[Enregistrement électronique]
Le mardi 28 novembre 1995
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Le comité des finances poursuit ses audiences préalables au budget. Nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui M. George Harris, de CHO!CES; Art Hanson et Stephan Barg, de l'Institut international du développement durable; Jim Sinclair, de la Manitoba Association of Friendship Centres - et excusez-moi si je me trompe - Martha Owen, Chris Shannon, Keith Doan, Robert Johannson et Arthur Trapp qui comparaissent à titre individuel.
J'ai oublié Joan Johannson.
Mme Joan Johannson (Canadian Association for the Non-Employed/Organisation internationale anti-pauvreté): Je suis membre de la Canadian Association for the Non-Employed.
Le président: Bien. Merci beaucoup. Nous sommes heureux que vous soyez venue.
Voici la manière dont nous procédons: vous pourrez faire une déclaration préliminaire d'environ trois minutes dans laquelle vous nous présenterez vos principales préoccupations et vous nous direz quelle orientation vous voudriez que nous prenions. Ensuite, nous passerons aux questions. Nous sommes très heureux de votre présence.
Qui veut commencer? Art, voulez-vous être le premier?
M. Arthur J. Hanson (président-directeur général, Institut international du développement durable): Certainement. Si vous me le permettez, je voudrais passer directement aux questions. Je ne ferai que quelques remarques préalables.
Manifestement, ce qui nous préoccupe c'est le développement durable qui exige une corrélation entre les emplois, l'environnement et l'économie. Premièrement, en ce qui concerne la réduction du déficit, j'estime - c'est une opinion personnelle, d'ailleurs - qu'il faut tenir bon, montrer que c'est un objectif sérieux. En ce qui concerne l'environnement, un dollar en perte de vitesse, un déficit incontrôlé se traduiraient probablement dans notre pays par une exploitation excessive des ressources naturelles et, en fin de compte, par l'affaiblissement de notre capacité de gérer cet environnement du fait que nous consacrons une part si importante de notre budget au financement de la dette.
Passons maintenant à la question suivante que je considère absolument essentielle. Comment utiliser des mesures budgétaires pour favoriser l'emploi et la croissance. J'ai, à ce sujet, plusieurs très brèves remarques à faire. Il faudrait, pour commencer, que nous essayions d'éliminer les subventions et les avantages fiscaux qui créent des inégalités et découragent l'émergence de technologies et de méthodes nouvelles. Bien entendu, c'est dans le secteur de l'énergie que cela peut se produire, et se produit effectivement.
Deuxièmement, et c'est un point particulièrement important que nous faisons ressortir dans le document intitulé Green Budget Reform, document que je remettrai au comité, nous devrions taxer ce qui nuit à l'environnement et non ce qui profite à l'économie. Si nous supprimons ou réduisons les charges sociales et les autres taxes qui sont considérées comme un frein à l'emploi, nous pourrions imposer de nouvelles taxes qui aideraient à contrôler la pollution et frapperaient vraiment tout ce qui nuit à l'environnement.
On a déjà beaucoup travaillé dans ce domaine. Aux États-Unis, par exemple, on estime qu'une modification de l'assiette fiscale représenterait une différence de 40 à 50 milliards de dollars, et probablement plus. En Europe, cela a déjà commencé.
Le point suivant concerne les subventions, domaine auquel nous nous intéressons de très près. Je vais remettre au comité un document que nous avons récemment préparé pour l'OCDE, intitulé Eliminating perverse subsidies: What's the problem?
On rencontre ces subventions un peu partout. Il semble très difficile de s'en débarrasser. Il demeure que, dans certains cas, il serait utile d'accorder des subventions pour la protection de l'environnement afin de promouvoir les industries d'avenir. Dans certains cas, celles-ci créent des liens avec le secteur de l'environnement qui occupent une place de plus en plus importante sur le plan international.
Il faut que nous investissions beaucoup plus dans les domaines qui offrent des débouchés que dans des programmes de soutien du revenu qui jouent un rôle purement passif. Cela exige une bien meilleure coordination que celle qui semble exister au gouvernement. Le programme TAGS en est un bel exemple, bien que je doive reconnaître avoir été très favorablement impressionné par la suppression du taux du Nid-de-Corbeau. Nous semblons être sur la bonne voie, celle de l'adoption de stratégies d'adaptation et de la mise en place de politiques de transition.
Pour terminer, j'aimerais faire quelques autres remarques à ce sujet.
À mon avis, nous devrions faire plus pour promouvoir les initiatives communautaires; j'ai quelques suggestions à faire à ce sujet. Nous pourrions y revenir au cours du débat. Je souhaiterais que nous utilisions des mesures budgétaires pour décourager tous ce qui risque de créer des formes non durables de développement et d'utilisation des ressources, en particulier dans le domaine des forêts et de la pêche. C'est vraiment là une des meilleures méthodes de protéger les emplois - ne pas se contenter d'en créer mais protéger ceux que nous avons.
J'estime que nous devrions aussi examiner beaucoup plus attentivement certains des liens qui existent avec le commerce et le développement durable. En effectuant l'investissement nécessaire pour rendre viables des pratiques qui ne sont pas considérées comme telles, il nous sera beaucoup plus facile d'entretenir de bonnes relations commerciales et de créer des industries à vocation exportatrice, par exemple.
Pour conclure mes remarques sur l'emploi, je voudrais que l'on investisse davantage dans l'infrastructure des industries écologiques douces de l'environnement et de la pollution. Je crois qu'à l'avenir cela devrait être fondé sur un partenariat entre les secteurs public et privé au lieu de reposer uniquement sur un investissement de deniers publics. Parmi les multiples exemples qui existent dans notre pays, je vous donnerai celui du contrôle de la pollution dans le port d'Halifax et dans les eaux de Victoria. Mais pour cela, il faut faire appel à l'efficacité du secteur privé.
En ce qui concerne la troisième question portant sur les activités fédérales, pour lesquelles on pourrait envisager d'autres compressions et le transfert au secteur privé sur le plan de la commercialisation, le soutien à l'infrastructure environnementale dont je viens de parler est important. Je souhaiterais qu'on étudie plus à fond la possibilité de déléguer la gestion des ressources naturelles, lorsque cela semble présenter un avantage. C'est une question très complexe. J'estime, par exemple que les méthodes de gestion communautaire adoptées dans le nord constituent des modèles intéressants. C'est exactement l'approche qui conviendrait à la pêche sur les côtes de l'Atlantique.
Il est également important que nous utilisions le principe du paiement par l'usager dans toute la mesure du possible. Environnement Canada s'en est servi avec succès dans la commercialisation des services météorologiques. Mais les principes du paiement par l'usager et du paiement par le pollueur sont de très bons moyens de faire assumer la charge financière par l'usager plutôt que par l'ensemble de la population.
Je pourrais peut-être revenir aux autres compressions possibles au cours du débat. J'ai quelques idées là-dessus.
En conclusion, je dirais qu'il serait très tentant, dans le budget de cette année d'effectuer d'autres coupes sombres dans l'aide au développement à l'étranger. Et il faudrait cependant procéder avec beaucoup de prudence à cause des effets que cela pourrait avoir sur le rôle international du Canada. Nous sommes respectés à l'étranger et il faudrait essayer de ne pas perdre cet acquis.
Par contre, j'estime que nous devrions continuer à essayer d'améliorer la conduite de ces activités. L'IIDD y attache beaucoup d'importance.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Hanson. Votre rapport a été très complet.
Monsieur Harris, représentant de CHO!CES, vous avez la parole.
M. George Harris (coprésident, CHO!CES): L'organisation que je représente et moi-même estimons que ces consultations sont factices.
Le public n'a pas été suffisamment averti. Les gens découvrent l'existence de ces consultations tout à fait par hasard. En réalité, le gouvernement n'a pas envie de recevoir des conseils. Son programme est arrêté d'avance, comme le montre les questions qui limitent le débat. Le gouvernement ne nous demande pas dans quel genre de pays nous voudrions vivre. Tout ce qu'il veut savoir, c'est le montant des coupures qu'il faut ordonner.
Il y a des années que nous entendons le même leitmotiv.
Le président: Je suis fort surpris de voir que vous vouliez participer à quelque chose d'aussi factice.
M. Harris: Si je ne le faisais pas, vous diriez que nous avons refusé l'occasion de nous exprimer. Nous partons donc perdants.
Le président: Avez-vous participé l'an dernier, monsieur Harris? Est-ce que CHO!CES a participé l'an dernier?
M. Harris: Aux consultations?
Le président: Oui.
M. Harris: Pas à ma connaissance.
Le président: Ne saviez-vous pas que nos consultations se déroulent chaque année dans le cadre du processus préalable au budget?
M. Harris: Avant chaque budget?
Le président: Oui.
M. Harris: Cela dure depuis combien de temps?
Le président: C'est la seconde année.
M. Harris: La seconde année.
Le président: On l'a annoncé l'an dernier, et j'annonce dès cette année que vous serez invité l'an prochain. Vous ne pourrez donc pas dire qu'on ne vous a pas averti en temps utile.
M. Harris: Voulez-vous que je m'en aille?
Le président: Non, je suis ravi que vous soyez des nôtres.
M. Harris: Eh bien, je voudrais simplement...
Le président: Mais je tiens absolument à vous donner un préavis d'un an pour que vous ne puissiez pas dire qu'on ne vous avait pas prévenu.
M. Harris: D'accord, le second point qui me préoccupe est que les questions limitent aussi notre participation.
Le président: Je regrette, ce n'est pas vrai. Elles n'ont jamais limité l'intervention des témoins. Vous pouvez parler de tout ce que vous voulez, et nous serions heureux que vous nous présentiez votre vision du monde que nous voudrions avoir et les moyens pour y parvenir.
M. Harris: D'accord. Nous préparons actuellement un budget fédéral parallèle, un budget qui respecte les gens et ne pénalise pas les pauvres. Il ne constitue pas un assaut contre ceux qui sont vulnérables, comme celui que vous proposez.
Ce gouvernement, comme le gouvernement provincial d'ailleurs - et je dirais même que c'est également vrai des autorités municipales - lance actuellement une violente attaque contre les déshérités. Ces budgets servent les intérêts des financiers internationaux, les intérêts des riches, mais pas les intérêts du citoyen ordinaire. On nous répète inlassablement que la cause du problème, ce sont les assistés sociaux, les prestataires de l'assurance-chômage, etc.
Ce processus, je le répète n'est pas conçu pour que nous puissions proposer de véritables solutions de remplacement.
Le président: Je regrette, mais vous avez ici la possibilité de présenter toutes celles qui vous plaisent, monsieur Harris.
M. Harris: Nous rendrons notre budget public en février. Voici celui que nous avons publié l'an dernier avant le dépôt du budget fédéral. Nous sommes en plein processus de consultation.
Le président: Je serais heureux de recevoir toutes les suggestions que vous pouvez nous faire car, vous le savez certainement, l'élaboration d'un budget est une chose extrêmement compliquée. C'est pourquoi nous nous sommes réunis à l'avance. Vos budgets de remplacement seront les bienvenus, croyez-moi, mais je vous en prie, n'attendez pas février pour les publier car ce sera probablement trop tard. Vos propositions risqueraient alors de ne pas être prises en considération.
M. Harris: Il ne s'agit pas simplement de moi; beaucoup d'autres personnes participent à ce processus.
Le président: Nous le savons; c'est pourquoi nous sillonnons le pays, monsieur. C'est pourquoi nous sommes ravis que vous nous présentiez le point de vue des personnes les plus défavorisées de notre société. Nous sommes heureux que vous soyez leur porte-parole et nous écouterons attentivement ce que vous avez à dire. Simplement, n'attendez pas le mois de février pour publier votre budget.
M. Harris: Avez-vous examiné celui de l'an dernier?
Le président: Oui.
M. Harris: Il propose de nombreuses solutions que je vous conseille vivement d'étudier de très près. Je n'en dirai pas plus.
Le président: Merci.
Madame Johannson.
Mme Johannson: Je suis présidente de la Canadian Association of the Non-Employed. Je suis aussi membre du conseil d'administration de l'Organisation internationale anti-pauvreté.
Je rentre d'un séjour de cinq jours à Aylmer, au Québec, où 60 citoyens défavorisés se sont réunis pour discuter de ce qui se passait dans notre pays. Au Canada, on écrase les pauvres. Il ne nous reste que les yeux pour pleurer.
Le budget déposé l'an dernier, qui supprimait l'accord RAPC, signifiait qu'au cours des trois prochaines années les secteurs de la santé, de l'éducation et de l'aide sociale perdront 7 milliards de dollars. Il signifiait que nos droits - le droit à l'aide sociale, le droit de disposer de suffisamment d'argent pour vivre, le droit de faire appel, et le droit de ne pas être obligé de travailler pour bénéficier de l'aide sociale - nous ont tous été enlevés lorsque vous avez présenté le programme canadien de Transfert en matière de santé et de services sociaux.
Aucun d'entre nous n'a été consulté. Personne ne nous a demandé si nous voulions perdre nos droits. Les pauvres de ce pays sont complètement désemparés. Nous avons faim et nous avons perdu nos droits. Je n'arrive absolument pas à comprendre comment nos dirigeants peuvent fermer les yeux sur le sort des pauvres et des affamés.
Au moins la moitié des membres de mon organisation ont un diplôme universitaire. Nous avons fait ce qu'on nous avait dit de dire. Nous n'avons pas d'emploi, et maintenant nous n'aurons pas de quoi manger.
Je n'arrive pas à comprendre. Vous êtes nos dirigeants. Êtes-vous vraiment indifférents à notre situation? Vous nous dites qu'il n'y a pas d'argent, mais nous savons que c'est faux. La raison pour laquelle nous le savons c'est qu'il y a des gens comme Neil Brooks, qui enseigne le droit fiscal à Osgoode Hall et qui est venu nous parler. Il nous a expliqué que ceux qui nous disent qu'il n'y a pas d'argent se paient notre tête. Je ne peux pas le prouver, mais quelqu'un comme Neil Brooks, qui est un professeur de droit, nous a montré qu'il y avait de l'argent.
Pourquoi n'allez-vous pas prendre de l'argent aux banques qui font des milliards de dollars de bénéfices grâce à l'intérêt de leurs prêts? Pourquoi ne leur prenez-vous pas une partie de leur argent? Pourquoi nos enfants et nous-mêmes n'avons-nous pas suffisamment à manger?
Le président: Merci, madame Johannson.
Martha Owen, vous avez la parole.
Mme Martha Owen (exposé à titre individuel): Merci.
L'an dernier personne ne m'a écoutée. Peut-être n'ai-je pas dit ce qu'il fallait, je vais donc recommencer.
En ce qui concerne la première question, ne réduisez pas le déficit, éliminez-le, et le plus tôt sera le mieux. Comment? Soyez plus pragmatiques et soyez beaucoup plus durs. Cessez de favoriser les groupes d'intérêt. Éliminez tout ce qui décourage les gens de rechercher l'autonomie. Encouragez-les au contraire à cesser de profiter de l'assurance-chômage et de l'aide sociale. Ne tolérez pas les abus. Ne subventionnez pas les gens cupides et sans mérite. N'accordez pas de contrats trop généreux. Et ne dédommagez pas les pleurnicheurs. Ne reculez devant personne. Vous avez été élus pour gouverner. Faites-le.
Avec les deux minutes dont je dispose, je n'ai pas le temps d'entrer dans le détail. Mais je vais vous donner ma réponse à la troisième question et je reviendrai ensuite à la seconde sur la manière de procéder. J'ai ici huit documents, et je vais voir tout ce que je pourrai en tirer.
En ce qui concerne la troisième question, j'ai une anecdote à vous conter et il y a un ou deux enseignements à en tirer. Un fermier qui avait un cheval et une tête de bois voulait être plus mince, plus dur et plus efficace et il voulait faire plus avec moins. Il a donc apporté progressivement des réformes. Chaque jour, il donnait un peu moins à manger à son cheval et le faisait travailler un peu plus dur. Au fur et à mesure que le cheval maigrissait, le fermier devenait plus dur et son exploitation plus compétitive - ses exportations augmentaient. Au moment même où le cheval était parvenu à se suffire totalement à lui-même et où le fermier était sur le point de déclarer que l'expérience avait été une réussite parfaite, la sale bête est morte. Pas question de manger ce cheval. Il était bien trop coriace et trop maigre pour cela - d'ailleurs il n'avait que la peau sur les os - et le fermier a été obligé de s'en débarrasser. Se disant qu'il n'avait pas poursuivi ses objectifs avec suffisamment de vigueur, il a décidé de se montrer encore beaucoup plus dur la prochaine fois.
La fois suivante, il réduisit encore les rations et augmenta considérablement la charge de travail. Il sortait le cheval de l'écurie à grands coups de pied dans l'arrière-train afin de l'endurcir et de lui donner un peu d'initiative. Il le laissa plus libre de faire des choix. Par exemple, la bête était maintenant libre de se chercher un abri.
Le fermier n'en est plus à son premier ni à son deuxième cheval mais il n'a toujours pas réussi. Pourtant, sa détermination et son obstination ont fait de lui l'envie de la nation. C'est la même chose qui est arrivé aux gouvernements fédéral et provinciaux. Ils ont institué les mêmes réformes, espérant chacun être le premier à réussir. Les cadavres de chevaux jonchent la campagne, mais les gouvernements continuent à fouetter leurs successeurs à tour de bras.
Voilà ma réponse à votre troisième question, et si ces deux réponses vous paraissent manquer de cohérence, je suis certaine que vous réussirez à en trouver la logique plus tard.
Le président: Je vous remercie de vos remarques, Martha Owen.
Robert Johannson, à votre tour.
M. Robert Johannson (exposé à titre individuel): Je voudrais faire quelques remarques préliminaires. L'an dernier je n'avais pas apporté de mémoire. Cette année j'ai un document d'une seule page. Peut-être que l'an prochain je ferai aussi bien que Art et je vous apporterai un véritable livre.
Que tout cela soit factice ou non, je n'en sais rien. Ce dont je suis certain, c'est que vous êtes venus ici pour nous entendre et je crois que c'est notre devoir d'exprimer nos opinions et de vous dire ce qui se passe à notre avis. Lorsque le prophète parle, c'est celui qui l'écoute qui est responsable. Si le prophète garde le silence, c'est lui qui est responsable.
Je prie les députés francophones de m'excuser car je n'ai pas de traduction de mon texte.
Le président: Ne vous inquiétez pas. C'est à nous de nous en occuper.
M. Johannson: En tout cas, ce qui me préoccupe surtout ce sont les perspectives qui s'offrent à nous et aussi notre façon de considérer l'économie. Le budget est un des principaux leviers du pouvoir dont dispose le gouvernement fédéral pour déterminer ce qui se passe dans l'économie canadienne. Si nous interprétons mal la situation et si nous ne comprenons pas l'effet qu'a le budget sur l'économie et le fonctionnement de celle-ci, nous courons à la catastrophe. Ce qui est dramatique, à mon avis, c'est que nous adoptons à l'égard du budget une attitude qui conviendrait mieux à une entreprise commerciale.
Penser en termes d'entreprise commerciale est simple et parfaitement acceptable lorsqu'on a effectivement affaire à une telle entreprise. Une entreprise est linéaire. Il y a des recettes, il y a des dépenses, et il y a des bénéfices. Pour faire un bénéfice, il faut augmenter les recettes ou réduire les dépenses. Ce n'est pas plus compliqué que cela.
L'économie canadienne fonctionne tout autrement et il est important de le comprendre.
J'ai tracé un petit schéma de systèmes qui est très simple et élémentaire. L'économie canadienne est un système. On y trouve des producteurs et des consommateurs, et son fonctionnement suit un cycle. Les producteurs produisent des produits qu'ils vendent aux consommateurs. Plus les consommateurs en achètent, plus ils en produisent, plus on recrute de travailleurs et ainsi, plus les gens ont d'argent pour acheter encore plus de produits, etc. Lorsque le cycle est positif, il accroît progressivement à la richesse du système.
L'ennui, c'est que, lorsque le cycle est négatif, c'est la dégringolade. Si les consommateurs ont moins d'argent, ils achètent moins de produits; les emplois diminuent, il y a moins d'argent pour acheter des produits et donc, moins de produits sont achetés et moins de travailleurs sont recrutés. Cette spirale poursuit sa descente jusqu'au moment où elle atteint les limites du système.
Le système fonctionne donc par cycles, positifs et négatifs. La nature des cycles dépend des limites des divers types de croissance.
Considérons les limites de la croissance dont nous sommes actuellement témoins. Dans le cas des stocks de morue, par exemple, il y a des limites environnementales. Il y a une croissance qui est durable, et une croissance qui ne l'est pas. Dans un pays dont la richesse est surtout fondée sur l'exploitation des ressources naturelles, il ne faut jamais oublier les limites environnementales, sans quoi la situation que nous connaissons dans le cas de la morue se répétera indéfiniment dans tous les secteurs de ressources, l'un après l'autre.
Si nous ne respectons pas ces limites environnementales, nous allons éprouver de sérieuses difficultés. En fait, nous en avons déjà, mais un jour, ce sera encore bien pire.
La limite absolue de gravité d'une phase de dépression est la limite de consommation. Quel niveau de dénuement sommes-nous prêts à tolérer? Jusqu'à quel point sommes-nous prêts à affamer les gens? Voilà la limite.
La chose la plus difficile à saisir c'est que le même sort nous lie tous les uns aux autres. Vous ne pouvez pas dire, au diable mon voisin et les autres, c'est chacun pour soi. Si mon voisin est en difficulté, moi aussi, je suis en difficulté. Si notre politique conduit à l'appauvrissement d'une grande partie de la population canadienne, notre pays sera en très mauvaise passe.
Le président: Excusez-moi de vous interrompre. Pourriez-vous conclure vos remarques préliminaires? Nous vous accorderons ensuite tout le temps que vous voudrez mais je veux que chaque participant dispose du même temps.
M. Johannson: Très bien, j'ai dit l'essentiel.
Le président: Merci, monsieur Johannson. Nous reviendrons à vous tout à l'heure.
Et pour terminer, nous donnons la parole à M. Arthur Trapp.
M. Arthur Trapp (Service d'assistance canadien aux organismes): Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de m'avoir offert la possibilité de comparaître devant vous.
Mon intervention est celle d'un simple particulier qui s'intéresse aux affaires de notre pays, mais j'interviens aussi comme membre d'un organisme bénévole appelé le Service d'assistance canadien aux organismes. Nous avons deux programmes, le programme de services internationaux et le programme de services aux Autochtones.
En tant que citoyen, je constate une terrible hémorragie de recettes - j'ai nommé la fraude fiscale commise par tous ceux qui ne paient pas la TPS. Cette fraude sévit dans tout le pays.
J'ai des activités commerciales bien modestes mais il arrive très souvent qu'on me demande si j'ai besoin d'une facture. Vous savez ce que cela signifie. Je suis certain de ne pas être le seul dans cette situation. Je suis sûr que cela se produit partout. Je pense que M. Anderson, notre ministre, devrait faire preuve de plus de sévérité et voir ce que l'on peut faire pour récupérer cet argent.
Le président: Serait-ce, par hasard, qu'il y aurait quelque chose chez vous qui inspire le soupçon, Arthur? Je ne connais personne d'autres à qui on ait offert ce type de -
Des voix: Oh, oh!
M. Trapp: C'est possible!
Cependant, le manque de rigueur du système encourage de plus en plus de personnes à pratiquer la fraude fiscale, et nous risquons fort de devenir une république de troisième ordre dans laquelle personne ne respecte la loi. Je crois qu'il faudrait que nous nous occupions de cela.
En tant que membre du SACO, permettez-moi de vous expliquer qui nous sommes et ce que nous faisons. Notre programme international permet d'envoyer des personnes bénévoles comme conseillers dans les pays du tiers-monde pour les aider à promouvoir les affaires et à améliorer les conditions sociales et aussi pour créer des liens qui permettront peut-être d'établir des échanges internationaux. Je suis certain que c'est un domaine que beaucoup d'entre nous connaissons bien.
Notre programme de services aux Autochtones fournit, sur demande, des conseillers bénévoles qui aident les Autochtones à créer des entreprises, des points de vente, à structurer des organismes et à promouvoir le développement économique et social.
Ce qui m'inquiète, c'est qu'il n'y a pas d'équilibre entre ces deux programmes. Je vous signale que dans le préambule à son rapport annuel, le SACO international indique qu'il est prêt à fournir aux sociétés canadiennes intéressées des informations extrêmement utiles recueillies par ses bénévoles sur divers projets et à aider à jeter les bases nécessaires pour organiser des ventes internationales, des coentreprises, des échanges d'information et du travail à contrat entre des sociétés étrangères et le Canada.
Nous aidons non seulement nos clients mais nous contribuons aussi à la prospérité du Canada en procurant des recettes fiscales aux Canadiens et en permettant d'organiser des programmes d'aide. Nous sommes certains que ce service accroîtra le soutien que les entreprises canadiennes apportent au SACO. J'ai ici une liste des nombreux pays où nous sommes représentés.
En ce qui concerne le programme de services aux Autochtones, il figure sous deux ou trois postes ce qui est comparable au montant de l'aide financière fournie par le biais du programme destiné aux Autochtones du SACO par opposition aux programmes à l'étranger.
J'ajouterai simplement que notre programme de services aux Autochtones est un programme national et que c'est de lui que nous devrions nous occuper en premier. J'aimerais y revenir plus tard.
Le président: Merci, monsieur Trapp.
[Français]
Monsieur Brien, s'il vous plaît.
M. Brien (Témiscamingue): Je n'ai pas de questions très spécifiques et j'aimerais queM. Trapp continue son exposé. Il allait traiter des programmes touchant les autochtones. Comme cette question semble représenter une partie importante de sa présentation et que je n'ai pas pu lire les documents, j'aimerais qu'on lui permette de développer sa vision quant à l'approche que le gouvernement devrait prendre sur le plan budgétaire en regard des programmes de soutien.
[Traduction]
M. Trapp: Je n'entends pas bien l'interprète.
[Français]
Le président: Est-ce que vous pourriez poser la question à nouveau, brièvement, s'il vous plaît, monsieur Brien?
M. Brien: Monsieur Trapp, vous arriviez à la fin de votre présentation et vous avez dit que vous parleriez davantage du programme relatif aux autochtones. Alors j'aimerais que vous nous expliquiez un peu l'approche budgétaire que vous voudriez voir prendre par le gouvernement en ce qui a trait au programme de soutien des communautés autochtones.
[Traduction]
M. Trapp: Les Affaires indiennes ont un programme d'aide aux collectivités.
Le SACO est un organisme bénévole qui fournit les services de personnes qui offrent une expérience d'une vie toute entière consacrée à certains domaines. Lorsqu'une collectivité nous le demande, nous venons la conseiller et l'aider dans toutes sortes de domaines: éducation, organisation, développement commercial et touristique, etc. Voilà ce que nous faisons au SACO et c'est tout à fait différent de ce que font normalement les Affaires indiennes pour la communauté qu'elles servent.
[Français]
M. Brien: Vous aidez les gens à devenir plus autonomes, finalement. De quels montants pensez-vous avoir besoin dans l'avenir? De montants supplémentaires, moindres ou des mêmes? De quelle façon voyez-vous l'avenir de votre programme?
[Traduction]
M. Trapp: Nous aidons les Autochtones, en particulier dans les collectivités éloignées, à devenir plus autonomes de manière à ce qu'ils ne soient pas tentés d'immigrer vers les centres urbains parce qu'il n'y a rien à faire chez eux. Nous les aidons à devenir autosuffisants dans leur propre collectivité. Voilà ce que nous essayons de faire. Nous les aiderons dans le domaine du développement des ressources, par exemple, la création de chalets d'accueil pour touristes; nous pouvons également les aider dans le domaine de l'exploitation forestière.
Je suis moi-même un bénévole. Je travaille dans le domaine du tourisme et dans celui de l'exploitation forestière. Je travaille avec quatorze collectivités différentes qui avaient demandé qu'on les aide à construire des scieries. Ces collectivités veulent en effet produire le bois d'oeuvre dont elles ont besoin pour construire leurs propres habitations. Pour le moment, une seule de ces scieries a réussi. Pour diverses raisons, les treize autres marchent mal.
Nous pensons que notre programme a un bel avenir devant lui et c'est pourquoi je suis ici. Nous sommes un organisme bénévole et nous voudrions pouvoir disposer d'un peu d'argent pour créer une équipe dynamique qui se rendrait dans les collectivités autochtones pour discuter avec les responsables du potentiel qu'elles offrent. Notre équipe les aiderait ensuite à développer ce potentiel au maximum.
[Français]
M. Brien: Vous dites que vous êtes ici pour demander qu'on vous donne les moyens de les aider ou d'intervenir plus librement avec eux. Depuis combien de temps existe votre programme et quelle en est l'appréciation des gens avec qui vous travaillez?
[Traduction]
M. Trapp: Je crois que le programme de services aux Autochtones existe depuis 26 ans, et le programme international, depuis 28 ans. Jusqu'à présent, nous nous sommes toujours contentés de réagir, d'attendre qu'on fasse appel à nous.
Auparavant, nous n'hésitions jamais à faire plusieurs déplacements. Ces dernières années cependant, l'argent versé directement au SACO a été partagé entre les diverses bandes autochtones. Chacune en a donc reçu un peu, mais dans la plupart des cas, ce n'est pas suffisant pour réaliser les divers projets qui devraient être entrepris.
Voilà notre problème. Je suis venu ici vous dire que nous n'avons pas suffisamment d'argent pour être proactifs. Nous n'avons pas suffisamment d'argent pour monter une équipe qui se rendrait dans ces collectivités pour les aider à mettre leurs ressources en valeur.
Les Autochtones sont là. Les spécialistes des ressources aussi. Les Autochtones ont ces ressources sous la main. Pourquoi couper du bois dans la région de M. Grubel pour lui faire traverser la Saskatchewan, l'Alberta, le Manitoba, jusqu'à Sioux Lookout, et de là l'amener là-haut, dans le nord de l'Ontario, pour construire des logements, alors qu'on a le matériau sur place et qu'on a besoin d'y créer des emplois?
Nous pourrions faire tant de choses. Nous pourrions pratiquement éliminer la dépendance à l'égard de l'aide sociale. Nous pourrions apprendre aux gens à devenir autonome. C'est de cela qu'on a besoin... Sans compter qu'il serait possible de produire les matériaux dont ils ont besoin pour beaucoup moins cher qu'ils ne le paient actuellement.
Si l'on ne pouvait pas vendre ce bois d'oeuvre directement dans le sud, je dirais que nous n'aurions pas grand chose à y gagner. Mais il y a un marché pour le bois d'oeuvre aux États-Unis, sinon au Canada. Les producteurs canadiens pourraient ainsi mettre en valeur une ressource qui serait une nouvelle source d'argent. Cet argent, il est chez nous et il resterait chez nous. Nous faisons cela sans l'argent du gouvernement. Nous ne sommes donc pas tributaires de l'aide sociale à cet égard.
Voilà ce que j'avais à vous dire, monsieur.
Le président: Merci, monsieur Brien.
Monsieur Grubel, à vous.
M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Merci, monsieur le président. Je voudrais poser une question à Mme Johannson.
Il y a quelque chose qui m'intrigue beaucoup et j'espère que vous pourrez m'aider.
Je connais individuellement les membres du parti au pouvoir; nous avons voyagé ensemble. Je ne suis pas d'accord avec beaucoup de choses qu'ils font, mais il y a une chose que je peux vous dire, ils partagent tous la même qualité: la compassion et le souci des autres. Cela leur brise le coeur d'entendre des histoires comme la vôtre. M. St.Denis a même dit une fois en public qu'il a constaté, au cours de nos conversations en privé, qu'en dépit du fait que je suis un réformiste et que j'ai mauvaise réputation, je partage ces qualités.
J'ai aussi rencontré M. Martin, dont le père a aidé à créer ce merveilleux programme de bien-être social. On ne peut pas s'empêcher non plus d'être impressionnés par la sincérité de M. Chrétien et par sa volonté de maintenir l'unité de notre pays et de s'assurer qu'il est en bonne santé et que personne n'y souffre. Êtes-vous d'accord avec ma façon de voir les choses?
Sinon, il faudrait dire que ceux qui sont assis ici, et des personnes comme M. Martin et M. Chrétien sont méchants et mesquins. Ce sont des personnes qui sont entrées dans la vie publique après avoir abandonné des emplois profitables et avoir quitté leurs familles pour faire ce que nous faisons ici - et je peux vous assurer qu'il n'est pas très agréable de coucher dans un hôtel différent tous les soirs - parce qu'ils auraient, on ne sait trop pourquoi, pour mission de faire souffrir les Canadiens. Si c'est ce que vous pensez, Mme Owen, vous ne pourriez pas être plus loin de la vérité.
Voici ce que j'ai du mal à comprendre. Des gens comme Neil Brooks ont comparu devant nous; ils ont rédigé des mémoires dans lesquels ils répètent chaque fois, chaque jour, que si seulement, en commençant par M. Chrétien, M. Martin et tous ceux qui sont ici, nous finissions par comprendre et si nous prenions tout l'argent qui traîne ici sans faire de mal à personne pour le donner aux nécessiteux, il n 'y aurait plus de problèmes.
Mme Johannson, non seulement toutes les personnes dont je parle ne sont pas méchantes, mais elles sont bonnes et savent ce qu'est la compassion. Et elles sont loin d'être stupides. Si elles veulent vraiment faire le bien, ne pensez-vous pas qu'elles sauteraient sur l'occasion d'emprunter les idées de M. Brooks pour rendre tout le monde heureux? Je peux vous assurer que s'il était possible d'avoir des solutions aussi simples aux problèmes du Canada, j'irais trouver M. Manning et il les adopterait instantanément. Il m'écoute lorsque je lui donne un avis sur certaines de ces questions.
Je vous en prie, Mme Johannson, dites-moi quelle est la réponse. Tous ces gens-là sont-ils méchants? Sont-ils stupides? Où se pourrait-il, sait-on jamais, que M. Brooks fasse un peu fausse route?
Je vous remercie. J'attends votre réponse avec impatience. Je vous le dis du fond du coeur. C'est une véritable énigme pour moi.
Mme Johannson: Je suis certaine qu'il y a de la bonté et de la compassion en vous tous. Je n'ai jamais dit le contraire. Malheureusement, le résultat, c'est que mes amis, mes enfants et moi-même avons faim et vivons dans le désespoir.
Considérez les résultats de vos actes. Vous ne pouvez pas dire, «Je suis quelqu'un de très bon, et je regrette beaucoup que ce que j'ai fait vous a tué». Vous devez assumer la responsabilité de vos actes. Vous êtes les responsables - vous tous.
Tout le monde n'est pas du même avis sur la manière dont notre pays devrait être administré. Ce n'est pas une question de stupidité. Aucun d'entre nous n'est stupide. Nous avons cependant des valeurs différentes, une conception différente de la vie, et nos réactions sont donc différentes. Nous sommes bien obligés de reconnaître que les gens font certains choix. Personne ne peut dire, «Je n'ai pas le choix». C'est absolument faux. Il y a des choix possibles.
Neil Brooks vous a offert un de ces choix. Votre réaction est de dire que vous n'acceptez pas ce que lui et d'autres disent. Les gens intelligents sont légions. Il n'est pas le seul. C'est simplement quelqu'un qui dit qu'il existe une autre façon d'agir, que nous sommes responsables les uns des autres.
Pour toutes sortes de raisons, il n'y a pas suffisamment d'emplois au Canada. L'une des causes est la révolution technologique que nous vivons actuellement. Nous sommes obligés de nous réadapter complètement. Ce qu'il nous faut, c'est une semaine de trente heures pour mieux répartir le travail. Nous avons besoin d'une foule de choses.
Je passe maintenant aux mesures que nous pourrions prendre. Il faut changer l'assiette fiscale. Il faut changer le nombre des heures de travail. Mais vous avez examiné cela, ou plutôt vous l'avez déjà fait et vous avez dit, oh non, nous n'allons pas procéder de cette façon.
M. Grubel: Madame, puis-je répondre à cela?
J'enseigne l'économie depuis longtemps, et ce sont là des questions d'examen. Je ne m'attends pas à ce que vous acceptiez mes réponses mais, pour ce qui est de la semaine de 30 heures, on nous a dit que pour pouvoir partager un emploi, les gens vont travailler seulement 30 heures pour le même salaire.
Si le propriétaire d'une usine augmentait ses coûts de main-d'oeuvre de 50 p. 100 en adoptant une politique de partage d'emploi comme M. Brooks et vous le recommandez, il faut reconnaître - et j'aimerais tout comme vous qu'il en soit autrement - qu'il sera impossible de vendre en faisant un bénéfice le produit fabriqué dans cette usine. Le propriétaire va perdre de l'argent, il va faire faillite et, bientôt, tous les emplois auront disparu.
C'est pourquoi, si l'on me demandait de voter au sujet de cette recommandation, je dirais ceci: «Je suis désolé, mais je veux protéger tout l'ensemble des travailleurs de cette usine.»
Mme Johannson: Je vais rentrer chez moi et dire à mes enfants que vous êtes désolé. Je vais dire: «Je suis vraiment désolée. Les dirigeants de notre pays... Il est dommage que vous n'ayez pas suffisamment à manger et que vous n'ayez pas d'endroit pour vivre.» Je pourrais dire aux enfants «je suis vraiment désolée que vous n'ayez pas de quoi manger», mais cela n'est pas acceptable.
Je suis moi-même désolée, monsieur. Vous avez fait un certain choix, et ce choix a comme conséquence qu'un quart de notre population vit dans l'indigence, et cela n'est pas acceptable.
Vous avez peut-être un diplôme d'économie mais vous n'êtes pas le seul. Vous pouvez m'apporter tous les arguments que vous voulez, mais je demande instamment aux personnes qui vont prendre les décisions de dire que nous sommes prêts à faire quelque chose pour notre pays et nos citoyens ou que nous allons tous mourir. Il va y avoir des émeutes dans les rues. Le nombre des sans-abri ne fera qu'augmenter.
Vous pouvez faire quelque chose. Vous n'êtes pas d'accord avec moi, et je ne peux pas vous faire changer d'idée. Vous avez choisi une voie qui fait que mes enfants ont faim. Ne me dites pas que vous n'aviez pas le choix. Il y avait plusieurs solutions et vous en avez choisi une.
M. Grubel: Madame, vous avez droit à votre opinion et je suis heureux de l'entendre. Je propose de mettre fin à cette discussion en disant que vous comprenez peut-être maintenant mon point de vue.
Si nous faisons ce que vous demandez, nous allons mettre l'entreprise en faillite. Supposons que cette entreprise ait 500 employés, qui ont tous des enfants. Tous les gens qui achètent des choses à ces travailleurs ou qui leur fournissent quelque chose vont avoir des problèmes, si nous suivons votre recommandation ou celle de M. Brooks en appliquant une formule de partage d'emploi pour réduire la semaine de travail mais maintenir les salaires.
Je vous remercie beaucoup, madame.
Mme Johannson: Avant, on travaillait 12 heures par jour, 7 jours par semaine; maintenant nous travaillons 40 heures. Il y a beaucoup de gens qui ont écrit à ce sujet. Je vous recommande le livre de Bruce O'Hara intitulé Working Harder Isn't Working, pour ceux que ça intéresse.
Le président: Merci, madame Johannson.
J'ai remarqué que M. Johannson voulait également intervenir sur ce point.
M. Johannson: J'aimerais aussi aborder cette question parce que c'est un des points importants. Est-ce qu'il y a des gens qui aiment vraiment notre pays? Je crois que tous les membres du comité l'aiment. Y a-t-il des gens qui veulent vraiment lutter contre la pauvreté au Canada? Je crois que vous le voulez vraiment. Êtes-vous stupide?
Le président: Ne répondez pas à cette question, s'il vous plaît.
M. Johannson: Je ne pense pas qu'il s'agisse de stupidité; c'est plutôt une question d'attitude. C'est le refus d'examiner les choses d'un point de vue systémique, une préférence pour la perspective linéaire.
Prenez l'exemple de M. Grubel qui, au lieu d'examiner l'ensemble du système, parle d'une usine donnée, des problèmes que cela soulèverait et de l'effet qu'aurait une telle mesure sur la rentabilité de l'usine. C'est ce genre de raisonnement qui va nous détruire, mais il n'est pas possible de changer du jour au lendemain cette façon de penser. Il faut apprendre à penser en termes de systèmes et non pas se contenter de faire de l'arithmétique.
M. Grubel: Je peux vous affirmer, monsieur Johannson, que j'ai écrit plusieurs livres sur ce sujet. Cela s'appelle l'analyse de l'équilibre général. Il faut aller au-delà des conséquences immédiates d'une mesure ou d'une orientation. Je ne faisais que reprendre le genre d'analyse superficielle que nous offrent certaines catégories de témoins qui pensent qu'on peut régler tous les problèmes du Canada en tournant un bouton. Ils font partie de la tribu des Yaqua, comme M. Brooks.
M. Johannson: Je ne pense pas qu'il existe de solution simple. Nous faisons face à des questions fort complexes.
M. Grubel: Merci.
Le président: Merci, monsieur Johannson.
Madame Owen.
Mme Owen: J'aimerais parler de la deuxième question, qui porte sur la façon d'améliorer l'économie et l'emploi. J'ai avec moi huit documents. Je ne vais pas essayer de tous les lire; je vais vous donner l'idée principale de chacun d'entre eux.
Voici Canada's Economic Dilemma: The Problems and a Set of Solutions, par Jack Biddell du Committee on Monetary and Economic Reform. M. Biddell propose de créer des emplois en augmentant le contenu canadien des biens et des services, en réduisant le nombre des heures de travail, en maintenant le plus bas possible les taux d'intérêt, et en remplaçant la TPS et les taxes de vente par la taxe Tobin, qui est une taxe sur les opérations financières. Je vois que M. Grubel n'est pas d'accord mais à un taux de 0,1 p. 100 cette taxe produirait des recettes de 17 milliards de dollars par an. Voilà le premier document.
Le deuxième document est un document du Centre canadien de recherche en politiques de rechange, qui décrit l'effet négatif des coupures opérées dans le Régime d'assistance publique du Canada, effet qui est examiné de façon très détaillée.
Le troisième a été préparé par la Bank of Canada for Canadians Coalition, qui comprend un éminent libéral, Paul Hellyer, et le professeur Pierre Fortin, du Québec. Selon cette étude, nous n'avons pas besoin d'attirer d'autres capitaux étrangers et nous sommes en mesure de financer notre développement. Ce comité est composé de Canadiens très connus; ce ne sont pas des amateurs.
Cette étude du professeur Pierre Fortin, que j'ai également présentée à votre comité l'année dernière, s'intitulait A Strategy for Deficit Control through Faster Growth et elle bénéficiait de l'appui de Mike McCracken et de David Crane, entre autres. D'après l'auteur, si l'on voulait injecter 10 milliards de dollars dans l'économie, il suffirait de traiter les courtiers en obligations de Bay Street comme n'importe quel autre groupe d'intérêt, et nous devrions dépasser notre obsession au sujet de la mondialisation et améliorer le sort de tous les Canadiens.
Voici un mémoire volumineux préparé par la Fédération des enseignantes et des enseignants de l'Ontario, dans lequel on soutient que la réduction des dépenses va aggraver notre dette en ralentissant l'activité économique et la perception des impôts. Voici une proposition de budget fédéral pour l'année 1995, à laquelle j'ai déjà fait allusion et qui avait l'appui de plus de 50 économistes de toutes les régions du pays.
Voici l'exposé que j'ai présenté l'année dernière dans lequel on proposait une taxe écologique de 15 p. 100 sur tous les imprimés non sollicités. Je pensais que c'était un travail intéressant mais il ne semble pas avoir servi à grand-chose. J'ajouterais quelques éléments, et non des documents, que j'ai glanés dans les nouvelles: le député libéral George Baker refuserait aux sociétés le droit de déduire des frais de représentation somptuaires, ce qui permettrait d'épargner 200 millions de dollars par an; le Conseil national du bien-être propose d'abolir sept exemptions fiscales inéquitables, ce qui procurerait 10 milliards de dollars par an. On disait dans cet article - et M. Discepola pourra compléter cela lui-même s'il le désire - que M. Discepola avait proposé une taxe sur l'essence et les gains à la loterie ainsi qu'une surtaxe temporaire sur les biens-nantis et les bénéfices des sociétés. Voilà donc des éléments que j'ai trouvés dans l'actualité; je n'ai pas de preuves.
Les travailleurs du secteur de l'automobile proposent que l'on instaure une surtaxe sur les bénéfices des banques. Diane Francis, qui n'est certainement pas une socialiste au grand coeur, préconise un impôt très élevé sur les successions. Ruben Bellan de Winnipeg et de nombreux autres économistes qui refusent les solutions brutales recommandent que les gouvernements fassent ce que font les entreprises rentables - ils dépensent de l'argent pour gagner de l'argent.
Toutes ces propositions prises ensemble représentent les opinions d'un très fort pourcentage de Canadiens, dont un bon nombre d'experts dans leur domaine, et ayant des perspectives différentes. Certaines propositions sont identiques. D'autres sont incompatibles, comme cela est normal lorsqu'on essaie d'être créateur. Elles ont malgré tout en commun le fait de s'attaquer aux problèmes des recettes et d'offrir toutes des suggestions positives. Je n'aime pas l'idée qu'il faut se contenter de réduire les dépenses.
M. Paul Martin a écarté dès le départ toutes les objections positives. Voici un paragraphe de Confronting Canada's Deficit Crisis dont le ton est particulièrement paternaliste:
- Le comité voudrait voir les taux d'intérêt fléchir, mais il craint que faire passer la réduction du
déficit par des politiques monétaires ne paraisse irresponsable, même si cela ne l'est pas en
vérité, et d'aggraver par le fait même le problème du déficit. Je ne peux donc recommander
cette solution.
Le président: Voilà qui va nous occuper pour au moins trois mois. J'aimerais maintenant demander à M. Walker de poser ses questions.
M. Walker (Winnipeg-Nord-Centre): J'aimerais poser aux témoins un certain nombre de questions, mais la question du déficit nous inquiète tous. Je vais la ramener à Winnipeg...
Je vais prendre un chiffre arbitraire. Disons que le déficit est à l'heure actuelle de 30 milliards de dollars environ, et que nous avons 4 p. 100 de la population, ce qui donne un chiffre d'environ 1,2 milliard de dollars. Winnipeg représente environ 60 p. 100 de la population, ce qui revient à 800 millions de dollars pour la ville. Si l'on n'augmentait pas les impôts, si on conservait le budget actuel, cela représenterait 800 millions de dollars.
Je vais mettre les choses en perspective. Nous avons signé une entente avec la Winnipeg Development Authority, la plus importante entente qu'ait jamais signée la ville, et nous avons obtenu du gouvernement fédéral une contribution de 5 millions de dollars par an pendant cinq ans, soit un total de 25 millions de dollars. Autrement dit, il manque 795 millions de dollars à cause du déficit. Cela m'a marqué plus que quoi que ce soit d'autre, de penser qu'il me manquait de l'argent à cause de l'existence de ce déficit.
Je n'ai pas besoin de vous dire, parce que nous venons de la même circonscription électorale, ce que cela implique chaque année. Vous parlez des enfants; je ne veux pas que les enfants qui sont d'âge préscolaire à l'heure actuelle racontent la même histoire à leurs camarades dans 10 ou 15 ans d'ici. Je voudrais qu'ils disent qu'ils ont 759 millions de dollars et qu'ils sont heureux. Je peux vous dire que je suis prêt à faire tout ce qu'il faut pour donner cet argent aux enfants, et je suis déterminé à le faire.
Arthur, dans votre -
M. Johannson: Même si vous les faites mourir de faim en chemin.
M. Walker: Non, je ne pense pas -
Mme Johannson: Puis-je répondre à cette observation?
Le président: Bien sûr, je vous en prie, madame Johannson.
Mme Johannson: Je sais que vous aimez vos enfants, mais je vous demande ce que vous allez faire pour les enfants qui ont faim aujourd'hui, en ce moment? Vous allez prendre des mesures pour que dans 15 ans vos enfants n'aient plus de dette, mais aujourd'hui, en ce moment, il y a des enfants qui ont faim. Vous ne pouvez fermer les yeux là-dessus. Il y a d'autres façons de se débarrasser de la dette. Je suis peut-être stupide mais je ne comprends pas pourquoi vous dites qu'il n'existe qu'une seule façon d'éliminer la dette.
M. Walker: Je ne suis pas sûr de ce que vous voulez dire par une seule façon.
Mme Johannson: Les coupes sombres.
M. Walker: Le problème, c'est que nous n'avons pas fait de compressions des dépenses pour cette année, cela est prévu pour l'année prochaine.
Mme Johannson: Je sais.
M. Walker: Cela représente 3 p. 100 des recettes provinciales. C'est la dernière mesure que nous prenons après avoir effectué des coupures dans de nombreux autres domaines et augmenté les impôts.
Nous devons tous nous demander si cette augmentation de 3 p. 100 va occasionner des souffrances, si elle va faire que certains aient faim. Ce n'est pas le genre de décision que l'on prend au mois de février pour s'en laver les mains ensuite.
Nous sommes décidés à maintenir un filet de sécurité et, comme vous le savez, nous avons redéfini nos orientations. Mais cela ne veut absolument pas dire que nous n'allons pas assumer nos responsabilités.
Entre les impôts et les fonds, le gouvernement fédéral verse encore des milliards de dollars. Ce n'est pas comme si le gouvernement fédéral n'avait, à partir du budget de l'année dernière, plus jamais mis un sou pour lutter contre la pauvreté. En fait, nous allons verser des sommes considérables et consacrer des impôts considérables à ce domaine.
Arthur, avant que mon temps ne soit écoulé, je tiens à -
M. Johannson: Mais nous allons supprimer tout cela.
M. Walker: Non, nous n'allons pas supprimer tout cela, Bob, et vous le savez bien. Le budget contient des prévisions pour l'année prochaine, et l'année suivante; nous avons déclaré à plusieurs reprises que nous allions stabiliser les fonds versés. M. Chrétien, M. Martin et M. Walker l'ont déclaré.
Le gouvernement s'est engagé à ne pas supprimer ces crédits. C'est une invention des gens qui s'opposent à ces changements. C'est une réaction purement politique à quelque chose qui n'existe pas.
Mme Johannson: Peu m'importe que vous supprimiez cela ou non.
M. Walker: Vous avez dit que nous allions supprimer ces crédits; cela a été dit à plusieurs reprises. J'affirme que ce n'est pas ce qu'il y a dans le budget, et ce n'est pas ce que le gouvernement a déclaré.
Allons-nous faire des compressions? Oui. Ces compressions sont-elles importantes? Oui. Y aura-t-il d'autres compressions après qu'on aura pris d'autres mesures à Ottawa? Non.
Le président: Excusez-moi, mais nous allons vous permettre de revenir souvent, monsieur Walker. Nous allons également vous remettre le numéro de téléphone de sa résidence.
Arthur.
M. Walker: Il est évident que dans le contexte de cette discussion, nous avons beaucoup de mal à déterminer ce que nous devrions faire sur le plan international.
On parle de développement international et de notre présence à l'étranger, y compris notre présence militaire. D'un côté, nous sommes un pays qui s'est toujours beaucoup occupé de développement international et d'affaires militaires, par le biais de l'OTAN et des Nations Unies. Nous avons été très actifs sur ces plans.
Je me demande si le temps n'est pas venu de lever le pied à cause de nos problèmes internes et de dire que, malgré cette longue tradition, nous n'avons plus les moyens de la poursuivre - je me demande si nous ne devrions pas marquer un temps d'arrêt et dire que nous n'avons plus les moyens de mener les opérations militaires d'envergure que nous avons lancées ni d'entretenir le réseau que nous avons établi dans le domaine de l'environnement, où je sais que vous êtes très actif et très bien considéré, que nous n'avons pas les moyens de poursuivre des projets dans le domaine du développement international.
Où tracez-vous la ligne et quelle est votre stratégie? Vous devez faire face à ce genre de questions quotidiennement. Je ne pense pas que nous ayons suffisamment parlé de cette question, de ce qu'il faut faire sur le plan international à l'heure actuelle.
M. Hanson: Je me trouvais à Ottawa la semaine dernière, et le sous-ministre s'est adressé à un groupe qui venait rendre hommage à Boutros Boutros-Ghali. J'ai été frappé par l'écart entre le discours prononcé, qui traitait de l'extension de nos intérêts internationaux, que nous allions faire de plus en plus, avec la réalité qui est que nous sommes constamment en train de réduire notre action, principalement pour des raisons financières.
La situation est très difficile. En tant que pays, nous sommes placés dans une situation difficile parce que le Canada a toujours joué un rôle très important. D'après moi, si l'on examine l'avenir, nous savons que notre croissance économique ne rattrapera jamais celle de certains pays asiatiques, par exemple. Il faut reconnaître que notre poids économique ne peut que diminuer, à l'échelle mondiale. Il faut, je crois, tenir compte de ce que nous avons à offrir globalement de façon à conserver notre place lors des grandes négociations et pour présenter un point de vue canadien qui intéresse les autres pays.
Si nous y parvenons, je crois que cela va nous permettre d'obtenir de bons résultats. Un de ces résultats - et je le constate à l'heure actuelle dans le cas de l'environnement, par exemple - est que nous allons véritablement devenir le principal représentant de l'Amérique du Nord. Lorsque les choses vont mal dans ces domaines chez nos voisins du Sud, les gens se tournent vers le Canada; ils s'adressent à nous. Je le constate tous les jours dans mon travail. Les Américains viennent nous dire qu'ils ont besoin de l'aide du Canada, d'une façon ou d'une autre. Il est donc important de tenir compte des attentes au sujet du rôle que nous pouvons jouer à l'échelle mondiale.
Le deuxième aspect, et c'est celui qui me préoccupe le plus, est que si nous voulons renforcer notre position, je crois qu'il va falloir qu'elle soit basée sur nos missions de maintien de la paix, sur des opérations militaires - je ne suis pas contre - mais aussi sur une action davantage axée sur ce que nous appelons la société civile, et notamment dans les domaines de l'environnement, du développement international et du développement durable.
Cela oblige toutefois à faire des compromis sur le plan des coûts, comme l'intervention en Somalie l'a bien montré. Cette opération militaire nous a coûté des centaines de millions de dollars. Cela a dépassé de loin tout ce qu'on aurait pu dépenser en aide humanitaire ou en assistance au développement.
Un des objectifs que nous nous sommes fixés en matière de développement international est de nous placer dans une situation qui nous permette d'améliorer la situation mondiale et d'éviter, autant que possible, les situations de désintégration sociale qui exigent une intervention militaire. L'intervention militaire et l'intervention en cas de catastrophe, auxquelles nous souscrivons, coûtent très cher, habituellement deux à trois fois plus que l'aide au développement. C'est pourquoi je crois qu'il faut en arriver à un équilibre entre ce que j'appellerais une approche rationnelle du budget de défense et de l'aide au développement international.
Je dirais qu'il serait dangereux pour nous de nous soustraire à nos obligations internationales. Si nous le faisons, nous serons obligés d'intervenir plus tard et cela nous coûtera plus cher. La deuxième question à se poser est la suivante: pouvons-nous agir plus efficacement? En dépensant moins d'argent? En coopérant avec d'autres organismes? Pouvons-nous faire davantage en travaillant avec d'excellents organismes comme le Service d'assistance canadien aux organismes, par exemple?
Je crois qu'il serait bon de rappeler quelques principes. Le premier est que les Canadiens s'intéressent véritablement au développement international; c'est un domaine où ils veulent faire quelque chose. Il est évident que nous devons nous appuyer sur cette volonté.
Deuxièmement, si l'on examine la façon dont évoluent les obligations internationales, on constate que la plupart se rapportent à l'environnement. Si l'on parle de choses comme le changement climatique mondial, les taxes sur les hydrocarbures, les politiques en matière de foresterie... la foresterie est une des grandes industries d'exportation et son avenir est désormais lié à l'action environnementale. Il n'est pas possible de l'ignorer. C'est l'autre aspect de ce secteur.
Je constate que les Canadiens sont prêts à s'engager sur le plan international. Il faut maintenant découvrir des manières de concrétiser cet engagement au moindre coût. Il faut continuer à chercher les moyens de le faire.
Deuxièmement, il faudrait affecter à des programmes susceptibles d'être beaucoup plus rentables une partie des fonds consacrés aux formes traditionnelles de développement. Je ne suis pas très partisan des grands projets de développement. Ils sont parfois nécessaires, mais leurs résultats sont souvent décevants. Il serait également important d'aider les Canadiens à concrétiser leur intérêt pour le développement international et de les aider à déployer leurs efforts dans ce domaine.
Enfin, s'il faut procéder à des coupures, j'aurais tendance à cibler encore la défense, même si je sais que ce secteur a déjà beaucoup souffert. J'aurais tendance à protéger ce que j'appelle le développement international préventif.
Le président: Monsieur Fewchuk.
M. Fewchuk (Selkirk - Red River): Bonjour. Merci d'être venu.
Ma question s'adresse à George Harris. George, avez-vous une idée qui nous permettrait d'épargner certains programmes? Qu'est-ce que nous devrions préserver, qu'est-ce que nous devrions faire? Quelle serait votre recommandation à ce sujet? Dans quelle voie devons-nous nous engager?
M. Harris: Cela suppose au départ qu'on a choisi de réduire les dépenses. Les propositions qui sont régulièrement présentées visent toutes à tailler dans les programmes sociaux. Le fait est que les programmes sociaux touchent de façon disproportionnée les citoyens les plus vulnérables.
Je m'explique. J'ai présenté un exposé au gouvernement provincial au sujet de sa loi relative à l'équilibre budgétaire. Ne vous méprenez pas; je n'ai rien contre les budgets équilibrés. Lorsque ces transferts vont arriver et qu'on va constater qu'ils ont diminué, le gouvernement provincial veut pouvoir dire «nous sommes obligés de faire mal à la population, mais ce n'est pas de notre faute, c'est de la leur». C'est sur vous qu'il va reporter le blâme, au niveau fédéral.
M. Fewchuk: C'est vrai.
M. Harris: Pour vous donner une idée, au Canada, selon les chiffres de 1993 - vous pouvez vérifier vous-même parce qu'il s'agit d'un chiffre national - en matière de revenu, un cinquième de la population a gagné plus de 37 700 $, à peu près cette somme. Cela concerne les particuliers et non pas les familles. Je parle des chiffres concernant les particuliers. Le cinquième de la population la plus pauvre a gagné moins de 8 100 $. Là encore, il s'agit du revenu des particuliers.
M. Fewchuk: Eh bien, où pensez-vous que nous allons trouver cet argent? Que recommandez-vous? Comment allons-nous obtenir ces fonds?
M. Harris: Il faut voir où se trouve l'argent. C'est un problème de recettes.
M. Discepola (Vaudreuil): Monsieur le président -
Le président: Monsieur Discepola.
M. Discepola: - puis-je intervenir sur ce point? Je viens d'entendre dire à deux reprises que nous pourrions faire ce que propose M. Fortin et abaisser les taux d'intérêt et, comme par magie, cela nous permettrait de placer le taux d'intérêt au niveau où il doit être. En abaissant le taux d'intérêt de 1 p. 100, nous économiserions 5 milliards environ. Nous parlons d'un déficit de plus de 30 milliards de dollars, et il faudrait donc réduire considérablement les taux d'intérêt pour arriver à supprimer le déficit.
C'est pourquoi j'ai du mal à comprendre comment vous pouvez dire qu'il s'agit d'un problème de recettes. Lorsque j'examine les choix qu'il faut faire - et c'est bien de cela qu'il s'agit, vous avez parfaitement raison, monsieur Johannson - en tant que personne, et non pas seulement député, je refuse de cibler un groupe particulier. Ce n'est pas de cette façon qu'il faut faire les choix. Ce n'est pas ainsi que l'on établit un budget. Il faut examiner l'aspect global.
Malheureusement, la plupart de vos commentaires sont très justes mais ils ne concernent pas le déficit. Ce que vous avez dit aujourd'hui m'a fait comprendre quelque chose, tout comme à mes collègues. Cela nous a démontré que le principal problème est celui de la pauvreté des enfants. Nous allons devoir prendre des mesures pour lutter contre ce fléau, quelles que soient les contraintes budgétaires.
Mais nous n'arriverons pas à régler le problème du déficit en stimulant la croissance. Que faire alors? Même avec une vigoureuse croissance économique, nous n'obtiendrons jamais 30 milliards de dollars de recettes supplémentaires. N'importe qui, même une ménagère ordinaire, comme me le dit ma femme... Lorsqu'on dépense plus qu'on ne gagne, le problème se situe du côté des dépenses. Ce n'est pas un problème de recettes, et il ne suffira pas de faire baisser les taux d'intérêt.
Mme Owen: Êtes-vous en train de dire qu'il ne s'agit pas d'un problème de recettes? Êtes-vous en train de dire qu'il n'y a pas d'argent à prendre? Est-ce bien ce que vous dites?
M. Discepola: Oui. De nos jours, le taux d'imposition marginal est d'environ 52 p. 100, comment peut-on proposer d'aller imposer la classe moyenne, par exemple, et même les classes aisées, qui sont encore plus mobiles. Ils paient déjà 52 p. 100. Qu'est-ce qui est juste et équitable? Devrait-on faire grimper l'impôt à 60 p. 100, en sachant très bien que notre grand voisin du Sud a, lui, un taux d'imposition marginal beaucoup plus faible, environ 30 p. 100? Les sociétés paient déjà 50 p. 100 sur leurs bénéfices. Vous dites «imposez les sociétés». Jusqu'où faut-il aller? Les banques ont bien réalisé 4 milliards de dollars de bénéfices, mais elles ont payé 4 milliards de dollars en impôt, en dépenses supplémentaires diverses, comme les taxes foncières, etc. Elles contribuent à créer de l'emploi.
Il n'est pas facile de trouver 30 millions de dollars en ciblant un seul groupe.
M. Johannson: Vous avez fait l'année dernière une excellente suggestion. Imposer les intérêts des REER.
M. Discepola: Qui a fait cette suggestion?
M. Johannson: Vous ne l'avez pas mise en oeuvre. Cela me paraît irresponsable de ne pas le faire. Je crois que l'effet sur le déficit aurait été beaucoup plus grand que celui des compressions que vous avez effectuées. Ces compressions vont à mon avis ralentir l'économie et stopper la croissance. Je ne pense pas que cela se serait produit avec un impôt sur les intérêts des REER - non pas sur les REER, seulement sur les intérêts.
M. Discepola: Si nous avions imposé les intérêts ou la croissance des REER, combien cela nous aurait-il permis d'obtenir, d'après vous?
M. Johannson: Je crois que vos documents parlaient d'environ 15 milliards de dollars.
M. Discepola: C'était 5 milliards de dollars, et nous devons épargner 30 milliards de dollars. Vous voyez, ce n'est pas tout simplement une question de -
M. Johannson: Très bien, c'est une grosse somme qui permettrait de régler une bonne partie des problèmes liés aux programmes.
M. Grubel: Les gens qui ont fait des économies toute leur vie en vue de leur retraite ne vont pas être très contents de savoir que d'un seul coup, du jour au lendemain, on vient de confisquer 15 p. 100 de leur argent. Cela ne vous inquiéterait pas?
M. Johannson: Je crois que s'ils étaient sûrs que cela serait utilisé pour réduire le déficit, ils seraient d'accord.
M. Grubel: Je suis heureux de voir que vous êtes prêt à parler au nom de tout le monde.
Mme Owen: Chaque fois que l'on présente une solution de rechange, il y a quelqu'un qui réagit en disant que nous ne pouvons pas nous contenter de cela. Nous ne pouvons pas augmenter les impôts, nous ne pouvons pas abaisser ceci ni cela, personne ne dit qu'il ne faut faire qu'une seule chose.
Je viens de vous présenter huit propositions différentes. Elles sont pour la plupart compatibles, et chacune permettrait d'obtenir 1, 2 ou 10 milliards de dollars. Nous ne sommes pas en train de dire qu'il y a une seule solution, ce serait un peu simpliste. Je crois plutôt que ce sont ceux qui préconisent les coupes sombres qui simplifient à outrance. On manque d'imagination, on regarde par le mauvais bout de la lorgnette.
Vous dites que nous avons déjà payé des impôts, mais des personnes âgées du centre Lions ont demandé à Paul Martin comment il se faisait qu'une de ses sociétés, le Groupe CSL, avait fait des bénéfices de 19,7 millions de dollars, mais n'avait payé aucun impôt sur le revenu cette année-là et avait même en droit à un crédit d'impôt de 400 000 $. C'est notre ministre des Finances. Il n'a pas contesté les faits. Il a simplement dit que cette société avait créé de nombreux emplois. Mais les avantages sont mutuels. Si cette société n'existait pas, les travailleurs n'auraient pas eu d'emploi, mais sans les travailleurs cette société n'aurait rien pu faire. Le ministre en a donc retiré un avantage énorme.
M. Discepola: Ne craignez-vous pas que cette société déménage au Mexique ou ailleurs?
Mme Owen: Si notre ministre des Finances est si peu loyal envers le Canada, il serait peut-être temps de choisir quelqu'un d'autre. Mais entre-temps, tous ses employés ont payé de l'impôt et lui pas. C'est lui qui a retiré le plus de bénéfices de tout cela. Cela est inéquitable et cruel. Il y a conflit d'intérêts lorsqu'un ministre des Finances profite de l'économie de cette façon.
Je possède des documents qui indiquent qu'au cours des années 1980, les banques ont payé au plus 2 p. 100 d'impôt sur le revenu pendant quatre années, et qu'au cours de quatre autres années, elles ont bénéficié de 2,8 milliards de dollars d'allégements fiscaux, alors qu'au même moment elles congédiaient 12 000 employés. Il y en a qui parlent du principe du percolateur.
Pensez à ce que le Trésor pourrait faire avec ces fonds d'assistance sociale ainsi détournés - c'est de l'aide sociale pour M. Martin et de l'aide sociale pour les banques. Ce sont eux les assistés sociaux. N'essayez pas de me dire que c'est en coupant dans l'aide sociale ou dans les programmes que nous allons faire disparaître le déficit. Vous dites que ce n'est pas par les dépenses que nous pourrons nous en sortir.
M. Discepola: Je dirai seulement, madame Owen, que je ne pense pas qu'il soit possible de régler par la croissance le problème du déficit.
Mme Owen: Il n'est pas possible non plus d'y arriver en contrôlant les dépenses.
M. Discepola: Je ne pense pas que l'on puisse abaisser les taux d'intérêt et je ne pense pas non plus que l'on puisse augmenter les recettes. C'est un problème de dépenses, et c'est à nous de découvrir comment faire pour toucher le moins possible les plus vulnérables. C'est là le noeud du problème.
Mme Owen: Vous effectuez votre choix en vous appuyant sur une idéologie qui est tout à fait à l'opposé de la mienne et de celle de tous les gens qui ont préparé ces documents. La nôtre n'est pas moins importante ni moins valable que la vôtre. Vous voyez les choses de votre façon et vous n'êtes pas prêt à envisager d'autres solutions. C'est pourquoi nous nous trouvons dans une telle situation.
M. Discepola: Pourriez-vous présenter au comité une recommandation précisant le montant dont il conviendrait d'augmenter l'impôt sur les sociétés ou l'impôt sur le revenu des particuliers?
Mme Owen: Non, je ne suis pas en mesure de vous dire quelle devrait être cette augmentation, mais il existe de nombreuses recommandations en ce sens, qui n'ont jamais été retenues.
M. Discepola: Je n'ai pas vu de recommandation qui proposait d'augmenter les impôts.
Mme Owen: Oui, vous en avez vu et vous en avez lu. Il existe de nombreuses recommandations en ce sens.
Le président: Merci. M. Harris voulait également ajouter quelque chose.
M. Harris: J'allais dire : augmentez mes impôts.
Mme Owen: Les miens aussi.
M. Harris: Je suis de ceux qui font partie de la catégorie supérieure des revenus et je sais que Joan représente la Canadian Association for the Non-Employed. Je fais partie des 20 p. 100 qui touchent des revenus élevés. Je vous demande d'augmenter mes impôts.
Les deux tiers du revenu des 20 p. 100 de la population qui gagnent le moins proviennent de paiements de transfert.
M. Discepola: Je dois peut-être vous dire que si nous n'avions pas pris les décisions que nous avons prises, les paiements de transfert auraient complètement disparu sur une période de sept ou huit ans, en particulier pour la province de Québec. Nous aurions été incapables de fixer des normes nationales.
Nous allons continuer à verser des fonds à nos programmes sociaux et financiers, de façon à être en mesure d'intervenir.
Monsieur Harris, il nous est déjà arrivé de donner des fonds pour l'éducation qui ont été utilisés judicieusement par certaines provinces. D'autres les ont utilisés pour faire des routes. Où doit-on tracer la ligne? Si c'est nous qui attribuons des fonds, il est normal que nous ayons notre mot à dire sur leur utilisation. Si nous nous étions retirés complètement de ce domaine, nous n'aurions plus rien à dire.
M. Brien: J'aimerais intervenir dans ce débat parce que ces gens sont en train de vous dire que nous pouvons faire des choix.
M. Grubel, au sujet des REER, a dit que l'on ne pouvait prendre l'argent qui avait été mis de côté pour la retraite, mais s'il faut choisir entre prendre cet argent et prendre celui des gens qui n'ont pas les moyens de déjeuner le matin, je crois que le choix est facile. Ils sont en train de vous dire aujourd'hui que nous pouvons faire des choix.
Vous dites, Nick, que nous ne pouvons toucher aux recettes, qu'il faut examiner l'aspect des dépenses, mais il y a également un problème de recettes à cause des dépenses fiscales. C'est un aspect qui mérite qu'on s'y attarde. Cela fait deux ans que le Bloc demande que l'on examine la question des dépenses fiscales. Ce n'est pas la seule solution, mais c'est certainement une partie de la solution.
M. Discepola: Nous avons réduit le budget de défense de 25 p. 100 l'année dernière; nous avons réduit les autres grands programmes de 20 p. 100. C'est ce que nous faisons.
M. Brien: Il est également possible de s'attaquer aux recettes, ne pas se contenter de cela.
M. Discepola: Donnez-nous un exemple.
M. Brien: Lorsque vous dites que le taux marginal d'imposition est de 52 p. 100, cela soulève un problème. C'est le dernier dollar qui est imposé à ce niveau, parce que le taux effectif n'est pas de 52 p. 100. Si c'est ce que vous payez, je vais vous aider à remplir votre déclaration d'impôt sur le revenu. Personnellement, je ne paie pas 52 p. 100 d'impôt sur le revenu.
M. Discepola: Quel montant payez-vous? Voulez-vous augmenter les impôts personnels? Est-ce bien ce que vous recommandez?
M. Brien: Le taux effectif se situe entre 35 et 40 p. 100, il n'est pas supérieur à cela.
J'ai beaucoup de respect pour M. Harris lorsqu'il dit qu'il est prêt à payer davantage si cela peut aider ceux qui se trouvent au bas de la pyramide. En ce qui me concerne, je peux également faire davantage. En tant que député, nous faisons également partie des 20 p. 100 de la population qui sont le plus à l'aise. Nous pouvons faire davantage. Tous ceux qui se trouvent dans cette catégorie sociale peuvent faire davantage.
Ils sont en train de vous dire qu'il existe d'autres solutions qui méritent d'être examinées sérieusement. Je ne suis pas un socialiste; ce sont mes collègues de l'aile droite du Bloc qui me conseillent. Il faut tout de même examiner parfois sérieusement les autres solutions. Dans le débat d'aujourd'hui, je n'aimerais pas, en tant que député, que l'on me place dans la même catégorie que vous aujourd'hui, parce que vous êtes très loin de la solution, et j'aimerais leur dire qu'il y a des gens qui les comprennent.
M. Discepola: Je dis simplement qu'à mon avis, la solution ne se trouve pas du côté des recettes.
M. Brien: Il faut regarder les deux côtés.
Le président: Les membres du comité ne s'entendent pas du tout sur ces questions. Nous participons tous à ce débat. J'espère que tous les membres seront réceptifs aux propositions constructives que vont leur présenter les témoins d'ici la fin de nos séances. Je suis sûr qu'ils vont le faire.
[Français]
Monsieur Crête.
M. Crête (Kamouraska - Rivière-du-Loup): Pour faire un débat comme celui-là, il faut une espèce de confiance mutuelle.
Il faudrait qu'on puisse avoir des indices, des signes. Il faut que chacune des parties concernées - plus tôt on parlait des banques, des gens qui sont touchés par le REER et d'autres secteurs - soit capable de participer au débat en disant, dès le départ, quelle contribution elle est prête à apporter pour régler le problème.
Pour faire ça, il faut une confiance de base; il faut un consensus social minimum. Ce n'est pas une question de chiffres, mais une question sur laquelle le gouvernement actuel devrait réfléchir très sérieusement pour qu'on arrête de jouer au chat et à la souris et que les gens sentent qu'il y a apparence de justice, parce que les arguments qu'on entend à l'heure actuelle sur les profits des banques, on les a entendus l'année dernière quand on a étudié la réforme des programmes sociaux. Encore ce matin, il y a une banque qui a déclaré des profits de 27 p. 100 pour l'année dernière.
Que ce soit justifié ou non, que ce soit conforme aux lois ou autres, il n'y a pas, dans notre système, assez de clarté présentement quant aux responsabilités de chacun, aux responsabilités des gouvernements. J'aimerais entendre votre point de vue sur les conditions minimales qui feraient que vous seriez prêts à faire confiance aux règles du jeu, qui feraient que l'on pourrait en arriver à une espèce de compromis et où tout le monde ferait sa part.
Cela peut avoir l'air prétentieux, mais on a déjà vécu, au Québec, une période où il y a eu une concertation entre les centrales syndicales relativement à des programmes comme EQUERRE. Il s'agissait d'un programme où les employés investissaient un pourcentage de leur salaire pour pouvoir se construire des logements à coût modique ou quelque chose du genre.
On ne voit ça nulle part au niveau canadien présentement. Chacun essaie de trouver le centre du centre et je me demande qui va refaire le consensus autour de cette question.
[Traduction]
Le président: Est-ce que quelqu'un veut répondre?
Monsieur Harris, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Harris: Pas pour l'instant, merci.
Le président: Très bien.
Mme Owen: Excusez-moi, je n'ai entendu qu'une très petite partie de cette intervention.
Le président: Je vous en prie, si vous avez des difficultés à cause de la traduction, laissez-le moi savoir immédiatement et nous interromprons le débat. J'insiste.
Voulez-vous répondre, madame Johannson?
Mme Johannson: Je crois que c'est une très bonne question. Je crois que c'est ce qu'il faut faire pour en arriver à un consensus social. Je suis venue parce que les personnes que nous avons élues... Je suppose que nous les avons élues pour nous servir, nous la population. Je viens pour dire qu'il y a des gens qui ont faim; que nos enfants ont faim; nous nous tournons vers vous. Vous nous dites que ce n'est pas de votre ressort. C'est ce que vous nous dites.
Je ne trouve rien, je ne vois pas de consensus se dessiner. Si nous convenions tous qu'il faut faire quelque chose pour résoudre ce problème, nous pourrions peut-être commencer par nous demander comment nous devrions nous y prendre, mais je n'entends même pas nos dirigeants dire que nous avons raison, qu'il faut veiller à ce que personne n'ait faim.
À mon avis, ce pourrait être un début, si nous pouvions tous au moins nous entendre là-dessus. Nous pourrions ensuite réfléchir à la façon de nous y prendre.
Le président: Je me souviens que M. Discepola a dit qu'il fallait admettre que nous avions un problème de pauvreté touchant l'enfance.
Monsieur Grubel.
M. Grubel: J'aimerais revenir à un thème que j'ai souvent entendu soulever par des personnes comme Mme Owen, au sujet de la solution au problème.
Je crois que lorsque nous avons des discussions de ce genre, nous pouvons tous convenir de certains faits. Si vous me le permettez, je vais vous communiquer certains renseignements que j'ai par écrit - et je serai heureux de vous en faire parvenir une copie - , et ces renseignements sont corrects.
Au Canada, si vous gagnez plus de 50 000 $ par année en tant que particulier, il y a 90 p. 100 des gens qui gagnent moins que vous et seulement 10 p. 100 qui gagnent plus que vous. Sommes-nous d'accord?
Maintenant, j'aimerais mettre vos connaissances à l'épreuve et vous demander quel pourcentage de tous les impôts sur le revenu des particuliers est versé par ceux qui se trouvent dans les 10 p. 100 qui gagnent le plus, qui font plus que 50 000 $? Donnez-nous un chiffre, monsieur Trapp.
M. Trapp: Je ne sais pas.
M. Grubel: Monsieur Johannson?
M. Johannson: Je n'ai pas d'idée là-dessus. Je n'ai pas étudié ces chiffres récemment.
M. Grubel: Madame Owen?
Mme Owen: Je ne sais pas non plus, mais je crois que vous allez nous dire que c'est un très petit pourcentage; j'aimerais -
M. Grubel: S'il vous plaît. C'est une question valable, ne croyez-vous pas?
Mme Owen: Très bien, allez-y.
M. Grubel: Nous parlons d'augmenter les impôts des riches, n'est-ce pas?
Mme Owen: Oui, d'accord.
M. Grubel: Si vous le désirez, donnez-moi une lettre et je vous montrerai que les 10 p. 100 qui gagnent le plus versent 50 p. 100 de tous les impôts sur le revenu des particuliers, madame. Maintenant, on nous dit qu'il faudrait que ces personnes paient encore plus.
Mme Owen: Ce serait peut-être juste.
M. Grubel: Maintenant que nous avons établi ce fait, je vous pose une question. Qu'est-il arrivé aux gouvernements provinciaux qui ont fondé des politiques du genre que vous proposez sur cette idéologie, en Colombie-Britannique et en Ontario? Ces gouvernements croyaient qu'il suffisait de compassion et de bonne volonté pour mener à bien les politiques que l'on recommande ici. Que s'est-il passé? Pourriez-vous me faire un résumé des événements?
Mme Owen: Je ne crois pas qu'il soit nécessaire que je vous fasse un résumé. Je sais ce qui s'est passé, et vous aussi. Mais les gouvernements provinciaux n'ont pas les mêmes pouvoirs fiscaux et monétaires que le gouvernement fédéral. Ils ont des choix, mais ils n'en ont pas autant.
C'est du gouvernement fédéral qu'il est question ici. Le gouvernement fédéral contrôle la politique monétaire et la politique en matière de taux d'intérêt. Par conséquent, c'est à lui qu'il incombe de prendre clairement position et de faire le nécessaire dans ce domaine; et nous ne nous entendons pas sur ce qu'il faut faire.
M. Grubel: La Banque du Canada nous a dit, madame... La solution qu'ont proposée MM. Brooks et Fortin nous a vivement intéressés. D'après eux, nous n'avons pas d'autre choix que d'accroître soudainement les taux d'intérêt. Ils nous ont dit que nous pouvions ramener les taux à zéro, mais que le lendemain le monde entier l'apprendrait, les investisseurs à qui nous devons des billions de dollars l'apprendraient, et ils diraient que la Banque du Canada vient d'adopter le type de politique qui a ruiné la république de Weimar, le Brésil, la Hongrie et d'autres pays.
C'est ce qu'on nous a dit. Je ne fais que vous le répéter. N'essayez pas de le réfuter. C'est ce que tous les économistes disent.
Mme Owen: Non, la moitié d'entre eux seulement.
M. Grubel: N'importe qui peut se proclamer économiste. Indiquez-moi seulement quelle partie de l'analyse est erronée.
À l'heure actuelle, ces personnes savent qu'elles touchent un intérêt de 10 p. 100 sur les obligations du Canada. Nous savons que lorsqu'un pays commence à réduire les taux d'intérêt, de la façon dont on nous le recommande maintenant, on déclenche inévitablement une poussée inflationniste.
Par conséquent, lorsque nous voudrons reprendre l'argent que nous avons prêté au Canada, dans environ 20 ans nous toucherons, en termes réels, seulement 25 p. 100 de ce que nous lui avons prêté. Nous voulons 100 p. 100. Cette situation est intolérable. Et immédiatement, dès l'instant où les investisseurs entendront la nouvelle, ils se déferont de leurs obligations; et lorsqu'on vend des biens, les prix tombent. Et lorsque les prix tombent, la valeur des coupons des obligations monte en flèche, et le taux d'intérêt devient exorbitant.
Madame, il y a toutes sortes de preuves concrètes que c'est ce qui se produit dans les États qui tentent de financer leurs bonnes causes, quelles qu'elles soient, en frappant monnaie et en essayent de réduire des taux d'intérêt déjà bas. C'est l'analyse détaillée que le gouverneur de la Banque du Canada nous a donnée pour l'économie.
Ces messieurs nous ont dit qu'ils se souciaient peu du problème. C'est très bien que le taux de change diminue. C'est bon pour les exportations. Cela leur est facile à dire, car ils n'ont pas de responsabilité à assumer. Même lorsque le chômage atteint 10 p. 100, il y a encore 90 p. 100 des gens qui travaillent, et nous devons veiller à leur intérêt à eux aussi.
Je ne m'attends pas à ce que vous acceptiez ceci, mais écoutez tout de même. Nous faisons notre travail. Nous avons examiné ces idées de près, nous les avons soigneusement pesées. Nous avons tenu des audiences sur ce sujet.
Mme Owen: Oui, je sais que vous avez tenu de nombreuses audiences à ce sujet, que vous avez soigneusement réfléchi à un des côtés de la question. Vous n'avez pas vraiment examiné les arguments à l'appui de l'autre côté, si ce n'est pour les dénigrer.
Le gouverneur de la Banque du Canada est assujetti aux lois du Canada et au gouvernement du Canada. Le gouvernement du Canada peut lui dire quoi faire. Le gouverneur de la banque n'a pas de pouvoirs légaux pour dire au gouvernement quoi faire, et suivre son conseil n'est pas nécessairement bon. Quand on a remplacé M. Crow, sa copie conforme lui a succédé. C'est quelqu'un qui a exactement la même attitude, qui soutient que nous n'avons pas le choix et qu'il faut accepter de continuer comme par le passé, qu'il n'y a pas d'autres options. Tant que l'on gardera cette attitude, il n'y aura pas d'autres possibilités.
Le président: Bien. Au sujet de la politique monétaire, est-ce que nous avons une solution facile qui ne nous coûtera rien; suffit-il pour cela de réduire les taux d'intérêt? N'est-ce pas plutôt qu'il y a un prix à payer, mais que nous sommes prêts à le payer et que nous pouvons réduire les taux d'intérêt? Est-ce le raisonnement qu'on nous propose? Je me trompe peut-être. Si je me trompe, dites-le moi. Excusez-moi. Je viens de vous entendre dire -
Mme Owen: Vous simplifiez un peu les choses -
Le président: Oh, je suis désolé.
Mme Owen: - qui vous ont été exposées.
Le président: Non, attendez un peu. Soit que notre politique monétaire est bonne, soit qu'elle est mauvaise.
Mme Owen: Elle est mauvaise.
Le président: Si elle est mauvaise, les taux d'intérêt sont trop élevés et nous devrions les réduire.
Mme Owen: En effet.
Le président: Très bien. C'est ce que j'avais cru comprendre. Je ne crois pas que quelqu'un ici -
M. Johannson: M. Grubel a commis une erreur sur un point important, je crois qu'il est très important de le corriger.
Le président: Je vous en prie.
M. Johannson: Il a dit que si le chômage s'élevait à 10 p. 100, c'est que 90 p. 100 des gens travaillaient. Il sait, s'il réfléchit un peu, que c'est faux parce qu'un taux de chômage de 10 p. 100 correspond à 10 p. 100 de la main-d'oeuvre. Ce n'est pas 10 p. 100 de la population, comme vous le savez.
M. Grubel: Évidemment, les jeunes enfants ne travaillent pas.
M. Johannson: C'est un fait.
M. Grubel: Vous ne vous attendez quand même pas à ce que j'englobe les jeunes enfants et les vieillards? Nous parlons de la population active.
M. Johannson: D'accord.
M. Grubel: Si le chômage s'élève à 10 p. 100, 90 p. 100 des personnes qui sont disposées à travailler ont des emplois.
M. Johannson: Il faut bien comprendre que pour déterminer la population active on ne tient compte que des personnes qui, pendant la semaine d'enquête, cherchaient du travail. Vous savez cela aussi.
M. Grubel: Oui.
M. Johannson: Le sous-dénombrement est inévitable, parce qu'on ne tient pas compte du nombre de travailleurs découragés.
M. Grubel: Tout cela est fort bien, mais le taux de chômage est toujours de 10 p. 100.
M. Johannson: Il importe aussi de tenir compte du fait que le taux de chômage est calculé en fonction de l'ensemble de la population active, c'est-à-dire toutes les personnes qui travaillent à plein temps ou à temps partiel.
M. Grubel: Vous avez des chiffres à ce sujet?
M. Johannson: Les données sont ventilées. Statistique Canada publie les chiffres. Ces chiffres existent.
Par conséquent, nous ne sommes toujours pas revenus - à moins que ce n'ait été tout récemment - aux niveaux d'emploi à plein temps que nous connaissions en 1989.
M. Grubel: Dans le secteur privé, combien d'emplois ont été créés au cours des trois dernières années au Canada? Donnez-moi un chiffre approximatif.
M. Johannson: Au début de la récession, il y avait un million de personnes en chômage et à peu près 12 millions de personnes actives. Aujourd'hui, il y a 1,5 million de chômeurs et à peu près 12 millions d'actifs.
M. Grubel: Combien de ces emplois ont été créés au cours des trois dernières années au Canada?
M. Johannson: Nous avons perdu des emplois et nous en avons regagnés.
M. Grubel: Combien ont été créés?
M. Johannson: Nous n'avons pas créé suffisamment d'emplois pour nous remettre de la récession.
M. Grubel: Le Canada a -
M. Johannson: Vous pouvez me citer tous les chiffres que vous voulez, nous n'avons pas -
M. Grubel: Nous avons créé 700 000 emplois, mais on entretient l'impression que l'économie tourne mal et qu'aucun emploi n'est créé. En fait, 800 000 emplois ont été créés dans le secteur privé et 100 000 ont été perdus dans le secteur public -
M. Johannson: D'accord, pourquoi -
M. Grubel: - je le mentionne pour mémoire.
Ce n'est jamais assez, je sais. Il faut pourtant mettre les choses au point. Huit cent mille nouveaux emplois ont été créés dans le secteur privé au cours des trois dernières années.
M. Johannson: Évidemment. Nous nous remettons d'une récession.
M. Grubel: C'est exact.
M. Johannson: Très bien. Il demeure que le nombre de chômeurs, pendant la reprise, a quand même augmenté d'un demi-million, phénomène attribuable à l'augmentation de la population. Il n'y a pas d'emplois pour les jeunes.
Le président: Dans l'esprit souhaité, je crois, par certains témoins, nous pourrions peut-être nous entendre sur quelques points.
À mon avis, personne à cette table ne pense qu'il existe un niveau idéal de chômage, un nombre idéal de personnes qui voudraient travailler mais qui ne sont pas comprises dans les chiffres sur le chômage. Nous avons un énorme problème de chômage ou de sous-emploi dans notre économie, nous en convenons tous. Attachons-nous, si nous en avons l'occasion, à trouver des solutions. D'accord?
M. Johannson: D'accord.
Le président: Écoutons ce que notre ami Art a à dire.
M. Hanson: Je trouve que nous n'avons pas beaucoup discuté de l'élimination de subventions comme moyen de réduire le déficit. Cette année, le tarif du Nid-de-Corbeau a été supprimé. Je crois que tous étaient convaincus que l'ensemble des Prairies allait se désintégrer avec la disparition de ce tarif, mais de toute évidence, cela a ouvert de nouvelles perspectives économiques. Je suis ravi de ce résultat.
Nous collaborons avec la Keystone Agricultural Producers ici, par exemple, au Manitoba, qui est très -
Le président: Les représentants de cette organisation ont comparu devant nous ce matin.
M. Hanson: Ah je vois. Très bien.
Il se dessine d'intéressantes possibilités qui augurent bien pour l'avenir, à mon avis. Je pense par exemple au programme de soutien du revenu TAGS, sur la côte est. Ce qui m'inquiète beaucoup à cet égard, et je sais que cela inquiète aussi les responsables gouvernementaux, c'est que des solutions à long terme ne se dégagent pas très clairement. Il semble que l'investissement qu'il conviendrait de faire ne soit pas très efficace, même si je sais que des efforts sont déployés en ce sens.
À titre d'exemple, l'industrie nouvelle de l'aquaculture, qui en est encore à ses débuts, pourrait créer de nombreux emplois. Elle progresse très lentement. Il me semble que, malgré le redéploiement des fonds gouvernementaux, son expansion est mal coordonnée.
D'autres initiatives intéressantes sont mises sur pied, mais il me semble qu'elles tiennent souvent à un concept qu'Arthur Trapp a exposé, ce que j'appellerais les initiatives communautaires. Là encore, le gouvernement tente de fournir un appui, mais nos programmes et subventions actuels ne me semblent pas tellement efficaces.
Dans ces domaines, je m'inspire en fait beaucoup de ce que font les autres pays, pas nécessairement les «pays industrialisés», mais plutôt les pays en voie de développement. La Banque Royale, par exemple, a mis sur pied un important fonds inspiré par le modèle de la Banque Grameen au Bangladesh. La Fondation Aga Khan a oeuvré très efficacement en Inde. Il y a aussi des exemples très intéressants aux États-Unis. Je pense notamment à la South Shore Bank de Chicago.
Ces modèles sont tous fondés sur les mêmes principes. Vous fournissez des capitaux de démarrage à la collectivité qu'elle investit et continue de réinvestir par l'entremise de particuliers, de groupes de production et d'autres groupes. Ce faisant, on rejoint souvent les membres les plus pauvres de la collectivité.
À bien des égards, c'est à peu près ce à quoi Arthur Trapp faisait allusion lorsqu'il parlait des collectivités du nord. J'aimerais qu'un modèle de ce genre soit plus souvent intégré aux programmes financiers offerts au Canada.
Le président: Si vous avez de la documentation à ce sujet, est-ce que vous pourriez nous la fournir?
M. Hanson: Certainement.
Le président: Merci.
M. Hanson: J'ai habité pendant un certain nombre d'années en Nouvelle-Écosse. Il y a de nombreux exemples, bons et mauvais, au Cap-Breton. Les bons exemples semblent s'inspirer de ce genre de modèle plutôt que de la méthode qui consiste à faire appel à un grand nombre de personnes de l'extérieur qui viennent et qui repartent en emportant malheureusement beaucoup de choses. Il s'agit donc d'encourager l'indépendance, pas la dépendance.
J'aimerais revenir à la notion des subventions qui seraient assurées en imposant ceux qui font du tort à l'environnement et non pas par ceux qui font du bien sur le plan de l'économie. On examine le problème sous cet angle pas seulement au Canada, mais aussi dans d'autres parties du monde. On cherche véritablement à réduire les charges sociales et les autres impôts qui nuisent à la création d'emplois et à faire ainsi d'une pierre deux coups.
En effet, il y a une subvention inhérente en matière d'environnement. Si on pouvait chiffrer cette subvention - elle s'élève probablement à des milliards de dollars - on pourrait créer des systèmes de redevance pollution. C'est ce que nous avons cherché à examiner dans le document que nous avons préparé, le Green Budget Reform. Je vous en laisserai un exemplaire.
Si vous examinez l'aspect création d'emploi et les nouveaux moyens de subsistance dans ce contexte, vous pouvez vous tourner vers les industries environnementales du Canada qui, au cours de la dernière décennie, ont créé au Canada à peu près autant d'emplois que l'industrie des pâtes et papiers. Peu de gens le savent. Pourtant, entre 80 000 et 150 000 emplois sont liés d'une façon ou d'une autre à cette industrie. C'est un autre exemple de ce que nous pourrions appeler les industries de pointe.
Nous voudrions donc d'abord examiner de quelle façon nous pouvons éliminer certaines des subventions qui, premièrement, sont véritablement un fardeau pour le trésor public, deuxièmement, créent des problèmes environnementaux et troisièmement, freinent la croissance des moyens de subsistance de remplacement.
En fait, nous essayons de promouvoir la notion de moyens de subsistance durables qui sont vraiment des solutions à long terme très importantes pour une société. Les emplois seront provisoires. Nous le savons. Il est même très difficile de mettre sur pied des stratégies d'emploi permanentes. Il faut vivre au sein d'une collectivité, accepter la responsabilité de la gestion des ressources locales, l'un des problèmes que nous avons constatés à maintes reprises sur les deux côtes, dans le secteur de la pêche et, dans une certaine mesure, dans celui des forêts. Il faut aussi créer un système de gestion d'une autre nature, qui place plus de responsabilités sur les utilisateurs des ressources que sur le trésor public.
Je crois qu'il y a beaucoup de bonnes idées. Cela ne résout pas tous nos problèmes de déficit ni nos problèmes de chômage. De façon très approximative, nous pouvons dire que 10 ou 20 p. 100 de ces problèmes seraient sans doute réglés si l'on tenait compte de ces idées de budgets «verts», de technologies et d'industries douces.
Le président: Merci, Arthur.
Je voudrais avoir une idée de la façon dont les participants aimeraient que nos audiences se poursuivent. Au niveau des interventions, j'espère que chacun d'entre vous aura un moment pour résumer sa pensée à la fin - un maximum d'une minute, peut-être. Je ne veux certainement écarter personne. Et je veux que vous ayez tous l'occasion de vous exprimer pleinement. Je vous laisse donc le soin de décider. Si vous le souhaitez, nous pouvons entamer immédiatement l'étape de la récapitulation. Si vous voulez ajouter quelque chose avant que nous passions à cette étape, n'hésitez pas à le faire.
Est-ce que certains témoins aimeraient ajouter quelque chose avant la récapitulation?
Nous entendrons d'abord M. Harris, puis Mme Owen.
M. Harris: Je dois partir. Je dois conduire quelqu'un à l'aéroport.
Le président: Monsieur Harris, je tiens à vous remercier d'être venu. Nous espérons vous voir encore l'an prochain. Si vous souhaitez que nous examinions certaines idées, faites-les nous parvenir par écrit, d'accord?
M. Harris: Je vous les enverrai.
Le président: Merci beaucoup.
Madame Owen.
Mme Owen: Je veux dire un mot au sujet des taxes liées à l'environnement. J'ai fait un exposé l'an dernier qui n'a eu aucun écho, si ce n'est que son texte a été imprimé. Nous devrions imposer une taxe écologique de 15 p. 100 sur toute la publicité-rebut. D'après les calculs, on en tirerait des recettes de un milliard de dollars par année, dans l'hypothèse où la publicité-rebut diminuerait de moitié. J'avais tout calculé, même si ce n'était pas mon idée. Je tiens cette idée d'un journaliste. Je crois toutefois que ce serait une très bonne mesure.
Le président: Ce n'est pas une mauvaise idée. Son seul défaut, en ce qui concerne les recettes, c'est qu'elle risque de réduire à rien du tout la publicité-rebut.
M. Johannson: Non, c'est impossible.
Le président: Vraiment? Expliquez-moi. Nous pourrions peut-être porter cette taxe à 100 p. 100.
M. Johannson: Je suis un partisan de la publicité-rebut, il ne servirait à rien d'imposer cette mesure.
Le président: Ah, très bien.
Monsieur Trapp, vous aviez quelque chose à ajouter?
M. Trapp: En effet, mais mes commentaires n'ont rien de nouveau. Ils complètent simplement les premières idées que j'ai exposées. Lorsque j'ai pris la parole devant vous, je ne savais pas que mes idées allaient trouver un écho. Je suis heureux d'apprendre que le sujet intéresse certains.
Je veux ajouter qu'il nous faut des fonds supplémentaires pour mettre sur pied une équipe qui travaillera au niveau des collectivités afin de stimuler l'esprit d'entreprise et la fraternité de telle sorte que, dans toute la mesure du possible, nous éliminerons la pauvreté, les suicides, toutes ces manifestations de désespoir qu'on trouve à l'heure actuelle dans ces collectivités. Nous pouvons le faire, parce que nous en avons les ressources, et nous devons le faire.
Quant à la source de ces fonds -
Le président: C'est notre problème.
M. Trapp: - s'il y a de l'argent ailleurs, très bien. S'il faut le prendre dans les programmes internationaux, c'est acceptable aussi. Je peux vous dire que j'ai présenté un exposé à Dan Haggerty, le président de notre organisation, il y a quelques semaines. Je ne sais pas si nous obtiendrons des résultats, mais nous assurons le suivi de cette démarche. Nous continuerons d'oeuvrer en ce sens parce que nous, Canadiens, avons le devoir moral d'éliminer cette tache à notre réputation. Nous sommes pour ainsi dire des bénévoles - nous touchons 25 $ par jour - et nous ne ménageons pas notre peine. Nous nous tournons vers vous pour demander de l'aide. S'il vous plaît, transmettez ce message à ceux qui ont le pouvoir d'octroyer les fonds.
Le président: Monsieur Trapp, vous êtes éloquent. Vous ne vous contentez pas de demander, vous y allez de votre propre temps.
M. Trapp: Merci.
Le président: J'aimerais que le comité pousse la chose. Il s'agit d'une offre d'appui très constructive dans un domaine qui touche la conscience de chacun d'entre nous.
Merci infiniment.
Monsieur Johannson.
M. Johannson: Je tiens à vous remercier tous de m'avoir invité ici. J'ai trouvé cette expérience très enrichissante à bien des égards et j'ai certainement pris plaisir à nos échanges. Certaines des questions sont définies et le débat porte plus sur le consensus social. Avons-nous un consensus social sur certaines questions? C'est parce qu'on met ce consensus en doute que les problèmes surgissent.
Croyons-nous que la pauvreté des enfants est véritablement un problème qu'il faut résoudre et sommes-nous bien décidés à le résoudre? Croyons-nous que le chômage et le sous-emploi sont un problème véritable et sommes-nous bien décidés à faire quelque chose à ce sujet? Sommes-nous décidés à intégrer à l'économie les questions de responsabilité environnementale et à ne pas simplement supposer que nous pouvons continuer à accroître la production, poursuivre l'expansion et au diable le reste? Avons-nous un consensus à ce sujet?
Je crois que les Canadiens sont tous d'accord. Je crois que les Canadiens veulent régler le problème de la pauvreté des enfants. Je crois que les Canadiens veulent des niveaux d'emploi acceptables, le plein emploi si possible. À défaut, ils veulent des mesures de sécurité du revenu adéquates, afin que personne ne soit réduit à la misère totale, afin que personne ne souffre de la faim dans un des pays les plus riches au monde.
Deuxièmement, je crois que nous sommes de plus en plus d'accord sur le fait que nous avons négligé l'environnement, que nous n'avons pas pris au sérieux les limites environnementales et qu'il est temps de vraiment s'y mettre.
Mme Owen: Je ne suis vraiment pas d'accord avec la comparaison des idées de Jack Biddell, de Pierre Fortin et de Neil Brooks - et de celles de Paul Hellyer et de Warren Allmand, même si elles n'ont pas été citées précédemment - avec l'Allemagne nazie, où il fallait une valise pleine d'argent pour acheter un pain. De toute évidence, le comité ne s'est pas sérieusement penché sur ces propositions, parce qu'elles ne visent nullement la création monétaire à volonté ou de manière irresponsable. Il y a des méthodes -
Le président: Je vous en prie, le comité n'a rien dit de tel.
Mme Owen: Il y a des gens ici qui l'ont dit. Je suis désolée si je n'ai pas fait la distinction.
Ces propositions devraient être examinées et envisagées avec sérieux. Elles ne sont pas irresponsables. Tous les scénarios possibles y entrent en ligne de compte et elles représentent des solutions de rechange très valables. J'aimerais que le gouvernement admette qu'il s'agit de solutions de rechange.
Quant aux scénarios que vous offrez - il se produirait ceci et cela - en effet, c'est certainement ce qui se produirait si nous changions soudainement de cap. Lorsque nous n'obtenons pas assez rapidement les résultats voulus, nous croyons que c'est parce que nous ne sommes pas allés assez vite et qu'il faut encore accélérer sans même songer qu'il y a peut-être d'autres moyens d'arriver à nos fins.
J'aimerais que vous y pensiez.
Le président: Merci, Martha Owen.
Joan Johannson.
Mme Johannson: J'ai reçu ici une véritable douche froide. Au sujet du consensus social, je croyais habiter dans un pays où les dirigeants étaient prêts à dire «Nous nous soucions des gens, mais plus encore nous sommes responsables de veiller à ce qu'ils aient au moins un minimum, de quoi manger et un endroit pour vivre». Ce n'est pas ce que j'ai entendu de ceux qui nous ont posé des questions ou ont pris la parole. On a discuté d'économie. Nombre de participants ont ergoté sur les chiffres, mais personne n'a dit «Je ne suis pas d'accord avec la façon dont vous proposez de régler le problème, mais nous pouvons peut-être faire autre chose».
Si nos dirigeants ne sont pas disposés à admettre la responsabilité qu'ils ont vis-à-vis de la population, celle de veiller à ce que personne n'ait faim...
Je suis horriblement déçue de ne pas entendre ce message de la part de mes dirigeants.
Le président: Merci, Joan Johannson.
Arthur.
M. Hanson: Je voudrais terminer par deux points. Le premier, c'est qu'à l'automne, la Banque mondiale a essayé de trouver de nouvelles façons de calculer la prospérité des nations. Le Canada s'est classé au deuxième rang dans le monde, et je crois que c'est juste. Maurice Strong, que nombre d'entre vous connaissent certainement, a fait remarquer que le monde n'a jamais été si prospère, il est donc sans doute faux d'affirmer que nous n'avons pas les ressources nécessaires.
D'ailleurs, la Banque mondiale a établi par des calculs approximatifs la richesse par habitant au Canada à 800 000 $ américains, en fonction de quatre facteurs distincts, et c'est là tout l'intérêt de cet exercice. Ces facteurs sont les ressources naturelles, qui représentent environ 70 p. 100 de la richesse du Canada, les ressources humaines, le capital social et les infrastructures que l'on met sur pied avec le capital.
L'important, c'est que lorsque la Banque mondiale a examiné la situation de tous les pays du monde, elle a constaté que les plus prospères étaient souvent ceux qui avaient investi dans le capital humain, et elle s'en est étonnée parce qu'elle a toujours fait porter ses efforts sur le capital d'infrastructure. C'est une conclusion très importante. Je crois qu'elle touche de très près l'ensemble de la discussion.
Deuxièmement, il y a un concept sur lequel je veux simplement attirer l'attention du comité, un concept qui se trouve au chapitre 4 du fameux livre rouge où l'on traite de cet engagement à procéder à un examen de tous les programmes du gouvernement du point de vue du développement durable. Cet examen n'a jamais été mené de façon systématique. Ceux d'entre nous qui oeuvrent dans ce domaine croient qu'il est essentiel de répondre à certaines des questions qui ont été soulevées cet après-midi.
Je crois que le ministère des Finances, alors qu'il prépare ses chiffres à l'intention de la nouvelle commission sur l'environnement et le développement durable, lorsqu'elle sera sur pied, devra avoir instauré le cadre nécessaire à cet examen de programme. Il y a bien des intervenants sur la scène internationale, l'IIDD et d'autres, qui sont certainement disposés à aider, mais j'aimerais que vous partiez avec ce message, qu'il est plus que temps de procéder à cet examen.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Je crois que je vais oser essayer de résumer - je ne suis pas certain de pouvoir très bien le faire. Si je ne m'abuse, personne n'a déclaré que nous n'avions aucune responsabilité à l'égard de la dette et du déficit. Je tiens donc pour acquis que nous devons nous attaquer à ce problème. On nous a proposé diverses façons de le faire.
Selon certains, il est maintenant impossible de recourir à l'imposition ou à des mesures productrices de recette. Pour d'autres, les compressions réalisées ont déjà lourdement touché les membres les plus vulnérables de notre société. Pour d'autres encore, nous n'avons pas examiné toute la gamme des mesures productrices de recettes, les taxes liées à l'environnement plutôt qu'à la productivité économique, les taxes écologiques, tout un éventail d'idées avancées par des personnes que nous connaissons et qui ont étudié le sujet, comme nous l'a rappelé Martha Owen. Je ne vais pas commencer à débattre des avantages et des inconvénients de chacune des mesures proposées par les auteurs dont vous avez parlé.
Nous avons entendu Arthur Trapp, sur qui nous devrions prendre exemple. Il ne se contente pas de demander un coup de main, il propose de mettre la main à la pâte, de travailler gratuitement, et il nous offre un excellent rendement de notre investissement dans ce domaine. Je crois que nous aurons de plus en plus besoin de ce genre d'attitude pour l'économie de l'avenir.
Je reprendrai certaines paroles dans le rapport que nous allons déposer. Joan Johannson est celle qui m'a le plus touché. Elle nous a demandés si nous affirmions que le Canada n'a ni les ressources ni la capacité de veiller à ce que les membres les plus vulnérables de la société soient traités avec respect et humanité. Notre tâche consiste à trouver une façon d'y arriver.
Je ne crois pas que les méthodes simplistes proposées par Martha Owen - et je la vois faire la grimace, mais nous avons étudié ces méthodes - , une simple réduction des taux d'intérêt, soit la baguette magique que nous cherchons et qui fera disparaître tous les maux de l'économie et du système fiscal sans la moindre douleur.
Mme Owen: Excusez-moi. Je n'ai jamais dit que cela se ferait sans douleur.
Le président: Alors pouvez-vous nous expliquer qui aura à souffrir si nous décidons de réduire les taux d'intérêt?
Mme Owen: Nous croyons qu'aucune des mesures proposées ne sera facile à mettre en oeuvre. Il y aura trop -
Le président: Très bien. Je vous ai mal compris.
Il y aura des difficultés. Je peux vous garantir qu'il y aura des difficultés si l'on frappe monnaie, ou si on dévalue la monnaie, ou si on tente de réduire les taux d'intérêt sans influer sur les taux d'intérêt à long terme. De l'avis de tous les experts à qui j'ai parlé, ce sera très pénible et ce sera très dangereux.
Mme Owen: Dans ce cas, vous ne tenez pas compte des experts -
Le président: Permettez-moi de vous dire que nous en avons entendu beaucoup. J'ai peut-être tort. D'accord?
Permettez-moi de dire que le problème, si l'on cherche une formule magique - je ne vous demande pas d'être d'accord avec moi - si l'on dit que la solution se trouve dans le système monétaire, que la Banque du Canada nous a induits en erreur et qu'elle se trompe et qu'elle maintient délibérément des taux d'intérêt plus élevés que nécessaire, et c'est ce que vous dites -
Mme Owen: Ce n'est pas ce que je dis. Je dis -
Le président: Vous dites qu'il y a un complot, que les taux d'intérêt sont délibérément élevés -
Mme Owen: Ce n'est pas un complot. Je n'ai pas dit cela.
Le président: - ou par simple bêtise -
Mme Owen: C'est vrai. En effet.
Le président: D'accord. Si l'on impose des taux d'intérêt plus élevés que nécessaire alors même que l'essentiel de nos dépenses, plus de 40 milliards de dollars par année, va au service de la dette fédérale -
Mme Owen: Vous l'augmentez chaque fois que vous empruntez.
Le président: Je le sais, Martha. J'ai entendu cet argument auparavant. Vous êtes peut-être la seule à bien comprendre le problème. De toute évidence, vous l'avez étudié. De toute évidence, vous connaissez ce raisonnement, parce que vous le préconisez. Je vous dis simplement que je suis disposé à en discuter avec vous.
Mais il y a une difficulté. Si l'on croit qu'il y a une solution simple et harmonieuse à nos problèmes, on ne sera pas disposé à accepter certaines des mesures rigoureuses que nous devons prendre à cause, à mon avis, d'années d'extravagance. Nous devons tous payer pour ces extravagances.
Si nous avions pris en main notre déficit il y a des années, nous afficherions un excédent aujourd'hui, nous n'aurions pas besoin de réduire les dépenses de programmes.
Je continuerai à chercher cette baguette magique, cette poule aux oeufs d'or, cette mesure indolore de politique monétaire qui nous permettra de régler nos problèmes de façon moins importune que par des compressions ou des augmentations d'impôt. Mais je ne l'ai pas encore trouvée.
Je veux vous remercier d'avoir participé à nos discussions aujourd'hui.
Mme Owen: Monsieur Peterson, je trouve cette remarque blessante. Vous êtes là à me dire que j'ai laissé entendre certaines choses et ce n'est pas vrai. Je n'ai jamais parlé de baguette magique.
Vous me demandez maintenant, à la toute fin de la discussion, qui fera les frais de la solution. Nous pourrions en parler pendant encore une heure, ou deux ou trois, mais ce n'est évidemment pas ce que nous allons faire. Ne me faite pas dire ce que je n'ai jamais dit ni sous-entendu.
Le président: Je vous demande pardon, Martha Owen, si j'ai laissé entendre cela, mais je serai très franc. Nombre de personnes, peut-être pas vous, nous ont dit qu'il suffisait de réduire le taux d'intérêt pour régler nos problèmes.
Si vous ne l'avez pas dit, je vous demande de m'excuser. Si je croyais que cette solution pouvait porter fruit, je l'appliquerais immédiatement.
Nous continuerons donc à chercher des solutions, nous chercherons du mauvais côté et nous chercherons... Si vous êtes au courant de travaux sur ce sujet - y compris ceux de MM. Fortin et Michael McCracken, qui ont comparu devant nous, et ceux d'autres personnes qui croient que nous pourrions modifier notre politique en matière de taux d'intérêt sans entraîner de lourdes conséquences à long terme - , veuillez nous indiquer leurs auteurs. Je m'engage à convoquer ces personnes devant le comité, madame Owen, sous votre parrainage. Vous pouvez nous les amener, nous les écouterons et nous laisserons le soin aux experts d'en discuter.
M. Grubel: Nous l'avons fait.
Le président: Nous l'avons fait et nous le referons. J'ai hâte de le refaire. J'espère que vous me prendrez au mot, parce que c'est quelque chose de beaucoup moins pénible qu'une augmentation d'impôt ou une réduction des programmes.
Merci.
La séance est levée.