[Enregistrement électronique]
Le mardi 28 novembre 1995
[Traduction]
Le vice-président (M. Campbell): Je vous souhaite la bienvenue à Halifax, à notre séance de consultations prébudgétaires de cet après-midi .
Je voudrais souhaiter la bienvenue à nos panélistes et vous les présenter. Je vais donner les noms des personnes qui sont ici cet après-midi. Il est possible que d'autres se joignent à nous.
Voici Cathy Jourdain de la Société canadienne de la sclérose en plaques, division de l'Atlantique; Katherine McDonald du Conseil consultatif sur la situation de la femme de la Nouvelle-Écosse; Linda Stiles de la League for Equal Opportunities de la Nouvelle-Écosse; Dawn Rae Downton du YM-YWCA de Dartmouth.
Mme Dawn Rae Downton (directrice exécutive, YM-YWCA de Halifax): Non, je suis du YM-YWCA de Halifax.
Le vice-président (M. Campbell): Je suis désolé, j'ai mal lu. Vous représentez le YM-YWCA de Halifax.
Nous avons également Linda Beckett de l'Association des femmes entrepreneurs de l'Atlantique; David Hubley de la East Hants and District Chamber of Commerce; Ervin Doak du Département d'économique de l'Université Saint Mary's et Kevin Little de l'Église unie de Fairview.
Je vais commencer par vous donner la parole pour une brève introduction. Je vous demanderais de limiter votre intervention à quatre ou cinq minutes pour vous encourager à n'aborder que les points essentiels de vos réponses à nos questions, et nous espérons que celles-ci ont réussi à stimuler votre imagination et votre créativité. Il se peut aussi qu'elles aient provoqué quelque mouvement d'humeur et d'indignation, comme nous en avons été témoins ce matin.
Après ces introductions, chacune et chacun d'entre vous aurez l'occasion de réagir à ce qu'ont dit les autres. Nous passerons ensuite aux questions des membres. Le présent comité de la Chambre des communes est composé de membres de tous les partis. En fait, il s'agit d'une moitié des membres du comité des finances. L'autre moitié se trouve dans l'Ouest du Canada en ce moment et y entreprend le même genre de consultations que nous avons organisées dans l'Est du pays.
Nous commencerons par Kevin Little, de l'Église unie de Fairview.
Le révérend Kevin Little (ministre du culte, Église unie de Fairview): Merci. Je serai bref. J'ai horreur des discours tout préparés et je vais improviser.
Je suis venu vous dire en réponse à vos questions - lesquelles étaient à mon avis de très bonnes questions même si vous auriez pu en poser d'autres - que je suis d'accord avec vous, notre déficit est inquiétant. Je me fais du souci pour les gens de ma propre génération et pour les plus jeunes, qui auront à payer la dette contractée par leurs aînés.
Je pense également qu'il est important de reconnaître que les taux d'intérêt continuent de grimper et qu'il faudra éliminer ça aussi.
Je vous expose maintenant mes préoccupations. Je vous en parlerai en me référant à mon travail de ministre de l'Église unie; j'y oeuvre avec des gens qui ont des problèmes de revenu, qui viennent chercher des tickets alimentaires. Dans nos campagnes, les gens vivent dans la peur et l'inquiétude; ils craignent les compressions dans les services sociaux, l'assurance-chômage et le secteur public. La population est inquiète. Il y a beaucoup de souffrance.
Je pense que le moment est venu de ressusciter une idée qui a été proposée à la fois par l'aile gauche et l'aile droite de notre corps politique. Je veux parler du revenu annuel garanti. Cela devait accompagner l'Accord de libre-échange proposé par la Commission Macdonald, que je vois comme étant plutôt à droite. Et je crois que les syndicats et le NPD le proposent depuis des années.
Quelles que soient les coupes que vous allez faire dans les programmes, je propose que vous garantissiez, aux Canadiennes et aux Canadiens, un filet de sécurité qui les protégera tous, quelle que soit la tournure que prendront les événements, pour que les gens n'aient pas à craindre d'être forcés de venir à la soupe populaire et à se préoccuper de savoir d'où viendra leur prochain chèque de paye; pour qu'il se crée un sentiment de stabilité, malgré les compressions et autres, que les gens soient sûrs qu'eux-mêmes et leurs familles ne seront pas privés de soins ou obligés de vivre dans la pauvreté.
Si vous jetez un coup d'«il à l'ensemble de la situation, et cherchez comment et où on doit couper et ce qui doit être transféré par le fédéral aux provinces, en termes de pouvoirs, etc.; vous ne devez pas perdre de vue qu'il faut installer une sorte de filet de sécurité pour que les gens puissent avoir la certitude qu'on s'occupera d'eux en toutes circonstances. C'est vraiment très important. Le niveau d'anxiété est extrêmement élevé.
Je reconnais qu'il faut réduire les dépenses et que nous devons rembourser la dette, mais j'ai entendu dire par les économistes qu'un revenu annuel garanti pourrait à tout le moins établir une sorte de zone de stabilité et permettre peut-être aux gens de couper dans des secteurs où il y a du gaspillage.
C'est l'essentiel de ce que je suis venu vous dire aujourd'hui: que je pense qu'il est temps d'adopter le revenu annuel garanti.
Le vice-président (M. Campbell): Merci. Je suis sûr que les autres voudront faire des commentaires et vous poser des questions à ce sujet-là.
Nous passons maintenant à Mme Dawn Rae Downton du YWCA de Halifax.
Je ne me suis pas trompé cette fois?
Mme Downton: Merci monsieur le président, c'était parfait.
Le vice-président (M. Campbell): C'était juste pour prouver que le comité est attentif. Je suis désolé de la confusion de tout à l'heure.
Mme Downton: Pour que cette erreur ne se reproduise pas ici, je vais vous en dire un peu plus sur ce que nous sommes et vous expliquer pourquoi nous ne sommes pas le YMCA de Dartmouth.
Le YWCA de Halifax est l'un des 44 YWCA du Canada. En réalité, le YWCA est complètement séparé du YMCA. Nous n'avons avec eux aucune affiliation. Les deux organismes ont même des missions différentes. Nous nous sommes donnés une mission philanthropique. Nous tentons d'améliorer la condition des femmes et des enfants.
Le YWCA, la plus ancienne et la plus vaste organisation féminine au monde travaille à réaliser cette mission dans plus de 80 pays, dans tous les coins du monde. Nous ne sommes pas un club de santé. Comme la plupart des YWCA du Canada, nos programmes se répartissent en trois catégories. La première concerne les centres d'hébergement pour les femmes sans abris et les femmes violentées. Le YWCA est, dans tout le Canada, le premier fournisseur de services d'hébergement pour femmes. Deuxième volet de nos programmes: les services de garde d'enfants et la formation au rôle de parents, qui comprend les programmes offerts aux parents ou les programmes d'intervention et de prévention établis pour que les enfants eux-mêmes ne soient pas victimes de comportements violents. Le troisième secteur de nos programmes est la formation professionnelle pour les femmes.
Les hommes utilisent quelques-uns de nos services, mais la majorité de nos participants sont des femmes qui, pour la plupart, sont désavantagées. Habituellement, elles font partie de la catégorie des gagne-petit. Elles sont chefs de famille monoparentale. Ce sont des femmes qui cherchent du travail ou qui se recyclent pour en trouver.
À Halifax, nous remplissons cette mission d'aide aux femmes depuis 122 ans. Et après avoir oeuvré 122 ans dans ce domaine, nous connaissons bien ces femmes.
Je pense que nous savons et que nous sommes en mesure de vous dire ce qui les maintient dans la pauvreté. Parmi ces femmes, très peu sont pauvres à cause de leurs lacunes personnelles. La plupart d'entre elles sont pauvres à cause des circonstances et des politiques gouvernementales. La politique du gouvernement maintient le statu quo et crée, en quelque sorte, les circonstances qui enferment les femmes dans la pauvreté.
Les femmes représentent plus de la moitié de la population du Canada, mais elles ne sont même pas considérées comme un groupe d'intérêt particulier, pas plus d'ailleurs que les groupes qui essaient de les soutenir comme le YWCA et le Conseil consultatif. Par contre, d'un autre côté et en raison même des politiques qui les ont défavorisées depuis si longtemps, les femmes ont besoin d'une attention toute particulière.
Le gouvernement, toutes les Canadiennes et tous les Canadiens n'ont absolument rien à perdre et tout à gagner à investir du côté des femmes.
L'aide destinée aux femmes et à leurs filles est, à bien des titres, le chemin le plus court vers le progrès social et économique. Les études sur le développement entreprises au Canada et dans le monde entier l'ont prouvé à mille et une reprises tout comme nous le prouve notre sens commun. Ce sont les femmes qui cimentent les liens familiaux et qui les font s'épanouir. Ce sont les femmes qui prennent les initiatives communautaires et de quartier. Ce sont les femmes qui sont à l'origine du développement communautaire.
Si la mère d'un enfant est pauvre, cet enfant sera pauvre lui aussi, et il est fort probable qu'il - ou elle - le restera toute sa vie. Si la mère d'un enfant n'est pas instruite, l'enfant ne le sera pas lui non plus, probablement pendant toute sa vie étant donné les facteurs socio-économiques qui le handicaperont tout au long de sa croissance.
Les obstacles qui se dressent sur le chemin des femmes et de leurs enfants et qui découlent de la façon dont sont conçues nos politiques publiques ne sont pas juste des fantaisies habitant l'esprit de féministes enragées. Le Rapport mondial sur le développement humain des Nations Unies de 1995 place le Canada au premier rang des nations à ce sujet, mais nous tombons à la neuvième place sur la question des écarts entre les hommes et les femmes.
Ce n'est que tout récemment que le gouvernement fédéral a reconnu les inégalités liées au sexe. En août, Condition féminine Canada a annoncé une sorte de plan fédéral pour favoriser l'égalité des sexes. C'est une initiative gouvernementale récente. C'est ce que Sheila Finestone a dit quand elle a procédé au lancement de ce plan. Je voudrais vous lire quelques-uns de ses observations. Je pense qu'ils sont dignes d'être répétés ici.
«L'égalité profite à tout le monde» a dit Sheila Finestone. Son plan préconise la mise en oeuvre d'une approche sensible aux différences entre les sexes et qui garantisse que les analyses et l'élaboration des politiques gouvernementales tiennent compte de ces différences. Son plan vise à garantir que les points de vue des femmes soient pleinement reconnus et intégrés aux politiques fédérales et aux priorités de programmes, notamment dans les domaines de la croissance économique et de la création d'emplois, du développement durable, du souci de faire une place à tous les groupes sociaux, et de la justice sociale.
Ce plan réaffirme les engagements pris dans le Livre rouge et apporte une preuve patente de la volonté du gouvernement fédéral de promouvoir l'égalité des femmes au Canada.
Les gens, y compris au gouvernement lui-même, reconnaissent que les inégalités existent et que les obstacles dont je viens de vous parler ne sont pas imaginaires. Quels sont plus précisément les éléments de nos politiques publiques qui font obstacle au cheminement des femmes et de leurs enfants? Je n'en aborderai que quelques-uns. Nous n'avons pas le temps d'en dresser une liste complète.
J'aborderai seulement ceux auxquels nous devons faire face dans notre travail quotidien au YWCA et que nous devons surmonter si nous voulons aider les femmes et leurs familles. Je vous ai dit que nous poursuivons trois objectifs. Nous fournissons des services d'hébergement, de garderie et de formation professionnelle pour les femmes. J'aborderai juste ces trois volets et vous parlerai des obstacles qui affectent notre capacité d'offrir ces services aux femmes avec toute l'efficacité requise.
Le vice-président (M. Campbell): Mme Downton, avant que vous abordiez ces trois points, je voudrais signaler que vous avez presque épuisé votre temps de parole. Je sais que vous aurez l'occasion d'intervenir plus tard et de répondre aux questions, mais je veux vous donner l'occasion de répondre, si vous le souhaitez, aux questions que nous avons soulevées dans notre lettre ou de rattacher votre exposé à nos préoccupations. Je crois comprendre la nature de ce lien, mais je veux vous donner l'occasion de l'expliquer clairement.
Mme Downton: Monsieur le président, si je n'ai pas choisi de répondre à vos questions, c'est parce que je les ai trouvées quelque peu directives. Je voudrais aborder la question d'un angle différent et poursuivre mon intervention - j'ai presque fini - très brièvement, en vous citant des cas particuliers qui montrent comment nos travaux pour les femmes sont compromis par vos politiques et les solutions que vous pourriez adopter pour les améliorer. Je pense que c'est pour ça que nous sommes ici aujourd'hui.
Le vice-président (M. Campbell): Allez-vous rattacher ça à l'exercice d'établissement du budget où nous sommes engagés? Quelle influence cela a-t-il en termes concrets sur la façon de dépenser les fonds publics et sur les recettes publiques?
Mme Downton: Je vais essayer. Je pense que c'est pour ça que nous sommes réunis ici.
Le vice-président (M. Campbell): D'accord, je vous remercie.
Mme Downton: Est-ce que je peux poursuivre?
Le vice-président (M. Campbell): Je vous en prie, mais il ne reste que peu de temps. J'espère que vous comprenez, nous avons sept autres témoins.
Mme Downton: Les femmes restent dans nos maisons d'hébergement aussi longtemps que l'assistance sociale paie pour elles. Si l'assistance sociale décide qu'elles coûtent trop cher ou que leur séjour a duré trop longtemps, elles sont souvent renvoyées dans des garnis où elles redeviennent la cible pour ne pas dire la proie des hommes. Parfois, elles sont jetées à la rue, où elles sont exposées à presque n'importe quoi.
Je voudrais vous dire brièvement comment j'ai passé mes vacances d'été. J'étais sur le point de partir en vacances et au lieu de ça, j'ai passé la journée avec la police qui enquêtait sur le meurtre de plusieurs jeunes femmes à Halifax. Il s'avère qu'au cours des deux dernières années, quatre des femmes qui ont été assassinées à Halifax ont passé leurs derniers jours au YWCA et que trois d'entre elles ont dû en sortir parce que l'assistance sociale refusait de payer leur hébergement.
Nous avons une liste de 100 familles qui attendent d'être subventionnées pour les services de garderie du YWCA. Nous avons nous-mêmes limité cette liste à 100 familles parce qu'il serait plutôt ridicule de dépasser ce chiffre.
Si les services de garde d'enfants ne sont pas subventionnés, cela devient, pour bon nombre de femmes, complètement insensé, sur le plan financier, de travailler. Je suis sûre que je ne suis pas la première personne à vous présenter ce point. Sans garderies subventionnées, un grand nombre des femmes qui reçoivent des prestations d'assistance sociale ne peuvent ni chercher un emploi, encore moins le garder.
Les femmes qui se recyclent pour travailler s'adressent à nous. Certaines d'entre elles ont la garde d'enfants de moins de 12 ans. Leurs allocations de perfectionnement ne sont pas suffisantes pour leur permettre de payer des services de garde. Quand elles exposent leur dilemme au gouvernement, on leur dit qu'elles ne sont pas prêtes à s'inscrire au programme. C'est ce genre de dilemme qui maintient les femmes dans la pauvreté.
Le dernier point que je veux aborder c'est que même si nous sommes un organisme charitable, nous ne pouvons combler le fossé entre les ressources dont nous disposons et celles dont nous aurions besoin. Nous ne pouvons pas compter sur les dons privés parce qu'il y a de moins en moins de gens, au Canada, qui disposent du genre de revenu qui leur permettrait de soutenir notre entreprise. Si on se tourne vers les sociétés, on arrive dans les ligues majeures, et il faut avoir les reins solides pour jouer ce jeu. À titre d'organisme de soutien aux femmes, nous trouvons aussi cette dernière solution bien difficile.
Je sais que ce comité a eu récemment des discussions qui ont porté sur les crédits d'impôt pour dons de charité. Si j'en juge par notre expérience personnelle au YWCA, ces dispositions sur le crédit d'impôt pour dons de charité devraient être adoptées. Si on s'y opposait, ce serait désastreux pour les quelques ressources qui nous restent.
Je vous remercie.
Le vice-président (M. Campbell): Ainsi je ne me trompe pas en disant qu'en plus des modifications ou du soutien à accorder aux crédits d'impôt pour les dons de charité, qui faisaient l'objet d'une table ronde organisée à Ottawa la semaine dernière, vous recommandez que dans notre budget, nous n'ajoutions pas au fardeau des organismes comme le vôtre, qui offrent des services aux femmes et à leurs enfants.
Mme Downton: C'est exact.
Le vice-président (M. Campbell): Merci.
Nous allons maintenant passer à Cathy Jourdain de la Société canadienne de la sclérose en plaques, région de l'Atlantique.
Mme Cathy Jourdain (directrice exécutive de la Société canadienne de la sclérose en plaques, région de l'Atlantique): Merci. Je porte en fait deux chapeaux aujourd'hui. Le premier est celui de la Société de la sclérose en plaques et le deuxième est celui de la Société canadienne des directeurs d'association dont je suis présidente de section ici en Nouvelle-Écosse.
J'examine cette question dans une double perspective. La première est que les organismes sans but lucratif ont pour tâche de répondre à des besoins négligés par le gouvernement, les entreprises ou les personnes qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts. Lorsque l'on parle de compressions budgétaires, il est normal de craindre - c'est en fait presque une certitude - que l'on va demander une fois de plus aux organismes sans but lucratif d'assurer les services nécessaires. C'est donc une préoccupation pour nous.
Je vais faire écho aux commentaires de Dawn Rae au sujet du crédit d'impôt pour don de charité parce que cela porte sur des sommes énormes de nos jours. C'est un secteur qui représente des millions de dollars. Nous sommes nombreux à tenter d'obtenir des fonds pour pouvoir offrir des services. Mon organisation offre des fauteuils roulants, des rampes, nous faisons beaucoup de choses de ce genre. Les victimes de la sclérose en plaques sont souvent incapables de travailler en raison de l'incapacité qui résulte de cette maladie.
D'un côté, lorsque l'on parle de réduire les dépenses publiques, cela suscite des craintes ici. Par contre, du point de vue de la Société canadienne des directeurs d'association, je dois dire que le rôle des organismes sans but lucratif n'est pas très bien compris par le gouvernement ni par les gens qui ne travaillent pas dans ce domaine.
Cela constitue d'après moi une excellente occasion d'augmenter les ressources ou de mieux exploiter les ressources existantes. Il y a longtemps que les organismes de charité font beaucoup avec peu, et nous avons très bien appris à le faire.
À un moment où le gouvernement examine le processus d'élaboration du budget et les façons de réduire ses dépenses, je lui suggère d'examiner les associations et de construire davantage de partenariats avec elles. Évidemment, quel que soit le domaine concerné, il faut vérifier que le partenaire est en mesure de remplir ses obligations. Je dirais qu'au lieu de se décharger de responsabilités, le gouvernement aurait intérêt à faire l'effort d'établir des partenariats pour exercer ces responsabilités, ce serait plus rentable que de s'en acquitter seul.
Il y a aussi beaucoup de chevauchements entre les divers services et les efforts déployés. Là encore, des organisations comme la Société canadienne des directeurs d'association et les organismes sans but lucratif en général pourraient jouer un rôle en vue de réduire le double emploi et intervenir à titre de partenaires pour mieux faire ces choses.
C'est de l'évaluation que dépend le reste. Je l'ai appris avec John Bryden et lorsque j'ai examiné toutes les questions en matière de divulgation concernant les associations; il faut examiner très soigneusement ce que font ces associations et à quel coût. Les gouvernements ne s'intéressent souvent qu'aux organismes sans but lucratif auxquels ils versent des subventions.
Il y a en fait deux aspects à cette question, et je crois qu'il conviendrait d'examiner plus soigneusement le second.
Il y a donc principalement deux choses. Il faudrait examiner et mieux comprendre le rôle que jouent les associations et ce qu'elles pourraient faire dans ce domaine; il faudrait veiller à ce que ces organismes aient moins de mal à se procurer les fonds dont ils ont besoin pour offrir les services nécessaires.
Le vice-président (M. Campbell): Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer à Katherine McDonald qui représente le Conseil consultatif sur la situation de la femme de la Nouvelle-Écosse.
Mme Katherine McDonald (présidente, Conseil consultatif sur la situation de la femme de la Nouvelle-Écosse): J'aimerais commencer en disant quelques mots de l'argument que le gouvernement met constamment de l'avant, à savoir que c'est l'augmentation des coûts et des dépenses, en particulier dans le secteur social, qui est à l'origine du déficit et qu'il faut donc réduire les dépenses pour en arriver à un budget équilibré. Je crois qu'il est également important de chercher l'origine du déficit si l'on veut découvrir les moyens de le faire disparaître. Il y a de nombreux économistes pour qui le déficit résulte des taux d'intérêt élevés combinés à des recettes fiscales réduites en raison du fort taux de chômage qui a sévi au cours de la profonde récession que nous avons connue ces dernières années.
Nous nous trouvons dans une situation où les taux d'intérêt réels sont bien au-dessus du niveau où ils devraient se trouver. Je crois que cela est une conséquence directe de la politique monétaire très stricte qu'a adoptée le gouvernement pour lutter contre l'inflation.
Cette situation a entraîné une augmentation des coûts des entreprises, mais elle a également permis de faire prospérer les placements. Le salaire moyen est faible et l'emploi a diminué en raison du ralentissement économique.
Je crois qu'il faut voir quel effet ont eu des taux d'intérêt élevés sur le citoyen moyen qui n'a pas de placements, y compris les fonds mutuels, et qui ne fait pas affaire avec les courtiers en obligations. Nos politiques monétaires ont permis à ce secteur d'augmenter ses revenus ces dernières années.
J'aimerais également aborder le mythe très répandu voulant que l'augmentation du déficit s'explique par l'augmentation des dépenses liées aux programmes sociaux. En fait, une analyse de Statistique Canada démontre que 15 p. 100 de nos dépenses correspondent aux programmes d'assurance-chômage, d'aide sociale, de sécurité de la vieillesse, et de logement. En fait, les dépenses sociales sont demeurées relativement constantes ces 20 dernières années. Rien n'indique d'après moi que la réduction des dépenses sociales puisse diminuer le déficit ou stimuler l'économie.
J'aimerais dire que nos taux de chômage sont vraiment trop élevés, d'après moi. Malgré la reprise de la croissance économique, nous avons connu un regain économique sans création d'emploi. Le gouvernement doit s'attaquer à ces questions sans tarder s'il veut réaliser ses objectifs sociaux et économiques.
Pour ce qui est du coût du chômage au Canada, d'après une étude récente effectuée par deux économistes québécois, le coût du chômage pour l'économie canadienne représentait 109 milliards de dollars pour l'année financière 1992-1993, dont 10 milliards correspondent au manque à gagner fiscal.
Il ne faut pas oublier que nos dépenses sociales correspondent à peu près à celles des autres pays industrialisés. En fait, elles sont inférieures à celles de plusieurs pays avancés de l'Europe de l'Ouest. Si nous réussissions à réduire le chômage, nous aurions largement assez d'argent pour payer toutes nos dépenses gouvernementales.
L'OCDE, qui s'occupe de mesurer les économies des pays industrialisés et qui effectue des calculs pour déterminer la nature du déficit des différents pays, a analysé la situation du Canada comme il l'a fait pour les autres pays industrialisés. L'OCDE a déterminé le pourcentage de notre déficit qui était dû à des facteurs liés à la récession. Il a analysé ce qu'on appelle le déficit «structurel», qui représente la différence entre les recettes et les dépenses du gouvernement lorsque l'économie fonctionne normalement en l'absence de récession.
Au Canada, cet écart est très large. Comparé à ce qu'il serait en période de plein emploi, cet écart est très élevé.
En fait, si l'on soustrayait de notre déficit la part qui correspond à la récession, nos finances seraient beaucoup plus saines que bien des gens de Bay Street, du Globe and Mail et du C.D. Howe Institute aimeraient nous le faire croire.
Nous avons connu une grave récession et il faut en tenir compte, mais nous avons également un taux de chômage et des taux d'intérêt très élevés. Si nous voulons nous attaquer aux questions économiques, c'est par là qu'il faut commencer.
Si vous me demander quelles sont les cibles que nous devons nous fixer en matière de déficit et comment l'on pourrait les atteindre, je vous dirais qu'il faut abandonner la politique de la Banque centrale du Canada, qui vise un taux d'inflation nul, et créer un environnement favorable à la croissance de l'économie, à la création d'emplois, à la réduction du chômage, objectifs qui constituent les grandes priorités des Canadiens.
La question suivante est celle des secteurs d'activité fédérale qui devraient faire l'objet de compressions supplémentaires, de mesures de privatisation ou de transferts à d'autres niveaux de gouvernement. Nous avons adopté une position ferme sur ce point: la réduction des programmes sociaux va toucher les personnes qui sont déjà marginalisées: les personnes âgées, les pauvres, y compris les assistés sociaux et les gagne-petit ainsi que les personnes à revenus moyens. Les moins touchés par la réduction des programmes sociaux seront la catégorie des personnes à revenus élevés. La poursuite d'une politique favorisant les taux d'intérêt élevés et un faible taux d'inflation va avantager les personnes qui gagnent de hauts revenus parce qu'elles ont des actifs sous forme de placements que favorisent les forts taux d'intérêt. Nous devrions mettre en place un régime fiscal progressif et équitable qui imposerait les revenus élevés et les profits des sociétés très rentables.
Si nous voulons fournir aux Canadiens les moyens de gagner leur vie, il ne faut pas réduire les dépenses d'éducation. La réduction des programmes de santé, d'éducation et de formation, des programmes d'assistance sociale, les garderies et les autres programmes d'aide au revenu ne pourra qu'aggraver l'écart entre les riches et les pauvres, alors que les femmes représentent le plus fort pourcentage des pauvres, quels que soient le groupe d'âge et les antécédents considérés. Peu importe que vous parliez des femmes âgées sans revenu, des mères célibataires qui tentent de se débrouiller avec l'aide sociale ou des millions de femmes qui ont été forcées d'accepter des emplois mal rémunérés. Ce sont les femmes qui supportent le fardeau que constituent le chômage et les taux d'intérêt élevés.
Le vice-président (M. Campbell): Puis-je vous demander de vous arrêter, de façon à laisser d'autres intervenants prendre la parole? Nous pourrons revenir pendant la période des questions à certains sujets que vous n'avez pas eu l'occasion d'aborder.
Mme McDonald: J'ai presque terminé. En fait, j'ai laissé de côté une bonne partie de mon exposé. J'aimerais conclure en disant qu'une des questions qui me trouble le plus est la façon dont le gouvernement tente d'appliquer des techniques de gestion du secteur privé aux affaires de l'État. Toute cette idée consistant à réinventer et à reconcevoir le gouvernement à partir des principes de la gestion de la qualité est fort troublante. Je presse le gouvernement de conserver son rôle de chef de file en matière de dépenses sociales, de respecter le contrat social conclu avec les Canadiens.
Le vice-président (M. Campbell): Merci. Je vais vous poser une question à laquelle vous pourrez réfléchir et à laquelle nous reviendrons prochainement. Vous avez indiqué qu'une solution consisterait à modifier notre politique à l'égard des taux d'intérêt. Lorsque nous reviendrons plus tard sur ce sujet, j'aimerais savoir comment une nouvelle politique en matière de taux d'intérêt nous permettrait de faire face à une dette de 500 milliards de dollars ... sans chercher à déterminer qui est responsable de la situation ou quelle en est l'origine. Elle est là, elle est concrète. Comment ce changement de politique en matière d'intérêt pourrait-il avoir un effet, si l'on ne tient pas compte des nouvelles dettes, des nouvelles dépenses et des nouvelles recettes? Nous y reviendrons.
Nous allons maintenant donner la parole à Linda Stiles, de la League for Equal Opportunities de la Nouvelle-Écosse.
Mme Linda Stiles (présidente, League for Equal Opportunities de la Nouvelle-Écosse): Merci.
La LEO est un organisme qui s'occupe de toutes les déficiences et qui est contrôlé par les consommateurs. Elle défend les droits de tous les handicapés de la Nouvelle-Écosse. Nous tenons à remercier les membres du comité de nous avoir donner la possibilité de parler de ces questions et de la façon dont elles touchent un grand nombre de personnes handicapées au Canada. Je vais utiliser mon temps de parole pour vous donner un bref aperçu de notre position sur le thème proposé, et nous vous remettrons un mémoire écrit plus détaillé que vous pourrez examiner à loisir.
La première question à laquelle nous aimerions répondre est celle de savoir quel devrait être notre cible en matière de réduction de déficit et comment peut-on l'atteindre? À partir de quel principe devrait-on fixer cette cible?
Il semble logique de commencer par se demander ce qu'il est possible de faire en matière de réduction du déficit tout en évitant de créer des problèmes plus graves dans d'autres secteurs. Il faut en arriver à un équilibre. Il faut continuer à financer les groupes essentiels. En l'absence d'un tel financement, leur client ne serait pas représenté, ce qui créerait un problème social encore plus grave. Le gouvernement se rapproche rapidement du point où il lui sera impossible de continuer à réduire ses effectifs sans faire souffrir plus encore le public canadien.
Une réduction de l'impôt... des conséquences pour les personnes riches et les REER. L'impôt des sociétés devrait être augmenté.
La seconde question était la suivante: comment peut-on utiliser des mesures fiscales pour créer un environnement propice à l'emploi et à la croissance économique? En réduisant les taxes et impôts payés par tous les Canadiens sous forme de taxes de vente, d'impôts sur le revenu, etc. Le fardeau fiscal est arrivé à un point où les taxes jouent à tous les niveaux des achats. Cela réduit manifestement le pouvoir d'achat des contribuables et donc, l'argent dont ils disposent pour acheter des biens et services créateurs d'emplois.
On devrait adopter des mesures budgétaires pour développer les transports publics tels que le train et l'autobus. Si les transports étaient efficaces, une foule de gens pourraient se rendre aisément au travail et en revenir sans devoir être propriétaires d'un véhicule, ce qui coûte énormément d'argent.
On devrait également adopter des mesures destinées à permettre aux personnes handicapées qui veulent travailler et en sont capables de le faire sans être pénalisées. La LEO s'inquiète de voir que le gouvernement fédéral veille de moins en moins à consulter les autres groupes. Pour permettre aux consommateurs handicapés d'être sur le même pied que les autres, il devrait entre autres y avoir un crédit d'impôt pour tous les articles dont les handicapés ont besoin, qui pourraient être déduits avant le calcul du revenu imposable, et les consommateurs handicapés pourraient ainsi bénéficier d'un rabais de 100 p. 100 sur leurs dépenses de première nécessité.
Il faut que la formation professionnelle soit accessible et que des fonds y soient spécialement affectés.
Troisièmement, nous demandons que d'autres compressions soient effectuées au gouvernement, notamment dans l'administration du ministère des Pêches. Nous avons déjà un des ratios administrateurs/pêcheurs les plus élevés au monde. Ce ministère pourrait donc très bien supporter d'autres compressions.
Si l'on imposait certaines réductions au Sénat, cela réduirait considérablement le coût de fonctionnement du gouvernement et serait très favorablement accueilli par tous les Canadiens.
L'État ne devrait pas être propriétaire d'hôtels ni de lieux de villégiature. C'est au secteur privé de s'en occuper.
Les services sociaux ne devraient pas être complètement transférés aux provinces. Il devrait y avoir des normes nationales régissant les transferts canadiens en matière de santé. Les normes devraient notamment permettre de déterminer l'importance du soutien en fonction du besoin. Lorsque l'on décide de l'admissibilité d'une personne à des services, il ne faut pas se contenter de vérifier ses ressources, il faut aussi tenir compte des besoins qui doivent être satisfaits pour lui permettre de devenir un membre pleinement intégré de la société.
Les particuliers doivent avoir le droit de faire appel lorsque des services ou du matériel leur sont refusés.
Pas de travail obligatoire. Les transferts en matière d'aide sociale sont destinés à couvrir les besoins de première nécessité afin de permettre aux bénéficiaires de mener une vie pleinement fonctionnelle et non pas à rémunérer leur travail, comme c'est le cas sur le marché. C'est une notion totalement différente.
Des niveaux de soutien adéquats sont nécessaires. Selon Statistique Canada, 67 p. 100 des Canadiens handicapés vivent avec moins de 10 000 $ par an. C'est nettement inférieur au seuil de pauvreté.
Nous avons besoin de services transférables. Tous les Canadiens doivent pouvoir se déplacer d'une région du pays dans une autre et continuer à bénéficier du soutien dont ils ont besoin pour chercher un emploi, faire des études et assumer leurs responsabilités familiales. Les services doivent être liés aux personnes et non aux programmes, qui varient d'une province à l'autre.
En conclusion, il est indispensable que les services que je viens de mentionner soient pleinement transférables, et il faut que les droits des Canadiens handicapés soient respectés. La Ligue estime qu'il devrait y avoir un ministre responsable du statut des personnes handicapées. Au Canada, 15,3 p. 100 de la population souffre d'une forme quelconque d'invalidité; ces hommes et ces femmes, dans tous les groupes de lutte pour l'égalité et dans toutes les provinces, doivent absolument être représentés à l'échelon fédéral.
Je vous remercie.
Le vice-président (M. Campbell): Merci beaucoup.
Une petite remarque, madame Stiles, avant de poursuivre. Les chiffres dont nous parlons pour la préparation d'un budget représentent des sommes énormes, difficiles à imaginer pour nous, gens ordinaires. Cette année, le déficit sera de 32,7 milliards de dollars.
Vous avez suggéré qu'on se débarrasse du Sénat, ce à quoi je ne serais pas totalement opposé. Vous avez eu la bonté de ne pas proposer d'éliminer en même temps la Chambre des communes. Ce matin, quelqu'un d'autre a aussi proposé qu'on se débarrasse du Sénat. Si l'on se débarrassait des deux chambres, cela nous permettrait d'économiser 300 millions de dollars, ce qui n'empêcherait pas le déficit de continuer à tourner autour de 32,6 milliards de dollars. Il faut que nous cherchions ailleurs, et on nous présente aussi des suggestions valables dans d'autres domaines.
Je vous remercie de cette remarque et de vos autres commentaires.
Nous allons maintenant entendre Mme Beckett, qui représente l'Association of Atlantic Women Business Owners.
Mme Linda Beckett (représentante, Association of Atlantic Women Business Owners): Merci, monsieur le président. Je ne vais pas être tout à fait aussi polie.
Le vice-président (M. Campbell): Voulez-vous essayer de vous débarrasser de la Chambre des communes?
Mme Beckett: Je représente l'AAWBO, l'Association of Atlantic Women Business Owners. Nous fêtons cette année le dixième anniversaire de cette association qui a été constituée dans la région où je vis, la vallée de l'Annapolis.
Notre organisation a connu des moments difficiles, mais nous avons aujourd'hui 600 membres au Canada atlantique et nous en sommes très fières. Rien que dans ma collectivité, nous en avons 78, ce qui est un résultat remarquable pour une région aussi petite que la vallée de l'Annapolis.
Nous sommes fortement attachées à l'esprit d'entreprise, car nous estimons que c'est ce qui permettra aux femmes de sortir du ghetto économique dont beaucoup d'entre elles sont prisonnières au Canada.
Nous avons bénéficié de l'aide du gouvernement fédéral grâce à des programmes établis par la Banque fédérale de développement, comme elle s'appelle maintenant je crois. Nous lui en sommes très reconnaissantes. Ces programmes se sont révélés très intéressants pour nos membres. Il ne suffit cependant pas de les offrir, il faut également qu'il y ait un suivi.
Je voudrais maintenant vous parler d'un point qui nous paraît extrêmement important, celui de la formation des ressources humaines. C'est un domaine dans lequel le gouvernement pourrait nous apporter une aide précieuse, en particulier dans la région dont je viens, la vallée de l'Annapolis, où il y a beaucoup de chômeurs.
Les aider à acquérir les compétences nécessaires pour chercher un emploi est une chose, mais les qualifications professionnelles ne sont pas suffisantes en soi. Ces chômeurs ont besoin de connaissances élémentaires. Par ailleurs, avant de sortir du ghetto économique dont je parlais, beaucoup d'entre nous ont connu des situations assez difficiles. Pour certaines, ce ne sont pas que les qualifications professionnelles qui font défaut, mais aussi les connaissances élémentaires nécessaires pour obtenir un emploi, le conserver et progresser dans la vie. Nous sommes donc très partisanes de la formation des ressources humaines.
L'assurance-chômage devrait être rebaptisée, car son nom donne l'impression que nous apportons un soutien au chômage, et je ne crois pas que ce soit là l'intention du gouvernement fédéral. Le gouvernement veut soutenir l'emploi, et il serait donc peut-être préférable de parler d'assurance-emploi ou d'assurance-travail.
En tant que propriétaire d'une entreprise moi-même, j'estime que le programme devrait être totalement réaménagé. Il faudrait entre autres assurer un suivi qui fait totalement défaut dans le régime d'assurance-chômage. Il ne suffit pas de trouver des emplois pour les gens, il faut qu'il y ait un suivi. Il faut qu'il y ait une surveillance pour s'assurer que les énormes sommes d'argent engagées soient correctement utilisées. Apporter une aide financière, c'est bien, mais assurer le suivi de son utilisation, c'est encore mieux.
Bien entendu, en tant que propriétaires d'entreprises, nous considérons que le premier objectif est l'élimination du déficit, car nous savons ce qui se produirait si nous le laissions continuer à exister pendant dix ans. Nous n'aurions plus aucune décision à prendre car nous n'aurions plus d'entreprise.
Comment procéder? Nous savons comment on fait dans le secteur privé: on réduit les coûts. Comme l'un des témoins d'aujourd'hui l'a fait remarquer, je crois, le gouvernement essaie peut-être de gérer les choses de trop près. Peut-être ne devrait-il pas y avoir autant de niveaux de gouvernement.
Je vais maintenant dire quelque chose qui est un peu moins poli de ce que vous avez entendu jusqu'à présent: nous sommes peut-être surgouvernés.
Lorsque les gens me demandent ce que fait mon entreprise, je suis parfois obligée de leur répondre, «contrairement à ce que pense le gouvernement, je ne passe pas mon temps à remplir des formulaires». Dans une entreprise comme la mienne, on a autre chose à faire qu'à remplir des formulaires. Peut-être sommes-nous un peu trop gouvernés. Peut-être le gouvernement fédéral ferait-il mieux de concentrer ses efforts sur les transports, la défense et les affaires internationales. Peut-être y a-t-il trop de niveaux de gouvernement. Nous sommes vraiment surgouvernés, et ça nous coûte des milliards et des milliards de dollars.
En conclusion, je tiens encore une fois à remercier le gouvernement du soutien des programmes dispensés par l'intermédiaire de la AAWBO, car nous en sommes tous bénéficiaires. Nous croyons à l'importance de la formation. Cela nous aide énormément.
Je voudrais également mentionner une préoccupation que nos membres continuent à exprimer depuis des années à chacun de nos colloques. Les banques, et les difficultés qu'elles leur créent, sont leur principal problème. Je n'en dirai pas plus.
Le vice-président (M. Campbell): Merci beaucoup.
Je donne maintenant la parole à M. Hubley, de la Chambre de commerce de East Hants et du district.
M. David Hubley (président, Policy Committee, East Hants and District Chamber of Commerce): La Chambre de commerce de East Hants et du district regroupe des petites et moyennes entreprises très diverses, si bien que nos commentaires auront un caractère général.
En ce qui concerne l'objectif de réduction du déficit, nous voudrions que vous parveniez à éliminer complètement le déficit d'ici l'an 2000. Au taux actuel de réduction du déficit de fonctionnement, il faudra attendre 2004 avant d'atteindre le seuil de rentabilité, ce qui ajoutera 200 milliards de dollars à la dette actuelle de 500 milliards de dollars. Le déficit sera rendu à 700 milliards de dollars avant de commencer à baisser. Le niveau de réduction -
Le vice-président (M. Campbell): Permettez-moi de vous interrompre car je voudrais être sûr de bien vous comprendre. Nous avons déjà un excédent de fonctionnement. Le déficit est attribuable au service de la dette. Donc, lorsque vous parlez de -
M. Hubley: C'est exact. C'est le taux d'intérêt qui cause le déficit. D'accord. Donc, c'est l'intérêt qui fait problème.
Aujourd'hui le taux d'intérêt est plus intéressant pour les investisseurs qu'il ne l'était lorsqu'il atteignait 18 p. 100. Compte tenu de l'inflation, les investisseurs empochent plus d'argent qu'ils ne le faisaient lorsque le taux d'intérêt était de 18 p. 100. Les marges bénéficiaires sont plus élevées maintenant.
Nous proposons de réduire et d'éliminer - et je suis d'accord avec Mme Beckett - toutes les subventions gouvernementales. Débarrassez-vous-en. Lorsqu'une entreprise démarre, elle ne sait pas où vont surgir les problèmes. Si vous n'avez pas à craindre que l'aide accordée par les pouvoirs publics ne vous force à fermer boutique, cela aide.
Nous sommes entièrement d'accord avec la réduction de tous les niveaux de gouvernement.
Regroupez les services gouvernementaux afin d'éviter le double emploi et le chevauchement. C'est ce qui se produit lorsqu'il y a fusion. Aujourd'hui, même le maire se rend au Scotia Square pour essayer de convaincre les gens qu'il est le meilleur législateur pour la région. Puisque c'est la tendance actuelle, autant nous joindre aux autres et régler le problème.
Le gouvernement central doit s'en tenir aux services qu'il est le mieux en mesure d'assurer - et qu'il est sans doute le seul à pouvoir assurer efficacement. Ce n'est pas à lui de construire des parcs industriels, d'édifier une vaste infrastructure pour subventionner les entreprises. C'est le secteur privé qui peut le mieux le faire, car s'il y a un problème et si l'entreprise échoue, c'est à l'investisseur, un groupe financier d'innovation par exemple, d'assumer la responsabilité.
Le vice-président (M. Campbell): Par souci de précision, M. Hubley, pour que l'on vous comprenne bien, dans le budget de l'an dernier nous avons demandé que les subventions aux entreprises soient réduites de deux tiers, de façon progressive. C'est beaucoup.
Vous parlez d'éliminer les subventions, en plus de celles que nous avons déjà éliminées, de quoi parlez-vous exactement? Des dépenses fiscales? Des crédits et des mesures incitatives qui visent à encourager l'investissement? Des dégrèvements d'impôt pour la petite entreprise? Des crédits d'impôt à la recherche? Qu'entendez-vous par «subventions», avez-vous une idée des sommes dont nous parlons?
M. Hubley: Oui, la Voie maritime du Saint-Laurent.
Le vice-président (M. Campbell): Vous voudriez la privatiser?
M. Hubley: Oui, privatisez-la. Si les utilisateurs veulent payer pour que des brise-glace ouvrent la voie, c'est très bien. Nous avons justement un rapport sur les glaces ici. Il y en a beaucoup dans la région de l'Atlantique.
La Confédération nous a écartés de l'axe commercial nord-sud qui était établi dans l'est du Canada. On nous a fait dévier vers le centre du Canada. Le moteur de l'économie... Comme le disait M. McKenna, vous avez été trop bons pour nous, vous avez créé une dépendance. C'est la faute du gouvernement central. J'ai lu quelque part un article où l'on disait que 40 p. 100 du revenu au Canada atlantique était de source fédérale.
Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Près de 51 p. 100 du PIB de la Nouvelle-Écosse sont tirés de divers paiements fédéraux.
M. Hubley: Précisément. Nous avons plus à perdre que le centre du pays. Il faut redresser la situation. Nous nous engageons sur une voie dangereuse.
Il faut réduire le déficit et prendre certaines mesures.
Le vice-président (M. Campbell): Monsieur Hubley, vous semblez dire que nous - qui que nous soyons - avons été trop bons. De quelle façon pouvons-nous réduire une dette qui atteint maintenant un demi-milliard de dollars?
M. Hubley: Eh bien, la TPS est une taxe abusive, appliquez-la à tous les produits et services et rendez-la invisible le plus rapidement possible. Nous ne voulons pas la voir. Ramenez-la à 2 ou 3 p. 100.
Le vice-président (M. Campbell): Avez-vous une idée des recettes que produirait une taxe de 2 ou 3 p. 100, même si elle était universelle?
M. Hubley: Je ne suis pas certain, mais je crois que ce serait aux environs de -
Le vice-président (M. Campbell): La taxe produirait 4 milliards de dollars, au lieu des 14 milliards qu'elle rapporte à l'heure actuelle.
M. Hubley: Si vous percevez 2 ou 3 p. 100 sur absolument tout, quel serait le manque à gagner?
Le vice-président (M. Campbell): M. Loubier soutient qu'une taxe universelle de 2 ou 3 p. 100 rapporterait 4 milliards de dollars, au lieu des 14 ou 15 milliards de dollars que nous percevons maintenant.
Je ne connais pas la réponse. Je vous demande simplement si vous avez -
M. Hubley: Il y a bien des choses qui ne sont pas taxées, les produits alimentaires, les produits d'épicerie, tout -
Le vice-président (M. Campbell): Très bien, mais il faut que les recettes se maintiennent.
M. Hubley: Précisément.
Le vice-président (M. Campbell): D'accord. Restons-en là. Il y a toujours un demi-billion de dollars de dette parce que, d'après vous, nous avons été trop bons... entre autres raisons.
M. Hubley: C'est mauvais pour le tourisme, c'est mauvais chaque fois que vous passez à la caisse pour payer la note du déjeuner. Cela vous coûte 18,77¢.
Le vice-président (M. Campbell): Nous sommes tous d'accord à ce sujet.
M. Hubley: Très bien. Passons à autre chose.
Que diriez-vous d'un taux d'imposition uniforme? Combien cela nous permettrait-il d'économiser? Un grand nombre d'emplois disparaîtraient. C'est peut-être la voie de l'avenir -
Le vice-président (M. Campbell): D'après certains, cette mesure favoriserait les riches et constituerait une augmentation d'impôt pour tous les autres.
M. Hubley: Les riches réussissent toujours à déjouer le système de toute façon.
Il a été suggéré ce matin d'accroître l'impôt des sociétés. Si le taux d'exposition dépasse un certain niveau, vous obtiendrez la même réaction que dans le cas d'Irving Oil, qui a trouvé un paradis fiscal pour pouvoir importer ses produits et modifier le taux d'imposition en fonction du pays. Les Papiers Scott fait la même chose. Je crois que vous êtes tous au courant. Le bois d'oeuvre sort d'ici à 300 ou 400 $ du mille mais quand il arrive dans le port étranger son prix a doublé, et c'est l'étranger qui fait les profits.
On peut contourner les mesures. Il ne faut donc pas que ces mesures soient trop lourdes. Il faut faire avec ce qu'on a.
Le vice-président (M. Campbell): Monsieur Hubley, avez-vous presque terminé?
M. Hubley: Oui. J'aurais bien d'autres choses à dire, mais -
Le vice-président (M. Campbell): Si nous pouvons conclure cette séance, nous aurons le temps de -
M. Hubley: Nous négligeons les occasions d'emploi. Je crois que la situation n'est pas assez intéressante pour le secteur privé.
La criminalité nous coûte très cher. Dans notre région, il est faramineux, au point où bien des gens ne peuvent plus assurer leurs domiciles.
Le système actuel n'est pas assez rentable pour l'entrepreneur, il ne compense pas le risque et les responsabilités liés à la création d'emploi dans le secteur privé. Il nous faudrait de nouveaux emplois et de nouvelles entreprises.
Le coût des avantages sociaux des employés augmente, ainsi que les taxes à l'achat et les impôts fonciers des entreprises, et malgré tout le système gouvernemental actuel a encore besoin de plus d'argent.
Les entreprises légitimes doivent aussi soutenir la concurrence de l'économie parallèle. On me dit qu'il en coûte à peu près 1,25 $ dans le secteur privé pour fournir un service dans l'industrie du bâtiment et 75¢ seulement dans l'économie parallèle.
Le vice-président (M. Campbell): Je propose, monsieur Hubley, que nous en restions là pour l'instant. Vous pouvez revenir à certaines de ces questions lorsque nous ferons la synthèse en répondant aux questions. Il reste à nous entendre ce que M. Doak a à dire et nous avons déjà utilisé près de la moitié des deux heures que nous avons. J'aimerais que M. Doak puisse intervenir avant de donner aux membres du groupe la possibilité de discuter entre eux.
M. Hubley: Il y a des solutions dont nous n'avons pas parlé.
Le vice-président (M. Campbell): D'accord. Mettez-les en réserve pour l'instant. À mon avis, dans une heure, nous aurons bien besoin de solutions si nous n'en avons pas encore entendues.
Monsieur Doak.
Professeur Erwin Doak (Département de l'économie, Université Saint Mary's): Merci beaucoup, monsieur le président, il ne me faudra sans doute pas beaucoup de temps, parce que je n'ai pas véritablement d'exposé à présenter. J'ai essayé de prendre quelques notes en écoutant les autres participants. Beaucoup ont dit qu'ils aimeraient conserver divers programmes et que les compressions devraient épargner ceci ou cela.
J'ai comparu devant le comité en novembre dernier, à Lunenburg, et j'avais alors mis l'accent sur les frais de la dette. Vous avez à juste titre mentionné que le Parlement ne coûtait pas très cher, mais à l'autre extrémité du spectre, il y a les frais de la dette. Vous avez fait remarquer que sans ces frais, le budget serait équilibré ou nous aurions un excédent. Nous avons un déficit à cause des frais de la dette. Votre question est fort à-propos: que faire pour réduire la dette?
C'est là mon principal sujet de préoccupations depuis quelques années déjà, et j'ai tenté d'en parler au comité l'an dernier. J'ai en outre correspondu par la suite avec les membres du comité.
Je vous paraîtrai peut-être un peu radical. Je ne le suis pas. Je crois toutefois qu'il y a du vrai dans ce que l'on entend parfois au sujet de la Banque du Canada, qui devrait assumer une part un peu plus importante de notre dette. Il y a quelques années, la Banque du Canada finançait environ 20 p. 100 de la dette, mais maintenant elle n'en supporte qu'environ 4 ou 5 p. 100. Pourquoi? À mon avis, c'est parce qu'elle tente d'empêcher une trop forte création de monnaie dans le pays. C'est une question liée au système bancaire. Le secteur des banques a fait l'objet de nombreuses réformes. Je crois que le comité comprend très bien ces questions.
Le vice-président (M. Campbell): Dans l'intérêt des participants qui ne comprennent peut-être pas bien, auriez-vous l'obligeance d'expliquer pourquoi la Banque du Canada pourrait commencer à détenir une partie plus importante de la dette nationale et de quelle façon elle procéderait?
M. Doak: La Banque du Canada pourrait facilement assumer une plus grande part de la dette. La difficulté, évidemment, c'est que lorsqu'elle s'endette, les banques à charte augmentent leurs réserves, ce qui leur permet de créer plus de passif-dépôts sur les prêts.
Le vice-président (M. Campbell): Il faut créer de la monnaie pour le faire.
M. Doak: La Banque du Canada crée de la monnaie lorsqu'elle achète des obligations d'État. C'est vrai.
Le vice-président (M. Campbell): Reprenons ce chiffre approximatif de 500 milliards de dollars, une somme que nul d'entre nous ne peut vraiment se représenter. Si la Banque du Canada recommençait à assumer une plus large part de la dette, comment s'y prendrait-elle? De quelle façon pourrait-on faire passer les obligations des détenteurs actuels à la Banque du Canada? Nous devrions acheter des obligations, j'imagine, auprès de...?
M. Doak: En effet, on ne peut pas permettre à la Banque du Canada d'acheter plus de titres qu'elle n'en a à l'heure actuelle, les réserves des banques à charte augmenteront et les banques pourront créer encore plus de passif-dépôts sur les prêts.
Le vice-président (M. Campbell): De sorte que la masse monétaire entraînerait -
M. Doak: Je crois qu'il faut comprendre que la masse monétaire au Canada est essentiellement calculée en fonction des dépôts dans les banques à charte plutôt qu'en fonction de la monnaie créée par la Banque du Canada. Je ne sais pas dans quelle mesure la population le comprend, mais c'est effectivement le cas. C'est une notion de base de l'économie.
Le vice-président (M. Campbell): Mais vous êtes d'accord avec moi. Je veux dire, ces notions me dépassent, mais je comprends au moins qu'il y aurait des répercussions sur la masse monétaire du pays si la banque devait -
M. Doak: En effet, c'est exact. La banque ne peut pas prendre une telle mesure demain, dans le cadre du système actuel, parce que c'est une mesure beaucoup trop inflationniste.
Le vice-président (M. Campbell): Il y aurait donc des effets sur le plan de l'inflation?
M. Doak: Oui, en raison des répercussions sur les banques à charte.
Le vice-président (M. Campbell): Excusez-moi. Poursuivez.
M. Doak: J'ai donc, monsieur le président, entretenu une certaine correspondance avec le comité à ce sujet. Je n'ai pas de solution toute faite à proposer. Je crois que la solution doit être définie par des représentants du gouvernement, vous-même et ce comité, par exemple, et par les milieux bancaires. J'ai écrit au comité à ce sujet l'an dernier, j'ai proposé que des représentants des banques à charte réfléchissent à la façon d'améliorer ces liens. Je crois que c'est là l'une des façons dont nous pourrions réduire la dette sans détruire notre filet de sécurité sociale.
Le vice-président (M. Campbell): Très bien, merci monsieur Doak. Je vais maintenant donner la parole à Mme Skoke, qui doit nous quitter.
Mme Skoke (Central Nova): Je tiens à remercier tous ceux qui se sont présentés ici aujourd'hui. Je dois maintenant rentrer à Ottawa.
En tant que député de Central Nova, je prends bonne note de ce que vous avez dit. Je tiens à vous remercier tous d'être venus.
Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. Campbell): Reprenons, M. Doak a conclu qu'il n'y avait pas de solution toute faite à proposer. Nous n'en avons pas non plus, pas encore. On peut espérer que des séances comme celles d'aujourd'hui nous aideront à dégager des éléments de solution. Quelques bonnes idées ont déjà été présentées. Nous devrions maintenant passer à l'étape de la discussion générale, puis nous poserons des questions.
Nous avons laissé une question en suspens, un aspect mentionné par Mme McDonald. Ce serait peut-être une façon de remédier à la situation actuelle. M. Doak a parlé du rôle de la Banque du Canada, qui devrait détenir plus de titres. Mme McDonald avait auparavant mentionné les taux d'intérêt, et je lui ai demandé en quoi une modification de la politique en matière de taux d'intérêt pourrait contribuer à déduire le demi-billion de dollars de dette que nous avons. Nous pourrions peut-être commencer par une discussion sur la question des taux d'intérêt, puis élargir cette discussion.
Madame McDonald.
Mme McDonald: Je ne suis pas économiste, mais d'après le peu que j'ai lu au sujet de cette question, il me semble que selon certaines personnes si nous réduisons les taux d'intérêt réels - c'est-à-dire les taux d'intérêt actuels moins le taux d'inflation - , le coût des emprunts du gouvernement diminuerait.
Les taux d'intérêt nous coûtent très cher, mais comme la politique monétaire de la Banque Centrale du Canada consiste, dans une large mesure, à contrôler les taux d'intérêt, nous devrions pouvoir réduire nos taux d'intérêt et par conséquent, le coût de notre déficit.
Le vice-président (M. Campbell): Cette idée a déjà été soumise à d'autres tables rondes et elle revient souvent dans le cadre de nos audiences à Ottawa. J'ai de la difficulté à accepter ce raisonnement, tout comme certains membres du comité. Premièrement, il faut se demander si la Banque du Canada prend les décisions relatives au taux d'intérêt dans l'abstrait ou en fonction de facteurs internationaux. Évidemment, la banque exerce un certain contrôle sur ce qu'elle fait.
Mme McDonald: En effet.
Le vice-président (M. Campbell): Selon ce que vous dites, il suffirait de réduire les frais d'intérêt qui sont actuellement de 50 milliards par année. À mesure que les emprunts doivent être renouvelés ou que les obligations arrivent à échéance, quand quelqu'un d'autre peut acheter, nous devrions offrir un rendement inférieur; nous devrions tenter de vous vendre cette dette et vous verser un taux moins intéressant que ce que vous pourriez obtenir à l'étranger, moins de rendement que ce que vous obteniez auparavant. Qui va acheter? C'est là-dessus que je m'interroge. Qui va être titulaire de ces obligations?
Mme McDonald: Ne trouvez-vous pas que nous payons déjà un taux très élevé? Regardez les rendements élevés qu'obtiennent les investisseurs étrangers grâce aux forts taux d'intérêt du Canada. De toute évidence, nous avons des taux d'intérêt extrêmement élevés, sinon les étrangers n'achèteraient pas nos obligations. Faut-il accorder un si bon rendement aux investisseurs étrangers?
Le vice-président (M. Campbell): J'imagine que les investisseurs étrangers iraient ailleurs s'ils jugeaient que le rendement n'était pas intéressant.
Mme McDonald: Les médias font constamment état des forts taux de rendement offerts aux investisseurs étrangers. Il n'est certainement pas nécessaire de jeter l'argent par les fenêtres. Apparemment, nous le faisons dans le cadre d'une politique d'inflation faible ou nulle. Mais certains détracteurs de cette politique affirment qu'un taux d'inflation modéré est parfaitement acceptable et pourrait même contribuer à stimuler la croissance économique. J'aimerais bien entendre -
Le vice-président (M. Campbell): Je veux ajouter une chose, après quoi ceux qui le désirent pourront participer à cette discussion sur les taux d'intérêt. Je crois que c'est hier matin, à Charlottetown, que quelqu'un a fourni une réponse à cette question de savoir qui achètera des obligations si nous réduisons le rendement à échéance et qui remplacera les investisseurs étrangers qui en détiennent une importante partie même si les rendements sont moins intéressants. On nous a dit que des Canadiens patriotes devraient le faire. Nous devrions trouver une façon, et les Canadiens devraient être heureux - puisque nous pourrions ainsi, en quelque sorte, rapatrier la dette - , de recevoir un rendement inférieur à celui du marché ou des concurrents internationaux, simplement pour l'amour de l'art.
Croyez-vous qu'il y ait suffisamment de Canadiens dévoués qui seraient disposés à agir ainsi avec l'argent de leurs REER ou de leurs pensions, ou même de leurs comptes d'épargne?
Mme McDonald: Il y aura peut-être bien de nombreux patriotes canadiens qui renouvelleront l'hypothèque de leurs maisons à meilleur taux si les taux d'intérêt diminuent et simulent l'emploi et l'économie. Il y a des avantages à réduire les taux d'intérêt, il ne s'agit pas seulement de traiter avec les marchés d'investissement étranger, je crois. Nous devrions sérieusement examiner les avantages qu'offre la réduction des taux d'intérêt.
Le vice-président (M. Campbell): C'est un domaine complexe. Je vais accorder la parole à M. Loubier pour un instant, puis nous lancerons la discussion.
[Français]
Monsieur Loubier.
M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): Je pense que ce que Mme McDonald tente de nous dire - et cela avait aussi été dit l'année dernière à Lunenburg - , c'est qu'en regardant les taux d'intérêt à moyen terme des quatre ou cinq dernières années, on note une différence de cinq points de base entre ces taux d'intérêts nominaux et les taux d'intérêt américains. C'est du jamais vu par rapport à ce qu'on a vécu au cours des deux décennies précédentes.
À moyen terme, cela taxe l'économie canadienne sur deux fronts: le service de la dette, comme vous l'avez bien mis en évidence, et l'investissement à long terme des entreprises.
Lorsqu'on se retrouve, à un moment donné, avec un stock de capital vieillissant pour les entreprises et qu'on voit la différence entre les taux d'intérêt canadiens et les taux d'intérêt américains, il y a de quoi se poser des questions.
C'est certain qu'il y plusieurs facteurs, extérieurs surtout, qui contribuent à déterminer les taux d'intérêt à moyen terme. Il y a les investisseurs étrangers qui demandent un taux de rendement plus élevé, peut-être à cause de l'endettement du gouvernement fédéral, de son évolution incontrôlée et aussi du débat constitutionnel. Je mentionne ce dernier facteur pour monsieur, car je n'y crois pas personnellement.
Il est évident aussi qu'il faut suivre l'évolution des taux d'intérêt américains. Mais une fois ces deux facteurs circonscrits, il y en a un troisième qui est national, et c'est la propension de la Banque du Canada à lutter contre l'inflation. J'ai la conviction profonde qu'au cours des cinq dernières années, on a exagéré le pourcentage qu'on a ajouté aux taux de rendement demandés par les étrangers et l'influence des taux d'intérêt américains sur le taux d'intérêt canadien.
J'abonde donc dans le sens des propos que vous teniez tout à l'heure en ce qui a trait à la gestion des taux d'intérêt de la Banque du Canada à moyen terme. Il faudra qu'à l'avenir, dès qu'il y a un signe d'inflation, la Banque du Canada n'applique pas la politique de la matraque en augmentant les taux d'intérêt de façon considérable.
Il y a un autre aspect dont je voudrais traiter, si vous me le permettez, monsieur le président. On a parlé des taux d'intérêt à moyen terme, mais il y a aussi les taux d'intérêt à très court terme que la Banque du Canada contrôle à 100 p. 100. Elle peut déterminer quel sera le taux la semaine prochaine. Les taux d'intérêt à très court terme sont ceux sur lesquels je me suis concentré depuis deux ans pour faire bouger la Banque du Canada, - le gouvernement en particulier - , car leur évolution influence, dans une certaine mesure, la compétitivité des entreprises ainsi que leur propension à créer des emplois.
Je pense que c'est le problème sur lequel il faudra se pencher à l'avenir. Il ne faut pas dire qu'on n'a aucune influence sur les taux d'intérêt. On a une influence limitée sur les taux d'intérêt à moyen terme et on en a une quasi totale sur les taux d'intérêt à court terme. C'est là-dessus qu'il faut travailler.
[Traduction]
Le vice-président (M. Campbell): J'abonde dans votre sens. Nous avons tenu des tables rondes à Ottawa et, en fait, je crois qu'il y en aura une autre bientôt, et à ces occasions nous ne discutons cette question qu'entre spécialistes et économistes. C'est une question complexe. De cela, je conviens; plus nous allons et moins nous avons de contrôle.
Je voudrais maintenant demander à nos invités si quelqu'un a autre chose à dire à ce sujet. Nous aborderons aussi toute autre question au sujet de laquelle vous voudriez exposer vos idées. Il ne s'agit plus de développer ce que vous avez déjà dit, mais plutôt de réagir à ce que vous avez entendu, d'entamer un dialogue.
Oui, monsieur Hubley.
M. Hubley: Les taux d'intérêt sont directement liés à notre productivité. Si le coût de la main-d'oeuvre s'établit à 73¢ par rapport au dollar américain, c'est une donnée. Les fabricants d'automobile ont avantage à venir au Canada, parce que d'après mes informations - et reprenez-moi si j'ai tort - il en coûte environ 1 800 $ par automobile en frais d'assurance santé aux États-Unis. Il est rentable pour les fabricants d'installer les usines au Canada.
M. Pillitteri (Niagara Falls): C'est 5 $ de l'heure.
M. Hubley: C'est considérable. Nous sommes à la merci des marchés internationaux. Aujourd'hui, nous allons pouvoir commencer à en tirer profit, grâce à l'Internet et au Worldwide Web, certaines perspectives se dessinent -
Je crois que la Banque Bayshore offre des hypothèques, des prêts aux entreprises, toute une gamme de produits. Vous pourrez obtenir une hypothèque résidentielle au meilleur prix au Texas, en Bolivie - n'importe où dans le monde. Les systèmes de protection des codes et des autres informations ne sont pas encore au point, sinon les grandes banques seraient déjà sur ce marché. Et elles y viendront. Il faudra qu'elles le fassent. Les taux d'intérêt présentent des anomalies étranges. Je crois que la Banque du Japon a adopté un taux de 0,5 p. 100. Est-ce exact?
Le vice-président (M. Campbell): Ce n'est pas de notre ressort.
M. Hubley: Cela donne à réfléchir. Le Japon a fait beaucoup d'argent, et cela grâce au processus de GQT de Deming, à la gestion de la qualité totale, que les Américains ont rejetée il y a des années. Mais aujourd'hui, ils y viennent aussi. J'ai mentionné l'existence de la bande vidéo à l'une des entreprises de notre groupe, et elle aussi, elle s'y met. La National Gypsum s'y met. C'est ce que nous devons faire. Nous devons améliorer notre gestion de la qualité.
J'en ai parlé et j'ai écrit une lettre au sujet du salaire minimum. Le salaire minimum est un mythe. Tous ceux qui ont du coeur au ventre touchent le double du salaire minimum dès le départ. C'est un mythe parce que c'est un point d'entrée. Si l'on veut offrir ses services... Quand j'enseigne à de jeunes entrepreneurs, c'est ce que je leur dis: «Allez-y et travaillez gratuitement». Offrez vos services gratuitement, et on vous regardera en se disant «Ce jeune, je vais quand même lui donner quelque chose». Ainsi, les jeunes adoptent vis-à-vis du travail une attitude qui leur rapportera.
Nous devons commencer par les jeunes. Nous avons une génération de retard. Malheureusement, le problème est très réel et il nous faudra une génération pour le régler.
Le vice-président (M. Campbell): Arrêtons-nous ici, monsieur Hubley, et passons à quelques-unes des autres questions discutées ce matin. Oublions un peu les taux d'intérêt et la productivité pour examiner les aspects humains dont vous avez tous parlé précédemment.
Monsieur Little.
M. Little: J'ai remarqué que les discussions semblaient prendre deux directions différentes, d'après le côté de la salle où l'on se trouve.
Je reviens à ma question. Il y a des Canadiens qui ont très peur, un groupe de personnes qui vivent en marge de la société. Leurs chèques d'aide sociale ont déjà été réduits. Ces personnes regardent ce qui se passent en Ontario et elles se demandent à quoi elles doivent s'attendre. Je crois que nous avons déjà assisté à des discussions musclées à ce sujet.
Puisque nous devons réduire le déficit, puisque nous devons utiliser notre argent mieux que par le passé, de quelle façon devons-nous nous y prendre pour que les fonds soient remis directement à ceux qui en ont le plus besoin? C'est mon souci. Je ne conteste pas nécessairement l'hypothèse du comité, la dette doit être réduite, quelle que soit son origine et qu'on utilise les taux d'intérêt ou d'autres mesures à cette fin. Nous avons une énorme dette. Il faut la rembourser.
Je tiens toutefois à ce que, pendant que nous payons cette dette, l'argent que le gouvernement consacre à l'aide aux personnes qui en ont le plus besoin aille directement à ces personnes et soit utilisé de façon optimale. À l'heure actuelle, cette question ne reçoit aucune attention véritable. Les nombreuses compressions sont imposées avec une précision chirurgicale: nous allons enlever 10 p. 100 ici et 5 p. 100 là, etc.
J'aimerais que l'on adopte une formule quelconque de revenu annuel garanti. Cela permet au moins de fixer un objectif, et le gouvernement peut décréter que le niveau de pauvreté correspond à une certaine somme et qu'aucun Canadien n'aura un revenu inférieur à ce montant. Le gouvernement fixe cet objectif, et tous les Canadiens, quel que soit le programme qui s'applique à eux, ne tomberont pas au-dessous de ce niveau. Une telle mesure, à mon avis, donnerait aux Canadiens un certain sentiment de sécurité malgré toutes les réductions, chacun saurait au moins que son revenu ne chuterait pas au-dessous de ce niveau.
À l'heure actuelle, il règne un climat d'angoisse, de peur. Je ne veux pas faire le procès de l'Ontario, mais il suffit de voir ce qui s'y passe pour reconnaître le bien-fondé de ces craintes.
Le vice-président (M. Campbell): Vous fermeriez toute une gamme -
M. Little: Oui, mais nous pouvons tous nous abriter derrière le fait que nous ne sommes pas économistes. Je ne suis pas économiste. Mais en effet, c'est ce que je pense.
Mme McDonald: Je crois que le comité pourrait présenter quelques recommandations fermes sur une autre question, soit la façon dont la formule du TCSPS sera appliquée. Dans le cadre du RAPC, où les coûts sont assumés à part égale, l'avantage est que si les coûts augmentent en période de ralentissement économique et qu'il faut augmenter les budgets de l'aide sociale, la formule du RAPC tient compte de cette augmentation des coûts au niveau provincial.
Selon ce qui est proposé en vertu du TCSPS, ce sont les tendances de la croissance économique qui donneront le ton. Par conséquent, lorsque l'économie ralentira, le montant mis à la disposition des provinces diminuera. C'est pourtant dans ces circonstances qu'il faudrait plus d'argent aux provinces pour répondre aux besoins des Canadiens ordinaires grâce à l'aide sociale.
Je comprends peut-être mal le problème. J'ai lu une question sur le visage d'un des participants. Mais il me semble que -
Le vice-président (M. Campbell): C'est le recherchiste. Il a toujours des questions - et des réponses.
Mme McDonald: Oh, je vois. Il peut peut-être m'aider alors.
La santé et l'éducation représentent des coûts relativement stables, prévisibles, mais il est impossible de prévoir le coût de l'aide sociale en période de ralentissement économique. Il est donc ridicule d'appliquer le même type de formule de financement à l'aide sociale qu'à la santé et à l'éducation. Je suis certaine qu'on a déjà attiré votre attention sur ce point par le passé, mais je crois qu'il faut le faire valoir, en particulier dans une région comme le Canada atlantique. Les coûts de l'aide sociale vont augmenter, et j'entends par là non seulement les coûts des programmes directs d'aide au revenu, mais aussi l'aide juridique et la protection de l'enfance. Il faut étudier les questions sous un angle différent.
Évidemment, Linda a déjà soulevé la question des normes nationales et de l'absence de normes nationales. Ce n'est pas que les gouvernements provinciaux sont peu soucieux des besoins des Canadiens ordinaires - je crois qu'ils le sont - , mais quand l'argent se fait rare, il est fort tentant de détourner une partie des fonds pour réduire le déficit provincial, subventionner les transports, ou pour d'autres raisons, et les assemblées législatives provinciales seront soumises à de fortes pressions. Faute de normes nationales, je crois que nous pourrions éprouver de sérieuses difficultés et que les programmes sociaux seront fort disparates au pays.
M. Doak: Puisque nous parlons de tenter de maintenir les programmes sociaux, je remarque qu'en 1989 et en 1990, le Régime d'assistance publique du Canada nous a coûté environ 4,5 milliards de dollars.
L'an dernier, j'ai signalé au comité que si la Banque du Canada avait détenu 20 p. 100 de notre dette, le gouvernement aurait pu payer 4 milliards de dollars de moins au titre du service de la dette.
Ce sont des chiffres qui illustrent les liens entre le service de la dette, la façon de réduire ce poste, et le maintien des programmes sociaux.
Monsieur le président, vous demandiez qui allait prêter cet argent si nous réduisons les taux d'intérêt. La Banque du Canada le fera, parce qu'elle n'a besoin d'aucun encouragement pour acheter des obligations. L'an dernier, je crois qu'elle a reçu 2 milliards de dollars en intérêts sur la dette et qu'elle a simplement remis cet argent au gouvernement. Elle l'a remis au Trésor. Elle n'a donc pas besoin d'encouragement pour détenir une partie de la dette. C'est pourquoi la Banque du Canada est à toutes fins utiles une source de financement gratuit pour le gouvernement.
Le vice-président (M. Campbell): Commençons la nouvelle ronde. Je crois que M. Loubier et M. Doak discuteront de ce sujet après la séance, mais je ne veux pas que le groupe s'attarde plus longtemps sur cette question. Nous avons bien d'autres questions pressantes à examiner. Je veux entre autres - et je vais m'adresser aux autres députés ici présents dans un moment - parler de quelques aspects auxquels vous avez fait allusion mais qui n'ont pas été discutés: si, en tant que nation et que société, nous ne pouvons accepter d'autres réductions des programmes sociaux, des programmes que nombre d'entre vous venez défendre ici, où trouverons-nous les fonds nécessaires pour maintenir ces programmes, compte tenu de l'énorme dette que nous supportons et des intérêts que nous payons chaque année?
Je veux préciser quelque chose, puis vous demander de réfléchir à cette question.
Dans votre exposé, Mme McDonald, je crois que vous avez dit quelque chose que vous ne pensiez pas. Dans votre exposé et dans votre mémoire - et vous touchez là à l'essentiel - vous dites que nous devrions instaurer un système d'imposition équitable et progressif en vertu duquel les personnes à revenu élevé et les grandes sociétés seraient imposées. Vous voulez dire qu'elles seraient imposées plus lourdement.
Mme McDonald: En fait, il y a quelques très grandes sociétés qui ne paient aucun impôt. Nous en entendons constamment parler.
Le vice-président (M. Campbell): Savez-vous pourquoi?
Mme McDonald: J'imagine que c'est parce que ces sociétés bénéficient de mesures d'incitation ou de subventions. Je ne comprends pas suffisamment bien la structure de l'impôt des sociétés pour pouvoir analyser leur situation fiscale, mais il y a de nombreux... Je ne parle pas de la petite entreprise; je parle des grandes sociétés rentables qui ne versent pas leur juste part d'impôt.
Le vice-président (M. Campbell): Avez-vous une idée de ce que cette juste part serait?
Mme McDonald: Je sais que le pourcentage des recettes que le gouvernement fédéral tire de l'impôt des sociétés a considérablement diminué au cours des 15 ou 20 dernières années, et qu'il n'est plus que d'environ 8 p. 100 -
Le vice-président (M. Campbell): Sans entrer dans des détails statistiques, je crois qu'il est juste de dire que si vous comparez l'impôt sur le revenu des sociétés à l'ensemble des recettes provenant de l'impôt des particuliers, il y a une différence. Les gens d'affaires vous le diront, comme ils nous l'ont dit - M. Hubley le confirmera sans doute - , il faut tenir compte non seulement de l'impôt sur le revenu, mais aussi des impôts fonciers, de l'impôt sur le capital et des charges sociales. La situation se présente alors sous un jour bien différent.
Mme McDonald: Prenez l'exemple de la Banque Royale du Canada... Les banques à charte ont inscrit des profits records, ce qui les a, je crois, placés dans une situation embarrassante parce que les médias ont concentré leur attention sur elles à la suite de ces annonces. Mais elles se contentent de rougir un peu et ne font rien de plus, je crois.
Le vice-président (M. Campbell): À cet égard - et nous en venons maintenant à parler de tous les secteurs de l'impôt, que nous souhaitons sans doute tous discuter - , les médias n'affichent à la une que les profits. Ils indiquent rarement le montant des impôts payés par ces institutions. Nous avons pris des mesures dans le cadre du dernier budget pour accroître ce fardeau, mais n'oubliez pas que les grands titres que vous lisez sont toujours au sujet des résultats du troisième trimestre des résultats annuels. L'article que vous lisez ne fait pas nécessairement mention des impôts. Je ne voudrais pas que vous sortiez d'ici en pensant que les banques qui affichent des profits comme ceux là ne paient aucun impôt.
Je veux aussi répondre à l'un des points soulevés par Mme McDonald en signalant que les déclarants à l'impôt sur le revenu qui se trouvent dans la première tranche de 10 p. 100 contribuent pour plus de 50 p. 100 au total des recettes fiscales. Les déclarants de la dernière tranche de 10 p. 100 ne paient aucun impôt. L'autre moitié des recettes fiscales provient donc des déclarants qui se trouvent entre ces deux tranches. Ceux qui se trouvent dans la première tranche de 10 p. 100 déclarent un tiers du revenu imposable, mais ils paient plus de 50 p. 100 du total des impôts. Ils sont en droit de faire valoir qu'ils paient non seulement leur juste part mais plus que leur juste part.
J'ai mentionné ce matin que, où que nous allions, quoi que nous entendions, je n'ai jamais rencontré un Canadien qui pensait qu'il n'avait pas déjà versé trop d'impôt.
Je rappelle tous ces points simplement pour susciter la discussion. Avez-vous d'autres questions ou des commentaires? Monsieur Loubier.
[Français]
M. Loubier: Monsieur le président, j'apporterai une précision avant de poser ma question à M. Doak. La fiscalité des entreprises doit être réexaminée. Je pense qu'on ne le répétera jamais assez. Un professeur de l'Université du Québec et un autre de l'Université de Montréal ont fait ensemble une étude l'année dernière. La date et les noms m'échappent, mais je pourrai vous les fournir. Ils ont étudié l'évolution et les revenus d'une centaine d'entreprises canadiennes, je crois, et se sont aperçus que, même si le taux affiché de taxation pour les entreprises canadiennes est de 40 p. 100, la plupart d'entre elles ne paient que 22 p. 100 à cause des échappatoires fiscales. De plus, environ 50 p. 100 des gens de l'échantillon retenu par les deux professeurs déclaraient payer moins de 12 p. 100 d'impôts sur les revenus de leur entreprise. C'est une réalité inquiétante. Cela veut dire que la fiscalité des entreprises est pleine d'échappatoires.
L'autre aspect que j'aimerais soulever ici afin d'enrayer la fausse illusion qu'on n'a pas de problèmes de fiscalité a trait à la catégorie des très hauts revenus, probablement des gens qui reçoivent des dividendes des actions d'entreprises canadiennes. Par très hauts revenus, j'entends des revenus de 180 000 $ à 200 000 $ et plus. Quand on examine la structure des impôts payés par ces gens-là, on s'aperçoit que le taux qu'ils paient en réalité diminue, selon un professeur de l'Université de Toronto ou de l'Université Queen's. Il diminue de façon assez considérable, surtout quand le revenu atteint 250 000 $, 300 000 $ ou 350 000 $. Bref, il semble y avoir là aussi un problème de justice dans le domaine de la fiscalité.
Je vous rappellerai qu'en 1992, le Rapport du vérificateur général faisait état de l'existence de paradis fiscaux. Il disait qu'il y avait 16 milliards de dollars qui transitaient dans des pays comme les Bermudes ou d'autres pays des Caraïbes où le taux de taxation sur les revenus est très faible, sinon inexistant. C'est tout une somme qui échappait déjà au fisc canadien en 1992.
En ce qui a trait aux grandes banques canadiennes, et Mme McDonald en a parlé plus tôt, est-il normal que les cinq grandes banques canadiennes aient 50 filiales uniquement dans la région des Caraïbes? Je le répète depuis environ trois mois parce que ça me révolte. Il y a de quoi s'interroger. Y a-t-il beaucoup plus d'épargnants dans les Caraïbes qu'au Canada et qu'aux États-Unis ensemble? Il y a là quelque chose d'anormal. Quand vous vous penchez sur le problème, vous constatez que certains pays des Caraïbes sont considérés comme de véritables passoires sur le plan fiscal. Pour ma part, je suis persuadé que les banques canadiennes, de même que certaines grandes entreprises canadiennes, ne font pas leur devoir de citoyennes corporatives.
[Traduction]
Le vice-président (M. Campbell): Nos vues ne divergent pas nécessairement. Je laissais simplement entendre que si l'on lit les grands titres au sujet des profits, il faut se poser d'autres questions. Les banques ont-elles payé des impôts ou ont-elles agi comme le prétend ou le soupçonne M. Loubier? Les grands titres au sujet des profits ne donnent pas tout le contexte. C'est tout. Je ne crois donc pas que nous soyons en désaccord.
[Français]
M. Loubier: Je suggère donc que le comité recommande qu'on analyse cette situation. On vous le dit depuis deux ans. Le comité n'a pas écrit une ligne là-dessus dans son rapport. À un moment donné, il va falloir être sérieux. Ou bien vous acceptez mon analyse, celle du Bloc, de l'Opposition officielle, et vous en tenez compte, ou bien vous ne l'acceptez pas et vous nous le dites ouvertement et publiquement. Il y a une différence entre les deux attitudes.
Mme McDonald nous a recommandé de nous pencher sur la fiscalité des entreprises, mais pas de façon superficielle comme nous l'avons fait l'année dernière.
Voici ma question pour M. Doak. Je n'ai pas bien compris, plus tôt, le mécanisme... J'ai fait beaucoup de macro-économie, ce que j'aimais beaucoup d'ailleurs. Vous dites que la Banque du Canada doit baisser les taux d'intérêt et détenir probablement moins de bons du Trésor qu'elle n'en détient de façon à accaparer une plus grande partie de la dette. Pour accaparer une plus grande partie de la dette, elle devrait fabriquer de la monnaie afin de l'acheter.
Si elle fabrique de la monnaie, l'influence à la baisse sur les taux d'intérêt que vous souhaitez n'est plus possible, parce qu'en fabriquant de la monnaie, on fait chuter le dollar. Si le dollar canadien chute, la seule façon de le faire remonter est d'augmenter les taux d'intérêt. Donc, l'effet visé par la baisse des taux d'intérêt ne tient plus. Si la Banque du Canada absorbe une plus grande part de la dette canadienne, elle doit fabriquer plus de monnaie. Cette monnaie se retrouve alors en surplus sur le marché monétaire, sa valeur chute et les taux d'intérêt doivent augmenter. Par conséquent, vous venez d'annuler votre mesure, à moins que je ne comprenne pas la façon dont vous nous présentez votre analyse. Il me semble qu'il y a une contradiction dans ce que vous avez présenté.
[Traduction]
M. Doak: Je répondais simplement à la question du président, qui demandait qui accepterait de détenir la dette fédérale au Canada si nous voulions tenter de la reprendre aux étrangers. Je crois que c'est la façon dont j'ai interprété votre question.
Le vice-président (M. Campbell): Il y a deux éléments, celui que vous avez soulevé et celui auquel M. Loubier a fait allusion.
M. Doak: Si nous réduisons les taux d'intérêt, qui supportera la dette? J'ai tout simplement dit sur ce point que la Banque du Canada se préoccupe peu du taux d'intérêt, qu'il soit faible ou élevé. Il n'est pas nécessaire de fixer un taux pour intéresser la banque à la dette. La banque détiendra des obligations de toute façon. D'autres facteurs entrent en jeu. La Banque du Canada n'a pas d'intérêt propre à défendre. Elle ne se soucie pas du rendement de l'argent qu'elle prête au gouvernement, parce qu'elle se contente de remettre au gouvernement l'argent ainsi gagné. C'est tout ce que je disais.
On a demandé qui allait détenir la dette si ce n'est les non-résidents, et j'ai répondu la Banque du Canada.
[Français]
M. Loubier: Monsieur Doak, la Banque du Canada a autant intérêt que n'importe quel détenteur de titres canadiens à détenir des titres à haut rendement puisqu'elle est prêteur de dernier recours pour les banques à charte, par exemple. Son taux d'intérêt doit être assez compétitif pour qu'elle puisse s'acquitter de son rôle de prêteur de dernier recours.
À un moment donné, si la Banque du Canada acceptait un taux moindre et réussissait à baisser le taux à moyen terme sur le marché en achetant une partie de la dette canadienne, le dollar canadien chuterait. Ça, c'est une loi mathématique. Elle est obligée d'augmenter le taux d'intérêt pour relever le dollar canadien; elle est obligée de tenir compte du fait qu'elle doit avoir un rendement suffisant sur les capitaux qu'elle détient pour s'acquitter de son rôle de prêteur de dernier recours. Comment concilier tout cela?
[Traduction]
M. Doak: Non. Je soutiens que la Banque du Canada ne fonctionne pas comme une banque à charte. Elle ne cherche pas à optimiser le profit. Elle retient simplement du rendement des obligations les fonds nécessaires pour payer ses frais d'administration. Elle remet le reste au gouvernement du Canada. C'est pourquoi je souhaite que la Banque du Canada soit titulaire d'un plus grand nombre de nos obligations; c'est une source de financement gratuit.
Vous élargissez la discussion aux facteurs qui influent sur les taux d'intérêt et l'économie, des choses de ce genre. Je ne voulais pas aborder ces aspects complexes, et mes observations n'en tiennent absolument pas compte. Je voulais simplement signaler quelque chose de très simple. Je conviens avec vous que ces questions sont complexes, qu'elles méritent une réflexion et une analyse beaucoup plus poussées que ce que j'y ai consacré.
Je le répète, je réponds simplement à la question du président, qui voulait savoir qui serait détenteur de la dette, de quelle façon nous pouvons réduire la dette, de quelle façon nous pouvons réduire le service de la dette au pays. Je maintiens que nous pouvons le faire par l'entremise de la Banque du Canada. Mais la Banque du Canada hésite à détenir une part plus importante de la dette parce qu'elle sait que cela aura un effet inflationniste et parce que les banques à charte sont celles qui créent la monnaie.
Certes, les banques à charte font notre admiration. Nous voulons continuer à les admirer. Je crois toutefois que nous devons leur faire comprendre que nous avons un problème lié à la création de dette monétaire. Si nous mettons tous l'épaule à la roue, je crois que nous pouvons remédier à la situation.
Je crois que je vais m'arrêter ici.
Le vice-président (M. Campbell): Qui aurait pu croire, en regardant la liste de nos participants, que nous en arriverions à une discussion très technique au sujet de la Banque du Canada et des taux d'intérêt? Je m'attendais vraiment à ce que nous penchions sur toute autre chose.
Je vais maintenant donner la parole à M. Pillitteri.
M. Pillitteri: Merci, monsieur le président. Je dois vous féliciter de la façon dont vous présidez le comité. Vous donnez des chiffres au sujet de la dette, vous parlez de 500 milliards. En toute honnêteté, nous pourrions affirmer aux participants que nous avons déjà réglé une partie du problème qui est équivalent à environ 70 milliards de dollars, parce que la dette atteint maintenant environ 570 milliards de dollars, plutôt que 500 milliards de dollars.
Le vice-président (M. Campbell): J'ai arrondi vers le bas. Je suis désolé, je ne voulais pas vous induire en erreur. Je craignais d'effrayer les gens en arrondissant vers le haut.
M. Pillitteri: Pour répondre à M. Doak, lorsque nous rencontrons le gouverneur de la banque, nous devrions l'informer... Nous devrions lui demander non pas comme un témoin mais plutôt comme un participant, de combien d'argent la Banque du Canada dispose, pour avoir une meilleure idée de la situation.
Ce matin, M. Little a affirmé qu'il était grand temps d'instaurer le revenu annuel garanti.
J'espère que vous vous rendez compte, M. Little, que c'est là un projet dispendieux. Qui en assumera les coûts? Est-ce que l'on va s'inspirer de certaines expériences qui se sont déroulées dans l'ouest du Canada - je crois que c'était au Manitoba - et dans certaines régions des États-Unis?
Je ne crois pas que l'heure est venue. Je crois que cette heure a passé il y a longtemps, il est trop tard pour instaurer un revenu garanti. Cela dit, un tel système ne se distingue guère du régime d'aide sociale en place à l'heure actuelle au Canada. Une fois qu'on a éliminé l'incitation à travailler, un régime de revenu garanti ne fait que créer un niveau supérieur, plus coûteux, qui s'ajoute au niveau de l'aide sociale que nous avons aujourd'hui.
Je veux poser une question à Mme McDonald.
On semble avoir des idées préconçues au sujet des sociétés et de leurs profits. On semble penser qu'elles ne paient pas leur juste part d'impôt, en particulier les banques. Puis-je vous poser une question? Qui est propriétaire des banques dans notre pays, qui en retire les plus grands profits...? On prétend que les banques ne versent pas leur juste part d'impôts. Qui possède les banques à charte au Canada? En avez-vous la moindre idée?
Mme McDonald: De toute évidence, ce sont les actionnaires qui sont propriétaires des banques, mais si nous essayons d'expliquer pourquoi les banques font d'énormes profits, c'est parce que les taux d'intérêt sont plus élevés qu'ils ne le devraient. Ainsi nous payons plus qu'il ne faut, beaucoup plus qu'on le devrait, en termes d'intérêt sur la dette, de taux élevés sur nos prêts et nos hypothèques, de nos difficultés - à nous, particuliers et aux propriétaires d'entreprises - à obtenir du crédit. Alors, avec un certain recul, nous découvrons que les banques font des profits record et ont des taux d'imposition des plus modestes.
J'ai vu récemment des chiffres indiquant que la Banque Royale n'avait payé aucun impôt lors d'un récent exercice financier.
M. Pillitteri: Ils n'ont payé aucun impôt, c'est vrai.
Mme McDonald: Je pense que cela crée dans le public le sentiment que nous ne disposons pas d'un système fiscal équitable et progressif; c'est-à-dire qu'en réalité, il devient moins efficace et moins progressif.
Je pense que les gens, partout au pays, ne croient pas que les contribuables à bas revenu et à revenu moyen devraient payer plus d'impôt, mais presque tout le monde pense que les gens bien nantis et les sociétés devraient en payer plus.
M. Pillitteri: Laissez-moi vous dire quelque chose. L'année dernière, nous avons tenu une table ronde sur les fonds de pension. À ma très grande surprise, j'ai découvert qu'un fonds de pension de travailleurs syndiqués détenait plus de 8 p. 100 des actions de tous les établissements bancaires. Il s'agit là de personnes qui gagnent environ 30 000 $ par an. Ce sont eux qui sont propriétaires des banques.
Mme McDonald: Mais ce sont des placements.
M. Pillitteri: De l'argent placé par des travailleurs.
Pas des investissements... de l'épargne. Les Canadiens épargnent de 4 à 8 p. 100 de leur revenu. Les fonds de pension sont à eux seuls propriétaires de 8 p. 100 des banques.
Mme McDonald: Mais il est intéressant de voir ce qui se passe quand le profit réalisé sur les fonds de pension est sensiblement au-dessus des chiffres actuariels. Voyez aussi ce qui se passe dans les universités ici à Halifax ... Je siège au conseil d'administration de l'une de ces universités. Nous allons organiser une réunion spéciale sur le régime de pensions parce que si le fonds de pension réalise des bénéfices en vertu de la plupart des régimes, c'est l'employeur qui finit par encaisser les profits. De plus, lorsque les taux d'intérêt sont plus élevés que ceux auxquels on s'attendait, des profits énormes s'accumulent.
M. Pillitteri: Les administrateurs de fonds de pension engagent des économistes et des investisseurs pour que leur capital soit investi dans les secteurs les plus rentables, y compris à l'extérieur du Canada.
Mme McDonald: Mais ce que je veux dire bien sûr, c'est que si les administrateurs de fonds de pension ont raison d'investir dans les banques, c'est pour les Canadiens ordinaires, mais cet argent ne revient pas nécessairement aux titulaires de pensions. Je suis moi-même dans une situation, à l'heure actuelle, où il se peut fort bien que ce soit en réalité l'employeur qui récolte les bénéfices, au-delà du rendement de ses investissements ou des profits que les calculs actuariels leur faisaient entrevoir.
Le vice-président (M. Campbell): Je ne pense pas que nous voulons nous engager sur cette voie-là du tout. C'est une proposition bien fragile que vous venez de faire pour, en quelque sorte, échapper à la discussion. En fait, les principaux régimes de pension détiennent entre 40 et 50 p. 100 des actions des banques à charte.
Vous avez parlé de la Banque Royale. La Caisse de dépôt et de placement du Québec détient 3 p. 100 des actions de la Banque Royale. Les enseignants ontariens en détiennent plus que 4,1 p. 100.
Un représentant des employés municipaux de l'Ontario est venu témoigner ici l'autre jour. Il nous a dit qu'ils détiennent une fraction importante - au moins équivalente - des actions des diverses banques de la province. Il a émis l'idée que chaque pour cent d'augmentation de taxe pour une entité comme une banque ou une grande société avait de grandes répercussions sur la capacité de payer la pension de leurs employés - les études actuarielles dont vous parliez tout à l'heure. Je suppose que nous ne sommes pas en position de nous demander s'ils gagnent plus ou moins que prévu, mais ils ont de toute évidence exposé clairement ce qui se produirait si leurs profits étaient moindres que ceux qu'ils l'escomptaient. Cela aurait donc un effet dévastateur sur les employés municipaux de l'Ontario dont le salaire moyen est de 30 000 $ et pour qui ces bénéfices correspondent à des économies et à des prestations de retraite.
Tout cela pour dire que tout ce que nous faisons, comme couper dans les programmes sociaux et, de la même façon, augmenter les impôts, a des répercussions. C'est un des problèmes que nous affrontons en tant que commission et que gouvernement.
Je donnerai maintenant la parole au révérend Little et ensuite, à M. Solberg.
M. Little: Je voudrais simplement répondre brièvement aux commentaires qui viennent d'être faits.
En ce qui concerne le revenu annuel garanti, il y a eu des projets pilotes et autres initiatives et on en a prôné les mérites. Ce que je comprends, c'est que cette mesure n'est pas seulement préconisée par les gens de gauche, mais également par bon nombre de gens de droite.
Dans le rapport Macdonald, M. Donald Macdonald qui a introduit les recommandations sur le libre-échange, a également déclaré que si l'on adoptait ce régime au pays et si l'on s'engageait, dans certains secteurs déterminés entre provinces et entre pays, sur la voie des échanges commerciaux illimités, on aurait besoin d'une sorte de filet de sécurité pour protéger ceux qui en seraient victimes.
Je ne vois pas le revenu annuel garanti comme une allocation tellement exorbitante qu'elle inciterait les gens à ne plus travailler. Il s'agit seulement de fournir aux gens un montant d'argent décent - et réaliste, au sens où on peut se le payer - pour qu'ils ne tombent pas sous le seuil de pauvreté. Je ne parle pas de garantir aux Canadiens un revenu annuel de 35 000 $ ou une somme approchante. Ce que je dis, c'est que nous devrions avoir au Canada un mécanisme quelconque qui assure un revenu stable à toute la population pour que les gens ne descendent pas au-dessous du seuil de pauvreté. On peut parler de crise dans un pays à partir du moment où les enfants - et il y en a beaucoup au Canada - vivent sous le seuil de pauvreté. Les femmes aussi vivent sous le seuil de pauvreté.
Les coupes que vous envisagez créent beaucoup d'anxiété et il me semble que vous pourriez rassurer bien des Canadiens en leur promettant que personne, en ce pays, ne se retrouvera sous le seuil de pauvreté. Et il me semble que ce serait une façon de cibler ces restrictions que vous faites pour qu'elles ne s'attaquent pas directement aux moins bien nantis. Voilà qu'elle était ma recommandation.
Le vice-président (M. Campbell): Vous avez mentionné qu'il y a même des gens à l'autre bout du spectre politique qui sont d'accord. Nous en avons un ici, M. Solberg, qui aimerait peut-être réagir à votre proposition et poser d'autres questions.
M. Solberg (Medicine Hat): Je vous remercie, monsieur le président.
Je peux certainement comprendre les avantages qu'offrirait un revenu annuel garanti parce que je pense que tout le monde s'entend pour dire que, quand on a différents programmes, le fardeau administratif est lourd et dispendieux. Mais l'idée de prendre des programmes qui s'appliquent à l'heure actuelle aux 20 p. 100 de Canadiens les plus pauvres et de les rendre accessibles à toutes les familles canadiennes entraînerait naturellement une escalade des coûts sans précédent. Je me demande si vous avez tenté de déterminer ce que coûterait un tel régime. D'abord, à combien s'élèverait ce revenu annuel garanti, et combien coûterait-il si on l'appliquait à la totalité des ménages canadiens?
M. Little: En premier lieu, je dois dire que je n'ai pas un grand nombre d'études sous la main. Je n'arrive pas à me souvenir...
Je vous ai peut-être mal compris. Quand je dis «revenu annuel garanti», vous affirmez à nouveau que les services seraient offerts à toute la population canadienne. À mon sens, un revenu annuel garanti serait offert à tous ceux qui sont sur le point de tomber sous le seuil de la pauvreté. Il me semble que si vous garantissiez un tel revenu, je n'en tirerais guère d'avantage en tant que membre de la classe moyenne du Canada. Je n'en bénéficierais pas plus que vous, qui êtes député et qui gagnez un salaire, pas plus qu'un sénateur ou un administrateur de société. Il me semble que ce revenu garanti ne viserait que le bas de l'échelle des revenus.
M. Solberg: Écoutez... Je ne veux pas trop m'éterniser sur ce point-là, mais j'ai vu des modèles où ce droit s'appliquerait d'un seul coup à tout le monde, et où toutes les autres sources de revenus venaient s'y ajouter. Si ce qu'on vise consiste au contraire à s'adresser à la tranche la plus pauvre de la population, on propose quelque chose qui existe déjà: les allocations sociales ciblées.
M. Little: Ça me semble être, en quelque sorte, du rapiéçage.
M. Solberg: C'est du rapiéçage, mais il y a une autre question qui va comme un gant à ce contexte: que feriez-vous pour éliminer le problème du risque moral avec un programme comme celui-là? C'est le dilemme que nous posent les programmes actuels, et il me semble qu'il s'agisse là du problème le plus important. Lorsque les gens disposent d'un revenu annuel garanti, quelle peut bien être leur motivation à trouver un emploi par la suite?
M. Little: Vous soulevez un bon point et je serais prêt, contrairement peut-être à certains d'entre nous, à demander à ceux qui touchent des prestations d'aide sociale - du moins, à ceux qui n'ont pas de garde d'enfants - de donner quelque chose en retour à la société quand ils trouvent du travail, ou quelque chose comme ça.
J'ajouterai toutefois que l'idée d'acculer les gens à la pauvreté n'est pas le meilleur moyen de les motiver à travailler. Ça ne fonctionne pas. Ceux qui travaillent dans des programmes comme les banques d'alimentation, auxquelles notre église apporte son soutien, à des programmes comme Parents et jeunes enfants, qui sont destinés aux personnes qui sont en bas de l'échelle sociale, pourraient vous dire d'expérience que si vous amenez les gens sous le seuil de la pauvreté en éliminant notre système d'aide sociale ou en l'amputant, vous ne les amenez pas pour autant à chercher du travail. Beaucoup de ces personnes seront acculées au désespoir, tout simplement parce qu'elles n'ont pas les compétences voulues, etc.
Il me paraît difficile de soutenir que plus on prive les gens, plus ils travailleront dur.
M. Solberg: Je voudrais juste aborder la question des impôts. Nous avons entendu de nombreuses déclarations sur les impôts: qui devrait être imposé, qui paie des impôts et bien d'autres choses encore. Je ne pense pas qu'il s'agisse là de quelque chose de très compliqué mais il est important d'imaginer ce qui se produit lorsqu'on impose une société ou un particulier. Parlons d'abord des sociétés.
Les sociétés sont, en fin de compte, composées de personnes. Elles sont constituées d'employés et d'actionnaires. Naturellement, il y a aussi les consommateurs. Quels que soient les impôts qu'on applique, il semble à mes yeux qu'elles prennent trois voies différentes ou, en d'autres termes, qu'elles aient trois genres de répercussions. Ou bien elles sont absorbées par les actionnaires qui ont des profits moins élevés; ou bien elles entraînent des compressions dans les dépenses qui signifient au bout du compte la mise à pied de certains travailleurs, ce qui ne contribue naturellement pas à la croissance économique; ou encore elles amènent l'entreprise à quitter le pays, un phénomène que nous avons constaté ces dernières années.
Nous avons vu des entreprises quitter le pays. Quand on leur demande pourquoi, elles accusent souvent les taux d'imposition. Nous connaissons aussi les paradis fiscaux où se réfugient les capitaux du monde entier et M. Loubier y a fait allusion un peu plus tôt.
Je pense que ce que j'essaie de prouver, c'est qu'en fin de compte, ces choses sont extrêmement complexes. Je pense qu'on manque le bateau quand on prétend qu'en rehaussant d'un cran le niveau des impôts, on améliore vraiment la situation. Ce genre d'augmentation a des retombées très diverses sur les travailleurs ordinaires, par exemple, quand on impose un tel impôt. J'aborde cette question pour voir si nous voulons en discuter.
Mme Downton: M. Solberg, je pense qu'en posant comme hypothèse que quelque chose est extrêmement complexe, ce qui bien sûr nous incite moins à l'examiner et à rechercher une solution, on ne s'engage pas dans une voie très constructive. Je dis cela au nom des gens à qui j'ai affaire. Leur vie est terriblement compliquée parce qu'ils sont au bord du désespoir.
Vous avez les ressources nécessaires. Vous avez le mandat d'étudier ce problème et on vous l'a confié depuis longtemps. Autour de cette table, nous sommes tous des personnes intelligentes et je suis certaine que vous avez eu des commentaires d'un grand nombre de Canadiens intelligents et sages. Et même si la question est complexe, il me semble que l'on a mis le doigt autour de cette table sur certaines mesures que nous pourrions prendre pour affronter ce problème, au lieu de laisser le fossé qui sépare les riches des pauvres se creuser davantage.
M. Solberg: Il n'empêche que nous avons une dette de 570 milliards de dollars. Une des solutions que nous avons brièvement abordées consiste à baisser les taux d'intérêt.
Disons que nous pourrions les réduire de 0,5 p. 100 en tenant compte de l'écart qui existe entre le Canada et les États-Unis à l'heure actuelle qui est d'environ 1,5 p. 100, selon M. Loubier. Ainsi, si nous pouvions aller jusqu'à les réduire de 0,5 p. 100 - je ne sais pas si c'est possible - on serait encore à mille lieues d'éliminer le déficit et de payer ces 50 milliards de dollars en intérêts annuels qui pourraient, autrement, être affectés à des choses comme l'élimination de la pauvreté.
Je ne vois pas très bien les autres mesures auxquelles vous faites allusion, mais je pense qu'il est important que nous reconnaissions qu'une augmentation des impôts ne représente pas nécessairement un pas dans la bonne direction, celle de la résolution du problème global auquel nous sommes confrontés.
Mme Downton: L'un des arguments avancés par Katherine au début de son exposé était que financer un filet de sécurité sociale ne va certainement pas compliquer énormément vos problèmes. On perpétue le mythe du caractère extrêmement dispendieux de notre filet de sécurité sociale. J'ai la conviction que c'est un mythe.
Certes, les problèmes sont peut-être très complexes. Vous ne pourrez peut-être baisser votre taux d'intérêt que de 0,5 p. 100 à la fois, ou même que de 0,5 p. 100 en tout, mais cela ne vous empêchera pas de protéger les pauvres en même temps.
Je suis frappée de voir que nous avons autour de cette table un microcosme du pays. Il y a ici beaucoup d'intérêts acquis. C'est normal, nous sommes une société d'êtres humains ayant chacun leurs propres intérêts à protéger, mais je crois que chacun devrait accepter de les déclarer pour que l'on sache tous à quoi s'en tenir.
Nous sommes venus vous parler aujourd'hui de la vie des gens et de la manière dont elle change. Vous, vous nous parlez d'argent. Les deux choses ne sont sans doute pas inséparables -
M. Solberg: Supposons que nous soyons tous ici pour défendre l'intérêt des gens en général. Je crois que c'est l'attitude la plus généreuse que l'on puisse adopter. Nous avons peut-être un point de vue différent sur la démarche à suivre mais je crois que nous sommes tous conscients du fait que la dette et le déficit sont des problèmes graves, qui nous empêchent par exemple de financer nos programmes sociaux. C'est en tout cas le point de départ de ma réflexion.
Mme Downton: Je ne suis pas aussi convaincue que vous que le financement du filet de sécurité sociale contribue au déficit.
M. Solberg: Ce n'est pas ce que j'ai dit. Écoutez bien ce que j'ai dit: l'ampleur de la dette et du déficit compromet notre capacité de financement des programmes sociaux. Les programmes sociaux, au palier fédéral, accaparent 70 p. 100 de nos dépenses totales de programmes. Le seul service de la dette nous coûte 50 milliards de dollars. Le tiers de chaque dollar d'impôt sert à payer l'intérêt sur la dette. Dans ce contexte, il est extrêmement difficile de continuer à financer des programmes sociaux.
La question que nous essayons de résoudre - et j'essaye de vous demander la réponse, à vous et aux autres - c'est de savoir ce que l'on peut faire de plus, au-delà des suggestions concernant le taux d'intérêt. Quels services pourrions-nous éliminer de façon à préserver les programmes sociaux et à préserver au moins un semblant de filet de sécurité solide pour les générations futures?
Le vice-président (M. Campbell): Comme nous arrivons presque à la fin de la séance, je vais donner la parole à Mme Brushett. Ce sera la dernière question des députés. Après quoi, je donnerai au groupe la possibilité de formuler ses conclusions.
Madame Brushett.
Mme Brushett: Merci, monsieur le président. Je serai brève.
Je voudrais attirer l'attention de M. Little sur deux facteurs. D'aucuns recommandent que l'on assure à chaque Canadien un revenu garanti de l'ordre de 4 000 $ à 5 000 $ par an. L'avantage serait que Revenu Canada remettrait un seul chèque à chaque Canadien de plus de 18 ans, ce qui permettrait d'éliminer tous les autres services d'assistance sociale. En outre, toute somme gagnée en plus de ces 4 000 $ ou 5 000 $ par an serait considérée comme un revenu imposable.
Il y a déjà beaucoup de fonctionnaires qui perdent leur emploi en ce moment, tant au palier fédéral qu'au palier provincial. Croyez-vous qu'il n'y a absolument aucun autre ministère auquel on pourrait faire appel pour fournir cette aide afin de motiver les gens à s'en sortir?
Ma deuxième remarque s'adresse à Mme Katherine McDonald. Elle a laissé entendre que nos problèmes se régleront, naturellement lorsque nous sortirons de la récession, et que les gouvernements devraient faire preuve de leadership pour faire face à la crise financière dans laquelle nous nous trouvons, au lieu de se poser en partenaires des milieux d'affaires. Elle ne tient pas compte cependant du fait que nous avons effectué d'énormes paiements de transfert aux provinces pour préserver notre qualité de vie, surtout ici, dans l'Est, pendant tellement longtemps.
Je me demande si vous étiez sérieuse quand vous disiez que les problèmes se régleront d'eux-mêmes.
Le vice-président (M. Campbell): Il nous reste environ cinq minutes. Pourriez-vous répondre et conclure à tour de rôle? Nous donnerons aussi la parole à Mme McDonald pour qu'elle puisse répondre.
M. Little: Pour ce qui est de l'octroi d'un revenu minimum garanti aux personnes de moins de 18 ans, il est clair que cela permettrait d'éliminer les intermédiaires et de mettre en place un système permettant à chacun de recevoir un montant équilibré.
Ce n'est cependant pas le sort des moins de 18 ans qui m'inquiète le plus, ni le souci d'éliminer ceci ou cela, mais plutôt d'aider ceux qui vivent en dessous du seuil de la pauvreté. Que cette catégorie comprenne des personnes de moins de 18 ans ou de plus de 65 ans, j'aimerais que chaque Canadien jouisse d'une certaine garantie de revenu à notre époque de coupures tous azimuts, de fusions, de compressions et de réductions des programmes d'assistance sociale. Chaque Canadien devrait avoir le sentiment qu'il y a un certain niveau - peut-être le seuil de la pauvreté - au-dessous duquel il ne tombera jamais. Chacun devrait avoir l'assurance qu'il ne tombera jamais en dessous de ce niveau, quoi qu'il lui arrive.
Si vous pouviez donner cette garantie, vous constateriez que les Canadiens seront beaucoup plus prêts à essayer de réduire les coûts et à changer les choses.
Aujourd'hui, il y a beaucoup de compressions budgétaires, d'élimination de certaines choses inutiles, mais aussi l'abolition de certaines choses essentielles. Partout, on ne parle que de coupures nécessaires. De ce fait, les Canadiens ont peur, ils sont terrifiés, et ils sont furieux au sujet de la prochaine série de coupures. Si vous croyez que les choses vont mal en Ontario, attendez de voir ce qui arrivera dans les Maritimes. Ça va faire mal. Les gens sont déjà furieux, frustrés et terrifiés.
À mon sens, si vous voulez que les Canadiens vous appuient dans vos efforts de compression des services publics, vous devrez les rassurer en leur prouvant qu'ils ne tomberont pas en dessous du seuil de la pauvreté lorsque vous aurez terminé vos coupures.
Si j'avais cette assurance au moment où je risque de perdre mon emploi, je me sentirais certainement beaucoup mieux, surtout si j'avais des enfants. Je pourrais voir les choses beaucoup plus rationnellement. Que vous donniez la même protection aux personnes de moins de 18 ans ou aux personnes de plus de 65 ans, vous devriez en tout cas donner cette sorte d'assurance à tous les Canadiens.
Voilà ce que je voulais dire. Je vous remercie.
Le vice-président (M. Campbell): Merci beaucoup.
Madame Downton.
Mme Downton: J'invite le gouvernement à faire preuve de prudence avant d'imposer d'autres coupures. Je ne pense pas que nous puissions en accepter plus. On ne l'a peut-être pas dit assez aujourd'hui mais, quelles que soient les difficultés économiques du gouvernement et des citoyens, nous avons le devoir de poursuivre nos efforts pour bâtir une société humaine. Si l'on impose d'autres coupures, elles vont coûter très cher.
Katherine nous a déjà dit que nous allons constater une hausse des coûts du bien-être social. À première vue, je ne pense pas que ce sera le cas, si j'en juge d'après ce qui se fait déjà. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse nous a annoncé il y a environ une semaine qu'il allait réduire d'un tiers son budget de bien-être social pour l'année prochaine.
Nous n'allons donc pas voir les gouvernements consacrer plus d'argent aux assistés sociaux. Ils iront échouer on ne sait où.
Toutes ces mesures que l'on prend vont engendrer des coûts, que ce soit sur le plan de la criminalité, de la protection, de la sécurité, de la réadaptation ou des services correctionnels, voire sur le plan des services supplémentaires que devra fournir le réseau de la santé.
Merci.
Le vice-président (M. Campbell): Merci beaucoup. Conformément à ce qui s'est dit ici pendant tout l'après-midi, tout a une incidence et des coûts.
Madame Jourdain.
Mme Jourdain: Chacun comprend certainement que les choses dont nous avons parlé aujourd'hui sont complexes et qu'elles ont des conséquences bien au-delà de ce que l'on peut prévoir. Il ne s'agit pas seulement de parler de changer les taux d'intérêt ou d'augmenter les impôts, il faut se pencher sur les ramifications de telles mesures.
La raison pour laquelle il nous est difficile de concevoir un nouveau système est que nous essayons d'effectuer des coupures dans un système au sein duquel nous travaillons. Il serait beaucoup plus facile de le faire si nous pouvions simplement... Des gens disent qu'il ne faut pas réinventer le fil à couper le beurre. Eh bien, je ne suis pas sûre que ce serait une mauvaise chose. Il se peut que ce que nous ayons à faire soit précisément de réinventer ce qui existe. Si nous devions créer le gouvernement aujourd'hui, comment ferions-nous? Un tel exercice nous permettrait-il d'avoir de meilleures idées sur la résolution de nos problèmes budgétaires?
Peut-être est-il temps que le gouvernement revoie sérieusement son rôle. S'agit-il d'élaborer les grandes politiques et de fixer des normes ou s'agit-il aussi de fournir concrètement les services? N'y a-t-il pas ailleurs des gens mieux placés pour fournir les services, le gouvernement se contentant alors de jouer plus un rôle de surveillance?
À mon avis, l'une des raisons pour lesquelles il n'y a pas de création d'emplois est qu'il n'y a pas de stabilité. Même les gens qui se sentent relativement protégés dans leur emploi n'ont pas la certitude absolue qu'ils le garderont longtemps, parce que c'est comme cela que fonctionne le monde aujourd'hui.
Tant qu'il n'y aura pas un minimum de stabilité et de certitude, les associations et les petites entreprises ne vont pas recruter et ne vont pas créer de nouveaux emplois. Tant que les gens ne se sentiront pas un peu plus à l'aise, il n'y aura pas beaucoup de création d'emplois.
Cela dit, je ne suis pas sûre du tout que créer des emplois soit le rôle des gouvernements. L'expérience nous a largement montré que la plupart des emplois créés de cette manière sont de courte durée.
Le vice-président (M. Campbell): Merci.
Madame McDonald, pourriez-vous répondre à la question?
Mme McDonald: Avant d'y répondre, j'aimerais implorer votre comité de ne pas oublier l'engagement qu'a pris le Canada envers ses citoyens pendant toute son histoire. Nous sommes des chefs de file mondiaux dans le domaine des droits de la personne, des politiques sociales et des programmes sociaux. Ces engagements, ces valeurs et ces principes sont l'essence même du Canada. Si l'on veut abolir ces valeurs et ces principes et démanteler les fondations mêmes de notre pays, nous devrions au minimum engager un débat exhaustif à ce sujet car il s'agit de bien plus que de la politique de la banque centrale ou des effets d'une baisse des taux d'intérêt.
Malgré tout le respect que je vous dois, monsieur le président, j'ajoute que je ne suis pas sûre que votre comité soit le bon pour mener cette barque. Nous sommes en train de déchirer le tissu même de la nation à cause d'un problème de dette. Il me semble que nous devrions réfléchir sérieusement avant de continuer à dépecer le pays petit à petit. Je crois que nous devrions parler de nos valeurs fondamentales et de l'assise même de notre nation, en nous demandant si c'est vraiment ce que nous voulons changer. Et le gouvernement devrait jouer un rôle de leader dans ce débat en nous présentant les choses d'un point de vue historique et en nous disant comment il envisage l'avenir de notre pays dans 50 ans, et pas seulement dans cinq ou 10 ans.
Pour ce qui est de la question de Mme Brushett sur la récession, non, je ne crois pas que nous serons sortis du bois dès que nous sortirons de la récession. Toutefois, il ne faut pas oublier qu'une partie du déficit provient précisément de la récession que nous venons de connaître, laquelle a accru nos frais financiers. Ce ne sont pas nos programmes sociaux qui ont causé le déficit, ce sont les taux d'intérêt élevés, la baisse du niveau d'emploi et la baisse des recettes fiscales. Il nous appartient de voir le problème sous cet angle.
On ne cesse de se rejeter la balle dans ce pays. On attribue le déficit aux programmes sociaux, ce qui engendre un état d'esprit extrêmement mesquin. Je crois qu'il est temps de reconnaître que la récession est à l'origine d'une bonne partie des problèmes que nous cause notre déficit, et que la compression des programmes sociaux n'est certainement pas la bonne solution. La solution est d'assurer la relance de l'économie et de viser le plein emploi.
Les études de l'OCDE auxquelles j'ai fait allusion montrent que notre déficit serait beaucoup moins élevé s'il n'y avait pas eu une récession aussi profonde. Elles montrent aussi que si nous avons connu une récession aussi profonde c'est parce que nous avons eu des taux d'intérêt plus élevés que les autres pays industrialisés. J'estime donc qu'il faut réfléchir sérieusement à cela, analyser les études économiques consacrées à ces questions, et repenser le rôle de la banque centrale ainsi que la manière dont elle oriente notre politique monétaire.
Le vice-président (M. Campbell): Merci.
Nous passons maintenant à Mme Stiles.
Mme Stiles: Je tiens une nouvelle fois à remercier le comité de nous avoir donné la parole. Je vais devoir être très brève car il y a un taxi qui m'attend à la porte.
Je sais que l'on a formulé beaucoup de bonnes recommandations aujourd'hui et j'espère que le gouvernement les examinera sérieusement, surtout avant d'amputer des programmes qui rendent des services précieux à la population.
Merci encore.
Le vice-président (M. Campbell): Merci de votre participation.
Madame Beckett.
Mme Beckett: Les débats de cet après-midi montrent bien que nous savons tous quels sont les problèmes. Nous en avons beaucoup discuté. L'heure est maintenant venue de chercher des solutions.
Lorsque nous aurons résolu la crise, nous devrons aussi mettre en place des mesures pour que cela ne puisse tout simplement plus jamais se reproduire. Le fait d'avoir corrigé un problème ne garantit pas qu'il ne se reposera pas. Je crois qu'il faut maintenant se consacrer aux solutions.
Je partirai en formulant une dernière recommandation qui n'a pas encore été présentée cet après-midi. Il s'agit de faire plus de privatisations.
Merci.
Le vice-président (M. Campbell): Merci.
Monsieur Hubley.
M. Hubley: Il est déprimant d'apprendre que tellement de gens restent tributaires du Trésor public. Peut-être serait-il bon que nous conjuguions nos efforts pour voir s'il n'y a pas certains services que nous pourrions nous fournir mutuellement, ce qui en réduirait les coûts. Cela permettrait de faire meilleur usage des deniers publics disponibles.
Nous avons entendu parler de travail obligatoire. Ma famille et moi-même avons beaucoup de difficulté à accepter quelque chose sans avoir rien fait pour l'obtenir. Bien des jeunes qui sont devenus tributaires des deniers publics n'hésitent pas à voler s'ils n'obtiennent pas ce qu'ils veulent. Dans notre quartier, on retrouve moins de 5 p. 100 des choses volées. Si nous ne réussissons pas à changer l'attitude de ces jeunes, nous courons à la catastrophe.
L'une des solutions consiste à favoriser l'esprit d'entreprise pour créer de nouvelles affaires. Vous en trouverez toute une liste dans le rapport, concernant par exemple le recyclage, la pêche et les espèces sous-utilisées. Il y a là des possibilités de revenus que nous commençons d'ailleurs à exploiter. À chacun maintenant de se remonter les manches car nous ne pouvons plus attendre de miracle d'Ottawa. Nous sommes devenus tellement tributaires de l'État, dans notre région, que nous en sommes arrivés à ne plus pouvoir rien faire sans une subvention d'Ottawa. À long terme, cela nous a été très préjudiciable.
J'ai lu un rapport d'un groupe d'entrepreneurs en foresterie de notre région. Lorsque la Nouvelle-Zélande a connu des difficultés, dans les années 30, elle a utilisé sa main-d'oeuvre pour planter de nouvelles forêts. De même, nous pourrions utiliser beaucoup de nos jeunes dans le secteur forestier, ce qui nous donnerait au moins la garantie de récupérer quelque chose à l'avenir.
Pour ce qui est des entreprises, elles font face à de graves problèmes. Nous en avons par-dessus la tête de payer des impôts. S'il y a encore un seul gouvernement qui ose augmenter mes impôts, soyez sûrs que je descends dans la rue. C'est ça le problème.
Le vice-président (M. Campbell): Merci, monsieur Hubley.
C'est vous qui aurez le dernier mot, monsieur Doak, brièvement. Et ne faites pas de plaisanteries sur les taux d'intérêt de la Banque du Canada!
M. Doak: Je vais essayer.
J'étais juste en train de me dire qu'il est grand temps de changer complètement la manière dont nous faisons les choses. Je sais que nous cherchons tous la solution, quelle qu'elle soit. Cependant, si vous examinez les tendances, vous n'aurez aucun mal à voir quelle sera la situation à la fin du siècle, et ce sera une situation très préoccupante. Les services publics auront été amputés. Les banques seront beaucoup plus grosses qu'aujourd'hui et détiendront beaucoup plus de pouvoirs. La Banque du Canada sera plus petite et le service de la dette nous coûtera encore très cher. Je ne sais pas jusqu'où cela va monter. Si c'est 33 p. 100 aujourd'hui, va-t-on atteindre 50 p. 100 ou 70 p. 100? C'est bien possible, et c'est inquiétant. En effet, cela veut dire que le gouvernement sera obligé de faire de moins en moins de choses dans d'autres secteurs. Les tendances ne trompent pas. Si vous extrapolez à partir des tendances, il semble que ce soit dans cette voie que nous soyons engagés.
Quelqu'un a parlé des autres impôts. Il y a une autre tendance que l'on a pu constater au cours des 25 dernières années, c'est la tendance à la baisse de l'impôt sur le revenu des entreprises par rapport au total des impôts. Je suis sûr que vous devez avoir des chiffres là-dessus quelque part. Si vous extrapolez encore à partir de cette tendance, il se peut fort bien que les grandes entreprises finissent par ne plus payer d'impôt du tout à la fin du siècle, ou alors très peu.
Je ne doute pas non plus que l'écart entre les riches et les pauvres se sera creusé d'ici à la fin du siècle. Beaucoup de jeunes ne peuvent pas trouver d'emploi, ce qui est une catastrophe.
Je suis d'accord avec bon nombre des déclarations de Katherine McDonald. Et j'en reste là.
Le vice-président (M. Campbell): J'espérais que M. Doak nous quitte sur une note plus optimiste.
M. Doak: C'est pourquoi je viens de m'arrêter.
Le vice-président (M. Campbell): C'était cela, votre message optimiste.
Sans vouloir aucunement prendre à la légère ce que vous avez dit aujourd'hui, je précise que la tâche de notre comité n'est certainement pas facile. Certes, elle n'est pas facile pour vous non plus qui fournissez des services, gérez des entreprises ou créez des emplois. Voilà pourquoi nous devons prendre cet effort très au sérieux. Croyez bien que nous avons écouté attentivement tout ce que vous nous avez dit aujourd'hui. Nous allons avoir des décisions difficiles à prendre et des choix pénibles à faire. À bien des égards, nous subissons encore aujourd'hui les conséquences du budget de l'an dernier, c'est évident.
Je vous remercie de votre aide, du temps que vous nous avez consacré et de la franchise avec laquelle vous nous avez exposé vos préoccupations et vos idées. Si nos questions et nos interventions - j'espère que je ne suis pas intervenu trop souvent - ont pu vous fournir d'autres informations pour nourrir votre propre réflexion, cela aussi aura été utile. Et si cela vous inspire d'autres idées, n'hésitez pas à les partager avec nous. Merci beaucoup.
Cela conclut la séance de cet après-midi. Je rappelle aux membres du comité que nous partirons pour l'aéroport à 18 heures.
La séance est levée.