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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 28 novembre 1995

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[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Le Comité des finances entreprend le deuxième volet de ses audiences transcanadiennes sur le prochain budget. Nous sommes très heureux d'accueillir les témoins de ce matin.

Ce sont Bill Madder, du Brandon Real Estate Board, Laurie Beachell et Allan Simpson, du Conseil des Canadiens avec déficiences; George Anderson et Paul Kovacs, du Bureau d'assurance du Canada; Robert Brazzell, de la Chambre de commerce du Manitoba; Allan Finkel, du Manitoba Fashion Institute; Albert Cerilli, de la Manitoba Federation of Union Retirees; Derek Thorvaldson, de la Manitoba Real Estate Association; Peter Holle, de la Manitoba Taxpayers Association; Tom Rice, du Rice Financial group; et Norman Fiske, de la Thomas Sill Foundation.

Je vous remercie de votre présence. Nous allons commencer en vous donnant trois minutes à chacun pour dire ce que vous attendez du prochain budget fédéral.

Monsieur Thorvaldson, voulez-vous commencer?

M. Derek Thorvaldson (trésorier, Manitoba Real Estate Association): Vous voulez que je vous dise ce qu'il devrait y avoir dans le prochain budget. À mon avis, en ce qui concerne le secteur immobilier, les choses me paraissent assez claires. Il va falloir que le gouvernement se débrouille sans augmenter les impôts. Il n'a absolument pas le choix. Il va donc devoir faire preuve de créativité.

À mon avis, il va falloir que le secteur privé assume certaines des responsabilités qu'assumait auparavant le secteur public, et le gouvernement va donc être obligé d'innover. Voilà comment nous voyons l'avenir. Ce que nous pouvons vous proposer, c'est de chercher des idées novatrices pour assumer de manière plus efficiente certaines des fonctions qui étaient jusqu'à présent assumées par le gouvernement. Voilà le message que nous voudrions communiquer aujourd'hui.

Nous croyons par ailleurs que le gouvernement devrait se pencher sur certains textes de loi qui n'ont pas été modifiés depuis longtemps et qui devraient l'être pour protéger le consommateur. Voilà notre message.

Le président: Merci, monsieur Thorvaldson.

Monsieur Madder.

M. Bill Madder (directeur général, Brandon Real Estate Board): J'aimerais ajouter quelques mots. Derek et moi avons en quelque sorte préparé notre comparution ensemble, ce qui veut dire que je me servir des mêmes notes. Nous sommes parfaitement d'accord sur ce qu'il vient de dire.

En fait, nous avons trois propositions à faire. La première, comme l'a dit Derek, serait de modifier la Loi sur l'intérêt de façon à permettre aux propriétaires domiciliaires de payer une pénalité préétablie ou équitable s'ils décident de vendre leur maison ou de solder leur hypothèque. À l'heure actuelle, il n'existe aucune règle parfaitement claire à ce sujet. Nous croyons que cela empêche certaines personnes d'acheter une maison plus dispendieuse et d'autres d'acheter leur première maison.

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Notre deuxième recommandation concerne l'application de la TPS au secteur domiciliaire. Si l'on parvient à mettre sur pied une taxe de vente nationale, ou même si l'on n'y parvient pas d'ailleurs, auquel cas cela vaudrait pour la TPS actuelle, il faudrait que le taux soit de 0 p. 100 pour le secteur immobilier. À l'heure actuelle le loyer des nouvelles maisons est assujetti à la TPS, ce qui entrave considérablement les mises en chantier.

Toutes les branches du secteur immobilier s'intéressent aux politiques économiques du gouvernement. La confiance des consommateurs, la confiance des investisseurs et les taux d'intérêt sont trois facteurs extrêmement importants à nos yeux. Nos recommandations sont destinées à essayer de stimuler le secteur immobilier, étant donné qu'il peut être un moteur de l'économie.

Selon la SCHL, il y a eu 112 000 mises en chantier en 1995 et il y en aura 127 000 en 1996. Nous espérons mieux. En effet, chaque mise en chantier crée environ 2,5 années-personnes d'emploi. Il est important de bien comprendre que nous ne faisons pas nos propositions dans notre seul intérêt, par égoïsme; nous les faisons dans l'intérêt de l'économie dans son ensemble.

Notre dernière recommandation concerne le régime d'investissement domiciliaire, dont vous avez sans doute entendu parler la semaine dernière lorsque vous avez accueilli l'Association canadienne de l'immeuble. Nous espérons que vous prendrez sérieusement en considération cette recommandation, et nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le président: Merci, monsieurMadder.

Monsieur Cerilli.

M. Albert Cerilli (Manitoba Federation of Union Retirees, Congress of Union Retirees of Canada): Merci, monsieur le président. Bienvenue à Winnipeg.

Le président: Merci.

M. Cerilli: À titre de retraité issu du mouvement syndical, je n'ai aucune hésitation à dire que seul le plein emploi permettra de rétablir la confiance des Canadiens. C'est l'une des questions fondamentales dont nous devons nous occuper. Certaines des questions que le comité nous a posées m'ont amené à me demander si le comité n'attendait pas notre suicide. Je crois qu'il faut envisager le problème d'un point de vue global et non pas de manière morcelée.

Si nous voulons donner un avenir aux 1,4 million d'enfants qui vivent dans la pauvreté... Voyez les difficultés énormes que connaissent le gens et constatez que notre régime fiscal est fortement déséquilibré, en tout cas à nos yeux, alors que les gens d'affaires se sentent très optimistes. Toutefois, ce ne sont pas des salaires de 6$ l'heure ou de 8$ l'heure qui vont stimuler l'économie et permettre aux gens d'acheter les maisons et les biens qui seront produits, que ce soit au Canada ou à l'étranger.

Début juin, le Canada accueillait la conférence du G7 à Halifax, ce qui nous a coûté une quarantaine de millions de dollars. L'une des questions inscrites à l'ordre du jour, mais qui n'a pas trouvé de réponse, était encore une fois la crise de l'emploi, pas seulement au Canada mais dans le monde entier. De fait, les participants n'en ont même pas parlé. Et c'est bien regrettable.

Pendant la guerre, le gouvernement avait besoin de la paix syndicale pour vaincre l'ennemi, et nous la lui avons accordée. Nous n'aurions même pas pensé faire autrement, et nous avons gagné la guerre ensemble. En 1950, toutefois, nous avons dû nous mettre en grève pour obtenir des choses comme la réduction du temps de travail au même salaire net, ce qui a stimulé l'économie jusque dans les années soixante.

À partir de la fin des années soixante, il n'y a eu que des confrontations avec le mouvement syndical, quand celui-ci a dû négocier aussi bien avec les entreprises qu'avec le gouvernement.

L'un des problèmes que nous devons résoudre est la crise de l'emploi, pas seulement au Canada mais dans le monde entier. Les pays du G7 pourraient jouer un rôle fort utile à cet égard.

Pour ce qui est de la réduction de la semaine de travail, vous devriez l'envisager car cela permettrait de stimuler l'économie et de remettre des gens au travail. En fait, cette mesure permettrait de remettre beaucoup de monde au travail. Nous pourrions ainsi envisager une relance du secteur de la construction et de l'industrie manufacturière, et nous constaterions une hausse du pouvoir d'achat des Canadiens.

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La recherche du plein emploi aurait également pour avantage d'obliger les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral à débattre honnêtement avec leurs partenaires, c'est à dire les milieux d'affaires et le monde syndical. Sans un tel débat, nous ne ferons aucun progrès. Nous continuerons simplement de nous enfoncer dans la détérioration de nos normes de travail qui se rapprocheront peu à peu de celles des pays en développement, où l'on constate de plus en plus de cas d'esclavage des enfants. Voilà pourquoi j'estime qu'il est grand temps de débattre de cette question d'un point de vue général plutôt que d'un point de vue ponctuel.

J'ai déjà mentionné une statistique concernant la pauvreté des enfants. Il est honteux qu'il y ait 1,5 million d'enfants dans la pauvreté au Canada. Comment est-ce possible? Et nous croyons être une société civilisée? Mon Dieu!

En même temps, nous jetons à la rue des centaines de milliers de travailleurs qui sont obligés de dépendre du bien-être social ou de l'assurance-chômage et qui mettent fortement à contribution le système d'assurance-maladie parce qu'ils souffrent de stress et d'autres affections. Et c'est comme cela que l'on veut résoudre les problèmes économiques, par petits morceaux! Je dis quant à moi qu'il faut aborder le problème dans son ensemble.

Je lisais l'autre jour des articles sur les 500 premières entreprises du Financial Post. De 1988 à 1995, 215 000 emplois ont été abolis. Certes, il y a eu création de quelques emplois dans certains domaines, mais à quel prix pour les autres?

Nous affirmons que la société doit assurer le bien-être de tout le monde. Il faut qu'il y ait une justice économique pour tout le monde.

Le président: Personne ne vous contestera là dessus au sein de ce comité, M. Cerilli.

M. Cerilli: Je suis heureux de vous l'entendre dire.

Nous ne pouvons pas essayer de nous en sortir aux dépens des autres. Nous devons nous en sortir tous ensemble.

Le président: Je vous remercie de votre déclaration liminaire. Je suis heureux que vous ayez ouvert le débat sur la question du plein emploi. J'écouterai avec beaucoup d'intérêt les idées des autres participants là-dessus.

Monsieur Brazzell.

M. Robert Brazzell (président, Comité de la fiscalité, du travail et des règlements gouvernementaux, Chambre de commerce du Manitoba): Je dois d'abord vous remercier d'avoir pris le temps de venir à Winnipeg, monsieur le président, et de donner à la Chambre de commerce du Manitoba la possibilité de s'adresser au Comité permanent des finances.

La Chambre de commerce du Manitoba est la première association du secteur privé de la province puisqu'elle regroupe 62 chambres locales représentant plus de 8 000 entreprises allant de Churchill, sur la côte nord, jusqu'à Emerson, à notre frontière sud. J'espère que les avis et conseils de nos membres seront utiles au gouvernement fédéral dans ses efforts de résorption du déficit.

La population canadienne semble avoir finalement compris que la dette publique est, sinon une crise, au moins un problème. Il convient cependant qu'elle saisisse bien l'ampleur et l'incidence de notre dette nationale. Chaque déficit annuel aggrave notre endettement. Plus la dette est élevée, plus nous devons payer d'intérêts à son sujet. À l'heure actuelle, sur chaque dollar que perçoit le gouvernement, 37 cents servent à payer seulement les intérêts, et l'on n'en voit pas la fin.

Outre son montant écrasant, l'aspect le plus effrayant de la dette fédérale est la proportion qui est due à des non-résidents. En effet, la dette étrangère peut être catastrophique, pour maintes raisons.

Les capitaux sont régis par la loi de l'offre et de la demande. Notre gouvernement emprunte des quantités considérables de capitaux dont l'offre est limitée. Il s'ensuit que les taux d'emprunt sont plus élevés, ce qui augmente les coûts non seulement du gouvernement mais aussi des entreprises et des particuliers.

L'énormité de notre dette, qui oblige à se demander si nous serons toujours capables de la rembourser, crée beaucoup d'incertitude chez nos créanciers. Tout événement susceptible de remettre en cause notre capacité de remboursement peut entraîner de grosses fluctuations dans la valeur de notre dollar, au détriment de l'économie. Aucun pays ne saurait prospérer avec ce genre d'instabilité.

Des taux d'intérêts plus élevés et la dévalorisation de notre devise entraînent la hausse du coût de la vie et la baisse du pouvoir d'achat et de la demande des consommateurs. En outre, les investisseurs étrangers s'interrogent sérieusement sur nos décisions en matière de dépenses. S'ils veulent exprimer leur mécontentement à l'égard de nos politiques intérieures, ils peuvent le faire en provoquant une hausse des taux d'intérêt, ce qui peut mettre notre souveraineté en péril.

Il ne fait aucun doute que l'on doit aujourd'hui prendre des mesures rigoureuses à long terme. Voilà pourquoi la Chambre de commerce du Manitoba formule les recommandations qui suivent.

Le gouvernement doit continuer d'utiliser des estimations prudentes en matière de croissance économique et de taux d'intérêt, ce qui l'a fort bien servi avec le dernier budget.

Le gouvernement ne doit imposer aucune hausse d'impôt, de quelque sorte que ce soit. Il doit faire porter tout son effort sur la réduction des dépenses. Nous ne pouvons nous permettre d'avoir des impôts confiscatoires. Selon l'OCDE, nous payons déjà à nos gouvernements des impôts largement supérieurs à ceux de notre principal concurrent, les États-Unis. De fait, l'impôt sur le capital que doivent acquitter les banques et les grandes entreprises suite au dernier budget a peut-être été une bonne manoeuvre politique mais il est profondément injuste à l'égard des actionnaires, et il constitue un précédent extrêmement dangereux.

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Le gouvernement doit fixer une date limite pour équilibrer son budget et proposer de limiter son endettement ensuite. Nous ferons énormément pour rétablir la confiance des marchés financiers si nous nous fixons des objectifs à long terme en plus de nos objectifs à court terme.

Selon le Fonds monétaire international, cela rétablirait la confiance des marchés et rehausserait la crédibilité de notre engagement en matière de stabilité des prix et d'épargne nationale.

Il faut que le gouvernement continue de réduire les transferts aux provinces et aux particuliers. La dure réalité que l'on doit accepter est que la majeure partie des réductions dans ce domaine est encore à venir. Pour atténuer les difficultés inévitables qui en résulteront, le gouvernement se doit d'éliminer le dédoublement des services avec les provinces.

Le gouvernement doit préserver l'équité régionale. Le Manitoba a subi l'abolition de la subvention sur le transport des grains de l'ouest, la réduction du programme de diversification économique de l'ouest et, selon certains habitants de la province, la restructuration artificielle du ministère de la Défense.

Il faut tenir compte de l'aptitude relative de chaque économie provinciale à assimiler les mesures d'austérité ou de restructuration lorsqu'on en fixe l'ampleur et l'échéancier.

L'une des préoccupations particulières du Manitoba concerne l'avenir du port de Churchill et les rumeurs de restructuration de l'EACL.

Le gouvernement doit abolir les subventions aux entreprises. Toutes celles qui ne satisfont pas à une analyse rigoureuse d'avantages-coûts doivent être abolies. Le gouvernement se doit de devenir plus efficient et de chercher d'autres sources de revenus, notamment par la tarification de ses services lorsque cela est réaliste et équitable.

Il faut réduire les primes d'assurance-chômage. L'excédent de 5 milliards de dollars est suffisant et devrait permettre de réduire les primes exigées des employeurs et des employés.

Le gouvernement doit commercialiser ses services, puis les privatiser. Suite à la récente privatisation du Canadien National, il devrait dresser la liste de tous les biens et organismes publics qui peuvent être commercialisés puis vendus.

Il faut éliminer les barrières au commerce interprovincial, dans l'esprit de l'accord de 1994 sur le commerce intérieur. La Chambre de commerce du Canada a recensé plus de 500 barrières au commerce interprovincial, qui nous coûtent environ 1 p. 100 de produit intérieur brut. Cette somme pourrait être utilisée de manière beaucoup plus productive par le gouvernement et les entreprises.

En fin de compte, la position de la Chambre de commerce du Manitoba est qu'il faut attacher beaucoup plus d'importance aux coûts que nous devrions assumer si nous ne prenions pas des mesures sévères qu'aux conséquences de ces mesures.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, M. Brazzell.

Monsieur Beachell et monsieur Simpson.

M. Laurie Beachell (coordonnateur national, Conseil des canadiens avec déficiences): Je commencerai par vous dire que notre thèse principale porte sur l'harmonisation des politiques budgétaires et des politiques sociales de notre pays. Notre principal souci dans ce contexte concerne le rôle que doit jouer le gouvernement fédéral pour garantir l'équité des politiques sociales dans tout le pays.

Avec l'abolition du Régime d'assistance publique du Canada, le gouvernement fédéral vient à toutes fins pratiques de renoncer à garantir le respect de normes d'équité en matière de programmes sociaux, sauf dans la mesure où il promet de ne pas accepter que les provinces imposent un critère de résidence pour être admissible au bien-être social. Cela dit, ce principe est contesté en ce moment même par le gouvernement de la Colombie Britannique, qui vient d'annoncer un tel critère sur son territoire.

Nous n'avons donc plus aujourd'hui d'assistance sociale fondée sur le besoin, plus d'assurance d'un mécanisme d'appel pour quiconque se voit refuser l'assistance sociale, plus d'interdiction du travail obligatoire, plus d'assurance d'un niveau de soutien adéquat pour les gens qui sont tributaires de l'assistance sociale, et plus de transférabilité des services entre les provinces.

Ce que nous avons, avec la dévolution continue des pouvoirs fédéraux, c'est la balkanisation de notre pays en dix morceaux.

Nous attachons beaucoup d'importance au rôle du gouvernement fédéral en matière de politiques sociales. Par la Charte des droits, le gouvernement fédéral s'est engagé à garantir l'équité de la prestation de services d'un bout à l'autre du pays. Le gouvernement fédéral se doit d'admettre que les paiements de péréquation sont nécessaires pour aider les provinces «démunies», incapables de fournir à leur population les mêmes niveaux de soutien que les autres.

Nous n'avons rien contre la réduction du déficit. Nous n'avons rien contre les budgets équilibrés. Nous avons tout contre l'obtention de ces objectifs aux dépens des citoyens les plus défavorisés.

Les personnes handicapées représentent 15 p. 100 de notre population, mais 80 p. 100 d'entre elles sont sous-employées ou au chômage. Nous constatons une érosion constante des mécanismes destinés à aider ces personnes à s'intégrer à l'économie active, c'est à dire une érosion des soins à domicile, des soins auxiliaires, des services de transport, etc... Pour vous en convaincre, vous n'avez qu'à voir ce qui se passe en Ontario. Vous constaterez que les personnes handicapées ne sont absolument pas immunisées contre les coupures budgétaires, contrairement à ce que l'on avait dit. On a réduit le système de transport, on coupe les programmes de soutien du revenu, on coupe les service d'assistance sociale.

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Nous voudrions poser une question au Comité des finances, au ministre des Finances et au gouvernement du Canada: comment allez-vous garantir la prestation de services de soutien équitables aux personnes handicapées de ce pays? Les propositions que vous trouverez dans notre mémoire portent sur cette question: des normes nationales, un leadership fédéral, un système de vérification sociale, et un régime fiscal garantissant une répartition équitable des richesses dans le pays. Voilà les préoccupations centrales de notre organisation.

Nous avons été désolés d'entendre le Premier ministre parler hier d'une nouvelle vague de dévolution en matière de formation de la main d'oeuvre. Alors que le trésor public se rétrécit comme une peau de chagrin, les personnes que nous représentons - les personnes handicapées - sont incapables d'obtenir des services de formation. Quiconque est tributaire de l'assistance sociale ne peut obtenir de tels services parce que ceux-ci sont aujourd'hui financés presque seulement au moyen des budgets de l'assurance-chômage. Autrement dit, si vous ne recevez pas d'assurance-chômage ou si vous n'y êtes pas admissible, vous ne pouvez pas obtenir de formation professionnelle pour rechercher un emploi.

Voilà les préoccupations cruciales de notre collectivité. Beaucoup commencent à dire de notre époque que c'est «l'époque de la mesquinerie». Nous n'aurions pas été surpris de cela en 1984, sous un gouvernement Mulroney, mais aujourd'hui, sous un gouvernement libéral!

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Beachell.

M. Rice.

M. Tom Rice (président et directeur général, Rice Financial Group Limited): Merci, monsieur le président, et bienvenue à Winnipeg.

Nous voudrions discuter de trois questions. Quel devrait être notre objectif en matière de réduction du déficit, et comment pourrions-nous l'atteindre? Quelles mesures budgétaires peut-on prendre pour instaurer un environnement favorable à l'emploi et à la croissance? Quels secteurs de l'activité fédérale devraient être envisagés pour la commercialisation, la privatisation ou la dévolution à d'autres paliers de gouvernement?

Quand on parle de réduction du déficit, de création d'emplois et de meilleur usage des deniers publics fédéraux, il faut se demander ce que le secteur privé pourrait faire à la place d'un ministère fédéral. Et l'on devrait se poser la même question chaque fois que l'on envisage de nouvelles activités gouvernementales: comment le service pourrait-il être mieux fourni par l'entreprise privée?

Dans les articles sur le déficit, on lit souvent qu'une part trop élevée de notre dette est détenue par des étrangers. Nous devrions donc encourager le Canadien moyen à prendre des mesures proactives pour contribuer à la liquidation rapide du déficit. Ce qui nous amène à poser une autre question: que pourrait-on faire pour placer une plus grande partie de notre dette auprès des Canadiens?

Nous pourrions atteindre ces objectifs en élargissant le système d'emprunt du gouvernement. Si l'on veut changer les choses pour un avenir meilleur, il ne faut pas s'en remettre constamment aux méthodes du passé. Il faut faire preuve de créativité et de pensée latérale.

Sam Goldwin, un géant du cinéma, disait un jour que «les prévisions sont dangereuses, surtout celles qui concernent l'avenir». Si nous voulons comprendre le présent, nous devons analyser les actions du gouvernement dans le passé et voir comment elles influent sur notre présent, avant de choisir ce que nous allons faire pour l'avenir.

Vous trouverez trois ou quatre thèmes différents dans mon mémoire: les sources d'impôt sur le revenu que l'on pourrait utiliser aujourd'hui pour réduire le déficit; d'autres systèmes d'emprunt pour le gouvernement, c'est à dire des obligations, des obligations d'épargne du Canada, des bons du trésor, etc.; une proposition de révision des crédits d'impôt pour les petites entreprises de façon à contribuer à la croissance, à l'emploi, à l'enseignement et au recyclage; et les coûts que nous devrons assumer pour une population vieillissante, ainsi que les options que nous pourrions envisager pour faire face à la hausse des coûts des soins de longue durée, options qui pourraient être fournies par des sources extérieures au gouvernement.

Le président: Merci, monsieur Rice.

Monsieur Finkel.

M. Allan Finkel (représentant, Manitoba Fashion Institute): Merci, monsieur le président.

Je tiens d'abord à souhaiter la bienvenue à Winnipeg aux membres du Comité permanent des finances. J'ai eu l'occasion de participer aux sessions que vous aviez organisées l'an dernier, dans le sud-ouest du Manitoba, et je dois vous dire que j'y ai vu un processus extrêmement utile. Nous sommes très sensibles aux efforts que fait votre comité pour aller s'adresser directement aux citoyens, d'un bout à l'autre du pays, sur l'état de la nation.

L'institut de la mode du Manitoba est l'organisme représentant les fabricants de vêtements de la province. Notre industrie est la deuxième industrie manufacturière de la province, et la troisième industrie de vêtements du pays. C'est une industrie qui emploie directement près de 8 000 personnes, et qui est à l'origine de 1 à 1,5 emploi indirect selon diverses estimations.

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Je voudrais parler brièvement des objectifs de réduction du déficit. Selon nous, il est dans l'intérêt aussi bien immédiat que futur du pays de réduire sérieusement le déficit, mais sans précipitation. Nous avons le sentiment que le gouvernement actuel s'est engagé sur la bonne voie, en ayant recours à la fois à la compression de ses dépenses et à des programmes favorisant l'expansion économique.

Cela nous semble extrêmement important car nous parlons ici d'un niveau secondaire de programmes qui sont nécessaires à notre prospérité. Il s'agit essentiellement d'élaborer des programmes permettant de créer des emplois réels pour les Canadiens, et permettant aux chômeurs et aux personnes tributaires de l'assistance sociale de se recycler pour réintégrer la population active. Ce sont de vrais programmes gagnants, qui donnent des succès à long terme pour tous les Canadiens qui rejettent la pauvreté des enfants, pour l'économie et, en fin de compte, pour le trésor public.

Nous avons déjà eu ce matin des débats sur plusieurs autres questions qui nous intéressent. Nous espérons avoir l'occasion de parler un peu plus directement de la manière dont les mesures budgétaires pourraient être formulées pour instaurer un environnement favorable à l'emploi et à la croissance. Nous voudrions également revoir les questions de compression continue des dépenses fédérales, de commercialisation et de privatisation des services, et, en particulier, de dévolution d'activités à d'autres paliers de gouvernement.

J'en reste là pour le moment et j'espère que nous pourrons revenir sur tout cela pendant le débat.

Le président: Merci, monsieur Finkel.

Monsieur Anderson.

M. George D. Anderson (président et directeur général, Bureau d'assurance du Canada): Merci, monsieur le président.

L'an dernier, nous sommes allés à Lunenburg et nous avons témoigné au musée de la pêche, si je ne me trompe.

Le président: Beaucoup de gens pensaient qu'on aurait dû vous y enfermer.

M. Anderson: Certes, mais nous nous sommes échappés et nous voici aujourd'hui à Winnipeg. Nous sommes probablement dans la salle des moissons, si nous voulons rester sur une note bucolique, mais -

Le président: Je vous félicite de vous rendre dans les diverses régions du pays. Je crois qu'il est très utile de voir comment vivent les autres Canadiens.

M. Anderson: Merci beaucoup, monsieur le président. Nous sommes au demeurant très heureux d'être à Winnipeg.

Vous nous avez demandé de répondre à trois questions, et j'ai pensé tenter de résumer notre position en répondant le plus précisément possible à ces questions. Nous avons donc préparé deux documents à l'intention de votre comité. L'un est un document général exposant ce que devrait être à notre avis la politique budgétaire. L'autre est un énoncé plus précis des mesures que pourrait prendre le gouvernement, par exemple en matière de compression des dépenses, de fiscalité, etc.

Nous avions déposé ce document l'an dernier à Lunenburg. Nous avons eu le plaisir de voir que le gouvernement a fait certaines des choses que nous avions recommandées à ce moment là, mais nous allons déposer à nouveau ce document aujourd'hui car la liste est encore valide un an plus tard.

Vous nous avez demandé quel devrait être notre objectif en matière de déficit et quelle serait la meilleure méthode pour l'atteindre. Nous disons depuis plusieurs années déjà que notre premier souci devrait être de régler le problème de la dette et du déficit des provinces, même s'il est vrai que la dette et le déficit du gouvernement fédéral sont énormes et constituent un problème grave. Nous recommandons depuis un certain temps déjà que l'on se penche sur le total de la dette fédérale et provinciale et pas seulement sur la dette fédérale, de façon à formuler une stratégie cohérente. Il faut à notre avis adopter une stratégie coordonnée avec les provinces en matière de réduction de la dette.

Cela nous permettrait d'atteindre l'objectif d'environ 3 p. 100 du PIB à la fin de 1997-1998. En chiffres bruts, cela veut dire que la part fédérale du déficit serait au plus de 17 milliards de dollars à la fin de cet exercice-là. La meilleure manière d'atteindre cet objectif est évidemment celle que vous avez choisie, c'est-à-dire fixer des objectifs renouvelables de deux ans. Selon nous, cela donne aux observateurs la confiance que le gouvernement est capable de gérer ses affaires. Cela indique aux prêteurs étrangers que nous sommes en train de maîtriser nos problèmes, et il est bien évident que le déficit est un problème autant de confiance que de chiffre.

Pour atteindre ces objectifs, il est très important que le gouvernement s'engage à n'imposer aucun nouvel impôt et à n'augmenter aucun impôt existant. Il faut que ce message soit adressé sans aucune ambiguïté aux Canadiens. Percevoir de nouveaux impôts ne serait absolument pas la bonne manière de résoudre le problème.

Nous recommandons également que le gouvernement cesse sa politique que j'appelle «de la patate chaude», qui consiste à rejeter ses dépenses dans la cour des provinces, celles-ci étant alors obligées d'augmenter leurs propres impôts. Cela n'est qu'un palliatif instantané qui causera du mal beaucoup plus tard, et nous pensons qu'il est crucial d'aborder les problèmes de front, pour coordonner nos actions.

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Notre réponse à votre première question est donc de conserver les objectifs sur deux ans. Fixez-vous un déficit maximum de 17 milliards de dollars pour 1997-1998 et nous pourrons espérer avoir un budget équilibré à la fin du millénaire.

Quelles mesures budgétaires pourrait-on prendre pour favoriser l'emploi et l'expansion? Comme l'ont dit beaucoup d'autres témoins, nous pensons que la baisse du déficit provoquera une baisse des taux d'intérêt, ce qui aura pour effet d'appuyer la création d'emplois. Comme vous le savez, la plupart des secteurs de l'économie canadienne sont très sensibles aux taux d'intérêt: plus ceux-ci sont bas, plus la demande est forte et plus il y a de création d'emplois.

Sans compter que cela réduirait aussi l'incertitude politique. En effet, plus les gens ont un emploi assuré, mieux ils se sentent au sujet de leur pays.

D'après nous, ces deux problèmes d'endettement et de déficit élevés et d'incertitude politique se renforcent l'un l'autre. Mais le contraire serait vrai aussi. Donc, si vous voulez contribuer à l'unité du pays, mettez les Canadiens au travail. Si vous voulez mettre les Canadiens au travail, faites baisser les taux d'intérêt.

Nous croyons que le gouvernement devrait envisager un nouveau programme ciblé d'investissements infrastructurels - pas un programme de construction de patinoires communautaires et d'arénas de hockey mais un programme de réfection des routes, des égouts et du réseau de communications. Un tel programme devrait viser à combler le déficit d'investissements infrastructurels que nous constatons dans notre pays depuis plusieurs années. Nous croyons que le gouvernement a un rôle précis à jouer en la matière et nous estimons qu'un tel programme, axé sur de vrais investissements collectifs, serait une fort bonne chose.

La troisième chose que le gouvernement pourrait faire dans le contexte du budget pour contribuer à la création d'emplois et à l'expansion serait de s'attaquer sérieusement à l'harmonisation des textes réglementaires. J'ai déjà parlé dans d'autres contextes d'un pays composé de onze solitudes sur le plan de la réglementation. Ces onze solitudes obligent le monde des affaires à assumer un fardeau considérable en matière de respect des règlements accumulés au cours des années. C'est un problème très grave.

Les entreprises ont été invitées à entrer sous la tente pour palabrer avec les politiciens et les bureaucrates sur ce qu'il faudrait faire pour que le fardeau de la réglementation soit moins lourd.

Votre troisième question concernait les mesures de privatisation et de réduction des coûts que nous devrions appliquer. En réponse, je vous renvoie simplement au document que nous vous avons adressé et dans lequel nous abordons la mise en oeuvre de certaines de ces mesures dans les prochaines années.

Le président: Merci, monsieur Anderson.

Monsieur Fiske.

M. Norman Fiske (président, Thomas Sill Foundation Inc.): Bienvenue à Winnipeg, monsieur le président.

Nous avons un exposé qui doit faire un peu plus de trois minutes et demie. Aurons-nous l'autorisation de le faire au complet un peu plus tard dans la matinée?

Le président: Pourriez-vous le résumer? Vous aurez beaucoup d'occasions de -

M. Fiske: Aurai-je la possibilité plus tard?

Le président: Bien sûr... Ce qui nous intéresse surtout, c'est l'essence de vos propositions.

M. Fiske: L'essence de nos propositions concerne les fondations privées qui existent dans notre province et dans d'autres. Nous avons mis en place au Manitoba un programme favorisant la création de fondations communautaires. De cette manière, nous voulons offrir à la population la possibilité de s'occuper elle-même de ses problèmes financiers et de réduire la demande exercée sur le trésor public. J'aimerais revenir un peu plus en détail sur cette question lorsque je ferai mon exposé tout à l'heure.

Le président: Bien sûr. C'est un concept qui nous intéresse beaucoup et dont nous avons déjà entendu parler. Pourriez-vous nous expliquer très brièvement ce qu'est une fondation communautaire et, deuxièmement, comment nous pourrions en favoriser la création?

M. Fiske: Il y en a un très bon exemple ici même, à Winnipeg. Je veux parler de la Winnipeg Foundation, la première créée au Canada. La plus grosse se trouve à Vancouver.

La fondation Thomas Sill s'est dotée d'un programme permettant d'offrir jusqu'à 100 000$ à une collectivité du Manitoba pour créer de telles fondations. Jusqu'à présent, nous en avons établi dix.

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Notre principe est de donner 100 000$ à chaque fondation sur une période de quatre ans, à condition qu'elle trouve elle-même 200 000$ de plus. Pour nous, c'est là une graine qui va s'épanouir dans les prochaines années pour produire de nombreux millions de dollars dont les revenus permettront d'assumer une bonne partie des coûts des services sociaux des collectivités.

Je le répète, c'est un programme qui permettra aux Canadiens de s'occuper de leurs problèmes financiers et de réduire la demande exercée sur le gouvernement fédéral. À notre avis, c'est un programme qui ne coûtera strictement rien au gouvernement fédéral.

Le président: Que pourrions-nous faire pour vous aider?

M. Fiske: Vous pourriez élargir la portée de l'alinéa 149.1(1) pour permettre aux fondations privées de contribuer à l'épanouissement des fondations communautaires en les autorisant à inclure dans leur quota de déboursés les dons qu'elles consentent à ces fondations. À l'heure actuelle, tout don d'une fondation privée à une fondation communautaire doit être effectué et être apuré l'année même où il est fait. Il n'est pas possible d'accumuler le capital d'une fondation communautaire.

Voici donc notre voeu: que tout don consenti par une fondation privée à une fondation communautaire puisse être considéré comme du capital par cette dernière et être inclus dans le quota de déboursés de la première.

Avec la loi actuelle, ce n'est pas possible. Si c'était autorisé -

Le président: De quelle loi parlez-vous, monsieur Fiske?

M. Fiske: De la Loi de l'impôt sur le revenu.

Si c'était autorisé, cela encouragerait les fondations privées à se joindre à notre programme, ce qui renforcerait d'autant le développement des fondations communautaires dans tout le pays.

Le président: Votre idée est que cela permettrait d'accumuler des capitaux à perpétuité dont les revenus pourraient être utilisés par les collectivités locales comme elles l'entendent.

M. Fiske: Exactement.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Fiske.

M. Fiske: Mais vous n'allez pas m'autoriser à -

Le président: Nous pensons que c'est une idée tout à fait novatrice par rapport à celles qui nous ont été soumises au cours des deux dernières années, et nous sommes très heureux que vous soyez ici pour la défendre.

Je vais maintenant présenter les membres du comité. Ce sont M. Grubel, de la Colombie Britannique, Paul Crête, Pierre Brien et Nick Discepola, du Québec, Glen McKinnon, qui n'est pas un membre régulier du Comité des finances, Ron Fewchuck qui l'est, et David Walker, qui l'est aussi, en plus d'être secrétaire parlementaire du ministre des Finances. Tous trois sont du Manitoba. Et nous avons aussi Brent St. Denis, de l'Ontario.

[Français]

Monsieur Brien, s'il vous plaît.

M. Brien (Témiscamingue): J'ai une courte question pour M. Anderson.

Vous avez parlé d'un programme d'infrastructures et j'aimerais que vous précisiez de quel domaine vous parlez exactement. Vous avez fait allusion au domaine du développement technologique. Comment est-il possible de faire cela sans nécessairement causer des distorsions dans le marché, si ce programme devait toucher de près le secteur privé?

[Traduction]

M. Anderson: Notre proposition, monsieur Brien, concerne les investissements d'infrastructure traditionnels, c'est à dire les routes, les égouts et les systèmes de communications. Nous ne recommandons pas d'investissements marginaux dans les nouvelles technologies expérimentales. Nous envisageons uniquement des investissements solides qui créent des emplois à long terme, c'est-à-dire dans les systèmes de transports et de communications.

.1040

Considérant le peu de latitude dont jouit le gouvernement fédéral en matière de dépenses, nous ne pensons pas qu'il lui soit possible d'investir dans ce genre de technologies plus futuristes. Les investissements dont nous parlons ne sont pas des investissements à risque, ce sont des investissements favorisant la croissance à long terme.

Certes, nous convenons que cela peut coûter cher au début mais c'est certainement préférable aux subventions salariales à court terme qui ne font que protéger le statu quo. J'espère que cela répond à votre question.

[Français]

M. Crête (Kamouraska - Rivière-du-Loup): Je comprends M. Grubel de ne pas vouloir associer tout de suite la Colombie-Britannique à l'Alberta. Ce sont peut-être des idées qui sont dans la tête de M. Chrétien, mais pas nécessairement dans celle des gens de la Colombie-Britannique.

Je pose ma question à M. Anderson. Dans votre présentation, vous avez dit qu'il devait y avoir une espèce de concertation entre le fédéral et les provinces sur les objectifs de réduction des déficits et probablement aussi sur la question des dédoublements et des chevauchements.

Vous savez sans doute qu'en politique, cela devient une question de déterminer comment faire les choses. Donc, quels incitatifs, selon vous, seraient de nature à inciter chacun des gouvernements à entreprendre une démarche de ce type? Ce n'est pas nécessairement le modèle qui a été développé au cours des dernières années.

Vous avez parlé du budget de 1995, et le tableau des dédoublements est le même que celui de l'année dernière. Il n'y a pas eu beaucoup d'amélioration. Sous la rubrique des dédoublements, à la fin du tableau, je n'ai pas compris ce que signifiaient les niveaux de gravité un, deux, trois et quatre. C'est très technique, mais j'aimerais le savoir pour mieux comprendre le tableau.

[Traduction]

M. Anderson: M. Kovacs, qui a préparé le document, répondra à la deuxième question. Pour ce qui est de la première, je crois comprendre qu'il y a actuellement certains facteurs dissuadant les premiers ministres de se rencontrer pour traiter de certaines questions.

Pour ce qui est de la résorption du déficit et du dédoublement des services fédéraux et provinciaux, il y a dans le pays un consensus relativement net sur le fait que ce sont des problèmes graves qu'il est temps de résoudre, nonobstant tout le reste. Hier, le Premier ministre a annoncé un certain transfert de pouvoirs fédéraux aux provinces en matière de formation de la main d'oeuvre. Voilà à mes yeux une initiative très claire qui vise à rendre notre fédération plus efficiente, quels que puissent être nos autres problèmes politiques. Je crois par ailleurs que tous les premiers ministres du pays conviennent de la nécessité de résoudre les problèmes de la dette et du déficit.

La semaine dernière, par exemple, j'entendais le premier ministre Romanow traiter précisément de l'idée que nous avions exposée l'an dernier dans le but de donner aux marchés étrangers, dont notre prospérité dépend de plus en plus, la preuve que nous sommes très sérieux à ce sujet et que nous nous sommes fixé un objectif qui est conforme à ceux que les Européens ont pu se donner dans le cadre du Traité de Maastricht. À mon sens, cela ne peut que renforcer la confiance.

Il y a donc manifestement déjà un mouvement qui va dans ce sens. Beaucoup de provinces réagiraient positivement à toute initiative visant à éliminer le dédoublement des services, à harmoniser les dépenses et à prendre des mesures cohérentes au sujet de notre endettement, fédéral et provincial.

M. Paul Kovacs (vice-président, Élaboration des politiques, Bureau d'assurance du Canada): Je peux répondre à la deuxième question concernant la description du rapport. Ceci est un extrait d'un rapport très volumineux préparé par le Conseil du Trésor fédéral. Notre objectif aujourd'hui, et c'était le même lorsque nous avions déposé ce texte, était de donner des exemples de programmes précis qui coûtent beaucoup d'argent. Si vous le voulez, je pourrais vous remettre des exemplaires du rapport complet.

La catégorie identifiée, celle des chevauchements, montrait qu'il y avait certaines raisons pour lesquelles le gouvernement fédéral et les provinces avaient décidé de faire des choses relativement semblables. La catégorie la plus fréquemment identifiée, la quatrième, indique que les gens recevant des prestations du gouvernement fédéral sont des gens qui en reçoivent également de programmes provinciaux relativement semblables. Il n'y a cependant pas de chevauchement complet. Cela ne veut pas dire que l'on affirme dans le rapport fédéral que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux font exactement les mêmes choses pour les mêmes gens. Mais il est clair qu'ils font des choses similaires pour des gens similaires et que cela leur coûte fort cher.

.1045

Le thème central du rapport - et c'est pourquoi nous le déposons ici comme nous l'avons déjà déposé ailleurs - est qu'il semble y avoir des possibilités de recours à des organismes extérieurs pour faire les choses de manière plus efficiente, par le truchement de changements fédéraux ou provinciaux. Je n'ai pas le rapport complet avec moi mais je serai très heureux de vous en envoyer un exemplaire si vous le souhaitez.

Le président: Merci. Merci, monsieur Crête.

Monsieur Grubel.

M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Je tiens à remercier M. Beachell d'être venu défendre les intérêts des personnes les plus nécessiteuses de notre société. Ce qu'il fait est très louable. Je dois dire cependant que je n'ai jamais rencontré personne qui ait recommandé d'assainir les finances du pays sur le dos de ces gens-là.

Lorsque les choses allaient vraiment bien, d'aucuns disaient qu'il fallait donner beaucoup d'argent aux classes moyennes et supérieures pour s'assurer que les personnes défavorisées en obtiendraient aussi. Voilà pourquoi nous avons toutes sortes de programmes universels en vertu desquels les gens ont droit au supplément de revenu garanti ou à l'assurance-chômage, quel que soit le montant de leurs revenus. Le principe était à l'époque que tous ces gens voteraient en faveur de l'octroi de sommes généreuses à tout le monde puis que cela permettrait d'aider aussi les pauvres. Et l'on considérait que la meilleure solution était de faire cela à partir d'Ottawa.

Deux choses ont changé. La première est que nous commençons à manquer d'argent. Nos déficits s'accumulent au rythme de 100 millions de dollars par jour, et ce sont les générations futures qui en assumeront le fardeau, ce qui est foncièrement inique.

Deuxièmement, beaucoup de gens ont constaté que leurs voisins touchent des sommes dont ils n'ont certainement pas besoin et qu'il faut donc remettre de l'ordre dans tout cela.

La réponse de bien des gens qui ont réfléchi au problème est de soustraire au gouvernement central la responsabilité de gérer ces programmes, parce que ce gouvernement n'a plus les moyens de le faire. Si nous voulons sauver l'essence même des programmes et avoir assez d'argent pour ceux qui en ont vraiment besoin, il faut en confier la responsabilité aux provinces et, de là, aux municipalités, voire aux organismes communautaires.

Ceux qui font cette recommandation croient que les habitants des provinces font preuve d'autant de compassion que les maîtres à penser qui se sont établis à Ottawa il y a 25 ans ou 30 ans en prétendant décider pour les autres. Mais ce sont aussi des gens qui ont l'avantage de pouvoir faire le tri entre qui a vraiment besoin d'aide et qui n'en a pas besoin, entre qui est vraiment en difficulté et qui ne fait que prétendre l'être.

Lorsque je vous entends matraquer l'idée que l'argent serait géré à un niveau légèrement inférieur, par les provinces ou par les collectivités locales, cela me hérisse. Je me demande ce qu'il peut bien y avoir de mal à demander aux collectivités locales de faire le tri pour veiller à ce que l'argent aille bien à ceux qui en ont vraiment besoin. Pourquoi aurions-nous besoin d'Ottawa? Quelle est votre réponse, M. Beachell?

M. Beachell: Je crois pouvoir vous dire ce qu'il y a de mal.

Je vais laisser M. Simpson vous répondre, après quoi j'ajouterais quelques remarques si vous me le permettez.

M. Allan Simpson (directeur général, Centre de vie autonome): Quand nous analysons la politique sociale, nous ne voyons nulle part de garantie que nous vivrons dans une collectivité empreinte de compassion. Il n'y a qu'une garantie de contrôles et de contrepoids. Il nous faut un lien fédéral. Il nous faut une politique fédérale de portée universelle et garantissant le droit des Canadiens à avoir ce qui est essentiel pour survivre: l'habillement, le logement, etc.

Nous sommes très attachés aux valeurs de partage des ressources et des responsabilités avec les groupes communautaires, mais tout cela doit reposer sur la protection du droit fondamental à la liberté et au bonheur, droit aussi important pour les personnes handicapées que pour les autres.

.1050

J'ai travaillé pendant 22 ans dans l'industrie des assurances. J'ai travaillé dans le secteur privé, j'ai fait beaucoup de travail communautaire, et j'ai travaillé dans des petits groupes et pour des organismes internationaux. Rien ne peut jamais garantir qu'un groupe local sera plutôt généreux qu'égoïste. Tout peut changer d'un quartier ou d'une municipalité à l'autre.

Quand on a soustrait aux municipalités la responsabilité du système de bien-être social, au Manitoba, nous avons vu des exemples d'insensibilité terrible à l'égard des voisins, des cas de préjugés évidents.

Voilà pourquoi notre mouvement, le Conseil des Canadiens, et les divers organismes qui le composent croient vraiment à la nécessité d'un leadership fédéral pour garantir certains droits fondamentaux. Certes, collaborez avec les provinces, et évitez le dédoublement des services. Ayant été actuaire dans le secteur des assurances, je sais que les compagnies d'assurance peuvent être très efficientes, mais je sais qu'il peut aussi y avoir chez elles dédoublement des services et perte d'efficacité entre plusieurs départements, plusieurs équipes de vente, plusieurs services de marketing - plusieurs tout. Nous devons donc nous assurer que le secteur privé travaille de manière efficiente, mais il nous faut aussi des programmes universels pour garantir l'efficience... Et je sais que le programme gouvernemental le plus inefficient est quand même plus efficient qu'une organisation ayant des entités ou des services régionaux dédoublés.

Ce que nous faisons actuellement, au Manitoba, provoque du gâchis. Nous prenons tous les programmes de santé et nous sommes contraints de les diviser entre dix régions - encore une fois, selon votre principe, pour les confier à des conseils communautaires ou à des comités consultatifs locaux - et chacun va créer son propre service de recherche, son propre service d'archives, etc.

Je ne peux donc convenir avec vous qu'il faut tout confier aux groupes locaux. Ça ne marche tout simplement pas.

M. Grubel: Mais, monsieur Simpson, vous aurez une occasion merveilleuse de vous débarrasser du passé lors des prochaines élections. Vous aurez des occasions remarquables de discuter de questions locales plutôt que de questions nationales, au niveau national; de questions concernant les ports éloignés de Terre-Neuve ou le centre-ville de Toronto. Je ne comprends pas comment on peut juger efficient un processus politique en vertu duquel on dit: «Pourquoi ne pas aller aux Nations-Unies et tout faire à partir de New York?»

M. Beachell: Non.

M. Grubel: Comment se fait-il que vous veniez parler à Ottawa?

M. Beachell: Parce que c'est une question de contrôles et de contrepoids. Ce que nous constatons, à l'échelle locale, c'est le nivellement par le bas, car aucune collectivité ne veut offrir de meilleurs services que sa voisine, pour ne pas provoquer des migrations. Si l'Alberta - et c'est un gros «si» - offrait les meilleurs programmes de services sociaux au Canada, croyez-vous qu'elle n'attirerait pas de résidents d'autres provinces, quand on voit les coupures qu'impose le gouvernement de l'Ontario?

S'il n'y a pas de normes nationales, on aboutira au nivellement par le bas. Il n'y aura plus que des services minimum, rien de plus. Chaque collectivité locale aura peur de mettre son système en faillite si elle est trop généreuse parce que cela pourrait attirer beaucoup de monde.

M. Grubel: Mais on a exactement la preuve du contraire.

M. Beachell: Je ne le crois pas.

M. Grubel: C'est en Colombie-Britannique que les programmes étaient les plus généreux. La raison pour laquelle la province a adopté un critère de résidence est qu'elle veut préserver ses programmes à ce niveau. C'est exactement ce que vous voulez. Ce n'est pas le nivellement par le bas, c'est le nivellement par le haut.

M. Beachell: Mais vous, député fédéral, ça ne vous fait rien que quelqu'un qui se rende en Colombie-Britannique ne soit pas admissible aux programmes de soutien locaux, même si c'est un citoyen canadien?

M. Grubel: Si les gens se rendent dans cette province uniquement pour obtenir cela, il n'y a aucune raison qu'ils obtiennent des services aussi généreux.

M. Beachell: Dans ce cas, il n'y a plus de normes.

M. Simpson: Il va falloir que nous décidions si nous sommes canadiens ou non.

M. Grubel: Je ne pense pas que c'est une conséquence évidente. Les gens de la Colombie-Britannique se considèrent comme des Canadiens. Si vous voulez aller en Colombie-Britannique pour chercher du travail...

M. Beachell: J'espère bien que les gens de Colombie-Britannique se considèrent comme des Canadiens. J'espère que les Québécois aussi se considèrent comme des Canadiens. Je croyais que nous voulions bâtir une nation, pas dix solitudes.

M. Grubel: Supposons que des gens du Manitoba tombent dans la misère et qu'ils décident de conjuguer leurs efforts pour essayer de s'en sortir. Ils se réunissent avec leurs amis et leurs voisins et ils fixent une certaine norme. Mais vous, avec votre arrogance intellectuelle, votre arrogance morale, vous allez leur dire qu'avoir pris collectivement la décision de fournir tel ou tel programme n'est pas acceptable parce que «c'est Ottawa qui devrait décider». Je vous pose la question.

M. Cerilli: Êtes-vous en train d'accuser ces gens d'arrogance morale? Êtes-vous en train de les accuser de...

M. Grubel: Je fais...

M. Cerilli: Je m'oppose vivement à cette remarque, si c'est le cas.

.1055

Le président: Veuillez m'excuser. J'ai entendu les témoins et je suis sûr qu'ils sont plus que capables de se défendre face à toute accusation. Merci quand même de votre aide, monsieur Cerilli, mais je ne pense pas que ces gens en aient besoin.

M. Grubel: Je veux comprendre en vertu de quel principe moral des personnes peuvent dire qu'un groupe de Canadiens qui font partie d'une même collectivité - qui sont des voisins, des amis, des collègues - et qui veulent mettre sur pied un système d'aide sociale ne pourraient pas le faire. En vertu de quel argument moral pouvez-vous le leur refuser et les obliger à accepter un système imposé par Ottawa?

M. Beachell: Nous n'avons aucune objection à ce que des collectivités cherchent ensemble des solutions positives pour leurs membres. Nous les encourageons même à le faire. Notre préoccupation concerne les collectivités qui n'ont pas les ressources voulues, qui n'ont pas le leadership, qui sont dans la misère économique et qui ne peuvent pas se réunir pour aider leurs membres.

J'ai fait du développement communautaire et j'ai eu l'occasion de travailler avec des collectivités capables de mettre sur pied du jour au lendemain des programmes extrêmement bénéfiques. J'en ai aussi vu d'autres incapables d'organiser quoi que ce soit en 20 ans. Ce sont des collectivités déprimées, défavorisées, sans leadership, sans assise économique.

Il appartient au gouvernement provincial et au gouvernement national de veiller à ce que ces collectivités souffrant de disparités économiques ou de manque de leadership puissent quand même assurer à leur population un minimum de services, et c'est ce que nous appelons des normes nationales. Nous n'avons rien contre le fait que des collectivités cherchent des solutions novatrices. Beaucoup le font et nous les applaudissons. Nous souhaitons même que leurs solutions soient copiées dans le reste du pays. Mais il n'en reste pas moins que nous voulons préserver un niveau minimum.

M. Simpson: Puis-je ajouter une remarque?

Comme gérant d'un centre de vie autonome, je dois vous dire que c'est exactement ce que nous faisons. Notre principe est celui de l'entraide. Nous favorisons l'entraide de gens qui veulent agir ensemble pour former des systèmes de transport, des système de logement, des groupes de soutien des personnes battues, etc.

Ma formation dans le secteur des assurances me dit toutefois que notre pays a besoin d'un changement d'attitude, d'un regain de confiance. La confiance est l'énergie qui donne à tout le monde, dans le secteur des affaires aussi bien que dans le secteur social ou le secteur religieux, la volonté d'aller de l'avant. Quand nous défendons un objectif national, nous voulons précisément renforcer cette fibre, cette âme, ce principe qui nous donne l'énergie nécessaire pour être créateur, pour être constructif, pour contribuer au bien commun et pour forger la société.

Oui, vous avez parfaitement raison, et cela se fait dans de nombreuses collectivités. Cela se fait dans des groupes provinciaux et dans des groupes nationaux. Il y a toutes sortes de réseaux qui travaillent ensemble, mais la confiance vient de ce que l'on croit en l'avenir du pays, de ce que l'on croit en la sécurité, de ce que l'on croit en la valeur d'un réseau de services sociaux garantissant que nous n'allons pas mourir de faim. Il faut que ces principes soient garantis au palier fédéral.

Je suis sûr que les gens d'affaires... C'est là que nous avons besoin de ces niveaux d'assurance, et c'est pourquoi le président de ce comité et les responsables fédéraux des Finances déterminent par leurs actions l'attitude de tout le pays. Hélas, on ne parle plus aujourd'hui de politiques dans l'intérêt du pays, c'est la politique financière du pays qui mène tout.

J'ai été surpris, hier, d'entendre M. Chrétien annoncer le retrait du gouvernement fédéral du secteur de la formation nationale. Cela m'a terriblement déprimé, et plus psychologiquement qu'économiquement. Le gouvernement fédéral a un rôle crucial à jouer en matière de formation professionnelle, rôle qui va bien au-delà de la formation professionnelle. C'est un rôle qui touche au coeur même de ce à quoi les Canadiens ont droit en matière de croissance économique, de développement et d'acquisition de compétences.

Cela dit tout. Tout le travail que vous avez fait depuis deux ans... Je suis vraiment choqué, mais je suis prêt à examiner les autres aspects et à discuter en privé avec votre député de l'Alberta pour lui montrer ce que font les centres de vie autonomes dans le contexte communautaire.

Merci.

M. Grubel: Monsieur le président, je tiens simplement à remercier ces messieurs qui nous font bénéficier d'une longue expérience du travail en première ligne. Ils m'apprennent beaucoup. C'est pour cela que je voyage avec votre comité. Merci beaucoup, messieurs.

Le président: Merci, monsieur Grubel.

Je vais maintenant donner la parole au député de Selkirk, M. Ron Fewchuk.

M. Fewchuk (Selkirk - Red River): Bonjour, mesdames et messieurs. Pour ceux d'entre vous qui venez de l'Ontario et des autres provinces, bienvenue au Manitoba.

Monsieur Fiske, vous avez demandé que le paragraphe 149.1(1) de la Loi soit changé. Pourriez-vous préciser? Qu'est-ce que cela coûterait au gouvernement fédéral du point de vue financier ou en points fiscaux?

M. Fiske: Pas du tout. Ce que nous voulons, et qui n'est actuellement pas possible, c'est que les fondations privées aient la possibilité de verser leurs fonds à des fondations communautaires, en tant que capital de ces dernières.

.1100

Pour l'instant, elles ne le peuvent pas. Donc, une fondation privée ne pourrait établir de fondation communautaire parce que les fonds qu'elle utiliserait à cette fin ne seraient pas acceptés au titre de son quota de versement. En vertu des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu, les fondations privées sont soumises à un quota de versement annuel. La Loi ne leur permet pas de contribuer à un programme d'expansion des fondations communautaires.

La fondation Thomas Sill disposait d'un quota de versement excédentaire de 1 million de dollars. C'est cela qui nous a permis de mettre sur pied dix fondations communautaires. Maintenant que nous avons dépensé la totalité de cette somme, nous ne pourrons plus nous prévaloir d'autres versements excédentaires. Compte tenu des taux d'intérêt actuels et de tout le reste, notre budget n'est pas suffisant pour permettre un quota de versement excédentaire.

Si l'article 149 était refondu pour permettre aux fondations privées d'effectuer des dons et de transférer des fonds à des fondations communautaires, dans la limite de leur quota de versement, il serait possible d'appliquer un tel programme partout au Canada.

Nous parlons ici de la création de fondations communautaires. Vous pouvez assimiler ces fondations à des obligations ou des prêts à l'envers. D'habitude, le gouvernement émet des obligations et verse des intérêts annuels, année après année. Aujourd'hui, les intérêts payés sur ces obligations représentent, je crois, 30 p. 100 à 33 p. 100 des dépenses publiques. Si nous pouvions inverser ce processus en intervenant au niveau de l'épargne accumulée par les Canadiens, nous nous retrouverions avec des obligations à l'envers; chaque cagnotte collective produirait des intérêts que nous pourrions dépenser plus tard.

La génération des baby boomers va léguer un billion de dollars à la suivante. Si nous parvenons à structurer des fondations communautaires partout au pays, celles-ci seront en mesure d'aider la collectivité à subvenir seule à ses besoins, parce qu'elles seront les dépositaires d'une bonne partie de la richesse transférée d'une génération à l'autre.

Dans ses mémoires, Jack Pickersgill écrit que les Canadiens d'aujourd'hui seraient étonnés de voir à quel point, dans les années trente, le gouvernement fédéral offrait peu de services. Pickersgill, qui a grandi dans le Manitoba profond, fait remarquer qu'à l'époque, les Canadiens ne comptaient que sur eux, sur leurs ressources locales, pour satisfaire leurs besoins personnels et collectifs. Depuis, les collectivités s'en remettent beaucoup trop aux gouvernements pour répondre à leurs besoins. Nous, nous voulons renverser la vapeur pour que les Canadiens, les résidents des villes et des villages ordinaires, soient fiers de leur collectivité et soient en mesure de s'entraider.

Le président: Monsieur McKinnon.

M. McKinnon (Brandon - Souris): J'ai apprécié les remarques formulées pendant ce tour de table.

J'ai pris des notes sur certains points; premièrement, nous sommes apparemment confrontés dans le monde entier comme ici au Canada à un phénomène d'élimination des emplois; deuxièmement, on se dispute de maigres ressources financières pour essayer d'arriver au plein emploi grâce à la croissance économique.

Le document de M. Rice m'intéresse et j'aimerais que celui-ci me dise si, par le truchement de certaines initiatives du gouvernement fédéral, nous ne pourrions pas emboîter le pas aux agents immobiliers et aux chambres de commerce pour mettre en oeuvre un système qui nous permettrait de réaliser nos objectifs nationaux. C'est du moins ce que j'ai cru voir après une lecture rapide de sa proposition.

.1105

Monsieur Rice, j'aimerais que vous nous expliquiez brièvement comment nous pourrions parvenir à concilier les intérêts rivaux actuellement en jeu et à élaborer un programme susceptible de favoriser notre croissance économique.

M. Rice: Merci, monsieur McKinnon.

Vous me permettrez un petit retour en arrière, parce qu'il se trouve que je ne suis pas un habitué de ce genre de tribune. Je n'ai, pas plus que M. Fiske, compris le sens de votre question.

Mon document traite de plusieurs aspects. J'estime être ici d'abord en tant que Canadien, en tant que personne ayant travaillé pendant une trentaine d'années dans le secteur de la finance, pas pour le compte d'institutions mais pour celui de propriétaires de PME. Je les ai aidés à planifier leur entreprise et leur croissance, à économiser pour être autonomes au moment de leur retraite, et je les ai aussi aidés après leur départ à la retraite.

J'ai été témoin des changements auxquels a donné lieu la réforme fiscale exhaustive entreprise par M. Benson, il y a 24 ans. D'ailleurs, je crois que notre système fiscal repose sur les principes mêmes de cette réforme. Depuis 1971, le régime fiscal a été pas mal rafistolé. Grâce à l'introduction d'échappatoires fiscales, certains ont pu éviter de payer des impôts.

Je ne défends pas ceux qui cherchent à ne pas payer d'impôts. Mais je crois que certains des objectifs et des intentions énoncés à l'origine dans le document sur la fiscalisation ont été modifiés, ce qui a sans doute compliqué une partie de nos problèmes et ralenti notre croissance. Dans les années soixante-dix, malgré un taux d'inflation élevé, nous avons cherché à créer des emplois par le biais de déficits budgétaires. C'est ainsi qu'on pensait à cette époque, dans le monde entier, et nous n'étions pas conscients des coûts que les déficits et l'inflation allaient finalement occasionner. Les taux d'intérêt élevés et leur effet composé, imprévisibles à l'époque, ont donné lieu aux lourds déficits que l'on connaît aujourd'hui.

Donc, j'aimerais effectuer un retour en arrière et prendre trois ou quatre aspects qui ont été modifiés, rafistolés ou laissés de côté. Je crois que le gouvernement fédéral n'a pas touché à certains revenus que les Canadiens ont placés pour assurer leur avenir. Peut-être devrions-nous mettre ce problème sur la table et l'examiner.

Le président: Pourriez-vous nous dire de quoi il s'agit? Pourriez-vous nous dire très brièvement de quoi vous voulez parler?

M. Rice: Tout d'abord, il y a notre régime de pension. S'agissant de REER et de pensions, le gouvernement fédéral a fait ce qu'il fallait pour nous aider. Il s'est rendu compte qu'il nous fallait alimenter nos caisses de retraite si nous voulions disposer d'un revenu plus tard. Quand notre pyramide des âges changera et que le ratio travailleur-retraité passera de trois pour un à un pour un en 2020, les personnes âgées bénéficieront d'un revenu constant provenant de ces sources.

Alors, peut-être devrions-nous prendre les devants en permettant le paiement anticipé des impôts sur le produit actualisé des caisses de retraite. Au Canada, cela représente 603 millions de dollars. Or, personne n'a parlé de cette somme dans nos discussions sur le bilan financier ou sur le déficit. Il s'agit d'un revenu qui sera perçu plus tard et qui permettra alors de résoudre un grand nombre de problèmes de cette nature. Et si l'on parle de 603 millions de dollars en 1993, aujourd'hui c'est bien plus encore.

On pourrait structurer la chose ou la présenter de façon à permettre aux Canadiens de payer d'avance leurs impôts fédéraux et provinciaux - les provinces, elles aussi, ont des déficits et elles pourraient leur emprunter de l'argent qu'elles leur rembourseraient plus tard avec intérêt. La somme en question oscillerait entre 20 p. 100 et 25 p. 100 des montants investis dans les REER ainsi que dans les régimes de retraite du secteur privé qui seraient éventuellement mis sur pied.

Dans mon document, je parle de démographie, de motifs et du montant qu'on pourrait ainsi accumuler. Si, pour nous en tenir à ce seul exemple, un quart des Canadiens décidaient de se prévaloir de cette disposition et pouvaient effectuer un versement unique - j'ai parlé à plusieurs de nos compatriotes de cette idée de payer leurs impôts d'avance - on récupérerait 50 millions de dollars. Si l'on appliquait directement cet argent au remboursement du déficit, et si celui-ci ne faisait l'objet d'aucune dépense publique - autrement dit, si on le laissait dans un compte de dépenses payées d'avance - grâce aux intérêts accumulés et aux autres contributions que les épargnants seraient encouragés à faire par la suite, nous pourrions utiliser ces 50 millions de dollars pour rembourser une partie de notre déficit actuel. Qu'est-ce que cela donnerait en matière de réduction des frais d'intérêt? Que cela signifierait-il sur le plan des comptes futurs? Je vous en ai donné certains exemples dans mon document.

.1110

Le président: Merci.

Je voudrais être sûr de vous avoir bien compris. Toute personne ayant accumulé un certain avoir dans un fonds de retraite pourrait payer d'avance ses impôts sur le revenu futur que lui procurerait ce fonds à la retraite?

M. Rice: Oui, et l'argent demeurerait dans un compte payé d'avance, les intérêts continueraient d'être différés, etc. Ce serait une situation exceptionnelle où le gouvernement pourrait percevoir des impôts sur un revenu futur, assuré par des fonds actuellement disponibles dans le système. Seraient notamment touchés par ce genre de dispositions les institutions et les gens qui, comme moi, se préoccupent de cela...

Le président: J'essaie de comprendre votre concept. Ce que vous dites, c'est que si je disposais d'un avoir de 100 000$ dans un fonds de retraite, je pourrais payer d'avance les impôts que je devrais normalement verser quand je commencerais à percevoir le produit de cette somme?

M. Rice: Effectivement, et à un taux d'imposition réduit aujourd'hui.

Le président: Parfait. C'est très intéressant.

M. Rice: Comme je le disais, cela équivaudrait à plus ou moins 25 p. 100 de la somme totale accumulée, soit, grosso modo, au montant de l'impôt étranger que vous auriez à payer sur une telle somme si vous vouliez quitter le Canada. Beaucoup de gens sont en quête de façons détournées de...

Le président: Je sais, je ne vous contredis pas. C'est un concept très intéressant et je suis sûr que le secteur de l'assurance aura certainement, lui aussi, quelque chose à dire à ce sujet.

Excusez-moi, monsieur McKinnon.

M. Rice: Comme j'aborde, dans mon document, de nombreuses ramifications, je m'inquiète du temps dont je dispose pour vous parler de toutes les questions dont je traite.

Il y a aussi celle de...

Le président: Pardon! Monsieur McKinnon, vous vouliez...?

M. Rice: Mais il y a trois autres questions que j'estime également pertinentes.

M. McKinnon: Laissons-le poursuivre, monsieur le président.

M. Rice: Pour en revenir à cette question des paiements anticipés, il faut savoir que notre système comporte énormément de dispositions artificielles relativement aux gains en capital différés, dispositions qui vont au-delà de la protection contre l'inflation que l'on recherchait initialement. Aujourd'hui, on constate qu'il existe des moyens détournés pour ne pas payer d'impôts. Les planificateurs fiscaux, qui ont recours à des fiducies offshore, font sortir des actifs du Canada, que nous ne pouvons donc pas faire fructifier ici. Avec ma solution, nous nous trouverions à permettre aux gens de payer d'avance leurs impôts, en une fois; nous pourrions injecter cet argent dans notre système et reconfigurer ainsi l'assiette fiscale sur laquelle nous nous appuierions par la suite.

Il existe, dans notre régime fiscal, des revenus que nous pourrions imposer à condition de nous en occuper et de faire en sorte que les Canadiens trouvent intéressant de les divulguer.

Et puis, il y a les effets publics. L'un des rafistolages auxquels nous nous sommes livrés au début des années quatre-vingt a consisté à supprimer deux dispositions relatives aux obligations d'épargne du Canada et aux véhicules d'investissement en marge des régimes enregistrés, les REER ou et régimes de pensions. Ces dispositions permettaient aux Canadiennes et aux Canadiens d'investir et d'économiser, les intérêts sur leur placement continuant d'être différés et n'étant imposés qu'au moment de l'utilisation des fonds. À présent, tous les revenus d'intérêt doivent être déclarés dans l'année où ils sont gagnés mais, encore une fois, il existe des façons de contourner cette règle. Si l'on réintroduisait l'ancienne règle ou si on la repensait, si on l'examinait de plus près, en encourageant plus particulièrement le gouvernement fédéral à modifier sa politique relative aux effets publics - c'est-à-dire à offrir des effets à court terme d'un an, sous la forme d'obligations d'épargne du Canada, et des instruments d'investissement à long terme sur cinq à dix ans rapportant des intérêts correspondant à ce que sera la situation dans les dix prochaines années, en partant du principe que l'inflation et les taux d'intérêt seront faibles... Certes, les taux d'intérêt à long terme seront plus élevés que les taux d'intérêt à court terme. Nous pourrions ainsi, de nouveau, inciter les Canadiens et les institutions à acheter des effets publics à long terme assortis d'intérêts exonérés et non imposables rétroactivement.

Il faut assortir le régime de nouveaux incitatifs pour amener les Canadiennes et les Canadiens à acheter des effets publics plutôt que de se rabattre sur d'autres d'instruments qui sont en fait garantis par les effets publics.

Il faut également envisager des mécanismes de distribution des investissements publics en dehors du réseau des firmes de placement et des banques qui, de nos jours, sont toutes du pareil au même. Au cours des vingt dernières années, le nombre de personnes qualifiées à considérablement augmenté. On compte de plus en plus de courtiers enregistrés en valeurs mobilières. Le gouvernement devrait permettre à ces gens de vendre directement les effets publics plutôt que de les cantonner au rôle de mandataires des courtiers en investissement et autres, eux qui détachent les coupons afin de multiplier leurs sources de profits.

Le gouvernement a bien agi quand il a décidé d'émettre des titres de valeur nominale inférieure pour les rendre plus accessibles au Canadien moyen, mais il faut aller plus loin encore. Le gouvernement doit étudier la question de la distribution et déterminer comment les titres sont écoulés, plutôt que de mettre sur pied son propre système de distribution. Les choses pourraient fonctionner selon le principe du prix coûtant majoré. J'en parle dans mon document, et j'en donne les raisons.

Voyons les autres facteurs dont il a été question ici et qui pourraient être créateurs d'emplois. Il y a d'abord le niveau d'imposition préférentiel des PME, lesquelles portent l'économie de ce pays depuis dix ans. Il serait essentiellement question de leur consentir un taux d'imposition préférentiel sur les bénéfices, de les inciter à réinvestir leurs capitaux dans la création d'emplois, etc.

Le président: Monsieur Rice, je dois vous interrompre. Si je vous ai compris, vous recommandez que l'on porte de 200 000$ à 500 000$ les déductions accordées aux PME?

M. Rice: Ce n'est pas aussi simple.

Le président: Bien.

.1115

M. Rice: Si l'on regarde ce qui est advenu dans le passé, cette limite de 200 000$ a été réduite à cause de bien d'autres mesures gouvernementales. J'en parle dans mon document.

Plutôt que de relever globalement cette limite et de permettre ainsi aux entreprises de réaliser des bénéfices et de ne pas les réinvestir dans la création d'emplois, je propose qu'on accorde rétroactivement un crédit d'impôt de 200 000$ à 500 000$ aux entreprises qui, en fin d'exercice et d'après des états financiers vérifiés, auraient investi dans cinq secteurs différents. La même procédure est appliquée dans le cas du crédit d'impôt accordé au titre de la recherche scientifique. Donc, ce crédit serait consenti après que l'argent aurait été dépensé, et non a priori.

Dans mon document, je fournis aussi une explication relativement logique à cela. J'estime que cette formule constituerait un encouragement. Les différents domaines visés seraient la création d'emplois, la formation et le perfectionnement professionnel, l'augmentation du chiffre d'affaires, le remplacement des biens d'équipement et l'augmentation de la superficie occupée. Ces cinq domaines repères donneraient donc droit à un crédit d'impôt rétroactif, autrement dit après que l'argent aurait été dépensé, à la fin de l'exercice financier de l'entreprise.

Il y a un autre aspect auquel nous allons tous finir par être confrontés et qui m'inquiète beaucoup, de même que tous les Canadiens; je veux parler de la réduction des dépenses gouvernementales en soins médicaux et de santé.

Aux États-Unis et au Japon, c'est le secteur privé qui administre ce domaine, à contrat. Les gens peuvent contracter des régimes d'assurance privés, et on les encourage d'ailleurs à le faire. Selon le type de couverture choisie, ces régimes remboursent les traitements du cancer, les soins d'invalidité et autres, ainsi que les soins à long terme en maison de cure ou à domicile, à raison de 50$ à 200$ par jour.

Dans mon document, je soutiens que la contribution à de tels régimes n'est pas différente de ce que le gouvernement a fait pour les retraites des baby boomers, avec les REER, les caisses de retraite et les régimes d'épargne-études. À présent, il est question d'accorder un crédit d'impôt ou d'encourager la déductibilité des primes versées aux régimes privés qui rembourseront éventuellement les Canadiens afin de leur permettre d'être autosuffisants en matière de soins à long terme, etc. J'en parle aussi dans mon document.

Il existe donc quatre solutions proactives.

Le président: Merci, monsieur Rice. Vous avez piqué notre imagination sur bien des points et je vous félicite pour votre esprit imaginatif. J'ai l'impression que nous allons devoir jeter un coup d'oeil très sérieux à chacune de vos propositions.

Merci beaucoup, Glen McKinnon.

Je cède à présent la parole à M. Walker, député de Winnipeg Nord-centre et secrétaire parlementaire du ministre des Finances.

M. Walker (Winnipeg-Nord-Centre): Monsieur le président, je me propose de revenir sur les commentaires de M. Rice.

Nous avons essayé de nouvelles formules pour vendre nos effets au détail et nous avons ouvert un bureau à Toronto, parce que nous voyons les choses de la même façon que vous pour ce qui est de la vente directe aux petits investisseurs, en dehors du réseau des banques et des autres institutions financières. Nous sommes en quête d'idées pour des instruments d'investissement différents.

Nous commençons à peine. Je ne crois même pas qu'un directeur général ait été nommé. Nous n'avons pas ouvert pour la campagne de vente des obligations d'épargne du Canada de cet automne mais nous espérons être opérationnels l'année prochaine. Nous espérons alors pouvoir traiter directement avec des gens comme vous et avec d'autres agents indépendants qui distribueraient ces instruments.

M. Rice: Fort bien; espérons que vous rémunérerez les distributeurs à la commission au moment de la vente des produits et selon la méthode du prix coûtant majoré, et que vous n'essayerez pas d'instaurer un nouvel appendice de la fonction publique qui viendrait faire concurrence à la libre entreprise.

Si vous fonctionnez au prix coûtant majoré, alors je suis d'accord avec tout ce qui a été proposé et avec les suggestions qui ont été formulées, sauf pour ce qui est du mécanisme de distribution. J'estime qu'il existe d'autres façons rentables de distribuer vos instruments que de protéger les emplois des fonctionnaires.

M. Walker: Nous n'envisageons pas un système de distribution national.

M. Rice: Dans le rapport que j'ai lu, on faisait mention de l'intention du gouvernement d'instaurer son propre système de distribution et de faire concurrence au secteur privé, les acheteurs devant s'approvisionner directement auprès d'un organe du gouvernement. C'est même ce qu'on a laissé entendre à propos des OÉC, cette année. Je ne suis pas d'accord et j'estime que le gouvernement commet une erreur en faisant cela.

Le président: Merci, monsieur Walker.

Monsieur Discepola.

M. Discepola (Vaudreuil): Merci, monsieur le président. J'ai une question pour M. Cerilli.

Vous avez dit que la réduction de la semaine de travail ou d'autres formes de partage du travail permettraient de relancer l'économie. Je me suis souvent entretenu avec un professeur de ma circonscription qui semble être arrivé aux mêmes conclusions que vous. Malheureusement, lui non plus ne s'appuie pas sur des études.

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Il y a une chose qui est peut-être particulière à notre province, le Québec. Je pense que l'on a acheté le silence du mouvement ouvrier, au prix de 800 à 900 millions de dollars qui seront prélevés dans les coffres de la province dans le prochain budget; et puis il y a les agents de la Sûreté du Québec qui réclament des augmentations de 11 p. 100. Se pourrait-il cependant que les syndicats soient prêts à faire preuve d'ouverture et à permettre aux employeurs de jouir d'une plus grande souplesse dans l'ordonnancement du travail?

Les syndicats sont-ils disposés à rouvrir les conventions collectives ou veulent-ils simplement bénéficier d'une réduction de la semaine de travail sans réduction de salaire?

M. Cerilli: C'était une longue question, et je ne vous donnerai ni une réponse courte ni une réponse comportant toutes les précisions que vous voulez.

Le président: C'est ce qu'il lui faut.

M. Cerilli: Ce n'est pas au travail partagé qu'il faut s'attarder. C'est à quelque chose de différent. La semaine de travail réduite n'est pas un phénomène récent. Certains, autour de la table, ont parlé de l'expérience allemande ou européenne, à cause de la situation économique qui règne là-bas et de l'harmonisation des systèmes gouvernementaux dans certains secteurs.

De nombreux documents ont été rédigés à propos de l'Allemagne. Il y a bien sûr ceux produits par l'Université du Manitoba au sujet des études conduites là-bas sur la main-d'oeuvre. Ils traitent de la semaine de travail réduite et de son incidence éventuelle sur les débouchés d'emploi. Ici, nous avons connu la même chose dans les années cinquante, au lendemain de la guerre. Nous avions alors un déficit qui était sans doute tout aussi élevé que le déficit actuel. En cherchant à instaurer le plein emploi et à réduire la semaine de travail de 48 heures à 40 heures, au même salaire, on est parvenu à créer de nombreux emplois dans de nombreuses industries.

Vous devez vous demander ce que donnera l'automatisation, quelles sont les tendances en la matière et quelles répercussions celle-ci aura sur la main-d'oeuvre.

Je travaille depuis l'âge de 14 ans. Je suis venu ici d'Italie après la guerre. D'ailleurs, mon bateau chargé d'immigrants fut le dernier du genre. Nous avions quitté le Vieux continent à cause de la politique qu'on menait là-bas et que nous voulions vivre dans une démocratie.

À cause de l'automatisation, les compagnies ferroviaires, par exemple, ont considérablement réduit leurs effectifs qui sont passés de 130 000 personnes dans les années cinquante à 26 000. Ce faisant, elles ont pris soin de recycler les gens pour qu'ils puissent occuper d'autres emplois une fois l'automatisation terminée.

Pour que la réduction de la semaine de travail donne les résultats escomptés, il faut mettre en place de véritables programmes de recyclage. On ne peut se contenter de supprimer tous les emplois et de n'en créer aucun. Or, on essaie d'en créer autant qu'on en élimine, mais, jusqu'ici, on n'y est pas parvenu.

Le Canada a ses propres problèmes.

Mais la crise de l'emploi, elle, n'est pas spécifiquement canadienne; elle est mondiale. Les pays du G-7, que je mentionne dans mon document... Je le joins d'ailleurs au procès-verbal, à l'intention de ceux et de celles qui voudraient le lire. J'en ai rédigé d'autres sur le sujet. On compte actuellement, de par le monde, 800 millions de personnes sous-employées, sans emploi ou sans abri. Nous sommes donc en train, dans le monde entier, de mettre sur pied une véritable armée qui ne va pas demeurer coite. Donc, nous devons nous demander ce que nous pouvons faire à propos de la semaine de travail réduite.

Le milieu des affaires est prêt à offrir toute une gamme de services. D'aucuns envisagent même de revenir à un régime d'assurance-médicale privé. Nous avons connu cela. Nous avons aussi connu un autre système qui, à l'heure actuelle, assure tout le monde sur une base universelle. Et puis, il y a les normes nationales.

J'essaie de jongler avec tous ces éléments pour répondre à votre question dans les délais qui nous sont impartis.

Ce qu'il faudrait se demander, c'est s'il y a une possibilité, pas uniquement au Canada mais dans le reste du monde également, d'enrayer la crise de l'emploi.

La semaine de travail réduite est une solution. Peu importe qu'elle soit de 24 heures ou de 32 heures pour commencer, il est un fait que la formule n'est pas nouvelle. La Communauté européenne est en train d'étudier la chose.

Cela étant, j'estime que les pays du G-7 ont manqué le coche pour régler la crise de l'emploi.

Si on laisse le problème s'aggraver, plusieurs choses vont se produire.

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Dans mon document...

M. Discepola: Je ne vois pas comment on va parvenir à stimuler l'économie sans imposer un fardeau supplémentaire aux PME, en particulier.

M. Cerilli: Je crois que certaines PME stimulent déjà l'économie.

Si vous lisez mes documents, vous verrez que je soulève plusieurs questions. Je n'en ai abordé que cinq ici. Il y en a d'autres. Par exemple, le gouvernement fédéral doit-il régler le problème du million et demi d'enfants canadiens vivant dans la pauvreté? Nous ne pouvons rien faire pour cela.

Comment le gouvernement fédéral va-t-il imposer les entreprises, et je ne pense pas ici aux PME? À ce propos, je crois que l'idée de consentir un crédit d'impôt aux PME pour stimuler la création d'emplois conviendrait tout à fait dans ce cas.

Quels paramètres le gouvernement fédéral va-t-il retenir, par exemple, pour définir la pauvreté chez les personnes âgées? On a déjà parlé de l'impôt payé d'avance sur les revenus de retraite. Mais si vous prenez cet argent maintenant, qu'allez-vous faire plus tard en matière d'imposition, quand ces personnes prendront leur retraite?

Prenez l'autre question que nous avons soulevée. Comment le gouvernement fédéral va-t-il expliquer aux Canadiens ce qu'est une relance économique sans création d'emplois?

Voici la dernière de mes trois questions. Comment le gouvernement fédéral va-t-il imposer les sociétés canadiennes qui ont des comptes bancaires offshore?

Tout ce que j'essaie de dire, c'est que la semaine de travail réduite permettra de stimuler l'économie en redonnant des emplois aux gens. Elle nous permettra d'accomplir un certain nombre de choses. D'abord, nous redonnerons un travail aux sans-emploi. Le recyclage signifiera quelque chose puisqu'il débouchera sur des emplois que les gens pourront occuper. La semaine de travail réduite réglera une partie des problèmes que les gens éprouvent, en matière de garderies notamment. Et puis, le débat sur la crise de l'emploi portera sur bien d'autres aspects encore. Un grand nombre d'experts défileront pour donner leur avis.

M. Discepola: Les syndicats sont-ils prêts à...

M. Cerilli: Leur avez-vous posé la question? En fait, j'étais assez jeune quand, pendant la guerre, on a demandé aux syndicats...

On avait adopté le décret C.P. 1003 pour interdire les grèves quand les conventions collectives seraient encore en vigueur, et pour imposer l'arbitrage à la place. À l'époque, les syndicats ont accepté.

Mais attention, avec les syndicats, il faut tout mettre sur la table. Moi, je suis retraité; les chefs syndicalistes de la nouvelle génération regardent tout ce qui peut intéresser le pays entier, et pas seulement ce qui les intéresse eux. Les syndicats ont toujours fait cela.

Si vous posiez la question aux syndicats, et à condition que tout le monde soit franc et que toutes les cartes soient mises sur table, vous pourriez être agréablement surpris. Mais vous devez d'abord leur poser la question.

M. Discepola: Je n'ai rien à ajouter, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Discepola.

Monsieur St. Denis, vous avez la parole.

M. St. Denis (Algoma): Merci, monsieur le président. Merci d'être venu à Winnipeg. Ma circonscription se trouve dans le nord de l'Ontario. Ce n'est pas la première fois que je viens ici et je suis toujours heureux de m'y retrouver.

Puisque nous approchons de la conclusion de la séance, je vais changer de sujet pour un instant.

Plusieurs témoins, au cours de nos nombreuses haltes, nous ont parlé de la question des normes nationales en regard des responsabilités provinciales ou locales. Je crois d'ailleurs que MM. Beachell et Simpson ont abordé ce thème dans les réponses qu'ils ont fournies. Je dois ajouter que tous deux se sont exprimés avec brio.

Beaucoup estiment que la délégation des responsabilités fédérales aux provinces est synonyme de progrès. Le mieux serait que les responsabilités soient déléguées du gouvernement fédéral aux gouvernements provinciaux, quand c'est logique et que la décision va dans le meilleur intérêt de tous les Canadiens.

J'aimerais savoir si quelques-uns d'entre vous vont pouvoir répondre à ma question. Quand le gouvernement fédéral cède une partie de ses pouvoirs, devrait-il, d'une façon ou d'une autre, conserver les mêmes responsabilités en se réservant la possibilité d'imposer des normes nationales?

Prenons par exemple le cas de l'éducation. M. Simpson a fait allusion à l'annonce du Premier ministre du transfert aux provinces de la responsabilité en matière de formation de la main-d'oeuvre. En retour de cette délégation de pouvoirs, le gouvernement fédéral ne devrait-il pas récupérer une certaine responsabilité nationale en matière d'éducation?

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Je n'ai évoqué l'éducation qu'à titre d'exemple. Y a-t-il d'autres domaines où il conviendrait que le gouvernement fédéral continue d'imposer des normes, même s'il confiait la responsabilité administrative aux provinces?

M. Beachell: Le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, qui correspond au financement global des gouvernements provinciaux dans les domaines de la santé, de l'éducation et des services sociaux, n'est assorti d'aucune autre norme nationale que les dispositions intéressant les non-résidents.

Cela nous inquiète beaucoup, et pour trois raisons.

Premièrement, le gouvernement fédéral ne dispose d'aucun mécanisme pour savoir comment cet argent sera dépensé. Il ne saura pas comment cet argent sera effectivement dépensé dans la province bénéficiaire. Les seules normes garanties en matière de santé sont celles qui sont énoncées dans la Loi canadienne sur la santé. On y trouve un mécanisme permettant au gouvernement fédéral de retenir les fonds au cas où une province ne respecterait pas les normes stipulées dans la Loi canadienne sur la santé.

Mais, en réduisant le financement et en adoptant un financement global pour trois services essentiels aux Canadiens, vous avez instauré une certaine concurrence entre les différents fonds. Il y aura à présent concurrence entre l'éducation et la santé, et entre la santé et l'aide sociale. Nous craignons que, à cause du budget limité que vous avez prévu, ce ne soit le fonds de l'aide sociale qui écope.

L'aide sociale et les services sociaux vont souffrir. Les Canadiens désireux de réintégrer le marché du travail vont constater que ce genre d'aide n'existe plus. Je crois que, sous l'effet de l'augmentation des coûts des soins de santé et des coûts de l'éducation, deux programmes que le public appuie, et à cause de l'attitude actuelle que je qualifierais de mesquine, les groupes désavantagés font souffrir.

Nous suggérons que le gouvernement fédéral instaure un processus de vérification des programmes sociaux afin de savoir comment sont dépensés les fonds qu'il verse. Un rapport devrait suivre pour que nous soyons tenus au courant... Sous le régime actuel, un gouvernement provincial peut prendre tout l'argent et, s'il le désire, l'investir dans son réseau routier ou dans son réseau d'égouts. Dans un tel cas, l'argent versé par le gouvernement fédéral ne servirait à garantir ni la santé ni la sécurité sociale des Canadiens.

Le président: Merci.

Avez-vous un bref commentaire à faire à ce sujet, monsieur Anderson?

Je sais que M. Finkel n'a pas eu la possibilité d'entrer dans le détail. Je donnerai la parole à chacun d'entre vous, et pas uniquement pour conclure. Ceux qui n'ont pas eu la possibilité d'approfondir leur exposé et qui s'en sont tenus à une introduction de trois minutes, comme M. Finkel, auront l'occasion de se reprendre.

Vous avez une brève question à poser, monsieur Grubel?

M. Grubel: Je vais brièvement remettre les pendules à l'heure pour M. Cerilli. L'Europe n'a pas créé d'emplois au cours des cinq dernières années. Le taux de chômage en Allemagne est de 8 p. 100. Au Canada, le secteur privé a créé 800 000 emplois. Je ne parlerais pas donc pas de reprise sans création d'emploi. On a en fait créé 700 000 emplois, parce que les gouvernements en ont supprimé 100 000.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Grubel.

Monsieur Finkel, vous avez été très patient.

M. Finkel: Merci, monsieur le président.

Je vais en fait réagir en partie à la réponse faite à M. St. Denis au sujet de la délégation des pouvoirs. Je vais vous parler un peu d'éducation, mais aussi d'emplois et de croissance. J'aborderai peut-être aussi la question de la formation professionnelle, qui est un dossier d'actualité, d'adaptation au marché du travail et de contrôle de l'immigration, parce que ce sont là des sujets assez brûlants, du moins au Manitoba.

Une histoire peut valoir toute une déclaration, et je me propose donc de vous conter une histoire vécue qui nous a permis de nous forger une certaine opinion à ce sujet.

On a appris récemment que l'industrie du vêtement du Manitoba souffre encore d'un manque de main-d'oeuvre qualifiée. En fait, elle aurait tout de suite besoin d'environ 1 700 ouvriers qualifiés, principalement d'opérateurs de machines à coudre. À cause de cela, nos manufacturiers n'ont d'autre choix que d'affermer leur production, parce qu'ils ne peuvent bien sûr pas répondre seuls à la demande.

Malheureusement, aucune commande exécutée à l'extérieur du Manitoba ou du Canada n'est créatrice d'emplois au Manitoba ou au Canada. Nous estimons que la meilleure façon de favoriser l'accès à la richesse consiste à créer des emplois.

Et pourtant, même s'il y a 1 700 postes à combler au Manitoba, nous nous retrouvons avec 41 000 personnes au chômage et 27 000 autres qui sont prestataires de l'aide sociale. Jusqu'à récemment, nous n'avions pas trouvé assez de candidats pour combler 20 places dans notre centre de formation.

Il a beaucoup été question, récemment, des facteurs de dissuasion que comporte actuellement notre filet de sécurité sociale. Je sais que notre industrie appuie et attend avec grand intérêt les changements au programme d'assurance-chômage que Lloyd Axworthy devrait annoncer cette semaine. Nous savons que ce programme peut donner des résultats.

Au Manitoba, notre centre de formation vient de prendre part à un programme provincial qui a pour objet d'inciter les prestataires de l'aide sociale ayant terminé leur formation à accepter un emploi. Nous estimons qu'il est dans notre intérêt et dans celui du gouvernement du Canada d'appuyer tout effort visant à faire en sorte que les gens demeurent productifs.

.1135

Et cela nous amène à nous interroger sur la délégation de pouvoirs. À bien des égards, la situation se serait réglée de façon différente s'il avait existé, entre le Manitoba et le gouvernement du Canada, le même genre d'entente sur l'immigration que celle signée avec le Québec.

Nous croyons en fin de compte que c'est là où les gens vivent et travaillent qu'il faut régler les questions touchant au marché du travail. Aucune moyenne statistique nationale sur le marché du travail ne peut être appliquée de façon valable à une collectivité quelconque de notre vaste pays, géographiquement et économiquement diversifié.

Nous savons que l'emploi dans l'industrie du vêtement n'est pas une priorité nationale. Si l'on regarde ailleurs, on se rend compte qu'à Toronto et à Montréal, il y a trop d'opérateurs de machines à coudre. Mais pas chez nous. Nous avons fait des annonces dans ces deux villes et personne ne veut déménager ici.

Nous comptons dix provinces et deux territoires qui cherchent à élaborer des stratégies de développement économique adaptées à leurs régions. C'est logique d'agir ainsi. Toutefois, aucune stratégie de développement économique ne peut être valable si l'on ne dispose pas des outils permettant de créer un bassin de main-d'oeuvre spécifique à la région.

Nous menons ce difficile combat depuis deux ans, et nous en sommes venus à une conclusion. Nous encourageons fortement la délégation massive des responsabilités en matière de contrôle de l'immigration, par le biais de changements profonds aux catégories de candidat immigrants ou par le truchement d'ententes fédérales-provinciales, de même que par une plus grande participation des provinces aux programmes de formation professionnelle. La relance économique requiert adresse et doigté, et il vaut mieux être le plus près possible de ceux qu'on veut aider.

Voilà ce que j'avais à dire à propos de la délégation de pouvoirs.

Le président: C'est devenue une discussion fascinante.

Monsieur Anderson.

M. Anderson: Merci, monsieur le président.

Pendant de nombreuses années, quand j'étais fonctionnaire, j'ai occupé les tranchées sur cette question et je connais donc un peu la chose au quotidien. Au bout de plusieurs années, j'en suis venu à conclure que tout ce qu'on peut dire du Canada, c'est que c'est un pays plutôt imprévisible. Il suffit de lire la correspondance de Laurier et de Macdonald pour voir qu'ils craignaient que le pays ne survive pas; pourtant, nous sommes encore là.

Si nous existons encore après la Seconde Guerre mondiale, c'est notamment parce que nous avons pu nous appuyer sur des normes nationales qui lient le pays et qui nous identifient en tant que Canadiens au-delà des simples considérations économiques ou de rentabilité. Personnellement, j'estime qu'il est extrêmement important que nous disposions de ces normes. Elles représentent l'âme des Canadiens et constituent le tissu de notre société. Peut-être n'avons-nous pas besoin d'un gouvernement fédéral et peut-être ne pouvons-nous pas, non plus, nous en offrir un, du moins pas un qui soit aussi important et omniprésent que celui-là. C'est une question d'ordre pratique. On pourrait offrir les programmes à l'échelon local. Encore une fois, c'est une question pratique.

Mais nous nous trouvons aussi à énoncer ce que nous entendons par nation. Avant de nous précipiter pour céder des pouvoirs et des moyens à d'autres ordres de gouvernement, nous devons nous demander si la norme concernée ne représente pas quelque chose de fondamental pour notre identité nationale? Cette norme est-elle synonyme de progrès social pour nos compatriotes? Cette norme permettra-t-elle à notre nation de concurrencer les autres pays? Nous devons répondre à toutes ces questions.

Je ne suis pas certain que le débat actuellement en cours au Canada porte sur ces questions. J'ai l'impression qu'on se laisse aller à un simple compromis, à un vulgaire marchandage de pouvoirs à se partager entre différentes instances. Une nation doit poursuivre des objectifs plus élevés. Et ces objectifs plus élevés se trouvent exprimés dans ces normes nationales.

Voilà ce que j'ai conclu de toutes mes années d'expérience.

Le président: Merci, monsieur Anderson.

Voici venu le moment où je vais demander à chacun de résumer sa position. Vous disposez de trente secondes chacun.

Voulez-vous commencer, monsieur Fiske? À moins que je ne vous ai interrompu trop tôt. Si vous voulez prendre un peu de temps pour expliquer votre programme, nous serons heureux de vous entendre avant de passer aux résumés.

M. Fiske: Merci, monsieur le président.

Nous nous réjouissons d'avoir eu la possibilité de présenter cet exposé. Nous croyons qu'il renferme une idée simple et unique en son genre. Il est fort peu probable que votre comité entende de nouveau une présentation comme celle-ci dans laquelle on vous proposera de remettre aux Canadiens et aux Canadiennes la responsabilité financière de s'occuper d'eux-mêmes, ce qui permettrait d'alléger la demande sur le trésor public.

Pour vous situer la fondation Thomas Sill, sachez qu'il s'agit de la plus importante fondation privée du Manitoba. Elle est, à l'extérieur de Winnipeg, le plus gros bailleur de fonds non gouvernemental de la province. Elle détient des actifs d'environ 27 millions de dollars et accorde chaque année des subventions de près de un million de dollars.

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La fondation Thomas Sill, qui a été créée en 1987, a eu l'honneur de travailler au côté de centaines d'oeuvres caritatives, de sociétés et d'organismes gouvernementaux ayant pour objectif commun d'offrir des services à caractère humanitaire. Nous avons vu l'enthousiasme qu'ont suscité les oeuvres philanthropiques de la fondation, surtout dans le Manitoba rural et dans le nord de la province.

Cependant, notre réussite nous a amenés à nous rendre compte que nous ne pourrons pas continuer à répondre aux attentes grandissantes de notre clientèle. La fondation Thomas Sill, fondation privée, ne s'attend à aucune augmentation notoire de son capital. Sur ce plan, nous vivons le même dilemme que les responsables du trésor public. À long terme, notre revenu ne suffira pas pour nous permettre de continuer d'offrir à notre clientèle le même niveau de service que par le passé.

De plus, nous craignons de ne pouvoir nous acquitter de nos obligations philanthropiques à cause d'un manque de fonds. Pour régler tous ces problèmes, la fondation Thomas Sill a, en 1993, entrepris de créer dix fondations communautaires dans le Nord et dans les régions rurales de la province. Nous avons réservé pour cela un budget de un million de dollars, à répartir également entre les dix fondations.

Pour avoir droit à sa part de 100 000$, la fondation communautaire doit recueillir 200 000$ en quatre ans. La première collectivité à relever notre défi, en 1993, a été Morden. Depuis lors, Altona, Portage-la-Prairie, Neepawa, Flin Flon, Thompson, Winkler, la région des lacs, la région du sud-ouest et Selkirk ont mis sur pied de solides groupes communautaires qui se vouent à la réussite de leurs fondations locales.

Le président: Je me demandais pour combien de temps vous en auriez encore. Vous pouvez continuer à lire ou nous pouvons demander à ce que votre mémoire soit joint au procès-verbal de la séance. C'est comme vous voulez, monsieur Fiske.

M. Fiske: J'en ai pour moins de cinq minutes, monsieur le président.

Le président: Je pense que ce serait très utile que nous en ayons un exemplaire et que nous le versions au procès-verbal. Nous sommes tous au courant du concept dont vous parlez. Vous nous avez déjà expliqué les efforts que vous avez déployés pour mettre ces groupes communautaires sur pied et vous nous avez dit ce que vous attendez de nous. Y a-t-il quoi que ce soit d'autre que vous voudriez nous communiquer?

M. Fiske: J'ai parlé du quota de versement et je me demande si vous savez ce que je veux dire par là.

Le président: Oui. Pour bénéficier de ce quota aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu, vous ne devez pas conserver la totalité de vos revenus; vous devez en débourser une certaine partie chaque année. Vous voulez qu'un versement, admissible au titre du quota, puisse constituer un apport de capitaux dans un fonds communautaire.

M. Fiske: C'est tout à fait cela.

Le président: Autrement dit, les collectivités pourraient accumuler des capitaux permanents pour répondre à leurs propres besoins et vous-même, ainsi que votre fondation très généreuse, êtes prêts à financer les collectivités parvenant à recueillir suffisamment de fonds.

M. Fiske: C'est ce que nous avons fait. Nous voulons continuer à le faire, mais nous avons besoin d'aide, ce qui serait possible si l'on changeait la loi.

Le président: Merci, monsieur Fiske.

Monsieur Anderson, voulez-vous commencer à nous donner un bref résumé?

M. Anderson: Monsieur le président, je pense avoir dit ce que je voulais dire et je vous remercie de m'en avoir donné l'occasion. Je cède donc la parole à celui qui estimerait ne pas avoir eu la même chance que moi.

Le président: Merci, monsieur Anderson. Monsieur Finkel.

M. Finkel: Je pense la même chose. J'aimerais croire que le gouvernement jouit d'un capital politique suffisant pour nous guider sur la voie de la réduction du déficit, fermement mais sans précipitation. Il y a la question apparentée du rejet des responsabilités aux provinces; nous devons veiller à ne pas simplement nous délester de l'administration des programmes, mais de la confier à d'autres ordres de gouvernement selon un modèle de partenariat stratégique. En fin de compte, ce sont les clients et les entreprises qui devront payer la facture. Merci.

Le président: Merci, monsieur Finkel. Monsieur Rice.

M. Rice: Merci, monsieur le président. Pour conclure, je tiens à dire que j'encourage le gouvernement à examiner les quatre propositions que je vous ai soumises. Elles peuvent générer des revenus. Elles peuvent créer des emplois, il n'est pas nécessaire de conduire notre véhicule fiscal en regardant dans le rétroviseur. Commençons à regarder dans le pare-brise pour voir où l'on veut aller et pour utiliser tout ce qui se trouve à bord. Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Rice. Monsieur Simpson.

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M. Simpson: Le Canada a fait de grands pas pour prouver au reste du monde les avantages que présentent nos droits civiques, nos droits de la personne ainsi que nos contributions à l'économie. Les personnes atteintes d'invalidité participent à présent à de grands projets de création de services d'entraide, d'entreprises, de centres d'emploi et de formation. Grâce à la technologie moderne, à la médecine moderne, à l'éducation moderne, les personnes atteintes d'invalidité ne sont plus aussi désavantagées ni aussi handicapées qu'auparavant. Personnellement, je travaille au moins sept jours par semaine. Je ne sais pas d'où viendra la semaine de quatre jours pour moi.

Le président: Nous souhaitons simplement que vous preniez trois jours de repos, si vous n'avez rien contre, monsieur Simpson.

M. Simpson: Je l'apprécie, et ma femme aussi.

Les personnes handicapées peuvent beaucoup donner en retour à la société. Nous entretenons de nombreux liens dans le monde, et les Canadiens ont un rôle déterminant à jouer pour montrer ce que peut faire chaque citoyen de ce pays. Nous ne voulons pas le modèle américain de recours abusif aux tribunaux civils, comme on l'a vu dans le cas de ce jeune homme de Calgary à qui l'on a refusé une transplantation du poumon parce qu'il était atteint du syndrome de Down. Nous ne voulons plus entendre parler de gens à qui l'on refuse des occasions parce que... Nous avons parlé du déficit et de la dette. Nous sommes prêts à assumer notre part de responsabilités, notamment dans la gestion du budget, mais il faut que cela soit fait de façon juste, équitable et stimulante.

Quand M. Chrétien a pris ses fonctions de Premier ministre, le niveau d'espoir et de confiance était très élevé et c'est ce que nous devons rebâtir. Pour l'instant, nous avons une telle propension à nous centrer sur nous-mêmes dès qu'il est question de déficit et d'unité nationale que nous avons perdu de vue la notion de partage et de travail en commun avec les autres Canadiens. J'estime qu'il y a beaucoup de choses sur lesquelles nous devons travailler.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Simpson.

Monsieur Brazzell.

M. Brazzell: La Chambre insiste sur une réduction rapide du déficit. Nous estimons que c'est ainsi qu'on parviendra à libérer du capital, qu'on pourra abaisser les taux d'intérêt, restaurer la confiance des investisseurs étrangers et canadiens, augmenter le niveau des investissements et créer plus d'emplois. Et puis, il y a d'autres préoccupations, notamment l'élimination du dédoublement des services et l'harmonisation des programmes. Cela n'est pas forcément synonyme de décentralisation, mais une telle mesure donnerait certainement lieu à de très importantes économies.

Quelqu'un a dit aujourd'hui que le Canada n'était pas tout à fait un pays avant l'explosion des dépenses gouvernementales et l'expansion des services gouvernementaux. Je crois en fait que c'est précisément cette expansion qui le menace à présent. Notre pays s'enorgueillit d'appliquer des principes de justice et d'équité dans la prestation des services gouvernementaux. La Chambre est tout à fait d'accord avec ces principes. Cependant, nous évoluons dans une économie mondiale et la capacité du gouvernement d'offrir ses services sera grandement compromise si les entreprises canadiennes ne peuvent demeurer concurrentielles.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Brazzell.

Monsieur Cerilli.

M. Cerilli: Merci de me donner l'occasion de résumer.

Cet exercice constitue sans doute une main tendue à la nouvelle génération de dirigeants et de travailleurs canadiens, et je suis heureux que notre génération s'attaque enfin à la situation, comme nous devions le faire, et qu'elle essaie de trouver les moyens d'étayer les points forts du Canada, dans son ensemble, en ne se contentant pas de mettre nos normes au rancart pour en arranger quelques-uns.

Il faut que les étudiants, les jeunes, qui cherchent un travail et un lieu où exercer leur leadership, ici au Canada, se sentent à l'aise avec ce que nous leur léguerons quand notre génération leur cédera la place. Tout au long de mes 45 années de travail actif et de responsabilités dans la collectivité, que ce soit au sein d'un syndicat ou à la tête d'une collectivité, j'ai toujours cherché à arranger la majorité et pas de simples groupuscules. Notre mémoire met en évidence un certain nombre d'aspects en regard des questions de fiscalité, ainsi que des aspects sur lesquels nous devrions nous pencher pour nous assurer que nos normes s'appliquent effectivement à la sécurité sociale, à la question du régime d'assurance-maladie, à la semaine réduite, à la loi sur les brevets de médicaments, aux transports - comme je le disais - et même à la loi électorale du Canada. Nous devons envisager tout cela comme un élément de la spécificité canadienne et pas comme quelque chose de commun à tous les pays.

Le président: Merci, monsieur Cerilli.

Monsieur Madder.

M. Madder: Je dirai quelques petites choses pour conclure, après quoi je laisserai la parole à Derek.

Je tiens à insister sur le rôle très important que le secteur de l'immobilier joue dans la croissance économique du Canada. Partant de là, notre association a proposé des programmes, dans le passé, plus principalement le régime d'accession à la propriété grâce auquel les acheteurs d'une première maison pouvaient puiser dans leurs REER. Ce régime a fort bien fonctionné puisqu'il a engendré plus de 3 milliards de dollars en investissements immobiliers. En outre, il n'a que peu coûté au gouvernement, voire rien, ce que nous avons jugé très important.

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Cette année, nous proposons deux nouveaux programmes qui ne devraient rien coûter au gouvernement, qui devraient redonner confiance aux Canadiens et les inciter à investir dans l'immobilier. Il s'agit tout d'abord d'un petit changement qui serait apporté à la Loi sur l'intérêt et, deuxièmement, du programme d'investissement immobilier. Derek conclura à ce propos mais je voulais vous dire qu'il est important de laisser notre secteur croître à son propre rythme, et nous lui en donnerons la possibilité sans qu'il en coûte rien de plus au gouvernement.

Le président: Merci, monsieur Madder.

Monsieur Thorvaldson, pour terminer.

M. Thorvaldson: Merci.

Tout ce programme d'investissement offre des occasions extraordinaires. Il permet de remplacer les actuelles subventions gouvernementales par des fonds du secteur privé. Il vise les Canadiennes et les Canadiens à revenus modiques en leur permettant de moins dépendre de l'aide sociale.

Il permettrait de créer des emplois dans les PME; nous estimons qu'il pourrait permettre de créer environ 5 000 emplois à l'échelle nationale, de construire quelque 2 000 maisons par an et d'économiser au gouvernement quelque 150 millions de dollars. Donc, nous pensons qu'il s'agit là d'une proposition très valable et nous aimerions pouvoir en discuter plus longuement.

Pour reprendre un peu le programme de M. Fiske, nous allions commencer par envisager cette formule au Manitoba, celle de l'utilisation des fonds d'une fondation pour monter quelque chose du genre. Puis, il y a eu le programme d'immigration des investisseurs. Nous estimons que c'est là une possibilité d'obtenir des fonds et de les utiliser, à long terme, pour économiser l'argent du gouvernement.

Nous pensons que c'est de ce côté que vous devez explorer le terrain et nous vous remercions de nous avoir donné la possibilité de vous en parler.

Le président: Merci, monsieur Thorvaldson.

Nous avons tenu beaucoup d'audiences mais, ce matin, c'est sans doute la première fois depuis longtemps qu'on nous a soumis autant d'idées novatrices pour nous attaquer au déficit et à la crise de la dette, et pour remettre le Canada au travail. Permettez-moi de vous les résumer brièvement.

Pour ce qui est du secteur de l'immobilier, qui est un important créateur d'emplois, je crois que vos deux programmes méritent considération: les changements à la Loi sur l'intérêt et le programme d'investissement domiciliaire.

Monsieur Cerilli, vous nous avez soumis certaines idées, même au sujet de la semaine réduite, dont certains députés aimeraient se prévaloir, mais je ne crois pas que nous pourrons jamais en bénéficier.

Des voix: Oh!

M. Cerilli: Les Canadiens pensent que vous êtes tous trop payés. Mais pas moi.

Le président: Si nous réduisons notre semaine de travail à quatre jours, nous devrons nous attendre à une réduction de nos salaires en conséquence et donc à des revenus de quatre-septièmes.

M. Finkel nous a donné l'exemple d'une industrie qui recherche des employés. Eh bien, tous les gouvernements doivent relever le défi qu'il nous a jeté pour trouver une façon de former les Canadiens qui ne travaillent pas mais qui pourraient trouver ce genre d'emplois, très productifs, dans une industrie en croissance. Nous le félicitons pour cela. Donc, tout n'est pas perdu, même si les taux de chômage et de sans-emploi sont actuellement très élevés au Canada.

L'industrie de l'assurance nous a remis un mémoire exhaustif. Les témoins nous ont répondu de façon parfaite en nous indiquant les secteurs précis où nous pourrions réduire nos dépenses. Ces gens-là sont prêts à formuler des propositions audacieuses et à les défendre. Cela nous est très utile.

Encore une fois, je désire remercier les témoins de s'être engagés à traverser le pays pour que les Canadiens les rencontrent et qu'eux rencontrent d'autres Canadiens.

M. Fiske, vous avez beaucoup fait par l'intermédiaire de votre fondation pour appuyer les gens et les collectivités et pour leur donner l'occasion de devenir autonomes, de faire preuve de créativité - moyennant un peu de votre capital, ou de beaucoup, mais encore plus du leur - et de mettre en application leur sens du leadership. C'est un mouvement que nous nous devons de soutenir, je pense.

Monsieur Rice, vous nous avez fait part de quatre idées très novatrices quant à ce que nous pourrions faire - sans avoir à puiser profondément dans nos coffres, et dans certains cas ça ne coûterait même rien - pour inciter les particuliers à assumer plus de responsabilités vis-à-vis de leur avenir. Vous nous avez invités à examiner plus en détail chacune de vos propositions et je pense que le Bureau d'assurance pourra nous aider à propos de l'une d'elles.

Monsieur Brazzell, nous apprécions également l'exposé détaillé de la Chambre sur les différentes méthodes qui nous aideront à régler le déficit.

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Monsieur Beachell et monsieur Simpson, vous parlez en fait au nom des millions de Canadiennes et de Canadiens qui ont besoin que nous ne les ignorions pas et que nous les appuyions. Vous nous avez prouvé que vous avez beaucoup à offrir et que, quand nous réduisons les budgets, nous ne devons pas abandonner ceux qui ont besoin de notre attention. Vous avez bien insisté sur le fait qu'il serait immoral de notre part d'abandonner les gens dans le besoin. La question est de savoir si nous devons intervenir par le biais de normes nationales ou accorder une plus grande latitude aux pouvoirs locaux; mais vous avez fort bien plaidé en faveur des normes nationales.

Comme vous le savez, l'an dernier, notre comité a déclaré que le TCSPS devrait disposer d'une réserve d'argent comptant pour que ces normes demeurent à ce niveau élevé de qualité et soient appliquées à l'échelle nationale. Donc, je ne pense pas qu'il se trouve beaucoup de membres de ce comité en désaccord avec vous sur ce point; mais, là encore, vous n'avez pas manqué de nous rappeler à quel point il est important de tenir compte de ce que vous avez dit.

Au nom de mes collègues, je vous remercie beaucoup de nous avoir fait part d'idées aussi novatrices et d'avoir rappelé aux membres du comité à quel point il est important que nous nous déplacions et que nous rencontrions nos compatriotes. Merci.

La séance est levée. Nous reprendrons à 11 heures.

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