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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 18 mai 1995

.0931

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. J'accepterai volontiers une motion de remerciement à l'intention de M. Leblanc qui nous permet d'atteindre le quorum.

Dans le cadre de l'examen du budget des dépenses, nous recevons M. Keith Bezanson, président du CRDI. Il est accompagné de M. Audet, directeur général. Comme j'ai échangé quelques mots avec M. Bezanson avant le début de la séance, je sais qu'il voulait que le texte de son exposé soit consigné au compte rendu. Il ignorait que nous avions changé le règlement et que c'est maintenant interdit.

Je vais donc l'inviter à faire une courte déclaration liminaire en insistant sur les faits saillants de son exposé. Je sais que les députés veulent vous poser des questions. Je vous remercie d'être venu ce matin.

M. Keith Bezanson (président, Centre de recherches pour le développement international): Merci, monsieur le président. Moi aussi je voudrais exprimer ma gratitude

[Français]

à M. Leblanc, parce que, grâce à lui, nous pouvons commencer.

[Traduction]

Je suis heureux d'être parmi vous. C'est la dixième fois que je comparais ici en moins de quatre ans. J'espère que nous nous retrouverons souvent de manière à maintenir le dialogue et à vous tenir au courant de ce que nous faisons et de ce que nous essayons de faire.

Comme vous l'avez dit, j'ai préparé un texte. Nous avons aussi distribué une trousse d'information que vous trouverez intéressante, j'espère. J'espère que vous pourrez prendre connaissance de l'allocution que j'avais préparée. Elle fait moins de sept pages et expose les principales considérations, notamment stratégiques, qui guideront le CRDI en 1995 et dans l'avenir.

En guise d'introduction, j'aimerais évoquer six points.

Premièrement, et je sais que je n'ai pas à le préciser à un auditoire comme le vôtre, le développement n'est plus ce qu'il était. Comme bien d'autres choses, il a évolué. Les principales forces motrices sont à n'en pas douter la science et la technologie. Ce sont les locomotives du changement, pour le meilleur ou pour le pire, porteur de prospérité ou de misère.

Il y a quelques instants, nous causions à bâtons rompus et avons tenu des propos moins que flatteurs à l'endroit des économistes. Ceux d'entre nous qui avons suivi une formation d'économiste ont appris que le capital, les biens fonciers, les richesses naturelles et la main-d'oeuvre étaient les moteurs de la prospérité. Aujourd'hui, nous savons que ces éléments ont été en grande partie supplantés par les progrès de la science et de la technologie.

Pour un petit nombre, le résultat a été une prospérité sans précédent tandis que pour l'autre, elles ont entraîné un cortège de misère et d'incertitude. Les progrès de la science et de la technologie sont donc mitigés. De même, les anciennes divisions entre le Nord et le Sud ne représentent plus la réalité. Il y a quelques semaines à peine, The Economist disait qu'en moins d'une décennie, neuf des 15 pays les plus riches au monde seront ce que l'on appelle aujourd'hui des pays en développement. Voilà un revirement majeur. C'est la première chose que je voulais dire.

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La deuxième chose, et c'est une suite logique, c'est que la demande de solutions inspirées de la science et de la technologie connaît une croissance exponentielle. Les économies qui progressent le plus rapidement sont celles qui ont investi et continuent d'investir encore davantage aujourd'hui dans la science et la technologie, comme la Corée du Sud, Singapour et la Chine.

La Corée du Sud, par exemple, songe actuellement à investir deux fois autant, en pourcentage de son PNB, ce que la moyenne des pays de l'OCDE consacrent à la science et à la technologie. La demande de solutions de ce genre monte donc de façon spectaculaire.

[Français]

Troisièmement, voici précisément ce que nous faisons au CRDI. Nous mettons en application recherche, science et technologie pour répondre aux besoins globaux, et particulièrement à ceux des pays en voie de développement. Le Centre est unique en son genre en tant qu'organisme voué à la science et à la technologie, unique par l'accent qu'il met sur la recherche, sur ses liens à l'échelle mondiale et sur ses réseaux internationaux de savoir.

Je crois qu'il n'est pas exagéré de vous dire aujourd'hui que le CRDI joue un rôle catalyseur primordial dans la création du réseau le plus impressionnant de penseurs, de chercheurs, de scientifiques et de décideurs en matière de développement dans le monde entier.

Le Centre est le seul organisme au monde qui travaille depuis 25 ans à promouvoir et à appuyer les sciences et la technologie au service du développement. Étant donné cette situation, il n'est pas surprenant que les services du Centre soient très en demande et que notre partenariat augmente de façon impressionnante.

[Traduction]

Les demandes que nous recevons augmentent de façon exponentielle à cause de l'insistance mise sur la science et la technologie et à cause du fait que c'est précisément notre vocation depuis 25 ans.

Tout cela se produit au moment où les sources de financement traditionnelles diminuent. Pour le CRDI, le dilemme est simple. La demande augmente au moment où les crédits parlementaires diminuent.

En effet, ceux-ci ont baissé de 14 p. 100 entre 1994 et 1995. En termes réels, nous avons reçu en 1995, 35 p. 100 de moins qu'en 1992. La quatrième chose, c'est donc que nous devons faire face à cette situation en période de réduction du financement.

Cinquièmement, que doit-on faire? Il est évident qu'il est inutile de demander des fonds supplémentaires aux pouvoirs publics. On aimerait pouvoir le faire, mais ce n'est pas réaliste.

Il faut donc de nouvelles solutions, faire preuve de leadership et d'innovation, trouver d'autres sources de financement et favoriser le partenariat. C'est précisément ce que nous faisons.

Pour relever ces défis et résoudre le dilemme, nous multiplions les ententes de partenariat avec les organismes internationaux, les fondations publiques, les fondations internationales, les gouvernements dans les pays industrialisés et en développement ainsi qu'avec les universités étrangères et le secteur privé.

Nous investissons nos propres ressources pour en attirer d'autres pour régler le dilemme et relever le défi. Notre institution tient à trouver ces nouvelles solutions, à exercer le leadership requis et à trouver des moyens originaux de faire face à la situation.

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Nous ne voulons pas nous contenter de faire du surplace ou de conserver notre programme tel qu'il est; nous visons plutôt à l'élargir.

Dès 1991, nous avons pris des mesures - et vous verrez dans le budget principal que nos ressources non parlementaires ont augmenté et nous pensons que cette tendance se poursuivra.

Cela m'amène au sixième et dernier point de mon introduction en ce qui concerne notre adaptation à ces nouvelles réalités. Afin de maximiser nos propres ressources, nous procédons à une restructuration globale et tous, au CRDI, sont associés à cet effort.

Un des groupes touchés par cette restructuration est celui des équipes autonomes. Une fois les buts et objectifs établis, des équipes autonomes sont formées en gardant les frais généraux et les coûts administratifs au minimum. Ce réaménagement comporte également la mise en vigueur d'indicateurs de rendement bien précis pour ces équipes autonomes.

L'accent est mis sur les résultats et les applications de la recherche plutôt qu'à la recherche elle-même, ainsi que sur les avantages d'aval. Grâce à l'établissement de nouveaux partenariats, notamment avec le secteur privé, dont je viens de parler, nous élargissons notre base de ressources.

[Français]

En résumé, le Centre est plus pertinent aujourd'hui qu'il ne l'a jamais été. À mon avis, il offre la solution la plus appropriée et la plus valable aux besoins de notre monde en matière de développement. C'est loin d'être facile et certain, mais malgré les restrictions budgétaires, nous prenons les mesures nécessaires pour conserver et augmenter notre efficacité en créant de nouveaux partenariats et en repensant notre organisme, toujours, nous l'espérons, en faisant honneur au Canada.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Bezanson.

[Français]

Monsieur Leblanc, voulez-vous commencer?

M. Leblanc (Longueuil): Je m'excuse de mon retard. Ma secrétaire avait oublié de faire les changements à mon agenda. Je me suis présenté à la pièce 350 et j'ai attendu. Vous m'attendiez et je vous attendais.

Le président: Tout ce qui nous manquait, c'est un peu de silence pour nous mettre en contact. Un peu de technologie pourrait peut-être résoudre le problème.

M. Leblanc: Je n'ai qu'une seule question. Puisque vous êtes le seul organisme mondial de ce genre, cherchez-vous davantage à travailler en collaboration avec les autres pays dans le but de trouver du financement chez eux? Pourriez-vous m'expliquer l'autofinancement éventuellement recherché par rapport à la place que vous occupez dans le monde dans ce secteur très particulier?

M. Bezanson: Je vous donnerai quelques exemples. Historiquement, notre base était presque 100 p. 100 canadienne; c'est-à-dire que nous travaillions à partir des fonds qui nous étaient alloués par le Parlement, en collaboration avec les institutions du Tiers monde, mais par l'intermédiaire d'une institution canadienne.

Nous avons maintenant de nouveaux partenariats à travers le monde entier avec des fondations indépendantes comme la Fondation Ford, la Fondation Rockefeller, la Fondation Carnegie et la Fondation MacArthur, toutes des États-Unis.

Certaines fonds proviennent de banques internationales, soit la Banque mondiale, la Banque interaméricaine de développement et la Banque asiatique de développement. Certains nous proviennent de quelques organisations des Nations unies, comme l'UNICEF, par exemple.

Nous avons également reçu quelques subventions des gouvernements des Pays-Bas, de la Suède, des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de deux ou trois autres pays.

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De plus, nous avons changé notre approche afin d'établir un partenariat financier avec quelques pays en voie de développement. Si notre produit est suffisamment valable, il faut non seulement un partenariat intellectuel, mais il faut aussi partager, sur le plan financier, les besoins de n'importe quelle intervention.

Je suis fier de dire, par exemple, que le gouvernement de l'Afrique du Sud vient tout juste de consacrer 20 millions de dollars au CRDI pour un programme de recherche qui fournira les instruments de développement pour les petites et moyennes entreprises en Afrique du Sud.

Il s'agit de recherche au niveau des instruments politiques et du réseau nécessaire pour que les milliers d'entrepreneurs d'Afrique du Sud puissent prospérer dans le monde économique. On essaie tous les modèles possibles et, à l'heure actuelle, on a de bonnes nouvelles. L'an dernier, nous visions 15 millions de dollars en ressources non parlementaires et nous avons reçu 26 millions de dollars.

M. Leblanc: Je sais que vous avez inventé une nouvelle banane.

M. Bezanson: Oui, bien sûr.

M. Leblanc: On en est fiers.

M. Bezanson: En avez-vous mangé?

M. Leblanc: Pas encore. Le fruit de cette recherche sera-t-il rentable pour vous?

M. Bezanson: Pour nous?

M. Leblanc: Oui, au niveau monétaire.

M. Bezanson: C'est une bonne question. Si vous me demandez si, au sens économique, cela nous permettra de recouvrer nos coûts d'investissement, la réponse est probablement non. Il s'agit d'une propriété intellectuelle pour le monde entier. On ne s'est pas engagés à faire des profits. On espère, comme vous l'avez dit, que le monde va bénéficier de cette nouvelle banane, de ce nouveau fruit.

Toutefois, dans plusieurs autres secteurs, nous espérons recouvrer nos coûts d'investissement. Nous avons quelques technologies dont la propriété intellectuelle nous appartient et nous espérons que, dans d'autres cas, nous allons recouvrer nos coûts.

M. Leblanc: Merci.

[Traduction]

M. Volpe (Eglinton - Lawrence): Monsieur Bezanson, au cours des 18 derniers mois, depuis votre première comparution devant ce Comité, je suis devenu de plus en plus convaincu de la valeur du travail de votre organisme.

M. Bezanson: C'est bon à entendre.

M. Volpe: J'applaudis à vos efforts et à ceux de votre organisme. Il y a des exemples bien évidents de la valeur de votre travail. M. Leblanc vient d'en mentionner un.

Permettez-moi de changer de sujet pour un instant. Dans votre introduction, vous avez dit que les pays ayant le plus de chance de réussir à l'avenir seront ceux qui investiront massivement dans les nouvelles technologies, et je présume dans la nouvelle infrastructure des nouvelles économies. J'imagine que le Canada serait inclus dans ce groupe.

Dans un des textes que vous avez distribués, je vois que 22,8 p. 100 de vos crédits l'an dernier ont été dépensés au Canada. Certains vous critiqueraient pour cela. Pouvez-vous m'expliquer comment cela est possible étant donné que votre mandat vous amène à travailler à l'extérieur du pays. Vous pourriez peut-être me répondre en donnant d'autres exemples que ceux inclus dans les textes.

En passant, c'est le préambule de ma deuxième question.

M. Bezanson: J'ai peur.

Monsieur le président, je tiens à vous dire que j'ai bien aimé l'introduction aux commentaires de M. Volpe. S'il s'en était tenu à ces propos-là, j'aurais eu l'impression que la journée était complète.

Le président: M. Volpe est toujours comme ça. Il y a une mauvaise surprise à la fin.

M. Volpe: [Inaudible - Éditeur]...à quelques reprises lorsqu'il a comparu devant nous, alors nous sommes quittes.

M. Bezanson: Je vous remercie de votre question, et de vos remarques - vraiment.

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D'abord, une observation générale puis une réponse précise.

À propos de la conversation à bâtons rompus tout à l'heure à propos des institutions internationales et des capitaux étrangers...on a souvent l'impression que le développement des pays qui mettent les bouchées doubles, comme Singapour, la Corée du Sud et Taïwan, est uniquement le fait d'un miracle de marché. Ça ne joue pas beaucoup. Je ne le nie pas. Par contre, si l'on regarde plus loin, on constate qu'avant de connaître une croissance rapide, ces pays ont énormément investi dans la technologie et ont intégré la science et la technologie à leurs sociétés. On méconnaît que c'est là l'un des principaux facteurs qui distinguent les pays à croissance rapide et les autres; c'est ce qui fait la différence entre les pays qui progressent vite, ceux qui progressent lentement et ceux qui ne progressent pas.

Ce que j'ai dit donc, je le pensais vraiment. Les faits sont là, et je pense que nous pouvons parler en connaissance de cause.

À propos des 22,8 p. 100, cela ne contredit rien. C'est notre objectif global pour les pays en développement, mais cela fait partie des partenariats dont j'ai parlé dans mon introduction et qui sont dans ce document. Par exemple, le Canada est le seul pays à maîtriser une technologie comme RADARSAT. C'est une technique de cartographie très détaillée qui permet de recenser les richesses naturelles, de mesurer le dépérissement des ressources et d'effectuer des dénombrements démographiques élémentaires. Les données peuvent servir à prendre des décisions aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public. Le satellite peut voir à travers les nuages. C'est quelque chose dont on a beaucoup besoin partout dans le monde.

Nous collaborons donc avec les organismes canadiens pour trouver des applications à ces technologies et bâtir les systèmes et la base de recherche connexe en Afrique, par exemple. Puisque nous avons un associé canadien, sa contribution fait partie des 22,8 p. 100, mais nous voulons en faire profiter tous les pays.

Dans le document que je vous ai remis, je donne aussi quelques exemples. Ainsi, nous collaborons avec une entreprise, Lassonde Technologie, de Rougemont au Québec.

[Français]

Nous avons facilité la coopération entre cette entreprise et les entreprises vietnamiennes. L'entreprise canadienne a besoin d'ajouter la vitamine C, mais le coût est vraiment très élevé, à tel point que l'entreprise ne peut concurrencer au niveau mondial. On s'intéresse aux vitamines naturelles et non aux vitamines chimiques.

Au Vietnam, nous avons une pomme tout à fait différente qui s'appelle pomme de cajou. Elle est très riche en vitamine C et nous avons fait le mélange ici. Cela sert les intérêts de l'entreprise vietnamienne et de l'entreprise canadienne. Il s'agit de recherches nécessaires pour changer les composantes de la section.

[Traduction]

Il s'agit donc ici d'associés qui retirent tous les deux des avantages du partenariat. Toutefois, dans tous les cas, un des bénéficiaires se trouve dans un pays en développement.

M. Volpe: J'accepte tout ce que vous avez dit à propos de cet exemple. Je vous écoutais et je me disais qu'il n'y a pas si longtemps un de nos ex-ministres a comparé des régions du pays à des régions parmi les plus défavorisées de l'Asie du Sud-Est, en particulier le Bangladesh. Je suis certain que les technologies des projets dont vous parlez aideront ces populations à subvenir à leurs besoins, à les arracher à la misère, mais ne feront sans doute pas grand-chose pour aider nos concitoyens qui eux se languissent dans un état de sous-activité économique.

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Pourtant, la même technologie que vous êtes en train de mettre au point et à laquelle vous participez un peu partout dans le monde peut être utilisée pour la transformation des aliments, notamment dans le sud de l'Ontario et au Québec, puisque ce sont les exemples qui nous viennent le plus souvent à l'esprit à cause du climat et de l'importance de la production alimentaire dans ces régions, ou bien encore de façon plus flagrante dans l'industrie de la pêche.

Un pays comme l'Islande a repris certaines des technologies et des systèmes auxquels votre organisme avait contribué dans le cadre de ses recherches, mais ces mêmes techniques ne sont pas utilisées au Canada. L'Islande, un tout petit pays, produit beaucoup plus de produits de la pêche que le Canada, du moins c'est ce que je crois comprendre, même si je n'en suis pas certain.

Ce n'est peut-être pas une question qu'il convient de vous poser à vous et à votre organisme, monsieur Bezanson, mais y aurait-il un moyen d'utiliser certaines des techniques que vous mettez au point pour le reste du monde ici même au Canada?

Je me trompe peut-être, mais il me semble que si, par exemple, certains de vos chercheurs ont trouvé une façon d'utiliser les déchets industriels en Inde pour produire de meilleures récoltes, revitaliser le terrain et faire pousser des arbres... nous produisons nous-mêmes beaucoup de déchets industriels dans certaines régions du Canada et nous laissons en même temps passer toutes sortes d'occasions de transformation des produits alimentaires et de recyclage pour l'environnement.

Je voudrais savoir ce que vous en pensez, même si je ne vous demande pas une réponse précise.

Le président: Ce que nous voulons savoir, c'est pourquoi les autorités canadiennes n'adoptent pas vos idées aussi rapidement que certaines autorités étrangères.

M. Volpe: Pour être plus direct, je sais que le gouvernement du Canada a réduit le budget de votre organisme alors que tout le monde reconnaît l'utilité de ce que vous faites, mais nous ne semblons pas nous servir du résultat de vos recherches là où on en a, peut-être pas le plus besoin, mais au moins autant besoin que d'autres et nous risquons de nous trouver dans l'incapacité de vous fournir les ressources nécessaires pour aider d'autres gens à fonctionner.

M. Bezanson: C'est une question très vaste. Pour ce qui est de la question telle qu'interprétée par le président, je laisserai bien sûr ceux qui sont en mesure de porter ces vastes jugements politiques y répondre. Ce n'est pas vraiment mon domaine. Par ailleurs, je crois cependant que vous avez mis le doigt sur quelque chose d'important.

Je vous dirai certaines choses qui ne répondront peut-être pas à votre question, mais qui aideront peut-être à dresser certains paramètres utiles.

Soit dit en passant, vous retrouverez une bonne partie de ce que je vais dire dans la déclaration que j'avais rédigée et j'espère que vous aurez le temps de la lire. Il me semble évident que le bien-être futur de notre pays dépendra de plus en plus de deux choses. La première sera l'élaboration de rapports efficaces et appropriés avec un groupe qui représentera très bientôt 90 p. 100 de la population du monde et qui en représente 85 p. 100 maintenant, soit ce que nous appelons le monde en développement.

D'ailleurs, les pays que nous appelons maintenant les pays en voie de développement représenteront d'ici l'an 2000 95 p. 100 de la main-d'oeuvre active mondiale. C'est un chiffre phénoménal. Les pays que nous appelons en voie de développement représenteront non pas 70 ou 80 p. 100, mais bien 95 p. 100 de la main-d'oeuvre active du monde.

De ce fait découle une première observation d'ordre général. Nous aurons beaucoup d'ennuis si nous n'établissons pas des liens efficaces et appropriés et si nous ne créons pas des occasions de développement dans ces pays. Je souligne l'importance de saisir les occasions qui existent déjà. À mon avis, il y a maintenant d'excellentes occasions pour les Canadiens de créer de nouveaux partenariats avec les pays en voie de développement.

Le deuxième élément consiste bien sûr à savoir dans quel domaine on peut créer de tels partenariats. S'il est exact que le changement, bon ou mauvais, vient de l'application de la science et des nouvelles technologies, qu'il s'agisse de micro-électronique, de biotechnologie ou de nouvelles matières qui sont en train de tout remplacer, nous aurons besoin de partenariats qui seront reliés à cette évolution scientifique et technologique.

.1000

Voilà où il me semble que le CRDI, grâce au vaste réseau qu'il bâtit depuis 25 ans et qui est à mon avis le meilleur du monde, peut être la clé pour les Canadiens qui veulent créer de tels partenariats. Je pense qu'il existe un moyen à la fois direct et indirect d'établir un lien dans ce domaine.

Je pourrais certainement vous donner des exemples précis. Vous avez parlé de l'Islande et de la pêche. Vous verrez dans nos notes que nous avons élaboré au CRDI une stratégie pour la recherche internationale sur les pêches. Cette recherche est financée par la Banque mondiale et le Programme de développement des Nations Unies, mais on a décidé que ce serait le CRDI qui s'en occuperait parce que nous avons déjà tout ce réseau de connaissances et de données sur toutes les régions du monde.

Nous sommes au courant des stocks qui se chevauchent, nous savons que le poisson voyage, que les maladies sont importées et qu'il n'y a pas de territoire sacro-saint, comme il y en avait peut-être auparavant. Nous espérons que les résultats de nos recherches génétiques sur les pêches s'appliqueront tout aussi bien aux pêches canadiennes, que ce soit sur la côte Est ou la côte Ouest, qu'au reste du monde, même si notre recherche continuera de cibler les pays que nous considérons comme étant en voie de développement.

Pour terminer, tout cela étant dit, si nous avions infiniment de souplesse financière à l'heure actuelle, ce serait très intéressant de voir ce que nous pourrions faire pour favoriser certaines occasions stratégiques pour les Canadiens. Nous ne pouvons cependant pas faire plus que ce que nous permettent nos ressources actuelles et ce que nous pouvons obtenir ailleurs. Nous faisons de notre mieux, mais si nous avions davantage de ressources, nous pourrions certainement faire plus pour les Canadiens.

J'espère vous avoir donné une idée générale de la situation, Joe, même si je n'ai pas pu vous répondre de façon précise.

M. Volpe: Comme vous dites, bon nombre de ces questions portent sur la politique générale. J'essayais simplement de voir si vous conveniez avec moi que cette possibilité existe. Vu que vous avez tellement de succès, et je ne veux pas les minimiser, il serait plus logique que vous ne soyez pas cantonnés sur le plan politique au développement mondial, mais que vous puissiez aussi vous associer de plus près au développement national.

M. Bezanson: Oui. Je répète que nous favorisons ce genre de partenariat et que nous ouvrons les portes aux Canadiens. Nous leur fournissons des occasions de ce genre. Nous pourrions faire plus, mais nous manquons de ressources.

Je voudrais ouvrir une brève parenthèse. On a créé une institution appelée le Conseil consultatif national des sciences et de la technologie qui se compose de présidents et de Pdg de compagnies, de présidents d'université, de directeurs de recherche, des instituts de recherche du secteur privé, et ces gens se penchent sur les institutions de science et de technologie qui existent au Canada.

Le rapport du Conseil a été publié il y a environ 18 mois et, si vous lisez ce rapport, vous constaterez que le Conseil juge que nous sommes le meilleur instrument de science et de technologie dans tout le groupe d'institutions examinées. Cela comprenait presque toutes les institutions publiques de science et de technologie au Canada.

Nous avons beaucoup à offrir. Nous avons énormément à offrir. Nous faisons de notre mieux et nous continuerons d'essayer d'en faire plus.

M. Regan (Halifax-Ouest): Cela vous intéressera peut-être de savoir, monsieur Bezanson, que la Chambre des communes elle-même a ce matin le même problème que nous avons eu nous-mêmes au début de la séance quand nous n'avions pas suffisamment de membres pour commencer et que c'est pour cela que le timbre se fait entendre.

Vous avez parlé de la stratégie pour la recherche internationale sur les pêches. Vous savez peut-être que le Comité mixte d'examen de la politique étrangère avait recommandé, et je pense que le gouvernement a donné suite à cette recommandation, que le Canada concentre ses programmes d'aide et de développement international dans les domaines où nous sommes nous-mêmes forts. Par exemple, nous avons acquis beaucoup de connaissances et de données sur les océans et les pêches, en partie à cause des erreurs que nous avons nous-mêmes commises dans le passé. Vous avez parlé des pêches. Dans quelle mesure avez-vous augmenté vos activités dans ce domaine? Vous avez donné d'autres exemples que les océans.

.1005

M. Bezanson: De façon très générale, je vous dirai que le CRDI, établi il y a un quart de siècle, représente l'un des atouts que nous avons en tant que Canadiens. Selon moi, c'est l'un des plus grands avantages du Canada par rapport aux autres pays. Il est unique en son genre.

Nous avons certainement le réseau le plus vaste de scientifiques, de chercheurs, d'universitaires et de décisionnaires en matière de développement et nous travaillons avec eux depuis plus de 25 ans. L'influence que nous pouvons exercer et la confiance que nous avons établie jusqu'ici viennent en partie de leur travail. C'est un atout sur lequel le Canada peut compter pour progresser. Une partie de cette force vient de l'institution elle-même et des compétences, du savoir, du respect et du prestige que nous avons pu accumuler depuis un quart de siècle.

Bien entendu, nous nous intéressons tout particulièrement aux domaines de connaissances importants pour les Canadiens. Si nous avons choisi comme secteur de recherche les pêches internationales et si la Banque mondiale et d'autres organismes ont accepté de financer cette recherche, c'est parce que nous avons des besoins et des intérêts communs avec les autres pays dans ce domaine.

Le secrétariat s'efforce d'établir, par exemple, un consortium de recherche et de connaissances qui regroupera des institutions canadiennes et étrangères. Nous sommes en train de regrouper des organismes qui font des recherches sur les pêches sur la côte Est et la côte Ouest du Canada pour les intégrer dans ce réseau global pour que nous puissions tous savoir où il y a des problèmes et comment nous pouvons les résoudre efficacement grâce aux ressources disponibles.

Nous allons continuer de nous occuper de questions précises et sectorielles de ce genre, mais j'en reviens encore une fois à mon point de départ. Selon moi, le CRDI constitue un avantage pour le Canada par rapport aux autres pays. Si le système actuel fonctionne bien, nous ne devrions pas essayer de le changer.

M. Regan: Je voudrais mentionner quelques questions environnementales. Il y en a d'autres, mais celles que je veux mentionner sont très importantes sur le plan international, en l'occurrence la dégradation des sols, l'appauvrissement de la couche d'ozone et le réchauffement de la planète. À titre d'établissement de recherche scientifique, lequel de ces problèmes considérez-vous comme étant le plus urgent et que faites-vous pour essayer de vous attaquer à ce problème?

M. Bezanson: Excusez-moi. La dégradation des sols, le réchauffement de la planète...

M. Regan: Et l'appauvrissement de la couche d'ozone. Il y en a bien d'autres, mais je voudrais savoir lequel de ces problèmes environnementaux vous jugez être le plus urgent et comment vous pensez vous y attaquer.

M. Bezanson: À mon avis, aucun de ceux que vous avez mentionnés. Selon moi, le plus grave problème pour l'environnement vient de la pauvreté, de la misère, de la condition humaine. Les gens désespérés sont prêts à faire n'importe quoi.

On peut faire appel à tous les sentiments de moralité qui existent dans le monde... On peut critiquer ce qui est arrivé à certaines forêts tropicales sur le plan moral, mais si vous me permettez une métaphore, le père de quatre enfants qui est démuni n'hésitera pas un seul instant à abattre les arbres de cette forêt pour planter les aliments qu'il pourra consommer en un an afin de nourrir sa famille, même s'il doit ensuite voir le sol s'éroder.

La pauvreté est l'une des choses qui contribuent le plus à la dégradation de l'environnement.

Bien sûr, l'autre chose qui y contribue aussi beaucoup, ce sont les tendances de consommation. C'est notre mode de vie.

Vu que vous parlez du réchauffement de la planète et de l'appauvrissement de la couche d'ozone, nous devrions tous avoir peur de ce qui arrivera au reste du monde si la Chine décide de combler ses besoins énergétiques comme elle a déjà décidé qu'elle devait le faire pour soutenir sa population de 1,2 milliard d'habitants. Les projets d'expansion énergétique de la Chine, qui s'appuient en bonne partie sur le charbon, auront, d'après la plupart des évaluations scientifiques, des conséquences catastrophiques pour le globe.

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C'est donc un problème de science et de technologie causé par le besoin, la consommation et la pauvreté. Je pense que c'est là qu'il faut intervenir davantage. Au lieu de dire que nous allons nous pencher sur l'érosion des sols, ou bien sur la désertification, ou bien sur le réchauffement de la planète, ou bien encore sur l'appauvrissement de la couche d'ozone, il faut s'attaquer aux sources de tous ces problèmes, c'est-à-dire notre mode de vie, à la pauvreté et aux habitudes de consommation.

M. Regan: [Inaudible - Éditeur]...le CRDI a déjà entrepris une restructuration importante. Cette année-là, je pense que 4,3 p. 100 de votre budget avait été affecté à la restructuration et à la réduction des effectifs. Vu le travail que vous faites maintenant et vos efforts en vue d'obtenir des fonds de sources internationales, dans quelle mesure pensez-vous avoir encore besoin à l'avenir de subventions importantes de la part du gouvernement?

M. Bezanson: Vous avez raison, bien sûr. Nous avons effectivement restructuré notre organisme de façon importante puisque nous avons réduit nos effectifs de 20 p. 100 et nos échelons de gestion de 50 p. 100. Si nous ne l'avions pas fait, bien sûr, nous aurions eu un très grave problème ces trois dernières années. C'était donc une bonne chose.

Nous allons continuer à restructurer notre organisme. Nous allons continuer à réduire nos dépenses. Nous allons continuer à rationaliser nos opérations pour nous assurer que nous fonctionnons de la façon la plus économique possible.

Pour ce qui est de la deuxième partie de votre question, étant donné les recettes que nous produisons à partir des ressources que nous administrons en partenariats avec d'autres, nous avons absolument besoin d'un financement quelconque pour créer ces ressources. Nous avons besoin d'une base de ressources pour créer des partenariats. Plus cette base de ressources est importante, plus nous pourrons avoir des partenariats importants.

Dans bien des cas, nous pouvons obtenir quatre ou même cinq dollars d'autres sources pour chaque dollar que nous obtenons dans le cadre d'une subvention parlementaire. Sans ce dollar pour commencer, il est très difficile de voir comment nous pourrions offrir de faire telle ou telle chose à nos partenaires si nous avions très peu de ressources à contribuer.

J'espère donc que vous allez plutôt faire vôtre le sentiment de M. Volpe et répéter que nous avons un organisme fort. Cet organisme a besoin de tout l'appui et mérite tout l'appui et même encore plus d'appui qu'à l'heure actuelle si possible de la part du Parlement du Canada.

M. Regan: Je répéterais effectivement ce qu'il a dit.

M. Bezanson: Merci beaucoup.

M. Volpe: C'est une bonne chose que le compte rendu de nos délibérations ne soit plus publié, sinon mon nom serait immortalisé.

Le président: Ne vous inquiétez pas, nous en obtiendrons un exemplaire. Nous avons des scribes qui ont tout noté.

Dans votre introduction, où vous avez parlé des conséquences bonnes et mauvaises de la science, vous avez dit, et la plupart des membres du Comité sont sans doute d'accord là-dessus, que les découvertes scientifiques et la technologie sont à l'origine de tout ce qui se passe dans le monde à l'heure actuelle.

Selon vous, quels sont les mauvais côtés des découvertes scientifiques et technologiques qui devraient nous inquiéter? Est-ce que c'est surtout sur ces découvertes scientifiques et technologiques dangereuses que le Parlement devrait vous demander de concentrer vos efforts et vos dépenses et pensez-vous que vos recherches devraient porter surtout sur ces dangers... et comment est-ce que cela serait utile?

M. Bezanson: Je vous remercie de votre question, monsieur le président.

C'est encore une fois une question très vaste. Bien sûr, c'est facile... les historiens... nous savons tous que les découvertes scientifiques et technologiques ont causé des bouleversements importants dans le passé. Il y a eu par exemple la révolution industrielle, qui a forcé les populations des campagnes à s'urbaniser et qui a causé la construction au XVIIIe siècle de ce que William Blake appelait les «usines sombres et sataniques».

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Ainsi, la S-T a toujours eu un élément perturbateur. Bien sûr, nous avons tous entendu parler de l'énergie nucléaire et de la contamination nucléaire, et d'autres technologies qui polluent l'environnement. Mais je pense que la grande question aujourd'hui en ce qui a trait à la S-T c'est quelque chose que nous n'avons jamais vu auparavant. Je pense que personne ne connaît le fin mot de l'histoire. Et certainement pas moi.

Si nous nous reportons 20 ou 30 ans en arrière, les futuristes décrivaient dans leurs écrits un monde où il n'y aurait plus de travail. Nous pensions que c'était une excellente chose et nous disions: «Formidable, nous aurons beaucoup de loisirs. Nous pourrons devenir très cultivés.» Les livres écrits à ce sujet étaient merveilleux, mais ils semblaient décrire une utopie.

Ce n'est peut-être plus vrai aujourd'hui.

Il y a de plus en plus de preuves que cette révolution technologique pourrait bien être la première où les emplois perdus ne seront pas remplacés par de nouveaux emplois. En d'autres mots, il ne s'agit peut-être pas d'une perturbation temporaire, en attendant quelque chose de nouveau. Nous faisons peut-être face à quelque chose sans précédent dans l'histoire de l'humanité.

Nous faisons des recherches dans ce domaine. C'est un phénomène qui touchera à la fois le nord, le sud, l'est et l'ouest. Il y a des questions que vous vous posez tous les jours au Parlement: Le recyclage, oui, mais pour faire quoi? Ne répondez pas à cela en disant: «Pour occuper des postes dans la haute technologie», car ce serait une erreur de votre part.

Il y a de plus en plus d'indications qui s'ajoutent aux preuves déjà considérables que nous essayons de rassembler, en partie pour notre propre compte, et en partie en collaboration avec d'autres - c'est l'entente de partenariat - selon lesquelles les secteurs de la fine pointe de la technologie réalisent les mêmes économies de main-d'oeuvre que les industries traditionnelles, celles que nous appelions les industries sales.

Par exemple, en informatique, on n'utilise plus de programmeurs. Les programmeurs ne sont plus nécessaires car cette fonction est maintenant mécanisée. Dans certains domaines, ce sont maintenant des robots qui font les vérifications et l'évaluation des programmes d'ordinateurs. Nous sommes donc rendus au seuil de quelque chose qui pourrait être très vaste. C'est pourquoi je dis que les aspects négatifs de la S-T pourraient être horribles pour les sociétés.

En même temps, il est clair que ceux qui ne suivent pas le mouvement seront de plus en plus dépassés. Le défi consiste à tirer le maximum de ces possibilités. C'est ce que je voulais dire lorsque j'ai parlé des avantages et des inconvénients de la S-T.

En guise de conclusion, j'ajouterai simplement que nous avons encore beaucoup de choses à apprendre avant de pouvoir élaborer une bonne politique, qu'elle soit canadienne, provinciale, municipale ou mondiale. Nous devons absolument avoir une meilleure idée de ce qui se produit avant que ces instruments ne soient développés et perfectionnés. J'espère que grâce à nos travaux nous aurons quelque chose à contribuer dans ce dossier important.

M. Flis (Parkdale - High Park): Le défunt Lester B. Pearson est connu dans le monde entier pour sa contribution au maintien de la paix, mais je pense qu'on n'a pas suffisamment reconnu la vision dont il a fait preuve en créant le CRDI.

À l'occasion de votre 25e anniversaire, veuillez transmettre nos félicitations à tout le personnel, ici à l'administration centrale et dans les sept régions.

Récemment, j'ai eu le plaisir de rencontrer le personnel et les chercheurs du CRDI à Montevideo. J'apprécie le travail que vous faites dans le monde. Je vous encourage à poursuivre vos efforts.

Hier, nous avons reçu un fonctionnaire très haut placé des Nations Unies qui dirige le programme international de lutte contre la drogue. Il nous a brossé un tableau très alarmant de l'augmentation de la production de la drogue et des échecs qu'ils essuient dans leurs efforts pour la réduire. Cela a des effets dans nos collectivités locales, et pas seulement dans les pays en voie de développement. Cela touche les groupes que nous représentons ici au Canada. Le CRDI a-t-il songé à mettre en oeuvre toutes les connaissances et tous les résultats de recherche dont il dispose et à utiliser le concept du développement pour que dans ces pays il devienne plus rentable de produire des aliments plutôt que de la drogue?

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Le président: Vous voudrez bien m'excuser, mais je dois aller défendre notre propre budget. Je demanderais à M. Volpe d'avoir l'obligeance de me remplacer au fauteuil.

M. Bezanson: Je remercie l'honorable député M. Flis pour son message de félicitations. Nous l'apprécions beaucoup et je pense que c'est un hommage à la vision de Lester Pearson, comme vous l'avez dit si éloquemment. Je vous remercie également de nous encourager à poursuivre nos efforts. C'est ce que nous ferons et nous comptons sur ce Comité et sur le Parlement pour qu'ils continuent à nous appuyer fermement pour que nous puissions poursuivre notre travail.

En ce qui concerne le terrible problème de la production de drogues et de l'usage de drogues, c'est un véritable fléau, comme vous l'avez dit. Il touche profondément toutes les sociétés que j'ai connues ou dans lesquelles j'ai vécu, y compris les sociétés qui produisent ces drogues, le Pérou et la Bolivie, où j'ai vécu et travaillé pendant quelques années.

Je tiens à être clair sur ce point. Nous n'avons pas attaqué ce problème de façon directe. Je pense qu'indirectement nous prenons des mesures qui sont absolument nécessaires et qui, nous l'espérons, auront un effet. Comme vous le savez, monsieur Flis, nous sommes l'un des organismes qui a contribué à la création d'un réseau mondial de recherches en agriculture. Il s'agit du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale. Ce groupe a une grande part de mérites dans la révolution verte, dans l'accroissement de la production de blé et de riz et, d'ailleurs, dans la culture de la banane, dont on parlait tout à l'heure.

Nous espérons qu'en continuant à mettre au point des cultures appropriées grâce à la recherche scientifique, ce processus permettra de trouver de nouvelles options qui seront assez intéressantes financièrement et économiquement pour inciter ces pays, régions et agriculteurs à remplacer leur production de cocaïne ou d'héroïne par des cultures pour lesquelles il y a une demande dans le monde et qui auront une valeur nutritive.

Mais ces problèmes sont profondément enracinés et ont une dimension économique importante. Nous espérons que les mécanismes que nous continuons à appuyer et que nous avons parrainés dans une certaine mesure contribueront à éradiquer ce fléau que vous avez eu raison de mentionner.

M. Flis: Je tiens simplement à vous rappeler que c'est un problème auquel il faut une solution mondiale et que si les Nations Unies échouent, nous échouerons au niveau local... Je n'ai pas le temps de vous expliquer comment nous sommes tous conscients de la destruction qu'ils provoquent dans les collectivités de tous les pays. J'espère que c'est une question sur laquelle le CRDI se penchera. Lorsque vous chercherez à obtenir de nouvelles ressources financières, je suis sûr que c'est un domaine dans lequel les organismes et les pays seront prêts à investir étant donné les milliards de dollars que ce problème coûte aux sociétés à cause du gaspillage de ressources humaines et autres.

M. Bezanson: Je partage entièrement votre préoccupation et j'appuie tout à fait votre exhortation.

Je le répète, ce problème est lié à la pauvreté. Je peux attester personnellement que dans de vastes régions d'Amérique latine les programmes d'interdiction ont été efficaces pendant une courte période. Il y a notamment le cas de la Bolivie où, en 1986, les militaires américains ont été déployés pour la première fois pour exécuter un programme d'éradication. C'était la première fois que les militaires américains menaient une telle action. Pendant six mois, la production de cocaïne a diminué de façon radicale. Le jour même où les militaires se sont retirés, les agriculteurs étaient de retour dans leurs champs pour les ensemencer.

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Si vous leur posez la question, ils vous répondent que cela ne leur plaît pas. Qu'ils savent que c'est un fléau, mais qu'ils sont pauvres et qu'ils n'ont pas d'autre choix.

Alors, la réponse c'est de trouver d'autres options. Et j'espère, grâce toujours au Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale, qu'on continuera à découvrir et à produire des cultures à valeur ajoutée élevée afin que les agriculteurs du monde entier puissent profiter de ces options.

M. Flis: La question que j'ai posée à ce représentant des Nations Unies était la suivante: «Y a-t-il un pays sur cette planète qui a essayé de réduire la demande de production de drogues et qui a eu le moindrement de succès et dont nous pourrions nous inspirer?» Il m'a répondu carrément: «Non». Voilà donc, d'après moi, le défi qui se pose au CRDI. S'il y a un organisme qui peut le relever, je pense que c'est le vôtre.

M. Bezanson: Merci.

M. Alcock (Winnipeg-Sud): Je dois avouer qu'étant le plus récent membre de ce Comité, j'avais l'intention de me taire et d'écouter afin de me mettre au courant. Mais je suis fasciné par certaines des questions que vous avez soulevées.

Cette question d'offre de travail, si j'ose dire, dont vous parliez tout à l'heure est certainement un problème contre lequel nous luttons dans d'autres domaines ici. Vous avez indiqué que vous faisiez à l'heure actuelle des recherches dans ce domaine.

Voici un des problèmes qui a été mentionné: Comme cette tendance semble vouloir se confirmer et qu'il semble y avoir de solides preuves de la diminution relative de l'offre d'emploi - et je ne pense pas que le problème soit tout à fait aussi grave dans certaines régions en développement qu'il l'est ici - il faut examiner la distribution du travail au sein de la société.

Je pense que c'est depuis que je travaille que nous sommes passés d'une semaine de 48 heures à une semaine de 40 heures. Vous avez tout à fait raison, nous rêvions d'une société des loisirs. Notre rêve a un peu changé.

M. Bezanson: Je ne sais pas où il est passé.

M. Alcock: Je pense que les gens s'inquiètent davantage de leur sécurité financière et que la perspective d'avoir plus de loisirs n'est pas perçue comme un avantage, mais comme une perte de confort financier.

Mais pourriez-vous nous parler des études que vous effectuez? J'aimerais savoir quel est leur état d'avancement, quelle est leur nature et comment nous pouvons y avoir accès.

M. Bezanson: Eh bien, l'un des domaines importants où nous espérons accroître notre base de connaissances c'est - ces mots sont devenus un peu des clichés, mais nous parlons des micro-effets des macro-activités. Les macro-données peuvent nous fournir quelques renseignements, mais elles peuvent cacher un grand nombre de réalités.

Nous pouvons dire, par exemple, que les pays ont un taux de croissance de x et cela semble positif jusqu'à ce qu'on y regarde de plus près. Nous pouvons constater - et nous constatons effectivement - que l'un des micro-effets de cette croissance c'est une distribution inégale, une distribution asymétrique du travail; ceux qui ont des emplois travaillent des heures plus longues et s'enrichissent, etc., mais ce n'est pas vrai pour les autres.

Nous essayons de créer une base de données suffisante pour pouvoir déterminer ce qui se produit réellement à cet égard dans les pays en voie de développement. Je pense qu'il y a neuf ou dix pays qui participent à cette étude. Nous aurons donc une base de comparaison qui nous permettra de tirer des conclusions sur ces micro-effets, y compris le micro-effet sur la distribution du travail. C'est une activité en cours à laquelle nous participons activement et je serai heureux de vous envoyer certains documents si cela vous intéresse.

Dernièrement, nous avons également examiné les répercussions des technologies de l'information pour une bonne partie du monde. Nous avons essayé de les cataloguer et de déterminer ce qui arrivera aux sociétés qui - pour utiliser la métaphore habituelle - ne sont pas sur l'autoroute de l'information. Je pense que ce qui ressort de cette première réflexion c'est qu'il s'agit d'une question de technologie, mais que c'est en même temps foncièrement une question de politique sociale et qu'il faudra inclure la distribution du travail et la nature de la semaine de travail.

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Des États, des gouvernements et des municipalités tentent diverses expériences et nous aimerions mieux les connaître pour au moins pouvoir fixer des points de référence pour les politiques publiques. Voilà un aperçu des projets que nous avons entrepris. Nous serions très heureux de vous les présenter ou de vous inviter à venir nous voir pour que nous puissions poursuivre cette discussion.

M. Alcock: Cela m'intéresserait beaucoup. Un de mes anciens professeurs écrivait sur les macro-effets des micro-décisions. Vous semblez utiliser une approche opposée pour aborder la question. C'est intéressant.

Je n'ai plus de questions, mais j'aimerais que vous ajoutiez mon nom à cette liste de distribution.

Le vice-président (M. Volpe): Merci, monsieur Alcock.

Monsieur Leblanc.

[Français]

M. Leblanc: La technologie demeure toujours la grande question importante et, à ce sujet, vous faites un travail extraordinaire.

Cependant, j'aimerais parler d'un point qui me préoccupe, soit le nombre de pauvres dans le monde. Vous dites que 95 p. 100 de la population est pauvre et 5 p. 100 riche, ce qui m'apparaît épouvantable. Je me demande s'il y a un rapport direct entre cela et la technologie comme la robotique, l'informatique, etc.

Vous avez aussi parlé de la technologie, de la robotique, de l'informatique, etc. Selon moi, la pauvreté, c'est relatif. Il n'y a pas de comparaison entre nous et les pays les plus pauvres d'Afrique, par exemple. Si on peut se nourrir et s'éduquer... Dans notre cas, notre fierté tient à la réalisation de grands projets scientifiques, mais pour un Africain, bien souvent, le simple fait de pouvoir se nourrir correctement lui suffit.

La technologie ne va-t-elle pas appauvrir davantage les gens? Notre préoccupation principale devrait être d'aider les gens à se nourrir eux-mêmes au lieu de toujours compter sur notre aide. Je sais qu'à ce niveau, votre approche est excellente car j'ai visité des potagers, en Afrique, où vos gens enseignaient l'agriculture, la façon appropriée de se servir des insecticides et des fongicides, etc. Mais il me semble que malgré tous vos efforts, il y a quand même un manque de coordination et de concertation assez flagrant.

Je donne à titre d'exemple le Japon. Mon intention n'est nullement de les critiquer. D'un côté, ils font des dons et, de l'autre, ils installent des concessions d'automobiles en Afrique. L'Allemagne et le Canada font aussi la même chose dans d'autres domaines. En Tanzanie, j'ai vu dans les champs des moissonneuses-batteuses, des tracteurs et un tas d'autres appareils agricoles. Ce n'est pas mauvais en soi, mais on reste quand même très loin de la réalité qui consiste, à la base, à nourrir les gens.

Nous avons aussi construit de grandes boulangeries de très haute technologie en Tanzanie. Depuis ce temps, des milliers de petits boulangers crèvent de faim, ce qui est un non-sens.

Donc, à mon avis, il faut revenir à la base et redonner aux gens la fierté de cultiver, de se nourrir, de se débrouiller seuls. Comme je le disais précédemment, la pauvreté, c'est très relatif. En Afrique, quand on a un toit en paille et de la nourriture, on est aussi riche et heureux que vous et moi. Mais cette fierté de se réaliser et de s'autosuffire, au niveau de la nourriture et de quelques vêtements, n'est pas suffisamment valorisée dans le monde. Auriez-vous des suggestions à apporter pour permettre à ces gens pauvres, dépressifs et qui n'ont pas le goût de faire des choses de se valoriser?

Le vice-président (M. Volpe): Avez-vous une question?

M. Leblanc: Je me demande s'il y a un projet pour essayer de revaloriser ces gens-là. Au lieu de toujours leur dire qu'ils sont pauvres, on pourrait peut-être leur fournir les moyens de s'en sortir. Ce n'est pas parce qu'on gagne 160$ par année qu'on est pauvre.

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Le salaire qu'on paie pour travailler dans les champs, au Sénégal, est de 168$ par année et on leur dit qu'ils sont pauvres puisqu'on les compare aux riches qui paient 2 000$ de loyer mensuel. Ce sont deux mondes complètement différents.

J'ai constaté, lors de mes visites dans ce pays, que les gens des campagnes étaient beaucoup plus heureux que ceux qui habitent les villes. Quand ils travaillent dans les champs, ils ont la fierté de se nourrir, de subvenir à leurs propres besoins.

Il me semble qu'on pourrait lancer une campagne de sensibilisation afin de leur faire comprendre que, dans le fond, ils ne sont pas si pauvres que cela, que la pauvreté, c'est relatif.

Le vice-président (M. Volpe): Vous remarquerez, monsieur Bezanson, que M. Leblanc, avec ses préambules, sert de modèle pour mes questions.

M. Leblanc: Bien sûr.

M. Bezanson: J'aimerais mieux vous céder la parole. Je suis tout à fait à court d'arguments. Ce sont de très bonnes observations. C'est vrai que pour la pauvreté, tout est relatif.

Cependant, un effort est fait en ce domaine et on ne fera plus les calculs pour ces pays, comme c'est le cas actuellement, sur la base du produit national brut, mais plutôt par un mécanisme qu'on appelle le PPP, le purchasing power parity. Il s'agit de faire la comparaison entre ce que vous pouvez acheter par rapport à quelqu'un qui habite, par exemple, la Chine. C'est le coût de la vie réel sur une base comparative. En anglais, on appelle cela le purchasing power parity.

Je trouve cela non seulement intéressant, mais nécessaire sur le plan décisionnel. On dit qu'en ce qui a trait au produit national brut, l'Inde est un pays pauvre, ce qui est vrai jusqu'à un certain point, mais sur le plan du purchasing power parity, 200 millions d'Indiens ont un niveau de vie équivalent à la classe moyenne aux États-Unis. Cela change tout à fait l'optique. C'est exactement comme vous le disiez: c'est relatif.

Également, vous avez raison de dire que le Sud n'est pas le même que celui qu'on a connu au cours des années 1950, 1960 et 1970. Beaucoup de changements relatifs se sont produits pendant ces 30 années et il est très dangereux de considérer les pays du Sud comme homogènes, de dire qu'ils sont tous pareils, tous pauvres. Il en va de même pour l'Afrique et, en ce sens, je suis d'accord avec vous.

Troisièmement, vous demandiez si la technologie peut rendre une population plus pauvre. Bien sûr, et nous avons beaucoup d'exemples à cet égard. Pendant 50 ans, le Madagascar avait produit le placage pour le monde entier. Maintenant, le placage naturel n'est plus sur le marché. On le produit maintenant dans des laboratoires à travers le monde. Donc, on a bouleversé l'économie de toute une population avec un seul développement technologique.

Il y a plusieurs exemples des effets négatifs de la technologie. Au Canada aussi, on voit de vrais changements sur ce plan-là.

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Dans la mesure du possible, nous évitons de nous servir d'engrais et de produits chimiques pour la production agricole afin de protéger l'écosystème. Nous évitons également, dans les pays en voie de développement, de nous servir d'une technologie avancée pour ne pas bouleverser l'économie en place. C'est par nos erreurs que nous apprenons. Il y a beaucoup à apprendre et nous faisons notre possible.

M. Leblanc: Dans ces pays, on dépense beaucoup d'argent pour la haute technologie au lieu d'aider les gens à la base. En Afrique, j'ai vu des groupes de personnes qui n'avaient pas les moyens de s'acheter des pioches et pourtant, pour eux, c'est un outil primordial. Si ces gens veulent se prendre en main, c'est ce genre de choses qu'il faut leur procurer et non des moissonneuses-batteuses. À mon avis, on fait fausse route en ne satisfaisant pas leurs besoins primaires.

M. Bezanson: Vous avez raison. Si on étudie l'histoire du développement international, on trouve un tas d'exemples de transferts de technologie qui ont été mal implantés et qui se sont terminés par une faillite. Nous en trouvons des exemples en Afrique, en Amérique latine et en Asie.

Par contre, au CRDI, nous travaillons sur une base différente. Nous ne transférons pas la technologie. Nous travaillons en consultation avec les gens en place, les scientifiques et les chercheurs afin de répondre aux besoins de ces pays. C'est une approche qui n'existe pas sur le plan du transfert comme tel, mais qui met en place, sur le plan du développement, des mécanismes plus permanents ou de plus longue durée.

D'ailleurs, c'est ce qui explique notre grande réussite, depuis 25 ans, comparativement à la plupart des organisations qui s'occupent de développement international. Nous avons beaucoup de respect et d'admiration pour ces pays et c'est pourquoi notre approche est plus près de leurs racines. On évite ainsi de commettre des erreurs monumentales.

[Traduction]

M. Mills (Red Deer): J'ai juste quelques petites questions, Keith. D'abord, j'aimerais savoir dans quels domaines vous réalisez des contrats pour le compte de l'ACDI. Pour quel genre de travail est-ce que l'ACDI fait appel à vous? Voilà ma première question. Voulez-vous y répondre?

Je pense que je connais la réponse à la deuxième question, mais j'aimerais... Plusieurs organismes nous ont dit que le Comité devrait examiner différents domaines précis pour bien comprendre la situation. Je vous pose la question et je vous demande de nous faire des suggestions qui nous permettraient de mieux comprendre le CRDI. À mon avis, si, en tant que comité, nous examinions un petit aspect de votre travail, nous aurions au moins une bonne idée de ce que vous faites. J'aimerais connaître votre réaction et savoir quelles suggestions vous pourriez nous faire à cet égard.

M. Bezanson: Quant à la première question concernant les contrats avec l'ACDI, je préciserai une chose, si vous me le permettez. Nous ne sommes pas embauchés dans le sens d'un entrepreneur qui présente une soumission. Nous acceptons les missions que nous jugeons vitales - car nous avons l'avantage d'avoir en place les systèmes et le maillage - et nous nous adressons à d'autres organisations, en l'occurrence l'ACDI, - en faisant ressortir l'intérêt que présente pour le monde ce projet et le fait que nous sommes parfaitement en mesure de l'exécuter; nous indiquons à quel point nous prenons le projet au sérieux, que nous sommes disposés à y investir de l'argent, mais que nous n'en avons pas suffisamment et que c'est la raison pour laquelle nous recherchons un partenariat.

.1045

Un contrat est donc passé, qui devient exécutoire, mais dont la nature diffère cependant légèrement de celle d'un contrat ordinaire.

Si nous voulons nous montrer à la hauteur de la tâche, il est essentiel de nous rappeler que, tout en augmentant les ressources consacrées au développement, nous devons nous en tenir aux tâches auxquelles nous sommes bien préparés et dans lesquelles nous excellons. Nous ne devons pas être à la poursuite de n'importe quel contrat, mais choisir ceux où nous pouvons profiter de notre expérience et être crédibles. C'est la raison pour laquelle nous avons si bien réussi, au cours des trois dernières années, à élargir l'assise financière du CRDI.

Je vais rapidement vous en donner deux exemples: L'un est l'initiative sur les micronutriments, dont le secrétariat est établi au CRDI. S'il est un aspect de la misère humaine, qu'il s'agisse de problème de santé ou de nutrition, qui peut être résolu en principe, à très faible coût, c'est celui des micronutriments. Prenons par exemple la vitamine A, dont la carence cause la cécité et l'arriération mentale. Près d'un milliard de gens, dans le monde, souffrent d'une déficience en vitamine A. Il en va de même pour le fer et pour l'iode.

Nous avons donc entrepris de nous attaquer à ce fléau mondial et d'essayer de remédier à cette déficience micronutriments par la recherche, les connaissances et ensuite une riposte.

L'ACDI a décidé de joindre ses efforts aux nôtres et nous sommes parvenus, je crois, à recueillir un total de 19 millions de dollars de l'ACDI, de la Banque mondiale, de l'UNICEF, du PNUD, et également, à présent, des Américains, mais c'est là une association aux fins de réaliser ces programmes.

Nous avons également mis en place en Tanzanie, en Afrique orientale, un projet pilote appelé Initiative sanitaire mondiale. La question qui se pose est de savoir s'il est possible d'organiser, à bas prix, des services sanitaires valables et largement répandus dans toute une population. C'est une question à laquelle les Canadiens ne sauraient rester indifférents.

Là encore, nous avons collaboré avec l'ACDI, l'OMS et la Banque mondiale, et je n'en ai pas épuisé la liste.

C'est nous qui nous chargeons de l'exécution du projet et qui recevons, pour l'exécution du contrat, les fonds et, là encore, nous nous appuyons sur nos recherches et nos connaissances pour les utiliser pour le bien de tous. Il ne s'agit pas simplement de partir à la chasse aux contrats, nous devons nous cantonner à ce qui est notre mission.

Vous me demandiez également de mieux vous faire comprendre ce qu'est le CRDI. Nous avons reçu hier la visite de M. Mills et espérons le revoir, lui et vos collègues. M. Flis nous a également consacré plusieurs heures.

Nous voudrions vous inviter tous à venir nous voir et à mieux comprendre ce que nous faisons, à vous entretenir avec nos chercheurs et à assister, ici, à Ottawa, à nos séminaires.

Si vos voyages vous amènent dans les régions où nous sommes à l'oeuvre, faites-le-nous savoir. Nous serions heureux de vous faire faire connaissance, sur place, avec nos projets, que ce soit en Asie, en Afrique ou en Amérique latine, de vous familiariser avec eux et de mieux vous faire comprendre la complexité des problèmes et des difficultés que nous rencontrons.

Le vice-président (M. Volpe): Cette invitation s'adresse-t-elle également aux membres du Parti réformiste?

M. Bezanson: Elle s'adresse à tous les députés, monsieur.

Le vice-président (M. Volpe): C'est que nous ne voudrions omettre personne.

M. Bezanson: Certainement.

Le vice-président (M. Volpe): Vous comprenez bien que nous allons nous intéresser à vos projets.

M. Bezanson: Nous continuerons à vous envoyer l'information qui pourra vous être utile pour mieux comprendre nos activités. Mes collègues et moi serons heureux, en tout temps, de comparaître soit devant ce Comité, soit devant tout sous-comité ou groupe de discussion chaque fois que vous le jugerez utile à l'accomplissement de votre travail.

.1050

Le vice-président (M. Volpe): Y a-t-il d'autres questions?

Puisqu'il n'y en a pas, vous avez la parole, monsieur Regan.

M. Regan: Je vous remercie, monsieur le président.

Je vais vous tendre la perche et faire un commentaire qui vous permettra peut-être de répondre. L'objet de notre discussion, aujourd'hui, est l'impact de la science sur le développement et sur la répartition du travail, des ressources, des aliments, etc... La discussion sur la science et ses répercussions nous a amenés à parler de la répartition de ces biens dans le monde, en particulier du travail, des emplois. Nous avons fait ressortir, je crois, le fait que pour être durable le développement doit également contribuer à améliorer la condition humaine, et que toute autre voie risque de verser dans l'anarchie ou, comme le dirait J.R.R. Tolkien, à «l'avènement des dragons».

Le monde vous semble-t-il prendre conscience de ce fait? Entrevoyez-vous la possibilité de convaincre les pays industrialisés, par exemple le G-7 et les pays de l'OCDE, de cette idée?

M. Bezanson: Vous attendez de moi que je me prononce sur un sujet bien difficile.

M. Regan: Faites donc.

M. Bezanson: À certains égards, j'ai bon espoir, à d'autres je désespère: Tout dépend de la façon dont vous considérez les choses. Il faut bien reconnaître qu'à aucun moment de notre évolution en tant qu'espèce nous n'avons eu à notre disposition, comme aujourd'hui, les outils pour façonner notre propre destin. Nous disposons des connaissances, et nous savons comment créer les connaissances qui nous manquent. Nous avons les technologies et la base nécessaires pour les développer, en cas de besoin. Vu sous cet angle, l'avenir recèle toutes sortes de possibilités riches d'espoir.

Mais la faille, comme le disait M. Leblanc, c'est que l'argent dépensé dans le monde pour la recherche et le développement est très inégalement réparti. Il y a quelques années on estimait que le monde dépensait annuellement environ 400 milliards de dollars en recherche fondamentale et en développement: Sur ces 400 milliards de dollars, environ 20 milliards étaient consacrés aux pays dits «en voie de développement», pays qui renferment 85 à 90 p. 100 de la population mondiale. Voilà des chiffres bien éloquents. Nous disposons peut-être des outils, mais nous n'en faisons pas bon usage.

Comment en convaincre les pays de l'OCDE? J'ai consacré l'essentiel de ma carrière, tant par mes pensées que par mes actions, à améliorer notre situation dans le monde, et je ne sais comment en convaincre les autres, en particulier à notre époque, parce que les gens sont partout, et certainement au Canada, imprégnés de l'idée que la science et la technologie ont des aspects négatifs. Les gens craignent pour leur propre avenir, pour leurs emplois, pour les emplois de leurs enfants.

Vous êtes donc placés devant un défi de taille, un défi auquel je m'attaque, mais je ne nous envie pas. Il s'agit de convaincre les gens que hantent l'angoisse du lendemain pour leur propre sort de l'importance de ce qui se passe au-delà de leurs frontières.

Je n'ai pas de recette magique pour cela, sinon de vous dire que nous devons nous atteler tous ensemble à cette tâche et que nous devons, à cet effet, utiliser toute l'information dont nous disposons pour faire comprendre aux gens que nous sommes tous liés par le destin, que ce qui arrive ailleurs a des répercussions sur leur propre vie et celle de leurs enfants. Ce n'est pas là chose facile.

.1055

Nous avons commencé à préparer des messages. Nous en avons envoyé un exemplaire à M. Flis, à titre d'essai, dans lequel nous lui disons que lorsqu'il communiquera avec ses commettants, nous tenterons de lui fournir des exemples de nos réalisations qui pourraient intéresser ses électeurs et que s'il peut utiliser ces renseignements, eh bien, tant mieux. Mais nous lui disons aussi que nous avons besoin de ses commentaires, et qu'il nous dise si ce n'est pas tout à fait ce qu'il voudrait. Nous devons savoir si le langage utilisé est incompréhensible aux électeurs, mais si nous faisons un bon travail, nous voulons également le savoir et nous lui disons aussi que nous voulons alléger son fardeau et son travail au niveau local.

Pour ce qui est du contexte plus global de l'OCDE, il faut commencer quelque part. Commençons par chez nous.

Le vice-président (M. Volpe): Monsieur Bezanson, comme d'habitude, votre présentation instructive a retenu notre attention; elle a été stimulante et souvent en levante. Je ne peux que m'excuser d'avoir commencé plus tard que d'habitude ce matin.

Toutefois, nous acceptons votre invitation de vous appeler avant de faire un voyage, même si c'est à Cuba. Ceux qui ne voyagent pas pourront visiter les installations ici.

Vous allez probablement nous revoir. Vous avez souvent comparu devant ce Comité et je suis sûr que l'occasion de nous rencontrer se présentera de nouveau car ces réunions nous permettent de mieux nous renseigner.

Je tiens à signaler aux membres du Comité que nous allons nous réunir cet après-midi à 17 heures dans la salle 269, Édifice de l'Ouest, avec le ministre du Commerce international. Je me le suis répété environ trois fois pour m'en souvenir, et je l'ai même écrit sur ma manche, monsieur Mills. C'est une bonne technique.

Monsieur Bezanson, merci encore et à bientôt.

La séance est levée.

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