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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 29 novembre 1995

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[Traduction]

Le vice-président (M. Campbell): Bonjour, mesdames et messieurs. Nous allons commencer notre table ronde d'aujourd'hui, ici à St. John's, dans le cadre de nos consultations prébudgétaires. Je tiens à vous souhaiter à tous la bienvenue au nom du Comité des finances.

Nous recevons aujourd'hui les témoins suivants: Mme Edna Turpin-Downey, du Cabot Institute of Applied Arts, Technology and Continuing Education; Mme Jane Robinson, du Comité canadien d'action sur le statut de la femme - Terre-Neuve et Labrador; Mme Elaine Price, de la Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador; Mme Wendy Williams, du Provincial Advisory Council on the Status of Women; M. Roger Flood, du St. John's Board of Trade; M. Lewis Rose, de la municipalité de Glovertown; M. Brandan Fahey, de la Newfoundland and Labrador Chamber of Commerce; et M. Mike Stokes, de l'Alliance de la fonction publique du Canada, région St. John's. Soyez les bienvenus.

Quelques autres témoins devraient venir se joindre à nous plus tard. Nous les présenterons le moment venu.

Notre procédure est assez simple. Nous commençons, comme vous le savez, par des exposés préliminaires. Nous vous demandons de les faire brefs et espérons que vous y répondrez aux questions que nous vous avons communiquées. Celles-ci ne sont pas destinées à vous empêcher de parler d'autres choses que vous considérez importantes, mais plutôt à vous faire connaître les questions dont nous devons traiter dans notre rapport.Je vous invite à vous limiter aux points saillants de votre exposé afin de laisser assez de temps pour la discussion entre vous et avec les membres du comité.

Nous commencerons donc par -

Un témoin: Allez-vous vous présenter vous-même?

Le vice-président (M. Campbell): Désolé. Mon nom est inscrit sur le panneau, comme celui de tous les autres membres du comité. Je suis Barry Campbell, vice-président du Comité des finances et président des séances tenues dans l'Est du Canada. Je suis accompagné d'autres députés: M. Pillitteri, Mme Brushett, M. Loubier et M. Solberg.

Mme Jane Robinson (représentante régionale, Comité canadien d'action sur le statut de la femme - Terre-Neuve et Labrador): Et quel parti représentez-vous?

Le vice-président (M. Campbell): M. Solberg est du Parti réformiste. M. Loubier appartient au Bloc, et je suis moi-même Libéral, ainsi que Mme Brushett et M. Pillitteri.

Nous ne nous présentons pas habituellement en donnant notre appartenance politique. Nous sommes un comité pluripartite de la Chambre, le meilleur exemple de ce que le Parlement travaille fort à des problèmes qui intéressent tout le monde. Nous tendons donc à nous présenter en tant que membres du comité, plutôt que comme membres d'un parti politique. Mais nous répondons volontiers à vos questions, afin que vous sachiez qui nous sommes, les uns et les autres.

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Nous allons commencer par le Cabot Institute of Applied Arts, Technology and Continuing Education.

Mme Edna Turpin-Downey (présidente, Cabot Institute of Applied Arts, Technology and Continuing Education): Bonjour. Je suis ravie d'être parmi vous et vous remercie de l'invitation.

Mes propos ne sont pas nécessairement une réponse directe à vos questions, en particulier touchant les réductions budgétaires à opérer. Ce n'est pas mon domaine de spécialité, mais je traiterai néanmoins des répercussions sur certains programmes que nous avons déjà constatées, particulièrement pour ce qui est des paiements de transfert aux provinces.

Il est tout à fait évident que les gouvernements provinciaux ont beaucoup de mal à rationaliser les services de santé et d'éducation sans compromettre leur qualité. Aujourd'hui, nous sommes enviés pour nos programmes sociaux, nos services et notre réputation de qualité, d'équité et d'intégrité. Ce sont évidemment des attributs qu'il ne faut pas diminuer. Mais il ne fait aucun doute qu'il faut faire les choses différemment. Il faut une rationalisation, et il est indispensable d'éliminer les doubles emplois et d'intensifier la collaboration.

Dans le système postsecondaire, les coupures opérées dans les paiements de transfert ont entraîné et continueront à entraîner une restructuration administrative, des économies d'échelle au niveau des services administratifs, la révision et la coupure de certains programmes- particulièrement ceux considérés comme faisant double emploi-et obligeront les établissements à rechercher des options nouvelles touchant les méthodes d'exécution des programmes et services. Tout cela se fait et continuera à se faire, et exigera une restructuration et un réoutillage du système éducatif.

Je pense que c'est là une occasion de faire les choses comme il faut. Nous savons tous que le gouvernement a joué jusqu'à présent un rôle important dans le système éducatif postsecondaire. Une grosse infrastructure a été édifiée qui dépendait largement des crédits fédéraux. Et bien que nous vivions des temps difficiles, je pense qu'il y a une possibilité pour le gouvernement fédéral d'instaurer, par le biais du système éducatif, un environnement propice à la création d'emplois et à la croissance. Je pense qu'il faut reconnaître en particulier le rôle à cet égard des collèges et instituts techniques, qui ne sont pas actuellement considérés comme des outils de croissance économique.

Les collèges doivent devenir admissibles aux crédits fédéraux de recherche-développement. Nous ne sommes pas actuellement admissibles aux subventions d'organismes comme le CRSNG. Il faut encourager la conclusion par les collèges de partenariats avec l'industrie. Par exemple, cela suppose donner aux collèges accès aux crédits actuellement réservés aux missions commerciales. Encore une fois, nous n'y sommes pas admissibles.

Il faut appuyer l'institution de normes et l'adhésion à la norme ISO 9000 afin que nous aussi puissions être compétitifs à l'échelle internationale et faire la promotion de nos programmes et services éducatifs. Le Canada est reconnu comme un chef de file mondial en matière d'éducation et de formation professionnelle, mais il existe actuellement maintes barrières à l'exportation de ce savoir-faire vers le reste du monde.

Des partenariats élargis entre le PARI et les collèges autoriseront une plus grande ouverture sur le monde des affaires et de l'industrie. Je pense que l'aide financière aux étudiants doit faire partie intégrante de tout cela. Il faut reconnaître l'éducation postsecondaire comme une ressource. Il faut la reconnaître comme une industrie. Il faut la reconnaître comme un investissement, et non seulement comme une dépense ou un service social. C'est quelque chose qu'il faut nourrir. Il est si facile de couper dans ces dépenses en période de difficultés financières, mais on ne voit jamais l'éducation comme un facteur de création de richesses, particulièrement pas l'éducation dispensée dans le système collégial.

Lorsqu'on lit des auteurs comme Nuala Beck, ils disent que les collèges sont en fait les héros méconnus de l'économie nouvelle. Dans le contexte de la mondialisation, ils contribuent à la croissance économique davantage qu'ils ne coûtent. Lorsqu'on réduit les crédits aux collèges, la productivité nationale en souffre.

Pour ce qui est des domaines d'activité fédérale où davantage d'économies pourraient être faites, comme la commercialisation, la privatisation et la dévolution à d'autres paliers de gouvernement, j'ajouterai qu'il faut préserver ou maintenir le soutien fédéral aux organismes de développement régional, de même qu'à des initiatives sous un régime d'autonomie régionale. Pour qu'elles aboutissent, ces initiatives doivent être reliées au développement économique régional.

Dans le cadre d'un programme récent lancé avec l'aide du gouvernement fédéral, il nous faut un soutien accru au processus de transition entre l'école et le travail. Par exemple, le processus d'évaluation des connaissances antérieures reconnaît l'expérience professionnelle et de la vie acquise antérieurement et permet à ceux qui possèdent des aptitudes et des connaissances précieuses, acquises en dehors de l'école, de les voir reconnues dans la salle de classe.

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Mais il faut aussi favoriser davantage les activités qui relient l'expérience éducative au lieu de travail, telles que l'éducation coopérative, les internats et les stages de travail. Il ne fait aucun doute que ce sont des outils extrêmement précieux, alors qu'il semble que le financement fédéral à ce projet soit aujourd'hui compromis.

Pour faciliter ces activités, nous avons besoin d'une articulation intersectorielle et de passerelles entre les collèges et les universités. Il faut créer un champ continu d'éducation postsecondaire qui permette aux gens d'aller et venir entre le système éducatif et le monde du travail, dès lors qu'ils ont besoin de nouvelles aptitudes et que la formation qu'ils possèdent devient désuète. Cela facilite également la mobilité de l'une de nos plus précieuses ressources, les hommes et femmes, dans le pays et le monde, afin qu'ils puissent faire partager leur savoir et leurs compétences. Il faut un nouveau plan éducatif si nous voulons véritablement relier l'éducation avec la croissance et le développement économiques.

Pour conclure, je répète que nous reconnaissons tous que des changements sont nécessaires. Les établissements d'enseignement ne peuvent plus compter sur les mêmes niveaux de financement fédéral et provincial que par le passé, et c'est pourquoi nous devons nouer des partenariats avec les milieux du commerce et de l'industrie si nous voulons réussir dans la nouvelle économie mondiale.

Le vice-président (M. Campbell): Je vous remercie.

Nous allons passer à Mme Robinson.

Mme Robinson: J'aimerais commencer mon exposé en citant les paroles qu'une femme a prononcées au forum sur les femmes et la pauvreté tenu à St. John's, le 14 novembre: «J'ai été pauvre toute ma vie et je ne vois pas comment j'ai pu causer le déficit».

C'est l'optique de bon nombre des femmes auquel j'ai pu parler, en tant que représentante du CCA à Terre-Neuve et au Labrador.

Le déficit n'a pas été créé par les pauvres du Canada. Ce n'est pas à eux qu'il faut le reprocher.

Nous constatons que vos politiques économiques font réellement souffrir les femmes de Terre-Neuve et du Labrador. Ces politiques sont la copie conforme de celles du gouvernement conservateur. Peu de choses ont changé.

La mauvaise gestion de la pêche par le gouvernement fédéral et les grandes entreprises a coûté leur emploi à 13 000 femmes qui travaillaient dans les usines de conditionnement du poisson. Beaucoup d'autres femmes ont perdu leur emploi dans le système sanitaire et éducatif. Les centres de femmes et les refuges pour femmes battues vivent avec des bouts de ficelle. L'équité salariale est érodée. L'équité en matière d'emploi n'est toujours qu'un rêve.

Les femmes ont besoin d'emplois. Nous avons besoin de bons services.

La transformation de systèmes institutionnels en systèmes communautaires se poursuit à un rythme effréné, sans que les collectivités locales disposent de l'infrastructure nécessaire pour prendre le relais. Les hôpitaux renvoient les patients chez eux avec des incisions ouvertes. On attend de la famille des patients, habituellement les femmes, qu'elles fournissent des soins de santé qu'elles ne sont pas compétentes pour donner. Des gens comme Margaret Jones, de Lewisporte, le paient de leur vie.

Nous voyons surgir un système plus rude et plus dur. Cette tendance n'a pas fondamentalement changé depuis le gouvernement conservateur.

Ceux qui tiennent les cordons de la bourse semblent tout contrôler. Le filet de sécurité sociale, que le Canada a les moyens de payer, est taillé en pièces petit à petit, et vous laissez faire.

Il règne ici une vraie peur. Les femmes ressentent la menace constante de perdre leur emploi. Nous vivons des tensions extrêmes devant le spectacle de membres de la famille qui perdent leur travail et deviennent malades et de nos jeunes qui ont besoin de plus en plus d'argent pour suivre des études postsecondaires.

Le mouvement des femmes à Terre-Neuve et au Labrador vous a fait savoir à maintes et maintes reprises que ces coupures sont inacceptables. Elles constituent une agression odieuse contre les pauvres, les personnes handicapées, les femmes, les chômeurs et les immigrants.

Depuis 1990, nous avons assisté à des coupures sauvages dans le régime d'assurance-chômage. En 1989, 84 p. 100 des femmes et des hommes sans travail du Canada touchaient les prestations d'assurance-chômage. Aujourd'hui, moins de la moitié des chômeurs en bénéficient. Le taux des prestations est tombé à 55 p. 100 du salaire et les coupures annoncées par le ministre Axworthy aujourd'hui pourraient les réduire encore davantage.

Et c'est 55 p. 100 de quoi? Les femmes ne gagnent que 70 p. 100 du salaire moyen des hommes.

Les nouvelles modifications apportées à l'assurance-chômage encouragent les heures supplémentaires et pénalisent ceux qui ont des emplois à court terme et des heures de travail réduites. Presque 44 p. 100 des femmes occupent des emplois de moins de 49 semaines par an, et la plupart d'elles sont dans la catégorie des 14 à 26 semaines. Les jeunes femmes sont la catégorie où le taux de chômage est le plus élevé, alors que le nombre de semaines de travail requis par les nouvelles arrivantes sur le marché du travail pourrait passer à six mois.

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Le gouvernement fédéral a versé 15 p. 100 de moins en prestations d'assurance-chômage au cours du premier trimestre 1995 que lors de la même période de 1994. Le rapport des vérificateurs internes de DRH du printemps dernier estimait lui-même à 1,2 milliard de dollars l'excédent accumulé dans le fonds d'assurance-chômage en décembre 1995 et prévoyait un excédent de plus de 20 milliards de dollars en 1998. Il est clair que l'argent nécessaire pour réparer notre système d'assurance-chômage existe.

Au cours de vos audiences à travers le Canada, le CCA, de concert avec beaucoup d'autres organisations, a informé votre comité des autres lacunes dont souffrent nos systèmes. De nombreuses propositions ont été formulées sur la manière d'éviter des coupures encore plus profondes dans les programmes sociaux canadiens.

Les coupures que nous voyons se profiler à Terre-Neuve touchent l'éducation, la santé, le logement social, le transport, l'aide sociale, les subventions pour la garde d'enfants, etc. Nous avons entendu récemment que le «besoin de mâcher» est maintenant une raison insuffisante pour que les assistés sociaux obtiennent des dentiers. Les coupures que nous voyons se profiler frappent les membres les plus vulnérables de la société: les pauvres, les handicapés, les familles monoparentales, les chômeurs et les assistés sociaux, les immigrants, tous ceux qui n'ont pas la possibilité de se faire entendre dans notre société.

En 1990, le mouvement des femmes de Terre-Neuve a occupé les bureaux du Secrétariat d'État lorsqu'il a voulu tailler dans le budget du Programme des femmes et nous avons réussi à le faire reculer. Nous nous en souvenons très bien. Nous avons l'intention d'utiliser des stratégies similaires à l'avenir, en joignant nos efforts avec ceux de nos frères et soeurs du mouvement syndical, du mouvement anti-pauvreté et des groupes de défense des locataires. Nous ne pouvons tolérer d'autres coupures encore.

Je vous remercie de votre attention.

Le vice-président (M. Campbell): Je vous remercie. Puisque vous avez terminé juste dans le temps prévu, et je vous en suis reconnaissant, je me demande si vous aimeriez répondre aux questions que nous avons posées dans la lettre sur les mesures qu'il conviendrait de prendre. Puis-je résumer votre position en disant que, quoi que nous fassions pour nous adapter à la réalité financière canadienne, il ne faut pas le faire au moyen de nouvelles coupures? Est-ce là votre position de fond?

Mme Robinson: Absolument. Je pensais que bon nombre de ces points seraient abordés dans la discussion ultérieure.

Le vice-président (M. Campbell): Je vous remercie.

Nous allons passer à Elaine Price de la Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador.

Mme Elaine Price (présidente, Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador): Bonjour.

La Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador considère que le gouvernement fédéral s'engage dans la mauvaise voie en faisant sien un modèle de libre marché axé sur les coupures de dépenses gouvernementales en vue de réduire le déficit. La réduction du déficit à l'exclusion de toutes les autres responsabilités gouvernementales est contraire au mandat électoral du gouvernement, lequel était de forger une politique économique propre à assurer l'existence de bons emplois et de revenus adéquats et stables pour tous les Canadiens.

Cette contradiction se fait jour dans les trois questions posées aux fins de la discussion d'aujourd'hui. Il est difficile de créer un climat propice à l' emploi et à la croissance si le gouvernement poursuit la réduction du déficit au moyen de coupures sauvages et de mises à pied, comme votre gouvernement le fait dans le secteur public, en comptant à tort sur le secteur privé pour créer des emplois.

Bien que la Fédération du travail reconnaisse la nécessité d'une certaine rigueur, nous sommes d'accord avec le vérificateur général lorsque celui-ci affirme que le gouvernement fédéral est par trop aveuglé par l'équilibre des comptes d'une année à l'autre. Il a également reproché au gouvernement de ne pas avoir élaboré une stratégie à plus long terme touchant la dette, notamment une vision plus explicite de la manière dont celle-ci s'articule avec la conception qu'ont les Canadiens du rôle de l'impôt et du gouvernement.

Il a recommandé au Cabinet d'ouvrir un débat parlementaire sur les questions suivantes. Quel niveau d'endettement pouvons-nous admettre? Dans quelle mesure pouvons-nous contrôler la dette tout en préservant notre bien-être financier, social et culturel? Ce sont là des questions cruciales.

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En bref, nous souscrivons à la position du vérificateur général lorsqu'il dit qu'un budget équilibré, aussi rapidement atteint qu'il puisse être, n'est pas une fin en soi. Même si un budget équilibré était une fin légitime en soi, les coupures massives annoncées dans le budget de 1994, combinées aux coupures déjà opérées par d'autres paliers de gouvernement, ont sapé les efforts de réduction du déficit du gouvernement fédéral en stoppant la croissance économique.

Les coupures des programmes gouvernementaux sont directement responsables de 48 p. 100 de la baisse du PIB canadien au cours du deuxième trimestre de cette année.

Le ralentissement économique récent est également dû au caractère très déséquilibré de la reprise économique. Les avantages de la croissance récente ont été concentrés de façon disproportionnée aux mains des sociétés.

Depuis 1992, les profits des entreprises après inflation ont augmenté de 102 p. 100, alors que les salaires après inflation ont baissé de 5 p. 100. La création d'emplois a également été faible. Une forte croissance des exportations et des investissements en machines ne suffit pas à compenser la stagnation de la consommation privée et publique.

En ce qui concerne une autre question à l'ordre du jour - la dévolution d'activités du gouvernement fédérale à d'autres paliers de gouvernement - la Fédération du travail a présenté en mai 1995 un mémoire sur le projet de loi C-76 au Comité permanent des finances. Nous y mettions en garde contre l'introduction du Transfert canadien en matière de santé et de services sociaux. Cette méthode de financement forfaitaire modifierait fondamentalement le rôle fédéral dans le champ de la politique sociale, et je cite ce passage de notre mémoire:

La Fédération du travail exhorte le gouvernement fédéral à adopter une politique économique plus équilibrée, et donc à élaborer un budget qui privilégie la hausse des recettes plutôt que la réduction des dépenses. Lors de notre congrès, il y a quelques semaines, nous avons adopté une déclaration politique sur la crise de l'emploi et la lutte contre le chômage, et nous en avons joint le texte à notre exposé.

Dans cette déclaration politique, nous formulons un certain nombre de propositions pour aider le gouvernement à élaborer une approche équilibrée du budget. Je vais les mentionner très brièvement, sachant que le temps nous est compté.

Nous recommandons très fermement, en accord avec le Centre canadien de recherche en politiques de rechange, une politique monétaire plus souple, propre à réduire les taux d'intérêt et à stimuler la croissance. Nous estimons également que, au lieu de fixer des objectifs de chômage, le temps est venu pour le gouvernement fédéral de fixer des objectifs de création d'emplois, objectifs qui n'existent pas à l'heure actuelle.

Il existerait diverses façons de le faire, si le gouvernement voulait bien modifier son approche idéologique de la budgétisation dans ce pays.

Nous préconisons que le gouvernement fédéral se dote d'une stratégie nationale de création d'emplois, d'une stratégie nationale de l'infrastructure, d'un programme national de rénovation des logements et d'un programme de logement social et coopératif national et provincial.

Nous recommandons aussi fortement - et cela créerait assurément des emplois, en particulier pour les femmes - un programme national en matière de garde d'enfants. Ces objectifs sont réalistes. Nous pouvons avoir un budget équilibré. Nous pouvons avoir une approche équilibrée de la création d'emplois dans ce pays. Il suffit pour cela de volonté politique.

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Le vice-président (M. Campbell): Je vous remercie.

Je soumets à votre réflexion une question à laquelle vous pourrez répondre plus tard, touchant les propositions émanant d'autres que vous, touchant la stratégie de création d'emplois, le logement, l'infrastructure, la garde d'enfants. Est-ce que les crédits que tout cela exigerait seraient retranchés d'autres programmes ou bien proposez-vous de lever des impôts nouveaux pour financer ces programmes? Je vous pose la question pour réponse ultérieure.

Mme Price: J'aimerais répondre à cela lorsque tous les autres auront présenté leur exposé.

Le vice-président (M. Campbell): Nous passons donc à Wendy Williams, du Provincial Advisory Council on the Status of Women.

Mme Wendy Williams (présidente, Provincial Advisory Council on the Status of Women): Bienvenue à St. John's. J'espère que vous aurez l'occasion de sortir d'entre ces quatre murs.

Le vice-président (M. Campbell): Nous aussi.

Mme Williams: Notre ville est fantastique. Je siégeais jadis au conseil municipal. J'espère que vous aurez l'occasion de dépenser une partie de vos gros salaires publics pour acheter des cadeaux à ramener chez vous. Voilà un petit mot en faveur de l'économie locale.

Ma fonction consiste à parler de la politique sociale et publique et de ses répercussions différentielles sur les hommes et les femmes. Je traiterai surtout des femmes. Je tiens à dire aussi que, l'année dernière, les femmes de la province ont consacré presque toute leur énergie à discuter de la politique sociale et de l'examen de la sécurité sociale. Nous sommes scandalisés de voir que la politique sociale est maintenant faite par un comité des finances. Nous contestons cette approche qui fait que la politique sociale soit abordée à travers la lorgnette des finances.

J'aimerais croire que la politique sociale et toute politique gouvernementale sont fondées sur des recherches. Ma spécialité est la santé et je suis bien placée pour savoir que la politique gouvernementale dans le domaine de la santé n'est fondée sur pratiquement aucune recherche. D'après ce que je peux voir, la politique sociale n'est fondée sur aucune recherche dans quelque domaine que ce soit.

Puisque la politique sociale dans ce pays semble être décidée par le Comité des finances, je voudrais vous parler du rôle de la recherche et de ce qui est nécessaire pour avoir une politique sociale fonctionnelle.

Je me trouvais à Halifax, la semaine dernière, pour des consultations sur le Transfert canadien en matière de santé et de services sociaux à l'échelle des provinces atlantiques. Il est ressorti clairement des délibérations que nous tenons à ce que le gouvernement fédéral ait un rôle dans ce pays et que nous craignons qu'il soit décidé à s'en décharger au profit des provinces. Ce n'est pas ainsi que les participants à cette consultation voyaient les choses. Vous aurez sans doute un rapport à ce sujet car les consultations ont été organisées par le Conseil canadien du développement social et je sais qu'il a l'intention de vous soumettre un rapport.

Je vais cependant répondre aux questions que vous posez. Je respecte les règles. Dites-moi quelles sont les règles, et je les suivrai.

Quel devrait être notre objectif de réduction du déficit et quels sont les meilleurs moyens de l'atteindre? Notre position ici est que le ministère des Finances n'a pas à déterminer, élaborer ou modifier la politique sociale à moins que ceux qui assurent ces services ou ceux qui les reçoivent soient conviés à la table. Il est clair que les dépenses d'assistance sociale dans notre pays ne représentent que 2 p. 100 du déficit, alors que l'insuffisance des impôts payés par les contribuables à revenus supérieurs à la moyenne représente plus de 40 p. 100 du déficit. Voilà ce que nous pouvons dire sur la réduction du déficit.

Le vice-président (M. Campbell): Vous disiez que les intéressés ne sont pas à la table? Nous sommes tous là ce matin. C'est à cela que sert cette consultation.

Mme Williams: Nous n'avons certainement pas été invités. Nous avons été informés par une organisation féminine que ces consultations avaient lieu. Nous avons appris le 22 novembre que vous alliez siéger ici. Nous n'avons jamais vu d'avis public. Nous avons pris l'initiative de disséminer le renseignement, et ce n'est pas ainsi que nous procédons nous-mêmes dans d'autres tribunes. Je dirais que le gouvernement fédéral fait généralement plus pour inviter les groupes et annoncer la venue d'un comité comme le vôtre.

Le vice-président (M. Campbell): Je vous présente mes excuses si vous n'avez pas été informés ou estimez avoir eu un préavis insuffisant. Beaucoup de groupes ont été invités; d'autres se sont présentés spontanément.

À Ottawa, nous avons déjà entendu des douzaines de représentants de groupes nationaux, dont certains auxquels vous êtes affiliés. Nous organisons ces audiences dans tout le pays. À la fin de ce processus, nous aurons entendu plusieurs centaines de témoins. Comme la table ronde d'aujourd'hui, ces témoins sont représentatifs de tous les groupements intéressés. Il est donc un peu injuste de dire que nous faisons cela sans vous consulter, alors que vous êtes ici et que vous pouvez nous parler.

Mais je suis impatient d'entendre ce que vous avez à dire sur ces problèmes. Veuillez poursuivre, je vous en prie.

Mme Williams: La question est de savoir comment on peut utiliser des mesures budgétaires pour créer un climat propice à l'emploi et à la croissance. Encore une fois, il faut remonter jusqu'aux recherches. Les recherches sont faites par les Nations Unies. L'ONU publie un document qui s'appelle le Rapport mondial sur le développement humain. Il en ressort que l'investissement dans les ressources humaines, sous forme de programmes d'éducation, de santé et de soutien social, constitue la façon la plus efficiente et la plus bénéfique de créer une économie et une société saines.

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Cela ressort très clairement de toutes les recherches que je connaisse. De s'obnubiler sur l'aspect industriel n'engendre pas une économie saine. Il faut investir dans les hommes et les femmes. Je suis sûre que vos chercheurs connaissent les travaux des Nations Unies.

Troisièmement, quelles activités fédérales pourraient faire l'objet d'autres coupures, d'une commercialisation, d'une privatisation ou d'une dévolution à d'autres paliers de gouvernement? Nous ne sommes en faveur d'aucune coupure supplémentaire des programmes d'aide sociale, d'éducation ou de santé. Les Nations Unies ont conclu que les programmes qui promeuvent la santé, l'éducation et les services sociaux sont les plus bénéfiques pour les pays et leur économie, car ce sont ces programmes qui investissent dans l'être humain et non dans les compagnies.

En outre, des programmes de portée universelle sont plus efficaces que des programmes plus ciblés, qui isolent les groupes marginalisés. Il me semble que les recherches internationales le prouvent également très clairement. Les programmes ciblés n'engendrent pas des avantages pour l'ensemble du pays.

Enfin,nous jugeons importantes l'intégration et la coordination des programmes sanitaires, éducatifs et sociaux. Cependant, les programmes de services sociaux jouissent d'une moindre faveur que les programmes éducatifs et sanitaires. Pourtant, sans un minimum de sécurité financière, les avantages des services éducatifs et sanitaires sont réduits. Nous avons besoin de l'assurance que le gouvernement vise le bien-être de tous les membres de la société.

Je vous remercie.

Le vice-président (M. Campbell): Je vous remercie.

M. Loubier a attiré mon attention sur deux aspects de cette question de la notification. Nous avons entendu des doléances similaires dans d'autres régions aussi. L'un des problèmes est peut-être que nous contactons les organisations nationales car elles tendent à pouvoir venir nous rencontrer à Ottawa. Ensuite, nous allons dans les régions, mais ces voyages sont souvent organisés de telle façon que tous les groupes n'en sont pas informés.

Mais je tiens à souligner que ces consultations prébudgétaires que nous avons commencées l'année dernière sont maintenant devenues un élément permanent de l'élaboration du budget dans notre pays. Votre organisation, les autres représentées ici et toutes celles que nous recevons dans les autres villes, ne devraient pas oublier que nous ferons de même chaque automne.

Lorsque vous évaluez les répercussions du budget de l'année précédente, vous pouvez déjà réfléchir à ce que vous aimeriez nous dire lors de notre travail préparatoire du budget suivant. Nous avons brisé le huis-clos qui entourait la rédaction du budget et avons fait de la consultation du public un élément important de ce travail. N'attendez donc pas pendant tout l'été et le début de l'automne. Considérez comme acquis que la consultation aura lieu. Prenez contact avec vos députés locaux pour savoir quand elle aura lieu si vous n'entendez pas parler de nous. Nous faisons de la publicité, mais nous ne pouvons toujours envoyer une invitation personnelle à chaque groupe et chaque personne qui souhaite comparaître devant nous. Mais tous sont les bienvenus.

Pensez-y donc. C'est maintenant un volet permanent. Cela se fera tous les automnes.

Je vous remercie.

Mme Williams: Et rembourserez-vous les frais des personnes qui ne vivent pas à St. John's et qui doivent se déplacer?

Le vice-président (M. Campbell): Nous offrons une aide à ceux qui veulent venir jusqu'à Ottawa. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas prendre des dispositions pour les groupes qui veulent se rendre jusqu'à un centre régional, lorsque nous sommes dans cette région. Évidemment, nous devrons vérifier auprès du bureau du greffier.

L'une des critiques que d'aucuns nous adressent est que nous ne devrions pas dépenser l'argent du contribuable pour de telles consultations. Nous ne sommes pas d'accord avec cette position. C'est extrêmement important.

Comme Mme Brushett le rappelle, nous avons scindé le comité en deux, une moitié tenant des audiences similaires dans l'Ouest et l'autre moitié dans l'Est, comme nous l'avons fait l'année dernière.

Vous pouvez donc considérer que c'est là un volet permanent de la rédaction du budget. Je pense que c'est une amélioration heureuse de la façon de faire un budget. Nous apprenons beaucoup en vous écoutant. Je vous remercie.

Nous allons passer à M. Flood, du St. John's Board of Trade.

M. Roger Flood (président, St. John's Board of Trade): Je vous remercie.

Le St. John's Board of Trade est heureux de cette occasion de prendre la parole devant le Comité permanent des finances et regrette d'avoir à dire que son message est le même que celui de l'année dernière, le même message que celui de l'année d'avant et de l'année d'avant. Peut-être la principale différence réside-t-elle dans l'intensité avec laquelle nous le formulons.

Le texte du budget fédéral de février 1995 parlait longuement de la gravité de la crise financière que traverse le pays. Si ce message d'austérité a été, en général, bien accueilli du public, nous considérons que les mesures proposées ne vont pas assez loin.

Étant donné le niveau excessivement élevé de la dette publique, que le ministère des Finances estime à 600 milliards de dollars en 1996-1997, soit plus de 73 p. 100 du produit intérieur brut annuel du pays, et le fardeau excessif que représente le service de cette dette, qui coûte plus de 50 milliards de dollars rien que cette année, soit plus d'un tiers des recettes fiscales totales, nous persistons à dire que l'objectif minimal acceptable devrait être l'élimination du déficit avant l'expiration du mandat du gouvernement actuel.

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L'élimination du déficit exigera des mesures douloureuses. Cependant, en temporisant, on n'évitera pas la nécessité de les prendre ni ne garantira un meilleur climat économique dans lequel les exécuter. La temporisation ne fera qu'aviver les craintes des marchés financiers, si bien que non seulement la dette nationale continuera de s'alourdir, mais le coût du service de cette dette deviendra également plus lourd qu'il ne le serait autrement.

Où faudrait-il opérer des coupures? Eh bien, dans les subventions aux entreprises qu'il faudrait supprimer graduellement. Les milieux patronaux ont conscience de leurs responsabilités en vue d'une réforme des finances publiques. Au-delà, il n'appartient pas au milieu des affaires de dicter des mesures détaillées, mais nous aimerions néanmoins aborder un certain nombre de problèmes.

Une bonne partie des ressources sont gaspillées sur des services non essentiels et la gabegie administrative. Avant de réduire les prestations versées aux personnes dans le besoin et de démanteler des programmes efficaces, nous pensons que le gouvernement devrait tailler dans le superflu. Le St. John's Board of Trade met en doute le sérieux du gouvernement fédéral lorsqu'il dit qu'il veut réduire agressivement les dépenses tout en continuant à suivre des politiques qui sont un gaspillage de l'argent du contribuable.

Par exemple, Marine Atlantic réalise 80 ou 90 p. 100 de son travail à Terre-Neuve, mais vous maintenez son siège social au Nouveau-Brunswick. C'est une décision totalement politique. La coordination de la recherche et du sauvetage, de la surveillance des pêches sont faites à partir d'une autre province, alors que, encore une fois, 80 p. 100 ou 90 p. 100 de toute l'activité se déroule à Terre-Neuve. Si vous allez opérer des coupures, la première chose à faire est de couper le superflu et de placer le siège social là où se déroule le travail. Dans tous ces exemples, le gouvernement semble ignorer les principes de rigueur commerciale et opter pour la facilité politique.

L'évaluation de l'efficience des programmes et des ministères. Il existe maintes possibilités de réaliser des économies dans le fonctionnement des pouvoirs publics. C'est possible en mettant beaucoup plus l'accent sur la qualité, en éliminant les doubles emplois, en rationalisant les procédures, en instaurant une reddition de comptes beaucoup plus stricte. En bref, l'administration gouvernementale doit être gérée davantage comme une entreprise.

La commercialisation, les partenariats avec le secteur privé, la sous-traitance - il y a des centaines de domaines où le secteur privé pourrait assurer au gouvernement les services qu'il se fournit lui-même, qu'il s'agisse du nettoyage, de l'entretien des bâtiments, de l'impression, de la publicité, du génie. Les possibilités sont innombrables. Le gouvernement fédéral devrait se cantonner dans ce qu'il sait faire le mieux et cesser de faire ce que le secteur privé pourrait et devrait faire à sa place.

Stimuler la croissance économique - il n'est pas nécessaire de rappeler au gouvernement les avantages qui en résultent pour l'économie lorsque le secteur privé crée des entreprises viables et embauche de la main-d'oeuvre. Le gouvernement doit lever tous les obstacles à la création d'entreprises et aider les petites à trouver des capitaux.

La croissance des entreprises est entravée par les frais d'exploitation élevés au Canada. C'est encore plus vrai dans les régions économiquement défavorisées comme Terre-Neuve et des facteurs tels que les cotisations d'assurance-chômage et la double taxe de vente détournent les ressources des petites entreprises, ressources qui pourraient mieux servir à accroître la compétitivité et financer l'expansion.

Un mécanisme qui s'est avéré efficace dans maints pays du monde et dans des régions déprimées des États-Unis est celui des zones franches, ou zones d'entreprise, qui consiste à exonérer des droits et règlements douaniers certaines régions afin d'y favoriser la fabrication à haute participation de main-d'oeuvre. Le St. John's Board of Trade recommande la création de telles zones dans les régions économiquement défavorisées du Canada.

La taxe de vente nationale. L'harmonisation de la taxe de vente au détail provinciale et de la taxe fédérale sur les produits et services donnerait lieu à des économies administratives tant pour le gouvernement que pour les entreprises. La restructuration du régime de taxes de vente national en faveur d'une taxe unique, avec une méthode simplifiée et à taux inférieur, bénéficierait tant aux gouvernements provinciaux et fédéral qu' aux entreprises. Les deux gouvernements dépensent beaucoup trop pour percevoir ces recettes fiscales.

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Pour ce qui est de la refonte du régime d'assurance-chômage, le ministère du Développement des ressources humaines doit le rétablir sur ses bases originelles, celle d'une assurance-autrement dit, donner un soutien à court terme à ceux qui se trouvent temporairement privés de travail sans qu'il en soit de leur faute.

Nous sommes opposés à toute manipulation du régime d'assurance-chômage, telle qu'un système à double palier ou quelque mécanisme tenant compte des antécédents. Nous invitons le gouvernement fédéral à se pencher sérieusement sur le programme de complément de revenu proposé par le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador. Un tel programme garantirait un revenu annuel à chaque personne, mais ce revenu supplémentaire étant progressivement recouvré par l'impôt au fur et à mesure que le revenu personnel augmente. Cela encouragerait l'esprit d'entreprise et réduirait la dépendance à l'égard des prestations sociales. Ce programme de complément de revenu matérialiserait trois changements d'orientation fondamentaux qui vont dans le sens de ce que le patronat appelle de ses voeux.

Ces changements d'orientation sont une purification du régime d'assurance-chômage et un retour à la notion du chômage temporaire; un déplacement des prestations de sécurité du revenu vers les petits salariés et les personnes démunies; une incitation pour les chômeurs à chercher du travail ou à suivre une formation pour se sortir du chômage.

Sur le plan du développement régional, le Canada atlantique ne dispose pas d'un capital- actions privé suffisant pour permettre la création et l'expansion des entreprises. L'APECA doit prendre des mesures pour assurer un bassin suffisant de capitaux-risques. Des initiatives de développement régional de grande envergure sont indispensables à la santé de l'économie canadienne d'ensemble.

Des initiatives régionales et en faveur des petites et moyennes entreprises sont un outil indispensable si le gouvernement veut établir une économie nationale équilibrée. L'APECA a été profitable pour le Canada atlantique et il faut maintenir le soutien financier à ces initiatives et programmes régionaux mis en place par l'Agence.

Au mois de janvier, nous avons proposé au ministre des Finances Paul Martin une nouvelle option comportant des mesures fiscales similaires à celles offertes par la province de Terre-Neuve dans le cadre de son programme de diversification économique, le programme EDGE, ou à celui des zones franches des États-Unis.

Nous croyons savoir que le premier ministre Wells a soumis au gouvernement fédéral une proposition intitulée «Double-EDGE». Il s'agirait d'exonérer les entreprises répondant à certains critères des impôts tant fédéraux que provinciaux jusqu'à ce que le taux de chômage, qui a été gonflé par la fermeture de la pêche du poisson de fond, retrouve son niveau antérieur au moratoire. Nous sommes partisans de cette idée et invitons le gouvernement fédéral à l'adopter.

Par ailleurs, pour éviter d'aider des entreprises qui vont concurrencer les entreprises déjà existantes, nous préconisons de marier ce programme fédéral avec le programme provincial EDGE, lequel comporte une commission de sélection des demandes.

Je vous remercie.

Le vice-président (M. Campbell): Merci beaucoup.

J'aimerais juste un éclaircissement. J'espère que cela stimulera le débat. Premièrement, je dois dire que l'un des avantages d'une table ronde comme celle-ci est que nous avons un représentant de l'AFPC. Celui-ci voudra peut-être dire un mot de ces suggestions concernant la sous-traitance, c'est-à-dire l'achat par le gouvernement de services auprès du secteur privé.

Nous avons entendu d'autres représentants syndicaux dans d'autres villes exprimer un point de vue plutôt divergent. Je suis sûr que nous en reparlerons.

Mais je veux m'assurer de bien vous comprendre. Vous dites que, quoi que nous fassions, il ne faut pas couper les transferts directs du gouvernement fédéral aux particuliers. Il ne faut pas alourdir leur fardeau. De même, nous ne devons pas réduire plus avant les transferts aux provinces. Nous ne pouvons toucher les 50 millions de dollars par an d'intérêt que nous payons sur la dette existante, quelles que soient les raisons pour lesquelles nous l'avons.

Supposons que nous enlevions d'office de la table ces trois éléments: les transferts aux provinces, les transferts directs aux particuliers et le service de la dette. Sur une dépense globale de 150 ou 160 milliards de dollars, il ne reste plus qu'un très petit montant, qui sont en fait les dépenses de fonctionnement du gouvernement, avec lesquelles nous pouvons jouer. Vous ai-je bien compris?

Nous ne pouvons toucher les transferts aux particuliers ou aux provinces. Le service de la dette est dû de toute façon, il nous faut le payer. Il nous reste donc environ 35 milliards de dollars de dépenses de fonctionnement, ce qui équivaut à peu près une année de déficit.

M. Flood: Une chose que nous avons dite dès le début est que nous sommes partisans de la suppression de la plupart des subventions à l'entreprise privée.

Le vice-président (M. Campbell): Mais cela, c'est déjà en cours. Les deux tiers auront disparu l'année prochaine.

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M. Flood: Nous n'avons pas dit qu'il ne fallait pas réduire les transferts aux provinces. Nous pensons qu'une certaine réduction sera nécessaire.

Le vice-président (M. Campbell): Donc, de nouvelles réductions des transferts aux provinces seraient bien accueillies par le Board of Trade.

M. Flood: Nous convenons qu'une certaine diminution sera nécessaire. Nous allons tous devoir souffrir. Donc, tout cela devra se faire, mais nous souhaitons que ce soit fait sur la base de considérations économiques plutôt que politiques.

Le vice-président (M. Campbell): Je vous remercie.

Une autre chose. Vous n'avez pas parlé de la défense. Il y a là un autre gros morceau des dépenses fédérales, près de 12 milliards de dollars.

M. Flood: La même chose que nous avons dite sur Marine Atlantic et la surveillance de la pêche vaut également pour la défense.

Le vice-président (M. Campbell): Avez-vous des propositions précises concernant la défense?

M. Flood: Non, pas pour le moment.

Le vice-président (M. Campbell): Je vous remercie.

Si quelqu'un souhaite en parler lors de la période de discussion, n'hésitez pas.

Nous passons maintenant au maire Lewis Rose de la municipalité de Glovertown.

M. Lewis Rose (maire de Glovertown): Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs.

Je ne vais pas prétendre rédiger un budget. Je laisse ce soin aux économistes, aux financiers et à tous ceux qui sont mieux équipés que moi pour affronter cette tâche.

Le vice-président (M. Campbell): Je pense que les membres du comité et les autres témoins espèrent que ce n'est pas l'apanage des financiers et des économistes, mais aussi le rôle des élus responsables devant le peuple.

M. Rose: J'ai aussi parlé des «autres», bien entendu.

Je veux vous soumettre quelques motifs pour ce canevas. En outre, je parlerai au nom des municipalités rurales, et non pas de la mienne en particulier. J'utiliserai ma propre localité comme modèle, car il est bien évident que c'est elle que je connais le mieux.

Glovertown est une petite municipalité rurale d'environ 2 300 habitants. Notre roue économique comporte en gros quatre rayons. Il y a l'exploitation du bois, la pêche et le conditionnement du poisson, les chantiers navals et la métallurgie. Il y a, bien sûr, quelques activités secondaires, notamment un peu de construction, mais ce sont là les principaux rayons.

Lorsqu'un de ces rayons est cassé ou grossièrement déformé, notre roue économique se met à grincer sérieusement. Un ralentissement dans la pêche, par exemple, entraîne non seulement la mise à pied d'environ 15 p. 100 de notre main-d'oeuvre, mais les retombées indirectes pèsent lourdement sur les autres activités de la région.

Monsieur le président, je voudrais faire ressortir le lien de cause à effet entre la politique gouvernementale, dans laquelle j'englobe la réglementation, et les suites économiques, de même que l'effet en retour qui remonte toute la chaîne jusqu'au budget fédéral et au déficit qui vous préoccupe.

Cette année et l'année précédente, la politique gouvernementale a imposé l'arrêt de la pêche du capelan. Rien que dans ma municipalité, cela a mis au chômage près de 150 de nos contribuables. Au niveau provincial, cela équivaut à près de 50 millions de dollars. Un rapide calcul mental nous montre les répercussions fiscales de cette seule décision.

En revanche, nous avons joui d'une abondante pêche au crabe l'année dernière. Malheureusement, toujours à cause de la réglementation, cette prise a été conditionnée par un très petit nombre d'usines. Il en a résulté une assise économique très étroite, mais très haute sur l'axe vertical. J'entends par là que cette activité a engendré beaucoup d'argent mais qui est allé dans un seul pot, au lieu d'être réparti sur toute l'assiette économique, où il aurait profité à beaucoup plus de gens.

L'aquaculture souffre dans tout le Canada. Elle est sensiblement en retard sur le reste du monde industriel. Deux raisons de cet état de chose viennent à l'esprit. La première est l'abondance, jusqu'à présent, de la ressource naturelle et la deuxième, qui est un frein et à laquelle on peut remédier maintenant, est la réglementation gouvernementale qui exige tant de permis et tant de paperasseries de ceux qui veulent se lancer dans l'aquaculture.

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J'espère que ces règlements pourront être révisés de façon à permettre aux futurs aquaculteurs à commencer la production dans un délai minimal, et stimuler ainsi la croissance économique. Trop souvent, on nous répond «non», alors qu'un «oui» conditionnel serait beaucoup plus bénéfique. Il faut réduire les formalités administratives et donner plus de latitude aux décideurs.

J'aimerais parler maintenant un peu plus directement des questions que vous avez posées.

À mon avis, le déficit budgétaire est la conséquence de l'endettement national, lui-même causé par le recours excessif à l'emprunt. À l'avenir, nous ne devrons emprunter que pour satisfaire nos besoins les plus pressants et non nos désirs.

J'illustrerai cela en disant que si l'agriculteur A n'a pas d'argent pour acheter sa semence du printemps, alors il est sage pour lui d'emprunter à l'agriculteur B, mais certainement pas au-delà de ce qu'il lui faut pour les semailles du printemps. Autrement dit, il ne doit pas y avoir d'extras.

Les Canadiens ont vécu pendant trop longtemps avec le syndrome de la Cadillac. Nous avons voulu vivre au-dessus de nos moyens. C'est évident. Le déficit le démontre amplement. Pour mettre de l'ordre dans nos finances, nous devons nous serrer la ceinture et accepter de vivre selon nos moyens.

Pour atteindre les objectifs de réduction du déficit du gouvernement fédéral, ce dernier doit continuer à huiler la roue de l'économie. Mais j'insiste en disant qu'il doit se contenter de mettre de l'huile, et non pas remplacer toute la roue.

Le gouvernement doit faire tout son possible pour rétablir le moral des Canadiens. Il doit leur donner un sentiment de sécurité, afin de susciter un plus grand désir d'investir.

À titre d'exemple, nous voyons souvent les personnes âgées faire des économies pour les mauvais jours. Cela provient de la crainte de perdre ou voir réduite leur pension de Sécurité de la vieillesse. Rien que leur épargne cachée dans les armoires, si elle était investie, annulerait probablement le déficit.

Le vice-président (M. Campbell): Monsieur le maire, pourrais-je vous demander de conclure, vu que votre temps de parole est écoulé?

M. Rose: C'était ma conclusion.

Le vice-président (M. Campbell): Nous laisserons pour la période de discussion la question de savoir comment vous inciteriez les gens à sortir leur argent de leurs armoires et de dessous leurs matelas pour éponger le déficit. C'est une idée intéressante.

M. Rose: Je soupçonne qu'il faudra leur mettre la tête en bas et les secouer comme un prunier.

Le vice-président (M. Campbell): Nous allons passer à Brendan Fahey, de la Newfoundland and Labrador Chamber of Commerce.

M. Brendan Fahey (président du conseil, Newfoundland and Labrador Chamber of Commerce): Je me demande si notre place à cette table ronde, à votre droite, signifie que le programme de droite est relégué dans ce coin.

Le vice-président (M. Campbell): Nous vous avons déjà indiqué notre appartenance politique. Vous pouvez tirer vos propres conclusions sur notre placement à la table. Tout dépend si vous êtes à ce bout-ci ou à l'autre bout de la table. Nous sommes tous mélangés.

M. Fahey: Je pensais à votre main droite, monsieur le président.

J'ai l'impression que mes propos seront aussi bien accueillis qu'un renard dans un poulailler, mais j'ai un certain nombre de choses à dire et j'espère qu'elles iront dans le sens de mon éminent collègue du St. John's Board of Trade, lequel j'ai consulté.

Je vous remercie de votre invitation à participer.

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La Newfoundland and Labrador Chamber of Commerce représente 25 chambres de commerce locales de Terre-Neuve et du Labrador. Nous sommes affiliés à la Chambre de commerce des provinces de l'Atlantique, qui représente 125 chambres locales de la région. Nous sommes également affiliés à la Chambre de commerce du Canada et à la Chambre de commerce internationale.

Depuis que nous avons été invités à comparaître, j'ai eu un peu de temps pour réfléchir à vos questions. J'ai rédigé un exposé axé sur elles.

La première question est de savoir quel devrait être notre objectif pour le déficit et comment le réaliser au mieux. Je garderai les détails pour la période de discussion et dirai simplement que le déficit ne devrait pas dépasser 25 milliards de dollars en 1996-1997, 15 milliards de dollars en 1997-1998 et devrait être nul en 1998-1999. Autrement dit, un budget équilibré en l'espace de trois ans.

Le gouvernement fédéral devrait supprimer les redondances. Vous êtes écrasés sous votre propre poids. Vous devriez également susciter un allégement des structures au niveau des provinces en réduisant vos paiements de transfert dans certains domaines.

Comme exemples de redondance, rien qu'à Terre-Neuve et au Labrador, on peut citer le Rural Economic Development Board, Enterprise Newfoundland and Labrador, l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, la Banque fédérale de développement, le Advisory Council on the Economy, la Stategic Regional Development Agency et la Economic Recovery Commission. Ce ne sont là que quelques organismes qui sont issus des transferts fédéraux. Il faudrait encore ajouter à cette liste les ministères fédéraux et provinciaux qui s'occupent de stimuler l'économie ou de créer des emplois saisonniers.

Il faut introduire un peu de planification stratégique à long terme, et j'entends par là entre trois et huit ans, de façon à déterminer les possibilités de croissance, planifier en fonction d'elles et y préparer le public, au lieu d'arriver chaque année avec une pochette surprise ou des budgets pléthoriques que l'on introduit les années électorales et qui reviennent à acheter l'électorat avec de l'argent emprunté.

Introduisons, par exemple, un gouvernement régional pour réduire plus avant le double emploi dans les provinces plus petites. Ce n'est sans doute pas très populaire à cause d'un certain patriotisme provincial mais, dans les circonstances économiques d'aujourd'hui où il faut livrer concurrence à l'échelle internationale, Terre-Neuve et le Labrador, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard pourraient devenir une seule entité économique et dispenser les services tout aussi bien qu'aujourd'hui.

Cependant, cette entité politique, qui serait l'étape naturelle suivante, serait très difficile à réaliser. Mais c'est à envisager. Je suppose qu'outre le patriotisme des tripes, les adversaires seront également ceux qui veulent préserver des emplois qui ne seraient plus nécessaires pour la prestation des services au public.

Il faut planifier le processus et le faire avancer en se fixant des dates cibles. Mettez au point le cheminement critique pour la réalisation des diverses phases. Des budgets équilibrés et une administration efficace des services gouvernementaux nécessaires exigent une planification stratégique de longue haleine. Retroussons nos manches.

Comment peut-on utiliser les mesures budgétaires pour créer un environnement propice à l'emploi et à la croissance? Les budgets qui déversent des crédits pour la création d'emplois ne sont guère que des palliatifs. Cela a été prouvé à maintes et maintes reprises. De l'argent emprunté par le gouvernement ne crée pas d'emploi permanent et ne l'a jamais fait.

Savez-vous que 60 616 Terre-neuviens et Labradoriens ont émigré vers le continent depuis 1971? Ce ne sont pas les emplois que vous avez créés qui ont pu les convaincre de rester. On crée des emplois par des mesures telles que des stimulants fiscaux, l'aide à la formation, un régime élémentaire d'assurance-chômage et d'indemnisation des accidents du travail et d'autres initiatives budgétaires qui peuvent instaurer un climat favorable à l'esprit d'entreprise.

Voilà ce qui crée des emplois. Le gouvernement n'a jamais créé des emplois durables, excepté des postes de hauts fonctionnaires qui gagnent gros et ne sont jamais obligés de rendre des comptes.

L'éducation devrait être partagée entre les gouvernements fédéral et provinciaux et le secteur privé. Il faut trouver une formule de partage du coût de l'éducation entre les trois groupes. Il faut cesser d'acheter les citoyens au moment des élections. Tous les Canadiens doivent réaliser que rien n'est jamais gratuit. Lorsqu'ils sauront ce que l'on attend d'eux, les Canadiens sauront se mettre à la hauteur.

La troisième question est de savoir quels domaines d'activité fédéraux pourraient faire l'objet de coupures ultérieures, d'une commercialisation, d'une privatisation ou d'une dévolution à d'autres paliers de gouvernement. Continuez à faire avancer la commercialisation des 26 aéroports nationaux désignés et à privatiser les 650 autres. Laissez le champ libre à une rationalisation régionale naturelle.

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En tant qu'ancien président de Gander Worldwide Inc., je peux vous assurer que l'Aéroport international de Gander, qui est l'un des 26 aéroports désignés, a rencontré quelques grands succès en utilisant certains des concepts de libre-échange mentionnés par mon collègue et en attaquant directement ses concurrents de Bangor, au Maine, et de Shannon, en Irlande. Nous créons de nouveaux emplois à l'Aéroport international de Gander, au moment même où les pouvoirs publics réduisent les leurs sous l'effet des contraintes budgétaires.

Ainsi que mon collègue l'a mentionné, les partenariats entre les secteurs privé et public et la sous-traitance devraient devenir la règle au cours du prochain cycle de planification sur trois à huit ans. Tout service gouvernemental, qu'il soit fédéral, provincial ou municipal, qui n'est pas vital pour le tissu social canadien devrait être privatisé, et ce au tarif le plus compétitif. Il faudrait envisager même des partenariats avec le secteur privé pour la prestation des services de santé et d'aide sociale, à tout le moins, et la privatisation totale devrait être l'objectif ultime.

La fonction publique, depuis la haute direction jusqu'aux postes les plus subalternes, devrait être réduite en proportion directe de la sous-traitance. Même des fonctions qui ne pourront jamais être privatisée devraient être réduites et mécanisées de façon à en optimiser les coûts. Tous les organismes réglementaires non essentiels devraient être supprimés. Laissez la libre entreprise et la concurrence régner sur le marché.

En résumé, le gouvernement devrait réduire de moitié ses activités dans ces domaines d'ici l'an 2000 et les ramener à environ un tiers d'ici 2010 mais - et j'insiste sur le mais - jamais aux dépens de ceux qui ne peuvent se débrouiller par eux-mêmes, uniquement aux dépens de ceux qui peuvent relever le défi.

Le vice-président (M. Campbell): Je vous remercie.

C'est peut-être uniquement un hasard géographique qui fait que M. Stokes se trouve à votre gauche. Nous passons maintenant à M. Stokes, de la section de St. John's de l'AFPC, et qui, je n'en doute pas, va croiser le fer avec vous concernant un certain nombre de vos propositions.

M. Michael Stokes (représentant régional, Alliance de la fonction publique du Canada, région de St. John's): Oui. Je pense que si mon prédécesseur avait le dernier mot, nous vivrions dans un pays dévasté.

J'ai un ami qui est homme d'affaires. Il aimait à dire que son ambition était de gagner un million de dollars et que s'il ne pouvait gagner un million, il voudrait devoir un million. D'une façon ou de l'autre, il aurait accès à cet argent.

Quoi qu'il en soit, le Canada ressemble beaucoup à mon ami. Quel devrait être le déficit? Il devrait être tout ce que nous pouvons aisément assumer. Encore une fois, si vous prenez une personne qui n'a jamais possédé un million de dollars et qui ne pourrait pas emprunter plus de 100 dollars, vous verrez une personne très pauvre. Donc, lorsque vous songez à la réduction du déficit, pensez à mes deux amis: celui qui a beaucoup de moyens et celui qui n'en a pas.

Cela dit, nous devons évidemment gérer nos finances de manière responsable.

Je me souviens avoir rédigé un discours pour un auditoire américain dans les années 1960. À cette époque, l'Amérique détenait 52 p. 100 de tous les capitaux du monde. C'était peu après la Seconde Guerre mondiale et c'était dû aux profits de la guerre, à l'argent prêté à l'Europe etc. Lorsqu'on comparait le Canada à l'Amérique à cette époque, le Canada était de trois à cinq fois plus riche. Nous étions le deuxième pays le plus riche du monde. Il y a deux ou trois ans, le Globe and Mail a écrit que le Canada était tombé au 67e rang des pays les plus pauvres du monde, prenant la place de la Pologne.

Qu'est-il arrivé au Canada? Comment notre pays a-t-il pu être si mal géré entre les années 60 et les années 1990? L'une des choses qui s'est passée c'est que, dans les années 1960, le Canada était gouverné par un gouvernement minoritaire. Toute loi adoptée à la Chambre devait tenir compte du peuple, sinon le gouvernement était battu. À la fin des années 1960, nous avons commencé à élire des gouvernements majoritaires, inféodés au grand patronat. Depuis ce moment, nous suivons une politique favorable au grand patronat.

La première chose que nous avons constatée à partir de ce moment était une inflation rampante. L'inflation était une façon de transférer des fonds des comptes en banque des Canadiens vers ceux des grosses sociétés.

Je vais vous en donner un exemple rapide, ici même à St. John's. Philip Place a été construit au prix de 1 million de dollars. Moins de dix ans après, l'immeuble a été vendu 6,5 millions de dollars. Le pouvoir d'achat de 1 million de dollars placés à la banque a été ramené à 500 000 dollars. Donc, en terme de pouvoir d'achat des Canadiens, 1 million de dollars sont devenus 500 000 dollars; pour les patrons, ils sont devenus 6 millions de dollars.

Cela s'est poursuivi et a persisté jusqu'en... Eh bien, nous avons bien vu ce qu'a donné le libre-échange. On nous avait promis qu'il apporterait des emplois aux Canadiens, un terrain de jeu égal etc., mais l'encre était à peine sèche sur les accords que les entreprises ont commencé à partir pour les États-Unis. Nous avons maintenant près de 1,5 million de chômeurs et 1,5 million d'autres Canadiens qui dépendent de l'aide sociale.

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Le Canada n'est pas très ouvert à l'esprit d'entreprise. Il n'est pas très généreux avec les travailleurs non plus. Permettez-moi de vous donner rapidement quelques exemples.

Le Globe and Mail a publié un article sur deux jeunes gens qui vendaient au Japon des glaçons extraits d'un glacier, à 60 dollars le sac. Un groupe écologiste les a stoppés. On a dépensé 100 000 dollars pour une étude environnementale, qui a conclu qu'ils avaient autant d'effet sur le glacier qu'un moustique sur un éléphant. Cependant, ils n'ont jamais pu rouvrir leur affaire.

Le Canada a tenté de fermer tous les bureaux de poste dans les campagnes, empêchant les Canadiens de transiger leurs affaires par le courrier. Si vous devez parcourir de 60 à 100 milles pour trouver un bureau de poste, comment pouvez-vous fonctionner?

Vous êtes en train de fermer les bureaux de douane à Stephenville, Grand Falls, Clarenville et autres lieux. Là encore, ceux qui veulent faire des affaires avec l'étranger seront obligés de parcourir de longues distances pour cela.

Et il y a le côté inamical du monde des affaires, l'attaque contre les chômeurs.

Les chômeurs de Terre-Neuve ne sont pas suffisamment soutenus. On estime que près de 8 000 milles de filets fantômes dérivent dans les eaux au large de Terre-Neuve. Ce sont des filets qui ont été perdus au fil des ans lors de tempêtes. Tous ceux qui seraient des plus disposés à sortir en mer récupérer ces filets en sont empêchés, pour quelque raison. Ces filets sont en nylon. Ils sont munis de poids en plomb et de flotteurs faits d'une sorte de plastique - du néoprène. Ils flottent, ils se remplissent de poisson, puis coulent au fond. Ensuite, le poisson pourrit et le filet remonte à la surface.

Pourquoi le gouvernement du Canada ne fait-il rien pour récupérer ces filets?

Il y avait un petit projet pilote du côté de Fogo. Je pense qu'en une semaine ils ont récupéré entre 1 000 et 1 500 filets.

Terre-Neuve a un littoral plus long que tous les États-Unis d'Amérique - entre 6 000 et 7 000 milles. Nous avons l'eau salée la plus pure du monde. Le gouvernement du Canada a jugé bon d'investir près de 2 milliards de dollars dans Hibernia. Cela a créé 5 000 emplois dans la construction et peut-être près de 500 emplois à plein temps. Pouvez-vous imaginer ce que rapporteraient2 milliards de dollars investis dans l'aquaculture? La population ne suffirait pas pour les faire tourner toutes.

Vous avez donné licence aux pays étrangers de littéralement violer les Grands Bancs. Ce qui était jadis la plus grande ressource alimentaire du monde est maintenant pratiquement réduite à néant.

J'ai personnellement contacté des ministres des Pêches, il y a dix ans déjà. Tout le monde sait que le capelan est un maillon de la chaîne alimentaire et que le Canada devrait se doter d'écloseries de capelan. Les baies de Terre-Neuve, cet été, étaient censément pleines de morue. Les scientifiques du ministère de la Pêche ont dit qu'ils n'avaient pas assez de ressources pour vérifier. Ils sont allés jusqu'à Trinity Bay et ont confirmé qu'il y avait là beaucoup de poisson, mais ils manquaient de ressources pour aller vérifier dans la baie de Bonavista et dans d'autres.

Je me suis rendu au laboratoire marin de Loby Bay, pour voir ce qu'ils avaient sur le capelan. Ils n'avaient aucun renseignement sur le capelan parce que c'est une espèce de faible valeur marchande. J'ai appris plus tard que, pendant la Deuxième Guerre mondiale, la Commission de recherche sur la pêche ne sortait pas en mer à cause des sous-marins allemands et a passé cinq, six ou sept ans à faire des recherches sur le capelan. Or, voici des laboratoires océaniques qui manquent des renseignements dont ils ont besoin.

Une bonne chose, si vous pouviez le faire, serait de tirer à la courte paille avant de partir d'ici et désigner l'un des membres de votre comité pour vivre dans une petite localité de Terre-Neuve pendant 12 mois, avec moins de 10 000 dollars. Alors, vous auriez vraiment une idée de ce qu'il faut faire.

Passer ici une heure ou deux, ce n'est jamais qu'une réunion de plus. Qu'est-ce qu'il en sortira de concret?

Il faut développer la compréhension de l'autre. Réfléchissez juste un instant: si nous décidions ici aujourd'hui de faire venir 50 immigrants et de les installer dans quelque île, ne faudrait-il pas d'abord leur donner une ressource, un travail, quelque chose à faire? Les Terre-neuviens sont sur le rivage à regarder des bateaux russes pêcher à moins de 50 pieds, parfois 300 pieds, des falaises. Eux ont le droit de pêcher - et les Terre-neuviens n'ont que celui de les regarder.

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Le vice-président (M. Campbell): Je vous remercie, monsieur Stokes. Votre temps de parole est écoulé, mais je veux dire une chose rapidement et vous demander de répondre à autre chose.

Le commentaire rapide est que, en toute équité, vous ne connaissez pas vraiment nos antécédents, mais c'est normal. Je pense que vous seriez très surpris d'apprendre comment nombre d'entre nous ont commencé, d'où nous venons et ce qu'a été notre vie antérieure. De prétendre que nous ne comprenons pas les Canadiens, que n'avons rien de commun avec eux, est un peu injuste.

M. Stokes: J'ai dit simplement que vous pourriez mieux comprendre.

Le vice-président (M. Campbell): Effectivement, et j'accepte le défi.

Mais vous n'avez pas du tout réagi à notre question sur la compression des effectifs, la sous-traitance. Je vais vous donner une minute là-dessus et nous passerons ensuite à la période de discussion.

M. Stokes: Bon, je peux dire ceci. Dans les années 1920, la ville de New York a fait une étude sur la sous-traitance. Elle a constaté que 90 cents sur chaque dollar étaient accaparés par la corruption - les dessous de table etc. La ville de New York a décidé d'avoir un service public sur la base de cette étude, de même que les États-Unis et le Canada. La roue tourne et aujourd'hui nous revenons à la sous-traitance qui n'est pas rentable. On peut corrompre un fonctionnaire; quelqu'un peut lui glisser une bouteille de whisky ou une cartouche de cigarettes. Vous dépensez aujourd'hui près de 7 milliards de dollars en sous-traitance, et je ne pense pas que vous ayez prouvé quoi que ce soit ce faisant.

Le vice-président (M. Campbell): Je vais éviter la tentation de répondre.

Nous allons passer à la période de discussion. Permettez-moi juste de dire que des divergences ont émergé sur toute une série de sujets. D'après ce que j'ai entendu, les pouvoirs publics peuvent créer des emplois et devraient créer des emplois, mais le gouvernement ne peut pas créer d'emplois. Il faut réduire les transferts, mais ne coupez pas dans les transferts. Nous devrions dépenser davantage mais réduire le déficit. Certains veulent diminuer le secteur public, d'autres nous disent de ne pas le faire.

Pour ce qui est des zones franches, nous avons ici des députés d'autres régions, et ils savent que cela va fausser la concurrence. Le gouvernement devrait faire plus; le gouvernement devrait faire moins. Le gouvernement devrait intervenir davantage; le gouvernement devrait débarrasser les lieux. Il y a donc manifestement des divergences sur un certain nombre de sujets essentiels de ce débat budgétaire.

Nous allons maintenant passer à la discussion entre les membres de la table ronde, puis aux questions des députés. Le but n'est pas de faire un exposé plus détaillé de vos positions, mais plutôt de réagir à ce que vous avez entendu. Nous essayons d'ouvrir un dialogue.

Mais M. Solberg a demandé de faire une courte pause avant d'entamer la période de discussion.

Mme Price: J'aimerais répondre à votre question précédente.

Le vice-président (M. Campbell): Oui, vous pourrez le faire pendant la période de discussion. Je vous avais demandé comment on pourrait payer toutes les nouvelles choses que vous souhaitez.

Mme Price: J'ai quelques suggestions.

Le vice-président (M. Campbell): Excellent. C'est à cela que doit servir la discussion.

Madame Robinson.

Mme Robinson: Combien de temps avons-nous encore?

Le vice-président (M. Campbell): Nous disposons d'environ 45 minutes pour la discussion, ou un peu plus si nécessaire.

M. Robinson: Je pense qu'une pause serait la bienvenue.

Le vice-président (M. Campbell): Nous allons faire une pause de cinq minutes, mais je vous en prie, pas plus de cinq minutes, car nous ne voulons pas vous retarder.

.0919

.0930

Le vice-président (M. Campbell): Nous allons reprendre. Je ne dirai pas que la bataille est ouverte, mais que le débat est ouvert. Discutons de ces questions.

Qui aimerait commencer?

Madame Price.

Mme Price: Je tiens à préciser, suite à la remarque de mon ami de la chambre de commerce, que la Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador représente 50 000 travailleurs de Terre-Neuve et du Labrador. Nous sommes également affiliés au Congrès du travail du Canada, qui représente des millions de travailleurs dans les dix provinces et les deux territoires. Nous n'avons pas été invités ici, mais nous sommes venus quand même.

Je veux répondre à votre question, mais avant d'y venir, j'aimerais faire quelques remarques. Mon ami du Board of Trade a parlé du programme de soutien du revenu...

Le vice-président (M. Campbell): Excusez-moi. Le Congrès du travail du Canada comparaîtra devant le Comité des finances à Ottawa.

Mme Price: Je suis sûre que l'organisation nationale représentant les chambres de commerce viendra également.

Le vice-président (M. Campbell): Oui. Je dis simplement que les groupes nationaux comparaissent et vous représentent... ils affirment vous représenter.

Mme Price: C'est juste; mais vous entendez aussi les groupes patronaux nationaux et je m'attendais à ce que les organisations provinciales soient invitées à participer ici. Je ne dis rien d'autre.

Le vice-président (M. Campbell): Monsieur Loubier.

[Français]

M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): L'année dernière, on a procédé exactement de la même façon que cette année. On a appelé les organisations nationales, dont le Congrès du travail du Canada, et on leur a demandé de communiquer avec leurs affiliés de chacune des régions du Canada pour les inviter à comparaître au Comité des finances. De cette façon, on augmentait l'efficacité de notre approche auprès des organismes et on diminuait les coûts de furetage, comme on les appelle.

L'année dernière, vous auriez dû être invités, parce que l'invitation s'était bien rendue à la plupart des organisations locales, en particulier dans les Maritimes. Je ne sais pas ce qui s'est passé cette année, mais je sais que le Congrès du travail a été averti. Je le sais personnellement, parce que j'ai communiqué avec des gens de cet organisme pour m'en assurer.

[Traduction]

Mme Price: Oui, vous avez raison; le CTC a été informé. Ce que je veux dire, c'est qu'il semble que les représentants locaux du patronat aient été invités. Je considère qu'il faudrait faire de même des organisations locales qui représentent les travailleurs et les groupes d'action sociale.

C'est tout ce que je voulais dire. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de perdre beaucoup de temps là-dessus, car ce qu'il fallait dire a été dit.

L'autre remarque que j'aimerais faire... Mon ami du Board of Trade a parlé de ce merveilleux programme de supplément du revenu. Permettez-moi de vous le dire, le programme de supplément du revenu proposé pour Terre-Neuve et le Labrador prélèvera dans la poche des pauvres pour donner aux miséreux. Il est peut-être intéressant pour le patronat car il crée cette masse de main-d'oeuvre subventionnée, mais il n'est certainement pas acceptable et il est conçu pour exploiter le peuple.

J'ai trouvé totalement insultantes les remarques sur les zones franches. Si c'est le cas, autant prendre Terre-Neuve et le Québec et les déclarer zones franches et dire, voilà, nous sommes ouverts à l'exploitation, car lorsque vous commencez à parler de zones franches, vous parlez de zones déréglementées, et la déréglementation concerne principalement la fiscalité et la législation du travail. C'est odieux, car ce sont là les principes qui s'appliquent aux zones franches. Nous avons entendu assez d'histoires horribles sur les maquiladoras du Mexique. Il y a aussi des zones franches dans les Caraïbes. Ce n'est certainement pas la façon canadienne de faire les choses et certainement pas une façon sociale-démocrate de faire les choses.

.0935

Nous avons proposé dans notre exposé quelques façons de réduire le déficit. Je trouve vos questions odieuses car elles partent de la prémisse qu'il faut poursuivre dans la voie que vous avez consciemment choisie. Pas nous; il y a des choix. Mais pour emprunter un chemin différent et envisager d'autres options, il faut commencer par changer d'idéologie, de façon de voir les choses.

Vous avez demandé où trouver l'argent pour appliquer les propositions faites par la Fédération du travail ici. J'ai plusieurs remarques à ce sujet.

Premièrement, l'une des raisons pour lesquelles la dette et le déficit deviennent un si gros problème est le niveau élevé des taux d'intérêt. Donc, un bon point de départ serait de réduire les taux d'intérêt; et il est possible de le faire.

Si vous regardiez seulement certaines des estimations du ministère des Finances lui-même... il estime qu'une réduction du taux d'intérêt de 1 p. 100 ferait baisser le déficit de 1,8 milliard de dollars la première année et de 3,6 milliards de dollars la quatrième année. Un taux de croissance supérieur de 1 p. 100 réduirait le déficit de 1,3 milliard de dollars par an la première année et de 1,7 milliard de dollars la quatrième année. Il y a donc différentes démarches possibles.

Lorsqu'il est question de réduire le déficit, vous ne songez qu'à la hache, ce qui n'est pas bon pour les Canadiens. Ce n'est pas bon pour l'économie canadienne. On pourrait donc réduire le taux d'intérêt.

Je sais que des gens rétorquent, mon Dieu, ce n'est pas possible, cela va nuire à notre crédit international. Il y a un prix à payer, oui, mais c'est une possibilité.

L'autre suggestion que je ferais, c'est que la Banque du Canada devrait peut-être assumer une plus grande partie de la dette canadienne. Cela signifie que nous payerions beaucoup moins d'intérêts sur cette dette. Cela nous donnerait beaucoup plus de capitaux avec lesquels travailler. C'est encore une possibilité.

Une autre idée serait de limiter l'investissement à l'étranger. Il faudrait réduire les montants que les Canadiens peuvent investir à l'étranger, les faire investir plutôt chez nous et utiliser cet argent pour régler le problème de la dette.

Une autre idée encore est d'instaurer une politique fiscale juste.

Le vice-président (M. Campbell): Je vous remercie.

Mme Price: Je n'ai pas fini. J'ai une dernière chose à dire. Si vous considérez la création d'emplois...

Le vice-président (M. Campbell): Ce sera votre dernier mot. Je vous remercie.

Mme Price: ...si vous rameniez le taux de chômage national de 10 p. 100 à 4 p. 100, notre revenu national augmenterait de 15 p. 100, soit plus de 100 milliards de dollars.

Le vice-président (M. Campbell): Excusez-moi, pouvez-vous répéter?

Mme Price: Si nous parvenions à ramener le taux de chômage national de 10 p. 100 à 4 p. 100, le revenu national total augmenterait de 15 p. 100, soit plus de 100 milliards de dollars.

Le vice-président (M. Campbell): Et cela couvrirait toutes les autres dépenses que vous aimeriez voir faites.

Mme Price: Tous ces efforts conjugués réduiraient certainement de beaucoup la pression qui s'exerce actuellement sur le gouvernement fédéral.

Par ailleurs, si les gens travaillent, les recettes fiscales vont augmenter car les gens qui travaillent paient de l'impôt.

Le vice-président (M. Campbell): J'ai juste une remarque sur un point d'arithmétique et puis M. Fahey voudra intervenir.

Après avoir fait baisser les taux d'intérêt, soit une économie de 1,8 milliard ou 2 milliards de dollars, vous dépenseriez cet argent sur l'infrastructure, la garde d'enfants et ces autres choses.

Mme Price: On réorienterait cet argent, oui.

Le vice-président (M. Campbell): Réorienterait. Il n'y a donc pas de changement net, au bout du compte, de notre déficit et de notre dette globale. Ces économies seraient réorientées...

Mme Price: Non. Il faut une combinaison d'efforts. Il faut régler le problème de la dette, nous ne le nions pas. Si vous regardez le budget de rechange que nous avons présenté l'année dernière, il s'attaquait à la dette. Oui, des fonds sont orientés vers la réduction du déficit, mais l'un des problèmes actuels est que nous payons énormément en intérêts. Si nous abaissions nos taux d'intérêt et suivions une politique différente...

Le vice-président (M. Campbell): Je ne vais pas trop m'attarder là-dessus. Vous abaissez les taux d'intérêt, si c'était possible...

Mme Price: C'est possible. La Banque du Canada le peut.

Le vice-président (M. Campbell): ...un p. 100 égale 2 milliards de dollars. Je ne sais pas à combien il faudrait descendre pour éliminer le déficit, mais supposons qu'il baisse de 1 p. 100 et que l'on économise 2 milliards de dollars. Vous prendriez cet argent et le dépenseriez sur toutes ces autres choses très valables que vous voulez faire. Mais vous n'avez alors réduit en rien le déficit.

.0940

Mme Price: Si, parce qu'on aurait créé des emplois, parce que les gens travailleraient et paieraient de l'impôt, ce qui vous donnerait des recettes supplémentaires pour éponger le déficit.

Le vice-président (M. Campbell): D'accord, je vous remercie.

Monsieur Fahey.

M. Fahey: Monsieur Campbell, pourrais-je dire rapidement trois choses? Premièrement, je dois dire que je suis d'accord avec Elaine sur un élément, à savoir qu'il faut substituer à la hache budgétaire une planification stratégique. Je l'ai souligné dans mes remarques liminaires et je le répète. Il nous faut une planification stratégique à long terme et certaines des choses qu'il faut remplacer doivent l'être sur la base d'une planification, afin de remplacer ce qui existe aujourd'hui par quelque chose de meilleur.

Deuxièmement, je pense qu'il y a peut-être un malentendu de votre part, Elaine, concernant les zones franches. Je vais vous donner un exemple de ce qu'est une zone franche et de ce qu'elle pourrait apporter à Gander, à Terre-Neuve.

Une zone franche n'est pas en concurrence avec l'économie nationale du pays où elle est située, mais avec l'étranger. On concurrencerait des villes comme Bangor, au Maine et Shannon, en Irlande, qui sont également situées sur la grande route circulaire, pour attirer le trafic international, avec des avions dont les cales sont seulement à moitié pleines de produits partiellement ou entièrement assemblés dans une zone d'échanges restreints... pour être assemblés et vendus sans même avoir jamais touché le sol du Canada. Ils ne sortent pas de la zone franche.

Si nous ne faisons pas cela, nous abandonnons entièrement ce terrain aux Irlandais et aux Américains, à Bangor. Le choix n'est pas entre donner cela au marché national ou ne pas le faire du tout. Si nous ne le faisons pas, c'est l'étranger qui en profitera. Ces avions traversent l'Atlantique chaque jour. Au moins 12 p. 100 d'entre eux sont obligés de faire une escale quelque part et nous demandons la possibilité de créer une valeur ajoutée pendant l'escale de ravitaillement, pour charger ou décharger du fret.

Les aéroports nord-américains sont de plus en plus embouteillés et recherchent des aéroports satellites sur le circuit régional atlantique. Je souligne donc qu'il s'agit là d'une possibilité de créer de la valeur ajoutée pour Terre-Neuve et le Labrador et pour le Canada, et que cela ne représente pas une concurrence pour le marché intérieur.

Troisièmement, je voulais préciser ma pensée concernant le nombre des organismes que le gouvernement fédéral fait vivre directement et indirectement. Il ne faut pas oublier que 3 p. 100 seulement des quelque 16 milliards de dollars que le gouvernement fédéral injecte chaque année dans le Canada atlantique sont destinés au développement régional - 3 p. 100 seulement. La part du gouvernement fédéral dans cette économie, qui a un PIB de plus de 39,9 milliards de dollars, représente environ 40 p. 100. Tout changement et toute rationalisation peut semer le chaos dans l'économie de la région. D'où l'importance d'un équilibre stratégique lorsqu'on veut remplacer des dépenses non créatives par des mesures créatrices d'emplois.

Le vice-président (M. Campbell): Est-ce que les dépenses militaires sont comprises dans les 3 p. 100?

M. Fahey: Oui, et je regrette que nous n'ayons pas parlé de la défense, car nous avons pris quelques initiatives à Terre-Neuve et au Labrador touchant les dépenses de défense. Lorsque le gouvernement fédéral était sur le point d'annoncer la fermeture de la base de Gander, nous lui avons proposé de créer des unités de miliciens ou de réservistes pour déploiement rapide dans les pays du tiers monde. Nous avons obtenu satisfaction et nous créons actuellement à Gander une unité internationale de 65 personnes, soutenue par le secteur privé et le gouvernement fédéral, qui aura la capacité de partir pour les pays du tiers monde où on voudra les déployer, avec quelques heures de préavis. Ses membres ont des compétences en électronique, en électricité, en plomberie, etc. Si le gouvernement fédéral réduit son rôle militaire, nous pensons qu'il y a une possibilité de recourir à de telles milices du secteur privé.

Le vice-président (M. Campbell): Madame Robinson.

Mme Robinson: Je suis d'accord avec bien des choses dites par Elaine Price au sujet de la réduction du déficit. En tant que représentante du Comité canadien d'action sur le statut de la femme, je considère que notre problème est l'insuffisance des recettes. Il faut rechercher les moyens d'accroître les recettes fiscales du Canada pour éponger le déficit. Nous avons proposé plusieurs mesures dans le budget de remplacement que nous avons présenté l'année dernière.

.0945

Le vice-président (M. Campbell): Pourriez-vous nous dire quelles étaient ces mesures, afin que tout le monde ici le sache?

Mme Robinson: Il y avait notamment l'instauration d'un impôt sur la fortune. Le Canada est l'un de trois pays industrialisés seulement à ne pas avoir d'impôt sur la fortune. Le Canada a les charges sociales les moins élevées de tous les petits pays industrialisés. Nous souhaitons aussi la perception des impôts sur les sociétés différés, qui représentent des milliards de dollars. Je pense qu'il faut revoir à qui on demande de se serrer la ceinture.

Nous sommes préoccupés aussi par les taux d'intérêt élevés et souhaitons une politique fiscale juste. Nous voulons mettre sur pied un système juste, fondé non sur la concurrence mais la coopération. Cela sonne peut-être vieux jeu par les temps qui courent. Je sais que les instituts de réflexion de droite ont totalement abandonné toute idée d'égalité, mais il y a encore beaucoup de groupes et de personnes au Canada qui vont continuer à se battre pour l'égalité.

Aujourd'hui, comme M. Fahey l'a dit, le maître mot est la concurrence. Ce n'est pas seulement la concurrence à l'échelle internationale. On voit des ports de Terre-Neuve se faire concurrence les uns les autres. On voit Gander essayant d'arracher les vols à basse altitude à Goose Bay. En procédant ainsi, on ne fait que voler à l'un pour donner à l'autre. C'est là une suggestion qui a été faite lors d'une réunion publique tenue à Gander l'autre semaine, pour réagir aux coupures militaires.

Une autre chose que je mentionnerais est que le CCA réclame une campagne internationale pour contrôler les institutions financières et la spéculation. Des sommes énormes circulent sur le marché international, qui servent à la spéculation monétaire et au blanchiment de l'argent de la drogue et du trafic d'armes. C'est de l'argent qui pourrait servir à des investissements productifs au Canada. Il n'y a aucun contrôle sur les profits ainsi dégagés, qui sont absolument monumentaux.

Voilà où part l'argent. C'est pourquoi il est si difficile au gouvernement canadien de trouver de l'argent à emprunter sur le marché international, ces jours-ci. C'est pourquoi le gouvernement canadien dit qu'il lui faut des taux d'intérêt élevés. C'est pour attirer ce genre de capitaux. Nous sommes en concurrence avec ces autres marchés monétaires et les profits que l'on peut y amasser. Ceux qui souffrent, ce sont ceux qui cherchent à travailler et à gagner une vie décente dans ce pays et dans cette province.

Le vice-président (M. Campbell): Vous avez soulevé un certain nombre de choses sur lesquelles d'autres voudront peut-être revenir, notamment l'idée de majorer les cotisations sociales patronales, par exemple, et il serait intéressant de voir ce que les syndicats ou le patronat en pensent.

Mme Robinson: J'aimerais dire juste un dernier mot - Elaine l'a mentionné, mais je ne vais pas répéter ce qu'elle a dit - concernant le programme de supplément de revenu. Ce qui est proposé ici, c' est un revenu annuel garanti de 3 000 dollars par an par adulte et de 1 500 dollars par an par enfant. Cela signifie que des ménages sont censés vivre avec moins de 10 000 dollars par an.

Soyons donc réalistes. De tous les gens autour de cette table, nul n'est obligé de survivre avec un tel revenu. Est-il juste d'imposer cela à autrui? Je réponds non. C'est totalement injuste.

Le vice-président (M. Campbell): Bien, je vous remercie.

D'autres souhaiteraient-ils intervenir sur l'idée d'une majoration des charges sociales, par exemple? Les syndicats? Le patronat?

Commençons avec Roger Flood.

M. Flood: Je veux certainement dire un mot des charges sociales. L'un des problèmes que les charges sociales posent aujourd'hui aux entreprises est qu'elles découragent l'embauche. Plus les charges sont élevées, et plus les entreprises chercheront à se débrouiller sans embaucher. C'est directement le contraire de ce qu'il faudrait.

Au sujet du programme de supplément de revenu, notre position est que c'est fondamentalement une bonne chose. Le montant des prestations devrait, à mon sens, être ce que la société a les moyens de payer et similaire à ce que d'autres programmes offrent aujourd'hui.

Mais l'un des aspects positifs de cette idée est que cela inciterait les gens à travailler. Dans le cas de l'assurance-chômage aujourd'hui, si vous travaillez un jour, cela ne réduit pas votre assurance. Mais si vous travaillez un deuxième jour, alors, vous serez tenté de dire, désolé, mais je ne vais pas travailler cette deuxième journée, car je le ferais gratuitement. Le programme de supplément de revenu encourage les gens à continuer à travailler, que ce soit un jour, une semaine, un mois, peu importe.

.0950

Le vice-président (M. Campbell): Madame Williams.

Mme Williams: J'ai plusieurs questions. Premièrement, comment allez-vous évaluer les politiques que vous introduirez du point de vue de leurs répercussions sur les deux sexes? La même politique peut avoir un effet très différent selon les catégories de personnes. J'aimerais donc savoir ce que vous envisagez pour déterminer les effets de vos dernières politiques touchant le Transfert canadien en matière de santé et de services sociaux.

Le vice-président (M. Campbell): Nous avons recommandé, dans notre rapport de l'année dernière, une analyse de ce type. Je crois savoir que ce processus a été mis en place au ministère des Finances.

Le Ministère procède également à d'autres analyses, bien entendu. Il se penche de près sur les répercussions régionales. Il examine ce qui se passe ici, au Canada atlantique. Il examine les répercussions à divers niveaux de revenus, tant chez les sociétés que les particuliers. Il fait une grande quantité d'analyses.

Mme Williams: Bien. Je verrai si je peux obtenir ce rapport. L'un des problèmes dans cette province est d'obtenir des données classées par sexe. Cela m'intéresserait.

Le vice-président (M. Campbell): Nous avons ici un représentant du ministère des Finances. Vous pourrez peut-être lui parler pour savoir à qui vous adresser dans le Ministère.

Mme Williams: Bien.

Le vice-président (M. Campbell): Y a-t-il autre chose?

Mme Williams: Oui. L'une des choses que l'on constate, du fait des politiques suivies, me semble-t-il, est que l'on dissocie aujourd'hui la création de richesse et la création d'emplois. Or, par le passé, il me semble que les deux allaient de pair. C'était l'une des réussites du Canada. Lorsqu'on créait de la richesse, on créait des emplois.

Voyez donc que le problème que Roger vient de soulever au sujet de la désincitation à créer des emplois que représentent les charges sociales. Je me demande si vous avez songé à cela, du point de vue de la politique que vous introduisez aux Finances.

Me suis-je exprimée clairement?

Le vice-président (M. Campbell): Je ne dirai qu'une chose. Si vous enlevez de la richesse, comment cela va-t-il créer des emplois? Nous y reviendrons.

M. Rose n'a encore rien dit.

M. Rose: Monsieur le président, juste un mot sur la majoration des charges sociales, qui font bien entendu partie des taxes d'affaires globales. Je pense qu'il faut réfléchir soigneusement avant de les augmenter. Je n'ai pas d'intérêt particulier à défendre. Je suis retraité. Je ne compte sur personne dans l'industrie, les syndicats ni tout ce que vous voulez. Je veux donner une version purement rurale.

Pouvons-nous laisser l'impôt sur les sociétés augmenter à un tel point que les entreprises ne seront plus viables au Canada, qu'elles iront s'installer à l'étranger? En majorant les impôts que paient les sociétés, par le biais des charges sociales ou autres taxes, qui pèsent sur le coût de l'emploi, nous courons le risque de faire fuir l'industrie.

Je vous remercie.

Le vice-président (M. Campbell): Quelqu'un d'autre qui n'a pas encore parlé souhaite-t-il intervenir?

Je vais passer aux questions. Vous aurez la possibilité de dire quelques mots de conclusion, ne vous emballez donc pas, je vous prie.

Monsieur Stokes.

M. Stokes: À mes yeux, les cotisations patronales sont une taxe sur les ressources humaines, qui incitent à acheter des ordinateurs plutôt que d'embaucher du personnel. Vous ne payez pas de charges sociales pour votre ordinateur.

Le vice-président (M. Campbell): Vous n'êtes donc pas d'accord avec...

M. Stokes: Je suis contre les charges sociales. Je pense qu'elles devraient être aussi faibles que possible, car c'est une taxe sur les salaires.

Le vice-président (M. Campbell): Je vous remercie.

M. Stokes: Au nom de ses membres, le mouvement syndical a accepté la réduction du déficit à 3 p. 100, en 1995-1996. Dans notre cas, les fonctionnaires fédéraux, 45 000 d'entre nous vont être mis à pied ou l'ont été. Je pense que nous avons payé plus que notre juste part.

J'ajoute que je n'aimerais pas devoir gérer une entreprise si son personnel était démoralisé. Je ne vois pas comment on peut gérer une administration publique avec un personnel démoralisé. Je pense qu'il faut mettre de l'ordre chez soi avant de prétendre le faire chez les autres.

Le vice-président (M. Campbell): Élargissons donc la discussion en invitant les membres à poser des questions. Je suis sûr qu'ils vont revenir sur certains de ces points.

Je vais commencer par M. Loubier.

[Français]

M. Loubier: J'ai trois questions à poser et je vais les adresser aux représentants du monde des affaires, en particulier à M. Fahey et à M. Flood.

.0955

Je vous avais posé la même question l'année dernière. Je ne sais pas si c'est vous qui étiez là l'an dernier. En tout cas, c'était un des représentants de votre organisme. On parlait des subventions directes aux entreprises canadiennes qui, l'année dernière, totalisaient environ 3 milliards de dollars. Ce sont des subventions directes aux entreprises canadiennes.

J'avais demandé à l'époque à des représentants de votre organisme s'ils étaient prêts à ce qu'on élimine totalement et d'un seul coup ces subventions directes aux entreprises, et ils avaient répondu qu'il fallait faire attention parce que cela pouvait avoir un impact considérable sur la survie de leurs entreprises.

Le ministre des Finances, M. Martin, lors de son dernier budget, a prévu une réduction de ces transferts. Cette année, ils atteindront 2,5 milliards de dollars. Il y a donc une diminution de l'ordre de 500 à 700 millions de dollars. L'année prochaine, ils seront d'environ 1,9 milliard de dollars.

Je vous pose à nouveau cette question que je considère importante, surtout lorsqu'on parle du libre-échange, comme vous l'avez fait tout à l'heure. Le libre-échange va de pair avec l'élimination des subventions. Donc, seriez-vous prêts, dès cette année, à ce que le ministre des Finances, M. Martin, envisage l'abolition pure et simple des 2 milliards de dollars de subsides directs versés aux entreprises?

C'est ma première question, et j'en aurai deux autres à poser plus tard, monsieur le président.

[Traduction]

Le vice-président (M. Campbell): Cela s'adressait à M. Fahey.

[Français]

M. Fahey: Merci beaucoup pour cette question.

[Traduction]

J'aimerais juste dire deux choses à ce sujet. Premièrement, ce n'est pas moi le type qui vous a dit l'année dernière de faire une économie de 3 milliards de dollars.

Deuxièmement, je n'ai jamais préconisé, même si mes remarques tout à l'heure ont paru dire le contraire, un coup de hache brutal. J'ai souligné - et je tiens à le resouligner ici - que le gouvernement fédéral devrait avoir un cycle de planification sur trois à huit années pour opérer la transition. Cependant, je pense que les 3 milliards de dollars de subventions directes devraient être remplacés par quelque chose d'un montant inférieur et qui serait plus efficace du point de vue de l'instauration d'un environnement propice à la création d'emplois.

Plus précisément, ce devrait être l'objectif dans la région atlantique, car sur le plan des exportations nous n'en sommes qu'à 21 p. 100 du PIB, alors que la moyenne nationale est de 35 p. 100. Nous sommes tous obligés, collectivement, de livrer concurrence sur un marché international. Par conséquent, la réorientation des crédits ou des subventions ou d'une idée conceptuelle de la capitalisation devrait viser à nous faire passer de 21 p. 100 du PIB à la moyenne nationale de 35 p. 100 ou un chiffre proche. Nous n'avons jamais réussi à franchir ce handicap.

Pour être plus clair, un domaine où nous pourrions progresser est celui de l'information et de la connaissance, où il existe une technologie qui rééquilibre la situation au Canada. En effet, le pays est sillonné par une autoroute de l'information ou un système de transmission électronique par fibres optiques, si bien que les gens de Terre-Neuve et du Labrador ou ceux de Paradise River ou de Prince Rupert peuvent livrer au monde leurs produits et services en puisant dans leur savoir, dans les connaissances qu'ils ont apprises. Cela pourrait également faciliter la gestion de nos ressources, telles que la pêche, une fois qu'elle sera rouverte. Mais il faut que ce système soit bien géré.

Donc, faut-il couper les 3 milliards de dollars instantanément? Non. Faut-il passer graduellement de subventions à une méthode de capitalisation? Oui.

Le vice-président (M. Campbell): M. Flood souhaitait répondre également.

M. Flood: J'aimerais répondre sous deux angles. Premièrement, les milieux patronaux acceptent la suppression graduelle des subventions. Nous avons pleinement appuyé la décision du gouvernement fédéral de supprimer les subventions à l'APECA.

Cela dit, pour que de petites entreprises puissent être créées dans les provinces atlantiques, et j'ai l'impression aussi dans d'autres régions du Canada, il leur faut avoir accès aux capitaux, capitaux qui n'existent pas à l'heure actuelle à Terre-Neuve. Les banques, de par leur nature même, ne sont pas portées à courir de grands risques et ne veulent pas prêter pour le démarrage de petites entreprises. Il faut donc fournir des capitaux.

.1000

J'ai mentionné tout à l'heure certains programmes de crédit, des programmes de capitaux-risques et des programmes de type actions privilégiées. Ces mesures facilitent le démarrage d'entreprises et, une fois qu'elles sont devenues profitables, elles remboursent.

J'ai également parlé d'un programme de type Double-EDGE, assorti d'allégements fiscaux. Il est destiné à des entreprises qui ne sont en concurrence avec personne d'autre; il s'agit de lancer des entreprises dans un secteur où elles ne sont en concurrence avec personne d'autre.

Ce sont des recettes fiscales que le gouvernement ne touche de toute façon pas à l'heure actuelle et ne touchera jamais si ces entreprises ne sont pas créées. C'est donc une incitation à créer des entreprises dans ces secteurs.

[Français]

M. Loubier: Ma deuxième question va dans le même sens que la première, mais elle a trait aux dépenses fiscales.

Au cours des années, le vérificateur général a mentionné à plusieurs reprises qu'il y avait plusieurs trous dans la fiscalité des entreprises canadiennes. Et ces trous, ou ces zones grises, permettaient à plusieurs entreprises d'éviter, année après année, de payer de l'impôt sur les revenus qu'elles réalisaient. Depuis 1990, le ministère des Finances ne publie plus les données sur les profits réalisés en sol canadien qui n'ont pas été assujettis à l'impôt sur le revenu des entreprises. Mais cela se faisait jusqu'en 1990. À un moment donné, c'est devenu tellement scandaleux que j'ai l'impression que le ministère des Finances a arrêté de rendre publiques ces données.

On observe la même chose lorsqu'on regarde les 26 conventions fiscales signées entre le Canada et des pays considérés comme des paradis fiscaux. On pense aux pays des Caraïbes, à certains pays comme les Bermudes. On pense aussi à certains petits pays européens qui sont de véritables paradis fiscaux qui permettent à des Canadiens à très haut revenu et à des entreprises d'éviter de payer de l'impôt qu'ils devraient normalement payer.

Cela devient important, parce qu'en 1992, le vérificateur général parlait de 16 milliards de dollars qui transitaient vers ces pays considérés comme des abris fiscaux et qui n'étaient pas assujettis à l'impôt. Un impôt de seulement 10 p. cent, cela fait déjà 1,6 milliard de dollars de rentrées supplémentaires dans les coffres fédéraux.

Je vous pose donc ma deuxième question, qui s'adresse aux chambres de commerce et aux gens d'affaires. Seriez-vous d'accord pour qu'on révise la fiscalité des entreprises, premièrement pour colmater les brèches de cette fiscalité et ensuite pour éliminer certains aspects risibles? On voit dans les journaux, à l'heure actuelle, qu'il y a des entreprises qui veulent vendre des déductions pour pertes fiscales à d'autres entreprises, ce qui est à la fois drôle et triste. Seriez-vous donc d'accord pour qu'on révise la fiscalité des entreprises et même pour qu'on en arrive à instaurer un impôt minimum qui ferait en sorte que l'ensemble des entreprises contribueraient au fisc fédéral, et non pas uniquement quelques-unes qui ont à coeur leur devoir de citoyennes corporatives?

[Traduction]

M. Fahey: Votre question est de nature très générale. Si vous nous demandez si la Chambre de commerce de Terre-Neuve ou le Board of Trade approuve ceux qui mettent leur argent à l'abri à l'étranger, la réponse est non. Les Canadiens devraient payer leurs impôts au Canada; ils devraient faire partie du tissu canadien. Nous ne sommes pas en faveur de cela.

Devrions-nous faire partie d'une commission ou d'un organisme pour aider le gouvernement fédéral à s'en débarrasser? Ce n'est pas spécifiquement notre rôle, mais si on nous le demande, nous apporterions notre aide. Je ne pense pas que les hommes d'affaires canadiens devraient mettre leur argent à l'abri à l'étranger. Je ne l'ai jamais fait. Après tout, nous nous devons de soutenir notre propre pays, celui dans lequel nous sommes censés croître et prospérer.

[Français]

M. Loubier: Je ne vous demande pas de faire le travail du gouvernement, monsieur. Votre organisme est-il prêt à recommander que les 23 ou 26 conventions fiscales qui existent à l'heure actuelle entre le Canada et les pays qui sont considérés comme des paradis fiscaux soient révisées et même, à la lumière de ce qu'on peut observer, soient carrément abandonnées puisqu'elles favorisent l'évitement fiscal? C'était le sens de ma question. Si plusieurs organismes comme le vôtre, à travers le Canada, appuient une telle démarche, je pense que nous avons des chances de faire un bon bout de chemin.

.1005

J'aimerais vous rappeler une chose. Cet été, dans le CA Magazine, le magazine des comptables agréés canadiens - vous embauchez de ces gens dans vos entreprises - , encourageait les entreprises canadiennes à utiliser le canal des paradis fiscaux pour éviter de payer de l'impôt.

Ce fait n'a pas été beaucoup dénoncé par les chambres de commerce du Canada. On parle du nationalisme et de l'importance de réinvestir chez nous. Je parle en connaissance de cause. Dans ce contexte, il est important que des organismes comme le vôtre dénoncent des prises de position comme celle qu'on retrouve dans le CA Magazine, qui favorisent une détérioration constante des finances publiques canadiennes et qui font en sorte qu'on est obligé de couper, comme on l'a fait sauvagement au cours des deux dernières années, et de serrer la vis, alors qu'on pourrait profiter de ces recettes qui nous sont dues pour investir, créer des emplois et améliorer notre performance économique.

[Traduction]

M. Fahey: Je répondrai en disant deux choses. Premièrement, comment pourrais-je, en tant que Canadien et homme d'affaires, approuver des gens qui placent leur argent à l'étranger pour échapper à l'impôt? Je suis opposé à cela.

Deuxièmement, le Canada et le gouvernement fédéral devraient réfléchir aux causes qui incitent certains à agir ainsi, dans un environnement où la fiscalité est très lourde. Je ne dis pas que nous approuvons. Nous n'approuverons jamais.

Il faudrait peut-être envisager de s'attaquer à ce problème sur deux fronts, ou comme le dirait Roger, envisager une solution à double tranchant, l'un consistant à légiférer pour l'interdire et le deuxième à remanier l'État, de façon à s'élever au-dessus des paradigmes actuels et réinventer la fonction gouvernementale, de manière à fournir les biens et services à un niveau auquel tous les Canadiens puissent souscrire.

Le vice-président (M. Campbell): Monsieur Solberg.

M. Solberg (Medicine Hat): Je vous remercie, monsieur le président.

Nous entendons toutes sortes de messages contradictoires touchant la fiscalité et cette sorte de chose. D'une part, certains nous disent qu'il faudrait davantage imposer les sociétés au Canada, et tout ce genre de choses, et d'autre part, d'autres personnes nous disent que quantité de sociétés s'installent dans des paradis fiscaux comme les Caraïbes pour éviter l'impôt.

On a donc l'air de dire, d'une part, que le Canada lui-même devrait être... et qu'il serait un paradis fiscal, car les sociétés sont autorisées à éviter l'impôt tout en restant installées ici, dans le pays. D'autre part, des gens nous disent que les impôts ne sont pas assez élevés, et si c'était vrai, nous verrions toutes sortes de sociétés affluer pour en profiter.

Il y a une autre considération que j'aimerais jeter dans la discussion. Il m'a semblé comprendre qu'après la séparation... pendant la campagne référendaire - et peut-être M. Loubier voudra-t-il confirmer - qu'il était question de faire du Québec lui-même un paradis fiscal. Je pense qu'il en a été question pendant la campagne référendaire.

M. Loubier: Non. Allons donc.

M. Solberg: Non? D'accord. Il me semblait pourtant que c'était une affirmation qui avait été faite. Quoi qu'il en soit, j'ai jugé utile de le mentionner.

M. Loubier: Medicine Hat, oui.

Des voix: Oh, oh.

M. Solberg: Medicine Hat est déjà un paradis fiscal et les emplois n'y manquent pas.

J'aimerais revenir sur une chose que Mme Price a dite concernant la Banque du Canada et la détention d'un plus grand nombre de créances. Pourrait-elle nous expliquer comment cela fonctionnerait, surtout sans engendrer de l'inflation.

Mme Price: D'accord. Actuellement, je crois que la Banque du Canada ne détient qu'environ 6 p. 100 des créances sur le gouvernement fédéral. Comparez ce chiffre aux États-Unis, dont le Trésor ou la Federal Reserve Bank détient 7,7 p. 100. Dans nos propositions, nous avons fait état de plusieurs initiatives. Si vous réduisiez les taux d'intérêt de 1 p. 100 ou d'un peu plus, et si la Banque du Canada finançait une plus grande partie de la dette canadienne, le coût du service de la dette diminuerait de façon très importante.

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Vous parlez d'inflation. Vous en faites un mot magique. Nous devons avoir une inflation zéro, dites-vous, mais dans le même souffle notre taux de chômage grimpe en flèche. Je pense que vous devriez commencer à songer au taux de chômage, au coût social, à la misère et à la souffrance causées dans ce pays par le fait que le gouvernement a choisi de privilégier l'inflation zéro, au lieu de fixer des objectifs de création d'emplois.

M. Solberg: Je voulais savoir plus précisément combien de créances vous voudriez voir la Banque du Canada détenir et comment vous le feriez sans engendrer une forte inflation, cette dernière conduisant évidemment aussi au chômage.

Je vous rappelle les années où nos taux d'intérêt étaient extrêmement élevés. Pendant cette période, nous avons vu le chômage grandir, en dépit du fait que le gouvernement dépensait beaucoup plus d'argent qu'il ne recevait. De fait, depuis le début des années 1970, il a dépensé beaucoup plus qu'il ne touchait et pendant tout ce temps le taux de chômage n'a cessé de grimper.

Mme Price: D'accord. Mais lorsque vous dites que le gouvernement a dépensé beaucoup trop d'argent, je demande pour quoi faire? Si vous regardez les dépenses consacrées aux programmes, vous verrez qu'il y a eu une baisse et non une hausse. L'argent est dépensé pour le service de la dette.

M. Solberg: Eh bien, si je puis...

Mme Price: Et aussi longtemps que le gouvernement poursuivra dans cette voie, à se contenter de couper et de démolir, les choses n'iront pas mieux. Elles empireront. C'est le gouvernement qui a créé ce problème financier.

M. Solberg: Mais n'est-il pas vrai que nous n'aurions pas à payer ce service de la dette... Si nous n'avions pas dépensé trop, quel que soit l'usage fait de l'argent, nous n'aurions à payer des intérêts sur rien. Il est évident qu'il a fallu commencer par dépenser plus que nos revenus pour en arriver à payer ces intérêts sur notre dette.

Mme Price: Encore une fois, je reviens à ce que disait le vérificateur général sur le niveau viable d'endettement. L'endettement n'est pas un problème. Le problème est que nous cherchons à éliminer la dette et le déficit dans ce pays sans réfléchir suffisamment aux conséquences sur la population.

De même, lorsque vous parlez de dette et du coût des intérêts, il faut voir ce qu'il en est actuellement. La politique financière du gouvernement est dictée par les financiers et les détenteurs d'obligations. Ils servent leurs intérêts égoïstes. En fait, ces gens détiennent pour près de 80 milliards de dollars de créances sur l'État. Le fait qu'ils détiennent cet argent est manifestement la raison pour laquelle les banques et les sociétés financières engrangent des profits inouïs, astronomiques, des profits record, sur le dos des Canadiens. Ce que nous disons, c'est que...

Le vice-président (M. Campbell): Voudriez-vous laisser M. Solberg poser ses questions, s'il vous plaît, et laisser du temps à d'autres qui ont des opinions différentes des vôtres de répondre?

M. Solberg: Je voudrais dire plusieurs choses. Premièrement, nous payons aujourd'hui près de un tiers de chaque dollar d'impôt pour le service de la dette. Si nous avions cet argent à dépenser, soit sous forme de revenu disponible pour que le gens puissent consommer, créer des emplois et économiser, ce qui contribue également à l'investissement et, en fin de compte, à la création d'emplois, soit pour des programmes sociaux, les Canadiens s'en porteraient mieux.

Je voulais le dire pour souligner comment... Cela équivaut à près de 45 à 50 milliards de dollars par an, rien que pour le service de la dette. C'est un montant énorme.

Je voudrais revenir sur ce que vous avez dit des banques. Elles réalisent certainement des profits énormes. Cela ne fait aucun doute. Mais il faut suivre ce raisonnement jusqu'au bout et faire remarquer que ces banques sont la propriété de Canadiens. Les actionnaires, ce sont les Canadiens. Et cela englobe très largement les syndicats.

Dans bien des cas, ceux qui en retirent le bénéfice, madame Price, sont les retraités qui ont placé dans les actions de ces sociétés. Ils utilisent cet argent pour leur retraite parce qu'ils ne peuvent plus s'en remettre au régime de pensions du Canada. Celui-ci connaît de graves difficultés et même la pension de sécurité de la vieillesse est menacée. Je voulais signaler cela, car il ne faut pas laisser croire que les banques appartiennent uniquement à des Canadiens richissimes.

Mme Price: Sauf votre respect, je ne me souviens pas avoir jamais vu que la Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador, ou aucun des syndicats que nous représentons dans cette province, figurent parmi la liste des actionnaires des banques de ce pays, pas plus que le CTC.

Le vice-président (M. Campbell): Vérifiez peut-être le fonds de pension des travailleurs et tous les gros fonds de pension des enseignants et employés municipaux et...

Mme Price: Les enseignants ne sont pas membres de la Fédération du travail.

Le vice-président (M. Campbell): Je parlais des syndicats en général.

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M. Solberg: On peut disputer de savoir quel fonds de pension de travailleurs est concerné, mais le fait est que certains de ceux-ci... Je pense que c'est le syndicat des employés municipaux de l'Ontario, dont les membres gagnent en moyenne 30 000 dollars par an. Leur fonds de pension a beaucoup investi dans les banques à charte. Ces gens sont donc les bénéficiaires des profits réalisés par les banques.

Je ne dis pas nécessairement cela pour marquer des points politiques, mais je veux faire ressortir que lorsque les sociétés prospèrent, elles embauchent également du personnel. Ce sont des avantages qui restent dans le pays. Si vous les taxez davantage, il y aura des répercussions sur les gens ordinaires.

Mme Price: Je ne sais pas trop quelle était la question, mais je dirai deux choses.

Premièrement, le mouvement syndical cherche à investir l'argent des fonds de pension dans la création d'emplois. Je pense que le Fonds de solidarité du Québec, qui est un fonds d'investissement de travailleurs, est un bon exemple des initiatives syndicales à cet égard.

L'autre chose que je voulais dire...

Le vice-président (M. Campbell): J'aimerais vraiment permettre à M. Solberg, s'il a une autre question...

Mme Price: Mais je ne sais pas quelle était sa question.

Le vice-président (M. Campbell): Si vous voulez. Il faudrait poser des questions...

Mme Price: Je ne sais pas quelle était la question.

M. Solberg: J'espère que cela ne va pas lancer tout un débat pour lequel nous n'avons pas le temps.

Mme Turpin-Downey et d'autres ont parlé de la nécessité de subventions pour le développement régional. M. Fahey a dit qu'il fallait considérer toutes ces choses dans une perspective stratégique de long terme. Le gouverneur général a indiqué récemment que le développement régional n'avait pas été très heureux dans notre pays, pour diverses raisons. Premièrement, le nombre d'emplois créés était énormément surévalué. Ensuite, il y a la doléance traditionnelle des entreprises qui sont en concurrence avec les compagnies subventionnées et qui disent qu'elles ne devraient pas avoir à payer leurs propres concurrents.

J'aimerais savoir ce que vous répondez à cela. Pouvez-vous nous donner des exemples où les subventions de développement régional ont eu des effets positifs à long terme, par opposition à d'autres qui n'ont pas donné de si bons résultats?

M. Fahey: Est-ce que la question s'adresse à moi?

M. Solberg: En fait, plusieurs personnes ont parlé de cela.

M. Fahey: Je peux répondre en premier, si vous voulez.

M. Solberg: D'accord.

M. Fahey: Premièrement, la Chamber of Commerce et le Board of Trade de St. John's ont déclaré publiquement et à maintes reprises leur opposition aux subventions directes aux entreprises. À long terme, elles n'ont jamais rien apporté.

Dans mes remarques liminaires, j'ai indiqué que les subventions ne créaient que des emplois à court terme, sans avantages à long terme.

Je pense qu'il faut opter pour une vision nouvelle et audacieuse, qui détermine des objectifs, des stratégies et des plans d'action pour offrir des crédits de type investissement, remboursables, pour saisir des perspectives économiques précises - et je parle maintenant du Canada atlantique et de Terre-Neuve et du Labrador - sans que ce soit sur la base de «faites-le chez moi au détriment de quelqu'un d'autre», mais plutôt parce que c'est bon pour une région du pays.

Il faut sortir de cet état d'esprit général qui nous fait dire que nous voulons quelque chose chez nous et que le Québec ne doit pas l'avoir, ou le Nouveau-Brunswick ne doit pas l'avoir, parce que nous l'avons chez nous et que cela a été payé par le contribuable. Il faut toujours qu'il y ait une bonne justification économique.

Si les banques ne vont pas prêter l'argent, alors peut-être le gouvernement fédéral, par le biais d'un organisme, devrait le faire. Mais il faut qu'il y ait remboursement.

Je dis non aux subventions, oui à l'investissement.

M. Solberg: Vous envisagez donc presque une super Banque fédérale de développement. Est-ce là l'idée?

M. Fahey: Sur le plan théorique.

.1020

Le vice-président (M. Campbell): Monsieur Pillitteri.

M. Pillitteri (Niagara Falls): J'ai quelques remarques et je voudrais ensuite poser une question.

Madame Price, vous avez comparu à ce comité l'année dernière. Était-ce à Ottawa ou dans l'Ouest?

Mme Price: À Ottawa.

M. Pillitteri: Il me semblait bien.

Le vice-président (M. Campbell): Vous avez donc comparu devant le comité à l'occasion d'un autre budget?

Mme Price: Au sujet du Transfert canadien en matière de santé et de services sociaux.

Le vice-président (M. Campbell): C'était donc un autre comité.

Mme Price: Oui, je pense.

M. Pillitteri: Je pense vous avoir vue à quelques reprises à ce comité.

Le vice-président (M. Campbell): C'était au sujet du budget de l'année dernière.

Mme Price: Non, je n'ai pas participé aux consultations sur le budget de l'année dernière.

Le vice-président (M. Campbell): Non, le projet de loi consécutif au budget qui mettait en place le Transfert canadien. C'était le projet de loi C-76. C'est notre comité qui l'a étudié.

Mme Price: Oui.

M. Pillitteri: Je voulais simplement que ce soit clair. Certains pensent que nous avons donné un préavis suffisant pour que les gens puissent comparaître ici, et sachant que vous l'avez déjà fait précédemment... je ne sais pas si c'était à Ottawa, je ne sais pas si c'était dans l'Ouest ou par ici... parce que j'ai été dans toutes ces régions. Je me demandais simplement où je vous avais déjà vue. Je voulais juste que ce soit clair.

Permettez-moi de dire une chose. Vous avez parlé de libre-échange et de ce qui arriverait si nous érigions des zones franches. Soit dit en passant, tout le Canada est une zone franche; tout le Canada. Nous avons conclu un accord de libre-échange avec les États-Unis. Nous avons signé l'ALÉNA.

Je vais expliquer un peu ce que j'entends par «zone franche», car la question a été posée. M. Roger Flood a parlé de zones franches.

Au lieu de combattre le libre-échange, parce que c'est maintenant du passé, je pense qu'il faudrait le développer. J'ai combattu le libre-échange dans les années 1987 et 1988. Je sais quels dégâts il a causés dans ma région. Mais j'en suis certainement venu à l'apprécier. Il faut cesser de le combattre. Il faut plutôt lui ouvrir les bras, car c'est lui qui a aidé les Canadiens d'un bout à l'autre du pays, ces dernières années.

Vous avez dit que si nous avions seulement 4 p. 100 de chômage, il n'y aurait certainement pas de déficit. Mais si vous étiez au pouvoir, je suis sûr que vous embaucheriez tous ces chômeurs dans la fonction publique et nous serions dans une situation pire encore qu'aujourd'hui. Je veux simplement faire le tour de la table au sujet des idées qui ont été lancées et stimuler la discussion.

Madame Williams, dans votre exposé ce matin, vous avez cité surtout des résolutions des Nations Unies, résolutions qui ne devraient pas régir les Canadiens. Nous sommes parlementaires. Nous, le Parlement du Canada, et non pas les Nations Unies, décidons ce que le Canada doit faire. Je pense qu'il aurait été plus productif de parler de ce qu'il faut faire dans ce budget, plutôt que de...

Mme Williams: J'ai cité des études, monsieur; des recherches internationales et des données canadiennes. Je n'ai pas cité de résolution. Je pense que vous déterminez la politique et vous avez besoin de recherches pour cela.

M. Pillitteri: Faites au Canada.

Mme Williams: La recherche canadienne fait partie de la recherche des Nations Unies. Nous sommes en bonne place... et votre gouvernement a largement cité ces études, pour montrer l'importance du Canada. Les recherches montrent que la condition féminine n'y est pas si bonne. Je ne fais que rétorquer à ce que le gouvernement clame dans des annonces sur pleine page, pour se vanter.

M. Pillitteri: Mais par ailleurs ces mêmes pays disent que le Canada est le pays du monde où il fait le mieux vivre.

Mme Williams: Oui, monsieur, mais les résultats sont différents si vous regardez les chiffres par sexe. C'est justement mon argument. Lorsque vous déterminez la politique, regardez les études par sexe. M. Campbell dit que vous le faites.

Je trouve donc très frustrant que vous répétiez des choses... Il a répondu à ma question. Je vous remercie.

M. Pillitteri: Monsieur Flood, vous avez parlé ce matin d'établir des zones franches. Le gouvernement a déjà apporté beaucoup de changements. Avec le projet de loi C-102, tout le Canada est devenu une zone franche aux yeux du ministère du Revenu et de celui des Finances. Tellement de choses ont été faites. Peut-être devrions-nous vous envoyer le projet de loi pour que vous sachiez ce qu'il fait.

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Il aide la petite entreprise. Il prévoit même l'entreposage sous douane etc. Toute marchandise introduite au Canada pour recevoir une valeur ajoutée avant réexportation est exonérée de la TPS et dans certains cas de la TVP.

Donc, avec ce projet de loi, tout le pays est devenu une zone franche, au lieu d'avoir des zones franches précisément délimitées, comme aux États-Unis, où elles sont limitées à un certain périmètre. Avec le projet de loi C-102, nous avons fait un pas de plus au Canada.

Le vice-président (M. Campbell): Monsieur Pillitteri, si vous avez une question brève, veuillez la poser.

M. Pillitteri: Je vais poser une question, mais je voudrais d'abord faire une autre remarque.

Ce matin, M. Stokes a fait la remarque que je devrais vivre à Terre-Neuve avant de pouvoir prétendre être Canadien. Je suis né dans un autre pays. Je suis Canadien. Pour un Québécois, je suis «ethnique». M. Stokes veut que je vienne vivre à Terre-Neuve afin de pouvoir comprendre le Canada, mais je suis déjà Canadien. Je vis en Ontario.

Ma question s'adresse à M. Flood. Il a dit que l'APECA est nécessaire, mais l'APECA n'est pas nouvelle.

Parliez-vous de l'APECA d'aujourd'hui ou de l'APECA d'hier? L'APECA d'hier ne donnait que des subventions. Aujourd'hui, c'est une partie de subventions et une partie de crédits remboursables. Voudriez-vous expliquer de quelle APECA vous avez besoin aujourd'hui?

M. Flood: Certainement.

Soit dit en passant, l'APECA d'hier ne distribuait pas que des subventions. L'APECA d'hier avait un mélange de subventions et de capitaux-risque aussi, mais à très petite échelle. Son rôle a profondément évolué au cours des six ou huit derniers mois. Nous souscrivons aux changements apportés. Les subventions proprement dites ont été supprimées.

Tout n'est pas encore en place, mais elle a l'intention d'accroître, en collaboration avec les provinces et certaines banques privées, le bassin de capital-actions. Nous espérons qu'elle le fera pour les entreprises de taille moyenne et aussi pour les petites. Nous pensons qu'il faudrait une combinaison de...

Qu'il s'agisse de capital-risque ou d'un prêt remboursable, ce type de capital est requis pour permettre la création de petites entreprises ou pour l'expansion d'entreprises existantes. Cela existe donc et nous pensons que c'est nécessaire.

M. Pillitteri: Je vous remercie.

Le vice-président (M. Campbell): Nous avons gardé Mme Brushett pour la fin. Nous avons largement dépassé le temps prévu, mais je sais qu'elle a un certain nombre de commentaires et de questions. Normalement, le Comité des finances essaie d'être à l'heure et de ne pas dépasser son budget, et je suis profondément gêné par ce dépassement horaire, mais la conversation méritait ce surcroît de temps.

Mme Brushett (Cumberland-Colchester): Je vous remercie, monsieur le président.

Avant de commencer, j'aimerais souhaiter la bienvenue à tous ce matin, ici à St. John's, Terre-Neuve.

Je voudrais signaler tout particulièrement la représentativité de ce comité national.

Je me nomme Dianne Brushett. C'est un nom de Terre-Neuve, un patronyme de Pouch Cove. Je suis sûre de ne pas avoir à dire à personne à ce bout de la table où se trouve Pouch Cove. Je peux donc vous assurer que toutes les régions du pays sont représentées ici et que nous sommes intéressés à entendre les points de vue de tous les Canadiens concernant la façon de mieux servir notre grand pays.

J'aimerais demander un éclaircissement à Jane Robinson du Comité canadien d'action sur le statut de la femme. Elle parle de l'excédent du compte d'assurance-chômage. Il a atteint maintenant 8 milliards de dollars environ et devrait augmenter encore.

Mais le gouvernement a pris une mesure à ce sujet, et l'honorable Lloyd Axworthy a annoncé cette semaine qu'il allait réduire les cotisations d'assurance-chômage parce que les charges sociales découragent l'esprit d'entreprise et la création d'emplois.

Si donc d'aucuns pensent que les charges sociales ne sont pas assez élevées et pourraient être majorées, je m'inscris en faux. Certains pensent que les sociétés s'en tirent trop bien. Si c'était le cas, nous les verrions affluer à notre porte et elles créeraient de l'emploi, mais tel n'est pas le cas.

Je voulais donc simplement préciser cela, vous faire savoir que notre intention est d'accumuler un certain excédent dans le compte d'assurance-chômage pour parer aux besoins des années de grande récession, mais nous n'allons pas le laisser aller trop haut. Nous allons réduire les cotisations au nom de la création d'emplois.

.1030

La deuxième remarque que je voulais faire concerne un propos de Wendy Williams du Provincial Advisory Council on the Status of Women of Newfoundland and Labrador. Elle a parlé des programmes sociaux et dit qu'ils ne sont pas à l'origine du déficit. Effectivement, ils n'en sont pas la seule cause. C'est l'effet cumulatif de la haute qualité de vie dont les Canadiens ont joui sans avoir les moyens de le payer. Je dois vous dire que 70 p. 100 de toutes les dépenses de programmes intéressent les programmes sociaux à l'échelle du pays, et nous n'avons pas perçu suffisamment d'impôts pour payer ces programmes. Aujourd'hui, le jour de faire les comptes est venu et nous devons faire face.

Donc, pour placer les choses en perspective et montrer les compromis nécessaires, nous voulons certes préserver nos programmes sociaux, mais si nous ne les restructurons pas et ne modifions pas leur mode de financement, nous les perdrons tous. C'est pourquoi le débat qui se déroule ici aujourd'hui est si important.

Ma question s'adresse à M. Flood.

Le vice-président (M. Campbell): Puis-je formuler une suggestion dans l'intérêt du temps? S'il y a une question précise pour M. Flood, vous aurez chacun l'occasion de dire un mot de conclusion. Vous pourrez aborder tous ces points dans votre conclusion.

Mme Brushett: M. Flood dit que les gouvernements ont bien mal choisi les emplacements des sièges ou bureaux des organismes gouvernementaux. Par exemple, Marine Atlantique, qui s'occupe de recherche et de sauvetage et de patrouilles en mer, a son siège à quelque distance du lieu de plus grande utilisation de ses services. C'est probablement vrai, mais il y a des compromis politiques à faire, qui font partie de l'équilibrage de la qualité de vie à l'échelle nationale. Des arbitrages sont toujours nécessaires.

Ma question est de savoir si vous échangeriez le bureau d'impôt qui été ouvert ici à Terre-Neuve? Vous n'avez certainement pas une population suffisante pour justifier un bureau d'impôt. Renverriez-vous ce service à Halifax, où son utilité sur le plan de la création d'emplois serait moindre?

Le vice-président (M. Campbell): Ce pourrait être une question piège.

Des voix: Oh, oh.

M. Flood: C'est certainement une question piège.

Ce que nous avons dit, c'est que les sièges devraient certainement être situés là où se déroule la plus grande part de l'activité. Il n'y a aucune raison au monde pour que Marine Atlantique soit installée au Nouveau-Brunswick. Elle ne fait rien au Nouveau-Brunswick du tout. Elle a quelque activité dans l'Île-du-Prince-Édouard, et un tout petit peu en Nouvelle-Écosse. Mais tout le reste se situe à Terre-Neuve. La surveillance des pêches, la recherche et le sauvetage, tout cela se fait au large de Terre-Neuve.

J'irai un pas plus loin et dirai qu'il n'y a aucune raison au monde pour que le ministère des Pêches soit installé à Ottawa. Il n'y a pas grand monde à Ottawa qui sache faire la différence entre une morue et un turbot.

Je pense que si ces bureaux étaient installés là où se fait le travail, il y aurait un plus grand afflux de population à Terre-Neuve, au lieu de voir le mouvement inverse.

Le vice-président (M. Campbell): Je vais demander que le centre de perception de la TPS déménage dans le centre du Canada, là d'où proviennent la plupart des recettes.

Pour conclure très rapidement, je vous présente des excuses pour le long retard que nous avons pris.

[Français]

M. Loubier: Je trouve un peu dommage que Mme Brushett ait commencé son intervention en attaquant les propos de Mmes Robinson et Williams et ne leur ait pas donné la possibilité de répondre à ces attaques. C'est une façon assez cavalière de procéder: on fait un long préambule, on «plante» certaines personnes et on pose des questions à ceux qu'on n'a pas «plantés».

Le vice-président (M. Campbell): Elles avaient assez de temps pour répondre aux questions.

[Français]

Je l'ai dit deux fois. Dans votre mot de conclusion, vous pouvez certainement répondre à Mme Brushett, mais nous avons dépassé le temps prévu de plus d'une demi-heure. Étant donné l'intérêt de la discussion qui s'est déroulée, certaines personnes - moi-même, les témoins, les députés - ont toutes pris leur temps.

Je vous demande donc un mot de conclusion assez bref. Je vous demande juste un mot de conclusion et, dans le cas de Mme Williams et de Mme Robinson, de répondre aux remarques qui ont été faites.

Je commencerai par M. Stokes.

M. Stokes: Je ferai deux remarques. Premièrement, prenez soin de ne pas démoraliser vos employés. Deuxièmement, il y a six ou sept ans, l'un des gros problèmes du Canada était que l'économie de Toronto surchauffait. Il a fallu majorer les taux d'intérêt pour ralentir Toronto. Ne pourriez-vous, en tant que Comité des finances, trouver une façon de freiner Toronto sans mettre le reste du pays en faillite?

Le vice-président (M. Campbell): Je vous remercie.

Monsieur Fahey.

M. Fahey: Le gouvernement fédéral a besoin d'une vision à long terme. Il n'est plus possible de continuer à traiter les régions comme si elles ne faisaient pas partie de l'économie nationale.

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Par exemple, le rôle déclaré des efforts de développement économique régional dans la région atlantique est d'anticiper et de réagir efficacement aux défis, obstacles et déséquilibres dans les économies des quatre provinces de l'Atlantique. Le but à long terme est la création d'emplois viables.

C'est là une perspective morne, réactionnaire et quelque peu négative. Je pense qu'il faudrait choisir un objectif beaucoup plus ambitieux et qui reconnaisse l'importance de l'économie régionale. Par exemple, l'objectif pourrait être de créer une économie de niveau mondial au Canada atlantique dans un certain délai. Un tel objectif obligerait à définir en quoi consiste une telle économie. Vous pourriez ensuite...

Le vice-président (M. Campbell): Excusez-moi.

Madame Turpin-Downey, vous partez. J'allais vous donner la parole juste après.

Mme Turpin-Downey: Désolée, je dois partir.

Le vice-président (M. Campbell): Voulez-vous dire quelques mots de conclusion?

Mme Turpin-Downey: Je dirai seulement que j'aimerais voir quelques progrès réalisés sur ce que j'ai dit du système éducatif, car j'ai déjà dit la même chose il y a un an. J'aimerais bien que cela donne quelques résultats.

Le vice-président (M. Campbell): Je vous remercie de votre participation.

Vous pouvez conclure, monsieur Fahey.

M. Fahey: Juste une dernière remarque, monsieur le président. Une telle vision aiderait à concentrer l'attention sur ce qui constitue une telle économie et à canaliser les ressources vers ce qu'il faudrait.

Le vice-président (M. Campbell): Je vous remercie.

Madame Robinson.

Mme Robinson: Pour ce qui est des charges sociales des entreprises, je n'ai pas dit qu'il fallait les augmenter, j'ai fait remarquer qu'au Canada elles sont inférieures à celles de la plupart des pays industrialisés.

Je pense également que la TPS est une grosse gêne pour les entreprises et leur coûte cher à administrer.

J'aimerais également que les taxes de consommation soient réduites dans la mesure où elles touchent les entreprises.

Je sais que la réduction des charges sociales est une des principales revendications des entreprises, vu l'excédent du fonds d'assurance-chômage. Mais des organisations comme le Comité canadien d'action sur le statut de la femme préféreraient voir augmenter les prestations versées aux travailleurs, qui doivent aujourd'hui se débrouiller avec la moitié de leur revenu antérieur lorsqu'ils se retrouvent sans travail, et nous aimerions voir cet argent servir à la création d'emplois. Une partie est consacrée à la formation, mais nous constatons qu'à Terre-Neuve les gens suivent formation après formation sans jamais pouvoir trouver de travail. Beaucoup de gens s'exilent sur le continent et n'y trouvent toujours pas de travail.

Le grand défi est donc de créer des emplois. Tout se passe comme si l'emploi était une chose du passé.

Voilà donc deux choses que je voulais dire. Une autre est que la formule «nouvelles visions audacieuses» me fait penser un peu au «meilleur des mondes». Je pense qu'il faut veiller à ce que des normes nationales existent et garantissent le droit des citoyens à un revenu adéquat, à faire appel contre des décisions touchant le montant avec lequel ils sont censés pouvoir survivre et leur droit à des soins adéquats, à une éducation et, comme je l'ai dit, à un salaire décent.

Le vice-président (M. Campbell): Monsieur Rose.

M. Rose: Je ne vais pas être très long. Je reviendrai simplement sur la question que vous m'avez posée pendant mon exposé, à savoir comment faire pour mettre en circulation l'épargne cachée dans les armoires, comme je l'avais appelée. Je suis sûr que si nous en parlons assez longtemps nous pourrions trouver quantité de façons.

Une qui m'est venue à l'esprit serait peut-être de créer des sociétés locales d'investissement, où les épargnants siégeraient au conseil d'administration. Ils pourraient également siéger au conseil d'administration de toute entreprise financée par cette société, ce qui donnerait aux petits épargnants un certain contrôle sur leur argent.

Ma conclusion se résume à ceci. Le gouvernement doit redonner confiance aux Canadiens de façon à susciter un climat propice à l'investissement. Si des coupures sont réellement nécessaires, il faut les faire, mais sans excès.

.1040

J'invite tous les paliers de gouvernement à inspecter tous les recoins pour débusquer la poussière qui a pu être oubliée par le dernier coup de balai. D'ailleurs, je vous invite à venir inspecter mes placards. Vous remarquerez que je ne représente personne, et donc...

Le vice-président (M. Campbell): Madame Price.

Mme Price: Je voulais intervenir sur la question des charges sociales et faire ressortir une chose. Il faut signaler que, dans un rapport de juin 1995, le Fonds monétaire international indique que les concessions fiscales consenties aux sociétés au Canada sont plutôt généreuses et qu'elles ne paraissent pas très efficaces sur le plan de l'encouragement à investir. Le même rapport concluait que l'impôt sur le revenu des sociétés, en pourcentage du PIB, est quelque peu moindre au Canada qu'aux États-Unis, et il allait jusqu'à dire que les dégrèvements fiscaux pourraient être réduits. Je voulais signaler cela.

Le vice-président (M. Campbell): J'ai travaillé brièvement au FMI, et cela me permet de comprendre ce que vous pensez de moi. Mais je vous remercie de citer ce rapport. C'est un document important.

Mme Price: J'ai remarqué qu'à plusieurs reprises la question des dépenses de défense est venue sur le tapis ce matin. J'aimerais dire une chose à ce sujet - et c'est dans notre document de politique, annexé à notre mémoire - et c'est que si vous prévoyez de réduire les dépenses de défense, qu'il s'agisse de fermer un collège au Québec ou une base à Terre-Neuve, il y a des localités et des économies locales qui se sont édifiées autour de cette infrastructure. Si l'on va procéder à des coupures, il est indispensable de prévoir des crédits pour opérer la transition entre les emplois militaires et des emplois civils et que ces localités et économies locales reçoivent une aide pour s'adapter.

Le fait que votre comité ait évoqué à plusieurs reprises une diminution des dépenses de défense m'amène à penser que vous vous dirigez dans cette direction.

Le vice-président (M. Campbell): Ne tirez aucune conclusion de cette sorte. Je me demandais simplement pourquoi, dans une région où les dépenses militaires sont élevées, nul n'en a parlé. Toutes les possibilités sont ouvertes.

Mme Price: Une autre proposition qui revient souvent dans les exposés du milieu des affaires, est qu'il faut privatiser à outrance et toute cette sorte de choses. Je ne peux que répondre que cela ne marche pas. Les fonctionnaires sont des professionnels. Ils fournissent des services publics de haute qualité. Ils ont l'obligation de rendre des comptes et c'est eux qui peuvent faire le meilleur travail.

Le vice-président (M. Campbell): Ce sera votre dernier mot, je vous prie. Nous avons deux autres personnes qui attendent.

Mme Price: J'ai encore deux remarques.

Les emplois créés par le secteur privé en remplacement d'emplois de fonctionnaires ne sont pas des emplois sûrs et décemment rémunérés. Ce sont des emplois précaires à bas salaire qui exploitent les gens.

Enfin, si j'entends encore une fois dire que les Canadiens vivent au-dessus de leurs moyens, je crois que je vais vomir. Dites donc cela à l'un des 30 000 enfants de cette province qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Il y a quantité de Canadiens qui vivent en-deçà du seuil de pauvreté et nous ne vivons pas au-dessus de nos moyens.

Le vice-président (M. Campbell): Je vous remercie de ne pas vomir ici.

M. Flood: Il faudra peut-être qu'elle l'entende encore une fois.

Le vice-président (M. Campbell): C'est à cela que sert le dialogue.

M. Flood: Les gouvernements ne peuvent continuer à dépenser plus qu'ils ne gagnent. Le déficit est toujours là et la dette augmente toujours, et plus longtemps la maîtrise de cette dette se fera attendre et plus il sera difficile de préserver les programmes sociaux dont nous avons parlé ce matin.

L'une des choses essentielles pour nous est de vivre selon nos moyens.

Mme Williams: Ceci a été l'une des expériences les plus frustrantes que j'ai jamais vécues. J'avais l'impression d'assister à un match de tennis où chacun ne songeait qu'à marquer des points. Je n'ai encore jamais rien vu de tel dans une audience parlementaire, que ce soit au niveau fédéral ou provincial.

J'ai une documentation que je vais remettre à Mme Brushett - je suppose que c'est Madame, mais c'est peut-être Dr Brushett - sur le déficit et le financement, documentation qui émane d'un député de ma province, touchant les réductions de 40 p. 100 et l'augmentation des recettes de sources autres que l'impôt sur le revenu. Je vais vous donner cette documentation. Ce n'est pas quelque chose que j'ai inventé.

Je me sens très frustrée.

Monsieur Campbell, je ne vois pas comment vous allez tirer un consensus de tout cela. Si nous voulons vraiment travailler de concert, comme tout le monde à cette table le souhaite, je pense, ceci n'est pas la bonne façon de le faire.

Le vice-président (M. Campbell): Je vous remercie de votre compréhension.

Si je puis faire une remarque à titre de président, en fin de compte c'est à nous qu'il incombe de formuler certaines recommandations au ministre.

Ce n'est pas facile car, comme je l'ai dit au début de la période des questions, nous entendons des points de vue diamétralement opposés. Si Mme Robinson a fait un plaidoyer passionné pour la collaboration et le dialogue, Mme Price ne fait que hocher de la tête avec approbation à tout ce qui se dit à ce bout-ci de la table et fait non de la tête à tout ce qui se dit de l'autre côté. Nous contribuons tous à cette frustration que nous ressentons.

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Je veux simplement conclure en disant que tous les aspects soulevés, tous les points de vue exprimés, sont intéressants et méritent d'être écoutés par nous. Vous pensez sans doute chacun que votre optique particulière ou ce que vous représentez devrait dominer ou prévaloir.

On a parlé ici de responsabilité. En fin de compte, c'est à nous, le Comité des finances, et ensuite au gouvernement, de prendre des décisions dans l'intérêt du pays tout entier.

Ces consultations régionales sont extrêmement bénéfiques. Elles nous permettent d'appréhender les répercussions des mesures budgétaires dans une région, et ces répercussions varient d'une région à l'autre. Mais bon nombre de ces thèmes reviennent dans tout le pays. J'ai trouvé ces audiences utiles et je suis sûr que les membres du comité sont du même avis.

Je vous suis reconnaissant d'avoir pris le temps de venir et nous sommes impatients de vous revoir lors de notre prochain passage dans la région, qui sera à la même époque l'année prochaine. Pour ceux d'entre vous qui sont membres d'organisations nationales, veuillez contacter celles-ci afin qu'elles vous tiennent au courant de la date de nos audiences. Merci beaucoup.

Membres du comité, nous allons lever la séance. Nous reprendrons nos travaux à 13 h 30.

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