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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 9 novembre 1995

.0931

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Le Comité des finances de la Chambre des communes poursuit ses consultations prébudgétaires. Nous sommes heureux de recevoir aujourd'hui un groupe d'éminents économistes qui vont nous aider à comprendre l'orientation de notre économie, notamment la croissance, les taux d'intérêt et autres questions économiques d'importance.

Nos invités d'aujourd'hui sont M. Peter Dungan, de l'Institut d'analyse politique, Université de Toronto; M. John Clinkard, économiste principal, Banque canadienne impériale de commerce; M. Don McIver, économiste en chef de Sun Life du Canada; M. Clément Gignac,

[Français]

économiste en chef et stratégiste, Levesque Beaubien Geoffrion;

[Traduction]

Steve Tanny, économiste en chef chez Ernst et Young; M. Frank Hracs, économiste en chef, RBC Dominion valeurs mobilières, Robert Fairholm, économiste en chef (Canada), DRI/McGraw-Hill; M. Rick Egelton, vice-président et économiste en chef adjoint, Banque de Montréal; M. John Johnson, économiste en chef délégué, Banque Royale du Canada, et M. David Rosenberg, économiste principal chez Nesbitt Burns.

Nous vous savons gré de votre présence. Nous pourrions peut-être débuter par un bref exposé d'au plus cinq minutes par chacun d'entre vous, après quoi nous entamerons un dialogue entre vous et les députés membres du comité.

Voulez-vous commencer, monsieur Dungan?

M. Peter Dungan (Institut d'analyse politique, Université de Toronto): Merci beaucoup de m'avoir invité. Je vais essayer d'être très bref.

Vous avez sous les yeux une brochure qui renferme des prévisions que nous avons fini d'établir en fait hier. Il s'agit de la période postréférendaire et postérieure, je dois le signaler, à certains autres événements qui se sont produits sur la scène internationale également.

Je suppose que je me range d'un côté du groupe d'économistes présents aujourd'hui, mais pas uniquement de par la place que j'occupe, car notre perspective a été et continue d'être relativement optimiste, sauf à très court terme. D'après nous, la relance de l'économie canadienne a débuté au quatrième trimestre de cette année et va progresser de plus en plus rapidement au cours de l'année 1996 et jusqu'en 1997, en se relevant de la quasi-récession que nous venons de traverser.

Il vaudrait peut-être mieux que je me concentre, d'une certaine façon, sur la dernière page de la brochure, où se trouvent les perspectives à moyen terme. Les prévisions vont au-delà de l'an 2000. En cela, mes remarques s'écarteront peut-être de celles des autres intervenants, et cela vous intéressera peut-être un peu moins, mais c'est notre spécialisation. Il s'agit des perspectives à moyen terme.

Comme vous pouvez le voir, nous prévoyons un taux de croissance réelle de l'économie canadienne d'environ 4 p. 100 par an de 1997 à l'an 2000. Cela représente donc quatre ans de croissance réelle à 4 p. 100. En fait, cette croissance réelle de 4 p. 100 va même commencer au deuxième trimestre de 1996, à un taux annualisé. Cela ne ressort pas du taux pour l'année, car il faut tenir compte des résultats médiocres de l'année 1995.

.0935

Pourquoi sommes-nous si optimistes? Quelles sont les raisons fondamentales de cette croissance économique?

Soit dit en passant, cette croissance s'accompagne d'autres facteurs très positifs: le taux d'inflation se maintient à environ 2 p. 100 de l'IPC; le taux de chômage diminue, et le déficit du gouvernement fédéral et des provinces est considérablement réduit.

Je tiens à vous avertir que dans le tableau les chiffres concernant le déficit sont calculés d'après les comptes nationaux et non d'après les comptes publics, de sorte qu'ils peuvent sembler très faibles. En règle générale, on ajoute environ 10 à 11 milliards de dollars au déficit fédéral pour obtenir le montant en fonction des comptes publics.

Ces déficits sont nettement à la baisse, et la balance des paiements courants, soit notre déficit au titre de notre balance commerciale avec le reste du monde, s'est également beaucoup améliorée. En fait, cette balance sera excédentaire d'ici à l'année 1999; autrement dit, notre déficit aura disparu.

D'où vient donc un optimisme aussi débridé? Permettez-moi de vous présenter un peu un tableau d'ensemble, et ce sera d'ailleurs l'essentiel de mes observations.

Tout d'abord, nos prévisions révèlent un écart de production dans l'économie canadienne à l'heure actuelle, un manque à gagner par rapport à notre potentiel économique, de l'ordre de 6 à 8 p. 100 du PIB.

Je signale en passant que toutes les données que je vais vous fournir sont sujettes à controverse. Vous entendrez des arguments pour et contre dans chaque cas. Je vous présente simplement mon point de vue.

Selon certains, cet écart est bien moindre.

D'après nos prévisions, il est de l'ordre de 6 à 8 p. 100. Autrement dit, au cours des quatre, cinq ou six prochaines années, l'économie pourrait croître à raison de 1 p. 100 de plus que notre potentiel sans aucune difficulté, car nous nous contenterons de combler l'écart de production qui est apparu ces dernières années, et surtout depuis 1989.

La deuxième raison de notre optimisme, c'est que nous estimons que la croissance potentielle de l'économie canadienne est toujours de l'ordre de 3 p. 100. Certains diront que ce taux est nettement inférieur.

Deux questions litigieuses entrent en ligne de compte ici.

D'une part, la croissance de la population active. Le taux d'activité de la population active a diminué depuis 1990; les gens ont quitté la population active. Reste à savoir si cela est dû à l'absence d'emplois ou si les gens ont quitté la population active en raison d'un changement d'attitude de leur part. Par exemple, est-ce parce qu'un plus grand nombre de femmes désirent rester à la maison?

À notre avis, il s'agit du moins en partie de ce que nous appelons des travailleurs découragés, et ce sont des gens qui réintégreront un jour ou l'autre la population active. Cela donnera un coup de pouce à notre croissance potentielle.

Nous pensons également que la croissance de la productivité peut être assez forte au cours de la deuxième moitié de la décennie. Nous n'avons pas encore récolté tous les fruits de l'accord de libre-échange et de la restructuration importante qui s'effectue dans l'économie canadienne depuis quelques années. À notre avis, cela pourrait mener à ce que nous appelons une croissance de la productivité factorielle totale - travailler mieux, travailler plus intelligemment - de 1 p. 100 par an.

Une autre raison de notre optimisme, c'est que, à notre avis, la politique est bien adaptée à nos besoins. Notre politique financière vise à réduire le déficit. Il serait risqué d'accélérer les choses à ce chapitre, car il est difficile d'absorber les gens qui quittent la fonction publique pour intégrer le secteur privé à un rythme trop rapide. Jusqu'ici, le rythme nous paraît acceptable - peut-être un peu rapide, mais acceptable.

Quant à la politique monétaire, nous avons été extrêmement réconfortés par les observations du gouverneur lorsqu'il a publié le rapport monétaire au début de la semaine. Il semble que l'on soit sur la bonne voie. Les responsables comprennent qu'il existe un écart. Ils comprennent que la voie à suivre pour le moment, c'est de soutenir la croissance, car il n'y a pas de risque d'inflation. La politique monétaire pourra donc étayer la croissance économique.

Il existe donc un écart, nous avons un fort potentiel, une politique pertinente, autant de facteurs qui pourront contribuer à cette croissance de 4 p. 100 et plus par an au cours des cinq prochaines années, tout en étant à l'abri des pressions inflationnistes et en profitant d'importants progrès dans tous les secteurs de notre économie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Dungan.

Monsieur Clinkard, vous avez la parole.

M. John Clinkard (économiste principal, Section économique, Banque canadienne impériale de commerce): Je ne vais pas traiter des perspectives à long terme, mais plutôt de ce qui nous attend au cours des 12 à 18 mois à venir.

Avant de parler des perspectives économiques du Canada pour l'année à venir, il m'apparaît utile de passer brièvement en revue les événement de la fin de 1994. Si vous me permettez une paraphrase, si l'on ne tient pas compte de notre histoire même récente, on risque davantage de la voir se répéter.

Lorsque les marchés financiers internationaux ont fait ressortir les problèmes d'ordre politique et financier du Canada, l'an dernier, notre devise a brusquement chuté. Cela a obligé la Banque du Canada, bien entendu, à relever les taux d'intérêt, ce qui en retour a entravé la reprise des dépenses de consommation, qui se faisait attendre depuis longtemps.

Combiné à un ralentissement de la demande américaine à l'égard de nos produits d'exportation, ce phénomène a provoqué une contraction de notre économie au deuxième trimestre.

Après une brève période, les marchés financiers se sont rendu compte que le Canada et bon nombre des provinces faisaient des efforts concertés pour réduire leur déficit en diminuant les dépenses gouvernementales, sans recourir à une hausse d'impôt. Le dollar s'est raffermi. Les taux d'intérêt ont diminué. Vers le milieu de l'été, la demande intérieure donnait quelques signes de reprise. Grâce en outre à une forte croissance aux États-Unis, l'économie canadienne a commencé à tourner rond - lentement, mais sûrement - vers le milieu de l'année.

.0940

À la veille d'un autre cycle budgétaire, il est beaucoup trop tôt pour mesurer les effets qu'a eus jusqu'ici sur notre économie l'incertitude provoquée par le référendum. En Ontario, toutefois, le marché du logement dans la région métropolitaine de Toronto a continué de connaître une demande soutenue, malgré les efforts de M. Harris en vue de contrôler le déficit croissant de la province.

En se fondant essentiellement sur des données non scientifiques, on peut croire que les perspectives pour le Québec semblent être plus sombres que dans le reste du pays, en raison de la victoire étroite du non. Toutefois, à supposer que les taux d'intérêt continuent d'être bas et que cette incertitude entourant les perspectives du Québec disparaisse, ce qui devrait arriver, les dépenses de consommation et la demande de logement vont sans doute commencer à s'affermir au cours du prochain trimestre.

Il ne faut pas en déduire que les événements de la semaine dernière n'auront aucune incidence. Les plans à long terme des entreprises désireuses de s'implanter au Québec ou d'y élargir leurs activités subiront sans nul doute le contrecoup des événements récents, et ce qui est encore peut-être plus important, de l'arrivée au pouvoir d'un nouveau premier ministre, selon ce qu'elle ou il prévoit faire d'ici à la fin de son mandat.

Sur le plan national, à mesure que la confiance revenait grâce aux initiatives crédibles du gouvernement en vue de restreindre ses dépenses et de réduire le déficit, au cours du premier semestre de 1995, toute impression que la réduction du déficit n'est plus la principale priorité du gouvernement en matière financière risque, à notre avis, de gruger profondément la confiance des investisseurs.

Venant en tête des causes actuelles d'incertitude liées à la stabilité politique du pays, cette perte de confiance se soldera vraisemblablement par une baisse du taux de change et une augmentation des taux d'intérêt à court terme, malgré notre très faible taux d'inflation. Tout comme cela s'est produit il y a moins d'un an, la demande intérieure va sans doute stagner, la croissance de l'emploi s'arrêter, et des taux d'intérêt élevés et un taux de croissance plus faible auront évidemment pour effet de ralentir notre croissance économique.

Toutefois, à supposer que cela ne se produise pas et que les marchés financiers continuent d'avoir confiance dans la détermination du gouvernement canadien de ramener le ratio dette-PIB à 3 p. 100 d'ici 1996-1997, l'incertitude entourant la stabilité politique du pays devrait se dissiper tranquillement au cours de l'année.

De ce fait, la confiance des investisseurs sera maintenue, ce qui contribuera à consolider notre devise dans le contexte d'une inflation faible. Grâce à l'importante capacité excédentaire du système, la politique monétaire va vraisemblablement continuer d'être expansionniste, phénomène qui sera encore renforcé par la situation aux États-Unis.

Quant à l'étranger, même si l'économie américaine semble s'être légèrement rétractée au cours du quatrième trimestre, ses perspectives de croissance en 1996 restent assez saines. Même si les négociations de part et d'autre portant sur le budget des États-Unis monopolisent actuellement l'attention des marchés financiers, il est fort probable qu'il y aura des réductions d'impôts et de taxes et des coupures dans les gains en capitaux, ce qui stimulera la croissance de ce pays au cours du premier trimestre. Ainsi, la combinaison d'une baisse des impôts et taxes et d'une diminution des taux d'intérêt devrait stimuler la croissance économique américaine au cours du premier trimestre.

En ce qui a trait aux éléments de la demande intérieure, nous prévoyons que la baisse des taux d'intérêt au Canada stimulera les dépenses de consommation. Certains indicateurs laissent présager une plus forte croissance dans le secteur de l'habitation. Les logements sont nettement plus abordables aujourd'hui dans toutes les régions du pays. Nous prévoyons des mises en chantier de l'ordre de 140 000 l'an prochain, contre 108 000 cette année selon les prévisions.

L'investissement est un autre secteur où l'on peut s'attendre à une croissance plus lente que cette année, là encore avec une reprise dans la construction des logements non résidentiels au détriment éventuel d'un ralentissement des investissements dans les machines et l'équipement. Nous avons connu une expansion de plus de 10 p. 100 de ces investissements. À notre avis, une telle croissance ne peut pas durer.

Malgré la vive incertitude découlant du référendum et des initiatives permanentes de compression des effectifs dans le secteur public, l'emploi a continué de croître au cours des trois derniers mois.

Qui plus est, après une brève interruption au deuxième trimestre, la croissance de l'emploi s'est principalement manifestée dans le secteur du temps plein. Cela nous porte à croire que la baisse des taux d'intérêt au deuxième trimestre et la reprise de la demande à l'égard de nos exportations ont une incidence positive sur la création d'emplois.

.0945

À notre avis, l'incertitude liée au référendum va ralentir la croissance de l'emploi jusqu'à la fin de l'année. Les offres d'emploi ont diminué ces quatre derniers mois. L'an prochain, toutefois, la reprise des ventes à l'étranger, combinée à l'augmentation des dépenses de consommation, devrait se solder par une plus forte croissance de l'emploi. Même si nous escomptons un taux d'activité accru des travailleurs - et nous savons qu'ils sont nombreux à être découragés - la faible croissance de l'emploi au sein du groupe des 15 à 29 ans, soit le principal réservoir de nouveaux travailleurs, ne va guère s'améliorer au cours des cinq prochaines années, par exemple. En conséquence, on peut s'attendre à une diminution régulière du taux de chômage au cours des deux prochaines années.

Il est inutile de parler de l'inflation, car celle-ci ne pose pas de véritable problème à court terme, à mon avis.

En résumé, les perspectives économiques à court terme du Canada risquent d'être fortement ébranlées si une perte de confiance de la part des investisseurs entraîne une chute brutale du dollar canadien et oblige la Banque du Canada à relever les taux d'intérêt. Toutefois, l'expérience récente prouve que les préoccupations suscitées sur les marchés internationaux par la capacité du Canada d'atteindre ses objectifs en matière de politique financière l'ont emporté dans l'ensemble sur les autres sources de préoccupation.

Cela dit, les perspectives de croissance assez fortes du PIB, de l'ordre de 2,5 à 3 p. 100, accompagnées par une faible inflation, de 2 à 2,5 p. 100, ainsi que par une forte croissance de l'emploi, d'environ 2 p. 100, restent bonnes. En outre, étant donné qu'on s'attend à ce que l'inflation reste stable et assez faible et la croissance modérée, en Amérique du Nord, la croissance du Canada devrait se maintenir à environ 2,7 p. 100 jusqu'en 1997.

Le président: Monsieur McIver, nous vous écoutons.

M. Don McIver (économiste en chef, Sun Life du Canada): Après avoir entendu tous nos exposés, vous pourrez sans doute conclure que le taux de croissance réel du PIB sera d'environ 2,5 p. 100 en 1996 et que l'inflation restera basse. J'ai distribué au comité une copie de nos propres prévisions, qui sont assez semblables à celles-ci.

On serait porté à croire que tout va pour le mieux; toutefois, je tiens absolument aujourd'hui à insister sur le fait qu'il faudra utiliser et interpréter ces données avec beaucoup de circonspection lors de la préparation du prochain budget.

Voici ce qu'il faut prendre en compte. Nous ne pouvons pas vous citer de date précise, mais la plupart des économistes pensent qu'il y a énormément de risques que nous connaissions une nouvelle récession d'ici à l'an 2000. Notre plan financier doit tenir compte de cette éventualité.

Le bilan des économistes en matière de prévision des tournants dans notre économie n'est guère brillant. En novembre 1989, sur 22 économistes interrogés lors d'un sondage, pas un seul n'avait prévu la régression de 1990, et je peux vous donner des détails à ce sujet. Même 12 mois plus tard, en novembre 1990, quand notre économie était déjà en pleine récession depuis trois trimestres, 14 prévisionnistes sur 18 prévoyaient une hausse du PIB en 1991. Celui-ci a fléchi de 1,8 p. 100.

Il est très difficile de faire une estimation précise du taux de croissance annuel du PIB, car cela risque de masquer une foule de contextes économiques différents. Encore une fois, en 1990, le PIB a diminué pendant trois trimestres sur quatre, mais pour l'ensemble de l'année le fléchissement n'a été que de deux dixièmes de point. En 1991, il n'a fléchi que pendant un seul trimestre, mais sur l'année la baisse a été de 1,8 point.

Même si les prévisions relatives au PIB sont exactes, le lien entre les perspectives de recettes et de dépenses est complexe, et il a souvent été bien mal prédit. Je peux également vous donner des détails sur ce point. De toute évidence, il est possible d'obtenir le même taux de croissance globale du PIB d'après diverses tendances de comportement sectoriel. Pour ne vous citer qu'un seul exemple, ces dernières années, la fermeté de la demande à l'exportation a entraîné un taux de croissance acceptable du PIB, mais les recettes découlant de la TPS ont été nettement inférieures à ce qu'elles auraient été si la croissance s'était surtout manifestée sur le marché intérieur.

Il faut absolument être clair. Par le passé, il est arrivé que même des hypothèses économiques qui se sont révélées par la suite se soient accompagnées de recettes nettement inférieure aux prévisions. Surtout dans le cas des événements politiques récents, il faut également bien comprendre que des facteurs autres que le taux de croissance réelle et l'inflation risquent d'influer de façon prédominante sur les taux d'intérêt et le service de la dette.

C'est pour ces raisons et pour d'autres que je vous invite instamment à ne pas trop compter sur de bonnes surprises économiques et à vous en tenir plutôt à un cadre budgétaire approprié. Les marchés ne sont pas prêts à accepter moins que cela.

.0950

Le président: Merci, monsieur McIver.

[Français]

Monsieur Gignac, s'il vous plaît.

M. Clément Gignac (économiste en chef et stratégiste, Levesque Beaubien Geoffrion Inc.) : Bonjour. Je vous remercie de cette invitation. À l'instar de mes collègues, je serai ravi de formuler des suggestions plus tard au cours de cette réunion concernant d'autres sujets de plus grande importance, entre autres l'adoption d'une cible en matière de réduction du déficit autre que le modeste équivalent de 3 p. 100 du PIB.

Dans un premier temps, je vais parler un peu de mes vues sur les prévisions économiques. Concernant ce premier volet - je donnerai seulement trois ou quatre chiffres et, rassurez-vous, ce seront les seuls que je citerai - , nous sommes modérément optimistes. Nous parlons d'une croissance économique de l'ordre de 2,5 p. 100 l'an prochain, suivant les 2 p. 100 que nous venons de connaître. Au niveau des taux d'intérêt à court terme sur les bons du Trésor, nous parlons de 5,5 p. 100 et, au niveau des taux à long terme, nous parlons d'environ 7,5 p. 100 à 8 p. 100.

Quelles sont les raisons de mon optimisme? Nous travaillons avec une hypothèse de cycle économique prolongé. Nous avons une vision de cycle économique prolongé aux États-Unis, et c'est une très bonne nouvelle pour le Canada, dans la mesure où, dans l'état actuel de nos finances publiques, nous avons besoin d'un cycle économique prolongé aux États-Unis si nous voulons être sûrs de franchir le cap.

Les raisons sont les suivantes. L'inflation et les salaires, après une cinquième année d'expansion aux États-Unis, sont relativement sous contrôle. Il est assez inhabituel qu'après cinq ans d'expansion, l'inflation soit plus faible qu'au début de cette expansion. Cela nous amène à penser que les taux d'intérêt vont demeurer faibles aux États-Unis.

Deuxièmement, au Canada, mon optimisme quant à des taux d'intérêt relativement faibles tient à une lecture un peu moins reluisante de l'état de notre demande intérieure et de l'attitude du consommateur. Ce dernier ayant vu son pouvoir d'achat grugé, au cours des cinq dernières années, par l'alourdissement du fardeau fiscal et par le gel des salaires dû à la restructuration de notre économie, et ayant le taux d'épargne le plus faible jamais vu en deux décennies, nous sommes forcés d'admettre qu'il ne sera pas la locomotive d'antan au cours des prochaines années.

À titre minimal, le consommateur doit s'attendre, dans le cadre du prochain budget fédéral et des budgets provinciaux, à voir un gel du fardeau fiscal. Concernant le rétrécissement supplémentaire des écarts entre les taux d'intérêt ou les réductions supplémentaires des taux d'intérêt, permettez-moi, à titre de stratégiste canadien, de vous dire, chers parlementaires, que la bonne volonté exprimée par le gouverneur de la Banque du Canada ne suffira pas.

Pour que cela se matérialise, il faudra qu'à titre préalable, ce gouvernement, pour rassurer les investisseurs aussi bien étrangers que canadiens, nonobstant la conjoncture économique actuelle, effectue un assainissement budgétaire, adopte des cibles plus audacieuses, moins modestes en matière de réduction du déficit et vise l'équilibre budgétaire, comme c'est la situation aux États-Unis, où on vise l'équilibre budgétaire. D'ailleurs, une majorité des provinces ont déjà atteint ou sont sur la voie d'atteindre cet objectif.

Pour terminer sur un volet un peu plus structurel, je répéterai ici des propos optimistes que j'ai tenus auprès de nos clients européens le mois dernier, alors qu'ils étaient inquiets concernant le Canada. Ils craignaient que le Canada ne deviennent le prochain Mexique au sein du G-7. Ils étaient aussi déçus, il faut le dire, de la performance des titres canadiens depuis quelques années.

Je suis d'avis que l'économie canadienne n'est pas sur le point de tomber en faillite, parce qu'on a entrepris depuis quelques années des changements structurels importants. On vient d'appliquer un remède qui est indigeste, j'en conviens, mais qui sera sécurisant à moyen terme, c'est-à-dire la stabilité des prix - c'est fait - , le libre-échange - on l'a déjà - , la déréglementation, la privatisation et un contrôle plus rigoureux des finances publiques.

En même temps, permettez-moi de nuancer un peu l'optimisme de mon collègue Peter concernant la croissance économique à moyen et à long termes. L'expérience internationale démontre qu'habituellement, lorsqu'on emprunte cette voie de l'assainissement et du remède extrêmement indigeste, qui est la seule qui ait du sens, il faut de cinq à sept ans avant qu'on ait les dividendes d'une telle politique économique. Donc, je suis optimiste à moyen terme, mais il faudra quelques années pour réaliser les objectifs.

Finalement, au plan politique, à titre de seul économiste venant du Québec ce matin, permettez-moi de vous dire mon manque d'expertise en matière de quantification de l'impact du climat politique sur l'activité économique québécoise ou canadienne. J'invite mes collègues à une certaine prudence, puisque au fil des 15 dernières années, à titre d'économiste canadien, j'ai toujours eu de la difficulté à quantifier les conséquences économiques de tel ou tel scénario politique. Ceux qui l'ont oublié, et je pense aux études de la Banque Royale au lendemain du Non à Charlottetown, ont payé cher en termes de crédibilité.

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Je n'ai donc pas l'expertise nécessaire. Toute personne majeure et vaccinée sait très bien qu'une incertitude politique peut entraîner une certaine turbulence ou volatilité au niveau des marchés financiers et l'imposition d'une certaine prime de risque. Cependant, cela est très difficile à quantifier, et l'expérience démontre que c'est temporaire. Donc, je n'ai pas plus d'expertise que quiconque en cette matière, bien que je sois posté au Québec. Je pense qu'il peut y avoir un impact, mais habituellement, un tel impact est de nature temporaire et très difficile à quantifier.

Une chose est certaine, et je pense que c'est le gouverneur de la Banque du Canada qui l'a dit: l'endettement croissant de nos gouvernements entraînera une augmentation permanente de la prime de risque sur les titres canadiens.

Le président: Merci, monsieur Gignac. Monsieur Tanny, vous avez la parole.

[Traduction]

M. Steve Tanny (économiste en chef, Ernst & Young): Merci. Je suis heureux d'être parmi vous ce matin.

Vous avez déjà entendu cinq de mes collègues, ce qui signifie que vous avez probablement déjà entendu toute la gamme de points de vue économiques possibles pour l'année à venir. J'aimerais brièvement vous rappeler le chemin qui a été parcouru, vous faire quelques suggestions quant à la voie que nous prenons à mon avis et souligner ce que pourraient être certaines des questions clés qui se poseront au cours des 12 à 18 prochains mois et dont vous devriez donc tenir compte dans vos recommandations.

Tout d'abord, nous sommes en reprise ou en expansion depuis plus de quatre ans. C'est la reprise ou l'expansion la plus lente que nous ayons connue depuis l'après-guerre. La production totale a augmenté d'environ 11 p. 100 en plus de quatre ans, ce qui représente une reprise qui est 50 p. 100 plus lente que ce que l'on attend habituellement sur un laps de temps aussi long.

La situation a été encore pire pour ce qui est de la croissance de l'emploi, qui s'est située à environ 6 p. 100 au cours de cette période, et il nous a fallu presque trois ans pour récupérer les emplois perdus au cours de la récession.

Ce sont là deux facteurs clés dans le comportement de l'économie. Nous avons une économie qui croît relativement plus lentement depuis quatre ans et qui n'a pas entraîné une forte création d'emplois.

Parallèlement, nous avons eu une augmentation importante en matière d'équipement et d'investissement, malgré les plus faibles bénéfices que l'on ait pu enregistrer depuis des décennies. Ces investissements en équipement et matériel ont été faits parce que les entreprises n'avaient pas le choix. Ce n'est pas nécessairement parce qu'elles voulaient faire ces dépenses, mais parce qu'elles devaient les faire si elles voulaient rester en activité.

Cela a mené à une meilleure productivité au cours de ces deux dernières années par rapport à la période précédente. Cela a également mené à une amélioration importante de nos exportations, et nous avons d'ailleurs récupéré notre part des marchés étrangers.

C'est là que nous avons pu constater notre force ces dernières années. Notre faiblesse reste les dépenses des consommateurs et de l'État.

Ce qui a fait notre force ces dernières années fera vraisemblablement notre force économique pendant un an ou deux. À mon avis, les investissements et les exportations vont continuer de se développer à un rythme accéléré. Nous avons ainsi la possibilité de continuer à pénétrer sur les marchés étrangers, à la fois pour récupérer la part de ces marchés que nous avions perdue et pour peut-être accroître cette part du fait de l'amélioration de notre productivité et de la faiblesse du dollar canadien.

De même, les investissements devraient se poursuivre parce que les bénéfices commencent à atteindre des niveaux plus raisonnables par rapport au revenu national et parce qu'il est urgent de continuer à investir pour maintenir une amélioration de la productivité. Il est impossible que les entreprises demeurent compétitives si elles ne poursuivent pas des investissements importants.

Les questions clés qui se posent actuellement pour l'économie sont liées aux consommateurs et aux dépenses publiques.

Pour ce qui est des consommateurs, nous ne pouvons qu'espérer qu'ils vont reprendre confiance à la suite des événements politiques récents. Malheureusement, ces événements ne semblent pas régler tous les problèmes, mais nous pouvons tout de même espérer que les gens vont reprendre un peu confiance.

D'autre part, il y a eu certains gains cumulatifs depuis un an ou un an et demi pour ce qui est de l'emploi, et il semble que les tendances récentes le confirment, ce qui devrait améliorer la confiance et les revenus des particuliers.

.1000

Il faut que les dépenses des consommateurs augmentent. À l'heure actuelle, elles représentent environ 60 p. 100 de l'économie, ou un peu plus. Si cela ne s'améliore pas très rapidement, l'économie ne progressera pas non plus.

Le mieux que nous puissions probablement espérer, c'est que les dépenses des consommateurs augmentent d'environ 2 p. 100 en chiffres réels, simplement parce que les taux d'épargne sont déjà assez bas et que les consommateurs ne peuvent diminuer leurs épargnes. Ils ne peuvent continuer à dépenser que s'ils continuent à gagner. Il est assez probable que le revenu disponible réel n'augmente que de 1 à 2 p. 100.

Cela signifie qu'il n'y a pas grand espoir que l'économie croisse de plus de 2,5 à 3 p. 100 au cours des 12 à 18 prochains mois. Pour que cela se produise, il faudra au moins que la croissance reste vigoureuse au chapitre tant des exportations que de l'investissement.

Qu'en est-il des dépenses publiques? Les administrations promettent de maintenir les restrictions dans certains domaines. C'est ce qu'a fait l'administration fédérale. Dans la mesure où on s'en tiendra à ces restrictions, cela freinera naturellement l'économie.

Cela dit, nous vivons malheureusement à une époque où il faut faire quelque chose à propos des déficits budgétaires. Cela signifie donc que l'économie va continuer à se développer lentement parce que les consommateurs n'ont pas les revenus voulus pour dépenser rapidement et que les administrations n'ont pas les moyens de stimuler l'économie comme elles ont pu le faire par le passé. Les gouvernements provinciaux traversant également des périodes de restrictions, c'est un autre facteur négatif pour l'économie.

Il vous faut donc probablement considérer que l'économie va croître modérément au cours des 12 à 18 prochains mois. Il serait raisonnable d'estimer cela aux alentours de 2 à 2,5 p. 100.

À long terme, je crois que l'on peut espérer une croissance économique un peu plus forte. Nous avons bien progressé sur les marchés étrangers et amélioré notre productivité. Il n'y a pas de raison que cela ne se traduise pas finalement par de meilleurs résultats économiques. De l'ordre de 3 à 4 p. 100 vraisemblablement.

Pour vous, et parce qu'il faut être particulièrement prudent lorsque l'on conseille le gouvernement en matière budgétaire, il semble qu'il faille s'en tenir à un taux de croissance prudent de 3 p. 100.

Le président: Merci, monsieur Tanny.

Monsieur Hracs.

M. Frank Hracs (économiste en chef, RBC Dominion valeurs mobilières): Merci, monsieur le président.

Étant donné les observations qui ont déjà été faites, peut-être qu'il serait bon de généraliser un peu les choses. En matière économique, il faut considérer qu'il existe au départ un certain nombre de paramètres. Essentiellement, il faut se rappeler que nous connaissons des déséquilibres chroniques, en particulier pour ce qui est du déficit et de la dette, et également du commerce extérieur, surtout en ce qui concerne le déficit de nos comptes courants.

Ces paramètres ont essentiellement annulé les avantages que nous aurions pu tirer de ce faible taux d'inflation. Nous avons des taux d'intérêt plus élevés qu'il ne faut avec un tel taux d'inflation.

D'autre part, et c'est probablement tout aussi important, le Canada reste victime de ces fluctuations sporadiques des taux d'intérêt qui sont extrêmement déstabilisantes pour l'économie. Il peut arriver que les taux ne soient pas tellement élevés, mais les fluctuations ralentissent l'économie. Il lui faut du temps pour se reprendre. Tout cela ralentit un rythme qui devrait être supérieur.

Nous constatons cette année un ralentissement modéré de l'économie aux États-Unis. Cela provoque en fait une quasi-récession au Canada. Cela montre donc que ces déséquilibres doivent être réduits.

Heureusement que du côté du commerce extérieur nous avons réalisé de gros progrès ces deux dernières années. Nous avons essentiellement doublé notre balance commerciale de marchandises. Cela a beaucoup contribué à la croissance du PIB en 1994, mais l'on ne peut pas continuer à compter là-dessus. C'est quelque chose qui s'est produit en 1995. Même si de façon générale le commerce extérieur a été maintenu - les balances commerciales ont été maintenues - le reste de l'économie a essentiellement stagné.

C'est donc un bon début. Nous pensons également qu'il n'est pas étonnant que dans les cinq ou six mois qui ont suivi le budget sévère du printemps, les ventes d'obligations canadiennes à l'étranger ont atteint des niveaux records. Je pense que c'est le genre de résultats qu'on obtient lorsqu'on s'attaque à la situation budgétaire de manière crédible et en prouvant son engagement.

Nous avons tendance à croire que ce processus doit être poursuivi pour que les taux d'intérêt demeurent stables et que l'on puisse assurer un contexte dans lequel ils demeureront stables. C'est la seule façon de veiller à ce que l'économie se développe de manière continue.

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De plus en plus, nous pensons que nous eu avons de la chance qu'il n'y ait eu qu'un ralentissement modéré de l'économie américaine en 1995. Comme vous le savez, l'an dernier, les taux y ont été augmentés pour freiner un peu le rythme exceptionnel de la croissance. Heureusement, les taux d'intérêt ont ralenti leur ascension, ce qui a donné un certain coussin par rapport à ce qui aurait été autrement un ralentissement plus marqué de l'économie américaine. Nous en avons donc profité.

À l'horizon 1996, l'économie américaine demeure assez léthargique, ce qui est mauvais pour le Canada. Même si notre économie peut être perçue comme s'étant améliorée lorsqu'on la compare à ce qu'elle était au début de l'année, nous aurons sans doute de la difficulté à obtenir une croissance supérieure à 2 ou 2,5 p. 100 par trimestre.

Ce n'est pas le genre d'économie dont nous voulons. C'est toutefois maintenant la norme mondiale. En effet, sur la scène internationale, pour la plupart des pays, le point culminant du cycle économique est passé, et nous allons tous maintenant nous retrouver avec une croissance d'environ 2,5 p. 100.

Tout ce que nous pouvons faire chez nous, c'est peut-être mettre en place les conditions qui vont garder bas les taux d'intérêt et réduire les effets sur notre devise. C'est la recommandation que nous faisons.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Hracs.

Monsieur Fairholm.

M. Robert Fairholm (économiste en chef (Canada), DRI/McGraw-Hill): Je vois l'économie comme un ivrogne, le soir de sa beuverie et le lendemain matin. La veille, il boit trop; pendant les périodes de croissance, l'économie s'enfle démesurément, les dépenses sont effrénées, et, inévitablement, le lendemain matin, on a la gueule de bois. En termes économiques, il s'agit d'une récession ou d'un ralentissement important.

Pour beaucoup, nous avons eu cette année un lendemain de veille assez facile. Cela signifie que l'économie a ralenti sans toutefois tomber dans la récession, c'est-à-dire que le ralentissement n'a pas duré deux trimestres consécutifs. À mon avis, le lendemain n'a pas été si facile, puisqu'il y a eu contraction pendant le second trimestre. Mais je suis optimiste quant à notre avenir, étant donné la reprise aux États-Unis et la tendance à la baisse des taux d'intérêt. Je crois toutefois que la chute ultime des taux d'intérêt canadiens sera freinée par nos préoccupations budgétaires et politiques et que nous atteindrons par conséquent un minimum plus élevé.

Étant donné que les choses vont plutôt bien maintenant, je crois qu'on ne risque pas d'avoir de grave récession avant la fin de cette décennie. Entre-temps, je pense que l'économie canadienne connaîtra une relance, mais qui sera inférieure à la moyenne pour ce qui est du PIB global. C'est l'effet de la dette sur notre économie. Les gouvernements font des compressions, les consommateurs sont endettés, et nous aurons une relance des dépenses des consommateurs inférieure à ce qu'elle est habituellement lors des reprises qui suivent les ralentissements.

J'ai fourni quelques documents. Les tableaux servent à expliquer le contexte.

Le cycle économique de notre plus important partenaire commercial, les États-Unis, est l'une des principales raisons de l'existence d'un cycle économique au Canada. Nous suivons l'économie américaine. On le voit bien dans le premier tableau que je vous ai remis.

Au cours des dernières années, l'économie canadienne a eu tendance à ralentir davantage que celle des États-Unis, mais aussi à connaître des reprises plus fortes, en partie parce que nos taux d'intérêt connaissent des variations plus grandes que celles des taux américains. Mais il est clair que la tendance passée se maintiendra et que nous continuerons d'avoir un cycle économique. C'est très important lorsque nous considérons la position budgétaire du gouvernement.

Ce cycle est bien inférieur à la moyenne pour ce qui est de la croissance du PIB global, comme on le voit dans l'autre tableau que je vous ai remis. Les compressions budgétaires des gouvernements en sont la cause.

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Si vous regardez ce tableau, vous verrez qu'après la période d'accalmie, soit le pointillé, il y a un redressement plus court simplement parce que l'écart de production ou de capacité est moindre qu'après une dure récession.

Cela signifie que le prochain ralentissement risque fort de se produire vers 1998, pour durer jusqu'à l'an 2000. C'est très évident lorsqu'on ne considère plus le PIB global, mais plutôt seulement le secteur privé. Autrement dit, le PIB global, une fois retranchées les dépenses directes des gouvernements.

De ce point de vue, la situation actuelle semble vraiment être assez facile. Le ralentissement a été moindre qu'auparavant. C'est la grande différence entre ce tableau et le tableau précédent. Pour ce qui est du ralentissement et du PIB, le ralentissement a été plus important que dans les périodes semblables, parce que, auparavant, les gouvernements contribuaient à la croissance alors que maintenant ils la freinent.

Nous pensons que pour le secteur privé, il y aura une reprise typique après ce ralentissement, soit suivant le modèle passé, en gros. On peut donc, je le répète, prévoir que le prochain ralentissement important, ou le risque de récession, devrait se présenter vers 1999 ou l'an 2000.

C'est très important pour le gouvernement. Si nous considérons la situation budgétaire du gouvernement et si l'on considère la tendance à venir, où il n'y aura pas de cycle économique, on peut prévoir un équilibre budgétaire, étant donné les politiques actuelles. Cela prendrait jusqu'à l'an 2002 environ, d'après nos estimations. Mais s'il y a un cycle économique typique, pendant lequel les dépenses gouvernementales augmentent et les recettes baissent, la différence étant ajoutée à la dette, ce qui aggraverait le déficit...

Le président: Excusez-moi, vous avez dit que si nous continuons, sans mesures budgétaires...

M. Fairholm: Avec les politiques actuelles, on peut prévoir un équilibre budgétaire jusqu'après la fin de la décennie.

Le président: En présumant qu'il n'y aura pas de récession.

M. Fairholm: C'est en présumant une tendance où l'économie continue d'avoir une croissance d'environ 3 p. 100...

Le président: Est-ce une croissance de 2 p. 100, de 3 p. 100? Quel est le pourcentage de la croissance?

M. Fairholm: Environ 3 p. 100

Le président: Merci.

M. Fairholm: C'est la tendance habituelle d'après les prévisions. Il faut dire que l'économie ne suit pas nécessairement une tendance, mais un cycle. C'est très mauvais pour la position budgétaire fédérale.

On en voit l'illustration dans le tableau. Si l'économie suit un cycle économique typique, en 2001, le rapport entre le déficit et le PIB sera d'environ 3 p. 100 du PIB. On reviendra donc à la situation prévue pour le prochain exercice, malgré toutes ces compressions. Pour stabiliser la situation et équilibrer le budget, il faudrait un train de mesures de l'ampleur de celui de février dernier. Essentiellement, des compressions de 11 milliards de dollars sur trois ans.

Le président: Merci, monsieur Fairholm.

Monsieur Egelton.

M. Rick Egelton (vice-président, économiste en chef adjoint, Banque de Montréal): Merci beaucoup. Nos prévisions ne sont pas tellement différentes de celles des intervenants précédents, mais je commencerai par dire que je suis optimiste quant au sort de l'économie canadienne d'ici un an ou deux, tout en ayant des réserves très importantes, de deux types.

Premièrement, il y a une incertitude politique qui affecte l'économie canadienne. Je conviens qu'il est extrêmement difficile de quantifier les incidences financières et économiques de l'incertitude politique, mais je pense que la plupart d'entre nous s'entendront sur le sens de leur influence. Cela a jusqu'ici signifié des taux d'intérêt élevés et un piètre rendement économique. Le maintien de cette incertitude politique ne peut que nous nuire.

En second lieu, à mon avis les gouvernements doivent absolument maintenir leur détermination sur le plan de la modération budgétaire. En effet, le moindre recul dans ce domaine serait puni très impitoyablement par les marchés.

J'y reviendrai tout à l'heure, mais j'aimerais passer en revue cinq éléments clés qui devraient permettre à l'économie canadienne d'entrer dans une période de croissance raisonnablement forte et de faible inflation.

Premièrement, l'influence de l'extérieur, en provenance des États-Unis, sera très positive. L'inflation aux États-Unis est bien contrôlée, et il est fort peu probable, du moins à court terme, que les taux d'intérêt américains augmentent. Au cours des deux prochaines années l'économie américaine devrait connaître une croissance d'environ 2,5 p. 100, ce qui se traduira par un élargissement des marchés d'exportation canadiens.

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En second lieu, et c'est plus important encore, le Canada est bien placé pour profiter de cette relance de la croissance américaine. Les compagnies canadiennes sont devenues extrêmement concurrentielles à cause d'une combinaison qui allie un dollar faible et une excellente performance du coût unitaire de la main-d'oeuvre. Grâce à ce développement auquel on assiste depuis quelques années, les firmes canadiennes sont peut-être plus concurrentielles qu'elles ne l'ont jamais été. Nous sommes donc en excellente posture pour profiter de l'expansion externe de l'économie.

Troisièmement, la performance de l'inflation et celle des coûts de la main-d'oeuvre vont rester excellentes pendant un ou deux ans encore, et cela, parce qu'il reste un excès de capacité assez substantiel dans l'économie canadienne. En même temps, les gens ont rabaissé considérablement leurs attentes en ce qui concerne l'inflation.

Quatrièmement, l'amélioration des taux d'intérêt à laquelle nous assistons depuis le début de l'année aura des effets importants sur les dépenses axées sur le commerce intérieur, qui s'en trouveront stimulées au cours de l'année qui vient. L'habitation, les biens de consommation durable et les investissements commerciaux, en particulier, sans connaître une croissance exceptionnelle, contribueront néanmoins à la croissance, de même que les exportations.

Cinquièmement, la baisse ou la stabilité des taux d'intérêt aura un effet positif sur l'indice de confiance des consommateurs. Pour que le consommateur reprenne sa place dans l'équation, il est important d'aménager une relance plus équilibrée.

Voilà donc les facteurs qui, à mon avis, devraient présider à une croissance assez constante au cours de l'année à venir. Au troisième trimestre, cette croissance devrait atteindre 1,5 à 2 p. 100, pour s'accélérer l'année suivante. Nous prévoyons une croissance moyenne annuelle de 2,8 p. 100 pour l'année à venir. Si on compare les quatrièmes trimestres, c'est-à-dire la situation à la fin de cette année-ci et à la fin de l'année prochaine, la croissance devrait se situer à environ 3,5 p. 100. Nous pensons que l'IPC devrait redescendre à environ 1,5 p. 100 à la fin de l'année prochaine, ce qui, pour le Canada, constitue une performance remarquable.

En ce qui concerne le risque, comme je l'ai dit, il en existe deux qui sont importants. D'une part, sur le plan budgétaire, de toute évidence, nous devons sortir d'un déficit qui équivaut à 3 p. 100 du PIB si nous voulons réduire le rapport dette-PIB. Ce rapport nous place actuellement bien au-dessus de nos collègues du G-7. C'est une des raisons importantes qui expliquent que les taux d'intérêt à long terme au Canada soient si élevés, étant donné notre bonne performance sur le plan de l'inflation.

Le ministre a annoncé que cet objectif d'un rapport déficit-PIB de 3 p. 100 était un objectif temporaire, un jalon sur la voie d'un budget équilibré. Dans le prochain budget, le gouvernement fédéral doit absolument démontrer sa détermination à y parvenir.

À mon avis, le prochain budget fédéral sera l'un des plus importants budgets fédéraux qu'on ait vus depuis des années.

Il y a deux raisons à cela; pour commencer, ce budget établira la détermination du gouvernement à équilibrer le budget, et on y trouvera également une indication des délais prévus.

Mais, en second lieu, à l'étape du cycle politique à laquelle nous nous trouvons actuellement, le budget de février 1996 sera plus facile à établir que celui de février 1997, et celui-ci sera plus facile que celui de février 1998. Autrement dit, la tâche va devenir de plus en plus difficile. Le gouvernement doit absolument faire la preuve de sa détermination sur ce plan-là. Dans le cas contraire, si le budget de février déçoit les marchés, on pourrait assister à une remontée rapide des taux d'intérêt à court et à long terme. Ce genre de choses pourraient jeter un froid sur l'optimisme dont la plupart de mes collègues et moi-même faisons preuve ici.

Enfin, il y a évidemment l'influence de l'Ontario et du Québec, les deux provinces qui tirent de l'arrière sur le plan budgétaire. À mon avis, elles devraient montrer l'exemple et participer à la lutte en mettant de l'ordre dans leurs affaires.

Je pense que l'Ontario a commencé à prendre certaines mesures, ce qui s'est avéré positif. Dans la mesure où elle maintiendra cet effort, les marchés devraient réagir très positivement.

On peut probablement dire la même chose du Québec. Les marchés vont surveiller le Québec de très près, et en particulier l'orientation de cette province sur le plan budgétaire.

Ces deux provinces sont particulièrement importantes en ce qui concerne l'ensemble du fardeau de la dette de toute la nation.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, l'incertitude politique va continuer à jouer un rôle; en fait, je suis forcé de conclure que l'incertitude politique dans laquelle nous vivons actuellement joue déjà un rôle en ce qui concerne les taux d'intérêt à long terme. Si cette incertitude diminuait, nous assisterions probablement à une baisse des taux d'intérêt à long terme. Cela devrait permettre d'améliorer la performance économique. À l'inverse, si l'incertitude politique augmentait, il est très difficile de déterminer dans quelle mesure cela affecterait la performance, mais on peut probablement dire sans se tromper que l'incertitude politique n'est jamais bonne pour les marchés, et cela n'est jamais bon pour l'économie. Merci.

Le président: Merci, monsieur Egelton.

Monsieur Johnson.

M. John Johnson (économiste en chef délégué, Banque Royale du Canada): Merci et bonjour. Après toutes ces interventions, il est très difficile de trouver quelque chose de nouveau à dire, mais je veux tout de même essayer de situer les choses dans un contexte un peu plus global.

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Si on considère la situation économique internationale, on constate un léger ralentissement de la croissance mondiale, mais cette croissance, pour peu spectaculaire qu'elle soit, se poursuit néanmoins. En effet, on assiste actuellement à une croissance économique internationale assez constante et non inflationniste.

Pour le Canada, pour le prix des produits de base, c'est un avantage. D'autre part, pour les nations endettées, comme la nôtre, il est très difficile d'envisager une augmentation des taux d'intérêt au cours des deux prochaines années, étant donné l'environnement international dans lequel nous nous trouvons. Il y aura peut-être une certaine pression à la hausse en 1997, mais à court terme, et en tout cas au cours des 12 ou 18 prochains mois, les taux d'intérêt internationaux devraient rester assez stables. Pour un pays endetté comme le Canada, c'est un bon environnement, dans la mesure où il permet de régler certains problèmes.

Plus près d'ici, l'influence des États-Unis a une importance cruciale. Apparemment, les États-Unis vont connaître une croissance d'environ 2,5 p. 100. À l'heure actuelle, il serait difficile de justifier un rythme plus rapide. En même temps, la plupart des indicateurs de récession utilisés par les économistes sont actuellement absents. Nous réglons progressivement nos problèmes de stocks. L'inflation américaine ne s'est pas accélérée. Or, la plupart des périodes de récession commencent par une remontée de l'inflation et une augmentation marquée des taux d'intérêt. Au contraire, nous assistons actuellement à une inflation assez constante, et les taux d'intérêt auraient plutôt tendance à baisser. Pour le Canada, c'est donc une situation constructive.

En ce qui concerne l'économie canadienne, nous assistons à une relance de la croissance, qui redevient positive au cours du troisième trimestre, pour atteindre 1,5 à 2 p. 100 - ce qui semble très bon - et qui devrait atteindre près de 3 p. 100 au cours du quatrième trimestre. Si on compare cette fin d'année-ci au quatrième trimestre de 1996, la croissance devrait se situer aux alentours de 3 p. 100, et peut-être même un peu plus en 1997.

Nous pensons que les exportations vont regagner du terrain, que la croissance va s'équilibrer, et on devrait assister également à une relance de la demande intérieure. Les dépenses gouvernementales vont continuer à mettre un frein à l'ensemble de la croissance économique, et c'est ce qui nous maintient aux alentours de 3 p. 100.

En ce qui concerne l'inflation, nous sommes de ceux qui la situent entre 1,5 et 2 p. 100. Nous reconnaissons qu'elle risque plutôt de se situer aux alentours de 1 ou 1,5 p. 100; donc, dans l'ensemble, l'environnement inflationniste est très constructif. Plus constructif en tout cas qu'aux États-Unis, ce qui devrait nous placer en bonne posture par rapport aux États-Unis.

Le pronostic que permet de faire cette conjoncture des marchés financiers, c'est que l'écart entre les taux d'intérêt canadiens et américains va avoir tendance à légèrement se resserrer, mais là encore il faut attendre pour voir ce que seront les contextes politique et budgétaire.

Nous nous attendons donc, d'une façon générale, à ce que les taux d'intérêt canadiens baissent légèrement vers la fin de 1996, avec peut-être, en 1997, une légère remontée due à l'influence des États-Unis. Le dollar canadien sera un peu renforcé par rapport à ce qu'il est actuellement, mais pas suffisamment pour nous inquiéter quant à notre position concurrentielle.

Ce pronostic se fonde sur trois hypothèses fondamentales: l'une, assurément, c'est l'horizon économique des États-Unis; la seconde, c'est ce qui va se passer sur le front politique. Nous partons de l'hypothèse qu'il y aura unité politique. En troisième hypothèse, les mesures budgétaires continuent à être appliquées à tous les niveaux du gouvernement et le ratio dette-PIB continue son mouvement à la baisse, sans simplement marquer un plafond.

C'était là tout ce que j'avais à dire. J'ai un rapport, que je vous remettrai à la fin de la séance.

Le président: Merci, monsieur Johnson.

Monsieur Rosenberg, vous avez la parole.

M. David Rosenberg (économiste principal, Nesbitt Burns): Je vous remercie.

J'aimerais commencer par vous expliquer quelle est exactement notre position. Il a été dit, tout à l'heure, que dans la première moitié de cette année nous étions pratiquement au seuil d'une récession, en tout cas dans une période de stagnation. Aucun de ceux que j'ai consultés l'an dernier ne prévoyait, il y a 12 mois, un marasme pareil.

Cela devrait donner l'alarme au ministère des Finances. Certes, il faut le louer pour s'être fondé sur une série d'hypothèses économiques très modérées - d'aucuns diraient même excessivement prudentes - mais nos attentes ont été déjouées par le ralentissement inattendu aux États-Unis et les retombées de la débâcle financière du Mexique, qui, bien entendu, a fait remonter en flèche nos taux d'intérêt dans les premiers mois de l'année.

C'était là des événements inattendus, mais qui donnent à penser que le ministère des Finances devrait continuer à prévoir des taux de croissance inférieurs à ceux que l'on pourrait généralement escompter, et se montrer très prudent en matière de prévision des taux d'intérêt. C'était certainement là une mesure très louable du budget de l'an dernier.

Je suis généralement d'accord sur les perspectives de reprise évoquées par mes collègues, reprise que nous voyons déjà se dessiner pour le troisième et le quatrième trimestres. Je penche, pour 1996, pour un taux de croissance d'environ 2,5 p. 100 sur une base moyenne annuelle, ce qui correspond plus ou moins aux prévisions financières sur lesquelles se fondait le budget de l'an dernier.

Mais le problème, là encore - je pense que vous devez être las, ici, de vous l'entendre dire - c'est le secteur de la consommation, sur lequel continueront à peser des taux d'intérêt supérieurs sans doute à ce qu'ils devraient être, avec une anémie des salaires, une faible augmentation des emplois, certainement de ceux émanant du secteur gouvernemental, et de faibles taux d'épargne.

Si l'on considère que le consommateur représente 60 p. 100 de l'économie, on ne voit guère comment vous parviendrez à augmenter le PIB si vous ne réussissez pas à faire reprendre son souffle, de façon prolongée, au secteur de la consommation.

Là encore, ce sera surtout une expansion dont le pôle d'entraînement sera l'exportation, comme cela est le cas depuis que nous sommes sortis de la récession au début des années 90. Les signaux encourageants provenant des États-Unis constituent un facteur essentiel. Je pense que M. Greenspan est parvenu à faire effectuer à l'économie l'atterrissage en douce tant recherché et qui se dérobait depuis 1986.

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Rappelez-vous qu'à l'époque l'expansion américaine avait encore devant elle trois années. Il faut certes toujours se méfier d'une récession éventuelle, mais j'oserais néanmoins me montrer optimiste en affirmant que tant que l'économie américaine progressera cahin-caha, comme elle continuera sans doute à le faire, nos exportations seront florissantes.

Mais il y a quelques autres facteurs dont il faut tenir compte, le premier étant la politique budgétaire des États-Unis. On s'attend à ce que le Congrès vote un budget rigoureux d'ici quelques semaines.

Il y a un facteur qu'il faut garder présent à l'esprit: en 1996, il y aura certes des coupures dans les dépenses, mais il y aura un prix à payer. La première chose que verront les Américains, ce sera l'allégement de la fiscalité, ce qui sera favorable à l'économie américaine. La baisse, déjà entamée, des taux d'intérêt aura certainement un effet favorable sur le secteur de la demande aux États-Unis, ce qui à son tour sera de bon augure pour le secteur canadien de l'exportation.

Je partage les idées de Rob Fairholm en matière de commerce international. L'Allemagne a assoupli sa politique et continue dans cette voie; le Japon est sur la voie de la relance. Si ces deux pays parviennent à revigorer, dans le monde, la demande, les perspectives seront bonnes pour les prix des marchandises et encore meilleures pour notre secteur de l'exportation. Là encore je pense que ce sera une croissance pilotée surtout par l'exportation, mais ce sera néanmoins une croissance.

C'est ainsi que je vois les choses pour l'Amérique du Nord. Ce qui met finalement un terme aux récessions ou aux expansions, c'est l'inflation. C'est elle qui amène les banques centrales à resserrer leur politique monétaire si vigoureusement qu'elles propulsent les taux d'intérêt au-delà du rendement des obligations; il y a renversement de la courbe de rendement, et la récession reprend de plus belle. C'est ainsi qu'historiquement les choses évoluent.

Mais ce que nous avons vu ce printemps, c'est une inflation qui est allée jusqu'à 3,2 p. 100 aux États-Unis, alors qu'au Canada elle plafonnait à 2,9 p. 100. Ce sont des niveaux d'inflation qui, au cours des cycles successifs, n'ont pas été atteints depuis le début des années 60.

La tendance à la baisse de l'inflation va, en fin de compte, aider à prolonger cette expansion des affaires de part et d'autre de la frontière. Je vais en finir là avec mes commentaires sur l'économie.

J'aimerais ajouter une réflexion sur l'aspect budgétaire de la situation. J'ai les yeux tournés vers l'an 2000; mettons que ce soit là l'horizon économique du gouvernement. La seule chose que nous connaissions, bien entendu, ce sont les prévisions du déficit, calculées sur deux ans et encore enrobées de mystère, mais le gouvernement s'était donné ce délai pour équilibrer le budget, et j'étais en train de faire quelques calculs rapides, crayon en main.

Le gouvernement, pour compenser d'abord les taux d'intérêt, qui continueront à rester élevés, et pour équilibrer finalement le budget, devra comprimer les dépenses annuelles moyennes des programmes d'environ 4 p. 100. Si l'on se base sur un ensemble d'indicateurs économiques plausibles, c'est là ce que nous réserve l'avenir.

Voyez les coupures de dépenses des programmes qui étaient prévues, par exemple, au budget de 1995-1996. C'est dans la même foulée de 4 p. 100 de compressions par an qu'il va falloir se maintenir.

Nous avons d'ores et déjà appliqué des restrictions draconiennes, bien sûr, mais n'oubliez pas que, s'il est beaucoup question de dépenses de programmes, ce qui importera en dernier ressort, ce sont les dépenses totales, en espèces sonnantes et trébuchantes. Or, en 1997, si l'on en croit les chiffres avancés par le gouvernement même, ces dépenses totales s'élèveront à 159 milliards de dollars, soit du sur place par rapport à 1994.

Nous nous proposons donc, pour l'essentiel, de réduire les dépenses de programmes de 12 milliards de dollars, qui serviront à éponger le fardeau croissant de la dette.

Considérez donc tout le progrès que nous comptons accomplir, d'après les propres chiffres du gouvernement, que je ne voudrais pas mettre en doute. C'est sur les recettes que nous comptons, en fait, pour ramener ce déficit à - mettons - 20 milliards de dollars environ d'ici à 1997.

C'est là la situation à laquelle nous sommes confrontés. Ce sont là les coupures des dépenses de programmes. Autrement dit, il faudra tenir le cap. Mais voyons ce qui nous attend à l'horizon 2000.

Je m'empresse d'ajouter que tous, nous allons devoir déployer plus d'efforts pour convaincre les Canadiens de la nécessité d'appliquer l'étau fiscal. Qui pourrait nier que, après la décote imposée par Moody's au début de l'année, et celle infligée à l'approche du référendum du Québec, si nous n'avions pas mis en place un plan de compressions fiscales rigoureuses, il y aurait eu de bonnes chances que nos taux d'intérêt s'envolent encore bien davantage qu'ils ne l'ont fait.

Chose certaine, les contraintes budgétaires qui ont été mises en place ont fait beaucoup pour restaurer à tout le moins la confiance des investisseurs étrangers dans notre pays, et cela a sûrement allégé la pression sur les taux d'intérêt. Sans ces contraintes, nous aurions perdu beaucoup plus sur les marchés financiers.

Voilà.

Le président: Merci, monsieur Rosenberg.

Pour faire suite à ce que vous venez de dire, si vous envisagez un déficit zéro ou un budget équilibré d'ici à l'an 2000, nous aurions trois années de plus à partir de notre date cible de 1996-1997, où le PIB sera de 3 p. 100, avec un déficit d'environ 25 milliards de dollars. Cela nous donnera trois années de plus pour descendre à zéro. Nous recommandez-vous de viser le zéro d'ici à l'an 2000? J'imagine que cela nous obligerait à baisser à 2 p. 100, 1 p. 100 et 0 p. 100 en 1997-1998, 1998-1999 et 1999-2000 respectivement.

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M. Rosenberg: Je ne vous dis pas quand vous devrez équilibrer le budget. J'aimerais que cela soit fait d'ici à l'an 2000, ou certainement avant. Je ne faisais que vous donner un paramètre. Disons que le gouvernement devrait sérieusement songer à équilibrer son budget d'ici à la fin de la décennie. Le genre de compressions des dépenses de programmes qu'il faut pour ça - c'est ainsi que je le dis - répondrait à cela.

Le président: Nous avons notre cible de 3 p. 100 ou environ 25 milliards pour 1996-1997. Si nous devions fixer la cible de l'an prochain, est-ce que chacun d'entre vous pourrait me dire quelle devrait être la cible de l'année suivante?

M. Rosenberg: L'année suivante...

Le président: À partir de 1996-1997...

M. Discepola (Vaudreuil): C'est 1997-1998...

Le président: En 1997-1998, nous passerions de 3 p. 100 ou 25 milliards à quel déficit cible?

M. Rosenberg: Encore là nous parlons du déficit déclaré, du véritable déficit, parce qu'il y a des réserves pour éventualités qui sont prévues. Si, par exemple, on n'y a pas recours, ce sera moins que 25 milliards.

Le président: C'est en partant de l'hypothèse que notre comptabilité demeure uniforme.

M. Rosenberg: Si le gouvernement maintient son engagement de comprimer les dépenses de 4 p. 100 en moyenne par année, je pense que le déficit descendra autour des 14 milliards en 1998, si mes prédictions quant aux taux d'intérêt se maintiennent.

Le président: Donc, selon vous, notre cible suivante devrait être 14 milliards de dollars.

Monsieur Johnson.

M. Johnson: Le cycle politique et le fait que l'expansion économique tarde à se faire vous invitent à agir plus tôt, à viser un objectif qui serait plus près du 2 p. 100 que du 3 p. 100 du PIB en 1997-1998.

Le président: Vous dites 2 p. 100, ce qui nous ramènerait à 16 milliards, 17 milliards de dollars.

Monsieur Egelton.

M. Egelton: Deux p. 100 pour 1997-1998, c'est un strict minimum. Je pense que 3 p. 100 est une cible très modeste. Cela peut se faire sans beaucoup de difficulté. Pour 1997-1998, je dirais 2 p. 100 au minimum, et préférablement 1,5 p. 100 du PIB.

Le président: Thank you.

Monsieur Fairholm.

M. Fairholm: Je crois qu'il est avantageux de dire publiquement qu'on va s'en tenir à la règle des cinq, quatre, trois, deux, un, zéro. C'est très facile à comprendre, particulièrement pour les marchés financiers. Ils vont embarquer. Ils aiment ce genre de manchettes simples.

Même si vous dites publiquement que c'est le strict minimum à viser, je pense qu'il serait prudent de s'attaquer au déficit plus vite et de suivre une règle de trois, un et demi, zéro.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Fairholm.

Monsieur Hracs.

M. Hracs: Nous dirions quelque chose comme pas plus que 2 p. 100. Je pense qu'il faut aussi diviser les choses de moitié. Nous ne savons pas quelles seront les projections de base. Par exemple, si le gouvernement ne prend pas de nouvelles mesures, on projettera un déficit quelconque.

Cela représente une partie du chemin. Par exemple, si vous arrivez à 20 milliards de dollars, c'est moins que ce que nous avions, mais je pense qu'il faut aussi poursuivre en même temps les mesures de restrictions financières pour accélérer le déclin structurel du déficit. Les deux sont nécessaires. Naturellement, si le déficit sous-jacent se stabilise, il faudra peut-être envisager des coupures plus profondes. Il faut les deux à la fois.

Le président: Merci.

Monsieur Tanny.

M. Tanny: Tout d'abord, vous devriez vous engager clairement à présenter un budget équilibré à un moment donné. Il vaudrait mieux que ce soit peu avant la fin du mandat du gouvernement actuel, ou même pendant ce mandat, de sorte que, même si cela ne se faisait pas vraiment, on aurait l'impression que c'est sur le point de se faire. Je pense donc qu'il faudrait dire qu'on veut éliminer le déficit au plus tard au cours du dernier exercice possible pour lequel le gouvernement...

Le président: C'est-à-dire 1997-1998...

.1035

M. Tanny: Non. Je veux dire 1998-1999. Ce serait possible dans la mesure où les élections pourraient avoir lieu vers la fin ou tout au moins vers le milieu de cet exercice.

Le président: Nous devons donc descendre de 25 milliards à zéro en deux ans.

M. Tanny: Je dirais deux ans.

Le président: Ce sera donc probablement 1,5 p. 100 et 0 p. 100.

M. Tanny: C'est exact.

[Français]

M. Gignac: Si on présume que le ministre maintiendra la même approche prudente dans ses hypothèses économiques et qu'il maintiendra les 2,5 milliards de dollars de réserve pour éventualités dans ses calculs, je partage le consensus de mes collègues, à savoir que 2 p. 100 du PIB pour l'année subséquente est un bon objectif.

Pourquoi 2 p. 100 et 1 p. 100? Parce que les besoins financiers étant de 8 à 9 milliards de dollars inférieurs au déficit, il n'y a pas vraiment inconsistance, comme disait mon collègue, à ce qu'on ait 2, 1 et 0 au niveau du déficit, puisque cela signifierait qu'avant la fin du mandat du présent gouvernement, on pourrait atteindre la stabilisation de la dette. Par conséquent, les besoins financiers étant nuls, force est d'admettre qu'au niveau des marchés financiers, il y aurait une récompense en matière de baisse de la prime de risque si l'objectif de 2, 1 et 0 lié à des besoins financiers moindres était atteint.

Le président: Merci.

[Traduction]

Monsieur McIver.

M. McIver: Je vais répéter ce que disait M. Tanny. Ce qui est essentiel, c'est de présenter quelque chose de crédible au secteur financier, un cheminement crédible sans trop de tours de passe-passe comptables. Il faut que ce soit transparent. Il faut qu'il soit bien clair que c'est une volonté absolue, et que cela se traduira par moins de 2 p. 100 la première année et par quelque chose comme 0 p. 100 la deuxième.

Le président: Merci.

Monsieur Clinkard.

M. Clinkard: Étant donné qu'au cours des deux prochaines années et les années suivantes nous aurons sans doute une croissance plus lente... Il est assez rare qu'un cycle dure plus de sept ans. Les recettes du gouvernement vont commencer à diminuer en 1998. Je pense qu'on peut raisonnablement le prévoir. Cela pourrait même être en 1997. Les risques sont manifestement très importants. J'insiste donc pour dire qu'il faut réaliser les réductions les plus importantes à court terme, de l'ordre de 1,5 à 2 p. 100, et plutôt le chiffre inférieur de préférence. Je suis tout à fait d'accord avec l'idée d'avoir 0 p. 100 à la fin du mandat.

Le président: Merci.

Monsieur Dungan.

M. Dungan: J'ajoute une chose. D'un certain côté, c'est de la bonne santé financière de tous les gouvernements du Canada qu'il faut se préoccuper.

Je vais vous faire deux recommandations. Ce sera 2 p. 100 si vous ne faites pas d'autres coupures dans les transferts aux provinces, ou le chiffre plus ambitieux de 1,5 p. 100 si vous coupez effectivement dans les transferts aux provinces. Autrement dit, il ne s'agit pas simplement de se délester du problème en le refilant à d'autres paliers de gouvernement dont les déficits risqueraient alors, au moins à court terme, d'augmenter ou de provoquer d'autres problèmes.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Je propose que nous fassions une petite pause de deux minutes et ensuite nous passerons aux questions des députés. D'accord?

.1044

Le président: Nous allons commencer la période de questions.

Monsieur Loubier, s'il vous plaît.

.1045

M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): Merci d'être là ce matin pour nous faire part de vos brillantes analyses. J'aimerais particulièrement remercier M. Clément Gignac de Levesque Beaubien Geoffrion Inc. pour la mise au point qu'il a faite tout à l'heure au sujet de l'incertitude politique et de l'évolution des grands agrégats économiques.

Il a eu l'intelligence de dire - et cela vaut pour plusieurs de ses collègues - que l'incertitude politique ne se quantifie pas. Il y a plusieurs facteurs plus importants encore que l'incertitude politique qui jouent sur les grands agrégats macroéconomiques.

Ma deuxième remarque - et ça complète mes remerciements à M. Gignac - a trait au constat qu'il fait quand il dit que le véritable problème est l'endettement et l'évolution de l'endettement à moyen terme. La firme Moody's est d'ailleurs arrivée à la même conclusion en janvier, lorsqu'elle a mis le ministre des Finances du Canada sous surveillance avant le dépôt de son budget.

Cela dit, j'aimerais poser une question à ceux qui voudront bien répondre: lorsqu'on parle de cible, c'est bien beau d'avoir des cibles de 3, 2, 1 et 0 p. 100, - tout le monde devrait viser l'équilibre budgétaire - , mais vu les difficultés qu'on a éprouvées pour atteindre ne serait-ce que 3 p. 100 du PIB, à quel endroit faudrait-il couper, où faudrait-il aller chercher de nouvelles recettes pour parvenir à cet objectif d'équilibre budgétaire à moyen terme?

Je vous rappelle, comme le ministre des Finances l'a fait l'année dernière, que le ministère des Finances du Canada estime le déficit structurel à environ 25 milliards de dollars. Donc, à moins d'une réforme considérable du système et à moins d'un contrôle vigoureux de l'évolution des dépenses, comment peut-on réduire ce déficit structurel à zéro au cours des quatre prochaines années?

Le président: Qui va commencer? Monsieur Gignac.

M. Gignac: Merci pour les remerciements! L'idée est la suivante: avec un service de la dette qui est passé en 20 ans de 12 cents par dollar d'impôt qu'on envoie à Ottawa à 35 cents ou un peu plus, force est d'admettre qu'il n'y a plus vraiment de marge de manoeuvre et qu'il faut faire quelque chose.

Considérant que notre fardeau fiscal est déjà nettement plus lourd que celui des États-Unis et que ceux-ci ont déjà l'intention de diminuer leur propre fardeau fiscal, toute réduction de déficit par le biais d'une augmentation du fardeau fiscal doit être écartée.

Or, bien que je sois du secteur privé et que nous n'ayons pas ménagé nos efforts pour rendre la vie un peu difficile à nos gouvernements en matière d'assainissement budgétaire, j'ai la conviction que les coupures dites faciles sont derrière nous et que maintenant il nous faut nous attaquer au squelette, donc aux coupures pénibles.

Il faut revoir le mandat de certains programmes et peut-être s'interroger - si on parle de fédéralisme efficace - sur la prestation de ces services pour savoir où elle serait la mieux assurée: au palier fédéral ou au palier provincial.

Je n'ai jamais vu, au cours des trois dernières décennies, de consensus d'un océan à l'autre sur la décentralisation des pouvoirs. Il y a certains programmes qui pourraient peut-être être revus. Je sais qu'un des premiers volets à venir est la réforme de l'assurance-chômage. Il faudra voir aussi où l'on en est dans la formation de la main-d'oeuvre. Déjà le Québec et certaines provinces sont unanimes pour vouloir en assumer l'entière responsabilité.

Les coupures à venir seront difficiles. L'on en vient même à s'interroger sur la volonté de décentraliser le secteur public. On l'a déjà beaucoup privatisé.

.1050

On a aussi déréglementé. On en arrive à des coupures de plus en plus politiques et difficiles. Rien ne peut se faire sans que l'on s'entende avec les provinces pour éviter la duplication. Les coupures faciles sont derrière nous.

[Traduction]

Le président: Peut-être pourrions-nous demander aux deux autres témoins de nous donner leur avis sur la question s'ils le souhaitent.

Monsieur Clinkard.

M. Clinkard: Sauf votre respect, monsieur Loubier, je pense que tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut avant tout s'occuper de la situation financière. Il n'est pas question d'en faire un problème secondaire. C'est le problème numéro un. Comme le dit M. Gignac, la conjoncture politique est source d'incertitude, et, dans ce domaine, ça va, ça vient, alors que les problèmes financiers demeurent.

Pour ce qui est des questions de détail, je crois que la Nouvelle-Zélande a pris certaines initiatives pour examiner les objectifs des programmes financiers et a essayé de quantifier ces objectifs pour voir ce qu'elle obtenait pour son argent. Je pense qu'il serait certainement utile de prendre une initiative de ce genre au Canada.

Merci.

Le président: Monsieur Hracs.

M. Hracs: Il s'agirait de savoir pourquoi nous sommes ici. Il a toujours été difficile de trouver des endroits où couper. Ce n'est pas plus facile maintenant, et ce ne le sera jamais. Mais je pense aussi que nous sommes ici parce qu'il devient important que nous stabilisions le déficit. Si on ne poursuit pas sur cette lancée maintenant, dans plusieurs années ce sera encore plus difficile. Je pense donc que c'est une question qui déborde ce cadre.

Le président: Monsieur Silye.

M. Silye (Calgary-Centre): Merci, messieurs, pour nous avoir présenté vos prévisions et votre perspective économique pour l'avenir. C'était très intéressant. En tant qu'homme d'affaires, j'aime bien qu'on présente les choses dans un langage clair plutôt qu'en termes trop recherchés.

En tant que membre d'un parti d'opposition, il m'incombe de critiquer le gouvernement. Le gouvernement a la responsabilité de notre politique monétaire, de nos dépenses, et il se doit de prendre note des bonnes idées qu'on lui soumet.

Depuis deux ans, nous tâchons de critiquer de façon constructive le gouvernement pour qu'il réduise sa dette, la dette nationale. La dette fédérale est d'une telle ampleur qu'elle entrave la croissance économique et ajoute, bien sûr, à l'instabilité.

Depuis deux ans, nous disons que l'objectif de ce gouvernement, un objectif de réduction des dépenses correspondant à 3 p. 100 du PIB, est trop timide. C'est trop facile à réaliser et ce n'est pas acceptable. Quelqu'un a mentionné ici qu'au bout du compte, ce qu'on a réellement fait, c'est simplement effectuer des compressions suffisantes pour maintenir un niveau permettant de rembourser les intérêts de la dette. Nous ne sommes donc pas plus avancés, puisque les dépenses globales du gouvernement seront, à la fin de son mandat, ce qu'elles étaient à son début. Entre-temps, nous avons fait souffrir beaucoup de gens.

L'autre critique que nous avons formulée, c'était que nous estimions important d'en arriver à un budget équilibré. Le Parti réformiste a présenté un budget des contribuables qui visait un objectif zéro en l'espace de trois ans: 3 p. 100, 2 p. 100, 0 p. 100 ou 3 p. 100, 1,5 p. 100, 0 p. 100, selon la formule que vous préférez. Je trouve encourageant de voir que parmi les nombreux économistes qui sont ici aujourd'hui, au moins cinq ont suggéré un objectif de 3 p. 100, 1,5 p. 100 et 0 p. 100 et que plus vite on l'atteindra, mieux ça vaudra. Je pense que c'est un bon message à transmettre au gouvernement. C'est ce que nous faisons. On nous a reproché d'essayer d'y arriver trop rapidement. Maintenant on reproche au gouvernement d'agir trop lentement. Y a-t-il un point d'équilibre? Je ne sais pas.

.1055

À propos des objectifs. à atteindre... La réponse que nous obtenons du ministre des Finances quand nous le mettons au défi de présenter un budget équilibré... Voici ce à quoi je veux en venir. Quelle approche, sur le plan économique, est la meilleure pour tous les Canadiens? Faut-il présenter un objectif qui soit réalisable, ou qui soit réalisé, et qui redonne quelque peu confiance? Cela ne fait aucun doute. Nous en avons eu des preuves dans le passé, mais nous avons toujours des déficits de l'ordre de 4 à 4,5 p. 100 du PIB.

Est-ce une approche plus raisonnable que celle qui consiste à présenter un budget équilibré sur une période de trois ou quatre ans, ce que ce gouvernement aurait pu faire et que, à mon avis et de l'avis de mes collègues, il aurait dû faire? Nous savons tous que c'est réalisable, que c'est faisable, et le plus tôt sera le mieux. Mais le gouvernement a choisi de ne pas tenir compte de cet avis il y a deux ans.

Donc, d'un point de vue économique, ma question a trait à - le président a fait porter la discussion sur ce point, et je suis heureux qu'il l'ait fait...

Le président: Merci.

M. Silye: Il a signalé à quel point il est important d'en arriver à cet objectif zéro, et parlé du délai dans lequel nous devrions le faire, et de l'objectif de réduction du déficit du ministre des Finances, qui est de 3 p. 100 du PIB, ce à quoi je m'oppose personnellement. Je l'ai mis au défi de présenter un budget équilibré à la Chambre la semaine dernière, mais il a fourni une réponse qui n'en était pas une. Néanmoins, j'aimerais entendre des économistes parler de la nécessité d'avoir un budget équilibré plutôt que de continuer à aggraver la situation, soit une dette à un taux de 3 p. 100 du PIB.

Le président: Autrement dit, y a-t-il ici quelqu'un d'aussi audacieux que M. Silye?

Monsieur Rosenberg.

M. Rosenberg: Je répondrai en disant qu'il faut envisager le budget dans sa totalité, l'ensemble des chiffres, quand on parle de ramener le déficit à 3 p. 100 du PIB. Le fait est qu'il sera probablement inférieur à ce niveau. Il pourrait n'être que de 2,5 p. 100.

Rappelons-nous que le gouvernement a prévu un important coussin pour les taux d'intérêt tant pour cette année que pour l'an prochain. Selon les prévisions relatives aux taux d'intérêt, les prévisions actuelles pour 1996, le rendement pour toute la courbe sera d'environ 150 points de base supérieur à ce qu'il est maintenant. Je ne sais pas s'il y a quelqu'un autour de la table qui prédit ce même genre de baisse des taux d'intérêt. En outre, le gouvernement a aussi prévu des réserves pour éventualités qu'il n'aura vraisemblablement pas à utiliser.

Je suppose donc que ce ne sera probablement pas 3 p. 100; ce sera peut-être plus près de 2,5 p. 100. Mais cela ne vous satisfera quand même pas peut-être, et je partage vos préoccupations.

Je vous dirais ceci, cependant. Tout au moins, ce qui se passe ou ce qui devrait probablement se passer cette année ou l'an prochain, c'est que le rapport dette-PIB aura été stabilisé. L'escalade sur 20 ans que nous avons observée dans ce que je considère être une mesure déterminante de la tension financière va au moins commencer à ralentir, quoique graduellement, probablement cette année. Je pense que c'est la mesure qui retient l'attention de la plupart des analystes et des économistes. Au moins, on constate une rupture de cette tendance, et je pense qu'il est important d'atteindre cet objectif de réduction du déficit à 2,5 p. 100 du PIB, sous l'angle du rapport dette-PIB.

Le président: Merci, monsieur Rosenberg.

Monsieur McIver.

M. McIver: Je pense que ce qu'il importe de reconnaître, c'est que les objectifs, que nous fixons ne visent pas pour la population canadienne mais le marché financier. Essentiellement, ils visent à donner à la communauté financière, nationale et internationale, une certaine - j'allais dire assurance, et espérons que ce soit le cas - une certaine idée de l'engagement du gouvernement du Canada, de la direction dans laquelle le gouvernement a l'intention de s'engager. Cet engagement, s'il est suffisamment solide, entraînera un allègement des taux d'intérêt. Cela se réalisera de soi en quelque sorte dans la mesure où l'engagement est donné.

Mais en regard de cet objectif et de cet engagement, il y a l'environnement économique dont nous parlons. Bien que nous nous entendions tous assez bien sur nos attentes pour 1996, il existe malgré tout des divergences d'opinion assez nettes quant à l'issue éventuelle. Vu le risque d'une aggravation de la situation économique après 1996 il est d'autant plus important que l'objectif soit aussi ambitieux que possible pour assurer cette crédibilité.

Le président: Merci.

Monsieur Egelton.

M. Egelton: En un sens, il n'y a rien de magique dans un équilibre zéro. Je veux dire qu'on peut avoir un excédent de 1 p. 100 ou un déficit de 1 p. 100. Ce qui compte c'est que le rapport dette-PIB suive une trajectoire nettement baissière et que cette lancée se maintienne tout au long d'un cycle. Si nous entrons dans une autre récession, nous serons pris dans l'engrenage, comme ce fût le cas en 1980 et en 1988. Il y a 15 ans, le rapport dette-PIB en ce qui concerne le gouvernement fédéral se situait aux environs de 20 p. 100. Maintenant il est de 72 p. 100.

Donc je pense que le risque de commettre des erreurs... On peut dire qu'un objectif zéro d'ici deux ans c'est trop rapide, c'est trop lent, c'est ceci ou c'est cela. Les risques sont asymétriques. Si nous échouons en allant trop lentement, je pense que nous le regretterons amèrement. Si nous devons commettre une erreur, que ce soit réduisant le déficit trop rapidement.

.1100

À cet égard, je pense que M. Martin s'est fixé des objectifs qu'il atteindra et c'est la perception qu'ont eu les marchés. Je pense que c'est très positif. Il a montré qu'on peut lui faire confiance pour atteindre ces objectifs. Il peut maintenant s'appuyer sur cela pour enregistrer des gains réels en continuant d'agir activement sur le front budgétaire car les marchés commencent maintenant à croire qu'il va effectivement réaliser les objectifs qu'il s'est fixés.

Le président: Merci, monsieur Egelton et M. Silye.

Madame Brushett.

Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Merci, monsieur le président.

Toutes ces interventions ce matin m'ont semblé très intéressantes. Nous avons parlé de donner une certaine crédibilité à notre présence sur le marché mondial. J'aimerais pendant quelques instants revenir sur le marché intérieur.

On nous a dit ce matin que le marché de la consommation intérieure représentait 60 p. 100 de notre économie. Que pourrions-nous faire par exemple à propos de la TPS. Si nous la supprimions ou que nous la réduisions sensiblement, cela pourrait-il stimuler le marché à la consommation et nous apporter les 14 milliards de recettes dont nous avons besoin? Que peut-on faire sur le marché intérieur?

J'aimerais d'autre part que l'on parle de l'emploi. On dit qu'il faut que le marché intérieur progresse mais nous avons dans nos petites industries un tel amalgame de compétences que cela ne semble pas facile. Nous avons tellement de gens qui cherchent de l'emploi mais n'ont pas les qualifications voulues pour les emplois de technologie de pointe qui sont offerts.

Pourriez-vous répondre à ces deux points?

Le président: Qui veut commencer?

Monsieur Hracs.

M. Hracs: Pour ce qui est de la TPS, c'est finalement le consommateur qui la paie, qu'il s'agisse d'une TPS ou d'autre chose. À notre avis, la modifier ou la redéfinir ne fera pas grand chose pour stimuler la consommation. Nous estimons que les consommateurs se sont essentiellement adaptés à la TPS. Cela ne leur plaira jamais évidemment mais elle existe et je crois que ce serait une erreur que de supprimer cette source de recettes pour essayer de trouver ailleurs l'argent voulu pour compenser ce manque à gagner.

Le président: D'autres interventions?

M. Discepola: Pourriez-vous me donner d'autres exemples. Supposez que vous ne trouviez pas de source de recettes ailleurs mais que vous réduisiez la TPS de 1 ou 2 p. 100, par exemple - un chiffre arbitraire. Quelle incidence cela pourrait-il avoir?

Mme Brushett: Cela se ferait tout seul, cela rapporterait de telles recettes.

M. Hracs: On verrait probablement légèrement augmenter les dépenses de consommation. Il y a des coefficients multiplicateurs dans toute l'économie. L'inflation baisserait.

M. Fairholm: Mais c'est acheter un stimulant à court terme qui coûterait cher à long terme sur le plan du déficit. Ce n'est pas la solution.

M. Egelton: On pourrait régler le problème si l'on décidait unilatéralement d'abaisser la TPS. Cela ferait remonter le déficit et aurait une réaction contraire sur les marchés financiers parce que les taux d'intérêt augmenteraient. Cela pourrait de ce fait anéantir tous les avantages que l'on essayait de tirer en abaissant le taux de la TPS pour augmenter le revenu disponible des consommateurs.

M. Johnson: Les provinces pourraient alors décider de remonter leurs taxes provinciales dans les mêmes proportions.

Le président: Aux fins d'argumentation, vous vous souvenez sans doute que l'année dernière une des choses que l'on nous a proposée était d'éliminer complètement la TPS parce que l'on déclarait que cela stimulerait l'économie au point de plus que compenser les 15 milliards de dollars de manque à gagner. On disait d'autre part que les marchés internationaux de capitaux reconnaîtraient certainement que cette théorie économique de l'offre faciliterait à long terme la réduction du déficit et apporterait une plus grande stabilité pour les investisseurs étrangers.

M. Silye: Monsieur le président, vous oubliez l'autre moitié de l'équation. Les députés libéraux qui avaient fait cette suggestion avaient également proposé de l'assortir d'une réforme fiscale majeure.

Le président: Ma foi, en tout cas, merci.

Monsieur Fairholm.

M. Fairholm: Pour ma part, je dirais qu'il serait plus important de considérer la question de l'emploi et charges sociales. Ce sont elles qui tuent l'emploi. Si l'on veut diminuer des impôts, c'est ceux-là qu'il faut diminuer. En diminuant les taux d'assurance-chômage, on a la possibilité d'éliminer l'écart entre ce que gagnent les employés et ce que les employeurs doivent payer. Cet écart déforme en effet le marché du travail et tue l'emploi. Si vous voulez sabrer dans quelque chose, sabrer dans les taux d'assurance-chômage et ne majorez pas les autres impôts.

Le président: Merci, monsieur Fairholm

Et enfin, monsieur Dungan.

M. Dungan: Si vous me permettez d'étayer ce qui vient d'être dit, les études que nous faisons grâce à une modélisation informatisée de l'économie révèlent que les charges sociales imputées à l'employeur devraient être les premières à être réduites - car c'est l'impôt qui a le taux de récupération le plus élevé, et qui stimulerait le plus le rendement.

.1105

C'est pourquoi nous espérons - en fait, tout dépendra de la façon dont le régime d'assurance-chômage fonctionne - qu'il y aura au début de 1996 et de 1997 des réductions dans le taux de cotisation de l'assurance-chômage. Si l'on s'attend à retirer des dividendes d'impôt anticipés, si l'on peut dire, grâce aux coupures effectuées dans les dépenses, je recommande fortement - et je pense Rob sera d'accord avec moi - d'envisager de le faire premier lieu dans ce secteur.

Le président: Celui des charges sociales.

M. McIver: Oui, les charges sociales.

[Français]

M. Gignac: Monsieur le président, mon expérience des 20 dernières années m'a amené à être de plus en plus modeste dans la conclusion de mes raisonnements. Si, à titre d'économistes, nos modèles traditionnels nous disent qu'un abaissement de la taxe est stimulant pour la consommation, je pense que, dans les années 1990, nous devons être beaucoup plus nuancés.

Si le consommateur ou le ménage a l'impression qu'on abaisse la TPS, mais qu'en contrepartie, la hausse du déficit s'accélère, il n'y aura pas vraiment de stimulant au niveau de la consommation. Avant de penser à réduire la TPS, on devrait viser l'assainissement budgétaire dont il était question pour restaurer la confiance des consommateurs. L'année dernière, c'était probablement la première fois en huit ans qu'on avait un déficit budgétaire inférieur aux prévisions. On doit continuer dans cette voie afin d'augmenter la confiance des ménages.

Il n'y a pas seulement la TPS qui influence les décisions; il y a aussi les taux hypothécaires. Aux États-Unis, les taux hypothécaires sont très faibles. Ici ils pourraient descendre davantage. Or, les taux hypothécaires sont fonction des titres à long terme, qui sont eux-mêmes fonction de la décision des investisseurs étrangers et de la confiance des étrangers.

On sait que le Canada est le pays le plus dépendant des capitaux étrangers. Dans ce contexte-là, nous pensons qu'il faut aller dans la voie de l'assainissement budgétaire, ce qui va restaurer la confiance des étrangers envers le Canada et les titres canadiens, et les taux hypothécaires vont baisser. C'est probablement une approche préférable à une baisse de la TPS, puisque les modèles traditionnels, à mon humble avis, ne fonctionnent plus comme il y a 20 ou 30 ans en raison de l'endettement accumulé.

[Traduction]

Le président: Monsieur McIver.

M. McIver: Je suppose que M. Gignac m'a ôté les mots de la bouche, mais fondamentalement - soit dit en toute déférence envers vous, messieurs - quand on parle de la capacité du gouvernement d'adopter des mesures stimulantes, qu'il s'agisse de concessions fiscales ou de nouveaux programmes de dépenses, ou encore de programmes d'expansion régionale, cela était bon il y a une dizaine d'années. La réalité actuelle est tout autre: nous devons rembourser maintenant le coût de ces programmes et je ne pense pas que le gouvernement ait une grande marge de manoeuvre pour stimuler l'économie.

Le problème pour le consommateur c'est qu'il n'a plus confiance dans l'économie. La confiance des consommateurs est surtout importante à l'égard des emplois, la création d'emplois et l'incertitude en matière d'emploi, ce qui constitue l'un des éléments de notre programme d'austérité financière.

On a donc déjà essayé d'aiguillonner l'économie. Nous en payons maintenant le prix et cela va être très difficile. Il nous faut maintenant la stabilité.

Si la personne qui a du travail finit par comprendre... lorsqu'on en arrive au point où il ou elle se dit qu'il ne risque pas de perdre son emploi l'année suivante, cette personne sera plus encline à se lancer dans des dépenses importantes.

Du même coup, l'acheteur éventuel de maison, s'il en arrive au point où non seulement il croit que les taux d'intérêt vont diminuer mais également qu'ils vont être raisonnablement stables, s'il prend la décision judicieuse d'acheter sa maison aujourd'hui au lieu de constater que, deux semaines plus tard, les taux augmentent ou diminuent, lorsque ce genre de choses se produit - et cela va prendre un certain temps - c'est alors que nous serons à nouveau sur une lancée plus positive.

Le président: Madame Stewart, vous avez la parole.

Mme Stewart (Brant): Je réfléchissais à ce qu'a dit M. McIver à savoir qu'il est possible que la seule latitude dont nous jouissions pour le moment c'est de décider de la vitesse à laquelle nous effectuons les coupures.

En vous écoutant parler - et je ne veux pas dire vous faire dire ce que vous n'avez pas dit - j'éprouve un certain sentiment d'optimisme et je pense que, depuis le dernier budget, vous avez poussé un soupir de soulagement car vous avez constaté que le marché international réagissait de façon positive aux mesures prises par le Canada. Nous montrons notre détermination à réduire nos dépenses et sommes conscients du fait que les gouvernements doivent se contrôler et que, en fait, si nous réussissons à maintenir cette stabilité, il nous sera toujours possible de décider du rythme auquel nous voulons procéder. Même si nous convenons que, il y a une dizaine d'années, le gouvernement a adopté une politique interventionniste pour protéger les plus faibles de notre société, c'est peut-être à l'heure actuelle la seule option dont nous disposions pour décider de la vitesse à laquelle nous réduisons nos dépenses. Il ne faut pas oublier non plus que certains éléments de notre société continuent d'avoir besoin de l'aide du gouvernement grâce à la redistribution des richesses.

.1110

Pour répondre à un autre point que vous avez soulevé plus tôt, monsieur McIver - et j'aimerais revenir sur les remarques de mon collègue mais en me focalisant sur les recettes - certains s'inquiètent des recettes qui seront produites, étant donné le manque de confiance de la part des consommateurs, ainsi que des recettes qui découleront de la TPS et de nos stratégies nationales en matière de fiscalité notamment. Alors que nous envisageons les réductions de dépenses qui s'imposeront - car je suppose qu'aucun d'entre vous ne préconise une hausse de l'impôt sur le revenu des particuliers ou des mesures importantes en vue d'accroître nos recettes - il faut réfléchir à l'ampleur de ces coupures.

Nous parlons de pourcentage. Sauf erreur, c'est M. Fairholm qui a dit précisément qu'il s'attend à des coupures de 11 milliards de dollars sur une période de trois ans. C'est bien vous, monsieur Fairholm?

M. Fairholm: J'ai dit qu'il nous faudrait adopter ce genre de programme de réductions de dépenses pour stabiliser...

Mme Stewart: Puis M. Rosenberg a parlé de 4 p. 100, ce qui - je ne suis pas très forte en calcul - en arriverait plus ou moins à la même chose, soit 3 ou 3,5 milliards par an. Sur une période de trois ans, cela donne 10,5 ou 11 milliards de dollars.

Voilà les chiffres précis que j'ai entendus, mais si l'on pense aux répercussions sur les recettes, est-ce que vous en tenez compte dans vos calculs? Est-ce que vous tenez compte dans ce montant de 11 milliards sur trois ans ou de 3,5 milliards par an que nous pouvons espérer recevoir en matière de recettes?

M. Fairholm: Oui, cela tient compte de la même croissance économique fondamentale que dans notre perspective.

Mme Stewart: Et dans vos prédictions?

M. Fairholm: C'est ce qu'il faudrait en prévision d'un avenir cyclique tout comme nous avons connu un passé cyclique, ce qu'il vous faudrait faire pour stabiliser le déficit et équilibrer le budget.

Mme Stewart: La même chose pour vous, monsieur Rosenberg?

M. Rosenberg: Oui, nous envisageons une augmentation des recettes sur l'ordre de 3 ou 3,5 p. 100 au mieux par an. Cela nous ramène toutefois, selon moi, à une question posée plus tôt au sujet des secteurs dans lesquels ces coupures doivent s'effectuer. Je crois qu'il faut mettre l'accent sur les réductions de dépenses de programmes.

Même lorsque je parle de 4 p. 100, là encore, j'attire votre attention sur la totalité des dépenses, car c'est ce qui importe en fin de compte. Même lorsque je parle de 4 p. 100 - et c'est par an - de coupures dans les dépenses de programmes, lorsqu'on tient compte des frais d'intérêt au cours des cinq prochaines années, les réductions de dépenses totales atteignent moins de 1 p. 100 par an. Voilà la réalité actuelle.

Quelqu'un a demandé plus tôt dans quels secteurs nous allons réduire les dépenses. L'an dernier, j'avais répondu que c'est justement pour cette raison que les politiques sont élus, pour prendre ce genre de décisions difficiles. Je me contenterais de dire qu'il faudra effectuer des coupures draconiennes et comprimer considérablement les effectifs du gouvernement fédéral.

En dernier ressort, il va falloir repenser complètement la tendance vers des pouvoirs accrus aux provinces, disons, ou l'opportunité de maintenir au niveau fédéral un ministère qui fait double emploi avec celui de la province. Toutefois une chose est très claire: l'objectif final de l'exercice est une compression d'effectifs énormes à la fonction publique.

Je sais que nous souhaitons tous une reprise des dépenses à la consommation, mais en réalité, il n'existe pas de solution miracle.

Si on voit ce qui s'est passé en Nouvelle-Zélande, il a fallu 10 ans. Il faut s'attendre à la même chose chez nous. Ce problème n'est pas né du jour au lendemain, et il ne sera pas non plus résolu du jour au lendemain. Nous ne pouvons pas essayer de trouver des solutions qui s'appliquent pendant un ou deux ans, en se disant qu'il serait formidable de relancer les dépenses à la consommation et de faire tout ce qui est en notre pouvoir. Il faut adopter une stratégie à long terme. C'est peut-être l'un des écueils du fait que nous avons des élections tous les quatre ou cinq ans. Pour les élus politiques, les perspectives s'arrêtent là. En réalité, si nous voulons nous tourner vers l'avenir et essayer d'envisager notre situation financière, ainsi que notre évolution économique au début du siècle prochain, nous devons adopter une politique à beaucoup plus long terme.

Mme Stewart: Cela est compatible avec ce qu'a dit l'un de vos collègues, à savoir que nous ne récolterons pas les fruits de ces initiatives avant au moins cinq ans, voire sept ou même dix ans. C'est ce qu'il faut réussir à faire comprendre aux consommateurs, à mon avis.

M. Rosenberg: Permettez-moi de vous dire ceci. Nous sommes tous là à nous lamenter au sujet de l'endettement du gouvernement, mais les Canadiens eux-mêmes ont une dette personnelle et hypothécaire de 450 milliards de dollars. Quelqu'un l'a déjà dit plus tôt. C'est un montant record par rapport à leur revenu disponible. En dernier ressort, toutefois, le contrôle de notre structure des taux d'intérêt constitue à long terme la meilleure façon de rembourser en partie les Canadiens.

La moitié de notre dette appartient à des étrangers. Ce serait bien d'en récupérer une partie. Ce serait bien de redresser un peu nos bilans. Cela va prendre plusieurs années.

.1115

C'est toutefois, en fin de compte, la seule façon de faire accepter l'austérité financière. La plupart des Canadiens ont une hypothèque; la plupart d'entre eux ont une carte de crédit. Si on peut leur garantir une diminution des taux d'intérêt - et ce sera possible grâce à une réduction des dépenses à long terme - c'est de cette façon qu'on y parviendra. Là encore, il faudra adopter une stratégie à long terme car cela va prendre plusieurs années.

Mme Stewart: Oui mais alors ce sera véritablement rentable pour eux, par rapport à leurs paiements hypothécaires.

M. McIver: Je crois que oui.

Mme Stewart: J'ai une autre brève question. En pensant à nos cycles économiques, si ma mémoire est bonne, à cette extrémité de la table nous disions qu'une conjoncture de récession était à prévoir au cours des dernières années du siècle. À en croire les chiffres que nous a présentés M. Dungan, c'est en fait en 1997 et 1998 que vous prévoyez le plus fort taux de croissance. Qu'est-ce qui vous permet de faire de telles prévisions?

M. Dungan: Si l'on voulait contester ces chiffres, ce serait pour dire qu'aucune récession n'est prévue, même jusqu'à l'an 2000 ou au-delà. Il n'y en a pas dans ces prévisions. Je dirais qu'en fait, il y en a une mineure, mais qu'elle est exprimée sous forme de tendance. Je ne sais pas quand cette récession se produira, et ces chiffres englobent peut-être une nouvelle récession un peu comme celle que nous avons connue cette année. Cela sera compensé par une plus forte croissance une autre année, en fait.

Il existe deux courants d'opinion au sujet des récessions et du cycle commercial. Pour certains, il s'agit d'un processus assez régulier qui, un peu comme les saisons, est mu par un facteur physique presque dissimulé. Il y a une période de prospérité suivie d'une récession, et d'une autre période de prospérité. Nous savons que le cycle n'est pas aussi régulier que ça.

Il existe toutefois une autre opinion, selon laquelle certains événements économiques surgissent qui ont parfois de graves conséquences dans un sens ou dans l'autre.

Il m'est difficile d'envisager les événements susceptibles de provoquer au Canada une récession aussi grave que celle que nous avons connue - car je pense que nous parlons de récession grave ici - en 1980-1981 ou en 1990-1992, au cours de la prochaine décennie ou par la suite.

En fait, ces récessions n'ont pas été provoquées par nous, mais par des événements extérieurs. Elles ont été provoquées par la crise pétrolière des années 1970 et la réaction du resserrement des marchés financiers aux États-Unis en vue de juguler l'inflation car aucun d'entre nous n'a convenablement réagi à ce choc. Puis la gravité de notre récession, de 1990 à 1992, a été due en grande partie à un manque de concordance des actions politiques et à la décision prise par la Banque du Canada qu'il fallait en arriver à une inflation nulle.

Maintenant que nous avons réussi à réduire l'inflation, et qu'aucune crise dans le cours des produits ne se dessine à l'horizon, je ne vois aucune raison, et j'ose affirmer...

Mme Stewart: À votre avis, avons-nous cerné tous les risques éventuels en les...

M. McIver: Je n'entrevois aucun facteur susceptible de provoquer une récession aussi grave au cours de la prochaine décennie. Autrement dit, je pense que le gouvernement et les banques centrales ont épuisé toute la gamme d'erreurs possibles.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Monsieur Pillitteri.

M. Pillitteri (Niagara Falls): Messieurs, d'un côté vous nous brossez un tableau prometteur, mais de l'autre, tout cela me paraît un peu flou. Certains de nos collègues de l'opposition recommandent d'accélérer la réduction du déficit et la plupart d'entre vous semblez d'accord sur ce point.

Toutefois, je vous entends également dire qu'il faut «plus» de décentralisation; je vous entends dire qu'il faut accorder «plus de pouvoirs aux provinces».

Si je considère ce qui se passe dans certaines provinces du pays à l'heure actuelle... l'Ontario a déclaré que les réductions d'impôt stimuleront l'économie et pourtant, vous nous dites que les coupures d'impôt n'auront pas vraiment cet effet; ce sera positif à court terme mais négatif à long terme. Si l'on faisait en fait la même chose pour le reste du... les autres provinces suivraient cet exemple. Que resterait-il au gouvernement fédéral comme solution économique susceptible de préserver l'unité de notre pays?

J'ai l'impression d'entendre deux sons de cloches. Voulez-vous répondre en premier à cette question?

M. Egelton: J'aimerais replacer votre remarque au sujet des réductions d'impôt dans leur contexte. À mon avis, les taux d'imposition sont élevés à l'heure actuelle au Canada. Ils sont assez élevés pour freiner notre rendement économique, et je pense que, de ce côté-ci de la table, tous conviendront qu'il faudra un jour ou l'autre les abaisser.

.1120

Deux problèmes se posent: d'une part, les taux d'imposition sont trop élevés et, d'autre part, les déficits le sont également. M. Rosenberg a parlé de... Il faut prévoir - je ne sais plus quel montant a été mis de l'avant - quelque 14 à 15 milliards de dollars de réductions de dépenses si l'on veut équilibrer le budget. Si l'on envisage une réduction d'impôt de cinq milliards de dollars, alors il faudra réduire les dépenses de 20 milliards pour équilibrer le budget. S'il vous est difficile de trouver ces 14 ou 15 milliards de dollars, il vaudrait mieux éviter d'y ajouter cinq milliards de plus.

Le premier objectif doit être de remettre de l'ordre dans vos affaires financières. En second lieu, il s'ensuivra une diminution des impôts à l'avenir. Je pense toutefois qu'il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs et réduire les impôts avant d'avoir assaini les finances nationales.

M. Tanny: Je partage les vues de mon collègue. En fait, il est faux de dire que les réductions d'impôt ne stimulent pas l'économie, car elles ont cet effet. Le problème, c'est que, à l'heure actuelle, les effets de stimulants à court terme d'une réduction d'impôt seraient complètement absorbés par les conséquences négatives découlant de la réaction des marchés financiers qui s'inquiéteraient que, avec le temps, le déficit recommence à augmenter et que le problème de l'endettement ne soit pas résolu, etc.

Si l'on réduit en même temps les impôts et les dépenses, ce qui est une possibilité, on peut tirer profit du coup de fouet qu'entrainerait une réduction d'impôt ainsi que de la confiance des marchés financiers dans le fait que l'on est sur la bonne voie vers la réalisation d'un objectif connu de tous, un objectif que les marchés peuvent reconnaître et soutenir.

C'est pourquoi j'estime qu'une réduction des impôts est une option possible. Il vous faudra vous pencher sur la question du calendrier, c'est-à-dire le moment auquel cette réduction d'impôts doit avoir lieu et le rapport existant avec les réductions de dépenses que vous souhaitez entreprendre. Quoi qu'il en soit, c'est une stratégie possible.

Toutefois, j'aimerais revenir à deux questions qui ont été posées. Fondamentalement, quel genre de réductions de dépenses peut-on concevoir? Loin de moi l'idée de vous faire des suggestions à cet égard. Vous êtes déjà grassement payés pour prendre ce genre de décisions.

J'aimerais toutefois dire que vous avez raison de demander, avec un certain sentiment de frustration et de désespoir, dans quels secteurs on pourrait bien effectuer d'autres coupures. Il n'est plus possible de bricoler à droite et à gauche. La plupart des réductions de dépenses faciles ont déjà été faites. En outre, ces réductions dont nous parlons ne sont pas tant des coupures en tant que telles qu'une restructuration fondamentale, une approche différente, un examen de la situation et la découverte de nouvelles orientations.

Comme on dit au sujet des paradigmes «le changement se produit». C'est en réalité la situation dans laquelle vous vous trouvez en ce moment: le changement se produit et il vous incombe d'y faire face.

Pour en revenir à votre question au sujet de l'absence de récession - et cela fait partie intégrante de toute cette question - mon collègue M. Dungan nous a expliqué son opinion personnelle, mais j'aimerais peut-être vous donner un autre point de vue.

Il est tout à fait possible d'examiner les chiffres de M. Dungan et de se demander où est la récession. Celle-ci peut être dissimulée dans ces chiffres et modélisée en général, ce qui donne des résultats plus ou moins mitigés. Cela donne plutôt une idée générale de la tendance future.

À l'intérieur de cette tendance, il pourrait y avoir une sorte de marasme, suivi par une croissance plus forte l'année suivante ou au cours des 18 mois suivants, ou autres, pour retomber sur nos pieds. Ainsi, en moyenne, la croissance prévue par M. Dungan n'est que d'environ 4 p. 100.

C'est un niveau beaucoup plus faible que la croissance que le Canada a connue, disons, dans les années 1950 et 1960 et au début des années 1970. Il est très inférieur à ce que l'on a connu pendant les sept années de croissance qui ont suivi la récession très difficile de 1981-1982.

Contrairement à mon collègue, j'ai une imagination très fertile. Je peux imaginer plein de choses qui plongeraient l'économie dans une grave récession en 1998 ou 1999, ou peut-être même en fait en 1997.

Mais même compte tenu de cela, je crois que la croissance qu'il envisage n'est pas excessive ni irréalisable. Le Canada a connu des niveaux records au chapitre des dépenses d'investissement destinées à accroître notre productivité et notre capacité de pénétration des marchés étrangers.

Disons que nous maintenons ce cap et que nous pouvons conjuguer cela à la détermination du gouvernement d'améliorer les finances publiques; à ce chapitre, c'est malheureusement davantage un problème d'endettement que de déficit, ce qui veut dire que c'est un problème à long terme. Nous avons le choix: nous pouvons transmettre ce problème à nos enfants, ou bien nous pouvons aider à le résoudre dans l'intérêt de nos enfants. Je crois qu'alors, nous rendrions service à long terme à notre économie.

En fait, je ne sais pas si M. Dungan vous a montré ses projections après l'an 2000, mais on peut en fait envisager des perspectives économiques beaucoup plus favorables pour le Canada si nous nous orientons dans la bonne voie au cours des deux ou trois prochaines années.

.1125

Ce qui m'amène enfin à mon dernier point. Je crois que vous devez être prêts à consentir des sacrifices importants dont vous ne pourrez pas récolter les fruits pendant votre mandat au pouvoir, pour ceux d'entre vous qui êtes au pouvoir. Les avantages ne seront peut-être pas manifestes aux yeux de l'électorat, pas même aux prochaines élections, quoiqu'il faut espérer que si nous prenons les mesures voulues, il y aurait alors des perspectives encourageantes, tout au moins pour ceux qui veulent bien se donner la peine de les discerner.

M. Johnson: Au sujet des taxes, je pense que beaucoup de gens veulent que les impôts baissent au moment opportun et qu'ils restent bas. Dans un monde idéal, si nous n'avions pas de problèmes d'endettement, les gens auraient l'impression, au moment où une baisse d'impôt est décrétée, qu'il s'agit d'une baisse permanente, et cela est avantageux pour l'économie. Toujours dans un monde idéal, si les gens n'ont pas l'impression que cette baisse d'impôt est permanente, les résultats ne seront pas les mêmes.

Je pense que vous faites allusion à l'Ontario. Beaucoup de gens en Ontario, à l'heure actuelle, n'envisagent pas qu'une baisse d'impôt sera permanente. Le gouvernement suivant pourrait l'abolir et cela n'a donc pas les avantages attendus par le gouvernement.

M. Clinkard: Je pense que nous avons mis l'accent sur les baisses d'impôts qui sont un important stimulant de la croissance et que nous avons négligé le fait que les taux d'intérêt ont réagi et je ne vois aucune raison qu'ils ne réagissent pas de nouveau.

Voyons ce qui se passe aux États-Unis. Je pense que les marchés ont déjà anticipé une baisse des taux d'intérêt à la suite de l'adoption d'un plan visant à équilibrer le budget en sept ans, y compris une baisse des impôts. Les marchés ont réagi positivement. Je crois que nous devrions concentrer nos efforts sur un seul aspect, parce que les taux d'intérêt sont le plus lourd de tous les impôts; tout le monde est touché, pas seulement les consommateurs.

M. Pillitteri: Je crois que nous avons affaire à de vrais politiciens. Aucun d'entre eux ne veut répondre à la question sur la force du gouvernement central et la dévolution de pouvoirs aux provinces. Cela faisait partie de ma question. Il est préférable d'avoir un gouvernement central pour régler la politique financière de l'ensemble du pays, plutôt que de s'en remettre aux provinces. Quelqu'un veut-il prendre le relais?

Le président: Oh, oh, nous avons ouvert une véritable boîte de Pandore.

Je veux être juste envers les autres députés, monsieur Pillitteri, et je vais donc autoriser seulement deux brèves réponses à votre question.

[Français]

Monsieur Gignac.

M. Gignac: Vous avez abordé un sujet assez intéressant. Force est d'admettre - et mes clients le savent dans la mesure où 80 p. 100 de mes clients sont établis en dehors du Québec, dont la majorité à Toronto - que je me tiens assez loin des enjeux politiques.

Permettez-moi, à titre d'économiste, de vous indiquer mes vues à cet égard. Je ne pense pas que la réduction du déficit fédéral et la décentralisation des pouvoirs sont incompatibles. Si le Québec et l'Ontario sont aux prises avec des déficits élevés, et cela va sans dire, il est vrai qu'ils ont traîné de la patte en matière d'assainissement budgétaire, et nous aurons des recommandations très précises à faire au gouvernement du Québec et de l'Ontario à ce sujet.

Il faut aussi admettre qu'à ce jour, on a assisté plus à la décentralisation du déficit qu'à la décentralisation des pouvoirs. Pour utiliser une boutade que notre ministre de la Défense nationale a faite hier, si on n'a plus les moyens d'avoir une Cadillac, il faut penser à un Chevrolet! Peut-on m'expliquer la raison pour laquelle, à un moment où le gouvernement fédéral est devenu un participant minoritaire au financement de la santé et de l'éducation - il participe dans une mesure de 30 à 40 p. 100 aux programmes étant provinciaux - , il continue à maintenir des normes très rigides dans tous ces programmes?

Il est vrai que le Québec et l'Ontario traînent de la patte au niveau de l'assainissement des finances publiques. Il faut aussi penser que ces provinces sont le coeur du secteur industriel au Canada et qu'elles ont dû s'adapter au libre-échange et à la rationalisation. Cependant, je ne suis pas prêt à conclure qu'une décentralisation des pouvoirs est la solution. On peut penser que certains pouvoir peuvent le mieux s'exercer au palier provincial, mais l'inverse est aussi vrai: certains pouvoirs s'exercent peut-être mieux au palier fédéral.

.1130

On pourrait citer des cas. C'est peut-être plus politique. Il y des domaines où c'est le gouvernement fédéral qui devrait être responsable et d'autres où ce devrait plutôt être le gouvernement provincial.

À ce jour, on a assisté à la décentralisation du déficit sans donner aux provinces la souplesse qu'elles devraient avoir. Dans certains programmes, on devrait peut-être avoir une Chevrolet plutôt que des normes fédérales qui servent à maintenir la Cadillac. À ce moment-là, on aurait probablement une réduction de tous les déficits publics.

Le président: Merci, monsieur Gignac. Monsieur Rosenberg, vous avez la parole.

[Traduction]

M. Rosenberg: Ce sera difficile de faire aussi bien que l'intervenant précédant. Je suis entièrement d'accord avec ce que M. Gignac a dit. Je dirais que nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut faire des compressions de dépenses, mais la grande question, c'est de savoir où couper.

Quand on envisage les différents secteurs où seront opérées ces compressions, je trouve que ce serait absurde de ne pas regarder du côté des chevauchements entre les divers ordres du gouvernement. Si j'ouvre l'annuaire téléphonique, je constate qu'il y a par exemple un ministère fédéral de l'Environnement et puis des ministères de l'Environnement dans chacune des provinces. Je pense qu'il faut commencer à réfléchir à tout cela. Pourquoi ce double emploi? Dans quels domaines pourrions-nous économiser en le réduisant? Cela me semble important.

Il est très important de repenser l'appareil gouvernemental de fond en comble. Peut-être faudrait-il réfléchir à ce que le gouvernement offrait aux Canadiens dans les années 1940 ou même les années 1930, puisqu'il est question de ne fournir que l'essentiel, qu'il s'agisse de la sécurité nationale, de l'infrastructure, etc.

La réalité, c'est que pour atteindre nos objectifs financiers et reprendre en main les taux d'intérêt, il faudra en fin de compte opérer des coupes sombres dans les dépenses gouvernementales, d'une manière générale, et cela voudra dire donner davantage de pouvoirs aux provinces. À mes yeux, les deux vont de pair.

C'est bien beau de siéger à Ottawa et, à titre de politiques fédéraux, vous répugnez peut-être à renoncer à des pouvoirs, mais quelqu'un s'est-il demandé si c'était peut-être ce que les Canadiens veulent? Peut-être que les Canadiens veulent que leurs politiques locaux, qui sont plus proches des besoins de la collectivité, soient chargés au bout du compte d'administrer ces programmes ou de les contrôler de plus près. Si c'est ce que les Canadiens veulent - et je ne dis pas que c'est le cas - alors cela devrait faire partie intégrante de notre plan visant à équilibrer un jour le budget fédéral.

Le président: Pourquoi avoir dix régimes de taxe de vente au détail quand on pourrait se contenter d'un seul?

[Français]

J'aimerais revenir à M. Loubier, s'il vous plaît.

M. Loubier: J'aimerais faire un commentaire sur la décentralisation. On a trois indices sur la direction que le gouvernement fédéral veut prendre. Le premier indice, ce sont les deux premiers budgets du ministre Martin, où on a parlé - et M. Gignac en a fait mention - d'un pelletage en règle du déficit dans la cour des provinces. Donc, la perspective qui s'ouvrirait au cours des prochaines années serait encore de couper dans les transferts aux provinces, de transférer la responsabilité d'un gouvernement irresponsable au niveau du contrôle de ses finances publiques.

Le deuxième indice est venu de M. Ouellet durant la campagne référendaire, alors qu'il disait que l'élimination des duplications et des chevauchements reviendrait aux provinces, car c'était elles qui les avaient créés, même si dans certains domaines, comme l'éducation, l'aide sociale et la formation de la main-d'oeuvre, le gouvernement fédéral a investi allègrement dans des secteurs de compétence provinciale.

Hier, vous avez eu la réponse sur la décentralisation du premier ministre Jean Chrétien, qui est en Australie. Il disait que ce serait probablement aux provinces de faire le premier pas et de se retirer des secteurs, même sans déterminer si les provinces étaient mieux placées que le gouvernement fédéral pour rendre les services en question.

Je vous dis que vous rêvez en couleur quand vous parlez de décentralisation, à moins que vous ne parliez de décentralisation du déficit. Sur cela, je suis d'accord avec vous. C'est ce que le gouvernement fait depuis deux ans.

J'ai une question à vous poser. On a évacué de la discussion la question de la réforme de la fiscalité. Je la considère primordiale et cruciale, étant donné l'évolution de l'économie au noir et étant donné les diverses possibilités qui s'offrent aux contribuables - quand je parle des contribuables, je ne parle pas seulement des individus, mais aussi des entreprises - , de faire certaines fuites fiscales, que le vérificateur général a évaluées, en 1992, à environ 16 milliards de dollars.

Qu'est-ce que vous pensez de cet aspect de la nécessité d'une réforme fiscale qui n'a pas été faite depuis 30 ans comme objectif en vue de reprendre le contrôle des finances publiques canadiennes?

.1135

Le président: Voulez-vous une réponse concernant la décentralisation ou le marché noir?

M. Loubier: Ma question ne porte pas sur la décentralisation. Elle porte sur la réforme fiscale.

Le président: Vous avez fait des commentaires, et ils ont le droit d'y répondre s'ils le veulent. Nous allons commencer par M. Gignac.

M. Gignac: Soucieux de conserver la neutralité politique que j'affiche depuis 20 ans et ayant fait partie du camp des discrets durant la dernière campagne référendaire, permettez-moi de prendre un peu mes distances par rapport aux commentaires de M. Loubier.

Dans mes commentaires, je ne voulais pas faire un procès d'intention au gouvernement fédéral et dire qu'il voudra encore décentraliser son déficit. J'ai dit que par le passé - et je pense que même l'ancien premier ministre Bob Rae l'avait dit aussi - , on avait assisté à la décentralisation du déficit fédéral. Donc, je disais qu'il y avait eu décentralisation du déficit dans le passé. Je ne fais pas de procès d'intention. Je ne dis pas qu'on assistera encore à une décentralisation du déficit.

Cela étant dit, j'ai simplement voulu mettre un peu en contradiction deux poids, deux mesures. Lorsqu'on est dans un champ de compétence fédérale comme la défense, on admet d'emblée qu'on n'a plus les moyens d'avoir une Cadillac, mais le gouvernement y va cependant avec une camisole de force pour maintenir la Cadillac en ce qui a trait à notre filet de sécurité sociale. C'est ce que j'ai voulu dire.

Au niveau de la réforme fiscale, il faut penser qu'on est dans un contexte de libre-échange. On est en Amérique du Nord. On n'est pas sur une petite île de l'océan Pacifique. La mobilité des entreprises et des individus est très grande. On peut toujours rêver de taxer les riches, les grosses entreprises et les grandes banques. Je pense qu'elles doivent faire leur part et je suis d'avis que toutes les subventions aux entreprises, dans les années 1990, n'ont plus de raison d'être.

On ne peut pas faire subir des sacrifices aux citoyens ordinaires et en même temps continuer à verser des subventions aux entreprises. Vous trouvez sans doute un peu surprenant qu'un économiste stratégiste oeuvrant dans le milieu financier vous dise cela, mais il faut être juste. Si une entreprise ne peut pas boucler son budget dans les années 1990 sans subventions, elle ne mérite tout simplement pas d'exister.

En même temps, le comité doit se garder de s'enfermer dans une tour d'ivoire ou d'avoir recours à une boule de cristal en préconisant un taux de taxation qui s'éloignerait de celui des Américains. Une bonne partie de la population vit très près de la frontière et on est dans un contexte de libre-échange.

M. Loubier: Permettez-moi de préciser ma question sur les fuites fiscales. On s'est aperçu que les cinq grandes banques canadiennes avaient 50 succursales dans les Caraïbes. Ça n'a pas de bon sens. Il y a quelque chose qui cloche quelque part. On ouvre le journal et on s'aperçoit qu'il y a des échanges de crédits d'impôt et de déductions fiscales entre les entreprises. On se les vend lorsqu'on ne les utilise pas.

Aux États-Unis, on a déjà amorcé une réforme en profondeur de la fiscalité des entreprises et des contribuables. Il y a des idées intéressantes qui sont véhiculées, par exemple celle de l'impôt unique, à un seul taux, dont Pierre Fortin, un de vos collègues, a proposé la discussion cette année. Il ne s'agit pas d'augmenter le taux de taxation des entreprises à un niveau supérieur à ce qu'on a en Amérique du Nord et dans le monde. Comme vous l'avez dit, on est dans un monde qui s'internationalise. Il y a aussi une liberté de circulation des capitaux. Je ne peux cependant pas croire qu'il n'y a rien à faire pour corriger la fiscalité, pour en arriver à la rendre plus équitable et à boucher les trous s'il y en a. On l'a fait aux États-Unis et on continue à le faire. Pourquoi ne le ferait-on pas ici? C'est en ce sens que je suis intervenu.

[Traduction]

Le président: Monsieur Egelton.

M. Egelton: Je crois que nous sommes assez mal placés pour commenter ce type de mesures fiscales parce que je crois que personne ici n'est un fiscaliste expert. Il y aurait bien des choses à dire sur le pour et le contre de la décentralisation.

Ce qui me préoccupe dans cette discussion, c'est que cela donne l'impression qu'il y a une baguette magique qui permettra de résoudre ce problème: nous avons un problème de déficit, mais ce dernier disparaîtra si nous faisons payer les riches; il va s'évaporer si nous décentralisons et si nous supprimons le double emploi et les chevauchements, de telle sorte que nous n'aurons pas besoin de supprimer les services, personne ne sera touché et il n'y aura plus de problèmes. Je ne pense pas que ce soit réaliste.

Quel que soit le niveau de gouvernement qui est chargé d'assurer un service donné, ce service devra être réduit, parce que les impôts sont déjà trop élevés. Il n'y a pas à en sortir. Il y a peut-être certaines inégalités fiscales auxquelles on peut remédier de part et d'autre, et il y a peut-être un peu de double emploi et de chevauchement, mais je ne pense pas que cela représente 15 ou 20 milliards de dollars.

.1140

Le président: Monsieur Tanny, soyez bref, je vous prie.

M. Tanny: Je veux seulement dire que notre régime fiscal a subi des changements constants depuis une dizaine d'années. J'ai l'impression que l'on a opéré une réforme fiscale en profondeur simplement pour réformer la réforme précédente, après quoi on se met à la tâche de réformer le tout. Je ne suis pas sûr de bien comprendre pourquoi on laisse entendre que nous ne pouvons pas faire de réforme ou que nous ne l'avons pas fait. Il me semble que l'ont n'a pas cessé de faire des réformes. En fait, on s'est justement demandé si nous devrions aller plus loin et changer la TPS, laquelle venait tout juste d'être créée, etc. C'est mon premier point.

J'ajoute simplement que je suis bien d'accord pour dire que tous devraient payer leur juste part en conformité des règles qui existent en un moment donné; il est donc logique de déployer des efforts pour s'attaquer à l'économie souterraine. On ne devrait pas surestimer l'ampleur de cette économie, ni le coût de s'y attaquer. Il faut que les efforts déployés en ce sens soient mesurés en termes d'avantages-coûts. Mais enfin, je loue les efforts qu'on a faits dans ce dossier.

Troisièmement, il ne faut pas oublier qu'en vertu du système de transferts actuel, près de 18 p. 100 de tout le revenu des particuliers au Canada est associé aux paiements de transfert. C'est presque un dollar sur cinq. Le niveau de redistribution du revenu est déjà très élevé au Canada. Il ne faut pas oublier ce facteur au moment d'envisager d'autres mesures.

Le président: Merci, monsieur Tanny.

M. Grubel (Capilano - Howe Sound): C'est toujours un plaisir d'accueillir un groupe de personnes qui savent sÂexprimer de façon logique. Je tiens à les remercier de l'honnêteté dont elles ont fait preuve lorsqu'elles ont reconnu le caractère précaire de toutes ces prévisions.

Je me demande si vos modèles font état des changements importants qui ont été apportés au niveau de la politique micro-économique, c'est-à-dire la réforme du régime d'assurance-chômage amorcée par le gouvernement fédéral et la réforme du système d'aide sociale entreprise en Ontario et dans d'autres provinces. Nous savons tous que ces mesures vont sans doute entraîner une amélioration de l'efficacité du marché du travail. Elles devraient contribuer à réduire le chômage, à encourager la création d'emplois et, de manière générale, à stimuler l'économie. C'est du moins ce que laissent entendre certains observateurs. Je me demande si vos modèles font état de ces changements.

Je connais les députés libéraux de ce comité depuis assez longtemps pour savoir qu'il y a deux facteurs au sujet des réductions de dépenses qui les préoccupent. D'abord, il y a le simple coût politique, qui s'explique par le fait que le gouvernement estime qu'il doit intervenir dans certains domaines pour le bien du peuple. Ensuite, il y a les effets qu'entraînerait l'application des théories générales keynésiennes sur la demande globale, qui puisqu'elles provoqueraient une hausse du chômage et un ralentissement plus grand de l'économie.

Concernant le dernier point, si nous revenons aux explications et aux réponses qu'ont données MM. Gignac et Tanny à la question fportant sur la réduction des impôts, ne serait-il pas logique, par conséquent, de présumer que si vous réduisez les dépenses, que vous indiquez clairement que vous voulez équilibrer le budget, que vous maîtrisez la situation, cela aurait un impact sur les investisseurs nationaux et étrangers et sur les consommateurs, et donc sur le taux de croissance que vous avez prévu? En fait, nous serions agréablement surpris si le gouvernement décidait de prendre de telles mesures. Est-ce que vos modèles tiennent compte de ce facteur?

M. Hracs: Nous avons parlé plus tôt des effets qu'une nouvelle récession pourrait avoir sur nous. Toutefois, j'estime que si nous intervenions dès maintenant, nous serions mieux en mesure de nous protéger contre les risques d'une récession, peu importe son ampleur. Nous devons agir dès maintenant pendant que l'économie est assez solide. Nous devons nous munir d'une sorte de police d'assurance pour nous protéger contre le pire. Je crois que cela aura un effet positif sur notre performance, à court et à long terme.

.1145

M. Fairholm: J'aimerais revenir à notre modèle économique.

Essentiellement, si vous réduisez considérablement les dépenses, vous freinez la croissance économique à court terme. Toutefois, si vous réduisez les taux d'intérêt, la croissance économique va reprendre. À très long terme, les faibles taux d'intérêt vont entraîner une hausse des investissements, et donc une augmentation de l'offre. Par conséquent, les avantages se font sentir à long terme.

M. Grubel: Dans quelle proportion?

M. Fairholm: Dans notre modèle, la croissance économique diminue la première année; toutefois, cette diminution est fonction de la période visée par les réductions. Si vous réduisez les dépenses sur une période de deux ou de trois ans, l'économie se contracte d'abord, en fonction des réductions qui sont décrétées, et se redresse ensuite vers la troisième ou la quatrième année pour devenir encore plus forte.

M. Grubel: Mais ces réductions ne représentent qu'un infime pourcentage du PIB; elles se situent presque à l'intérieur de la marge d'erreur.

M. Fairholm: Il faut tenir compte du point de référence. Vous réduisez les dépenses, vous passez sous le point de référence et ensuite au-dessus de celui-ci.

M. Grubel: Je comprends. Mais vous avez dit que nous devons supprimer 15$ milliards pour parvenir à équilibrer le budget. Cela équivaut à 5$ milliards par année sur trois ans. Quelle sera la croissance économique au cours de cette période? Elle sera presque négligeable dans l'ensemble du Canada, si l'on tient compte des fluctuations habituelles enregistrées au niveau de la demande dans les secteurs du tourisme, des exportations, des importations, ainsi de suite.

Je cherche tout simplement à connaître l'importance de ces réductions.

M. Fairholm: Permettez-moi de vous donner un exemple. Si vous réduisez les dépenses de 1 p. 100, il y aura un effet multiplicateur à court terme. L'activité économique s'en ressentira, de sorte que le PIB enregistrera une baisse ou une réduction de plus de 1 p. 100 comparativement à ce qu'elle aurait été autrement. En bout de ligne, cette baisse à court terme s'estompera et se traduira, plus tard, par une hausse. Tout dépend de l'angle sous lequel vous analysez le problème.

Si l'économie enregistre une croissance de 1 p. 100 et que vous réduisez les dépenses de 1 p. 100, l'effet ne sera pas nul. Si l'économie enregistre une croissance de 5 p. 100 et que vous réduisez les dépenses directes de 1 p. 100, l'effet net sera un peu plus de 1 p. 100. Ce qui veut dire que la croissance sera non pas de 5 p. 100, mais de 3,8 p. 100 par exemple. C'est le genre de scénarios qu'il faut envisager. En bout de ligne, nous sortirons gagnants.

M. Grubel: Je comprends. J'essayais tout simplement de situer toutes les coupures que vous avez prévues dans leur contexte. Est-il inhabituel d'avoir de telles fluctuations pour arriver à équilibrer rapidement le budget? Est-ce qu'on peut en observer les effets, que ce soit sur une base quotidienne ou mensuelle, dans les exportations des produits forestiers ou de l'activité touristique, que la saison estivale ait été bonne ou non?

Quoi qu'il en soit, l'économie n'est pas à l'abri de tous ces chocs aléatoires. Une fois qu'elle aura atteint cette petite taille, ne pourrons-nous pas assimiler ce phénomène à un choc aléatoire plutôt qu'à un choc d'envergure?

M. Fairholm: Cela dépend de l'importance du choc par rapport à la taille de l'économie.

M. Grubel: Eh bien, vous avez cité des chiffres.

Le président: Autrement dit, est-ce qu'une réduction de 15 milliards de dollars dans le régime d'assurance-chômage aurait un impact négatif sur les chômeurs?

[Français]

Monsieur Gignac, vous avez la parole.

M. Gignac: Comme vous le savez, la science économique n'est pas une science exacte. Il est évident que des coupures supplémentaires ont, à court terme, un effet restrictif sur l'économie.

Cependant, dans la mesure où l'endettement est un phénomène récent des années 1980-1990, nos modèles économétriques des 30 à 40 dernières années ne sont guère utiles pour évaluer ou quantifier l'impact.

Prenons le gros bon sens. Aux États-Unis, alors qu'on est sur la voie de l'assainissement budgétaire, les taux réels, définis comme étant les taux à long terme moins l'inflation, qui étaient de 5,5 p. 100 dans les années 1980, sont maintenant de l'ordre de 2,7 à 3 p. 100. On a beaucoup coupé dans le secteur de la défense; on a beaucoup assaini du côté des dépenses. Regardez la croissance économique, l'expansion économique! Pourquoi?

.1150

Parce qu'à moyen et long termes, les perspectives économiques d'un pays tiennent davantage aux perspectives d'investissement et de réduction des taux réels.

Dans un pays comme le Canada, dont 40 p. 100 de la dette sont détenus par des étrangers, ce n'est pas la Banque du Canada qui contrôle les taux d'intérêts en appuyant sur un bouton. Cela se situe au niveau de la perception des étrangers. Donc, à court terme, il faut couper davantage, ce qui a un effet restrictif. Il ne fait aucun doute que si nous avons un équilibre budgétaire d'ici trois ans et qu'il y a une récession aux États-Unis, dans la mesure où le tiers de notre économie dépend des exportation, nous serons touchés.

Cependant, les leçons au plan international nous enseignent que les pays ayant atteint l'assainissement budgétaire sont beaucoup moins vulnérables au niveau des taux d'intérêts lorsqu'on vit une récession. Ces pays passent mieux au travers d'une récession. Leur devise est moins secouée.

Cette fois-ci, je suis assez en faveur de l'approche du gouvernement fédéral, celle de se constituer un bas de laine au niveau de la caisse de l'assurance-chômage. Le défaut du précédent gouvernement a été qu'en pleine récession, il a augmenté les cotisations à l'assurance-chômage, aggravant ainsi la situation. Cette fois-ci, si on pose un geste de prudence, d'assainissement budgétaire et si on prévoit un certain bas de laine en vue du prochain ralentissement économique au niveau de la caisse de l'assurance-chômage, on ne sera pas obligé d'aggraver la situation en augmentant les prestations.

Donc, ne soyons pas naïfs. S'il y a une récession aux États-Unis, nous serons affectés, mais il ne faut pas conclure que l'assainissement budgétaire n'aura rien donné. Au contraire, ça aura donné quelque chose. J'ai parlé de cinq à sept ans avant qu'on voie les dividendes, lorsqu'on a à faire des sacrifices et à avaler des politiques un peu indigestes, mais la réduction des taux réels, selon l'expérience des États-Unis, est la clé d'une perspective économique plus reluisante et des investissements. Je dis que la balle est dans la cour des parlementaires et de nos gouvernements.

Le président: M. Clinkard a indiqué qu'il aimerait dire quelque chose et deux autres députés voudraient poser des questions. On pourrait ensuite terminer par un résumé de 30 secondes par chacun de nos participants.

Monsieur Clinkard.

[Traduction]

M. Clinkard: En fait, les dépenses ne sont pas réduites instantanément. Les réductions se font progressivement, ce qui contribue à amortir le choc.

Les taux d'intérêt, eux, ont tendance à fluctuer à court terme. Toutefois, ils ont tendance à fluctuer plus rapidement lorsque les marchés se concentrent sur ce point positif. Donc, dans un sens, il est vrai que ces effets ne se font pas sentir de façon ponctuelle. Ils sont plus évidents au bout de l'année, mais les chocs ont été absorbés avec le temps et leur impact amorti.

Merci

[Français]

M. Discepola: Croyez-vous que le taux de croissance de 2,5 p. 100 pour le Canada serait le même pour la province de Québec?

M. Gignac: À la lumière des indicateurs économiques récents, il est évident que le Québec tire de la patte en matière de croissance économique. Je pense qu'en raison des choix budgétaires assez difficiles qui devront être faits, notamment l'adoption, à Québec, du même «fuseau horaire» qu'à Washington, si on peut s'exprimer ainsi, il y aura un certain ralentissement économique ou, du moins, la croissance économique sera inférieure à la moyenne nationale au Québec l'an prochain, si telle était votre question.

M. Discepola: Ma deuxième question s'adresse à tous. Pourquoi devrait-on croire vos prévisions? Quelques-uns d'entre vous ont dit qu'en 1990, aucun économiste n'avait pu prévoir le fait qu'il y aurait une récession. L'an dernier, ce comité a entendu des témoins dire que le taux de croissance serait de l'ordre de 3,8 à 4 p. 100, et maintenant, il y a des économistes, autour de la table, qui félicitent notre ministre des Finances d'avoir adopté la solution la plus prudente.

.1155

Pourquoi devrait-on croire que, cette année, le taux de croissance de 2,5 p. 100 sera le bon? Est-ce qu'on devrait jouer de prudence encore cette année et, si oui, pourquoi?

[Traduction]

Le président: Monsieur McIver...

[Français]

M. Gignac: Comme l'économique n'est pas une science exacte, les économistes doivent rester très modérés dans leurs prévisions. L'expérience nous démontre d'ailleurs que le ministre des Finances fait preuve de sagesse lorsqu'il émet des hypothèses prudentes. Donc, étant donné le caractère inexact de notre science, il est tout à fait réaliste de faire des prévisions de l'ordre de 1 p. 100 de moins pour la croissance économique et de 0,5 p. 100 à 1 p. 100 de plus pour les taux d'intérêt.

Cela dit, pourquoi ne pas utiliser les prévisions du ministère des Finances qui, admettons-le, ont été plus justes que celles du secteur privé au cours des 10 dernières années? Parce que les marchés financiers pourraient penser que ces prévisions sont beaucoup moins neutres et beaucoup plus assujetties à des pressions politiques. Par conséquent, je pense qu'il est préférable de continuer à travailler avec les prévisions du secteur privé en y ajoutant des balises pour être plus prêts de la réalité.

Jamais les Canadiens ne vous reprocheront d'avoir été trop prudents dans votre budget et d'avoir, comme c'est le cas cette année, un déficit moindre que ce qui avait été prévu. Ce qu'on ne veut pas, c'est la répétition de ce qu'on a observé au cours des 10 dernières années.

Le président: M. McIver aimerait ajouter quelque chose.

[Traduction]

M. McIver: Ces prévisions économiques me paraissent peu fiables. Vous essayez d'établir des paramètres, des balises qui vous permettront d'établir un plan financier.

Les prévisions économiques ne sont pas plus fiables que les prévisions financières. Les prévisions financières du gouvernement n'ont jamais été fiables. Ce n'est pas une tâche facile. Il faut tenir compte de certains paramètres pour les établir.

À mon avis, il est préférable non pas seulement de se doter d'un plan d'urgence, d'un fonds de prévoyance lorsqu'on établit un budget, mais d'un plan d'urgence qui tient compte des tendances observées dans le passé. Par exemple, en 1994, on avait prévu un taux de croissance de 3 p. 100 alors qu'il a été de 4,6 p. 100, et des recettes de 8 p. 100 alors qu'elles n'ont été que de 6,3 p. 100, même si le PIB a enregistré une plus forte augmentation.

J'aimerais que l'on ait un plan qui permette de dire aux Canadiens que si on s'aperçoit au cours de l'année que les recettes et les dépenses ne semblent pas correspondre aux prévisions, on est explicitement prêt à prendre les mesures suivantes ou à apporter les changements suivants.

M. Discepola: Monsieur le président, j'ai une question à poser; cela va me prendre une seconde.

Le président: C'est vraiment la qualité des questions qui compte, plutôt que le temps qu'elles représentent, monsieur Discepola...

Des voix: Oh, oh!

Le président: Étant donné qu'elle est si parfaite, nous vous permettons de poursuivre.

M. Discepola: Je veux deux choses.

J'ai une question à poser à M. Rosenberg, ainsi qu'à M. Dungan. Vous avez tous les deux fait mention de la décentralisation.

La question que je souhaite poser à M. Rosenberg est plutôt une observation. Il y a quelque chose qui m'ennuie toujours et qui semble se produire plus fréquemment, surtout pendant une période référendaire au Québec. Je suis parfaitement d'accord avec vous lorsque vous parlez de décentralisation, mais il me semble que c'est toujours une voie à sens unique au lieu d'une voie à double sens. Dans l'exemple que vous avez donné au sujet de l'environnement, vous laissez entendre que peut-être il faudrait dix ministères de l'Environnement au lieu d'un seul. Je vous mets en garde, étant donné que les rivières et les lacs pollués, ainsi que les pluies acides ne respectent pas les frontières provinciales.

Dans votre cas, monsieur Dungan, je me demande si le gouvernement n'avait pas eu de politique énergétique nationale en 1980, si les provinces du Québec et de Terre-Neuve, par exemple, en auraient tiré avantage, comme cela a été le cas. La décentralisation sera facile à appliquer si on veut vraiment l'adopter. Jusqu'à présent, les provinces en veulent toujours plus. Aucune province ne vient vers nous, comme la province du Québec, pour nous dire qu'elle est la seule à percevoir les impôts, qu'elle confiera cette tâche au gouvernement fédéral. Est-ce que vous me suivez?

.1200

J'espère que nous réaliserons la majeure partie de la décentralisation, mais je crois que la charge de la preuve à cet égard incombera au gouvernement fédéral.

J'en arrive à mon dernier commentaire. En tant qu'économistes, vous pouvez citer des chiffres, des pourcentages et des taux d'intérêt, mais il ne faut pas oublier dans nos politiques, que derrière chacun de ces chiffres se trouve un être humain.

Je vous demande d'indiquer à main levée combien parmi vous sont prêts à renoncer à leur pension du gouvernement, lorsqu'ils atteindront l'âge de la retraite, si leur revenu annuel est d'au moins 50 000$?

M. Grubel: Ce que vous proposez est tout à fait incongru.

Le président: Écoutez, nous tous sommes...

M. Discepola: Nous tous?

Le président: Nous savons que nous tous devrons faire des sacrifices si nous voulons parvenir à notre...

M. Grubel: C'est incongru et stupide.

M. Discepola: Bienvenue, Herb. Le problème ne se posera plus lorsque l'économie sera remise sur pied. Est-ce ce que vous voulez dire?

Le président: Monsieur Johnson, voulez-vous répondre brièvement?

M. Johnson: Oui, monsieur, très brièvement.

Je pense, comme beaucoup de mes voisins, amis et collègues, que nous n'aurons certainement pas de retraite. C'est terminé.

Le président: Merci, monsieur Johnson. Merci, monsieur Discepola.

Monsieur St. Denis.

M. St. Denis (Algoma): Merci, monsieur le président, et merci à vous tous d'être présents.

Ma tactique est un peu différente. Hier, j'ai posé la question de la productivité au gouverneur de la Banque du Canada.

Veuillez m'excuser d'être en retard ce matin, mais je suppose qu'il n'a pas traité de cette question générale.

Pour les profanes, la productivité est une mesure de notre capacité à transformer les ressources naturelles et humaines en richesses, en niveau de vie amélioré, en biens de consommation, etc.

Je crois que M. McIver a souligné un point important. À la fin des années 90, le gouvernement est beaucoup moins en mesure de stimuler les choses qu'il y a dix, vingt ou trente ans.

Ma question est à deux volets. Si nous partons de ce principe, y a-t-il des éléments non financiers que nous pouvons utiliser pour influer sur la productivité? Comment notre pays se compare-t-il aux autres, à certains de nos grands partenaires commerciaux, au chapitre de la productivité? Utilisons-nous efficacement et correctement les ressources humaines et naturelles que nous avons la chance d'avoir, pour le bien des Canadiens?

M. McIver: Nous nous en sortons beaucoup mieux qu'auparavant. C'est parfaitement clair, puisque notre compétitivité en matière de coût par rapport aux États-Unis s'est bien améliorée.

En ce qui concerne les autres pays, cela n'a pas beaucoup d'importance, car nous ne partageons pas une frontière internationale de 3 000 milles avec l'Europe; nous la partageons avec les États-Unis.

Quant aux mesures que nous pouvons prendre qui ne seraient pas des mesures financières et monétaires, je pense qu'il y a beaucoup à faire. Je crains que cela ne nous ramène à la question du gouvernement fédéral et des provinces, car c'est le milieu de la réglementation que l'on peut changer.

Si l'on prend l'exemple de la province de l'Ontario et de l'État du Kentucky, on remarque d'énormes différences dans la réglementation du travail de ces deux marchés, différences qui ont permis au Kentucky, et à la «Sunbelt» des États-Unis en particulier, d'améliorer leur productivité et leur compétitivité beaucoup plus rapidement que nous avons pu le faire.

M. Tanny: À long terme, changer la société en culture de l'éducation serait l'une des meilleures choses que nous pourrions faire. Il me semble que nous devrions apprendre à nos enfants que la création d'une société hautement productive passe par la formation supérieure de ses membres. Cela ne veut pas toujours dire une formation universitaire, bien que tel sera le cas à de nombreux égards. Il y a beaucoup d'autres solutions de rechange.

Il me semble que si nous pouvions créer une culture qui soit beaucoup plus axée sur les résultats éducatifs et techniques et si nous pouvions inculquer ce genre de sens d'apprentissage, nous susciterions beaucoup plus d'intérêt parmi nos jeunes et nous arriverions à une société beaucoup plus productive au cours des deux prochaines décennies.

Le président: Monsieur Walker.

.1205

M. Walker (Winnipeg-Nord-Centre): J'aimerais remercier les témoins d'être parmi nous. Je crois que nous savons tous qu'il est difficile de faire des prédictions économiques, surtout au ministère des Finances, étant donné qu'elles ne sont pas parfaitement exactes en matière de pourcentage. C'est une réalité bien connue de tous ceux qui font des prévisions. C'est une science exacte. Je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation et de partager avec nous certaines de vos idées sur la façon dont vous procédez.

J'aimerais revenir à quelques points que vous avez soulevés, dans une perspective différente.

Pour en revenir au point soulevé par M. Grubel, il y a eu énormément de déplacements de l'emploi dans notre pays. Au cours des deux dernières années, selon Statistique Canada, près de 220 000 emplois ont disparu du secteur public. À peu près le même chiffre s'applique au secteur privé.

Nous sommes donc témoins d'une transformation, mais il faut un peu de temps avant que l'économie s'adapte à la réalité du chômage des fonctionnaires. Certaines compétences sont transférables, d'autres non. Le coût de ce recyclage des chômeurs est, habituellement, supporté par tous ceux qui travaillent dans le secteur privé, par l'entremise de leurs cotisations AC et par les taux élevés de cotisations que nous devons verser en plus des cotisations AC normales. Plus nous arrivons à supporter ce coût rapidement, plus notre situation s'améliore. Entre-temps toutefois, la restructuration de cette économie est assortie d'un coût réel de transition.

Au sujet de la dévolution et de la décentralisation, j'aimerais dire qu'il s'agit d'une question un peu plus difficile qu'on veuille bien le reconnaître parfois. Il suffit d'examiner les arrangements de transfert que nous avons avec les gouvernements provinciaux pour s'apercevoir que les arrangements FPE d'il y a 20 ans sont peut-être la plus grave erreur que nous ayons commise en matière de responsabilité financière.

Nous avons transféré énormément d'argent chaque année, sans exiger un sens des responsabilités à cet égard. Par ailleurs, les provinces ont érigé d'énormes forteresses d'où elles pouvaient nous attaquer chaque fois qu'elles le voulaient au sujet de toute compression que nous leur imposions.

Une fois les compressions actuelles faites, le gouvernement fédéral dépense environ 40 milliards de dollars par année, ce qui équivaut à 5 p. 100 du PNB, à l'exécution de véritables programmes - à autre chose que des transferts aux particuliers, des transferts aux provinces, le remboursement de la dette ou l'assurance-chômage. Il serait difficile de trouver un gouvernement central qui injecte si peu dans son économie.

Si vous n'y prenez garde, les leviers économiques dont nous disposons seront compromis, car les dépenses affectées à de réels programmes, au développement économique entre autres, sont très faibles.

Quant on réduit les transferts aux provinces, on a deux choix: soit que l'on cède des points d'impôt ou des points de TPS, (ce qui réduirait sa propre capacité de faire baisser la dette), soit que l'on prévoit que les provinces devront, du moins à court terme, accroître leur endettement parce qu'elles ont des conventions collectives à renégocier et des organismes à éliminer.

En règle générale, les provinces doivent payer leurs emprunts plus cher que le gouvernement fédéral. Par conséquent, en termes d'économie nationale, vous devez prendre soin de ne pas accroître le coût national de la dette, parce que les provinces n'ont pas la capacité de l'assumer.

Le Québec, si l'on en juge d'après la situation actuelle, en sera un exemple extrême. L'écart de points est très large actuellement. En Ontario, le gouvernement réussira à obtenir des fonds à faible coût s'il agit assez rapidement.

Par contre, il faut agir avec beaucoup de prudence dans le cas des petites provinces, comme Terre-Neuve. L'idée n'est pas de provoquer la faillite d'une province pour prouver ce que l'on avance à l'échelle nationale. N'oubliez pas que les analystes qui vous observent savent ce que vous faites; vous ne trompez personne.

J'ai simplement fait une série d'observations, monsieur le président, plutôt que de poser une question précise.

En ce qui concerne la dette extérieure, vous disposez de trois choix. Nous préférons le premier, qui consiste à réduire la dette nationale et, par conséquent, les besoins en capitaux étrangers. Le deuxième est d'accroître les stimulants, ce qui signifie une croissance des coûts. Par conséquent, vous ne pourriez réduire votre dette. Enfin, dans le cadre de régimes de réglementation, vous pourriez insister pour que les gens investissent au Canada, plutôt qu'à l'étranger.

Comme bon nombre d'entre vous préfèrent le marché des REER, la règle des 20 p. 100 est un assez gros obstacle. Proposez-vous que nous la changions peut-être pour faire en sorte qu'un plus fort pourcentage de l'épargne canadienne demeure au Canada?

Le président: Nous donnerons la possibilité à trois personnes de répondre brièvement. Qui veut être le premier? Monsieur Hracs.

M. Hracs: J'aimerais simplement dire, au sujet du dernier point concernant la limitation de ce que nous pouvons investir à l'étranger, qu'il s'agit, à mon avis, d'une mesure progressive qui permettra la diversification. Tous les Canadiens en profiteront. Sur la scène internationale, cette mesure est très acceptable. Je crois donc que les retombées d'un abaissement du seuil seraient fort importantes.

M. Egelton: J'aurais deux petites choses à dire. Je suis entièrement d'accord avec ce que viennent de dire mes collègues. À mon avis, un pays qui importe autant de capitaux que le Canada n'a pas intérêt à en restreindre les mouvements. Toute mesure que nous pouvons prendre pour en faciliter la circulation avantagera le Canada à long terme.

De plus, il faut aussi se souvenir que notre économie est en période de transition. Elle subit effectivement d'énormes bouleversements actuellement. Les travailleurs passent du secteur public au secteur privé, et l'offre de compétences ne correspond pas toujours à la demande. Mais il ne faut pas oublier que de telles transformations sont constantes. Rappelez-vous ce qui s'est produit durant la Seconde Guerre mondiale. De 1945 à 1960, 15 p. 100 de la population du Canada ont quitté la campagne pour aller vivre à la ville, ce qui est absolument phénoménal. Un phénomène d'une telle ampleur dépasse nettement tout ce qui se produit aujourd'hui.

.1210

Je suis d'accord avec vous, je crois, que cette solution comporte des difficultés, mais elles ne sont pas aussi grandes que ce que nous avons vécu par le passé, bien au contraire.

M. Clinkard: Oui, nous avons vécu de grands bouleversements. Cependant, il s'est quand même créé plus de 450 000 emplois à temps plein l'an dernier, de décembre à décembre.

Je sais qu'il n'y a pas eu de création d'emplois durant le premier semestre de cette année, mais, depuis le 1er juillet, le Canada compte près de 50 000 nouveaux emplois à temps plein, des emplois importants qui permettront de donner plus de confiance au consommateur.

Malgré les pertes subies, les gens ont changé. C'est ce dont il faut se souvenir: si nous offrons les stimulants voulus, les gens changeront; si nous optons, par contre, pour le statu quo, il ne se passera rien.

M. Walker: Je vous remercie.

Le président: Voilà qui met fin à la période de questions. J'ai offert à chacun d'entre vous la possibilité de résumer sa pensée en 30 secondes au plus.

M. Rosenberg: Je conseillerais d'opter pour des prévisions prudentes de la croissance, de prévoir un taux de 2,5 p. 100 tout au plus. Je conserverais aussi les prévisions des taux d'intérêt qui figuraient dans le budget de l'an dernier, même si les taux d'intérêt sont actuellement beaucoup plus bas que ce qui avait été prévu. Cela nous laisserait une marge pour absorber les coups durs.

Je crois qu'il faut continuer de se concentrer sur la réduction des dépenses de programmes. J'ai déjà expliqué que nous devons envisager des compressions de 4 p. 100 au moins par année jusqu'à la fin de la décennie si nous voulons un budget équilibré avant l'an 2000.

Nous devrons tous, au niveau fédéral, penser à petite échelle. Même si nous avons déjà réduit au cours des dernières années la taille de l'État fédéral, nous devons nous faire à l'idée qu'il diminuera encore. J'ai parlé de décentralisation auparavant, mais elle ne représente qu'un volet de la stratégie globale. Le gouvernement fédéral devra continuer de sabrer massivement dans ses dépenses s'il souhaite vraiment équilibrer son budget.

M. Johnson: La réduction du déficit budgétaire comme nous l'avons recommandé risque de faire baisser notre niveau de vie. Mais nous soutenons qu'en n'agissant pas ainsi, on risque de le faire baisser davantage.

M. Egelton: L'économie s'apprête à afficher une croissance assez forte au cours de la prochaine année ou des deux prochaines années. Il y a une chose que vous, en tant que parlementaires, et le gouvernement pouvez faire pour faciliter ce processus: prendre des mesures énergiques pour sabrer davantage dans le déficit budgétaire.

M. Fairholm: Au risque de répéter ce qu'ont dit tous les autres, je continuerais de m'attaquer au déficit en comprimant les dépenses. Officiellement, je prônerai une croissance des dépenses de trois, de deux, de un et de zéro pour cent mais, officieusement, si j'étais à votre place, j'opterais pour une diminution plus rapide. Ainsi, même si vous n'atteignez pas vos objectifs, vous conserverez votre crédibilité.

M. Hracs: La situation budgétaire demeure très pressante, à notre avis. Les déficits devront non seulement continuer de diminuer, mais aussi donner l'impression qu'ils baissent. Il nous tarde de connaître les mesures adoptées dans le prochain budget.

M. Tanny: Je vous félicite d'avoir consulté et je vous exhorte à continuer en ce sens. De plus, je crois que vous devriez vous concentrer sur le moyen terme en adoptant un plan solide à moyen terme, puis en le mettant en oeuvre.

Enfin, si vous souhaitez obtenir plus de suggestions concernant l'établissement du budget, je vous encourage à lire le rapport de Ernst & Young qui a été préparé pour le ministère des Finances, en 1994.

[Français]

M. Gignac: Au même titre que nous recommandons à nos clients d'établir leur stratégie en fonction de leur vision fondamentale du Canada et non pas d'une vision apocalyptique au plan politique, j'invite les membres du comité à poursuivre l'assainissement budgétaire car, bien que la politique représente un défi en soi, la dette et l'accumulation de la dette sont, à mes yeux, le plus gros facteur de risque eu égard à notre dépendance des capitaux étrangers dans ce monde de globalisation des marchés.

Le président: Merci.

[Traduction]

M. McIver: Visez l'équilibre budgétaire. Tenez-vous en à votre plan. Et n'oubliez pas d'avoir un plan d'urgence.

M. Clinkard: En règle générale, la boule de cristal des économistes est assez floue. Ils n'ont pas grand succès dans la prévision des récessions. Cependant, nous savons qu'il y en aura. Jamais le Canada n'a échappé à une récession déclenchée aux États-Unis.

.1215

Peu importe ce qui arrive, il y aura une récession, vous pouvez y compter. Elle se produira probablement au cours des trois à cinq prochaines années. Planifiez en conséquence.

M. Dungan: Je m'en tiens aux prévisions optimistes parce que c'est ce que vous m'avez demandé de faire. Par contre, si je travaillais aux Finances, j'adopterais une méthode de planification plus prudente. Un scénario aussi optimiste que celui-ci devrait être l'occasion de s'attaquer de front au déficit plutôt que de ne rien faire.

Le président: Je parle en mon nom uniquement, mais je crois que plusieurs messages se sont dégagés de notre excellente réunion d'aujourd'hui. Entre autres, on nous demande de pécher par excès de prudence. Je puis vous assurer que c'est ce qu'a fait le comité dans son rapport au ministre, l'an dernier. On a donné suite à nos recommandations dans le budget. En dépit de mauvais calculs dans certains domaines, je crois que nous continuons de dépasser les objectifs de réduction du déficit que nous nous étions fixés.

Nous continuerons d'agir prudemment. Je vous remercie de ces recommandations.

La phrase de M. Egelton, qui a dit qu'il ne faudrait pas que les Canadiens, y compris les membres du comité, comptent sur une solution rapide à nos maux économiques, m'a aussi frappé. Nous allons devoir nous en sortir de la même façon que nous nous y sommes retrouvés. Ce ne sera pas facile, on ne pourra tout faire en une seule nuit et cela prendra peut-être plus de temps que prévu.

Notre groupe d'experts a dit craindre qu'en tant que politiciens, nous ne gouvernions à courte vue. À son avis, nous n'agissons qu'en fonction des élections suivantes et nous pourrions, peut-être, ne pas être disposés à adopter des mesures qui ne produiraient pas de résultats avant ces élections. Si c'est bien ce que certains pensent de nous, je puis leur assurer qu'ils ont tort. Nous sommes conscients que la tâche sera très ardue et que les mesures que nous adopterons ne produiront peut-être pas de résultats avant cinq à dix ans. Nous voulons que les Canadiens le comprennent aussi, parce qu'ils sont conscients, à mon avis, que l'on ne se sortira pas facilement de ce pétrin.

Enfin, par votre participation, vous avez contribué beaucoup de recherche, d'expertise, d'expérience et de sagesse. Au nom de tous les membres réunis ici, je tiens à vous remercier de cette excellente table ronde et de votre précieuse contribution aux discussions prébudgétaires. Je vous remercie.

La séance est levée.

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