[Enregistrement électronique]
Le jeudi 30 novembre 1995
[Traduction]
Le président suppléant (M. Walker): La séance est ouverte.
Comme je l'ai annoncé il y a quelques instants, je me nomme David Walker et je suis membre du comité. Je veux vous présenter M. Jim Peterson, qui arrive à point nommé et qui va assurer la présidence.
Le président: Je vous présente nos excuses à tous. Nous étions invités par le conseil municipal, et on est venu nous chercher en autobus et l'on vient seulement de nous ramener. Je vous prie d'excuser ce retard.
Soyez les bienvenus et merci de vous être déplacés.
Nous avons cet après-midi un groupe d'intervenants très éminents: Jean Miller et Jerry Pitts, du Alberta Council on Aging; Tim Madden et Larry Whaley, de la Borrowers' Action Society; David Elton, de la Canada West Foundation; Bill Daly, de la Corporation canadienne des retraités concernés; Ernest Lalonde et Donald Downing, de l'Association charbonnière canadienne; Nancy Palmer, de la Foothills Hospital Foundation; Stephanie Cairns, du Pembina Institute; enfin, comparaissant à titre personnel, Rebecca Aizenmann.
Ai-je oublié quelqu'un? Je suis sûr d'avoir tout mélangé. Désolé.
Mme Pauline Kay (représentante, Self-Employment Development): Je suis Pauline Kay, de Calgary.
M. Tom Marr-Laing (représentant, Pembina Institute): Je remplace Stephanie Cairns car le mauvais temps l'a retenue dans le nord de l'Alberta. Je me nomme Tom Marr-Laing. Je représente le Pembina Institute.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Whaley, je vous ai oublié.
M. Larry Whaley (président, Borrowers' Action Society): Vous m'avez déjà présenté.
Le président: Bien.
M. Joel Weiner, je vous ai omis.
M. David Laughton (comparution à titre personnel): Je suis ici à titre personnel.
Le président: Je vous remercie, monsieur Laughton.
Mme Sumreen Ahmad (vice-présidente, Finances, University of Alberta Students' Union): Je me nomme Sumreen Ahmad et je représente la University of Alberta Students' Union.
Le président: Merci beaucoup.
Je propose à chacun un maximum de trois minutes pour esquisser vos préoccupations et les orientations que nous devrions suivre dans notre prochain budget et la politique financière future, avant d'ouvrir le débat. Si vous souhaitez aborder d'autres points, vous aurez amplement le temps de le faire. Chacun d'entre vous disposera ensuite de 30 secondes pour un bref résumé de vos principales préoccupations. Nous avons tout le temps voulu pour que chacun de vous puisse exprimer ses vues.
Qui voudrait commencer? Monsieur Pitts?
M. Jerry Pitts (membre du conseil d'administration, Alberta Council on Aging): Je vais commencer par une question. Quel est le but de l'audience d'aujourd'hui et quel usage ferez-vous de ce que nous vous dirons?
Le président: Nous organisons des audiences dans tout le pays. L'année dernière, nous avons rencontré plus de 600 témoins et reçu plus de 300 mémoires. Nous avons rédigé un rapport pour la Chambre des communes dont le ministre des Finances s'est inspiré pour rédiger son budget, et près de 90 p. 100 de nos recommandations ont été intégrées dans le dernier budget. Je ne sais pas si nous ferons un aussi bon score cette année, mais selon ce que vous nous direz, monsieur Pitts, ce n'est pas exclu.
M. Pitts: Je vous remercie.
Je pense que, au-delà des trois questions que vous avez posées, il est nécessaire de redéfinir les lois de la Confédération et la Constitution. Il se pose des problèmes d'ordre fédéral, intergouvernemental, national, social, financier et politique. La Confédération et la Constitution ne sont sans doute plus adaptées aux conditions de la société et de l'économie canadiennes modernes, contemporaines.
Il faut retirer la Constitution des mains des premiers ministres et la remettre au peuple. Cet impératif l'emporte sur toutes les questions auxquelles vous nous demandez de répondre aujourd'hui.
Nous ne disposons que de trois minutes. J'ai beaucoup de sujets à couvrir et je vais donc me contenter de les énumérer brièvement.
Premièrement, quelles devraient être nos objectifs de réduction du déficit et comment les réaliser au mieux? Il me paraît évident que si l'on veut éliminer le déficit en l'espace de deux ans, on ne peut continuer à tolérer le gaspillage et l'inefficience. Il faut tenter de réduire le rôle de l'État, améliorer notre productivité et éliminer les double-emplois à l'intérieur de l'administration fédérale et entre les administrations fédérales et provinciales.
Nous devons réduire les prestations d'assurance-chômage car celles-ci servent souvent à subventionner le revenu des travailleurs saisonniers. L'assurance-chômage coûte aujourd'hui 20 milliards de dollars par an, soit une multiplication par 36 en 20 ans.
Ne prenons pas des décisions arbitraires. Réformons le Sénat, réduisons le nombre des élus et rendons-les plus responsables.
Revoyons les sociétés d'État. La Société canadienne d'hypothèques et de logement a joué un rôle nécessaire, mais la guerre est terminée depuis longtemps. En avons-nous toujours besoin? Air Canada est en train d'être privatisée mais qu'en est-il de la SRC et de CN? Revoyons la Commission canadienne du blé. Réglons le problème de la société distincte du Québec.
Le président: Ce serait excellent.
M. Pitts: Il faut encourager les salariés à épargner dans des REÉR. Minimiser le service de la dette au moyen de nouveaux mécanismes d'emprunt public. Réduire le chômage - majorer les recettes fiscales et réduire les dépenses.
Améliorer l'efficacité de la prestation des services. Éliminer les largesses publiques inutiles. Maintenir les dépenses publiques au niveau requis pour réaliser les objectifs publics, rien de plus.
Réduire les taux d'intérêt. Réparer les dégâts causés par les programmes mis en place depuis 1965. Appliquer la formule du Manitoba, où les députés provinciaux manquant d'assiduité voient leur indemnité réduite de 25 p. 100 la première année et de 50 p. 100 la deuxième.
Deuxième question, comment utiliser les mesures budgétaires pour forger un climat propice à l'emploi et à la croissance? Encore une fois, l'emploi devrait être la grande priorité, avec une formation et une protection de la main-d'oeuvre, et en particulier des personnes âgées encore actives - cela, c'est parce que je représente l'Alberta Council on Aging. Réduire les heures de travail. Préserver les avantages sociaux. Améliorer la productivité. Susciter le zèle des employés. Réduire l'impôt sur le revenu.
Reconnaître l'apport des personnes âgées, 55 p. 100 du travail bénévole est effectué par des personnes âgées. Reconnaître l'apport des femmes au foyer. Le gouvernement doit élaborer une solution globale à ce qui est maintenant un problème national pressant, et le faire en collaboration avec le secteur privé.
Il faut une coopération intergouvernementale au Canada, et particulièrement intégrer l'assistance sociale, l'assurance-chômage, la formation et l'éducation à l'intérieur d'un filet de sécurité sociale restructuré.
Troisièmement, quels domaines d'activité fédérale pourraient-ils faire l'objet de coupures ultérieures, d'une commercialisation, d'une privatisation ou d'une dévolution à d'autres paliers de gouvernement?
Il faut restructurer le Sénat et il faut un gouvernement central fort capable de remplir les fonctions qui sont les siennes. Restructurer la Défense, Poste Canada, les Affaires étrangères, la représentation législative, les sociétés d'État, l'aide financière à l'étranger - je parle de l'aide au développement - tout domaine nouveau ou imprévu, la culture, le multiculturalisme, le biculturalisme - cela coûte cher et à quoi cela sert-il? La politique environnementale, l'immigration, l'agriculture, le droit - nous voulons le règne du droit mais pas celui des avocats, des juges et des bureaucrates.
Réduire le nombre des bureaucrates et leurs pouvoirs. Je pense que trop souvent les bureaucrates font le travail des élus.
La Constitution a fait son temps.
Le président: Pouvons-nous revenir à vous plus tard, monsieur Pitts?
M. Pitts: D'accord, je vous remercie.
Le président: Je vous remercie de la forme lapidaire.
Pauline Kay doit partir à 15h30, et je vais donc l'inviter à faire son exposé maintenant.
Mme Kay: Puis-je prendre aussi maintenant les 30 secondes réservées au mot de la fin?
Le président: Certainement. Nous pouvons même vous donner plus que cela.
Mme Kay: J'ai un mot à dire sur la théorie de la percolation. Je suis venue aujourd'hui avec des notes manuscrites parce que la notification de votre venue à Calgary ne m'est pas parvenue assez vite.
Je voudrais parler aujourd'hui d'un programme qui aiderait les personnes défavorisées et marginalisées à devenir autosuffisantes. Je me fais l'avocate de la cause des personnes qui ont un produit, un service ou une compétence à offrir mais qui ont besoin de formation ou d'un encadrement et de prêts pour le montant et la durée nécessaires.
Les gens sont déçus de voir que le Comité des finances ne s'est peut-être pas intéressé d'assez près aux recommandations du Small Business Working Committee. Certaines de ses recommandations vont tout à fait dans le sens de ce que j'ai à dire aujourd'hui.
En milieu rural, les Centres d'aide au développement des collectivités se sont avérés efficaces, s'agissant d'aider les chômeurs et assistés sociaux à fonder des micro-entreprises et petites entreprises, à un coût d'environ 3 000$ par emploi. Ce programme a créé 2,6 et 3,4 emplois par unité d'effort. Nous recommandons que cet effort soit poursuivi, élargi et peut-être davantage rentabilisé. Le coût de ce programme pourrait sans doute être réduit.
J'aimerais vous remettre un rapport de M. Don Dalke du Centre d'aide aux entreprises de Lethbridge et de sa région. Il dit que, au cours des quelques années d'existence du Centre, celui-ci a permis à plusieurs centaines de personnes de s'établir à leur compte, et que 2 millions de dollars par moi circulent de ce fait dans l'économie locale.
Je voudrais également déposer un rapport intitulé First Stop, un projet touchant le travail indépendant en milieu urbain. Le programme que je recommande s'adresse particulièrement aux exclus. Il ne ferait pas double emploi avec le travail d'autres institutions ou organismes, mais serait l'intermédiaire pour mettre ces services à la disposition de ceux qui en ont besoin, afin que ces derniers puissent y accéder facilement, sans devoir suivre une formation commerciale de neuf mois ou un cours universitaire en gestion d'entreprise.
Nous voulons remercier le Literacy Secretariat de financer un nouveau programme qui va démarrer à Calgary, visant à transposer les textes de nature commerciale en langage simple, et d'organiser un symposium à Calgary sur les meilleures méthodes en la matière.
Le principe est d'augmenter le nombre de gens payant des impôts et de réduire celui des assistés sociaux. Si nous pouvons faire quelque chose par le biais du programme d'assurance-chômage - et je pense que le système des bons d'éducation pourrait être une solution partielle - ce programme deviendra moins coûteux et profitera à plus de gens.
Les assistés sociaux réagissent bien à ce type de formation individuelle. Les chiffres de Lethbridge montrent que, sur les 30 assistés sociaux ainsi formés, 26 continuent à exploiter leur petite entreprise, quatre sont actifs dans un autre domaine et un seul est revenu à l'aide sociale.
Le document que je vous remets donne les chiffres par catégories de personnes marginalisées bénéficiant du programme ISE ou ATI: les femmes - elles font partie du groupe marginalisé, bien entendu - les autochtones, les personnes handicapées, les minorités visibles, les assistés sociaux et travailleurs âgés, avec le nombre d'entre eux qui ont pu monter une petite entreprise grâce à ce programme.
Nous avons également des chiffres venant des Centres d'aide au développement des collectivités de Colombie-Britannique et du Yukon qui montrent que, si normalement 80 p. 100 des entreprises échouent, une bonne formation et un bon encadrement ainsi qu'un accès au crédit font une grande différence. L'encadrement fait passer le taux de réussite à 80 p. 100. Dans certains cas, un crédit fait passer le taux de réussite à 92 p. 100.
En résumé, je dirai que ce sont les zones urbaines qui ont été négligées. Il y a 250 centres d'aide aux entreprises en milieu rural disséminés à travers le Canada. Il y a eu quelques programmes pilotes pour les jeunes. Nous avons maintenant quatre programmes pour les femmes dans l'Ouest. Mais dans l'ensemble, Victoria, Vancouver et les autres grandes villes du Canada ne disposent pas de ce genre de programme flexible, de formation flexible assortie de prêts.
Parlant de prêts, certains des crédits budgétaires destinés à ces prêts n'ont pas été renouvelés. Avec le taux de réussite de Lethbridge, avec 1,5 million de dollars estimés aujourd'hui à 1,8 millions... les prêts modiques pour mise de fonds sont rentables. Les gens qui reçoivent des prêts modiques les remboursent tout aussi volontiers, voire plus volontiers, que ceux contractant de gros emprunts.
D'Ottawa nous vient l'idée qu'il faudrait peut-être insister auprès des banques afin qu'elles réinvestissent dans leur collectivité. Il est question également que le gouvernement fédéral accorde des prêts pour fonds de démarrage, sur la base desquels les banques pourraient ensuite prêter elles-mêmes, conformément à leurs critères propres. C'est la mise de fonds initiale qui manque, particulièrement pour les montants inférieurs à 100 000$.
Nous espérons que l'on va conjuguer les efforts de Développement des ressources humaines, des Finances et du ministère de l'Industrie qui sont les bailleurs de fonds.
Le ministère de l'Immigration ne s'occupe pas de formation, alors que nous avons une autre catégorie marginalisée, les minorités ethniques. Dix-sept des pays de l'OCDE ont récemment instauré ce genre de programme.
Aux États-Unis, les recherches de Kauffman, qui ont été faites dans les villes, ont été appliquées à tous les États lorsqu'on a pris conscience du taux de succès que l'on obtient en mariant la formation, l'encadrement et le crédit.
Une autre idée est d'offrir ces prêts dans les villes en conjonction avec un bon comité communautaire, à l'instar du programme Développement des communautés. Ceux qui contribueraient à ce fonds de crédit pourraient peut-être jouir de certains allégements fiscaux en reconnaissance de la contribution qu'ils font à leur collectivité.
Le président: Merci beaucoup, madame Kay. C'était une excellente contribution. N'hésitez pas à partir lorsque vous le devrez.
Mme Kay: Je vous remercie. Je suis désolée de manquer le débat.
J'ai deux autres remarques à faire, si vous le permettez, monsieur le président.
Le président: Désolé, je ne savais pas.
Mme Kay: J'aimerais répondre à la position exprimée ce matin par quelqu'un, à l'effet que 30 000$ ne suffisent pas pour élever une famille. Je voudrais signaler que parfois ces 30 000$ sont imposés aux mains de deux personnes, traitées comme célibataires, et parfois imposés aux mains d'une même famille. Cela fait une différence sensible, de l'ordre de 1 600$, sans que le coût de l'éducation des enfants, d'une maison et d'une hypothèque et cetera ne change. Peut-être pourrait-on modifier le régime d'imposition pour en tenir compte.
Quelqu'un d'autre a mentionné l'argent placé à l'étranger. Notre suggestion est d'essayer de ramener au Canada cet argent, qui est placé dans des comptes en Suisse ou ailleurs, en offrant des obligations spéciales à un taux d'intérêt relativement faible mais qui serait exonéré d'impôt. Peut-être, dans ces conditions, ceux qui ont placé leur argent à l'étranger le ramèneraient-ils.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, madame Kay.
Monsieur Daly, c'est votre tour et je vous prie de revenir à la formule des trois minutes.
M. Bill Daly (président, Section Alberta, Corporation canadienne des retraités concernés): Il est plutôt difficile de condenser nos propos en trois minutes.
Le président: Vous aurez beaucoup de temps par la suite. Vous pouvez nous faire une synthèse de vos recommandations.
M. Daly: Je déteste quand les gens récitent des chiffres que je ne peux voir, c'est pourquoi j'ai demandé un tableau.
Je veux vous remercier de nous autoriser à nous exprimer ici, ainsi que de la lettre que vous m'avez fait parvenir dans le courant de l'année.
Une des choses qui me préoccupent sont les dégrèvements fiscaux. J'ai une liste de dégrèvements fiscaux qui a été dressée à Edmonton, la veille de Noël 1992. J'ai regardé ce que le gouvernement a fait depuis son arrivée au pouvoir, et la seule exonération qui ait été réduite est celle pour gains en capital. Il reste donc encore beaucoup de place pour rectifier cette situation et rendre l'impôt plus équitable.
Lorsqu'on regarde les dernières statistiques de Revenu Canada, on voit que 12 140 personnes ont gagné plus de 50 000$ dans l'année sans devoir payer d'impôt sur le revenu. On se dit que quelque chose ne va pas avec notre régime fiscal, lorsqu'on voit d'autre part ces personnes défavorisées qui ne demandent que 30 000$. J'aimerais que l'on travaille un peu plus fort là-dessus qu'on ne l'a fait jusqu'à présent.
L'autre chose qui me gêne énormément est ce qui se passe avec les critères de revenu. On dirait que chaque budget nous apporte un nouveau barème de revenu. J'ai dressé une liste, que vous trouverez dans les notes que je vous ai remises, pour faire apparaître certaines des divergences qui se font jour.
Dans le cas du SRG, les bénéficiaires commencent à voir diminuer la prestation à partir du premier dollar qu'ils touchent sous forme d'intérêts ou de pension du Régime de pensions du Canada. C'est un peu injuste que ces prestataires perdent 50¢ dès le premier dollar provenant du Régime de pensions du Canada ou d'intérêt... alors que dans le cas du crédit de TPS, le montant n'est réduit que de 5 p. 100 et ce à partir d'un seuil de 25 921$.
Si vous regardez ensuite l'assurance-chômage, dont a dit tout à l'heure combien elle nous coûte, le seuil à partir duquel la prestation commence à diminuer est de 63 000$. Pourquoi cette personne-ci perd-elle de l'argent dès le niveau zéro et l'autre seulement à partir de 63 000$ de revenu? Le gouvernement devrait vraiment regarder cela de plus près. C'est injuste pour la personne qui se trouve dans cette catégorie-ci et qui voit que d'autres prestataires ne subissent pas 50 p. 100 de réduction mais 5 p. 100. Cela n'a pas de sens.
En Alberta, nous avons des programmes complémentaires basés sur le Supplément de revenu garanti, si bien que si les gens ne sont pas admissibles à ce dernier, ils perdent également les prestations provinciales. Lorsque j'en ai parlé à Calgary il y a un an environ, le sous-ministre des Finances de Colombie-Britannique s'est levé et a signalé qu'ils perdent également l'aide médicale et les prestations pharmaceutiques s'ils ne sont pas admissibles au SRG, si bien que ce chiffre passe à75 p. 100. J'aimerais réellement que le gouvernement revoie cela et introduise une plus grande équité.
Le gouvernement est censé publier un rapport sur le vieillissement de la population. Il a été promis dans le budget mais nous ne l'avons pas encore vu. Neuf ou dix mois se sont écoulés depuis le budget et la rumeur veut que l'on ait retardé la publication à cause du référendum. Nous aimerions beaucoup voir ce que le gouvernement propose à l'égard des programmes sociaux. Nous savons qu'il les a examinés et qu'il compte ouvrir un débat à ce sujet. J'aimerais bien savoir ce qu'il propose pour avoir la possibilité d'en discuter un peu plus à fond.
Le président: Je vous remercie, pour le moment, monsieur Daly. J'apprécie beaucoup les précisions techniques que vous avez données.
Mme Rebecca Aizenmann (comparution à titre personnel): Monsieur le président et membres du comité, en tant que témoin comparaissant à titre personnel, je vous souhaite la bienvenue à Calgary. Je vous remercie de cette occasion de vous soumettre quelques idées.
En réponse à votre troisième question, à savoir quelles activités fédérales pourraient être dévolues à d'autres paliers de gouvernement, permettez-moi de parler d'un sujet qui préoccupe tous les Canadiens - en particulier les Albertains et les habitants de Calgary qui ont vu leurs hôpitaux entrer la semaine dernière dans un état de coma avancé.
J'aimerais dire quelques mots de la santé et du rôle du gouvernement fédéral à cet égard. Il est absolument indispensable que le gouvernement fédéral continue à jouer un rôle dans la santé et le préserve par tous les moyens nécessaires. J'irais jusqu'à dire que le rôle du gouvernement fédéral en matière de santé et d'assurance maladie devrait être inscrit dans la Constitution.
Je sais bien que le gouvernement fédéral finance les soins de santé et que les provinces administrent les crédits qui leur sont transférés à cet effet. Plus tôt dans la journée, quelqu'un - je pense que c'était vous, monsieur le président - a demandé si l'on peut faire confiance aux provinces. Ayant vu et vécu quotidiennement ce qui se passe dans ma province, je ne puis me fier à certains aspects du contrôle provincial. On pourrait sans doute dire la même chose en Ontario aujourd'hui, vu le contenu de son mini-budget récent.
Au moment de fixer vos objectifs de réduction du déficit, quelqu'un a-t-il jamais réfléchi aux effets d'ensemble des coupures sur les soins de santé, sur l'assurance maladie? Quelqu'un a-t-il réfléchi aux conséquences pour la population vieillissante, les catégories défavorisées, les handicapés, les mères seules ou leurs enfants?
J'aimerais revenir sur certaines des idées que la Commission HEAL vous a présentées la semaine dernière. J'ai eu la chance de pouvoir assister, dimanche après-midi, à l'exposé de cette coalition de groupes du domaine la santé. Elle a demandé que les réductions en matière de santé - qui me paraissent nécessaires - soient accompagnées d'une planification. En Alberta, depuis que les coupures budgétaires ont commencé, 600 millions de dollars ont été retranchés des dépenses de santé. On a recours massivement à la sous-traitance, laquelle était à l'origine de la quasi-paralysie de la semaine dernière. Des gens gagnant 7,50 $ de l'heure voyaient leur travail sous-traité. C'était la pointe de l'iceberg qui a failli tout faire capoter. Lorsque vous songez à réduire les crédits pour la santé, réfléchissez aux conséquences et planifiez un peu.
Puisque c'est vous qui distribuez les crédits fédéraux, vous devez préserver des normes nationales. On en a beaucoup parlé ce matin. S'agissant de la santé, il est absolument essentiel que les cinq principes de la Loi canadienne sur la santé soient préservés et rigoureusement appliqués. Je pense que beaucoup de Canadiens sont d'accord avec moi là-dessus.
Monsieur le président, si le temps le permet, j'aimerais suggérer qu'un comité soit mis sur pied pour collaborer étroitement avec le Forum sur la santé du premier ministre. Je pense qu'il couvrira certains chevauchements lorsqu'il se penchera sur les façons d'adapter le système de santé tout en préservant la qualité. Je pense que l'assurance maladie est notre institution la plus précieuse.
Plus précisément, pour faire des économies dans le domaine de la santé, je préconise que le gouvernement revoie les lois fédérales ayant des répercussions directes sur les soins de santé. Le projet de loi C-91, la législation touchant les brevets pharmaceutiques, en serait un exemple.
Le président: Je vous remercie, madame Aizenmann.
M. Ernest Lalonde (directeur, Développement des entreprises, Association charbonnière du Canada): Je me nomme Ernie Lalonde et je représente ici l'Association charbonnière du Canada. Je suis assisté par mon éminent collègue, M. Myers, de Fording Coal, ainsi que de Mme Kohut, qui se trouve dans la salle prête à nous applaudir, je l'espère.
C'est l'industrie charbonnière du Canada qui vous apporte l'électricité qui illumine cette salle. Elle est très importante pour la génération électrique et elle fournit une bonne partie de l'électricité canadienne. Nous contribuons également très largement à la balance commerciale canadienne vu que nous exportons du charbon dans le monde entier. Le charbon canadien est très largement utilisé par les pays riverains du Pacifique et d'Europe.
Nous avons comparu devant votre comité l'année dernière et y avons soumis un long mémoire. Nous n'avons pas l'intention de répéter ce que nous avons dit alors, mais je traiterai plus à fond certaines des questions que nous avions soulevées.
Le problème clé à l'heure actuelle pour l'Association charbonnière est le débat qui se déroule concernant la déduction relative aux ressources et l'imposition des sociétés qui les exploitent. Nous avons activement participé à cette consultation gouvernementale. Nous sommes grandement préoccupés de voir que Revenu Canada et le gouvernement en général se dirigent vers un système reproduisant le régime d'imposition de la fabrication et de la transformation. Ce sera très néfaste pour l'industrie charbonnière, puisque cela alourdirait considérablement notre fardeau fiscal.
Nous continuons à participer aux discussions. Nous attendons avec impatience le rapport au premier ministre qui devrait être prêt en décembre pour voir vers quoi l'on se dirige, mais nous sommes très inquiets.
Nous avons soulevé au fil des ans un certain nombre d'autres problèmes fiscaux qui continuent à nous préoccuper, particulièrement les fardeaux fiscaux fixes tels que l'impôt des grandes sociétés et les taxes sur le carburant. Un autre de nos sujets de préoccupation est l'excès de réglementation et le chevauchement réglementaire entre les provinces et le gouvernement fédéral.
Nous sommes vivement en faveur des initiatives gouvernementales visant à réduire et éliminer le déficit et éponger la dette. Nous pensons qu'il faut le faire au moyen d'une réduction des dépenses et non d'une majoration des impôts. Ce n'est pas en augmentant les impôts que l'on créera des emplois et assurera la croissance de l'économie canadienne, bien au contraire. Nous pensons qu'il faut stimuler l'économie. Nous pensons que la solution de nos problèmes de déficit passe par la croissance.
Parmi les autres sujets qui nous intéressent, nous avons eu de bonnes nouvelles ce matin lorsque le ministre McLellan a parlé d'alléger la réglementation et le contrôle administratif de l'industrie minière. Nous sommes pleinement en faveur de ce genre d'initiatives et nous pensons que quantité de règlements ne sont pas nécessaires et pourraient être supprimés.
Nous vous avons remis une version plus complète de mon intervention, sous forme de notes. C'est tout ce que j'avais à dire pour le moment. Je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur Lalonde.
M. Laughton: Je tiens à remercier le comité de son invitation. Je suis ici à titre personnel. Je vis à Edmonton. Je suis en route pour rencontrer un client à New York et Boston la semaine prochaine, et c'est ce qui m'a permis de faire ce crochet par l'autre ville de l'Alberta.
Le président: Il y a une autre ville en Alberta?
Des voix: Oh, oh!
M. Laughton: Celle-ci.
Je voudrais faire quelques remarques à titre personnel, et non pas en ma capacité professionnelle. Il se trouve que je suis économiste financier, mais cela n'a rien à voir avec ce que je vais dire.
Je laisserai de côté la première question touchant les objectifs de réduction du déficit, car je pense qu'il faudrait plutôt un objectif d'endettement. Je ne connais pas suffisamment la situation pour savoir quel devrait être cet objectif d'endettement, mais je suis d'accord avec les journalistes du Globe and Mail qui ont écrit que c'est sur cet élément de la politique financière qu'il faudrait mettre l'accent.
Je veux reprendre à mon compte ce qu'a dit l'autre personne de Calgary, à savoir que le gouvernement fédéral doit fixer des normes nationales en matière de programmes sociaux. Un peu comme les gouvernements provinciaux délèguent à des administrations régionales l'exécution des programmes sociaux - particulièrement les soins de santé - tout en imposant une certaine uniformité à l'échelle de la province, il incombe au gouvernement fédéral d'assurer l'uniformité d'une province à l'autre.
Le gouvernement fédéral a également pour responsabilité d'assurer la mobilité de la main-d'oeuvre. C'est particulièrement important au niveau de la couche supérieure du marché du travail, où une mobilité réduite pourrait nuire au bon usage des ressources économiques.
Je suis fortement partisan du maintien par le gouvernement fédéral de moyens de pression financiers suffisants pour imposer le respect de la Loi canadienne sur la santé. J'espère que le Forum national sur la santé examinera ce qui se fait dans diverses provinces et pays, déterminera comment l'Alberta fait pour consacrer une proportion moindre de son PIB à la santé que certaines des autres provinces et verra quelles économies peuvent être réalisées tout en maintenant une présence fédérale propre à garantir les normes nationales.
La deuxième question dont je voudrais traiter est la proposition du Parti réformiste visant à remplacer la TPS et l'impôt sur le revenu actuel pas un impôt uniforme. Je ne sais pas si vos délibérations vont porter là-dessus, mais vous vous êtes penchés il y a quelques années, dans un de vos rapports, sur l'idée de supprimer la TPS et de l'intégrer dans l'impôt sur le revenu, avant de la rejeter. Je n'ai pas compris vos raisons. C'est une idée pleine de bon sens.
Si vous regardez l'ensemble des propositions de réforme fiscale émises par les économistes avant l'introduction de la TPS, ils avaient mis en garde contre la création de bureaucraties parallèles pour la perception d'une taxe de vente nationale, alors que nous avons déjà, à toutes fins pratiques, une taxe sur la consommation, par le biais des REÉR, dans notre régime d'impôt sur le revenu. Je vous invite donc à envisager de supprimer la TPS, qui freine la croissance économique parce qu'elle coût cher à percevoir et incite à la fraude fiscale, et à la remplacer par des taux d'impôt sur le revenu plus élevés, ce qui reviendra à toutes fins pratiques au même pour la grande masse des Canadiens qui n'utilisent pas pleinement la déduction au titre des REÉR.
Par ailleurs, si vous voulez harmoniser notre fiscalité avec celles de nos partenaires commerciaux, vous devriez envisager un impôt sur les successions, impôt qui a été supprimé chez nous il y a quelque temps.
Enfin, la raison pour laquelle je me rends à Boston et New York plutôt qu'à Toronto est le délabrement de notre système universitaire. Mon collègue assis à ma droite en parlera. Je suis donc en faveur du financement du système éducatif postsecondaire dans notre pays, car cela est essentiel à l'expansion et à l'emploi.
Le président: Je vous remercie, monsieur Laughton.
Dr Joel H. Weiner (doyen associé (Recherche), Faculté de médecine, Université de l'Alberta): Je vous remercie de cette possibilité de prendre la parole aujourd'hui, mais je dois vous prier de m'excuser car je devrai partir avant la fin pour attraper un vol pour Edmonton à 16 h 15.
Le président: Beaucoup de gens prévoient de partir avant que je puisse dire un mot, particulièrement ceux qui étaient là ce matin et m'ont entendu.
Dr Weiner: J'ai assisté à la séance de ce matin - j'étais là - et j'ai écouté. Je voudrais surtout traiter du point numéro deux, c'est-à-dire la possibilité d'utiliser les mesures budgétaires pour stimuler l'emploi et la croissance.
Nous avons présenté un mémoire l'année dernière et argué en faveur du maintien des crédits à la recherche fondamentale, par l'intermédiaire des trois conseils de subvention, et le financement de l'éducation universitaire, et nous allons simplement réitérer ces propos. Le comité a bien compris nos arguments et a clairement recommandé dans son rapport de l'année dernière de ne pas réduire les budgets des conseils de subvention. Malheureusement, c'était dans les 10 p. 100 de vos recommandations que le ministre Martin n'a pas suivies. La première chose que nous vous demanderons donc cette année est de crier encore plus fort afin que le message passe, car c'est l'un des meilleurs investissements que le gouvernement puisse faire. Ce n'est pas une dépense, c'est un investissement.
Deuxièmement, j'aimerais signaler certaines des leçons que nous avons apprises en Alberta au cours de l'année écoulée. Les écoles de médecine de l'Alberta ont été doublement frappées. Nous avons subi une baisse substantielle du financement universitaire qui, selon le mode de calcul, équivaut à près de 30 p. 100. Nous dépendions également de crédits du secteur de la santé, et le financement de la santé dans la province a été très largement réduit. Pourtant, nous avons survécu.
Pourquoi avons-nous survécu? Nous avons survécu parce que nous sommes compétitifs. Pour vous donner un exemple, les crédits de recherche médicale dans les deux universités se montent à près de 100 millions de dollars par an, qui proviennent d'en dehors de la province. Cela crée près de4 000 emplois directs dans la recherche dans les deux universités, avec des retombées économiques énormes en dehors.
Pourquoi sommes-nous compétitifs? Nous sommes compétitifs parce que, il y a une quinzaine d'années, le gouvernement albertain a investi, par le biais du Alberta Heritage Foundation for Medical Research, dans l'édification d'un environnement dans cette province qui nous a permis de percer dans les domaines médical et biomédical. Il faut attendre longtemps avant qu'un tel investissement rapporte, mais il rapporte maintenant. La Fondation emploie directement plusieurs centaines de personnes, ce qui nous donne une masse critique, et ces personnes rapportent beaucoup plus à l'économie de la province qu'elles ne lui coûtent.
Il y a là une véritable leçon à tirer par le pays, car des sommes énormes sont disponibles pour la recherche à l'échelle internationale et nous avons une possibilité très réelle d'en attirer davantage chez nous.
L'intervenant de l'autre côté de l'allée a demandé que l'on revoie le projet de loi C-91. Eh bien, le projet de loi C-91 est ambivalent et le gouvernement doit réellement réfléchir tant aux avantages qu'aux inconvénients. Nous avons constamment ce problème d'un palier de gouvernement en lutte avec un autre. La législation peut être conçue de telle façon que les avantages économiques l'emportent de loin sur les coûts pour le système de santé.
Je voudrais mentionner pour terminer le Conseil de recherches médicales. L'année dernière, le ministre Martin a fait état dans son Discours du budget de certaines mesures novatrices auxquelles le CRM a participé, telles que le Fonds canadien pour les découvertes médicales, visant à mener jusqu'à l'exploitation commerciale, en passant par la recherche appliquée, certaines des découvertes faites dans notre pays.
M. Axworthy a instauré au sein du Conseil de recherches médicales un programme d'emploi des jeunes, qui permet à de jeunes chômeurs ayant une formation scientifique d'acquérir davantage d'expérience et trouver plus facilement un emploi. Nous avons également élaboré, avec l'Association canadienne de l'industrie des médicaments et le CRM, plusieurs programmes de financement de la recherche.
Le budget de la santé dans notre pays peut tolérer quelques coupures. Nous pensons qu'il y a quelques gaspillages. Nous pensons que l'on pourrait économiser au moins 1 p. 100 du PIB, c'est-à-dire environ 10 p. 100 du budget de la santé, à condition de suivre les répercussions de près. Cela donnerait aux provinces une énorme flexibilité pour augmenter les crédits de l'éducation, ce qui apporterait de grands avantages à long terme. À l'heure actuelle, bien entendu, puisqu'on dépense tant pour la santé, l'argent ne suffit tout simplement pas et l'éducation en pâtit grandement chez nous.
Enfin, l'Université de l'Alberta a beaucoup investi l'année dernière dans les liaisons avec l'industrie. Même avec ces énormes coupures, nous avons beaucoup investi dans les ressources humaines. Nous avons recruté Jim Murray. Vous êtes nombreux à avoir lu l'article dans le Globe and Mail disant qu'Edmonton est devenu un centre d'investissement industriel et scientifique à cause de cela, et il en a résulté la création d'un grand nombre d'entreprises dérivées. Ce mouvement ne peut que s'amplifier. Les petites entreprises sont réellement le moteur du pays.
Parfois il faut investir un peu pour récolter des avantages futurs, même lorsque l'argent fait défaut et que les temps sont très durs. Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, docteur Weiner.
David Elton n'est pas un étranger à notre comité et nous a beaucoup aidé par le passé.
M. David Elton (président, Canada West Foundation): Je vous remercie, monsieur le président.
Ce que je vais dire est fondé sur les recherches que nous menons depuis un certain nombre d'années, à essayer de tracer la voie vers un gouvernement à la mesure de nos moyens comme nous l'avons vu émerger dans cette province.
Le gouvernement national a eu quantité de prédécesseurs pour lui frayer la voie. Au Canada, plus de la moitié des provinces se sont trouvées dans des circonstances tout aussi difficiles que la situation actuelle du gouvernement national, mais ont réussi ces dernières années à équilibrer leur budget. Les moyens employés par la Saskatchewan sont différents de ceux du Manitoba, du Nouveau-Brunswick, de l'Alberta ou de Terre-Neuve. Mais le fait est que ces gouvernements ont mis en place des mécanismes et des modalités, qui diffèrent parfois sensiblement, mais qui ont néanmoins atteint leurs objectifs.
Donc, pour répondre à votre première question, les recherches que nous avons faites montrent que, dans tous les cas où un gouvernement a pu maîtriser ses dépenses, il l'a fait en fixant un objectif, et celui-ci a toujours été un déficit nul. Il a fallu pour cela prendre des mesures d'économie, surveiller de près les dépenses, etc. Il y a différentes façons d'atteindre cet objectif mais, à l'évidence, la seule d'y parvenir est de se donner effectivement ce but.
Que ce soit cette année ou l'année prochaine, le gouvernement du Canada devra se fixer pour objectif un déficit nul. Il ne le fera pas simplement parce qu'il aime voir deux colonnes bien nettes sur un bilan, les recettes et les dépenses. Il le fait pour la raison donnée par l'intervenant précédent: sans la maîtrise des dépenses, il n'aura pas les moyens de financer à l'avenir le genre de choses dont vous parliez, de stimuler la croissance économique ou de créer des emplois. C'est pourquoi le déficit est néfaste. S'il y une chose qui tue l'emploi dans ce pays, c'est l'incapacité du gouvernement à maîtriser ses dépenses d'une manière équitable.
Je pourrais continuer et répondre à vos questions deux et trois. Nous vous avons laissé quelques notes fondées sur les recherches que nous avons faites.
Je vais parler de votre troisième question. Quels domaines d'activité fédérale pourraient-ils encore faire l'objet de coupures? Il est toujours facile de parler de la nécessité de couper, mais c'est une autre affaire lorsqu'il s'agit de décider où, car peu importe où l'on coupe, on va toujours faire mal à quelqu'un. Toute coupure va fondamentalement modifier la façon de travailler ou de vivre d'une certaine catégorie. Permettez-moi de vous suggérer quelques possibilités.
Le gouvernement n'a pas encore classé ses dépenses par ordre de priorité, et il doit le faire. Il faut définir beaucoup plus clairement quand et pourquoi on subventionne les revenus de certains citoyens. Permettez-moi de mentionner quelques postes de dépense qui vont sûrement provoquer des réactions autour de cette table, tant positives que négatives.
Il ressort de travaux effectués par le Dominion Bond Rating Service et quelques autres que sur les 20 milliards de dollars dépensés chaque année pour la pension de sécurité de la vieillesse, près de 7 milliards vont à des personnes dont le revenu dépasse 25 000$. Nous ne parlons pas ici de ménages, nous parlons de personnes. Est-ce le bon niveau? S'agissant d'un couple, cela fait 50 000$, n'est-ce pas? Il me semble que les compléments de revenu que nous versons sont à revoir de bout en bout.
Permettez-moi de revenir sur une remarque faite tout à l'heure, et au sujet de laquelle quelqu'un à ma droite s'est exclamé: «Je ne peux le croire». Le Livre vert sur la sécurité sociale nous dit que 40 p. 100 des prestations d'assurance-chômage dans notre pays sont versées à des familles dont le revenu annuel cette année-là dépassait 50 000$. Est-ce vraiment le meilleur usage que l'on peut faire de cet argent?
Le gouvernement doit revoir le niveau jusqu'auquel il subventionne les revenus. S'il peut le faire pour toute la multitude de ses programmes, on pourrait réduire sensiblement le montant qu'il dépense - non de quelques millions ou centaines de millions de dollars, mais de milliards de dollars. Cela permettrait d'avoir un déficit nul et vous permettrait également, pour ce qui est de l'avenir, d'investir dans le genre de recherche dont mon collègue vient de parler.
Monsieur le président, je dois malheureusement partir pour prendre un vol pour l'Est, mais l'un des auteurs des rapports dont nous avons tiré ces résultats se trouve ici et je vais lui demander de me remplacer à la table. Il s'agit de M. Casey Vander Ploeg. Je sais qu'il voudra participer à la conversation avec vous après les exposés.
Le président: Je vous remercie d'être venu, David.
Mme Narman Hassam (vice-présidente, Internal, University of Alberta Students' Union): Monsieur le président, verriez-vous un inconvénient à ce que Sumreen et moi fassions notre exposé tout de suite, car je...
Le président: Parce que vous aussi voulez partir.
Des voix: Oh, oh!
Mme Hassam: Nous ne voulons pas partir. Simplement, personne n'a encore parlé du sujet dont nous voulons traiter et probablement personne ne le fera, et je ne voudrais pas que tout le monde parte avant que nous puissions parler.
Le président: Absolument. Allez-y.
Mme Hassam: Je vous remercie de nous permettre de passer devant tout le monde et de nous donner la parole ici aujourd'hui.
Le gouvernement fédéral a manifestement énoncé des objectifs importants sur le plan de la réduction de la dette, de la création de richesse et d'emplois, entre autres. Pour remplir ces objectifs, le pays aura besoin d'une main-d'oeuvre hautement qualifiée, productive et flexible. La création de richesse ne peut plus être le seul fait des ressources naturelles ou de l'investissement dans l'infrastructure traditionnelle. Nous devrons, à l'avenir, faire appel aux capacités et à l'ingéniosité de notre main-d'oeuvre pour créer de la valeur ajoutée dans les secteurs économiques tant traditionnels que nouveaux.
L'éducation postsecondaire est un investissement d'importance fondamentale pour le bien-être économique à long terme du pays. Ce n'est pas un fardeau financier. Une population instruite est la condition préalable tant à la croissance économique qu'à l'épanouissement de la société.
L'éducation donne aux Canadiens les connaissances, les aptitudes, l'état d'esprit et l'expérience dont ils auront besoin pour prendre en main leur avenir. C'est elle qui crée les penseurs à l'esprit critique dont on a besoin pour tracer la voie du changement dans notre société et qui crée la main-d'oeuvre flexible et adaptable requise pour accompagner ces changements. C'est l'éducation qui rend possible la recherche et le changement technologique et permet à la population de mettre à profit ces changements. L'éducation favorise la démocratie en créant une population lettrée et instruite, qui fait reculer le taux de criminalité et décroître la dépendance à l'égard des programmes de santé et de bien-être social.
Mme Ahmad: C'est pourquoi nous demandons et recommandons au gouvernement fédéral de prendre plusieurs mesures à la poursuite de ces objectifs.
Tout d'abord, nous recommandons la suppression du Transfert canadien en matière de santé et de services sociaux, dont le nom même ne fait aucune mention de l'éducation fondamentale ou postsecondaire à laquelle il contribue, et son remplacement par un nouveau programme de financement susceptible de guider les activités et dépenses des provinces, et de promouvoir ainsi l'impératif national d'une population instruite.
Deuxièmement, nous recommandons le maintien des niveaux actuels de financement de l'éducation postsecondaire pendant une période de quatre ans, de façon à donner aux établissements le temps de planifier et de se préparer aux changements, au lieu d'être contraints sans cesse de réagir.
Troisièmement, nous recommandons que le gouvernement participe activement à la conférence nationale organisée en mars prochain par la Canadian Alliance of Student Associations. Son but est de rassembler tous les intervenants dans l'éducation postsecondaire et d'assurer que l'éducation figure en bonne place dans les programmes d'action.
Enfin, nous recommandons qu'une loi nationale sur l'éducation, similaire à la Loi canadienne sur la santé soit rédigée en concertation avec toutes les parties prenantes de façon à donner au système éducatif postsecondaire la mission, la vision et le mandat dont il a besoin.
Au cours des deux prochaines années, les contributions fédérales à la santé, au bien-être social et à l'éducation seront amputées de 7 milliards de dollars. Les étudiants de tout le pays attendent aujourd'hui, respiration suspendue, faisant pression sur leurs représentants provinciaux et administratifs, espérant que l'année prochaine l'établissement qu'ils fréquentent existera encore et priant qu'ils auront encore les moyens de payer leurs études. Ce genre d'incertitude, pour parler franc, est parfaitement ridicule. Il n'appartient pas qu'aux étudiants ou aux administrations universitaires de faire en sorte que les Canadiens disposent d'un système éducatif fiable et de qualité exceptionnelle.
Mme Hassam: Les gouvernements provinciaux et fédéral doivent déterminer la vision, la mission et le mandat de l'éducation postsecondaire, en concertation avec les étudiants, les établissements et le monde du travail avant de s'engager dans une nouvelle ronde de coupures budgétaires. Ce n'est que raison et justice.
La dette et le déficit, qui sont au coeur de la politique fédérale actuelle, ne disparaîtront pas demain et ne le doivent pas non plus. Leur élimination pourra se faire au fil du temps, et plus efficacement, si des principes fondamentaux déterminent les décisions budgétaires, au lieu de l'inverse. Il est possible de réaliser des économies en réduisant les doubles emplois dans les services administratifs et dans l'enseignement, mais ce ne peut se faire correctement qu'au moyen d'une planification, et non par simple réaction.
Le président: Merci beaucoup.
Madame Palmer, vous aussi, les membres du comité vous ont rencontrée déjà à plusieurs reprises. Nous sommes ravis de vous revoir.
Mme Nancy Palmer (directrice, Planned Giving and Major Gifts, Foothills Hospital Foundation): Je vous remercie infiniment de me permettre de comparaître à nouveau. Je vais vous parler aujourd'hui de la création d'un fonds de dotation pour la santé.
Je vous invite à extraire ce document que nous vous avons fait parvenir. Je vais m'y reporter dans un moment. L'avez-vous, Jim?
Le président: Oui.
Mme Palmer: Comme vous le savez, je comparais aujourd'hui au nom de la Foothills Hospital Foundation et je vais vous parler du but de la création d'un fonds de dotation pour la santé.
Le but d'une dotation est de créer un fonds permanent, c'est-à-dire une source de revenus, à des fins caritatives. Nous commençons à mettre sur pied un programme de création de fondations pour la région sanitaire de Calgary. La raison est que nous avons besoin d'argent. Un fonds de dotation fait appel à des fonds privés comme moyen de parvenir à nos objectifs financiers, en utilisant des dons planifiés. La planification de dons passe par la planification fiscale, généralement dans le contexte d'une succession, le donateur souhaitant faire une contribution, comme dans notre cas, aux soins de santé. Le don planifié fait appel à des dispositions de la législation fiscale qui accroissent la valeur du don fait à notre cause tout en accordant des avantages fiscaux au donateur.
Comme la CAGP, la Canadian Association of Gift Planners, vous l'a déjà dit lors de sa comparution antérieure à Ottawa, nous pensons que le ministre des Finances et Revenu Canada doivent réaliser que les instruments utilisés pour la planification de dons ne sont pas un procédé d'évitement fiscal. C'est plutôt le moyen pour des particuliers d'investir dans leur collectivité.
Il faut introduire de nouveaux instruments de don pour offrir aux donateurs un vaste choix de modalités pour effectuer leurs dons. Par exemple, des fonds de revenu mis en commun, groupant les petites contributions qui ne seraient pas reconnues individuellement comme fiducie de rentes avec droit réversible à une oeuvre de bienfaisance, peuvent être gérés comme un fonds unique.
En outre, les avantages fiscaux pourraient être accrus. En particulier, comme on vous l'a suggéré à maintes reprises déjà, le don d'un bien assorti d'une plus-value devrait être exonéré de la taxe sur les gains en capital.
La Health Foundations Act qui vient d'être adoptée en Alberta et qui instaure des fondations d'État dans le domaine de la santé est un exemple de législation positive. Les bénévoles de mon programme de fonds de dotation pour la santé se fixeront des objectifs ambitieux en vue de répondre aux besoins en matière de soins médicaux et de santé de Calgary et du sud de l'Alberta.
Pour vous donner une idée du rythme de croissance aux États-Unis des caisses de dotation pour les universités et la santé, je vous renvoie à la page marquée par la petite étiquette autocollante où il est écrit «signez ici». Vous y voyez l'évolution de la valeur des fonds de dotation hospitaliers sur cinq ans, soit la valeur absolue en 1985 et en 1990 et le rythme de croissance. Le rythme de croissance sur cinq ans est impressionnant.
À la page suivante, j'ai surligné trois petites universités américaines qui ont vu leurs fonds de dotation augmenter considérablement au cours des 25 dernières années. C'est ce genre de potentiel que nous visons à réaliser avec nos fonds de dotation pour la santé dans cette province.
Dans notre cas, Calgary dispose d'environ 28 millions de dollars en fonds de dotation. Cependant, la plus grande partie de cet argent, soit 22 millions de dollars, est réservée aux services pédiatriques de l'Hôpital pour enfants de l'Alberta. Près de 6 millions de dollars sont des fonds non spécifiques pour Foothills. Ces deux fonds de dotation ont acquis une importance nouvelle pour notre collectivité en raison des coupures récemment effectuées dans le budget de la santé. Il s'agit donc pour nous de développer ces fondations pour l'avenir. Nous avons pour cela besoin de votre aide, sous la forme d'un encouragement à faire des dons importants de biens d'immobilisation et renforcer ainsi ces fondations.
Enfin, je voudrais dire un mot de la manière dont la collecte de fonds pour la santé est perçue dans notre secteur. Cette collecte va jouer un rôle beaucoup plus important dans nos collectivités. Parfois, le succès de cette collecte de fonds est perçu de façon négative dans notre secteur. Mais nous pensons que c'est à l'avantage de l'ensemble de la collectivité.
Ce qui compte, c'est de pouvoir accroître la qualité des soins pour tous les membres de la collectivité. Si vous parcourez nos hôpitaux, vous verrez que la plupart des patients ne sont pas des gens instruits et riches, mais ils bénéficient, sur un pied d'égalité, de la générosité de ceux qui donnent.
Pour résumer, la Foothills Hospital Foundation soumet deux recommandations au comité: premièrement, s'il vous plaît, ne touchez pas au statut des fondations d'État; deuxièmement, s'il vous plaît, exonérez les dons de biens assortis de plus-value de la taxe sur les gains en capital.
Le président: Je vous remercie, madame Palmer. C'est là un sujet très important à nos yeux.
Nous entendons ensuite Tim Madden et Larry Whaley de la Borrowers' Action Society.
M. Whaley: Je ferai l'exposé et Tim interviendra pendant la discussion.
Je tiens à vous remercier, monsieur le président et membres du comité, d'être revenus en Alberta nous écouter. Nous avons comparu l'année dernière à Edmonton. Nous vous avions dit alors que vous ne posiez pas les bonnes questions et que, de ce fait, vous obtiendriez les mauvaises réponses. Il apparaît que nous avons eu tort. Vous avez posé les mauvaises questions mais, en dépit de cela, bon nombre d'intervenants vous ont donné les bonnes réponses.
Ces réponses vous ont amenés, si j'ai bien compris votre dernier rapport, à organiser une réunion spéciale de ce que vous appelez des experts et de ce que j'appellerais des défenseurs d'intérêts acquis, et vous leur avez posé, en substance, trois questions.
Permettez-moi de vous rappeler qui étaient ces défenseurs d'intérêts acquis. Il s'agissait, premièrement, des banques privées; deuxièmement, des responsables de la Banque du Canada; troisièmement, de certains experts, selon votre rapport. Nous ne savons pas quels experts, ni pourquoi ou comment ils ont été choisis.
La réponse aux questions que vous avez posées a été non, dans tous les cas. Ces questions, je vous le rappelle, étaient les suivantes: Le gouvernement devrait-il obliger la Banque du Canada à baisser les taux d'intérêt? Le gouvernement devrait-il obliger la Banque du Canada à monétiser la dette? Faut-il rapatrier la dette?
Je pense que ce sont les questions que vous devriez soumettre ici aujourd'hui au lieu de celles que vous posez, qui sont encore une fois les mauvaises questions. Vous devriez poser ces trois questions aux gens assemblés ici et vous devriez élargir l'auditoire. Vous devriez poser ces questions à l'ensemble de la population.
Vous devriez ajouter deux autres questions à la liste. La première serait celle-ci : faut-il remplacer la TPS par une taxe sur les transactions financières? Nous entendons par là une taxe sur toutes les transactions financières ou, si vous voulez, certaines transactions financières seulement, mais en veillant à ne pas oublier les cambistes et ceux qui aiment à parier contre notre pays sur les marchés monétaires et ceux qui spéculent en bourse. Ce serait donc la quatrième question.
La cinquième question serait de savoir si la Banque du Canada devrait offrir des prêts à faible intérêt ou sans intérêt aux gouvernements provinciaux afin de rembourser la dette encourue pour le financement de l'infrastructure, des projets environnementaux et de la création d'emplois.
Posez ces cinq questions à l'ensemble des Canadiens au lieu des défenseurs d'intérêts particuliers de l'année dernière et je pense que vous aurez une réponse très différente de celle que ces derniers vous ont donnée. Si vous le faites, si vous ouvrez un débat national sur les enjeux véritables, qui sont énoncés dans ces questions, vous constaterez bien vite que la grande majorité des Canadiens est capable de voir au-delà de la rhétorique des instituts de réflexion de droite et des banquiers et peuvent proposer des solutions réelles aux problèmes réels du Canada.
Il ne sert strictement à rien de proposer de sabrer davantage de programmes sociaux sans s'interroger sur leur utilité, simplement pour faire des économies et sans envisager de les améliorer. Si vous ouvrez ce débat, ces défenseurs d'intérêts acquis hurleront au loup mais vous résoudrez les problèmes du Canada.
Le président: Il est important que vous soyez là pour soulever ces questions.
Monsieur Gallagher, je vous prie.
M. Frederick Gallagher (représentant, Pembina Institute): Je vous remercie de me faire une petite place et d'écouter ce que j'ai à dire. Je suis désolé d'arriver ainsi à la dernière minute. Étant donné la météo, j'ai dû venir remplacer les autres personnes qui n'ont pu venir.
J'aimerais parler de l'emploi et de la croissance sous l'angle des mesures budgétaires qu'il convient d'envisager. Je voudrais d'abord vous dire qui nous sommes.
Je représente le secteur des énergies renouvelables. J'ai travaillé ici, en Alberta, à la restructuration de l'industrie électrique de la province. Je veux me concentrer dans mon intervention sur le secteur des énergies renouvelables et sur ce que l'emploi et la croissance peuvent signifier dans ce contexte particulier.
Nous avons au Canada une ressource éolienne de tout premier plan. Nous possédons, en Alberta, la province que je connais le mieux, une merveilleuse ressource éolienne qui, partout ailleurs dans le monde, serait déjà très largement exploitée. C'est une ressource également abondante dans le reste du pays, au Québec, en Ontario, dans les provinces de Prairies et également en Colombie-Britannique.
La technologie d'exploitation a déjà fait ses preuves dans de nombreuses régions du monde. Elle engendre un bassin d'emplois considérable. Je voudrais simplement vous citer quelques chiffres californiens afin que vous puissiez voir ce qu'apporte une industrie aérogénératrice pleinement développée. Ils proviennent d'une publication rédigée par un certain Paul Gipe. Apparemment, 460 emplois par terawatt sont engendrés directement, et environ 1 500 indirectement.
Concernant les ressources éoliennes de l'Alberta, celles que je connais le mieux, une étude du CNR faite il y a un an ou deux indique que la capacité de la province se situe entre 700 et 1 500 mégawatts. Je traduirai cela pour vous en deux à quatre terawatt-heures par an d'énergie électrique. Cela représente donc environ 1 000 emplois directs ici, en Alberta, et 3 000 emplois indirects. Je ne parle pour l'instant que de la ressource éolienne du sud de l'Alberta.
J'ai tenu à m'adresser tout particulièrement à vous car la Loi de l'impôt sur le revenu dresse un obstacle majeur devant l'investissement dans le secteur des énergies renouvelables. Je tenais à vous signaler cela. Il s'agit de la catégorie DPA 43.1. C'est ce que l'on appelle la règle de propriété énergétique spécifique. Elle n'est applicable qu'aux énergies renouvelables et à certains projets de conservation de l'énergie. Elle limite, en substance, la capacité de l'industrie des énergies renouvelables à utiliser la catégorie de DPA telle qu'elle avait été conçue à l'origine, du point de vue du rythme et de l'ampleur de l'amortissement.
À l'heure actuelle, la règle de la propriété énergétique spécifique contraint les projets d'énergie renouvelable à ne déduire leurs frais que des revenus dégagés, à moins de s'adresser à une société de capitaux principale pour le financement qui pourra, elle, utiliser la déduction. Malheureusement, la règle de la société de capitaux principale contraint le secteur des énergies renouvelables à faire appel à leurs concurrents du secteur des hydrocarbures comme investisseurs car les avantages fiscaux sont limités au secteur énergétique et aucun autre investisseur canadien ne peut en bénéficier.
Par conséquent, s'il est vrai que le secteur des combustibles fossiles investit beaucoup dans les ressources énergétiques de tout le pays, son utilité pour nous est quelque peu limitée en ce sens que ces entreprises disposent d'avantages fiscaux beaucoup plus intéressant dans le secteur des combustibles fossiles traditionnels.
Je voulais attirer votre attention sur le fait que nous disposons d'une ressource très précieuse dans tout le Canada sur le plan de la génération éolienne et des énergies renouvelables. Elle n'est pas exploitée aujourd'hui, à cause de cette seule règle fiscale.
Le président: Monsieur Gallagher, pourquoi les entreprises d'énergie conventionnelle voudraient-elles faciliter le développement des ressources renouvelables?
M. Gallagher: C'est un gros obstacle. Cependant, certaines sont intéressées, néanmoins, à investir dans les énergies renouvelables. Mais vous avez raison. Il y a là une divergence d'intérêt et elles obtiennent de meilleurs avantages fiscaux dans leur propre secteur. Pourquoi investiraient-elles chez nous, dans ces conditions?
Le président: Nous avez-vous donné tous les détails dans un texte écrit?
M. Gallagher: Non, car j'ai manqué de temps, mais je peux vous rédiger une synopsis.
M. Marr-Laing: Je tiens moi aussi à remercier le comité de cette occasion de prendre la parole.
Je pense que vous avez reçu les textes du Pembina Institute, tant les notes pour l'exposé que le mémoire plus détaillé. Le contexte dans lequel s'inscrivent nos propos a été tracé initialement par le ministre des Finances lorsqu'il a dit qu'il continuera à revoir le régime fiscal pour déterminer si le traitement fiscal actuel des investissements dans l'éconergie, les énergies renouvelables et non renouvelables est approprié et si d'autres améliorations peuvent être apportées. Voilà le premier point.
Deuxièmement, un document récemment signé par le Cabinet indique que le CNR va réorienter sa politique énergétique afin de privilégier non plus l'offre traditionnelle mais les améliorations de rendement énergétique et les sources d'énergie renouvelables, de même que l'environnement et le développement.
Le Pembina Institute est une organisation non gouvernementale indépendante qui se consacre principalement à la politique et à la recherche énergétiques. Nous sommes une sorte d'institut de réflexion du nord de l'Alberta. La personne qui a consacré toute une année de recherche à cela, Stephanie Cairns, que certains d'entre vous connaissent peut-être, n'a malheureusement pu se rendre jusqu'ici en raison du mauvais temps. Je ne suis que le directeur exécutif, et je ferai de mon mieux dans les prochaines minutes pour vous communiquer les éléments saillants que nous voulons porter à votre attention. Je m'en tiendrai aux deux premiers points évoqués dans le mémoire, laissant de côté le troisième.
Les recherches que nous avons effectuées mettent en évidence un certain nombre d'obstacles qui pénalisent l'efficience énergétique et les énergies de remplacement et renouvelables. Nous pensons qu'il suffirait de quelques modifications fiscales simples pour lever ces obstacles. Il importe de considérer ces réformes comme un tout pour assurer leur neutralité du point de vue des recettes fiscales.
La première touche les modifications éconergétiques. Nous pensons qu'il importe d'égaliser le traitement fiscal des investissements dans l'efficience énergétique et celui des investissements dans l'offre énergétique. Les premiers ne reçoivent pas un traitement fiscal aussi favorable que les seconds. Ils sont même pénalisés par le régime fiscal et les détails que vous trouverez dans le texte l'expliquent. Dans la pratique, cela signifie que les investissements dans l'efficacité énergétique, que l'on veut officiellement encourager, reviennent à donner un prêt sans intérêt au gouvernement.
Mon collègue a déjà évoqué certains aspects et j'en ajouterai d'autres. Il importe donc d'assouplir les règles de propriété énergétique spécifiques applicables aux investisseurs dans la catégorie DPA 43.1.
Deuxièmement, il importe d'ouvrir la définition des dépenses admissibles au titre de la catégorie DPA 43.1 afin d'y englober d'autres énergies de remplacement actuellement omises, ou bien de créer une nouvelle catégorie de DPA pour elles.
Troisièmement, il importe d'égaliser la disponibilité d'actions accréditives à l'échelle de tout le secteur énergétique. Le fait que les actions accréditives ne soient disponibles qu'au secteur des hydrocarbures et de l'uranium pénalise les autres industries énergétiques, telles que le secteur des énergies renouvelables, dans la quête de capitaux. Cet obstacle est encore renforcé par la restriction touchant les investisseurs passifs contenue dans la catégorie 43.1.
La conjugaison de ces deux restrictions signifie que les énergies renouvelables n'ont pas accès aux capitaux-risque des fonds de capital-risque, des fonds de pensions, des compagnies d'assurances, etc. aussi facilement que le secteur pétrolier. Le mécanisme des actions accréditives pourrait être élargi à l'ensemble des industries énergétiques sans perte de recettes fiscales pour le gouvernement, simplement en appliquant des taux ou des critères plus restrictifs à la déduction.
Le président: Bien.
M. Marr-Laing: Je n'ai pas tout à fait fini. Je vais essayer d'accélérer.
Pour ce qui est des sources d'énergie traditionnelle, nous pensons qu'il existe un certain nombre de possibilités touchant le traitement de la DPA, des frais d'exploration au Canada et des frais d'aménagement au Canada. L'une serait de faire passer les frais d'aménagement et les puits productifs de la FEC à la FAC, cette dernière paraissant beaucoup plus appropriée, ou bien dans les catégories de déductions DPA.
Nous pensons qu'il importe également de supprimer la possibilité de reclassifier jusqu'à 2 millions de dollars canadiens de FAC et de FEC comme actions accréditives.
Le dernier changement serait de réduire le taux de la déduction dans la catégorie DPA 41.a, les mines nouvelles et agrandissements majeurs, pour les ramener à un taux plus proche des autres équipements énergétiques ou à un taux qui reflète mieux la vie productive de ces équipements.
J'aimerais évoquer un dernier point avec vous. Je n'étais pas là ce matin lorsqu'Eric Newell, le président du Groupe de travail national sur les sables bitumineux, a comparu. Le travail que nous avons fait sur la même question et nos propositions font ressortir que le gouvernement doit éviter de commettre de nouvelles erreurs à l'égard des mégaprojets. Il s'agira de veiller à ce que toute mesure fiscale nouvelle ne crée pas d'obstacles à une transition vers un mélange plus viable de sources d'énergie. Nous pensons que la décision la plus importante - le révélateur, en quelque sorte, sera la réponse qui sera donnée à la requête du Groupe de travail national sur les sables bitumineux.
Le fait d'octroyer de nouvelles subventions, sous forme de dépenses fiscales, pour canaliser artificiellement davantage de capitaux privés vers l'industrie des sables bitumineux va directement à l'encontre de l'engagement fédéral de stabiliser les gaz à effet de serre et de cesser de subventionner les mégaprojets. Les expansions des installations d'exploitation des sables bitumineux sont, par définition, un mégaprojet. Si les expansions proposées se font, la production pourra être multipliée par trois, et l'investissement envisagé est de l'ordre de 21 à 25 milliards de dollars. C'est là un mégaprojet, quelle que soit la définition que l'on veuille donner du terme.
Les modifications fiscales proposées et que l'on vous demande d'apporter sont manifestement des subventions. Informetrica estime que ces allégements fiscaux représentent une dépense fiscale fédérale de 702 millions de dollars au cours des huit prochaines années. Les auteurs du projet demandent au gouvernement de l'Alberta des dégrèvements équivalents à hauteur de 2,14 milliards de dollars. Les sables bitumineux jouissent déjà d'un régime fiscal extraordinairement favorable. Ces privilèges fiscaux devraient être réduits, et non accrus, si le gouvernement fédéral veut vraiment instaurer un terrain de jeu égal.
Une étude récente du CNR montre que les concessions fiscales fédérales aux sables bitumineux, en pourcentage du coût d'investissement, sont supérieures de 6 à 14 p. 100 à celles offertes aux énergies renouvelables, supérieures de 13 ou 14 p. 100 à celles du gaz naturel ou du pétrole traditionnel et supérieures de 30 p. 100 à celles offertes aux modifications éconergétiques.
Enfin, les sables bitumineux représentent une vision énergétique erronée pour le Canada. Les émissions de gaz à effet de serre en provenance du pétrole brut tiré des sables bitumineux sont quatre fois supérieures à celle du pétrole brut conventionnel et deux fois supérieures à celles du gaz naturel, par unité énergétique. Les émissions de dioxyde de soufre du brut extrait des sables bitumineux sont 12 fois supérieures à celles du pétrole conventionnel et quatre fois supérieures à celles du gaz naturel par unité d'énergie. L'oxyde d'azote est trois fois supérieur en provenance du brut extrait des sables bitumineux par rapport au brut conventionnel. Le cycle de vie préliminaire des émissions de gaz à effet de serre de l'essence provenant des sables bitumineux est supérieur de 16 p. 100 à celui de l'essence fabriquée à partir de brut conventionnel.
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie.
Je m'en remets à vous. Souhaitez-vous faire une pause avant de passer aux questions, ou bien voulez-vous y passer directement?
[Français]
Nous allons commencer les questions.
M. Brien (Témiscamingue): Monsieur Pitts, vous avez suggéré une série de mesures pour réduire le déficit et vous avez parlé brièvement d'une intégration du filet social, c'est-à-dire une intégration de l'aide sociale, de l'assurance-chômage et de l'éducation.
Pensez-vous qu'il est possible de faire cela avec deux niveaux de gouvernement qui interviennent dans ces secteurs et qui ont chacun leur propre programme politique et leurs propres objectifs, ou si vous vouliez dire qu'il ne devrait y avoir qu'un seul acteur responsable globalement de l'aide sociale, de l'assurance-chômage et de l'éducation?
[Traduction]
M. Pitts: Je pense que ce devrait être un seul acteur.
[Français]
M. Brien: Lequel?
[Traduction]
M. Pitts: Le gouvernement fédéral.
[Français]
M. Brien: On s'entend jusque-là. Vous avez aussi parlé de l'élimination du déficit sur une période de deux ans. Pensez-vous, de façon réaliste, que les Canadiens et Canadiennes sont prêts à accepter une série de mesures - parce qu'il faudrait des mesures assez radicales pour ramener le déficit à zéro en deux ans - qui auraient pour effet de réduire le déficit ou de l'éliminer complètement sur une période aussi courte que celle que vous suggérez?
[Traduction]
M. Pitts: Franchement, ma réponse est non.
[Français]
M. Brien: J'avais une question pour Mme Aizenmann, mais elle a quitté.
Le président: Mme Aizenmann a peut-être peur de vous.
M. Brien: Quand elle reviendra...
Le président: Vous pourrez alors lui poser une question. Entre-temps, avez-vous une question pour quelqu'un d'autre? Oui, monsieur Crête.
M. Crête (Kamouraska - Rivière-du-Loup): J'ai une question ayant trait à l'industrie éolienne. Je trouve très intéressant ce qu'on nous a dit et je pense qu'il est important que les membres du comité soient sensibles à cela.
Souvent, même si on n'est pas très âgé - j'ai une quarantaine d'années - , on voit les énergies nouvelles comme quelque chose d'un peu «flyé», dans les nuages. Personnellement, j'ai participé à un colloque sur l'énergie éolienne et l'implantation d'un parc éolien dans ma région, en Gaspésie.
J'aimerais que vous nous précisiez quelles seraient les conditions qui permettraient à cette industrie, qui est une industrie propre en termes énergétiques, de prendre son envol et d'utiliser le maximum de l'espace disponible en termes de marché de l'énergie produite. Quelles sont les espérances sur 5, 10 et 15 ans et dans quelles conditions est-ce que cela aurait le plus de chances de se réaliser?
[Traduction]
M. Gallagher: Pour répondre à votre première question, les conditions qui permettraient à l'industrie de décoller, l'un des éléments clés que nous avons isolés consiste à lever le grave obstacle fiscal qui s'oppose à l'investissement initial dans le secteur éolien.
L'industrie éolienne fonctionne à grande échelle depuis 10 à 15 ans et, pendant cette période, de nombreux progrès technologiques ont été faits qui rendent son coût très compétitif . Cependant, le rendement financier est à long terme. Il s'agit là d'une ressource inépuisable qu'on peut capturer et renouveler indéfiniment au long de notre vie et celle de nos enfants. Par conséquent, le rapport n'est pas élevé chaque année, mais sur une période longue, c'est énormément lucratif.
Comme j'ai essayé de l'expliquer, le régime fiscal actuel n'autorise pas un amortissement accéléré. Si nous avions droit à celui-ci, je pense que l'énergie renouvelable deviendrait rentable et pourrait commencer à jouer un rôle important dans notre pays. Actuellement, nous ne pouvons utiliser l'amortissement accéléré prévu dans la Loi de l'impôt sur le revenu, principalement à cause de la règle de la propriété énergétique spécifique et de la règle d'entreprise principale.
Je pense que la première chose à faire serait donc de lever ces restrictions applicables à la catégorie 43.1. La deuxième mesure serait d'autoriser le transfert de la DPA aux investisseurs privés et individuels. De même que le secteur du pétrole et du gaz peut transmettre ses risques aux investisseurs, ces incitations fiscales devraient être transmissibles.
On pourrait ainsi escompter une capacité de l'ordre de 500 à 1 500 mégawatts dans 10 ou 15 ans. C'est peut-être en contradiction avec ce que dit le mémoire de l'Association canadienne de l'énergie éolienne qui vous a été remis, mais je pourrais vous fournir de plus amples renseignements là-dessus. Cela dépendra largement de la rapidité avec laquelle ces obstacles seront levés. Ces 500 à 1 500 mégawatts correspondent environ à 20 p. 100 de la capacité de la province de l'Alberta, si vous cherchez un ordre de grandeur.
[Français]
Le président: Mme Aizenmann vient de revenir.
M. Brien: Madame Aizenmann, vous avez fait allusion, dans votre présentation, aux normes nationales, secteur dans lequel vous demandez au gouvernement fédéral de jouer un rôle important.
Cela révèle qu'il y a une différence entre votre point de vue et l'orientation actuelle de votre gouvernement provincial. N'est-il pas un peu indécent que le gouvernement fédéral dise aux provinces qu'il va leur imposer des normes au moment où il leur donne de moins en moins de moyens financiers pour se conformer à ces normes?
Cela veut dire concrètement que les députés fédéraux se promèneraient en disant aux gens: «On exige un système de santé universel, gratuit et comportant des critères très élevés». Pendant ce temps-là, les députés provinciaux auraient à vivre avec les implications de tout cela avec moins de moyens financiers.
N'est-il pas un peu indécent de la part du gouvernement fédéral d'exiger la conformité à des normes de qualité très élevées, d'en tirer les bénéfices politiques et d'en faire subir les coûts politiques à un autre palier de gouvernement en ne lui donnant pas les moyens financiers nécessaires pour atteindre ces objectifs?
[Traduction]
Mme Aizenmann: Je comprends votre question et je sais qu'elle a été beaucoup débattue au cours de l'année écoulée, particulièrement depuis la baisse des paiements au titre du transfert canadien en matière de santé et de services sociaux. Mais il faut tout de même bien une norme minimale de base, des normes de qualité.
Je me rends bien compte que l'on ne peut exactement dicter aux provinces ce qu'elles doivent faire, mais en tant que Canadienne, si je me déplace d'une province à l'autre, si j'ai la liberté de circulation, et particulièrement lorsque la mobilité est nécessaire pour trouver du travail, j'aimerais jouir de la même qualité de services dans toutes les provinces, en matière de santé.
Je comprends votre point de vue. Je sais qu'il y a là une difficulté, mais je pense que si les représentants provinciaux et fédéraux voulaient bien se concerter, on parviendrait à un accord qui ne diminuerait pas la qualité dans ce domaine particulier. Je pense que c'est possible même avec des budgets réduits - j'ai conscience de la nécessité de cette réduction - mais il faut une collaboration. Ce serait au crédit tant des gouvernements provinciaux que du gouvernement fédéral d'y parvenir.
[Français]
M. Brien: Si j'ai bien compris, vous dites qu'il faudrait que les provinces aient été parties prenantes à la définition des normes.
[Traduction]
Mme Aizenmann: Il y a eu des discussions dans ma province quant à la question de savoir ce que sont les soins élémentaires. J'étais présente lors d'une discussion avec le Dr Hedy Fry lorsqu'elle était ici. Elle nous a longuement expliqué la notion. La province veut que le gouvernement fédéral définisse ce qui est élémentaire dans la Loi canadienne sur la santé. Sauf erreur, le gouvernement fédéral n'a pas pris de position. Il faut trouver un compromis sans confrontation.
[Français]
M. Brien: Merci.
[Traduction]
Mme Ahmad: Cela s'applique également à l'éducation postsecondaire, où nous aussi réclamons des normes nationales.
Nous espérons que si le gouvernement fédéral est effectivement en faveur d'une réduction du rôle de l'État et d'une utilisation efficace des ressources, il prendra des mesures pour guider l'éducation postsecondaire au Canada selon une perspective fédérale. Nous avons actuellement 11 ministres qui s'occupent d'éducation postsecondaire, et 11 ministères qui déterminent la politique et l'orientation en matière d'éducation dans les provinces. Nous pourrons aussi bien avoir 10 provinces fixant le programme d'action pour l'éducation postsecondaire.
Si l'on pouvait explorer toutes les possibilités d'économie dans le secteur postsecondaire, cela réduirait le double emploi des services académiques et l'on pourrait plus efficacement répartir les ressources.
M. Walker (Winnipeg-Nord-Centre): Mes questions s'adressent à Nancy Palmer et portent sur les dons. J'aimerais en savoir plus sur deux ou trois aspects.
Premièrement, si j'ai bien compris les interventions des divers groupes, notamment à la table ronde tenue la semaine dernière à Ottawa, votre principale préoccupation concerne les dons de biens d'immobilisation et non les dons en espèces annuels. Je veux simplement déterminer vos priorités.
Mme Palmer: C'est juste.
M. Walker: Si vous étiez, par exemple, le Colorado College au lieu d'être Foothills... ou peut-être si vous étiez Foothills mais que le président du conseil dise avoir remarqué que Colorado College est passé de 11 millions à 113 millions de dollars en... je ne sais combien d'années...
Mme Palmer: En 25 ans.
M. Walker: ...en 25 ans, et qu'il vous demande de faire la même chose, que vous faudrait-il pour y arriver? Quelles mesures devrions-nous prendre pour vous permettre d'accumuler un tel fonds de dotation dans votre hôpital?
Mme Palmer: Pour ce qui est de votre première question, accorder l'exonération de la taxe sur les gains en capital pour les biens à plus-value nous aiderait grandement à obtenir accès à ce genre de capital. Le statut de fondation d'État aurait aussi, espérons-nous, un effet important, mais cela n'est pas encore avéré.
Pour ce qui est d'autres instruments disponibles aux États-Unis, il y en a toute une pléthore. Nous aimerions en introduire un certain nombre chez nous de façon à pouvoir offrir des instruments variés.
Mais nous savons que l'élément le plus important, celui qui aurait le plus d'effet à l'heure actuelle, serait l'exonération de la taxe sur les gains en capital des biens à plus-value.
M. Walker: J'ai été frappé de voir, il y a bien des années, que l'Université de Winnipeg - c'était il y a bientôt 20 ans de cela - a réussi à accumuler un excédent de 1 million de dollars sur un budget très réduit. Le gouvernement provincial est arrivé et a dit qu'il ne lui donnerait plus rien tant que ce million de dollars n'aurait pas été dépensé. Si nous apportons ces changements fiscaux, devons-nous craindre que les provinces changent leurs règlements et stratégies dès lors que vous jouirez d'un programme de fonds de dotation qui augmentera votre santé financière?
Mme Palmer: Une des restrictions que nous appliquons à tous les dons placés dans ce fonds de dotation est qu'ils ne doivent servir à financer que des progrès, c'est-à-dire des progrès au niveau de la recherche, des soins aux patients, de l'éducation et des soins communautaires. Cela nous ramène à la question de savoir ce qui est élémentaire. Notre plan table sur le fait que l'État assurera les soins élémentaires, lesquels sont constamment redéfinis au fur et à mesure des progrès de la médecine.
Nous disons que ce fonds particulier ne doit servir qu'à améliorer la qualité des soins dans une collectivité. Il y a donc une restriction qui est imposée à l'utilisation de ces fonds, restriction qui doit être respectée dans le cadre de la relation de confiance avec les donateurs.
M. Walker: Les deux grandes institutions qui pourraient tirer parti d'une modification des règles fédérales d'impôt sur le revenu sont provinciales: les hôpitaux et les universités. Y a-t-il des mesures équivalentes que les provinces pourraient prendre, ou bien cela est-il totalement de notre ressort, bien qu'il s'agisse d'institutions provinciales?
Mme Palmer: Pour ce qui est d'autres entités qui pourraient bénéficier tout particulièrement d'un tel changement du régime fiscal, il y a les fondations communautaires, mais aussi toutes les organisations caritatives. Mais une fondation communautaire a pour rôle de regrouper les dons privés d'une collectivité et de les utiliser pour diverses oeuvres charitables.
M. Walker: Nous avons reçu une demande spéciale d'un groupe du Manitoba, la Thomas Sill Foundation, touchant des modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu. Est-ce là un problème très répandu, ou bien est-ce propre à la façon dont les institutions du Manitoba ont évolué?
Mme Palmer: Je ne sais pas si c'est répandu ou non, mais cela montre la nécessité d'une certaine fluidité des dons vers des fonds de ce type, de pouvoir disposer de fonds de démarrage, dans ce cas particulier. C'est le genre de barrière qui existe actuellement au sein du système et qui gêne le flux de fonds d'investissement vers d'autres collectivités selon des modalités qui ne sont pas traditionnelles chez nous.
M. Walker: J'ai trois autres questions. Vous m'avez répondu en privé à la première, et j'aimerais que vous le répétiez pour le procès-verbal. Pour passer de zéro à un fonds pleinement capitalisé attirant des dons de biens d'immobilisation etc., combien de temps vous faudrait-il? Est-ce quelque chose qui viendrait ponctionner le Trésor fédéral l'année prochaine, ou bien est-ce quelque chose qu'il vous faudrait cinq ans à mettre en route?
Mme Palmer: Je pense que cela se fera peu à peu. Ce ne sera pas un changement qui se remarquerait sur une courbe des recettes fiscales. J'entends par là le changement, par exemple, relatif à la taxe sur les gains en capital ou même au statut de fondation d'État. C'est en partie parce que c'est à moi qu'il incombe d'aller trouver ces dons. Il faut pour cela du temps, il faut cultiver les membres de la collectivité et les informer de cette possibilité. En outre, il faudra du temps aux donateurs pour se décider. Ce sont chaque fois des montants substantiels qui sont en jeu.
Vu que cela va être étalé dans le temps, il faut commencer à planter la graine dès maintenant, pour que les donateurs commencent à réfléchir à ce type de planification. Il faudra probablement attendre pas mal de temps avant de voir des résultats.
M. Walker: Si la modification de la Loi de l'impôt sur le revenu entrait en vigueur le 1er janvier 1997, on ne verrait guère d'effets avant deux ans, le temps de mettre les choses en route.
Mme Palmer: Je suppose, ne serait-ce qu'à cause du niveau d'activité que peuvent déployer des gens comme moi sur le terrain. Nous ne sommes pas encore très nombreux à faire ce travail.
M. Walker: Est-ce une stratégie très courante que quelqu'un paye les primes d'une police d'assurance-vie qui est ensuite remise en don à une organisation caritative?
Mme Palmer: Je ne sais pas si c'est un instrument de don plus courant que d'autres. C'en est un parmi d'autres. Nous avons reçu un don de ce type récemment, où nous sommes maintenant propriétaires de la police, mais c'est un moyen parmi d'autres.
M. Walker: Pourquoi y a-t-il une telle controverse au sujet des fondations d'État? Vous les avez défendues dans vos remarques liminaires et en réponse à l'une de mes questions. Mais d'autres disent qu'elles ont un statut fiscal de faveur. Quelle est la différence? Qu'est-ce qui distingue une fondation d'État et que devrions-nous faire à cet égard?
Mme Palmer: Cela ne s'applique vraiment qu'à un très petit nombre de donateurs et je pense qu'il y a des idées fausses quant au nombre de personnes qui se prévalent d'un don à l'État. Il faut que le don représente plus de 20 p. 100 de votre revenu net pour être admissible, ce qui exclut 99,9 p. 100 des donateurs. Il y a un peu une réaction contre ce mécanisme car il représente à l'évidence un avantage important pour le donateur; cependant, il n'y a guère de gens qui sont en mesure de faire ce type de contribution.
Nous aimerions avoir la possibilité de vérifier si le statut de fondation d'État nous attirerait davantage de dons, si les donateurs nous choisiraient pour bénéficiaires ou feraient des dons plus importants si nous avions ce statut. Mais pour le moment, nous manquons tout simplement de données et ce statut n'existe pas depuis assez longtemps pour que nous puissions jauger les résultats éventuels.
Le président: Aimeriez-vous poser des questions à d'autres témoins, monsieur Walker?
M. Walker: J'ai encore une dernière question, merci. Désolé de vous mettre ainsi sur le gril. Êtes-vous membre de la Canadian Association of Gift Planners?
Mme Palmer: C'est juste.
M. Walker: Son représentant nous a fait un exposé à Saskatoon contenant six points. Nous aimerions beaucoup en savoir davantage sur ces six points. Nous n'avons pas eu la possibilité de poser des questions à ce témoin. Pourriez-vous y jeter un coup d'oeil et prendre contact avec notre attaché de recherche ou nous-mêmes, par écrit?
Mme Palmer: En fait, nous avions ce document de travail et l'avons laissé à la réunion d'Ottawa. Nous pouvons vous en fournir un autre exemplaire.
M. Walker: Nous voulons simplement nous assurer de bien comprendre chacun de ces points.
Le président: Monsieur Grubel.
M. Grubel (Capilano - Howe Sound): J'aimerais poser une question à ceux qui réclament des normes nationales.
De façon générale, je pense que les universités britanniques s'en sont tirées extrêmement bien sans normes nationales et avec un financement privé. Les meilleures universités américaines ne sont pas non plus astreintes à des normes nationales.
Je soupçonne que l'idée de normes nationales a été rejetée par le passé parce que l'on se méfiait d'une prérogative centrale qui prête aux abus et qui peut conduire à une augmentation mais aussi à une diminution de qualité. C'est pourquoi toutes les juridictions au Canada, aux États-Unis et en Angleterre ont jalousement préservé leur droit de fournir ce genre de services... qu'il reste l'apanage de ceux qui les payent et que nulle autorité lointaine ne puisse jamais l'usurper.
Beaucoup de gens nous ont dit ce matin qu'ils veulent maintenant des normes nationales parce qu'ils ne font plus confiance aux gouvernements provinciaux. Permettez-moi de vous dire que ces gouvernements provinciaux auxquels vous ne faites plus confiance, qui ont réduit les budgets de l'éducation et des hôpitaux, ont été élus par une majorité d'électeurs de ces provinces.
Cela ne vous plaît peut-être pas, mais je dois vous mettre en garde contre la possibilité suivante: il pourrait y avoir un jour des politiciens au niveau national qui diront qu'il faut couper dans les dépenses et qu'une façon de le faire est de procéder exactement comme ces gouvernements provinciaux: couper dans tout, y compris les universités et les hôpitaux. Le résultat que vous aurez alors, ayant donné le pouvoir à Ottawa de fixer tant les normes que les dépenses, est un gouvernement national qui sabre encore plus dans vos budgets que votre gouvernement provincial ne l'a fait.
Cela ne vous effraie-t-il pas? Où est le grand avantage? Pourquoi ne faites-vous pas confiance à votre gouvernement provincial? Vous pouvez faire pression sur lui beaucoup plus facilement que sur le gouvernement national, mais vous voulez tout d'un coup faire confiance au gouvernement national et lui confier des tâches. J'aimerais bien que vous m'aidiez à comprendre cela, s'il vous plaît.
M. Aizenmann: Je considère l'adoption d'un ensemble de normes nationales comme une garantie de qualité de vie dans tout le pays. Je sais qu'il y a des facteurs de coût, mais il me semble que c'est possible. Si l'on n'a pas une telle garantie minimale, monsieur Grubel, on pourrait se retrouver avec une qualité de vie comme celle de certains des pays d'Amérique du Sud les plus pauvres, si je puis utiliser cet exemple.
Nous voulons attirer des gens dans nos provinces. Nous voulons qu'elles restent dynamiques. Lorsque les gens envisagent de s'établir en Alberta - j'en parle car c'est la province que je connais le mieux - ils tiennent compte de tels facteurs.
Jadis, il fallait remplir certains critères pour être admis dans une grande université. Oui, les universités administrent leurs propres droits d'entrée, comme je les appelle. Je veux bien laisser le domaine universitaire aux soins des administrateurs de l'Université de l'Alberta, mais il faut bien qu'ils soient assujettis à certains paramètres.
Je conserve la foi dans le système démocratique et je pense que les gens vont opter pour ce qui leur assure une certaine qualité de vie, sous forme de normes ou de principes, une qualité de vie qui définit le Canada.
M. Grubel: Je vous demande pardon. Je partage votre foi, d'accord?
M. Aizenmann: Tant mieux.
M. Grubel: Mais vous devez comprendre que la ligne que vous demandez au gouvernement fédéral de tirer pourra toujours être révisée au gré du gouvernement. Qu'est-ce qui vous garantit que le gouvernement qui sera élu lors de la prochaine élection fédérale tirera cette ligne à un niveau plus élevé que celle actuellement tirée par le gouvernement provincial? Il est possible que nos finances soient en si mauvais état que le peuple va opter pour un parti qui va opérer des coupures encore plus profondes que par le passé. Pourquoi devrions-nous suivre votre recommandation, pour les universités et les hôpitaux, et faire confiance davantage à Ottawa qu'à votre gouvernement provincial? Vous ne m'avez donné aucune raison, hormis un article de foi, de croire qu'Ottawa ferait les choses mieux que les provinces.
Mme Aizenmann: Je vais céder la parole à la vice-présidente du syndicat d'étudiant de l'Université.
M. Ken Myers (trésorier et contrôleur, Association charbonnière du Canada): Excusez-moi, pourrais-je juste faire une analogie? Nous parlons des services sociaux et de l'éducation, mais si on élargit le raisonnement aux normes de fabrication des voitures, des pièces électriques ou des appareils médicaux, allons-nous laisser chaque petit hameau et village du Canada dicter ses normes?
M. Grubel: Sauf votre respect, si vous vendez des voitures et que vous ne voulez pas respecter les normes de travail, qui sont fixés hors de chez nous, à Détroit - comble de l'horreur - si vous ne voulez pas le faire, rien ne vous oblige à vendre des voitures. Mais nous parlons ici de la liberté des citoyens au niveau local de déterminer leurs propres normes, telles qu'ils les souhaitent pour leurs enfants. Pourquoi confier cela à Ottawa?
Mme Hassam: Je crois fermement que les pouvoirs publics, qu'il s'agisse du gouvernement fédéral, des provinces ou des municipalités, se doivent d'écouter leurs mandants. En tant que représentante du University of Alberta Students' Union et de la Canadian Alliance of Student Associations, je représente ici 12 grandes universités. Nous sommes fermement d'avis que le gouvernement fédéral a la responsabilité de coordonner les programmes sociaux, y compris l'éducation et la santé.
L'absence de normes nationales ferait courir au gouvernement de plus grands risques encore. Parmi ces risques, une réduction de la qualité de l'éducation. Le bien-être à long terme du pays est en jeu. En l'absence d'une main-d'oeuvre flexible et responsable, des objectifs gouvernementaux tels que la création d'emplois et la croissance économique sont voués à l'échec.
Il faut instaurer un dialogue entre les parties prenantes - cela englobe le gouvernement fédéral - en vue d'établir et préserver un système d'éducation postsecondaire de haute qualité et accessible. Ces normes nationales doivent être définies afin que le gouvernement puisse, au niveau national, réaffirmer son engagement envers l'éducation postsecondaire. De même, avec l'intervention du gouvernement fédéral dans l'éducation postsecondaire, notre pays pourra rester compétitif dans une économie mondiale fondée sur le savoir.
Il faut protéger l'éducation postsecondaire tout comme le système sanitaire est actuellement protégé par la Loi canadienne sur la santé. Ce sont là des impératifs si nous voulons que notre pays reste à l'avant-garde du monde.
M. Grubel: Je pense que vous vous exprimez merveilleusement bien et je partage tous les principes que vous énoncez, mais vous ne m'avez pas dit pourquoi vous ne craignez pas l'éventualité que le prochain gouvernement fédéral révise ses normes à la baisse, à un niveau inférieur à ce qu'elles sont aujourd'hui.
Mme Hassam: Le gouvernement fédéral ne peut pas faire baisser ces normes encore davantage.
M. Peterson (Willowdale): C'est parce que les Réformistes ne formeront pas le prochain gouvernement.
Des voix: Oh, oh!
Mme Hassam: Pourrais-je simplement répondre à cette question, monsieur le président?
Le président suppléant (M. St. Denis): Oui, madame Hassam, finissez de répondre.
Mme Hassam: Je ne pense pas que le gouvernement fédéral pourrait retracer ses lignes sans écouter les électeurs.
M. Grubel: Mais si. C'est pour cela qu'il a été élu. C'était sa plate-forme électorale et il a été élu. Que ferez-vous si un parti a pour plate-forme de les faire baisser et se fait élire?
M. Aizenmann: Dans ce cas, vous devrez...
M. Laughton: En Alberta, le gouvernement provincial a promis explicitement de préserver la qualité des soins de santé. Il allait simplement les fournir à moindre frais. Que l'électorat ait été stupide de le croire, c'est une autre histoire. Mais il est faux de dire que le gouvernement dans cette province - le parti qui a formé le gouvernement - a fait campagne là-dessus.
Mais il y a encore un autre aspect. Peu importe peut-être aux gens que le gouvernement fédéral relève ou abaisse les normes en matière de santé, mais ils peuvent tenir à ce qu'elles soient uniformes dans tout le pays afin de faciliter la mobilité de la main-d'oeuvre, et éviter que les gens ne décident où s'installer en fonction de la qualité des services sociaux essentiels qu'ils trouveront.
Lorsque je parlais de normes nationales, je ne voulais pas dire qu'on pourrait bien les fixer à n'importe quel niveau. Je tiens en effet à des services de santé de haute qualité dans notre pays. Je pense qu'il est plus important d'avoir de bons soins de santé pour tous que des vacances à Hawaï pour les riches. C'est mon opinion politique, mais je tiens aussi à ce que les normes soient uniformes.
Je crois savoir que vous êtes économiste, monsieur Grubel, et je pense que vous comprenez le problème de «passagers clandestins» qui surgirait, dans un régime de libre circulation des personnes à travers le pays, si des aspects essentiels de la vie comme les soins de santé étaient déterminés au niveau provincial. Je suis très heureux que nous ayons maintenant une administration sanitaire régionale. Si seulement ses membres étaient élus dans la province au lieu d'être des sycophantes nommés par le gouvernement provincial, nous aurions davantage notre mot à dire sur l'administration de la santé. Mais je pense qu'il est souhaitable d'avoir un gouvernement fédéral démocratiquement élu qui veille, en usant de ses pouvoirs financiers ,à ce que les Canadiens aient accès à un minimum de soins.
M. Grubel: Je sais que vous êtes économiste également et que vous avez lu la fameuse étude de M. Thibault. Je voudrais simplement que les gens qui sont tellement convaincus de détenir la vérité et que la meilleure chose possible serait d'avoir des normes nationales réalisent que d'autres gens très réfléchis ont élaboré le modèle suivant. Il répond aux questions intéressant l'efficience et la répartition des ressources. Le voici: dans un monde dynamique où les gens sont mobiles, vous obtenez à l'intérieur des régions certaines localités dont les habitants payent des impôts élevés et jouissent de services municipaux de haute qualité. Ceux qui apprécient les services municipaux collectifs en grande quantité s'y installent et payent volontiers les taxes correspondantes. Ceux qui préfèrent se débrouiller par eux-mêmes se concentrent ailleurs, dans une autre région ou une autre ville, et les taxes y sont faibles.
Il y a toute une série d'études économiques très respectables qui disent qu' un monde où les gens conservent la liberté de choisir comment dépenser leur argent vaut mieux qu'un monde où quelque autorité dicte leur niveau de consommation et l'utilisation des revenus. Que répondez-vous à cela?
M. Laughton: Si vous pouviez résoudre le problème de la distribution des revenus, monsieur Grubel, je serais assez d'accord avec vous. Il conviendrait effectivement de chercher à faire jouer le mécanisme des prix aux fins de la répartition des ressources.
M. Grubel: Est-ce qu'on va nous parler de distribution des revenus maintenant pour répondre aux questions que j'ai posées sur l'opportunité...
M. Laughton: Non, mais au sujet de ce que vous venez de dire, c'est-à-dire laisser les gens décider eux-mêmes quoi faire de leurs revenus. Nous avons pris une décision collective, en tant que Canadiens. Je suis heureux que nous l'ayons fait et j'espère que nous confirmerons cette décision. C'est l'une des raisons pour lesquelles je suis revenu travailler dans ce pays et l'une des raisons pour lesquelles ma femme, qui n'a pas été instruite aux frais du contribuable canadien, dispense ses services dans ce pays. C'est à cause de la qualité du système médical que nous avons, par opposition à celui de nos voisins du Sud. Un ingrédient essentiel en est l'uniformité de normes minimales, lesquelles sont fixées par le biais du pouvoir fédéral de dépense.
M. Grubel: Je ne veux pas discuter du système américain. Nous posons une question, une question qui me semble légitime, celle de savoir s'il vaut mieux pour les Canadiens qu'Ottawa fixe les normes. Je voudrais simplement que tous ceux d'entre vous qui pensent que vous allez forcément obtenir davantage d'argent pour vos bonnes causes - et ce sont de bonnes causes, l'éducation supérieure et l'assurance maladie - dans une société démocratique prennent conscience du risque, suite à une élection, que l'électorat opte pour des normes nationales plus basses. Vous feriez mieux de songer à cela lorsque vous réclamez sans cesse, avec toute votre belle organisation, des normes nationales. Je vous mets en garde.
M. Laughton: Vous n'avez pas besoin de me mettre en garde. J'ai parfaitement conscience du danger et je travaille très fort à éviter qu'il ne se matérialise. Mais la véritable question, du moins dans mon esprit, est l'uniformité et non pas tant le niveau des normes.
Mme Hassam: Honorables députés, sans vouloir vous manquer de respect, nous sommes ici pour déterminer quelles sont les priorités financières du pays et guider nos représentants élus. Parlant au nom de plus de 12 universités canadiennes, je suis ici pour faire savoir au gouvernement que nous considérons que l'éducation supérieure doit être une priorité, que les crédits doivent être maintenus et que des normes nationales doivent être établies.
Dans quelques années, si un nouveau gouvernement est élu, il nous appartiendra de réaffirmer encore une fois notre adhésion, et celle du gouvernement, à toutes ces choses. Mais aujourd'hui, le gouvernement au pouvoir, se doit d'écouter ce que nous lui disons. Nous, ses mandants, devons être entendus.
Vous devez préserver le financement actuel de l'éducation postsecondaire. Des normes nationales en la matière doivent être établies en concertation avec tous les intéressés. Une conférence est prévue en mars pour discuter de tout cela. Nous espérons certainement que le gouvernement y sera représenté.
Le président: Je vous remercie, madame Hassam.
Souhaitez-vous répondre à cela, monsieur Grubel?
M. Grubel: Je trouve très remarquable que nous ayons entendu les mots «nous exigeons», «vous devez» au moins 15 fois cet après-midi dans la bouche des deux personnes qui réclament des normes nationales. Je me demande d'où vous tirez l'autorité morale pour dire aux élus provinciaux et nationaux ce qu'ils doivent faire.
J'enregistre le fait qu'il y a différentes façons de dépenser et des priorités différentes. Je peux vous dire que j'ai écouté l'année dernière les points de vue de plus de 600 témoins ici. Il y a beaucoup d'autres bonnes causes et nous ne disposons que de ressources limitées.
M. Laughton: Je ne sais si M. Grubel parlait de moi. Je ne pense pas avoir jamais utilisé les mots «vous devez».
M. Grubel: Non, je ne parlais pas de vous, je parlais de l'assurance maladie et de l'éducation supérieure.
Le président: Souhaitez-vous résumer la discussion, madame Aizenmann?
Mme Aizenmann: Oui. Il se trouve que je crois en un système fédéral de gouvernement. Je crois en un système où le gouvernement fédéral possède certaines responsabilités touchant les individus. Appelez cela qualité de la vie, appelez cela norme nationale, mais il a une responsabilité à cet égard.
Comme je l'ai dit, on peut trouver un compromis tel que cet objectif soit rempli. Dans la perspective d'un fédéralisme coopératif ou d'un fédéralisme évolutif, appelez-le comme vous voulez, et à une époque où nous manquons de moyens financiers, la question qui n'a pas encore été abordée ici est qu'il doit être possible de s'asseoir et de trouver un consensus, un point d'accord. Je ne peux croire autre chose.
Je préférerais, monsieur le président, que l'on s'inquiète un peu de la disparité entre les sources de revenus fiscaux, voyant le rythme auquel ces sources de revenus fuient le pays. Jusqu'à présent, rien n'est fait à cet égard.
J'aimerais revenir à ce que vous disiez tout à l'heure au sujet d'une attaque contre la fuite des capitaux. Je trouve incompréhensible, en tant que contribuable ordinaire, qu'il suffise de 500 000$ pour ouvrir un fonds fiduciaire en capital à l'étranger sans que le gouvernement fédéral ne puisse mettre les mains dessus. Je sais que je m'écarte de notre sujet, mais j'aimerais bien que Revenu Canada fasse un peu de résolution de problème créative afin que cet argent ne quitte plus le pays et que nous disposions d'un peu plus de ressources pour faire les choses que les Canadiens jugent essentiels.
[Français]
Le président: Pourrions-nous revenir à M. Crête pour un moment?
M. Crête: La discussion que vous avez tenue au cours des quelques dernières minutes est vraiment au coeur du débat. En effet, pour qu'un système soit efficace, il doit y avoir une certaine transparence. Or, actuellement, on demande au gouvernement fédéral d'établir des normes nationales alors que le gouvernement qui a la responsabilité de ces secteurs d'activité n'a pas de droits de taxation suffisants. S'il en demande plus aux électeurs, il perdra ses élections automatiquement.
La solution ne reposerait-elle pas plutôt sur la clarification des champs de juridiction, afin que les provinces qui ont, par exemple, la responsabilité de l'éducation ou de la santé aient aussi la responsabilité de lever des impôts? On pourrait ensuite évaluer leur efficacité dans l'ensemble. En somme, elles contrôleraient et les entrées de fonds et les sorties. Les électeurs pourraient voir, dans ces conditions, s'ils font vraiment les bonnes choses.
Dans un système où on élit un gouvernement fédéral sur sa capacité de lever des impôts et sur son pouvoir de dépenser partout, on n'est pas capable d'évaluer s'il dépense son argent de façon efficace parce que les sommes sont dépensées par un autre niveau de gouvernement. N'est-ce pas là la source de tous nos ennuis financiers actuels, ou de la très grande partie des ennuis financiers du Canada? Personne n'a le contrôle des robinets.
[Traduction]
M. Laughton: J'ai essayé de répondre, sans succès. Je ne sais pas si cette question m'était adressée ou non.
Le président: Désolé. Je ne vous ai pas entendu, monsieur Laughton.
M. Laughton: J'ai essayé de faire fonctionner ce micro sans succès. Est-ce que c'est important?
Le président: Je pense qu'il vaudrait mieux que nous vous en mettions un autre. Désolé. Nous allons le changer.
Mme Aizenmann: Je vais tenter de répondre à votre question. Vous avez maintenant soulevé la question de la dévolution, si c'est le terme correct, de pouvoirs d'imposition additionnels aux provinces. Si on continue à confier tout et n'importe quoi aux provinces, il faut se demander à quoi servira encore le gouvernement fédéral.
Pour donner une réponse plus positive - et je vais m'orienter dans une direction différente parce que c'est plus facile à saisir et plus concret - je n'ai absolument rien contre le fait de confier certains domaines d'activité économique aux provinces. Je leur souhaite bonne chance. Qu'il y ait concurrence dans ces domaines. Le meilleur exemple qui me vienne à l'esprit est le tourisme. Dans certaines industries d'exploitation des ressources naturelles, il faut imposer des normes environnementales. Je pense qu'il faudrait un débat sur les domaines qui pourraient être cédés aux provinces sans que cela ne suscite les difficultés que nous connaissons dans le domaine des ressources humaines et du développement humain.
[Français]
M. Crête: Le tourisme est un bon exemple. Il peut y avoir des moments où les gouvernements peuvent décider de mettre des ressources en commun, mais il serait totalement inutile d'avoir des normes nationales concernant l'attraction de touristes alors que chacune des régions a des particularités, des capacités d'attraction différentes, des façons de faire les choses différentes.
Dans une optique fédérale, ne pourrait-on pas définir clairement le rôle du gouvernement fédéral qui aurait le mandat, par exemple, de traiter des relations internationales et de différentes autres choses? Cela pourrait être le résultat d'un consensus national. Au moins, il devrait être très clair que les champs d'action dans lesquels les différents paliers de gouvernement interviennent sont les seuls pour lesquels ils ont le pouvoir de taxation.
Quand vous avez le pouvoir de taxation et que vous pouvez dépenser n'importe où, il est évident que cela ouvre la porte au gaspillage.
[Traduction]
Le président: Souhaitez-vous répondre à cela, monsieur Myers ou madame Aizenmann?
M. Myers: Non.
Mme Aizenmann: Je pense que c'est le plus grand défi, à part la réduction du déficit, qui confronte le gouvernement actuel et peut-être qui confrontera son successeur. C'est l'un des grands défis, l'un des grands problèmes. Nous devons nous asseoir et le régler.
M. Tim Madden (directeur, Borrowers' Action Society): J'aimerais répondre sur la question de l'efficience, de la fiscalité et du gaspillage, tout ce genre de choses.
Le président: Je ne pense pas que cela soit la question posée.
M. Madden: Oh, oui.
[Français]
Le président: En réponse à M. Crête.
[Traduction]
M. Madden: Tout le monde connaît-il ce que l'on appelle la commission de commerçant sur une transaction par carte Visa ou Mastercard? Je vais vous expliquer de quoi il s'agit. Si vous allez dans un magasin et mettez 100$ sur votre carte Visa, le commerçant porte le bordereau signé à la banque mais ne touche pas 100$. La banque prélève 3 p. 100 de frais de service, ne dépose que 97$ au compte du commerçant et facture au détenteur de la carte les 100$ au complet à la fin de ce que l'on appelle la période de grâce. Ces frais de service de 3 p. 100 sont également appliqués aux 7 p. 100 de TPS et à la taxe de vente provinciale perçue par le biais du mécanisme de la carte de crédit.
Dans notre pays, les banques à charte se versent ainsi quelque 200 millions de dollars par an qu'elles écrèment sur les recettes de TPS transitant par ces cartes. Ces frais de service sont expressément exonérés de la taxe en vertu de la loi sur la TPS, et pourtant ils sont prélevés néanmoins.
Nous en avons parlé avec Revenu Canada qui semble s'en moquer. En Ontario, il est question aujourd'hui de modifier radicalement le système d'aide sociale pour économiser 50 millions de dollars par an. Dans le même temps, par ces frais de transaction cachés, vous perdez quelque 200 millions de dollars par an qui glissent entre vos doigts, simplement parce qu'ils ne veulent pas s'attaquer au problème véritable.
Depuis que nous avons signalé cela, en 1992, au comité qui faisait enquête sur les taux d'intérêt des cartes de crédit, les banques à charte ont écrémé par ce mécanisme 1 milliard de dollars sur les recettes de taxes de vente provinciales et fédérales. C'est parfaitement illégal.
Le ministère ne bouge pas, alors que cette commission de 3 p. 100 sur une avance de 97$ pour 21 jours revient à percevoir un taux d'intérêt de 68 p. 100 par an. American Express prélève jusqu'à 5 p. 100; 5 p. 100 sur une avance de 95$ en échange d'une période de grâce de 21 jours équivaut à un taux d'intérêt annuel de 144 p. 100. Un quart de leurs revenus bruts, 500 millions de dollars par an étant un quart de 2 milliards de dollars, est perçu en violation de l'article 347 du Code criminel, la disposition sur les prêts usuraires.
Le comité sénatorial des banques a reconnu explicitement en 1981 que certaines pratiques commerciales violent routinièrement cette disposition et a indiqué que les poursuites criminelles seraient à la discrétion d'un procureur général provincial. Par conséquent, tout ce système qui a été...
Soit dit en passant, c'est illégal en Grande-Bretagne et ce depuis 1990, depuis qu'un tribunal a jugé que le taux qui y était en vigueur était soutiré grâce à l'existence d'un monopole complexe et était «grossièrement excessif», pour reprendre les termes de la commission des monopoles britanniques. Le taux moyen des compagnies de carte de crédit était de 1,8 p. 100. La moyenne au Canada est de 3,1 p. 100 et peut atteindre 6 p. 100 dans le cas d'American Express.
Une bonne économie nationale saine croît à un rythme annuel d'environ 3 p. 100, mais vous avez ces sociétés privées qui prélèvent 3 p. 100 sur chaque transaction et vous vous demandez pourquoi le régime fiscal est inefficient.
Le président: Voulez-vous me rendre un service? Donnez-moi cela en détail et je verrai cela de plus près.
M. Madden: Volontiers.
Le président: Monsieur Fewchuk, s'il vous plaît.
M. Fewchuk (Selkirk - Red River): Quelqu'un a mentionné qu'il y avait eu une confrontation ici à Calgary. Je suppose que nous-mêmes nous sommes laissés emporter un petit moment, mais heureusement les choses se sont calmées.
À ce sujet, pensez-vous que la ministre de la Santé ait joué un rôle en faisant pression sur l'Alberta avec son refus de transférer les fonds d'Ottawa à la province? Est-ce que cela a contribué à faire changer d'avis le gouvernement sur cette question de la santé?
Le président: Je pense que Mme Aizenmann a estimé que oui.
Mme Aizenmann: Pourriez-vous répéter la question? J'ai du mal à vous entendre.
M. Fewchuk: Il s'agissait de notre ministre de la Santé. A-t-elle joué un rôle en refusant le versement à l'Alberta? Est-ce que cela a contribué à la marche arrière de la province l'autre jour? A-t-elle joué un rôle en faisant pression sur l'Alberta?
Mme Aizenmann: L'honorable ministre avait clairement indiqué sa position il y a plus d'un an. C'était déjà sa position alors et elle ne fait que traduire les principes fondamentaux de la Loi canadienne sur la santé. Elle fait ce que la Loi canadienne sur la santé lui impose de faire, en tant que ministre de la Santé.
M. Fewchuk: Je vous remercie. C'était par simple curiosité.
Le président: Monsieur Laughton.
M. Laughton: Lorsque vous avez affaire à un gouvernement qui refuse d'admettre que le jardin d'enfants est un élément précieux de l'éducation, il est impossible de rien comprendre à ses motifs pour faire quoi que ce soit. Je ne sais pas si la marche arrière de Mme McClellan était due plus particulièrement aux pressions émanant des Albertains ou si Mme Marleau a contribué à un climat général de résistance au gouvernement Klein.
Le président: Monsieur St. Denis.
M. St. Denis (Algoma): J'ai une question pour M. Whaley, que je connais depuis maintenant une dizaine d'années, je pense - Kelowna, Colombie-Britannique. Bien que nous ne partagions pas...
Le président: Il semble un peu réticent à admettre votre relation, monsieur St. Denis.
M. Whaley: Elle a été plutôt sporadique. Si je rencontrais M. St. Denis dans la rue, je ne serais pas sûr de le reconnaître, mais je l'ai effectivement rencontré par le passé et je suis sûr qu'il connaît mes positions...
M. St. Denis: Je les connais très bien. Sa défense des emprunteurs remonte à l'époque de la bataille sur les taux d'intérêt variables des banques, etc.
J'aimerais me concentrer sur une question particulière, monsieur Whaley. Je pense qu'il y a une divergence de fonds qui a été débattue l'année dernière lors des consultations prébudgétaires, qui a été débattue de nouveau cette année et qui le sera sans aucun doute encore à l'avenir. Il s'agit de la mesure dans laquelle le gouvernement fédéral et (ou) la Banque du Canada devraient intervenir dans la détermination des taux d'intérêt.
Nous ne réglerons sans doute pas le problème ici, mais l'une des choses que j'ai du mal à comprendre - si je comprends bien votre mémoire, et cela pourrait aider les autres d'entendre votre argumentation - c'est comment la Banque du Canada, en prêtant de l'argent aux provinces à de faibles taux d'intérêt, pourrait réellement les favoriser à long terme, puisqu'elles seront moins incitées à emprunter moins du fait qu'elles bénéficieront de tels taux de faveur. Et qu'en résultera-t-il pour ceux qui détiennent des capitaux? Les capitaux ne connaissent pas de frontières; ils se déplacent à volonté. N'y aurait-il pas un effet délétère sur ceux qui contrôlent de grosses sommes si la Banque du Canada prédétermine les taux de cette façon?
M. Whaley: Me demandez-vous si les gens qui ont de l'argent seraient fâchés?
M. St. Denis: Vous répondez comme vous voulez.
M. Whaley: Si c'est votre question, la réponse est évidemment oui. Ils ne retireraient aucun avantage de ce programme, mais le pays dans son ensemble serait gagnant.
Très franchement, ceux qui seraient perdants en ne touchant pas les taux d'intérêt actuellement versés au secteur privé et qui seraient à la place versés, à un taux inférieur, à la Banque du Canada... Cet argent bénéficierait à tout le monde par le biais de la création d'emplois et tous les autres programmes qui seraient facilités. Évidemment, ceux qui ont des capitaux à placer seraient mécontents. Mais si la dette provinciale se monte au total à des centaines de milliards de dollars, sans doute la Banque du Canada devra-elle emprunter une partie à des taux supérieurs pour reprêter à des taux moindres.
M. Whaley: Non, pas du tout. Je pense que je vais demander à M. Madden de répondre.
M. Madden: Permettez-moi de vous expliquer le mécanisme. Lorsqu'une banque à charte crée un prêt... mettons que vous vouliez acheter une maison de 100 000$ et que vous avez besoin d'un emprunt hypothécaire. Vous vous adressez à une banque à charte. Une banque à charte a légalement le droit, en vertu de la Loi sur les banques, de créer un compte de prêt de ce montant basé sur le bien donné en nantissement par l'emprunteur. Cela fonctionne de la même manière qu'une boutique de prêteur sur gages, sauf qu'une banque à charte, et seule une banque à charte fédérale, a le droit légal de créer un crédit par espèces correspondant au bien nanti. De 1934 jusqu'à 1970, la Banque du Canada imposait un plafond de 28 p. 100 de notre masse monétaire; je peux me tromper sur le chiffre.
Le problème, quand le système bancaire est la seule source de monnaie nouvelle dans l'économie, est qu'il ne crée que le principal de la dette, jamais l'intérêt nécessaire au remboursement du prêt complet. Si vous créez pour 100 milliards de dollars de crédit, un an plus tard, si le taux d'intérêt est de 10 p. 100, vous devez un total de 110 milliards de dollars, mais seuls 100 milliards de dollars ont été créés. Mathématiquement, la dette totale est donc forcée d'augmenter au fil du temps.
Si, mettons, la province de l'Alberta voulait emprunter pour rembourser toutes ses dettes actuelles, la Banque du Canada pourrait tout aussi facilement prendre en garantie l'ensemble des biens de la province de l'Alberta, créer 50 milliards de dollars pour rembourser toutes nos dettes...
M. St. Denis: Imprimer de l'argent...
M. Madden: Non, ce n'est pas imprimer de l'argent. Ce serait assumer le passif ou monétiser l'actif. L'argent servirait à rembourser toute la dette portant intérêt et la province utiliserait l'argent pour monétiser les écoles, les routes, les hôpitaux, l'infrastructure publique...
La raison pour laquelle nous avons un aussi terrible endettement aujourd'hui est que la Banque du Canada choisit, par politique, de ne créer que les 2 p. 100 de notre masse monétaire totale qui se présente sous forme de monnaie papier émise par elle. Les autres 98 p. 100 sont créés, contre intérêt, par les banques privées de Bay Street. Le gouvernement du Canada pourrait tout aussi facilement choisir...
Lorsque le gouvernement du Canada emprunte 1 milliard de dollars sur le marché, les banques créent cet argent à partir de rien sur la foi de la garantie générale que représente l'État canadien. Aussi longtemps qu'il refinance les intérêts sous forme de nouvelles obligations portant intérêt chaque année, l'argent est créé de toute façon.
Si vous aviez une maison de 200 000$ à vendre et que quelqu'un vous offre en échange pour 200 000$ d'obligations d'épargne du Canada, les prendriez-vous? C'est comme de l'argent. La seule différence entre de la monnaie papier et une obligation garantie par le gouvernement du Canada par le biais de la Banque du Canada, est que l'obligation porte intérêt et que le papier monnaie n'en porte pas. Aussi longtemps que vous créez de nouvelles obligations chaque année... L'année dernière, le gouvernement du Canada a imprimé pour 1 milliard de papier monnaie, mais il a également créé 40 milliards de dollars de monnaie nouvelle sous forme d'obligations garanties par la Banque, rien qu'en finançant les intérêts. Comme je le dis...
M. St. Denis: C'est une théorie intéressante. Je m'engage à l'étudier...
M. Madden: Non, non, non. La Banque du Canada a été modifiée expressément pour le permettre. Ce n'est pas juste une théorie.
M. Whaley: Si vous avez besoin d'une explication plus claire, lisez la dernière page de notre mémoire, intitulée «S'amuser avec les chiffres».
Le président: Ce sera avec plaisir. Est-ce que vous avez puisé vos cinq points chez Jack Biddell, ou bien est-ce lui qui les a trouvés chez vous?
M. Whaley: Je ne suis pas certain que nous ayons les mêmes cinq points. Est-ce le cas?
Le président: Oui.
M. Whaley: Oh, bon. J'ai certainement beaucoup de respect pour M. Biddell.
Le président: Et lui pour vous.
M. Whaley: Tant mieux. Je ne savais pas qu'il avait cinq points identiques, mais nous nous sommes parlé à quelques rares occasions - moins souvent que je n'ai parlé à votre collègue.
Le président: Je pense que nous arrivons au moment où nous donnons 30 secondes à chacun de vous pour conclure.
Mme Hassam: Pourrais-je poser deux courtes questions?
Le président: Il faudra qu'elles soient vraiment rapides.
Mme Hassam: La première va probablement offenser les membres du comité.
Le président: Allez-y.
Mme Hassam: S'il s'agit là du Comité permanent des finances et d'un sujet très important pour le gouvernement fédéral, pourquoi n'y a-t-il que cinq députés ici?
Deuxièmement, et je m'adresse aux députés libéraux, que pensez-vous du rôle que devrait jouer le gouvernement dans l'éducation postsecondaire et la santé? Où cela s'insère-t-il dans le programme fédéral? Pensez-vous que vous devriez intervenir dans ces domaines ou non?
Le président: C'est pour déterminer cela que nous sommes ici. Nous savons que nous avons actuellement un certain rôle, de par nos crédits, et ces crédits sont en diminution. Nous vous avons écoutée.
Pour ce qui est du nombre de membres présents, nous avons ici six députés en ce moment. Le comité plénier compte 15 membres mais nous nous sommes scindés en deux et nous sillonnons le pays. Vous avez donc plus que le quorum; vous avez une très forte représentation. Tous les témoignages sont enregistrés et transcrits et tout le reste, et vous n'avez donc pas à craindre que...
Mme Hassam: Cela me rassure, je vous remercie.
Le président: Chacun va pouvoir faire un résumé rapide. Si quelqu'un dépasse les 30 secondes, il devra payer 25¢ par seconde supplémentaire.
Mme Ahmad: Nos quatre recommandations sont les suivantes: que vous réévaluiez le transfert canadien en matière de santé et de services sociaux et établissiez un nouveau financement des programmes établis privilégiant l'éducation de la population. Le financement actuel de l'éducation postsecondaire devrait être maintenu pendant quatre ans. Nous espérons que le gouvernement fédéral participera à la conférence qui aura lieu fin mars. Nous espérons qu'une loi sur l'éducation nationale sera adoptée.
M. Marr-Laing: En réponse à l'une des questions, je veux dire qu'outre les énergies renouvelables, il existe également un potentiel énorme dans notre pays sur le plan des économies d'énergie.
Nous avons essayé de proposer dans notre mémoire quelques mesures concrètes touchant l'aménagement du régime fiscal. Sans ouvrir tout un débat philosophique, je vous invite à les examiner. Essayez également de voir à travers ce que nous considérons être un rideau de fumée dressé par le Groupe de travail national sur les sables bitumineux.
M. Whaley: Avant de partir, M. Elton vous a rappelé que divers gouvernements provinciaux se sont attaqués de façons différentes aux problèmes du déficit et de l'endettement. J'ajoute qu'ils n'ont pas les outils fiscaux dont dispose le gouvernement fédéral. Je vous exhorte à réfléchir aux cinq points que Jack Biddell vous a soumis et à ouvrir un débat national là-dessus, car la façon dont le gouvernement s'y prend ne résoudra rien.
Le président: Monsieur Madden, vouliez-vous ajouter quelque chose à cela?
M. Madden: Non, ça va.
M. Casey Vander Ploeg (représentant, Canada West Foundation): Pour résumer à la place du Dr David Elton, je rappellerais simplement ce qu'il a dit au début de la séance.
M. Laughton: Préservez suffisamment de dépenses fédérales pour avoir des normes nationales en matière de programmes sociaux. Soit dit en passant, ces derniers n'englobent pas l'éducation, à mon sens.
M. Myers: Nous dépensons 49 milliards de dollars par an en intérêts. Nous devons maîtriser la dette de façon à pouvoir payer tous les programmes sociaux et éducatifs dont nous aurons besoin à l'avenir. Mais il faut donner la priorité dans l'immédiat à la maîtrise de la dette.
Mme Aizenmann: Il reste un rôle à jouer pour le gouvernement fédéral, particulièrement dans le domaine de la santé, même si les paiements de transfert doivent diminuer pour réaliser les objectifs de déficit. En utilisant à bon escient l'argent des contribuables, le gouvernement pourra trouver les moyens nécessaires. Je pense que vous devrez vous pencher sur les gaspillages dans l'administration, une question dont je n'ai pas parlé par manque de temps.
M. Daly: Comme je l'ai dit tout à l'heure, je suis préoccupé par le volume des dégrèvements fiscaux et le fait que l'on ait fait très peu de choses pour y remédier. Il y a également beaucoup d'injustice dans nos programmes sociaux.
J'ai été fortement tenté de parler de la santé. Toute la question de normes nationales a surgi dans notre province à cause de déclarations de notre premier ministre, qui veut que le gouvernement fixe des normes nationales touchant des éléments particuliers des soins de santé. Nous sommes préoccupés. J'ai apporté des exemplaires de ce document que je peux vous remettre.
M. Pitts: Il y aura probablement des réductions de pensions. Ces réductions ne devraient pas être de trop grande ampleur car les personnes âgées dépensent leurs pensions. Ils ont déjà payé leur maison, payé leur voiture. Les coupures doivent être justes et, comme je l'ai dit, 55 p. 100 du travail bénévole au Canada est le fait des personnes âgées.
Le président: Je vous remercie, monsieur Pitts. Avez-vous menti sur votre âge?
Permettez-moi de résumer très rapidement. Docteur Weiner, les conseils de subvention, un plaidoyer très ferme - je suis d'accord. Madame Kay, des crédits de démarrage pour la création de petites entreprises - excellente proposition. Bill Daly - une comparaison très intéressante qui fait ressortir des divergences entre divers programmes fédéraux.
M. Daly: Nous avons des exemplaires de notre mémoire.
Le président: Nous en avons, je vous remercie.
Madame Aizenmann - un plaidoyer très fort pour la Loi canadienne sur la santé et des normes, et beaucoup d'autres gens autour de la table vous ont rejointe là-dessus. L'Association charbonnière - parmi tout ce que vous avez dit, je retiens que nous pourrions réellement économiser de l'argent et beaucoup de temps par une réforme réglementaire, en travaillant aux trois paliers de gouvernement pour rationaliser le cauchemar réglementaire.
Monsieur Laughton - un très fort plaidoyer pour le remplacement de la TPS par l'impôt sur le revenu. Le comité a rejeté cela l'année dernière, jugeant que l'impôt sur le revenu est déjà à un niveau excessif et que les Canadiens n'accepteraient pas une augmentation, mais votre proposition est intéressante. L'impôt sur les successions reste encore sur la table et nous devrons y réfléchir.
Je pense que David Elton a fait une proposition réellement courageuse. Tout le monde ici sait que nous devons réduire le déficit. La Canada West Foundation s'est penchée sur nos deux plus grosses dépenses, exception faite du service de la dette - 20 milliards de dollars respectivement pour les pensions et l'assurance-chômage. Il dit qu'il faut se demander si ces prestations vont vraiment à ceux qui en ont besoin. Il dit que 7 milliards sur les 20 milliards de dollars de pensions vont à des personnes disposant d'un revenu supérieur à 25 000$ et 40 p. 100 des prestations d'assurance-chômage vont aux membres de ménages ayant un revenu supérieur à 50 000$. Je pense que ce genre de question devra faire partie du débat sur nos priorités de dépenses futures.
Les membres de la Borrowers' Action Society veulent des taux d'intérêt réduits, ne veulent pas que la dette soit monétisée, reconnaissent qu'il faut essayer de rapatrier la dette, et c'est ce que nous faisons.
Pour ce qui est de prêts de la Banque du Canada aux provinces à taux d'intérêt réduits, nous en avons déjà parlé. Moi aussi j'aimerais bien qu'elle me fasse crédit à taux d'intérêt réduits. D'autres pays dans le monde l'on déjà fait, comme la République de Weimar et le Brésil. Nous avons vu des pays imprimer tout simplement de l'argent pour rembourser leurs dettes. Si c'est si simple, je vais continuer à regarder sous mon oreiller pour voir si je ne trouve pas la fée. J'espère que je la trouverai, car ainsi personne n'aura à souffrir et les souhaits de tout le monde pourront être comblés, car Ottawa pourra financer n'importe quoi.
Des propositions très intéressantes nous ont été faites sur les énergies de remplacement et les éconénergies. Je ne pensais pas que j'entendrais des gens en Alberta attaquer les sables bitumineux. Il est bon pour nous qui ne vivons pas en Alberta d'apprendre tout cela. Je pense que cela s'applique à tout le pays. Il n'y a guère de choses sur lesquelles nous sommes unanimes.
Vous, les étudiants, avez prononcé un plaidoyer très convaincant pour une participation fédérale à l'éducation postsecondaire. Vous avez pris part à ce débat sur une présence fédérale accrue dans des domaines qui relèvent traditionnellement, ou constitutionnellement, de la compétence provinciale. Il y a eu un débat très vigoureux aujourd'hui, lancé largement par M. Grubel, d'une part, et M. Crête, d'autre part, et nous avons entendu votre réponse. Vous avez dit que c'était impératif. La grande question est de savoir si le gouvernement fédéral continuera à avoir les moyens de faire cela.
Cela a été une après-midi fascinante. Au nom de tous les membres, je remercie chacun d'entre vous.
La séance est levée.