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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 27 novembre 1995

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[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Nous souhaitons la bienvenue à nos témoins. Nous recevons aujourd'hui du Social Planning Council of Metropolitan Toronto, M. Andrew Ranachan; de l'Alliance of Seniors to Protect Canada's Social Programs (Association of Jewish Seniors), James Buller et Ray McLeod; du Groupe de défense des enfants pauvres, Brigitte Kitchen; du 2% Solution Network, Andrew Kolodziej et Ross Healy; de la Fondation pour la formation internationale, Ranjit Kumar, Faith Williamson, et Jim Berner; des Citizens for Public Justice, Gerald Vandezande, directeur des affaires publiques nationales, et Stephanie Baker Collins; du Committee on Monetary and Economic Reform, William Krehm et Jack Biddell; à titre de témoin individuel, Roland J. LaMarre; de la Metro Toronto Chinese & Southeast Asian Legal Clinic, Steven Lee et David Yee; de la Chambre de commerce de Mississauga, Charles Coles; de Molly Maid, Kevin Hipkins; et de la Romero House, Norbert Piché.

[Français]

Nous allons commencer. Vous avez un maximum de deux ou trois minutes pour vos remarques préliminaires. Monsieur Krehm.

[Traduction]

M. William Krehm (président du conseil, Committee on Monetary and Economic Reform): Oui.

Le 18e président des États-Unis, le général Ulysses Grant, disait qu'il ne pouvait reconnaître que deux morceaux de musique: Yankee Doodle et tous les autres airs. En cela il ressemble à la Banque du Canada et à notre gouvernement. Leur remède universel, qu'il s'agisse de lutter contre l'inflation ou le déficit, est d'imposer des taux d'intérêt plus élevés.

Nous habitons un pays qui a beaucoup pris une bonne leçon lors de la grande crise des années trente. Mais on a tout oublié. À l'époque, les gouvernements coupaient leurs dépenses pour équilibrer leurs budgets, mais l'opération n'a rien donné. Les budgets ne pouvaient pas être équilibrés.

On a eu recours à un grand nombre de solutions pour financer la Deuxième guerre mondiale. Après 20 ou 30 ans de prospérité sans précédent, on nous dit que ces solutions ne pourraient pas s'appliquer aujourd'hui.

Il faut voir si ceux qui font de telles déclarations sont dignes de foi.

Au cours des trois dernières années, nous avons connu trois crises majeures. La première fut la perte de valeur du dollar canadien à un coût énorme - mais non communiqué - pour le contribuable canadien. La chose n'avait pas été prévue par ceux qui prétendent qu'il ne serait pas possible d'appliquer les solutions utilisées pour financer la Deuxième guerre mondiale.

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La suivante eut lieu en 1994, l'année où l'on enregistra la plus forte chute des obligations depuis 1929. Elle n'avait pas été prévue.

La troisième fut la crise mexicaine qui, elle non plus, n'avait pas été prévue.

Mesdames et messieurs, cette table ronde ne devrait pas exclure un examen attentif des solutions qui ont permis le financement de la participation du Canada à la Deuxième guerre mondiale et qui nous ont donné les trois décennies les plus prospères de notre histoire. Continuer d'ignorer ces leçons et enterrer ces chapitres de notre histoire serait, de la part des responsables, assumer une responsabilité morale écrasante. S'ils s'obstinent dans cette voie, il ne faudra pas attendre longtemps avant qu'ils ne soient forcés de disparaître.

Je vous remercie.

Des voix: Bravo!

Le président: Merci, monsieur Krehm.

Je donne la parole au président de la Chambre de commerce de Mississauga, M. Charles Coles.

M. Charles Coles (président, Chambre de commerce de Mississauga): Bonjour, mesdames et messieurs, et merci de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui à titre de représentant de la Chambre de commerce de Mississauga. Je m'appelle Charles Coles et je suis président de cette Chambre de commerce. Je suis accompagné de Clare Halldorson, qui est recherchiste et conseillère de direction de la Chambre de commerce.

La ville de Mississauga compte 540 000 habitants, ce qui en fait la 8e ville du Canada sur le plan de la population. Elle est le site de l'aéroport international Pearson qui est le deuxième en importance en Amérique du Nord et le plus grand du Canada.

La Chambre de commerce de Mississauga est un organisme émanant du secteur privé. Notre financement est indépendant du gouvernement, notre unique source de revenus étant les cotisations de nos adhérents. Notre organisme regroupe 1 300 entreprises qui emploient approximativement 60 000 personnes à Mississauga, ce qui fait que nous nous considérons comme le porte-parole des milieux d'affaires de Mississauga.

La difficulté la plus grave à laquelle fait face le Canada, la dette nationale, est véritablement une priorité. Il faut que nous la maîtrisions afin de parvenir à la stabilité financière qui nous permettra de régler tous les autres problèmes auxquels est confronté notre pays. La Chambre de commerce de Mississauga souhaite présenter un mémoire qui se veut à la fois pragmatique, réaliste et équitable, et qui reflète des valeurs jugées importantes au Canada, un pays juste, équitable et fraternel.

En ce qui a trait à la réduction du déficit, nous applaudissons les initiatives énoncées dans le budget de 1995 et demandons au gouvernement de poursuivre en ce sens. Il faut saisir l'occasion avant que ne survienne un autre ralentissement économique ou un autre référendum au Québec, et avant que votre mandat électoral ne se termine.

De notre point de vue, vous êtes sur la bonne voie. Toutefois, nous recommandons fortement la suppression du déficit d'ici à la fin de votre mandat. En 1996-1997, nous aimerions que le déficit soit ramené à 24,3 milliards de dollars, c'est-à-dire à 3 p. 100 du PIB; en 1997-1998, à 1,5 p. 100 du PIB, soit à 12,3 milliards de dollars; et qu'en 1998-1999, le budget soit équilibré. Tout cela, en présumant que le PIB demeurera constant à 821,3 milliards de dollars.

Nous aimerions rappeler au gouvernement que lorsqu'il a pris le pouvoir en 1993, la dette du Canada s'élevait à environ 460 milliards de dollars et qu'une fois maîtrisée, même en recourant aux solutions les plus drastiques, elle dépassera les 600 milliards de dollars. Cela signifie que les intérêts pour assurer le service de la dette s'élèveront, à eux seuls, à environ 55 milliards de dollars par an, alors que l'on pourrait disposer de cette somme pour financer des programmes nécessaires pour notre pays.

La Chambre de commerce est consciente qu'il ne faut pas confondre une énumération de chiffres sur un tableau et ce que représente des réductions de dépenses au niveau des programmes et des gens. Mais nous considérons que si l'on ne prend pas de mesures draconiennes, elles nous seront imposées par nos créanciers étrangers et les marchés monétaires.

Personnellement, je suis mal à l'aise et, dans une certaine mesure, cela me dégoûte quand je pense à la façon dont notre génération a agi et à ce que nous laissons à nos enfants. Nous avons créé un déficit et une dette qu'il va leur falloir assumer et gérer, et cela au moment même où les membres de la génération du baby boom seront au seuil de leur retraite.

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La Chambre de commerce de Mississauga aimerait faire valoir son point de vue dans trois domaines: la rationalisation des dépenses; la réforme fiscale; et la suppression des subventions.

Je crois que le gouvernement fera connaître cette semaine sa position vis-à-vis l'assurance-chômage. J'aimerais vous rappeler qu'en 1973, le coût de l'assurance-chômage était de 2,1 milliards de dollars. Il est aujourd'hui de 14,3 milliards de dollars, et les cotisations rapportent 19,4 milliards. Nous aimerions que vous mettiez promptement en application la réforme de l'assurance-chômage que vous proposerez cette semaine. Faites de l'assurance-chômage ce que ce programme était à l'origine, c'est-à-dire un régime d'assurance, et réduisez les cotisations lorsque c'est possible car cela stimulera l'emploi.

Nous considérons que le gouvernement fédéral devrait se retirer de la formation de la main-d'oeuvre et négocier le transfert du contrôle en ce domaine avec les provinces.

Le Régime de pensions du Canada couvre les sommes versées aux retraités d'aujourd'hui mais n'est pas financé à hauteur de la totalité des prestations futures. Le passif non capitalisé actuel du Régime de pensions du Canada s'élève à 488 milliards de dollars. Nous recommandons que le gouvernement s'extirpe de ce régime de pensions. Au Chili, le régime gouvernemental est devenu un plan regroupant des millions de REÉR individuels. Nous suggérons au gouvernement d'étudier ce plan, car il a obtenu d'assez bons résultats.

En ce qui a trait à la réforme fiscale, nous aimerions que vous combiniez la taxe sur les produits et services à celle des provinces et que vous élargissez l'assiette de la TPS actuelle afin que cela devienne possible.

Pour ce qui est de la suppression des subventions, nous aimerions, pour commencer, que vous vous penchiez sur les questions afférentes à notre secteur d'activité. Vous avez prévu réduire les subventions aux entreprises de 3,8 milliards de dollars à 1,5 milliard de dollars sur trois ans. Nous applaudissons cette initiative, mais nous voudrions vous demander de les réduire à zéro au cours de ladite période. Aidez les entreprises de la même façon que vous le faites par l'entremise de la Banque fédérale de développement, au moyen d'un système de prêts plutôt que de subventions.

Dans le prolongement de l'initiative visant à éliminer les subventions aux entreprises, nous voudrions vous demander d'appliquer les mêmes principes aux autres secteurs de l'économie. Il faut vraiment se débarrasser de la mentalité qui nous amène à penser que le contribuable canadien va subventionner les groupes d'intérêt particuliers indépendamment de la cause qu'ils défendent.

En résumé, le gouvernement devrait supprimer les subventions dans tous les secteurs. Nous pensons que le Canada est un merveilleux pays, sur lequel la question du Québec, le déficit et la dette font planer une certaine incertitude. Nous vous implorons de vous attaquer au problème du déficit et de la dette et de faire du Canada un pays fort qui continue d'offrir les services sociaux qu'il a fournis dans le passé.

Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie, monsieur Coles.

Nous allons entendre ensuite M. Andrew Ranachan, du Social Planning Council of Metropolitan Toronto.

M. Andrew Ranachan (bénévole, Social Planning Council of Metropolitan Toronto): Nous allons faire notre présentation en équipe avec Brigitte Kitchen. En faisant preuve de souplesse, nous allons gagner du temps.

Le président: Fantastique. Nous aimons ce type de collaboration. On aimerait qu'il en soit ainsi partout, d'un bout à l'autre du Canada.

Mme Brigitte Kitchen (Groupe de défense des enfants pauvres): Je vais prendre la parole en premier.

Nous convenons tous que le Canada fait face à une crise financière. Même si nous ne nous entendons pas pour chiffrer l'objectif, tous les gens assis autour de cette table conviennent que le rapport dette-PIB doit inexorablement continuer à baisser.

Nous avons déjà fait remarquer, lors de précédentes présentations, que c'est déformer les faits de l'histoire que d'attribuer les déficits annuels et la dette cumulée aux programmes sociaux. Dans un rapport intitulé Paying for Canada, nous avons rassemblé une documentation qui montre clairement que les dépenses consacrées aux programmes sociaux au cours des 20 dernières années sont restées relativement constantes par rapport à la taille de l'économie, représentant environ 10 p. 100 du produit intérieur brut.

Ce n'est pas le cas des dépenses afférentes au service de la dette résultant de la politique de taux d'intérêt élevés appliquée depuis le début des années 1980, et des recettes abandonnées à cause de la trêve fiscale accordée aux Canadiens privilégiés à partir de 1975. David Ross, du Conseil canadien de développement social, a chiffré les dépenses fiscales à 90 milliards de dollars. Nous considérons qu'il s'agit d'une violation de principes fiscaux bien établis voulant que les plus nantis assument leur juste part du fardeau fiscal.

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Il est remarquable que les allégements fiscaux dont bénéficient les sociétés et les particuliers et qui sont accordés principalement aux Canadiens nantis, s'élèvent à l'heure actuelle à sept fois la somme consacrée aujourd'hui à nos enfants, comme le montre le rapport La Pauvreté de l'enfance au Canada - Dépliant du rapport 1995. J'espère que vous avez tous vu, ou que vous verrez tous, ce bulletin. À un moment où le chômage et le sous-emploi sont élevés et où l'on constate la vulnérabilité croissante des familles ouvrières - comme le démontre le taux élevé de pauvreté parmi les enfants - nous avons besoin de solides programmes sociaux qui protègent le revenu des familles et les soutiennent dans leur vie quotidienne.

M. Ranachan: La deuxième chose que l'on nous a demandé de traiter est la question des mesures budgétaires susceptibles de créer un environnement favorable à l'emploi et à la croissance. Nous aimerions formuler les observations suivantes.

Il faut maintenir une infrastructure à la fois stable et solide par le biais des programmes sociaux, des routes, de l'éducation et de la formation, et assurer l'universalité de l'accession aux soins de santé, si l'on veut créer un climat favorable à l'emploi et à la croissance. Prenez par exemple...

J'ai lu dans le The Sunday Times de Londres le week-end dernier que le président de la Confederation of British Industries considère que le gouvernement britannique doit investir plus d'argent dans l'infrastructure car celle qui existe actuellement se détériore. Nous devons faire très attention à cela car c'est là-dessus que repose une économie saine et solide. Provoquer la détérioration des services publics par des coupures budgétaires aboutit à la destruction de l'infrastructure et entrave notre progrès dans le domaine de la création d'emplois et de la promotion de la croissance économique.

J'aimerais dire aussi que les mesures budgétaires qui aboutissent à une plus forte polarisation des perspectives de revenu ou d'emploi constituent un autre obstacle important à l'instauration d'un climat favorable à l'emploi et à la croissance. Les recherches de nombreux économistes américains - au premier rang desquels figure Paul Romer - montrent que les pays ou les villes où prévalent de faibles écarts de revenu sont ceux qui connaissent la plus forte croissance économique et la plus grande prospérité. Quand on voit comment procèdent les «dragons» économiques du Sud-Est asiatique, cela est on ne peut plus manifeste. C'est aussi ce que font ressortir les travaux de Lars Osberg's. Dans le dernier numéro de la revue canadienne Canadian Business Economics, il démolit l'idée selon laquelle il faudrait choisir entre l'équité et l'efficacité.

Nous devons aussi, selon moi, nous inspirer de l'expérience d'autres économies que les économies anglo-américaines. Prenez les pays d'Europe ou le Japon, ils ont démontré que pour assurer leur force et leur vitalité économiques, ils n'avaient pas eu à mettre en péril l'existence d'un solide système de garantie des revenus et de programmes sociaux pour les familles qui ont des enfants. De fait, c'est l'opposé que démontre leur expérience.

L'autre chose que j'aimerais dire au sujet du climat favorable à l'emploi et à la croissance, c'est que, manifestement, on aurait tort de s'en remettre totalement au secteur privé pour créer des emplois. Cela n'a tout simplement pas donné de résultats. Cela n'a pas donné de résultats au cours des cinq dernières années et nous n'entrevoyons pas qu'il en ira autrement dans l'avenir prévisible. Compter uniquement sur les solutions du secteur privé, n'aboutira à rien. Nous croyons, par conséquent, que dire que le secteur privé est capable de créer des emplois durables qui paient des salaires permettant d'assurer la subsistance d'une famille est une affirmation qui n'est actuellement aucunement fondée.

Le président: Je vous remercie.

Nous allons entendre M. Steven Lee de la Metro Toronto Chinese & Southeast Asian Legal Clinic.

M. Steven Lee (membre de la Metro Toronto Chinese & Southeast Asian Legal Clinic): Bonjour. Je m'appelle Steven Lee, et mon collègue est M. David Yee. Nous sommes tous deux membres de la Metro Toronto Chinese & Southeast Asian Legal Clinic et du conseil d'administration du Conseil national des Canadiens chinois. Avvy Go nous a demandé de parler en son nom et nous espérons que notre présence ici sera plus que symbolique.

On nous a demandé de répondre à plusieurs questions mais, pour parler honnêtement, nous allons le faire de façon indirecte car nous ne sommes ni économistes ni diseurs de bonne aventure. Nous sommes évidemment conscients que d'énormes pressions internes et externes s'exercent pour que l'on réduise le déficit. Les dépenses galopantes et l'énorme service de la dette ne sont manifestement pas dans le meilleur intérêt de quiconque. Nous craignons toutefois que le gouvernement se soit braqué sur certains points, et c'est sur quoi nous voudrions faire porter nos commentaires.

Un grand nombre des clients de la clinique sont des immigrants ou des réfugiés; c'est pourquoi les politiques d'immigration revêtent un grand intérêt pour la clinique et la communauté qu'elle dessert. Nous avons participé à la campagne de protestation contre la taxe d'immigration qui a été imposée aux immigrants et aux réfugiés. Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés a procédé à une enquête au printemps dernier et a découvert qu'aucun des pays étudiés - notamment l'Australie, la France, l'Allemagne, les Pays-Bas, les Pays scandinaves, le Royaume-Uni et les États-Unis - ne percevaient de droits auprès des réfugiés. Nous considérons qu'il est moralement répréhensible d'imposer des droits à des personnes qui fuient la persécution. Si le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration considère qu'il y a des excès ou que l'on abuse du système, il semblerait alors justifié qu'il se montre plus rigoureux, mais on ne devrait pas pénaliser les demandeurs d'asile légitime.

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En outre, nous sommes d'avis que la perception d'un droit est discriminatoire, car il est beaucoup plus difficile pour les personnes originaires des pays du Tiers-Monde de trouver les fonds nécessaires.

Nous trouvons aussi que la nouvelle orientation adoptée par le ministère de l'Immigration pour opérer une sélection parmi les immigrants est plutôt inquiétante.

Le parti au pouvoir avait promis, avant de se faire élire, de donner priorité à la réunion des familles. Non seulement cette promesse a-t-elle été abandonnée, mais on a assisté à un renversement de la politique en faveur de ceux que l'on appelle des immigrants économiques. Toutefois, ces mêmes travailleurs hautement qualifiés qui n'ont pas de famille ici seront les premiers à partir quand les temps seront durs.

On doit reconnaître que pour attirer des immigrants qui feront du Canada leur patrie et qui apporteront leur contribution à ce pays encore longtemps à l'avenir, il faut investir des ressources. Les bons citoyens n'arrivent tout simplement pas tout faits.

On constate aussi qu'il y a des gens auxquels on a refusé l'entrée à cause de leur race ou de leur sexe ou parce qu'ils souffrent d'un handicap. Les législations provinciales, et même fédérales, en matière de droits de la personne se sont avérées énormément décevantes à cet égard. La législation relative à l'équité en matière d'emploi était perçue comme une initiative importante pour assurer que toutes les personnes, indépendamment de leur race, de leur sexe ou du fait qu'elles souffrent d'un handicap, bénéficient de chances égales sur le marché du travail. Toutefois, en Ontario, le gouvernement a l'intention de supprimer la législation relative à l'équité en matière d'emploi, ce qui laisse entendre que les minorités, les femmes et les handicapés ne peuvent réussir uniquement par leur mérite.

Pour aggraver la situation, on assiste, sur la scène provinciale, au démantèlement d'un grand nombre de mécanismes qui ont permis aux plus défavorisés dans notre société qui, pour survivre, dépendaient des fonds publics, de devenir des contribuables actifs.

Nous craignons énormément que le gouvernement fédéral soit, lui aussi, tenté de se laisser envahir par un courant mesquin de l'opinion publique et qu'il coupe des programmes qui sont effectivement rentables ou constituent des investissements nécessaires pour assurer notre avenir. Malheureusement, un grand nombre de ces programmes progressistes sont menacés quand il existe une absence, soit réelle, soit perçue, de perspectives d'emploi.

À moins que le gouvernement ne soit disposé à exercer des pressions sur l'industrie pour qu'elle joue un rôle actif dans la reconstruction de ce pays et assume la responsabilité de l'emploi, tous les programmes de recyclage professionnel du monde ne viendront pas à bout de nos malheurs économiques.

Dans le même esprit, il faut donner plus d'importance au multiculturalisme. Au cours des prochaines années, l'un des grands atouts de ce pays pourrait être sa capacité à jouer un rôle d'intermédiaire entre les économies du monde. Nous commençons à comprendre que l'interprétation linguistique n'est pas seule nécessaire, mais que la compréhension et l'interprétation culturelles ont également un rôle à jouer. En encourageant l'épanouissement des diverses communautés, on démontre en outre de façon évidente que des groupes qui ont été historiquement hostiles peuvent vivre et travailler en harmonie.

Nous commençons aussi à comprendre que le sentiment d'appartenance à une communauté est essentiel à la stabilité sociale et au développement intellectuel de nos enfants.

Je conclurai en disant que le Conseil national des Canadiens chinois a participé à une longue campagne pour que les victimes de la taxe sur les Chinois et de la Loi sur l'exclusion des Chinois adoptée par la suite bénéficient d'une indemnité, si minime soit-elle, pour les mauvais traitements que leur ont infligés les gouvernements fédéraux au pouvoir entre 1885 et 1947.

En décembre dernier, la secrétaire d'État, Sheila Finestone, a fait parvenir une lettre type au CNCC déclarant que les demandes de réparation ne seraient pas reconnues parce que l'on ne disposait pas des moyens nécessaires. Par voie de conséquence, le CNCC a été contraint d'envoyer une demande au Haut commissariat des Nations unies. Il est manifeste que le gouvernement canadien se place en contravention du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dont il est signataire.

M. Ianno (Trinity - Spadina): J'invoque le règlement, monsieur le président, car il existe des divergences d'opinions à cet égard au sein de la communauté chinoise.

Le président: Oui, nous allons y revenir. J'allais poser la question.

Monsieur Lee, nous nous efforçons de limiter les déclarations liminaires de nos témoins à trois minutes.

M. Lee: Quoi qu'il en soit, nous déclarons qu'actuellement, les conditions économiques ne devraient pas servir d'excuse pour ignorer les violations des droits de la personne. En agissant de la sorte, nous mettons en jeu le crédit dont nous jouissons sur la scène internationale.

Le président: Je vous remercie, monsieur Lee.

Monsieur LaMarre, s'il vous plaît.

M. Roland J. LaMarre (présentation individuelle): Bonjour. Je suis une personne âgée, ingénieur de profession. J'ai occupé des postes de direction dans une grande industrie pendant de nombreuses années au cours de ma carrière. Au cours de la dernière décennie, je suis devenu entrepreneur et chef d'une petite entreprise.

Je parle en mon nom et en celui de beaucoup d'autres qui partagent les opinions que je vais exprimer ce matin.

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La plupart d'entre nous reconnaissent que l'accumulation continue de déficits annuels finira par représenter, pour le Canada, un fardeau insupportable qui détruira tous les programmes sociaux que nous nous préoccupons de préserver et dont ont traité les témoins qui ont comparu ce matin.

Il est, par conséquent, crucial que le gouvernement continue de se consacrer principalement à la maîtrise du déficit fédéral. L'année dernière, le gouvernement s'est fixé comme objectif, pour l'année budgétaire 1996-1997, de ramener le déficit à 3 p. 100 du PIB. À l'époque, j'ai accepté cette décision avec réticence, tout en préconisant, dans le mémoire que j'ai transmis l'an dernier à ce comité, que le gouvernement adopte une position encore plus rigoureuse et s'efforce d'accélérer les compressions.

Depuis, j'ai réfléchi à la gravité de cet endettement et j'ai observé sa croissance inexorable d'une année à l'autre: chaque 30 milliards de dollars de déficit annuel ajoute 2,5 milliards de dollars supplémentaires aux versements consentis annuellement par le gouvernement à des étrangers. Cette somme d'argent pourrait, autrement, être utilisée pour financer les programmes sociaux.

J'en suis arrivé à la conclusion que nous devons nous montrer encore plus rigoureux, et je suggère que le gouvernement fixe à 2 p. 100 du PIB son objectif pour 1996-1997 et qu'il s'engage publiquement à équilibrer le budget en 1998-1999.

Selon moi, les raisons qui militent en faveur d'une action immédiate sont incontestables. Premièrement, si l'on permet au déficit de se maintenir, année après année, à 25 ou 30 milliards de dollars par an, à la fin de la décennie, la dette aura augmenté de 120 à 150 milliards de dollars. Il s'ensuivra une augmentation de 8 à 12 milliards de dollars par an des frais de financement que nous payons à des étrangers. Vous pouvez imaginer ce que cela donnera dans cinq ans, alors qu'aujourd'hui, c'est 8 à 12 milliards de dollars par an que nous cherchons à récupérer en coupant nos programmes. La situation sera encore plus terrible, et les conséquences seront, bien sûr, catastrophiques.

Deuxièmement, étant donné que l'économie nord-américaine est en phase de croissance, c'est le moment opportun pour effectuer des coupes sombres. C'est la plus belle occasion dont disposera jamais le gouvernement.

Troisièmement, à l'époque où l'on établira le budget de l'année prochaine, la prochaine élection fédérale ne sera plus très loin, ce qui signifie que le climat politique sera encore moins favorable à la mise en oeuvre de vigoureuses réductions des déficits.

Je suis donc d'avis que le moment est opportun. Nous connaissons une période de stabilité qui offre l'occasion de terrasser ce monstre qui nous tient à la gorge. Cela nous permettra de préserver les programmes dont nous aimerions continuer de faire profiter notre population.

Le président: Merci, monsieur LaMarre. Souhaitiez-vous donner un bref résumé?

M. LaMarre: J'avais l'intention de dire où les coupures devraient être effectuées.

Le président: Pourriez-vous vous contenter d'énumérer cela rapidement.

M. LaMarre: Il faut prendre des mesures plus énergiques pour que le gouvernement fonctionne efficacement.

Je constate, à la lecture des articles de journaux, que M. Perrin Beatty va effectuer des compressions de 25 p. 100 à Radio-Canada en une seule année, sans pour autant toucher à la programmation de la Société. Cela démontre bien qu'il existe quantité de bois mort dans un système qui n'est pas efficace.

Je prétends que les mêmes facteurs d'inefficacité sont à l'oeuvre dans la bureaucratie fédérale. Il faut se montrer plus énergiques pour s'y attaquer. Ce n'est que l'un des secteurs où nous pouvons effectuer d'autres coupures sans porter atteinte à nos programmes.

Par ailleurs, le régime d'assurance-chômage produit un excédent, une somme importante qui pourrait être réinjectée dans l'économie une fois le niveau excédentaire atteint.

Si je comprends bien, la caisse d'assurance-chômage dégagera un excédent de 5 milliards de dollars l'année prochaine. Cette somme devrait être réinjectée dans l'économie par le biais d'une réduction des cotisations et de remboursement aux petits entrepreneurs et à ceux qui contribuent à cet excédent.

Il existe d'autres subventions gouvernementales - on pourra en parler plus tard - qui devraient être supprimées. Il faut privatiser la société VIA Rail. Un grand nombre des dépenses occasionnées par le chevauchement des bureaucraties fédérales et provinciales devraient être éliminées. Les subventions aux entreprises devraient être totalement supprimées. Je ne comprends pas pourquoi on coupe les programmes sociaux destinés aux pauvres, alors qu'on permet aux grosses entreprises de continuer à bénéficier des subventions que l'on connaît.

Le président: Je vous remercie, monsieur LaMarre.

La parole est à l'Alliance of Seniors to Protect Canada's Social Programs, représenté par Ray McLeod et James Buller.

M. James Buller (coordonnateur de programme, Alliance of Seniors to Protect Canada's Social Programs (Association of Jewish Seniors)): L'Alliance of Seniors to Protect Canada's Social Programs est un organisme de défense qui regroupe de nombreuses personnes âgées, et qui collabore étroitement avec la majorité des associations de personnes âgées de l'Ontario et du Canada.

Vu l'affluence exceptionnelle au forum de l'année dernière qui s'est déroulé au St. Lawrence Centre, nous avons décidé de réserver, ce mois-ci, les deux auditoriums de ce centre afin de pouvoir accueillir les 1 100 personnes âgées et plus qui y assistaient.

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Nous sommes totalement opposés à l'initiative régressive de financement global présentée par le ministre des Finances dans son budget de 1995, qui, selon nous, a déjà ouvert la voie à un affaiblissement notoire des critères nationaux acceptables s'appliquant à l'assurance-maladie, à l'assistance sociale, aux prestations d'assurance-chômage et possiblement, aux pensions. Les réductions touchant le régime d'assurance-chômage sont totalement injustifiées, car le gouvernement ne cotise pas à ce fonds. Il prend de l'argent qu'il n'a pas contribué... et réduit les prestations aux travailleurs en chômage.

Soit dit en passant, seule la moitié des chômeurs perçoit des prestations d'assurance-chômage. Dans le passé, 85 p. 100 en bénéficiaient.

Si la réduction du déficit était véritablement la préoccupation première du ministre des Finances, il avait la possibilité d'accepter le contre-budget présenté par la Paying for Canada Coalition, en février dernier. Le fait que seule la moitié des chômeurs perçoit des prestations d'assurance-chômage, contre 85 p. 100 auparavant, démontre la nature régressive des coupures imposées aux plus vulnérables, alors même que le gouvernement fédéral ne contribue plus au fonds.

Le fait que l'on ait annoncé une réduction des financements globaux aux provinces a encouragé le gouvernement Harris, en Ontario, à imposer une réduction forfaitaire de 21,6 p. 100 des prestations sociales; cela signifie souvent que les gens n'ont que 90$ pour se nourrir. De plus en plus d'enfants vont avoir faim et devenir pauvres.

Le financement du régime d'assurance-maladie se trouve dramatiquement réduit et les normes nationales sont remises en cause. Il a fallu la fermeture d'un hôpital à Calgary, la semaine dernière, pour que le gouvernement Klein soit contraint de faire marche arrière et n'impose pas de nouvelles coupures dans les services médicaux.

La délégation des pouvoirs aux provinces, accompagnée d'une diminution des crédits pour les programmes sociaux, aboutira à une plus grande décentralisation au Canada et pourrait, en fait, accélérer l'éclatement du pays, comme l'a récemment rappelé l'ancien Premier ministre, Pierre Trudeau. Le dernier budget fédéral contredit totalement la promesse que m'avait faite Jean Chrétien. Il m'avait déclaré - dans la lettre que j'ai ici entre les mains:

J'aimerais proposer ce qui suit, pour protéger nos programmes sociaux. Premièrement, supprimer les nombreuses lacunes de la législation fiscale et les subventions favorisant les sociétés. On pourrait facilement obtenir 5 milliards supplémentaires par an. Au bas mot.

J'ai apporté avec moi la documentation à l'appui de cette affirmation. Il s'agit du «Report on Business» du Globe and Mail. Je serais heureux de vous le transmettre, monsieur Peterson, à toutes fins utiles. Il s'agit de l'édition la plus récente.

Le président: J'en serais heureux.

M. Buller: Autrement dit, supprimez les failles de la législation fiscale et les subventions. Sinon, que l'on instaure et que l'on perçoive un impôt minimum sur les sociétés se situant entre 14 et 17 p. 100. Les Canadiens à bas revenus qui gagnent aussi peu que 11 000$ par an sont imposés à 17 p. 100 bien qu'ils soient au seuil de la pauvreté. Où est l'équité fiscale?

Les taux d'imposition du revenu des particuliers qui s'appliquent aux riches ont été réduits, dans certains cas, de 26 p. 100. À titre de mesure corrective, le professeur Neil Brooks, de l'école de droit de Osgoode Hall propose d'augmenter les trois barèmes actuels - il y en avait auparavant dix - de 4, 3 et 2 p. 100, et calcule qu'en commençant par la tranche de revenu la plus élevée, on recueillerait 18 milliards de dollars supplémentaires par an, ce qui contribuerait largement à réduire le déficit sans qu'il soit nécessaire de couper les crédits destinés au financement des programmes sociaux.

Le Canada est le seul pays du Groupe des Sept à ne pas percevoir de droits de succession. Nous vous incitons à instaurer un tel impôt dans le prochain budget, le premier million étant exonéré. Cette proposition a été faite en février dernier dans le contre-budget de la Paying for Canada Coalition, dont fait partie le Social Planning Council of Metropolitan Toronto. Proportionnellement, parmi les pays du Groupe des Sept, le Canada est le pays où le pourcentage de l'impôt sur les sociétés est le plus faible et où l'on compte le plus grand nombre de milliardaires en proportion de la population.

La Banque du Canada a grandement contribué aux difficultés économiques du Canada à cause de sa politique de taux d'intérêt élevés, ce qui fait augmenter notre dette nationale. Nous appuyons, à cet égard, les propositions du Committee on Monetary and Economic Reform et de M. Krehm.

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En conclusion, nous faisons remarquer que les quatre derniers budgets du gouvernement fédéral se sont soldés par des coupes sombres dans les dépenses imputables aux programmes sociaux tout en accordant d'énormes réductions fiscales aux riches et aux grandes entreprises. La majorité des Canadiens ordinaires s'appauvrissent, alors que les cinq plus grandes banques à charte enregistrent des bénéfices après impôt de 4,05 milliards de dollars - une augmentation de 48 p. 100 par rapport à l'année dernière - et que leurs présidents-directeurs généraux touchent 10,7 milliards de dollars.

La disparité et l'injustice qui caractérisent notre système fiscal sont renversantes. Le moment est venu d'instituer une certaine équité.

Des voix: Bravo!

Le président: Merci, monsieur Buller.

La parole est à M. Norbert Piché de Romero House.

M. Norbert Piché (Romero House): Je vais donner aux participants le temps de prendre leurs écouteurs, car je vais parler en français.

M. John Hotson (Committee on Monetary and Economic Reform): Monsieur le président, pourquoi n'ai-je pas eu la parole?

Le président: Monsieur Hotson, vous faites partie de la délégation du COMER, si je ne m'abuse?

M. Hotson: C'est exact.

Le président: Ce comité a déjà fait un exposé. Pensez-vous qu'il devrait pouvoir en faire trois? Combien souhaitez-vous qu'il en fasse?

Un témoin: Monsieur le président, nous aimerions entendre les trois.

Le président: Parfait, je vais demander aux autres participants si cela leur convient.

Il y a ici un groupe qui représente le Committee on Monetary and Economic Reform. Il y a trois représentants autour de la table et ils souhaitent faire chacun un exposé. Les autres participants sont-ils d'accord avec cela?

M. Hotson: Je pense que tout le monde devrait être entendu.

M. Coles: Monsieur le président, puis-je suggérer que tous les autres groupes puissent s'exprimer avant que l'on entende les exposés supplémentaires de l'un d'entre eux? Je pense que tout le monde devrait avoir la possibilité de se faire entendre.

Le président: Parfait. Tout le monde est-il d'accord avec cela?

Des voix: Oui.

Le président: On vous donnera la parole un peu plus tard.

[Français]

Monsieur Piché, veuillez continuer, s'il vous plaît.

M. Piché: «Tu n'aurais sur moi aucun pouvoir, s'il ne t'avait été donné d'en haut.» Cette citation est tirée de l'Évangile selon saint Jean. Elle reflète bien le contexte dans lequel la société canadienne se trouve aujourd'hui. Il y a des personnes qui sont de plus en plus pauvres et il y en a d'autres qui sont de plus en plus riches.

Je pourrais vous donner toutes sortes de statistiques démontrant cette réalité. Je pourrais vous dire comment réduire le déficit autrement que sur le dos des moins bien nantis. Il y a toutes sortes de documents qui démontrent comment le faire, notamment celui du Canadian Centre for Policy Alternatives, la soumission de Citizens for Public Justice, celle de l'Adhoc Coalition Against the Head Tax, etc.

Est-ce que le gouvernement regarde ces études? Il est certainement plus enclin à regarder les siennes pour contredire les autres études. Alors, à quoi servent toutes ces études si on a déjà un parti pris?

En effet, l'étude peut être menée de telle façon que ses résultats reflètent le parti pris. On peut manipuler les statistiques et les faits pour qu'ils traduisent ce qu'on veut. Alors, pourquoi entreprendre ces études? Cela étant, j'ai choisi de ne pas utiliser de statistiques et de vous parler autrement.

Je sais qu'il y a des personnes sans abri et d'autres qui ont des maisons très luxueuses. Je sais qu'il y a des personnes qui n'arrivent pas à se nourrir adéquatement et que d'autres peuvent se permettre de manger pour 50$ au restaurant. Je sais qu'il y en a qui n'ont qu'une vieille paire de chaussures qui ne durera pas l'hiver tandis que d'autres en ont 20 paires.

Je sais qu'il y en a qui ont fui leur pays d'origine et dont on exige qu'ils paient des frais exorbitants pour s'établir au Canada tandis que d'autres font des profits exorbitants. Chacune de ces personnes est devant son Ponce Pilate tout comme le Christ l'était. Chacun de ces Ponce Pilate n'aurait aucun pouvoir sur ces individus s'il ne lui avait été donné d'en haut. Chacun de ces Ponce Pilate serait aussi tenu responsable des actes commis envers l'un de ces plus petits.

Chacune de ces personnes a vu son Ponce Pilate s'en laver les mains: le sans-abri au bureau de l'habitation, l'affamé au bureau du bien-être social, le réfugié au Bureau de l'immigration. Chacune de ces personnes a été déshabillée et exposée pour être méprisée. Chacune de ces personnes a été flagellée et continue à porter sa croix. Certaines d'entre elles ont fait l'expérience de la crucifixion. Mais pour certaines d'entre elles, je vois la résurrection, car elles sont entourées de personnes qui les aiment. Je vois la résurrection.

.1135

Vous, du gouvernement libéral, vous avez le pouvoir qui vous a été donné d'en haut. Qu'allez-vous en faire?

[Traduction]

Le président: Monsieur Vandezande, s'il vous plaît.

Mme Stephanie Baker Collins (recherchiste nationale, Citizens for Public Justice): C'est moi qui ferais la déclaration liminaire au nom des Citizens for Public Justice.

Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de participer à cette table ronde sur le prochain budget fédéral.

Incontestablement, nous examinons aujourd'hui l'économie de notre pays dans un contexte global. Dans ce contexte, on peut voir que notre pays est excessivement riche et privilégié. Cela ne vient pas uniquement des ressources naturelles et humaines du Canada, mais de la solidarité et de la tolérance qui ont traditionnellement régné au sein de notre société.

Ce n'est pas notre richesse qui fait de nous une nation, mais notre engagement commun d'utiliser cette richesse de manière à améliorer le bien-être de la population et à préserver l'environnement. Cet engagement vaut pendant les époques de prospérité comme dans les temps plus difficiles.

Pour que l'on puisse honorer cet engagement national, les Citizens for Public Justice aimeraient proposer que le prochain budget fédéral établisse sept priorités.

Premièrement, dans le cadre de notre engagement national, le gouvernement fédéral doit respecter ses responsabilités constitutionnelles et préserver l'équité entre les Canadiens et entre les régions du Canada. Cela doit se refléter dans la façon dont les fonds fédéraux destinés à la santé, à l'éducation et au bien-être sont distribués.

Les recommandations particulières qui vont suivre se rapportent aux transferts canadiens en matière de santé et de programmes sociaux: préserver l'intégrité de la portion monétaire de ces paiements de transfert; faire reposer les négociations de la formule sur des principes communs; renforcer le mécanisme de reddition de comptes; réserver une portion de ces paiements de transfert à l'aide sociale; et reconnaître aux principes régissant le Régime d'assistance publique du Canada une importance égale à ceux sur lesquels repose la Loi canadienne sur la santé dans le cadre de ces paiements de transfert.

La seconde priorité porte sur l'équité fiscale. Les Citizens for Public Justice demandent au gouvernement de tenir la promesse faite dans le budget de 1995, et d'examiner les dépenses fiscales à la prochaine occasion afin de rendre ce système plus équitable.

Nous recommandons que l'on examine les dépenses fiscales suivantes - et nous donnons d'ailleurs plus de détails à ce sujet dans notre mémoire: le facteur de réduction de l'assiette maximale pour les contributions aux REÉR et aux RPA; l'exemption fiscale accordée aux gains de loterie et de jeu; la déduction fiscale pour les repas et les réceptions d'affaires.

Ce gouvernement a fermement maintenu le cap en matière de coupures dans les programmes sociaux, ce qui risque de toucher les plus vulnérables. Nous rappelons à ce même gouvernement qu'il devrait également maintenir fermement le cap lorsqu'il s'agit de ses objectifs en matière d'équité fiscale.

La troisième priorité est de faire le lien entre l'assurance-chômage et la création d'emplois. Même lorsque les ressources se font rares, le gouvernement peut beaucoup influer sur les mécanismes d'incitation par la façon il perçoit ses recettes et dépense les sommes dont il dispose. Nous soulignons, en particulier, que la façon dont les cotisations patronales sont perçues favorise les entreprises à forte intensité de capital par rapport aux firmes à forte intensité de main-d'oeuvre.

Les Citizens for Public Justice encouragent fortement le gouvernement fédéral à élargir l'assiette du calcul des contributions patronales à l'assurance-chômage, afin de puiser aussi bien dans le revenu du capital que dans le revenu du travail. Nous recommandons aussi que les économies qui résulteront des réformes...

Le président: C'est un exposé magnifique mais, pour être équitable à l'égard des autres participants, je vous demanderais de bien vouloir résumer assez rapidement sans vous étendre sur chacune des recommandations.

Mme Baker Collins: Oui. Je n'en ai plus que pour une minute.

Notre quatrième priorité est le sort des enfants pauvres, et nous nous faisons l'écho des autres groupes réunis autour de la table. Nous recommandons spécifiquement que l'on mette en place une prestation fiscale pour enfant améliorée.

Notre cinquième priorité concerne la préservation de l'environnement au moyen de taxes vertes qui pourraient être envisagées.

Notre sixième priorité est l'abolition du droit d'entrée exigé des réfugiés et des immigrants.

La septième reflète les déclarations de Vision mondiale Canada, et porte sur le respect de nos engagements en matière d'aide internationale.

Je vous remercie de m'avoir écoutée.

Le président: Merci, madame Baker Collins.

La parole est à M. Ranjit Kumar.

M. Ranjit Kumar (directeur exécutif, Fondation pour la formation internationale dans les pays du Tiers-Monde): L'objet de mon exposé est de demander au comité de réviser et de modifier l'article 260 de la Loi sur la taxe de vente, qui porte sur la perception de la TPS sur les produits et services exportés du Canada.

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La fondation, comme beaucoup d'autres organismes charitables engagés dans des initiatives outre-mer, envoie fréquemment des professionnels fournir des services à nos partenaires dans les pays étrangers. Une partie de notre action, comme celle d'un grand nombre d'autres organismes de charité, consiste à faire venir nos partenaires d'outre-mer au Canada pour leur offrir des services qui sont essentiellement exportés sous forme de savoir-faire technologique.

On pouvait penser qu'en vertu du paragraphe 260(1), tel qu'il était envisagé à l'origine, les organismes de charité seraient exemptés de la TPS, et qu'un taux nul de taxe serait imposé sur l'exportation des produits et services. Toutefois, l'énoncé de politique subséquent, B-132, a sensiblement restreint la signification de cet article particulier et exclut la détaxe des services dans le cas des organismes charitables.

Une grande partie de notre travail et de celui des autres organismes de charité est rémunérée par nos partenaires d'outre-mer ou, en leur nom, par d'autres organismes. Ces services peuvent être considérés comme des exportations au même titre qu'un grand nombre d'activités commerciales. La nôtre est génératrice de devises étrangères pour le Canada et des stimulants devraient, par conséquent, être mis en place pour favoriser l'exportation de certains services.

C'est pourquoi nous demandons que le paragraphe 260(1) soit révisé afin que les services comme les produits puissent être exemptés à 100 p. 100 de la TPS. De fait, nous demandons l'annulation de l'énoncé de politique B-132, afin que les organismes de charité puissent jouir d'un traitement égal à celui qui est accordé aux activités commerciales.

Je vous remercie de votre attention.

Le président: Je vous remercie, monsieur Kumar.

Nos prochains témoins sont... Je m'excuse. Représentez-vous tous les deux le centre? Allez-vous faire aussi un exposé?

M. Jim Berner (comptable, Fondation pour la formation internationale dans les pays du Tiers-Monde): Non.

Le président: Vous aurez le droit d'en faire un plus tard. Une fois que nous aurons fait le tour des groupes, chacun d'entre vous disposera de trois minutes. J'ai rencontré M... Je vous prie de m'excuser.

Le témoin suivant est M. Ross Healy. Je vous souhaite la bienvenue. Je vous ai déjà rencontré et je serais heureux d'entendre votre exposé.

M. Ross Healy (président et directeur-général the 2% Solution Network Solvency Analysis Corporation): Merci, Jim.

Monsieur le président, messieurs les membres du comité et chers compatriotes, on nous a demandé de répondre à trois questions posées par ce comité qui portent essentiellement sur la réduction du déficit et la création d'emplois.

À cet égard, nous soutenons qu'aucun budget ni autre plan d'action ne doit être envisagé s'il ne satisfait pas à trois objectifs bien particuliers. Toute solution au problème du déficit doit accomplir ce qui suit: régler le problème du déficit en s'attaquant à sa cause sous-jacente, c'est-à-dire la croissance rapide de la dette du Canada; honorer tous les contrats, à la fois économiques et sociaux, que le gouvernement a passés avec les citoyens; et créer les conditions nécessaires à une croissance durable, à savoir des taux d'intérêt réduits, une monnaie stable, pas de concurrence de la part du gouvernement sur le marché de l'épargne de la nation et un environnement dans lequel la baisse régulière des taux d'imposition est possible.

Pour répondre aux questions que nous a posées votre comité, nous les avons situées dans la perspective suivante: quelle devrait être la cible de la réduction du déficit? En ce qui concerne le déficit chronique, la réponse est clairement qu'il doit être réduit à zéro. Tous les économistes du Canada, tous les groupes de réflexion, ainsi que le Gouverneur de la Banque du Canada s'accordent pour dire que le déficit chronique du Canada a imposé un fardeau à notre pays, continue de lui en imposer un et a freiné, freine et continuera de freiner son potentiel économique.

Par voie de conséquence, il serait illusoire de prendre pour objectif la réalisation de demi-mesures si l'on veut réduire le déficit. Au seuil de l'année 1996, l'expansion économique en cours a atteint sa maturité, et il est très probable qu'une récession se produira en 1998, soit à peu près huit ans après le début de la dernière que nous avons connue.

.1145

Donc, voici le problème: avec chaque récession que nous avons connue au Canada depuis 1969, année où notre pays a commencé à enregistrer un déficit chronique, les déficits du gouvernement ont eu tendance à se multiplier par trois. L'objectif actuel de réduction du déficit fédéral fixé à 25 milliards de dollars - plus ce qu'il en reste en Ontario et au Québec en particulier, les autres provinces ayant attaqué le problème de façon plus rigoureuse - laisse prévoir un déficit en 1999 d'une ampleur que l'on n'ose ni dévoiler ni chiffrer. La question qui se pose est: est-il possible ou non de le financer.

Mais il existe aussi un problème inhérent à la réduction du déficit. Lors de nos précédentes comparutions devant ce comité, nous avons fait remarquer que réduire le déficit à zéro sans s'attaquer à la dette sous-jacente, c'est-à-dire à la cause des déficits chroniques, aboutira à adopter ce que nous appelons la solution néo-zélandaise, puisque c'est là-bas qu'elle a été appliquée la première fois. Cela nous entraînera inévitablement dans le même cauchemar que nous avons connu pendant les huit ans au cours desquels le chômage dans ce pays a atteint des sommets dignes de la dépression et où le taux de croissance économique a été, en moyenne, de moins que 0,25 p. 100 par an, avant que nous finissions par sortir de ce supplice économique.

Comme l'expérience démontre manifestement qu'il ne faut pas se contenter de réduire le déficit, le comité a l'obligation de s'occuper de la dette.

Le président: Pourriez-vous conclure votre exposé, s'il vous plaît, monsieur Healy?

M. Healy: Pouvez-vous m'accorder 30 ou 40 secondes de plus?

Le président: Bien sûr.

M. Healy: Nous sommes les auteurs d'une monographie détaillée intitulée Phoenix Rising: The 2% Solution. Il s'agit d'un plan pour éliminer la dette des gouvernements provinciaux et fédéral du Canada en la convertissant en instruments participatifs. Ce plan repose sur de solides principes commerciaux et il est essentiellement appliqué tous les jours par une société ou par une autre.

Pour ceux qui n'ont pas lu ce document ou qui n'en ont pas entendu parler, je ferai remarquer que le plan en question a été attentivement et totalement mis à l'épreuve et a fait l'objet d'examens pratiques préalables de la part d'avocats, d'investisseurs et d'actuaires dans tout le Canada. Un grand nombre des représentants les plus connus et les plus brillants de ces secteurs nous ont apporté leur contribution en étudiant plusieurs des questions importantes soulevées dans le document original.

J'aimerais noter un point mineur et faire une petite mise en garde. Il y a quelques semaines, le Canada tel que nous le connaissons est presque arrivé au bout du rouleau quand le Québec a été à deux doigts de se décider à tenter sa chance tout seul. Ce comité ne peut pas, ne doit pas, donner raison à ceux qui, dans cette province, prétendent que le système fédéral leur coûte plus qu'il ne leur rapporte.

Si nous entrons dans une récession en 1998 sans avoir trouvé une solution permanente au problème de la dette, si notre déficit explose et si nous sommes forcés d'accepter que l'on nous impose la même solution qu'en Nouvelle-Zélande, vous ferez le jeu de ceux qui sont considérés comme des démagogues. De fait, si on ne parvient pas à enrayer l'engrenage, s'il n'y a pas de solution au problème de la dette et du déficit, il est possible que le Québec ait raison de choisir sa propre voie, particulièrement si cette province peut bénéficier d'un bon leadership financier.

Nous vous demandons instamment de vous concentrer sur le véritable problème, l'épouvantable fardeau de la dette. Le Canada que nous connaissons nous paraît trop près du précipice pour que nous nous sentions à l'aise.

Le président: Je vous remercie, monsieur Healy.

Il nous reste deux autres témoins du COMER. Est-ce M. Biddell ou M. Hotson qui souhaite parler en premier?

M. Jack Biddell (Committee on Monetary and Economic Reform): Monsieur le président, je pense qu'il y a presque exactement 13 mois, jour pour jour, que mon collègue, Jordan Grant, qui n'a pu nous accompagner aujourd'hui, et moi-même avons présenté un mémoire à votre comité à Ottawa. Il s'agissait d'un document de 62 pages. On nous avait accordé une heure mais, pour des raisons sur lesquelles je ne veux pas revenir, notre temps de parole a été réduit à environ 25 minutes.

Nous avions envoyé le mémoire à votre comité environ 10 jours à l'avance. Parmi les quelques membres qui étaient présents pour nous écouter, quelques-uns paraissaient y avoir jeté un coup d'oeil. Au final, il ne fut pas question de ce mémoire dans le rapport que vous avez publié au mois de décembre, l'année dernière. Aucune référence à l'index ne laissait entendre que ce mémoire vous avait été soumis.

.1150

Bref, le 30 octobre dernier, nous avons presque assisté à la disparition de ce pays. Or, l'un des principaux objectifs du mémoire était d'essayer d'éviter une telle situation et de présenter un certain nombre de solutions attrayantes pour tous les Canadiens et pour toutes les provinces du pays, dans le but de changer nos façons de procéder.

À ce que je sache, notre soumission n'a été discutée que lors d'une réunion d'économistes, de représentants de la Banque du Canada et ainsi de suite. La majorité des gens, d'après ce que j'ai cru comprendre, étaient de ceux qui favorisaient le statu quo, et ils décidèrent que les propositions avancées auraient des conséquences très inflationnistes. Nous n'avons pas eu la possibilité de nous expliquer à ce sujet, bien que nous ayions abordé la question de l'inflation dans l'un de nos documents.

Pour ce qui est de l'inflation, je pense que je suis relativement qualifié. En 1975, le Premier ministre de l'époque est venu me chercher dans une entreprise où j'occupais un poste relativement élevé et m'a demandé d'être le représentant de l'Ontario à la Commission de lutte contre l'inflation. Après ma retraite, en 1982, le Premier ministre de l'Ontario m'a demandé de présider la Commission de contrôle de l'inflation du Programme de 6 et 5 p. 100. J'ai consacré deux ou trois ans à étudier l'inflation, à en parler - et à en rêver; dans mon mémoire, et dans les documents qui ont suivi, j'ai démontré que les propositions que nous avions présentées n'étaient pas inflationnistes, qu'au contraire, elles agissaient tout à fait dans l'autre sens. Mais personne ne veut tenir compte de cela, personne ne pose de questions, personne n'en discute.

Le président: Vous avez passé 2 minutes et 45 secondes à faire valoir votre point de vue. Vous êtes entièrement libre d'utiliser votre temps comme bon vous semble, mais je pense qu'il serait beaucoup plus efficace de nous faire part de vos idées.

M. Biddell: Les idées portaient sur la façon dont on pourrait régler rapidement les problèmes de déficit du gouvernement.

Le président: Je comprends cela, mais si vous vouliez bien nous dire ce que vous entendez par là, je pense que tous les membres qui sont ici autour de la table ainsi que les médias apprécieraient de connaître ces idées.

M. Biddell: La principale mesure est celle qu'a mentionnée M. Krehm, c'est-à-dire que la Banque du Canada intervienne comme elle l'a fait lors de la dernière grande crise nationale au Canada, en 1939, et accorde des prêts à très faible taux d'intérêt à nos gouvernements, ce qui permettrait rapidement aux provinces d'équilibrer leur budget.

Le président: Je vous remercie, monsieur Biddell.

Monsieur Hotson.

M. Hotson: Pour aller rapidement au fond des choses, disons qu'effectivement, nous sommes tout à fait partisans de la réduction du déficit, et que la seule façon d'y arriver est de parvenir au plein emploi, comme l'affirmait d'ailleurs le Livre rouge. Si l'on regarde en arrière, on se rend compte que, depuis la Deuxième guerre mondiale, les seuls moments où le gouvernement est parvenu à présenter un budget équilibré ou un excédent budgétaire ont été les années où le chômage était inférieur à 6 p. 100, alors que celles au cours desquelles le chômage a dépassé 6 p. 100, le gouvernement a été confronté à des déficits. Ne semble-t-il pas évident que la façon de réduire et de supprimer les déficits est de rétablir le plein emploi, comme je l'ai déclaré et comme il est dit dans le Livre rouge?

En vérité, restaurer le plein emploi est peut-être la seule façon de mettre fin au déficit. La politique de coupes claires adoptée par les gouvernements fédéral et provinciaux, particulièrement quand elle est accompagnée de taux d'intérêt trop élevé, ralentit l'emploi et la production et, par voie de conséquence, fait baisser les recettes fiscales et augmenter les demandes de prestations d'assurance-chômage et de bien-être.

Tant que le gouvernement, notamment le ministre des Finances, n'aura pas la sagesse ni le courage de retirer le contrôle de la Banque du Canada des mains de ces salauds de monétaristes qui ont dicté sa politique depuis environ 1975, tout espoir de plein emploi, de stabilité des prix et d'équilibre budgétaire durable doit être abandonné. Si la Banque avait poursuivi les politiques de son premier gouverneur, Graham Towers, les dettes étrangère et intérieure du Canada seraient bien moins élevées et le pays n'aurait pas sacrifié les 2 billions de dollars - je répète 2 billions de dollars - que nous avons perdus en gérant ce pays à 15 ou 20 p. 100 au-dessous de sa capacité réelle depuis 20 ans.

En 1940, la Banque du Canada a créé plus de 76 p. 100 de l'argent supplémentaire qui est allé grossir la masse monétaire au sens large au cours de l'année. En 1951, elle a produit 78 p. 100 de l'argent qui s'est ajouté à cette masse monétaire. Je parle ici de M3. En 1994, la Banque n'a ajouté que 2 p. 100, et c'est pourquoi nous suggérons qu'on lui demande de créer la moitié des apports à la masse monétaire totale. Il faut que la masse monétaire totale croisse d'environ 30 milliards de dollars l'année prochaine, si l'on veut éviter une récession. Si la Banque mettait en circulation 15 milliards de dollars, on disposerait de suffisamment de fonds pour faire des contributions significatives à la réduction des déficits du Québec et de l'Ontario, en les finançant, disons, à un intérêt de 1 p. 100 ou au taux voulu.

Il faudrait aussi - il est très important de le souligner - restaurer les réserves requises. Le Canada est l'un des très rares pays du monde à ne plus tenir les banques de conserver en réserve une partie des disponibilités officielles du pays.

.1155

Je me demande combien de personnes dans cette pièce réalisent que les Conservateurs ont insidieusement fait adopter en 1991 une disposition qui permet aux banques de multiplier un dollar de la Banque du Canada 50 fois ou 70 fois, et c'est ce qu'elles font aujourd'hui. Nous avons privatisé notre masse monétaire, ce fut la plus grande erreur, la pire privatisation imaginable.

À l'heure actuelle, des suggestions encore plus néfastes sont dans l'air - que l'on laisse les Américains gérer la Banque du Canada, que l'on devienne le treizième district de la Réserve fédérale. Je ne vous mens pas, Tom D'Aquino, du Conseil canadien des chefs d'entreprises a lancé ce ballon d'essai. Ce serait ridicule, mais il y en a qui en parlent.

Combien de temps nous reste-t-il?

Le président: Vous avez épuisé vos trois minutes.

M. Hotson: Parfait, je vous remercie. J'ai déjà abordé certains des autres points que je voulais soulever, et la taxe sur les transactions financières dont a parlé M. Biddell est décrite dans un mémoire de 65 pages.

Le président: Je vous remercie.

Oui, monsieur Buller.

M. Buller: Je m'excuse, j'ai oublié de mentionner que M. Ray McLeod, de l'Alliance of Seniors, traitera des questions relatives aux pensions. Nous aurions dû nous présenter en équipe. J'ai oublié de vous en informer.

Le président: Je pense donc que nous allons entendre M. McLeod; on donnera également à tous ceux qui se trouvent autour de la table la possibilité de s'exprimer.

Bienvenue, monsieur McLeod, commencez donc.

M. Ray McLeod (avocat-conseil des pensions, Alliance of Seniors to Protect Canada's Social Programs (Association of Jewish Seniors)): Merci. Je vais passer d'un sujet à l'autre. Jim a parlé des pensions. Je vais faire des observations d'ordre général et m'en tenir aux points importants sans entrer dans les détails, car ils ont été très bien couverts.

La majeure partie de la documentation que je vais vous donner sur les pensions, je vous l'ai déjà transmise. Je vous la donne à nouveau dans l'espoir que, cette fois-ci, ces documents seront peut-être lus.

Le président: Monsieur McLeod, j'ai déjà lu tout ce que vous m'avez transmis. Je vous ai rencontré au moins en trois occasions différentes et je suis heureux de vous accueillir une quatrième fois.

M. McLeod: Une des premières choses que je soulignerais, c'est que le Parti libéral devrait avoir une vision du Canada tel qu'il devrait être, de son point de vue, et de ce qu'il devrait devenir. Nous avons reproché aux séparatistes de ne pas avoir su, en 25 ans, définir ce qu'ils voulaient qu'il advienne du Québec. Je pense que nous sommes tout autant à blâmer, nous qui appartenons au reste du Canada, de ne pas avoir exprimé notre vision. Est-ce que nous voulons un pays où, comme cela a été le cas au cours des 50 dernières années, règne l'égalitarisme, ou allons-nous instituer une société où existent différentes classes sociales? Je pense que pour nous, c'est une question d'importance critique. Quel est notre modèle? Est-ce les États-Unis?

Il semble que ce soit dans cette voie que nous poussent les ténors du monde des affaires. À mon avis, il est crucial de dire que ce n'est pas ainsi que nous envisageons les choses. Sur un autre sujet, je mentionnerai, comme d'autres l'ont fait, que notre société n'est pas pauvre, que les programmes sociaux du Canada ne sont pas la cause de notre déficit et de notre dette.

En ce qui a trait au Régime de sécurité de la vieillesse, je tiens à dire mon opposition à la disposition de récupération. Je veux souligner que le gouvernement libéral n'a jamais admis, avant une réunion qui s'est tenue à Ottawa il y a environ deux mois, qu'il n'avait pas élaboré de document d'information sur la sécurité de la vieillesse. Les représentants du gouvernement n'en avaient pas préparé un et n'avaient aucunement l'intention de le faire.

Je sais de source sûre que le gouvernement conservateur a mis en place des dispositions de récupération sans se fonder sur un document d'information. Je pense que je leur en ai transmis un et personne n'a pris la peine d'en discuter.

Le seul Libéral que je connaisse et avec qui j'ai abordé ce sujet est James Brown. Bien entendu, vous le connaissez; il était conseiller fiscal auprès du comité de la politique établi pendant la campagne de Jean Chrétien en 1992-1993. Je lui ai longuement parlé et il était d'accord avec tout ce que je lui ai dit. Quant aux autres, ils ne m'ont jamais dit pourquoi ils n'étaient pas d'accord avec moi.

Le président: Je vous ai indiqué que je souscrivais à la raison que vous avez donnée. Je ne pense pas que cela nous mène nécessairement à la même conclusion, mais cela ne fait rien.

M. McLeod: J'aimerais soulever une autre question. À partir de quel niveau de revenu les personnes âgées sont-elles considérées comme des riches? Chaque fois que l'on parle des dispositions de récupération, on dit toujours que les seules personnes âgées qui sont imposées sont les riches. À l'heure actuelle, le seuil de la richesse est situé à 53 000$.

Tous les députés sont-ils riches? D'après les dernières données de Statistique Canada que j'ai pu voir, celles qui ont été publiées le 17 novembre, le revenu moyen des familles canadiennes était, l'an dernier, de 54 000$. Est-ce que toutes les familles canadiennes sont riches? J'aimerais donc savoir pourquoi, lorsqu'on parle des dispositions de récupération, on dit toujours qu'à partir d'un niveau de revenu de 54 000$, les personnes âgées sont riches?

D'après un article publié le 22 novembre dans le Toronto Star, le Premier ministre aurait dit qu'il n'est pas prêt à démanteler le gouvernement fédéral pour apaiser les séparatistes québécois et les députés du Parti réformiste. Toutefois, permettez-nous de souligner qu'en déléguant des pouvoirs aux provinces, le gouvernement fédéral risque fort de limiter le rôle qu'il joue actuellement, et que cela nous préoccupe.

.1200

Dans le même ordre d'idées, un autre article paru le même jour dans ce journal mentionnait que Roy MacLaren était l'hôte d'une réunion de ministres du Commerce dont l'objet - je résume - était la promotion d'un traité instituant l'Organisation mondiale du commerce, grâce à quoi des entreprises transnationales détiendront un pouvoir sans précédent sur les citoyens du monde entier. À mon avis, cela menace bien plus la souveraineté du Canada que la délégation de pouvoirs et toutes les questions que cela soulève.

J'aimerais dire une chose à propos du Régime de pensions du Canada. On semble oublier qu'il s'agit d'un régime de retraite par répartition. C'est la raison pour laquelle les réserves ne sont pas importantes. Quelqu'un a parlé de ce qui n'était pas financé... Essentiellement, il ne s'agit pas d'un régime de retraite par capitalisation; c'est un régime par répartition.

Pour 1996, le taux a été fixé à 5,6 p. 100, et l'on entend dire que cela va doubler ou même augmenter encore davantage. J'aimerais souligner qu'en ce qui concerne les REÉR, on considère que pour avoir une retraite raisonnable, on devrait investir 18 p. 100 de son revenu. J'ai bien dit 18 p. 100, alors que dans le cas du Régime de pensions du Canada, on parle de 5,6 p. 100, un pourcentage qui pourrait doubler; même si c'est le cas, la moitié de la contribution vient de l'employeur. Pour les employés, il s'agit toujours d'un régime très intéressant, une véritable aubaine pour les gens qui ont de petits revenus.

Le président: Merci, monsieur McLeod.

Monsieur Gerald Vandezande, s'il vous plaît.

M. Gerald Vandezande (directeur, Affaires publiques nationales, Citizens for Public Justice): Merci, monsieur le président.

Je me rends fort bien compte que nous vivons dans une société qui vient de traverser un référendum. Je suis également sensible au fait que nous sommes réunis dans la salle Pearson.M. Pearson et ceux qui, à l'époque, faisaient partie de son cabinet, ont pris des mesures qui se sont révélées fort bénéfiques pour ce pays. De mon point de vue, ce que l'on a cherché à faire dans le Livre rouge c'est prolonger les engagements pris dans le passé par M. Pearson et d'autres, et respecter les mêmes priorités nationales.

Une des choses qui me préoccupe le plus, c'est qu'à moins de modifier les politiques et de les prendre à contre-pied, nous allons assister à la balkanisation du Canada, à la provincialisation des pouvoirs, à la réduction de la responsabilité du gouvernement fédéral à sa plus simple expression et à la désintégration de notre société nationale.

À titre de Comité des finances, dans votre seizième rapport au Parlement, vous avez présenté certaines recommandations d'importance majeure et, à l'époque, nous vous avons félicité et nous avons exprimé notre appui aux membres du cabinet. Au nom de CPJ, nous recommandons fortement que ce comité reprenne certaines de ces recommandations et, encore une fois, prie instamment le cabinet et le Parlement, en général, de tout mettre en oeuvre pour maintenir et consolider les critères établis en vertu de la Loi canadienne sur la santé et ceux qui sont toujours en vigueur en vertu du Régime d'assistance publique du Canada; d'intégrer les critères du RAPC dans les transferts canadiens en matière de santé et de programmes sociaux; et de demander à M. Martin, ainsi qu'àM. Peters et d'autres membres du cabinet, de tenir l'engagement qu'ils ont pris dans la correspondance qu'ils ont échangée avec nous, c'est-à-dire de réserver des fonds adéquats, dans les transferts canadiens en matière de santé et de programmes sociaux, pour que l'on puisse respecter à l'avenir les critères s'appliquant aux services de santé et à l'aide sociale.

Certains ne sont pas d'accord pour qu'il existe des normes à l'échelle nationale. Je suis prêt à les appeler critères intergouvernementaux. Peu importe le nom qu'on leur donne, tout le monde devrait être d'accord dans ce pays, - étant donné les engagements que nous avons pris dans le passé - pour ne pas abandonner les pauvres et pour qu'il y ait un filet de sécurité dont la solidité est telle que personne ne puisse passer à travers ses mailles.

Pour assurer le financement nécessaire - et l'on trouve dans notre mémoire une référence à cela - le gouvernement peut éliminer les dépenses fiscales. Permettez-moi de mentionner rapidement les loteries et les casinos, mais aussi les dépenses fiscales liées aux régimes d'assurance-santé et autres. De notre point de vue, quel qu'il soit, un revenu reste un revenu et devrait être imposé.

Il existe une dépense cachée d'importance dont on parle peu, mais que nous évoquons dans notre mémoire: concrètement, la contribution des grandes entreprises à forte intensité de technologie et de capital n'est pas équitable par rapport au chômage qu'elles génèrent continuellement. Ce sont les entreprises à fort coefficient de main-d'oeuvre qui, en grande partie, doivent assumer le fardeau que représente le financement du chômage au Canada. Ceux qui réduisent continuellement leur main-d'oeuvre en ayant recours à la technologie et qui, pourtant, font d'énormes bénéfices - et les banques sont du nombre - n'apportent pas une contribution proportionnellement équitable.

.1205

Je pense que cela représente une subvention fiscale cachée consentie aux industries à forte intensité de technologie, et que c'est un mode de fonctionnement que l'on devrait examiner et éliminer dans ce pays afin que l'on puisse vraiment trouver l'argent nécessaire pour financer un programme social adéquat. Dans ce contexte, nous estimons que la caisse d'assurance-chômage devrait être hors budget.

Étant donné que j'ai une formation de comptable spécialisé dans l'analyse des coûts, j'estime que les Canadiens ont le droit de savoir à quoi servent leurs impôts. Je pense qu'il faudrait leur dire que la caisse d'assurance-chômage s'autofinance sans problème et produit même un excédent. On devrait également dire aux Canadiens que nous avons un bénéfice d'exploitation, et que le principal problème auquel nous sommes maintenant confrontés est le financement de la dette.

Une des façons dont on peut réduire la dette - et c'est une mesure que j'appuie à 100 p. 100 - et éliminer le déficit est d'avoir le courage de nos convictions et de faire disparaître les lacunes fiscales sur lesquelles vous-même et le ministre des Finances avez attiré notre attention.

Le président: Merci beaucoup.

M. Vandezande: Étant donné les engagements qui ont été pris dans le Livre rouge, c'est le crédit que l'on vous accorde qui est en jeu.

Le président: Monsieur Vandezande, nous comprenons cela. Nous acceptons cette responsabilité. Je ne pense pas que vous trouviez un parti sur deux qui soit disposé à le faire.

Passons maintenant à M. Healy et à M. Kolodziej. M. Kolodziej aura peut-être la bonté de nous expliquer ce qu'est la proposition connue sous le nom de Phoenix Rising; de cette façon, tout le monde sera au courant.

M. Andrew Kolodziej (consultant, The 2% Solution Network Solvency Analysis Corporation): En bref, il s'agit de convertir le total de la dette du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux en capital représentant un certain pourcentage de l'économie canadienne. Il s'agit de lever des fonds correspondant à un pourcentage de 2 à 4 p. 100, tout dépendant du volume de la dette que nous voulons rembourser.

Pour dire les choses simplement, il s'agirait de demander à nos créanciers actuels de convertir les dettes gouvernementales - et d'annuler immédiatement toute obligation concernant le versement d'intérêts sur ces dettes - en instruments participatifs constitués de 30, ou peut-être 35, versements qui seraient effectués à l'avenir et qui correspondraient à un certain pourcentage de l'économie. La totalité des paiements serait arrêtée en fonction du montant de la dette actuelle et équivaudrait à la somme remboursable.

C'est aussi simple que cela.

Le risque assumé par le contribuable vis-à-vis la dette serait transféré aux investisseurs qui tableraient ainsi sur la croissance économique.

Par conséquent, les investisseurs ne feraient de bénéfices que si nous-mêmes nous en faisons. Ce que nous proposons constituerait une contribution à la croissance économique de l'ordre, disons, de 5 à 7 p. 100 par an. Les futurs versements sur la participation au capital des investisseurs représenteraient également pour eux un avantage. Les gains en capital seraient plus importants qu'ils n'étaient censés être au départ. L'économie en bénéficierait. Dans les conditions actuelles, la performance économique accuse un retard d'environ 20 p. 100.

Nous pouvons envisager employer un million à un million et demi de personnes au Canada. Le PIB supplémentaire que cela produirait ferait augmenter les recettes fiscales. Cela permettrait au gouvernement d'honorer ses engagements et, étant donné qu'un plus grand nombre de gens seraient employés, d'élargir l'assiette fiscale et d'envisager réduire les impôts à l'avenir.

Nous prévoyons qu'après deux ans de croissance solide, le gouvernement pourrait éliminer complètement la TPS et ne pas avoir à la remplacer par un autre impôt ni d'ailleurs à l'intégrer à la taxe provinciale, grâce à nous.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Nous allons commencer les questions, s'il vous plaît.

[Traduction]

M. Lee: Nous avions une autre présentation à faire au nom de notre organisme.

Le président: Très bien. C'est votre droit. Est-ce que c'est M. Yee qui va faire cet exposé?

M. Lee: Oui.

M. David Yee (membre de la Metro Toronto Chinese & Southeast Asian Legal Clinic): Nous estimons que les autorités fédérales étant chargées de gouverner le peuple canadien, elles ont la responsabilité d'agir au mieux des intérêts de tous les Canadiens. La réduction du déficit fédéral est dans le meilleur intérêt de tous les Canadiens; il n'y a aucun doute là-dessus. Le meilleur moyen d'atteindre cet objectif est de demander à tous les Canadiens de participer à sa réalisation. Je m'empresse d'ajouter à cela que l'on ne devrait pas imposer des souffrances aux groupes les plus faibles et les plus vulnérables dans la population canadienne pour que soient épargnés ceux qui sont les plus privilégiés.

.1210

Lorsqu'on parle de réduire les prestations d'assurance-chômage, de modifier le Régime d'assistance publique du Canada, de limiter les programmes d'aide sociale et de faire des coupes sombres dans les paiements de transferts destinés à financer les services de santé et les programmes sociaux et éducatifs, il faut voir qui, parmi la population canadienne, va ressentir le plus les effets négatifs de ces changements.

Dans chaque cas, la réponse est la même. Les pauvres, les minorités visibles, les immigrants, les femmes, les autochtones et les handicapés sont ceux qui utilisent le plus ces services. Agir ainsi, ce n'est pas demander à tous les Canadiens de contribuer à trouver une solution au déficit, et cela n'est pas non plus dans le meilleur intérêt de tous les Canadiens. C'est une chose que nous ne devons jamais perdre de vue, particulièrement lorsque, comme aujourd'hui, la situation politique et économique est telle que les gens se sentent libres de trouver des boucs émissaires qu'ils chargent de la responsabilité des difficultés économiques auxquelles sont confrontés tous les Canadiens.

En singularisant certains groupes dans la population canadienne, on laisse entendre que certains Canadiens n'ont pas les mêmes qualités ni les mêmes mérites que les autres, ce qui est dangereux et ce qui viole les dispositions de la Constitution canadienne.

Le gouvernement fédéral doit s'assurer que ce genre de choses ne se produit pas et il a les moyens de le faire. Par ailleurs, en se concentrant sur les insuffisances en matière de perception des recettes fiscales, les allégements fiscaux, les exonérations temporaires d'impôt, l'inefficacité au sein du gouvernement, la fraude fiscale, etc., le gouvernement fédéral peut s'attaquer au problème de la dette par des moyens qui protègent les meilleurs intérêts de tous les Canadiens, pas uniquement de certains d'entre eux.

Pour instaurer un climat propice à l'emploi et à la croissance, le gouvernement fédéral doit prendre en compte les effets à long terme de ses politiques sur l'économie. Par exemple, simplement couper les fonds alloués au programme du RAPC n'a pas forcément d'effets positifs sur la dette nationale et l'économie.

En éliminant le RAPC, le gouvernement fédéral se dégage de toute responsabilité vis-à-vis le maintien de critères nationaux qui ont une importance cruciale si l'on veut préserver le filet de sécurité sociale du Canada. Il s'agit d'un système qui a été établi après des années d'efforts parce que les Canadiens croient qu'ils doivent partager leurs responsabilités vis-à-vis la collectivité.

Si l'on impose les transferts canadiens en matière de santé et de programmes sociaux, tout ce que le Canada représente s'écroulera. C'est pour toutes ces raisons que les Canadiens ont rejeté l'Accord du lac Meech. La population n'a pas confié au gouvernement fédéral la mission de procéder à ces changements de façon détournée. Les valeurs en cause sont reflétées dans la structure établie par le biais de notre Constitution et personne ne devrait avoir le droit d'y toucher.

En faisant des coupures sans discernement, on inflige des souffrances au hasard. Le gouvernement fédéral gérera l'économie comme il se doit lorsqu'il coupera uniquement des programmes qui se sont révélés inefficaces, en se fondant sur des raisons objectives, et lorsqu'il favorisera et appuiera des programmes qui ont, à travers le système, des résultats nets positifs. Merci.

Le président: Merci, monsieur Yee.

[Français]

Monsieur Crête.

M. Crête (Kamouraska - Rivière-du-Loup): M. Vandezande nous a ramenés aux années Pearson. Je dirais que ce sont les années où le gouvernement fédéral a pris le temps d'échanger beaucoup avec les gouvernements provinciaux. Il y avait à cette époque une attitude d'ouverture qui a permis d'implanter des choses comme le Régime des rentes du Québec et la Caisse de dépôt et de placement. Donc, il y avait des gestes de confiance envers les provinces qui ont donné des résultats intéressants. C'est le commentaire que je voulais faire.

Quant à ma question, elle s'adresse à l'intervenant qui voudra bien y répondre. J'aimerais que vous me fassiez une suggestion concernant l'augmentation des revenus ou la diminution des dépenses qui nous permettrait d'atteindre l'objectif, car dans un budget, il n'y a jamais que deux deux solutions: augmenter les revenus ou diminuer les dépenses. Le reste, bien souvent, c'est de la fioriture.

Est-ce que quelqu'un veut relever le défi?

[Traduction]

M. Vandezande: Excusez-moi.

[Français]

Je ne parle pas français.

[Traduction]

En ce qui a trait aux dépenses, je pense qu'il est important de réaliser que le gouvernement se prive de toutes sortes de rentrées qui accroîtraient ses recettes et le rendraient plus apte à faire face aux obligations fédérales, telles que le fonds de pension et autres. Le ministère des Finances,M. Martin et ce comité lui-même ont déclaré officiellement qu'il faut supprimer ces dépenses fiscales et ces subventions qui n'ont pas lieu d'exister. Je pense qu'il est important que ce soit fait.

.1215

Il faut ensuite nous préparer à dire aux Canadiens qu'il est nécessaire d'instaurer une équité fiscale en fonction des revenus. Actuellement, ce n'est pas le cas. Les gens qui ont les plus hauts revenus paient proportionnellement moins d'impôt que ceux dont le revenu est faible. Nous devons nous attaquer au problème et nous préparer à exiger que les Canadiens dont le revenu est élevé contribuent en conséquence, compte tenu de la nécessité d'accroître les rentrées fiscales pour faire face aux engagements et aux obligations nationales.

Étant donné la nouvelle situation dans laquelle nous nous trouvons au Canada, l'engagement du gouvernement fédéral, non seulement à l'égard du Québec, mais également à l'égard des autres provinces, et les conséquences du projet de loi C-76 qui prévoit des consultations sur le type de conditions, critères, normes, etc., sur lesquels il faudrait s'entendre pour mettre en oeuvre les programmes sociaux dans les conditions requises, nous avons besoin de retrouver l'esprit de l'époque Pearson, et de nous montrer plus créatifs pour que les provinces s'entendent sur ce que signifie la citoyenneté canadienne au XXIe siècle.

Nous sommes sur le point de fabriquer des citoyennetés de second et de troisième ordre, et je ne puis imaginer que ce soit ce que souhaitent les Libéraux.

Le président: Monsieur LaMarre, s'il vous plaît.

M. LaMarre: Pour en revenir aux domaines où il semble que l'imposition est inéquitable, on devrait réduire le plafond des cotisations à un REÉR déductibles qui a été fixé à 15 000$. Soyons honnêtes: le Canadien moyen à faible revenu ne peut pas investir 15 000$ par an dans un REÉR et bénéficier d'une exemption fiscale, et c'est pourquoi cela ne profite en vérité qu'aux citoyens les plus aisés du Canada. Je suggère que la limite soit réduite au moins à 10 000$. Cela augmenterait le fardeau fiscal assumé par les membres les plus riches de notre société.

En outre, on devrait examiner nos dépenses militaires. Le Canada est censé être une nation pacifique, tout le monde parle de la paix qui règne chez nous et remarque à quel point nous sommes un peuple pacifique. Nous ne devrions pas consacrer tout cet argent à nos programmes militaires. Nous devrions nous contenter de dépenser que ce qui est suffisant pour maintenir la paix civile dans le pays, contrôler la pêche sur nos côtes et ce genre de choses.

Il y a aussi au Canada de nombreuses bases militaires qui font double emploi, et nous ne devrions pas non plus dépenser d'argent pour acquérir du matériel de haute technologie.

Le président: Je vous remercie, monsieur LaMarre.

[Français]

Merci, monsieur Crête.

[Traduction]

Monsieur Grubel, s'il vous plaît.

M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Je comprends que les témoins ici présents présentent des arguments pour défendre ce dont bénéficient les groupes qu'ils représentent, mais je dois dire que cela me navre de voir que ces spécialistes, des gens qui, présumément, savent de quoi ils parlent au nom de leurs groupes, ne sont même pas au courant de certaines données de base.

J'aimerais qu'il en soit autrement - nous aimerions tous qu'il en soit autrement - mais le Canadien moyen qui travaille dans le secteur manufacturier gagne 30 000$ par an. Écoutez cela, monsieur McLeod. Je parle du Canadien moyen qui élève deux ou trois enfants. Et vous vous plaignez en disant que 50 000$, ce n'est pas un revenu élevé pour une personne à la retraite.

Je voudrais aussi vous rappeler que selon les informations publiées par Statistique Canada - et je suis prêt à les transmettre à quiconque le souhaite et me donne son nom - les particuliers qui gagnent plus de 50 000$ par an font partie des 10 p. 100 de Canadiens dont les revenus sont les plus élevés.

J'aimerais informer M. McLeod et les autres que nous sommes actuellement en train de redistribuer des revenus aux membres de notre génération aux dépens des générations futures, ce qui est criminel. Le coût de la Sécurité de la vieillesse, du RPC et du Régime d'assurance-maladie qui existent actuellement exigera des générations futures, dans tout juste trente ans, c'est-à-dire de nos enfants et de nos petits enfants, qu'ils paient 50 milliards de dollars d'impôt supplémentaire par an. C'est 50 p. 100 de plus que ce que versent actuellement les particuliers en impôt sur le revenu. Par-dessus le marché, nous leur léguons une dette qui s'élève aujourd'hui à 565 milliards de dollars, et qui croît très rapidement, au rythme de 100 millions de dollars par jour.

.1220

Mesdames et messieurs, nous nous montrons très injustes envers les générations futures.

Un dernier mot pour vous expliquer combien cela me navre de constater qu'il y en a qui ne savent pas ce qu'ils recommandent.

On entend parler de réduire les REÉR et autres prétendues échappatoires fiscales au bénéfice des pauvres. On nous dit aussi qu'il faudrait que les impôts soient plus élevés. Par ailleurs, tout le monde reconnaît que l'avenir du Canada dépend de sa capacité à attirer des activités de haute technologie.

Permettez-moi de vous donner une information qu'a rapportée le Financial Post. Les villes de Seattle et de Vancouver ne sont peut-être qu'à trois heures l'une de l'autre, mais elles sont à des années lumières en ce qui concerne la faveur qu'elles accordent aux entreprises de haute technologie. Alors que la ville américaine se glorifie de sa réputation de Silicon Valley du Nord, sa voisine canadienne se débat pour préserver sa masse critique. On peut se demander pourquoi.

Les impôts élevés qui sont prélevés à Vancouver découragent les investissements. Au final, les entreprises et le personnel compétent qui travaillent pour elles ne sont pas intéressés à venir.

Monsieur Vandezande, que diriez-vous aux jeunes de Vancouver qui ne peuvent pas trouver d'emploi parce que nos impôts sont si élevés, que vous recommandez que l'on augmente encore plus l'impôt en supprimant les REÉR et en introduisant d'autres mesures fiscales? Les entreprises ne sont pas intéressées à s'installer là-bas et les jeunes ne peuvent pas trouver d'emploi.

M. Vandezande: Monsieur Grubel, je me ferai un plaisir de vous répondre. Nous n'avons pas parlé d'augmentation générale des impôts. Nous avons simplement demandé que les contribuables canadiens paient selon leur revenu.

M. Grubel: Monsieur Vandezande, je vous demande pardon, mais là est justement la question. Ceux qui travaillent dans la haute technologie...

M. Vandezande: Permettez-moi de terminer, monsieur Grubel.

M. Grubel:...et qui ont des revenus élevés se servent des REÉR pour payer moins d'impôt. C'est ce dont vous vous plaignez.

M. Vandezande: Non, je me plains du fait qu'un cadre supérieur dont le revenu est de 100 000$ et qui obtient une déduction fiscale grâce à une contribution de 13 500$ à un REÉR bénéficie d'un avantage fiscal injuste.

Nous proposons que cela soit plafonné à 7 500$, et que la cotisation à un REÉR soit convertie en crédit d'impôt, de manière à ce que le crédit accordé par le Trésor soit proportionnel au revenu gagné. De cette façon, les personnes qui ont les revenus les plus élevés ne bénéficieront pas d'un avantage inéquitable et celles dont les revenus sont plus bas et qui souhaitent également économiser pour l'avenir seront traitées, du point de vue fiscal, sur le même pied qu'un député et que tout autre particulier dont le revenu est élevé. Nous proposons donc que -

M. Grubel: Monsieur Vandezande, j'avais compris. Nous avons tous entendu ce que vous avez dit. Nous pouvons lire votre documentation.

Je voudrais vous faire remarquer qu'un grand nombre de témoins sont venus nous dire que lorsque l'on rend le système plus équitable en s'y prenant de la façon que vous préconisez, on se heurte à une évidence: c'est dans le pays voisin que déménagent les gens et les entreprises, car les impôts y sont considérablement moins lourds pour tout le monde, mais particulièrement pour les gens dont le revenu est élevé.

Si l'on retient cette possibilité, on s'apercevra que l'on n'attirera pas les entreprises qui donnent du travail à notre population. Je ne connais pas la solution, mais je peux vous dire qu'avec la vôtre, l'avenir est encore plus sombre pour la génération future et les gens qui sont actuellement en chômage.

Le président: Herb, pourriez-vous laisser Brigitte Kitchen répondre?

.1225

Mme Kitchen: Je voudrais attirer votre attention sur une étude réalisée par Ernst & Young où l'on souligne que le droit fiscal n'est pas une considération majeure pour les entreprises qui doivent choisir un endroit où s'implanter. Cette information vient d'une firme très respectable et vous ne saurez, je pense, la contester.

J'aimerais aussi parler de l'endettement que nous allons laisser à nos enfants. Tout le monde autour de cette table a fait remarquer qu'il faut continuer de s'efforcer de réduire le déficit. Nous sommes tous préoccupés par ce qui arrive à nos enfants. Ce qui n'est toutefois pas tolérable, c'est qu'en voulant protéger tous nos enfants, nous privions d'un avenir quelconque 1,5 millions d'enfants canadiens. C'est ce dont nous nous plaignons.

Nous sommes venus pour vous dire qu'il y a d'autres moyens de procéder pour réduire le déficit, et je ne pense pas qu'il soit acceptable de priver les 1,5 millions enfants canadiens de toute perspective d'avenir. Je ne sais pas combien il y a de génies parmi eux, qui serait privé d'éducation, qui ne pourrait contribuer activement au développement de notre société. Je pense que nous avons également une responsabilité à l'égard de ces enfants-là.

Des voix: Bravo!

Le président: Cette question a provoqué de nombreuses réactions. Je vois au moins une soixantaine de mains qui se lèvent autour de la table pour répondre. Par souci d'équité, je vais limiter le débat à une seule autre réponse, si vous n'y voyez pas d'inconvénients, et ensuite, nous poursuivrons nos travaux.

Comme on a parlé de vous derrière votre dos, monsieur McLeod, je vous donne le dernier mot, mais soyez bref. Ensuite, nous passerons à M. Reed.

Chacun d'entre vous aura l'occasion de faire le point une dernière fois, mais il faudra que vous me disiez si vous avez l'intention de le faire à titre individuel ou collectivement, au nom de chaque groupe. Il vous faudra prendre cette décision avant d'intervenir.

Très bien. Monsieur McLeod, vous êtes le dernier.

M. McLeod: Une ou deux questions ont été soulevées à propos des familles qui ont des enfants. Je regrette de n'avoir pu faire que quelques brèves observations quand j'ai pris la parole pour la première fois. Dans mon mémoire, je fais remarquer que les gens qui, au Canada, sont véritablement saignés à blanc par le percepteur sont les familles à faible revenu ou à revenu moyen qui ont des enfants, et le consensus au sein de l'Alliance est qu'il faudrait qu'il y ait bien plus d'allocations. C'était comme ça auparavant. Les choses ont changé en 1983 et l'on devrait, pour le moins, revenir à ce qui existait alors.

La raison pour laquelle j'ai abordé la question du niveau de revenu - monsieur a parlé de 50 000$ - c'est que, tout en reconnaissant qu'une personne qui gagne 50 000$ a beaucoup de chance, je voulais également parler de l'équité en matière de fiscalité. Pour moi la disposition de récupération relative à la Sécurité de la vieillesse se traduit par un taux marginal d'imposition de 8 p. 100 supérieur à celui de quelqu'un d'autre. C'est pourquoi je parle de taux d'imposition équitable.

Oui, je conviens que le taux d'imposition devrait probablement être plus élevé. J'ai une citation ici qui dit que l'impôt est ce que l'on paie pour vivre dans une société civilisée. C'est juste.

Le président: Je vous remercie, monsieur McLeod.

Monsieur Reed.

M. Reed (Halton - Peel): Je vous remercie, monsieur le président.

Pour quelqu'un comme moi qui laisse sa chère épouse s'occuper en grande part des finances domestiques, c'est très impressionnant d'être entouré d'un si grand nombre de spécialistes qui défendent autant de points de vue différents.

Plusieurs choses m'ont surpris au cours de ces audiences, et j'aimerais en clarifier quelques-unes. M. Coles a mentionné que la Chambre de commerce souhaitait, au fond, que l'assurance-chômage redevienne tout simplement une assurance. Je pense que c'est l'expression qu'il a utilisée.

Je me demande si vous avez interrogé vos membres pour savoir quelle pourrait être leur réaction. Certains de vos adhérents doivent utiliser l'assurance-chômage comme supplément de revenu.

M. Coles: C'est exact. La seule initiative que nous ayons prise pour ce qui est des suggestions présentées dans ce mémoire est de les soumettre à notre bureau. Nous n'avons pas eu le temps de faire circuler le mémoire parmi nos adhérents.

M. Reed: Parfait. Afin de ne pas perdre de temps, je vais passer à autre chose.

Monsieur Ranachan, vous avez déclaré que l'on ne pouvait défendre l'idée de se fier au secteur privé pour créer des emplois. Je voudrais simplement vous demander quelle proposition vous pourriez faire pour compléter l'action du secteur privé dans ce domaine.

.1230

M. Ranachan: Dans la ligne de ce qu'ont déclaré plusieurs autres intervenants qui ont parlé de la manière de faire face à la crise financière à laquelle nous sommes confrontés à l'heure actuelle - nous sommes bien confrontés à une crise; une crise financière, une crise politique, et une crise d'identité - il me semble qu'auparavant, lorsque l'on s'est retrouvé dans une telle situation de crise, on a élaboré un plan d'action pour s'en sortir. Il me semble que le gouvernement a joué un rôle pendant la Deuxième guerre mondiale, et qu'il devrait examiner à nouveau ce rôle et s'occuper du chômage.

Je ne préconise pas que l'on fasse abstraction du secteur privé. Je voulais simplement souligner qu'il faudrait qu'il existe un partenariat pour que tout le monde tire dans le même sens... on ne peut pas se fier uniquement au secteur privé pour créer suffisamment d'emplois et nous sortir de ce marasme financier.

M. Reed: Vous vous rendez compte, bien sûr, que nous cherchons à nous attaquer au déficit et à le réduire à zéro, si Dieu le veut, afin de pouvoir commencer à rembourser la dette. Où se trouve l'équilibre, en l'occurrence?

M. Ranachan: Il y a différentes sortes de coupures. On peut faire des coupures intelligentes et des coupures stupides. Je pense qu'il faut véritablement se pencher sur... Effectuer des coupures qui se traduiront par des dépenses supplémentaires, en bout de ligne, à cause de l'accroissement des problèmes de santé mentale, de l'accroissement des incarcérations, de l'accroissement des coûts du système judiciaire, de l'accroissement des coûts de l'éducation corrective - quand on procède à des coupures aveugles, on se retrouve, un peu plus tard, confronté à des problèmes auxquels il faut apporter une solution alors qu'ils ne sont décuplés. Selon moi, nous devons nous demander ce qui constitue un investissement intelligent et ce qui l'est moins.

M. Reed: Je viens d'entendre une observation sur les droits de succession. Actuellement, lorsque quelqu'un décède, l'impôt sur les gains en capital entre en jeu. Je ne souhaite certainement pas que l'on revienne à l'époque où j'ai vu mes voisins perdre leur ferme, ce qui se produisait quand il y avait des droits de succession.

M. Buller: Me permettez-vous de répondre à cela?

Le président: Je vais vous dire ce que je vais faire. Je vais vous donner la possibilité de répondre maintenant comme vous voulez. Vous disposez chacun de 30 secondes lors de ce tour de table. Mais vous devez d'abord me dire si vous répondez à titre individuel ou au nom d'un groupe.

Un témoin: Je représente un groupe, monsieur le président.

Le président: Parfait. Le COMER a dit que quelqu'un prendrait la parole au nom du groupe. Qui souhaite s'exprimer au nom du COMER? Monsieur Biddell.

M. Biddell: Monsieur le président, quelqu'un, là-bas, a soulevé la question: Comment peut-on couper les dépenses de façon judicieuse et régler le problème des déficits? Les seules dépenses que le gouvernement peut couper sans immédiatement mettre des gens à la porte, alors qu'il y a pratiquement pas d'emplois disponibles, sont celles qui sont nécessaires pour assurer le service de la dette du gouvernement. Tous nos gouvernements provinciaux sont aux prises avec le même problème, et ils n'ont aucun moyen de le résoudre. Par conséquent, ils sont forcés de mettre des gens à pied, de les traiter comme des marchandises, afin de régler leur problème de déficit.

La seule façon dont les provinces, toutes autant qu'elles sont, peuvent échapper à cela est de réduire les dépenses énormes que représente le service de leur dette. Le seul gouvernement qui puisse apporter une réponse judicieuse à ce problème - et cela a été fait auparavant, en 1939 - est le gouvernement fédéral. Tous les gouvernements provinciaux, et très bientôt tous les gouvernements municipaux, vont être pris dans un piège dont seul le gouvernement fédéral peut les libérer; et pourtant, le gouvernement fédéral refuse de s'y intéresser.

Le président: Merci, monsieur Biddell.

Monsieur Healy.

M. Healy: J'aimerais, pour ainsi dire, clore mes remarques devant le comité sur une métaphore: imaginez que le Canada se trouve dans un canot de sauvetage. Au fond du bateau, à un bout, se trouve une ancre, énorme et très lourde. Il se trouve que c'est à ce bout-là qu'est placé le gouvernement fédéral. Au fur et à mesure que l'ancre fait s'écarter les planches qui forment le fond du bateau et que l'eau s'infiltre et le fait s'enfoncer de plus en plus, le gouvernement fédéral a de plus en plus tendance à penser: bon sang, il faut que nous nous débarrassions du poids que nous avons à ce bout-ci. Alors, il le pousse vers le bout où sont assis les gouvernements provinciaux, sous la forme de paiements de transfert réduits. Les gouvernements provinciaux n'ont pas le choix: il faut qu'ils poussent le poids encore plus loin, vers les municipalités et, bien entendu, ceux et celles qu'elles desservent, c'est-à-dire les démunis, les pauvres et nos enfants. Naturellement, étant donné qu'ils sont le moins bien armés pour se défendre, c'est sur eux que retombe tout ce poids. Voilà ce qui arrive.

.1235

La question que je pose est la suivante: pourquoi le Canada devrait-il faire naufrage à cause de cette ancre que représente sa dette, alors que nous pouvons tout simplement la jeter par-dessus bord. C'est à cela qu'aboutit toujours la conversion de la dette en capital.

Le président: Merci, monsieur Healy.

Monsieur Kumar, s'il vous plaît.

M. Kumar: Aux fins du compte rendu, je veux simplement lire la requête où nous demandons précisément que l'on révise l'énoncé de politique B-132, en ce qui a trait à l'application de la TPS aux organismes de charité. Nous demandons que cet énoncé de politique soit modifié de façon à ce que tout [Difficulté technique - Éditeur] qui porte actuellement sur le traitement des services à l'exportation du secteur privé et des organismes caritatifs soit traité sur le même pied.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Kumar.

Madame Baker Collins.

Mme Baker Collins: J'ai quelques brèves observations à faire.

Le Canada est une collectivité nationale dont les citoyens partagent la responsabilité de s'assurer que tous ont accès aux ressources nécessaires pour mener une vie responsable. Le gouvernement actuel a démontré sa détermination à réduire un déficit devenu intenable. Il doit maintenant démontrer qu'il est aussi déterminé à s'attaquer à des déficits également intenables sur le plan social et environnemental.

Un des moyens qui lui permettrait d'y parvenir est de réduire les dépenses fiscales liées aux REÉR et d'utiliser ces sommes pour combattre la pauvreté parmi les enfants. De cette façon, toutes les classes de notre société partageraient le fardeau de façon plus équitable.

Merci.

Le président: Merci, madame Baker Collins.

[Français]

Monsieur Norbert Piché, s'il vous plaît.

M. Piché: On a déjà parlé de différentes façons de réduire le déficit. Or, il y a des personnes qui sont moins bien nanties que d'autres. Lorsqu'on s'apprête à faire des coupures, il importe de ne pas perdre de vue cette réalité. Merci.

Le président: Merci, monsieur Piché.

[Traduction]

Monsieur Buller.

M. Buller: Nous estimons que les mémoires déposés aujourd'hui par les groupes à vocation sociale préservent nos programmes sociaux et sont réalisables, et que le gouvernement fédéral a l'obligation d'honorer son engagement à cet égard.

En ce qui a trait à la dette, il est évident qu'aussi longtemps que nous aurons des taux d'intérêt élevés, la dette augmentera. Elle ne diminuera pas. Il faut que le Premier ministre et M. Martin convoquent le Gouverneur de la Banque du Canada et lui ordonnent d'appliquer une politique de taux d'intérêt moins élevés.

Je crois également savoir - je l'ai vu sur la chaîne parlementaire - que votre comité a reçu un mémoire du Conseil canadien des chefs d'entreprise. Je ne sais si c'est vous qui avez demandé aux dirigeants du CCCE comment ses membres entendaient créer des emplois. Le Financial Post a révélé que les entreprises membres du CCCE avaient éliminé 215 000 emplois et, lorsque vous ou un autre député avez demandé au dirigeant du CCCE comment il entendait créer des emplois, il a déclaré: «Par procuration». Telle a été la réponse du monde des affaires.

Le dictionnaire Robert donne une définition de cette expression. «Par procuration» est défini ainsi: «En remettant à un autre le soin d'agir à sa place». Telle est la définition officielle.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Merci, monsieur Buller.

Monsieur LaMarre.

M. LaMarre: En écoutant parler les représentants de ce groupe et du groupe qui l'a précédé, je ne peux m'empêcher de penser à mes propres origines. Mes ancêtres étaient des pionniers de l'Ouest canadien. La plupart des pionniers qui ont bâti ce pays, comme d'ailleurs les immigrants qui sont venus ici et qui leur ont prêté main forte, ont une chose en commun. Ils ont sacrifié ce qu'ils auraient souhaité avoir eux-mêmes pour le bien de leurs enfants et l'avenir de leurs petits-enfants.

Je pense que nous en sommes venus à nous comporter tous comme des drogués. En particulier, au cours des trente dernières années, les gens de ma génération ont dépensé de l'argent qu'ils n'avaient pas, et ils l'ont fait en empruntant sur l'avenir, auprès de leurs enfants et de leurs petits-enfants. Aujourd'hui, nous payons le prix de cette extravagance et nous allons devoir payer d'autant plus si nous ne parvenons pas à contrôler ce déficit.

La meilleure façon de procéder pour créer des emplois est de réduire notre déficit. Le message que l'on donnera ainsi au monde des affaires est que ce pays cherche sérieusement à remettre ses finances en ordre, et les taux d'intérêt baisseront. Et lorsque les taux d'intérêt baisseront, il y aura des emplois, car cela favorisera la reprise dans le bâtiment et parmi les petites entreprises, et ce sont ces secteurs qui généreront des emplois.

Le président: Merci, monsieur LaMarre.

Monsieur Lee.

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M. Lee: Merci. Je serai très bref.

Je tiens à souligner les points qui ont été soulevés auparavant à propos des coupures. Si l'on doit en faire, il va sans dire que nous nous attendons à ce qu'elles soient faites intelligemment. Ce que nous craignons, c'est que, dans le climat politique actuel, le gouvernement soit disposé à déférer à un courant d'opinion mesquin et mal informé qui s'attaque à de nombreux groupes défavorisés de notre société.

Nous ne sommes pas naïfs au point de penser qu'un gouvernement puisse atteindre ses objectifs sans l'appui du public, mais nous sommes convaincus qu'il faut éduquer la population lorsqu'il y a des problèmes à cet égard et savoir que, si nous ne reconnaissons pas à ceux qui sont démunis les mêmes droits qu'à tous les autres membres de notre société, cela aura de sérieuses répercussions. Quelque décision que vous soyez amenés à prendre, gardez à l'esprit votre vision du Canada de l'avenir.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

M. Ranachan.

Mme Kitchen: Non, je représente le Groupe de défense des enfants pauvres, alors queM. Ranachan est ici au nom du Conseil de planification sociale.

Le président: Ah, très bien.

Mme Kitchen: Chaque fois que je vois dans le magazine Forbes la liste des dix hommes les plus riches du monde - ce sont tous des hommes - , je suis stupéfaite de constater qu'un bon nombre de Canadiens réussissent à se faufiler parmi eux. Notre économie arrive au dernier rang de celle du Groupe des 7. Il est évident que quelque chose cloche dans notre régime fiscal.

Cela me rappelle quelque chose. Lorsque j'étais étudiante de doctorat à la London School of Economics, j'ai pris un cours sur la politique fiscale. Mon professeur disait toujours qu'au Canada, notre politique fiscale avait dû être élaborée par des génies en la matière, car même si notre régime semble équitable, il ne l'est pas au fond, étant donné toutes les dépenses fiscales que nous avons.

J'aimerais vous laisser sur la recommandation suivante: lorsque vous prendrez une décision, pensez aux mesures qui ont été prises, par exemple, par certains États américains où l'on a imposé une surtaxe sur les revenus de 250 000$ et plus.

Quant à prélever de l'impôt sur les héritages, la plupart des gens seraient prêts à dire qu'un héritage est un don. Pourquoi cela ne devrait-il pas être imposé?

Pour éviter que les exploitations agricoles familiales soient abandonnées, il pourrait y avoir des exemptions dont bénéficieraient ceux qui continueraient d'exploiter les fermes dont leur famille est propriétaire.

Le président: Merci, madame Kitchen.

Monsieur Ranachan.

M. Ranachan: Il y a deux points que j'aimerais soulever.

Premièrement, je voudrais répondre aux remarques de M. Grubel. Il a parlé des difficultés auxquelles sont confrontées les entreprises de Vancouver, en faisant une comparaison avec la situation aux États-Unis. J'ai ici une copie d'un rapport de KPMG - autant que je sache, ils ne font pas de bénévolat - portant sur le commerce international à Ottawa, où l'on trouve une comparaison des charges d'exploitation au Canada et aux États-Unis. Lorsqu'on lit ce document, on est stupéfait de constater à quel point nous sommes concurrentiels sur ce point, par rapport aux États-Unis, qu'il s'agisse du coût de l'électricité, du transport ou des régimes d'avantages sociaux financés par les employeurs. Il y a une foule de choses qui nous placent en bien meilleure position que les États-Unis. M. Grubel devrait peut-être jeter un coup d'oeil à ce rapport.

Deuxièmement, j'aimerais dire que les membres de ce comité, semble-t-il, mais également les députés au Parlement du Canada, d'ailleurs... La phrase: «Nous sommes condamnés à vivre en des temps critiques» a une grande résonance. Il est clair que vous devez décider qui vous allez écouter.

Si je compulse le sondage effectué par la firme Ekos sur la façon de réinventer le gouvernement, je peux voir, d'un côté, les priorités de l'élite canadienne et, de l'autre, ce que pense ceux que l'on appelle «les autres». Le sondage a été effectué auprès de 800 personnes appartenant à la prétendue élite et de 2 000 citoyens ordinaires. Un abîme sépare les membres de l'élite et les Canadiens moyens, ceux que l'on appelle aussi la population en général, lorsqu'il s'agit de déterminer quelles sont les questions importantes.

J'aimerais en citer quelques-unes en exemple. Quel est le rang accordé par l'élite à la compétitivité? C'est, d'après ses membres, l'objectif que le gouvernement fédéral devrait chercher à atteindre en toute priorité. Au 3e rang de ces objectifs, cette même élite place la réduction au minimum du rôle que joue le gouvernement.

Lorsqu'on demande à la population ce qu'elle pense, sur les 22 valeurs à classer, la compétitivité arrive en 20e place. Quant à la réduction au minimum du rôle du gouvernement, elle est classée en dernier. Il faut, d'une façon ou d'une autre, combler ce fossé.

Malheureusement, pour un grand nombre d'entre nous, les budgets de 1994 et de 1995 deM. Martin reflètent les opinions de David Dodge sur l'avenir de ce pays, et adoptent, en grande part, la perspective de l'élite.

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Je pense que la plupart des gens qui sont ici sont d'accord pour dire qu'il faut repenser la façon dont nous dépensons notre argent, les dépenses gouvernementales, ainsi que nos recettes. Toutefois, à mon avis, il s'agit de repenser et non de réinventer. Lorsqu'on réinvente, on en arrive à une polarisation à la Gingrich qui détruit le tissu social. Il faut repenser et non réinventer. Merci.

Le président: Merci, monsieur Ranachan.

M. Coles: Monsieur le président, au nom de la Chambre de commerce de Mississauga et de nous tous ici, je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de faire cette présentation.

Nous avons entendu bien des gens dont les intérêts sont différents dire que nous avons un problème, non seulement à cause des déficits mais, ce qui est plus important, à cause de la dette qui se chiffrera à 600 milliards de dollars avant que l'on puisse contrôler la situation. Pour assurer le service de cette dette, il faut 55 milliards de dollars par an. Vous avez la tâche peu enviable de vous attaquer à ce problème pour le résoudre, mais nous estimons que cela doit être fait, car c'est un fardeau imposé à notre société.

M. Healy a souligné que nous sommes déjà bien avancés dans le cycle économique et que nous pourrions connaître une sérieuse récession au cours des prochaines années, si bien qu'il est important de reprendre la situation en main avant cela. Nous ne voulons pas nous retrouver dans la même situation que la Nouvelle-Zélande il y a quelques années, et ne pas être les maîtres de notre propre destinée.

L'autre aspect important de la question est que nous, qui sommes dans les affaires, devons être concurrentiels. C'est ce que nous recherchons dans une économie qui est mondiale. Le rapport dont on vient de parler indique que les choses ne vont pas si mal que cela au Canada, mais nous ne voulons pas non plus qu'elles se détériorent. Il faut que nous soyons concurrentiels, afin de pouvoir offrir les emplois dont on a besoin si désespérément, et afin que les gens puissent avoir une profession honorable et vivre dans la dignité.

Le président: Merci, monsieur Coles.

M. Krehm: Monsieur le président, je ne veux pas faire un discours - mais me permettrez-vous de poser une question?

Le président: Nous avons 15 minutes de retard, monsieur Krehm.

M. Krehm: Je ne prendrai pas plus d'une minute.

Pouvons-nous payer la dette lorsque nous lisons à la page 22-7 de L'annuaire du Canada que lorsque le gouvernement fédéral acquiert des bâtiments, des terrains ou de l'équipement, ces dépenses sont imputées à un seul exercice et figurent dans l'état de l'actif et du passif à une valeur nominale de 1$? Si l'on adoptait ces principes comptables qui n'en sont pas dans le secteur privé, à quoi aboutirait-on?

Le président: À la pauvreté.

M. Krehm: La dette me préoccupe, mais c'est la raison pour laquelle nous devrions intégrer la budgétisation des investissements dans la comptabilité fédérale, comme l'avait proposé le vérificateur général du Canada en 1986.

Le président: Merci, monsieur Krehm. C'est un concept intéressant.

M. Krehm: Avez-vous une réponse?

Le président: Oui, je vous en parlerai plus tard. Merci.

Je regrette que nous n'ayons pas plus de temps à vous consacrer. Je sais que cela ne fait pas justice à certains de nos témoins. Je souhaiterais que nous disposions de plus de temps.

Permettez-moi d'essayer de résumer ce que nous avons entendu en une heure et trois quarts de discussion. Vous reconnaissez tous que le déficit et la dette sont des problèmes énormes, mais à partir de là, aucun d'entre vous ne suit la même voie. J'ai été le plus touché par ceux et celles qui, dans ce groupe et dans celui qui l'a précédé, ont parlé de l'importance de ne pas prendre de mesures budgétaires qui toucheront les plus vulnérables ou les plus démunis.

J'espère que cela fait l'unanimité parmi vous. Je n'en suis pas sûr, toutefois, car nous arrivons ensuite à la question de savoir si nous devons augmenter les impôts ou couper les dépenses. Certaines de ces propositions divisent pratiquement les gens en deux camps, sauf que l'on nous a fait deux propositions qui sortent de l'ordinaire.

L'une d'entre elles a été faite par le COMER, selon qui nous pouvons nous débarrasser d'une bonne partie des 40 milliards et plus d'intérêts que nous devons payer chaque année si le gouvernement fédéral fait fonctionner la planche à billets et prête cet argent aux provinces à 0 p. 100 ou à un taux d'intérêt très bas. Si c'est si facile que cela, alors, allons-y.

M. Healy a présenté une idée originale en proposant de convertir la dette fédérale ou encore la dette publique en instruments participatifs, comme le ferait une entreprise privée qui proposerait une participation au capital, cesserait de payer des intérêts, mais partagerait ses bénéfices à venir. C'est une idée nouvelle.

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On a suggéré d'autres augmentations d'impôt dans certains secteurs. On nous a également fait part d'une idée intéressante en nous faisant remarquer que les industries à fort coefficient de main-d'oeuvre sont imposées davantage que celles qui font appel à la haute technologie et bénéficient des amortissements les plus rapides.

Vous nous avez donné de nombreux sujets de réflexion. Vous nous avez rendus plus conscients de la situation difficile dans laquelle se trouvent les plus démunis dans notre société. Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie.

Nous allons lever la séance cinq minutes pour déjeuner.

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Le président: Encore une fois, je vous prie de nous excuser de commencer en retard. Cela ne réduira en rien votre temps de parole.

Cet après-midi, nous recevons Kerry McCuaig, de la Coalition ontarienne pour l'amélioration des services de garde d'enfants; Andrew Musial, de la Zone d'amélioration des affaires de Roncesvalles; Mike Jensen, pour une présentation individuelle; David Kelly, de Senior Link; Lillian Morgenthau, de l'Association canadienne des individus retraités; Mme Channan, de la Metropolitan Toronto Association of Legal Clinics; et Mme Keyi, de la Black Women's Coalition.

Nous sommes impatients d'entendre vos déclarations liminaires et nous vous remercions infiniment d'avoir accepté de nous rencontrer à l'heure du déjeuner.

Qui voudrait commencer? Monsieur Musial, voulez-vous vous lancer le premier?

M. Andrew Musial (vice-président, Zone d'amélioration des affaires de Roncesvalles): Bonjour, messieurs les membres du comité. Je suis accompagné de mon collègue, Jerry Taciuk.

L'organisme que nous représentons est la Zone d'amélioration des affaires de Roncesvalles. La ZAA du village de Roncesvalles est une association d'entreprises qui s'autofinance en vertu des dispositions de la Loi sur les municipalités de l'Ontario. La ville de Toronto perçoit un impôt de toutes les entreprises qui se trouvent dans la ZAA et transfère ensuite les fonds à l'association. La ZAA est tenue de soumettre à la ville de Toronto un budget adopté par son bureau et dûment approuvé par ses membres chaque année - une procédure semblable à celle que doit observer le gouvernement fédéral. Le bureau a l'obligation de gérer ses ressources financières limitées d'une façon prudente et efficace, et de prendre des décisions sur la façon dont les fonds sont dépensés chaque année, y compris pour financer des projets d'immobilisation à long terme.

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En guise d'introduction à ma présentation, j'aimerais vous lire cette citation:

Ces mots peuvent vous avoir choqués, mais ils reflètent exactement l'humeur de la population. Les dernières élections ont démontré que la population veut un gouvernement qui se charge de relancer l'économie, de restreindre les dépenses et d'assurer l'universalité des programmes de santé ainsi que le développement social dans le contexte canadien. Toutes ces questions doivent être réglées d'une façon justifiable, mais cela ne devrait pas entraîner d'énormes déficits. Tel est le message que nous vous transmettons aujourd'hui.

Nous vous remercions d'avoir saisi l'occasion d'écouter les préoccupations exprimées par divers groupes. Avoir la possibilité de comparaître devant un comité des finances découle d'un principe démocratique qui fait la réputation du Canada à travers le monde. Cela assure la paix, l'ordre et le bon gouvernement.

Comme vous le savez, le ratio de la dette gouvernementale totale, c'est-à-dire celle des gouvernements fédéral et provinciaux, a augmenté de façon spectaculaire depuis le début des années soixante-dix. Le coefficient d'endettement a pratiquement augmenté chaque année et, aujourd'hui, il représente 100 p. 100 du PIB. Les taux d'intérêt sont plus élevés que le taux de croissance économique, et le ratio de la dette fédérale sur le PIB est passé d'environ 30 p. 100 à 73 p. 100. Étant donné que les taux d'intérêt sont de 3 à 4 p. 100 plus élevés que le taux de croissance, les recettes doivent désormais excéder les dépenses de programme de 3,5 p. 100 du PIB, c'est-à-dire 30 milliards de dollars. C'est là où se trouve notre déficit.

Il n'y a pas de solution magique pour réduire le déficit et maintenir le niveau des services qui sont actuellement fournis ou financés grâce aux paiements de transfert du gouvernement fédéral. Récemment, le référendum sur la séparation du Québec a freiné encore davantage la relance économique. Les processus fondamentaux qui déterminent notre situation économique sur le plan intérieur et sur le plan mondial doivent être révisés si les Canadiens espèrent conserver leur niveau de vie élevé.

Tout d'abord, il faut trouver les causes fondamentales de la dette et appliquer des remèdes fondamentaux à l'économie. C'est-à-dire que nous devons demander au gouvernement fédéral, aux gouvernements provinciaux et aux gouvernements municipaux de se montrer extrêmement prudents et efficaces.

Les mécanismes budgétaires doivent être repensés de la base. Les contributions des services et ministères aux processus budgétaires ne doivent pas refléter des demandes non fondées afin de maintenir un certain niveau de financement. On doit prendre pour base des budgets réels pour couper les dépenses.

Les services et les ministères ne peuvent plus se permettre de se faire concurrence. Il faut que, concrètement, l'on considère la gestion de l'économie comme un travail d'équipe. Pour suivre l'émergence et le mûrissement de la globalisation de l'économie, cette approche s'est répandue parmi de nombreuses multinationales et a, de fait, été dictée par la croissance économique mondiale et la réussite à ce niveau.

Le président: Excusez-moi, monsieur Musial. Je voulais simplement savoir si vous en aviez encore pour longtemps.

M. Musial: Juste un peu plus longtemps.

Le président: Environ une demi minute?

M. Musial: Oui.

Le président: Très bien, merci beaucoup. Nous essayons de faire en sorte que les déclarations liminaires ne dépassent pas trois minutes. Je vous donnerai beaucoup de temps ensuite.

M. Musial: D'accord.

On doit examiner les dépenses que représente chaque programme fédéral et établir des cibles budgétaires réalistes. On doit analyser la priorité des programmes fédéraux, le caractère nécessaire de ces programmes, le recours au fonds public ou au gouvernement, effectuer des analyses de coût, examiner le niveau de prestation des services, la forme que cela prend et la façon dont on intègre globalement une politique fondamentale.

Je vais sauter certaines parties de ma présentation. Ce qui est important, c'est de trouver un moyen de régler ce conflit entre les provinces, car cela est fondamental pour assurer la relance économique. Les provinces voudraient détenir certains pouvoirs qui sont actuellement entre les mains du gouvernement fédéral. Ce qu'il faut faire, c'est préparer des mesures législatives dans le cadre desquelles sont définies les sphères de compétence, afin de donner aux provinces les pouvoirs nécessaires sans pour autant détruire le pouvoir central du gouvernement fédéral. C'est à cela que servent les lois déclaratrices.

Par exemple, en ce qui concerne l'emploi, le gouvernement fédéral peut déléguer certains de ses pouvoirs, à condition que cela soit dans le cadre d'une loi qui définisse la sphère de compétence des provinces. Le gouvernement fédéral continue également de contrôler ses programmes de façon générale. Ainsi, en utilisant les pouvoirs déclaratoires définis dans la Constitution, nous pouvons répondre aux exigences des provinces et, en même temps, favoriser la croissance économique.

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Merci.

Le président: Si je comprends bien, M. Taciuk vous accompagne?

M. Musial: Oui.

Le président: Très bien, merci beaucoup.

Monsieur Jensen, s'il vous plaît.

M. Mike Jensen (présentation individuelle): Merci, monsieur le président.

Je parle ici en mon nom propre. Je ne suis pas spécialiste de l'économie, mais j'ai fait quelques calculs et quelques analyses simples pour explorer la question du déficit et de la dette et voir ce que cela veut dire.

Nous sommes aujourd'hui dans un grand désarroi face à une dette qui, en 1994, représente 58 p. 100 de notre PIB. Cela nous semble énorme mais, en 1945, notre dette représentait 145 p. 100 du PIB et, tant bien que mal, nous avons survécu. De fait, au cours des dix années suivantes, nous avons fait passer notre dette de 145 p. 100 du PIB à 55 p. 100 du PIB, et nous y sommes arrivés sans nous infliger les mesures pénibles et douloureuses que nous envisageons aujourd'hui.

Depuis 1955, notre dette calculée en fonction du PIB a suivi une courbe descendante avant de remonter à nouveau; elle est tombée à 21 p. 100 en 1977, avant de remonter au niveau de 58 p. 100 où elle se situe aujourd'hui. Pour analyser la question, il faut considérer les conditions économiques, ainsi que les mesures qui ont été prises sur le plan fiscal et sur celui des dépenses au cours de la période allant de 1945 à 1955, afin de voir quelles initiatives nous ont alors permis de redresser la situation, et en quoi nous avons procédé différemment de 1955 à nos jours pour aggraver le problème que posent notre dette et notre déficit.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Jensen.

Madame Keyi, s'il vous plaît.

Mme Vuyiswa Keyi (Black Women's Coalition): Je représente deux organismes: la Black Women's Coalition et Women's Health in Women's Hands.

La Black Women's Coalition rassemble des femmes de race noire en Ontario et dans d'autres provinces. Nous nous intéressons à la santé des femmes noires, à la position qu'elles occupent et aux problèmes auxquels elles sont confrontées, notamment au Canada.

Women's Health in Women's Hands est un centre de soins communautaires financé par le gouvernement provincial par l'entremise de la Direction de la santé communautaire. Ce centre s'occupe de fournir des services aux immigrantes et aux réfugiées, aux femmes âgées, aux adolescentes et aux femmes souffrant d'un handicap.

L'orientation que suit le gouvernement fédéral, par le biais de ses décisions en matière de finance, nous inquiète énormément. Pour nous, la question la plus préoccupante est la tendance du gouvernement fédéral à déléguer ses pouvoirs, car, à notre avis, cela revient également à se débarrasser de la responsabilité de s'assurer que les droits de la personne sont respectés dans les diverses provinces.

Nous constatons que le gouvernement fédéral réduit de plus en plus le financement accordé aux provinces pour les services de santé et les services sociaux. Cela aboutit à ce que les gouvernements provinciaux coupent à leur tour délibérément l'aide qu'ils accordent aux pauvres et, dans ce contexte, les cas de violation des droits de la personne se multiplient forcément.

La pauvreté est une violation des droits de la personne. Lorsqu'un gouvernement prend des mesures qui aboutissent à faire croître le nombre des pauvres et des sans-abri, c'est aussi une violation des droits de la personne. Le Canada est reconnu à l'échelle internationale comme un pays où l'on respecte tous les droits universels de la personne et où l'on a pris des mesures très fermes pour assurer que ces droits ne sont pas violés.

Nous nous préoccupons en particulier de la santé des femmes dans ce pays. Nous nous inquiétons du fait que le gouvernement canadien ait accepté de prendre des initiatives pour mesurer la valeur du travail non rémunéré des femmes et la contribution que cela représente à l'économie, alors que les travaux dans lesquels il s'est engagé ne permettent guère d'envisager lancer une évaluation destinée à mesurer la contribution du travail des femmes à l'économie de ce pays.

Nous nous inquiétons des retombées des TCSPS et des répercussions que cela pourra avoir sur la prestation de services au public dans les diverses provinces. Nous nous préoccupons également des effets des dispositions législatives sur l'assurance-chômage prises par le ministre Axworthy qui, finalement, ont obligé les gens à continuer de travailler même si leurs conditions de travail représentaient une violation de leurs droits, car ils avaient peur de perdre leurs prestations d'assurance-chômage en décidant de quitter des emplois où les conditions de travail mettaient leur santé en danger.

Le genre de questions auxquelles on nous a demandé de répondre nous inquiète également, puisque le problème est envisagé dans le contexte de la réduction du déficit, de mesures budgétaires destinées à favoriser l'emploi et la croissance et aussi des priorités que devrait se fixer le gouvernement fédéral.

Ce qui nous préoccupe au plus haut point c'est qu'à la troisième question, on nous demande dans quel secteur on devrait effectuer d'autres coupures alors que nous partons du principe que l'on ne devrait même pas faire les compressions qui touchent actuellement le secteur des services de santé et des programmes sociaux. Les coupures que le gouvernement fédéral devrait envisager devraient plus particulièrement viser le désarmement, et ce sont les budgets de la défense que l'on devrait réduire, tout comme l'aide accordée aux riches et aux entreprises par le biais d'exonérations d'impôt.

Nous aimerions que le gouvernement fédéral prenne ses responsabilités et diminue les taux d'intérêt, réduise les impôts que doivent payer les pauvres et les classes moyennes, oblige les entreprises et les riches à payer leur part d'impôt, fasse en sorte que le Canada ne soit plus à la merci de banques étrangères, soutienne les services de santé et les programmes sociaux et assure le respect des droits de la personne.

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Au cours des dernières années... À l'heure actuelle, 4,8 millions de gens vivent dans la pauvreté au Canada et parmi eux, 23 p. 100 sont des enfants. Chaque année, plus de 3 millions de gens doivent avoir recours à l'aide sociale pour ne pas se retrouver dans le dénuement et pratiquement 40 p. 100 d'entre eux sont des enfants. Soixante pour cent des chefs de famille monoparentale sont des femmes qui vivent dans la pauvreté et 55 p. 100 des femmes âgées qui vivent seules sont pauvres. Ces données démontrent à quel point la situation est grave, non seulement en elle-même, mais parce qu'elle reflète la réalité de la vie des gens, et ce sont des chiffres dont il faut tenir compte.

Ce qui nous inquiète au plus haut point c'est que le Canada se donne une certaine image sur la scène internationale, alors que ce qui se passe ici est contraire à la position que le Canada a adoptée en prétendant que tout le monde peut assurer sa subsistance et avoir accès à un régime universel de soins de santé. À cause des TCSPS, le gouvernement fédéral aura beaucoup de difficultés à obtenir des diverses provinces qu'elles s'engagent à ne pas réduire et à ne pas couper les services de santé et l'aide qu'elles accordent à la population.

Je vais m'arrêter là pour l'instant.

Mme Suchetna Channan (UI Inter-Clinic Working Group for Metro Toronto, Metropolitan Toronto Association of Legal Clinics): Monsieur le président, messieurs les membres du comité, je représente ici la Metropolitan Toronto Association of Legal Clinics, et plus précisément, le groupe de travail sur l'assurance-chômage au sein du groupe plus large des cliniques d'aide juridique.

Brièvement, les cliniques d'aide juridique ont pour mandat de s'occuper des droits des pauvres. Or l'assurance-chômage représente une part importante de ce mandat. Je suis ici pour aborder les deux dernières questions que l'on nous a demandé d'étudier. Nous avons un certain nombre de recommandations positives à faire, de même que des suggestions sur les idées que nous ne pouvons pas appuyer car nous les trouvons contre-productives.

En ce qui concerne la formation et les emplois, nous estimons que l'assurance-chômage doit encourager les prestataires à se recycler lorsqu'il n'existe pas d'emploi qui leur convienne. Elle doit viser ceux qui sont désavantagés sur le marché de l'emploi en raison de leur âge ou de leur manque de compétences de base. Il doit y avoir des programmes pour sensibiliser les employeurs et d'autres aux capacités des travailleurs âgés et d'autres catégories de travailleurs qui font l'objet de discrimination. D'autre part, le gouvernement doit s'engager à faire en sorte que les employeurs qui exercent une discrimination à l'égard des catégories de travailleurs qui ont les compétences et les aptitudes nécessaires soient pénalisés.

Nous devons pouvoir identifier les besoins et les ressources. Des fonds doivent être consacrés au développement de compétences et à la formation des conseillers qui s'acquitteront de cette tâche. La difficulté que cela représente ne devrait pas nous pousser à abandonner cette responsabilité au secteur privé. Les deux secteurs doivent travailler ensemble.

Finalement, pour ce qui est de la formation et des emplois, nous croyons que les programmes de formation ne doivent pas être financés par la caisse d'assurance-chômage. Il faut trouver d'autres moyens de financement pour les programmes de formation et d'éducation.

Nous appuyons l'idée de créer un fonds spécial d'investissement dans le marché du travail. Une des propositions que le ministre des Ressources humaines, Lloyd Axworthy, fera peut-être mercredi porte sur le fonds d'investissement dans les ressources humaines qui réinvestira 800 millions de dollars d'économies dans des programmes d'emploi, notamment une subvention salariale pour encourager les prestataires d'assurance-chômage à occuper des emplois peu rémunérateurs. Nous sommes en faveur de ce fonds d'investissement dans les ressources humaines, mais là encore, cela ne doit pas être financé par les cotisations de l'assurance-chômage.

En ce qui concerne le financement de l'assurance-chômage, il faudrait permettre à la caisse d'accumuler un excédent dans les périodes de plein emploi. Aujourd'hui, un certain nombre de gens ont parlé de la question de l'excédent et ont déclaré - ce que nous appuyons - que l'on doit continuer d'accumuler un excédent pendant les périodes de plein emploi. Nous devrions hausser le plafond des cotisations, pour que notre régime d'assurance-chômage corresponde à celui d'autres pays industrialisés. Parallèlement, nous devrions bloquer le taux des cotisations, ce qui permettrait d'avoir un apport net de revenu. Nous devrions avoir une forme de fixation de taux particuliers de cotisations, comme ce que prévoit le régime de rémunération des travailleurs en Ontario. Enfin, le gouvernement devrait imposer une taxe aux employeurs sur les heures supplémentaires payées aux employés dont la rémunération dépasse déjà le plafond salarial maximum établi pour calculer les cotisations d'assurance-chômage.

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En ce qui concerne les conditions de travail - il ne me reste plus que deux points à aborder brièvement - l'assurance-chômage ne doit ni décourager le partage de l'emploi, ni l'encourager.

Pour ce qui est des prestations, nous devrions établir des périodes flexibles d'admissibilité, plus longues en temps de récession, plutôt que de réduire encore la période de prestation.

Nous appuyons la rectification des disparités régionales par le biais du régime d'assurance-chômage. Là encore, je crois comprendre que le ministre Axworthy proposera quelque chose qui pourrait être favorable au Québec, au nord de l'Ontario et au Canada atlantique, en raison du nombre élevé d'emplois à court terme dans ces régions.

L'effet dissuasif d'une disqualification totale sur les prestataires ne compense pas les possibilités d'abus de la part de l'employeur. C'est pourquoi cette pénalité doit être éliminée.

J'aimerais conclure en parlant des suggestions auxquelles nous sommes opposés. Nous n'appuyons pas la notion d'une période de référence plus longue. Nous n'appuyons pas les suppléments de revenus limités dans le temps, car cela contribue au chômage à long terme et au récidivisme - cela ne résout pas le problème. Une des principales propositions que Lloyd Axworthy présentera mercredi aura pour effet de faire perdre des prestations à ceux qui ont recours de façon répétée à l'assurance-chômage. Nous nous opposons fortement à cette suggestion.

Les subventions offertes aux employeurs pour former les travailleurs nuisent à la création d'emplois valables. En ce qui concerne les prestations spéciales, nous n'appuyons pas l'idée d'intégrer dans un régime distinct, par exemple, les prestations de maladie, de maternité et d'adoption. Nous ne souhaitons pas non plus que l'on tienne compte du revenu familial ni que l'on établisse des critères de revenu au moment de verser des prestations d'assurance-chômage. À notre avis, cela aura un effet négatif sur l'indépendance financière des femmes.

Nous nous opposons à la création d'un système à deux vitesses. Ce système pénalise les personnes qui deviennent prestataires de l'assurance-chômage alors qu'elles n'y sont pour rien. Nous n'avons aucune preuve qu'il y a un lien entre le récidivisme et la générosité de l'assurance-chômage.

Le président: Merci, madame Channan.

M. David Kelly (Politique et planification, Senior Link): J'aimerais remercier le comité de m'entendre aujourd'hui et je tiens à m'excuser de ne pas avoir de notes. Malheureusement, nous n'avons pas eu suffisamment de temps pour vous les faire parvenir. Nous vous les enverrons plus tard.

Senior Link dessert environ 1 800 personnes dans l'Est de Toronto. La plupart sont des personnes âgées, fragiles et vulnérables qui doivent rester à la maison. Environ 85 p. 100 d'entre elles n'ont pas de famille dans la région métropolitaine de Toronto qui puisse les aider. Nous voyons les effets directs que notre crise économique a sur elles. On m'appelle tous les jours au téléphone: des femmes de 80 ans qui doivent attendre pour voir un spécialiste dans le cadre de notre régime de soins de santé; des gens qui ont désespérément besoin qu'on leur livre de la nourriture car leur pension ne leur permet pas d'aller jusqu'à la fin du mois - à cause du coût de leur loyer et pour bien d'autres raisons encore. Je vois tous les jours des personnes de 55 ans qui ont perdu leur emploi et qui n'ont guère de perspectives d'en trouver un autre, mais qui pourtant, n'auront pas accès à leur fonds de pension pendant encore au moins 10 ans.

Nous voyons les effets de la réduction du déficit tous les jours. Cela touche l'homme de la rue et les personnes les plus vulnérables de notre société, celles que nous essayons tous de protéger.

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Je ne suis pas ici pour prendre position sur la réduction du déficit. Je veux simplement que vous sachiez que cela a un impact considérable et que cela va s'aggraver à mesure que tous les paliers de gouvernement seront touchés.

J'aimerais également parler de la notion de responsabilité. Vous avez souvent entendu dire que ce n'est pas au gouvernement d'assurer ces services et que c'est à chacun de se prendre en charge. En ce qui concerne les enfants, les personnes âgées et de nombreux autres groupes de notre société, nous sommes tous responsables. Cela comprend nos gouvernements, nos entreprises et nos sociétés. Nous avons tous la responsabilité de collaborer avec ces personnes-là. Je pense que la meilleure façon dont un gouvernement peut s'acquitter de cette tâche est de s'intéresser aux communautés où se trouvent ces personnes. Je veux dire par là qu'il faut dépenser l'argent dont on dispose intelligemment et l'investir au niveau local.

Nous avons évidemment quelques idées sur la planification des pensions. J'aimerais vous remercier pour certains autres programmes que le gouvernement fédéral a administrés dans le passé et qui sont, je crois, très importants, comme le Programme d'aide à l'autonomie des aînés et Nouveaux Horizons. Ces programmes ont des effets très importants sur les communautés locales. Voilà certaines façons de tirer de multiples avantages d'une aide directe à un coût minime qui contribue pourtant à la santé des gens et les encourage à utiliser d'autres services. Nous y reviendrons plus tard.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Kelly.

Madame Rothman, je ne vous ai pas présentée.

Mme Minna (Beaches - Woodbine): Je voudrais dire que Senior Link est une organisation bénévole extraordinaire qui fait un travail fantastique auprès des personnes âgées.

Le président: Cela n'a rien à voir avec la qualité de la représentation dont elle bénéficie à Ottawa, j'en suis sûr.

Madame Rothman.

Mme Laurel Rothman (présidente, Coalition ontarienne pour l'amélioration des services de garde d'enfants): Je remplace Kerry McCuaig qui devait représenter la Coalition.

Le président: Vous faites partie de la Coalition ontarienne pour l'amélioration des services de garde d'enfants.

Mme Rothman: C'est seulement il y a quelques minutes que j'ai pu prendre connaissance des questions.

Le président: Ne vous inquiétez pas des questions. Nous sommes ici pour connaître vos préoccupations.

Mme Rothman: Nous avons une approche novatrice en ce qui concerne les mesures budgétaires qui créeront un climat propice à l'emploi et à la croissance et je dirais même, au bien-être. Au nom de la Coalition et de l'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance, je suis en réalité ici pour présenter un défi au gouvernement du Canada.

Je dois dire que, en plus d'être une vaste association ontarienne assurant la défense des parents, des programmes de garde à l'enfance, des groupes de femmes, des syndicats, des groupes religieux et des citoyens intéressés, nous administrons environ 500 programmes dans toute la province et offrons un réseau de services bien précis.

Je suis ici pour lancer un défi, qui est tout à fait dans l'intérêt national, et annoncer un programme national de garde à l'enfance renfermant des principes et des critères pour orienter les dépenses publiques vers des services de garde de grande qualité, ainsi qu'un plan d'action qui servira à mettre en oeuvre ce programme progressivement à court, à moyen et à long terme.

Il serait tout à fait approprié de réaliser ce plan d'ici mars prochain puisque ce sera le dixième anniversaire de la publication du rapport du Groupe d'étude sur la garde des enfants, connu sous le nom de Groupe d'étude Katie Cooke. Combien d'entre vous étaient députés en 1986?

Le président: Mes concitoyens n'avaient pas jugé bon de m'élire pendant cette période.

Mme Rothman: Je savais qu'il y avait eu un hiatus.

Le président: Dans leur grande sagesse.

Mme Rothman: Vous vous rappellerez sans doute qu'il s'agissait d'un groupe d'étude établi par le gouvernement Trudeau qui a rendu compte plus tard au gouvernement Mulroney. Le rapport prévoyait:

À cette époque, nous avons dit que c'était la grande question des années quatre-vingt et que nous faisions face à une crise. Le rapport demandait que le fédéral intervienne et joue un rôle de chef de file.

Au cours de la dernière décennie, les progrès en matière de garde d'enfants ont été pour le moins limités. On dessert environ le même nombre d'enfants, alors que la participation des femmes à la population active a considérablement augmenté. Environ 68 p. 100 des femmes ayant des enfants de moins de trois ans font partie de la population active, et le nombre des enfants vivant dans la pauvreté a augmenté d'environ 34 p. 100. Je sais que vous avez déjà beaucoup entendu parler de cela.

Les effets des transferts canadiens en matière de santé et de programmes sociaux, qui ne s'accompagnent d'aucune ligne directrice et qui représentent une diminution considérable des paiements de transfert, laisseront peu de place aux services de garde d'enfants. Vous vous rappelez sans doute que vendredi dernier, dans 23 localités ontariennes, des parents et des enfants se sont mobilisés et ont pris un certain nombre d'initiatives. Certaines garderies ont fermé pendant cinq minutes. D'autres ont fermé toute la journée. Certaines personnes sont allées voir leur député provincial et d'autres sont allées voir leur député fédéral, car nous avons tous peur.

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De toute façon, la garde d'enfants n'est pas un programme établi, mais une mosaïque de services. Dans le passé, nous vous avons demandé d'annuler les TCSPS. Nous vous le demandons à nouveau, mais nous vous prions également instamment de regrouper les dépenses actuellement consacrées à la garde d'enfants en vertu du Régime d'assistance publique du Canada, à la déduction de dépenses pour garde d'enfants, aux prestations pour personnes à charge, au programme Bon départ pour les autochtones et les nouvelles sommes que, d'après le Livre rouge, vous avez réservées à la création d'un fonds particulier pour la garde d'enfants reposant sur des principes permettant d'assurer la prestation de services de grande qualité tout en reconnaissant les compétences des provinces, des territoires et des premières nations.

Un programme complet de garde d'enfants permettrait de réaliser un certain nombre de choses. Cela aiderait le Canada à respecter des conventions et des accords internationaux comme le Plan d'action de Beijing; les Stratégies prospectives d'action de Nairobi, adoptées en 1985; la convention de 1982 à laquelle vous avez fait allusion, je crois, qui vise l'élimination de toute discrimination à l'égard des femmes et qui est inscrite dans le droit international; et bien entendu, la Convention relative aux droits de l'enfant.

J'ai eu l'occasion de rencontrer, vendredi dernier, une responsable des Nations unies qui assistait à des audiences. Elle m'a dit que d'après ce qu'elle avait entendu dire du Canada, nous ressemblons à un pays en développement subissant les effets pervers des politiques d'adaptation.

De toute façon, nous rejoindrions les pays de l'Europe de l'Ouest, non seulement ceux du Nord mais l'Italie, la Grèce, l'Espagne, la France, l'Allemagne, ainsi que le Danemark, la Suède et la Finlande qui se sont dotés de services universels, accessibles, offerts toute la journée et financés par les fonds publics où l'on accueille de très jeunes enfants. Il s'agit là de services qui soutiennent l'économie.

Je pense que c'est un domaine dans lequel vous pouvez un rôle de chef de file. Nous en reparlerons plus tard.

Le président: Merci, madame Rothman.

Madame Morgenthau.

Mme Lillian Morgenthau (présidente, Association canadienne des personnes retraitées): Merci beaucoup d'avoir permis à notre association de venir témoigner. Avant de commencer mon exposé, j'aimerais vous remercier d'avoir présenté les personnes qui forment la table ronde. Mais mes adhérents aimeraient beaucoup savoir qui siège à votre bout de table. Pourriez-vous faire les présentations?

Le président: Je peux vous assurer que ce sont des gens peu recommandables.

Mme Morgenthau: J'aimerais vraiment savoir à qui je m'adresse.

Le président: Vous vous adressez à un député du Parti réformiste, un autre du Bloc québécois et à sept Libéraux.

Mme Morgenthau: Leurs noms?

Le président: M. Walker, M. St. Denis, M. Shepherd, M. Discepola, M. Rubel, M. Brien,M. Crête, qui va bientôt arriver, et M. Peterson.

Mme Morgenthau: Merci.

J'aimerais également ajouter que notre association représente plus de 225 000 membres. Il s'agit d'une association nationale qui ne reçoit absolument aucun fonds du gouvernement. Nous avons un journal qui rejoint plus de 500 000 Canadiens et qui s'adresse à toutes les personnes de plus de 50 ans.

Nous n'avons pas été invités à venir ici. Nous n'étions pas du tout au courant.

Le président: La seule personne à cette table à laquelle cela s'applique est Jesse Flis.

Des voix: Oh, oh!

Mme Morgenthau: Eh bien, Jesse, je tiens à vous dire que je suis bien fâchée de ne pas avoir entendu parler plus tôt de ce comité. J'aurais certainement pris des dispositions. C'est seulement ce matin et en bousculant un peu notre personnel que nous avons réussi à préparer un document qui est loin d'être suffisant.

Le président: Ne vous inquiétez pas de votre présentation écrite. Nous savons qui vous êtes.

Mme Morgenthau: Vraiment?

Le président: Mais oui. Bien sûr que nous connaissons votre association. Nous souhaitons simplement que vous nous présentiez votre mémoire et que vous nous fassiez part de vos principales préoccupations au sujet du prochain budget.

Mme Morgenthau: Bon. Nous considérons que le fait de s'en prendre aux revenus et aux biens des personnes âgées est une tentative machiavélique, car il s'agit bien de diviser pour régner lorsqu'on dresse une génération contre l'autre. Cela pousse les jeunes à ne s'intéresser qu'au coût des prestations versées aux personnes âgées sans tenir compte de ce qu'ils ont eux-mêmes reçu dans le passé ou recevront à l'avenir sur le plan de l'éducation, des soins de santé, des pensions, etc.

Une fois encore, les personnes âgées continuent de payer des impôts sur le revenu, des impôts fonciers, la TPS et toutes sortes d'autres impôts. Autrement dit, lorsque nous étions jeunes, nos besoins étaient satisfaits par d'autres, ceux qui sont précisément devenus vieux maintenant. Tout comme les besoins des jeunes, ceux des personnes âgées doivent faire l'objet d'une attention particulière.

Les mesures qui visent les revenus des personnes âgées et de ceux qui planifient leur retraite s'appuient sur un point de vue erroné: les personnes âgées, en tant que groupe social, sont riches et n'apportent pratiquement rien à la société par rapport à ce que leur donne le gouvernement.

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D'autre part, le coût des programmes sociaux destinés aux personnes âgées est souvent exagéré et l'on en sous-estime la nécessité. Lorsque nous parlons aux Canadiens de 65 ans et plus, nous parlons à des gens qui ont connu la grande dépression des années trente, et plusieurs autres récession depuis, de même que la Deuxième guerre mondiale. Ils ont économisé prudemment, dans la mesure du possible, souvent en se privant, afin de s'assurer une vieillesse décente sans être une charge pour la société.

La plupart des personnes âgées ont des revenus fixes qu'elles n'ont guère la possibilité d'augmenter. En tant que pays, nous sommes fiers que la longévité de notre population augmente. Les Canadiens vivent plus longtemps.

Le revers de la médaille est que même leurs économies risquent de ne pas être suffisantes pour assurer jusqu'au bout leur subsistance. Savez-vous que presque 100 000 Nord-Américains ont entre 90 et 100 ans. Et nous vivons de plus en plus vieux.

Les personnes qui ont actuellement plus de 65 ans ont fait de leur mieux pour assurer leurs vieux jours. Bon nombre d'entre elles n'ont pas eu la possibilité d'investir dans des REÉR pendant leurs années productives. Ceux qui planifient actuellement leur retraite ont peut-être eu cette possibilité. Mais dans les deux cas, ces initiatives s'appuyaient sur des programmes universels que les gouvernements qualifiaient de sacrés.

Notre association est membre d'une coalition de personnes âgées pour l'équité sociale représentant plus de 500 000 personnes. Le document élaboré par la coalition, intitulé Seniors' Incomes: Myth and Reality est sorti le 1er décembre 1994. Il montrait qu'au cours des dix dernières années, les gouvernements ont réduit les exonérations fiscales, les allocations ainsi que les crédits au titre de la sécurité de la vieillesse dont bénéficient les personnes âgées.

Le ministre des Finances a apparemment dit que chaque fois qu'une personne âgée perd un dollar, elle n'a pas la possibilité de le remplacer. Nous estimons que depuis dix ans, la structure de la sécurité du revenu des personnes âgées a été démantelée - lentement mais sûrement.

Le président: C'est exact.

Pourriez-vous résumer très rapidement, car j'aimerais que nous passions aux commentaires. Nous aurons le temps de revenir là-dessus, madame Morgenthau.

Mme Morgenthau: Il me reste une page et demi.

Le président: Si je comprends bien, vous ne voulez pas de nouvelles réductions du revenu des personnes âgées.

Mme Morgenthau: En effet, nous ne voulons pas de nouvelles réductions du revenu des personnes âgées. Nous ne voulons pas, non plus, du revenu familial.

Le président: Compris.

Mme Morgenthau: Nous savons parfaitement qu'il existe un déficit, mais nous estimons que nous avons fait notre part, et nous aimerions que l'on trouve un autre moyen d'innover.

Le président: Merci beaucoup, madame Morgenthau.

Monsieur Leigh-Bell, s'il vous plaît.

M. Peter Leigh-Bell (Peter Leigh-Bell and Associates): Merci, monsieur le président. Je ne représente aucun groupe d'intérêt; je suis analyste. Vous vous rappelez peut-être de ma présentation de l'an dernier. Malheureusement, aujourd'hui, je n'ai eu que deux heures de préavis, c'est la raison pour laquelle je n'ai pas de document écrit.

Ce que j'ai présenté au comité l'an dernier a été confirmé par le vérificateur général en personne et par le comité d'experts-comptables de l'Institut canadien des comptables agréés.

Tout d'abord, j'aimerais vous féliciter de votre indulgence et de votre patience dans la mesure où vous n'insistez pas pour que les gens qui viennent faire une présentation répondent aux trois questions qui ont été posées à d'autres. Je dirais que le mandat de ce comité est d'aider le ministre des Finances à accomplir une tâche extrêmement difficile. Cette année, tout comme l'an dernier, je tiens à répondre précisément aux trois questions qui ont été posées.

On demande premièrement quelle doit être la cible en matière de réduction du déficit et comment nous devons nous y prendre pour l'atteindre. Avec tout le respect que je vous dois, je dirais qu'il s'agit là d'une conclusion. Avant de pouvoir répondre à la question, il faut s'interroger sur ce que nous faisons.

L'an dernier, ma présentation portait essentiellement sur le fait que les méthodes comptables adoptées par le gouvernement ne sont pas adéquates pour donner, non seulement au ministre des Finances, mais aux ministres responsables des divers ministères l'information dont ils ont besoin pour prendre des décisions. J'irais encore plus loin et je dirais que s'il en était autrement, bon nombre des présentations que j'ai entendues aujourd'hui et l'an dernier n'auraient pas été faites, car l'information aurait été facilement accessible au public.

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L'objet de cette réunion est d'aborder les problèmes du déficit et de la dette. La première chose qui me vient à l'esprit est que, avec tout le respect que je dois à toutes les personnes présentes, premièrement, très peu de gens peuvent faire la différence et établir le lien entre les deux choses et lier cela à leur présentation. Dans une grande mesure, les exposés qui ont été faits ici n'ont rien à voir avec la résolution de ce problème particulier.

Pas plus tard qu'hier, lors d'un débat au réseau anglais de la SRC, une personnalité très connue - je ne me rappelle plus de son nom - ne savait tout simplement pas faire la différence entre le déficit et la dette. Très peu de gens comprennent que le déficit aboutit à une dette de plus en plus lourde.

J'ai donc l'impression que personne ne devrait demander au comité de faire assumer le fardeau de l'impôt à quelqu'un d'autre. Nous devrions plutôt examiner les moyens précis qui nous permettront de réduire le déficit.

Le président: Pourrais-je vous demander de conclure rapidement, s'il vous plaît, monsieur Leigh-Bell?

M. Leigh-Bell: Oui.

Il y a, évidemment, en premier lieu, la comptabilité. Tout au long de son rapport, le vérificateur général -

Le président: Où voulez-vous en venir?

M. Leigh-Bell: Je veux dire que le vérificateur général, comme je l'ai dit l'an dernier et comme chaque vérificateur général l'a dit dans le passé, affirme que nous devons comptabiliser l'analyse des résultats. Qu'obtenons-nous pour notre argent? Par exemple, dans le rapport de cette année, on trouve une méthodologie pour l'analyse des transferts interprovinciaux qui n'ont apparemment abouti à aucun emploi permanent. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres.

Lorsque nous parlons de réduire le déficit au détriment des personnes les plus démunies, je propose que nous envisagions d'autres moyens. Prenez, par exemple, la multitude de comités et d'organismes qui existent. L'an dernier, le Globe, je crois, en a dénombré 250. Il y a longtemps que nous n'avons plus besoin de ces organismes, mais ils n'ont pas été supprimés. Or, ils accaparent des sommes considérables.

Si vous me permettez une petite anecdote, au début de la Deuxième guerre mondiale, on a découvert qu'en Grande-Bretagne, on payait encore trois personnes pour tirer sur une sonnette au cas où la flotte de Napoléon approcherait.

Le président: Cela a bien marché, n'est-ce pas?

M. Leigh-Bell: Eh bien, il existe des cas semblables au Canada, et je crois que c'est un des secteurs où nous devrions envisager des réductions.

L'autre problème est celui des fausses hypothèses. Le déficit et la dette sont apparus car nous sommes partis du principe que sa croissance continuerait à un rythme fabuleux. C'était une fausse hypothèse. Nous devrions maintenant présumer qu'il n'y aura pas de croissance.

Le président: Monsieur Leigh-Bell, je dois vous arrêter. Nous y reviendrons et nous vous donnerons le temps de résumer vos autres points. Je vous prie de m'excuser.

M. Leigh-Bell: Non, il n'y a pas de problème.

Le président: Je veux simplement être juste envers les autres participants.

[Français]

Nous allons commencer les questions. Monsieur Brien, s'il vous plaît.

M. Brien (Témiscamingue): Ce que M. Leigh-Bell dit m'intéresse et je voudrais qu'il puisse continuer. Vous dites qu'on fait des prévisions à partir de l'hypothèse qu'il y aura une croissance continue. Donc, je suppose que vous alliez dire qu'il est aussi possible qu'il n'y ait pas de croissance continue. À ce moment-là, de quelle façon devrait-on adapter les choix à faire?

[Traduction]

M. Leigh-Bell: Je dis simplement que nous devrions présumer que la croissance sera minime ou négative. Cela se justifie si l'on pense qu'au rythme où croît la population, nous épuisons rapidement nos ressources dans le monde entier, pas seulement au Canada, mais partout ailleurs.

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Il est évident que la croissance ne peut pas se poursuivre indéfiniment. Nous allons manquer de nourriture et de combustibles. Il serait donc préférable de planifier à partir d'un nivellement de la courbe. Une fois que nous aurons pris cela pour hypothèse, nous nous rendrons compte que nous ne pouvons plus emprunter d'argent en partant du principe que la croissance future permettra de payer les intérêts et de régler la dette, car historiquement, cela n'a pas été le cas. Cela était vrai dans les années d'après-guerre et pendant une certaine période.

Il s'agit d'une théorie qui a coûté la vie à un économiste russe de l'époque de Staline - un certain Kondratev - qui a montré qu'aussi loin qu'on puisse remonter, l'histoire prouve que la croissance a progressé ainsi et qu'elle a été capricieuse en raison de la révolution industrielle. Nous sommes maintenant dans une société noétique et ce fait même signifie qu'il y a une limite à la croissance, en particulier pour ce qui est des emplois non spécialisés.

[Français]

M. Brien: J'aurais une autre question pour Mme Rothman. Vous avez parlé d'un programme de garderies et vous avez même mentionné une date pour son entrée en vigueur. J'aimerais savoir ce que vous attendez d'un programme comme celui-là et de quelle façon le gouvernement devrait le financer.

[Traduction]

Mme Rothman: Je ne suis pas sûre de ce que vous voulez dire par «attendre», mais je pense que ce que nous souhaitons, c'est que l'on s'engage à offrir des services complets dans tous le pays. Il est évident que cela requiert une collaboration plus étroite avec les provinces et les territoires et la reconnaissance des responsabilités et des problèmes de chaque juridiction. Nous voulons, d'un océan à l'autre, un réseau de services auxquels les parents puissent se fier aux diverses étapes de la vie de leurs enfants, qu'il s'agisse de nouveau-nés ou d'enfants qui ont des besoins spéciaux et que les parents soient, ou non, chefs d'une famille monoparentale sur le marché du travail ou en formation.

Un service de garderie de grande qualité a de multiples facettes. C'est une mesure anti-pauvreté. C'est une mesure qui favorise le développement de l'enfant. J'aimerais que vous le considériez comme le premier investissement dans nos ressources humaines. Nous voulons que l'on parle des économies modernes. Nous voulons viser plus loin.

J'aimerais que vous reteniez au moins une idée: investir tôt dans les enfants, c'est investir judicieusement. En fait, l'organisation nationale, l'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance, va entreprendre une étude - une étude économétrique - sur les effets économiques à long terme.

Vous m'avez parlé des coûts. Il est très intéressant de noter - et la plupart des députés ne le savent peut-être pas - que l'ensemble des dépenses consacrées à la garde des enfants est actuellement important, mais pas toujours bien utilisé. Ces dépenses n'encouragent ni la normalisation des services ni leur grande qualité. J'aimerais particulièrement que vous vous penchiez sur les dépenses fédérales les plus importantes consacrées à la garde d'enfants, sans doute, la déduction pour frais de garderie. Il s'agit, en réalité, de recettes auxquelles on renonce. Ce n'est pas réellement une dépense consacrée à un service. C'est une mesure fiscale. Nous demandons depuis longtemps au gouvernement d'examiner soigneusement cette question et de passer à un système qui lui permettra de contribuer à cette dépense et de faire de ce manque à gagner un investissement véritable dans les services de garde d'enfants.

Je crois comprendre que le gouvernement fédéral réexamine actuellement de nombreux programmes. J'aimerais beaucoup que vous étudiiez la question de la déduction fiscale pour garde d'enfants pour voir quels seraient les résultats. Et plus précisément, j'aimerais qu'en plus d'annoncer un vaste cadre structurel et un plan d'action, vous regroupiez dès maintenant les dépenses existantes dans un même fonds pour que nous sachions à quoi elles sont consacrées, pour que nous puissions les contrôler et nous assurer qu'elles sont dépensées sagement.

Le président: Merci, monsieur Brien.

Monsieur Grubel.

M. Grubel: Merci, monsieur le président. J'aimerais répondre à la présentation particulièrement éloquente et claire de Mme Morgenthau sur la position des personnes âgées.

Mme Morgenthau: Et je n'ai même pas fini!

M. Grubel: Il y a deux ou trois semaines, j'ai assisté à une conférence à laquelle participaient un certain nombre d'actuaires dont l'activité consiste à étudier les conséquences des changements de population sur les variables économiques. Ils nous ont dit que la génération qui n'est pas encore née ainsi que les jeunes, qui ne s'expriment pas encore aussi bien que Mme Morgenthau et les personnes qu'elle représente - et quelqu'un devrait parler en leur nom... Votre génération - et je vais en faire partie dans deux ans -

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Mme Morgenthau: [Inaudible-Éditeur] votre demande.

M. Grubel: - aura reçu, pour chaque dollar payé au titre des pensions, 5 ou 6$. Savez-vous ce que vos petits-enfants obtiendront pour chaque dollar payé au titre de leur pension? Ce sera 20c.

Mme Morgenthau: Oh, ça, j'adore.

M. Grubel: D'autre part, nous allons probablement leur laisser plus d'un milliard de dette, soit 40c. pour chaque dollar qu'ils paient en impôts. Ils n'ont pas le choix. Nous avons trop dépensé et ils auront à rembourser la dette que nous avons contractée en dépensant 40c. pour chaque dollar consacré aux impôts.

C'est pourquoi, madame, je me demande si dans votre remarquable présentation dans laquelle vous nous dites de ne pas toucher aux personnes âgées, vous pourriez penser un peu à la prochaine génération qui n'a pas encore de porte-parole. Merci.

Mme Morgenthau: Je dirais pour commencer que nous pensons beaucoup à la prochaine génération, et au fait qu'il s'agit de nos petits-enfants. Étant donné que j'ai moi-même 12 petits-enfants, je peux vous assurer que j'y pense énormément.

Par ailleurs, les pensions promises aux personnes qui ont contribué pendant des années - 40 ans pour être exacte - étaient censées être investies à un taux d'intérêt au moins égal aux obligations d'épargne du Canada. Cet argent a été placé à 3 p. 100, lorsque les taux d'intérêt atteignaient des niveaux records, dans les provinces et d'autres régions; et bien peu a été remboursé. Même si l'on place 2 000$ à la banque à un taux d'intérêt composé, on obtiendra 1 000 000$ en 40 ans. Qu'est-il advenu de l'argent qui a été placé ainsi? Ce n'est pas la faute des personnes âgées si cet argent n'a pas été placé convenablement. C'est la faute du gouvernement qui ne l'a pas investi comme il convenait. Cela s'est fait sur le dos des personnes âgées.

Nous sommes prêts à concéder quelque chose. Il existe une disposition de récupération, qui touche une tranche d'âge maximum parmi les aînés, personne d'autre parmi ceux qui ont ce genre de revenu. Nous avons abandonné au moins cinq choses. Nous ne disons pas que nous n'allons pas vous aider, mais nous pensons que vous devriez vous en prendre à d'autres secteurs d'abord.

Je voulais également dire quelque chose à Mme Rothman, si vous le permettez, au sujet des enfants. Nous ne négligeons pas les enfants. Un certain nombre d'enseignants ont dit que s'il se formait des groupes de six, huit ou dix mères chefs de famille monoparentale et prestataires de l'aide sociale qui s'occuperaient d'un groupe d'enfants et pas seulement du leur, afin de permettre à d'autres mères d'aller travailler, nous pourrions peut-être remédier en partie au problème. C'est une idée qui nous vient des enseignants.

Mme Rothman: Ce ne serait pas des soins de grande qualité. Nous pourrions entamer un vaste débat à ce propos.

Mme Morgenthau: Nous n'allons pas en débattre. C'est simplement une idée.

Mais en ce qui concerne les pensions, les personnes âgées n'ont pas souscrit à d'autres régimes puisque le gouvernement leur a dit de ne pas le faire - qu'il allait se charger de leur pension.

Le président: Merci. Une brève remarque, Herb. Vous avez le dernier mot sur ce sujet.

M. Grubel: Le régime que nous avons actuellement fonctionne sur le principe de la répartition. Certains fonds se sont accumulés parce que nous avons eu une période de mise en route. Actuellement, nous avons, en dépôt dans les provinces, 40 milliards de dollars. Or, le déficit est de 20 milliards par an. Les fonds seront épuisés dans deux ans. C'était un régime par répartition. En dépit de tout ce que vous avez dit... Je ne fais que rendre compte; je n'ai pas de réponses. Je ne suis pas le gouvernement. Le Parti réformiste, s'est engagé à verser les prestations et à maintenir le niveau de vie des personnes à la retraite.

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Mais je tiens simplement à vous avertir que lorsque vous... Il y a des gens qui comprennent les problèmes; dans le groupe dont j'ai parlé, il y avait 10 actuaires. Trois d'entre eux nous ont déclaré que leurs adolescents leur avaient dit que lorsqu'ils contrôleront le gouvernement, puisqu'ils vont voter, ils n'accepteront pas l'obligation que nous leur avons imposée de façon aussi déshonorante. Et vous feriez bien de mettre cela dans votre poche et votre mouchoir par-dessus.

Le président: Merci, Herb.

J'aimerais dire à ceux de nos invités que nous avons fait attendre que nous avons dû faire face à une demande importante et imprévue; c'est la raison pour laquelle nous avons annulé notre déjeuner et avons réuni ce groupe. Nous devrions être prêts à entamer la séance de l'après-midi, non pas à 14 heures mais dans environ 10 minutes, au plus tard. Je vous prie de m'en excuser.

Monsieur Discepola.

M. Discepola (Vaudreuil): J'ai deux questions, dont une s'adresse à M. Kelly. J'aimerais savoir si vous pourriez suggérer au comité quelques critères décisifs que vous jugeriez raisonnables et que nous pourrions appliquer de sorte que, lorsque nous aurons à prendre des décisions, nous puissions tenir compte de certaines des préoccupations que vous avez si éloquemment exprimées sur les effets que cela pourrait avoir sur les plus démunis dans notre société, qu'il s'agisse des femmes ou autres. Avez-vous des recommandations à faire au comité?

M. Kelly: Je ne voudrais pas recommander des paramètres financiers. Premièrement, nous devons faire cesser la guerre entre les générations; je pense que trop souvent, nous sommes aveuglés par certaines questions, par ce que nous voulons protéger ou par les gens que nous essayons d'aider. En réalité, si nous voulons faire face à cette crise du déficit - c'est effectivement une crise - nous devons tous collaborer et en venir à des solutions qui soient bonnes, en particulier pour les plus vulnérables dans notre société, les personnes âgées et les enfants. Je pense que nous devons bien peser toutes ces données.

En tant que société, nous devons, à mon avis, nous demander quelles sont les personnes qui vont avoir besoin de services, cesser de lier la question à l'intervention de différents paliers de gouvernement et commencer à planifier et à regrouper les services, de manière à bien comprendre comment le fait de changer un aspect du régime de soins de santé va toucher l'homme de la rue.

Actuellement, divers paliers du gouvernement jouent avec différents morceaux du filet de protection sociale sans tenir compte des répercussions de ces réductions sur chacun d'entre nous. C'est pourquoi, au lieu de planifier dans notre tour d'ivoire, nous devons véritablement commencer à coordonner les choix que nous aurons définis. Au moment où le gouvernement fédéral examine la Loi canadienne sur la santé et va peut-être la modifier ou la renforcer, nous devons nous demander dans quelle mesure cela va influencer, dans un sens ou dans l'autre, les réductions que le gouvernement de l'Ontario pourrait envisager dans le cadre de sa propre loi sur la santé.

M. Discepola: Permettez-moi de poser des questions plus directes.

Puisque vous avez affaire à des personnes âgées, par exemple, dans votre travail quotidien, vous êtes au coeur du problème. J'aimerais que vous discutiez avec Mme Morgenthau, car je crois que l'une des choses sur laquelle tout le monde s'entend, c'est que nous avons un problème de déficit. Je suis d'accord avec vous, nous ne devrions pas blâmer des générations qui ont joui des meilleurs avantages dans le passé, même si je pense que les personnes âgées ont sans doute eu plus de possibilités. Mes parents en ont certainement eu beaucoup plus que je ne pourrai en offrir à mes enfants.

J'aimerais savoir si, par exemple, de votre point de vue particulier, la mesure de récupération que Mme Morgenthau considère si draconienne... qu'il y a-t-il de si magique à atteindre l'âge de 65 ans et à obtenir une exonération supplémentaire, par exemple? Étant donné que les personnes âgées ne sont touchées par la mesure de récupération qu'en fonction de leur revenu individuel actuellement, en ce qui concerne un couple, il faut multiplier 53 215$ par deux: devrait-il recevoir la même prestation? Je me suis résigné à ne pas avoir de pension lorsque j'aurai 65 ans, si Dieu le veut.

Donc, pouvez-vous rationaliser les deux points de vue, ou êtes-vous d'accord avec Mme Morgenthau?

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M. Kelly: Je ne pense pas que nous serions d'accord sur tout, mais si une personne âgée - ou toute autre personne, puisque nous avons dû nous intéresser à d'autres secteurs de la société dans la mesure où tant de gens sont actuellement dans le besoin, à cause de ce qui s'est passé au cours des cinq dernières années, - dispose... Si une personne a accès à des services de soutien - et je ne parle pas simplement des hôpitaux, je parle des organisations communautaires qui offrent des services bénévoles, comme moi qui suis là pour donner un coup de main - une personne âgée peut vivre avec sa pension du RPC et les prestations de la sécurité de la vieillesse, c'est-à-dire environ 950$ par mois. Cela veut dire aussi avoir un logement convenable; et si la personne a besoin d'aide pour faire son marché, cela sous-entend qu'il existe un groupe de bénévoles...

M. Discepola: Êtes-vous pour la mesure de récupération pour les personnes âgées qui gagnent plus de 53 000$ par an?

M. Kelly: Je dirais qu'en ce moment, si nous devons prendre des décisions en tant que société, et certaines de ces décisions vont être très difficiles, et si nous devons imposer cette mesure de récupération aux personnes qui ont des revenus supérieurs, afin de faire en sorte que d'autres puissent avoir accès à des services, alors, je pense que nous devons le faire.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Discepola.

Je vais maintenant demander à chacun de vous de faire un bref résumé. Vous pourrez exprimer vos préoccupations au sujet de la dernière question. Pensez-vous pouvoir vous limiter à 30 secondes? Merci.

Monsieur Taciuk.

M. Jerry Taciuk (Zone d'amélioration des affaires de Roncesvalles): Oui, je vais faire le résumé.

Je pense que mon cas est un exemple patent et le résumé que je vais faire va aller dans le sens de ce que nous essayons de vous dire à propos de la réduction des dépenses du gouvernement. Je reçois une retraite du Régime de pensions du Canada et j'ai également un FEÉR qui me donne droit à pension. Étant donné que j'ai 250 000$ dans un REÉR, je perçois 2 500$ par mois sur mon FEÉR. Je peux vivre longtemps avec la pension d'invalidité du Canada que je reçois depuis ma thrombose. Avec mon FEÉR, j'ai droit à pension pendant 25 ans. Ma position à l'égard du gouvernement est que, du fait que les personnes âgées, dans le passé, n'ont jamais bénéficié des prestations... Certaines personnes ont accumulé 500 000$ dans leur REÉR. L'objet de ce REÉR était d'assurer leurs vieux jours.

Personne n'a besoin de 500 000$, car à 400 000$, vous obtenez déjà un revenu d'environ 3 500$ par mois pendant 25 ans. Si vous le prenez à 65 ans, cela vous mènera jusqu'à 90 ans et vous n'en verrez même pas la fin. Je propose que le gouvernement fixe un plafond de 400 000$ pour les REÉR libres d'impôt, afin de faire circuler le reste, et qu'il perçoive des impôts sur cet argent pour réduire le déficit.

Le président: Merci, monsieur Taciuk.

Monsieur Jensen, s'il vous plaît.

M. Jensen: Merci. J'aimerais dire que je désapprouve ce que l'on a dit au sujet du déficit. Je pense que nous avons un petit problème de déficit, mais que ce n'est pas tant un problème économique qu'un problème politique.

En 1945, nous avions une dette qui représentait plus du double de ce qu'elle est actuellement par rapport au PIB, et au cours des dix années suivantes, nous en avons payé les deux tiers. Et qu'avons-nous fait de si différent à ce moment-là? À l'époque, les particuliers, comme les sociétés, payaient chacun 25 p. 100 au fédéral, c'était 25 p. 100 versés chaque année dans les coffres de l'État. Depuis lors, la contribution des sociétés est passée de 25 p. 100 à 8 p. 100, alors que pour les particuliers, elle est passée de 25 à 42 p. 100.

C'est une énorme somme d'argent dont l'économie est privée; cela limite le pouvoir d'achat des particuliers et cet argent se retrouve dans des fonds d'investissement croisés par le biais des sociétés.

C'est pourquoi il me semble que nous n'avons pas vraiment un problème de déficit mais un problème de recettes, dans la mesure où nous n'allons pas les chercher là où il faut; par ailleurs, même si les recettes sont suffisantes, l'économie de consommation en est privée et cela ne figure donc même pas dans les recettes gouvernementales.

En ce qui concerne les dépenses, seules deux grandes catégories de dépenses ont augmenté au cours des dernières années, soit les paiements de transfert aux particuliers et les paiements d'intérêt sur la dette. Les paiements de transfert aux particuliers affichent, en gros, les mêmes tendances que le taux de chômage et c'est un problème auquel bien peu de personnes peuvent remédier elles-mêmes. L'intérêt de la dette est donc la dépense qui a le plus augmenté au cours des dernières années.

Encore une fois, ce sont les taux d'intérêt réels qui ont connu une hausse incroyable depuis 1981. Les taux d'intérêt réels font qu'actuellement les intérêts sur une dette représentant 58 p. 100 du PIB sont plus élevés qu'ils ne l'étaient à l'époque où nous avions une dette représentant entre deux et trois fois celle d'aujourd'hui. Nous payons un montant disproportionné d'intérêts sur ce montant de dette.

Le président: Merci, monsieur Jensen.

Madame Keyi.

Mme Keyi: J'aimerais parler d'un certain nombre de choses. Je suis préoccupée par le fait que nous rendons les particuliers, spécialement les pauvres, responsables du déficit et que, pour cette raison, nous essayons de trouver des moyens de réduire ce qu'ils reçoivent puisqu'évidemment, si nous leur offrons des services sociaux, ce sont eux qui causent le déficit. Ce n'est pas là la source du déficit.

S'il y a un déficit, il est attribuable - et je reviens là-dessus à nouveau - à toutes ces dépenses militaires pour nous défendre contre quelque guerre épouvantable ou quelque chose qui se produira Dieu sait quand. C'est là où l'on dépense beaucoup d'argent. Et pourtant, nous sommes dans une situation où nous nous demandons ce que les personnes âgées doivent recevoir et ce dont les enfants ont besoin.

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J'aimerais vous dire ceci: dans ma culture, lorsque l'on parle d'âge, par exemple, on ne demande pas son âge à quelqu'un, car ce serait sous-entendre que la personne en question est devenue inutile et qu'elle est bonne à mettre à la retraite; nous demandons à cette personne combien d'années elle a acquises. C'est reconnaître la sagesse qu'elle a acquise et à quel point elle est plus importante dans notre société. C'est pourquoi lorsque nous versons de l'argent aux personnes âgées, ce n'est pas tant pour tenir compte de leur contribution, c'est aussi une façon de leur dire merci pour ce qu'elles ont déjà fait pour la société. Nous ne payons pas seulement des gens qui profitent du système. Ces personnes ont déjà contribué.

Je pense donc que nous devons en tenir compte et reconnaître à nouveau que tous les gouvernements précédents ont constamment consacré trop aux dépenses militaires et à la défense - ce qui était totalement inutile - et ont laissé les communautés démunies et incapables d'obtenir les services dont elles avaient besoin. Et c'est encore aux communautés que l'on cherche à prendre quelque chose. Nous ne touchons pas au secteur militaire. Nous ne touchons pas aux sociétés, comme M. Jensen l'a dit. Les sociétés ont réduit les montants d'impôt qu'elles paient pour soutenir le système social.

Je demande donc au Comité des finances d'envisager un certain nombre de mesures, mais je ne sais pas vraiment quel est votre rôle. Je vous parle de tout cela en espérant que cela donnera un résultat.

Je vous demande en tant que Comité des finances d'examiner ce que dit vraiment le gouvernement, en quoi les dépenses ont des répercussions sociales de longue durée et comment cela se traduit littéralement par une violation des droits de la personne. Nous devons assumer la responsabilité de certaines de ces choses et faire en sorte que cela cesse.

Le président: Merci, madame Keyi.

Madame Channan.

Mme Channan: En essayant de rendre les activités gouvernementales plus équitables et plus efficaces, afin de renforcer notre économie, ne ciblons pas ceux qui sont obligés d'avoir recours à l'assurance-chômage.

Nous croyons fermement qu'il est nécessaire d'établir des programmes éducatifs et de recyclage pour les employeurs et les employés, et nous appuyons sans réserve toute initiative en ce sens.

En ce qui concerne le prochain budget, nous nous inquiétons vivement d'abord, du fait que des gens vont perdre des prestations en fonction du nombre de fois où ils ont fait une demande d'assurance-chômage pendant une période de cinq ans. Deuxièmement, et cela a été répété maintes et maintes fois, nous nous opposons au prolongement de la période de référence nécessaire pour obtenir l'assurance-chômage.

Le président: Merci, madame Channan.

Monsieur Kelly, s'il vous plaît.

M. Kelly: Je n'ai qu'une suggestion à faire à propos des pensions et de la façon dont les caisses de retraite ont investi dans le passé, ce dont nous n'avons parlé que brièvement. Je pense qu'il est temps que les investissements du RPC donnent un rendement un peu plus raisonnable par rapport aux montants placés. Il est bien connu que ce rendement a été faible depuis le début. En réalité, quels que soient les investissements, il faut obtenir un revenu accessible aux particuliers, ce qui résoudra à long terme bien des problèmes lorsque la génération du baby boom va prendre sa retraite.

Voici que nous tenons à vous dire à ce sujet: faites en sorte, lorsque vous allez planifier tout cela, d'envisager tous les niveaux. Je pense que nous risquons vraiment à l'heure actuelle, de nuire à bien des membres de notre société qui ont besoin de notre soutien. C'est un engagement que nous devons prendre et un objectif pour notre société. Nous parlons souvent des gouvernements qui se déchargent de leurs responsabilités. Or, je vous dis que c'est la responsabilité de tous - gouvernements et sociétés, entreprises et députés - de veiller sur certains groupes au sein de notre société, soit les enfants et les personnes âgées. Comme je l'ai dit, nous en sommes à nous pointer du doigt les uns les autres et nous voyons deux générations se disputer pour savoir qui va payer la note.

Je pense que les cibles, en matière de réduction du déficit, doivent être équilibrées de façon à ce que tous les groupes et tous les particuliers contribuent. C'est pourquoi, si vous envisagez réduire les REÉR ou repousser l'âge de la retraite, il faut prendre des mesures équivalentes pour d'autres générations. C'est là une de nos préoccupations.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Kelly.

Madame Rothman.

Mme Rothman: Il ne fait aucun doute que les parents sont ceux qui s'occupent plus que d'autres de leurs enfants. Une politique nationale doit donc offrir un certain nombre d'autres options.

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Nous pensons réellement que le programme national de garde d'enfants illustre bien comment le gouvernement fédéral peut assumer un rôle de chef de file dans un domaine d'intérêt national. J'aimerais vous lire ce que Katie Cooke a écrit:

Je pense qu'à bien des égards, les discussions qui touchent des sujets comme la garde des enfants ou les pensions sont liées. Il faut s'y prendre tôt pour pouvoir compter sur - j'hésite à le dire - un bassin de ressources humaines stables et disponibles; il faut commencer dès la petite enfance, afin de créer une main-d'oeuvre saine pour notre pays.

Le président: Merci, madame Rothman.

Madame Morgenthau.

Mme Morgenthau: Comprenez-moi bien: nous ne sommes pas venus ici avec des gants de boxe. Nous sommes ici pour comprendre, pour négocier et pour faire en sorte que les choses continuent.

Plutôt que de compter surtout sur les coupures infligées aux revenus des personnes âgées, nous devrions suivre l'avis du ministre des Finances actuel. Parlant à la télévision, le 12 septembre 1995, de sa volonté de poursuivre un programme de réduction du déficit, M. Martin a dit:

Notre association aimerait vous remercier de lui avoir donné l'occasion de discuter avec vous.

Le président: Nous avons été ravis de vous entendre. Vous êtes invitée l'année prochaine, comme toutes les autres personnes autour de cette table.

Mme Morgenthau: Seriez-vous assez aimable pour nous le faire savoir suffisamment à l'avance, j'aurais alors un meilleur mémoire à vous présenter.

Le président: Nous vous donnons une année de préavis.

Des voix: Oh, oh!

Mme Morgenthau: Faites-le par écrit.

Le président: L'année prochaine, à la même heure, au même endroit.

Monsieur Leigh-Bell, s'il vous plaît.

M. Leigh-Bell: Je vais continuer de faire bande à part et de tenter de répondre aux questions deux et trois, comme vous l'avez demandé.

L'an dernier, je demandais dans mon mémoire d'innover en matière de taxation. Le rapport du vérificateur général n'aborde pas ce sujet, sans doute parce que cela ne fait pas partie de son mandat. L'innovation consiste à distinguer entre les impôts sur la production et les impôts sur la consommation. On nous a beaucoup dit qu'il fallait imposer les riches. La seule façon de le faire est de taxer la consommation car, lorsque vous avez plus, vous dépensez plus.

Je voudrais revenir aux hypothèses erronées. On estime qu'il est bon d'imposer les sociétés. Une étude réalisée aux États-Unis par Peter Drucker, a permis de découvrir que l'imposition des sociétés revenait, en réalité, à taxer l'emploi. Je n'ai pas le temps d'élaborer, mais les sociétés appartiennent aux caisses de retraite.

Des sommes incroyables sont là, prêtes à être investies. Il y a davantage d'argent qu'il n'y a de possibilités d'investissement. La récente sursouscription, suite à la privatisation du CN, illustre bien cela.

Pourquoi imposer les sociétés, lorsque cela ne rapporte que 80 p. 100 et que les subventions qui sont distribuées n'importe comment à d'autres entreprises représentent beaucoup plus? Là encore, le vérificateur général a beaucoup à dire sur les transferts interprovinciaux. Le rendement en contrepartie de l'argent investi ne représentait pratiquement rien.

J'aimerais terminer sur un autre sujet. Quelqu'un a suggéré plus tôt ce matin que le Gouverneur de la Banque du Canada devrait réduire le taux d'escompte. On fait souvent l'erreur de penser que le Gouverneur de la Banque du Canada a le pouvoir de le faire. Ni la Banque du Canada, ni le Premier ministre, ni personne dans cette salle n'a le pouvoir de le faire. Seul le marché peut décider où l'argent sera investi au mieux.

Si quelqu'un ici est prêt à acheter des obligations du Canada à 2 p. 100, je suis sûr que le Gouverneur de la Banque du Canada en serait ravi. Mais chacun de nous souhaite recevoir le meilleur rendement pour son argent. La dame qui est près de moi s'est plainte que le rendement des investissements effectués par les caisses de retraite ne soit que de 3 p. 100. Le gouverneur de la Banque du Canada n'a pas la haute-main sur les taux d'intérêt. Seul le marché fixe les taux d'intérêt.

Le président: Merci.

M. Flis (Parkdale - High Park): J'invoque le règlement, monsieur le président. Sur la liste des témoins que l'on nous a remise, on a mal orthographié le nom «Roncesvalles». Bon nombre d'entre vous pourriez vouloir vous arrêter en repartant dans le meilleur quartier commercial de la ville, mais vous ne le trouveriez pas si vous cherchiez Runcivalles. Ce n'est pas cela, c'est Roncesvalles.

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Je remercie mon commettant d'être venu faire cette présentation.

Le président: Je dois avouer que j'ai mal écrit ce nom exprès, car je voulais que tout le monde s'arrête à Willowdale en repartant, Jesse.

Des voix: Oh, oh!

Mme Keyi: Excusez-moi, puisque nous parlons de noms, pourriez-vous corriger mon nom également, s'il vous plaît? Mon nom est Vuyiswa.

Le président: Je ne l'ai pas bien écrit exprès pour que personne d'autre ne puisse trouver votre nom dans l'annuaire.

Des voix: Oh, oh!

M. Leigh-Bell: Parmi les membres du comité, combien ont le rapport du vérificateur général sur leur bureau et combien ont les procédures d'expertise comptable publiées par le comité d'experts-comptables de l'Institut des comptables agréés?

Le président: Je ne pense pas que nous ayons le dernier document, mais nous avons tous le premier. La sagesse n'est donc pas loin.

M. Leigh-Bell: Je vous demande instamment d'y jeter un coup d'oeil.

Le président: Nous avons autour de cette table des gens qui, dans leur travail quotidien, côtoient les plus démunis. Une fois encore, nous avons entendu des arguments éloquents destinés à nous convaincre de ne prendre aucune initiative pour réduire le déficit, ni aucune mesure fiscale au détriment de ces gens-là.

Pour la première fois, nous avons entendu un plaidoyer éloquent en faveur d'un programme national de garde d'enfants, qui ne ressemble pas à celui de 1988, à l'époque de David Walker. Je me rappelle qu'à ce moment-là, nous avions promis un programme national de garde d'enfants de 5 milliards de dollars, les Conservateurs visant 4,5 milliards et le NPD, environ 7 ou 8 milliards.

Mais vous nous avez dit aujourd'hui que cela pourrait se faire, non pas en accroissant les dépenses mais en les coordonnant, à condition que le gouvernement fédéral serve d'intermédiaire auprès des provinces afin que tous les programmes destinés aux enfants soient coordonnés et plus efficaces. C'est un magnifique défi que vous nous avez lancé.

Une fois encore, nous avons entendu les personnes âgées et des plaidoyers très éloquents en leur nom. Nous comprenons le problème. Les personnes âgées ne peuvent pas retourner au travail pour compléter leur revenu et c'est une des grandes iniquités associées à la modification de programmes auxquels ils pensaient avoir droit.

Nous avons entendu des plaidoyers en faveur d'une imposition accrue des sociétés et des riches, en faveur d'une diminution des impôts pour les pauvres et la classe moyenne. Nous avons également entendu des arguments contraires de la part de M. Leigh-Bell.

Je tiens à vous remercier tous, au nom du comité, pour vos présentations très importantes. Je suis heureux que vous vous soyez présentés à la dernière minute et que nous ayons pu vous entendre. Vous nous avez certainement fait comprendre qu'il y a peut-être des limites à ce dont les personnes âgées ont besoin lorsqu'on parle de revenu de pension.

Nous avions soulevé cette question l'an dernier, monsieur Taciuk, et j'aurais aimé vous avoir à notre table à ce moment-là, car j'ai été presque cloué au pilori pour avoir suggéré un plafond d'environ un million de dollars.

Ce sont là des questions importantes auxquelles nous devrons nous attaquer. Au nom des membres du comité, je tiens à remercier chacun d'entre vous.

La séance est levée.

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