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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le vendredi 1er décembre 1995

.1342

[Traduction]

Le vice-président (M. Campbell): Nous poursuivons nos consultations prébudgétaires à Montréal.

[Français]

Je vous souhaite la bienvenue au Comité des finances. Je m'appelle Barry Campbell. Je suis député de Toronto, vice-président du Comité des finances et président de cette réunion qui se tient ici à Montréal.

Vous connaissez sans doute mon collègue, M. Loubier, et nos collègues, M. Pillitteri, Mme Brushett et M. Solberg.

Les consultations prébudgétaires donnent aux intéressés et groupes d'intérêt l'occasion de faire des commentaires sur le Budget. Comme vous le savez, nous sommes à la recherche de réponses à trois questions. Mais ces questions suscitent toutes une discussion. Cet après-midi, nos témoins sont:

[Traduction]

de l'Institut Gamma, Ioannis Philopoulos,

[Français]

de la Fédération étudiante universitaire du Québec, François Rebello; du Forum des citoyens âgés de Montréal, Henri Hudon, ainsi qu'Henri Gervais; et de l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec, Suzanne D'Amour.

[Traduction]

Nous attendons l'arrivée de certains autres témoins qui vont peut-être se joindre à nous au cours des délibérations.

[Français]

Quelqu'un vient d'arriver. Il s'agit de Mme Worsfold,

[Traduction]

du Conseil canadien pour les réfugiés,

[Français]

du Conseil canadien pour les réfugiés.

Nous débuterons par les présentations préliminaires qui dureront, je vous en prie, quatre ou cinq minutes afin qu'il nous reste assez de temps pour une discussion entre témoins et députés. Après les présentations, nous aurons le temps de discuter entre nous et ensuite, des questions seront posées par les députés.

[Traduction]

Nous allons commencer par M. Philopoulos de l'Institut Gamma.

[Français]

M. Ioannis Philopoulos (économiste, Institut Gamma): Merci. Je vais parler en français si vous n'y voyez pas d'objections. Ensuite, la discussion pourra être bilingue. On pourra passer du français à l'anglais.

Monsieur le président, chers membres du Comité des finances, je suis très heureux de me retrouver parmi vous. Mon intervention vise à orienter le débat dans une autre direction que celle suivie actuellement en vous présentant quelques points sous forme d'interrogations.

Je commencerai mon discours par une introduction générale, pour ensuite me concentrer sur six thèmes qui méritent d'être retenus. Je suis d'accord sur le principe de la réduction du déficit et de la dette nationale.

.1345

Toutefois, je suis en désaccord sur la manière dont les pouvoirs publics abordent le sujet. Je ne vois aucune stratégie en rapport avec le processus suivi.

A-t-on, par exemple, fixé une période réaliste pour éliminer le déficit budgétaire, ce qui aurait pour conséquence de réduire la dette nationale à un niveau tolérable? C'est possible, mais cette période est basée sur des hypothèses économiques irréalistes. C'est la raison pour laquelle je me permets de proposer un échéancier sur 10 ans pour arriver au but recherché, en tenant compte du fait qu'il faudrait réussir une réelle croissance de notre économie nationale de l'ordre de 3 à 4 p. 100 par année en moyenne.

Tout effort dans le sens d'une élimination du déficit devra faire l'objet d'un vaste plan stratégique national qui exigera un consensus de tous les partis politiques du pays. Quelles pourraient être mes propositions dans ce plan éventuel?

Abordons maintenant les six points qui pourraient faire l'objet d'un débat autour de cette table. Notre premier objectif devrait être l'accroissement des revenus budgétaires. Il ne faudrait cependant pas le faire par le biais de la vente des sociétés d'État ou de la privatisation de celles qui restent encore sous contrôle étatique, car nous serions obligés, après un certain temps, de réglementer à nouveau les sociétés privatisées. Il ne faudrait pas non plus le faire par la commercialisation de certaines activités gouvernementales, ce qui serait vraisemblablement plus le fruit d'une improvisation causée par une panique générale que d'une stratégie réelle.

Pour atteindre cet objectif, serait-il possible de se mettre d'accord sur la possibilité de modifier en profondeur la mission de certains services gouvernementaux en les convertissant stratégiquement en «centres de profit» qui fonctionneraient selon les critères du marché?

Serait-il également possible d'examiner la possibilité d'accepter temporairement une petite inflation modérée de l'ordre de 4 p. 100 par année pendant les cinq prochaines années en vue de stimuler la croissance économique?

A-t-on aussi envisagé la possibilité de repenser et de réorganiser le travail des fonctionnaires pour les rendre plus productifs tout en leur donnant la mission de faire des profits au lieu d'essayer de réduire la masse salariale en les renvoyant chez eux?

Le second objectif sera de s'attaquer à la dette publique et spécialement à la partie détenue par les étrangers. De quelle façon devrions-nous nous y prendre? Je pense qu'il faudrait, dans un premier temps, consolider toutes les dettes publiques des provinces avec la dette fédérale. Une fois cette opération réussie, il faudrait convertir la dette externe en dette interne, par l'entremise de bons du trésor non taxables afin d'inciter l'épargnant privé et institutionnel à y participer.

Notre objectif serait donc de contrôler la dette nationale et d'offrir des taux d'intérêt assez bas pour stimuler l'économie. En ce moment, comme vous le savez, toute augmentation de la dette externe provoque un accroissement de nos taux d'intérêt, ce qui paralyse notre activité économique.

Il y aurait encore une autre possibilité, celle de créer des titres spéciaux cotés en bourse. Enfin, pourquoi ne donnerait-on pas à notre élite financière la mission de créer des instruments financiers appropriés qui auraient pour objectif de réduire notre endettement, tout en cherchant à récupérer le capital canadien qui quitte le pays parce qu'il n'est pas rentable ici?

Troisièmement, au lieu de faire des compressions générales dans les programmes ou des réductions dans le budget des différents ministères de l'ordre de 20 p. 100 par année, pourquoi ne donnerions-nous pas un ordre de priorité stratégique à nos programmes existants? On pourrait ainsi, d'une part, renforcer les programmes productifs, c'est-à-dire ceux qui apportent des revenus au Trésor, tout en créant des emplois qui contribueraient à l'augmentation qualitative de notre PIB et, d'autre part, éliminer quelques programmes que nous ne considérons pas nécessaires ou tout au moins changer leur mission. Sans cette réorganisation, les coupures n'auront pas les résultats escomptés, puisque les compressions improvisées, sans calculer leur impact global sur l'économie, provoqueront l'effet inverse de celui qui est recherché.

Quatrièmement, en ce qui concerne la modification de la mission de certains programmes, je proposerais de voir différemment le fonds des programmes sociaux, particulièrement l'assurance-chômage et le bien-être social. Serait-il possible, par exemple, de les regrouper sous un nouvel aspect, différent de celui que le gouvernement a présenté l'an dernier, et qui créerait une nouvelle forme de partage social connu sous le nom de «revenu minimum garanti», c'est-à-dire un produit entre l'assurance-chômage et le bien-être social, qui serait un revenu de base suffisant pour garantir la subsistance minimale d'une personne et que les récipiendaires n'obtiendraient qu'en fournissant un certain travail?

.1350

Une certaine étude superficielle évalue à cinq milliards de dollars par année les économies qu'entraînerait un tel programme pour le Trésor fédéral. Je proposerais au ministre du Développement des ressources humaines de revoir sérieusement le programme de formation professionnelle, parce qu'il ne prépare pas nos ressources humaines à être compétitives dans une économie ouverte. Et s'il est vrai que la réforme de cet après-midi va nous permettre d'économiser deux milliards de dollars, comme les journalistes nous le disent, je suggérerais qu'on les investisse dans le sens indiqué.

De plus, au lieu de réduire l'aide étrangère, qui est un excellent moyen de promotion de nos produits à l'étranger et qui procure des retombées financières à court et à long termes, il faudrait plutôt augmenter le budget qui y est alloué et orienter nos jeunes diplômés et entrepreneurs dans la direction du marché mondial.

Cinquièmement, compte tenu du niveau élevé de taxation que nous connaissons actuellement, le gouvernement pourrait-il examiner sérieusement la possibilité de produire des mesures avant-gardistes qui réduiraient substantiellement le fardeau fiscal des individus et donneraient aux jeunes de ce pays l'occasion d'avoir confiance en leur économie? De plus, on pourrait instaurer, comme incitatif pour le secteur privé, une déduction fiscale réelle pour toute entreprise qui créerait des emplois productifs, c'est-à-dire dans les secteurs de la technologie de pointe.

Finalement, on peut se demander si le rapport du vérificateur général du Canada est utile. Certains points mériteraient d'être examinés en profondeur. Merci beaucoup.

Le vice-président (M. Campbell): Merci beaucoup. Nous entendrons maintenantMme Worsfold. D'autres témoins sont arrivés.

[Traduction]

M. Weiser de Positron Industries Inc. s'est joint à nous. Également, permettez-moi de vous présenter Pierre Jasmin,

[Français]

des Artistes pour la paix. Bienvenue à ce comité.

[Traduction]

Je crois avoir maintenant présenté tous les témoins. Nous en sommes à la phase des déclarations liminaires des membres du groupe de discussion. Je vous reviendrai, monsieur Weiser, après notre tour de table.

[Français]

Je cède la parole à Mme Worsfold.

Mme Nancy Worsfold (directrice générale, Conseil canadien pour les réfugiés): Bonjour aux membres du comité.

[Traduction]

Lorsque j'ai comparu devant votre comité l'an dernier au nom du Conseil canadien pour les réfugiés, nous nous attendions à ce que les consultations débouchent sur un budget qui engloberait des compressions au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration et, vraisemblablement, certaines augmentations des frais de traitement exigés des réfugiés et des immigrants. Jamais n'aurions-nous imaginé que le budget imposerait des frais de droit d'établissement carrément injustes et jamais n'aurions-nous cru qu'une telle mesure aurait été saluée dans les sondages d'opinion, du fait notamment qu'elle a été présentée de façon très incomplète dans les communiqués gouvernementaux.

La taxe d'entrée est injuste. Une taxe d'entrée n'est pas une forme de rémunération des services. Les immigrants et les réfugiés sont déjà assujettis à des frais de traitement très élevés. Les frais de traitement des demandes relatives à l'immigration sont de 500$ par adulte et de 100$ par enfant. La taxe d'entrée, elle, doit être versée en échange du droit d'établissement, quel que soit ce droit. Tous les réfugiés et immigrants versent le même montant en espèces pour avoir le droit d'établissement, soit 975$ par adulte.

Comme la capitation, la taxe d'entrée constitue un fardeau beaucoup plus lourd pour ceux qui ont moins d'argent et pour ceux qui viennent de pays dont la devise est faible par rapport au dollar canadien. Le coût réel de la taxe d'entrée n'est pas du tout le même pour un immigrant belge que pour un immigrant de l'Inde. Elle touche encore plus lourdement le réfugié algérien.

La taxe d'entrée est discriminatoire par rapport aux nouveaux arrivants de pays pauvres. Une fois au Canada, les nouveaux arrivants paient des impôts comme tout le monde. D'ailleurs, il ressort de nombreuses études que les nouveaux arrivants ne constituent pas un fardeau pour le trésor public, bien au contraire. Il est injuste d'obliger les nouveaux arrivants à payer encore davantage d'impôts dès le départ. On peut même qualifier la manoeuvre d'astucieuse: le gouvernement a introduit une nouvelle taxe qui vise un groupe qui n'est pas vraiment en mesure de la contester puisqu'il s'agit de personnes qui ne sont pas encore au Canada.

Cela correspond-il vraiment aux valeurs d'équité et de droiture dont se réclament les Canadiens? De plus, une taxe d'entrée imposée aux nouveaux arrivants fait plus de tort que de bien. En effet, les familles nouvellement arrivées auront moins d'argent et moins de sécurité financière qu'elles en auraient autrement pour s'intégrer au mode de vie canadien.

La taxe d'entrée fait du tort aux réfugiés authentiques. Il existe effectivement un programme d'emprunt et même si, en principe, l'incapacité de payer ne prive personne de protection, la taxe d'entrée fait du tort aux réfugiés. Dans le cas des réfugiés choisis à l'étranger, la taxe d'entrée oblige les agents de visas canadiens de choisir les réfugiés en fonction de leur capacité de rembourser un emprunt important après leur arrivée au Canada au lieu de le faire, comme il se doit, en fonction du besoin de la protection du Canada.

.1355

La taxe d'entrée est également un important facteur dissuasif pour ceux qui souhaitent parrainer des réfugiés. Par exemple, le Diocèse catholique de Montréal ne renouvellera pas son entente de parrainage, notamment en raison du fait que cette organisation est lasse de dépenser l'argent de l'église pour rembourser les emprunts que doivent faire les réfugiés pour acquitter leurs frais. De plus, le coordonnateur du parrainage du Diocèse anglican de la Colombie-Britannique constate qu'il est de plus en plus difficile de convaincre de parrainer des réfugiés des paroissiens qui se rendent compte que leur argent sert à payer la taxe d'entrée qui vise les réfugiés acceptés au Canada et leur famille.

Pour ceux qui sont acceptés comme réfugiés au Canada, la taxe d'entrée pose de nombreux problèmes. Le pire effet de cette taxe frappe les familles. L'incapacité de payer la taxe d'entrée ou d'emprunter pour le faire peut retarder indéfiniment la réunification familiale pour des époux, des épouses et de petits enfants qui se trouvent souvent en situation vulnérable à l'étranger.

La taxe d'entrée est également une source de tension extrême pour les personnes qui achèvent à peine de vivre l'incertitude de la procédure de détermination du statut de réfugié après avoir fui la persécution ou la guerre civile. Il est certain que la taxe va favoriser la prolifération d'usuriers exploiteurs qui vont profiter du désespoir de gens vulnérables.

Il y a également d'autres catégories d'immigrants qui, tout en n'étant pas des réfugiés au sens de la convention, peuvent être vulnérables et avoir besoin de protection: des parents de réfugiés; des personnes acceptées dans le cadre du programme de révision postérieure des revendications refusées et des personnes faisant partie de la catégorie de sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi; des personnes qui prodiguent des soins à domicile; des personnes acceptées pour des raisons humanitaires; et des immigrants de la catégorie familiale.

La taxe d'entrée transmet un message pernicieux...

Le vice-président (M. Campbell): Madame Worsfold, je m'excuse, mais pourriez-vous ralentir? L'interprète a un peu de difficulté. De plus, votre temps est à moitié écoulé et je tenais à vous signaler que si vous avez d'autres sujets à aborder que celui de la taxe d'entrée, je vous prie de les inclure dans vos commentaires préliminaires.

Mme Worsfold: Je suis à mi-chemin de mon texte. Ne vous inquiétez pas.

Le vice-président (M. Campbell): D'accord, merci. Et je vous prie de ralentir un tout petit peu.

Mme Worsfold: La taxe d'entrée transmet un message pernicieux aux Canadiens au sujet des réfugiés et des immigrants, elle contribue à entretenir le mythe selon lequel les nouveaux arrivants constituent un fardeau pour notre régime de services sociaux. Ainsi, les Canadiens sont incités à envisager les nouveaux arrivants non pas comme étant de nouveaux membres importants de notre collectivité, mais plutôt des intrus dont nous devons assumer la charge et qui ne sont les bienvenus que dans la mesure où ils mettent de l'argent sur la table dès leur arrivée.

À titre de députés, vous n'ignorez certainement pas que la taxe d'entrée a été fort bien accueillie, selon les sondages d'opinion, mais vous savez également - surtout ceux parmi vous qui proviennent de centres urbains - à quel point la taxe d'entrée est un fardeau pour toutes ces personnes qui frappent chaque jour à votre bureau de circonscription. Pensez-vous que les personnes qui ont répondu aux sondeurs qu'elles approuvaient la taxe d'entrée continueraient d'y être favorables si elles étaient mises au courant de certains cas sont portés à votre attention.

La taxe d'entrée viole nos obligations internationales. Ayant peu de temps, je vais vous épargner une longue argumentation en me bornant à vous citer la Convention de Genève sur le Statut des réfugiés, dont le Canada est signataire. Voici le libellé de l'article 34:

Le vice-président (M. Campbell): Encore une fois, je dois vous demander de ralentir la cadence. Les interprètes ont encore de la difficulté.

Mme Worsfold: Encore?

Le vice-président (M. Campbell): En effet.

Mme Worsfold: Voulez-vous que je relise ce passage?

Le vice-président (M. Campbell): Non.

Mme Worsfold: Lorsque le gouvernement a annoncé l'application de la taxe d'entrée, il a laissé entendre dans ses documents de presse que les autres pays d'accueil exigeaient des réfugiés les mêmes genres de frais. C'est tout simplement faux.

Il existe d'autres solutions qu'une taxe d'entrée. Le Conseil canadien pour les réfugiés s'est fait dire à maintes reprises que si le ministère n'avait pas introduit la taxe d'entrée, les 150 millions de dollars par année qu'elle doit procurer auraient dû être prélevés des sommes prévues pour les services d'établissement des nouveaux arrivants. Nous n'acceptons nullement cette logique. La politique d'immigration représente un investissement dans l'avenir. La politique d'accueil de réfugiés et d'aide humanitaire du Canada correspond à nos obligations internationales et représente la main que tendent les Canadiens aux 23 millions de réfugiés du monde entier.

À l'occasion de notre dernière comparution devant votre comité, nous avons proposé divers moyens par lesquels le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration pourrait faire son travail de manière plus efficace. Le mémoire déposé à ce moment-là est annexé à celui que nous présentons aujourd'hui, étant donné que ces recommandations nous semblent encore valables.

Nous comprenons que le gouvernement doit accroître ses recettes et réduire ses dépenses. Dans notre mémoire précédent, nous proposions des façons d'économiser au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Bien que la politique économique ne soit pas la spécialisation du Conseil canadien pour les réfugiés, il semble couler de source que le problème d'endettement du Canada serait en bonne voie de règlement si davantage de personnes travaillaient et moins de gens chômaient. Si une plus grande partie de la population actuelle était au travail, le gouvernement n'aurait pas besoin de recourir à des mesures comme la taxe d'entrée. Si le prochain budget n'apporte pas l'annulation de la taxe d'entrée, le ministère pourrait, tout au moins, atténuer le fardeau qu'elle représente en la rendant exigible au moment de l'octroi du statut de résident permanent et non pas au moment de la demande de statut. On pourrait améliorer le programme de prêt en en élargissant l'admissibilité et en permettant que le prêt puisse englober les frais de traitement.

.1400

Le vice-président (M. Campbell): Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Rebello.

M. François Rebello (président, Fédération étudiante universitaire du Québec): Bonjour.

La première réflexion que j'aimerais vous soumettre concerne la dette. En fait, je voudrais simplement vous rappeler que la dette que vous tentez de réduire et d'annuler complètement un jour concerne tout le monde. D'une certaine façon, nous allons la payer pendant de nombreuses années, et même la payer très cher à cause des intérêts.

Nous qui sommes jeunes allons devoir payer beaucoup plus d'impôts que nous n'aurons reçu de services, ce qui n'est pas le cas du reste de la population. C'est donc un premier élément à considérer.

D'autre part, il vous suffit de réfléchir un peu au tableau des valeurs des jeunes pour répondre aux questions concernant les choix budgétaires d'Ottawa.

Tout d'abord, il faut faire des choix. À notre avis, il faut hiérarchiser les dépenses en fonction des responsabilités de l'État. Nous pensons, et tout le monde s'accorde à le dire, que les dépenses concernant l'éducation sont les plus importantes puisque ce sont des dépenses utiles sur le plan social et qu'elles constituent un investissement économique. Donc, dans la hiérarchie des dépenses, l'éducation devrait arriver en tête.

Ensuite, certaines responsabilités fondamentales de l'État doivent être assumées de façon efficace, et je ne pense pas que l'entreprise privée puisse se substituer à l'État dans des secteurs comme la santé, la justice, les programmes sociaux et les pensions des aînés, car les services rendus seraient certainement de moins bonne qualité. Aux yeux des Québécois, ces responsabilités sont primordiales, et nous espérons qu'il en est de même pour le reste du Canada.

Pour le reste, les étudiants du Québec proposent des changements et des réformes claires.

En ce qui concerne les subventions aux entreprises, il est clair que même les groupes de pression qui représentent les entreprises proposent l'abolition de ces subventions. Nous pensons qu'il faut y réfléchir sérieusement.

Je pense que ceux qui veulent maintenir les subventions aux entreprises ne sont pas toujours les entreprises elles-mêmes, mais plutôt les députés qui ont besoin de cet argent pour financer les élections dans leur circonscription. Je crois qu'il faut y penser sérieusement.

Je voudrais aussi dire que l'État ne doit pas nécessairement jouer un rôle aussi important dans l'économie, mais qu'il doit sûrement assurer un revenu décent aux gens les plus démunis.

L'État se doit aussi d'éduquer la jeunesse et d'offrir des pensions de vieillesse, mais il ne doit sûrement pas subventionner continuellement les entreprises à grands coups de millions.

L'autre question est celle des dépenses militaires. À notre avis, ce qui s'est passé au Canada cette année est tout à fait inacceptable. En fait, personne ne sait ce qui s'est passé. Et pourtant, en campagne électorale, M. Chrétien avait dit très clairement que les dépenses militaires étaient moins importantes que tout le reste. Pour illustrer tout cela, il avait promis d'annuler le contrat des hélicoptères, ce qui allait permettre d'économiser 4 milliards de dollars. C'était tout à fait justifié, et d'ailleurs cette promesse a été tenue.

Toutefois, quelques mois plus tard, on s'aperçoit qu'il y a un contrat de 2 milliards pour des tanks, des véhicules blindés. Et cette somme de 2 milliards de dollars correspond aux coupures que l'on prévoit l'année prochaine pour les transferts. C'est tout à fait inacceptable.

Pouvez-vous imaginer les différents impacts que pourrait avoir cette même somme de2 milliards investie soit dans les programmes sociaux, l'éducation et la santé, soit dans un seul contrat pour une seule usine?

Nous avons lu tous les documents qui étaient disponibles pour bien comprendre cette décision du gouvernement, et j'aimerais aller un peu plus loin dans l'analyse de ce choix parce qu'il témoigne plus ou moins du point de vue du gouvernement qui, à l'heure actuelle, a des problèmes de logique et de cohérence.

À notre avis, les critères dont on s'est servi pour prendre ces décisions étaient tout à fait injustifiées.

Le premier critère utilisé était la défense du territoire. On a prétexté avoir besoin de650 nouveaux véhicules blindés pour assurer la défense du territoire. Or, la seule frontière terrestre que nous avons est la frontière américaine et je ne pense pas que l'on puisse craindre une invasion de ce côté là.

La deuxième raison invoquée était les opérations de paix.

.1405

Il faut savoir qu'à l'heure actuelle, il y a seulement 200 véhicules blindés utilisés du côté de l'ex-Yougoslavie. On en a 1 500 en réserve au Canada. Pourquoi en commanderait-on 651 de plus? C'est assez bizarre.

La troisième raison était le soutien au pouvoir civil. Nous avons trouvé cela cocasse. Le soutien au pouvoir civil veut dire que dans des situations de problème interne, le gouvernement fédéral pourrait demander l'aide du pouvoir militaire. Est-ce que le fédéral craint un soulèvement des autochtones ou des Québécois?

Tout bien considéré, nous ne pensons pas que toutes ces dépenses soient justifiées. À notre avis, la raison principale est la proximité du pouvoir financier et des élus fédéraux. On sait que certaines choses peuvent se négocier alors qu'elles ne sont pas nécessairement dans l'intérêt du peuple, mais quand on parle de 2 milliards de dollars, c'est beaucoup!

Des petits cadeaux de quelques millions, ça peut encore passer, mais 2 milliards de dollars! De plus, comme vous devez vous en douter, c'est nous qui allons les payer, et avec les intérêts, bien sûr! Il y en a d'autres qui ont pris ce genre de décision dans les années 1970. Il s'appelait Jean Chrétien et il était ministre des Finances. Quand le gouvernement a autorisé les dépenses pour les frégates, il a fallu payer 9 milliards de dollars pour ces bateaux et on paye encore les intérêts.

Il faut arrêter tout cela. On pensait que le gouvernement avait compris, mais une décision comme celle qui a été prise cet été est tout à fait inacceptable. Je tiens à souligner cependant que le reste du Canada a semblé très heureux de cette décision. C'est à peine s'il y a eu des critiques de la part du Parti réformiste dans les journaux, dans le reste du Canada. Malgré leur grand désir de rigueur financière, ils ne sont pas du tout intervenus sur la question. Il y a seulement eu quelques réflexions de la part du Québec.

D'ailleurs, il y avait un consensus au Québec à ce sujet. Il y a de graves problèmes au niveau des choix. En dehors des dépenses militaires et des subventions aux entreprises, nous avons aussi constaté des éléments absolument inacceptables au niveau de la fiscalité. Cela concerne les fiducies familiales dont tout le monde parle depuis plusieurs années, et auxquelles M. Martin, dans son budget, a donné deux ans pour placer leur argent ailleurs avant de les imposer, ce qui nous a bien fait rire.

Cette année, nous avons perdu 1,5 milliard de dollars en revenus à cause d'une décision du gouvernement Chrétien. J'ose espérer que ce n'est pas à cause de pressions familiales ou autres. Il y a vraiment des aberrations.

Il y a plusieurs autres mesures fiscales que sont envisagées depuis des années, comme l'imposition des gains de loterie. Il y a de nombreuses mesures fiscales à appliquer et je ne veux pas entrer dans les détails. Nous ne sommes pas des fiscalistes, mais à la lecture de documents produits par Yves Séguin ou d'autres fiscalistes, on s'aperçoit que certains choix sont faits aux dépens des plus démunis et au profit des plus riches. Il suffit de penser aux évasions fiscales dans les paradis fiscaux. Je pense donc que le Comité des finances a la responsabilité d'agir à ce sujet et d'aller au-delà des intérêts des plus nantis de ce pays.

Finalement, j'aimerais dire que la jeunesse québécoise entame un processus de réflexion très important en ce qui concerne les finances publiques. Cet hiver, nous allons constituer une commission qui visitera chacune des institutions scolaires au Québec - cégeps et universités - pour discuter de la question des finances publiques et de l'emploi, dans le but de présenter éventuellement à la société québécoise un choix de société clair au niveau des finances publiques.

Nous comprenons mal les discours qui ont été tenus, l'un par le syndicat et l'autre par le patronat. Aucun des deux n'est nuancé et je pense qu'il pourrait y avoir un discours plus sensé sur les finances publiques.

Le vice-président (M. Campbell): Vous savez qu'il est difficile pour nous aussi, en tant que députés...

M. Rebello: Bien sûr, mais nous pensons cependant qu'il faut dire et faire des choses sensées. Il ne faut pas non plus oublier la hiérarchie au niveau des valeurs. Il est inacceptable que le dernier budget fédéral ait coupé seulement 10 p. 100 des dépenses miliaires alors qu'il a coupé 10 p. 100 des dépenses en éducation et en santé. N'importe quelle famille qui aurait eu à faire des choix aurait probablement décidé de couper 50 p. 100 des dépenses militaires et de maintenir les dépenses de la santé et de l'éducation. Il faudrait que les députés pensent aussi de cette façon.

Si jamais le gouvernement fédéral essayait de couper dans les transferts et si jamais les provinces décidaient de ne pas compenser ces coupures par une augmentation de leur propre déficit, cela pourrait se traduire, au niveau de l'éducation postsecondaire, par des hausses de frais de scolarité importantes et par un endettement personnel beaucoup plus grand pour les jeunes.

Si vous baissez la dette publique pour augmenter la dette personnelle des jeunes, vous ne réglez pas mon problème. Finalement, je paierai la dette, non pas une fois mais plutôt deux fois. Alors, je vous serais reconnaissant d'être plus cohérents dans vos prises de décisions sur la fiscalité.

Le vice-président (M. Campbell): Merci, monsieur Rebello.

[Traduction]

Si vous voulez bien nous passerons maintenant à M. Hudon et à M. Gervais,

[Français]

représentants du Forum des citoyens âgés de Montréal.

[Traduction]

M. Rebello a soulevé des questions relatives à l'endettement et à ceux qui doivent en assumer le fardeau.

.1410

[Français]

Qui a le fardeau de la dette? Je cède la parole à M. Hudon.

M. Henri Hudon (trésorier, Forum des citoyens âgés de Montréal): Le Forum des citoyens âgés de Montréal est un organisme à but non lucratif qui se voue à la promotion et à la protection des personnes âgées tout en contribuant à l'amélioration du bien commun. Le forum est membre de la Coalition des aînés du Québec, qui regroupe des associations de personnes âgées francophones et anglophones du Québec qui représentent plus d'un demi-million de personnes. La coalition a été établie pour protéger les droits acquis des personnes âgées. Parmi ses membres, on compte la FADOQ, l'AQDR, l'AREQ, l'ARGQ et la Golden Age Association, dont quelques membres sont ici présents pour entendre cette présentation.

Nous intervenons lorsque les politiques gouvernementales menacent la sécurité et la qualité de vie de toutes les générations, et nos interventions s'appuient sur les principes de base suivants.

Dans une société démocratique, l'État a la responsabilité de voir à la sécurité externe et interne des citoyens en protégeant le peuple contre la force et l'exploitation de pouvoirs externes d'une part et, d'autre part, en améliorant les pouvoirs relevant de sa compétence de manière à assurer la fourniture et la distribution des ressources, des droits et des responsabilités.

Les notions de besoin et de droit évoluent dans le temps. Elles incluent la sécurité physique et la santé, de même que les moyens de les fournir, la liberté de presse, l'action et la mobilité compte tenu des droits des autres, le respect de la personne, la notion de société juste et l'occasion de donner et de recevoir de la compassion.

Les programmes sont les moyens à la disposition de l'État pour s'acquitter de ses responsabilités, y compris toutes ses procédures et toutes ses agences juridiques, administratives et financières. Les principes à observer dans ces procédés comprennent l'équité telle que comprise par l'opinion générale et la loi, l'équité dans l'attribution des contributions et des avantages disponibles dans la société, l'occasion de participer aux décisions concernant les individus et la collectivité, la réaction aux changements dans les conditions et les attentes de la population.

Lorsque nous donnons notre avis sur des questions mises de l'avant par le Comité permanent des finances, nous essayons toujours de nous en tenir à nos politiques fondamentales. Le gouvernement doit s'efforcer d'équilibrer le budget. Toutefois, ses objectifs devraient être atteints graduellement et non par des coupures drastiques dans les dépenses qui seraient effectuées trop rapidement ou d'une façon trop arbitraire. Une réduction des dépenses, en montant brut ou en pourcentage du produit national brut, constitue un ingrédient essentiel de toute potion destinée à corriger nos malaises fiscaux.

Un des défis les plus importants auxquels nous faisons face comme société consiste à décider quels programmes et quelles normes de services nous attendons du gouvernement à l'intérieur de ces programmes. L'aboutissement à des décisions prudentes relativement aux dépenses à faire en matière de programmes gouvernementaux requiert une information pertinente sur les résultats anticipés par opposition aux résultats atteints. Le recours à une value-for-money auditing comme à une vérification complète devrait permettre au gouvernement d'atteindre cet objectif. On devrait exiger la pleine responsabilité financière.

Il y a tout juste deux semaines, le rapport du vérificateur général insistait sur le nécessité d'une comptabilité value-for-money. Il n'y avait pas d'indication claire des résultats obtenus par l'injection de 4,5 milliards de dollars dans le développement économique régional au cours des huit dernières années. Les deux milliards de dollars investis dans la formation en 1994-1995 ne ciblaient pas nécessairement les 300 000 emplois vacants difficiles à combler. La transmission électronique des déclarations de revenu n'était pas soumise à un contrôle adéquat.

Un budget équilibré ne doit pas seulement dépendre de la rationalisation des dépenses du gouvernement, mais devrait surtout viser à augmenter ses revenus.

.1415

On devrait penser à établir des tables d'impôt sur le revenu plus progressives. Un impôt sur les successions représente aussi une autre source de revenus qui mérite considération. Le plafond de la contribution à un régime enregistré d'épargne-retraite pourrait être ramené à 8 000 $ ce qui, d'après le ministère des Finances, permettrait d'économiser un milliard de dollars la première année.

En termes de fardeau fiscal, le Canada n'est pas un pays où les impôts sont élevés. Toutefois, il se fait remarquer parce qu'il dépend, dans une large mesure, de l'impôt sur le revenu des particuliers. En effet, la proportion du revenu obtenu par l'impôt sur le revenu des particuliers a presque doublé depuis 1965 pour atteindre 40 p. 100, comparativement à celle tirée de l'impôt sur le revenu des sociétés, qui est passée de 15 p. 100 à seulement 5 p. 100 pendant la même période. La mise en évidence de l'impôt sur le revenu des particuliers porte les Canadiens à protester contre toute augmentation de taxes.

Certaines mesures pourraient être prises en compte pour augmenter le revenu tiré de l'impôt sur les sociétés: l'abolition des nombreux abris fiscaux, les subventions accordées à l'industrie, l'imposition d'un impôt minimal sur le revenu des sociétés et la possibilité d'augmenter leur taux d'imposition.

Il y aurait peut-être lieu d'examiner la possibilité de récupérer plus rapidement les impôts différés des sociétés qui résultent de déductions fiscales accélérées à la suite d'investissements dans des immobilisations. Un examen des états financiers annuels de plusieurs sociétés publiques révèle que des sommes considérables ont été accumulées à ce chapitre au cours des années. Ces impôts différés ont tendance à augmenter plutôt qu'à diminuer, et l'impression qui prévaut est qu'ils ne seront jamais remboursés. L'examen des derniers états financiers de 10 de ces sociétés révèle que les impôts qu'elles ont différés totalisent 10 milliards de dollars.

Quelles politiques budgétaires peut-on utiliser pour stimuler l'embauche et le progrès économique?

Les coupures massives dans les sommes dépensées par le gouvernement dans les programmes sociaux de même que dans ses autres dépenses annuleront les avantages recherchés si elles ne sont pas planifiées et évaluées adéquatement. La réduction massive des dépenses gouvernementales aura un effet contraire sur l'économie et, par conséquent, réduira les revenus gouvernementaux tirés des impôts.

On devrait songer à rapatrier la dette nationale. Le fait que 40 p. 100 de notre dette soit aux mains d'étrangers a tendance à faire augmenter les taux d'intérêt. Plus la dette nationale sera aux mains des Canadiens, mieux on pourra contrôler les taux d'intérêt. Nous avons l'impression que les taux d'intérêt élevés payés sur notre dette nationale au cours des 10 ou 20 dernières années ont contribué à l'augmentation accélérée de la dette.

Nous devons faire preuve d'innovation et de création. La Voix a proposé de recourir à un programme de «bons de guerre». La Corporation des retraités canadiens intéressés, Division de l'Ontario, recommande pour sa part de convertir la dette détenue sous forme d'obligations en actions de sociétés de la Couronne.

Finalement, vous nous demandez dans quelles activités fédérales faire des coupures. Vous nous demandez même si ces activités ne devraient pas être commercialisées, privatisées ou transférées à d'autres niveaux administratifs. Cela nous fait penser à la crise vécue par la Nouvelle-Zélande. Plus le déficit a été réduit par des coupures massives et par la vente d'éléments d'actif, plus la dette nationale a augmenté de même que l'endettement aux mains d'étrangers du secteur privé.

Il y a quelque chose d'illogique dans le fait que, très souvent, les activités gouvernementales coûtent plus cher que si elles étaient aux mains de l'entreprise privée. Si des politiques de value-for-money appropriées étaient en vigueur pour toutes les activités gouvernementales, et si les personnes responsables de ces activités étaient imputables de leur administration, nous n'aurions pas alors à examiner la possibilité de les commercialiser ou de les privatiser.

Il va sans dire que de nombreuses activités doivent rester aux mains du gouvernement, tout simplement parce que si elles étaient privatisées, l'accès aux services serait restreint à ceux qui peuvent se les payer, tandis que de nombreuses autres personnes devraient s'en passer.

.1420

Il importe de souligner que pour la population vieillissante, le fait de toucher de meilleurs revenus signifie que son pouvoir d'achat est maintenu et qu'elle peut contribuer à l'amélioration de l'économie et de la société en général. En ce qui concerne la pension de la sécurité de la vieillesse...

Le vice-président (M. Campbell): Monsieur Hudon, étant donné le temps qu'il nous reste et les autres témoins qui attendent leur tour, pourriez-vous nous exposer rapidement vos arguments sur la pension de la sécurité de la vieillesse?

M. Hudon: Ça ne prendra que deux minutes.

Donc, en ce qui concerne la pension de la sécurité de la vieillesse, plusieurs points ont été unanimement acceptés par certains organismes de personnes âgées lors d'un colloque sur le sujet. La pension de la sécurité de la vieillesse ne fait pas partie d'un programme social mais constitue le premier régime de pensions universel alimenté par des contributions obligatoires des individus. Elle a été sanctionnée par la loi en 1951 qui, à son tour, a établi le fonds de sécurité de la vieillesse.

En 1971, les impôts destinés au fonds de la sécurité de la vieillesse ont été combinés avec les taux de l'impôt sur le revenu, ce qui a amené la disparition éventuelle du fonds. En 1976, lorsque le gouvernement a aboli le fonds de sécurité de la vieillesse, ce dernier contenait 3 milliards de dollars excluant les débours pour le supplément du revenu garanti.

Étant donné que les retraités d'aujourd'hui ont contribué au fonds pendant les années 1950, 1960 et 1970 et qu'ils en ont tenu compte dans les calculs qu'ils ont faits en vue de leur retraite, les mesures destinées à récupérer les pensions de personnes qui touchent un revenu de plus de 53 315 $ sont discriminatoires et injustes et devrait être abrogées.

Le crédit d'impôt en raison de l'âge devrait être rétabli puisque cette exemption était consentie à titre de compensation pour la taxation en vue de la pension de la sécurité de la vieillesse. L'admissibilité à cette pension devrait demeurer à 65 ans et ne devrait pas être assujettie au revenu familial.

Le plan budgétaire 1995 proposait de réduire considérablement les transferts sociaux aux provinces en 1996-1997 et en 1997-1998. Pour ce faire, ce plan préconisait l'introduction d'un système de financement en bloc, réduisant ainsi la capacité du gouvernement fédéral d'assurer et de maintenir les principes établis au titre des programmes sociaux, particulièrement des soins de santé: l'universalité, la transférabilité, la responsabilité financière et les mesures dans l'ensemble de l'administration publique. On peut donc conclure que le frein appliqué à la fiscalité a ses répercussions dans la réforme sociale.

Le président: Madame D'Amour.

Mme Suzanne D'Amour (Association des producteurs de films et de télévision du Québec): Bonjour. L'Association des producteurs de films et de télévision du Québec représente une centaine de producteurs privés dont le volume de production est de 400 millions de dollars par année. On sait que l'industrie de la production indépendante au Canada a, quant à elle, un volume de production de 1,4 milliard de dollars et qu'elle permet de véhiculer la culture canadienne au Canada et à l'étranger. Il s'agit donc d'un secteur économique en expansion qui a accumulé des taux de croissance de 200 p. 100 dans les dix dernières années.

Nous sommes heureux de comparaître ici aujourd'hui et nous remercions le comité de nous permettre d'exposer nos idées sur les finances publiques.

Tout d'abord, nous ne disons pas au gouvernement de réduire son déficit, mais nous lui indiquons qu'il faut le faire de façon réaliste et dans des délais raisonnables. Il ne faut pas que des coupures sans considération aient comme conséquence de freiner l'activité économique partout au Canada.

Le gouvernement devrait s'assurer que toutes les mesures qu'il choisira pour diminuer son déficit n'auront pas d'effets négatifs sur la création d'emplois et la croissance économique. Il devrait plutôt soutenir les secteurs d'activité économique qui sont fort créateurs d'emplois.

Le gouvernement doit faire des compressions, mais nous pensons qu'il aurait peut-être avantage aussi à confier au secteur privé certaines parties de ses activités. Toutes ces avenues seront sans doute examinées lors des délibérations. Je ne prendrai pas plus de temps pour exposer nos idées, car je pourrai vous en faire part au moment de la discussion.

Le vice-président (M. Campbell): Merci bien.

[Traduction]

Cela nous permettra d'avoir une discussion plus longue qu'il n'aurait été possible autrement. Nous l'apprécions.

.1425

[Français]

Je cède la parole à M. Jasmin.

M. Pierre Jasmin (président, Les artistes pour la paix): Merci de me donner la parole.

Je suis président des Artistes pour la paix, un organisme qui compte 500 membres cotisants dont les plus connus au fédéral sont: l'honorable Gérard Pelletier, qui fut l'un des artisans du rapport Canada 21 et dont les recommandations en 1993 sur les dépenses militaires sont restées, hélas, lettre morte; le sénateur Jean-Louis Roux, qui est intervenu en notre nom la semaine dernière au Sénat, à l'occasion de la mort de M. Yitzhak Rabin, ainsi que dans le dossier du contrôle des armes à feu, résolu à notre très grande satisfaction grâce à l'implication du ministre Allan Rock. Il vaut mieux parler tout de suite du seul point positif!

Nous remercions le gouvernement libéral d'avoir coupé aussi progressivement les subventions à l'exportation des produits des usines d'armement. De près de 300 millions de dollars à l'époque des conservateurs, on prévoit qu'elles vont tomber à 47 millions de dollars l'an prochain.

Malheureusement, les subventions à certaines compagnies qui sont impliquées partiellement dans la production d'armement ont augmenté entre-temps. On peut donc se demander s'il n'y a pas là un jeu de compensation.

Bref, comme M. Rebello l'a dit, je crois que zéro serait un chiffre beaucoup plus approprié pour les subventions aux industries d'armement.

En ce qui a trait aux dépenses militaires, Les artistes pour la paix sont intervenus en organisant la portion québécoise de l'enquête populaire sur la paix et la sécurité en 1992, où l'une des cinq commissaires était Mme Campagnolo. D'autre part, au printemps 1994, Jean-Louis Roux et moi-même avons lu un mémoire devant un comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes.

Malheureusement, dans son Livre blanc, M. Collenette a ignoré les représentations démocratiques à cause des pressions des hauts gradés militaires. Des moindres gradés militaires ont d'ailleurs été scandalisés par cette complicité de l'état-major avec les industries d'armement. Je fais allusion, ici, au colonel Michel Drapeau, rédacteur en chef d'une publication qui s'adresse aux Forces armées, la revue Esprit de Corps, ainsi qu'au député Jean-Marc Jacob, membre du comité que je viens de mentionner, qui a été explicite à ce sujet dans son rapport dissident.

Sans vouloir répéter ce que M. Rebello a dit, je vais donner quelques exemples de dépenses militaires qui méritent qu'on s'y attarde. D'abord, il y a nos missions de l'ONU qui n'utilisent même pas 10 p. 100 du matériel disponible. Ensuite, il y a les blindés qui ont coûté 2 milliards de dollars. La possibilité d'invasion du Canada par des ennemis à bord de blindés étant nulle, cette dépense est un joujou pour les militaires et est jugée absurde, immorale et antidémocratique par le public canadien. Elle décourage sa foi dans le bon sens des gouvernements.

Puis il y a les 2 milliards de dollars pour des sous-marins que nos ministres de la Défense et des Pêches et Océans ont sérieusement prétendu utiles à la protection des bancs de poissons. Cette dépense est elle aussi du même ordre: absurde.

Quant au milliard et demi de dollars pour des hélicoptères aptes aux opérations civiles de sauvetage, si c'est justifiable en principe, en pratique, il faut penser qu'une dépense de un million et demi de dollars, soit mille fois moins, pour le réseau des abris pour femmes battues sauverait beaucoup plus de vies humaines et signifierait davantage pour la sécurité des Canadiens.

Je crois que ce gouvernement doit arrêter de croire aux grandes subventions, aux mégaprojets, comme Hibernia à Terre-Neuve, MIL Davie Inc. ou Hyundai au Québec, et donner plutôt de petites subventions aux PME ou aux agriculteurs, tel que préconisé dans le Livre rouge libéral.

Ce gouvernement doit aussi établir des règles strictes contre les paradis fiscaux des Bahamas ou d'ailleurs. Forçons la Canada Steamship Lines Inc. à ne plus employer au Canada de navires battant pavillons panaméens, et on croira alors que le Parti libéral et son Livre rouge sont vraiment arrivés au pouvoir.

C'est à vous, comme comité, d'agir pour qu'on mette des dizaines d'enquêteurs sur les dossiers des kickbacks d'Air Canada ou des frégates non opérationnelles de 9 milliards de dollars de Paramax Unisys. C'est également à vous d'intervenir dans tous les dossiers des abris fiscaux, des fiducies familiales, des reports d'impôt, en particulier ceux des compagnies pétrolières et minières qui sont exagérés, et ce, dans la lignée du rapport du vérificateur général.

Merci.

[Traduction]

Le vice-président (M. Campbell): Monsieur Weiser, vous vous êtes joint à nous en retard, mais ce serait un bon moment pour que vous fassiez votre exposé au comité.

M. Reg Weiser (président, Positron Industries Inc.): Lorsque l'on prépare un budget, il est important, voire essentiel, de faire la différence entre les dépenses et les investissements. Il y a une différence considérable.

Si nous ne pouvons pas subventionner des industries non rentables et les protéger au moyen de tarifs, nous devons néanmoins déterminer où nous allons créer les emplois et la richesse future. Ce n'est pas une tâche simple.

Pourquoi les nations accumulent-elles des déficits en premier lieu? Ou bien c'est parce qu'elles vivent au-delà de leurs moyens, ou bien parce qu'elles investissent pour l'avenir. Pourquoi les entreprises empruntent-elles de l'argent? Parce qu'elles espèrent obtenir un rendement supérieur au coût de l'emprunt.

.1430

Dans le monde d'aujourd'hui, la R-D et la haute technologie sont deux secteurs où le Canada est un chef de file. Peu de gens savent qu'à l'heure actuelle l'industrie des télécommunications au Canada a plus d'employés que tout le secteur des ressources naturelles. Il y a plus de documents techniques publiés à Montréal que dans toute autre ville d'Amérique du Nord. Le Québec produit plus de 60 p. 100 de tous les logiciels français publiés dans le monde.

Nous avons des îlots d'excellence dans le monde. Nous ne pouvons pas être compétitifs dans tous les domaines, mais nous devons appuyer vigoureusement les industries axées sur la connaissance qui nous offrent les meilleures possibilités de créer de la richesse dans ce pays.

L'un des outils essentiels qui risque d'être attaqué, c'est le crédit d'impôt pour la recherche et le développement, qui n'est pas un cadeau. Nous ne parlons pas de subvention gouvernementale mais d'un investissement égal dans une industrie qui appuie le régime capitaliste, dans une industrie qui investit son propre argent et qui cherche d'autres leviers pour aider à maintenir et à accroître notre position sur les marchés mondiaux.

Nous avons le talent technique ici. Nous avons investi dans l'éducation. On a montré que chaque dollar investi dans la R-D génère un rendement d'environ 900 p. 100. La plupart des travaux de R-D au Canada, aux États-Unis et ailleurs portent sur les applications. Il se fait très peu de recherche fondamentale; c'est le développement qui produit le rendement.

Si nous devions modifier ou affaiblir ce programme de quelque façon que ce soit, le Canada dégringolerait du deuxième rang pour la recherche et le développement dans le monde au seizième rang pour la compétitivité et serait rapidement dépassé. Nous devons donc être très prudents en préparant le budget pour ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Nous voulons préparer un budget qui nous permet de réduire les dépenses, mais sans nécessairement réduire les investissements. Il faut également préparer un budget comme le font les entreprises - à savoir un budget base-zéro. Ce n'est pas un simple exercice comptable. Il faut également tenir compte des rendements.

J'ai quelques observations générales à faire sur d'autres idées mineures. Par exemple, il y a considérablement d'abus dans le programme d'assurance-chômage. Je félicite le gouvernement pour ce qu'il essaie de faire à cet égard, et je pense que les chômeurs devraient être forcés de travailler au moins deux jours par semaine - s'ils ne sont pas en formation - à un programme gouvernemental afin de toucher leurs prestations d'assurance-chômage.

Si on cherche d'autres investissements, je suggérerais également de former les parents. On suit des cours de formation pour le travail, mais personne n'est formé au rôle de parent. Il faudrait rendre une telle formation obligatoire, sans laquelle les parents n'auraient pas droit de recevoir de prestations pour leurs enfants. Cela permettrait peut-être de réduire considérablement des dépenses futures. Je proposerais également une taxe sur la pollution - plus une industrie produit de pollution, plus cette taxe serait élevée.

Je veux également parler des banques. Pour chaque dollar investi dans les banques, celles-ci obtiennent un rendement de 700 à 800 p. 100. Leurs investissements sont multipliés par sept. Elles devraient pouvoir prêter de l'argent à des taux d'intérêt inférieurs aux taux de rendement réel des investissements. Étant donné la situation privilégiée des banques au Canada - elles sont protégées par les règles gouvernementales actuelles - , les taux d'imposition des banques devraient être rajustés à la hausse. Si on leur imposait une surtaxe si elles ne fournissaient pas un certain pourcentage de leurs prêts aux petites entreprises et aux industries de l'information, cela aurait d'importantes répercussions sur l'économie.

En ce qui concerne l'économie souterraine, nous devrions envisager de légiférer et forcer les gens à régler les achats dépassant un certain montant et ceux qu'ils effectuent auprès de certaines institutions avec leur carte de crédit ou au moyen d'un virement bancaire, afin de réduire la capacité de dépenser de l'argent dans l'économie souterraine.

.1435

Ce qu'il importe de savoir c'est que c'est la R-D qui permettra de créer des emplois et de la richesse à l'avenir - dans les industries de l'information. C'est là que le Canada excelle. Le gouvernement devrait examiner attentivement le rendement des entreprises qui réussissent très bien et égaler leurs investissements dans ce domaine et aider ainsi à créer de la richesse en créant des emplois, des produits et des services, mais à la condition que ce soit pour la revente.

Nous ne parlons pas des abus récents commis par banques. Ces investissements doivent servir à créer des produits ou des services qui seront revendus. Nous devons équilibrer les deux colonnes du bilan - c'est investir, pas juste réduire le déficit. Je suggère qu'on appuie les gagnants, pas les perdants. Le citoyen moyen investira ses fonds à la bourse. Vous voulez investir dans les compagnies et les entreprises gagnantes, pas les perdantes. Le gouvernement devrait faire la même chose avec notre argent - chercher le rendement le plus élevé pour l'économie et la meilleure contribution à l'accroissement de la richesse au Canada.

Merci.

Le vice-président (M. Campbell): Merci, monsieur Weiser.

[Français]

C'est maintenant le moment de lancer la discussion. La formule de la table ronde vous donne l'occasion de faire des commentaires sur le Budget et aussi sur les présentations des autres témoins. Est-ce que quelqu'un voudrait ajouter quelque chose ou faire un commentaire sur les présentations des autres témoins? Oui, monsieur Jasmin.

M. Jasmin: J'ai été très intéressé par la présentation de M. Weiser. Quand on parle de recherche et développement, il y a une notion sur laquelle il faut toujours revenir, je pense: celle des produits du développement durable. C'est une notion qui a été introduite par le rapport Brundtland en 1987, qui s'intitulait Notre avenir à tous. C'est quelque chose qu'il faut toujours avoir présent à l'esprit. Les gouvernements peuvent subventionner surtout les biens de développement durable.

Le vice-président (M. Campbell): Quelqu'un d'autre veut-il parler? Sinon, je céderai la parole aux députés afin qu'ils posent leurs questions et qu'une discussion s'ensuive entre eux et les témoins.

Monsieur Nunez, j'ai oublié de vous présenter. M. Nunez, qui est un de nos collègues, assiste à la réunion de cet après-midi. Bienvenue au comité, monsieur Nunez.

M. Nunez (Bourassa): Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Campbell): Voulez-vous poser la première question?

M. Nunez: Est-ce que vous me le permettez?

Le vice-président (M. Campbell): Oui.

M. Nunez: J'attache une grande importance à ces consultations, surtout qu'elles se tiennent aujourd'hui à Montréal et que je suis le député de Montréal-Nord.

Je vous remercie de vos présentations qui ont été très intéressantes. Elles contenaient beaucoup d'idées. J'espère que le gouvernement va passer à l'action par rapport à certaines propositions que vous avez faites. Il y a un problème réel et c'est ce que vous dites. Je me demande pourquoi on regarde toujours du côté des programmes sociaux pour faire des coupures. Aujourd'hui,M. Axworthy, à Ottawa, doit en annoncer dans le domaine de l'assurance-chômage. Pourquoi ne regarde-t-on pas également, comme M. Jasmin l'a mentionné, notre fiscalité?

Notre système fiscal n'est pas équitable. En 1992, le vérificateur général du Canada a évalué à 16 milliards de dollars les fuites de revenus attribuables aux paradis fiscaux. Seize milliards de dollars, c'est beaucoup! Mon collègue, Yvan Loubier, député de Saint-Hyacinthe - Bagot, a souvent dénoncé les paradis fiscaux en Chambre, le Bloc québécois également, mais il n'y a eu aucune initiative de la part du gouvernement fédéral dans ce domaine. C'était 16 milliards de dollars en 1992. Aujourd'hui, c'est probablement beaucoup plus!

J'aimerais surtout souligner la présentation du Conseil canadien pour les réfugiés, puisque je suis moi-même vice-président du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration.

.1440

La taxe à l'immigration de 975 $ par personne, en plus des 500 $ pour la seule étude du dossier, apparaît extrêmement injuste et discriminatoire, particulièrement pour les immigrants qui viennent de pays pauvres et pour les réfugiés qui sont toujours des personnes en détresse. J'aimerais donc entendre la représentante du Conseil canadien pour les réfugiés au sujet du bilan de cette taxe décrétée le 28 février dernier dans le budget Martin. Quels ont été les problèmes reliés à cette taxe? Quels ont été les cas les plus discriminatoires, les plus injustes? Pouvez-vous sur cette question?

Mme Worsfold: Je peux vous raconter une courte histoire personnelle pour illustrer les effets de la taxe.

[Traduction]

Je m'excuse, je vais parler anglais.

Je peux vous raconter quelques histoires personnelles. Le Conseil canadien pour les réfugiés est une coalition d'organismes qui travaille avec les réfugiés. Pour notre part, nous ne faisons pas de démarche pour des clients. Ces histoires concernent certains de mes amis.

Un homme que je connais est arrivé du Rwanda l'an dernier et a demandé le statut de réfugié. Il a été accepté très rapidement et on lui a demandé de payer immédiatement les frais d'administration et le droit d'admission. Il fait partie d'une famille nombreuse. Ses deux frères aînés, tout comme ses parents, ont été tués dans le massacre. Il a deux soeurs, qui sont encore à Kigali. Il est le seul soutien de ses soeurs. Il avait le choix d'envoyer de l'argent à ses soeurs pour qu'elles puissent survivre ou d'acquitter le droit d'admission. Il n'a pas payé la taxe.

Il est donc tombé dans un espèce de vide juridique au Canada. Il ne peut pas être déporté parce qu'il est un réfugié aux termes de la Convention, mais il n'a qu'un permis de travail temporaire et son statut reste incertain.

On lui a refusé un prêt parce qu'on a jugé qu'il posait trop de risques. Je ne sais pas pourquoi on a pensé qu'il était trop risqué. Il est jeune. Il était enseignant dans son pays. Il parle bien français. Mais on lui a refusé un prêt. Je ne sais pas pourquoi, lui non plus, car on ne lui a pas expliqué pourquoi on lui refusait un prêt.

Une partie du problème tient à la confusion qui entoure l'administration de ces mesures. Une femme qui a travaillé pour moi est arrivée avec son époux zaïrois, qui a également travaillé pour moi. La famille a reçu le statut de réfugié. Elle a demandé le statut d'immigrant reçu à la dernière limite, à peu près à l'époque du budget, car, vous vous rappellerez que le droit d'admission a été adopté du jour au lendemain. Ceux qui avaient demandé le statut de résident permanent avant minuit le28 février n'étaient pas obligés de payer; ceux qui l'avaient demandé après minuit le 28 février ont dû payer.

Cet été, donc, les membres de cette famille n'ont pas obtenu leur statut de résidents permanents. Ils ont téléphoné à maintes et maintes reprises, et ne comprennent pas ce qui s'est passé.

Entre temps, son époux qui est pasteur, a été accepté dans une école biblique de la Saskatchewan, comme il l'avait souhaité. Ils sont donc partis pour la Saskatchewan et se sont inscrits dans cette école. Puis ils ont découvert avec horreur que même si personne ne leur avait dit qu'ils devaient acquitter le droit d'admission, qu'ils n'avaient donc payé, ils ne pouvaient pas aller à l'école, même s'ils avaient déménagé de Montréal à la Saskatchewan, à cause de problèmes bureaucratiques liés à l'introduction de ce droit.

Déménager de Montréal à la Saskatchewan leur a fait perdre toutes leurs économies. La famille se retrouvait dans une situation épouvantable. Ils avaient fait des projets, ils avaient investi leur argent pour se réinstaller en Saskatchewan, et leur vie était détruite parce qu'ils n'avaient pas su qu'ils étaient obligés de payer le droit d'admission. Bien sûr, on leur a dit que s'ils payaient immédiatement, ils obtiendraient leur statut de résidents permanents et pourraient aller à l'école, mais ils n'avaient tout simplement pas les 2 000$ que cela leur aurait coûté.

Le vice-président (M. Campbell): Merci.

Monsieur Nunez.

.1445

[Français]

M. Nunez: À propos du rapatriement de la dette, il y a au moins deux personnes qui ont mentionné que 40 p. 100 de la dette publique du Canada a été contractée à l'extérieur du pays, ce qui constitue une menace - c'est le moins qu'on puisse dire - pour la souveraineté canadienne.

Est-ce que M. Philopoulos pourrait élaborer un peu plus sur sa proposition qui me paraît très intéressante?

Mais avant, j'aimerais demander votre consensus pour proposer que le comité recommande au gouvernement de réviser en profondeur la question de la fiscalité. Je pense que c'est le moment de passer à l'action. J'ai entendu beaucoup de discours au Parlement canadien, mais je pense que dans les mois à venir, il faudra revoir à fond la question de la fiscalité.

Mais ma question s'adressait à M. Philopoulos.

M. Philopoulos: Monsieur Nunez, le problème de la dette étrangère est la variable du budget qui échappe à l'étude des pouvoirs publics canadiens, parce que, comme vous le savez très bien, elle ne cesse d'augmenter. Et que fait-on? Nos titres sont vendus à l'étranger, et à chaque petite perturbation du marché financier, on est pénalisés.

Alors, ce qu'il faut faire, c'est rapatrier la dette petit à petit. Bien sûr, je vous lance le défi puisque vous êtes les élus. J'ai proposé des mécanismes comme des titres cotés à la bourse non imposables pour acheter la dette, la rapatrier, ou en rapatrier une bonne partie d'ici cinq ans, par exemple, pour ensuite avoir des taux d'intérêt bas qui permettent le développement.

En ce moment, on reste à l'écoute des marchés financiers. C'est bien, mais le temps presse. Cette dernière affirmation semble faire l'unanimité! Je ne vois pas de réel développement au Canada. Si j'étais au gouvernement ou au Parlement, je ne m'attaquerais pas au problème de la façon dont vous vous y attaquez.

Présentement, le gouvernement s'en prend au problème en faisant des compressions. Or, ces compressions ne servent absolument à rien, parce qu'il ne suffit que d'une petite crise financière internationale pour augmenter notre dette. Donc, les compressions ne donnent aucun résultat.

Le vice-président (M. Campbell): Monsieur Loubier.

M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): Ce que mon collègue a soulevé sur la révision de la fiscalité est un point primordial. Est-ce qu'on peut avoir l'unanimité autour de la table pour recommander au ministre des Finances que dans la préparation de son prochain budget, il prévoie un examen en profondeur de la fiscalité, en particulier celle des entreprises?

À tort ou à raison, la population en général a le sentiment qu'il y a des injustices fiscales et que si on colmatait les brèches de la fiscalité, on ne serait pas obligé d'en arriver à des coupures sauvages dans le domaine de l'éducation, par exemple, ou de laisser poindre d'autres coupures éventuelles dans la santé, dans l'assurance-chômage et même dans les fonds de pension.

Je trouve que c'est une question cruciale. Partout où on est allés, on a essayé d'avoir un consensus pour qu'on puisse présenter une position vraiment solide au ministre des Finances en vue de la confection du prochain budget.

Si vous le permettez, après cette question-là, monsieur le président, j'aimerais faire quelques commentaires sur ce que M. Philopoulos vient de dire.

Le vice-président (M. Campbell): Qui veut répondre? Monsieur Jasmin.

M. Jasmin: Nous sommes tout à fait d'accord sur les effets d'une meilleure fiscalité. Nous croyons que les gens auraient moins recours à l'économie souterraine s'ils avaient le sentiment que le système est équitable.

.1450

M. Hudon: C'était le sens de ma présentation. Je ne l'ai pas dit en ces mots-là, mais c'est ce que j'ai voulu dire, à savoir qu'il est nécessaire de procéder à une révision de notre fiscalité pour en arriver à un système d'imposition plus équitable.

[Traduction]

Mme Worsfold: Le Conseil canadien pour les réfugiés n'a évidemment pas beaucoup d'opinions sur les politiques budgétaires. Mais, comme je dirige un organisme, qui est une société, quoique à but non lucratif, j'ai toujours trouvé curieux que ce soit nous qui payions le vérificateur. Je pense à cela parce que nos livres ont été vérifiés il y a quelques semaines. Il me semble étrange que les sociétés, à but lucratif ou non lucratif, paient leurs propres vérificateurs. Il me semble que les vérifications qui sont faites ne sont pas vraiment sérieuses. Si c'est vous qui payez le vérificateur, celui-ci devient votre obligé et se soucie moins des saines pratiques commerciales.

Le vice-président (M. Campbell): Malheureusement, il n'y a personne de cette profession ici pour répondre à cette observation. Je suis sûr qu'ils ont une réponse, mais ce n'est qu'une observation. Nous l'acceptons comme telle.

Mme Worsfold: Ce n'est pas qu'ils ne devraient pas être payés. Mais je crois savoir que certaines entreprises ont été déclarées solvables lorsqu'elles ne l'étaient pas, etc., parce que les vérificateurs étaient à leur solde.

Le vice-président (M. Campbell): Eh bien, nous ne sommes pas vraiment ici pour discuter des normes de vérification ni du comportement de la profession, mais nous acceptons votre observation. Merci.

M. Weiser: L'idée de rapatrier la dette étrangère est bonne dans la mesure où nous pouvons offrir un allégement fiscal aux détenteurs d'obligations canadiens. Par cela je veux dire les Canadiens qui détiennent des obligations canadiennes, tout comme on le fait aux États-Unis, où ceux qui détiennent des obligations municipales américaines bénéficient d'un allégement fiscal. Cela aiderait peut-être à rapatrier une partie de la dette. Ce serait une mesure budgétaire intéressante.

En ce qui concerne l'économie souterraine, c'est vraiment l'un des gouffres. Je proposerais qu'une vaste étude soit entreprise par de nombreux chercheurs qui chercheraient des moyens pour éliminer ces échappatoires. L'étude pourrait être menée par des hordes d'étudiants en maîtrise en administration, par exemple. Je suis sûr que si on étudiait ce problème à fond, on pourrait faire beaucoup de choses pour éliminer ces échappatoires. Merci.

[Français]

Le vice-président (M. Campbell): Monsieur Rebello, voulez-vous répondre à la même question?

M. Rebello: Oui. J'aimerais dire qu'on est bien d'accord sur une réforme de la fiscalité. Cependant, il ne faut pas que les concertations et les commissions soient des échappatoires aux prises de décision dans le prochain budget. Il faut qu'il soit très clair que certaines mesures fiscales font déjà consensus et qu'elles ne nécessitent pas de réflexion profonde.

Je pense, par exemple, aux fiducies familiales. Des mesures comme celle-là sont des aberrations, des cadeaux à des familles riches et des abus qu'un gouvernement qui a un peu de leadership peut régler. La fiscalité des entreprises, quant à elle, appelle une réforme plus profonde, où l'aspect international doit être pris en considération à cause de la concurrence et de la compétitivité qui entrent en ligne de compte.

Si on veut réformer la fiscalité des entreprises, il faut absolument qu'il y ait un leadership sur le plan international pour que plusieurs pays s'entendent pour aller dans le même sens. Bien sûr, notre voisin est américain et ce n'est pas toujours évident pour les entreprises, mais il reste que c'est dans ce sens qu'il faut aborder cette réforme si on ne veut pas avoir de problèmes de compétitivité.

Cela n'empêche pas que certaines décisions peuvent être prises rapidement. Mais si jamaisM. Martin disait qu'il se proposait de faire la réforme de la fiscalité en deux ans, en y incluant les questions de fiducies familiales, etc., on aurait alors perdu notre temps. En attendant, si on veut réduire le déficit, il nous faudra couper dans les programmes sociaux ou prendre des décisions moins pertinentes.

Mme D'Amour: Je suis assez d'accord sur ce que vient de dire M. Rebello, particulièrement parce que l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec, lors de sa comparution devant le comité la semaine dernière, a justement recommandé l'abolition de l'abri fiscal dans le domaine de l'audiovisuel.

.1455

Cet abri fiscal donnait lieu à des abus et l'argent qui y était investi servait davantage à payer les courtiers et les avocats qu'à financer la production.

Mous avons donc demandé à M. Martin de l'abolir et de le remplacer par un crédit d'impôt à la main-d'oeuvre, ce qu'il nous a accordé dans le budget du mois de février dernier.

Nous avons déjà un crédit d'impôt à la main-d'oeuvre au Québec. Il existe depuis cinq ans et est très efficace. Il a permis d'éliminer le travail au noir et a favorisé la création de nouveaux emplois. Je pense que ce sont ces avenues-là qu'il importe d'exploiter dorénavant plutôt que de créer des abris fiscaux qui ne servent qu'à l'évitement fiscal et non pas à la cause pour laquelle ils ont été conçus.

Le vice-président (M. Campbell): Merci. Monsieur Loubier, vous avez des précisions pour M. Philopoulos?

M. Loubier: Monsieur Philopoulos, permettez-moi d'être sceptique par rapport à votre proposition de rapatriement de la dette détenue par des investisseurs étrangers.

Vous savez qu'à l'heure actuelle, le fait que des investisseurs étrangers détiennent 42 p. 100 des titres de dette canadiens...

M. Philopoulos: C'est plutôt 44 p. 100.

M. Loubier: Eh bien, c'est pire que l'année dernière. Donc, le fait qu'ils détiennent 44 p. 100 des titres canadiens et que l'évolution à moyen terme de la dette du gouvernement fédéral soit dans une situation d'incertitude les incite à demander un rendement supérieur à ce qu'ils demanderaient normalement.

Étant donné la rareté de l'épargne canadienne, si vous rapatriez la dette graduellement, vous ne réglez pas le problème. Vous aggravez la rareté de l'épargne, vous exercez des pressions sur les taux d'intérêt domestiques et, au lieu de venir de l'étranger, ces pressions sur les taux d'intérêt vont provenir d'une base typiquement canadienne.

C'est un problème qui, à mon avis, est assez insoluble. Ce n'est pas une question de détention de la dette par des étrangers ou par des Canadiens; c'est davantage une question d'ampleur de la dette qu'il faut réduire.

M. Philopoulos: Écoutez, je comprends ce que vous dites. D'ailleurs, ce sont des arguments dont j'ai débattu plusieurs fois. Je vais vous dire deux choses. Tout d'abord, il y a un manque d'études sur la dette étrangère et ceux qui la détiennent. Mais moi, j'ai fait une petite étude superficielle. Je ne sais pas ce que vous allez en penser, mais cette petite étude m'a révélé qu'environ 20 p. 100 de la dette étrangère est détenue par des Canadiens qui sont sortis du pays, qui sont des non-résidents et qui en profitent.

Que pensez-vous du fait que, depuis longtemps, des Canadiens véhiculent de l'argent à l'étranger et achètent d'autres titres d'autres pays? Je ne sais pas si le gouvernement et le Parlement réfléchissent vraiment à cette question. À mon avis, non.

Deuxièmement, avez-vous pensé à créer à la bourse des titres comme des swaps? Dans le milieu de la finance internationale, on parle de swaps pour l'environnement et cela est vraiment en train de chambarder le marché des capitaux. Est-ce qu'on a pensé à créer quelque chose comme cela?

Excusez-moi. Si vous le savez, vous n'avez qu'à me le dire. La dette est un sujet que j'étudie depuis longtemps. Je suis presque devenu un «dettologue»!

.1500

M. Loubier: C'est pour cela que le vieil adage: «Les cordonniers sont les plus mal chaussés» ne s'adresse pas à vous. Si vous étiez «dettologue», vous seriez très endetté.

M. Philopoulos: J'aimerais dire autre chose sur la fiscalité. Je suis tout à fait d'accord qu'il y ait une réforme, que tous les échappatoires et abris fiscaux soient levés, sauf qu'il y a des abris fiscaux qui doivent être maintenus et dont l'enveloppe doit augmenter. M. Weiser l'a dit plus tôt, dans son intervention. Quant à tout le secteur de la technologique de pointe, comme les télécommunications, les produits pharmaceutiques et les produits chimiques, en éliminant là les abris fiscaux ou en éliminant ou en réduisant les subventions, on priverait le pays d'une richesse qui servirait à produire des produits à haute valeur ajoutée et très vendables à l'étranger.

[Traduction]

Le vice-président (M. Campbell): C'est à vous, monsieur Solberg.

M. Solberg (Medicine Hat): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je voudrais simplement revenir sur certains points qui ont été soulevés au sujet de la fiscalité. Par souci d'équité, je pense qu'il est important de signaler à mon honorable collègue que c'est en fait pendant la campagne référendaire que M. Le Hir a suggéré dans une étude que le Québec pourrait devenir un paradis fiscal en mettant en oeuvre un certain nombre d'allégements fiscaux.

M. Loubier: Non, non.

M. Solberg: Oui, il l'a dit, et je tenais à vous le signaler par souci d'équité, car nous avons déjà eu cette discussion.

M. Loubier: Vous voulez rire.

M. Solberg: Non, je ne ris pas.

M. Loubier: Oui.

M. Solberg: Je voudrais dire autre chose au sujet de la fiscalité, encore par souci d'équité. Nous en avons beaucoup discuté au cours des derniers jours, et je pense qu'il n'y a personne qui prétend que les sociétés ne paient pas du tout d'impôt. Si j'ai bien compris, je pense que des gens nous disent - et M. Loubier me corrigera si je me trompe - que nous devons faire en sorte que les règles du jeu soient raisonnablement équitables; que nous devons savoir qui paie des impôts et qui n'en paie pas; et que nous ne devons pas nécessairement augmenter l'impôt des sociétés.

Les sociétés paient déjà de 40 milliards de dollars à 50 milliards de dollars par année, selon les niveaux de bénéfice. En fait, à part l'impôt sur le revenu des sociétés, elles paient diverses autres taxes et cotisations. Par exemple, elles cotisent au Régime de pensions du Canada, au Programme d'assurance-chômage et à d'autres programmes dont les gens reconnaîtront, je pense, qu'ils sont précieux pour maintenir le tissu social du pays. Alors, par souci d'équilibre, j'estime qu'il est important de signaler ces choses.

Je voudrais répondre à quelque chose que M. Rebello disait au sujet des subventions aux entreprises. Au cours des derniers jours, je pense qu'on était presque unanime pour dire que les subventions aux entreprises doivent être éliminées - et par là j'entends les octrois et autres mesures de ce genre.

Permettez-moi, monsieur Rebello, de m'exprimer également en tant que membre du Parti réformiste. Nous nous sommes exprimés haut et clair sur cette question. Dans tous nos documents qui traitent du problème du déficit, nous demandons l'élimination complète des subventions aux entreprises. Je tiens à ce que ce soit très clair.

Le vice-président (M. Campbell): Monsieur Solberg, je suis sûr que vous ne vouliez pas donner l'impression aux témoins que nous n'avons rien fait à l'égard des subventions aux entreprises dans le budget de l'an dernier.

M. Solberg: Non.

Le vice-président (M. Campbell): Notre comité a recommandé une réduction considérable des subventions aux entreprises et cette suggestion s'est retrouvée dans le budget.

M. Solberg: Je comptais sur vous pour nous faire part...

Le vice-président (M. Campbell): Je suis sûr que vous alliez reconnaître que le gouvernement a le mérite d'avoir fait cela.

M. Solberg: Oh, absolument. Je comptais sur vous pour intervenir.

Je voudrais également signaler à M. Rebello qu'il est lui-même bénéficiaire de nombreuses subventions en tant qu'étudiant à l'université, et qu'il n'y a pas que les riches sociétés qui financent ces subventions, ni des citoyens ordinaires. C'est également ceux qui conduisent des taxis. Alors, je lui demanderais de se souvenir de ça lorsqu'il s'en prend aux entreprises, car, d'une façon ou d'une autre, tout le monde profite des largesses du pays. Je pense qu'il est important de le dire.

.1505

Je voudrais un peu renverser la situation. Nous avons parlé longuement du problème de la fiscalité. Par exemple, nous pouvons certainement éliminer certaines échappatoires et empêcher que les gens se réfugient dans des paradis fiscaux pour éviter de payer tout impôt. Nous pensons certainement que tout monde doit payer des impôts. S'ils profitent des avantages du pays, ils doivent payer d'une façon ou d'une autre.

Même si nous faisons tout cela, même si nous colmatons certaines fuites pour empêcher que l'argent sorte du pays et même si nous réussissons à garder plus de revenus au Canada, je pense que nous allons constater que nous sommes encore bien loin du compte si nous voulons équilibrer le budget.

Je lance à ceux qui sont ici le défi de nous dire où nous pourrions faire des réductions qui à long terme nous permettraient de maintenir nos filets de sécurité sociale qui doivent être viables. À l'heure actuelle, ils sont en train d'être rongés par l'intérêt sur la dette qui absorbe le tiers de tous les impôts.

Je voudrais renverser la discussion, si les gens le veulent bien, et leur demander de nous suggérer des endroits où nous pourrions réduire tout en continuant à aider ceux qui en ont le plus besoin et à nous rapprocher de notre objectif de réduire le déficit à zéro.

[Français]

M. Rebello: Je n'ai pas encore lu le programme du Parti réformiste, mais j'en ai entendu parler. L'élément important à prendre en considération, au nom de la jeunesse québécoise, et il y a un large consensus là-dessus, est qu'il y a une différence très importante entre l'éducation et les subventions aux entreprises. L'éducation est une responsabilité très claire qui doit appartenir à l'État. Il y en a une autre, moins évidente, qui est celle des subventions aux entreprises.

Fondamentalement, il n'appartient pas toujours à l'État de subventionner les entreprises. Quant au financement de l'éducation, même les néo-libéraux, les penseurs contemporains pensent que l'éducation doit demeurer une responsabilité publique. Lorsque quelqu'un a des responsabilités très claires, comme l'éducation, il doit les financer adéquatement; sinon, il n'assume pas ses responsabilités.

Je vous donne un exemple concret: l'aide financière aux étudiants. Si on coupe dans l'aide financière aux étudiants suffisamment pour que le régime ne soit plus véritablement efficace, les étudiants n'étudieront plus vraiment à 100 p. 100 parce qu'ils devront travailler plusieurs heures par semaine à l'extérieur. Au bout de la ligne, l'État n'assumerait pas sa mission de financer l'éducation.

On peut aussi aller voir au niveau de la santé. Si l'État ne subventionne pas assez la santé, il y aura des conséquences au niveau de ses responsabilités. Je voulais seulement qu'il soit bien clair qu'il y a une différence importante entre l'éducation et les subventions aux entreprises. Ce n'est pas une largesse de l'État que de financer l'éducation.

Si l'éducation est une largesse de l'État, je me demande ce que sont les salaires des députés, par exemple, ou d'autres éléments liés au parlementarisme.

[Traduction]

M. Solberg: Une petite intervention, s'il vous plaît, monsieur le président. Je suis d'accord, je n'y vois pas d'inconvénient. Notre parti, en principe, a toujours soutenu que l'éducation supérieure devrait être prioritaire. Je ne m'élève pas contre cela.

Je voulais simplement faire remarquer que dans notre pays, il n'y a pas beaucoup de gens qui ne bénéficient, sous l'une ou l'autre forme, de largesses parce que c'est là la nature même de notre système. Je voulais simplement faire ressortir cela, car j'avais l'impression que vous vous en preniez à tout le monde, en oubliant peut-être que vous aussi en étiez le bénéficiaire.

Ce n'est que mon sens de la justice qui m'a poussé à dire cela.

[Français]

M. Rebello: Je prends cela en considération. Quant aux choix de dépenses, si l'État pense à se retirer de certains secteurs ou à diminuer de beaucoup ses dépenses dans certains secteurs où il n'a pas de responsabilités fondamentales, il y aurait peut-être lieu qu'il coupe dans des secteurs moins importants. Par exemple, il est peut-être moins urgent, à l'heure actuelle, de maintenir un système militaire aussi développé.

Si on parlait de coupures de 5 ou 6 milliards de dollars au niveau militaire, ce serait presque autant que ce qu'on voulait couper dans les programmes sociaux. Cela se chiffrait à 6 ou 7 milliards de dollars pour les projets de la réforme Axworthy. Donc, on voit tout de suite qu'on pourrait rapidement réduire de beaucoup les dépenses dans certains secteurs.

À l'heure actuelle, je ne sais pas si on a vraiment le courage politique de dire à certaines entreprises ou à certains hauts dirigeants de l'Armée: «Écoutez, vous allez fonctionner avec des budgets réduits de 50 p. 100». Ce n'est qu'une question de courage au niveau des décideurs.

Il y a quelques autres secteurs comme ceux-là qu'on pourrait remettre en question au niveau de l'État. Au lieu de couper dans des secteurs où il a fondamentalement une responsabilité importante, l'État devrait réduire rapidement ses dépenses dans des secteurs où il n'a pas d'affaires. Cela pourrait se faire assez rapidement.

.1510

Il y a aussi la question des abus dans le système. On voit, et on en entend souvent parler dans les rapports du vérificateur général, que les députés et les hauts fonctionnaires ont certaines mauvaises habitudes. Il y a aussi les primes de départ qu'on verse à ces hauts fonctionnaires lorsqu'ils quittent.

Il y a toutes sortes d'habitudes comme celles-là qui ont été créées à une époque où les gens ne savaient pas d'où venait l'argent et ne se rendaient pas compte qu'un jour il y en aurait moins.

Donc, on pourrait changer ces habitudes-là. Cela ne représenterait peut-être pas rapidement plusieurs milliards de dollars, mais au bout de la ligne, si on trouve d'autres façons de gérer l'argent, il y aura probablement une réduction importante des dépenses.

[Traduction]

Le vice-président (M. Campbell): M. Weiser voulait également prendre la parole.

M. Weiser: C'est une idée séduisante, mais simpliste que de préconiser le laissez-faire à tous crins et l'élimination quasi totale des pouvoirs publics. Les gouvernements ont pour fonction, entre autres, d'investir judicieusement et d'avoir une vision de l'avenir.

C'est ainsi que l'investissement dans l'inforoute crée l'infrastructure nécessaire pour permettre au Canada de se tailler efficacement une place, et pas seulement sur la scène mondiale. C'est ce que font les gouvernements dans le monde entier, par seulement pour poser l'infrastructure des échanges commerciaux, mais également pour aider les entreprises canadiennes à fournir des produits exportables.

Vous dites considérer le secteur de la technologie de pointe comme un investissement, et vous parlez également de couper les subventions: je reconnais que la solution n'est pas là, mais plutôt dans les crédits d'impôt, par exemple, ou dans des investissements paritaires. Il devrait y avoir un investissement de contrepartie correspondant à celui que le secteur est disposé à engager. Considérons cela comme le profit d'un investissement: Qu'est-ce que cela va nous rapporter sur le plan des coûts, de la diminution de l'assurance-chômage, des recettes et de la création de richesse? Et comment cela se compare-t-il avec le coût de cet investissement? Voilà ce qui est crucial. Il ne faut pas voir les choses sous une perspective si simpliste, il faut savoir les replacer dans un contexte beaucoup plus vaste.

Le vice-président (M. Campbell): Une petite intervention seulement, monsieur Solberg, car le temps nous presse, et deux de nos collègues n'ont pas encore posé de questions.

M. Solberg: Certainement, monsieur le président. Je n'entends nullement adopter un point de vue simpliste quant à cette question, mais il convient toutefois de rappeler qu'autrefois un grand nombre de ces crédits d'impôt pour la recherche et le développement n'ont pas eu de grand effet et ont même donné lieu à toutes sortes d'abus, sans parler du fait qu'ils faussent l'économie.

L'inforoute était déjà bien en crin, et les entreprises lui avaient manifesté plus que leur intérêt lorsque le gouvernement a eu l'idée de s'en mêler.

J'aimerais aussi rappeler que quelle que soit la vogue, actuellement, de la technologie de pointe, il y a d'autres secteurs de l'économie canadienne qui depuis longtemps ont fait leurs preuves. En favorisant un secteur plutôt que l'autre, on retire des fonds à certains et on les lèse. Il convient de rappeler cela parce que ces autres secteurs, tout en n'étant peut-être pas autant en vedette, n'en fournissent pas moins des emplois et continuent de contribuer à l'économie.

Rappelez-vous toujours que les crédits accordés à l'un le sont au détriment d'un autre.

M. Weiser: Tout cela est vrai, mais nous ne nous attachons pas nécessairement à la technologie de pointe. Vous voulez investir dans ce qui est le plus profitable. Il importe de savoir dans quel secteur. La technologie de pointe est certainement l'un des secteurs qui rapporte le plus à l'économie, c'est un véritable pôle d'attraction des emplois, à l'heure actuelle, et l'un des domaines dans lesquels le Canada se place avantageusement dans le monde. Tout autre secteur dans lequel le Canada est aussi bien placé mériterait tout autant notre appui.

Le vice-président (M. Campbell): Madame D'Amour.

[Français]

Mme D'Amour: Je vais répondre de la même façon que M. Weiser. Gouverner, c'est choisir. Je crois que c'est difficile, mais c'est pour cela que vous êtes là.

Il faut identifier les secteurs de l'économie qui sont en croissance. Par exemple, il est vrai que les télécommunications sont un secteur de l'économie en croissance, un secteur qui va permettre la création de nombreux emplois. Il faudra mettre sur ces autoroutes électroniques du matériel, du contenu, de la création. L'autoroute de l'information doit véhiculer l'image canadienne. Il faut choisir des secteurs d'activité économique qui rapportent à l'État. Donc, je suis tout à fait d'accord avec M. Weiser. Certains secteurs seront peut-être pénalisés, mais je ne le pense pas, parce que si les secteurs économiques vont bien, le gouvernement aura accès à un bon rendement et pourra appuyer l'ensemble des activités canadiennes.

.1515

Le vice-président (M. Campbell): Merci.

[Traduction]

L'accord ne règne pas toujours au sein du comité, mais quand il y a une fois unanimité ça fait plaisir.

[Français]

Monsieur Jasmin.

M. Jasmin: Je crois que c'est M. Weiser qui a parlé d'une taxe sur la pollution. J'aimerais ajouter que le cas du Irving Whale nous amène aussi à ce genre de solutions-là. Il est très rare que des panélistes proposent de nouvelles taxes de ce genre. Plutôt que de proposer de nouvelles taxes sur des réfugiés et d'autres choses assez honteuses, on devrait penser à taxer les industries polluantes. Merci.

[Traduction]

Voilà qui met un terme aux questions de M. Solberg.

Madame Brushett.

Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Merci, monsieur le président. Comme nous avons peu de temps, je serai brève.

Ma question s'adresse à M. Hudon. Il a dit que les impôts sur les sociétés sont inégaux à ce point que les entreprises ne paient pas leur juste part comparativement aux citoyens. Il a parlé du fossé qui les sépare. Bien des gens nous en ont dit autant. C'est comme s'il existait une bande d'individus qui ne paient pas leur juste part d'impôt et à qui on ne peut jamais mettre la main au collet. C'est là-dessus que je veux vous interroger.

Avez-vous songé à tous les impôts que les grandes sociétés et les petites entreprises paient? Par exemple, il y a la taxe foncière, les charges sociales, les impôts sur les sociétés, et tout le monde va quêter à leur porte. Si on fait installer un téléphone dans une entreprise, il en coûte deux ou trois fois plus cher, peut-être davantage, que chez soi. On les fait payer plus cher tout le temps. Avez-vous songé à tous ces impôts supplémentaires que les entreprises paient?

Deuxièmement, les entreprises créent des emplois. Sans ces entreprises qui créent des emplois et qui donnent une chance à nos jeunes... Elles jouent un rôle authentique dans notre société. Y avez-vous songé?

M. Hudon: Ce que j'ai dit, c'est que la contribution des entreprises a baissé de 5 p. 100 au cours des dernières années.

En tant que particulier, je paie des impôts. Je paie des charges sociales. Je pense que les gens paient beaucoup d'impôt, dont la taxe de vente et je ne sais quoi d'autre. Nous tâchons de travailler pour gagner notre vie. Les entreprises sont là pour faire des profits, pour donner des revenus à leurs propriétaires aussi, mais nous avons l'impression que les entreprises ne paient pas assez d'impôt. C'est tout.

Mme Brushett: Monsieur le président, chose certaine, je ne suis pas ici pour défendre les entreprises qui investissent leurs profits à l'extérieur du pays et qui n'assument pas leurs responsabilités au Canada, mais je tiens à dire, à la décharge des entreprises, qu'après la guerre, dans les années 1950, lorsque l'impôt sur le revenu a été inventé, les entreprises payaient beaucoup plus d'impôt à cette époque que le particulier d'impôt sur le revenu.

Mais, au fil du temps, ayant besoin d'une assiette fiscale plus grande, on a augmenté l'impôt sur le revenu des particuliers. Et si l'on imposait les entreprises de la même façon aujourd'hui, compte tenu également des charges sociales, qui ont monté en flèche tout comme les impôts fonciers et tous les autres impôts, si nous les imposions au même taux, elles paieraient plus de 100 p. 100 d'impôt. Elles n'existeraient tout simplement pas.

Et s'il y avait autant d'abris fiscaux ici au Canada, les entreprises se précipiteraient chez nous, ouvriraient boutique et créeraient des emplois. Ça ne se passe pas du tout comme ça. Je crois que c'est un mythe que de dire que nous ne payons pas tous notre juste part.

M. Hudon: Comme je l'ai dit, nous avons l'impression qu'en ce qui concerne les contributions des travailleurs... Si je vous comprends bien, vous dites que les entreprises contribuent de diverses façons à l'économie. Est-ce bien ça?

Mme Brushett: Oui, absolument. Les entreprises paient beaucoup plus d'impôt que vous et moi à titre personnel.

M. Hudon: Peut-être, mais j'aimerais que quelqu'un fasse les calculs voulus et nous montre que les entreprises paient réellement leur juste part.

.1520

Le vice-président (M. Campbell): Monsieur Hudon, d'autres témoins ont dit la même chose. Ce dont nous avons peut-être besoin, c'est d'une plus grande transparence pour que les gens puissent juger d'eux-mêmes. Nous avons parfois tendance à comparer des pommes et des oranges, comme on dit, et nos informations sont parfois incomplètes.

[Français]

M. Rebello: J'aimerais vous donner un indicateur qui pourrait peut-être vous guider dans votre réflexion sur le partage du fardeau fiscal. Au cours des 10 dernières années, l'écart entre les riches et les pauvres s'est énormément accru. Bien que vous sembliez dire que les entreprises et les riches ont fait leur part, les chiffres démontrent clairement que l'écart entre les riches et les pauvres s'est accru énormément malgré notre supposé régime social-démocrate. Si vous voulez regarder objectivement la réalité, vous allez voir très clairement que les riches sont de plus en plus riches et que les pauvres sont de plus en plus pauvres.

À partir de ce constat-là, si on maintient le régime tel qu'il est et qu'on tente de défendre le point de vue des mieux nantis, on va continuer à accroître cet écart-là. Et si cet écart s'accroît de plus en plus, on aura une société de plus en plus injuste. Cela me cause énormément de problèmes quand j'entends le gouvernement au pouvoir défendre les entreprises en laissant entendre qu'il n'y a pas d'injustice à ce niveau-là.

J'étais observateur lors de certaines activités auxquelles participaient des députés des deux côtés. Au moment où les conservateurs étaient au pouvoir et défendaient le point de vue des entreprises, les libéraux étaient dans l'opposition et prenaient le parti des citoyens. Aujourd'hui, les libéraux sont au pouvoir et, étonnamment, ils défendent le point de vue des sociétés. Je ne sais pas si c'est la force du lobby qui entraîne ce type d'intervention.

[Traduction]

Mme Brushett: Je vous remercie d'avoir dit cela, mais il n'est que juste que je vous donne la réplique ici, et non pas pour défendre les gouvernements. Nous vivons dans une société en évolution. Nous ne vivons plus à l'intérieur d'une économie nationale, autochtone - l'économie est internationale, elle est globale. C'est une économie qui évolue et où les emplois évoluent.

Vous avez raison, le fossé se creuse, mais je ne crois pas que vous puissiez attribuer cela à l'état de l'impôt sur les revenus des particuliers ou à l'impôt sur les sociétés aujourd'hui. L'équation est beaucoup plus complexe que cela, et voyez comment notre jeunesse - et je m'inquiète beaucoup de notre jeunesse - se scolarise... Savoir quel genre d'éducation il faut, quel genre d'emplois existeront, et comment traduire tout cela dans un avenir sain et rempli d'espérance - ce n'est pas facile

Ce qui est en jeu, c'est beaucoup plus qu'une simple politique gouvernementale. Il s'agit ici d'une économie globale en mutation dont nous faisons partie. Nous ne pouvons pas revenir en arrière. Nous devons songer à l'avenir. Nos politiques ne visent pas à défendre les entreprises, ce que nous voulons, c'est voir ouvertement et objectivement ce que nous pourrons faire, et tenir compte de vos avis dans notre planification budgétaire.

L'équité est notre objectif global. Nous n'avons pas parlé beaucoup aujourd'hui des programmes sociaux, mais nous devons nous employer à équilibrer le budget d'ici à quelques années afin que nous puissions restructurer les programmes sociaux qui s'adressent aux étudiants ou qui sont relatifs aux soins de santé, pour que notre pays demeure le premier au monde comme nous le voulons tous.

Merci.

[Français]

M. Loubier: J'aimerais ajouter une petite précision sur ce que Mme Brushett vient d'affirmer. C'est certain, et j'en suis personnellement persuadé, que la majorité des entreprises paient des impôts. Les entreprises canadiennes font leur devoir de citoyennes corporatives. C'est justement par souci de justice pour cette majorité d'entreprises qui paient des impôts et qui contribuent à l'assainissement des finances publiques qu'il faut absolument procéder à un examen sérieux de la fiscalité des entreprises.

Il y a des trous qu'il faut colmater dans cette fiscalité-là. C'est certain, indéniable, incontournable, et il faut le faire. Nous avons la responsabilité de le faire, cela par souci de justice pour les particuliers à qui on demande énormément de sacrifices depuis 10 ans et à qui on va en demander encore au cours des prochaines années.

Je ne vois pas pourquoi le gouvernement se refuse à analyser la fiscalité des entreprises et à voir pourquoi la plupart d'entre elles font leur devoir alors que d'autres échappent à leur devoir.

.1525

Ce n'est pas parce qu'on vit dans une économie qui se mondialise qu'on doit permettre des injustices et des transferts de capitaux dans des paradis fiscaux qui frôlent la malhonnêteté. C'est la limite entre un évitement fiscal légal et un évitement fiscal illégitime.

[Traduction]

Mme Brushett: Une brève observation à ce sujet. Comme nous l'ont dit nos recherchistes et nos gens du ministère des Finances, s'il y a des paradis fiscaux aujourd'hui dans notre monde, c'est parce que ces pays refusent de conclure des accords avec le Canada. C'est l'une des raisons pour lesquelles des particuliers ou des entreprises peuvent y placer leur argent.

Notre gouvernement ne peut rien faire pour contraindre un autre pays à signer un accord. Mais nous pouvons nous pencher sur les moyens qui nous permettraient de mettre un terme à ces échappatoires qui pourraient...

[Français]

M. Loubier: Vous pouvez modifier la loi fiscale fédérale de manière à obliger les...

Le vice-président (M. Campbell): Monsieur Loubier, je vous en prie.

[Traduction]

Madame Brushett, voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Brushett: Je tiens à apporter une précision. La petite entreprise est la colonne vertébrale de notre économie. C'est elle qui crée des emplois aujourd'hui. C'est la petite entreprise. L'an dernier, nous avons sacrifié près de 2 milliards de dollars en recettes fiscales pour permettre à la petite entreprise de créer des emplois. Elles paient leur juste part. Je défends la petite entreprise, et nous devons faire davantage pour elle, s'il y a quelque chose que nous pouvons faire. Ce sont les petits entrepreneurs qui font vivre notre pays aujourd'hui, et c'est la croissance des exportations qui animent notre économie.

Une dernière observation. En matière d'accords internationaux, nous n'avons aucun contrôle, mais nous devons faire tout en notre pouvoir pour instaurer un régime fiscal équitable dans notre pays.

[Français]

Le vice-président (M. Campbell): Merci, madame Brushett. Je cède la parole à M. Pillitteri.

[Traduction]

M. Pillitteri: Merci beaucoup, monsieur le président. Bienvenue à tous. On en apprend certes beaucoup à entendre le point de vue de chacun. Mais il arrive que nous entendions constamment les mêmes choses au cours de nos audiences. Aujourd'hui, j'ai encore entendu - et ce n'est pas ce qui m'intéresse pour le moment - quelqu'un qui parlait des impôts différés. Les impôts différés ne sont que des impôts futurs. En tant que tels, les impôts différés ne sont pas des impôts qu'on doit au gouvernement, et ces impôts ne portent pas intérêt. Il ne s'agit que d'une technique comptable, et il reste qu'on doit ces impôts au gouvernement. Je vais vous donner la chance de répondre, mais je tenais simplement à dire cela.

Monsieur Rebello, je vous félicite pour votre exposé. Vous êtes un jeune étudiant, et il n'est pas juste que vous ayez à rembourser toutes ces dettes que les Canadiens ont faites, la plupart d'entre nous étant plus âgés que vous. Certains d'entre nous ont profité des pensions. Certains d'entre nous sont sur le point d'en profiter. Mais vous avez sûrement raison. J'aimerais aussi vous citer une statistique fiscale, monsieur. Dix pour cent des plus grands déclarants au Canada paient 50 p. 100 des impôts de notre pays. Cela revient à un tiers de tous les impôts.

Vous avez dit que les libéraux qui sont censés défendre cette politique ne font pas leur travail, et j'ai trouvé cela très intéressant. Je ne savais pas que j'avais été élu seulement parce que je suis libéral. C'est aussi parce que je suis une personne que j'ai été élu. Je suis libéral, mais je conserve mon libre arbitre. Au cours d'audiences comme celle-ci, j'exprime ma propre opinion. Je ne suis pas lié par mon gouvernement ou sa politique, et en ma qualité de personne, je peux répondre à des questions.

.1530

Étant donné que vous avez parlé des députés et de leur salaire, permettez-moi également de vous dire ceci, monsieur. Voici un bel exemple. M. Nunez est immigrant et M. Pillitteri est immigrant. Il vous est donc parfaitement loisible de représenter votre circonscription ou votre génération au sein de notre Parlement ou d'un Parlement futur. Il vous est tout à fait loisible, monsieur, de vous faire élire député.

Mais voici la question que je vais vous poser. Vous avez parlé des fiducies. J'ai eu le privilège d'examiner la question des fiducies, tout comme M. Loubier, à Ottawa. On nous a dit combien il y avait dans ces fiducies. Vous avez dit que rien que l'an dernier on avait perdu 1,5 milliard de dollars en impôts sur les fiducies. Nous avons obtenu nos informations du ministère. On a dit, je crois, que si l'on éliminait toutes le fiducies, nous ne récupérerions que la moitié de ce montant, soit près de 750 millions de dollar. Voulez-vous nous donner plus de détails sur la source de vos informations?

[Français]

M. Rebello: Nous tenons ces chiffres de l'ancien ministre du Revenu québécois, Yves Séguin, qui écrit régulièrement dans les médias d'affaires et qui soulève souvent la question des fiducies familiales. C'est de lui que nous tenons le chiffre d'un milliard et demi de dollars d'économies que pourrait faire le gouvernement fédéral en abolissant les exemptions sur les fiducies familiales.

Si jamais ce n'était pas juste, il serait bien que vous puissiez produire un document. D'ailleurs, c'est assez important pour un groupe d'étudiants comme le nôtre. Il est sûr que pour certains d'entre nous, qui étudient en économie ou dans le domaine des finances, sont mieux en mesure de comprendre. Ce n'est pas tout le monde qui saisit toutes les difficultés de la fiscalité.

Il y a très peu de documents produits par le gouvernement sur la question de la fiscalité. Quand on essaie de comprendre, il est très difficile de trouver de l'information.

Le vice-président (M. Campbell): J'aimerais obtenir une petite précision sur les fiducies. Certaines mesures du budget de l'an dernier traitaient des fiducies familiales. Des fiducies, on en retrouve partout au Canada et au Québec.

[Traduction]

Pour la petite entreprise, monsieur Pillitteri, pour les veuves et les orphelins, comme on dit - personne n'a proposé à mon sens qu'on élimine ce moyen qui protège les jeunes enfants, qui protège les personnes âgées et handicapées.

Mais je tiens à apporter une précision. Nous avons pris des mesures. J'aimerais aussi clarifier ce qu'a dit M. Pillitteri au sujet de l'impôt sur le revenu des particuliers, parce que je ne crois pas que l'interprète avait bien compris. Et j'en reviens à ce que disait M. Rebello. Nous parlons parfois de chiffres différents et d'informations différentes. Il arrive que nous ne parlions pas des mêmes données.

Je disais que 10 p. 100 des grands déclarants, les particuliers les plus riches, qui représentent le tiers des recettes fiscales de notre pays, payent plus de 50 p. 100 de l'impôt sur le revenu des particuliers. Vous croyez peut-être que ce groupe devrait payer plus de 50 p. 100 de l'ensemble des impôts sur le revenu. Mais je tenais seulement à préciser ma pensée parce que je ne crois pas qu'elle ait été bien exprimée.

Aviez-vous une autre question à ce sujet?

Permettez-moi une suggestion. Nous devrions nous arrêter ici.

[Français]

Il est déjà 15 h 30. Il serait peut-être bon qu'on fasse un dernier tour de table, ce qui nous vous donnerait

[Traduction]

la chance de résumer, de répondre à ce que vous avez dit et à vos dernières paroles. Nous allons commencer par M. Jasmin.

[Français]

M. Jasmin: J'ai ici la liste des 20 plus grands reports d'impôts au Canada pour l'année 1993. Il s'agit de compagnies comme Canadien Pacifique, Alcan, Shell, Chrysler, Xerox, Noranda, etc. Il s'agit d'un montant de 15 milliards de dollars. Je ne veux pas dire que la totalité de ces 15 milliards de dollars est inacceptable, mais il y a probablement, sur ces 15 milliards de dollars, du gras que les gouvernements devraient couper. On voudrait simplement que le gouvernement exerce une plus grande surveillance sur ce problème des reports d'impôt.

En terminant, je reprendrai la remarque de M. Rebello. Je suis président d'une organisation qui s'appelle Les artistes pour la paix. La paix dans le monde est beaucoup fonction de l'écart grandissant, hélas, entre les nations riches et les nations pauvres.

.1535

C'est la même chose dans notre pays. La violence ou l'injustice dans notre pays est attribuable à cet écart entre riches et pauvres. Un gouvernement doit être jugé après son mandat. On doit se poser la question: Est-ce que ce gouvernement a réussi à combler cet écart entre riches et pauvres, ou à le diminuer plutôt, car il faut être réaliste: on ne peut le combler. C'est là-dessus que les libéraux vont être jugés.

Nous vous enjoignons de prendre des mesures énergiques pour diminuer cet écart et ne pas l'augmenter considérablement comme les gouvernements conservateurs, tant au pays, avec Mulroney, qu'aux États-Unis avec Reagan et Bush, l'ont fait. On a détruit beaucoup de l'atmosphère de paix qu'il pourrait y avoir dans ce pays.

Mme D'Amour: Si le gouvernement doit prendre des mesures de compression et assainir ses finances publiques, nous sommes tout à fait d'accord, je le répète. Cependant, si on décidait de couper de 10 p. 100 partout, ce serait aberrant, inefficace et cela ne rendrait service à personne.

On doit soutenir les secteurs économiques et assurer le rendement des organismes d'État. Dans les dernières années, il y a eu beaucoup d'exemples de coupures qui ont obligé certaines sociétés d'État à réviser considérablement leur façon de gérer. Je pense à Radio-Canada où M. Beatty a annoncé dernièrement un cortège de coupures. Il y a longtemps qu'on demandait que le siège social de Radio-Canada soit fermé et qu'on mette l'argent ailleurs.

Quant aux abris fiscaux qui existent un peu partout, le gouvernement doit s'assurer de les revoir tous. On a beau dire qu'il s'agit d'impôts reportés, mais dans certains cas, cet impôt est reporté à jamais et l'argent ne reviendra jamais dans les coffres du gouvernement. Je pense que M. Martin est très sage et qu'il va certainement revoir cela. Le gouvernement doit aussi établir des priorités, savoir très exactement ce qu'il veut soutenir et avoir la sagesse de ses convictions.

Le vice-président (M. Campbell): Merci. Monsieur Gervais.

M. Henri Gervais (vice-président, Forum des citoyens âgés de Montréal): Je voudrais simplement faire un commentaire. On a parlé de la réforme de la fiscalité. J'entends parler de cela depuis deux ou trois ans. J'ai hâte de voir quand un gouvernement va finalement s'y attaquer, pas d'une façon superficielle mais vraiment en profondeur.

Il semble, selon tous les économistes qu'on entend parler, qu'il y a beaucoup de solutions possibles qu'on pourrait mettre en oeuvre en faisant cette réforme.

On en parle depuis quatre ou cinq ans, et peut-être même davantage. L'an passé, j'entendais le même discours, et c'est la même chose cette année. L'an prochain, vous entendrez sans doute encore la même chose.

M. Hudon: À propos des 10 milliards de dollars d'impôts sur les revenus différés dans les bilans des sociétés, ce ne sont pas seulement des entrées comptables; ce sont des montants d'impôt qu'elles auraient dû payer si certaines règles avaient permis de différer l'application de l'amortissement. Quand on amortit un actif, le gouvernement, chaque année, nous donne une certaine somme, mais les sociétés ont un certain avantage et peuvent différer un montant ou l'amortir plus rapidement.

.1540

Le vice-président (M. Campbell): Monsieur Rebello.

M. Rebello: J'aimerais dire aux représentants du gouvernement qu'il y a eu récemment un référendum québécois et que, pendant la campagne, le fédéral a dit très clairement qu'il avait l'intention de faire des changements.

La Constitution, c'est bien beau, mais les choix budgétaires d'un gouvernement sont encore plus importants. Nous tenons vraiment à ce que le gouvernement de Jean Chrétien soit à l'écoute des Québécois et comprenne leur vision sociale. C'est très important.

Il est vrai qu'il y a tout un courant de droite dans le reste du Canada, mais nous, au Québec, n'avons pas élu ce genre de gouvernement.

Au-delà de la question de la souveraineté, il y a une vision sociale très importante au Québec. Si jamais le gouvernement fédéral, dans le prochain budget, laissait tomber cette vision-là, il nous serait très difficile de continuer à payer des impôts à Ottawa.

On ne fait pas de menaces mais, à un moment donné, on se dit: En tant que citoyens et contribuables, quel pouvoir avons-nous? Nous avons le pouvoir d'arrêter de payer si nous ne sommes pas contents.

Pour que les Québécois reprennent confiance, le gouvernement fédéral devra prendre rapidement une décision quant au budget. Il devra maintenir au même niveau le financement des transferts, au moins pour que les gouvernements des provinces puissent assumer leurs responsabilités dans les domaines les plus importants, soit l'éducation, la santé et les programmes sociaux.

Pour en arriver à cela, certains choix peuvent être faits rapidement. En tant que Québécois, nous ne sommes pas venus ici simplement pour proposer certaines choses, retourner chez nous et ensuite laisser aller les choses.

Il est bien évident qu'on va tenter, au Québec et même partout au Canada, de regrouper des gens qui ne sont pas d'accord sur la décision de dépenser 2 milliards de dollars pour des tanks. On ne vous laissera pas prendre de telles décisions. Si vous voulez un jour démontrer aux Québécois qu'il y a une bonne perspective à long terme au Canada, la première chose à faire, c'est de vous mettre à l'écoute des gens en ce qui a trait aux choix budgétaires qui devront être fait dans les prochains mois.

Le vice-président (M. Campbell): Merci bien, monsieur Rebello.

[Traduction]

Madame Worsfold.

Mme Worsfold: Nous avons discuté de la capitation à de nombreuses reprises avec Sergio Marchi, le ministre de l'Immigration, et il nous a dit chaque fois que ce n'était pas la décision de son ministère, mais plutôt celle du ministre des Finances, et qu'il ne pouvait y changer quoi que ce soit.

Je prie le comité de dire au ministre des Finances que la dette ne doit pas être remboursée par les plus démunis, et que des mesures honteuses comme la capitation ne doivent pas faire partie du patrimoine canadien.

Le vice-président (M. Campbell): Merci.

Monsieur Philopoulos.

[Français]

M. Philopoulos: Je vais conclure en vous faisant réfléchir sur cinq points. Tout d'abord, on n'a pas discuté énormément de l'économie ouverte. En tant que citoyens, nous devons également exprimer notre point de vue.

Il y a tout d'abord la globalisation, dont on n'a pas tenu compte dans ce budget. Le gouvernement et le Parlement doivent se pencher là-dessus.

Deuxièmement, en ce qui a trait aux programmes sociaux, je voudrais qu'on discute de la proposition que j'ai faite sur le revenu minimum garanti et ses applications.

Dans le texte que j'ai soumis en français - je pourrais aussi le faire en anglais - , j'ai fait quelques propositions qui méritent réflexion. Si on veut faire des coupures, il faut en faire, mais stratégiquement et en ne pénalisant pas les secteurs qui peuvent produire des emplois, comme celui de la haute technologie et celui de l'éducation qui est un investissement pour l'avenir et pour la jeunesse.

Nous sommes d'accord qu'on doit faire une réforme de la fiscalité. Nous nous devons de réfléchir là-dessus et de voir si les entreprises paient vraiment la part qu'elles doivent payer.

.1545

Selon moi, c'est le cas, mais en principe, il y a des problèmes. Par exemple, je lisais, dans une analyse des recettes du gouvernement, que les business taxes, c'est-à-dire les taxes ou les impôts que paient les entreprises, représentent seulement 11 p. 100 des revenus du gouvernement. Il faut donc se pencher là-dessus.

Finalement, il faut fixer un objectif pour réduire le déficit et l'éliminer complètement d'ici10 ans.

Le vice-président (M. Campbell): Merci bien, monsieur Philopoulos.

[Traduction]

Monsieur Weiser, vous avez le dernier mot, brièvement.

M. Weiser: Il est très important de rappeler qu'il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. À cause de certains abus, nous devons reconnaître que le crédit d'impôt doit viser la création de produits et de services qui seront revendus et reconnaître aussi qu'il faut appeler un chat un chat, et que la recherche-développement n'est en réalité que du développement. N'appelons pas de la recherche-développement ce qui ne sert qu'à couvrir des recherches fictives et ésotériques. Si l'on s'en tient à cette définition, on a dit que la recherche sur la bombe atomique n'a exigé que trois jours de recherche authentique et que tout le reste n'était que développement.

Il faut être réaliste. Il faut y voir un investissement. Il faut dire au gouvernement qu'il doit investir autant que l'industrie et rechercher un rendement optimal. Il doit investir dans notre avenir et dans la création d'emplois.

Chose très importante, il faut définir ce que c'est que la petite entreprise. Je dis pour ma part qu'il faut élargir cette définition si nous voulons être concurrentiels à l'échelle internationale. Au regard des normes internationales, une entreprise canadienne de taille moyenne est une très petite entreprise, et nous ne voulons pas handicaper une telle entreprise au moment où elle commence à s'affirmer à l'échelle internationale. Nous avons besoin des Mitels de ce monde. C'est pourquoi il ne faut pas mesurer la taille d'une entreprise à sa capitalisation, car ce serait décourager l'investissement, mais à ses ventes et à sa rentabilité.

Enfin, une autre suggestion que je n'avais pas faite auparavant, et qui a trait à une méthode sans coût - une méthode de calcul de la trésorerie sans négatif, qui hausserait la recherche-développement dans notre pays. Il n'en coûterait rien au gouvernement et il n'y aurait aucun effet au niveau de la trésorerie. Un peu comme cela s'est fait au Québec avec la SDI, la Société de développement industriel du Québec.

Si le gouvernement garantissait aux banques les crédits d'impôt de recherche-développement qui permettraient aux entreprises d'emprunter, et si cette garantie était séparée de la marge de crédit, l'industrie aurait accès à un plus grand crédit à un coût moindre. Elle pourrait investir davantage dans la recherche-développement, et la recherche-développement augmenterait. Le gouvernement paie de toute façon. La recherche-développement qu'une entreprise peut faire est fonction non seulement du rendement qui apparaît à l'état du profit et des pertes, mais aussi de l'accès au capital.

Merci.

Le vice-président (M. Campbell): Merci, monsieur Weiser.

[Français]

Il ne me reste qu'à vous dire un très grand merci pour la discussion de cet après-midi, à Montréal. L'échange de questions et de réponses a été très intéressant. Il y a eu une bonne discussion entre les panélistes et les membres du comité. Je vous en remercie. Bonne fin de semaine.

La séance est levée.

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