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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 22 novembre 1995

.1545

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Comparaîtront devant nous aujourd'hui les représentants de plusieurs organisations très importantes désireuses de faire des exposés au Comité des finances dans le cadre de ses audiences pré-budgétaires. Accueillons donc parmi nous, de l'Association des distillateurs canadiens, Doug Rubbra, vice-président, opérations; de la Canadian Co-operative Association, Gary Rogers et Linden Hillier; de l'Association dentaire canadienne, Jim Brookfield et Ray Wenn; de l'Association de ventes directes Canada, Jim Hunking et Ross Creber; de l'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite, Don Walcot et Dale Richmond; de l'Association canadienne de production de film et télévision, Elizabeth McDonald; et du Conseil canadien de développement social, Richard Shillington.

M. Shillington, auriez-vous l'obligeance d'ouvrir le bal avec un bref exposé.

M. Richard Shillington (recherchiste associé, Conseil canadien de développement social): Oui, avec plaisir. Si j'ai bien compris, nous sommes ici réunis pour parler dépenses fiscales, et je vais donc profiter de l'occasion qui m'est ici donnée pour traiter rapidement de plusieurs points.

Nous convenons tous, j'espère, qu'une dépense fiscale a la même incidence sur le déficit du gouvernement qu'une dépense directe, et c'est pourquoi ce devrait préoccuper tout autant que les programmes de dépenses directes les gens désireux de s'attaquer au problème du déficit. Mais c'est tout à fait autre chose. Le vérificateur général a fait état du manque de contrôle exercé sur les dépenses fiscales, du manque d'imputabilité et du manque de renseignements de base sur ceux qui en profitent. À ma connaissance, il est impossible d'obtenir de bons renseignements sur la distribution de revenus découlant des dépenses fiscales et sur l'identité de ceux et celles qui en bénéficient, ainsi que sur les bénéficiaires de REER, de régimes de pension privés, d'exemptions pour gains en capital, etc. Ces dépenses fiscales sont donc très différentes des dépenses directes en ce qu'il est difficile d'obtenir des renseignements à leur sujet.

Il existe d'autres différences entre les dépenses fiscales et les dépenses directes, notamment dans la façon dont les gens les perçoivent et les envisagent. Je constate que les cotisations au Régime enregistré d'épargne-retraite sont passées d'environ 15 milliards de dollars en 1992 à quelque 21 milliards de dollars en 1994, soit une augmentation de près du tiers en l'espace de deux ans. Je pense que s'il y avait eu une telle augmentation du côté des dépenses sociales, cela aurait donné lieu à un tollé de protestations sur l'absence de contrôle en matière de dépenses. Je pense qu'il y a une différence dans les critères utilisés.

L'une des questions qui nous ont été soumises fait état des incitations fiscales. Je tiens à souligner ici que ce ne sont pas toutes les dépenses fiscales qui sont des incitations fiscales. En fait, j'imagine que presque tout le monde dira que la dépense fiscale dont il ou elle bénéficie ne constitue pas du tout un encouragement fiscal. Tout dépend de l'intérêt propre de chacun.

Certaines dépenses fiscales reflètent des principes sains et solides. Il y en a, par exemple, qui tiennent compte de la capacité de payer. C'est ainsi que l'on autorise des déductions aux personnes handicapées ou qui se trouvent confrontées à d'énormes dépenses médicales, car l'on suppose que cela a une incidence sur leur capacité de payer de l'impôt. Parfois, on autorise une dépense fiscale dans le simple but d'encourager les gens à faire du bien : c'est le cas, par exemple, des dons de charité. On autorise parfois des dépenses fiscales à des fins de stimulation économique : déduction accordée aux petites entreprises, recherche et développement, amortissement accéléré.

Les dépenses fiscales reflètent souvent un principe sain, mais il arrive fréquemment qu'elles soient mal administrées et qu'elles finissent par être incontrôlables. Je vais rapidement vous donner quelques exemples. Le crédit d'impôt pour dividendes correspond à un principe tout à fait louable, celui de ne pas avoir une double taxation. On ne veut pas taxer... mais cela est autorisé même lorsque les dividendes sont versés par une société non imposable. L'on va bien évidemment trop loin lorsqu'on offre un abattement à des personnes qui reçoivent des dividendes de sociétés qui ne sont pas imposables.

L'exclusion des gains en capital est censée tenir compte de l'inflation. Or, ici encore, le programme est mal administré, car le même pourcentage d'exemption est appliqué à tous les gains en capital, alors qu'il faudrait utiliser des dollars constants, comme le font d'autres pays, où il y a une exemption pour gains en capital à long terme et une exemption pour gains en capital à court terme. Ici, au Canada, on procède de façon maladroite. D'autre part, il s'agit d'une application sélective d'un principe, car il n'existe aucun autre domaine à l'intérieur du régime fiscal pour lequel on ne tienne pas compte de l'inflation. L'inflation est taxée partout ailleurs dans le cadre du régime fiscal.

Un autre exemple serait la déduction pour dividendes entre corporations, qui s'appuie sur ce principe fort sain voulant qu'il n'y ait pas double taxation. On ne veut pas imposer deux fois les dividendes de corporations, mais on le permet lorsque les corporations ne sont pas imposables. En fait, comme le vérificateur général l'a souligné il y a deux ans, on perd des centaines de millions de dollars parce qu'on laisse les corporations utiliser cette disposition pour éviter de payer de l'impôt au Canada et pour exporter leurs profits à d'autres pays.

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Je plaide donc en faveur d'une application uniforme du principe. Nous avons tous lu des articles sur le fait que nous n'avons plus les moyens d'offrir la sécurité de la vieillesse aux personnes âgées à revenu élevé. La sécurité de la vieillesse, c'est 5 000 dollars par an, et cette somme est imposable de sorte qu'après impôt, cela ne rapporte peut-être à l'intéressé que quelque 2 500 dollars. Nous ne pouvons plus nous permettre de payer cela. Mais nous pouvons nous permettre de laisser cette même personne du troisième âge bénéficier d'une exemption pour gains en capital de 500 000 dollars. Nous pouvons nous permettre de laisser cette même personne âgée jouir, grâce à des REER ou à des régimes de pension privés, d'un abattement fiscal annuel de quelque 5 000 dollars pendant toute sa retraite. Je me demande comment nous faisons pour changer de principes.

Dès qu'il est question de dépenses sociales, intervient alors le critère du besoin. Il nous faut dépenser cet argent de façon efficiente; partant, nous ne voulons pas gaspiller cet argent en le donnant à des personnes qui n'en ont pas besoin. Or, dès qu'il est question de dépenses fiscales, ces arguments s'évaporent. J'attends de voir un article dans les journaux nationaux disant que ce serait un gaspillage d'argent que de permettre à des Canadiens à revenu élevé de bénéficier d'une exemption pour gains en capital, qu'ils n'en ont pas besoin et qu'ils n'ont pas besoin d'aide fiscale pendant leur retraite. Je plaide donc en faveur d'une application plus uniforme du principe.

La quasi-totalité des dépenses sociales - Régime de pensions du Canada, Commission de l'assurance-chômage, sécurité de la vieillesse et prestations pour personnes âgées - sont de plus en plus attaquées. J'attends toujours qu'on me donne des raisons pour lesquelles on n'applique pas les mêmes critères lorsqu'on se penche sur les dépenses fiscales qui n'appartiennent pas au domaine du social, notamment les REER, les gains en capital et les pensions privées.

En ce qui concerne les REER, la limite va passer à 15 500 dollars, et je pense que c'est là une erreur. C'est une erreur même si vous acceptez l'argument de l'équité par rapport au régime de pension privé, car si vous en parlez avec les responsables aux Finances, ils vous diront que lorsqu'ils ont choisi la limite de 15 000 dollars, ils s'appuyaient sur l'hypothèse de taux de rendement réels de 3,5 p. 100. Or, cela fait plus d'une décennie que les taux de rendement réels dépassent les 6 p. 100. Sur la base d'un taux réel de rendement sur l'investissement de 6 p. 100, vous n'avez pas besoin d'une limite de 15 000 dollars sur votre REER pour financer un régime de pension privé. Ce serait bien inférieur.

Je vous invite à demander aux spécialistes des Finances quelle serait la limite actuelle en ce qui concerne les REER et ce à quoi cela correspondrait dans le cas d'un régime de pension privé, sur la base des taux de rendement réels actuels de 6 et 7 p. 100. Cela vous économiserait près de 1 milliard de dollars.

En passant, la suppression de dépenses fiscales offre l'intéressant avantage d'augmenter les revenus sans augmenter les taux d'imposition.

Les REER et les cotisations à des régimes de pension privés donnent lieu à une déduction. Les cotisations à l'assurance-chômage et au Régime de pensions du Canada - et la majorité des Canadiens auront comme seul régime de pension le Régime de pensions du Canada - donnent lieu à un crédit. Les REER débouchent sur une déduction et le RPC sur un crédit.

Si les cotisations aux REER donnaient lieu à un crédit, si l'on prend les calculs que j'ai faits en 1992, 15 milliards de dollars en cotisations auraient produit des revenus pour le fédéral de 1,5 milliard de dollars. Ce sera plus encore aujourd'hui avec les actuels plafonds. Je pense que cela est parfaitement logique. L'on pourrait parler de ce qui arrive à ceux et celles qui veulent retirer cet argent quelques années plus tard, mais si c'est cela que vous voulez faire, c'est parfaitement logique.

Le pays ne doit pas être en si mauvaise posture si l'on continue de laisser autant d'argent échapper à l'impôt par le biais de mesures extrêmement généreuses comme celles visant les REER et les régimes de pension privés. Ce que je dis, en gros, c'est que si une personne qui a des revenus de 100 000 dollars veut avoir une pension de retraite de 70 000 dollars, alors elle devrait se débrouiller par ses propres moyens sans aide fiscale. Les REER devraient être protégés de l'impôt jusqu'à un seuil maximal de 30 000 ou 40 000 dollars, soit le salaire moyen. Si vous voulez une pension de retraite supérieure à cela, alors il vous faudra vous débrouiller sans l'aide des contribuables.

Je suis certain d'avoir dépassé les trois ou quatre minutes qui m'étaient accordées et je m'en excuse.

Le président: Ce que vous nous avez dit a été très intéressant et soulèvera certainement beaucoup de controverse.

La parole est maintenant à Elizabeth McDonald.

Mme Elizabeth McDonald (présidente, Association canadienne de production de film et télévision): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je m'appelle Elizabeth McDonald et je suis présidente de l'Association canadienne de production de film et télévision.

L'ACPFT est une association nationale qui défend les intérêts de plus de 300 compagnies d'un bout à l'autre du pays qui s'occupent de production et de distribution d'émissions de télévision et de films ainsi que de prestation de services à l'industrie de la production.

L'industrie de la production cinématographique et télévisuelle indépendante fait une contribution tout à fait unique au Canada car elle lui permet de satisfaire ses objectifs en matière tant d'expression culturelle que de santé économique.

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Selon Statistique Canada, l'incidence directe des activités de l'industrie sur le PIB du Canada se chiffrerait à 998 millions de dollars. Nos impacts directs et indirects conjugués sont évalués à2,2 milliards de dollars.

Plus important encore, notre industrie crée de l'emploi pour les Canadiens. Le secteur de la production indépendante de films et d'émissions de télévision a enregistré depuis 1982 une croissance de 225 p. 100. En 1993-1994, nous avons été responsables de la création directe de 31 000 emplois et de la création indirecte de 60 000 emplois. Nous sommes une industrie fondée sur la connaissance et axée sur l'exportation et nous nous appuyons sur la force du Canada dans le domaine de la technologie de pointe. En bref, nous créons les genres d'emplois, surtout au niveau entrée, que nous voulons tous pour nos enfants.

Dans ces conditions, nous avons été très heureux d'entendre le ministre des Finances, M. Paul Martin, annoncer la création d'un crédit d'impôt remboursable pour notre secteur dans le budget de février 1995. Cela a été perçu comme un outil tout particulièrement efficace, car il a pour objet d'offrir de l'aide à l'industrie sur le plan coût de la main-d'oeuvre sans qu'il y ait de gros versements à ceux et celles qui ne participent pas directement à la production de films ou d'émissions de télévision.

Il me faut cependant vous dire aujourd'hui que bien que notre secteur ait applaudi à l'annonce de ce crédit d'impôt, nous en attendons toujours la mise en oeuvre. Voilà pourquoi, même si nous appuyons ce programme d'avantages fiscaux, nous craignons que le processus lancé pour l'établir crée un environnement d'incertitude et d'instabilité.

Nous avons travaillé et désirons continuer de travailler très étroitement avec les fonctionnaires à la mise en oeuvre du crédit d'impôt remboursable, mais nous ne savons toujours pas quand ni même comment celui-ci entrera en vigueur. Cette incertitude a déjà eu une forte incidence négative sur le secteur de la production cinématographique et télévisuelle car elle entrave la capacité des producteurs d'obtenir le financement nécessaire à la réalisation de leurs projets de production. Nous sommes convaincus que lorsque M. Martin a annoncé la création de ce programme dans le dernier budget, son intention n'était pas de faire en sorte que le processus milite contre l'objectif visé.

Deuxièmement, l'Association canadienne de production de film et télévision collabore à l'heure actuelle avec le ministère du Développement des ressources humaines à un programme national de formation professionnelle d'envergure. Ce programme a pour objet de favoriser le développement et l'amélioration des compétences dont notre industrie a besoin et inclut un très important volet apprentissage. Notre association administre le programme à l'échelle du pays pour le compte du ministère, avec un minimum de personnel. Nous venons tout juste de mener un sondage auprès de nos membres, et ceux-ci estiment que le programme offre un excellent rapport qualité-prix.

En matière d'initiatives gouvernementales, l'Association canadienne de production de film et télévision appuie l'investissement dans les programmes axés sur la formation professionnelle et la création d'emplois, surtout lorsque ceux-ci s'appuient sur des partenariats novateurs avec le secteur privé.

Nous comptons par ailleurs que le gouvernement poursuivra ses efforts visant à réduire le déficit. L'industrie cinématographique et télévisuelle comprend et appui l'importance de la réalisation des objectifs que le Canada s'est fixés en matière de réduction du déficit. Quant à l'incidence que cela aura sur les organismes et ministères gouvernementaux, ici encore, nous sommes préoccupés par les moyens mis en oeuvre plutôt que par l'objectif visé.

La Société Radio-Canada joue un rôle important dans la réussite et la croissance de l'industrie de production indépendante d'émissions de télévision. Les émissions produites indépendamment, telles Road to Avonlea, Les filles de Caleb, Scoop, This Hour has 22 Minutes et North of 60, sont tout aussi canadiennes et populaires auprès des téléspectateurs que celles produites à l'interne par la SRC. Dans l'ensemble, nous les produisons pour 20 ou 30 p. 100 de leur coût.

Assurément, il nous faut avoir un téléradiodiffuseur public national fort : il ne faut pas le démanteler, mais le repenser, dans un esprit de partenariat avec le secteur privé qui stimule la croissance économique et crée des emplois.

Je vous remercie de l'occasion qui m'a été ici donnée de comparaître devant vous aujourd'hui. J'envisage avec plaisir d'entendre vos observations et de discuter de certaines des questions que nous avons abordées. Nous espérons que certaines de nos préoccupations se trouveront reflétées dans le prochain budget.

Merci.

Le président: Merci, madame McDonald.

Qui va parler au nom de l'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite? Monsieur Walcot, j'imagine que vous voudrez faire intervenir également certaines des idées deM. Shellington.

M. Don Walcot (membre du Comité des relations gouvernementales, Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite): Je pense que nous allons aborder certains de ces points, mais peut-être indirectement.

Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. L'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite (ACGFR) est très heureuse de pouvoir participer à la table ronde d'aujourd'hui sur le régime fiscal canadien.

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Tout d'abord, quelques présentations. Je m'appelle Don Walcot et je suis accompagné deM. Richmond. Je suis membre du Comité des relations gouvernementales de l'ACGFR et agent des investissements en chef de BIMCOR, c'est-à-dire Bell Investment Management. M. Dale Richmond est lui aussi membre du comité ainsi que PDG d'OMERS, l'Ontario Municipal Employees Retirement System. Nous nous ferons un plaisir de répondre aux questions que vous voudrez nous poser après avoir entendu notre exposé.

L'ACGFR est une association réunissant 117 fonds de pension canadiens représentant des avoirs totaux de plus de 280 milliards de dollars. Les fonds varient en importance de 200 millions à plus de 40 milliards de dollars. L'objet de notre association est d'aider nos membres dans la gestion de l'investissement de leurs fonds en les sensibilisant aux dernières techniques et philosophies en matière d'investissement et en s'occupant des principales questions auxquelles se trouve confrontée notre industrie, qu'elles soient d'ordre juridique, économique, sociale ou politique.

On nous a demandé de parler aujourd'hui du système fiscal, de ses paramètres, buts et objectifs. Pour nous situer à l'intérieur du système, nous pensons constituer un arrangement de report de l'impôt plutôt qu'une dépense fiscale ou un financement gouvernemental direct. Ce que je veux dire par là c'est que l'impôt reporté aujourd'hui pour encourager les citoyens canadiens à créer et à maintenir des systèmes de retraite sera payé au moment où les bénéficiaires des fonds de pension toucheront leur retraite.

Ce report n'est pas limité aux seuls riches, comme certains l'ont peut-être cru au départ. Les chiffres de Statistique Canada pour l'année 1992 montrent que 74 p. 100 des cotisations à des régimes de pension ont été faites par ou pour des contribuables gagnant moins de 60 000 dollars par an. Les pensions n'existent pas seulement pour les médecins et les avocats, mais également pour les cheminots, les chauffeurs d'autobus et les infirmières, et peuvent représenter une part importante de leurs économies.

Ce système de report de l'impôt ne se limite pas à la création de pensions pour l'avenir. Parce qu'il suppose l'accumulation d'économies, il participe également à l'expansion actuelle de l'économie du pays. Lorsqu'un entrepreneur veut lancer une compagnie ou lorsqu'une compagnie établie veut s'élargir, ils puisent dans ces économies pour financer leur croissance. Les économies peuvent donc être considérées comme faisant partie des fondations sur lesquelles l'économie est bâtie.

En créant ce report d'impôt, le gouvernement a donc en même temps réalisé un autre objectif, celui de la création d'un environnement favorable à l'établissement d'une économie canadienne dynamique et en expansion. Les fonds de pension privés canadiens créés grâce à l'aide fournie par ce système de report de l'impôt sont investis dans les actions, obligations, hypothèques et prêts à terme des compagnies, qui alimentent la croissance de l'économie canadienne.

Le succès des arrangements fiscaux doit être évalué en fonction de leur rentabilité et de leur contribution à la réalisation des objectifs de politique générale du gouvernement. L'actuel régime d'imposition des fonds de pension déplace le coût de la prestation de pensions du gouvernement vers le secteur privé, crée des avoirs pour payer les pensions à l'avenir, assure une sécurité sociale aux citoyens canadiens et contribue en même temps clairement à la croissance économique et à la création d'emplois au pays.

Il y a autre chose encore. Les économies augmentent grâce à l'accumulation de revenus et de gains en capital. Cette accumulation est un levier extrêmement puissant dans les deux sens. D'après nos calculs, un impôt de 1 p. 100 sur les pensions ou une taxe de 15 p. 100 sur les revenus d'investissement - et il ne s'agit pas là de pourcentages très impressionnants - réduirait les prestations futures d'environ 25 p. 100.

Cette partie du régime fiscal est par conséquent très sensible. Des changements considérés aujourd'hui comme étant tout petits sont susceptibles d'avoir une incidence énorme à l'avenir, du côté tant des pensions payées que du montant de remboursement de l'impôt reporté, sans compter la réduction des économies constituées et devant servir à alimenter la croissance économique.

En résumé, nous pensons, nous appuyant sur notre expérience, que ce programme fiscal très bien conçu, assorti d'objectifs clairs et de résultats mesurables, pourrait jouer un rôle très précieux dans la société canadienne, aidant l'économie à se développer et aidant les citoyens à avoir, plus tard, une sécurité sociale.

Merci de nous avoir offert la possibilité de faire cet exposé et de participer à la table ronde. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

Le président: Merci, monsieur Walcot.

Nous allons maintenant passer à M. Ross Creber, de l'Association de ventes directes Canada.

M. Ross Creber (président, Association de ventes directes Canada): Merci, monsieur le président. Je m'appelle Ross Creber et je suis président de l'Association de ventes directes Canada. M'accompagne aujourd'hui M. Jim Hunking, qui est président du conseil d'administration de l'Association de ventes directes Canada.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, nous sommes très heureux de saisir aujourd'hui le comité des préoccupations et recommandations de l'Association de ventes directes Canada. Nos recommandations se trouvent aux pages 3 et 4 de notre mémoire.

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L'Association de ventes directes Canada, fondée en 1954, est une association nationale regroupant des compagnies canadiennes de ventes directes et leurs représentants de ventes indépendants affiliés qui commercialisent et distribuent une vaste gamme de produits et services directement auprès du consommateur, en général, mais pas exclusivement, à domicile plutôt que dans un établissement de vente au détail.

Les membres de l'AVDC, qui comptent aujourd'hui 63 compagnies et plus de 600 000 représentants indépendants, ont vendu pour plus de 1,1 milliard de dollars de biens et services aux Canadiens pendant l'année 1994. La force de la vente directe réside dans sa tradition d'indépendance, sa simplicité et son engagement à l'égard du système de libre marché. C'est une activité qui offre d'intéressantes possibilités commerciales aux personnes qui sont à la recherche de sources de revenu de rechange et pour laquelle l'entrée n'est pas limitée par le sexe, l'âge, le niveau d'instruction ni les antécédents professionnels.

Il convient de souligner que 80 p. 100 des représentants de vente indépendants sont des femmes et que 78 p. 100 travaillent à temps partiel. Les vendeurs directs canadiens sont de petits entrepreneurs et entrepreneuses vivant dans des villages et des villes, petits et grands, dans chaque province et dans chaque territoire du pays.

Monsieur le président, j'aimerais maintenant traiter plus particulièrement du résumé de nos recommandations. Notre première recommandation est que le gouvernement modifie les programmes existants pour prévoir une période de transition, ce de façon à faciliter pour les gens leur passage de l'état de dépendance à l'égard de l'assistance sociale à l'indépendance. Plus précisément, les personnes désireuses de lancer une petite entreprise ne devraient pas être indûment pénalisées pendant la période de démarrage.

Deuxièmement, l'AVDC recommande l'établissement entre le gouvernement et l'Association de ventes directes Canada un partenariat prévoyant la prestation de formation et la fourniture d'information par les membres de l'AVDC aux personnes intéressées à se lancer dans le secteur de la vente directe.

Troisièmement, nous recommandons que le gouvernement fédéral continue d'encourager les provinces à réaliser l'harmonisation provinciale des mesures et des normes qui ont une incidence sur les consommateurs et qui sont exposées dans l'Internal Trade Agreement et qu'il continue de faciliter ce processus, ce dans le but de minimiser le double emploi, d'améliorer la prestation de services et de réduire les coûts tant pour le gouvernement que pour l'industrie.

Quatrièmement, l'AVDC recommande que le mécanisme des ventes directes soit modifié et maintenu dans le processus d'harmonisation de la TPS et de la TVP.

Enfin, l'Association de ventes directes Canada recommande que les gouvernements fédéral et provinciaux poursuivent des efforts vigoureux visant à réduire leurs déficits respectifs ainsi qu'à mettre en oeuvre des politiques fiscales qui fassent baisser les taux d'intérêt réels. Devraient compter parmi ces efforts la réduction de la duplication des services, l'amélioration de l'efficience dans la prestation des services et le lancement d'initiatives qui favoriseront la croissance économique nécessaire à la réduction du ratio d'endettement par rapport au PNB.

M. Hunking va maintenant vous entretenir de plusieurs des recommandations de l'AVDC.

M. Jim Hunking (président du conseil d'administration, Association de ventes directes Canada): Monsieur le président, mesdames et messieurs, l'AVDC juge qu'il est important pour le gouvernement de comprendre que l'industrie de la vente directe est un élément essentiel du secteur canadien de la petite entreprise.

La structure des programmes de bien-être social canadiens actuels favorise la dépendance à long terme. Le gouvernement doit, en partenariat avec l'industrie, faire oeuvre de pionnier pour encourager les chômeurs et les bénéficiaires de soutien du revenu à accepter de travailler à temps partiel sans pour autant perdre toutes leurs prestations, ce pour une période limitée, afin de faciliter cette transition à la pleine participation à l'économie canadienne. En tant qu'association, nous sommes tout à fait prêts à mettre en oeuvre un projet pilote visant à appuyer cette recommandation.

En matière d'éducation et de formation, les compagnies de vente directe offrent formation et perfectionnement aux Canadiens depuis de nombreuses années. Rares sont les jours ou les soirées où les représentants de vente directe n'offrent pas de la formation dans des villes, des villages et des communautés un peu partout au pays.

Cette formation aide les participants à améliorer leur aptitude pour la présentation et la vente de façon à être en mesure de présenter plus efficacement les produits, garanties et possibilités commerciales qu'offre la vente directe. D'autre part, cela raffermit leur confiance en eux-mêmes, les rassure dans la certitude qu'ils font une contribution non seulement à leur propre vie mais également à l'existence de nombreux autres Canadiens et participent par ailleurs très largement au bien-être économique de tout le pays.

.1610

L'AVDC tend la main au ministère du Développement des ressources humaines en espérant l'établissement d'un partenariat en vertu duquel notre industrie pourra offrir aux Canadiens des possibilités de gagner leur vie, s'appuyant sur la formation permanente offerte par les compagnies et leurs distributeurs ou experts-conseils oeuvrant partout au pays.

En ce qui concerne l'harmonisation, en mars 1993, l'AVDC a adopté une approche proactive à la législation visant l'harmonisation de la vente directe et a préparé une proposition de normalisation reconnaissant les divers enjeux et proposant pour chacun d'eux des recommandations, par exemple périodes de réflexion et octroi de permis aux ISC. Le document a été présenté aux provinces et a plus tard servi de ressource dans le cadre de discussions commerciales internes.

Bien que nous soyons encouragés par la volonté des parties à ce partenariat trilatéral d'harmoniser les systèmes, nous nous interrogeons sur l'esprit de certaines des provinces et sur leur désir d'en arriver à une entente sur certaines des questions fondamentales, questions qui sont embrouillées par la fierté de propriétaire ou d'auteur de certaines d'entre elles.

Nous exhortons et implorons le gouvernement de continuer de faciliter le processus en vue d'atteindre une harmonisation maximale et une duplication minimale, d'améliorer la prestation de services, de fournir une protection adéquate aux consommateurs et de réduire les coûts pour le gouvernement et pour l'industrie.

Enfin, en ce qui concerne la taxation, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, l'AVDC a comparu plusieurs fois déjà devant le comité pour appuyer le mécanisme de vente directe tel qu'établi par la loi relative à la TPS. Ce mécanisme est encore un exemple du succès du partenariat du gouvernement avec le secteur privé en ce sens qu'il a réduit le fardeau administratif pour le gouvernement, les compagnies de vente directe et les centaines de milliers de petits entrepreneurs et entrepreneuses de partout au pays, tout en maximisant les revenus du gouvernement en provenance de la TPS.

L'AVDC a proposé encore d'autres modifications au ministère des Finances, modifications qui seraient avantageuses pour le gouvernement et pour l'industrie de la vente directe et recommande fermement au gouvernement d'aller de l'avant avec ces propositions lors de l'examen du projet de loi technique suivant.

En conclusion, monsieur le président, mesdames et messieurs, l'AVDC apprécie l'occasion qui lui a été donnée de comparaître une nouvelle fois devant le comité dans un esprit de coopération et de partenariat, dans le but ultime d'aider de nombreux Canadiens à se tracer de nouvelles vies pour eux et pour leur famille tout en aidant le gouvernement à réduire le fardeau que le déficit impose à tous les Canadiens.

Le président: Merci, messieurs.

Monsieur Brookfield, la parole est à vous.

M. Jim Brookfield (président, Association dentaire canadienne): Merci, monsieur le président.

Vous avez déjà reçu nos documents. Plutôt que de vous en faire lecture, j'aimerais prendre deux ou trois minutes pour en faire ressortir les points saillants. Je suis accompagné du Dr Ray Wenn, président sortant de l'Association dentaire canadienne. C'est moi qui en suis en ce moment le président.

Nous sommes ici en tant que représentants de 15 000 dentistes et de 25,6 millions de Canadiens dont l'accès à des soins de santé abordables se trouve directement menacé par la taxation potentielle des prestations de soins dentaires et de santé. L'imposition des prestations de soins dentaires et de santé est une mauvaise politique en matière de santé et une mauvaise politique économique, et elle représente un énorme pas en arrière dans l'engagement de l'actuel gouvernement à l'égard d'un traitement fiscal juste et équitable.

Pourquoi l'imposition des prestations de santé constitue-t-elle une mauvaise politique de santé?

Au niveau fédéral et provincial, l'approche en matière de politique de santé s'est écartée du traitement pour aller dans le sens de la prévention. La dentisterie a été le moteur des soins de santé orale préventifs à un point tel que depuis 1986 le nombre de Canadiens rendant visite à leur dentiste pour des soins restaurateurs n'a cessé de baisser. Aujourd'hui, la plupart des gens se rendent chez leur dentiste à des fins de prévention. La pratique systématique du fraisage et du plombage est en voie de disparition.

Le président: Ce que vous venez de nous dire là est la meilleure nouvelle que nous ayons jamais eue au comité.

Des voix: Oh! Oh!

.1615

M. Brookfield: Merci, monsieur le président.

Je veux parler là des 25 600 000 Canadiens qui comptent sur des soins de santé dentaires prépayés.

En bref, la prévention, ça paye, la négligence, ça coûte. La négligence impose des coûts à tout le monde : aux employeurs, du fait des jours de travail perdus; aux intéressés et à leur famille, du fait des frais de traitement supérieurs; et aux contribuables, confrontés à des coûts de soins de santé toujours croissants.

Pourquoi l'imposition des prestations est-elle une mauvaise politique économique? Si les primes sont imposées, il y aura une spirale descendante et tout le monde sera perdant. Les personnes en bonne santé choisiront de ne pas payer la taxe en se retirant du régime ou en optant non plus pour une couverture familiale mais pour une couverture individuelle, ce qui veut dire que les enfants et les conjoints ne seront plus protégés. Elles le feront parce que le coût des soins sera inférieur aux taxes à verser. N'adhéreront alors plus aux régimes que les personnes qui sont de gros consommateurs de soins. Les régimes se trouveront ainsi obligés d'augmenter les primes. Les employeurs ne pourront plus se permettre de les financer et les régimes s'effondreront. Tout le monde, y compris les contribuables, perdra au fur et à mesure que les recettes fiscales rétréciront.

Il n'y a pas de vache à lait. Si les primes sont imposées, cela revient en fait à une charge sociale dont le fardeau est placé sur les épaules des travailleurs canadiens dans tous les secteurs de l'économie.

Une taxe sur les primes serait une taxe régressive nuisant beaucoup plus aux personnes à faible revenu qu'aux personnes aisées, sans parler des emplois qui seraient perdus du côté des Canadiens dont l'emploi est relié au système canadien de soins de santé.

Pourquoi donc l'imposition des primes constituerait-elle un énorme pas en arrière dans le traitement juste et équitable des Canadiens? Examinons un instant les faits. Comme je l'ai déjà dit, 25,6 millions de Canadiens, représentant près de 88 p. 100 de la population du pays, sont couverts par des régimes de soins de santé qui viennent s'ajouter à l'assurance-maladie. Parmi les 3,6 millions de Canadiens qui ne sont pas couverts, 2 millions sont admissibles si leur employeur offre des régimes d'assurance maladie à ses employés. Plus de un million de petits entrepreneurs autonomes et non incorporés seraient couverts s'ils étaient traités sur un pied d'égalité avec leurs homologues incorporés.

Si le comité tient à ce qu'il y ait équité et justice dans le cadre du régime fiscal, alors nous pensons que c'est là-dessus que vous devriez vous arrêter en premier. L'on compte un peu plus de 500 000 Canadiens qui ne sont pas employés ou qui ne sont pas directement admissibles à des programmes gouvernementaux spéciaux. Assurément, toute bonne politique publique doit s'attacher à satisfaire les besoins de ces 500 000 Canadiens, au lieu de saper l'accès à des soins de santé de qualité dont jouit la grande majorité des Canadiens.

L'an dernier, les députés ont reçu des lettres et des appels téléphoniques de centaines de milliers de Canadiens inquiets. Cette année, si le gouvernement continue d'envisager l'imposition des prestations de soins de santé, ce mouvement de protestation très senti ne sera que la pointe de l'iceberg. Il ne s'agit pas ici d'une question pour Bay Street. Il ne s'agit pas non plus d'une question pour le G-7. Il s'agit d'une question pour monsieur et madame Tout le monde. Le moment est venu d'écouter ces Canadiens.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Brookfield.

La parole est maintenant à M. Hillier, de la Canadian Co-operative Association.

M. Lynden Hillier (directeur administratif, Canadian Co-operative Association): Merci, monsieur le président. M'accompagne aujourd'hui mon collègue Gary Rogers, qui est conseiller en fiscalité pour nous et pour la Credit Union Central of Canada. Nous allons vous soumettre plus tard le texte de notre mémoire.

Le secteur canadien des coopératives et des caisses de crédit détient des avoirs supérieurs à100 milliards de dollars. Nous desservons au-delà de 13 millions de Canadiens et employons plus de 130 000 personnes. La Canadian Co-operative Association est une association professionnelle nationale représentant les coopératives et les caisses de crédit du Canada qui font affaire en anglais. Nous travaillons très étroitement avec le Conseil canadien de la coopération, qui est notre pendant dans le milieu francophone. Le CCC a demandé à comparaître devant vous à une date ultérieure.

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Notre association compte des membres dans des industries très diverses, notamment services financiers, agriculture, technologie et gestion de l'information, logement, soins de santé, commerce de détail, garderies et coopératives d'emploi ou de travailleurs. Vous constaterez que nos adhérents reflètent bien la diversité de la population canadienne et des questions qui les préoccupent.

Nous offrons à nos organisations membres une tribune pour l'avancement de dossiers qui vont au-delà de leurs préoccupations particulières en affaires. Cela cadre bien avec la philosophie des coopératives, qui vise équilibre et intégration entre les différentes questions économiques et sociales auxquelles nous nous trouvons confrontés.

Lors de notre comparution devant le comité l'an dernier, nos membres étaient d'accord avec l'objectif fixé par le ministre relativement au déficit, soit 3 p. 100 du PIB avant la fin de l'exercice financier suivant, et nous continuons encore aujourd'hui d'appuyer cet objectif. Un important principe de fonctionnement des coopératives et des caisses de crédit est la constitution de réserves en tant que base. Nous savons qu'il faut avoir un régime fiscal prudent qui nous permette de nous adapter au monde changeant qui nous entoure.

Nous pensons tout comme le gouvernement que les rares deniers publics dont il dispose doivent être utilisés de la façon la plus efficace possible. Dans la prestation de services et de programmes gouvernementaux, le gouvernement se réinvente en envisageant des partenariats entre le secteur public et le secteur privé. Nous croyons que l'option coopérative offre un modèle efficace qui a fait ses preuves dans des domaines tels que les soins de santé, les services de garde d'enfants et le logement. Il s'agit également d'un modèle pour des entreprises commerciales oeuvrant dans des secteurs comme les télécommunications et les services d'utilité publique. Nous savons que les coopératives de travailleurs sont un véhicule efficace pour la création d'emplois au niveau communautaire local.

Nos membres pensent que le gouvernement a un rôle continu à jouer en matière d'aide à l'entreprise, sous forme d'accès au crédit, de centres de service à guichet unique et d'aide à l'exportation. Plusieurs comités du Sénat, de la Chambre des communes et du Cabinet se penchent sur diverses formules d'aide à l'entreprise. Nous pensons qu'il devrait y avoir une stratégie économique d'ensemble qui serve de cadre à toutes ces délibérations.

D'autre part, au nom de nos membres et en partenariat avec l'Agence canadienne de développement international, nous participons activement à l'aide aux coopératives et caisses de crédit dans des pays en développement ainsi que de l'Europe de l'Est et d'Europe centrale. Nous avons absorbé au cours des deux dernières années une réduction de 14 p. 100 de notre financement pour le développement international. Le modèle de la coopérative cadre bien avec les recommandations découlant de l'examen de la politique étrangère et nous pensons que les niveaux actuels de financement seront maintenus dans ce domaine.

Les membres de la CCA considèrent les programmes sociaux du Canada comme des investissements dans notre avenir. Monsieur le président, nous comptons toujours que le comité et le gouvernement tiendront leur promesse de ne pas, dans leur lutte contre nos problèmes fiscaux, remplacer la dette fiscale nationale par une dette sociale nationale.

J'ai fait de mon mieux pour être bref. Nous envisageons avec plaisir de participer à la discussion en table ronde qui suivra les exposés. J'aimerais tout simplement faire ressortir certains des points clés évoqués dans les questions que vous nous avez posées relativement au régime fiscal.

Le régime fiscal devrait-il être utilisé en tant qu'outil pour la mise en oeuvre de la politique gouvernementale? Oui, lorsqu'il y a une application généralisée de la politique, comme c'est le cas pour les dons de charité, les frais de garde d'enfants et l'épargne-retraite.

Certaines opinions divergentes ont été exprimées ici cet après-midi relativement aux régimes de pension. Cela nous inquiéterait qu'il y ait un examen non systématique des régimes de pension publics et privés canadiens. Au lieu d'un examen décousu et fait par bouts, nous préconiserions l'étude du système de politique de retraite tout entier.

En ce qui concerne les dépenses directes par opposition aux dépenses fiscales, nous pensons qu'il y a de la place pour les deux. Les dépenses directes cadrent avec une approche plus ciblée à l'égard des programmes du gouvernement. D'un autre côté, le régime fiscal peut être plus objectif. L'on ne peut pas trop surcharger le régime fiscal. Il ne peut pas être tout pour tout le monde.

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En ce qui concerne les limites aux mesures fiscales, les deux observations que nous faisons ici sont les suivantes : vous ne pouvez pas vraiment imposer de limites aux dépenses fiscales, mais vous devez savoir, lorsque vous appliquez des mesures fiscales, ce que vous visez, et il vous faut assurer un contrôle permanent des résultats obtenus.

Nous pensons que la publication et que l'examen de données sur les dépenses fiscales sont utiles. Ce devrait être un exercice annuel du gouvernement. Le comité ici réuni voudra peut-être entreprendre un examen annuel du rapport sur les dépenses fiscales dans le but d'améliorer l'imputabilité.

Le gouvernement devrait viser l'équité et ne pas se préoccuper autant de la neutralité du régime fiscal. Nous pensons qu'une meilleure explication des différents programmes de dépenses fiscales pourrait déboucher sur l'équité recherchée.

Enfin, en ce qui concerne l'équilibre à assurer entre l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur le revenu des particuliers, il n'y a sans doute pas de solution facile. Ce que nous savons par suite des consultations que nous avons menées auprès de nos membres, c'est que l'impôt sur le revenu des sociétés et celui sur le revenu des particuliers ont atteint leurs limites respectives. C'est cependant un fait que l'impôt sur les sociétés a reculé comparativement à l'impôt sur le revenu des particuliers au cours des dernières années.

C'est également un fait, nonobstant cela, que les sociétés doivent être concurrentielles dans un marché mondial. Il est donc difficile de savoir comment réagir.

Voilà certaines des observations que nous tenions à faire. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir donné l'occasion de venir vous rencontrer aujourd'hui et nous envisageons avec plaisir de participer à la discussion.

Le président: Merci, monsieur Hillier.

Monsieur Rubbra, vous avez la parole.

M. Doug Rubbra (vice-président, Opérations, Association des distillateurs canadiens): Merci, monsieur le président. Je m'appelle Doug Rubbra et je suis vice-président des opérations pour l'Association des distillateurs canadiens. Nos membres comptent pour environ 95 p. 100 de la fabrication et de la commercialisation de spiritueux distillés au pays.

Le message que nous tenons à vous communiquer aujourd'hui est sans doute un petit peu moins macro que celui de certains des intervenants qui nous ont précédés. Pour nous, il s'agit surtout d'une question d'accise et d'une question de justice et d'équité. Le comité, le ministre des Finances et les fonctionnaires du ministère ont déjà entendu parler des iniquités dans les taux de la taxe d'accise applicable aux spiritueux au Canada.

Au Canada, les spiritueux distillés continuent d'être le produit de consommation le plus lourdement taxé. En effet, 83 p. 100 du prix de vente au détail des spiritueux sont versés sous une forme ou une autre au gouvernement fédéral ou provincial.

La question pour nous en est une d'équité. Imaginons que ces trois verres sont des contenants d'un litre d'alcool éthylique pur. C'est ce que l'on utilise pour fabriquer bières, vins et spiritueux. Admettons que M. Molson va en prendre un pour fabriquer de la bière et qu'il va verser 5,50 dollars en taxe d'accise au gouvernement fédéral. Disons que les viticulteurs prennent le deuxième et versent 4,27 dollars. Le distillateur va prendre le dernier et il va, lui, verser 11,06 dollars en taxes d'accise, et ce pour le même produit.

La situation est aggravée du fait que lorsque vous transposez ces litres d'alcool dans les boissons alcoolisées que vous et moi consommons, les verres qu'on vous servira dans les trois catégories de produit contiendront tous exactement la même quantité d'alcool éthylique.

À quoi cela a-t-il abouti? Au Canada, les taxes représentent 83 p. 100 du prix tandis qu'aux États-Unis elles ne comptent que pour 44 p. 100 de ce que doit payer le consommateur. Cet état de choses a débouché sur une économie souterraine en plein essor dans ce domaine. La Régie des alcools de l'Ontario vous dira qu'un verre d'alcool sur trois consommés en Ontario est illégal. On parle ici de spiritueux produits par distillation.

Le commerce illégal des vins et de la bière n'est pas très actif. Il y a pour ces produits un volume important de production personnelle à domicile. Mais pour ce qui est des spiritueux distillés, des produits illégaux arrivent en contrebande des États-Unis.

Au Québec, la SAQ vous dira qu'un verre sur deux est illégal. À l'échelle nationale, la moyenne est peut-être d'un verre sur quatre et demi, soit environ 4 millions de caisses de 12 bouteilles pour un marché total de 17 millions de caisses.

Nos ventes au Canada ont reculé de 48 p. 100 depuis 1981, l'année la plus forte. La réaction logique instinctive face à cette situation est de dire qu'avec l'évolution des modes de vie, les gens consomment moins et consomment des produits différents. Nous sommes d'accord. Il s'agit d'une tendance qui a été relevée à l'échelle mondiale.

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Aux États-Unis, où les mêmes forces sociales, si vous voulez, sont à l'oeuvre dans la société et auprès des consommateurs, les ventes de spiritueux n'ont baissé que d'environ 18,9 p. 100 pendant la même période. Chez nous, le recul a été de 48 p. 100. Quelle est la différence? La différence, c'est le prix et l'économie souterraine.

Cela fait plusieurs années que l'on demande au ministre des Finances d'appliquer les mêmes taux de taxe d'accise aux spiritueux. Cette année, nous avons soumis aux hauts fonctionnaires du ministère des Finances un modèle qui n'aurait aucune incidence sur les revenus du gouvernement.

Le calcul est en fait très simple. Vous prenez les trois taux et vous faites la moyenne, ce qui donne 6,45 dollars par litre d'alcool éthylique pur dans toutes les catégories. Dans la pratique, cela aurait un effet positif très marqué sur les spiritueux en en faisant baisser le prix et un effet opposé très limité en ce qui concerne le vin et la bière. L'incidence serait d'environ 3 cents par bouteille de bière. Nous faisons notre part pour essayer de vous convaincre d'aplanir le terrain de jeu.

Notre industrie est en train de rétrécir. On a fermé 19 distilleries au cours des 20 dernières années. Cette année, il y a eu quatre nouvelles victimes, y compris la plus jeune et la plus avancée des distilleries du pays, à Winfield, en Colombie-Britannique. Trois autres en Ontario ont partiellement réduit leur production. Les distilleries qui résistent travaillent à environ 50 à 60 p. 100 de leur capacité.

Voilà donc, en gros, le message que nous tenions à vous transmettre. Nous demandons l'équité et la justice. Nous ne demandons ni faveurs, ni cadeaux, ni encouragements; nous voulons pouvoir concurrencer sur un terrain de jeu égal nos concurrents canadiens et étrangers.

Étant donné la rationalisation qu'a imposé ce déclin, la plupart de nos compagnies membres font aujourd'hui partie de méga-multinationales avec des installations partout dans le monde. À moins que des changements ne soient apportés dans un très proche avenir, il est tout à fait concevable que les distilleries canadiennes viennent à disparaître d'ici quelques années.

Merci de m'avoir entendu. Je vais vous laisser deux documents : le premier donne les chiffres dont je vous ai parlé, et au fond de la salle, vous trouverez des coupures de presse sur l'économie souterraine.

Le document rouge est très intéressant. Vous savez sans doute que l'Association des distillateurs du Canada a, l'été dernier, poursuivi le CRTC devant la Cour fédérale du Canada au sujet de restrictions en matière de publicité. La Cour fédérale a tranché en notre faveur, disant que toutes les boissons alcoolisées devraient être traitées sur un pied d'égalité. Le document rouge est un recueil d'affidavits de spécialistes qui déclarent qu'il n'y a aucune raison sociale de traiter différemment les trois catégories de boissons alcoolisées.

Je me ferai un plaisir de participer à la discussion et de répondre à vos questions.

Merci, monsieur.

Le président: Merci, monsieur Rubbra.

C'est ce que j'allais recommander. Nous avons prévu un quart d'heure pour que les membres du panel puissent discuter entre eux, après quoi nous ferons une courte pause. À la reprise, les membres du comité pourront vous poser leurs questions. Cela vous convient-il?

Je sais que vous devrez nous quitter avant la fin, madame McDonald, alors vous aimeriez peut-être commencer.

Mme McDonald: Je vais limiter mes observations à une seule question. Si j'ai bien compris, l'Association de ventes directes Canada a évoqué le thème de la formation. À notre avis, il s'agit là d'une dépense gouvernementale tout à fait valable, surtout si cela s'inscrit dans un processus de partenariat. C'est ce que nous avons fait.

Nous avons travaillé étroitement avec le gouvernement. Je pense que si les pouvoirs publics avaient essayé de se débrouiller tout seuls, le coût aurait été de beaucoup supérieur. En fait, nous formons des gens qui sont efficaces au sein de notre industrie et qui se déplacent beaucoup. Je ne pense pas qu'il y ait cette année une seule initiative importante de production de films ou d'émissions de télévision qui ne compte pas un élément important de formation d'un grand nombre de jeunes, ce grâce au programme offert par le développement des ressources humaines. Nous travaillons également aux côtés du Centre .

Nous constatons que nous obtenons ainsi des gens qui ont reçu une bonne formation en situation réelle, ce qui m'apparaît plus favorable. S'il existe, certes, de bonnes écoles en matière de communications etc. qui assurent une formation dans ce domaine, nous obtenons par ce programme des gens qui peuvent réellement travailler dans le secteur de la production.

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Donc, pour ce qui est des décisions que le gouvernement doit prendre, nous avons deux considérations présentes à l'esprit. La première est d'éviter que la formation des ressources humaines soit cédée aux provinces, car cela compliquerait énormément les choses pour une industrie nationale comme la nôtre.

La deuxième considération est que notre façon de faire donne de bons résultats et sans doute à moindre coût. Nous trouvons effectivement une main-d'oeuvre mieux formée et qui peut donc être employée à meilleur escient.

J'ai constaté là une similitude dans les thèmes, du moins pour ce qui nous concerne. Pour le reste...

Le président: Vouliez-vous répondre, monsieur Creber?

M. Creber: Je vous remercie, monsieur le président.

Je suis d'accord avec ce qui vient d'être dit. Je suis convaincu que notre profession, en raison de sa nature et du fait que ses membres sont dispersés dans des localités de toutes sortes, peut assurer une formation concrète et de qualité à ceux qui en ont besoin, tout en leur offrant des perspectives lucratives. Comme je l'ai indiqué dans mes remarques liminaires, aucun obstacle ne s'oppose à l'entrée dans notre profession et c'est l'un des grands avantages que nous avons à offrir aux Canadiens.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Shillington, j'imagine que vous avez certains points de désaccord avec M. Walcot.

M. Shillington: Je ne suis pas certain que nous ayons des désaccords. Il s'agit peut-être seulement de s'entendre sur les définitions. Il ne fait aucun doute que le traitement fiscal de l'épargne-retraite, tant les pensions privées que les REER, donne lieu à un report d'impôt. Cela ne signifie pas qu'il ne s'agit pas d'une dépense fiscale et que les épargnants ne jouissent pas d'un avantage fiscal. L'avantage fiscal réside dans le report.

Si j'achète une voiture et que j'ai le choix entre la payer dans quatre ou cinq ans ou bien tout de suite, je préfère ne payer que dans quatre ou cinq ans. Je suis sûr que ces messieurs comprennent la valeur monétaire du temps. Si je prends deux personnes qui toutes deux épargnent 10 000 dollars par an pour leur retraite, et que l'une le fait par le biais d'un REER et bénéficie d'une déduction et ne paye l'impôt sur le capital et les intérêts que lorsqu'elle prend sa retraite et retire l'argent, elle disposera de beaucoup plus d'argent - selon le cas, au moins le double - que la personne qui fait le même placement sans déduction fiscale.

Il y a donc là certainement un avantage fiscal, c'est incontestable. L'avantage réside dans le report d'impôt.

Cela ne me surprend pas du tout d'entendre que la vaste majorité des personnes qui cotisent à des REER sont des Canadiens à revenu moyen. La vaste majorité des Canadiens ont un revenu moyen. Soixante-dix p. 100 des cotisants ont un revenu inférieur à 60 000 dollars. Le contribuable moyen a un revenu d'environ 28 000 dollars. Donc, 70 p. 100 des cotisants ont un revenu inférieur à 60 000 dollars. Il s'agit là du revenu personnel et non familial. C'est un chiffre élevé, pour un revenu personnel.

Il se trouve que j'ai ici le diagramme qui figurait dans le mémoire que nous avons présenté à votre comité l'année dernière, il y a un an et une semaine, et qui montre que si 25 p. 100 des contribuables cotisent à des REER, ce pourcentage atteint 70 dans le cas des contribuables ayant un revenu supérieur à 150 000 dollars, le montant moyen de leur cotisation étant de 11 000 dollars.

S'il est donc vrai que les REER ne sont pas l'apanage des médecins et dentistes et avocats, il est tout aussi vrai que les médecins et dentistes et avocats sont plus susceptibles d'y recourir et qu'ils sont les seuls à cotiser le montant maximal autorisé par la loi, qui n'est que de 18 p. 100 du salaire. Donc, pour atteindre le plafond de 13 000 dollars, il faut avoir un revenu supérieur à 65 000 dollars par an. On ne peut donc cotiser jusqu'à la hauteur du plafond que si l'on a un revenu sensiblement supérieur à ce que la vaste majorité des Canadiens pourront jamais espérer.

Le Conseil canadien du développement social n'a jamais préconisé l'imposition du capital ou des intérêts placés dans le fonds. Nous sommes partisans de ramener le plafond à un niveau plus proche de ce qui existait en 1988-1989, soit 7 500 à 8 000 dollars de cotisation annuelle. Cela ne touchera pas les cotisations de la vaste majorité des contribuables, car la vaste majorité des personnes qui cotisent à des REER n'y placent pas plus de 7 500 dollars.

Je ne connais pas le chiffre absolu des cotisants, je n'ai pu obtenir ce genre de renseignement du ministère des Finances, mais la vaste majorité des cotisants ne seront pas touchés par un abaissement du plafond.

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Une autre chose qu'il faut signaler, particulièrement à un moment où le gouvernement envisage de faire dépendre la pension de sécurité de la vieillesse du revenu familial... nous savons tous que le dernier budget parlait de faire dépendre la pension de sécurité de la vieillesse du revenu familial. Il ne faut donc pas oublier que tous les montants dont nous parlons au sujet des REER sont des revenus personnels. Donc, tout en envisageant d'assujettir le chèque de sécurité de la vieillesse au revenu familial, on accorde des dégrèvements fiscaux sur les pensions de personnes gagnant 60 000, 70 000 ou 80 000 dollars.

On utilise donc le système fiscal pour subventionner des pensions de ménages qui, si les deux conjoints sont de profession libérale, pourraient facilement jouir d'un revenu de 120 000 dollars.

Le président: Je vous remercie, monsieur Shillington.

Monsieur Walcot, je suis sûr que vous allez vouloir répondre.

M. Dale Richmond (membre du Comité des relations gouvernementales, Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite): Je vous remercie, monsieur le président.

J'aimerais inscrire les arguments de M. Shillington dans une optique différente. Je pense que tout le monde reconnaît la nécessité de programmes sociaux, d'un filet de sécurité sociale, mais le montant des dépenses sociales et l'importance des programmes sociaux d'un pays sont généralement fonction de la santé économique. La mesure dans laquelle les retraités ont besoin de ces programmes sociaux est une fonction directe de l'épargne qu'ils ont accumulée pour leur retraite.

Il est souhaitable que les gens puissent vivre leurs années de retraite dans l'autosuffisance et la dignité. Les gens ont traversé la vie d'une certaine façon et ne peuvent que vivre leur retraite d'une certaine façon selon cette définition. Il ne faut pas essayer d'imposer cette épargne pour préserver les programmes sociaux existants. Il faut plutôt veiller à ce que le régime d'épargne-retraite - et quelqu'un à l'autre bout de la table y a fait allusion - soit sans faille.

Nous avons un système complet avec le Régime de pensions du Canada et les reports d'impôt à l'égard de l'épargne-retraite que les gens accumulent pendant leur vie active. Ce système est donc en place. C'est un système à deux volets, et non pas un système à un seul volet, et si vous l'imposiez maintenant pour financer les programmes sociaux existants, vous allez vous apercevoir qu'à l'avenir, ces incitations fiscales disparues, la structure de l'épargne changera tellement que le besoin de programmes sociaux augmenterait de plusieurs ordres de grandeur.

Il faut donc être très prudent. Il ne faut pas se livrer à des bricolages ponctuels dans ce domaine sans étudier à fond le système au complet, ce que nous préconisons.

Le président: Je vous remercie, monsieur Richmond.

Monsieur Brookfield.

M. Brookfield: Je vous remercie.

Je suis très heureux d'entendre les membres ici reconnaître la nécessité d'un filet de sécurité sociale. J'ai été très heureux d'entendre dire tout à l'heure qu'il ne faut pas transformer la dette financière en dette sociale. Je pense que ce gouvernement doit peser son orientation et voir ce qu'il en résultera. C'est l'une des critiques adressées en première page du Globe and Mail d'aujourd'hui au rapport du vérificateur général.

Je pense que ce que nous avons ici est un exemple d'un très bon programme social qui aide chaque famille canadienne à obtenir les soins dont elle a besoin tout en limitant le coût du système de santé pour le gouvernement.

Chaque Canadien est partie prenante du système de soins de santé tel que nous l'avons décrit. Il marche bien et nous craignons que l'on sacrifie ou mutile la dette sociale aux dépens de la dette financière.

Le président: Je vous remercie, monsieur Brookfield.

Je vous propose une pause de deux ou trois minutes, après quoi les députés vous poseront leurs questions.

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Le président: Nous allons reprendre, s'il vous plaît.

Monsieur St. Denis, voudriez-vous commencer, je vous prie.

M. St. Denis (Algoma): Je remercie tous les membres du panel de leur participation.

J'aimerais poser une question très précise à M. Brookfield. Vous avez parlé de la couverture d'assurance du point de vue de l'imposition ou de la non-imposition des prestations patronales. Vous nous avez donné quelques excellentes statistiques touchant les Canadiens assurés et ceux qui ne le sont pas, et indiqué que 600 000 Canadiens environ n'ont pas accès à un régime d'assurance.

Vous vous souvenez peut-être que le rapport publié par le Comité des finances l'année dernière recommandait au ministre de ne pas imposer, pour le moment, ces prestations. Parallèlement, notre comité a invité la profession - les dentistes, les compagnies pharmaceutiques, les compagnies d'assurances - à rechercher les moyens qui nous permettraient d'assurer une couverture d'assurance-maladie à tous les Canadiens, quel que soit leur revenu.

Je pense qu'il y avait un consensus sur l'idée qu'il vaudrait mieux procéder par l'intermédiaire du secteur privé.

Y a-t-il eu des négociations ou des discussions au sein de la profession sur des modalités qui nous rapprocheraient d'une couverture universelle d'assurance dentaire et d'assurance médicament? Entrevoyez-vous une solution à ce problème dans l'avenir proche?

M. Brookfield: M. Wenn va répondre. Il faisait partie de la coalition de groupes du secteur sanitaire qui ont travaillé sur ces chiffres et statistiques.

M. Ray Wenn (président sortant, Association dentaire canadienne): La question, telle que formulée, est très vaste et j'imagine que si nous donnions toute la réponse, il nous faudrait plusieurs heures. Mais permettez-moi, très rapidement, de préciser un peu les chiffres.

Je pense que tout le monde se souvient que l'année dernière on avait dit qu'il y avait probablement près de 20 millions de Canadiens jouissant d'une forme d'assurance-maladie et dentaire, et le comité et le ministère chiffraient à huit ou neuf millions les personnes sans couverture. Nous avons donc mis sur pied une coalition pour tenter de voir ce qu'il en était et de mieux préciser où en sont les Canadiens du point de vue de l'assurance-maladie et dentaire.

Les groupes composant la coalition étaient la Canadian Association of Blue Cross Plans, l'Association dentaire canadienne, bien entendu, l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes et l'Association pharmaceutique canadienne.

Les chiffres que nous avons calculés proviennent principalement de Statistique Canada et de diverses autres sources que ces groupes ont pu trouver.

Très brièvement, la situation est la suivante. Près de 20 millions de Canadiens sont couverts par divers régimes privés.

Près de 5,6 millions sont couverts par divers régimes gouvernementaux spéciaux hors assurance-maladie, dont les autochtones, par exemple, nombre de retraités ayant cotisé à un régime de pension provincial etc. Il y a donc 5,6 millions de Canadiens qui sont couverts par divers...

M. St. Denis: Est-ce en sus des 20 millions précédents?

M. Wenn: Effectivement. Il y a en fait un chevauchement de deux millions. Certains ont en effet une couverture privée et d'autres sont couverts par divers régimes publics. Cela fait donc 25,6 millions de Canadiens qui sont avantagés par la déduction fiscale, si vous voulez. Cette aide provient du gouvernement, soit sous la forme de la déduction fiscale aux mains de l'employeur, soit sous la forme d'un régime public.

Cela laisse 3,6 millions de Canadiens sans couverture. Mais nous avons examiné ce groupe de plus près. Nous avons constaté que deux millions d'entre eux travaillent pour des employeurs qui, si on pouvait les convaincre d'offrir la couverture, seraient admissibles aux mêmes avantages fiscaux que tous les autres. Ce n'est donc pas du tout une question d'équité, c'est le même traitement fiscal.

Il reste ainsi encore un million de personnes travaillant à leur compte sans être constituées en société. Ces travailleurs indépendants et leurs personnes à charge représentent un million de personnes. Par conséquent, il faudrait modifier nos régimes fiscaux pour leur permettre de déduire les primes à titre de frais professionnels.

Cela ne laisserait qu'environ 500 000 à 600 000 Canadiens qui sont réellement en dehors du système public, qui n'ont pas accès à des régimes gouvernementaux spéciaux et qui ne recherchent peut-être même pas d'emploi. C'est une toute petite proportion seulement des Canadiens qui ne sont pas couverts ou admissibles d'une façon ou d'une autre.

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La conclusion est qu'environ 28 cents pour chaque dollar sont dépensés en dehors de l'assurance-maladie pour donner une couverture d'assurance d'une forme ou d'une autre aux Canadiens, et ce secteur est en expansion. Nous pensons qu'il faut continuer à jouer ce rôle, aider le gouvernement à offrir ces programmes aux Canadiens.

Si nous ne le faisons pas, que va-t-il se passer? On se retrouvera dans une situation où l'État devra assumer entièrement la responsabilité - et les gouvernements manifestement ne le veulent pas; ils ont dit qu'ils ne le veulent pas - sinon ces Canadiens seront laissés entièrement à eux-mêmes; et nous savons que certains soins non couverts par l'assurance-maladie sont très coûteux, et cela devient injuste. Ceux qui n'ont pas les moyens de payer ne pourront pas se soigner.

Le système tel qu'il évolue et tel que nous l'avons forgé au cours des 20 dernières années fonctionne réellement bien chez nous. Il fait l'envie du monde entier - non seulement notre système d'assurance-maladie mais également notre système de soins auxiliaires. Donnez-lui du temps. Je pense que nous approchons du but.

M. Brookfield: J'aimerais ajouter quelque chose à cela. Les dentistes canadiens sont tout à fait résolus à collaborer avec le gouvernement pour voir comment fournir les soins à ces 500 000 à600 000 personnes. Cela se fait déjà au niveau provincial et ces efforts peuvent se poursuivre.

M. St. Denis: Est-ce que la coalition va déposer un rapport provisoire? Ce sont des renseignements très utiles et qui vont tous nous rassurer sur les progrès réalisés.

M. Wenn: En fait, notre mémoire écrit, l'annexe à ce mémoire, contient les chiffres les plus récents de cette coalition. Le comité disposera donc de toutes les données.

Le comité sera peut-être intéressé de savoir que nous avons invité le ministère des Finances à participer à cette coalition. Nous espérions qu'il collaborerait avec nous là-dessus. Mais j'imagine qu'il a été trop occupé à faire autre chose et il n'était pas représenté à la table. Nous le regrettons.

M. St. Denis: Je vous remercie de ce rapport provisoire.

Le président: Monsieur Fewchuk.

M. Fewchuk (Selkirk-Red River): Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la réponse du ministère?

M. Wenn: Nous avons correspondu avec le ministre et son administration. Nous avons rencontré le ministre et ses fonctionnaires à plusieurs reprises et chaque fois nous leur avons demandé d'en faire partie. Je ne pense pas que personne ait jamais répondu non. Simplement, rien ne s'est passé. Ils n'ont pas donné suite à notre offre.

Le président: Monsieur Grubel.

M. Grubel (Capilano-Howe Sound): Monsieur Shillington, vous dites que l'existence des REER réduit le taux d'imposition réel dans les tranches de revenu les plus élevées.

M. Shillington: Dans l'immédiat, oui.

M. Grubel: Des témoins nous ont dit cette semaine que les Canadiens à haut revenu sont attirés par l'impôt sur le revenu moindre perçu aux États-Unis. C'est une réalité qu'il faut regarder en face. Nous ne pouvons rien y changer.

Ces personnes à haut revenu sont très importantes en tant qu'entrepreneurs, membres de professions libérales, qui souvent créent des emplois en fondant des entreprises etc. Il en est de même pour les investisseurs étrangers. J'ai lu des articles disant que les Européens et les Américains qui cherchent à investir chez nous regardent l'ensemble des avantages et inconvénients. Ils pourraient très bien décider que les perspectives économiques chez nous sont bonnes, créer des emplois, investir leurs capitaux ici. Mais ils regardent ensuite la fiscalité et décident qu'il vaut mieux garder leur argent chez eux ou le placer dans des obligations.

Ma femme est médecin. Elle est en contact avec des gens qui partent aux États-Unis. Elle reçoit une lettre par semaine l'invitant. Le revenu n'y est pas sensiblement supérieur, mais le revenu après impôt est nettement supérieur.

Tous ces gens considèrent qu'il n'est pas dans l'intérêt des Canadiens de majorer le taux d'imposition réel des revenus supérieurs. Au contraire, ils disent qu'il serait dans l'intérêt de tous les Canadiens, de l'économie, de l'emploi - et même des recettes fiscales - de les imposer à des taux moindres et non pas plus élevés. Ils paieraient sans doute davantage d'impôts si les taux d'imposition étaient moindres.

.1700

Que répondez-vous à ceux qui présentent de tels arguments?

M. Shillington: Tout d'abord, je pense que sur le plan des taux d'imposition, nous faisons carrément le contraire de ce qu'il faudrait. Nous annonçons un taux d'imposition marginal de 53 p. 100 pour les tranches de revenu les plus élevées. Or, si vous vérifiez les chiffres de Revenu Canada, ces Canadiens ne payent qu'environ un tiers de leurs revenus sous forme d'impôts, impôt fédéral et impôt provincial combinés.

Comment cela se fait-il? Comment se fait-il que nous ayons un taux d'imposition marginal de 53 p. 100 sur tous les revenus supérieurs à 50 000 dollars, mais que des gens gagnant 300 000,400 000 et 500 000 dollars ne payent qu'un tiers? Un simple calcul montre que cela ne devrait pas arriver. La raison sont les dépenses fiscales - nul ne peut le contester.

Nous devons faire de la publicité. Or, nous voyons le sous-ministre des Finances annoncer dans les journaux nationaux que nous avons un taux d'imposition marginal de 50 p. 100 et demander pourquoi des gens compétents et qualifiés voudraient s'établir chez nous, alors qu'il aurait pu au contraire préciser que les Canadiens à revenu élevé ne payent qu'environ un tiers d'impôt. Il avait le choix de le dire, mais il a préféré déclarer que nous avons un taux d'imposition marginal de 53 p. 100.

Si l'on se débarrassait de certaines dépenses fiscales, alors nous pourrions certainement annoncer que nous avons un taux d'imposition marginal de 40 ou 45 p. 100. Notre publicité annonce un taux marginal élevé, mais qui n'est qu'un chiffre théorique - très peu de gens le payent. Combien de gens gagnant 200 000 dollars payent 55 p. 100 sur leur dernière tranche? Ceux qui le font devraient renvoyer leur comptable. En fait, nous annonçons le pire de notre système; la réalité est bien plus favorable.

Que se passerait-il si le vice-président de la Banque de Montréal, dans un journal national, déclarait : «Je ne puis imaginer pourquoi quelqu'un voudrait placer de l'argent dans ma banque». Or, nous avons un sous-ministre des Finances qui demande : «Pourquoi quiconque voudrait-il vivre au Canada et payer des impôts si élevés?», tout en se faisant payer un salaire de fonctionnaire pour cela.

Pour ce qui est des États-Unis, vous avez tout à fait raison, et je pense qu'il faut être franc avec les Canadiens. Nous ne pouvons avoir des programmes sociaux, une assurance-maladie et une éducation de type canadien et des taux d'imposition à l'américaine. C'est tout à fait vrai. Il faut être très franc avec les Canadiens et leur dire très explicitement que c'est un choix de société à faire.

Mais ne j'ai entendu personne encore dire qu'il faut abaisser sensiblement les taux d'imposition - et cela obligerait à démanteler très largement l'assurance-maladie. Ce qu'ils semblent dire, d'après ce que je peux voir - ce que j'entends dire c'est que l'on peut réduire les impôts tout en équilibrant le budget, qu'il suffit pour cela d'une rationalisation.

Je n'y crois pas. Vous savez que les impôts canadiens sont inférieurs à ceux de la moyenne des pays de l'OCDE. Ils sont inférieurs à la moyenne des pays qui ont des structures sociales bien développées, et l'on ne peut avoir les deux. Nous devons choisir de payer pour le Canada que nous voulons, et il faut donner ce choix au peuple.

M. Grubel: Monsieur Shillington, si vous me permettez de revenir là-dessus... Premièrement, on nous dit toujours que notre concurrent fiscal n'est pas l'Europe, j'espère que vous êtes d'accord. Notre concurrent fiscal, ce sont les États-Unis.

Deuxièmement, vous avez prononcé un discours très éloquent en faveur d'une société idéale qui est isolée, qui n'a pas de voisin pour la concurrencer, qui ne connaît pas de migration ni des capitaux ni des êtres humains. J'admets cela, c'est un merveilleux idéal. Mais nous sommes obligés de faire des politiques pour le Canada et de recommander des politiques au ministre dans le cadre du monde tel qu'il existe, et non tel que nous le voudrions.

Dans tout votre discours, vous ne m'avez pas donné une seule indication de ce que je pourrais dire aux témoins qui viendront ici la prochaine fois pour dire que si l'on majore le taux réel d'imposition des riches - de ceux qui gagnent plus de 100 000 dollars ou peu importe le chiffre, il pourrait être inférieur - vous allez faire du tort au restant des Canadiens car ces riches ne vont plus fournir les emplois et la productivité qui est typiquement le fait de ces professionnels.

Sans entrer dans les idéaux, dites-moi ce que je devrais dire à ces personnes?

.1705

M. Shillington: Prenez les statistiques d'imposition de Revenu Canada, montrez-leur que les Canadiens les plus aisés ne paient pas plus d'un tiers de leur revenu en impôts, et que c'est un faible prix à payer pour vivre dans ce pays. Et s'ils choisissent de partir, qu'ils le fassent.

M. Grubel: D'accord. Je vous remercie.

Voilà donc ce que nous disons aux chômeurs qui ne trouvent pas de travail, parce que vous pensez que l'équité est la considération première. Tous les Canadiens pauvres qui ne trouvent pas d'emploi à cause de votre parti pris idéologique - nous leur disons que tout va bien, qu'au moins nous sommes débarrassés des riches. Est-ce là ce que nous sommes censés leur dire?

M. Shillington: Ce n'est évidemment pas ainsi que j'exprimerais les choses et je ne pense pas non plus que beaucoup de gens raisonnables considéreraient comme une si belle affaire le fait de déménager aux États-Unis pour économiser quelques milliers de dollars.

M. Grubel: Je ne peux que vous dire qu'en Colombie-Britannique nous commençons à manquer de neuro-chirurgiens. Nous manquons de médecins dans beaucoup de régions du Canada.

Je ne peux que vous dire que les gens d'affaires, ceux qui donnent du travail aux autres, me disent sans cesse - des gens qui entendent des investisseurs potentiels leur dire oui, vous avez une jolie ville ici, une main-d'oeuvre qualifiée et tout, mais je paie la moitié d'impôts aux États-Unis, merci beaucoup, je crois que je vais rester chez moi.

Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Je vous remercie, monsieur Grubel.

Monsieur Campbell.

M. Campbell (St. Paul's): Je vous remercie, monsieur le président.

J'ai également une question pour M. Shillington, mais je reviendrai à lui dans un moment. Je veux lui accorder un petit repos.

Je voulais commencer avec M. Walcot et M. Richmond, en m'inscrivant un peu dans la ligne de ce que disait M. Grubel, en répétant ce que nous disent les autres témoins, afin que vous puissiez réagir.

L'une des choses que nous entendons constamment, c'est que nous pourrions en grande partie résoudre notre problème d'endettement et de déficit si seulement nous majorions le taux de l'impôt sur le revenu des sociétés. On nous présente toutes sortes d'arguments pour montrer en quoi cela serait justifié.

Pourriez-vous, messieurs, me dire quel en serait l'effet sur l'OMERS, et je m'adresse en cela à M. Richmond, et plus généralement sur votre secteur, monsieur Walcot - par exemple, si nous majorions sensiblement l'impôt frappant les banques, les institutions financières.

M. Walcot: Pour ce qui est de l'industrie en général, si vous augmentez le taux d'imposition des sociétés, vous allez forcément réduire les profits des entreprises et le marché boursier va se rétrécir. Vous n'aurez plus d'investisseurs étrangers, car il y a toutes sortes d'autres pays dans le monde où investir. Les investisseurs compareront les taux d'imposition des sociétés, et des taux supérieurs les rebuteront.

Je vois donc deux inconvénients à une majoration des taux d'imposition des sociétés : moins d'investisseurs étrangers et, à l'intérieur du Canada, moins de profits, par conséquent des marchés boursiers déprimés, un moindre réinvestissement des profits et moins d'emplois.

M. Campbell: Allons jusqu'au bout, c'est-à-dire au rendement des fonds de pension et ceux qui comptent sur ces pensions pour leur retraite. Quelles répercussions prévoyez-vous? Que se passerait-il?

Peut-être M. Richmond voudrait-il nous parler de l'OMERS sous cet angle.

M. Richmond: Oui. Nous sommes un fonds de pension pleinement capitalisé couvrant250 employés des autorités locales -commissions de transport, municipalités, tout ce que vous voulez.

M. Campbell: Puis-je vous interrompre et vous demander quel est le revenu moyen, afin que nous sachions de qui nous parlons?

M. Richmond: Leur revenu moyen est d'environ 30 000 dollars.

Nous sommes pleinement capitalisés. Nous ne posons de problème à personne à l'heure actuelle. Il y a assez d'argent dans le fonds pour payer toutes les pensions jamais promises. Si le rendement de notre portefeuille devait baisser de 1 p. 100 par an, le fonds se retrouverait avec un passif actuariel d'environ 2,5 milliards de dollars, soit l'équivalent d'une majoration des taux de cotisation de 20 à 30 p. 100, ou d'une réduction de prestations de 25 p. 100, ou toute combinaison des deux.

.1710

Cette simple mesure d'un prélèvement de 1 p. 100 ferait que notre fonds de pension deviendrait un problème pour le gouvernement provincial et la Commission des pensions de l'Ontario. Il serait un problème pour nos employeurs, car leur taux de cotisation augmenterait et, aussi pour nos membres, car les prestations qu'ils attendent seraient compromises. Une fois que l'on change un des termes de l'équation, les autres ne peuvent rester identiques.

M. Campbell: Je vous remercie.

J'ai une autre question. Encore une fois, nous entendons quantité de choses à ce comité, et l'une des affirmations qui revient toujours est que ce sont les Canadiens riches qui sont propriétaires des banques et qui possèdent les actions des grandes compagnies canadiennes. J'ai des statistiques sous les yeux venant de différents autres fonds de pension concernant la propriété des plus grandes banques à charte, mais je n'ai pas les mêmes données pour l'OMERS.

À titre de renseignement et de rappel à mes collègues, on m'informe que de 40 à 50 p. 100 des actions des six grandes banques à charte sont détenues par des fonds de pension. La Caisse de dépôts, par exemple, possède de 5 à 8 p. 100 des actions de chacune des grandes banques. Je possède également les données sur les actions bancaires détenues par le Fonds de pension des enseignants de l'Ontario, et c'est un chiffre plutôt élevé.

Je suppose que le même renseignement est disponible concernant l'OMERS. Pourriez-vous nous le communiquer, si vous le connaissez, afin de nous donner une idée?

M. Richmond: Je n'ai pas les chiffres ici, mais je vais vous les transmettre dès demain.

M. Campbell: Ce serait utile car, comme je l'ai dit, les gens viennent souvent ici prétendre que c'est quelque groupe amorphe de riches Canadiens, alors qu'en fait, si l'on totalise les actions des grandes banques détenues par les fonds de pension, c'est un pourcentage spectaculaire, et nous parlons là de Canadiens individuels comme vos membres, qui gagnent 30 000 dollars par an en moyenne.

M. Richmond: Nous avons 250 000 membres et, croyez-moi, ils sont de gros actionnaires de toutes les grandes banques de ce pays.

M. Campbell: Je vous remercie.

Monsieur Shillington, si vous avez eu le temps de récupérer, j'aimerais revenir à la discussion sur les REER. Vous avez ouvert la discussion tout à l'heure là-dessus en disant qu'il faudrait limiter la protection, si vous voulez, par manque de meilleur terme, que le gouvernement accorde aux Canadiens riches par le biais de la déduction pour les REER, soit en abaissant le plafond soit... je pense que vous avez dit à un moment donné que l'aide de l'État devrait s'arrêter dès lors que le fonds rapporte 30 000 dollars par an...

M. Shillington: Non, je parle simplement de plafonner les cotisations. C'est tout.

M. Campbell: Mais dans votre exposé vous avez cité le chiffre de 30 000 dollars. De quoi s'agissait-il?

M. Shillington: Si quelqu'un place dans un REER et qu'à sa retraite il retire une rente de 60 000 dollars, la moitié provient du dégrèvement fiscal, ce qui revient à payer 30 000 dollars par an de l'argent du contribuable pour financer la retraite de ces personnes. Voilà d'où vient ce chiffre de 30 000 dollars.

M. Campbell: En tout cas, vous m'avez donné l'impression, et peut-être aussi à d'autres, qu'il faudrait fixer une limite au capital détenu dans un REER, au-delà de laquelle le gouvernement ne devrait plus accorder de dégrèvement fiscal.

M. Shillington: Si vous parlez de la proposition faite par le groupe de travail sur les pensions en 1983, qui consistait à limiter la taille des fonds plutôt que de limiter les cotisations, je n'en ai pas parlé aujourd'hui, mais j'en ai parlé par le passé.

M. Campbell: Est-ce que ma question pourrait vous tenter d'en parler?

M. Shillington: Non, je préfère ne pas - à moins que vous insistiez beaucoup. Je vous laisse le soin de demander pourquoi.

M. Campbell: Pourquoi, monsieur Shillington?

M. Shillington: Parce que cette formule a un attrait superficiel. Au lieu de limiter les cotisations à 7 500, 10 000 ou 15 000 dollars par an, on pourrait assouplir considérablement cela et dire qu'une fois que le REER atteint un montant dégageant une pension ou une rente de 40 000 ou 50 000 dollars par an, les cotisations cesseront d'être déductibles et que si le fonds rapporte plus qu'il n'est nécessaire pour maintenir le pouvoir d'achat, l'excédent sera taxé.

À une époque moins complexe, je pensais que c'était une bonne idée, mais comment déterminez-vous le capital d'un fonds s'il est largement composé d'actions et de valeurs mobilières? C'est plus brutal, mais il est plus simple de continuer à se concentrer sur les cotisations annuelles.

M. Campbell: Je vous remercie de cet éclaircissement, car c'est exactement la question que j'allais vous poser si vous aviez préconisé cette solution : comment chiffrer la valeur du fonds et comment éviter de créer une énorme bureaucratie pour effectuer cette tâche?

Je vous remercie.

M. Shillington: Je pense, hélas, qu'il va falloir se contenter des limites annuelles, mais l'on pourrait envisager un plafond pour la durée de la vie.

.1715

M. Campbell: Eh bien, je ne vais pas vous tenter d'emprunter cette voie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Campbell.

Madame Brushett.

Mme Brushett (Cumberland-Colchester): Je vous remercie, monsieur le président.

Je ne veux pas vous épuiser et je vais donc poser d'abord mon autre question et revenir à vous ensuite.

J'aimerais connaître la raison, de l'avis des distillateurs, de l'écart entre les taux de taxe d'accise des trois catégories de boissons alcooliques. Comment en est-on venu là? Pourriez-vous nous dessiner rapidement le contexte?

M. Rubbra: C'est une excellente question; nous la posons au ministère des Finances depuis des années et nous n'avons jamais reçu de réponse satisfaisante.

En bref, nous ne savons pas pourquoi, nous savons seulement qu'il en est ainsi depuis longtemps. Cela remonte sans doute à l'époque de la construction des chemins de fer ou quelque chose du genre. Il y a toujours eu cet écart et nul ne semble savoir exactement pourquoi, pour dire le vrai, et nous pas plus que les autres.

Mme Brushett: Bon, cela remonte donc loin dans le temps.

Ma deuxième question s'adresse à vous, monsieur Shillington. Je me suis creusé la cervelle à rechercher une façon d'amener davantage de gens à faible revenu dans le programme REER et j'ai songé à transformer la déduction d'impôt en crédit d'impôt. On fixerait une limite au crédit d'impôt, de façon à introduire une plus grande équité entre ceux qui ont un revenu de 200 000 dollars et ceux qui ont 25 000 dollars et rendre le mécanisme beaucoup plus juste. Est-ce une possibilité? Remplirait-elle ce but?

M. Shillington: Oui, et cette idée cadre bien avec ce que disait M. Richmond sur l'utilisation des instruments de retraite pour encourager l'épargne et donc économiser de l'argent à l'avenir. J'ai interprété son propos comme signifiant que l'on économiserait ultérieurement sur le Supplément de revenu annuel garanti.

Si l'on réduisait la limite actuelle de 15 000 dollars ou 13 000 dollars à 8 000 dollars, on ne pénaliserait aucun des prestataires potentiels du SRG. On sait que les Canadiens à haut revenu ont une propension à épargner, et ils vont épargner de toute façon pour leurs vieux jours. Vous n'allez donc pas pénaliser quelqu'un qui risquerait de devenir plus tard un fardeau pour le gouvernement.

En transformant la déduction en crédit, vous allez égaliser les avantages fiscaux pendant l'année de la cotisation entre contribuables à haut revenu et contribuables à faible revenu. Vous ne donnerez pas d'incitation supplémentaire aux contribuables à faible revenu, car ils gagnent déjà 17 p. 100 sur leurs cotisations. Ils n'auront rien de plus avec cette méthode, mais au moins tout le monde sera sur un pied d'égalité.

Mais il y a beaucoup d'autres considérations en jeu; tout cela est très complexe. Je pense qu'il faudrait décourager les contribuables à faible revenu de... Si j'avais un ami ayant un revenu de 25 000 ou 30 000 dollars, je le découragerais de placer de l'argent pour sa retraite dans un REER.

Mme Brushett: Que l'encourageriez-vous à faire?

M. Shillington: Acheter sa maison. Aussi longtemps que les prestations des personnes âgées seront fonction du revenu... le SRG est imposé à 50 p. 100. Si la personne a un faible revenu, une fois retraitée elle touchera probablement le SRG et, d'après les règles d'aujourd'hui, elle devra rembourser 50 p. 100 s'ajoutant aux autres impôts sur le revenu qu'elle paiera sur la pension de sécurité de la vieillesse et le Régime de pension du Canada. Il est probable que ces taux de recouvrement fiscal augmenteront encore d'ici que cette personne soit retraitée. Je lui suggérerais donc d'acheter sa maison et de faire d'autres placements plutôt que d'utiliser le REER.

Mme Brushett: Puis-je vous poser une dernière question?

Un comptable m'a proposé ceci lors d'une discussion antérieure. Il s'agit de la notion qu'il vaut mieux cesser de placer dans un REER car d'ici que vous retiriez l'argent, vous serez tellement imposé que l'on a plutôt intérêt à dépenser l'argent tout de suite et à jouir davantage de la vie. Mais j'imagine que votre argument aujourd'hui est qu'il faut en profiter tant que cela dure, mettre de l'argent de côté aussi vite que possible au niveau actuellement autorisé car vous en retirerez le grand avantage de ne pas payer d'impôt sur les intérêts.

M. Shillington: Vous n'avez réellement rien à perdre. Si vous avez l'argent et que vous pouvez vous permettre la cotisation, vous n'avez rien à perdre car vous allez toucher les intérêts hors impôt et le capital grossira beaucoup plus vite qu'il ne le ferait en dehors d'un REER, ce qui vous permettra de payer l'impôt le moment venu.

La seule possibilité d'y perdre c'est si l'on se trouve dans une tranche d'imposition beaucoup plus élevée lorsqu'on retire l'argent que maintenant. Seuls les Canadiens à faible revenu courent ce risque.

Mme Brushett: D'accord. Je vous remercie de cet éclaircissement.

Le président: Je vous remercie, madame Brushett.

M. Pillitteri voulait poser une question.

.1720

En guise d'introduction, monsieur Rubbra, je vous informe que M. Pillitteri est non seulement viticulteur, mais en plus l'un des meilleurs du Canada. Il a gagné des douzaines de médailles au cours de ces dernières années. Je suis impatient d'entendre sa question.

M. Pillitteri (Niagara Falls): Merci beaucoup. Quelle présentation, monsieur le président!

Ma collègue a demandé pourquoi les spiritueux étaient davantage taxés. M. Rubbra a répondu qu'il n'en savait rien. J'aimerais poser une question touchant l'équité à l'égard des contribuables, à trois niveaux différents.

À ma connaissance, la plupart des pays européens ne taxent pas le vin et la bière. Ces boissons semblent relever de la législation sur les aliments plutôt que celle des spiritueux. Il en est de même aux États-Unis. Ai-je raison?

M. Rubbra: Cela dépend des pays, vous avez raison. Au Canada, les normes figurent dans la Loi sur les aliments et drogues. Les taxes sont inscrites dans la Loi sur l'accise et la Loi sur la taxe d'accise. Par exemple, en France, il n'y a pas de taxe d'accise sur le vin. Aux États-Unis, les dispositions fiscales figurent dans le CFR, le Code of Federal Regulations.

M. Pillitteri: Cela répond également en partie à la question de ma collègue. Je vous remercie de la réponse.

Monsieur Shillington, permettez-moi de vous poser cette question. Qui bénéficie de la déduction des cotisations à un REER à hauteur de 15 000 dollars? Dites-moi si je me trompe. Plus de 60 p. 100 des cotisations totales proviennent de personnes gagnant moins de 60 000 dollars. Cela fait presque deux tiers. Nous avons toujours cette croyance que les Canadiens devraient financer eux-mêmes leur retraite. Je me demande parfois si cela suffira jamais, quels que soient les avantages accordés. Si 60 p. 100 ou deux tiers de la cotisation totale sont le fait de personnes gagnant moins de 60 000 dollars, qui est gagnant si on porte cette limite à 15 000 dollars?

M. Shillington: Mathématiquement, lorsque la limite passe de 13 500 dollars à 15 000 dollars, comme elle le fera dans les prochaines années, vous devrez avoir un revenu de plus de - je vais faire le calcul rapidement - 70 000 dollars pour en retirer le moindre avantage supplémentaire. Les personnes gagnant moins de 70 000 dollars ne seront pas bénéficiaires du tout. Le calcul est tout simple.

M. Pillitteri: Donc, selon votre estimation, si l'on ramenait la limite des cotisations à 8 000 ou 10 000 dollars, cela ne toucherait pas réellement la plupart de ces deux tiers qui cotisent...

M. Shillington: Si, chaque fois, chaque année... Nous sommes de nouveau à cette période de l'année et les consultations prébudgétaires vont commencer. Vous lirez des articles dans les journaux reprochant à ceux qui veulent réduire les REER de pénaliser le petit magasinier qui travaille chez Zellers. Ce sont toujours les mêmes arguments qui reviennent. Ils semblent terriblement efficaces. Je ne connais personne...

Nous parlons simplement de ramener la limite à 8 000 dollars, 9 000 dollars ou 10 000 dollars, là où elle se situait à la fin des années 1980. Premièrement, je pense qu'avec les rendements financiers d'aujourd'hui, cela donne un capital rapportant une pension privée de 60 000 dollars. C'est certainement de quoi mener une vie très aisée, merci beaucoup, et ne gênera en rien le magasinier de Zellers.

Mme Brushett: Quel revenu cela produit-il?

M. Shillington: Je ne suis pas actuaire, mais ces messieurs pourraient vous aider.

Mme Brushett: Dans quoi...

M. Shillington: Il y a des fonctionnaires des finances qui sont très bien payés pour répondre à ce genre de questions.

Une voix: Nous pouvons faire...

M. Shillington: Sont-ils là?

M. Pillitteri: Monsieur le président, cette table ronde me rappelle celle de l'année dernière, où chacun venait ici pour supplier : ne me touchez pas, ne me coupez rien, ne me taxez pas, moi ou mon groupe. Rien n'a changé. Seul M. Shillington est venu avec le même programme et il y a tous les autres.

.1725

Je me demande si nous ne pourrions pas, en tant que Canadiens, essayer de répartir le fardeau entre nous tous, au lieu de défendre nos intérêts étroits, et mettre quelque chose sur la table pour tout le monde afin que nous ayons de meilleurs lendemains.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Je vous remercie, monsieur Pillitteri.

Madame Stewart, s'il vous plaît.

Mme Stewart (Brant): Monsieur Shillington, une notion que vous avez abordée dans vos remarques liminaires et qui m'a fascinée était que les exemptions ne sont pas fonction du besoin. Nous ne considérons pas les exemptions fiscales ou les dépenses fiscales en fonction du besoin, alors que nous le faisons pour les prestations.

M. Shillington: Si, nous le faisons parfois.

Souvenez-vous que la déduction pour enfants à charge a été éliminée parce que c'était un gaspillage d'argent que de la donner aux présidents de banque. Parfois, nous disons qu'il n'est pas nécessaire d'accorder une déduction pour enfants à charge aux Canadiens à haut revenu, pas plus que le crédit en fonction de l'âge, la déduction accordée aux plus de 65 ans, et cette dernière est maintenant fonction du revenu. Nous le faisons donc parfois, mais ce semble être surtout pour les programmes ayant une connotation sociale. Nous n'appliquons pas ce critère aux REER, aux gains en capital, au crédit d'impôt pour dividendes ou ce genre de dégrèvements.

Le président: Monsieur Grubel.

M. Grubel: J'ai une question pour M. Rubbra. Il y a réellement deux raisons de percevoir des taxes d'accise. L'une est de décourager la consommation parce qu'on considère la consommation d'alcool un peu comme un péché.

Il est à peu près clair que si l'on commence à frapper un produit d'une taxe faible, il en résultera une baisse de la consommation. Plus on augmente la taxe, et plus la consommation diminue. Mais il vient un point critique où la contrebande ou la fraude intervient et à partir duquel une nouvelle majoration de la taxe d'accise ne parvient plus à décourager la consommation d'un produit. De fait, il vient un moment, où si l'on majore encore davantage les taxes, l'économie souterraine prendra tellement bien le relais que la consommation que l'on veut décourager augmente au contraire.

Pensez-vous que nous sommes à un point, au Canada, où un taux de taxe d'accise moindre ferait davantage baisser la consommation de spiritueux ou de produits de distillerie?

M. Rubbra: Je pense que vous avez répondu vous-même à votre question dans votre préambule. Il semble en tout cas que nous soyons arrivés au point de saturation. Nos recherches nous montrent que les alcooliques boiront quel que soit le prix. Un très petit pourcentage - moins de 5 p. 100 - des consommateurs entre dans cette catégorie et boira quel que soit le prix. Ces gens vont trouver leur boisson.

Que la baisse de la taxe d'accise sur les spiritueux entraîne réellement une baisse de la consommation, je...

M. Grubel: Je parle de la consommation totale, englobant ce qui échappe aux filets du gouvernement.

M. Rubbra: Nous espérons que cela substituera des ventes légales à des ventes illégales, ce qui est dans l'intérêt de tout le monde. La société y trouve son compte grâce aux recettes fiscales accrues. Il y a également les avantages sur le plan de la santé, car on a constaté que certains des spiritueux vendus illégalement ont subi toutes sortes de manipulations et ne sont pas très bons pour la santé.

M. Grubel: Il y a deux objectifs. L'un est de faire baisser la consommation et l'autre de majorer les recettes fiscales. La même analyse vaut pour le deuxième objectif, à savoir que plus le taux de la taxe est élevé et plus vous aurez de fraude et de ventes illégales. Il vient un moment où, du moins en théorie, il est possible que les recettes du gouvernement augmentent lorsqu'on abaisse la taxe.

Pensez-vous que nous en soyons à ce stade avec les taxes d'accise sur les spiritueux?

.1730

M. Rubbra: Absolument, et c'est ce qui alimente le marché noir.

Nos projections et l'analyse contenus dans le document que vous avez sous les yeux montrent que si l'on réduisait le prix au Canada du montant qui résulterait d'une égalisation des taux similaire à l'exemple que je vous ai donné, cette mesure serait neutre du point de vue des recettes fédérales si tous les autres facteurs restent inchangés. En revanche, si 50 p. 100 du marché noir disparaissait, les recettes fiscales augmenteraient de 70 millions de dollars. Donc, plus on évince le marché noir, et plus la taxe rapporte.

Je pense donc que la réponse à votre question est oui, une taxe réduite dégagerait nettement plus de recettes car, du moins théoriquement, cette mesure freinerait l'économie souterraine. La plupart des Canadiens ne veulent pas acheter des produits illégaux, mais lorsque vous avez un écart de prix de 10 dollars sur une bouteille d'eau de vie, cela devient pas mal tentant lorsqu'on en trouve si facilement au marché noir.

M. Grubel: Que vous dit le ministère des Finances lorsque vous lui dites que, s'il veut majorer ses recettes pour éponger le déficit, il lui suffit de baisser un peu le taux de la taxe d'accise sur les spiritueux? Que vous répond-il?

M. Rubbra: Il nous répond qu'il ne peut se permettre de renoncer à des recettes, que c'est une chose politiquement difficile à faire pour un gouvernement. Il n'est pas encore réceptif à la conception de la neutralité des recettes. Notre modèle est relativement récent. Mais il répond, en substance, qu'il ne peut se permettre de renoncer à des revenus.

Ce qui se passe, c'est que la structure fiscale crée des avantages et des désavantages concurrentiels à l'intérieur du secteur des boissons alcoolisées, ce que la politique fiscale n'est pas censée faire, en théorie. Nous essayons donc d'égaliser le terrain de jeu.

M. Grubel: Monsieur le président, nous pourrions peut-être obtenir du ministère des Finances qu'il nous communique certaines études, qu'il a sans doute effectuées, sur la validité de l'idée qu'une baisse de la taxe d'accise sur les spiritueux entraînerait une hausse des recettes fiscales suite à une diminution du marché noir. Nous pourrions peut-être intervenir auprès du ministre des Finances à l'avenir. Puisque nous sommes tellement soucieux de réduire le déficit, ce serait une façon d'y contribuer tout en faisant plaisir à quantité de Canadiens.

Le président: C'est une excellente suggestion, monsieur Grubel.

Monsieur Walker, vous aimeriez peut-être répondre à cela.

M. Walker (Winnipeg-Nord-Centre): Je pense qu'il serait intéressant de faire comparaître les fonctionnaires, monsieur Grubel, et pas seulement dans le contexte de cette proposition. Ce serait une leçon intéressante pour le comité, comme cela l'a été pour moi, de voir le nombre de demandes qui sont faites au ministère sur la base de la même prémisse : autrement dit, si vous nous aidez, nous vous garantissons beaucoup plus d'argent.

Je ne veux nullement décrier ce que vous dites; je dis simplement que c'est une approche typique. Nous avons du mal à donner suite car ces requêtes exigent d'abord un certain nombre de concessions fiscales, dans l'espoir d'un rattrapage ultérieur. Notre stratégie a été de préserver le cadre fiscal autant que possible du côté des recettes, de crainte que si les prédictions ne se matérialisent pas, il faille combler le manque à gagner ailleurs, ce qui ne plairait guère au public.

Du fait que nous sommes ici dans le domaine de l'hypothèse - et vous êtes bon connaisseur - nous prêterions évidemment beaucoup le flanc à la critique en agissant ainsi. Je serais heureux que les fonctionnaires reviennent pour donner au comité une idée de la diversité des suggestions similaires qui leur sont faites.

Le président: Je pense que ce serait intéressant.

M. Rubbra: Si vous permettez un complément de réponse rapide, monsieur, nous étions sensibles à cet argument et c'est pourquoi nous avons créé ce que nous appelons notre modèle fiscalement neutre pour le gouvernement fédéral. En d'autres termes, si vous apportez ces ajustements, vous ne perdrez pas un sou. En prime, vous devriez récupérer une partie du marché noir. Si c'est le cas, vous gagnerez quelques dollars de plus, dans l'intérêt de tout le monde.

Pourrais-je rapidement finir de répondre à la question précédente concernant la raison de l'écart entre les taux de taxe? Je ne la connais toujours pas, mais une anecdote pourrait expliquer les choses.

Il y a trois ou quatre ans, peut-être un peu plus maintenant, ceux d'entre vous qui voyagent dans la partie arrière des avions se souviendront que lorsque les compagnies aériennes ont commencé à faire payer de nouveau les boissons alcoolisées, les prix étaient de 2 dollars pour la bière et le vin et de 3 dollars pour les spiritueux, je crois. Aujourd'hui, ils sont de 3 et 4 dollars. Nous avons écrit à cette époque aux présidents des deux compagnies aériennes, leur demandant pourquoi ils pratiquaient des prix différents pour les spiritueux et la bière et le vin alors que leur prix de revient - et cela peut être prouvé - est sensiblement le même pour ces produits?

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L'un d'eux nous a répondu en disant que c'est ce que le marché accepte de payer. Il y a toujours eu ce mythe voulant que la bière soit la boisson du travailleur, le vin soit un aliment et les spiritueux cet élixir mystérieux qu'il fallait contrôler et taxer à mort.

C'était peut-être une politique appropriée dans l'ancien temps, à l'époque où notre industrie était nimbée de mystère et de romantisme. Dans la réalité d'aujourd'hui, où nous luttons tous pour notre existence, nous ne pouvons plus nous le permettre; nous ne pouvons plus tolérer ce genre de différences sur notre marché national.

Le président: Je vous remercie, monsieur Rubbra.

Y a-t-il d'autres questions aux membres de la table ronde?

Nous en venons donc au stade où vous avez droit chacun à une minute environ pour conclure. Voudriez-vous commencer, monsieur Rubbra?

M. Rubbra: Je vous remercie, monsieur le président. Je suis ravi de voir l'intérêt et la préoccupation manifestés par plusieurs des membres de votre comité. Nous serions certainement désireux de comparaître avec des fonctionnaires du ministère des Finances devant ce comité, au moment qui vous plaira, pour expliquer notre position et tenter de vous la faire partager. Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Rubbra.

Monsieur Hillier.

M. Hillier: Monsieur le président, j'aimerais résumer mes propos en répondant au défi lancé par M. Pillitteri tout à l'heure, en disant qu'il avait une impression de déjà vu.

Je pense que l'on a beaucoup parlé aujourd'hui du système de retraites du Canada. Un certain nombre de préoccupations ont été exprimées et plusieurs organisations, dont la mienne, ont dit qu'il fallait se pencher sur l'ensemble du système. Mais on ne peut le faire petit bout par petit bout. Si vous allez l'examiner, il faut considérer l'ensemble. Je pense donc que quelques suggestions très concrètes ont été formulées ici aujourd'hui par plusieurs organisations.

L'autre chose est que nous réaffirmons notre engagement envers l'objectif de réduction du déficit à 3 p. 100 du PIB d'ici la fin du prochain exercice. Cependant, je pense que toute la discussion d'aujourd'hui a fait ressortir que l'on peut certes tailler et tailler encore dans les dépenses jusqu'à ce que l'on ait complètement démantelé le système fédéral, jusqu'à ce que l'on ait totalement démantelé tout ce qui singularise notre pays. En effet, je pense que notre pays est spécial.

Je pense qu'au lieu de couper tout ce qui dépasse jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien, nous devrions peut-être chercher davantage à réinventer les services publics, réfléchir à des partenariats entre l'État et le secteur privé pour trouver de nouvelles modalités de prestation de services au Canada. C'est ce qui a été suggéré dans le domaine de la formation aujourd'hui. Nous en avons parlé nous-mêmes avec notre modèle de l'entraide entre gens qui se rassemblent dans des coopératives pour subvenir à leurs propres besoins, modèle qui serait applicable aussi à la prestation des services de santé aux collectivités, des services de garde d'enfants, du logement, peut-être de la fourniture de services comme l'électricité et dans d'autres domaines encore.

Avec ou sans l'État, nous, le mouvement coopératif du Canada, le faisons au niveau communautaire. Nous continuons, comme nous l'avons fait par le passé, à promouvoir l'idée de la coopérative pour fournir les biens et services dont les gens ont besoin au niveau local. Nous continuons également à oeuvrer à un niveau plus national avec des organisations telles que la Chambre de commerce du Canada pour promouvoir le regroupement de petites et moyennes entreprises au sein de centrales d'achat de matières premières et de distribution, de façon à devenir plus compétitives. Nous continuerons à le faire.

Je pense donc qu'un certain nombre de suggestions ont été faites ici aujourd'hui, mais je pense qu'il faut être prudent et ne pas couper aveuglément. Il faut inventer des façons plus efficaces de fournir les services gouvernementaux. Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie, monsieur Hillier.

Monsieur Brookfield.

M. Brookfield: Merci beaucoup. Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui et d'avoir pu suivre ces discussions. Je suis très heureux de pouvoir interpréter ce que j'ai entendu comme un plaidoyer pour le filet de sécurité sociale canadien. Je pense que cela correspond tout à fait à ce que nous disons nous-mêmes, à savoir qu'il y a 25,6 millions de Canadiens qui sont avantagés par ce filet de sécurité, et je prends les soins dentaires comme exemple.

En regardant autour de cette table, je pense que le système répond à un certain équilibre et que si l'on détruit ou modifie une partie, il en résulte un effet boule de neige qui peut nous nuire à tous, mon plus grand souci étant le filet de sécurité sociale.

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Je voudrais citer les soins dentaires en exemple, ou nous avons la prévention, ou nous avons un avantage fiscal plafonné dans la prestation d'un service social, et des résultats quantifiables. J'espère que le gouvernement cherchera principalement des économies internes à l'appareil, au lieu de les rechercher en dehors et j'aimerais faire en sorte que les habitants de ce pays soient également favorisés au lieu d'être également défavorisés. Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie, monsieur Brookfield.

Monsieur Creber.

M. Creber: Merci, monsieur le président.

Je voudrais également, dans ma conclusion, revenir sur la remarque de l'honorable député,M. Pillitteri, à l'effet que rien de nouveau n'a été proposé Je vous renvoie, monsieur, à la page 12 de notre mémoire et au mécanisme de perception de la taxe sur les produits et services dans le secteur de la vente directe. Ce mécanisme consiste en un prépaiement de la TPS, ce qui favorise la situation de caisse du gouvernement.

Deuxièmement, ce mécanisme interdit toute fraude touchant la TPS dans le secteur de la vente directe.

Troisièmement, il réduit les frais administratifs du gouvernement en permettant à nombre des vendeurs indépendants de se désenregistrer.

L'une des propositions dont nous avons discuté avec le ministère des Finances, M. Walker, est d'étendre certaines modifications apportées depuis au mécanisme de la vente directe. Cela permettrait à une partie de nos membres, qui étaient exclus de ce mécanisme pour une raison technique, d'en bénéficier, ce qui autoriserait la préperception de la taxe dans cette partie de notre marché et réduirait le fardeau administratif du gouvernement. Ces propositions ont été favorablement accueillies par le ministère et nous sommes impatients de les voir figurer dans le prochain projet de loi technique, lorsqu'il sera déposé

Ma dernière remarque touche les perspectives de revenu que notre secteur peut offrir aux Canadiens défavorisés ou démunis. Nous ne demandons pas l'aumône au gouvernement à ce sujet. Nous demandons à travailler avec le ministère du Développement des ressources humaines dans le cadre de programmes existants. Nous voulons rechercher des solutions plus créatives, avec le ministère, pour remettre certains de ces Canadiens au travail, car nous pouvons influencer les perspectives de revenu et la vie de Canadiens d'un bout à l'autre du pays, dans chaque localité.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Creber.

Monsieur Richmond.

M. Richmond: Monsieur le président et membres du comité, en tant qu'association de gestionnaires de fonds de retraite, nous sommes certainement préoccupés par les dépenses publiques. Bien entendu, nous sommes préoccupés également par la fiscalité, tant les impôts frappant les sociétés que ceux touchant les particuliers. Mais notre raisonnement est que le gouvernement, avec un tel niveau d'endettement, ne peut survivre sans aide, pas plus que ne le pourrait une société ni une famille individuelle.

Nous ne pensons pas que la solution réside dans une majoration d'impôt. Nous partageons la position des personnes à l'autre bout de la table voulant qu'il faut d'abord mettre un frein aux dépenses, ce qui ne signifie pas opérer des coupures sauvages car nous reconnaissons tous la nécessité du filet de sécurité sociale. Mais il y a quantité de mesures novatrices qui n'ont tout simplement pas encore été prises et qu'il faudrait envisager, ainsi qu'on l'a suggéré à l'autre bout de la table.

Nous sommes particulièrement opposés à une double imposition de l'épargne-retraite. Nous ne voulons pas qu'elle soit imposée à l'entrée et de nouveau à la sortie. Cela nous paraît néfaste. Nous sommes terriblement préoccupés par les effets de solutions à court terme ou ponctuelles destinées à résoudre un problème immédiat.

Tout le système a été mis à plat dans les années 1970. Avec le Régime de pensions du Canada et d'autres éléments du régime fiscal, il a été repensé de manière plutôt raisonnable. L'augmentation de l'épargne placée dans les REER montre que le système fonctionne bien et non pas qu'il est défectueux.

Nous exhortons le comité, s'il va envisager de taxer l'épargne, à ne pas le faire de façon ponctuelle mais très globale. Sinon, il en résultera des perturbations considérables et peut-être des réactions imprévues au niveau de l'épargne des particuliers et, bien entendu, des fonds d'investissement en général.

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Le président: Je vous remercie, monsieur Richmond.

Monsieur Shillington, enfin.

M. Shillington: Je vous remercie.

Une façon d'accroître les recettes fiscales sans majorer les taux est de passer en revue les dépenses fiscales pour s'assurer qu'elles répondent toujours à leur but premier et qu'elles sont efficaces. Si vous appliquez aux dépenses fiscales les mêmes critères et principes que l'on nous demande si souvent d'appliquer aux dépenses sociales, vous réduirez certaines d'entre elles.

Une dernière remarque, d'ordre personnel. Je cotise chaque année le maximum à mon REER. J'ai demandé la déduction pour gains en capital l'année dernière. S'il vous plaît, enlevez-moi ces avantages. Je paierai avec plaisir davantage d'impôts pour le privilège de vivre dans ce pays. Désolé de paraître ridicule, mais...

Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie.

Au nom de tous les membres, je veux vous remercier d'un certain nombre de propositions qui incitent à la réflexion et de vos remarques des plus intéressantes.

Je vais faire un résumé qui n'engage que moi. Nous avons entendu des personnes commeM. Shillington, les gestionnaires de fonds de retraite et la Canadian Co-operative Association qui nous ont parlé des retraites. C'est l'un des grands problèmes qui se posent au gouvernement.

Je dois dire, aussi tentants que puissent être les arguments de M. Shillington aux yeux de certains, que j'opterais plutôt pour ce qu'ont dit les deux autres participants, et qui recoupe ce que nous avons dit l'année dernière en tant que comité. Nous ne pouvons considérer ces questions indépendamment du besoin général, à long terme, qu'ont les Canadiens d'un revenu de retraite sûr et suffisant pour une vie digne. Tant que nous n'aurons pas cette étude sur le vieillissement et tant que nous ne connaîtrons pas les faits, je penche en faveur de l'idée qu'il faut éviter les mesures ponctuelles.

Je pense que l'industrie cinématographique canadienne et le secteur de la vente directe nous ont présenté deux secteurs d'activité en pleine expansion et qui promettent de créer beaucoup d'emplois, particulièrement celui de la vente directe, pour des individus entreprenants prêts à se mettre à leur compte et à travailler. C'est là une perspective d'espoir pour un certain nombre de Canadiens.

Je suis pleinement d'avis que nous devrions oeuvrer pour mettre en place le crédit d'impôt en faveur de l'industrie cinématographique canadienne qui est prévu dans le budget.

Monsieur Rubbra, je ne peux m'empêcher de penser que la raison pour laquelle les spiritueux sont plus taxés que d'autres boissons alcoolisées tient à la vieille conception du péché voulant que les spiritueux soient plus diaboliques que le vin ou la bière, mais je n'en suis pas sûr. C'est peut-être simplement que l'on soutire au marché tout ce qu'il veut donner; je ne sais pas. Mais je prends à coeur votre argument que si nous sommes parvenus à un point où la contrebande commence à dominer certains secteurs du marché, il faut s'en préoccuper.

La décision a été très difficile à prendre pour nous dans le cas des cigarettes. Les gens disaient que nous encouragions le vice lorsque nous avons baissé les taxes sur le tabac. Mais nous nous sommes rendus compte que c'était probablement l'un des seuls moyens d'enrayer une contrebande omniprésente. C'est donc là une question très difficile pour nous, mais je pense que nous devons poursuivre ces discussions.

Je m'adresse enfin aux dentistes. Nous vous avons mis au défi l'année dernière de nous présenter un plan pour assurer que les neuf millions de Canadiens non couverts par des programmes patronaux d'assurance dentaire et maladie complémentaire le deviennent. Vous avez trouvé le moyen de nous dire qu'il n'y en a plus neuf millions sans couverture, mais seulement 500 000, si bien que vous n'avez pas l'obligation de proposer un plan.

C'est peut-être bien le cas, car nul d'entre nous n'a le monopole de la sagesse. S'il en est bien ainsi, l'argument de l'équité en faveur de la non-imposition de ces avantages tombe en partie.

D'autres groupes du secteur de la santé comparaîtront peut-être ici et développeront plus avant certains des arguments que vous avez présentés. Vous demandez pourquoi nous devrions supprimer quelque chose qui fonctionne bien et fait partie intégrante du système d'ensemble des soins de santé.

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Au nom de tous les membres, je vous remercie tous de vos intéressantes, stimulantes et importantes contributions à nos délibérations.

La séance est levée jusqu'à 19 heures.

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