiner des propositions comme celle de Choices et du Centre for Policy Alternatives. Autrement dit, nous appuyons le processus en partie. Notre conseil ne s'est pas encore prononcé concernant les résultats, et nous croyons que ceux-ci devraient être examinés soit de la façon que nous avons suggérée, soit de la façon que M. White a suggérée, suggestion que nous avons entendue pour la première fois ce matin.
En ce qui concerne les loteries, nous avons déjà discuté la question. On nous a laissé entendre que les sommes versées par les provinces au gouvernement fédéral pourraient, par conséquent, disparaître. Toutefois, le rapport du ministère des Finances indique que les gains fiscaux sont énormément plus importants, même sans les paiements des provinces. C'est une partie de nos mémoires qui a été approuvée...
Le président: Le rapport de quel comité des finances?
M. Savage: Le rapport du ministère des Finances.
Le président: Oh, pardon.
M. Savage: Cela faisait partie de notre mémoire de l'automne dernier. Tout cela a été approuvé par notre organisation, et je ne me rappelle aucun désaccord concernant cette approche, du moins pas que je sache.
Mme Lorimer: Pour ce qui est du troisième point, c'est-à-dire la question de l'approbation par les associations provinciales...en fait, la proposition qui se trouve en annexe de notre rapport a été élaborée après une rencontre tenue avec toutes les associations représentant les provinces à l'ACPU, il y a plus d'une semaine.
M. Savage: Les représentants du Québec semblaient assez d'accord avec l'idée de désigner l'enseignement dans le cadre d'un programme de transfert national.
Mme Lorimer: Comme je vous l'ai dit au début, nous venons juste de signer un protocole avec la FOPPU la semaine dernière. Son représentant se trouvait à la séance de notre conseil et est d'accord avec nous en ce qui concerne le concept du financement. Il est absolument convaincu que si des fonds du gouvernement fédéral sont affectés à l'EPS ou à la recherche, le Québec devrait en recevoir sa part. Il y a quatre membres du Québec qui siègent à notre conseil. Comme nous venons tout juste de signer le protocole, nous n'avons pas encore eu l'occasion de discuter à fond de la question avec eux.
M. Walker: Autrement dit, ils n'ont pas encore dit ce qu'ils pensaient du nom?
Mme Lorimer: Non.
M. Savage: Non.
Le président: Monsieur Fewchuk.
M. Fewchuk (Selkirk - Red River): En tant qu'ancien représentant municipal dans les années 70... et maintenant à Ottawa, je m'arrête et je pense au début des années 70, et je trouve que rien n'a changé. Il s'agit essentiellement d'un problème dont la source se trouve au niveau local, où il n'y a pas d'appui de la part des enseignants, des conseils et des provinces. Il ne s'agissait pas d'une question fédérale lorsque j'étais au niveau local. Nous savions que nous aurions des fonds. C'est avec les provinces que le problème se posait. Je pense à toute cette paperasserie, et je crois que j'en ai des tonnes.
L'autre point qui me surprend, c'est que, au niveau local, nous ne voyons pas de groupes comme vous trois débattant de votre question. Les municipalités se sentent très frustrées. Nous ne faisons que recevoir la facture et payer le taux par mille, puis la province envoie une autre facture aux contribuables pour l'enseignement, de même que le gouvernement fédéral. Il n'y a pas de limite.
Je crois que le gouvernement fédéral n'est pas le seule à blâmer. Je suis d'avis que 90 p. 100 devraient être retournés directement aux provinces - elles doivent être les responsables - et cela est reconnu au niveau local.
M. Savage: Nous avons toujours reconnu, depuis la Seconde Guerre mondiale, qu'il y avait une responsabilité partagée entre les provinces et Ottawa, pour ce qui est du financement de l'enseignement postsecondaire.
Quant aux gouvernements locaux, il est bien entendu que l'enseignement postsecondaire n'est pas financé par les conseils scolaires et les recettes provenant des taxes scolaires locales, mais, à mon sens, il est juste de dire que, d'un bout à l'autre du pays, les universités et les municipalités, dans les faits, ont collaboré, ont dialogué et se sont promus réciproquement plus que jamais au cours des dix dernières années.
Les municipalités savent que les universités sont indispensables à leur prospérité. Si les universités disparaissaient, les municipalités seraient en sérieuse difficulté. Je crois que la plupart des politiciens municipaux d'il y a peut-être 20 à 25 ans, à l'époque où l'argent était relativement disponible, n'avaient pas trop à y songer, mais qu'ils le font maintenant. Vous voyez des campagnes coordonnées à l'appui des universités locales, auxquelles participent les maires et conseils des villes pour cette raison même.
M. Fewchuk: Je ne dis pas que je ne l'appuie pas. J'affirme que c'est la même vieille question. Personne ne s'y intéresse. Nous avons une foule de problèmes qui commencent par l'organisation et les gens de la place qui s'en chargent. Les membres du Cabinet ne peuvent dire aux enseignants quoi faire, ça se situe au niveau des conseils scolaires et c'est de là que vient le problème. Je n'ai entendu personne dire qu'il tente de s'y rendre pour redresser la situation.
Nous savons tous que nous versons l'équivalent de 60 à 80 p. 100 du budget municipal au chapitre des frais des conseils scolaires et que ce chiffre va en augmentant. Personne ne semble demander pourquoi nous ne commençons pas au niveau local, si nous pouvons y être utiles, peut-être en reconnaissant, avec les associations et les syndicats d'enseignants, qu'il faut travailler de concert, demander si nous pouvons obtenir un meilleur enseignement et quel système nous voulons, aux dirigeants des provinces. Ce sont les provinces qui régissent le tout.
M. Savage: Nous n'avons jamais hésité à exprimer aussi fermement sinon davantage nos vues aux gouvernements provinciaux, quelle qu'en soit la couleur, au sujet de leurs responsabilités.
Le président: Madame Brushett.
Mme Brushett: Dans l'Est, il y a probablement plus d'universités per capita que dans toutes les autres régions du pays, et même dans le monde. Cependant, vous nous avez laissé ce document où il est dit que les départements de chimie, les départements de physique, les sciences, disparaissent.
Je dois m'inscrire en faux contre cela car nous avons lancé à de nombreuses universités dans l'Est le défi de mettre de l'ordre dans leurs affaires. Vous ne pouvez pas tous faire de la chimie, ni de la physique. Il vous faut exceller. Ensemble, vous savez ce que vous pouvez faire le mieux, afin de pouvoir exceller et que nous puissions nous permettre le matériel le plus moderne. Vous ne pouvez pas tous l'avoir. Cela vaut aussi pour les hôpitaux. Ils ne peuvent pas tous faire de l'IRM et de la neurochirurgie. Vous devez réunir l'expertise par domaine afin d'éviter la redondance et le douple emploi.
Deuxième point, les livres, les tas de livres. Nous avons aujourd'hui Internet. Je fréquente encore l'université, à temps partiel, et mes enfants y étudient. Ils utilisent plus Internet que la bibliothèque. Le livre est sorti et ils n'ont que trois jours et ne peuvent l'obtenir. Ils se tournent donc vers d'autres sources. Ne croyez-vous pas que c'est là la mesure appropriée que nous, au niveau provincial, pouvons prendre pour rentabiliser les choses?
Mme Lorimer: J'essaie de suivre vos points.
Mme Brushett: Oh, je vais m'arrêter.
Mme Lorimer: D'abord, je crois que, si vous prenez les universités, même avant que le gouvernement ne leur ait demandé de le faire, elles ont déjà amorcé le processus de la rationalisation. En Ontario, par exemple, mon propre établissement, dont je ne parle pas souvent, l'Université Wilfrid Laurier, forme un triangle étroit avec l'Université de Guelph et l'Université de Waterloo. Nous avons maintenant un programme triuniversitaire de doctorat en histoire, un programme triuniversitaire en géographie, et un programme triuniversitaire en maîtrise ès arts. Pourquoi? Parce que cela nous permet de ne pas recruter de nouveaux professeurs. Nous pouvons, en travaillant ensemble, déployer nos ressources.
Lorsque je me suis jointe à ces établissements il y a 10 ans, nous n'avions jamais de rencontre avec les professeurs, même lorsque 10 minutes suffisaient pour se rendre à leur domicile.
Je crois que les universités le font.
Mme Brushett: Bravo.
Mme Lorimer: Il y a des endroits extraordinaires où de telles choses se passent, comme en Nouvelle-Écosse à l'heure actuelle, d'une façon qui est peut-être encore plus spectaculaire.
L'ACPU n'a jamais eu pour position que le processus ne devrait pas avoir lieu, mais plutôt qu'il devrait se dérouler comme il faut, judicieusement et avec prudence...
Mme Brushett: Ne croyez-vous pas que c'est le cas?
Mme Lorimer: ...non par réaction, mais en collaboration et avec la compréhension des établissements mêmes qui connaissent mieux où se situent leurs points forts et leurs points faibles.
Mme Brushett: Absolument.
Mme Lorimer: Il est vrai que la technologie est en train de changer la façon d'envisager les bibliothèques. Or, la technologie coûte des sous.
Nous nous sommes entretenus avec M. Gerrard, juste après Noël. Il avait cette merveilleuse perception, que nous partagions tous, d'un réseau de bibliothèques unifiées où, si vous désirez obtenir un livre ou un article d'une autre bibliothèque, il sera transmis par Internet et reproduit par photocopieur dans votre bibliothèque. C'est très beau mais ce ne peut être gratuit. Les universités ont besoin d'infrastructures pour produire.
La rationalisation coûte des sous. Elle n'apporte pas uniquement des économies, elle entraîne des frais.
Mme Brushett: C'est que, selon moi, ils sont fort capables, au niveau provincial, de prendre les décisions qui les touchent de plus près.
Une voix: Bravo!
M. Savage: Il y a aussi un autre aspect. Dans les programmes de premier cycle, où se trouvent la plupart des étudiants, si une université veut jouer son rôle elle doit effectivement offrir une gamme complète de programmes d'études de premier cycle. Vous ne pouvez dire que vous allez mettre fin aux cours de physique, aux cours de chimie ou aux cours d'histoire.
Mme Brushett: Il faudrait peut-être y repenser. Je serais presque tentée de le contester.
M. Savage: Je ne le crois pas. Je suis tout à fait en désaccord avec vous.
Cela me semble vraiment important. Presque tous ceux qui parlent d'enseignement postsecondaire soulignent qu'il importe que les études de premier cycle offrent bel et bien un vaste défi donnant aux étudiants l'occasion de prendre les directions particulières où la situation les amène. La réduction des programmes d'études de premier cycle serait très préjudiciable aux étudiants de notre pays.
Mme Brushett: Mais c'est là le coeur du problème. Nous avons éliminé le latin du programme...pour certaines de ces choses, et je crois que nous devons nous mettre au diapason du 21e siècle.
M. Savage: En délaissant la chimie, la physique et les mathématiques?
Mme Brushett: Mais vous dites que nous devons être toujours là pour tout le monde. Je crois que c'est là où intervient le défi.
M. Fewchuk: Tout commence à la maternelle. Je n'entends personne le dire. Tout ce dont ils parlent est l'université.
Le président: Merci beaucoup, madame Brushett.
L'ACPU est-elle en faveur des prêts aux étudiants dont le remboursement est fonction du revenu? Oui ou non.
Mme Lorimer: La réponse est non. Voulez-vous que je m'explique?
Le président: Non. Je vous ai juste demandé une très simple question.
Un des points très intéressants qui nous occupent est que l'AUCC, qui est venue témoigner ici ce matin, les appuient très fortement. C'est pourquoi, lorsque les milieux universitaires sont divisés, il est très difficile pour nous d'en venir à des conclusions définitives sur la politique gouvernementale.
Nous sommes dans une ère de changement, de changement draconien. Personne d'entre nous n'est probablement compétent en la matière ou voit d'un bon oeil le fait que nous devons en être les auteurs. Nous apprécions beaucoup votre exposé de ce matin qui nous aidera à prendre ces décisions très difficiles. Je tiens à vous remercier au nom de chaque membre présent.
Notre témoin suivant est M. John McEwen, président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brusnwick, qui nous revient à la demande générale.
Nous nous sommes vus la dernière fois à Moncton, monsieur McEwen. Vous nous avez parlé de votre fonds, qui crée toutes sortes d'emplois.
M. John McEwen (président, Fédération des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick): C'est plutôt dommage que notre rencontre n'ait pas de nouveau lieu à Moncton. Je serais le premier à préconiser, le plus directement possible, que l'occasion soit donnée à d'autres personnes de l'extérieur de la capitale de participer à l'important dialogue qui va se dérouler sur cette question. Nous croyons qu'on ne peut trop insister sur l'importance de cette dernière. L'occasion doit être offerte.
Comme vous le savez, l'exposé que nous avons présenté à Moncton a été bien accueilli par la presse et les gens se sont donc sentis engagés, ont eu un sentiment de participation que, malheureusement, nous ne pourrons recréer cette fois-ci. Nous ne pourrons créer le même sentiment de participation à moins que nous puissions convaincre d'une manière quelconque le comité et vous-mêmes de l'importance de se rendre dans d'autres régions du Canada.
Si vous vous rendez dans d'autres régions du Canada - au Nouveau-Brunswick, par exemple - , nous croyons que plus de députés de la région de l'Atlantique auront l'occasion de rencontrer les membres du comité et d'écouter certaines des observations formulées. Jusqu'ici, le comité - selon les documents que j'ai - n'a fait qu'une présence dans cette région. Les députés à Ottawa ont trop souvent tendance selon moi à canaliser leur action vers le Canada central, surtout l'Ontario. Nous estimons qu'il y a d'autres régions au pays qui ont beaucoup à offrir.
Le président: Le ministre Dingwall s'objecterait vivement à vos propos.
M. McEwen: Il ne veut pas que les Canadiens de la région de l'Atlantique...
Le président: Non, il ne serait pas d'accord avec vous que cette région n'a pas été fortement représentée, fortement appuyée et fortement favorisée, dans votre parti et votre gouvernement.
M. Tremblay: Doug Young serait peut-être aussi de cet avis.
Le président: Doug Youg aussi.
M. McEwen: Bien, nous vivons dans la terre du Canada; seul les durs y survivent. Lorsque nous envoyons des représentants au Parlement, nous voulons les meilleurs qui soient. Ils peuvent certainement se défendre.
Le président: Merci beaucoup, monsieur McEwen. Nous croyons que la Fédération des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick a aussi probablement délégué ses meilleurs éléments.
M. McEwen: Merci beaucoup.
Nous avons dressé un mémoire. À notre sens, un mémoire doit être court. Comme vous le voyez, il est plutôt court, mais il ne manque pas de substance.
D'abord, en tant que principal organe syndical du Nouveau-Brunswick, la Fédération des travailleurs et travailleuses est réellement heureuse d'avoir l'occasion de présenter ses vues à ce comité très important qui se penche sur les questions se rattachant au projet de loi C-76.
Les 38 000 membres de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick proviennent de syndicats du secteur public et du secteur privé. Nos membres vivent et travaillent dans toutes les régions économiques du Nouveau-Brunswick.
À l'instar d'autres fédérations provinciales et territoriales des travailleurs, nous sommes affiliés au Congrès du travail du Canada et nous faisons nôtre les vues de celui-ci sur le projet de loi C-76. Par conséquent, nous avons l'intention aujourd'hui de décrire comment nous voyons les choses depuis le Nouveau-Brunswick. Nous espérons offrir une perspective plus locale et terre à terre que celle qu'un organisme national peut présenter.
La perte de 45 000 emplois dans le secteur public et les compressions qui l'ont accompagnée dans les programmes publics sont sans précédents et les ravages que ces compressions ont faits dans la population sont indescriptibles. Dans la petite province du Nouveau-Brunswick, environ 1 000 hommes et femmes perdront leur emploi. Dans certains cas, les deux conjoints perdront leur emploi dans la fonction publique fédérale. Les chiffres en soi sont assez atterrants mais, si vous essayez de leur donner un visage humain et d'établir un lien avec votre voisin, votre frère, votre soeur ou un ami, en plus du haut niveau de chômage dans notre région, le résultat est ahurissant.
Il y a d'autres facteurs qui ne peuvent être pesés, notamment le fait que la fonction publique du Canada se compose de personnes parmi les plus instruites et compétentes. Lorsque ces personnes fréquentent leur église et des organisations communautaires, elles y apportent une énorme expertise qui aide à constuire et aide la localité ou l'organisation à s'épanouir. Non seulement la personne perd son emploi, mais aussi toute la localité subit une perte qui est difficile à évaluer mais qui a néanmoins des répercussions dramatiques sur ces collectivités.
Dans certains cas, on ne sait pas encore exactement quels programmes seront touchés. Toutefois, si l'on regarde le pourcentage attribué au Nouveau-Brunswick pour le financement des programmes comparativement au reste du Canada et si on suppose que le pourcentage de la compression totale en dollars sera du même ordre, on peut dire sans grand risque d'erreur que le Nouveau-Brunswick perdra de 20 à 25 p. 100 de son financement actuel des programmes.
Le mouvement syndical a été injustement pris à partie dans les compressions des programmes d'enseignement. Nous laisserons le Congrès du travail du Canada vous entretenir principalement de ces compressions. Toutefois, en tant que président d'une fédération des travailleurs de l'Atlantique, je dois m'élever contre les compressions draconiennes dans le programme de formation syndicale de la région de l'Atlantique.
Le programme de l'Atlantique, qui est un programme de développement des qualités de chef mis en oeuvre par le département de l'enseignement postscolaire de l'Université St. Francis Xavier, a vu s'y inscrire au cours de son histoire, dont il peut être fier, des milliers de membres de syndicats ayant besoin des compétences nécessaires non seulement pour jouer un rôle de chef dans le mouvement syndicat mais aussi, chose encore plus importante, pour participer de manière concrète à l'expansion économique de la région de l'Atlantique. Pour l'année de fonctionnement en cours, la subvention fédérale pour le CFSRA a été réduite des deux tiers et, en 1996-1997, son budget de fonctionnement global sera réduit de 85 p. 100, puis à zéro dans les années suivantes. Je ne saurais trop insister auprès des membres du comité pour leur faire comprendre combien ce programme est important pour le mouvement syndical dans la région de l'Atlantique.
En tant que diplômé du CFSRA, je ne puis rester immobile et laisser cette belle occasion d'aider au développement de la région de l'Atlantique filer aux profits d'autres syndicats. Je vous signale qu'il ne s'agit pas de formation syndicale comme celle à laquelle le plus gros de la subvention au Congrès du travail du Canada est destiné. C'est de l'apprentissage, l'accroissement des compétences pour les chefs syndicaux. La différence est grande.
Selon nous, une des choses les plus inquiétantes dans le budget est le remplacement du financement des programmes établis et du Régime d'assistance publique du Canada par un financement global appelé transfert social canadien. À cause de ce changement, les sommes actuellement transférées aux gouvernements provinciaux pour les soins de santé, l'enseignement postsecondaire et les services sociaux diminueront de quelque 7 milliards de dollars, au cours des trois prochaines années seulement.
Le transfert social canadien permettra aux gouvernements de chercher à innover dans leurs programmes sociaux en ayant très peu de conditions à respecter. Dieu sait que le Nouveau-Brunswick a déjà fait le plein de l'innovation et du tapage publicitaire qui l'accompagne sans apporter de résultat. Les compressions et la liberté donnée aux provinces d'utiliser l'argent à leur gré, plutôt que de leur désigner les domaines particuliers où affecter l'argent, signifieront en réalité la fin des normes et des programmes nationaux dans ces domaines cruciaux.
Le concept du financement global a été appelé un «tiroir unique» lors de discussions antérieures et a été rapidement assimilé par ceux d'entre nous qui se soucient de nos programmes nationaux au tiroir de bric-à-brac que tout le monde possède. Vous remplacez le nom de «tiroir unique» par celui de financement global mais le concept est toujours le même. Celui d'un tiroir de bric-à-brac où rien n'a vraiment sa place et qui n'est guère utile à qui que ce soit.
Le président: Avez-vous inventé le terme? C'est assez bien.
M. McEwen: C'est un terme qui a déjà été employé à mon égard. Je tends à emprunter. On confond souvent silence et sagesse. Si vous pouvez plagier, vous pouvez très facilement vous draper dans la grandeur des autres.
Le président: Je vais plagier et je vais me taire et je vais peut-être passer pour quelqu'un d'extrêmement intelligent.
M. McEwen: Par exemple, récemment, du moins dans la région de l'Atlantique, les médias ont accordé beaucoup d'attention, en Nouvelle-Ecosse, aux fonds accordés pour achever la Transcanadienne dans la vallée Wentworth. L'argent a été retiré et attribué au Cap-Breton et ils vont maintenant construire une route qui aurait dû être la Transcadienne, avec des fonds du gouvernement du Canada. L'argent était là et il est maintenant au Cap-Breton, où il sert à faire autre chose. C'est une route à péage qu'on va construire maintenant et les gens d'affaires sont fort troublés.
Faire confiance aux politiciens provinciaux pour qu'ils fassent ce qu'il faut mieux faire entraîne souvent des résultats qui laissent beaucoup de gens perplexe, c'est le moins qu'on puisse dire.
Le Nouveau-Brunswich a déjà le plus faible taux d'assistance sociale au pays. Un couple ayant deux enfants et vivant d'assistance au Nouveau-Brunswick doit essayer de survivre avec un revenu qui est presque 14 000$ inférieur au seuil de pauvreté normal. Pouvez-vous vous imaginer ce qui arrivera à ce couple et aux autres bénéficiaires d'assistance sociale lorsque le total des fonds transférés non seulement sera réduit mais aussi pourra être dépensé dans n'importe quel domaine?
Avec le transfert social canadien, la seule condition du financement est que la période de résidence ne peut servir à déterminer l'admissibilité à l'assistance sociale. Toutes les autres conditions du RAPC ont été éliminées. Je frémis quand je pense aux conséquences.
Qu'il suffise de regarder ce qui s'est passé également lorsque l'entente a été conclue avec les gouvernements provinciaux au sujet du RPC. Le RPC n'est pas un exemple éclatant de l'aptitude des provinces à se débrouiller au niveau national avec des impôts provenant de ce niveau, lesquels sont en réalité tirés de nos goussets.
Donc, le transfert social canadien ne comporte absolument aucun critère pour le financement de l'enseignement postsecondaire. Les changements apportés à une formule de financement global, entraîneront sûrement en l'absence de restrictions la réaffectation des fonds destinés à l'enseignement, d'où des frais de scolarité plus élevés et un accès à l'enseignement universitaire réservé à une poignée de nantis; ainsi, la plupart des Canadiens ordinaires seront privés de l'enseignement, ce grand émancipateur.
Le projet de loi C-76 modifierait la Loi sur les contributions aux soins de santé de plusieurs façons. Il renforcerait les principes actuels du régime public d'assurance-maladie et en rajouterait deux autres ayant trait à la facturation supplémentaire et aux frais d'utilisation, bien que la loi n'indique pas clairement comment ces nouveaux principes s'appliqueraient. On peut supposer que ces dispositions suffiront, peut-être, à protéger le régime public d'assurance-maladie et ses principes, tels qu'ils sont établis dans la Loi canadienne sur la santé. Or, lorsqu'on voit non seulement que le montant du financement global sera réduit mais aussi que les versements en espèces du gouvernement fédéral seront remplacés graduellement et complètement par des points d'impôt, il faut se demander qui seront les perdants.
Ma localité a récemment perdu deux médecins. Un autre, le mien, est sur le point de quitter. Notre système limite le nombre de licences dans chaque région, et les patients de ces deux médecins se précipitent vers les cabinets des autres ou s'empressent de se faire inscrire sur leur liste, sans parler du troisième qui va quitter. C'est très difficile, surtout, par exemple, lorsqu'un médecin dans la localité détient une licence, est retraité et ne pratique guère sa profession.
Les mesures d'austérité ont déjà réduit le régime public de soins de santé du Nouveau-Brunswick à sa plus simple expression et certains d'hôpitaux ont presque totalement fermé leurs portes pendant un certain temps au cours de l'été afin d'équilibrer leur budget. Il n'est pas rare au Nouveau-Brunswick de voir un étage fermer pour des raisons budgétaires. D'autres ont un arriéré d'interventions chirurgicales électives qui pourrait prendre trois ans à éliminer même s'ils réservaient une salle d'opération uniquement à cette fin.
D'autres compressions ne feront qu'empirer une situation déjà inacceptable. Il ne faut pas être un génie en mathématiques pour se rendre compte que les provinces à court de fonds seront probablement forcées de soutirer des sommes à d'autres programmes sociaux pour respecter les principes du régime public d'assurance-maladie.
Il faut être très prudent lorsqu'on fait des changements. Il a récemment été question, dans les actualités, des effets de l'adoption, par de nombreuses provinces au Canada, de lois rendant obligatoire le port d'un casque par les cyclistes. Je ne sais pas si quelqu'un tentait de faire de l'humour noir, mais il semble que, depuis le port obligatoire du casque, il y a moins de donneurs d'organes parce que la mort cérébrale devient plus rare, mais il y a plus de paraplégiques et de quadraplégiques. C'est sans doute vrai, mais ça frise aussi l'humour noir. Parfois nous faisons un changement qui, pense-t-on, va corriger certains problèmes dans un domaine, mais il a d'autres effets sur le système.
La Fédération des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick juge inacceptable les attaques concertées que représente le projet de loi C-76 contre les travailleurs et travailleuses du secteur public, les programmes publics et les programmes sociaux. Plutôt que de se pencher sur le vrai problème au Canada, qui est le manque d'emplois, le gouvernement a choisi l'approche de la terre brûlée.
Le gouvernement libéral a complètement oublié qu'il s'est fait élire grâce aux promesses faites dans son livre rouge, dont l'une était la création d'emplois. Investir dans l'emploi, c'est investir dans l'avenir du Canada. Il ne s'agit pas nécessairement de mégaprojets; les mesures peuvent commencer sur une petite échelle.
En est un bon exemple l'investissement dans l'expansion de l'aquaculture au Nouveau-Brunswick. En quelques années, cette industrie a atteint un chiffre d'affaires de 140 millions de dollars par année. De plus, des recherches prometteuses sont en cours qui étendront l'industrie à d'autres espèces, un progrès marquant à une époque d'épuisement des stocks naturels de bon nombre d'espèces.
La Fédération des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick a saisi l'occasion de se rendre à Ottawa pour témoigner devant le comité. Toutefois, nous incitons de nouveau le comité à faire ce qui doit être fait, c'est-à-dire voyager au Canada pour permettre au plus grand nombre possible de citoyens d'être entendus. Il est non seulement inconcevable mais aussi irresponsable que cette loi compliquée et de grande portée, qui appelle un vaste débat, donnera plutôt lieu à une consultation minimale du petit nombre invité à Ottawa.
Le président: Est-ce la fin de votre exposé, monsieur McEwen?
M. McEwen: J'ajouterais que, le 29 avril, il y avait un article de John Meyer dans le Financial Post. Il y disait que l'accent doit être mis sur la qualité et non seulement sur la quantité des emplois. Il y décrivait brillamment la nécessité d'élaborer une stratégie qui n'est pas axée sur les faibles salariés de notre économie. Je suis sûr que, si le comité désire pousser plus loin cette réflexion, il pourra obtenir facilement cet article.
Le président: Quel jour était-ce?
M. McEwen: Le 29 avril et l'article est de John Meyer.
Le président: Oui, nous le connaissons. Je vais voir à ce que l'article soit distribué à tous les membres du comité.
Merci, monsieur McEwen.
Monsieur Speaker, aimeriez-vous prendre la parole en premier?
M. Speaker: Monsieur McEwen, je regrette mais je n'ai pas assisté aux audiences tenues au Nouveau-Brunswick. Les membres du comité dont je faisais partie s'étaient rendus dans l'Ouest.
Votre exposé, comme thème général, est semblable à d'autres que nous avons reçus ce matin, car vous désirez une présence nationale par voie législative, ainsi qu'un financement assorti de conditions.
Une des raisons pour lesquelles je suis devenu député est que, pendant des années, en tant qu'Albertain et politicien provincial, j'ai toujours estimé que nous n'avions pas assez d'autonomie comme province, que nous n'étions pas maîtres de notre destin pour ce qui est de des affaires publiques et du budget, et qu'il y avait une ingérence continuelle du gouvernement fédéral qui empiétait sur ce que nous considérions comme des priorités provinciales. Donc, fidèle au slogan «l'Ouest veut être membre à part entière», je suis venu à Ottawa. J'entends la même chose dans les Maritimes. Les gens y ont réfléchi depuis quelques années et ont dit «Écoutez, ce n'est pas que l'Ouest. Nous voulons que l'Est soit aussi présent à Ottawa et fasse partie du processus décisionnel».
Ce que vous disiez dans votre exposé bat en brèche mes propos. Vous y dites aussi que vous avez dans Ottawa et le systèm fédéral une confiance plus grande que dans votre gouvernement local. Vous pouvez regarder de l'autre côté de la rue et voir votre premier ministre. Le gouvernement fédéral est parfois en quelque sorte sans visage. Or, vous avez une plus grande confiance dans ce gros système que dans votre système local.
Pour moi, vous êtes le reflet d'une grande méfiance vis-à-vis de votre politicien local ou provincial qui peut s'occuper de ces questions aussi bien sinon encore plus efficacement que le politicien fédéral dans le système. J'aimerais que vous me disiez pourquoi vous êtes de cet avis afin que je puisse mieux vous comprendre.
M. McEwen: Nous estimons qu'il doit y avoir des normes nationales. Par exemple, il y a l'apprentissage. Vous voulez des gens qui font un travail d'une certaine qualité, et c'est ce que vous procurent des programmes d'apprentissage. Si les provinces décident de leur propre genre d'apprentissage, un employeur en Alberta ne saurait pas quelle compétence il obtient en recrutant quelqu'un du Nouveau-Brunswick.
Grâce aux modalités qui existent en ce moment à cause des normes nationales, que ce soit en Colombie-Britannique ou à Terre-Neuve, la personne qui engage un électricien ou un plombier sait vraiment ce qu'elle obtient, la qualité du travail qu'il fournira.
Qu'arrivera-t-il au Nouveau-Brunswick lorsqu'ils participeront au financement de la construction de la transcanadienne dans cette province? Nous allons refaire la voie publique qui emprunte le deuxième plus long parcours entre les frontières du Nouveau-Brunswick. Cela n'est guère sensé si vous établissez une industrie dans la partie la plus à l'est de la province ou de la Nouvelle-Écosse et si vous désirez acheminer vos produits jusqu'au marché le plus rapidement possible. Or, les politiciens provinciaux subissent les pressions des politiciens locaux qui ne les laissent pas prendre les bonnes décisions et ils sont forcés de prendre la plus populaire.
[Inaudible - Transéditeur]
...au sujet de la route en Nouvelle-Écosse que le gouvernement fédéral était prêt à financer et pour laquelle il avait débloqué des fonds, les politiciens provinciaux ont fait ce qu'ils devaient faire, du point de vue juridique. Ils ont fini par la construire au Cap-Breton. Dieu sait que le Cap-Breton a besoin de routes aussi, mais ils ont enlevé l'argent de l'endroit prévu et ils n'y construiront pas la transcanadienne.
Je crois que nous devons nous pencher sur notre histoire. Les gens de ma localité ont décidé du genre d'écoles et d'hôpitaux dont ils avaient besoin. Nous avons construit nos propres écoles et hôpitaux.
Puis, il y a quelques années, nous avons dit, eh bien, le gouvernement, vous pouvez faire mieux. Nous leur avons confié la tâche parce que nous avions des normes provinciales dans l'enseignement et des normes encore plus rigoureuses dans les soins de santé. Nous leur avons aussi en même temps permis de participer à la prise des décisions. Toutes les décisions sont maintenant prises par des gens qui ne sont pas au niveau local. Je crois que, dans tout le pays, on exige que les gens aient de nouveau l'occasion de participer à ce processus afin de pouvoir décider du genre d'hôpitaux, d'écoles et de services dont ils ont besoin.
Tout cela devrait cependant se faire dans un cadre national afin que nous puissions, en tant que Canadiens, faire notre chemin dans le monde. Le Nouveau-Brunswick est une des plus importantes provinces exportatrices, per capita, du Canada. Il nous faut une norme nationale si nous voulons que notre province, lorsqu'elle se lance sur les marchés internationaux, comme elle le fait depuis 500 ans, puisse assurer ses clients que ce qu'ils achètent correspond à une certaine norme. En électricité, il y a une norme figurant sur chaque frigo, sur chaque plaque chauffante qui sort du pays.
Il nous faut de telles normes nationales. C'est un avantage économique. Cela ne veut pas dire que nous devons donner à des gens à tous les niveaux gouvernementaux le plein pouvoir de prendre des décisions économiques pour les gens au niveau local, provincial et national. Si c'était la bonne voie à suivre, nous ne serions peut-être pas dans le pétrin où nous sommes aujourd'hui.
M. Speaker: Vous pourriez voir, dans la formule actuelle d'autonomie fédérale, provinciale et locale, des changements qui la rendraient plus efficient. Il y a des choses que nous pouvons mieux faire.
Quant aux normes nationales, vous parlez d'un cadre, vous ne parlez pas d'une intervention matérielle du gouvernement fédéral du genre de celle qui a eu lieu par le passé.
M. McEwen: Bien, si vous allez établir un cadre, il faut un gardien, non à tous les coins de rue, mais quelqu'un pour voir à ce que votre norme soit appliquée. Je ne sais pas si beaucoup parmi nous au Canada sont prêts à transférer l'autorité aux provinces et aux municipalités, aux politiciens à ce niveau, en la laissant s'exprimer de la même façon que nous avons connue dans tout le pays au cours des 30 dernières années.
Si vous donnez aux gens l'occasion de participer, comme ils le font à l'heure actuelle dans l'établissement des normes d'apprentissage, disons, pour les électriciens... Des représentants qui proviennent directement des comités au niveau provincial déterminent de concert les normes provinciales. Elles sont ensuite soumises à un conseil d'apprentissage, qui se réunit avec d'autres conseils de ce genre au pays et arrête une norme nationale appelée le programme du Sceau rouge interprovincial, qui permet à n'importe qui d'aller n'importe où au Canada et d'exercer son métier d'électricien.
Il faut que nous puissions faire participer les gens au processus, quel que soit le niveau, et que nous puissions l'influencer de sorte qu'il tienne compte des besoins des Canadiens.
M. Speaker: Le RAPC, le Régime d'assistance publique du Canada, pourrrait-il fonctionner dans une telle situation?
M. McEwen: Il le devait mais beaucoup de pouvoirs sont passés aux gouvernements provinciaux jusqu'ici. Au Nouveau-Brunswick, par exemple, nous sommes sur le point d'instaurer le travail obligatoire en contrepartie de l'aide sociale.
Nous sommes prêts à le faire, il n'en faudrait pas beaucoup pour nous faire entrer dans la prochaine étape. Nous sommes très très près de le faire.
Si nous confions le pouvoir au niveau provincial, ils le feront, sans aucun doute en ce qui nous concerne.
Le président: Merci, monsieur Speaker.
Nous allons maintenant entendre quelqu'un qui s'intéresse aux normes nationales dans la mesure où elles s'appliquent aux transferts entre les gouvernements fédéral et proviciaux pour les travaux de voierie, Dianne Brushett.
Des voix: Oh, oh!
Mme Brushett: Merci, monsieur le président. Je crois que M. McEwen en a dit assez long à ce sujet ce matin.
Je souhaite la bienvenue aux gens de l'Atlantique. Il fait bon de vous accueillir et d'avoir l'occasion d'entendre les vues que vous formulez au nom du mouvement syndical.
Je veux aussi vous dire que j'ai eu une réunion avec des groupes syndicaux dans le comté de Cumberland - Colchester en Nouvelle-Écosse pour entendre leurs vues. Le comité ne se déplace pas mais je me suis libérée pour écouter tout groupe de ce genre.
Si c'est assez important pour vous que je vienne au Nouveau-Brunswick, je suis prête à être très ouverte et coopérative de cette façon.
Je voulais vraiment faire une observation ici au sujet du CRSRA et de la région de l'Atlantique. Lorsque vous en avez parlé, vous avez mentionné que ce n'était pas vraiment de l'enseignement en soi, mais, de fait, un processus de perfectionnement des compétences que vous utilisez dans la région de l'Atlantique.
Si le financement du CFSRA subit des compressions - nous devons en faire quelque part, comme vous le savez fort bien, et il y aura des réductions dans certaines choses - s'il y a bel et bien des compressions ici, ne pourrions-nous pas alors financer le processus de perfectionnement des compétences des travailleurs au moyen des bureaux de l'assurance-chômage ou des programmes d'enseignement, de manière à atteindre un niveau acceptable?
M. McEwen: Il y a beaucoup de possibilités. Le système existant n'est pas bien désigné eu égard à la façon dont il a été traité. Il a été combiné avec une foule d'autres programmes fournis par le gouvernement fédéral.
Le CFSRA a été créé parce que, autrefois, les gens du MEER ont dit, écoutez, il faut que nous puissions concurrencer à l'échelle nationale. Ce sont des travailleurs. Ils ont demandé comment nous pourrions le faire.
Il faut que nous permettions aux gens d'acquérir ces compétences en économie, en participation communautaire, non seulement chez les travailleurs mais aussi chez les gens d'affaires. Nous pouvons ainsi devenir plus forts économiquement.
Il est arrivé que les gens ont souscrit à une stratégie d'expansion économique et ont dit qu'il fallait l'essayer. Donc, il y a eu une brève période où ils l'ont examinée de près et il est maintenant reconnu qu'elle aide les Canadiens de l'Atlantique à faire croître l'économie de la région par une participation multiple au niveau local.
Au Nouveau-Brunswick, par exemple, après un certain temps, nous en sommes venus au point où nous établissons un fonds d'investissement des travailleurs. Il y en a un ou deux, sur 40 000, qui s'opposent à cette approche. Ils ont l'impression d'être en collusion avec les capitalistes. Nous savons aussi en même temps que, en raison de leur expérience du contexte socio-économique dans la région de l'Atlantique, nos gens nous disent que nous ne pouvons pas nous permettre de rester immobiles en attendant de recevoir de l'aide du gouvernement fédéral. Il n'y en aura pas.
Nous sommes prêts à participer et faire partie de... Vous savez, nous allons renaître de nos cendres comme le phoenix. La région de l'Atlantique était une des régions les plus prospères au monde.
Mme Brushett: En effet.
M. McEwen: Notre économie était la quatrième en importance, tout comme notre flotte maritime, que nous avons perdue. C'était il y a plus de 100 ans.
Des gens du Canada central sont venus se joindre à nous dans le Canada atlantique. Étant gentils, nous avons dit, écoutez, nous avons un plan. Il en a résulté que nous avons créé un plus vaste pays.
Comme le phoenix, le Canada renaîtra et nous voulons participer à sa résurrection. C'est un des outils que nous employons.
Mme Brushett: Oui, j'en connais l'utilité.
Par l'expansion économique des collectivités et dans d'autres domaines, j'estime qu'il pourrait y avoir d'autres occasions de perfectionner ces compétences en communication, dans le domaine des projets communautsires et dans que sais-je encore qui est nécessaire. L'occasion de le faire existe peut-être.
M. McEwen: Quelqu'un m'a déjà dit qu'un pauvre ne peut se permettre une auto d'occasion. Nous devons nous assurer d'avoir le bon véhicule.
Nous croyons avoir ce véhicule maintenant et il s'appelle le CFSRA. Il est structuré de manière à amener des gens des quatre provinces de l'Atlantique à se réunir et à examiner collectivement ce qui leur est présenté, disons par les économistes notamment.
Si un membre du comité assistait à un cours du CFSRA, il ne se rendrait pas compte qu'il s'y trouve des chefs syndicaux, parce que nous ne discutons pas d'affaires syndicales. Nous traitons du perfectionnement des compétences des chefs syndicaux.
Si on regarde le programme de près, on voit que les frais d'administration se chiffrent à environ 6 p. 100, ce qui est incroyable.
Mme Brushett: Merci beaucoup.
M. McEwen: Je vous remecie de l'occasion que vous nous avez donnée.
Le président: Merci, madame Brushett.
Puis-je vous demander comment va votre fonds à capital de risque des travailleurs? Avez-vous pu créer beaucoup d'emplois jusqu'ici?
M. McEwen: Nous venons de sortir du processus provincial, qui a pris passablement de temps, et nous avons amorcé le processus fédéral parallèlement. Nous étions à la recherche d'un prêt remboursable - n'en doutez pas, un prêt remboursable - ou d'un investissement en actions, qui serait restitué après un certain nombre d'années, de l'ordre de 3 millions de dollars provenant des gouvernements provincial et fédéral. Nous procédons en parallèle mais le processus provincial a été plus rapide parce que nous devions obtenir l'agrément de la province en premier. À la fin de février, nous avons conclu une entente avec le gouvernement provincial aux termes de laquelle il nous fournit 3 millions de dollars pour aider à lancer le fonds.
Je crois que les Néo-brunswickois ont une certaine réputation au pays. Ils ne donnent pas facilement dans le panneau. Le gouvernement n'est pas un ramassis de poules mouillées. Ils se sont attablés au travail avec nous et l'ont accepté. Si Frank McKenna est prêt à appuyer, à raison de 3 millions de dollars, une province qui fait très attention à ses deniers publics, je crois que cela est de bon augure pour le bien-fondé du concept.
Je me suis brièvement entretenu avec Doug Young ce matin; c'est un ministre important. Nous avançons dans notre démarche. Elle tire à sa fin au fédéral et nous avons bon espoir de faire des affaires cet automne. Nous sommes très enthousiastes.
Le président: Monsieur McEwen, nous nous souvenons tous de l'exposé que vous nous avez fait lors des consultations préalables au budget à Moncton l'année dernière. C'est pourquoi nous vous sommes très reconnaissants de demeurer en communication avec nous. Nous avons bien hâte de vous revoir lorsque nous visiterons votre province au moment des consultations préalables au budegt à l'automne prochain.
J'aimerais répéter aussi ce qu'a dit Mme Brushett. Tous les députés, de quelque parti que ce soit, au nombre de 295 d'un bout à l'autre du pays, peuvent être consultés localement sur ces questions très importantes.
Au nom de tous les membres, j'aimerais vous remercier de nouveau pour un autre excellent exposé au comité.
M. McEwen: Merci beaucoup de l'occasion que vous m'avez donnée.
Vous avez raison, il y a eu un profond changement depuis, je dirais, la dernière élection ou l'autre avant, car les députés sont certainement plus disposés à être consultés.
De nouveau, j'apprécie l'occasion qui m'a été donnée d'être ici. Merci beaucoup de vos bonnes paroles.
Le président: Cela nous a fait plaisir de vous recevoir.
Nous ajournons jusqu'à 15h30. Merci.