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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 21 novembre 1995

.1532

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Le comité des finances va poursuivre ses enquêtes préalables au budget.

Nous recevons cet après-midi plusieurs Canadiens qui représentent divers groupes intéressés surtout au domaine de la politique sociale: Glen Rajack, directeur des finances, et Conrad Saulis, de l'Assemblée des premières nations et de la Fraternité des Indiens du Canada; Sherri Torjman, du Caledon Institute of Social Policy; Bruce Campbell, du Centre canadien de recherche en politiques de rechange; Christopher Clark du Conseil canadien de développement social; Claude Edwards et André Lécuyer, de la Coalition of Seniors for Social Equity; Marc Miracle et Mathieu Courchene, de l'Association nationale des centres d'amitié; Martha Jackman, de l'Association nationale de la femme et du droit; Mary Nickson, du Conseil national des femmes du Canada; Andrew Aitken et Robert Armstrong, de La Voie - Le réseau des aînés; Sunera Thobani et Barbara Cameron, du Comité canadien d'action sur le statut de la femme; James Zamprelli, du Conseil de planification sociale d'Ottawa-Carleton.

Soyez les bienvenus. Comme les intervenants sont très nombreux, je leur demanderais de bien vouloir faire des déclarations préliminaires assez brèves, de manière à permettre à tout le monde de prendre la parole. Nous passerons ensuite aux questions.

C'est M. Saulis qui va commencer? Monsieur Saulis.

M. Conrad Saulis (Assemblée des premières nations/Fraternité des Indiens du Canada): Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître. Je m'exprimerai dans ma langue natale[le témoin poursuit en langue autochtone].

Les questions financières sont très importantes pour les Premières nations de notre pays. Nos droits ancestraux ou issus de traités sont naturellement les éléments les plus déterminants de notre existence. Il incombe au gouvernement fédéral de remplir ses responsabilités fiduciaires, de s'assurer que nos droits ancestraux sont protégés ainsi que notre santé sociale et notre bien-être en matière d'éducation.

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Le président: Merci, monsieur Saulis.

Madame Torjman.

Mme Sherri Torjman (vice-présidente, Caledon Institute of Social Policy): Merci beaucoup, monsieur le président, de nous avoir invités à vous présenter certaines de nos vues pour que vous puissiez en tenir compte dans votre rapport sur le budget.

J'ai trois remarques à faire. Premièrement, il y a longtemps que nous reconnaissons dans nos activités la nécessité de combattre le déficit, de réduire la dette. Nous considérons cependant que les Canadiennes et les Canadiens pauvres et à faible revenu ont déjà assumé leur part de l'opération de réduction du déficit - une part disproportionnée - du fait de la mise en oeuvre de divers mécanismes: l'indexation partielle des prestations pour les enfants, l'abaissement du seuil d'imposition sur le revenu; les coupures massives faites au programme d'assurance-chômage, et en particulier le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Nous nous inquiétons non seulement du sort des assistés sociaux, comme vous le savez, mais aussi de celui des handicapés, à cause des effets que les compressions auront sur eux. C'est pourquoi nous estimons que les Canadiennes pauvres ont déjà largement payé leur part.

Ma seconde remarque concerne la création d'emplois, dont nous tenons à souligner l'importance. Cette importance est confirmée par les chiffres que nous avons vus la semaine dernière. Statistique Canada a publié un rapport sur la pauvreté au Canada et a montré qu'en 1994, le nombre des pauvres avait légèrement diminué. Cette baisse était due à l'amélioration de l'emploi. Ce rapport montre clairement qu'il y a un lien entre l'emploi et la pauvreté. Nous vous encourageons à utiliser les chiffres qu'il contient et à promouvoir la création d'emplois, objectif qui, nous le savons a toujours été important pour vous. Nous avons quelques propositions à faire en ce sens.

Ma dernière remarque est la suivante: nous espérons que, face aux pressions politiques actuelles, Ottawa ne renoncera pas à utiliser son pouvoir de dépenser. Ce pouvoir a été très important. Des pressions s'exercent actuellement en faveur de la décentralisation. Nous en sommes conscients. Nous estimons pourtant que le gouvernement fédéral est le seul à pouvoir assurer des prestations adéquates, équitables et transférables dans l'ensemble du pays. Nous vous demandons donc instamment de ne pas renoncer à votre capacité de dépenser.

Je voudrais maintenant remettre au comité un rapport que nous avons publié le 10 novembre intitulé Lest We Forget: Why Canada Needs Strong Social Programs. Il traite de l'importance du gouvernement fédéral et de la capacité fédérale de dépenser pour l'unité nationale.

Le président: Merci, madame Torjman.

Monsieur Campbell, vous avez la parole.

M. Bruce Campbell (directeur exécutif, Centre canadien de recherche en politiques de rechange): Merci, monsieur le président.

Je suis ici à titre de directeur exécutif du Centre canadien de recherche en politiques de rechange, mais aussi parce que je suis l'un des coordonnateurs du projet «Choix pour la justice sociale-L'alternative budgétaire», qui en est à sa deuxième année d'existence. Ce projet a pour objet de montrer que les budgets sont des documents politiques qui reflètent des choix politiques et qu'il est possible d'établir un budget dans un cadre fiscal crédible qui représente une vision différente de la société dans laquelle le gouvernement aura, lui aussi, un rôle différent - reflet fidèle des priorités que sont le renforcement des programmes sociaux et la réduction des inégalités et du chômage.

J'ai deux ou trois observations préliminaires à faire. Premièrement, je suis d'accord avec ce que disait le premier ministre en octobre 1993:

J'attends toujours que le gouvernement fasse quelque chose.

On peut continuer à couper à gauche et à droite, mais tant que l'on ne prend pas de mesures délibérées pour ramener les taux d'intérêt réels au niveau du taux de croissance économique ou même au-dessous de ce niveau, ce qui ne s'est pas produit depuis quinze ans, il est impossible de stabiliser le ratio dette-PIB et de ramener nettement au-dessous de 10 p. 100 le taux de chômage officieux.

Voilà ma première observation. La seconde porte sur l'équité. Dans son dernier budget, le gouvernement proclamait haut et fort son sens de la justice. J'ai des doutes à ce sujet et j'espère que, cette fois, nous aurons un budget vraiment juste.

Par exemple, le budget a amputé de 25 milliards de dollars les dépenses directes de programmes qui profitent surtout aux personnes les plus vulnérables, alors qu'il a réduit de moins d'un milliard les dépenses fédérales d'incitation fiscale qui s'élèvent à environ 90 milliards de dollars et qui profitent surtout à ceux qui ont de l'argent. Je ne trouve pas cela très juste.

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En deux budgets successifs, le gouvernement aura réduit annuellement l'assurance-chômage d'environ quatre milliards de dollars. Moins de la moitié des chômeurs actuels sont admissibles à l'assurance-chômage. Il y a quatre ans, 85 p. 100 y avaient droit, et la situation continue à s'aggraver. Notre régime d'assurance-chômage est aujourd'hui un des moins généreux parmi ceux des pays membres de l'OCDE.

Entre-temps, les banques qui ont réalisé des profits de plus de quatre milliards de dollarsl'an dernier ont été frappées d'une modeste taxe temporaire de 50 millions de dollars, soit moins de1 p. 100 de leurs profits. Je ne trouve pas cela très juste.

Je pourrais vous donner d'autres exemples, mais je n'en dirai pas plus pour le moment.

Le président: Merci, monsieur Campbell.

Monsieur Clark, à vous.

M. Christopher Clark (analyste des politiques, Conseil canadien de développement social): Je représente le Conseil canadien de développement social. Ma déclaration préliminaire sera brève. Je me contenterai de présenter dans leurs grandes lignes quelques-unes des positions prises par le CCDS et son point de vue sur le processus budgétaire.

L'équilibre est un élément important pour nous. À notre avis, le budget de l'an dernier manquait d'équilibre. Nous espérons donc que cette année on recourra à une approche plus équilibrée pour réduire le déficit. Nous ne contestons pas la nécessité d'équilibrer le budget. C'est plutôt la question des priorités et celle des méthodes utilisées qui nous préoccupent.

Le second élément à considérer est le suivant: il est indispensable de traiter sérieusement les investissements sociaux et d'investir dans les personnes, de leur fournir les aides et les outils nécessaires pour en faire des membres sains et productifs de notre société. Nous nous préoccupons tout particulièrement des familles et des enfants à cet égard.

En ce qui concerne l'emploi, ce qui nous inquiète c'est que, dès que l'on aborde le sujet, la discussion dévie vers l'aptitude à l'emploi. Nous avons du mal à accepter qu'en améliorant l'aptitude à l'emploi d'une personne on lui garantit nécessairement du travail. Il faut tenir compte de l'évolution de la nature du travail dans l'économie, de l'augmentation du nombre des emplois non normalisés et, essentiellement, de la capacité du marché du travail d'assurer aux gens la sécurité dont ils ont besoin. Il est important d'étudier les moyens d'assurer la formation et d'accroître l'aptitude à l'emploi, mais il faut aussi examiner les emplois eux-mêmes et la nature du travail offert sur le marché.

Je conclurai par une remarque sur l'effet cumulatif de tout cela. S'il est important d'étudier chaque changement individuellement, il faut aussi examiner l'effet cumulatif d'une foule de changements provoqués par le budget et diverses politiques fédérales.

Actuellement, il y a des compressions budgétaires dans tous les ordres de gouvernement. Le gouvernement fédéral réduit ses engagements, et les gouvernements provinciaux en font autant. C'est maintenant au tour des autorités municipales de suivre leur exemple. Les décisions prises par le gouvernement fédéral ont des retombées sur tous les échelons inférieurs. Je crois qu'il est important d'examiner le plein impact que cela peut avoir, d'étudier les effets de politiques économiques restrictives. Quand le gouvernement se retire de l'économie, le vide ainsi créé se remplit-il et quels sont les effets de toutes ces réductions?

Ma dernière observation concerne le TCSPS, dont nous parlerons certainement plus tard. Je crois que la plupart de ceux qui oeuvrent dans le domaine de la politique sociale estiment que les programmes sociaux ont été durement touchés. Ces programmes ont certainement durement ressenti les effets du TCSPS. Nous considérons des mesures telles que le gel du transfert de fonds; nous nous intéressons beaucoup à la formule qui se dégagera des négociations prochaines et à la mesure dans laquelle nous pourrons établir un cadre national, qu'il soit fondé sur des normes, des principes ou des objectifs.

Je m'en tiendrai là.

Le président: Merci, monsieur Clark.

Monsieur Edwards, vous avez la parole.

M. Claude A. Edwards (coprésident pro tempore, Coalition of Seniors for Social Equity): Merci beaucoup, monsieur le président. Nous sommes heureux de pouvoir comparaître devant vous.

Je suis ici à titre de président de la Coalition of Seniors for Social Equity, et je suis accompagné de M. André Lécuyer qui est notre porte-parole francophone pour les questions qui nous préoccupent.

Je tiens à dire d'emblée que la manière dont cette réunion a été structurée m'inspire des réserves. J'ai remarqué que les personnes qui ont parlé jusqu'à présent n'ont pas du tout répondu, autant que je sache, aux quatre questions qui nous étaient posées dans la lettre que nous a fait parvenir le greffier. Ce qui nous ennuie beaucoup, c'est de savoir comment répondre à ces quatre questions qui sont très importantes mais exigent aussi des réponses très longues. Répondre de manière objective et sérieuse à ces questions requiert énormément de recherches et d'efforts de la part d'un organisme, quel qu'il soit.

Il est facile de poser des questions quand, comme c'est votre cas et celui du gouvernement, vous avez toutes les ressources nécessaires, des légions de fiscalistes, d'enquêteurs, d'économistes, de chercheurs, etc., mais nos ressources limitées nous rendent la tâche bien difficile.

Vous nous posez des questions auxquelles il nous semble que vous devriez répondre vous-mêmes - ayez donc au moins une proposition à soumettre aux personnes que vous voulez consulter.

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Sans compter qu'il ne nous est pas toujours possible de nous procurer la documentation de base qui nous permettrait de vous répondre. Nous ne pouvons pas nous empêcher de penser que la consultation prévue pour la réunion d'aujourd'hui relève un peu de la farce. La méthode proposée pour traiter ces questions très importantes est grevée par un horaire très serré. Nous avons jusqu'à environ 17 h pour le faire, soit un peu plus d'une heure trois quarts; pourtant, les personnes dont vous attendez des réponses sont très nombreuses autour de cette table.

Dans la lettre que nous avons reçue, le greffier nous donnait quatre jours ouvrables pour nous présenter à cette audience et pour avoir réponses aux quatre questions. Manifestement, le temps est insuffisant car beaucoup de ces questions auraient fait d'excellents sujets de thèse de doctorat. S'attendre à ce que nous puissions répondre dans de tels délais est irréaliste.

Nous avons nos propres préoccupations. Nous voulions vous parler de questions qui nous préoccupent. Nous sommes tout à fait prêts à discuter de ce qui vous intéresse, mais il est bien difficile de le faire en si peu de temps.

Le président: Je ne sais pas ce qui vous empêche de nous faire part de vos préoccupations. Si vous ne vouliez pas discuter des sujets proposés, vous auriez certainement pu nous en proposer d'autres, monsieur Edwards, et vous pouvez d'ailleurs toujours le faire.

M. Edwards: Nous avons un mémoire à vous remettre.

Le président: Si jamais vous êtes prêt à nous présenter vos vues, nous serons très heureux de vous entendre.

Martha Jackman, vous avez la parole.

Mme Martha Jackman (Association nationale de la femme et du droit): J'utiliserai les quelques minutes dont nous disposons pour nos remarques préliminaires pour exprimer les profondes inquiétudes que l'Association nationale de la femme et du droit éprouve devant l'orientation récente de la politique du gouvernement fédéral en matière de dépenses sociales.

Comme vous le savez, le budget de 1995 abroge le RAPC et le remplace par le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Lorsque l'ANFD a comparu devant votre comité à la fin de novembre, l'an dernier, on ne nous a jamais dit qu'un changement aussi majeur était envisagé. Dans notre exposé, nous avions souligné le rôle crucial du RAPC dans l'établissement d'une infrastructure nationale de programmes et de services destinés à lutter contre l'état de pauvreté dans laquelle trop de femmes et d'enfants vivent.

Nous vous avions rappelé que les femmes sont proportionnellement beaucoup plus victimes des réductions des dépenses fédérales en matière de programmes sociaux. Absolument rien n'indique qu'on ait tenu compte de la situation des femmes dans la décision d'abolir le RAPC ou d'adopter le TCSPS. Bien au contraire, le TCSPS a tout ce qu'il faut pour aggraver la situation des femmes à faible revenu au Canada et pour aggraver l'état d'inégalité relative dont souffrent les femmes en tant que groupe.

Comme votre comité le sait, le TCSPS a abandonné la formule des coûts partagés utilisée dans le RAPC, grâce à laquelle l'argent fédéral réservé au bien-être social est effectivement consacré aux programmes et aux services de bien-être social sur lesquels comptent tant de femmes. Ces programmes comprennent le counselling et les foyers pour les victimes de la violence sexuelle et de violence familiale, l'aide juridique, les aides financières et autres accordées aux femmes handicapées, les garderies subventionnées pour les pauvres qui travaillent, et l'assistance sociale elle-même.

En outre, le TCSPS abandonne des mécanismes nationaux qui existaient depuis près de 30 ans dans le cadre du RAPC et qui assuraient aux femmes et aux hommes de toutes les régions de notre pays un droit égal à l'assistance lorsqu'ils étaient dans le besoin, droit qui n'est pas tributaire de jugements discriminatoires sur le mérite de chacun.

À notre avis, ce changement de la politique fédérale en matière de dépenses est fondamentalement contraire aux obligations constitutionnelles du Parlement et du gouvernement du Canada en vertu des articles 7, 15 et 28 de la Charte canadienne des droits et libertés. Il est également incompatible avec les engagements du Parlement et du gouvernement du Canada en vertu de l'article 36 de la Loi constitutionnelle de 1982, et il enfreint les engagements internationaux pris par le Canada en vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et d'autres accords relatifs aux droits de la personne, qui ont été ratifiés par le Canada.

L'ANFD estime qu'il est absolument indispensable d'inclure dans le TCSPS les dispositions nécessaires pour que les programmes de bien-être social financés par le gouvernement fédéral assurent la promotion de l'égalité sociale et économique des femmes au lieu de la battre en brèche. Cet après-midi, nous déposerons auprès du comité un document contenant nos recommandations au sujet de la réforme du TCSPS qui s'impose. Nous espérons avoir encore l'occasion de discuter de ces recommandations avec vous, car nous croyons que le comité des finances et le ministère des Finances jouent actuellement un rôle de tout premier plan dans le processus régissant les dépenses en matière de programmes sociaux.

.1550

Le président: Merci, madame Jackman.

C'est maintenant au tour de Mary Nickson.

Mme Mary Nickson (Constitution Convenor, Conseil national des femmes du Canada): Je représente le Conseil national des femmes du Canada, qui regroupe un grand nombre d'organisations de tout le pays. Je vais vous présenter un bref aperçu des points du budget auxquels nous réagissons habituellement et je répondrai ensuite à vos questions.

En ce qui concerne l'inflation, nous sommes d'accord avec l'attitude anti-inflation du gouvernement.

Pour ce qui est du déficit, la dette fédérale nous paraît un problème très grave, et nous demandons instamment au gouvernement d'équilibrer le budget le plus rapidement possible. Nous n'en reconnaissons pas moins que les changements économiques et sociaux se font toujours aux dépens de quelqu'un, et il faut donc que les changements soient suffisamment graduels pour éviter de causer des préjudices excessifs.

En ce qui concerne le régime fiscal, nous sommes opposées à l'augmentation des taux d'imposition, mais nous croyons que l'assiette fiscale devrait être quelque peu élargie.

En ce qui concerne les organismes sans but lucratif dont les subventions sont si fortement réduites, nous recommandons qu'on leur accorde des crédits d'impôt de façon permanente. Ces groupes sont importants pour la nation et ont besoin de conditions de faveur sur le plan fiscal. Nous recommandons cependant un examen des règlements en vertu desquels Revenu Canada accorde le statut d'organisme de charité, et nous recommandons que beaucoup plus de marchés soient passés avec les organismes sans but lucratif.

En ce qui concerne la sécurité de la vieillesse, le CNFC a toujours été contre l'imposition du revenu familial, mais si le gouvernement adopte le programme du budget de 1995 pour récupérer sur le revenu familial de l'argent pour ce régime, notre conseil demande instamment au gouvernement de s'assurer que le conjoint qui a le revenu le moins élevé ne soit pas visé par une telle disposition de récupération tant que l'autre conjoint n'aura pas remis le total de sa prestation.

Pour ce qui est des réductions dans la fonction publique, nous comprenons très bien la détermination du gouvernement, mais il semble que les paiements ont été excessivement élevés et nous recommandons que ces coupures s'accompagnent d'une réduction des heures de travail et de la mise en oeuvre de programmes de partage des emplois.

Quant à savoir ce que devraient être les priorités fédérales, nous estimons qu'en ce qui concerne l'ensemble du budget, on devrait donner la priorité aux activités économiques. Dans les programmes sociaux, on devrait surtout chercher à contrôler tout ce qui dépasse les frontières provinciales, on devrait établir des normes dans le domaine de la santé, de l'éducation, du bien-être social, de la garde d'enfant et débloquer des fonds suffisants pour cela.

Quels programmes sont faiblement prioritaires? Tous les programmes sociaux devraient être soumis à un examen, et ceux dont la valeur socio-économique est faible devraient être supprimés, au moins temporairement. Ces examens devraient être faits par des organismes extérieurs tels que le Bureau du vérificateur général, avec l'aide bénévole habituelle de groupes extérieurs, dont notre conseil.

Nous n'avons pas de priorités en matière d'établissement de politiques, mais nous pensons que l'on pourrait commencer par les nombreux programmes de formation qui n'ont pas débouché sur des emplois à long terme pour ceux qui les ont suivis, l'utilisation excessive d'experts-conseils et les mandats de certaines organisations financées par le gouvernement fédéral.

Que convient-il de laisser aux provinces? En temps normal le conseil souhaiterait que pour la majorité des organismes à vocation sociale il y ait un partenariat entre le gouvernement fédéral et les provinces. Cependant, à une époque où les dépenses doivent être réduites dans presque tous les domaines, nous estimons qu'on devrait surtout rechercher les familles ou les personnes qui ont de très gros besoins qui n'ont pas été satisfaits et, pour cela, il faut décentraliser. Dans beaucoup de cas, ce sont les municipalités qui seraient les mieux à même de déterminer ce qui est essentiel, tout en continuant à respecter les normes provinciales.

À notre avis, les normes nationales sont absolument indispensables pour permettre aux familles de se déplacer plus facilement dans le pays, pour soutenir le régime social canadien traditionnel et pour assurer partout l'équité. Ces normes devront être établies en consultation avec les représentants des provinces et avec les groupes intéressés, et le gouvernement fédéral devra avoir les pouvoirs requis pour les faire respecter.

Le gouvernement consacre-t-il suffisamment d'argent à l'aide sociale? Nous aurions besoin de plus d'information pour nous attaquer à une telle question, mais ce qui nous préoccupe c'est la répartition proprement dite des fonds alloués. Il faudrait faire une plus large part à la prévention de la dépendance à l'égard des services sociaux, assurer une éducation et une formation axées sur l'emploi, fournir des services de garde et encourager le partage des emplois.

Je crois que cela répond à la plupart de vos questions. Le conseil n'a pas une politique très élaborée dans ces domaines, car il est obligé d'obtenir d'abord l'accord de ses membres. Voilà les points auxquels nous devons réfléchir avant de comparaître.

.1555

Le président: Merci beaucoup, madame Nickson.

Monsieur Armstrong.

M. Robert Armstrong (La Voix - Le réseau des aînés): Merci, monsieur le président. La Voix représente un large groupe d'aînés de tout le pays et de toutes les provinces. Nous nous occupons de leur santé et de leur bien-être; nous nous intéressons aussi à tout ce qui touche les médicaments dont ils ont besoin, la consultation des médecins, etc. C'est une organisation dont la clientèle est très large.

Nous sommes heureux d'être venus. Le processus que vous représentez est important. C'est un processus de consultation qui est ouvert et qui a fait ses preuves, il mérite d'être respecté.

Je ne suis pas resté ce matin par simple curiosité. J'étudie depuis très longtemps le Parlement et ses procédures et j'en ai été très proche bien que n'ayant jamais occupé de poste électif. Je considère que le comité remplit une fonction importante, notamment parce qu'il permet d'approcher le ministère des Finances, qui est certainement l'organisme administratif le plus puissant à Ottawa. De tous les ministères du Canada, c'est celui qui est prépondérant.

En ce qui concerne les questions, quelle est la priorité fédérale?

[Français]

Je crois qu'il faudrait définir le Canada dans sa beauté, dans sa poésie,

[Traduction]

- comme sur cet emblème, d'un océan à l'autre - lui donner une forme et un objet, et entreprendre cette tâche très bientôt. Nous ne saurions le dire avec plus de vigueur et plus de conviction.

Les aînés sont très attachés à notre pays. Nous savons ce que représente Équipe-Canada. On en a parlé ce matin. Nous sommes déjà passés par là et beaucoup d'entre nous ont contribué à faire de notre pays ce qu'il est aujourd'hui. Je sais que vous êtes d'accord avec nous sur ce point.

En ce qui concerne les questions plus générales touchant aux programmes sociaux, c'est surtout une question de philosophie, à notre avis. Pour nous, le gouvernement n'est pas une fin en soi.Mme Stewart en a parlé ce matin. Le gouvernement doit agir pour le peuple, pas le peuple pour le gouvernement.

Vous nous avez obligés à tenter de redéfinir ce qu'est un gouvernement démocratique et, pendant le week-end, nous avons dû consulter notre J.A. Corry et d'autres ouvrages sur la démocratie au Canada. Ils nous apprennent que ce qu'il faut faire, c'est de développer la personnalité de chacun d'entre nous dans notre propre pays et à notre manière, et c'est ce que nous faisons. C'est pourquoi nous aidons les invalides et les malades. Nous n'essayons pas d'excuser l'existence des programmes sociaux, et il n'y a pas de formule magique qui détermine qu'il faut leur consacrer 60 p. 100 plutôt que 40 p. 100 des ressources.

Quant au changement, c'est une notion qui n'a rien de nouveau pour nous. Nous avons déjà vu cela. Nous n'avons pas peur du changement. Nous ne sommes pas tombés de la dernière pluie. Nous n'avons pas peur du changement. Nous sommes parvenus au quatrième quart de notre existence et ça ne nous fait pas peur non plus. Franchement, à notre âge, nous n'avons plus tellement peur, mais cela ne nous empêche pas de nous faire du souci.

D'une façon générale, il y a une saison pour les politiques et pour les programmes. Il y a une saison et un moment pour tout. Le moment pour nous, en particulier en ce qui concerne les pensions... les aînés ne peuvent pas apporter des changements qui influent sur la sécurité du revenu - cela me paraît assez évident - pas plus, d'ailleurs, que ceux qui nous suivent de près. Il faut donc agir de manière très progressive. Voilà notre message. Nous ne prétendons pas qu'il ne faudra jamais y toucher. Nous ne prétendons pas que ce programme est sacro-saint. Tout ce que nous voulons dire c'est qu'il faut agir lentement, graduellement et ouvertement.

Nous ne pensons pas que le bon moyen d'effectuer ces changements est d'utiliser le budget et cela, pour la raison suivante: si vous touchez au régime de retraite dans le budget, les mesures seront nécessairement fragmentaires, ponctuelles.

Deuxièmement, le régime de retraite fait actuellement l'objet d'un examen, et il est logique de penser qu'aucun changement ne sera apporté avant la fin de cet examen. Malheureusement, ce n'est pas ce qui s'est produit. Dans le dernier budget, le régime de pension a subi d'importantes modifications.

.1600

La troisième question connexe concerne la procédure financière, c'est-à-dire le cheminement que doit suivre le budget, qui ne vous permet pas de suivre de près toutes ces questions, comme cela devrait être le cas. Comme vous le savez bien, les projets de loi d'intérêt public vont suivre leur propre procédure. Je suis peut-être le seul non-parlementaire dans cette salle à lire le Règlement de la Chambre. La procédure, qui est sanctionnée par l'histoire et, bien sûr, par le règlement, demeure fort mystérieuse. Elle devient une sorte de puits sans fond dans lequel toutes sortes de choses disparaissent.

Je ne crois pas que vous devriez laisser les choses se faire ainsi. Certains fonctionnaires sont parfois très impatients et se disent qu'il n'y a qu'à fourrer cela dans le budget pour le faire passer. Mais vous ne devriez pas l'accepter, en particulier dans ce cas. Certes, c'est la méthode traditionnelle utilisée pour faire accepter les modifications du régime fiscal, par exemple. Mais nous voudrions que vous mettiez tout cela au grand jour et que ce genre de questions figurent dans le train de réforme et non dans le budget.

C'est tout ce que j'ai à dire pour le moment.

Le président: Ce que vous dites est très logique, monsieur Armstrong.

Madame Thobani, vous avez la parole.

Mme Sunera Thobani (présidente, Comité canadien d'action sur le statut de la femme): Je tiens tout d'abord à vous remercier de nous avoir invitées à comparaître devant le comité.

Je tiens également à vous rappeler la position du CCA. Nous avons toujours attiré votre attention sur la composition du comité des finances et, encore une fois, nous vous demandons pourquoi seulement deux membres sur quinze sont des femmes.

Le président: Que voulez-vous que nous fassions?

Mme Thobani: Nous voulons que vous augmentiez le nombre de députées qui siègent au comité des finances. Nous avons périodiquement soulevé -

Le président: Combien devrions-nous être?

Mme Thobani: Étant donné que les femmes représentent 52 p. 100 de la population du Canada, que la moitié des membres soient des femmes serait tout à fait acceptable.

Le président: Si seulement nous pouvions avoir le même pourcentage à la Chambre.

Mme Thobani: Il va falloir que nous redoublions d'efforts, mais il pourrait certainement y avoir beaucoup plus de femmes dans votre comité. Le CCA l'a toujours soutenu, et je m'en voudrais de ne pas vous le rappeler encore une fois aujourd'hui.

Nous avions également demandé qu'on effectue une analyse des effets du budget sur les hommes et sur les femmes car les mesures budgétaires ont plus de répercussions sur la vie des femmes. Nous avons réclamé une stratégie de création d'emplois. Nous avons demandé que l'on s'attaque à la crise fiscale que traverse l'État, à la dette et au déficit, en fonction de la perte de recettes pour le gouvernement et en créant un système d'imposition plus équitable.

Nous vous avons également dit qu'il fallait s'attaquer au problème des taux d'intérêt élevés et nous avons demandé au gouvernement libéral de respecter la promesse qu'il avait faite de créer un Programme national de services de garde.

Mais aujourd'hui, notre message est très simple. Nous estimons que notre pays fait face à une situation d'urgence, que le budget présenté l'an dernier par Paul Martin, le ministre des Finances, est devenu aujourd'hui la plus grave menace qui pèse sur l'avenir de notre pays et sur l'unité du Canada.

Le gouvernement libéral a essayé d'imposer la décentralisation; en fait, c'est ce qu'il fait maintenant et, pour cela, il utilise le budget fédéral. C'est totalement contraire à la démocratie. Le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux entraînera en fait cette décentralisation, et ce sera la fin du pays que nous connaissons car chaque province sera alors libre de choisir les programmes sociaux qu'elle financera, de décider des droits qu'elle accordera à ses habitants et des obligations qu'elle respectera à leur égard. À notre avis, cela constitue une menace beaucoup plus grave pour l'unité de la nation.

Le CCA tient à souligner qu'un processus ouvert et démocratique est nécessaire si le gouvernement tient à transformer complètement les relations fédérales-provinciales et que, pour cela, le budget fédéral n'est pas le mécanisme approprié.

Nous demandons au comité d'intervenir pour arrêter la mise en oeuvre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, qui doit entrer en vigueur en avril 1996. Nous souhaiterions que le comité et le gouvernement libéral prennent clairement l'engagement de maintenir le rôle prépondérant des autorités fédérales dans le domaine des programmes sociaux.

Je vous remercie.

Le président: Merci, madame Thobani.

À vous, monsieur Zamprelli.

[Français]

M. James Zamprelli (directeur général, Conseil de planification sociale d'Ottawa-Carleton): Le Conseil de planification sociale d'Ottawa-Carleton est un organisme privé sans but lucratif dirigé par des représentants de notre communauté locale.

On informe les membres et le grand public des questions touchant le bien-être social et économique de la collectivité. On préconise des politiques publiques qui contribuent, à notre avis, à la qualité de la vie dans notre région.

.1605

[Traduction]

Nous sommes un peu différents des autres groupes en ce sens que nous sommes un groupe régional local. Cependant, nous étudions continuellement les ramifications de la politique fédérale et provinciale et leurs effets sur nos collectivités locales. Nous sommes donc beaucoup plus directement sensibles aux effets que les décisions prises d'en haut - si je peux m'exprimer ainsi - peuvent avoir sur la Région de la capitale.

Je vous parle en tant qu'habitant de la province de l'Ontario, où la question de savoir ce qu'il est préférable de laisser aux provinces se pose certainement de manière aiguë. La démarche que le gouvernement actuel de l'Ontario a adoptée pour essayer de détruire notre filet provincial de sécurité sociale est ahurissante. Il suffit d'avoir un minimum de bon sens - qualité si souvent évoquée - pour comprendre qu'il n'est pas nécessairement dans l'intérêt social et économique de notre société de laisser des décisions aussi importantes à la province.

En Ontario, la prise en charge de ces responsabilités par la province s'est traduite par la déstabilisation de notre système de services sociaux, par une situation où l'on enlève de l'argent à ceux qui en ont le plus besoin pour subsister, et par une baisse constante du nombre des emplois sur notre marché du travail.

À notre avis, il est essentiel que le gouvernement fédéral conserve l'initiative et qu'il définisse et maintienne avec les provinces des normes nationales en matière de programmes sociaux. En fait, le conseil a témoigné devant ce comité au printemps dernier, à l'occasion de l'examen du projet de loi C-76, et il a insisté dans son exposé sur la nécessité de maintenir des normes nationales et de souligner l'importance et le caractère distinct du rôle du gouvernement fédéral dans le maintien et l'application de normes adéquates de services et de prestations des programmes sociaux du Canada.

Quant au problème des personnes qui sont le plus dans le besoin, qui fait l'objet d'une de vos questions, ce n'est pas faire preuve de cynisme que de se demander si cela demeure vraiment une préoccupation du gouvernement.

En fait, nous avons pu constater qu'en Ontario, c'était exactement le contraire qui se passait. Les personnes qui sont le plus dans le besoin semblent précisément être celles qui sont les plus exposées aux baisses de revenu, aux difficultés créées par la suppression des services et de l'aide, en matière de logement et de garderies entre autres, sans compter qu'elles semblent être les plus marquées par l'idée qu'elles sont les parias des temps modernes dans notre société.

Donc, la question est de savoir si les dépenses sociales doivent être réservées à certains domaines ou si, au contraire, elles doivent demeurer sacro-saintes. Nous citons un document préparé par le Conseil de planification sociale du Grand Toronto et par d'autres intéressés au sujet du budget fédéral de l'an dernier. Quant à la question de savoir ce qui est approprié dans ce domaine, nous considérons que, si l'on veut préserver l'intégrité de notre nation, il faut payer le prix que représentent les programmes sociaux du Canada.

La question qui se pose est simple: ou bien nous prenons l'engagement de payer ces programmes et de poursuivre l'évolution démocratique que justifie la capacité croissante de la population de participer et de contribuer à la société, ou nous nous laissons aller à une polarisation de la société comme nous en donnent l'exemple nos voisins américains chez qui la société est de plus en plus marquée par la marginalisation, l'exclusion et le désespoir.

Le président: Merci, monsieur Zamprelli.

Et pour terminer, qui va prendre la parole - monsieur Miracle?

M. Marc Miracle (directeur exécutif, Association nationale des centres d'amitié): Premièrement, je tiens à vous remercier de nous avons permis de comparaître à nouveau devant le comité. Je me souviens d'être venu en novembre dernier, accompagné de membres de notre comité exécutif, pour faire un exposé. Malgré mon nom et malgré tout mon désir de pouvoir faire un miracle qui effacerait la dette de notre pays, je n'en suis malheureusement pas capable. Permettez-moi de plus de m'excuser de mon retard.

Je représente l'Association nationale des centres d'amitié. Nous formons un groupe de 112 centres d'amitié urbains de tout le pays. Comme vous le savez certainement, nous nous occupons des Autochtones urbains auxquels nous offrons une gamme complète de programmes et de services approuvés par les collectivités.

Le nombre des hommes et des femmes est équilibré dans notre organisation, et nous sommes confrontés à des questions assez importantes sur le plan démographique.

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Dans ce pays, plus de 70 p. 100 des Autochtones vivent en milieu urbain.

Le pourcentage de jeunes est très élevé chez nous. En effet, 57 p. 100 des membres de notre population ont moins de 24 ans et près de 40 p. 100, moins de 15 ans. Songez à l'effet que cela aura sur notre économie.

Nous avons un gouvernement qui s'est engagé à créer une nouvelle économie, mais pour ce faire, il faut qu'il s'appuie sur la population.

Nous avons donc beaucoup de jeunes chez nous et nous sommes prêts à participer à la création de cette économie nouvelle et tout à fait capables de le faire. La tâche est cependant difficile lorsqu'il s'agit de soutenir le développement communautaire, économique et social dans le contexte actuel. Nous sommes confrontés à des coupures continuelles. L'aide financière que nous recevons est insuffisante et nous aurons du mal à survivre.

Nous savons bien que le gouvernement fédéral est aux prises avec une tâche très difficile. Mais nous considérons que c'est lui qui est responsable des peuples autochtones de notre pays et des relations que nous entretenons. Les membres de notre organisation craignent de plus en plus que des mécanismes tels que le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux n'entraînent une diminution de la responsabilité fédérale à l'égard des Autochtones. Tout cela va certainement avoir des répercussions.

Nous nous efforçons de comprendre les principes généraux sur lesquels ces mesures sont fondées, de les expliquer à nos membres et aux Autochtones qui vivent en milieu urbain pour qu'ils sachent les effets qu'aura la mesure prise par le gouvernement.

C'est une opération de décentralisation et de délégation. Il est intéressant de noter que notre association joue un rôle actif dans divers domaines, notamment en ce qui concerne l'aide financière que nous recevons de Patrimoine Canada. Nous participons actuellement à la négociation d'un transfert de programmes au terme duquel les Autochtones contrôleraient les fonds. Mais cela signifie en fait que le gouvernement fédéral se décharge de ses responsabilités, et c'est précisément ce que craignent nos membres.

Dans la même veine, je dirais que ce que nous demandons et ce que nous espérons est d'exercer un contrôle plus tangible sur notre existence afin d'élaborer et de concevoir des programmes et des services qui répondront à nos besoins dans les villes et d'établir des liens plus étroits, non seulement avec le gouvernement fédéral lorsque cela se justifie, mais aussi avec les gouvernements provinciaux et municipaux, ainsi qu'avec les nôtres, qu'ils vivent dans des réserves, hors réserve ou dans des collectivités rurales isolées.

Encore une fois, il faut bien reconnaître que le processus de migration ne ralentit pas. Les Autochtones viennent vivre en milieu urbain pour toutes sortes de raisons. Je crois que si le gouvernement fédéral réussissait à stabiliser son engagement vis-à-vis des Autochtones urbains et à en maintenir le niveau pendant plus longtemps au lieu de procéder à des réductions successives, notre capacité de créer des collectivités saines et d'être des membres productifs de cette société...

Pourquoi ne pas nous confier cette responsabilité et ce contrôle? Au moins, dans le mouvement des centres d'amitié, on peut dire que nous n'avons pas déçu.

Le président: Merci, monsieur Miracle.

S'il vous plaît, pourrions-nous passer aux questions? Commençons par M. Silye.

M. Silye (Calgary-Centre): Merci, monsieur le président.

Merci à tous d'être venus nous donner votre idée sur l'orientation que devrait prendre le prochain budget. Je suis heureux de voir que vous avez tous mentionné le fait que la dette constitue un problème. Vous constatez que cette dette limite considérablement les fonds disponibles à cause de l'ampleur du coût du service de la dette. Cela exerce une pression à la baisse sur les fonds disponibles.

Ainsi, compte tenu du fait que nous connaissons tous ce problème et que tous ceux qui sont ici veulent aider les personnes dans le besoin - les personnes les plus défavorisées ont souvent des besoins non satisfaits - je recherche des solutions et des suggestions concernant les façons de faire parvenir de l'argent à ces personnes.

J'ai fait campagne dans Calgary-Centre. C'est ma première expérience dans le domaine de la politique. J'ai vu les gens qui venaient à mon bureau de campagne électorale. Les handicapés venaient dire qu'on ne les aidait pas. Il existe près de 30 programmes fédéraux dans ce domaine. Les personnes âgées venaient dire qu'elles ne recevaient qu'un faible montant et qu'il leur était impossible de vivre avec si peu d'argent.

Je connais tous les programmes d'aide, les suppléments de revenu et ce qui se passe ici.

.1615

Prenez des gens qui sont dans la rue, qui sont dénués de tout. Je les vois dans Calgary-Centre. On ne les aide pas.

Lorsque j'ai commencé à m'intéresser activement à ces questions, j'ai constaté que nous consacrons 67 p. 100 d'un budget de 126 milliards de dollars aux programmes sociaux. Il est donc évident que si le gouvernement se contente de faire des compressions dans le secteur commercial ou dans les autres programmes, sans toucher au secteur social, il lui sera impossible de présenter un budget équilibré. De plus, ces programmes sociaux dont le montant des dépenses n'est pas fixe. Cela dépend de la situation. C'est ce qui explique que les coûts ne cessent d'augmenter.

Je sais qu'il y a des injustices dans l'assurance-chômage, dans les versements et les prestations de bien-être social.

Voici ce que j'aimerais savoir. J'aimerais poser une question aux quatre personnes qui ont présenté des exposés: Mme Torjman, Mme Jackman, Mme Nickson et M. Zamprelli.

Je vais faire vite, monsieur le président.

Madame Torjman, que devrait représenter l'assurance-chômage? L'assurance-chômage devrait-elle être un programme d'assurance national qui soit juste et uniforme? Selon ce modèle, le montant des prestations que reçoit le chômeur dépend des primes qu'il a versées. Par la suite, s'il n'obtient pas d'emploi, il reçoit des prestations d'aide sociale. Ou devrait-on simplement en faire un programme social?

À l'heure actuelle, ce programme comporte un aspect assurance et un aspect social. Mais il existe aussi un programme de prestations sociales qui s'appelle le RAP, et qui va bientôt devenir le programme de transfert en matière de santé.

Le régime d'A.-C. tel qu'il existe actuellement n'est pas équitable. Nous faisons payer des cotisations à des gens qui habitent dans des régions du pays où les taux de chômage varient. Les taux de cotisation minimum varient. Les prestations varient de 5 p. 100.

Si vous êtes disposé à vous attaquer à cette question, comment, selon vous, devrait-on modifier l'assurance-chômage pour en faire un programme beaucoup plus simple et efficace qui répondra mieux au problème du chômage?

Mme Torjman: Tout d'abord, j'aimerais répondre à votre commentaire sur l'augmentation des dépenses sociales. Oui, il est vrai que ces dépenses ont augmenté malgré les coupures.

Il y a deux raisons principales pour cela. La première est que nous sommes en récession. Les dépenses sociales augmentent en période de récession, ce qui est tout à fait normal. L'autre raison est d'ordre démographique.

Il faut donc tenir compte du contexte et ne pas se contenter de dire qu'il faut réduire les dépenses sociales parce qu'elles augmentent. Il existe d'excellentes raisons pour cette augmentation et je voulais replacer les choses dans leur contexte.

Pour ce qui est de votre question au sujet de l'assurance-chômage, nous avons déjà présenté des propositions concernant l'assurance-chômage. En résumé, nous pensons que l'assurance-chômage devrait être un véritable programme d'assurance. On essaie de lui faire jouer toutes sortes de rôles à l'heure actuelle et d'en faire à la fois un mécanisme de supplément de revenu et un système d'assurance pure. Il faudrait que ce soit uniquement un régime d'assurance.

Mais nous ne voulons pas non plus qu'après, les gens deviennent des assistés sociaux. Nous ne pensons pas que le bien-être soit une bonne chose. En fait, nous proposons dans certains documents préparés par nous que l'on supprime le régime de bien-être social. Nous préférions voir un régime fédéral fondé sur le revenu auquel auraient accès après un certain délai les personnes qui n'ont plus droit à des prestations de chômage ainsi que les assistés sociaux capables de travailler. Ce régime serait combiné à des cours de formation et à des programmes d'amélioration de l'aptitude à l'emploi.

Nous estimons également que dans la grande majorité des régions ce n'est pas l'aptitude à l'emploi qui fait problème mais plutôt la création d'emploi. L'offre d'emploi est un élément très important et ces fonds devraient être investis dans le développement économique communautaire.

Nous aimerions notamment que l'on oblige certaines sociétés, les banques en particulier, à réinvestir dans leur collectivité dans le but de créer des emplois.

Je sais que c'est une question délicate mais cela s'est fait aux États-Unis. Il est rare que nous prenions les É.-U. comme modèle lorsqu'il s'agit de politique sociale, mais dans ce cas particulier, cela en vaut la peine, en particulier quand trois de ces banques déclarent plus de 1 milliard de dollars de bénéfices qu'elles tirent de la richesse des collectivités locales. Cette richesse s'en va.

.1620

Pour résumer, nous devrions avoir un programme d'assurance sociale réduit, un autre élément qui aiderait les gens à se passer de l'aide sociale mais également les chômeurs à long terme et enfin des investissements pour créer des emplois.

M. Silye: Merci.

Madame Jackman, vous avez souligné dans votre exposé l'importance que présentait un budget équilibré et vous estimez que le gouvernement devrait s'efforcer de présenter un budget équilibré.

Vous n'avez pas parlé de cela dans votre exposé? Est-ce que je confonds avec celui de Mary?

Mme Jackman: Oui.

M. Silye: Je vais donc m'adresser tout de suite à Mary.

Madame Nickson, l'exposé que vous avez présenté et les réponses que vous avez données aux questions posées par les membres du comité m'ont paru fort utiles et, dans certains cas, elles donnent beaucoup à réfléchir. J'espère que les membres du comité qui appartiennent au parti au pouvoir vont examiner cela de près parce que je pense que vos suggestions résoudraient une partie des difficultés à obtenir des fonds pour les dépenses sociales, et qu'elles permettraient de rationaliser ces programmes et d'en confier la responsabilité à l'autorité appropriée.

Vous avez abordé deux points particulièrement intéressants et j'aimerais en savoir davantage. Le premier est la partie où vous parlez des organismes sans but lucratif. Vous recommandez une révision des règlements qu'utilise Revenu Canada pour accorder le statut d'organisme de charité. Comme vous le savez, il y a de 67 000 à 77 000 organismes de charité au Canada. Vous pensez, tout comme moi d'ailleurs, que les véritables organismes de charité devraient être exonérés d'impôt.

Avez-vous des recommandations à faire sur la façon de définir ce qu'est un organisme de charité? Qui répond à cette définition? Qui devrait avoir le droit de recueillir des fonds? N'y a-t-il pas concurrence entre ces organismes? Deux groupes de personnes âgées sont venus ici aujourd'hui, il y en a peut-être davantage dans le pays. D'après vous, où le gouvernement devrait-il chercher à apporter des changements?

Mme Nickson: Nous avons demandé que l'on examine tous ces organismes dans le but de déterminer quels sont ceux qui jouent un rôle utile, qui répondent à un vrai besoin général. Nous nous posons beaucoup de questions à ce sujet. Notre groupe fait également partie d'un groupe d'organismes sans but lucratif et nous estimons...

Tous ces groupes ont vu leurs subventions diminuer, cela est évident, mais nous voulons que ceux qui jouent un rôle utile obtiennent des avantages fiscaux, et c'est là qu'est le problème. Ils sont trop nombreux. Il y a des organismes qui ne font pas ce qu'ils doivent faire. Ils font peut-être quelque chose d'utile, mais avec toutes ces compressions budgétaires, nous pensons qu'il faudrait être plus strict lorsqu'il s'agit de déterminer ceux qui sont utiles sur le plan économique, ceux qui s'occupent d'une tâche que le gouvernement fédéral voudrait faire mais dont il s'abstient parce qu'il n'en a pas les moyens.

M. Silye: Lorsqu'on vous a demandé quels étaient les domaines qu'il serait préférable de confier aux provinces, vous avez répondu que les deux niveaux de gouvernement devraient jouer un rôle mais qu'avec toutes ces compressions budgétaires et ces réductions des dépenses, ce qui compte surtout c'est de trouver les particuliers et les familles dont les besoins de première nécessité ne sont pas satisfaits et leur offrir des services appropriés. Pour cela il faut décentraliser; bien souvent, cela veut dire confier ces tâches aux municipalités.

J'ai souvent vu ce genre de chose à Calgary. Je vois les gens qui vivent dans ces quartiers et je sais où devrait aller l'argent et qui a besoin d'aide. Je suis très près de tout cela. Je le vois quand je m'y trouve. Des gens qui y seraient 24 heures par jour, qui recevraient tel pourcentage des fonds qui sont distribués, quels que soient les bénéficiaires: cela me paraît une excellente suggestion - tout en respectant, bien sûr, certaines normes. Vous ajoutez à cela des normes nationales fixées par le gouvernement fédéral de façon à faciliter l'accès à ce programme, où que l'on se trouve.

Mais comment établir un ordre de priorité pour les critères que vous proposez en matière de programmes sociaux, faut-il le faire en fonction de la valeur sociale ou de valeur économique. Pouvez-vous en dire davantage?

Mme Nickson: C'est en fait la question que nous avons posée à nos gens et c'est ce qu'ils ont recommandé.

Ce qui nous inquiète, voyez-vous, dans les chiffres relatifs à l'impôt sur le revenu, c'est qu'ils varient d'une région à l'autre. On pourrait faire beaucoup de rajustements pour cerner les besoins réels.

Lorsque nous parlons de cela, des choses qui ont été faites... Il y avait un comité, je crois qu'on l'avait constitué pour... Nous espérions beaucoup qu'il examinerait la formation, qu'il ferait se rencontrer les syndicats et les entrepreneurs, le gouvernement et le secteur de l'éducation pour définir nos besoins en matière de formation. En fait, ces comités ont publié toutes sortes de rapports, de beaux rapports économiques, qui seront peut-être d'une certaine utilité mais qui ne touchent pas ce que nous considérions comme les mesures essentielles à prendre.

.1625

Nous avons examiné bon nombre de ces organismes. Nous ne pouvons porter un jugement sur tous mais, si l'on se base sur ce qu'ils font à l'heure actuelle, nous estimons qu'un examen s'impose.

M. Silye: Ma dernière question, monsieur le président, s'adresse à M. Zamprelli.

Le gouvernement Harris, comme nous le savons tous, a diminué de 22 p. 100 les prestations d'aide sociale qui demeurent malgré tout, d'après son ministre des Finances, Ernie Eves, supérieures de 10 p. 100 à ce qui est versé dans le reste du Canada. Les parents célibataires ayant un enfant semblent très inquiets parce qu'ils soutiennent que si l'on réduit les prestations de 1 200 $ à 900 $ par mois, ils ne pourront pas vivre avec ça à Toronto ou dans la région de Toronto.

En donnant davantage à ceux qui ont véritablement besoin des prestations d'aide sociale, par exemple, aux assistés sociaux lorsque ceux-ci sont capables de travailler et qu'il y a des emplois, ne crée-t-on pas une dépendance en les incitant à rester dans une région où il est difficile de trouver du travail ou bien où la vie est plus chère, au lieu de les encourager à aller habiter dans la vallée où ce montant de 950 $ leur permettrait de vivre un peu mieux? Ils pourraient peut-être trouver du travail alors que dans la région de Toronto il n'y en a pas.

Voilà donc ma question: en augmentant les prestations dans les régions où le taux de chômage est élevé et dans celles où la vie coûte plus cher, ne sommes-nous pas en train d'inciter les gens à demeurer, ce qui à long terme risque de leur nuire parce qu'ils ne sont pas motivés à se déplacer et à se rendre dans d'autres régions?

M. Zamprelli: Pour ce qui est de la réduction de 22 p. 100 et de l'affirmation selon laquelle ce montant est encore supérieur de 10 p. 100 à la moyenne nationale, cela me paraît jouer un peu avec les chiffres. Depuis toujours, les prestations d'aide sociale sont inférieures au seuil de la pauvreté ou au seuil de faible revenu. En Ontario, comme on l'a dit ailleurs il y a une véritable dégringolade, en ce sens que la qualité de notre aide aux personnes dans le besoin est en baisse constante par rapport à une moyenne nationale qui n'a elle-même jamais été suffisante.

Pour ce qui est du montant des prestations, nous avons toujours demandé que l'on assure aux gens un revenu suffisant. Le Conseil de planification sociale et d'autres groupes ont étudié ce qu'il fallait avoir pour survivre. Nous avons fait des études sur le panier de la ménagère, par exemple, afin de calculer le coût du logement, de la nourriture, des commodités normales de la vie dans la région. Si l'on compare ce chiffre au montant que recevaient les gens sous l'ancien système, avant la coupure de 22 p. 100, la plupart d'entre eux étaient loin de recevoir ce qui était absolument nécessaire.

Sur la question de la mobilité, vous dites, si j'ai bien compris, qu'au lieu de continuer à des prestations à des gens qui vivent dans des régions où le coût de la vie est élevé, on pourrait les inciter à déménager ailleurs en réduisant le montant de ces prestations. Mais il faut tenir compte du fait que les gens à faible revenu et les assistés sociaux ne sont pas très mobiles, parce qu'ils n'ont pas de quoi payer un déménagement, et aller s'installer ailleurs. Cela n'empêche pas certaines personnes, par exemple en C.-B., de prétendre qu'elles reçoivent les restes, si je peux m'exprimer ainsi, de l'Alberta et même de l'Ontario.

Je ne pense donc pas qu'on puisse inciter les gens à déménager dans la vallée, par exemple. Il faut donner aux gens où ils se trouvent - la plupart des gens sont incapables de déménager; ils n'ont pas cette mobilité - un revenu suffisant, un revenu qui corresponde au coût de la vie réel dans la région, que ce soit dans la province, dans la région d'Ottawa-Carleton, à Toronto ou ailleurs.

Je crois que le gouvernement de l'Ontario a simplement décidé de réduire toutes les prestations, sans tenir compte des véritables problèmes de capacité financière.

.1630

Le président: Merci, monsieur Zamprelli.

Monsieur Crête, s'il vous plaît.

[Français]

M. Crête (Kamouraska - Rivière-du-Loup): Merci pour les présentations. J'ai l'impression de revoir ici, sinon les mêmes personnes, du moins les mêmes organismes qu'on a rencontrés l'année passée pendant la tournée du Comité du développement des ressources humaines sur les programmes sociaux.

Je pense qu'il serait intéressant que le Comité des finances et le Comité du développement des ressources humaines aient des séances conjointes pour que leurs membres respectifs soient sensibilisés à la nécessité d'être solidaires quant aux mesures à prendre.

Ma question s'adresse à l'ensemble des invités, quoiqu'elle fasse particulièrement référence aux interventions des représentants du Caledon Institute of Social Policy, du Conseil canadien de développement social et du Comité canadien d'action sur le statut de la femme.

Dans les trois cas, on pose la question de la responsabilisation et de la responsabilité. On parle aussi du pouvoir de dépenser qui appartient au gouvernement fédéral, de l'effet des coupures et du fait qu'il ne faut pas décentraliser, compte tenu d'exemples négatifs dans certaines provinces.

J'aimerais entendre vos commentaires sur la difficulté qu'on vit dans le système actuel en regard de l'évaluation de l'efficacité des gouvernements. En effet, on a longtemps donné aux Canadiens l'impression que le gouvernement fédéral avait une capacité quasi infinie de mettre de l'argent sur la table alors que les provinces, elles, n'avaient pas le même pouvoir de dépenser.

Aujourd'hui, la réalité est tout autre. L'argent est rare et à cause du passé, vous semblez croire que les provinces ne pourraient pas avoir la même générosité si elles avaient la responsabilité complète des dossiers. J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.

Comment peut-il y avoir une responsabilisation équitable dans un système où le gouvernement qui perçoit l'argent n'est pas le même que celui qui le dépense pour les citoyens? Lorsque le gouvernement fédéral fait des coupures, ce sont les gouvernements provinciaux qui sont touchés. Le meilleur exemple est la réforme actuelle de la santé au Québec. On se retrouve dans une situation où c'est le gouvernement du Québec qui risque de se faire taper sur les doigts par les citoyens à cause de la diminution des paiements de transfert. Les citoyens ne voient pas le lien entre l'efficacité d'un gouvernement et l'évaluation qui en est faite. J'aimerais connaître la réaction de nos invités à ce propos.

M. André Lécuyer (coprésident pro tempore, Coalition des aîné(e)s en matière d'équité sociale): Est-ce qu'on pourrait savoir à quelle formation politique les intervenants appartiennent?

M. Crête: Moi, je suis du Bloc québécois, l'Opposition officielle.

M. Lécuyer: Excusez mon ignorance.

M. Silye: Je suis du Parti réformiste.

M. Lécuyer: Du Parti réformiste, merci. Oui, j'y ai pensé; le président est toujours libéral.

Le président: Y a-t-il quelqu'un qui veut répondre? Qui va commencer? Madame Torjman, peut-être?

[Traduction]

Mme Torjman: Je crois qu'il faut examiner la question de la décentralisation dans le contexte de la capacité financière. Je ne parle pas nécessairement de dollars réels, parce que je sais que tous les gouvernements ont des dettes et des déficits. Je veux parler de la capacité de réaliser des recettes et de les répartir dans l'ensemble du pays. C'est là toute l'importance du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral: la capacité de réaliser des recettes, de les dépenser et de veiller à ce que tous les Canadiens aient accès à des prestations qui soient équitables, suffisantes et transférables. Il n'y a que le gouvernement fédéral qui ait la capacité de le faire. Nous estimons que le gouvernement fédéral a un rôle extrêmement important à jouer, dans le domaine de la sécurité du revenu en particulier.

Par contre, nous savons que les services sociaux et les soins de santé relèvent des provinces et que celles-ci assurent parfois très bien la prestation de services.

Un certain nombre de choses nous inquiètent, notamment la capacité financière des gouvernements de fournir un niveau de services satisfaisant. Il est évident que certaines provinces n'ont pas cette capacité financière. C'est là encore un rôle que doit remplir le fédéral: compenser les déséquilibres financiers.

Vous vouliez faire un commentaire avant que je n'aie terminé? Excusez-moi.

.1635

[Français]

M. Crête: Je ne comprends pas pourquoi vous dites que les provinces n'auraient pas la capacité budgétaire nécessaire. C'est sûr que, si on laisse au gouvernement fédéral le pouvoir de dépenser et de percevoir l'argent par le biais de l'impôt, c'est lui qui garde la capacité budgétaire et non pas les provinces.

Est-ce qu'il ne faudrait pas que le gouvernement responsable de percevoir les impôts soit aussi responsable des champs de responsabilité pour lesquels il perçoit des impôts?

[Traduction]

Mme Torjman: On pourrait renforcer la capacité de recettes des provinces. Cela n'empêcherait toutefois pas, d'après nous, le déséquilibre financier, si l'on se base sur les recettes actuelles des diverses provinces. Il y a un problème dans ce secteur à l'heure actuelle, c'est pourquoi nous avons les versements de péréquation.

Le deuxième point qui nous préoccupe est la nécessité de conserver une équité relative en matière de prestation de services et d'accès à ces services dans les différentes provinces. Cela ne veut pas dire nécessairement que les services doivent être identiques d'une province à l'autre, mais chaque province devrait être en mesure de fournir des services. Là encore, ce n'est pas le but recherché par les versements de péréquation. Ils étaient bien plus destinés aux infrastructures. C'est pourquoi nous estimons que le gouvernement fédéral doit jouer un rôle pour compenser ces déséquilibres financiers.

Nous considérons donc que le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer en matière de sécurité du revenu.

Pour ce qui est de la santé et des services sociaux, le gouvernement fédéral doit jouer un rôle dans le domaine des normes. Il est très important pour nous que le gouvernement fédéral continue à subventionner le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Nous avons été très heureux de voir que votre comité avait recommandé que cette formule continue d'utiliser des fonds fédéraux. Nous avons été ravis de voir que cela figurait dans votre dernier rapport et nous espérons que vous allez encore insister sur ce point. Cela nous paraît absolument essentiel si l'on veut conserver des normes fédérales.

[Français]

Le président: Monsieur Crête.

M. Crête: Oui, à moins qu'il y ait d'autres commentaires.

M. Zamprelli: J'aimerais répondre à la question touchant la responsabilité. Nous sommes d'avis que la responsabilité sociale devrait être partagée entre les deux niveaux de gouvernement. Et d'une certaine manière, oui, on peut parler de décentralisation. Comme le disait Mme Torjman, le rôle du gouvernement fédéral reste très important, surtout si on veut garder un minimum de services à travers le pays et garantir aux citoyens un niveau de services semblable d'un océan à l'autre.

Quant à la générosité sur le plan provincial, je vais prendre le cas de l'Ontario. Personnellement, je ne pense pas - et plusieurs personnes partagent probablement mon point de vue - qu'il s'agisse d'un gouvernement très généreux, mais plutôt d'un gouvernement prêt à pénaliser ceux qui sont déjà des victimes.

Donc, jusqu'à présent, j'ai beaucoup de mal à croire qu'un gouvernement provincial saura garder une vision du Canada. Il y a peut-être d'autres provinces qui sont plus progressistes et davantage prêtes à répondre aux besoins de la collectivité sans pénaliser certains de ses membres. Mais je suis d'avis que le rôle du gouvernement fédéral demeure primordial.

M. Crête: Est-ce que le résultat auquel on arrive n'est pas dû au fait que dans le passé, la péréquation a servi surtout à acheter la paix du développement économique plutôt qu'à son transfert?

Aujourd'hui, on se rend compte du résultat assez dévastateur de cette façon de faire. Et comme le gouvernement fédéral n'a plus les moyens d'administrer cette valium aux autres provinces, il doit trouver un autre modèle de développement.

.1640

Le président: Y a-t-il quelqu'un qui aimerait répondre?

[Traduction]

Monsieur Armstrong.

M. Armstrong: Ce modèle nous a, je crois, bien servi jusqu'ici mais il est peut-être temps d'envisager un autre mécanisme. Ce système de péréquation faisait l'envie de bien des pays. Y renoncer reviendrait à tout regrouper au centre du pays et à abandonner les zones excentriques. Ce système a été efficace mais il convient de l'analyser, comme on le fait pour le reste. C'était une idée assez nouvelle pour l'époque.

Le président: Merci.

Monsieur Saulis.

M. Saulis: J'aimerais également faire certains commentaires.

Au sujet du système actuel et du nouveau système que nous sommes en train d'envisager ou qui est en voie d'apparaître, les Premières nations s'inquiètent beaucoup du fait que nous ne participons pas à ces discussions sur un pied d'égalité avec les gouvernements fédéral et provinciaux. En effet, historiquement et traditionnellement, les traités ont été signés avec les Premières nations, de gouvernement à gouvernement. Au cours de notre histoire et à mesure que s'est développé notre pays, les Premières nations ont été peu à peu marginalisées. On n'accorde pas autant d'importance aux problèmes qui nous préoccupent et l'on estime que nos opinions et nos points de vue sont secondaires et marginaux.

Un des objectifs que se sont donnés les gouvernements des Premières nations est de rétablir des relations de gouvernement à gouvernement, car c'est ainsi que nous avons toujours conçu ces relations. La situation que connaissent nos peuples dans nos collectivités, sur le plan social, celui de la santé et celui de l'éducation, est la pire au Canada et on l'a comparée à celle des pays du tiers-monde. Il est évident que le système actuel n'aide pas nos peuples. Quels que soient les changements proposés, qu'il s'agisse du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux ou d'autres ententes en matière de transfert, il faut que les Premières nations puissent en discuter de gouvernement à gouvernement et non pas comme simple partie intéressée.

Le président: Merci, monsieur Saulis.

[Français]

Merci beaucoup.

La dernière intervenante sera Mme Thobani.

[Traduction]

Mme Thobani: Merci.

J'aimerais réagir à vos commentaires, notamment le premier qui portait sur la responsabilité de nos gouvernements. D'après nous, le gouvernement libéral n'a pas reçu pour mission de transformer radicalement les relations fédérales-provinciales par le biais du budget fédéral. Lorsque l'on soulève la question de la responsabilité du gouvernement, il nous paraît évident que cela fait appel à un processus auquel doivent participer les Canadiens.

Nous sommes également convaincus que le gouvernement libéral s'est fait élire parce qu'il s'engageait à créer des emplois et à protéger les programmes sociaux. Là encore, lorsque l'on parle de responsabilité, de nombreux Canadiens veulent participer aux discussions sur les changements, en particulier sur les façons d'amener les organes politiques à répondre de leurs actes devant la population.

Pour ce qui est de la diminution des ressources, je crois que tout le monde reconnaît que la dette et le déficit constituent un problème. Il faut trouver la façon la plus équitable de réagir à ce manque de fonds. Pour nous, la réduction des dépenses sociales n'est pas la solution. Cela revient à s'attaquer à ces problèmes en s'en prenant à la partie la plus pauvre, la plus vulnérable, et la plus démunie de notre population. C'est une solution que nous rejetons.

Pour ce qui est des rapports avec les provinces - et vous avez parlé du Québec - notre position a toujours été très claire. Le Québec entretient des relations différentes avec le gouvernement fédéral, et il est normal que les autochtones aient aussi une relation différente avec lui pour ce qui est de la prestation des services sociaux, mais pour le reste du pays, nous voulons que l'aide financière respecte les normes fédérales. C'est le gouvernement fédéral qui devrait être chargé d'appliquer et de faire respecter ces normes.

Pour ceux d'entre nous qui vivent en Ontario, la situation actuelle est déjà dramatique mais si l'on met en oeuvre ce Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, Harris aura carte blanche. Pensez à ce que cela peut représenter, non seulement pour les Ontariens; mais également pour le reste du Canada si l'on utilise ce Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. C'est pourquoi nous sommes très, très inquiets, et c'est pourquoi nous avons décidé de centrer notre action sur le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux et d'exiger que l'on utilise un processus démocratique, ce dont notre pays a désespérément besoin aujourd'hui.

Le président: Merci, madame Thobani.

[Français]

Merci, monsieur Crête. Nous allons passer maintenant à M. Campbell.

.1645

[Traduction]

M. Campbell (St. Paul's): Monsieur le président, je vais résister à la tentation de demander pourquoi le reste du pays a besoin de normes nationales mais pas le Québec.

Mme Thobani: J'ai parlé de normes fédérales.

M. Campbell (St. Paul's): Oui, j'ai bien compris.

Mme Thobani: Je n'ai pas dit nationales, j'ai parlé de normes fédérales.

M. Campbell (St. Paul's): Alors je vous demande - pourquoi le reste du pays a-t-il besoin de normes fédérales mais pas le Québec?

Monsieur le président, la discussion que nous avons eue cet après-midi a été relativement constructive. En tant que membre du comité, je tiens à remercier les intervenants. Je suis très heureux de vous voir tous ensemble.

Nous avions un groupe de représentants du monde des affaires ce matin et je tiens à revenir sur un point que j'ai alors abordé. J'ai dit qu'il n'y avait pas de véritable dialogue - entre les gens qui ont les opinions que vous avez exprimées et les opinions que nous ont transmises les représentants du monde des affaires ce matin - mais que nous pourrions tout de même entamer un dialogue virtuel. Si ces hommes d'affaires étaient ici cet après-midi, ils reconnaîtraient que beaucoup d'entre vous avez parlé de façon fort éloquente de la manière de procéder.

Tout le monde reconnaît qu'il y a un problème mais personne ne s'entend sur la façon de le résoudre. Vous nous avez demandé aujourd'hui de nous abstenir de recommander des compressions supplémentaires et de ne pas ajouter davantage au fardeau que supportent déjà certains secteurs de la société, et vous avez décrit ce fardeau en termes particulièrement éloquents. Vous nous avez donc demandé d'être équitables pour tout le monde mais si les représentants de ce matin étaient ici maintenant, ils vous demanderaient si vous entendiez par là qu'il fallait augmenter les impôts des sociétés, parce que celles-ci ne pourraient pas en payer davantage.

Si l'on adopte cette solution, cela va étouffer la création d'emplois. Il faut que l'impôt canadien sur les sociétés soit concurrentiel par rapport à l'impôt américain et il faut tenir compte de l'ensemble des impôts - charges sociales, taxes foncières et toutes les autres taxes que payent les entreprises, et sur la base de cette comparaison, nous sommes à peu près au même niveau que notre principal partenaire commercial et que les autres pays. C'est pourquoi ces gens d'affaires vous demanderaient comment pouvez-vous proposer d'augmenter leurs impôts. Ce n'est pas une réponse acceptable à moins que vous ne souhaitiez faire disparaître encore des emplois et imposer un fardeau encore plus lourd au filet social.

[Français]

Le président: Monsieur Lécuyer.

M. Lécuyer: Je suis très heureux que vous ayez soulevé cette question, mais je suis atterré d'entendre que ce comité a rencontré un groupe de gens d'affaires et qu'ensuite, il nous demande de venir essayer de lui expliquer où couper dans les programmes sociaux.

N'y aurait-il pas lieu - et c'était justement l'objet de mon intervention - que les personnes intéressées par l'aspect financier et les personnes intéressées par le maintien des programmes sociaux travaillent ensemble pour explorer les différentes avenues possibles? Je suis mal à l'aise, car cela fait quatre ans, deux fois sous l'ancien gouvernement et deux fois sous le vôtre, qu'on me demande de venir faire faire l'évaluation de mon corps. C'est comme si vous étiez des chirurgiens autour d'une table d'opération dans une salle d'urgence et que vous aviez pour seule mission d'amputer tous les membres de mon corps.

Je crois que vous êtes des personnes justes et équitables qui ont le désir d'explorer des façons autres que les coupures pour trouver d'autres sources de revenus. Les gouvernements ne veulent jamais parler d'autres sources de revenus. Ils veulent toujours parler de couper, d'amputer, de détruire, d'abolir et de démolir sans jamais nous demander d'examiner la situation pour savoir s'il existe d'autres sources de revenus.

Vous savez qu'il y en a, d'autres sources de revenus, mais ça prend du courage politique!

.1650

Il y a, par exemple, toutes les subventions aux entreprises. Est-ce qu'elles rapportent les profits nécessaires? Est-ce qu'elles ont vraiment contribué à diminuer le chômage? Ou est-ce qu'elles ne sont pas plutôt des cadeaux à des entreprises? Est-ce qu'on a le courage de penser, par exemple, à ajouter peut-être 1 p. 100 aux transactions bancaires ou aux transactions boursières pour générer quelques milliards de dollars? Est-ce qu'on a pensé à une taxe minimale sur le revenu? Est-ce qu'on pense aux abris fiscaux qui cachent quelque 23 milliards de dollars?

Je pense avoir fait prévaloir mon point de vue. Je voulais simplement savoir si vous vous préoccupiez de ce genre de chose. Vous vous en préoccupez, certes, mais avec des gens d'affaires et jamais avec nous. C'est comme si nous ne pouvions pas vous aider à voir la lumière au bout du tunnel!

[Traduction]

Le président: Monsieur Campbell.

M. Campbell (St. Paul's): Je ne sais pas si le président souhaite répondre. Il y a d'autres personnes qui aimeraient intervenir sur ce point.

Je ne voulais pas vous donner l'impression que nous tenions un discours avec vous et un autre avec l'autre groupe. Je me suis fait l'avocat du diable ici, en vous donnant leur point de vue, parce que ce matin je leur ai présenté un point de vue que je pensais être le vôtre sur l'idée que les entreprises ne pouvaient payer davantage d'impôt mais qu'il fallait tout de même réduire le déficit. Je ne voulais pas que vous vous mépreniez sur ce point.

Monsieur le président, il y avait d'autres personnes qui avaient levé la main et qui voulaient prendre la parole. Je vais donc simplement demander à ce monsieur s'il pense que l'on pourrait mettre en oeuvre ces changements sans que cela touche les emplois au Canada.

Les suggestions concernant l'augmentation des impôts et les autres suggestions - auraient-elles, d'après vous, des répercussions sur l'emploi?

[Français]

M. Lécuyer: Quels changements?

[Traduction]

M. Campbell (St. Paul's): La taxe de 1 p. 100 que vous avez recommandée; et vous aviez quelques autres suggestions.

[Français]

M. Lécuyer: En effet, il existe plusieurs sources de revenu. Mais chaque fois qu'on soulève ces problèmes-là, la réponse classique du ministre des Finances est la suivante: si l'on touche à ces personnes, qui sont déjà favorisées par le système, elles vont s'en aller dans les Caraïbes ou en Suisse.

Si c'est ainsi que ces personnes pensent, elles ne sont pas de bons citoyens. Il faudrait peut-être commencer à travailler un peu sur leur nationalisme! Ces personnes ne peuvent pas toujours penser recevoir des cadeaux sans jamais accepter de responsabilités.

M. Campbell (St. Paul's): Est-ce qu'il y aurait des impacts sur les emplois?

M. Lécuyer: Certainement qu'il y en aurait.

[Traduction]

M. Campbell (St. Paul's): Il y avait également d'autres personnes qui voulaient prendre la parole.

M. Clark: J'aimerais répondre à la question sur l'influence que pourraient avoir ces impôts sur l'emploi. Je suis certain qu'ils en auraient souvent. Il faut toutefois tenir compte du fait que la plupart des entreprises qui réalisent de gros bénéfices ne créent pas d'emplois. En fait, ce sont les entreprises qui congédient le plus d'employés. Les six grandes banques ont fait 5 milliards de dollars de bénéfice et je crois que toutes sont en train de congédier des milliers d'employés: la Banque de Montréal, la CIBC...

C'est dû à toute une série de facteurs: changements de technologie, changements dans la structure des organisations. Je pense toutefois que l'idée voulant qu'il n'est pas toujours vrai que le fait de donner de l'argent aux entreprises crée des emplois et que le fait de prélever des impôts entraîne automatiquement une perte d'emploi.

Là encore, il faut tout de même examiner les répercussions que ces autres changements pouvaient avoir sur l'emploi. Comment la réduction des prestations touche-t-elle l'activité et les stimulants économiques? Si vous donnez 1 $ à un assisté social, ce dollar se retrouve presque immédiatement dans le circuit économique local. Il y a en Ontario des propriétaires qui ne sont pas contents à l'heure actuelle parce que les gens vont avoir du mal à payer leur loyer. Les petites épiceries, les petits magasins de vêtements...

Je ne vais pas me lancer dans ce débat parce que c'est quelque chose qui nous vient de M. Harris.

M. Silye: Ils peuvent baisser les loyers. Les logements subventionnés ne doivent pas nécessairement se louer 700 $ par mois à Toronto. Abaissons cela à 550 $.

M. Clark: Comme je l'ai dit, je crois que je vais réserver ce point pour nos débats à l'échelon provincial.

Pour revenir aux questions fédérales, j'aimerais élargir un peu le débat. Tout d'abord, ces questions sont un peu trop limitées et elles circonscrivent trop la discussion.

.1655

Pour revenir au budget, l'un de mes collègues a mentionné qu'un budget est avant tout une question de choix à effectuer, et je crois que c'est ce qu'il ne faut pas oublier - qu'il y a toujours des choix possibles. Cette idée qu'à l'heure actuelle il n'y a pas d'autre choix de lutter contre le déficit que de réduire les dépenses publiques, de couper dans les dépenses sociales en particulier, est tout à fait fausse.

Pour ce qui est d'une recommandation, je vous rappellerai ce qu'a proposé le vérificateur général. Depuis plusieurs années, le vérificateur général demande que l'on examine de plus près les sommes perdues par le biais des dépenses fiscales. Lorsqu'il a comparu devant le comité des comptes publics au début de l'année, il a demandé que l'on examine les objectifs que l'on voulait réaliser grâce à ces dépenses fiscales, les sommes qu'elles devaient représenter, et les résultats concrets obtenus. Si l'on exerce ce genre de pression pour réduire les dépenses sociales, l'équité me paraît exiger que l'on exerce des pressions comparables sur les autres domaines des dépenses fiscales du gouvernement.

Lorsque l'on parle de dépenses fiscales, les gens disent souvent qu'elles ont toutes sortes de répercussions sur le plan du comportement et qu'il est difficile de mesurer combien elles coûtent exactement. Je tiens à vous signaler que la réduction des dépenses se répercute sur le comportement, elles ont un effet multiplicateur. Il y a toujours des répercussions, que l'on réduise les dépenses fiscales ou que l'on réduise les dépenses en général; c'est pourquoi il n'est pas juste de dire qu'il ne faut pas toucher aux dépenses fiscales parce que cela entraînerait des effets sur le plan du comportement.

Le Conseil canadien du développement social a également examiné l'introduction d'un impôt sur les successions. À l'heure actuelle, on a plutôt tendance à imposer davantage les personnes âgées ou à leur supprimer les prestations qu'elles reçoivent vers la fin de leur vie. Tout le monde parle de l'argument des rapports entre les générations. Nous sommes en train de chercher une façon de - je ne sais pas comment le dire de façon courtoise - de ne pas leur faire mal pendant qu'ils sont vivants mais d'attendre que les gens soient décédés. L'héritage est transmis à la famille. Si l'on veut vraiment leur prendre de l'argent, il faut le faire sans que cela leur fasse trop mal. Nous sommes un des rares pays industrialisés à ne pas avoir d'impôt sur les successions. En fait, nous en avions un il y a des années de cela. D'après certaines évaluations, cet impôt pourrait rapporter près de 3,3 milliards de dollars par an.

La question des REER est particulièrement explosive et il faut être très prudent lorsqu'on l'aborde. Nous tenons à indiquer dès le départ que nous ne cherchons pas à imposer les REER. Nous envisageons par contre de réduire le montant de la cotisation maximale. Les plafonds actuels ont été récemment augmentés - il n'y a pas beaucoup de personnes qui peuvent en fait verser de telles cotisations; il faudrait gagner 75 000 $ ou 80 000 $ par an. Je ne sais pas s'il y a beaucoup de personnes qui se trouvent autour de la table qui peuvent verser 15 500 $ ou 14 500 $ par an dans leur REER et je ne pense pas que le Canadien moyen soit en mesure de le faire. Cela me paraît donc un point qu'il faudrait examiner.

J'ai une liste ici mais je crois que je vais laisser la parole à d'autres. Je crois que j'ai un peu exagéré. Merci de m'avoir écouté.

M. Campbell (St. Paul's): Monsieur le président, je vois plusieurs mains levées et je ne sais pas trop ce que j'ai déclenché. Je ne sais pas si vous voulez leur donner la parole ou si je devrais terminer mon intervention pour que l'on puisse ensuite passer à quelqu'un d'autre.

Le président: J'aimerais passer aux autres membres du comité, pour qu'ils posent leurs questions et nous donnerons ensuite à ceux qui le souhaitent la possibilité d'intervenir.

M. Campbell (St. Paul's): Tout le monde aura la possibilité de conclure, si vous voulez répondre à ce que je viens de dire.

Pour terminer, monsieur le président, M. Clark a tout à fait raison, l'élaboration d'un budget est une affaire de choix. Il faut également tenir compte des répercussions, comme vous l'avez expliqué de façon si convaincante aux témoins présents ici cet après-midi. Les changements que l'on a opéré dans les dépenses ont des répercussions; des changements des recettes ou des impôts auraient eux aussi des répercussions.

La remarque faite sur les profits m'amène à poser la question que je pose souvent lorsqu'on s'engage dans ce débat. De toute façon, à qui est cet argent? N'oubliez pas que les banques sont des sociétés ouvertes, dont les plus gros actionnaires sont des fonds de pensions, autrement dit, les travailleurs. La question que je pose est la suivante: leur avez-vous demandé s'ils étaient d'accord pour que leur placement perde de la valeur si l'on décidait d'imposer davantage les sociétés rentables?

L'impôt sur les successions suscite toujours la même discussion. Nous l'entendons maintenant pour la troisième fois, monsieur le président, au moment où nous nous apprêtons à commencer l'étude de notre troisième budget. Il ne faut pas oublier qu'il y a déjà un impôt sur les gains en capital au moment du décès. Il faut également signaler que d'après la plupart des études, il faudrait adopter une définition très large de ce qu'est la richesse ou une succession imposable pour obtenir des recettes importantes par le biais d'un impôt sur les successions. Là encore, cela va toucher ces personnes âgées dont nous parlions il y a quelques instants et disons qu'il fallait les protéger. Voilà quelques réflexions que je pensais devoir vous communiquer, monsieur le président.

Le président: Quelqu'un veut-il y répondre brièvement? Monsieur Armstrong.

.1700

M. Armstrong: Vous avez soulevé des points très importants parce que les gens qui ont un petit revenu vont peut-être souhaiter que l'on adopte ce genre de solution. Je ne tiens pas à trop parler de ma situation personnelle mais je n'ai pas d'enfant et j'ai un projet que je voudrais réaliser avec un petit capital et j'espère y parvenir. Nous vivons dans une société pluraliste et nous connaissons tous des gens à qui nous voulons donner quelque chose. Cela nous limiterait beaucoup. Cela donnerait certes de l'argent au gouvernement mais cela nous empêcherait également de faire quelque chose d'utile pour les jeunes.

Je sais que nous ne parlons pas de millions de dollars mais ces sommes sont importantes pour les gens qui les reçoivent et cela ferait disparaître cette possibilité et réduirait les liens qui nous unissent. C'est pourquoi je crois que vous avez soulevé des points importants.

Le président: Madame Thobani, je vais vous transmettre maintenant les résultats des observations que vous nous avez faites l'année dernière. Le nombre des femmes du Parti libéral qui font maintenant partie de ce comité a été multiplié par deux, ce qui donne une augmentation de 100 p. 100. Nous en sommes maintenant à 22,2 p. 100, ce qui est bien inférieur aux 52 p. 100 dont vous parliez, mais si vous continuez à faire des efforts, nous réussirons peut-être à passer la barre des 50 p. 100 d'ici quelques années.

[Français]

J'aimerais vous présenter Mme Brushett.

[Traduction]

Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Monsieur le président, si vous me permettez d'aller un peu plus loin, Mme Thobani a déclaré que le nombre des femmes faisant partie de ce comité était insuffisant mais je peux lui dire que cela est largement compensé par leur qualité et leur expérience.

Mme Thobani: Je n'en doute pas.

Mme Brushett: J'aimerais revenir sur l'idée que notre comité et le gouvernement du Canada n'ont pas pour mission de présenter un budget réaliste ou de modifier légèrement la façon dont nous travaillons. Nous effectuons ces changements avec beaucoup de prudence et nous écoutons ce que nous disent les contribuables. Je crois que c'est pour cela que nous avons été élus et cela nous donne une lourde responsabilité à assumer. J'écoute ce que me disent les femmes dans ma circonscription sept jours par semaine, on ne peut donc pas dire qu'il y ait un manque de communication. Il est facile de nous approcher et nous sommes là. Je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous dites que nous n'avons pas reçu la mission de procéder ainsi et que nous n'avons pas non plus le pouvoir de viser une gestion financière responsable.

Mme Thobani: Personne ne soulèverait la question si vous vous efforciez d'établir un budget réaliste, si c'était vraiment ce qui se passe au pays. Le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux a été annoncé l'an dernier. Aucun d'entre nous n'a été consulté à ce sujet, et le transfert de pouvoirs aux provinces faisait partie des propositions contenues dans l'Accord de Charlottetown, qui a été carrément rejeté par l'ensemble de la population. Il s'agissait d'un processus démocratique.

Par la suite, nous avons vu le gouvernement libéral utiliser le budget fédéral pour faire avancer ce projet de décentralisation. C'est pour cela que nous parlons d'absence de démocratie et d'irresponsabilité, et nous nous demandons si le gouvernement actuel a vraiment reçu cette mission.

Mme Brushett: Excusez-moi, mais j'ai été élue dans le cadre d'un processus parfaitement démocratique, et les femmes de ma circonscription, comme vous l'avez mentionné à d'autres occasions... Je ne sais pas si on l'a dit aujourd'hui, mais vous avez affirmé que vous représentez les femmes du Canada. Les femmes de ma circonscription ne connaissent même pas votre nom. Vous ne représentez certainement pas toutes les femmes. Vous en représentez peut-être quelques-unes, mais les femmes s'adressent à moi, leur représentante élue, pour exposer leurs préoccupations.

Lorsque nous parlons du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, je crois qu'environ 90 p. 100 de la population canadienne a demandé que nous mettions un terme au dédoublement et au chevauchement des programmes, particulièrement les programmes sociaux. En Nouvelle-Écosse, les dépenses sociales sont assumées conjointement par les municipalités, la province et le gouvernement fédéral qui en absorbe une partie. Dans ce domaine, il y a bien des choses que nous faisons depuis parfois 20 ans qui ne donnent pas les résultats voulus. Ceux-là même qui nous demandent d'assumer nos responsabilités et d'adopter un budget réaliste... il faut par exemple se demander si l'État doit être responsable des enfants de familles monoparentales alors que d'autres consacrent leur temps, et leur argent et leurs impôts à élever et à instruire leurs propres enfants? Est-ce qu'il convient que l'État assume autant de responsabilités dans ce domaine? Les municipalités et les provinces nous demandent de leur remettre cette responsabilité et elles obtiendront peut-être de meilleurs résultats et réussiront à assurer à nos enfants un avenir meilleur.

.1705

Mme Thobani: Il y aurait beaucoup à dire, mais je sais que le Conseil consultatif national a fait valoir très efficacement sa position. Lorsque la discussion dégénère à tel point que l'on s'interroge sur la représentativité du Conseil consultatif, je sais que nous avons été efficaces.

Le Conseil consultatif n'a jamais prétendu représenter toutes les Canadiennes. Nous représentons toutefois nos membres, et c'est en fonction des positions de principe adoptées par nos membres que le Conseil consultatif présente cet exposé au comité permanent. Je veux que cela soit bien compris. Je n'ai jamais prétendu que le Conseil consultatif représentait toutes les Canadiennes. Le conseil ne vous représente certainement pas, par exemple, mais nous avons des membres, et il est inacceptable que vous dénigriez aussi bassement nos membres et notre clientèle.

Pour ce qui est du dédoublement des services, nous reconnaissons tous qu'il s'agit d'une question qu'il faut régler. Mais ce que le gouvernement veut faire, c'est de détruire le RAPC. Il veut éliminer les garanties et les droits à des prestations qui sont intégrés au RAPC. Est-ce que les Canadiens le savent? Est-ce qu'ils vous ont donné ce mandat? S'ils l'ont fait, pourquoi vous êtes-vous servi du budget fédéral pour y arriver? Voilà les questions que je veux vous poser.

Je crois que la question que vous avez soulevée en parlant des mères célibataires qui reçoivent des prestations de l'aide sociale est véritablement... C'est là un exemple de politiciens qui alimentent la morosité qui règne dans le pays aujourd'hui - Je suis en mesure d'élever mes propres enfants, alors pourquoi une mère célibataire devrait-elle compter sur l'aide de l'État? C'est cette mesquinerie que les politiciens favorisent et cherchent à exploiter, et je crois que vos commentaires doivent s'interpréter dans ce contexte.

Mme Brushett: Je crois que l'intérêt du comité et celui de tous les Canadiens rejoint celui de nos enfants. Nous avons investi beaucoup d'argent pour tenter d'élever nos enfants, pour les nourrir et les instruire, parce qu'ils représentent l'avenir et nous voulons des résultats. Toute la question est là.

Je veux que nous nous tournions vers la jeunesse, parce que si j'ai brigué un poste de député au Parlement c'est parce que je voulais, notamment, servir notre jeunesse. Nous sommes à l'aube du XXIe siècle, et le fossé qui sépare les personnes âgées et les jeunes est immense. Bon nombre de nos jeunes croient que les personnes âgées sont riches. Ils n'ont pas eu beaucoup à se plaindre dans la plupart des cas, mais ils ne peuvent trouver de travail, ils n'ont aucune perspective d'avenir, ils n'ont pas d'espoir.

Le taux de suicide chez les jeunes, non seulement chez les Autochtones mais aussi chez les jeunes non autochtones est très élevé. Lorsqu'un jeune appelle le samedi soir, parce qu'il a bu ou qu'il a pris des drogues, et qu'il veut savoir ce que je peux faire pour régler un problème d'assurance-chômage, mon coeur se brise. Je lui dis que je peux examiner son cas le lundi matin, mais l'assurance-chômage n'est pas son principal problème. C'est son avenir qu'il faut considérer, ce que l'on va faire de lui, ce qu'on peut lui offrir.

De nombreuses personnes âgées de ma circonscription, des personnes qui ont un revenu annuel de 12 000 $ à 15 000 $ et habitent dans des foyers, m'affirment qu'elles sont plus à l'aise aujourd'hui qu'elles ne l'ont jamais été. Elles sont bien nourries, bien logées et elles ont des amis, mais elles s'inquiètent de leurs petits-enfants. C'est là leur plus grande préoccupation.

Qu'allons-nous faire pour notre jeunesse? Nous n'avons pas d'emplois à leur offrir. Nous voulons créer des emplois, mais de quelle façon faut-il s'y prendre et comment pouvons-nous régler le problème du déficit pour que nous ayons quelque chose à offrir à nos jeunes demain?

Le président: Madame Torjman, vous avez laissé entendre que vous aviez des idées précises en matière de création d'emploi. Voulez-vous nous les exposer en réponse à cette intervention?

Mme Torjman: Il s'agissait surtout de développement économique communautaire et d'investissement dans les collectivités. Je sais que c'est une solution qui ne fait qu'effleurer la surface du problème, mais je crois qu'elle revêt une grande importance dans une économie où de nombreux emplois du secteur privé disparaissent.

Nous ne pensons pas que le secteur public soit en mesure d'offrir des emplois, et encore moins d'en créer. Nous aimerions que le secteur public investisse dans la création d'emploi, mais il serait bon aussi d'investir dans le développement économique local, par l'entremise d'associations de prêt et de caisses de prêt. En réalité, il y a une grande activité dans ce domaine et on est en train d'élaborer des formules très innovatrices d'investissement dans les collectivités, et je crois que nous devons canaliser ces efforts. À mon avis, il faut examiner les formules créatrices qui nous permettent d'injecter des capitaux dans les collectivités locales et d'associer la jeunesse au monde des affaires et du travail. Comme je l'ai dit, ce n'est pas la seule solution, mais il me semble que c'est une solution très importante dans de nombreuses régions du pays, ne serait-ce que pour assurer la transition entre l'école et le monde du travail ou pour faciliter le sevrage par rapport à certains mécanismes d'aide au revenu.

.1710

À mes yeux, nous devons exploiter les initiatives créatrices actuellement en cours en ce qui concerne l'aide financière accordée pour faciliter l'accès à l'emploi. Une de nos préoccupations, toutefois, est que les emplois ainsi créés sont souvent des emplois médiocres, qui ne comportent aucun avantages sociaux et aucune sécurité ou qui sont mal rémunérés. C'est là qu'à notre avis le rôle de redistribution du gouvernement est absolument essentiel. Nous devons continuer de fournir des prestations pour les enfants, par exemple. C'est un rôle tout à fait indispensable, parce que le fossé entre les groupes à faible revenu et les groupes à revenu élevé au Canada se creuse davantage tous les jours.

Il existe toutes sortes de façons d'investir dans le développement économique, mais cela ne signifie pas que l'État puisse se décharger de son rôle de redistribution du revenu, rôle qu'il assume grâce à un système d'impôt progressif et à des prestations appropriées, dont la prestation fiscale pour enfants.

Le président: Merci.

[Français]

Il ne nous reste que 18 minutes avant que la cloche ne sonne. On va accorder deux minutes à chaque participant. Il y a encore deux autres députés qui aimeraient poser des questions. Avec votre permission, j'aimerais donner la parole à M. Fewchuk.

[Traduction]

M. Fewchuk (Selkirk - Red River): Merci.

Bonjour. Ma question est très simple. Est-ce que vos organisations demandent aussi de l'aide aux municipalités? Vous adressez-vous aux administrations municipales comme au gouvernement provincial pour obtenir de l'appui et de l'aide?

Le président: Monsieur Zamprelli.

M. Zamprelli: Le Conseil de planification sociale a toujours été soutenu par la municipalité régionale, parce que la municipalité considère que la planification communautaire et la défense des intérêts des citoyens ont un effet direct sur ses travaux et ses décisions, pour ce qui est de ses priorités en matière de services sociaux, de services de santé, etc. Alors oui, nous recevons des fonds de la municipalité régionale.

Mme Thobani: Certains de nos membres le font sans doute, mais le comité national n'en reçoit pas.

M. Fewchuk: Merci.

Le président: Merci, monsieur Fewchuk.

Je suggère que nous poursuivions aussi longtemps que nous le pourrons, même si la sonnerie se fait entendre. Nous aurons ainsi le temps de conclure.

Nous pourrions peut-être commencer par un résumé de votre part, monsieur Zamprelli.

M. Zamprelli: On nous a dit que nous pouvions répondre rapidement aux propos deM. Campbell au sujet des impôts. Je veux simplement mentionner qu'il me paraît plutôt paradoxal que les milieux des affaires se plaignent de leur fardeau fiscal. Les chiffres du ministère des Finances, du gouvernement du Canada, montrent que sur le plan de la contribution des entreprises aux recettes publiques, le Canada se classe parmi les derniers, si ce n'est le dernier, de tous les pays du G-7. Je ne comprends donc pas de quoi on se plaint.

Par ailleurs, si nous examinons les tendances entre 1980 et 1992, le secteur des affaires est le seul à avoir profité d'une diminution des impôts alors que le fardeau fiscal des Canadiens à faible revenu, les ménages qui ont deux enfants et un revenu de 20 000 $, a augmenté de plus de 200 p. 100. Pourquoi est-ce que nous parlons du secteur des affaires?

.1715

Pour conclure, j'espère que vous étudierez le budget de 1996-1997 en tenant compte des préoccupations exposées par la plupart d'entre nous au sujet des impacts... Je crois qu'il s'agit de déterminer si le gouvernement tient suffisamment compte des effets de ses décisions financières et, aujourd'hui, sociales. Vous êtes les décideurs et vous êtes nos représentants gouvernementaux. Faites-vous vraiment tout ce qu'il faut pour évaluer les répercussions de vos recommandations et de vos décisions?

Il est évident qu'ici, en Ontario, le gouvernement n'a manifesté aucun désir d'analyser les répercussions qu'auront la transformation de l'infrastructure sociale et les décisions qui ont été prises dans le but de la démembrer.

Je soutiens qu'il aurait fallu l'obliger, par voie législative, à mener des études sur les répercussions sociales de ses décisions financières.

Le président: Merci, monsieur Zamprelli.

Madame Thobani, je vous en prie.

Mme Thobani: Oui. Je veux profiter de cette occasion pour souligner quelques points.

Maintenant que le référendum a eu lieu au Québec, si les membres du comité se demandent encore pourquoi le Québec devrait être traité différemment du reste du Canada, nous sommes dans une situation encore plus précaire que je ne le pensais lorsque je suis arrivée ici. Voilà mon premier point.

Je soulève ce point, parce que c'est un des aspects... Pendant la campagne référendaire, les fédéralistes n'ont rien pu rétorquer aux souverainistes québécois qui affirmaient que l'indépendance était la seule façon de protéger les programmes sociaux. Je crois donc que si vous doutez encore de la nécessité de protéger les programmes sociaux, nous sommes en plus mauvaise situation que je ne le croyais. C'est ce que je veux dire.

Deuxièmement, je veux revenir sur ce que M. Campbell déclarait au sujet du lourd fardeau fiscal des entreprises. Il ne s'agit pas de hausser les impôts des sociétés - si les sociétés payaient les impôts qu'elles devraient payer en vertu de notre système fiscal actuel, nous nous porterions beaucoup mieux.

Le Réseau canadien d'action a estimé que 63 000 sociétés ne payaient aucun impôt bien qu'elles réalisent des bénéfices. Nous avons attiré votre attention sur ce point au cours d'un de nos exposés antérieurs.

Nous vous avons aussi dressé une liste des façons dont le gouvernement fédéral laissait20 milliards de dollars de recettes lui échapper. Nous avons communiqué cette liste au cours du dernier exposé que nous avons présenté au comité. Je me ferai un plaisir de la retrouver et de vous la retransmettre.

Troisièmement, je veux commenter l'intervention de Mme Brushett, au sujet des enfants.

Je crois qu'il est extrêmement important d'assurer le bien-être des enfants. C'est de l'avenir de notre société qu'il s'agit ici, nos enfants sont notre avenir. C'est pourquoi nous vous pressons à nouveau de tenir votre promesse de créer un programme national de services de garderie, parce que l'important, ce sont nos enfants, et c'est de cela que vous devriez tenir compte en premier lieu au cours de vos travaux.

Je crois aussi qu'il est très important que le comité indique bien que les intérêts des jeunes et des personnes âgées ne sont pas en rien opposés, que les jeunes et les personnes âgées n'ont pas à lutter les uns contre les autres. Il faut vraiment déraciner cette notion. Notre jeunesse a surtout besoin que l'on ne touche pas à l'éducation. Les jeunes ont besoin d'instruction, ils ont besoin d'emplois. C'est en ce sens que le comité devrait travailler, et non pas tenter de faire jouer les intérêts des jeunes contre ceux des personnes âgées.

Je crois que nous devons absolument nous demander aujourd'hui quelle est votre vision du pays? Quelle est à votre avis la responsabilité du gouvernement fédéral? Quels sont les droits que les habitants de notre pays devraient conserver? C'est la question fondamentale à laquelle il vous faudra répondre lorsque vous examinerez le budget fédéral. Nous vous prions de garder ces questions présentes à l'esprit: Quelle est votre vision du Canada d'aujourd'hui? Quels intérêts vos décisions servent-elles? Servent-elles les intérêts de la majorité de la population du pays? Voilà les principes qui devraient guider vos discussions.

Merci.

Le président: Je crois que nous sommes tous bien d'accord là-dessus.

Mme Thobani: Parfait. Veuillez en tenir compte dans le budget fédéral.

Le président: Monsieur Armstrong.

M. Armstrong: Très brièvement, je suis d'accord avec la dernière partie de l'intervention de Mme Thobani. Je crois que c'est là un défi de taille. J'ai essayé de l'exprimer moi-même au début. Vous devez définir le pays. Vous devez mieux le diriger. Nous sommes à un point tournant. Il y a eu de grandes manifestations de nationalisme, et je crois que tous le reconnaissent.

Je suis de Montréal et j'ai travaillé pendant de nombreuses années. C'est vrai. Pendant ma jeunesse, j'ai travaillé de nombreuses années dans Charlevoix et j'aime le Bas du fleuve et la région de Charlevoix autant que quiconque. C'est important. Il est important de définir le pays, et le budget est une déclaration très importante. C'est peut-être la déclaration la plus importante.

Les personnes âgées - et certaines d'entre nous sont de très jeunes personnes âgées - ne veulent pas qu'on les dresse contre les jeunes. Pas du tout. Nous nous préoccupons beaucoup de la pauvreté et du chômage chez les jeunes, des perspectives bouchées auxquelles sont confrontés les Canadiens. Nous ne venons pas à vous pour des motifs égoïstes, mais nous vous demandons d'y aller progressivement. Ralentissez. Pensez-y. Vous pouvez faire des changements, mais vous devriez le faire de façon graduelle.

.1720

Nous aimerions voir le document sur la réforme des pensions, nous aimerions en parler dans un forum comme celui-ci. Je suis d'accord avec vous. Le comité mixte devrait se réunir lorsque le document sera prêt. Je vous exhorte toutefois à ne pas prendre de mesures relatives aux pensions dans le budget. Ce n'est pas la bonne façon de procéder.

Merci beaucoup, monsieur le président, vous avez été très patient.

Le président: Merci, monsieur Armstrong.

Madame Nickson.

Mme Nickson: Il me semble que nous parlons de tout sauf du budget, et que le budget ne peut être la solution à tous les problèmes. Notre conseil s'inquiète encore beaucoup de la dette. Bien sûr, nous sommes en faveur de normes nationales, mais nous ne savons pas dans quelle mesure le gouvernement peut s'avancer sur d'autres plans, car il doit réduire ses dépenses.

Nous voulons que le gouvernement et l'économie soient plus productifs, que l'accent porte sur le perfectionnement professionnel, et sur la coopération sociale. Il est très important d'utiliser nos fonds de façon judicieuse.

Nous aimerions que tous les programmes fassent l'objet d'un examen. Il faut éliminer ceux qui ne donnent pas les résultats voulus ou dont le but est de priorité moindre. Nous croyons que les programmes doivent refléter la nature de la future économie, prévenir la polarisation des groupes de revenu et promouvoir une qualité de vie qui pourrait être améliorée grâce à une meilleure utilisation des produits de la révolution technologique en cours actuellement.

Nous sommes tout à fait en faveur du partage d'emploi. Le nombre d'emplois diminue. Autrefois, nous perdions des emplois en agriculture, aujourd'hui, nous en perdons dans le secteur manufacturier. Maintenant, c'est le changement technologique qui fait disparaître des emplois. Des emplois disparaissent dans le secteur des services. Nous sommes donc convaincus que le gouvernement devrait tenter de mettre l'accent sur le partage de postes.

Il faut aussi s'occuper de la formation des jeunes, veiller à ce que cette formation comporte un volet alternance, à ce que les jeunes ne soient pas oubliés.

Je crois toutefois que les provinces doivent assurer une grande part de ces responsabilités, simplement dans le domaine des normes et de la coopération.

Le président: Merci, madame Nickson.

Madame Jackman.

Mme Jackman: De plus en plus, lorsqu'on veut discuter de politique sociale, il faut parler comme des économistes. Dans le mémoire qu'elle a présenté l'an dernier, l'Association nationale de la femme et du droit, comme bien des groupes représentés à cette table aujourd'hui, a soumis au comité de nombreuses recommandations portant sur les mesures à prendre pour accroître l'accessibilité aux fonds fédéraux sans trop perturber l'économie nationale, ni l'emploi.

Pourtant, le budget de l'an dernier n'offrait qu'une modeste réduction du plafond des cotisations aux REER et une indexation de cette mesure coûteuse sur le plan fiscal. L'ANFD maintient toujours que les compressions brutales dans le domaine social, par exemple dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, sont inconstitutionnelles parce qu'elles ont un effet disproportionné sur les femmes et sur les pauvres.

Dans le plan que le gouvernement fédéral vient de publier en matière d'égalité des sexes, plan auquel Sunera Tobani faisait allusion, le gouvernement a confirmé qu'il avait toujours l'intention de promouvoir l'égalité des sexes, notamment de réaliser des analyses fondées sur le sexe dans l'ensemble des ministères et organismes fédéraux, y compris, je suppose, le ministère des Finances.

Aux yeux de l'ANFD, c'est la volonté du comité et du Parlement d'examiner en fonction du sexe le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux et d'autres questions liées aux dépenses fédérales dans le domaine social qui donnera la véritable mesure de votre engagement vis-à-vis de l'égalité des femmes.

Merci.

Le président: Merci, madame Jackman.

Monsieur Miracle.

M. Miracle: Merci. Il ne fait aucun doute que, du point de vue de l'Association nationale des centres d'amitié, il faut reconnaître le principe même de la responsabilité fédérale à l'égard des peuples autochtones. Il faut procéder à une consultation en bonne et due forme auprès de nos collectivités, de nos organisations et des personnes qui sont les plus susceptibles d'être directement touchées par les changements notables qu'envisage le gouvernement fédéral.

Un des membres du comité a mentionné, entre autres, l'évaluation. Là encore, à nos yeux, il faut beaucoup plus qu'un effort concerté des ministères fédéraux quant à la façon dont ils abordent tous ces changements proposés. Pour être juste, il faut évaluer avec précision et ouvertement les deux membres de l'équation en ce qui touche les programmes destinés aux entreprises et les programmes sociaux, leur effet et la façon dont il est mesuré, ainsi que l'efficacité d'application.

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Des choix s'imposent. Il faut faire des choix, au moins dans la façon dont nous traitons avec notre clientèle en région urbaine, lorsque nous subissons une réduction après l'autre - nous sommes encore ciblés dans le prochain budget fédéral - , la situation déjà très difficile ne fera qu'empirer. Il y aura de plus en plus d'opposition. La morosité et le désespoir dont parlait le membre du comité vont s'intensifier.

Par contre, si on adopte le point de vue contraire, si l'on tente de créer une certaine stabilité, de reconnaître qu'un investissement a été fait, certainement au sein du mouvement des centres d'amitié, grâce à certains de nos programmes au niveau fédéral, il faut bien admettre que nous avons un rôle précis et l'occasion de bâtir notre propre avenir, nous sommes en mesure de montrer clairement que nous pouvons faire réaliser des économies au fédéral, aux gouvernements provinciaux et aux administrations municipales, que de traiter avec nous dans les centres d'amitié est une bonne façon de procéder et que nous offrons ce que le gouvernement fédéral a toujours cherché chaque fois qu'il a mis en oeuvre une réforme de la sécurité sociale.

En milieu urbain, au cours des 40 dernières années, nous avons réalisé plus avec moins de ressources. Nous avons pris soin des nôtres même lorsque nous n'avions pas de fonds. Une extraordinaire équipe de bénévoles, Autochtones et non-Autochtones, a manifesté énormément de dévouement. Si nous créons des occasions, un espoir, l'avenir sera meilleur. Mais si vous entamez cet exercice sans manifester ce respect fondamental et cette reconnaissance - non pas seulement auprès des Autochtones, mais aussi vis-à-vis des Canadiens dans le besoin ou qui ont l'occasion de contribuer à définir ce que nous sommes en tant que pays - c'est là qu'il faut commencer. Vous devez poser ces principes et partir de là.

Le président: Merci, monsieur Miracle.

Monsieur Edwards.

M. Edwards: Merci, monsieur le président. Je ne suis pas beaucoup intervenu dans la discussion jusqu'à maintenant. C'est surprenant. Je veux dire que la discussion a été beaucoup plus vaste que ce que j'avais prévu d'après les questions qui ont été posées et la lettre que nous avons reçue. J'en suis fort aise.

J'aimerais simplement faire quelques commentaires ici. Je suis certainement d'accord avecM. Zamprelli, en ce qui concerne la question de l'impôt sur les sociétés et ce qui se passe, quand on songe aux sommes qui sont versées par les sociétés par rapport aux montants que remettent les particuliers, c'est un domaine qui a beaucoup changé.

Je me suis demandé dans quelle mesure le comité, lors de ses discussions avec les milieux d'affaires - puisque je n'y ai jamais assisté - a contesté la précision ou la validité de certaines affirmations des gens d'affaires. J'ose espérer que les membres du comité examinent ces questions avec la plus grande attention, parce que je crois que dans de nombreux cas les gens parlent dans leur propre intérêt, peut-être dans ce qu'ils expriment, et qu'un comité pourrait en tirer des conclusions erronées.

Nous n'avons pas beaucoup parlé, cet après-midi, de la perception des recettes. Le rapport du vérificateur général de l'Ontario a récemment démontré qu'il y avait une grande quantité d'impôts qui n'étaient jamais perçus à cause de fraudes fiscales liées à la taxe de vente provinciale, et s'il y a fraudes fiscales dans le cas de la taxe de vente provinciale, vous pouvez être sûr qu'il y a aussi fraudes fiscales dans le cas de la taxe sur les produits et services.

Malheureusement, il ne semble pas y avoir suffisamment d'efforts déployés pour percevoir ces impôts impayés et, peut-être, traiter plus sévèrement les personnes qui se livrent à la fraude fiscale. Il faut le faire, et c'est quelque chose dont le comité devrait tenir compte.

Je déplore dans une certaine mesure que le processus budgétaire soit maintenant essentiellement axé sur les changements attendus dans le domaine de la fiscalité et la façon dont le revenu sera redistribué, etc. Cette approche a de grandes répercussions sur les personnes âgées, parce que ces personnes ne sont pas en mesure de recouvrer les avoirs ou les revenus perdus. Ils n'ont pas, comme d'autres, les moyens de relever leurs niveaux de revenu. En général, lorsque vous êtes une personne âgée, votre revenu est essentiellement défini par ce que vous avez gagné dans votre vie et le rendement des placements que vous avez faits.

À mon avis, il est malheureux que... Lorsque nous avons examiné les changements qui se sont produits dans le budget, depuis 1986, nous avons dressé la liste de sept ou huit modifications particulières qui, chaque année, inévitablement, représentait une nouvelle mesure d'imposition - les restrictions sur le revenu, les augmentations d'impôt, d'autres mesures de ce genre - pour les personnes âgées. Nous déplorons cette situation.

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Nous n'avons pas non plus beaucoup parlé d'une autre question à laquelle le Parlement devra faire face.

Je sais que le temps presse. Je me dépêche, mais permettez-moi de soulever encore une ou deux questions.

Premièrement, il y a la disposition de récupération des pensions de vieillesse, que l'on envisage maintenant d'appliquer sur la base du revenu global. Personne n'a parlé de cette situation. La mesure risque d'avoir de graves effets pour de nombreuses femmes qui ne faisaient pas partie de la main-d'oeuvre active lorsque le Régime de pensions du Canada a été créé, ou qui n'ont pas continué à travailler après l'instauration de ce régime. Elles n'ont ainsi rien versé au Régime de pensions du Canada et elles ne peuvent donc pas toucher de pension.

Comme vous le savez, la composition de la main-d'oeuvre active a beaucoup changé depuis les années 1960. La majorité des femmes occupent maintenant des emplois et peuvent s'attendre à recevoir des prestations du Régime de pensions du Canada. Ces personnes ressentiront vivement les effets d'une situation où elles se seront attendues à toucher un revenu qui leur appartiendrait en propre, ou à y avoir droit, un revenu qu'elles se seront constituées par leurs cotisations. Elles auront cru qu'il était impossible que l'on touche aux pensions de vieillesse, et des choses du genre.

Le président: Merci, monsieur Edwards.

Monsieur Clark.

M. Clark: J'aimerais simplement communiquer aux membres du comité quelques réflexions - en vérité, des reformulations. Je veux d'abord souligner que le budget est une question de choix et de priorités. Je crois qu'il est vraiment important qu'au bout du compte nous ne nous contentions pas de nous asseoir et de dire que les maisons de cotation nous ont forcé la main, et que nous n'avions pas le choix, que tout était gravé dans la pierre, que nous n'aurions rien pu examiner d'autre que ce qui se trouvait dans cette enveloppe de contrôle gouvernemental. Je crois que c'est important.

En outre, j'aimerais que nous évitions le match nul que pourraient se livrer les jeunes et les personnes âgées. Si nous posons l'hypothèse que nous avons cette seule enveloppe pour régler nos problèmes, nous sous-entendons qu'il faut prendre à un groupe pour remédier à la situation, et que les groupes s'opposent les uns aux autres. Je crois qu'il est important que nous cherchions ailleurs que dans cette enveloppe. J'ai proposé une solution qui a été avancée des millions de fois - les dépenses fiscales. Là encore, même le vérificateur général parle de ce domaine comme d'un domaine de dépenses illimitées. Il le mentionne depuis plusieurs années déjà.

Le Conseil canadien de développement social ne préconise pas des augmentations d'impôt généralisées. Il a déjà été dit que nous devrions percevoir les impôts exigibles, éliminer les échappatoires fiscales et recouvrer les impôts impayés. Si chacun versait sa juste part, nous n'aurions sans doute pas à réduire si radicalement les dépenses. J'aimerais que le comité s'arrête un peu sur cette idée.

Enfin, on a souvent dit que le Canada était le meilleur pays au monde, un pays que l'ONU cite en exemple. À mon avis, nous ne devons pas oublier que cela ne s'est pas produit par hasard. C'est grâce aux générations qui ont bâti une nation, aux sommes investies dans l'infrastructure sociale, dans la population, que nous avons une société qui fait l'envie des autres pays. Si nous commençons à jeter par terre ce que nous avons construit au fil des ans, nous devons prendre conscience des conséquences. Les compressions ne seront pas mises en oeuvre sans douleur. Il y a une relation entre les décisions en matière d'investissement et le type de pays que vous aurez.

Si les Canadiens veulent démanteler l'infrastructure que nous avons, je crois qu'ils doivent se rendre compte qu'ils n'auront plus le pays que nous connaissons aujourd'hui. Je crois que nous devons comprendre dans quelle voie nous nous engageons lorsque nous tenons un dialogue de ce genre.

En tout dernier lieu, je veux dire que le budget devrait refléter cette réalité. Si nous voyons le Canada comme un pays qui investit dans les gens, le budget, instrument du gouvernement, devrait le refléter. Établir le budget, ce n'est pas simplement réduire le déficit. C'est aussi concrétiser une vision du gouvernement.

Je veux vous laisser sur cette note. Je vous remercie de m'avoir écouté.

Le président: Merci, monsieur Clark.

Monsieur Campbell.

M. Bruce Campbell: J'ai été étonné d'entendre M. Campbell - aucun lien de parenté, d'ailleurs, ou du moins pas à ma connaissance - qui évoquait l'audience de ce matin au cours de laquelle des banquiers frappés par la pauvreté laissaient entendre que si on touchait le moindrement à leurs 5 milliards de profit, on allait faire disparaître des emplois.

M. Campbell (St. Paul's): Excusez-moi, mais il n'y avait aucun banquier ce matin.

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M. Bruce Campbell: Il n'y avait pas de banquiers. De toute façon, c'est l'image qui venait à l'esprit. Vous avez imposé aux banques une ponction d'environ 50 millions de dollars dans le dernier budget, et j'imagine le même montant au cours de la présente année financière. Vous pouvez certainement faire un peu mieux. Vous pouvez certainement demander - ou imposer, devrais-je dire - aux banques de verser leur juste part, quelle que soit la façon dont vous la définirez, et contribuer à payer le déficit.

Nous avons suivi un groupe de 50 sociétés membres du CCCE, certaines des plus importantes entreprises du pays, au cours des sept ou huit dernières années. Pendant cette période, évidemment, les taux d'imposition des sociétés ont régulièrement diminué... Les taux d'imposition des sociétés au Canada sont très concurrentiels. Ils sont plus faibles qu'aux États-Unis et ils sont bien en deçà de la moyenne des pays de l'OCDE.

Quoi qu'il en soit, alors même que les taux d'imposition diminuent, que font ces sociétés? Elles éliminent le plus d'emplois possibles, alors qu'il y en avait 750 000 au début, il n'en restait plus que 500 000 à la fin de la période. Alors j'imagine que l'on peut établir un rapport statistique, moins les sociétés paient d'impôts et plus vous éliminez d'emplois; par conséquent, si l'on commence à relever les impôts des sociétés, ces sociétés voudront peut-être créer quelques emplois. J'exagère bien sûr un peu.

Parallèlement, les avoirs de ce même groupe sont passés d'environ 150 milliards à 250 milliards de dollars, ce n'est donc pas parce que ces sociétés sont mal en point. Si l'on prend les profits des sociétés dans leur ensemble, depuis le plus fort de la récession, en 1992, on constate qu'ils ont augmenté de plus de 100 p. 100 tandis que les salaires n'ont augmenté eux que de 7 p. 100. Je crois donc qu'on a une certaine marge dans ce domaine.

Le président: Je suis désolé, je dois vous demander d'abréger. Il ne nous reste que cinq minutes.

M. Bruce Campbell: Encore deux mots. Nous avons une grande marge de manoeuvre en ce qui concerne les allégements fiscaux consentis aux sociétés et aussi aux Canadiens prospères. Je crois qu'il y a beaucoup à faire dans ce domaine. Vous concentrez vos efforts sur les dépenses directes. Essayez de regarder un peu plus du côté des subventions et des dépenses fiscales.

Finalement - et je vais peut-être tenter de m'étendre un peu - vous avez livré la marchandise relativement à une promesse du livre rouge, c'est-à-dire de ramener le déficit à 3 p. 100 du PIB, mais en fonction d'une crise des recettes et non pas d'une crise des dépenses, et vous aviez promis de le faire grâce à la création d'emplois et à la croissance. Vous avez fait volte-face à ce sujet. Je crois que vous devriez revoir cette promesse et examiner de quelle façon vous pourriez revenir à la première approche, et la meilleure façon de créer des emplois est de régler la question de la politique monétaire, la politique des taux d'intérêt de la Banque du Canada et -

Le président: Monsieur Campbell, permettez-moi de vous interrompre ici.

M. Bruce Campbell: Très bien, merci.

Le président: Oui, madame Torjman.

Mme Torjman: Très brièvement, je vous demande à continuer à protéger les fonds fédéraux dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Je vous en prie, préservez le RPC - nous n'en avons pas parlé, mais c'est une assurance sociale dont nous ne pouvons nous passer et nous ne voulons pas qu'elle soit éliminée. Je vous en prie, ne faites plus de compressions au détriment des pauvres.

Nous n'avons pas recommandé d'augmenter les impôts des sociétés parce que nous croyons que ces augmentations sont répercutées, au bout du compte, sur les consommateurs, mais nous croyons que vous pouvez faire beaucoup par rapport aux Canadiens à revenu élevé et recouvrer dans ce secteur une partie des dépenses.

S'il vous plaît, ne réduisez pas le pouvoir de dépenser du fédéral, et il ne faut surtout pas confondre le pouvoir de dépenser du fédéral avec le dédoublement de services. Parfois, le gouvernement fédéral distribue des fonds, mais c'est pour compenser un manque de capacité financière, pas pour dédoubler des services, car nous avons besoin de programmes sociaux forts dans un Canada fort.

Merci de votre attention.

Le président: Merci, madame Torjman.

Enfin, nous allons entendre monsieur Saulis.

M. Saulis: Comme je l'ai dit précédemment, le système actuel ne répond pas aux besoins des peuples des Premières nations. Les Premières nations et les gouvernements doivent collaborer d'égal à égal pour définir la façon dont la fédération canadienne peut être modifiée afin de répondre aux besoins des membres des Premières nations.

Par ailleurs, le Canada doit actuellement respecter une obligation qui fait partie intégrante de la Constitution canadienne, il doit agir dans l'intérêt des Premières nations. Le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 consolide cette obligation en affirmant que les droits ancestraux ou issus de traités dont jouissent actuellement les peuples autochtones au Canada sont reconnus et affirmés. Les Premières nations doivent être en mesure d'administrer et de concevoir leurs propres programmes, des programmes spécialement conçus pour les besoins de leurs collectivités - les besoins des aînés, les besoins des enfants et des jeunes, les besoins des familles monoparentales.

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L'Assemblée des premières nations continuera de défendre l'établissement d'une relation bilatérale solide avec le gouvernement fédéral. Les Premières nations maintiendront cette position même si c'est le gouvernement fédéral qui décide encore la façon dont les Premières nations doivent fournir leurs services à leur peuple. Un certain nombre de mesures administratives ont été mises en oeuvre pour obliger les Premières nations à respecter ces règlements, comme, par exemple, la retenue de fonds et la supervision des accords conclus avec les gouvernements provinciaux.

Certaines Premières nations ont accepté le transfert de pouvoirs administratifs, mais d'autres ont refusé de participer à ces initiatives qui constituent des efforts du gouvernement fédéral pour réduire ses responsabilités financières et parce qu'il ne s'agit guère que de délégation de pouvoirs administratifs.

Dans le domaine de l'administration de l'aide sociale, les Premières nations ont été inondées de politiques, de normes et de règlements qui se sont souvent avérés inutiles ou absurdes. Pour les Premières nations, l'habilitation correspond à une prise en charge complète de nos destinées, pour créer des structures qui donneront des moyens à notre peuple et le feront participer à la prise des décisions et à la résolution des problèmes.

Le bien-être social et économique d'un peuple est en grande partie déterminé par sa capacité à contrôler les services de santé, l'aide à l'enfance, le logement, l'instruction et l'économie. Les Premières nations ont peu à peu été privées d'un tel contrôle et elles ont été forcées de devenir, bien souvent, la clientèle passive des programmes et des services du gouvernement. Toute mesure permettant aux Premières nations d'exercer le droit inhérent de contrôler les systèmes communautaires ne pourra qu'améliorer le bien-être de notre peuple.

Les Premières nations, dans l'exercice du droit à l'autonomie gouvernementale, ont le droit d'élaborer et de mettre en oeuvre des politiques et des programmes adaptés à leurs droits, à leur liberté, à leurs besoins, à leurs traditions, à leurs connaissances et à leurs valeurs, et qui favorisent leur développement social, environnemental, culturel et spirituel. Nous avons aussi le droit d'établir et de maintenir nos propres institutions et nos installations.

Enfin, les programmes sociaux destinés aux membres des Premières nations font partie de nos droits inhérents et de nos droits ancestraux ou issus de traités. Ces droits ne sont pas assujettis aux compressions budgétaires, ni aux politiques que favorise l'un ou l'autre des partis, que ce soit au niveau fédéral ou au niveau provincial.

Le président: Merci, monsieur Saulis. Je crois que les représentants des premiers habitants du Canada ont défendu de façon fort éloquente la nécessité d'appuyer davantage le projet d'autonomie gouvernementale et de prise en main de ces domaines.

Nous vous avions demandé votre aide. Ce n'est pas par hasard que vous êtes ici. Vous représentez les gens qui à bien des égards sont les plus défavorisés. Vous êtes les porte-parole de très nombreux groupes que nous ne voulons pas mettre en danger dans le cadre de cette très difficile bataille que nous devons livrer au déficit. Vous nous avez tous dit que nous ne pouvions effectuer de compressions dans vos programmes. Je le comprends. Mais ce n'est pas tout à fait vrai, vous ne l'avez pas tous dit; Mme Nickson a déclaré qu'il s'agissait d'une question très complexe. Nous le comprenons.

Vous nous avez présenté quelques solutions de rechange pour non pas réaliser des compressions mais accroître les recettes: échappatoires fiscales, impôt minimum; taxe Tobin, impôt sur les successions; augmentations de l'impôt sur les sociétés; répression de la fraude fiscale; perception d'une plus forte proportion des impôts qui nous sont dus; élimination des subventions aux entreprises; imposition plus élevée des revenus des particuliers, de façon progressive, création d'emploi. Vous nous avez aussi dit que nous pouvons réduire les taux d'intérêt.

Nous vous serions reconnaissants de nous faire parvenir plus de détails sur chacune de ces suggestions. Il ne suffit pas de dire que nous devrions éliminer les échappatoires fiscales. Pouvez-vous nous indiquer les échappatoires précises que vous voulez voir disparaître? S'agit-il du crédit d'impôt pour contribution politiques? De celui pour les dons de charité? De celui pour les rentiers? Des REER? Voilà l'information dont nous avons besoin.

Nous comprenons les principes. Si nous avions les fonds voulus, nous le ferions avec plaisir, parce que nous n'aurions pas à réduire votre financement...

Quoi qu'il en soit, je vous remercie infiniment d'être venus. Nous vous en sommes très reconnaissants. Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie de nous avoir grandement aidés à examiner une question particulièrement difficile et complexe.

La séance est levée.

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