[Enregistrement électronique]
Le mercredi 16 août 1995
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Nous poursuivons nos audiences sur le projet de loi C-100.
Cet après-midi, nos premiers témoins représentent l'Association canadienne des consommateurs. Il s'agit de Mme Rosalie Daly-Todd et de M. Robert Kerton.
Madame, monsieur, ce n'est pas la première fois que vous comparaissez devant nous. Nous vous souhaitons la bienvenue et vous remercions d'avoir accepté d'être des nôtres.
Mme Rosalie Daly-Todd (directrice exécutive, Association canadienne des consom- mateurs): Merci beaucoup, monsieur le président. Au nom de l'ACC, je vous remercie de nous avoir invités.
M. Kerton n'est pas étranger à ce comité; il fait depuis longtemps du bénévolat à l'ACC. Il est président de notre Comité de l'économie et ancien membre du Conseil d'administration. Étant donné que nous sommes dans son domaine d'expertise, je vais le laisser à la barre.
Le président: Je connais Bob Kerton depuis l'école publique à London en Ontario. Les membres du comité connaissent bien ses grandes qualifications, et lui souhaitent la bienvenue.
M. Robert Kerton (président, Comité de l'économie, Association canadienne des consommateurs): Merci. Tout le plaisir est pour moi. Je pourrais dire que nous avons grandi ensemble, mais je ne suis pas sûr que vous et moi, nous ayons effectivement grandi. Je n'en ai pas l'intention.
En ce qui concerne le projet de loi, je vais faire quelques observations qui, je l'espère, seront d'intérêt public. D'une manière générale, nous en sommes assez satisfaits. L'Association canadienne des consommateurs peut être satisfaite de son objet et de ce qu'il ne contient pas, car des erreurs graves ont été évitées, mais nous regrettons qu'il ne soit pas allé un peu plus loin pour protéger les consommateurs.
Notre mémoire est en anglais.
[Français]
Je m'excuse auprès des amis francophones de ne pas avoir d'exemplaire en français.
[Traduction]
La partie sur laquelle j'aimerais attirer votre attention - je n'ai certainement pas l'intention de lire tout le mémoire - figure au bas de la page 1 et en haut de la page 2.
L'Association canadienne des consommateurs s'intéresse depuis longtemps à la protection des consommateurs, et nous ne sommes pas tout à fait satisfaits qu'au Canada, les dispositions relatives au secteur financier soient quelque peu en retard par rapport à celles des pays comparables. Ce projet de loi représente un petit pas en avant, mais nous espérons que votre comité fera des progrès plus marqués, surtout vers 1997.
Récemment, nous avons présenté au comité sénatorial notre position à ce sujet.
Nous avons essentiellement appuyé la position initiale du ministère des Finances dans son document sur la promotion du secteur financier, et nous pouvons appuyer la plupart des dispositions de ce projet de loi.
Parmi les dispositions les plus importantes pour les consommateurs, il y a les mesures d'intervention précoce et celles qui portent sur une plus large divulgation, mais, depuis un certain temps, l'ACC a toujours demandé officiellement que l'on améliore les dispositions relatives à la transparence dans ce marché. Si vous vous mettez à la place d'un consommateur ordinaire qui essaye d'obtenir des services financiers, vous allez vous rendre compte qu'il existe une quantité effarante de produits financiers, et qu'il est très difficile de se retrouver dans les méandres des 400 différents types de comptes, dispositions, etc. afin de déterminer le produit qui est effectivement supérieur. Tant que nous sommes incapables de savoir quel est ce produit supérieur, nous ne pouvons pas nous fier à son fournisseur. Ainsi donc, le marché ne fonctionne pas aussi bien qu'il le devrait.
Nous disons ici que, même si nous appuyons les dispositions du projet de loi relatives à la transparence, elles portent essentiellement sur la divulgation d'informations entre une firme et le Bureau du surintendant des institutions financières. C'est une bonne chose. Cela signifie que les services offerts répondent à des exigences minimales; en ce sens, nous sommes tout à fait d'accord.
Cependant, le terme «divulgation» a une signification plus large que celle utilisée dans le projet de loi C-100. C'est plus qu'un échange avec l'organisme de réglementation. Dans un avenir proche, nous aimerions que les lois canadiennes relatives à la divulgation d'information sur les produits financiers vendus aux consommateurs soient comparables aux meilleures pratiques internationales. Actuellement, le Canada accuse du retard dans ce domaine.
Dans notre témoignage d'aujourd'hui, nous allons commenter le projet de loi C-100 et nous concentrer sur les domaines qui intéressent le plus les consommateurs, à savoir la réforme de l'assurance-dépôts et les propositions relatives à une protection similaire pour les compagnies d'assurances.
J'attire votre attention sur certaines questions qui figurent en annexe et qui, je crois, seront très utiles pour le comité, les Canadiens et les consommateurs de toutes les régions du pays, et qui ne sont pas vraiment prévues au programme de notre réunion d'aujourd'hui.
À l'annexe A, on pose la question de savoir ce que l'Association canadienne des consommateurs recherche dans le cadre de la réforme du secteur financier. Il y a des listes que nous étudions depuis quelque trois ans et que nous avons précisées plus récemment. Il y a une deuxième liste à la page 9. Au total, il y a six plus cinq questions. Je puis dire que le projet de loi C-100 en aborde quelques-unes; nous sommes donc très contents de voir cela aboutir finalement.
L'annexe B porte sur la vie privée. À cet égard, il y a un certain nombre de mesures qui sont vraiment importantes pour les consommateurs canadiens en ce qui concerne les produits financiers, et il y a un certain nombre de dispositions qui devraient exister dans le système canadien mais qui n'existent pas encore.
L'annexe C porte sur les mesures de redressement. Que fait-on quand quelque chose ne va pas? Le secteur financier fait des progrès dans ce domaine, mais il nous semble qu'ils sont très lents.
Toutes les dispositions concernant la divulgation se limitent à la solvabilité. Ces changements, qui viennent à point nommé, obligent les compagnies financières à divulguer des informations véridiques sur la propriété, les propriétaires et les administrateurs. Cela figure à la page 2, et il y a une référence paginale à votre document.
À maints égards, le projet de loi a amélioré les dispositions relatives à la divulgation d'informations sur la situation financière des institutions, notamment à la page 66, article 93. Le consommateur a besoin d'informations supplémentaires pour faire un choix intelligent parmi les institutions. Nous citons le rapport Cashion dans lequel on a examiné le marché financier en Alberta et conclu qu'il comporte :
- une quantité ahurissante de nouveaux produits et types de produits; [par conséquent] la
différence entre les centaines d'options disponibles est nébuleuse pour la plupart des
consommateurs.
- Il faut vraiment être un expert pour acheter des produits financiers dans ce pays.
Je vous demanderais d'y réfléchir et de voir si vous pouvez améliorer cette disposition, car actuellement, on demande à toutes les différentes institutions de préparer ce rapport. Le projet de loi ne leur demande pas de le faire annuellement - je présume que telle est votre intention - mais il serait utile de préciser que le surintendant doit préparer un rapport annuel sur l'amélioration des mesures de divulgation.
Le président: C'est une bonne suggestion.
M. Kerton: Si je devais rédiger un projet de loi, je prévoirais d'améliorer la divulgation d'informations au consommateur, et je préconisais notamment l'utilisation d'un langage simple. Il y a 10 ans, nos institutions se seraient opposées à de telles dispositions, mais maintenant, elles font beaucoup de progrès et font rédiger beaucoup de documents dans un langage simple.
Le président: Nous pourrions peut-être suggérer au ministère des Finances que les rédacteurs de la Loi de l'impôt sur le revenu révisent ce projet de loi pour nous.
M. Kerton: En effet.
Il y a des moyens de mesurer le niveau de langue que l'on utilise dans les documents, et nous avons analysé certains documents du secteur financier sous cet angle. L'un des premiers critères consistait à s'assurer qu'un élève de 18e année soit capable de les comprendre. Par exemple, il y avait un document produit par la Société d'assurance-dépôts du Canada, intitulé «Ce que les déposants doivent savoir». Le document était présumément destiné aux Canadiens moyens, mais il fallait avoir fait des études universitaires supérieures pour pouvoir comprendre le langage juridique utilisé. On utilisait des termes comme «portant témoignage de» et ainsi de suite. La SADC a revu le document et maintenant, les gens du niveau de la dixième année peuvent le comprendre. J'aimerais donc que ce genre d'amélioration soit apportée à tous les documents.
Il existe d'autres domaines où la divulgation serait utile. Le Canada est l'un des rares pays avancés qui permet à ses institutions financières de modifier les termes des contrats sans que le consommateur le sache. La communauté européenne a mis fin à ce genre de pratique dans l'une de ses directives et les États-Unis l'ont fait dans une loi de 1989. Ces instances estiment qu'il faut exiger des grandes institutions financières d'informer leurs clients et de leur demander s'ils veulent changer les modalités des contrats. Il ne devrait pas suffire de signer une dispense dans laquelle vous acceptez cet état de chose.
La divulgation permet de régler ce genre de problème, et il est possible que, dans un rapport annuel au Bureau du surintendant des institutions financières, l'on rende compte de l'amélioration de la divulgation dans des domaines semblables, au lieu de parler uniquement de la situation et du bilan de l'institution. Voilà donc une possibilité sur laquelle nous voulions attirer votre attention.
Je devrais peut-être exprimer à haute voix notre satisfaction devant le fait que vous n'ayez pas inclus la coassurance dans cette disposition.
Je vais maintenant répondre à vos questions. Il y a d'autres dispositions du projet de loi qui touchent les consommateurs, mais dans l'ensemble, l'objet du projet de loi est trop limité. Il s'agit essentiellement de mesures visant à améliorer la communication entre l'organisme de réglementation et l'industrie, mais on ne passe pas à l'étape suivante, à savoir la communication entre l'industrie et le consommateur. Évidemment, nous aimerions qu'il y ait des améliorations à ce niveau.
Le président: Merci, monsieur Kerton.
Je suis sûr qu'on va vous poser quelques questions.
[Français]
Monsieur Loubier, aimeriez-vous commencer les questions?
M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): J'aurais une question sans préambule à poser.
Vous avez dit, monsieur Kerton, que le Canada était un des seuls pays où des institutions financières pouvaient, en cours de route, changer la nature des contrats sans avertir le client. Ai-je bien compris?
M. Kerton: Quand on signe un contrat avec une institution financière, on donne la permission de faire des changements.
[Traduction]
Habituellement, on vous demande de signer une dispense stipulant que le contrat peut être modifié de temps en temps. Récemment, un certain nombre d'institutions ont amélioré la situation sans pour autant supprimer cette exigence. L'amélioration consiste à afficher l'information dans la succursale, par exemple, et si vous ne passez par là et que vous ne voyiez pas cette affiche, vous ne savez pas que que votre contrat a été modifié.
[Français]
M. Loubier: Cela ne se fait pas ou très peu ailleurs?
M. Kerton: Oui.
[Traduction]
En Europe, la communauté européenne émet des directives, et il en existe une dans ce domaine qui demande à tous les pays membres d'améliorer leurs pratiques afin qu'il ne soit pas possible à un consommateur de renoncer à ce genre de droit. Comme vous le savez peut-être, chaque pays applique les directives à son propre rythme.
[Français]
M. Loubier: Je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur Loubier.
[Traduction]
Monsieur St. Denis.
M. St. Denis (Algoma): Je remercie les deux témoins d'être venus.
Monsieur Kerton, je voudrais que nous parlions un peu plus du coût de l'assurance-dépôts, soit sous la forme de co-assurance, ce qui ne fait pas partie du projet de loi, mais que vous examinez de façon assez approfondie, soit en examinant l'idée d'une prime de risque sur l'assurance-dépôts. J'ai quelques questions à vous poser, mais aux fins du procès-verbal, je voudrais que vous nous expliquiez pourquoi vous préférez la prime de risque à la coassurance.
M. Kerton: Foncièrement, au Canada, comme d'ailleurs dans certains autres pays, le principal problème vient du fait que les prêts ont été faits de façon imprudente, surtout dans le cadre de projets immobiliers, au cours des dernières années. Auparavant, ces prêts étaient accordés aux pays en développement. S'il s'agit bien d'une assurance-dépôts, il faudrait établir un lien entre la prime d'assurance et le risque que prend la Société d'assurance-dépôts du Canada. Ainsi, il y aurait un peu de logique: si nous pouvions faire correctement l'évaluation, nous aimerions que les institutions qui coûtent le plus cher au régime assument une prime plus élevée.
Par ailleurs, certains estiment que le problème est causé par les consommateurs qui cherchent un taux d'intérêt élevé et qui pourraient ainsi être attirés en grand nombre par une compagnie à risque. Je puis vous assurer que d'après les recherches, il est tout à fait évident que les firmes qui offrent les taux d'intérêt les plus élevés ne sont pas les plus risquées. Jusqu'ici, il est impossible de le démontrer. Les firmes en question pourraient être les plus efficaces. Je ne sais pas pourquoi, mais il n'y a absolument pas de rapport. Il est vrai qu'aux États-Unis, il n'existait pas de mesures de contrôle, on a déréglementé le secteur financier et il s'est passé beaucoup de choses répréhensibles mais au Canada, le système de contrôle n'a pas été aussi mauvais.
M. St. Denis: Je veux bien - et je ne préconise pas la co-assurance, je veux simplement que nous ayons une discussions approfondie là-dessus - au moins avec la co-assurance, en ce qui concerne les déposants, plus leurs dépôts sont élevés, mieux ils sont protégés; par contre, dans un système fondé sur le risque, tous les déposants, peu importe le montant de leur dépôt, assument les frais généraux de la compagnie. Par conséquent, les consommateurs sont plus nombreux à payer dans le système fondé sur le risque que dans le système de co-assurance. À mon avis, c'est moins ciblé.
Je me demande donc si, en tant que représentant d'une association de consommateurs, et compte tenu de ce simple fait, vous ne seriez pas en faveur de la co-assurance, où seul l'usager paye.
M. Kerton: Nous sommes en faveur de la co-assurance pour les montants supérieurs à 60 000$ dollars. Cela règlerait une partie du problème qui vous intéresse.
Toutefois, le véritable problème est que les consommateurs ont beaucoup de mal à évaluer le risque financier des différentes opérations commerciales. Si vous demandez à un agent de banque qui travaille au guichet si sa banque a fait des prêts stupides à Olympia et York pour financer des édifices londoniens qui ne vaudront pas leur coût, il n'en saura rien. Par conséquent, il sera extrêmement coûteux pour le consommateur de trouver l'information lui-même, ce qui n'est pas le cas quand on veut, par exemple, acheter une pomme.
Les règles semblent indiquer qu'il est effectivement moins coûteux de faire faire le travail par un expert, c'est-à-dire par le surintendant des institutions financières. Nos coûts sont beaucoup moins élevés, comparés à ceux des États-Unis. Ainsi donc, dans une certaine mesure, nous nous débrouillons assez bien. Je ne crois pas qu'il faille nous tirer dans les jambes tout le temps. Ce n'est pas très souvent que nous recevons ce genre de... au fond, ce sont de bonnes nouvelles. De même, le projet de loi met de l'ordre dans le système, mais c'est une bonne chose. Nous aimerions voir de plus grandes améliorations.
Pour revenir à votre question, si vous parlez d'une personne qui dispose de 3 000$ dollars, par exemple, et qui sait qu'elle risque de perdre 5 p. cent de ce montant, il est possible que cette personne ne veuille pas recourir à des institutions financières canadiennes. Elle pourrait faire appel à une institution provinciale qui garantit les dépôts à 100 p. cent, comme on le voit dans certaines provinces. Elle pourrait recourir à des institutions américaines, qui offrent une garantie à 100 p. cent jusqu'à 100 000$ dollars. Je ne pense pas qu'il serait sage pour le comité de modifier la loi de façon à encourager les Canadiens à recourir aux institutions financières des États-Unis, car en matière d'assurance-dépôts, vous gagneriez davantage à consommer américain que canadien.
M. St. Denis: C'est une réponse utile. Merci beaucoup.
Le président: Madame Brushett.
Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Monsieur Kerton, je vous remercie également pour votre exposé.
Vous avez exprimé avec force détails votre position en faveur de la divulgation au public, aux consommateurs, dans un langage clair et avec certaines précisions. Qu'en est-il de la divulgation, par exemple, du taux de risque, s'il y a lieu, ou de l'évaluation de ce...? Pensez-vous que cela sonnerait le glas de certaines institutions, ou préconisez-vous une meilleure participation du public à ce processus d'information?
M. Kerton: Il y a environ cinq ans, nous défendions fermement cette position. Le problème, c'est que même les sociétés d'évaluation du crédit les plus sophistiquées n'ont pas bien fait ce travail. Quand on pense à la faillite de La Confédération d'autres compagnies semblables, on se rend compte que c'est l'organisme de réglementation qui s'est aperçu le premier que quelque chose n'allait pas et que ce n'est que plus tard que les sociétés d'évaluation du crédit sont intervenues et ont baissé leur cotation. Force est donc de constater que cela n'a pas servi à grand-chose.
Nous devons donc rejeter l'idée selon laquelle les experts ont diffusé des informations éminemment utiles aux particuliers. Nous ne sommes pas contre, mais ces informations ne semblent tout simplement pas aussi fiables qu'on l'aurait souhaité. Il est probable que la divulgation accrue prévue dans ce projet de loi éclairera davantage ces questions et que même les sociétés d'évaluation du crédit seront en mesure de faire un meilleur travail que par le passé. C'est une possibilité.
Quant à la question de savoir si l'organisme de contrôle gouververnemental doit divulguer des informations sur les lacunes qui existent ici et là, nous ne nous y opposons pas en principe. Cependant, il semble que cela susciterait des réactions excessives. D'aucuns s'interrogeront sur la nécessité d'accepter quelque risque que ce soit, et retireront leurs dépôts. À la première alerte, il risquerait d'y avoir une ruée qui précipiterait le désastre que l'on essaie d'éviter.
Il existe donc un risque réduit, mais réel, de déstabilisation du secteur des services financiers quand ce genre d'annonce provient d'une source éminemment crédible, comme le Bureau du surintendant des institutions financières. Actuellement, il est très difficile pour les particuliers que nous sommes de trouver une source aussi crédible, mais je présume que le bureau du surintendant disposerait de ce genre d'information. L'annonce pourrait être prise tellement au sérieux que l'on assisterait à un retrait massif des dépôts effectués auprès de l'institution concernée.
Il existe peut-être des solutions à ce problème. Le projet de loi n'en propose pas. Mais l'on pourrait penser à quelque chose comme un système d'alerte rapide. Ainsi, l'on pourrait dire par exemple que, bien que l'institution ne soit pas en difficulté, elle doit faire l'objet d'un examen. Cela pourrait apporter des éléments d'information. Et les institutions s'efforceraient d'éviter une telle annonce et prendraient des mesures sérieuses pour éviter de déclencher un processus qui donnerait à penser qu'elles sont en difficulté.
Mme Brushett: Vous avez dit que le langage utilisé dans les documents doit être compréhensible pour une personne ayant le niveau de la dixième année, et vous avez ajouté que, si l'on demande à un agent de banque dans quoi sa banque investit et quelle est la situation de cet investissement, il en saura probablement autant que le client qui pose la question. Comment pouvez-vous donc proposer que l'on communique autant d'informations au public si celui-ci n'est pas en mesure de les apprécier?
M. Kerton: Voulez-vous dire les informations provenant de l'organisme de réglementation?
Mme Brushett: Oui.
M. Kerton: Ce serait assez difficile. Ceux qui y accorderaient le plus d'attention seraient les professionnels du domaine, les courtiers en dépôts, les conseillers en investissement et ainsi de suite. Ces informations serviraient donc aux gens qui ont beaucoup d'argent.
Toutefois, je partage votre préoccupation. Le déposant moyen, qui a 3 000$, et même jusqu'à 20 000 - montant que l'on considère comme étant la moyenne - n'obtiendrait pas d'informations. Je conviens donc avec vous que ces informations de base, même si elles sont publiées dans les journaux, ne lui parviendront pas.
Si vous en voulez une preuve, je vous dirai qu'actuellement, quand on lit les journaux, on constate que deux institutions offrent 4 p. 100 d'intérêt sur un compte de dépôts tandis que d'autres institutions paient moins de 1 p. 100. Comment cela se peut-il si nous avons un marché concurrentiel? Il est impossible d'avoir des taux d'intérêt si différents à un moment donné. Pourtant c'est la réalité. Voilà une preuve concrète que l'information n'a pas été complètement diffusée sur le marché comme on peut le souhaiter si l'on est en faveur d'une divulgation complète et d'une concurrence parfaite.
Le président: Monsieur Fewchuk, avez-vous des questions?
M. Fewchuk (Selkirk - Red River): Pas vraiment. Je me demandais simplement pourquoi les institutions financières se préoccupent tant d'être obligées de tout divulguer alors que tous les autres doivent le faire. Prenons le cas d'une grande société comme Camco, qui fabrique des appareils électroménagers pour General Electric, par exemple. Tout le monde peut examiner ses livres quand ils sont publiés une fois l'an, et c'est une compagnie qui est établie partout aux États-Unis et dans notre grand pays.
Chaque jour, vous répétez toujours la même chose, et chaque organisation qui comparaît ici... Je ne comprends pas. Tous les particuliers indiquent sans problème leur situation financière lorsqu'ils présentent leur déclaration d'impôt.
Quelque chose doit être fait. Ce sera une amélioration lorsque vous serez prévenus que la divulgation complète s'en vient et que vous devrez, déclarer entre autres, vos salaires ainsi que ceux de vos PDG.
Merci. C'est mon point de vue.
M. Kerton: Nous n'avons rien contre l'information complète. Nous ne pouvons pas nous opposer à la vertu. Le marché des services financiers ne nous donne pas suffisamment d'informations pour diriger nos acheteurs vers des vendeurs de meilleure qualité. Il y a beaucoup à faire au Canada à ce niveau, et je suis heureux de pouvoir dire que nous faisons des progrès. Il y a seulement 10 ans, les institutions financières donnaient l'impression d'être si sûres qu'elles se souciaient peu du client. Bien des choses ont changé depuis ce temps. Je ne sais pas si c'est la crainte de la concurrence étrangère, mais le processus est au moins engagé.
Selon moi, vous avez un rôle bien particulier en tant que concepteurs du cadre de réglementation au Canada. Le cadre a beaucoup à voir avec la façon dont les gens peuvent déceler les bonnes affaires comme les mauvaises. Je dis simplement: finissions-en avec ce projet de loi et passons aux affaires sérieuses, à ce qui touche de plus près les gens.
Le président: J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'argument qu'a fait valoir hier M. Jack Carr ainsi que l'Association des banquiers canadiens. Selon eux, l'assurance-dépôt est un coût et un fardeau supplémentaires et n'est pas nécessairement bonne pour les consommateurs.
Avec la garantie des 60 000$, les investisseurs ne peuvent pas perdre. Ils peuvent recevoir des intérêts incroyables de certaines institutions, même s'ils dépassent les 5 000 points de base, les taux courants que les institutions financières sensées, solides sont prêtes à payer. Ainsi se créent une foule d'instutions financières marginales qui utilisent l'assurance-dépôt pour attirer des fonds destinés à des entreprises à risques.
M. Carr a fait remarquer qu'avant la création de la SADC au milieu des années 1960, il y avait très peu de faillites bancaires ou institutionnelles. Il s'en est produit beaucoup plus depuis. C'est l'autre paradigme qui nous a été signalé à ce sujet.
M. Kerton: C'est une opinion qui découle de l'expérience des caisses d'épargne et de crédit aux États-Unis et elle est fondée.
Au moment de la déréglementation, en 1980, on a fait sauter beaucoup de règles permettant d'exercer un contrôle, dont une particulièrement importante. Auparavant, il fallait 400 propriétaires pour qu'une caisse d'épargne et de crédit puisse exister. Le nombre a été réduit à trois. À compter de ce moment-là, trois escrocs pouvaient avoir accès à l'argent. Ils n'avaient qu'à acheter une caisse d'épargne et de crédit et à prêter de l'argent à leur autre société, laquelle n'était certainement pas sans lien de dépendance. Silverado a été un exemple classique. Si le prêt était remboursé, tout se passait très bien, l'autre société faisait des profits. Si le prêt était perdu, tant pis c'est l'autre société qui l'avait eu - les responsables ne considéraient pas que c'était une escroquerie, mais cela en était bien une. La société n'était pas rentable. Elle ne remboursait pas son prêt. Cependant, les déposants n'étaient pas remboursés à même l'assurance-dépôt centrale.
C'était donc l'expérience américaine.
Je ne vois pas cependant comment on peut faire le parallèle avec le Canada. S'il y a une petite possibilité, elle se trouve du côté des sociétés de portefeuille possédant certaines de nos sociétés de fiducie. En cas de difficultés, elles pourraient tenter de se prêter de l'argent à elles-mêmes à partir de leurs sociétés de fiducie. Il est à espérer que le surintendant pourrait intervenir dans ce cas. C'est la seule situation qui pourrait se comparer avec celle qui existe aux États-Unis.
Le président: Croyez-vous que la loi ainsi que les modifications proposées dans le projet de loi C-100 soient suffisantes pour empêcher ces opérations entre initiés?
M. Kerton: La surveillance a été adéquate. Même avant la SADC, il y avait des contrôles visant les propriétaires. Dans le projet de loi, il y a d'autres mesures qui permettent au Bureau du surintendant des institutions financières de vérifier les conditions de la propriété des institutions financières. Le système a donné de bons résultats.
Aux États-Unis, c'est la fièvre de la déréglementation, en proie à laquelle on s'est débarrassé de beaucoup de moyens de contrôle, qui a été à l'origine du problème. Nous n'avons pas imité cet exemple. Dans la mesure où le projet de loi agit sur cette question, il accorde encore plus de pouvoir aux gens chargés de surveiller les opérations financières.
Le président: Vous seriez donc d'accord pour dire que l'assurance-dépôt n'est pas aussi nécessaire qu'elle le serait dans un marché plus déréglementé?
M. Kerton: Beaucoup de clients investissent sur les marchés financiers canadiens parce qu'ils n'ont pas à se soucier de savoir si l'institution est sûre ou non. Si vous leur demandez de vérifier, vous risquez d'abord d'accroître leurs coûts - le petit investisseur va devoir se demander où placer son argent... Ce qui se produira certainement au Canada, c'est que les investisseurs se dirigeront vers les grandes institutions, les grandes banques. Ils se diront: «Le gouvernement canadien ne permettra jamais qu'une grande banque fasse faillite; de cette façon, je suis assuré à 100 p. 100; je n'aurais pas la même protection avec une petite société de fiducie ou une petite caisse de crédit.»
Il pourrait donc y avoir un grave problème de concentration des moyens financiers. Vous avez sans doute vu des études indiquant que le secteur financier canadien est deux fois plus concentré ou monopolisé que ceux des pays comparables. Prenez le pourcentage des affaires traitées par les six plus grandes institutions financières au Canada: il est deux fois plus élevé qu'il le serait en France ou en Grande-Bretagne, par exemple. Comparativement aux États-Unis et à un certain nombre d'autres pays, il est environ quatre fois plus élevé. Nous, qui examinons le cadre de réglementation actuellement, devons être conscients de ce problème.
Le président: D'autant plus à la suite de la disparition d'institutions de dépôt.
M. Kerton: Vous avez tout à fait raison.
Pour revenir à votre question initiale, le rôle de l'assurance-dépôt, certains estiment que l'assurance-dépôt a facilité l'arrivée d'autres institutions sur le marché; même si une institution est petite, si elle peut acheter de l'assurance-dépôt, elle peut s'attirer des clients.
Une association comme l'Association des consommateurs ne peut voir que d'un bon oeil l'arrivée de nouveaux intervenants sur le marché. Nous voulons avoir plus de concurrence. Nous pensons que le pays aurait tout à gagner d'une règle qui permettrait aux caisses de crédit et même aux sociétés de fiducie de prendre de l'expansion et de s'accaparer d'une plus grande part du marché canadien. Une telle règle pourrait se révéler difficile à formuler. Quoi qu'il en soit, ce que nous ne devrions pas voir, c'est une diminution du nombre d'intervenants.
L'assurance-dépôt permet l'arrivée de nouveaux intervenants. Comme nous l'avons indiqué ailleurs, nous souhaitons voir des intervenant complètement nouveaux sur le marché. Selon nous, les entreprises et les consommateurs canadiens y gagneraient probablement s'il y avait plus de banques étrangères faisant des affaires au pays.
Nous ne pouvons pas nous attendre à une telle tournure au moment où nous avons déjà un surcroît de filiales dans nos localités et où nous devons faire marche arrière, mais nous ne sommes pas tellement éloignés de la prochaine génération des opérations bancaires automatisées. Tout ce que votre comité pourra faire pour permettre l'accès au marché canadien à de nouveaux concurrents sera une amélioration et aidera les entreprises ainsi que les consommateurs.
Le président: Merci beaucoup à tous les deux. Ce n'est pas votre première comparution et ce ne sera sûrement pas la dernière. Votre opinion est très importante pour nous sur cette question et sur beaucoup d'autres. Nous tenons à entendre les représentants des consommateurs. Au nom de tous les membres, merci beaucoup de votre précieuse collaboration.
M. Kerton: Nous vous remercions de nous avoir écoutés. Nous vous serons reconnaissants de tout ce que vous pourrez faire pour élargir la portée des dispositions sur les divulgations qui se trouvent dans ce projet de loi de façon à inclure l'ensemble du marché canadien plutôt que de prévoir seulement une interface limitée avec les instances de réglementation. Merci beaucoup.
Le président: Si vous avez d'autres idées à nous soumettre à ce sujet, n'hésitez pas à le faire.
M. Kerton: J'aurais peut-être un autre rapport à déposer; il a trait à la concurrence au Canada pour ce qui est d'autres institutions. Je pense que M. Loubier a posé une question à ce sujet. Je vous laisse ce rapport.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons faire une pause de deux minutes en attendant que nos témoins suivants s'installent. Merci.
PAUSE
Le président: Le Comité reprend ses travaux.
Nos témoins suivants cet après-midi sont du Dominion Bond Rating Service; ce sont MM. Bob Leshchyshen, vice-président principal, ainsi que Kent Wideman, vice-président.
Bienvenue, messieurs, nous vous écoutons.
M. Kent S. Wideman (vice-président, Dominion Bond Rating Service Limited): Merci, et bon après-midi, monsieur le président.
Je m'appelle Kent Wideman. Je travaille pour le Dominion Bond Rating Service depuis près de 15 ans et une bonne partie de mon activité a trait aux services financiers.
Le président: Vous avez dû commencer lorsque vous étiez bien jeune.
M. Wideman: Merci.
Comme c'était la première fois que le DBRS participait à ce genre de tribune, nous avons pensé - je ne prendrai pas beaucoup de votre temps pour le faire - vous décrire rapidement ce que fait le Dominion Bond Rating Service et vous indiquer en quoi son activité est reliée aux institutions financières.
Notre société d'évaluation de crédit est heureuse de comparaître devant vous et vous en remercie.
Une fois que je vous aurai situé un peu le DBRS, je demanderai à Bob Leshchyshen de vous faire part de nos observations précises en ce qui concerne le projet de loi C-100.
Un peu d'histoire d'abord. Le Dominion Bond Rating Service a été créé en 1976 en tant qu'agence indépendante d'évaluation du crédit appartenant à ses employés. Ce statut n'a pas changé. Lorsque je me suis joins à l'entreprise en 1981 - j'étais très jeune - elle comptait trois analystes. Je suis devenu le quatrième. Nous sommes maintenant 19 analystes et 5 employés de soutien. Nous avons pris de l'expansion. Vous trouverez plus de détails au sujet de notre organisation à l'annexe A de notre trousse documentaire.
Essentiellement, nous avons divisé notre activité en sept domaines. Les analystes dans chaque domaine sont chargés de suivre l'évolution du crédit dans certaines industries et de soumettre leurs recommandations à l'approbation du comité d'évaluation.
Le DBRS évalue actuellement plus de 400 émetteurs, sociétés et gouvernements, les effets de commerce et les titres à long terme. Nous surveillons également le financement reposant sur l'actif; nous évaluons plus de 40 émissions canadiennes à cet égard. Nous sommes officiellement reconnus par la CVMO ainsi que la SEC. Nous avons une reconnaissance officielle pour ce qui est des financements recoupant plusieurs compétences.
Notre mandat, comme vous pouvez le lire - notre objectif est ambitieux, peut être difficile à atteindre, mais il nous force à nous dépasser. Essentiellement, nous voulons fournir une évaluation objective, uniforme, opportune et exacte du risque de crédit. Autrement, nous ne pouvons pas demeurer crédible ni survivre.
Nous avons actuellement environ 700 abonnés. Nos clients reçoivent des évaluations sur papier de nos rapports ainsi que des renseignements de base de façon régulière. Ces abonnés incluent presque tous les investisseurs nationaux importants sur les marchés canadiens de capitaux, mais également des investisseurs des États-Unis, d'Europe et d'Extrême-Orient, que nous nous sommes acquis avec le temps.
Nous avons une ligne directe avec Reuters, Telerate et Bloomberg. Nous constatons que les investisseurs utilisent l'information du DBRS dans leur prise de décision.
Je passe maintenant au secteur des services financiers plus particulièrement, pour vous donner une idée des sociétés que nous évaluons et avec lesquelles nous avons des rapports.
Nous n'évaluons pas toutes les sociétés, mais comme le témoin précédent l'a fait remarquer, l'activité dans ce secteur au Canada est fort concentrée. Comme nous évaluons les plus grandes sociétés, nous nous apercevons dans le secteur des services financiers que les sociétés que nous évaluons comptent pour tout l'actif ou presque tout l'actif en cause.
Je repasse rapidement les 10 secteurs et vous indique quelles sociétés nous évaluons. Nous évaluons les sept banques nationales les plus importantes au Canada, lesquelles représentent presque 100 p. 100 des 780 milliards de dollars d'actif en circulation. Nous avons inclus dans notre trousse documentaire une étude datant de quelques mois sur les six grandes banques. Vous pouvez la consulter si vous pensez qu'elle peut vous être utile.
Nous évaluons actuellement 34 des 52 filiales de banques étangères faisant des affaires au Canada, soit environ 94 p. 100 de l'actif de ces 52 banques. Nous avons des études sur certains de ces groupes de l'industrie. Nous ne les avons pas apportées, mais nous pouvons vous les fournir si vous y êtes intéressés.
Nous évaluons les quatre plus grandes sociétés canadiennes de fiducie, quatre centrales provinciales de mouvements de caisses populaires, les 10 sociétés d'assurance-vie les plus importantes au Canada. Nous n'avons pu obtenir le chiffre exact sur l'actif que cela représente au sein de l'industrie, mais nous pensons qu'il est probablement de 50 à 60 p. 100. Il y a également une étude datant de juin 1995 à ce sujet. Vous pouvez la consulter sur vous le désirez.
Nous évaluons les filiales canadiennes de prêts de trois grands fabricants d'automobiles nord-américains ainsi qu'un certain nombre d'autres entités de prêts - des banques d'investissement, des mutuelles d'épargne et de construction au Royaume-Uni, des sociétés de crédit. Nous avons beaucoup de noms connus, comme Avco, Associates et d'autres, également des noms moins connus mais qui occupent une place importante dans ce secteur.
Je signale que dans bien des cas nous évaluons également la société mère. Lorsque nous évaluons Avco ou Associates, il y a, dans la plupart des cas, une lettre de confort ou une garantie sans condition qui nous permet d'examiner l'ensemble de la situation. Pour les banques japonaises, par exemple, nous nous rendons au Japon pour avoir une meilleure idée de ce qui se passe.
J'attire votre attention, en terminant ma partie, sur l'annexe B de la trousse documentaire qui indique toutes les cotes bancaires ainsi que les cotes actuelles des sociétés d'assurances. Pour les banques, les données remontent jusqu'à 10 ans. Si vous consultez ce document, je vous signale que le signe égal signifie que la cote n'a pas changé.
Deux choses ressortent de ce document. D'abord, à en juger par la liste des noms, notre service est des plus complets. Deuxièmement, nous faisons ce genre de travail depuis fort longtemps.
Je cède maintenant la parole à Bob Leshchyshen. Il vous fera part de nos observations particulières en ce qui concerne le projet de loi C-100.
Comme vous l'avez vu, Bob est actuellement notre vice-président principal à la DBRS. Il travaille dans le monde des affaires depuis 20 ans. Il a donc beaucoup d'expérience. En plus de ses compétences en matière d'analyse du crédit et de financement des sociétés, il a déjà détenu des postes cadres au BSIF et à la SDAAD, la Société ontarienne d'assurance des actions et dépôts. Je suis sûr qu'il saura vous intéresser.
Finalement, en plus de ses responsabilités à la direction du service, il travaille auprès des mutuelles d'épargne et de construction du Royaume-Uni, des caisses populaires et des banques d'investissement. Lui et moi, au DBRS, examinons probablement la plupart des institutions financières d'Amérique du Nord.
M. Bob Leshchyshen (vice-président principal, Dominion Bond Rating Service Limited): Le Dominion Bond Rating Service est heureux d'avoir l'occasion de faire connaître ses vues au sujet du projet de loi C-100 et de comparaître devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes.
Kent Wideman vous a déjà donné un aperçu du mandat du DBRS ainsi que de la gamme des évaluations auxquelles le service a procédé auprès des institutions financières au cours des 19 années et plus.
Nous aimerions maintenant aborder la question d'une plus grande divulgation des données financières, telles qu'envisagées dans l'énoncé de politique du gouvernement fédéral intitulé Renforcer et assainir le secteur des services financiers canadiens. Ce qui se trouve à l'article 93 du projet de loi découle largement de cet énoncé. Les autres questions traitées dans le projet de loi ne sont pas reliées directement de façon générale à l'évaluation du crédit des institutions financières. Nous n'avons donc pas l'intention d'en traiter.
Nous tenons d'abord à dire que le travail effectué jusqu'à présent par le BSIF ainsi que les membres du CSIF, le Comité de surveillance des institutions financières, relativement à la divulgation des données financières, est un bon point de départ. Nous approuvons le projet d'accroître la divulgation de l'information par étape de façon à permettre aux institutions financières de s'adapter aux nouvelles circonstances.
Voici quelques-unes de nos recommandations en ce qui a trait à une plus grande divulgation des données financières.
Nous estimons d'abord que les agence et les analystes d'évaluation, qui doivent interpréter des données financières complexes et leurs répercussions sur les clients et les créanciers des institutions financières, ont besoin d'une divulgation opportune et uniforme ainsi que de l'accès aux données comparables pour toutes les institutions financières réglementées par le gouvernement fédéral. Il serait également bon de l'avoir pour les institutions réglementées par les provinces, mais c'est une autre question.
Le BSIF devrait insister davantage pour que les institutions financières divulguent l'information. Elle devrait porter sur le capital réglementaire. En outre, toutes les institutions financières fédérales devraient publier des états financiers annuels et trimestriels incluant un bilan, un état des revenus, un état des changements survenus dans la situation financière ainsi qu'un rapport annuel de discussion et d'analyse de la gestion.
Les rapports prévus par la loi pour les institutions financières fédérales, sauf l'information au sujet de clients précis, devraient être accessibles aux investisseurs de façon opportune et à un coût raisonnable.
Deuxièmement, nous estimons que les banques à charte canadiennes ont beaucoup amélioré leur divulgation des données financières au cours des dernières années. Aussi, de façon générale, nos observations ont plutôt trait aux sociétés d'assurances et aux associations coopératives réglementées par le gouvernement fédéral. Ceci dit, nous ne souhaitons pas non plus une diminution des exigences en ce qui concerne la divultation de l'information pour les banques à charte.
Troisièmement, selon nous, on ne devrait pas procéder par voie de réglementation pour exiger une plus grande divulgation des données financières. Le surintendant des institutions financières, en consultation avec les autres membres du Comité de surveillance des institutions financières, devrait plutôt être chargé de veiller à la fréquence et à l'uniformité de la divulgation de l'information.
Comme vous le savez, le CSIF est un comité prévu par la loi composé du surintendant, du gouverneur de la Banque du Canada, du président de la SADC et du sous-ministre des Finances. Le processus actuel de consultation entre surintendants et les institutions financières fédérales fera en sorte, à notre avis, que la divulgation pourra suivre l'évolution constante des services financiers.
Quatrièmement, nous savons que les cotes de crédit sont maintenant utilisées sous une forme ou une autre par les instances de réglementation de la plupart des institutions financières du monde. Elles entrent également dans les critères ou les politiques d'investisement des fonds de pension et des fonds mutuels.
Cela dit, nous ne sommes pas d'accord avec la tendance à laquelle on a assisté récemment aux États-Unis; en effet la Securities and Exchange Commission exige maintenant la publication d'informations moins détaillées de la part des émetteurs dont les titres ont été cotés «investissements». C'est une tendance qui nous inquiète et nous espérons qu'elle ne débordera pas sur le Canada, car nous craignons que les investisseurs et les déposants considèrent que les cotes peuvent remplacer la publication d'informations détaillées. Nous pensons que les cotes de crédit sont là pour informer les investisseurs et non pas pour les protéger. De plus, tout comme les investisseurs, les responsables de la réglementation apprécient les économies réalisées lors de l'évaluation du crédit grâce aux cotes de crédit.
Pour arrêter nos cotes de crédit, nous tenons compte des informations passées, présentes et futures, fournies par l'institution financière. Nous tenons compte d'un certain nombre de facteurs subjectifs: l'importance de l'institution financière, le rang qu'elle occupe dans l'industrie, si elle est active dans des créneaux bien précis ou dans des secteurs appelés à se développer plus tard, et nous tenons compte également des points forts et des faiblesses de l'entité et de son administration. De plus, nous analysons l'acte de fiducie et toutes clauses restrictives qui pourraient exister.
Enfin, nous faisons une analyse approfondie de la qualité des actifs des institutions financières, car c'est un facteur clé pour évaluer les points forts d'une institution financière. Toutefois, l'organisme de notation du crédit ne peut évaluer le risque avec exactitude que s'il dispose d'informations de qualité communiquées par les émetteurs de créances. Pour cette raison, nous sommes convaincus de la nécessité pour toutes les institutions financières de publier régulièrement et fréquemment des informations précises.
Merci pour votre attention, monsieur le président. Kent et moi-même nous nous ferons un plaisir de répondre à vos question.
[Français]
Le président: Nous allons commencer les questions avec M. Loubier:
M. Loubier: Je n'ai pas de question, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Y a-t-il des institutions financières qui résisteraient à l'idée d'améliorer leur processus de publication?
M. Leshchyshen: Qui résisteraient parmi elles dans le futur ou quelles sont celles qui ont déjà résisté?
Le président: Aujourd'hui et dans le futur.
M. Leshchyshen: Si vous prenez les informations publiées par les compagnies d'assurance, par exemple, un rapport annuel, il y a deux types de compagnies d'assurance: celles qui sont cotées en bourse et celles qui opèrent par fonds mutuels. Si vous comparez cela au rapport annuel d'une banque, sur le plan de la publication, il existe une différence importante car depuis quelques années les banques ont publié beaucoup plus d'informations sur leurs opérations que les compagnies d'assurance. Cela dit, d'après ce qu'elles vous ont dit lorsqu'elles ont comparu, elles sont prêtes à améliorer leur système.
Un des problèmes avec les compagnies d'assurance, c'est que nous cotons uniquement les plus grosses compagnies. Comme vous devez le savoir, d'après ce que j'ai entendu dans des conférences, et cela m'a surpris, il y a beaucoup de compagnies d'assurance qui se plaignent d'avoir du mal à rassembler des informations chaque trimestre. Cela me porte à croire... Je ne sais pas comment elles s'y prennent, mais elles devraient probablement le faire chaque mois.
Le président: S'agit de compagnies mutuelles d'assurance ou de compagnies cotées...
M. Leshchyshen: Non, ce sont des mutuelles.
Le président: Elles ne sont pas cotés en bourse.
M. Leshchyshen: Non. Les deux principales compagnies d'assurance publiques, la compagnie d'assurance-vie London Life et la compagnie d'assurance-vie la Great West - et Kent qui connaît mieux la question pourra peut-être développer - publient de meilleures informations que certaines compagnies mutuelles d'assurance, mais c'est seulement parce qu'elles sont réglementées par la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario.
Le président: D'accord, par conséquent vous vous plaignez surtout des compagnies mutuelles d'assurance qui ne vous envoyent pas suffisamment de documentation, pas assez vite, pour que vous puissiez établir des cotes utiles.
M. Leshchyshen: Non, ces informations nous parviennent à nous, en tant qu'agence d'évaluation de crédit. Nous n'avons pas de mal à obtenir des informations. Par contre, il y a d'autres personnes, des investisseurs entre autres, qui n'y ont pas le même accès. On nous traite comme des initiés et nous recevons beaucoup d'informations et comme nous sommes considérés comme des initiés, il ne nous est pas facile de les communiquer à d'autres. Cela dit, ce sont des informations dont nous avons besoin pour établir les cotes et, effectivement nous en obtenons passablement.
Cela dit, ce sont les investisseurs et les créanciers de ces compagnies qui devraient avoir beaucoup plus d'informations qu'à l'heure actuelle pour ne plus devoir se reposer uniquement sur nous ou sur quelqu'un d'autre, un courtier en dépôt, par exemple pour faire un investissement. Lorsqu'ils achètent des titres à une compagnie, ils devraient avoir ces informations.
M. Wideman: Sans compter que cela nous aiderait également. Nous avons beau obtenir ces informations, il est parfois impossible de les comparer car ils n'utilisent pas les mêmes ventilations.
Les compagnies d'assurances ne sont pas comme des banques, elles ont des produits beaucoup plus variés. Il est donc très difficile de faire des comparaisons utiles sur la base des données présentées. Est-ce qu'une vaut mieux que l'autre? C'est tellement différent. Nous recevons de bonnes informations, mais...
M. Leshchyshen: La possibilité de comparer les informations est également très importante. Par exemple, si le BSIF fixe des normes à l'intention de ces compagnies d'assurances, il les force à négocier, à publier des bilans trimestriels contenant un minimum d'information: revenu, changements à la position financière, etc. Le minimum exigé est négocié, et il comprend des informations comparables qui permettront aux investisseurs, aux déposants et détenteurs de rentes de décider plus facilement s'ils doivent s'adresser à ces compagnies directement ou passer par leur courtier de dépôt, leur agent, etc.. Beaucoup de gens qui traitent avec ces compagnies ne le font pas eux-mêmes et ne font par forcément leur propre analyse. Ils prennent conseil ailleurs. Cela dit, les gens qui les conseillent n'ont pas toujours accès à beaucoup d'information utile.
Le président: Ce qui m'intéresse, c'est qu'à votre avis notre comité pourrait jouer un rôle, non pas en légiférant, mais en coopérant avec le BSIF et les institutions elles-mêmes pour établir des normes et s'assurer qu'elles sont observées.
M. Leshchyshen: Cela existe déjà en partie dans la législation qui confie cette tâche au BSIF. En fait, nous vous disons seulement que c'est probablement une meilleure démarche. Quand on se met à réglementer - Je sais comment cela se passe. J'ai travaillé pour le BSIF et j'ai travaillé pour le secteur des caisses de crédit pendant très longtemps en Ontario. Je me suis aussi occupé de réglementation. Le problème avec la réglementation, c'est qu'elle finit par devenir trop précise. Et quand on veut la changer, il faut parfois remuer ciel et terre ou changer le parti au pouvoir.
En fait, ça ne fonctionne pas. L'idée c'est de...
Le président: Nous allons essayer de faire en sorte que vous ne soyez pas forcé d'aller jusque-là.
M. Leshchyshen: Bonne idée.
Le président: Y a-t-il d'autres interventions? Monsieur St. Denis.
M. St. Denis: J'ai deux questions très courtes. Merci d'être venus, messieurs.
Dans l'avant-dernier paragraphe de la première page de votre exposé, monsieur Leshchyshen, le plupart de vos observations «portent sur les compagnies d'assurances réglementées par le gouvernement fédéral et les associations coopératives». Est-ce qu'on reconnaît généralement que les compagnies d'assurances publient moins d'information que les banques? Est-ce que c'est délibéré ou bien est-ce l'évolution naturelle des choses?
M. Leshchyshen: C'est probablement l'évolution naturelle des choses, car les banques sont cotées en bourse. Avec tous les problèmes autour des compagnies de fiducie, les banques sont plus conscientes de la nécessité de publier plus d'information.
Les analystes les y ont forcés. Ce genre de chose s'est développé naturellement.
M. St. Denis: Quel est le pourcentage approximatif des actifs du secteur de l'assurance qui appartiennent à des compganies cotées en bourse? S'agit-il de la moitié, du tiers, des deux tiers?
M. Wideman: J'imagine qu'il doit s'agir d'environ un tiers.
M. St. Denis: Par conséquent, les deux tiers sont contrôlés par des mutuelles ou institutions à capital fermé.
M. Wideman: Pas forcément. Mutual Life, Manufacturers Life, ces compagnies appartiennent à des actionnaires.
M. St. Denis: Qui détiendraient donc une proportion importante des deux tiers restants?
M. Wideman: Oui, et la Sun Life, la plus grosse compagnie au Canada est dans le secteur mutuel...
M. St. Denis: Dans le cas des mutuelles - il s'agit de la propriété - est-ce qu'elles communiquent des informations à leurs détenteurs de police de la même façon que les banques? Quand vous dites que le secteur des assurances ne publie pas autant d'information que les banques, est-ce que cela comprend les informations à l'intention des détenteurs de police?
M. Wideman: Les banques viennent au premier rang. Les compagnies à actions, comme Bob vous l'a dit les compagnies d'assurance-vie, London Life, Great-West, suivent les banques de très près. Elles y ont été forcées à cause du même type d'information de la part des analystes, avec les années elles ont été forcées de s'améliorer et de fournir des informations.
De par sa nature même, le secteur des assurances n'a pas fait de progrès très rapide dans beaucoup de domaines. On pourrait dire que c'est un secteur encroûté. Toutefois, depuis deux ou trois ans, les choses ont beaucoup changé. Vous pourriez ouvrir un exemplaire du rapport annuel de Manulife pour 1994 et le comparer au rapport d'il y a deux ans, je pense que vous y trouverez presque le double d'informations. Beaucoup de compagnies ont pris des mesures mais il reste beaucoup de progrès à accomplir.
M. St. Denis: À quoi attribuez-vous le fait que ces compagnies publient moins d'information?
M. Wideman: Elles en ont justement jamais fait. Souvenez-vous, il y a trois ans, est-ce que quelqu'un savait ce qu'était une cote de remboursement des réclamations? Probablement pas. Les gens qui voulaient s'assurer demandaient conseil à une connaissance, s'informaient du prix et du niveau de service, mais qui se donnaient jamais la peine de s'informer de la santé financière de l'institution? Probablement personne jusqu'à deux ou trois ans.
Aujourd'hui, les compagnies d'assurance se rendent compte qu'elles ne peuvent plus se contenter de publier des bribes d'information selon leur bon plaisir. Elles doivent aller plus loin, et cela ne va pas changer. Pour la plupart d'entre elles sinon toutes, pour la première fois de leur histoire, les cotes de crédit deviennent importantes de même que la confiance du public.
M. St. Denis: En ce qui concerne la publication d'information, une question a été soulevée plusieurs fois hier, et on en a reparlé aujourd'hui, la cote fondée sur les primes pour la protection des dépôts. C'est une cote qui est donnée à une firme donnée, et on peut imaginer qu'elle va être publiée de toute façon puisqu'elle figurera dans les rapports de vérification, entre autres. En ce concerne la publication des informations, pensez-vous que cela peut poser un problème aux compagnies, en particulier celles qui ont une mauvaise cote?
M. Wideman: C'est une prophétie qui pourrait se confirmer. C'est la même chose en ce qui concerne le MMPRCE que les compagnies d'assurance-vie ne sont pas tenues de révéler à l'heure actuelle. Je pense qu'on peut faire des comparaisons. Si le public prend connaissance de ce coefficient, un coefficient, qui, en soit est important, mais c'est un facteur parmi 20 ou 30, ou plus, qui joue un rôle critique en ce qui concerne l'établissement des cotes - si le public en prend connaissance, les banques craignent qu'on ne s'en serve pour prendre des décisions.
Le président: Messieurs, vos propositions me semblent extrêmement intéressantes, et je suis certain que vous aurez à coeur de travailler avec l'industrie, avec le BSIF, et de nous aider à mettre au point des normes de publication adaptées aux circonstances.
Merci beaucoup pour votre contribution.
M. Wideman: Merci.
Le président: Pendant que nos témoins suivants s'installent, nous allons faire une courte pause.
PAUSE
Le président: Nous reprenons la séance.
Nos témoins suivants représentent l'Association canadienne des paiements; il s'agit de Robert Hammond, directeur général et de Penny-Lynn McPherson, avocat-conseil et secrétaire général.
Nous allons vous écouter avec intérêt après quoi nous vous poserons des questions. Merci.
M. Robert M. Hammond (directeur général, Association canadienne des paiements): Merci, monsieur le président.
L'ACP apprécie beaucoup cette invitation à comparaître pour discuter du projet de loi C-100 que le comité étudie actuellement. Nous avons préparé à l'intention du comité un court mémoire qui contient des informations sur l'ACP. En effet, beaucoup de gens ne connaissent pas les activités de l'ACP et nous avons pensé qu'il serait utile de vous donner des informations de base.
Comme notre mémoire le précise, l'ACP s'intéresse principalement au projet de loi régissant les systèmes de compensation et de règlement des paiements qui figurent dans le projet de loi C-100. Si les membres du comité sont d'accord, je vais résumer les points saillants de notre mémoire après quoi Mme McPherson et moi-même serons heureux de répondre aux questions du comité.
Les membres du comité doivent se rendre compte que l'ACP a été établie en 1980 par la Loi sur l'Association canadienne des paiements. L'ACP a une double mission, premièrement établir et mettre en oeuvre un système national de compensation et de règlement et, deuxièmement, planifier le développpement du système national de paiement.
L'une des principales raisons citées pour la création de l'ACP était de donner un accès direct au système de paiement aux institutions non bancaires de dépôts et d'en faire des partenaires à part entière des banques dans la gestion du système national de compensation et de règlement.
En vertu de la loi, les institutions financières des cinq catégories suivantes peuvent être membres: premièrement, la Banque du Canada; deuxièmement, toutes les banques; troisièmement, les sociétés de fiducie et sociétés de crédit; quatrièmement, les coopératives de crédit centrales; et cinquièmement, les autres institutions financières de dépôt, ce qui comprend les caisses de crédit locales indépendantes des coopératives de crédit centrales.
La loi stipule que la Banque du Canada et toutes les banques sont automatiquement membres de l'ACP et que les institutions financières des trois autres catégories peuvent demander leur adhésion. Pour être admissible à la qualité de membre de l'ACP, les institutions financières des trois autres catégories doivent accepter des dépôts transférables par ordre à des tiers - c'est-à-dire pour de simples dépôts avec chèque - et répondre à l'un des trois critères de prudence suivants.
Le premier de ces critères est qu'il faut être membre de la SADC; c'est la première possibilité. Le deuxième - et je simplifie cela car dans la législation, c'est complexe - dans le cas d'une coopérative de crédit centrale, il faut être membre d'une association assujettie à la Loi sur les associations coopératives de crédit. La troisième possibilité, c'est d'être membre d'un système de garantie de dépôt provincial, ce qui expose à des inspections pour s'assurer qu'on suit des pratiques éprouvées en affaires et en finance.
Comme vous le voyez au tableau qui se trouve à la page 2 de notre mémoire, environ 55 p. 100 des membres de l'APC sont des institutions de dépôts non bancaires qui ont choisi de devenir membres de l'Association. Autrement dit, ce n'était pas obligatoire, mais elles ont décidé d'en faire la demande.
La loi qui régit l'APC est établie en conseil formé de 11 administrateurs, dont un qui doit être un des dirigeants de la Banque du Canada nommé par la banque, cinq qui sont élus par les banques et cinq qui sont élus par les institutions financières non bancaires. Sur ces derniers, deux sont élus par des sociétés de fiducie et sociétés de crédit, deux par des coopératives de crédit centrales et un par une autre institutions financière.
Si vous avez le temps de regarder l'annexe A, vous y trouverez une liste de tous nos directeurs et leurs suppléants et vous pourrez constater qu'une vaste gamme d'institutions financières constituées en société au fédéral et au provincial sont représentées au sein du conseil.
La loi autorise le conseil d'administration à prendre des règlements touchant les accords de compensation, les paiements et questions connexes. Toutefois, ces règlements n'entrent en vigueur qu'après l'approbation du gouverneur en conseil. Sous réserve des règlements, le conseil peut aussi se donner des règles régissant les accords de compensation et les règlements des effets de paiement.
Dans l'exposé que vous avez sous les yeux, vous trouverez un court résumé des activités de l'APC dans le cadre des deux mandats dont je vous ai parlé. Je ne perdrai pas de temps à les lire, mais si cela vous intéresse, vous pourrez le faire vous-même. Si vous avez des questions par la suite, l'APC se fera un plaisir d'y répondre.
Je tiens a signaler qu'à l'heure actuelle le projet le plus important de l'ACP est la mise au point d'un Système de transfert de paiements de grande valeur pour les gros paiements ou les paiements importants.
Le système aura deux objectifs principaux. Le premier est de contenir le risque systémique. Le deuxième, d'assurer le réglement final le jour-même, de manière que les membres de l'ACP puissent assurer à leurs clients la finalité du paiement.
Après avoir consacré beaucoup de temps à l'élaboration des spécifications fonctionnelles pour le STPVG, l'ACP a envoyé une demande d'audition le 1er mai. Elle a reçu des propositions, qui sont actuellement en voie d'évaluation. Le Conseil de l'ACP étudiera le rapport d'évaluation a sa réunion de septembre.
Et cela m'amène aux dispositions du projet de loi C-100.
Comme nous le disons dans notre mémoire, le conseil d'administration de l'ACP n'a pas procédé à un examen poussé des dispositions du projet de loi C-100, si bien qu'elle n'a pas de position officielle sur ce texte. Puisque le projet de loi couvre une très vaste gamme de sujets, il a été jugé préférable que chacune des cinq catégories des membres de l'ACP - c'est-à-dire les banques, les sociétés de fiducie et de prêts, les coopératives de crédit centrales - fasse une analyse, comme catégorie, et présente les instances qu'elle jugera approprié.
Le conseil est par ailleurs heureux de constater que le projet de loi renferme une «Loi régissant les systèmes de compensation et de règlement des paiements» qui comprend des dispositions destinées à faciliter l'élaboration d'un système de transfert de paiements de grande valeur, dispositions qui ont maintenant été étudiées.
En fait, il y a quelques mois l'ACP a envoyé au ministère des Finances un document qui résume le point de vue de l'Association au sujet des dispositions législatives nécessaires à la mise en place d'un SCRP. On y insiste en particulier sur l'importance de mesures législatives qui permettraient à la Banque du Canada de participer pleinement au SCRP, à la fois à titre de participant et à titre d'agent de règlement. On observe également que les statuts existants ne doivent pas constituer un obstacle pour le bon fonctionnement du réseau sur lequel le SCRP sera basé.
Le projet de loi en question tient suffisamment compte des suggestions de l'ACP. En particulier, le Contentieux de l'ACP a analysé les dispositons concernant le règlement à l'article 8 du projet de loi et il y trouve l'appui statutaire nécessaire pour que les dispositions d'un projet de règlement de l'ACP, qui régira les opérations du STPGV et assurera la certitude du règlement des paiements, ne sera pas neutralisé par l'application d'une loi concernant les paiements préférentiels aux créanciers ou permettant la suspension des procédures dans certains cas d'insolvabilité.
L'ACP est donc satisfaite des dispositions liées directement à la mise en place du système de transfert de paiements de grande valeur.
Voilà qui conclut mes observations, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Hammond.
[Français]
Je suis certain que M. Loubier a des questions à vous poser.
M. Loubier: C'est un moment palpitant de ma journée. Bienvenue, monsieur Hammond et madame McPherson. Je veux vous parler depuis le mois de juin, depuis qu'on a déposé le projet de loi C-100. J'ai eaucoup suivi les activités de votre association depuis quelques années, et, en particulier, lorsque vous avez déposé votre rapport - je crois que c'était en mai dernier - stipulant, entre autres, qu'en améliorant le système des paiements de grande valeur et en suggérant un certain nombre de moyens, on en arriverait à contenir ou à réduire le risque systémique.
J'aimerais connaître en gros les moyens que vous avez suggéré au ministère des Finances dans votre rapport au Comité permanent des finances pour améliorer le système de paiement de grande valeur et contenir le risque systémique.
[Traduction]
M. Hammond: Comme nous avons dit dans notre mémoire, l'Association canadienne des paiements travaille depuis longtemps pour mettre au point un système de paiements de grande valeur. Nous voulions créer un système qui permettrait un règlement définitif le jour même, et qui donnerait aux participants la possibilité d'offrir des paiements de caractère définitif.
Par conséquent, comme je l'ai dit, nous avons avons consacré beaucoup de temps à mettre au point les caractéristiques fonctionnelles du système. Je pense que nous avons réussi à créer un système qui nous protégera de toute perte dans l'éventualité d'une faille de la part du participant le plus important.
Nous réussissons à faire cela de deux façons: d'abord, les participants sont obligés de fournir des sûretés, et deuxièmement, il y aura des limites au montant des paiements qu'un participant peut mettre dans le système.
Il y a deux sortes de limites: celle donnée par le participant sous forme de hantissement et celle du crédit accordé par les autres participants. Lorsque les autres participants vous donnent du crédit, ils fournissent des hantissements du paiement si jamais l'institution financière qui fait le paiement ne survit pas.
[Français]
M. Loubier: En appliquant ces mesures-là, on améliore le système des paiements de grande valeur, on contient les risques systémiques et on les réduit même au minimum, selon le gouverneur de la Banque du Canada qui est allé vous rencontrer à Montréal, le 20 juin dernier. Et, toujours selon lui, on arrive même à supprimer les risques systémiques en resserrant le système des paiements de grande valeur et en ayant un réseau électronique très sophistiqué où la transaction devient le paiement final, la journée même ou l'instant même où elle est effectuée. Êtes-vous d'accord avec cela?
[Traduction]
M. Hammond: Il est certainement vrai que le but d'un système de paiement de grande valeur est de réduire le risque systémique et d'essayer de l'éliminer dans la mesure du possible.
Comme je l'ai déjà dit, le système est conçu pour couvrir la cessation du paiement du participant le plus important. Mais dans le cas très peu probable où plus d'un participant fassent faillite en même temps, comme vous le savez, la Banque du Canada a accepté de donner une garantie. Cette garantie constitue un élément essentiel du système de paiement et nous aidera à atteindre notre objectif de réduire le risque systémique.
[Français]
M. Loubier: Comme payeur de dernier recours?
M. Hammond: Oui.
M. Loubier: Vous n'avez jamais suggéré que d'autres contrôles réglementaires ou d'autres intervenants voient le jour ou voient ses pouvoirs augmentés pour contrôler davantage le marché, de façon à ajouter au contrôle du risque systémique par l'amélioration du système des paiements de grande valeur? Est-ce que cela n'a jamais été votre suggestion d'en arriver à ajouter un contrôle par le biais d'un acteur supplémentaire sur le marché des valeurs, ou pour l'ensemble du secteur des institutions financières? N'est-ce pas cela que vous avez proposé?
[Traduction]
M. Hammond: Non, je ne crois pas que l'amélioration de la réglementation ou du contrôle des institutions financières participant au système de paiements aurait permis la création d'un système de transfert de paiements de grande valeur.
Voyez ce qui se fait ailleurs dans le monde, vous constaterez que dans les autres grands pays, on fait exactement la même chose qu'au Canada. On réduit le risque systémique en s'assurant que les paiements sont suffisamment nantis et aussi en imposant des limites sur le montant des paiements qui peuvent être faits à l'intérieur du système. Je crois donc que nous suivons une tendance qui s'exprime ailleurs dans le monde.
Je ne crois pas que la tendance soit à une réglementation plus serrée des institutions financières. Je sais que vous avez entendu parler de cela ici, et que vous vous êtes interrogés sur le degré de réglementation qu'il devrait y avoir. Chose certaine, la tendance mondiale favorise les nantissements et les limites de crédit.
[Français]
M. Loubier: Donc, si je vous comprends bien, le système actuel, avec le rôle des commissions de valeurs mobilières au Québec et en Ontario, par exemple, avec les rôles investis aussi par l'inspecteur général des institutions financières, avec l'expertise développée depuis environ 35 ans par ces institutions-là et avec l'amélioration du système des paiements de grande valeur, on n'en arrive peut-être pas à éliminer totalement tous les risques systémiques, mais à les endiguer et à les contenir en grande partie. C'est ce que j'ai compris dans l'argumentation que vous m'avez présentée.
[Traduction]
M. Hammond: Chose certaine, j'étais régulateur moi-même par le passé. Il y a plusieurs années de cela, c'était moi le surintendant des assurances.
Je sais d'expérience que le système de réglementation et de supervision s'est amélioré de beaucoup. Il ne fait aucun doute qu'on l'améliore constamment.
Cependant, je ne crois toujours pas que le système suffise à réduire les risques systémiques étant donné que, comme vous l'avez sûrement entendu au cours de vos audiences, le superviseur ne peut pas toujours être à l'institution visée, il ne peut pas suivre toutes les décisions qui sont prises. Et même si le superviseur pouvait suivre et approuver toutes les décisions, rien ne nous assure qu'on prendrait toutes les bonnes décisions. Il y a toujours des circonstances où des problèmes peuvent se poser.
On ne peut pas ôter aux institutions financières le droit d'innover et d'agir à l'intérieur des paramètres approuvés. Je ne crois donc pas que le système de réglementation peut éliminer tous les risques systémiques.
Chose certaine, des améliorations ont été apportées, et il y a peut-être eu réduction des risques systémiques que comporte un système de supervision mal fait. Au même moment, nous devons admettre que les chiffres, les montants, l'ampleur des transactions financières à l'intérieur du système de paiements ont connu une forte augmentation. Il y a beaucoup plus de transactions internationales de nos jours. Les paieements électroniques se font de tous côtés. Donc le monde change aussi.
À mon avis, le genre de système proposé par l'APC - et j'ai déjà dit que c'est le genre de système qu'on met déjà en place dans les autres grands pays - est la voie de l'avenir, et je ne crois pas que le système de supervision suffise à éliminer tous les risques systémiques.
[Français]
M. Loubier: Monsieur Hammond, je trouve très intéressantes vos présentation et démonstration.
Cela veut donc dire qu'on serait malvenus, sur une base pancanadienne, d'avoir une nouvelle instance à laquelle on donnerait le pouvoir d'émettre des directives aux chambres de compensation, aux institutions membres de ces chambres, en cas de doute quant au caractère et à l'exacerbation des risques systémiques. C'est bien cela. Ce serait redondant. On n'a pas besoin de cela si on a un système des paiements de grande valeur amélioré, en plus du rôle tenu par les instances provinciales, comme les commissions des valeurs mobilières, par exemple.
[Traduction]
M. Hammond: Je vais vous dire ce qu'en pense l'APC, parce que l'APC est une chambre de compensation.
En vertu du projet de loi, si la Banque du Canada décide que le système de paiements de grande valeur sera assujetti à la loi, les responsables de ce système pourtont, dans certaines circonstances, émettre des directives.
Je comprends donc que la Banque du Canada ait intérêt à s'assurer que le système endigue les risques systémiques parce que c'est bien sûr la banque qui se porterait ultimement garant dans le cas improbable où il y aurait plus d'une faillite. Mais si vous observez ce qui se fait ailleurs dans le monde, et c'est ce que j'ai vu moi, avec les contacts que j'ai et dans les lectures que j'ai faites, les banques centrales du monde s'intéressent beaucoup plus qu'avant au système de compensation et de règlements, et elles font justement ce qui est proposé dans ce projet de loi-ci.
Vous avez parlé de cette disposition du projet de loi qui donne à la Banque du Canada le pouvoir d'émettre des directives à la chambre de compensation ou à une institution membre de cette chambre. En ma qualité du directeur général d'une organisation qui est considérée comme une chambre de compensation, je voulais savoir si la banque avait l'intention, dans les circonstances où elle jugerait nécessaire... Bien sûr, ces circonstances sont précisées dans le projet de loi, mais je voulais savoir pour ma part dans quelles circonstances la banque donnerait des directives à une institution membre d'une chambre de compensation au lieu de les donner à la chambre de compensation elle-même.
Je me suis donc informé auprès de la Banque du Canada et l'on m'a répondu que s'il existe une chambre de compensation, la directive ne s'adressera qu'à la chambre de compensation elle-même et non à son institution membre; qu'on ne comptait nullement donner des directives à l'institution membre de la chambre de compensation, au contraire, la directive serait donnée uniquement à la chambre de compensation elle-même.
Je crois savoir que la Banque du Canada ne donnerait des directives à une institution membre du système de compensation et de règlement, sous réserve des circonstances précisées dans le projet de loi, que si l'institution n'était pas membre d'une chambre de compensation, il peut y avoir des arrangements où il n'y a pas de chambre de compensation, et de telles circonstances, la banque donnerait des directives à de telles institutions, et elle les donnerait à toutes les institutions visées.
[Français]
M. Loubier: Qu'est-ce qui pourrait advenir, monsieur Hammond - et encore une fois, je vous félicite pour votre démonstration - si la Banque du Canada, qui a le pouvoir d'ordonner et d'émettre des directives à la chambre de compensation ou à une institution membre, juge que le risque systémique est exacerbé, et qu'une commission des valeurs mobilières émet des directives différentes de celles de la Banque du Canada? Les commissions des valeurs mobilières agiraient sur le même terrain que la Banque du Canada.
Ce matin, j'ai pris l'exemple des normes de capital édictées par chacune des commissions de valeurs mobilières. Si la Banque du Canada juge qu'il y a risque systémique amplifié et que ses normes de capital diffèrent, soit au Québec, soit en Ontario, de celles établies par les commissions de valeurs mobilières, qu'arrive-t-il sur les marchés financiers? Sommes-nous dans des marchés plus stables, plus sûrs, ou est-ce qu'on en augmente l'incertitude et l'instabilité?
[Traduction]
M. Hammond: Monsieur le président, je ne crois pas pouvoir répondre à cette question sur les commissions des valeurs mobilières, parce que la Banque du Canada est beaucoup mieux placée que moi pour y répondre. Mais je peux vous donner la réponse de l'Association canadienne des paiements. Nous formons une chambre de compensation. Je ne peux donc pas parler des autres chambres de compensation, mais je peux vous dire ce que nous en pensons.
Le projet de loi dit précisément dans quelles circonstances la banque du Canada peut émettre des directives. De même, étant donné que notre organisation a été créée par une loi du Parlement, le ministre doit approuver toute directive qui nous est donnée.
Notre organisation ne voit aucune difficulté. La Banque du Canada collabore activement avec l'Association canadienne des paiements depuis des années et nous avons toujours réussi à nous entendre. Il y a donc une coopération telle entre nos membres de diverses catégories que je ne peut pas imaginer de situation où une directive serait nécessaire.
Dans le cas improbable où une directive serait nécessaire, étant que l'APC a été créé en vertu d'une loi du Parlement, la directive ne pourrait être émise qu'avec l'approbation du ministre, comme le veut la loi. Dans le cas extrêmement improbable où les discussions entre la Banque du Canada et l'APC échoueraient, l'APC aurait le droit d'en appeler au ministre.
Je n'envisage donc aucun problème pour l'Association canadienne des paiements, et c'est l'association que je représente.
[Français]
M. Loubier: Mais le potentiel est ailleurs qu'à l'Association de la chambre des paiements. On a déjà vu, par le passé, des mésententes lorsqu'il y avait intervention deux paliers, même quelques fois trois paliers de gouvernement, dans un secteur donné. Il y a un risque potentiel de friction et d'incertitude créé par un manque de clarté dans l'attribution des responsabilités de part et d'autre. Cela peut arriver. Il y a des marchés financiers qui sont très sensibles à ce genre de situation-là.
[Traduction]
M. Hammond: Monsieur le président, je ne peux pas répondre à cela étant donné que je n'ai pas étudié la situation des autres chambres de compensation. Comme je l'ai dit, nous n'avons examiné ce projet de loi que dans la perspective de notre organisation.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Loubier. Madame Stewart, s'il vous plaît.
[Traduction]
Mme Stewart (Brant): Strictement à titre d'information, quelle est l'ampleur des transferts de grande valeur dont nous parlons en ce moment? De combien d'argent parle-t-on?
M. Hammond: De beaucoup d'argent. J'ai mentionné quelques chiffres dans le texte que je vous ai remis. Je ne les connais pas par coeur, mais si nous passons à...
Mme Stewart: Le plus gros montant serait...?
M. Hammond: Il est difficile de dire exactement à combien se chiffre le plus gros paiement. Mais il s'agit bien de gros paiements. Des paiements qui peuvent dépasser le milliard de dollars.
Voyez les statistiques à la page 3 du rapport, et vous constaterez qu'en 1994, les paiements qui se sont faits à l'intérieur du système de compensation et de règlement atteignaient les 21 milliards de dollars. Si nous disons qu'un paiement de grande valeur dépasse, disons, 50 000$ - et imaginons cela juste un instant pour les besoins de la discussion - on constate que les paiements de grande valeur représentent 90 p. 100 de ce chiffre, non seulement pour la valeur, mais aussi pour le volume. Au niveau des chiffres, cela ne représenterait que moins de 10 p. 100, mais au niveau de la valeur, cela représenterait 90 p. 100 des paiements.
Mme Stewart: Voulez-vous nous dire ce qui constitue un nantissement suffisant pour un paiement de grande valeur?
M. Hammond: Tout dépend de la valeur des paiements qui passent dans le système. Cela varie donc d'un jour à l'autre, et il est difficile de donner un chiffre précis. Cela dépend aussi du nombre de paiements qui passent dans le système, de leur valeur et du moment où ils passent. Si vous envoyez un paiement mais que vous recevez un paiement de quelqu'un d'autre au même moment, il y a un effet de compensation et le montant du nantissement s'en trouve réduit. Donc je peux vous donner un...
Mme Stewart: Se peut-il que la Banque du Canada se retrouve avec un nantissement insuffisant?
M. Hammond: Non. Le système fonctionnera de telle façon que seuls les paiements garantis pourront passer. S'il y a manquement, le système pourra nantir la position débitrice nette la plus élevée. Le nantissement servira à cela.
S'il y a d'autres manquements, il faudra trouver des ressources additionnelles. Ce ne sera peut-être pas nécessaire parce que la nantissement sera suffisant. Mais s'il y a un autre manquement, il se peut qu'on ait besoin de garanties supplémentaires. Je ne peux pas vous citer de chiffres parce que tout dépend des circonstances.
Mme Stewart: Qui serait responsable dans un tel cas?
M. Hammond: Il faut voir d'abord quel nantissement il reste dans le système. Si le nantissement dans le système est insuffisant, on inventorie les biens de l'institution en faillite. Il est très rare qu'une institution en faillite laisse ses créanciers sans un sou. Il y a donc tout cet argent-là aussi.
Mme Stewart: A-t-on été témoin à ce jour de cas où l'incapacité de conclure un transfert de paiement de grande valeur le jour même a causé des difficultés?
M. Hammond: Il y a eu des difficultés. On entend parler de gens qui préfèrent faire des paiements dans un autre pays pour avoir la certitude de conclure le paiement le même jour.
Mme Stewart: Vous voulez dire par là que sans ce système au Canada, il y aurait des gens qui iraient faire affaire ailleurs pour s'assurer de faire le paiement final.
M. Hammond: Je ne crois pas que cela se fasse beaucoup, mais nous avons entendu des histoires de ce genre. Pour être concurrentiel à l'échelle internationale, nous avons besoin d'un système de ce genre.
Mme Stewart: C'est justement ce que je voulais confirmer. Le gouverneur de la Banque du Canada nous a bel et bien dit que le Canada est le seul grand pays industrialisé qui n'a pas de système électronique, que cela entrave notre compétitivité, et que si nous ne prenons pas l'initiative dès maintenant, les risques augmentent presque de jour en jour. Vous dites, les risques sont tels...
M. Hammond: Oui, je suis tout à fait d'accord avec le gouverneur.
Mme Stewart: Donc, pour la viabilité de notre économie et notre compétitivité, ce système est d'une importance capitale.
M. Hammond: Il est d'une grande importance.
Mme Stewart: Avec le système que vous avez conçu, les risques pour la Banque elle-même est minime.
M. Hammond: Des faillites en chaîne sont très improbables, mais je ne prétends nullement mesurer le risque que cela comporte pour la Banque du Canada.
Mme Brushett: Pour une institution, disons la Banque de Nouvelle-Écosse par opposition à Diane Brushett, si une personne fait un gros retrait ou qu'une escroquerie est en cours - et que je n'ai pas de garantie dans le système, alors que la Banque de Nouvelle-Écosse a une garantie en tant qu'institution - comment pouvez-vous vous assurer que la transaction a été conclue le même jour, au cours de cette période de 24 heures? Comment allez-vous protéger la Banque ou la Banque du Canada d'un gros retrait, comme on l'a vu dans les cas d'escroquerie internationale?
M. Hammond: S'il y a un gros retrait, si les gens viennent retirer leur argent en masse, cela aura un effet sur le système des paiements, mais ce n'est pas le genre de chose qui passe dans le système de compensation et de règlement. Il s'agit ici de paiements qui sont faits d'une institution financière à l'autre. Autrement dit, si une banque doit de l'argent à une autre, si vous faites un chèque à une institution financière et que vous me le donnez et que je m'adresse à une autre institution financière, au bout du compte, il faut qu'il y ait échange d'argent...
Mme Brushett: Un rapprochement.
M. Hammond: ...entre ces deux institutions financières. C'est donc le genre d'arrangements que nous faisons dans le système de paiement. Nous ne nous occupons pas des gens qui viennent simplement retirer leur argent.
Le président: À ce sujet, pouvez-vous nous citer un exemple où d'autres pays ont bénéficié de cet avantage parce qu'ils étaient capables de réaliser des transferts d'argent pour le même jour?
M. Hammond: Je ne peux pas citer de cas particuliers, mais chose certaine, lorsqu'il s'agit de gros montants...
Le président: Prenons un cas hypothétique. Pouvez-vous nous citer un cas où...
M. Hammond: Si vous concluez une grosse transaction financière, par exemple, vous pourriez avoir une prise de contrôle importante. Vous pourriez avoir des paiements frisant le milliard de dollars ou de l'ordre de plusieurs centaines de millions de dollars qui se feraient d'une partie à une autre. Lorsque vous obtenez le chèque d'une entité, vous voulez vous assurer que le chèque est bon. C'est ce que notre système nous permet de faire.
Le président: Allons un peu plus loin. Disons que M. Fewchuk vous vend sa société de portefeuille pour 1 milliard de dollars. Vous faites donc un chèque, tiré sur votre banque, àM. Fewchuk. Il vous donne ses actions et vous lui donnez le chèque, et il va ensuite encaisser le chèque dans la demi-heure qui suit. Vous dites que la banque sur laquelle vous avez tiré votre chèque risque de ne pas l'honorer...
M. Hammond: Ou il se peut que le chèque rebondisse.
Le président: ...ou que le chèque rebondisse, entre le moment où le chèque est déposé et le moment où il est avalisé.
M. Hammond: C'est exact.
Le président: Dans le système actuel, vous devez attendre jusqu'au lendemain pour savoir si votre banque va honorer votre chèque d'un milliard de dollars.
M. Hammond: C'est exact. Mais si l'honorable député a reçu un paiement de grande valeur dans notre système, il saura alors qaue les fonds sont garantis.
Le président: Dans le système qu'on propose, quand aurait-il cette garantie, combien d'heures après avoir déposé le chèque?
M. Hammond: Il le saurait dès qu'il obtiendrait le paiement. Dès que son institution financière l'informerait du paiement, il saurait que...
Le président: Excusez-moi. Il déposerait à sa banque le chèque d'un milliard de dollars que vous auriez tiré sur votre banque. Combien de temps faudrait-il pour que la banque confirme que le chèque est bon?
M. Hammond: Il n'y aurait pas de papier ici. Ma banque enverrait un message électronique à son institutoin financière, et si cela passe dans le système, sa banque ou son institution financière aura les fonds.
Mme Stewart: Le gouverneur a dit hier que l'offre d'une garantie absolue - et il a bien dit «absolue» - même s'il y avait ce risque que vous dites pour la banque, et qu'il y avait faillite par après, est compensée par l'avantage compétitif qu'on a et la certitude d'avoir un système intègre.
M. Hammond: C'est sûrement l'avis des membres de l'APC, oui.
Mme Stewart: Le coût potentiel vaut donc définitivement l'avantage compétitif qu'on en retire.
M. Hammond: Et cela profite au... Si la Banque du Canada doit fournir les fonds, ce n'est pas l'institution financière en faillite qui en profite; c'est plutôt le participant au système qui s'attend à recevoir des fonds et qui ne les obtiendrait pas autrement.
Le président: Pour reprendre ce que Mme Stewart a déjà dit, nous sommes le seul pays au monde qui n'offre pas ce système à l'heure actuelle.
M. Hammond: C'est exact.
Le président: Avec cette nouvelle approche, la Banque du Canada garantira que ces paiements seront faits. Certaines personnes pourraient s'y opposer, mais je dois vous dire que je ne m'oppose pas au fait que nous rattrapions simplement les autres pays. industrialisés pour ce qui est de pouvoir transférer des fonds et d'avoir une certitude de paiement.
Monsieur Fewchuk. Vous êtes inquiet pour votre milliard de dollars?
M. Fewchuk: Je ne suis pas inquiet parce que je ne l'aurai jamais.
J'ai une autre réserve. Est-ce que système rejoint M. Tout-le-monde? Va-t-il en profiter lui aussi lorsqu'il encaissera son chèque de 10$? Est-ce qu'on lui répondra rapidement, ou devrait-il encore attendre les sept jours réglementaires?
M. Hammond: Le système a été conçu pour ce qu'on appelle les paiements de grande valeur ou les paiements importants. L'utilisation du système ne sera pas gratuite, et j'imagine que pour 10$, vous continuerez d'utiliser un chèque, parce que ça ne vaudra pas la peine d'utiliser tout le système.
M. Fewchuk: Je me demandais si le système faciliterait ce genre de transaction aussi, mais à ce qu'il semble, le système ne peut rien pour des montants aussi petits.
M. Hammond: Non. On ne compte pas utiliser ce système pour un simple chèque de 10$.
M. Fewchuk: Ce n'était qu'un exemple.
[Français]
Le président: Le dernier mot est à M. Loubier, comme toujours.
M. Loubier: Je veux que ce soit bien clair, parce que, plus tôt, vous avez fait des allusions, que personne ne peut être en désaccord avec le système des paiement de grandes valeurs, avec concordance directe presque immédiate électroniquement. Tout le monde est content d'avoir cela. Tout le monde serait content si cela arrivait tout de suite. On serait fiers de cela aussi, mais on n'a pas besoin de pouvoirs supplémentaires à la Banque du Canada pour faire cela.
J'aurais une question à vous poser. Quand prévoyez-vous, avec les améliorations que vous avez proposées, qu'un tel système sera en application au Canada?
[Traduction]
M. Hammond: Si tout se passe comme prévu, le système sera opérationnel au début de 1997.
[Français]
M. Loubier: Monsieur Hammond, personnellement, je tiens à vous féliciter, parce que vous avez été d'une clarté dont on n'a pas eu la chance d'avoir, en tout cas, depuis les deux derniers jours. Vous avez le sens de la vulgarisation très profondément ancré en vous, et je vous félicite. En tout cas, votre présentation a été claire. C'est la première fois que cela se produit depuis un bon bout de temps.
M. Hammond: Merci.
M. Loubier: C'est nous qui vous remercions.
Le président: Que pourrais-je dire davantage après ce qu'a dit M. Loubier, mais au nom de tous les députés...
M. Loubier: C'est parce que je suis impressionné.
Le président: ...j'aimerais bien vous remercier. Bon courage et bonne chance.
M. Hammond: Merci beaucoup.
Le président: Nous allons prendre une petite pause de deux minutes.
PAUSE
[Traduction]
Le président: À l'ordre.
Avant d'entendre notre prochain témoin, je tiens à vous faire savoir que le comité des finances entreprendra au début de septembre, après la reprise des travaux du Parlement, ses discussions en prévision du budget de février 1996. Les membres du comité sont parvenus à un consensus et nous commencerons nos audiences le mardi 19 septembre. Nous entendrons d'abord quelques ministres, puis nous aurons probablement quelques tables rondes. Bien sûr, nous invitons les Canadiens à communiquer avec la greffière pour lui faire part de leur volonté d'être entendus par le comité. Nous prévoyons des audiences très intensives et nous pensons présenter notre rapport en décembre.
C'est tout pour cette brève annonce publicitaire.
J'appelle maintenant notre prochain témoin, M. Duff Conacher, coordonnateur de Démocratie en surveillance.
M. Duff Conacher (coordonnateur, Démocratie en surveillance): Merci, monsieur le président et merci de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui devant le comité qui étudie le projet de loi C-100.
Démocratie en surveillance est un groupe de défense des citoyens qui a son siège à Ottawa. Nous avons pour mission de faire connaître le point de vue des citoyens - en l'occurrence des consommateurs - lors de l'examen de projets de loi et dans les dossiers concernant la responsabilisation du gouvernement et des entreprises.
Aujourd'hui, je vous entretiendrai tout particulièrement de notre proposition visant la mise sur pied d'une association de consommateurs de services financiers. J'espère que vous avez tous un exemplaire de notre mémoire en mains. Je sais que vous venez tout juste de le recevoir, aussi je vous ai remis une feuille de questions et de réponses qui résume notre proposition. Plutôt que de lire le mémoire au complet, je me servirai de cette feuille. Il y en a des copies en anglais et en français. Vous y trouverez les réponses à la plupart des questions que vous pourriez avoir au sujet de notre proposition.
Le projet de loi C-100 est, en premier lieu, une réaction à la débandade de Confédération Vie, à l'été 1994. Le projet de loi C-100 a donc pour premier objectif de protéger les consommateurs en cas de faillite d'une institution financière. Ce que nous voulons, c'est mettre en place un mécanisme permanent de protection des consommateurs.
Certains observateurs, partisans du laisser-faire, soutiennent que le projet de loi C-100 est trop interventionniste et donne aux organismes de réglementation des pouvoirs dont ils n'ont pas besoin. D'autres soutiennent que le projet de loi ne va pas assez loin, que ces organismes devraient recevoir davantage de pouvoirs et qu'il faudrait obliger les institutions financières à divulguer davantage de renseignements.
Toutefois, les partisans de l'un et de l'autre camp reconnaissent que le gouvernement ne peut protéger les consommateurs que jusqu'à un certain point et que les consommateurs eux-mêmes doivent s'organiser et s'informer pour se protéger. Tout le monde admet que des consommateurs organisés et informés aident les organismes de réglementation à remplir leur fonction et contribuent au fonctionnement efficace du marché et de l'industrie en favorisant la concurrence et en faisant augmenter le niveau des services aux clients.
Au Canada, le problème c'est que les consommateurs de services financiers ne sont, en général, ni organisés, ni informés.
L'association de consommateurs de services financiers dont nous proposons la création constitue le moyen le moins coûteux et le plus efficace de régler ces deux problèmes: à savoir, organiser les consommateurs de services financiers au Canada et leur donner un moyen rapide de s'informer sur la santé de toute institution fournissant de tels services.
Qu'est-ce qu'une association de consommateurs de services financiers? C'est une organisation à charte fédérale sans but lucratif et indépendante, financée et gérée par des bénévoles qui en sont membres et paient leur cotisation.
Le gouvernement fédéral aiderait à créer cette organisation en exigeant que les institutions financières qu'il réglemente annexent un dépliant sur l'organisation à leurs relevés de banque, relevés de compte de carte de crédit et factures de prime d'assurance. Il y a 20 millions de consommateurs et toutes les institutions financières ont régulièrement recours à des envois postaux massifs. Ce que nous demandons, c'est que le gouvernement les obligent à annexer un prospectus à leurs envois. Ce prospectus inviterait les consommateurs à devenir membres de l'association des consommateurs de services financiers, moyennant une cotisation annuelle de 10 ou 15 dollars.
Le gouvernement fédéral donnerait ou prêterait à l'association les fonds nécessaires pour imprimer et insérer le premier prospectus. Après cela, l'association paierait elle-même l'impression et l'insertion des prospectus. Puisque tous les frais se rapportant à ce prospectus seraient toujours payés, les encarts ne coûteraient pas un sou aux institutions financières.
Le modèle proposé s'inspire des commissions de surveillance des services publics par les citoyens qui existent aux États-Unis. Quatre États ont obligé les services publics à annexer à leurs factures un prospectus d'une page comme celui que nous proposons, ce qui a permis aux consommateurs de s'organiser très efficacement.
À la page 6 de notre mémoire, vous verrez un graphique décrivant les effets de ces commissions de surveillance dans ces quatre États. En intervenant lors des audiences sur les demandes de hausses de tarifs, elles ont réussi à faire économiser aux consommateurs 150$ pour chaque dollar versé en cotisation. De plus, elles informent les consommateurs sur les techniques d'économie d'énergie et sur d'autres aspects des services publics.
Le taux de réponse moyen à ces prospectus varie de 3 à 5 p. 100. Puisqu'il y a 20 millions de consommateurs de services financiers de toutes sortes au Canada, ce taux de réponse permettrait à l'association de réunir entre 600 000 et un million de membres. Si chacun payait une cotisation annuelle de 10 à 15 dollars, ses revenus s'élèveraient chaque année entre six et 15 millions de dollars.
Le Canada aurait alors une organisation capable de surveiller l'industrie des services financiers au nom des consommateurs, d'informer ceux-ci au moyen d'enquêtes sur les prix, de débats publics et de numéros de téléphone sans frais, sans compter qu'il s'agirait d'une association de consommateurs ayant des assises plus larges que toute autre association de consommateurs existante.
De nombreuses raisons justifient la création d'une telle association.
Tout d'abord, les filets de sécurité rétrécissent. Les sommes que le gouvernement consacre à définir les problèmes des consommateurs de services financiers et à les régler diminuent.
En décembre dernier, le ministre fédéral de l'Industrie a exhorté les consommateurs à magasiner pour se protéger des abus. C'est là une réponse bien insuffisante aux problèmes des consommateurs.
En outre, il faut combler les besoins en services et en information des consommateurs. Par exemple, le projet de loi C-100 contient des dispositions obligeant les institutions à divulguer davantage de données financières, mais le législateur ne reconnaît pas que beaucoup de consommateurs resteront sans savoir qu'ils peuvent obtenir ces données. Ils ne pourront pas interpréter les renseignements eux-mêmes et ils n'auront pas les moyens de payer les analystes capables de le faire. Une association de consommateurs de service financiers pourrait fournir de tels services aux consommateurs.
En outre, de nombreuses plaintes ont été formulées ces dernières années contre les institutions financières et beaucoup n'ont pas été étudiées, surtout parce que les ressources sont utilisées à d'autres fins.
Au Canada, très peu d'organisations de consommateurs s'occupent des services financiers. Aujourd'hui, vous en avez entendu une, l'Association des consommateurs du Canada, Celle-ci peut se permettre de faire le travail très limité qu'elle fait dans ce domaine uniquement parce qu'elle reçoit des subventions de la Direction de la politique en consommation. Ces subventions, qui ont totalisé 1,5 millions de dollars l'an passé, ont été ramenées à un million dans le budget de février dernier. Il y a donc maintenant dix groupes de consommateurs - qui s'occupent de toutes les questions touchant les consommateurs et pas uniquement des services financiers - qui se partagent un million de dollars. C'est tout simplement insuffisant. L'an dernier, du million et demi de dollars, environ 200 000 seulement ont été consacrés à des documents de recherche sur les services financiers.
Fondamentalement, l'apport des consommateurs à l'élaboration du projet de loi C-100 et à la réforme qui sera faite en 1997 reste nettement insuffisant. Le seul moyen de régler le problème, c'est d'y consacrer davantage de ressources.
Il est peu probable que les subventions du gouvernement dépassent le million de dollars déjà prévu. Ce qui est plus probable, c'est que ce million de dollars soit complètement éliminé d'ici deux ans. Certains signes le laissent déjà présager.
Nous proposons de créer une association de consommateurs de services financiers qui ne coûterait pas un sou ni au gouvernement ni aux institutions financières.
Beaucoup de questions seront abordées au cours de la réforme qui vient et beaucoup sont déjà abordées dans le projet de loi C-100, mais, en ce moment, il n'existe aucun groupe au Canada qui soit en mesure de formuler une position détaillée sur le projet de loi C-100 ou sur la réforme prochaine. Même si certains groupes peuvent défendre des positions générales, comme l'Association des consommateurs du Canada l'a fait ce matin, les compressions budgétaires à prévoir d'ici deux ans environ leur rendront la tâche presque impossible.
La méthode que nous proposons pour la mise sur pied d'une association de consommateurs de services financiers constitue tout simplement un moyen d'équilibrer le marché.
En ce moment, les institutions financières, surtout celles qui acceptent des dépôts, jouissent de nombreux privilèges. Elles sont protégées de la concurrence par toute une série d'obstacles auxquels se heurtent les nouveaux venus sur le marché, elles sont protégées de l'insolvabilité par le système d'assurance-dépôts, elles sont à l'abri de la concurrence étrangère et, dans un sens général, elles sont protégées par les droits dont elles jouissent en tant que sociétés constituées en corporation.
Les institutions financières ont également le droit d'utiliser l'argent des contribuables pour financer leurs activités de lobbying. Tous les représentants des institutions financières que vous entendrez d'ici deux jours sont financés par les consommateurs. Les sociétés peuvent très facilement utiliser leurs profits pour payer leurs activités de lobbying. Par conséquent, l'Association des banquiers canadiens, le Bureau d'assurance du Canada et leurs semblables sont indirectement financés par les consommateurs.
Comment les consommateurs peuvent-ils tout aussi facilement mettre leurs ressources en commun pour défendre leurs intérêts sur le marché? Ils n'ont aucun moyen. Cependant, si un prospectus était annexé à tout relevé bancaire, relevé de carte de crédit et facture de prime d'assurance pour inviter les consommateurs à s'unir et à verser une cotisation de 10 à 15 dollars par année, on donnerait à ces derniers les moyens dont disposent déjà les institutions financières pour mettre des ressources en commun et défendre leurs intérêts. De plus, il convient de le répéter, compte tenu de la période économique difficile que nous traversons, il n'en coûterait pas un sou au gouvernement ou aux institutions financières.
Certains soutiennent qu'il existe d'autres moyens de régler les problèmes financiers des consommateurs. La création d'un poste d'ombudsman pour les clients des banques a été suggérée. Nous donnons plusieurs raisons pour lesquelles même un ombudsman aurait besoin d'une association de consommateurs de services financiers pour bien remplir sa mission.
Les consommateurs sont, à toutes fins utiles, livrés à eux-mêmes et n'ont nulle part où s'adresser s'ils ont un problème avec une institution financière. Certains peuvent se payer les services d'un analyste financier, mais il est évident que les consommateurs les plus vulnérables n'en ont pas les moyens.
Certains soutiennent que des entreprises privées peuvent s'occuper d'informer les consommateurs. Toutefois, leurs services coûtent très cher. TRAC Insurance, que vous avez entendue, exige 600$ pour une évaluation comptable de la plupart des assureurs et 50$ pour un rapport sur une institution donnée. Une association de consommateurs serait en mesure de fournir ces services pour 10 à 15 dollars par année.
Les consommateurs ne connaissent pas tous l'existence des entreprises privées qui fournissent les services. Ils apprendraient l'existence d'une association de consommateurs parce qu'ils recevraient un prospectus avec leur relevé de banque, leur relevé de carte de crédit ou leur relevé de primes d'assurance.
Compte tenu des renseignements qui seront divulgués et des pouvoirs qui sont confiés aux organismes chargés de la réglementation, je vous pose deux questions.
Premièrement, si vous aviez 2 000$ à déposer à la banque et que vous vouliez utiliser 30 services de cette même banque ou d'une autre institution financière, savez-vous dans quelle institution il serait aujourd'hui plus avantageux de placer cet argent? Laquelle exigerait les frais de service les plus bas pour les chèques et accorderait les plus hauts taux d'intérêt parmi toutes celles qui existent? Si vous, membre du comité des finances, ignorez cela, je crois que vous ne pouvez pas vous attendre à ce que le consommateur moyen le sache.
Une association de consommateurs de services financiers pourrait fournir de tels renseignements. Elle pourrait faire des enquêtes.
Jusqu'à maintenant, je n'ai vu qu'une seule enquête. Elle a été faite par Protégez-vous, un magazine québécois de consommateurs. Selon cette enquête, qui portait sur 30 services dans sept institutions financières, les coûts pour le consommateur variaient de 39 à 249 dollars par année. Combien de consommateurs, à votre avis, ont le temps de comparer 30 services offerts par sept institutions financières? Pas beaucoup.
Ma deuxième question est la suivante: puisque le projet de loi C-100 étend les pouvoirs des organismes de réglementation, ne serait-il pas logique d'élargir aussi les pouvoirs des consommateurs et de les laisser s'organiser et s'informer, car ainsi, ils ne feraient que rehausser la qualité des services, accroître la concurrence et améliorer le marché?
Pour ces raisons, nous exhortons le comité à amender le projet de loi C-100 pour permettre la création d'une association canadienne de consommateurs de services financiers. Nous avons remis à la greffière du comité les statuts d'une association des États-Unis qui pourraient facilement être adaptés au Canada ou transposés dans un règlement. Ce règlement préciserait l'obligation d'annexer le prospectus et fixerait les structures et les objectifs de l'association de consommateurs de services financiers.
Le président: Avez-vous terminé, monsieur Conacher?
M. Conacher: Oui. Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: C'est une idée fascinante.
Madame Brushett.
Mme Brushett: Je n'ai pas de questions.
Le président: Madame Stewart.
Mme Stewart: C'est une idée fascinante.
Puisque j'ai la parole, je voudrais faire deux ou trois observations.
Tout d'abord, vos commentaires sur la réforme qui aura lieu en 1997 sont très justes et le président et moi-même avons parlé de l'importance d'avoir des Canadiens ordinaires lors des audiences.
Deuxièmement, je sais que vous connaissez nos consultations prébudgétaires, comme celles que nous avons faites l'an dernier. Il ne fait aucun doute que certains des meilleurs exposés que nous avons entendus ont été présentés par de simples citoyens qui ont voulu nous faire part de leurs préoccupations. Donc, les citoyens ordinaires peuvent se faire entendre.
Bien sûr, ceux qui le désirent peuvent toujours s'adresser à moi, en tant que députée. Il arrive souvent que des Canadiens viennent me faire part de leurs préoccupations au sujet d'organismes réglementés par le gouvernement fédéral et j'essaie de les aider et de les soutenir, comme j'en ai la responsabilité.
L'idée d'une association est sans doute une bonne idée. Est-il possible qu'elle voie le jour sans qu'il soit nécessaire de légiférer, que les consommateurs s'unissent tout simplement parce qu'ils voient l'utilité de s'unir?
M. Conacher: Ce serait difficile. Il s'agit de fonder un organisme représentatif de 20 millions de clients. C'est le problème que rencontrent la plupart des organisations existantes. Si on compte tous les groupes qui s'occupent des services financiers du point de vue des consommateurs canadiens, y compris le nôtre, nous arrivons à un total de 15 000 membres. Ce n'est pas un gros pourcentage du total des consommateurs.
Mme Stewart: Vous avez dit que vous formeriez la plus grande association de consommateurs. Comment le savez-vous? Comment pouvez-vous l'affirmer?
M. Conacher: Voici ce que cela coûterait d'essayer de regrouper autant de membres. Il y a 20 millions de clients. Si vous voulez faire des envois postaux directs, comme vous en avez tous reçus un jour, j'en suis sûr, vous en avez tous reçus - et vous avez sans doute jeté l'envoi, comme la plupart des gens - il vous faut compter 60c. par client. Donc, pour communiquer avec 20 millions de personnes, il faut 12 millions de dollars. Personne ne dépensera 12 millions de dollars tout simplement pour mettre sur pied, au Canada, une association de consommateurs ne s'occupant que des services financiers. Mais avec un prêt de 350 000$ du gouvernement du Canada, il est possible de mettre une telle association sur pied.
Comment puis-je affirmer que nous aurions autant de membres? Pour donner suite à la proposition, le gouvernement fédéral pourrait commander un sondage auprès des consommateurs pour savoir s'ils s'inscriraient à une telle association s'ils recevaient un prospectus par la poste.
Un sondage a été réalisé auprès de locataires en Ontario et 80 p. 100 ont dit que si, au moment de signer leur bail, ils pouvaient cocher une case faisant en sorte qu'un dollar soit versé aux associations de locataires, ils le feraient. Si votre taux de réponse n'est que de 1 p. 100, ce qui est plutôt faible pour un publipostage - de nos jours, la moyenne est de 2 p. 100 - vous aurez néanmoins un groupe de 200 000 membres et un budget annuel de 2 millions de dollars. Cela représente le double du budget consacré actuellement aux questions de consommation par le gouvernement fédéral, et cela ne toucherait qu'au domaine des services financiers. En outre, 200 000 membres, c'est 15 fois le nombre de personnes faisant partie de groupes qui s'intéressent aux questions de services financiers.
Cela améliorera certainement la situation, même si votre taux de réponse n'est que de 1 p. 100. Moi, je prévois plutôt un taux de réponse de 3 p. 100 à 5 p. 100.
Mme Stewart: J'aimerais vous poser une question précise au sujet d'autres points que nous étudions en marge du projet de loi C-100, particulièrement l'abolition de la SADC préconisée aujourd'hui par l'Association des banquiers canadiens et d'autres qui estiment qu'une concurrence réelle et ouverte permettrait aux consommateurs de prendre des décisions éclairées. Qu'en pensez-vous?
M. Conacher: Les banques vous ont-elles aussi demandé d'éliminer tous les obstacles à la concurrence?
Mme Stewart: Elles ont parlé de concurrence.
M. Conacher: Ont-elles parlé d'éliminer les obstacles auxquels font face les concurrents étrangers qui veulent s'installer au Canada?
Mme Stewart: Elles ont parlé de concurrence.
M. Conacher: D'accord. Je ne crois pas qu'un seul groupe au Canada soit en mesure d'examiner toutes ces questions en profondeur. Nous ne pouvons certainement pas le faire. Nous n'avons pas cette prétention; nous sommes très humbles. Et tous les autres groupes peuvent aussi venir témoigner. L'ACA a formulé des recommandations très générales, mais pour ce qui est du projet de loi C-100, qui ne comporte que quelques modifications, et les réformes prévues en 1997, personne n'a les ressources nécessaires pour surveiller la situation de près. Vous n'entendrez pas les témoignages informés et fouillés sur la réforme prévue en 1997 tant que vous n'aurez pas créé une association d'usagers de services financiers. Ça ne se produira pas autrement.
Mme Stewart: Je vous remercie beaucoup d'avoir participé à nos audiences.
M. Conacher: Merci beaucoup.
J'aimerais ajouter que les consommeteurs pourraient très bien se réunir de leur propre initiative. Si les dirigeants de quelques banques peuvent se réunir et former ainsi un groupe de pression, les consommateurs pourraient très bien, si on leur en donne les moyens, en faire autant. C'est la meilleure solution. Il n'y a aucune autre façon d'organiser et d'informer les consommateurs de façon aussi efficace et économique.
Le président: Duff Conacher, ce que vous dites est vrai non seulement pour les banques et les institutions financières, mais aussi en ce qui concerne le genre de contribution à laquelle Mme Stewart a fait allusion et que nous estimons essentiel à nos délibérations. Ceux qui sont riches et puissants peuvent se payer les services de lobbyistes, qui jouent un rôle important dans notre processus, mais tant que nous ne pourrons assurer la contrepartie, entendre les groupes représentant les consommateurs, les pauvres, les personnes âgées, etc., nous n'avons pas l'équilibre qu'il nous faut pour prendre des décisions dans l'intérêt de tous les Canadiens. Si quelqu'un a une idée pratique...
M. Conacher: Dans notre mémoire, nous soulignons que le nouveau code sur les conflits d'intérêts exige de tous les titulaires de charges publiques qu'ils étudient les mérites de chaque cas avant de prendre une décision. Ils doivent donc entendre les deux parties s'ils veulent étudier les mérites de chaque cas.
Le président: Nous sommes d'accord avec vous.
M. Conacher: Vous dites que vous écoutez les particuliers et que vous tentez de leur répondre. Sans vouloir remettre en question l'intégrité de vos réponses, il nous semble que, plutôt que demander à chacun de vous communiquer ses plaintes au sujet d'une banque, il serait préférable qu'un représentant d'un groupe de 600 000 à 1 million de personnes vous téléphone au nom de vos commettants...
Mme Stewart: Je crois que vous constaterez que nous accordons une grande valeur au témoignage des particuliers.
Le président: J'ai envie de donner le numéro du téléphone à domicile de Mme Stewart afin que les intéressés puissent communiquer avec elle plus facilement, car le système que vous préconisez, monsieur Conacher, n'existe pas encore.
Des voix: Oh, oh!
M. Conacher: Non, et je sais que c'est beaucoup que vous demander de modifier le projet de loi C-100 pour créer cette organisation. Mais j'exhorte le gouvernement fédéral à agir dans les meilleurs délais, parce que si la réforme de 1997 se fait en l'absence d'une orgnisation de ce genre, les consommateurs n'auront pas voix au chapitre.
Je vous rappelle que l'argent des déposants, et non pas celui des actionnaires, représente 95 p. 100 du capital des banques. L'agence de notation Dominion Bond estime que les investisseurs devraient avoir un meilleur accès aux données financières. Or, seulement 5 p. 100 du capital des banques nous provient de ces investisseurs. Qu'en est-il des 95 p. 100 provenant des déposants, des 20 millions de Canadiens qui vous ont élu et grâce auxquels les banques existent?
Je vous encourage aussi, en dépit de la puissance du lobby des banques, qui est présent ici aujourd'hui et qu'on voit partout... Je suis le seul ici en ce moment qui représente le point de vue des consommateurs, et c'est habituellement le cas lorsque notre association comparaît devant un comité, alors qu'il y a 10 à 15 représentants du secteur des services financiers qui scrutent à la loupe vos moindres agissements.
Mais les banques ne vont nulle part...
Le président: Croyez-vous que c'est parce qu'on juge qu'il faut 15 personnes pour abattre le travail dont vous seul vous acquittez?
M. Conacher: Peut-être. Nous sommes très humbles dans nos témoignages et nous savons que nous sommes bien faibles face au lobby des banques. Voilà pourquoi nous n'agissons pas seuls. Ce serait infaisable, et nous serions toujours perdants. Nous ne prétendons pas représenter les Canadiens, et notre association ne compte pas suffisamment de membres pour que nous puissions légitimement le prétendre, mais nous tentons de représenter les gens ordinaires et nous sommes d'avis que, avec notre proposition d'association des usagers de services financiers...
Pour le coût d'un prêt de 350 000$, le gouvernement fédéral permettra aux clients des sociétés d'assurance et de fiducie et des banques de décider eux-mêmes s'ils veulent se joindre à une association de ce genre. Si seulement 1 p. 100 d'entre eux adhèrent à cette organisation, elle comptera 200 000 membres et disposera d'un budget de 2 millions de dollars. Mais peut-être que 15 p. 100 ou 20 p. 100 ou peut-être même la moitié des clients des sociétés d'assurance et de fiducie et des banques se joindront à cette association parce qu'ils en ont assez de la façon dont on les traite. Pourquoi ne pas leur donner la chance de se défendre, cela ne coûtera qu'un prêt de 350 000$?
Le président: Merci beaucoup, monsieur Conacher, pour cette idée très intéressante.
[Français]
Pour le moment, la meilleure chose serait de vous donner le numéro de téléphone deM. Loubier. Chez lui, c'est le (514) 234-9876.
M. Loubier: Pas après minuit.
[Traduction]
Le président: Les suggestions que vous nous avez faites méritent certainement que nous y réfléchissions. Merci beaucoup.
M. Conacher: Je vous remercie.
Le président: Les derniers témoins que nous entendrons aujourd'hui et dans le cadre de notre étude du projet de loi C-100, du moins pour l'instant, représentent le Bureau d'assurance du Canada. Il s'agit de Janice Oliver qui est accompagnée de Mark Yakabuski.
Nous vous écoutons; après votre exposé, il y aura une période de questions.
Voulez-vous commencer, madame Oliver?
Mme Janice Oliver (directrice adjointe, Relations gouvernementales, Bureau d'assu- rance du Canada): C'est M. Yakabuski qui prendra la parole.
Le président: Monsieur Yakabuski.
M. Mark Yakabuski (directeur, Relations gouvernementales, Bureau d'assurance du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président.
Pour commencer, je tiens à vous dire brièvement que nous vous sommes très reconnaissants de nous avoir invités. Nous félicitons le comité d'avoir entrepris si tôt une étude du projet de loi C-100.
En guise d'introduction, le Bureau d'assurance du Canada représente le secteur de l'assurance multi-risques, secteur qui emploie quelque 100 000 Canadiens dans des petites localités de tout le pays et qui - ce que peu de gens savent - a versé l'an dernier environ 12 milliards de dollars à des consommateurs canadiens en guise d'indemnisation pour des pertes et des dommages à des automobiles, des foyers et des propriétés commerciales, ainsi que pour la réhabilitation des victimes d'accidents de la route et autres. Notre secteur est axé sur les besoins des consommateurs parce que nous versons à ceux-ci d'importantes sommes d'argent.
[Français]
J'aimerais tout d'abord souligner l'importance que revêt pour nous ce projet de loi puisqu'il renforcerait de beaucoup la solidité et l'efficacité du système financier canadien, je le souligne, à travers tout le pays.
Je tiens à féliciter, comme je viens de le dire, l'acharnement dont fait preuve ce comité en entreprenant son étude de ce projet de loi durant l'été et en se servant des nouvelles règles parlementaires pour commencer son travail dès la première lecture. C'est du nouveau. Félicitations.
[Traduction]
J'ajouterai que, de notre point de vue, l'adoption du projet de loi C-100 dans les meilleurs délais nous permettra à tous d'éclaircir les enjeux les plus importants qui feront l'objet de l'examen de la législation sur les inscriptions financières, en 1997, examen dans lequel ce comité devrait jouer un rôle essentiel.
[Français]
Il va de soi que le BAC appuie fermement la grande majorité des mesures proposées dans ce projet de loi, notamment celles qui touchent en particulier l'élaboration d'une politique d'intervention précoce, la divulgation accrue des données financières par les institutions mêmes, de même que l'établissement d'un mandat légiféré pour le Bureau du surintendant des institutions financières.
[Traduction]
Malheureusement, monsieur le président, peu de projets de loi sont parfaits, du moins, à la première lecture. Nous attendons de votre comité qu'il en fasse un texte parfait et, à cette fin, le BAC voudrait attirer l'attention du comité sur quatre aspects particuliers du projet de loi.
Nous allons d'abord vous parler de la disposition du projet de loi qui confère au surintendant des institutions financières le pouvoir de désigner certaines personnes comme appartenant à une institution financière donnée et, ce faisant, de les empêcher de sièger au conseil d'administration de la société. Les fonctionnaires du BSIP du ministère des Finances nous ont dit qu'avec cet article on vise à limiter le nombre de personnes ayant un intérêt direct dans la société qui siègeront à son conseil d'administration.
Toutefois, en lisant la disposition proposée, on constate qu'elle a été libellée de façon si vague qu'elle pourrait bien causer des problèmes administratifs pour les sociétés d'assurance multi-risques ainsi que pour d'autres institutions financières.
Prenons le cas d'une société d'assurance canadienne dûment autorisée dont la société mère est européenne; avec le libellé actuel, on risque d'empêcher celui qui siège au conseil d'administration de la société mère européenne de siéger au conseil d'administration de la société canadienne. Nous estimons qu'une telle restriction empêcherait la société canadienne de profiter des connaissances du marché international qu'aurait l'administrateur de la société-mère européenne dans cette période où les bons administrateurs sont rares et où les entreprises canadiennes devraient être informées le mieux possible des occasions d'affaires qui existent sur le marché mondial.
Par conséquent, nous recommandons que vous modifiez cette disposition du projet de loi soit en resserrant le libellé de façon à prévenir le genre de problème que je viens de vous décrire, soit en la supprimant pour vous en remettre plutôt aux règlement existants qui régissent les administrateurs d'institutions financières faisant partie d'un même groupe. Ce sont-là les deux options que je demande au comité de prendre en considération.
Deuxièmement, le comité devrait se pencher sur certains articles du projet de loi où il manque des freins et contrepoids et qui cèdent au surintendant des pouvoirs auparavant exercés par le ministre.
Nous ne voyons pas d'objections à ce que le surintendant ait un pouvoir décisionnel dans ce domaine. D'ailleurs, nous estimons que le surintendant, de par son expérience sur le terrain, est le mieux placé pour prendre ces décisions. Toutefois, c'est aller à l'encontre des principes d'une bonne politique publique que de ne pas prévoir, en guise de contrepoids à ce pouvoir, un droit d'appel au ministre ou à la Cour fédérale quant aux mérites des décisions du surintendant.
Je vous donne l'exemple d'un article du projet de loi qui pourrait poser un problème. L'article 679 modifiant la Loi sur les sociétés d'assurance confère au surintendant le pouvoir de prendre le contrôle des actifs d'une entreprise pour une période allant jusqu'à 16 jours sans en faire rapport au ministre et sans avoir à entendre la société - 16 jours pendant lesquels le surintendant peut agir à sa guise, sans avoir à obtenir l'autorisation du ministre, sans égard pour les vues de l'entreprise.
Dans le régime actuel, qui ne nous semble pas avoir donné lieu à des difficultés particulières à cet égard, le surintendant peut prendre le contrôle des actifs d'une société pour une période de sept jours seulement et doit rendre des comptes au ministre. En outre, l'entreprise en question peut interjeter appel des décisions du surintendant auprès du ministre et de la cour fédérale.
Le projet de loi C-100 supprime ce droit d'appel. Nous estimons que cela pourrait mener à des graves problèmes, non seulement en ce qui concerne l'exercice de ces pouvoirs mais aussi quant à leur légitimité même. Si le surintendant n'est pas tenu de rendre des comptes, l'exercice de ce pouvoir pourrait être problématique.
Je crois que certains ont fait allusion à... En fait, cette question a été soulevée dans le cadre des discussions que j'ai eues avec le BSIF et le ministre des Finances. On a avancé l'argument selon lequel il faut éviter le dépôt de ce genre de requête devant les tribunaux. C'est un point de vue très légitime.
En réponse à cet argument, nous disons que premièrement le régime actuel n'a donné lieu à aucun problème grave et, deuxièmement, qu'il y a deux options. Si certains craignent, comme vous, monsieur le président, que cela entraîne un excès de poursuites judiciaires lors de la dissolution d'une entreprise et de la prise de contrôle des actifs par le BISF, on pourrait à tout le moins prévoir dans la Loi un droit d'appel au ministre de façon à ce que l'entreprise en question puisse interjeter appel auprès du ministre si le surintendant se sert de ses pouvoirs pour prendre le contrôle des actifs. Cela nous semble tout à fait raisonnable et nous espérons que le comité se penchera sur cette proposition.
Le troisième aspect du projet de loi que je veux aborder - M. Daniels, de l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes, qui a comparu ce matin, y a fait allusion - est le suivant: aux termes du projet de loi, les sociétés d'assurance, entre autres, ne pourront plus employer le mot «assurance» ou «insurance» dans leur raison sociale. En fait, dans l'année qui suivra l'entrée en vigueur de cette loi, elles devront changer leur nom ou se défaire des parts qu'elles détiennent dans le secteur de l'assurance.
Nous comprenons que, avec ces dispositions, on tente de prévenir toute confusion chez les consommateurs. Toutefois, la mesure proposée me semble exagérée.
N'oublions pas que les sociétés-mères des compagnies d'assurance ont acquis une clientèle importante et précieuse avec leur nom actuel. En fait, dans le cas des deux compagnies d'assurance multi-risques que je connais dont le nom comprend le terme «assurance», les deux sociétés-mères emploient explicitement l'expression «société de gestion» avec le mot «assurance». Nous estimons que l'emploi de ces termes suffit à dissiper tout doute dans l'esprit des consommateurs.
Nous recommandons donc au comité, qu'il envisage de modifier cette disposition du projet de loi en vue d'exempter les sociétés-mères qui emploient explicitement l'expression «société de gestion» ou «société de portefeuille» dans la raison sociale.
L'Association canadienne des compagnies d'assurance des personnes a fait une autre proposition qui me semble aussi valable, soit l'octroi de droits acquis aux sociétés qui emploient déjà ses mots dans leur raison sociale. Nous vous faisons une autre suggestion, soit de modifier les projets de loi afin d'accorder une exemption aux compagnies qui emploient l'expression «société de gestion» et «société de portefeuille» afin que vous puissiez faire un choix judicieux parmi plusieurs possibilités.
Pour terminer, je voudrais attirer votre attention sur l'article du projet de loi qui rendrait obligatoire la divulgation des informations concernant la rémunération des dirigeants de toutes les institutions financières, qu'il s'agisse de sociétés ouvertes ou fermées. Le secteur de l'assurance multi-risques ne s'oppose absolument pas au principe de divulgation de la rémunération des dirigeants des sociétés cotées en bourse. En fait, nous avons toujours été en faveur d'une plus grande divulgation des renseignements financiers et nous avons toujours fourni ces informations au BSIF. Toutefois, nous ne voyons pas à quoi cela servirait d'exiger la divulgation de la rémunération des dirigeants des sociétés fermées.
N'oublions pas que la plupart des commissions de valeurs mobilières provinciales exigent déjà que soit dévoilée la rémunération des dirigeants des sociétés cotées en bourse, et ce, parce que ce genre de renseignements est important puisqu'il permet aux actionnaires d'exercer un certain contrôle sur les dirigeants.
Dans le cas des sociétés cotées en bourse, la seule façon pour les actionnaires d'obtenir ce genre d'information, c'est de s'assurer qu'elle est rendue publique. Nous n'y voyons donc pas d'objections. Bien sûr, les actionnaires doivent être informés s'ils veulent exercer un certain contrôle sur les dirigeants. Toutefois, dans le cas des sociétés fermées, il est presque certain que les principaux actionnaires connaissent le salaire du président du conseil et du Pdg. Si la société compte peu d'actionnaires ces informations sont connues, même si elle n'est pas cotée en bourse. Les actionnaires peuvent donc exercer un certain contrôle sur les dirigeants puisqu'ils peuvent obtenir ce genre de renseignements.
Certains prétendent aussi que, si la rémunération des dirigeants est connue, les organismes de réglementation pourront mieux reconnaître les entreprises mal gérées. Si une entreprise offre à ses dirigeants une rémunération de beaucoup supérieure à la norme dans ce secteur, cela pourrait inciter le BSIF à examiner plus attentivement le fonctionnement de cette société. Nous sommes d'accord. Toutefois, dans les faits, le BSIF, qui régit les compagnies d'assurance constituées au niveau fédéral, connaît déjà la rémunération des dirigeants de toute les institutions financières. Ces renseignements figurent déjà au rapport remis au BSIF.
L'organisme de réglementation dispose déjà de ces informations. Il peut donc y donner suite. Quel avantage additionnel retirerait-on de la divulgation de ces informations au public qui, de toute façon n'exerce aucun contrôle sur les sociétés fermées?
Nous recommandons au comité d'examiner attentivement cette question et de modifier le projet de loi de sorte que la divulgation de la rémunération des dirigeants ne s'applique pas aux sociétés fermées.
[Français]
En conclusion, le BAC appuie fermement la grande majorité des mesures proposées dans le projet de loi C-100, notamment celles qui renforceraient la solidité et l'efficacité du système financier canadien.
Nous nous opposons toutefois à quatre éléments précis qui se trouvent actuellement dans le texte législatif et nous espérons que le Comité, dans le cadre de son étude du projet de loi C-100, recommandera quelques changements.
[Traduction]
Je tiens à vous remercier de m'avoir permis de comparaître devant vous aujourd'hui. Je serais ravi de répondre à vos questions.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Yakabuski. Monsieur Loubier, avez-vous des questions pour M. Yakabuski?
M. Loubier: Je vous remercie pour votre présentation. Cela a été fort pertinent, ainsi que les quatre remarques que vous avez faites.
Avant de comparaître devant le Comité permanent des finances, vous avez rencontré des gens du ministère ou des représentants du gouvernement. En ce qui a trait à votre première remarque sur le pouvoir du surintendant et la procédure d'appel qui n'est plus, qu'est-ce que les gens du gouvernement vous ont répondu? Que vous donne-t-on comme argument pour justifier l'absence d'une procédure d'appel et le pouvoir décisionnel du surintendant?
M. Yakabuski: Les autorités du Bureau du surintendant m'ont dit qu'ils craignaient qu'avec un droit d'appel dans le texte législatif même, il y aurait des difficultés pour prendre contrôle de l'actif d'une compagnie, que la compagnie irait en cour directement et empêcherait le BSIF d'aller en cour provinciale chercher l'ordre pour prendre contrôle de la compagnie.
J'ai demandé si on avait rencontré de tels problèmes par le passé. Ce n'est pas la première fois que le surintendant prend contrôle de l'actif. Sur ce point-là, je n'ai pas été convaincu fortement par les arguments des autorités.
J'ai alors dit: «S'il y a une possibilité que cette action soit complètement bloquée devant les cours, au moins donnez-nous un recours au ministre, puisque c'est un élu, alors que le surintendant n'est pas élu». Ils doivent avoir un recours quelque part.
M. Loubier: Lorsque l'on parle de recours auprès d'une autorité politique, le Bureau du surintendant général des institutions financières du Canada n'est pas trop chaud à cette idée-là?
M. Yakabuski: D'après les conversations que j'ai eues dernièrement, ils ne semblent pas emballés par cette idée, dans le sens qu'il y a déjà, dans le projet de loi, un transfert d'autorité du ministre au surintendant.
Donc, pour eux, serait-ce un vrai transfert d'autorité s'il y avait une possibilité de recourir au ministre? Je crois qu'il y a un vrai transfert d'autorité, parce que c'est le surintendant qui déciderait de prendre le contrôle de la compagnie. Donc, il y aurait là un véritable changement. Pour équilibrer les choses, donnez-nous au moins le droit de rencontrer le ministre, parce que c'est quelque chose de grave quand on prend contrôle de l'actif d'une compagnie.
M. Loubier: Cet aspect-là m'avait échappé. C'est un gros projet de loi. Mais c'est la première fois que je vois cet aspect-là avec autant de clarté. Quelle est la pratique courante ailleurs? Savez-vous un peu ce qui se fait ailleurs? Donne-t-on autant d'autorité à une instance administrative comme celle du surintendant, ou bien le pouvoir politique est-il omniprésent, et c'est lui qui décide, prend ses responsabilités?
M. Yakabuski: J'avoue, monsieur Loubier, que je ne puis répondre de façon renseignée à l'égard de ce qui se passe dans d'autres pays ou d'autres juridictions.
Je pourrai certainement vous appeler et vous communiquer ces informations aussitôt que possible.
Il faut aussi comprendre que le système financier canadien a plusieurs niveaux par rapport à ce qui existe dans d'autres pays. Au moins, au niveau bancaire, nous avons une concentration corporative qui est, de loin, plus grande que celle qui existe dans les autres pays industrialisés. Donc, je crois qu'il n'est pas toujours fiable de se fier aux modèles d'autres pays à cet égard.
M. Loubier: On gagnerait à questionner le ministre sur ce transfert de responsabilités parce que c'est quelque chose d'assez important.
Le président: C'est une suggestion intéressante. Est-ce tout, pour le moment, monsieur Loubier?
M. Loubier: Oui. Je vous remercie infiniment.
Le président: Madame Brushett, vous avez quelque chose à ajouter?
[Traduction]
Mme Brushett: Mes questions sont dans la même veine. J'aimerais savoir si vous avez déjà connu des cas où le surintendant a saisi l'actif et où on a fait appel au ministre ou à un tribunal supérieur...
M. Yakabuski: Il y a certainement eu des cas de ce genre.
Mme Brushett: Dans un tel cas, il y aurait un grand vide. Pouvez-vous nous donner davantage de détails sur ces cas?
M. Yakabuski: Il y a certainement eu des cas où le bureau du surintendant des institutions financières a saisi l'actif d'une société. Il n'y a pas eu beaucoup dans le secteur de l'assurance multi-risques, que je représente. Il y a en a eu dans le secteur des sociétés de l'assurance-vie. Je pense que vous savez qu'il y a eu saisie de l'actif dans le cas de la Confédération, compagnie d'assurance-vie, et, auparavant, dans celui de la Sovereign Life.
Je ne connais pas assez bien ces deux cas pour pouvoir vous dire quelles actions en justice ont eu lieu depuis ces saisies. Lors de mes discussions avec le ministère des Finances, on m'a donné l'impression que le nouveau transfert de responsabilités au surintendant et les dispositions renforcées concernant les interventions anticipées, risquaient d'encourager les sociétés à passer devant les tribunaux pour mettre fin au processus.
À tout le moins, le ministère des Finances et le BSIF doivent être obligés de fournir preuve que cette pratique pourrait devenir un problème. Nous sommes prêts à examiner ces preuves très objectivement.
Cependant, ce recours est assez différent de la possibilité de recourir au ministre. Nous proposons une autre solution. Si vous ne voulez pas nous permettre de faire appel à la Cour fédérale du Canada, il faut au moins nous donner le droit de faire appel au ministre. Selon les nouvelles dispositions, le BSIF peut saisir l'actif de votre société pendant 16 jours. Le surintendant n'est même pas obligé de rencontrer le ministre.
Nous disons tout simplement que ces dispositions risquent d'être mal vues. Le pouvoir et l'exercice du pouvoir sont deux choses distinctes. Si le pouvoir devient illégitime car les gens trouvent qu'il n'y ait pas de mécanisme d'équilibre, la mesure pourrait entraîner l'effet contraire - c'est-à-dire qu'elle pourrait entraver le travail du BSIF. À notre avis, il faut éviter une telle situation. À tout le moins, nous vous demandons de nous permettre d'en appeller au ministre.
Mme Brushett: Le projet de loi vise à garantir l'intervention anticipée, et un certain contrôle de la qualité qui permet l'application de bonnes pratiques commerciales et qui empêche l'ingérence politique. Ne faut-il pas également chercher à prévoir des lignes directrices, une analyse objective de la situation financière de la société, et d'éliminer toute possibilité d'ingérence politique.
M. Yakabuski: Sauf le respect que je vous dois, je ne crois pas qu'un ministre laisserait des considérations politiques influer sur sa décision de saisir les actifs d'une grande société financière. À ma connaissance, cela ne s'est jamais produit par le passé.
Nous aurions simplement confiance dans la capacité du ministre des Finances d'entendre un appel.
Je dois préciser que nous n'avons rien contre la possibilité de confier au surintendant le pouvoir de prendre une telle décision. Il a les compétences voulues pour prendre la première décision en cette matière, mais nous sommes tous susceptibles de commettre des erreurs. À vrai dire, le surintendant se sentirait peut-être plus à l'aise s'il savait que la société visée par sa décision aurait au moins la possibilité d'en appeler auprès du ministre.
Le but n'est pas d'entraver le système. Nous voulons que le système fonctionne, mais il fonctionnerait mieux s'il était au moins possible d'en appeler de la décision auprès du ministre.
Mme Stewart: Votre mémoire est très succinct et reprend, comme vous l'avez mentionné, monsieur Yakabuski, certaines questions qui ont déjà été soulevées. Des améliorations sont encore une fois réclamées.
Pour ce qui est de votre premier sujet de préoccupation, soit la formulation de la disposition concernant la sélection des personnes qui peuvent siéger à un conseil d'administration et les candidats qui doivent être écartés, je suppose que vous approuvez toutefois la stratégie visant à limiter le nombre d'administrateurs qui sont directement... Dans l'exemple que vous donniez, même si vous souhaitez la présence d'étrangers, vous êtes d'accord qu'il faut viser un certain équilibre au sein d'un conseil d'administration. En fait, ce sont de simples détails qui vous préoccupent.
M. Yakabuski: C'est simplement la formulation de cette disposition qui nous inquiète. Nous ne contestons rien d'autre. Je le répète, il existe déjà, dans chacune des lois sur les institutions financières, des règlements concernant les personnes physiques membres d'un groupe.
Nous pensons simplement que cette disposition, dans sa forme actuelle, a une plus grande portée que ce qui était prévu au début. À l'origine, cette disposition devait veiller à ce qu'il n'y ait pas au sein d'un conseil d'administration trop de membres ayant des intérêts matériels directs dans la société.
Cela peut entraîner de gros ennuis, nous en convenons, mais sous sa forme actuelle - et nous avons demandé l'avis de nos conseillers juridiques à ce sujet - la disposition pourrait empêcher certaines de nos sociétés, des entreprises canadiennes ayant une société mère européenne - française ou britannique, ou même américaine - de profiter de la présence au sein de leur conseil d'administration de gens qui siègent au conseil d'administration de la société européenne, par exemple. Cela ne servirait les intérêts de personne. Je le répète, nous voulons que nos sociétés canadiennes profitent des connaissances que peuvent leur apporter des étrangers.
Mme Stewart: Vous accepteriez donc que cette personne qui a des intérêts directs dans la société fasse partie des quelques administrateurs siégeant au conseil aux termes de cette définition.
M. Yakabuski: Nous ne disons pas que ce membre du conseil d'administration aurait des intérêts matériels importants dans la société canadienne. Nous voulons simplement que la disposition n'interdise pas à cette personne de siéger au conseil d'administration.
Mme Stewart: Donc, cette personne ne serait pas considérée comme un administrateur.
M. Yakabuski: Non.
J'ai déjà discuté de cette affaire avec des représentants du BSIF. Ils m'ont répété qu'ils voulaient s'assurer que la société soit structurée de façon à éviter que les fils ou les filles d'un individu détiennent des actions ou profitent d'un subterfuge pour être nommés au conseil d'administration en dépit du fait qu'ils ont de grands intérêts dans la société. La disposition vise à éviter ce genre de situation. Nous convenons qu'il faut éviter cela, mais la portée de la disposition, sous sa forme actuelle, est trop vaste. Nous voulons éviter les problèmes avant qu'ils ne surviennent.
Mme Stewart: Votre quatrième sujet de préoccupation, la divulgation de la rémunération des cadres des sociétés privées, a également été mentionnée par l'Association des banquiers canadiens. À la lumière de l'exposé présenté par les témoins que nous avons entendus juste avant vous, et qui décrivait le point de vue des consommateurs, est-il possible que les renseignements sur la rémunération des cadres puissent intéresser particulièrement les consommateurs qui achètent vos produits et les aider à déterminer auprès de quelle compagnie ils devraient souscrire à une police d'assurance?
Comme vous le mentionniez, le BSIF possède déjà ces renseignements. Comme ses représentants déterminent si une compagnie aura les moyens de payer les réclamations possibles, ils examinent déjà la question sous cet angle.
Supposons qu'une société a déniché un marché pour un produit particulier et exerce une certaine influence sur l'établissement du montant des primes. Le consommateur pourrait examiner la situation et dire: «Quoi! Ce dirigeant gagne combien de millions de dollars et vous voulez augmenter ma prime de 50 p. 100!» Je vous présente simplement le point de vue d'un consommateur. Qu'en pensez-vous?
M. Yakabuski: On m'a déjà présenté cet argument. Je pourrais à mon tour vous poser une question. Pensez-vous que McDonald devrait divulguer le traitement accordé au président de McDonald's Canada et que ce renseignement devrait figurer sur l'emballage de chaque Big Mac que vous achetez? Ce serait la même chose.
Le président: Comparez-vous votre produit à un hamburger ou à un hot dog? Lequel serait-ce?
Des voix: Oh, oh!
M. Yakabuski: Non, nous comparons des hamburgers à nos produits. Ils se vendent très bien, vous savez.
Cette question revêt une grande importance philosophique.
Mme Stewart: Nous disons simplement qu'il serait merveilleux que le marché soit régi par la concurrence. S'il y avait concurrence libre et entière, j'imagine que les consommateurs voudraient connaître ce genre de renseignements.
Je reconnais, comme vous, qu'il existe des restrictions, mais je m'intéresse au point de vue des consommateurs. Cela pourrait être important pour les consommateurs.
M. Yakabuski: Je me demande si cela pourrait être important aux yeux du consommateur. Il faut se poser la question suivante : cela aurait-il une importance concrète pour le consommateur de ce produit? Je crois que le consommateur est beaucoup plus intéressé à veiller à...
Mme Stewart: Serait-ce le cas dans l'exemple que je vous ai donné?
M. Yakabuski: Je crois que le consommateur est beaucoup plus intéressé à savoir si la société est solide sur le plan financier et si ses dirigeants sont compétents et à connaître les renseignements que nous, de l'industrie de l'assurance de multi-risques avons toujours accepté de divulguer et que nous serons tenus de divulguer de façon plus explicite aux termes de ce projet de loi. Nous sommes tout à fait d'accord pour divulguer ces renseignements. Je ne me pose qu'une seule question: à quoi servirait, du point de vue de l'intérêt public, de rendre publique la rémunération des cadres des sociétés privées?
Au Canada, nous avons des sociétés privées et des sociétés à actions cotées en bourse. Il y a des gens qui vont chercher du capital en émettant des actions et d'autres qui tentent plutôt d'en obtenir par d'autres moyens. Je vois là une distinction fondamentale et je crois que les données sur la rémunération des cadres n'ont rien à voir avec la qualité du produit qu'achètera le consomateur, tant que nous fournirons des renseignements sur la solidité financière de l'entreprise, etc. C'est ce que nous faisons actuellement et ce que nous continuerons de faire.
Je le répète, vous ne pouvez pas tout simplement imposer de telles exigences dans un projet de loi. Dites-nous en quoi ces exigences servent l'intérêt public, et nous en discuterons.
[Français]
M. Loubier: J'aurais une dernière remarque à faire.
Mon opinion n'est pas arrêtée sur la divulgation, sauf que je ne suis pas convaincu que ce n'est pas un indice de la solidité d'une entreprise ou les possibilités de rendement d'une entreprise que de savoir qu'elle paie de gros salaires à ses administrateurs. Si vous avez la capacité comme institution ou comme société d'attirer des gestionnaires chevronnés, cela pourrait être un indice de la bonne tenue de la société et de la performance future du produit ou de la compagnie comme telle.
En tout cas, selon mon moi, c'est un signal assez fort dans les milieux financiers que de dire qu'on attire la crème des gestionnaires dans notre société.
Donc, mon opinion n'est pas arrêtée sur la divulgation, mais je suis persuadé que cela peut être un indice, un signal pour un consommateur de produits financiers.
M. Yakabuski: Au moins, un consommateur très sophistiqué comme vous-même. J'imagine que les consommateurs dont parlait Mme Stewart verraient peut-être l'affaire d'un oeil différent.
Je souligne tout simplement que le BSIF possède ces informations et ces données. Il s'agit donc d'assurer que la gestion de la compagnie soit bonne. Le Bureau a déjà des outils pour s'en assurer, et je crois que cela suffit pour la solidité du système financier canadien.
[Traduction]
Le président: Ma question s'inspire de témoignages que nous avons entendus. Croyez-vous qu'une personne devrait pouvoir contrôler une compagnie d'assurance multi-risques de même qu'un organisme qui vend de l'assurance et touche des commissions? Cela poserait-il problème?
M. Yakabuski: En général, nous avons toujours cherché à éviter ce genre de situation dans notre industrie. Il y a, évidemment, 220 compagnies d'assurance multi-risques et, outre ces compagnies, un réseau de courtiers indépendants et extrêmement professionnels. En tout, 75 p. 100 des polices d'assurance multi-risques au Canada sont vendues par l'entremise de ce réseau de courtiers.
Le président: Connaissez-vous des cas où une compagnie d'assurance contrôle le courtage?
M. Yakabuski: Dans l'industrie de l'assurance multi-risques, je ne connais aucun cas où une compagnie d'assurance possède également une agence de courtiers.
Le président: Ou de cas où une même personne contrôle ces deux types de sociétés?
M. Yakabuski: Ou de cas où une même personne contrôle ces deux types de sociétés. Non, je n'en connais pas.
Le président: Étant donné la possibilité de transactions intéressées, vous jugeriez cette situation tout à fait inappropriée, n'est-ce pas?
M. Yakabuski: Cela pourrait poser un problème. Je sais que notre industrie n'a jamais encouragé une telle pratique.
Le président: Je dois avouer que j'ai un faible pour la plupart, mais pas nécessairement l'ensemble, de vos recommandations.
Je voudrais simplement vous poser une question au sujet de l'appel auprès du ministre. Reconnaissez-vous que, aux termes de la loi actuelle, lorsque le BSIF saisit l'actif d'une société, un appel peut être interjeté auprès des tribunaux, mais que cette pratique n'est pas souhaitable, parce qu'elle retarde inutilement le règlement dans l'intérêt de tous les intéressés.
M. Yakabuski: Absolument. Selon la loi actuelle, les sociétés ont le droit d'interjeter appel auprès de la Cour fédérale. La loi est très claire à ce sujet.
Le président: Êtes-vous d'accord que nous devrions abolir cette disposition, parce qu'elle gèle les actifs trop longtemps?
M. Yakabuski: Nous voulons bien envisager cette possibilité, bien que nous croyions qu'il incombe au BSIF et aux Finances de prouver que de graves problèmes sont survenus dans le cadre du régime actuel. Nous n'en sommes pas convaincus.
Le président: Vous accepteriez cependant l'abolition de cette disopsition, si on vous permettait d'interjeter appel auprès du ministre?
M. Yakabuski: Si le gouvernement voit un grave problème dans le fait que les sociétés s'adressent aux tribunaux pour bloquer le processus, empêcher le surintendant d'obtenir une ordonnance de mise en liquidation, et ainsi de suite, nous sommes prêts à évaluer les avantages que procurerait l'abolition de l'appel devant la Cour fédérale du Canada, en autant que la loi prévoit la possibilité d'interjeter appel auprès du ministre.
Le président: D'accord. Je comprends.
Connaissez-vous d'autres lois canadiennes ou d'autres cas où la décision d'un organisme de réglementation peut faire l'objet d'un appel auprès du ministre, comme vous le réclamez?
M. Yakabuski: En général, les décisions du CRTC peuvent faire l'objet d'un appel auprès du cabinet. Ce n'est qu'un exemple.
Le président: Je connais seulement deux cas.
M. Yakabuski: Oui.
Le président: Le CRTC et la CCT.
M. Yakabuski: C'est exact.
Le président: On peut en appeler, au gouverneur en conseil des décisions prises par ces deux organismes de réglementation.
M. Yakabuski: C'est exact. Y a-t-il quelque chose qui ressemble davantage à ce genre de décisions gouvernementales que la décision de saisir l'actif d'une société?
Le président: Ces décisions font l'objet d'appels au cabinet, et non au ministre. Je ne veux pas couper les cheveux en quatre ici.
M. Yakabuski: Pourquoi parlons-nous du «ministre»? Parce qu'il existe déjà un processus d'appel. On peut interjeter appel auprès du ministre ou de la Cour fédérale. Si vous éliminez une de ces possibilités, il en reste toujours une autre.
Le président: Je ne connais pas tellement ces appels qu'on peut interjeter auprès du ministre selon la loi. Comme la loi actuelle prévoit l'application des règles de la justice naturelle, soit la tenue d'audiences, la présentation des deux versions des faits, l'impartialité et toutes les conditions qui s'appliquent, les règles de la justice naturelle s'appliquent-elles à ce genre d'appel désormais prévu dans la loi? Pouvez-vous répondre à cette question?
M. Yakabuski: Je sais que la procédure d'appel tient compte de considérations administratives, comme la justice naturelle: la procédure adéquate a-t-elle été suivie, etc. Il est vrai que si la loi abolissait l'appel auprès de la Cour fédérale, il serait toujours possible d'interjeter un appel administratif. Cependant, l'appel serait simplement fondé sur...
Le président: La violation des règles de justice naturelle.
M. Yakabuski: ...la violation des règles de justice naturelle. Les tribunaux ou toute autre instance ne pourraient alors examiner le fond du litige. Nous estimons qu'un examen du fond du litige s'impose si nous voulons préserver un bon système
[Français]
et de rétablir la légitimité de la loi.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup pour un exposé très lucide, éloquent et précis.
Voilà qui met un terme pour l'instant à nos audiences sur le projet de loi C-100. À la lumière de nos discussions, notre personnel de recherche dressera, je crois, la liste des recommandations qui nous ont été faites et la remettra aux membres du comité. Je pourrais peut-être proposer au comité de direction de se réunir à ce moment-là pour décider de la suite de nos travaux.
Entre-temps, permettez-moi de rappeler que le Comité des finances de la Chambre des communes entreprendra ses audiences prébudgétaires à Ottawa, la semaine du 18 septembre. Tous les Canadiens désireux de présenter un mémoire au sujet du budget qui devrait être déposé le 19 février 1996 voudront bien communiquer avec la greffière.
En terminant, je voudrais remercier les députés qui sont venus ici, au milieu de l'été, avec le personnel, pour nous permettre d'étudier la très importante question de la réglementation des institutions financières du Canada.
La séance est levée.