Passer au contenu
TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 24 octobre 1995

.0908

[Traduction]

Le président: Je déclare la séance du comité ouverte. Nous allons consacrer la première heure de nos délibérations à l'étude de la question de l'assurance-crédit et du capital de risque.

Nous avons avec nous un représentant de la société Millennium, M. Ron Doyle d'Ottawa, et le président de Sharwood and Company, M. Gordon Sharwood.

Nous vous remercions beaucoup tous les deux d'avoir accepté notre invitation et d'avoir pris le temps de venir vous entretenir avec nous ce matin. Comme nous le faisons normalement, nous demandons à nos invités de s'en tenir d'abord à un exposé d'environ 15 minutes chacun, car nous aimons bien prendre quelques instants ensuite pour interroger nos témoins. Vous allez constater je pense que la partie la plus utile de la séance est la période des questions. Je vous prierais donc de nous exposer brièvement vos idées principales, après quoi nous passerons aux questions. C'est là notre souhait.

Monsieur Doyle, puis-je vous demander d'intervenir en premier?

M. Ron Doyle (président, Millennium CreditRisk Management Limited): Je vous remercie, monsieur le président.

Pour vous situer un peu sur mes antécédents, je vous mentionne tout d'abord que j'ai passé une vingtaine d'années à la Société pour l'expansion des exportations, où j'ai occupé divers postes au sein du service des assurances, soit de 1968 à 1989. Après avoir quitté la SEE, j'ai travaillé à l'implantation au Canada de la société Trade Indemnity, une entreprise privée en concurrence avec la SEE dans le domaine de l'assurance-crédit à court terme. Trade Indemnity est une société britannique qui offre des polices d'assurance-crédit contre les risques commerciaux et les risques politiques tant pour le marché intérieur que pour les exportations.

.0910

Actuellement, je dirige une maison de courtage spécialisée dans l'assurance contre les risques de crédit et les risques politiques. Dans le cadre de ma profession, je fais affaire aussi bien avec la SEE qu'avec des sociétés privées au Canada, à Londres ou à New York. Mais essentiellement, mon rôle consiste à représenter les assurés et à les aider à trouver et à souscrire le genre d'assurance dont ils ont besoin pour leurs marchés d'exportation.

Je m'excuse de vous répéter des notions que vous connaissez peut-être déjà, mais en guise d'introduction à ce qu'est l'assurance contre les risques de crédit et les risques politiques, disons tout d'abord qu'elle se divise essentiellement en trois catégories. Il y a premièrement l'assurance à court terme pour les ventes de matières premières comme le bois ou la potasse. Habituellement, les délais de paiement d'une telle assurance ne dépassent pas 180 jours. Généralement, où que ce soit dans le monde, les contrats sont annuels. Les entreprises achètent ces polices d'assurance pour couvrir leurs ventes d'une année. Elles souscrivent tout simplement les polices et livrent ensuite leurs produits normalement.

Il y a aussi l'assurance-crédit qui est utilisée pour une opération en particulier. On l'achète pour couvrir des risques de crédit et des risques politiques liés à des opérations bien précises, pour des projets d'envergure restreinte par exemple, ou pour la vente de quasi-biens d'équipement comme des aéronefs ou des niveleuses, des camions et ainsi de suite.

Enfin, un troisième type d'assurance nous est souvent demandé. Il s'agit des garanties-cautions de soumission, d'exécution et de restitution d'acompte. Au Canada, on se sert habituellement à cette fiin de polices d'assurance-caution. Toutefois, dans certains pays, il n'existe pas de telles polices, et les exportateurs canadiens sont obligés de se procurer des lettres de garanties auprès de leur banque. Comme il s'agit d'instruments à demande inconditionnels, leur paiement peut être réclamé par l'acheteur n'importe quand.

Quand je suis entré à la SEE, ou à la SACE comme on l'appelait dans les années 60, il n'y avait en réalité que deux assureurs dans ce domaine au Canada. Il y avait la Société pour l'expansion des exportations, comme on l'appelle maintenant, et il y avait American Credit Indemnity. Ces deux sociétés se partageaient le marché en toute harmonie. American Credit Indemnity assurait toutes les ventes conclues sur le territoire canadien et les exportations vers les États-Unis, tandis que la SEE couvrait les ventes à l'étranger et ne s'intéressait aux ventes faites aux États-Unis qu'en tant qu'assureur de dernier ressort.

Depuis, le marché a beaucoup évolué, et il y a maintenant de nombreux joueurs sur le marché de l'assurance-crédit. Il y a la Société pour l'expansion des exportations qui offre l'assurance contre les risques commerciaux et politiques; il y a Trade Indemnity, une société britannique, qui offre elle aussi une protection contre les risques commerciaux et politiques; il y a American International Global, une très grosse compagnie d'assurance new-yorkaise, qui offre elle aussi des polices d'assurance contre les risques commerciaux et politiques; Lloyds of London, qui n'offrait autrefois que la protection contre les risques politiques et qui assure maintenant aussi les risques commerciaux; et enfin, American Credit Indemnity. L'entreprise canadienne a donc maintenant pas mal d'options pour répondre à ses besoins. Ce n'est toutefois que depuis quatre ou cinq ans qu'elle a un tel choix.

Le marché de l'assurance d'opérations particulières, c'est-à-dire portant sur la vente de produits en particulier, de niveleuses ou de lignes de refendage, par exemple, est beaucoup plus restreint; il n'y a à peu près que la Société pour l'expansion des exportations, qui assure aussi bien les risques commerciaux que politiques, qui s'y intéresse. American International Global, Lloyds of London et quelques autres assureurs internationaux acceptent d'assurer les risques politiques liés à ce genre d'opérations. Ces sociétés ne sont cependant pas enregistrées au Canada. Les entrepreneurs doivent s'adresser à des compagnies d'assurance de New York. Ce n'est qu'en dernier ressort, lorsqu'on ne peut obtenir la protection nécessaire au Canada, qu'on recourt à ces assureurs.

Mon objectif aujourd'hui est surtout de vous décrire la situation dans laquelle se trouvent nos exportateurs à la recherche d'une protection d'assurance. J'ai donc tenu à débuter mon exposé en vous donnant un très bref aperçu du marché.

Notre mémoire porte principalement sur les lacunes observables dans notre marché et sur les problèmes qu'éprouvent les courtiers lorsqu'ils essaient de procurer ce genre de protection aux petits et moyens exportateurs.

.0915

Le premier problème du petit exportateur, c'est que toutes les sociétés d'assurance privées exigent des primes minimales. Les plus grosses - Trade Indemnity, American International - exigent une prime minimale de 25 000$. ACI s'intéresse davantage à la clientèle des petits exportateurs. Sa prime minimale est de 4 000$. Une petite entreprise peut très difficilement verser une prime minimale de 25 000$ pour se procurer une assurance-crédit quand la valeur de ses exportations n'est que de 500 000 ou de un million de dollars. Les petites entreprises n'ont vraiment pas d'autre choix que de s'adresser à la SEE, qui a un programme spécialement conçu pour répondre à leurs besoins.

Pour ce qui est des entreprises moyennes, celles dont les ventes s'élèvent à 5 millions de dollars et plus, et des grandes entreprises, les contrats offerts par les assureurs privés présentent beaucoup plus d'intérêt. Ces entreprises peuvent se procurer à un prix raisonnable une protection adaptée à leurs besoins particuliers.

Comme je l'ai déjà dit, le marché a évolué considérablement depuis 1989. Il y a maintenant un bon nombre de sociétés d'assurance qui offrent ce genre de protection. Les grandes entreprises profitent du fait que la concurrence de plus en plus vive entre les assureurs oblige ces derniers à assouplir énormément leurs conditions.

Dans les années 70 et 80, la SEE était vraiment intransigeante. On avait tendance à m'en attribuer le blâme. On dit, maintenant que je suis parti, que la SEE est beaucoup plus souple, alors qu'en réalité, c'est plutôt la concurrence qui dicte les conditions du marché. Pour s'attirer les exportateurs les plus intéressants, les compagnies d'assurance offrent maintenant des produits qui sont beaucoup plus accommodants. La SEE a emboîté le pas et a même été à l'avant-garde à bien des égards.

La possibilité pour le petit exportateur de profiter de cette nouvelle souplesse est toutefois fort limitée en raison des exigences minimales en matière de primes. La petite entreprise qui se voit quand même obligée de payer une prime minimale ne peut vraiment pas en arriver à la conclusion d'un contrat suffisamment avantageux pour elle. Le fait d'avoir à payer une telle prime limite la mesure dans laquelle il peut utiliser les autres instruments financiers, comme les lettres de crédit ou l'escompte à forfait de comptes débiteurs, car le fait d'exclure de la police, en faveur d'autres institutions, les éléments garantis par ces instruments diminue d'autant sa portion assurable.

Les assureurs privés sont tous contraints par les traités de réassurance. Généralement, dans les traités de réassurance, l'assureur de première ligne émet la police et réassure 75 ou 80 p. 100 du risque auprès d'autres assureurs.

Dans tous les pays, le marché de la réassurance est une véritable institution nationale et internationale. Tous les assureurs cherchent à faire assumer le risque par un consortium central de réassureurs, peu importe que la police ait été émise aux Pays-Bas, au Canada ou aux États-Unis. De plus, le consortium des réassureurs a tendance à être très restreint. Ces conditions limitent parfois la possibilité de réassurance pour les marchés à risque élevé.

Le cas du Brésil est un bon exemple. Le montant de réassurance disponible, quel que soit l'assureur, ne dépasse parfois pas 50 000 dollars. Les exportateurs canadiens de matières premières comme le souffre, la potasse et le charbon, sont parfois exposés à des risques allant jusqu'à 150 et 200 millions de dollars. Les assureurs privés ont donc souvent du mal à aller chercher le montant de réassurance nécessaire pour répondre aux besoins de tous ceux qui veulent se protéger dans ces marchés à risque, surtout lorsqu'il s'agit d'un marché particulièrement attrayant pour les exportateurs canadiens.

De plus, comme je l'ai déjà dit, le marché de la réassurance est international et tout le monde s'adresse au même consortium. Si certaines de ces sociétés privées font affaire avec des assureurs du Royaume-Uni qui accaparent la marge de manoeuvre du Brésil, il en reste moins pour les exportateurs canadiens.

Quand l'ECGD a été privatisée et rachetée par NCM, le gouvernement du Royaume-Uni a dû se demander entre autres comment faire pour que l'enveloppe de réassurance soit suffisante pour répondre aux besoins des exportateurs britanniques.

.0920

Un autre aspect qui pose sérieusement problème, c'est que les assureurs privés ont pour principe d'étaler les risques. Ils essaient de répartir le risque le plus possible. Il est donc très difficile de réassurer un risque lié à une opération particulière d'un exportateur de petite ou moyenne taille quand il n'a qu'un seul acheteur dans un seul pays et que l'affaire comporte des risques commerciaux et politiques. Dans un tel cas, on exige habituellement une prime minimale d'au moins 10 000$, et souvent, il faut s'en remettre à la SEE qui, je le répète, offre un excellent produit. Mais il y a très peu de concurrence dans ce domaine.

Le plus gros problème pour les petits exportateurs - et je suis sûr que M. Sharwood en fera aussi état - c'est l'obtention de financement pour leurs projets d'exportation. Nous avons parmi nos clients des petits entrepreneurs qui réussissent à décrocher de très intéressants contrats à l'étranger. Ils se procurent les assurances voulues, mais quand arrive le moment de financer leur projet, ils sont confrontés à d'énormes problèmes, car le produit qu'ils doivent livrer ne le sera que dans trois ou quatre ans. Tout l'argent qu'ils mobilisent va au paiement de la garantie-caution d'exécution, et si en bout de ligne l'acheteur ne paie pas parce qu'il survient un problème au sujet du produit livré, l'institution financière est perdante. Les petits et moyens exportateurs ont donc beaucoup de mal à obtenir ce genre de financement.

Un des risques que comporte toujours ce type d'opération, c'est l'annulation du contrat par l'acheteur. Les assureurs privés protègent leurs clients contre l'annulation de contrat lorsque l'acheteur est un État, mais seule la SEE le fait quand l'acheteur est une entreprise privée. Une institution financière qui étudie une demande de financement de ce genre évaluera naturellement tous les risques. Si elle parvient à faire assurer ce risque important, elle sera davantage disposée à accorder le financement.

La pire entrave à l'acceptation de nouveaux marchés pour une petite ou moyenne entreprise est le resserrement de son fonds de roulement que lui impose la nécessité de se procurer une lettre de caution à demande comme garantie de soumission, d'exécution ou de restitution d'acompte.

Plus l'entreprise réussit à conclure de nouveaux contrats à l'étranger, plus elle doit fournir de telles lettres de caution. Dans le système actuel, la banque retient immédiatement la valeur de toute nouvelle lettre de garantie à même la marge de crédit de l'exportateur. Le seul moyen d'éviter cela est d'obtenir une garantie-caution d'exécution auprès de la SEE. C'est à cette condition que la banque libérera le montant des cautions imputé à la marge de crédit.

Bien que les assureurs privés aient modifié leurs politiques et qu'ils offrent maintenant une protection contre l'appel injustifié d'une caution ou contre le risque politique au moyen de l'émission de lettres de garantie d'exécution, ils n'ont malheureusement pas évolué au point d'offrir des garanties inconditionnelles en faveur des institutions financières et d'assurer le risque de non-exécution par l'exportateur. Naturellement, une telle situation est beaucoup plus grave de conséquences pour l'exportateur de petite ou de moyenne taille que pour le gros exportateur qui est davantage en mesure de se financer.

Le dernier point que j'aimerais soulever à propos des lacunes du marché concerne le fait que jusqu'à maintenant les assureurs privés - et je me contenterai de le déplorer pour l'instant - n'offrent à toutes fins utiles que des protections d'au plus trois ans. Or, de nombreux contrats d'exportation de biens ou quasi-biens d'équipement prévoient des modalités de paiement allant au-delà de trois ans. Le marché de la réassurance a toujours refusé d'assurer les risques pour plus de trois ans.

Il reste toujours une possibilité à celui qui veut obtenir une garantie excédant trois ans. Il est possible de souscrire une police d'assurance comportant une option de renouvellement automatique. À la fin de la première année, l'assuré s'assure pour les trois années suivantes, et il en va de même à la fin de la deuxième année. Mais, cela est souvent considéré comme insuffisant pour ceux qui financent les contrats d'exportation. Il faut là encore s'en remettre à la SEE.

.0925

Disons ici qu'encore faut-il que celui qui doit s'en remettre à la SEE réponde aux critères imposés par cette dernière. L'exportateur de petite ou de moyenne taille qui n'est pas en mesure d'obtenir cette protection de la SEE se trouve en difficulté.

Il a été très réconfortant d'apprendre que les sociétés d'assurance de par le monde sont en train de négocier leurs traités de réassurance pour l'an prochain. Il semble que le marché de la réassurance soit plutôt actif cette année en matière d'assurance-crédit et d'assurance contre les risques politiques. Une compagnie dont je ne peux vous dévoiler l'identité pour l'instant croit qu'elle pourra conclure un traité de réassurance comportant une échéance de cinq ans ou peut-être même plus. Ce sera une excellente protection à laquelle auront accès les exportateurs canadiens.

En terminant, je vous signale que les marchés sont en pleine évolution. Il y a énormément de pressions qui s'exercent dans le secteur compétitif de l'assurance-crédit à l'heure actuelle, et cette situation amène les marchés à évoluer rapidement. La flexibilité des contrats d'assurance... Dans le moment, à vrai dire, un courtier qui aborde un assureur pour lui exposer les éléments d'un risque après les avoir lui-même évalués et analysés a de bonnes chances d'obtenir les protections souhaitées, car les assureurs cherchent vraiment des moyens de conclure des affaires plutôt que de s'en tenir à l'acceptation ou au rejet de propositions telles qu'elles leur sont soumises. Encore là, un problème demeure entier : celui des primes minimales imposées aux petits exportateurs.

Un plus grand nombre d'assureurs offrent maintenant une protection commerciale conjointement à la protection contre les risques politiques. Beaucoup d'assureurs privés - comme Lloyds of London par exemple - n'offraient jusqu'à l'an dernier qu'une protection contre les risques politiques. Ils n'assuraient pas les risques commerciaux liés à un contrat conclu avec un acheteur privé. Ils se sont ravisés à ce chapitre, et c'est là une excellente nouvelle pour les exportateurs canadiens en quête de protection.

Si les assureurs adoptent maintenant cette politique, c'est qu'avec l'apparition du phénomène des privatisations auxquels on assiste un peu partout dans le monde, il y a aujourd'hui beaucoup moins de sociétés d'État à vocation commerciale ou autre qu'auparavant. C'est ainsi que la Lloyds offre maintenant, pour demeurer compétitive, une protection contre les risques commerciaux.

Les protections offertes sont de plus en plus nombreuses. L'un des plus gros risques qui existent et qui, dans le passé, n'a jamais été couvert par l'assurance-crédit, est celui lié aux différends commerciaux. Moi qui suis assureur depuis nombre d'années, je n'aurais jamais cru qu'il serait un jour possible d'assurer les risques liés aux différends commerciaux. Chubb offfre maintenant, par l'intermédiaire d'une agence aux États-Unis, ce genre de protection, quoique celle-ci soit assujettie à des conditions très rigoureuses qui doivent être respectées. Une telle protection n'est pas encore offerte au Canada, mais cela ne devrait pas tarder. Ce serait un merveilleux coup de pouce à donner aux exportateurs canadiens de petite ou moyenne taille qui sont en quête de financement, car les banques sont toujours très craintives devant la perspective de voir leurs créances mises en péril par un différend commercial. Si nous assurons tous les risques mais qu'il survient un différend commercial justifié, que faisons-nous alors?

La concurrence amène de meilleures formules de protection. La Lloyds offre maintenant, pour l'ensemble des contrats conclus par l'exportateur, une police générale, souscrite annuellement et comportant des cautions-garanties de soumission, d'exécution et de restitution d'acompte. Ce qui nous frappe ces temps-ci, c'est que de nombreuses sociétés européennes d'assurance-crédit, constatant que les marchés locaux sont passablement saturés en Europe, se tournent vers l'Amérique du Nord pour y étendre leur marché en établissant des coentreprises avec des sociétés canadiennes et américaines ou en achetant des actions de celles-ci. Elles entendent percer ainsi le marché nord-américain de l'assurance-crédit qui demeuré pratiquement inexploité par le secteur privé.

Venant tout juste de mettre ce mémoire en circulation - qui soit dit en passant a été distribué pour commentaires à des correspondants que nous avons un peu partout de par le monde pour être bien sûr que mes visions étaient justes et que je n'avais presque rien oublié - , j'ai été très heureux de constater que le marché évolue de mois en mois et d'année en année à mesure que les sociétés d'assurance prennent de l'expansion et essaient de trouver des moyens de combler les lacunes qui subsistent dans notre domaine.

Merci.

Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Doyle. Vous nous avez présenté un tableau très complet des questions touchant les assurances.

Monsieur Sharwood, vous avez l'intention de nous parler surtout de la question de l'accès au capital, n'est-ce pas?

M. Gordon Sharwood (président, Sharwood and Company): C'est exact.

J'ai constaté, en discutant avec Warren Coutts, que j'étais bien plus une personne ressource capable de répondre à des questions qu'un bon communicateur. Je m'en tiendrai donc à un bref exposé portant sur deux ou trois points.

.0930

Je vous ai remis un document dans lequel j'ai voulu vous présenter entre autres choses une vision originale du domaine des affaires. Vous verrez dans le premier tableau que j'y présente une façon de différencier les choses, qui m'a valu une certaine célébrité dans les milieux qui côtoient le comité financier des gazelles. Parlant de gazelles, M. Chrétien a une façon bien à lui de prononcer ce mot. C'est un concept dont il ose même parler maintenant.

Les entreprises qui privilégient un mode de vie et les entreprises rentables typiques sont ces entreprises solides, habituellement de type familial, qu'on trouve dans la plupart des provinces et qui progressent au rythme de 10 p. 100 par année. Vous verrez en observant ce tableau les sources auxquelles elles vont puiser leurs capitaux - au début auprès de proches ou de commanditaires communément appelés anges, puis, à mesure qu'elles prennent de l'expansion, chez les alliances stratégiques auxquelles elles sont associées et auprès de leur clientèle - ainsi que les taux de rendement de chaque type d'investissement. Tout à fait au bas de la page, il y a quelqu'un, un commanditaire, qui fournit des fonds de démarrage à une gazelle. Cet investisseur s'attend à un rendement de 50 à 100 p. 100 sur cinq ou dix ans. Quand une entreprise comble ses besoins financiers par l'entremise d'une émission publique, le rendement escompté est évidemment plus faible qu'il ne le sera une fois que l'entreprise aura atteint le stade de la maturité. Les entreprises qui privilégient un mode de vie n'ont pas des rendements aussi intéressants.

Un élément que je n'aime pas, en tant qu'économiste, dans les programmes subventionnés par l'État - et je cite à titre d'exemple l'APECA - c'est qu'ils entraînent une très mauvaise répartition des ressources. On investit énormément d'argent pour soutenir les entreprises qui privilégient un mode de vie en particulier, ce qui est un gaspillage à mon avis. En parlant du financement de l'industrie touristique, je dis parfois qu'on est en présence du syndrome SkyDome. En d'autres termes, pour paraphraser les dirigeants de l'APECA, il n'y a pas de mal à subventionner quelqu'un pour ouvrir un camp de pêche même s'il ne sera pas rentable, puisque le poste d'essence qu'ouvrira la belle-soeur à l'autre bout de la route qui mène au camp de pêche le sera lui. À mon avis, ce n'est pas une façon judicieuse de distribuer les maigres ressources du gouvernement.

Je me suis un peu amusé en confectionnant le tableau 2 intitulé « Résultats aux États-Unis ». Je voulais indiquer que la croissance se produit parfois aux endroits où l'on s'y attend le moins. Certains d'entre vous savent peut-être qu'à l'heure actuelle, par exemple, Saskatoon est l'une des villes les plus dynamiques du Canada. Elle l'est devenue en grande partie à cause de l'abondance de capital de risque que génère le fonds de croissance créé par le gouvernement de la Saskatchewan. Les chiffres qui figurent dans la partie supérieure du tableau reflètent la réalité, et vous constaterez que les endroits où les nouvelles entreprises sont en plus grand nombre et où les sociétés connaissent la plus forte croissance ne sont pas toujours ceux auxquels ont s'attendrait normalement. On n'est pas surpris d'y voir San Jose à cause de la proximité de la Silicone Valley, mais n'est-ce pas étonnant d'y trouver la région d'Utica-Rome dans l'État de New York, de même que Washington (D.C.) - et pas à cause des lobbyistes.

La partie inférieure du tableau présente des données largement théoriques. Je n'ai réussi à persuader ni le gouvernement fédéral ni le gouvernement provincial d'adopter ce genre d'approche économique. Je rêve parfois que quelqu'un va réunir les maires de ces diverses localités et les saisir de ces statistiques pour attiser un peu les rivalités. Mais mon rêve ne s'est pas réalisé.

Je suis un courtier en valeurs dispensées, ce qui veut dire que je ne vends pas d'actions cotées en bourse. Une des choses qui me frappe, comme vous en avez sans doute pris conscience en lisant le Globe and Mail de ce matin, c'est que lorsque les grosses entreprises se trouvent coincées financièrement, elles n'ont qu'à téléphoner chez Wood Gundy ou chez RBC Dominion pour obtenir des fonds. Bien sûr, les gros courtiers en placement s'occupent rarement de transactions inférieures à 20 millions de dollars - ou à 10 millions, selon la commission qu'ils touchent.

Les entrepreneurs sont fort habiles à se débrouiller eux-mêmes, et le gouvernement a tendance à créer des fonds communs de capitaux en se disant que les entrepreneurs sauront bien s'en prévaloir. Mais l'accès au capital demeure un problème de taille.

J'ignore ce que Scott Shepherd en a dit lorsqu'il a comparu devant vous la semaine dernière, si jamais il a comparu, mais l'un des problèmes les plus difficiles à résoudre ici au Canada concerne les moyens à prendre pour informer les entreprises des centres situés en périphérie, comme Lethbridge et St. Thomas, voire Chicoutimi et Prince George, à propos de la disponibilité de protections d'assurance du genre de celles qu'offre mon collègue, ainsi qu'à propos des nouvelles sources de financement de diverses catégories, qui sont disponibles sur un marché financier aussi complexe que celui de Toronto.

.0935

Quand je travaillais au ministère de l'Industrie, nous avons élaboré un système dont vous trouverez l'illustration sur la dernière feuille. Il a semble-t-il été étudié par le cabinet et il dort quelque part sur les tablettes du ministère. Dans la partie supérieure du tableau, il y a les conseils d'investissement locaux qui gèrent les demandes de fonds de moins de 500 000$. Les entreprises de cette catégorie recourent surtout aux commanditaires (anges) pour combler leurs besoins financiers. Quand leurs besoins sont plus considérables, elles s'adressent aux centres régionaux d'analyse des investissements, aux CRAI, qu'on peut trouver dans les grands centres régionaux du Canada. Ces centres englobent des établissements comme le mien.

En terminant et avant de passer aux questions, j'insiste pour dire à quel point le marché financier de Toronto est innovateur. Il est de loin le plus innovateur. Je vous cite en exemple le cas de Balmoral Trade Finance, un groupe d'associés provenant d'entreprises familiales relativement prospères qui font d'excellentes affaires. Ce groupe fait du financement par actions ou prête du capital de risque à des taux très élevés. Nous avons fait affaire avec ce groupe pour le financement de contrats en Sibérie, en Indonésie et dans d'autres pays. Encore là, il s'agit d'une institution relativement jeune qui n'est pas encore très connue. Mais comment faire savoir aux entreprises des autres régions que ce groupe existe?

Parce qu'on m'a demandé de le faire, j'ai formulé quelques commentaires au sujet des corporations à capital de risque de travailleurs. Je tiens à vous faire savoir que MM. Manley et Marchi m'ont demandé de présider un groupe d'étude qui sera chargé de réviser le programme à l'intention des immigrants investisseurs. Les fonds d'immigrants constituent en général une très importante source de capitaux. Si nos propositions sont adoptées, les fonds disponibles provenant de cette source augmenteront substantiellement.

Je termine en disant que si vous souhaitez vraiment approfondir ces questions, je vous suggère de contacter Don Allen. Il a fait une recherche sur la performance comparée des entreprises de moyenne taille du Québec et de l'Ontario.

L'abondance de capitaux de risque au Québec a permis aux entreprises manufacturières québécoises de moyenne taille dans le secteur de la métallurgie et de l'électronique d'afficher des rendements supérieurs à ceux de leurs homologues ontariennes. Dans un sens, elles sont moins fortement endettées. Sauf erreur, on constate la même chose en Saskatchewan, ce qui me donne à croire que le niveau général de disponibilité des capitaux de risque dans les diverses régions du Canada a une incidence directe sur le problème de croissance sur lequel j'ai tenté d'attirer votre bienveillante attention. Je suppose que c'est pour cette raison que vous m'avez invité à comparaître devant vous. Vous vouliez sans doute aussi me poser des questions auxquelles je suis maintenant tout à fait disposé à répondre.

Si vous souhaitez m'interroger sur les autres sujets, par exemple à propos de NASDAQ, des émissions publiques d'actions, des fonds de capitaux, je serai ravi de répondre à vos questions.

Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Sharwood.

J'ai déjà quelques noms sur ma liste, mais je pourrais peut-être poser la première question. Le comité se demande s'il y a une différence à faire entre les exportations de biens et les exportations de services. On entend de plus en plus dire que le volet service occupe une place de plus en plus importante dans l'économie. Je me demandais simplement si l'un ou l'autre de vous deux, ou les deux, pourrait nous dire, très brièvement, s'il y a des différences significatives en ce qui concerne le volet assurance et sa nature dans le secteur des exportations de services par opposition aux exportations de biens. S'assure-t-on que des instruments appropriés soient en place pour les exportations de services? Les mêmes observations s'appliquent-elles au sujet de la nécessité de mobiliser du capital de risque pour ce secteur?

M. Doyle: Merci. J'aurais dû en parler dans mon exposé.

Dans le cas de l'assurance contre les risques de crédit et les risques politiques, les biens de consommation, les biens d'équipement et les services sont tous traités de la même manière. La protection est offerte aussi bien pour les services que pour les biens d'équipement, et les mêmes conditions s'appliquent.

.0940

Le président: Parmi les services, il y a entre autres les services bancaires et les services offerts par les compagnies d'assurance. Voulez-vous dire que si je voulais implanter au Brésil une compagnie d'assurance, j'aurais accès à la même protection d'assurance contre les risques commerciaux et politiques que si je vendais des produits informatiques ou des satellites?

M. Doyle: Non, et je crois que vous soulevez un bon point.

Le président: Je vendrais ce genre de services si je le pouvais.

M. Doyle: Dans ma sphère de responsabilité, les services dont il est question ici sont essentiellement des services de financement d'opérations commerciales.

Autrement dit, supposons que vous ayez conclu un contrat avec quelqu'un pour lui fournir des services. La compagnie d'assurance, elle, veille à ce que vous soyez rémunéré conformément aux modalités de votre contrat - à ce que vous soyez protégé contre le risque d'inobservance des obligations que l'acheteur a contractées envers vous, pourvu que vous respectiez vous-mêmes les vôtres. Si, pour rassurer le client à qui vous fournissez les services, vous devez lui remettre une caution-garantie d'exécution sous forme de lettre de garantie, vous pouvez alors vous assurer contre le risque d'appel injustifié de cette garantie de la part de l'acheteur.

Le président: Autrement dit, cette assurance s'applique généralement dans le cas de services qui accompagnent la vente de biens. Il s'agit d'une couverture générale. Si, par exemple, je vends un hélicoptère et les services qui vont avec, les garanties, le service après-vente, vous allez assurer tout cela. C'est bien différent quand on investit dans l'implantation d'une nouvelle industrie dans un autre pays. Vous ai-je bien saisi?

M. Doyle: C'est exact.

Le président: Très bien.

M. Doyle: Supposons que vous vouliez lancer une entreprise dans un autre pays et qu'il n'existe pas d'acheteur connu pour les services que vous entendez offrir, ou plutôt, que l'entreprise que vous voulez créer se situe dans un nouveau créneau. Dans ce cas, il est toujours possible de se procurer une assurance-investissement à l'étranger.

Cette assurance vous couvrira contre le risque de perte de votre investissement dans ce pays. Vous serez protégé contre les risques d'expropriation, de nationalisation, de guerre, de confiscation de biens et d'impossibilité de rapatriement de dividendes. Vous pouvez vous procurer ce genre de couverture pour protéger votre investissement par l'entremise de la Société pour l'expansion des exportations ou dans le secteur privé par l'entremise de l'Agence multilatérale de garantie des investissements de la Banque mondiale.

Dans le cas de la vente de biens d'équipement, comme vous dites, l'assurance pourra être vendue dans le cadre du financement des opérations commerciales. Il pourra s'agir d'un contrat de service sur des hélicoptères ou d'un simple contrat de services-conseils. On pourra assurer par exemple le paiement des factures consécutives à une entente conclue avec le gouvernement de l'Indonésie pour l'amélioration des services publics du pays ou quelque chose du genre.

Le président: Merci

Monsieur Sharwood, avez-vous quelque chose à ajouter concernant le volet investissement?

M. Sharwood: Non. Je crois que les marchés financiers font de moins en moins d'argent avec les investissements sous forme de participation au capital. Nul n'ignore qu'il aurait été plus payant, au cours des cinq dernières années, d'investir dans Newbridge Networks Corporation et dans Stelco.

Je pense donc que les marchés financiers s'adaptent à ce genre d'évolution, et j'estime qu'il est plus facile d'obtenir du financement pour des entreprises qui offrent aussi des services si celles-ci ont un peu le dynamisme des gazelles. Je doute un peu que les industries manufacturières soient des gazelles.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Monsieur Penson.

M. Penson (Peace River): Merci, monsieur le président.

Bienvenue messieurs. Ce que vous avez à dire ce matin m'intéresse certainement. J'espère que j'aurai l'occasion de poser une question à M. Sharwood à un moment donné, peut-être au deuxième tour. Nous verrons comment se dérouleront les échanges avec M. Doyle et combien de temps ils dureront.

Monsieur Doyle, vous nous apportez un éclairage intéressant, étant donné que vous avez travaillé à la SEE et que vous êtes maintenant en affaire dans le domaine de l'assurance. Je me demande ce que vous pensez de la concurrence.

J'ai l'impression que le secteur de l'assurance-crédit à l'intention des petites et moyennes entreprises est encore en grande partie dominé par la SEE, car cet organisme est en mesure d'exiger un taux moins élevé. Lorsqu'elles comparaissent ici, certaines petites entreprises soutiennent que ce taux est encore trop élevé. Est-ce parce que les compagnies d'assurance privées sont obligées de s'adresser aux réassureurs pour répartir leurs risques? Pourquoi la SEE peut-elle offrir aux petites et moyennes entreprises un taux inférieur au vôtre?

M. Doyle: D'après notre expérience, les taux que la SEE offre aux petites entreprises ne sont pas bas. La plus grande contrainte des assureurs-crédit qui veulent desservir les petites entreprises est le coût des polices.

.0945

Il faut beaucoup de personnel pour administrer les petites polices. De par sa nature, l'assurance-crédit en exige aussi beaucoup. Par conséquent, il n'est pas intéressant pour les assureurs privés de souscrire une police qui ne leur rapportera que 1 000$ de prime. Il ne vaut pas la peine pour eux de mobiliser des ressources pour solliciter ce marché.

Toutefois, en me préparant à répondre à cette question et sachant que le but de vos délibérations est d'aider la petite entreprise, la semaine dernière, j'ai communiqué avec des représentants de l'ancienne ECGD au Royaume-Uni, qui a été rachetée par la société NCM des Pays-Bas, et leur ai demandé comment ils traitaient les polices offertes à la petite entreprise. Je suis également allé voir des représentants de Trade Indemnity pour leur demander quelle était à cet égard la politique de leur société au Royaume-Uni.

Grosso modo, dans les deux cas, la compagnie d'assurance a mis sur le marché une police à prime fixe qui ressemble beaucoup à une police d'assurance-automobile. Le client paie d'avance une prime au début de l'année. Il établit certains paramètres concernant sa protection d'assurance. Il s'en retourne avec sa police et si rien de fâcheux ne survient, tout le monde est heureux à la fin de l'année. De plus, dans certains cas, on accorde des stimulants très intéressants comme des réductions cumulatives de primes qui peuvent aller jusqu'à 10 à 20 p. 100 sur trois ans si le client ne présente pas de réclamation.

Mais ces polices sont toutes conçues de manière à diminuer au strict minimum les coûts d'administration de l'assureur. La différence, c'est qu'il y a toujours, pour ce genre de police, une prime minimale de l'ordre 2 500 à 4 000$ par année. Ce n'est pas un montant déraisonnable pour la protection offerte.

M. Sharwood: Permettez-moi d'ajouter ceci : J'ai appris que Doug Patriquin a comparu ou comparaîtra devant votre comité pour vous parler du nouveau programme mis au point par la CCC en collaboration avec la Banque Toronto-Dominion et la Banque canadienne impériale de commerce. Ce programme garantira l'exécution de contrats et le remboursement de comptes-clients. Je crois qu'il constitue une innovation très intéressante. Pour une petite entreprise, les garanties et l'assurance se confondent très souvent.

M. Penson: Mais j'aimerais poursuivre mon idée. Les exploitants de petites entreprises ne s'adressent-ils pas en général à la SEE plutôt qu'aux sociétés d'assurance privées pour assurer leurs exportations? Vous ai-je mal compris?

M. Doyle: Non, c'est exact. La SEE est une petite entreprise. Comme je le mentionne dans le document, à l'heure actuelle, les exportateurs canadiens doivent payer une prime minimale pour s'assurer. La prime minimale la plus basse sur le marché est celle exigée par American Credit Indemnity. Elle est de 4 000$, et cette société n'offre aucune protection contre les risques de nature politique.

Les autres grands assureurs, American International et Trade Indemnity, exigent des primes minimales de l'ordre de 25 000$. En pratique, cela empêche les petites entreprises de se procurer ces polices parce que leur coût est tout simplement trop élevé par rapport au montant des exportations qu'ils veulent assurer.

La SEE offre une protection d'assurance aux petits exportateurs, mais les primes qu'elle leur impose sont supérieures à celles exigées des grandes entreprises. Leur prime équivaut à .75, 1 ou1.25 p. 100 du montant des ventes, alors que celle que doit payer Consolidated Mining and Smelting Company, par exemple, ou un autre client équivalent, est de l'ordre de .25 p. 100. Le montant absolu de la prime payée et la portion de celle-ci qui sert à financer les coûts de la police sont très élevés sur une police souscrite par une petite entreprise.

M. Penson: Vous avez également mentionné qu'il y a un certain nombre de compagnies d'assurance-crédit européennes qui songent à percer le marché de l'Amérique du Nord. Quelle incidence cette venue aurait-elle sur vos entreprises et sur la concurrence entre vous et la SEE? Contribuerait-elle à assurer un meilleur service à nos petites et moyennes entreprises? Qu'en pensez-vous?

M. Doyle: Effectivement, cela contribuerait à améliorer le service. Naturellement, plus il y a de la concurrence, meilleur est le service fourni aux exportateurs canadiens. On en a eu la preuve je crois depuis 1989, année de l'arrivée de Trade Indemnity comme premier assureur privé offrant des polices d'assurance-crédit complètes en concurrence directe avec la SEE. N'importe quel exportateur vous dira que les protections qui leur sont offertes - la souplesse des polices et la qualité des services - ont toutes été considérablement améliorées du seul fait de cette concurrence.

.0950

En examinant les polices et en les analysant pour le bénéfice de nos clients, nous constatons que chaque assureur cherche vraiment à offrir la meilleure police possible. Les assureurs ont maintenant tendance à moderniser leurs méthodes et à opter pour un service plus accessible pour permettre à l'exportateur de communiquer directement avec eux. Une fois cette transformation achevée, les assureurs pourront diminuer leurs coûts et offrir un meilleur service au petit exportateur, et ce, à un prix moindre.

M. Penson: Monsieur Doyle, si la SEE n'offrait pas l'assurance-crédit - c'est une société d'État et les politiques gouvernementales évoluent au fil des ans - les assureurs privés seraient-ils en mesure de desservir nos petites et moyennes entreprises, ainsi que nos grandes entreprises dans ce secteur? Quel type de concurrence la SEE livre-t-elle selon vous aux assureurs privés? De quelle façon la concurrence de la SEE vous touche-t-elle? Estimez-vous cette concurrence loyale? Comment la qualifieriez-vous?

M. Doyle: L'an dernier, quand le projet de loi C-118 a été étudié, les assureurs privés se sont dits d'avis - je vous signale qu'à cette époque, j'ai comparu aussi devant le comité, mais vu que j'étais à l'emploi de Trade Indemnity qui est une entreprise privée, je présentais un point de vue un peu différent - qu'étant donné que la SEE, à titre d'organisme financé par l'État, ne paie pas d'impôt, n'a pas à rentabiliser ses investissements et n'a pas à faire appel aux réassureurs, possède un immense avantage par rapport aux assureurs privés qui viennent s'implanter au Canada, car ceux-ci doivent se conformer à toutes ces exigences.

Selon eux, pour que le marché soit assez attrayant pour favoriser l'arrivée de nouveaux assureurs, il faudrait rendre les règles du jeu plus équitables. Quand les assureurs privés présentent une soumission en concurrence avec la SEE pour l'obtention d'une grosse police - une de celles qui leur permettent de rentabiliser leurs opérations - ils veulent avoir l'assurance que tous les soumissionnaires sont soumis aux mêmes règles et que la SEE n'ira pas s'emparer du marché en présentant une offre alléchante et forcer ensuite les autres assureurs à abaisser leurs prix, ce qui met en péril la viabilité de tout le secteur au Canada.

M. Lastewka (St. Catharines): J'aimerais poursuivre la discussion à propos de l'assurance-crédit. D'autres témoins sont venus nous dire que les coûts des assurances étaient trop élevés. On nous a répété à maintes reprises que les prix exigés par la SEE sont trop élevés par rapport à ceux des marchés européens. Pourriez-vous nous dire pourquoi nos témoins ne cessent de répéter que les entreprises européennes peuvent obtenir de meilleurs prix que ceux exigés par la SEE ou les autres assureurs nord-américains?

M. Doyle: Je dois me montrer en désaccord avec ce commentaire, car lorsque les exportateurs canadiens nous abordent pour obtenir une assurance, ils ne sont souvent pas au courant des options qui leur sont offertes. Ils ont tendance à immédiatement s'adresser aux bureaux de la SEE et, une fois dans le giron de la SEE, ils deviennent quasi captifs de ses services et négligent de s'informer de ce qui est offert à l'étranger. Les mêmes assureurs qui donnent satisfaction aux entreprises européennes peuvent aussi desservir les entreprises canadiennes.

Autrement dit, comme courtiers, quand une entreprise qui projette d'exporter ses produits en Arabie saoudite vient nous voir, nous demandons à la SEE de nous soumettre une offre, nous allons voir ce qui est offert à New York, et aussi à Londres. Une fois saisis des offres, nous les évaluons et vérifions quelle est l'étendue de la protection, à quelles conditions et à quel prix l'assureur est prêt à émettre la police et nous formulons une recommandation à notre client. Nous constatons que, dans certains cas, la SEE offre des conditions un peu moins intéressantes que ses concurrents et que, dans d'autres, c'est le contraire. Tout dépend de ce que le marché peut offrir à ce moment-là et de la perception qu'on les assureurs du risque qu'on leur demande d'assumer.

La principale raison qui amène les exportateurs à s'adresser à la SEE n'est pas tellement le prix mais l'autre aspect, soit le fait que la SEE est la seule à offrir des cautions-garanties d'exécution qui facilitent l'émission des lettres de garantie. C'est souvent le cas.

.0955

M. Lastewka: Nous avons donc du travail à faire pour comparer les propos tenus par nos différents témoins, car tout porte à croire qu'il y a quelque chose qui cloche quelque part, c'est certain.

Le président: Oui, j'en conviens.

Monsieur Lastewka, je crois que certains de nos témoins faisaient peut-être allusion au financement à des conditions de faveur, qui peut parfois être obtenu en Europe à des taux plus bas. D'après mon expérience, de toute façon, ces contrats sont davantage conclus pour des gros marchés que pour des petits. Mais je suis d'accord avec ce que vous dites. C'est un point que nous devrons examiner de plus près, je pense.

M. Lastewka: Mais tous les témoins avec qui nous avons discuté nous ont tous affirmé que les prix de notre SEE sont beaucoup plus élevés que ceux qu'obtiennent les sociétés européennes qui se procurent de l'assurance. Reste à savoir si ces sociétés se procuraient le même type de police. C'est peut-être ça le hic. Il reste que cette question a été soulevée à maintes reprises dans chacune de nos séances précédentes.

M. Doyle: Monsieur le président, puis-je ajouter quelque chose à ce sujet?

Le président: Oui. Il est très important que nous comprenions ce qui en est. Vous pouvez donc intervenir. Votre commentaire pourrait nous être utile.

M. Doyle: L'an dernier à cette époque, on nous a dit la même chose. Certaines entreprises ont prétendu que les homologues européens de la SEE offraient des conditions plus avantageuses aux sociétés européennes qui soumissionnent pour l'obtention de contrats. Étant en contact avec les courtiers qui font affaire avec la Lloyds et les assureurs de Londres, nous avons profité de leur présence au Canada pour leur demander si ce qu'on nous rapportait correspondait à la réalité, s'il s'agissait de la même couverture. Ils nous ont répondu « non ».

En grande partie parce qu'en Europe le domaine de l'assurance relève du secteur privé - beaucoup de sociétés d'assurance-crédit ont été privatisés - , le secteur de l'assurance-crédit peut réduire ses primes en proportion de la valeur de la portion subvention implicite que n'ont pas à assumer les assureurs privés. On constate toutefois que là-bas, les exportateurs européens sont souvent associés à des consortium qui comprennent des groupes prêteurs, ce qui leur permet d'obtenir plus facilement des conditions avantageuses de financement, en particulier des cautions, c'est-à-dire des lettres de garanties. On leur donne des marges de caution au lieu d'imputer les cautions à leurs marges de crédit. Les institutions financières européennes sont davantage disposées à accepter des polices d'assurance ordinaires sans caution-garantie d'exécution et fondent leurs décision d'accorder le financement ou la lettre de garantie ou le crédit documentaire en se fondant simplement sur la solvabilité de l'entreprise, sans imputer ces instruments à la marge de crédit de leur client. Cela contribue à réduire les coûts substantiellement.

M. Lastewka: Monsieur le président, j'aurais une autre question à poser à M. Sharwood. J'aimerais qu'il me donne plus d'explications à propos du point 6 de son mémoire.

C'est un phénomène bien connu que les gouvernements ont de plus en plus tendance à installer leurs bureaux dans les grandes agglomérations et que même les sociétés priéves se restructurent et déplacent leurs bureaux périphériques pour les installer dans les grands centres d'où elles veulent faire affaire, comme vous le mentionnez au point 6. À quoi sert-il alors de créer des conseils d'investissement communautaires dans les régions périphériques, comme vous le mentionnez? Qu'avez-vous à dire à ce sujet?

M. Sharwood: C'est une intéressante question philosophique.

Le président: Une question inhabituelle de votre part, monsieur Lastewka.

M. Sharwood: Il y a des aspects intéressants concernant les agglomérations les plus dynamiques aux États-Unis et leur localisation. Comme je le disais, on les trouve souvent là où on s'y attend le moins. Rosabeth Moss Kanter, qui enseigne à Harvard, a récemment écrit un ouvrage à propos de ces endroits inattendus.

La vraie question consiste à savoir s'ils surgissent spontanément. Si vous regardez de près quels facteurs contribuent à l'éclosion des agglomérations dynamiques aux États-Unis, vous constaterez que, dans bien des cas, ce sont les chambres de commerce, les maires et les industries locales qui se sont concertés pour dresser l'inventaire des forces et des besoins du milieu et qui ont décidé de réagir. L'initiative n'est pas venue du gouvernement.

La proposition que vous avez devant vous est déjà connue du ministère de l'Industrie et elle exige très peu de subventions. Les milieux naturels peuvent l'adopter et la mettre en oeuvre eux-mêmes. La ville de London, en Ontario, a justement entrepris de l'appliquer et on observe en Saskatchewan des petits pas dans cette direction.

.1000

Le développement industriel de la plupart des petites communautés a été axé sur la venue de grandes industries comme Toyota à qui on espérerait vendre des terrains à vocation industrielle plutôt que sur la constitution de réseaux d'entrepreneurs et sur les moyens à prendre pour les rendre compétitifs. Toute l'orientation du développement industriel au Canada est à repenser.

Parlez au promoteur industriel de Chatham. Il est censé axer ses efforts sur la vente de terrains à vocation industrielle dans Chatham et non pas essayer de constituer des fonds communs de placement et faciliter l'accès au capital. Il y a de profonds changements à apporter à cet égard.

Quand on observe ce que disent les agents de développement municipaux dans leurs réunions annuelles, on s'aperçoit que les mentalités commencent à changer. Qu'on s'oriente ou non dans cette direction, par une plus grande diffusion de l'information ou autrement, il reste qu'on aura toujours besoin d'une certaine part d'aide financière de la part des gouvernements. C'est évidemment une question de nature politique.

Le président: En guise d'introduction à ma question, je vous signale que lorsque nous sommes allés dans les diverses régions canadiennes dans le cadre de notre examen de la politique étrangère, nous avons constaté que certaines municipalités avaient un plan de développement cohérent. À Calgary, par exemple, il nous est apparu évident que le conseil municipal collaborait étroitement avec la Chambre de commerce locale. On avait décidé des secteurs sur lesquels on voulait attirer notre attention; l'objectif du maire de jumeler la ville avec des villages ou des villes d'ailleurs allait de pair avec les compétences qui caractérisaient le milieu et les avantages comparatifs sur lesquels il fallait miser, aussi bien sur le plan international que national.

Êtes-vous en train de dire que ce type d'orientation a davantage tendance à devenir la norme ou qu'il faudrait encourager les municipalités à l'adopter si nous voulons devenir des exportateurs efficaces?

M. Sharwood: Ce que vous venez tout juste de dire est fort à propos. Ce que vous avez vu, c'est le résultat d'initiatives fortement subventionnées, dans lesquelles M. Klein n'a pas encore mis la hache. Je veux parler du service de jumelage du gouvernement de l'Alberta. Ce serait dommage, car c'est le meilleur qui soit. Vous en avez aussi un très bon ici à Ottawa, l'OCEDCO, que vous connaissez probablement, mais celui du gouvernement de l'Alberta est meilleur parce qu'il coûte plus cher. On y injecte un million de dollars par an.

Je maintiens que ce service pourrait être privatisé, parce qu'on n'exige aucune contribution financière pour les mariages, ce qui, à mon avis, est inacceptable et revient à subventionner ...

Le président: Exige-t-on une contribution financière pour un divorce?

M. Sharwood: Évidemment, si l'entreprise est dissoute.

M. Alcock (Winnipeg-Sud): Un divorce coûte toujours plus cher.

M. Sharwood: Si vous prenez le cas du service d'investis- sement de l'Alberta, duquel relève le service de jumelage - et Frank MacMillan l'a conçu ainsi - , vous verrez que les brochures sur l'investissement servent à quelque chose. Elles ont un tirage de 6 000 copies. Les possibilités d'investissement en Alberta sont ouvertes aux investisseurs étrangers et ces brochures sont distribuées dans toutes les ambassades de par le monde. Mais si l'Alberta a une bonne longueur d'avance sur le reste du pays sur le plan de la mise sur pied et du développement d'un tel service, c'est grâce à de généreuses subventions du gouvernement provincial.

M. Penson: Monsieur Sharwood, quand vous dites que l'abondance du capital de risque est responsable du succès des PME - vous avez mentionné l'exemple du Québec - , sachez qu'un certain nombre de petites entreprises nous ont affirmé entre autres choses que même quand les fonds d'investissement sont là, la petite entreprise n'y a pas accès parce que, généralement, ceux qui gèrent ces fonds agissent davantage comme des banquiers. Ils accordent des prêts sur garantie en ne tenant compte que de la brique et du mortier plutôt que de la valeur du service que l'entreprise veut offrir.

Avez-vous un commentaire à formuler à ce sujet?

M. Sharwood: C'est un problème qui est particulier au Canada, un problème contre lequel chacun d'entre nous dans l'industrie se bat depuis quelques années. Comment vais-je faire pour vous répondre sans m'allonger trop?

.1005

Aux États-Unis, les gros investisseurs institutionnels, les administrateurs de caisses de retraite privées et les sociétés d'assurance - c'est vrai aussi des caisses de retraite publiques puisque le syndicat des enseignants de la Californie, le CALPERS, est l'un des plus gros investisseurs - participent à la création de fonds communs de capitaux de risque. Ils créent un grand nombre de fonds communs.

Si vous lisez le The Venture Capital Journal, ou le Buyout, comme je le fais moi-même pour les besoins de ma profession, vous avez sans doute noté qu'il ne se passe pas une semaine sans qu'il se crée un nouveau fonds, avec un capital de 60 millions, ou vous avez peut-être lui que trois copains ont quitté Goldman Sachs et s'apprêtent à en créer un eux aussi. Ce sont les meilleurs fonds de capital de risque, car c'est localement que ça se passe.

Un groupe d'étudiants de l'Université de la Colombie-Britannique m'a écrit il y a deux ou trois ans. Ils s'étaient donné pour tâche de faire un sondage dans le cadre duquel ils faisaient remplir un long questionnaire analytique comportant des pages et des pages de questions. Les répondants devaient se prononcer sous toutes réserves sur les facteurs qui amènent un détenteur de capital de risque à décider de l'opportunité d'investir ou non. Je leur ai répondu brièvement ceci : « Chers étudiants : Le détenteur de capital de risque regarde l'entrepreneur dans le blanc des yeux, et si ce qu'il voit lui plaît, il décide du montant à investir. »

Nous n'avons pas assez de tels investisseurs, et c'est pour cela que nous avons ces énormes fonds de capital de risque subventionnés par les gouvernements. Les investisseurs institutionnels ne sont tout simplement pas dans le coup, et les sociétés d'assurance et les caisses de retraite n'investissent pas dans les fonds communs.

Comme certains d'entre vous ici s'en souviennent peut-être, en 1986, je crois, l'honorable Michael Wilson avait instauré un programme en vertu duquel pour chaque dollar investi en capital de risque l'investisseur pouvait en investir trois autres dans son panier de placements à l'étranger. Cela voulait dire environ 1 milliard de dollars de capital de risque supplémentaire en provenance des sociétés d'assurance et des caisses de retraite.

Le problème, c'est que le moment était on ne peut moins propice; le temps de mettre le programme en place et de fixer toutes les règles, les enquêteurs du ministère des Finances ont été saisis de l'affaire. On leur a également demandé de faire enquête sur les fonds de capital de risque financés par des travailleurs, et il s'est écoulé beaucoup de temps avant qu'on décide de les utiliser ailleurs. Les fonds ont dû passer des mains des fiduciaires de caisses de retraite aux gestionnaires de fonds en 1987-1988 et il a fallu attendre 1989 pour qu'ils parviennent aux entrepreneurs. À ce moment-là, la récession avait pris fin.

Il s'est perdu énormément d'argent et, maintenant, tous les fiduciaires de caisses de retraite au Canada se sont juré de ne plus jamais investir dans les fonds de capital de risque. Voilà qui est tout-à-fait à l'inverse de ce qu'on observe aux États-Unis. C'est un problème de taille.

Il y a dans notre attitude un énorme problème de vision. Dans notre milieu, on dit qu'avant que les choses bougent, il faudra attendre qu'une autre génération de gestionnaires de fonds de placement et de fiduciaires prenne la relève de ceux qui sont en place maintenant et qui ont été témoins de ces pertes. Un jour, dans 25 ans peut-être, on commencera à faire ce que les Américains font déjà avec tant de succès.

M. Penson: Le temps joue en notre faveur.

M. Sharwood: Nous ne pouvons attendre aussi longtemps.

Le président: Avec le temps, naturellement, nous serons tous morts, mais nous devrions les encourager à prendre la bonne voie dès maintenant.

M. Sharwood: C'est exact.

La conséquence, c'est qu'il s'exerce énormément de pressions sur les banques, bien à tort à mon avis. Certains d'entre vous ont peut-être entendu parler du nouveau fonds de capital de risque qui vient d'être créé aux États-Unis, l'Atlantic Venture Capital Fund. Le ministre a rencontré les présidents des banques et a les a forcés à s'y intéresser. Mais, d'après moi, on ne vise pas juste. On devrait plutôt lancer l'invitation aux sociétés d'assurance-vie, car c'est là que se trouvent les placements à long terme.

L'argent placé dans les banques l'est à court terme, et le capital de risque ne sert à rien s'il n'est pas disponible à long terme. Le capital à long terme se trouve chez les investisseurs institutionnels, chez les fiduciaires de caisses de retraite. C'est là qu'il faudrait aller le chercher, comme ça se fait partout dans le monde, et c'est là qu'on aurait dû exercer les pressions et non sur les banques.

Le président: Merci beaucoup.

Nous avons dépassé l'heure prévue pour la fin de nos délibérations. Nous allons donc clore la séance.

Au nom du comité, je tiens à vous remercier très chaleureusement tous les deux pour avoir pris de votre précieux temps pour venir nous faire partager votre expérience. Je sais que nous pouvons communiquer avec vous si nous voulons obtenir des clarifications sur des points précis qui ont été abordés au cours de ces délibérations. J'espère que vous nous écrirez au besoin pour nous saisir des questions qui auraient pu échapper à notre attention. Merci beaucoup tous les deux de votre présence.

Avant de vous demander d'interrompre nos travaux pour une pause de cinq minutes, j'aimerais donner la parole à Mme Beaumier, car je crois qu'elle voudrait présenter une motion. Il serait souhaitable que nous en disposions maintenant.

Mme Beaumier (Brampton): Je propose :

.1010

Le président: Quelqu'un appuie-t-il la motion?

M. Volpe.

M. Penson: Pouvons-nous discuter de cette motion?

Le président: Absolument.

M. Penson: Monsieur le président, je m'oppose à l'adoption de cette motion. Je n'ai rien contre le fait qu'un membre du Parti libéral siégeant au comité quitte son poste pour laisser la place à M. Robinson, mais je m'oppose à ce que le nombre de membres du comité soit augmenté.

En particulier, si le Bloc revient au comité, nous allons être sept, et je pense que c'est trop pour un sous-comité, surtout si celui-ci a l'intention de voyager. Par conséquent, je suis contre la motion telle quelle à moins qu'un membre représentant le Parti libéral à ce sous-comité cède sa place à quelqu'un d'autre.

Le président: Vous êtes conscient que M. Robinson est membre associé du comité, n'est-ce pas?

M. Penson: Oui, j'en suis conscient.

M. Lastewka: Fait-il partie du comité à l'heure actuelle?

Le président: Il est membre associé de notre comité.

M. Lastewka: Fait-il partie des cinq?

Le président : Seulement si nous adoptons cette motion.

M. Lastewka: Ce n'est pas ce qu'on y lit. On y dit qu'il y aura cinq membres et on donne leur nom; il est question aussi d'ajouter un député du Bloc et un député du Parti libéral. C'est ainsi que je l'interprète.

Le président : Non, je suis désolé. Le comité sera constitué des cinq membres dont les noms ont été mentionnés, car pour l'instant nous n'avons pas encore adopté officiellement la motion autorisant MM. Morrison, Robinson et English à faire partie du comité. Nous n'avons donc pas encore établi la composition du comité.

Nous sommes en train de le faire. Nous disons que dans l'éventualité où le Bloc manifesterait son intention de participer désormais aux travaux du comité, nous sommes d'accord pour ajouter au nombre actuel un membre du Bloc et un autre du Parti libéral, mais seulement si le Bloc nous signale son intention de faire partie du comité. Pour le moment, les députés bloquistes ont dit qu'ils ne participeraient pas aux travaux du comité.

Nous avons deux options. Nous pouvons adopter la première partie de la motion, laisser la seconde en suspens et demander au Bloc de signer, mais je pense qu'il serait plus logique d'adopter les deux parties de la motion en même temps. Nous pourrions aussi tenir compte de l'observation de M. Penson et de son objection voulant qu'il y ait trop de membres pour un comité de cette taille et faire en sorte que M. Robinson ne soit accueilli que si l'un des membres du groupe du Parti libéral accepte de se retirer.

M. Penson: Puis-je ajouter quelque chose, monsieur le président? Je crois aussi qu'un sous-comité du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international devrait être constitué uniquement de membres à part entière du comité, si possible, et non de membres associés, car les membres du comité savent mieux que quiconque quelles sont les questions à l'étude puisqu'ils assistent aux travaux chaque semaine. Je pense qu'il s'agirait là d'une meilleure solution. Les membres associés sont présents à l'occasion, mais ils ne participent pas aussi activement à tout le processus.

Le président: Je vous ferai remarquer, monsieur Penson, qu'on pourrait tout autant invoquer à l'encontre de votre argument que notre comité a un programme très chargé et que nous allons devoir nous réunir souvent. Nous avons beaucoup de travail à faire. Nous devons produire notre rapport, et après, passer à l'étude de la question de la mondialisation.

Je pense qu'il serait très utile de pouvoir mettre à contribution les talents des membres associés pour participer aux travaux de certains sous-comités. Insister pour que tous les sous-comités soient formés des seuls membres du comité contribuerait à alourdirait le fardeau de ces derniers. Le moment est venu, je pense, de reconnaître que nous avons d'autres ressources auxquelles puiser. Mais c'est un point de vue différent.

Êtes-vous d'accord?

Mme Beaumier: D'accord.

Le président: Eh bien, nous avons entendu toutes les observations. Puis-je passer la motion aux voix? Qui est en faveur de la motion?

M. Flis (Parkdale - High Park): Monsieur le président, à cause des arguments et des préoccupations qui viennent d'être soulevés, je me demande si nous ne devrions pas reporter la mise aux voix pour nous permettre d'examiner la motion plus avant, quitte à la ramener un peu plus tard.

Le président: Oui, si c'est le voeu du comité.

Madame Beaumier, voulez-vous retirer votre motion? Nous pourrions en discuter plus avant et la représenter plus tard.

La motion est retirée.

Le président: Très bien. Il n'y a pas de problème. La motion est maintenant retirée et pourra être représentée à un autre moment. Je vous remercie beaucoup. Nous allons nous arrêter pour une courte pause.

.1027

Le président: Nous allons maintenant passer à la seconde partie de notre séance de ce matin. Nous examinerons alors les secteurs de la culture et des communications. Nous avons la chance d'avoir avec nous ce matin Mme Susan Whitney de Saskatoon, de la Galerie Susan Whitney, de même que M. Holger Peterson de Stony Plain Recording Co. de Calgary;

[Français]

et Les éditions la courte échelle de Montréal, dans la province de Québec.

[Traduction]

M. Penson: Permettez-moi d'apporter une correction. M. Peterson est d'Edmonton etMme Whitney, de Regina.

[Français]

Le président: En tout cas, Mme Creary et M. Gauthier sont bien de Montréal. Au moins de ce côté-là, tout est clair.

[Traduction]

Je suis désolé. Qu'il soit donc consigné au compte rendu que M. Peterson vient d'Edmonton, et Mme Whitney de...?

Mme Susan Whitney (directrice, Susan Whitney Gallery): Regina.

Le président: On aurait probablement préféré que vous soyez de Saskatoon. Puis-je inscrire Saskatoon?

Mme Whitney: Je passe du temps à Saskatoon.

Le président: Très bien. La faculté de droit est à Saskatoon.

Peut-être que nous pourrions commencer par vous.

Mme Whitney: Pour vous donner un aperçu de mes antécédents, je vous signale que je suis propriétaire-exploitante d'une galerie commerciale à Regina depuis maintenant seize ans. En 1987, pour trouver d'autres débouchés pour les oeuvres de mes artistes, j'ai commencé à fréquenter les foires internationales aux États-Unis. J'ai participé en moyenne à quatre foires par année. Ces quatre dernières années, j'ai été présidente de notre association nationale, poste que j'ai occupé jusqu'en mai dernier.

Je crois sincèrement au potentiel de commercialisation des oeuvres d'art canadiennes à l'étranger. Parfois, les arts visuels se perdent parce que le public ne les connaît pas. Il existe passablement de divisions entre nous au sujet de l'orientation à donner à notre industrie; certains ne veulent pas qu'on nous perçoive comme une industrie qui vend des oeuvres. On a parfois tendance à craindre que cela nous éloigne du secteur des musées, du secteur non lucratif. D'une certaine manière, cette attitude diminue nos chances d'être perçus comme une industrie culturelle.

.1030

À cet égard, je suis fort heureuse d'avoir été invitée à comparaître devant votre comité, car nous constituons véritablement une industrie culturelle et nous avons un produit à vendre.

C'est en 1986, je crois, que les marchands d'objets d'art canadiens ont commencé à participer aux foires internationales. Ces foires représentent, à mon sens, le moyen le plus efficace pour percer à l'étranger. Malheureusement, après y avoir été très présents et dynamiques, nous avons régressé brutalement.

La foire internationale la plus importante en Amérique du Nord est celle de Chicago, qui se tient au mois de mai de chaque année. Cette année, à ma grande consternation, il n'y avait qu'un seul commerçant canadien représenté à cette foire. Il y a plusieurs raisons à cela. Parmi ces raisons, il y a le fait que le gouvernement fédéral ne subventionne plus les commerçants d'objets d'art pour participer à des foires comme il le faisait auparavant dans le cadre d'un programme à l'intention des industries culturelles relevant du ministère des Affaires extérieures. Le gouvernement a décidé d'abolir cette aide et nous a encouragés à nous prévaloir du PDME, mais ce programme ne nous a été d'aucun secours. La plupart des commerçants ont vu leur demande rejetée parce qu'ils étaient considérés comme trop petits, ou parce qu'ils n'étaient pas en mesure de présenter une belle grande stratégie de mise en marché. Les commerçants qui manifestaient le désir de ne participer qu'à une seule foire et qui formulaient leur demande dans un simple paragraphe disant : « Je souhaiterais aller à Chicago pour étendre mon marché et participer à telle foire en particulier » voyaient pour beaucoup leur demande rejetée.

J'ai décidé d'y aller plus audacieusement, de participer à trois foires par année, et ma demande a été acceptée. Mais j'ai été une des rares exploitantes de galerie au Canada à pouvoir accéder au programme PDME.

Pour vous donner un bref aperçu de ce que sont les foires artistiques, disons qu'elles se comparent à nos foires commerciales. Elles coûtent très cher. Du moins, c'est ce que je crois. Il en coûte de 20 000 à 40 000$ pour participer à une foire. Le nombre de visiteurs à une exposition comme celle de mai dernier s'élevait à 25 000. Cent soixante-cinq galeries y étaient représentées. La moitié d'entre elles étaient américaines, et l'autre moitié venaient de l'étranger.

L'un des problèmes auxquels nous nous sommes heurtés concerne le fait que les organisateurs de ces foires ne perçoivent pas le Canada comme un pays étranger. Par exemple, il m'est arrivé de me faire placer sur une courte liste d'attente pour me faire dire finalement que j'étais refusée parce qu'une galerie de Cologne avait présenté sa candidature à la dernière minute et qu'on croyait plus important d'avoir une galerie représentant un pays étranger. J'en ai été vivement contrariée et j'ai signalé aux organisateurs que le Canada était lui aussi un pays étranger.

Nous avons eu beaucoup de fil à retordre avec ces foires, et j'estime qu'il est terriblement honteux de constater que le Canada est à ce point sous-représenté en cette sphère internationale. J'ai tenté d'obtenir entre autres choses que nous nous rendions à ces foires en groupe, plutôt que de laisser une ou deux galeries y participer individuellement et y perdre toute possibilité d'avoir de l'impact.

Les Australiens ont eu un succès extraordinaire il y a quelques années à l'une des expositions de Chicago. Ils y avaient invité des artistes autochtones et avaient envoyé en Australie des images télévisées en direct des kiosques. Ils avaient aussi donné un cocktail sur les lieux, et l'expérience avait été merveilleuse.

L'an dernier, les Italiens distribuaient gratuitement du café expresso et occupaient toute une section comprenant une quinzaine de kiosques, ce qui ne pouvait manquer d'impressionner.

Le fait d'avoir été placés à la merci du PDME-et j'ai vraiment le sentiment qu'on a tout simplement essayé de se débarrasser de nous-nous empêche de coordonner nos efforts et nous pousse à présenter des demandes individuelles.

Il y a quelques années, j'ai parlé au responsable du PDME et lui ai demandé si je pouvais formuler une demande au nom de notre association. Nous avons également une fondation. Il m'a répondu : « Bien sûr, essayez ». C'est ce que j'ai fait, mais notre demande a été refusée parce que nous étions regroupés en association ou en fondation.

Les éditeurs... et c'est tout un honneur de faire affaire avec des éditeurs. Les commerçants d'art ont toujours regardé les éditeurs avec admiration et envie car, à mon sens, ils forment l'une des industries culturelles les mieux organisées. Ils travaillent ensemble. Ils ont une association nationale qui veille à leurs intérêts. Aucun d'eux n'aurait l'idée de se présenter individuellement, isolément, à un salon international du livre.

.1035

De concert avec les organisateurs de foires artistiques, nous avons toujours travaillé en étroite collaboration avec les consulats et les ambassades. Si vous voulez présenter un projet dans le cadre du PDME, c'est obligatoire. À ce chapitre, j'ai connu de mauvaises et de bonnes expériences.

Il y a quelques années, le consulat de Los Angeles m'a dit qu'il enverrait quelque chose. On s'en est remis à moi pour l'organisation de tout ce qui avait trait à la participation des commerçants. J'ai fini par faire presque tout le travail moi-même. De toute ma vie, jamais je n'ai été aussi furieuse que lorsque le consul général s'est présenté à l'ouverture officielle visiblement sans s'être même donné la peine de lire le communiqué qui avait été émis. De toute évidence, il pensait que les commerçants participants exposaient leurs propres oeuvres, alors que nous nous étions donné tant de peine pour que tout fonctionne bien. C'était une dizaine des plus grands artistes canadiens que je représentais. Je vous assure que j'ai vu rouge.

Sur une note plus positive, mentionnons que le consulat de Chicago, qui a bien davantage l'habitude de travailler avec des représentants de l'industrie culturelle et des commerçants d'objet d'art, a été tout-à-fait magnifique. Par exemple, à une occasion où nous avions de terribles difficultés aux douanes, l'un des délégués commerciaux du Canada est intervenu des plus vigoureusement, droit au sommet, pour faciliter le passage aux frontières d'oeuvres d'art sortant de l'ordinaire, car les préposés aux douanes américaines avaient le sentiment qu'ils pouvaient imposer des droits sur tout ce qui ne correspondait pas au domaine précis de la peinture et de la sculpture. Il a fait des pieds et des mains et avec succès.

Une des choses que j'ai constatées de la part des consulats, c'est qu'ils se sentent obligés de nous divertir d'une manière ou d'une autre. Nombre des activités qu'ils organisent sont souvent mal inspirées et ne sont que perte de temps. Je n'hésite pas à recommander qu'on adopte une attitude plus audacieuse en matière de divertissement.

Il y a deux ans, dans le cadre d'une des foires, j'ai tenté d'organiser pour les Canadiens un cocktail -« car nous étions là pour vendre nos oeuvres. Nous n'étions point intéressés à nous rendre au bureau du consulat pour les bouchées habituelles du matin; nous préférions inviter des gens à la foire pour qu'ils voient nos oeuvres. Nous avons passablement travaillé à l'organisation de cette réception, et les commerçants eux-mêmes étaient disposés à payer les frais résultant du fait que nous ne donnions pas le cocktail à la résidence ou au bureau du consul. Le fin mot de l'histoire, c'est que le projet est tombé à l'eau parce que l'une des galeries canadiennes ne voulait pas participer. Je me suis dit qu'il était ridicule d'annuler un tel événement ou de n'y pas participer pour un tel motif. Il faudrait faire montre d'une plus grande souplesse.

Un autre problème auquel nous faisons face en participant aux foires artistiques -« je crains d'ouvrir là le couvercle d'une marmite et c'est avec une vive appréhension que je soulève cette question «- est l'attitude des agents de l'immigration américaine. J'ai l'impression qu'en faisant entrer des objets d'art ou d'artisanat aux États-Unis et en vendant effectivement de tels objets dans ce pays, nous allons à l'encontre de la loi américaine. Personne n'a encore vérifié cette question.

J'espère qu'on vous a remis entre autre document la lettre de Dana Boyle, qui est membre du personnel du consulat de Minneapolis. Elle a eu affaire récemment à quelques artistes désireux d'apporter leurs oeuvres à Minneapolis. Ils l'ont contactée pour des renseignements. Après quelques recherches, elle a constaté qu'effectivement, aux yeux des autorités de l'immigration américaine, les artistes n'avaient pas le droit de se rendre aux États-Unis pour vendre leurs oeuvres, à moins d'obtenir au préalable un visa spécial ou d'avoir quelqu'un aux États-Unis pour les vendre en leur nom.

Voilà qui, à mon sens, va tout à fait à l'encontre de l'esprit de l'ALENA.

Si cela est vrai, je ne suis pas intéressée à franchir furtivement la frontière à l'encontre de la loi.

Au cours d'une foire à laquelle j'ai participé à Seattle il y a deux ou trois ans, la rumeur avait couru que les autorités de l'immigration américaine avaient l'intention de nous arrêter. Nous étions tous là à toiser quiconque s'amenait vêtu d'un complet, à nous demander s'il s'agissait d'un agent de l'immigration américaine. L'organisateur de l'exposition avait pris soin de nous inviter à la plus grande prudence si quelqu'un nous approchait en disant : « Cet objet est-il à vendre? Puis-je l'acheter? » En réalité, nous étions justement là pour vendre. Dans les circonstances, je nous trouvais plutôt bizarres de nous efforcer ainsi de vérifier les chaussures et la cravate de tout un chacun -« voilà une remarque sexiste! il aurait pu s'agir d'une femme -« pour établir s'il s'agissait d'un agent de l'immigration américaine.

.1040

Je demande donc au comité de clarifier si possible cette question pour nous, afin que nous sachions si nous enfreignons effectivement la loi. Le cas échéant, la question devrait être examinée dans le cadre de l'ALENA.

Je termine en vous saisissant d'une question qui pose problème aux commerçants d'objetsd'art-la loi sur la TPS. Ce n'est pas seulement que nous détestons la prélever et la payer, c'est qu'elle porte à conséquence quand nous voulons importer des oeuvres d'art au Canada.

Notre industrie est différente de beaucoup d'autres industries culturelles. Nous ne sommes pas menacés par l'invasion massive d'oeuvres étrangères sur le marché canadien. Nous avons une clientèle régionale incroyablement fidèle à nos oeuvres. Mais nous voulons être en mesure d'importer au Canada des oeuvres d'autres pays. Cela tient dans une large mesure aux échanges que les galeries se font entre elles. Vous prenez mon oeuvre, nous prenons la vôtre. Aux foires, il est tacitement convenu que si l'un de vos artistes est adopté par une autre galerie, vous vous empressez de choisir une oeuvre d'un de siens pour la rapporter au Canada.

Selon les dispositions actuelles de la loi, si l'envoi, qui est en consignation -nous n'achetons pas l'oeuvre d'art en question, elle est en consignation-vaut plus de 250 000$, nous n'avons pas à débourser la TPS pourvu que l'oeuvre soit réexportée en dedans d'un an, je crois. Si l'oeuvre vaut moins de 250 000$, nous devons payer la TPS à la frontière.

Le président: Et vous devez ensuite tenter d'en obtenir le remboursement.

Mme Whitney: Oui.

Voilà qui nous semble une pure perte de temps et d'argent... sans compter les honoraires de nos courtiers. Je n'arriverai jamais à comprendre comment le gouvernement canadien peut trouver avantage à percevoir de l'argent qu'il devra remettre par la suite. Je n'y vois d'ailleurs aucune conséquence sur le plan de la concurrence, puisque bien sûr nous allons prélever la TPS lorsque nous vendrons l'oeuvre.

Nous avons mené le combat à cet égard. Nous nous sommes battus dès le départ, et ce que nous avons obtenu, c'est le seuil de 250 000$. Imaginez un commerçant qui se présente à la frontière avec des objets d'art d'une valeur de 240 000$. Il y a fort à parier qu'il augmentera le prix en conséquence, mais, à mon sens, cela ne tient pas debout.

Je termine en disant qu'un plan d'affaire international est en préparation pour les industries culturelles. Je suis ravie de constater que le gouvernement, par l'intermédiaire de divers ministères, tente de coordonner les efforts des industries culturelles.

Le président: Merci beaucoup, madame Whitney.

Monsieur Peterson.

M. Holger Peterson (président, Stony Plain Recording Co. Ltd.): Merci, monsieur le président, membres du comité.

Je possède à Edmonton une maison de production de disques vendus sous l'étiquette Stony Plain Records. Nous sommes en affaires depuis près de vingt ans. Il s'agit d'une petite entreprise de cinq employés. Nous lançons des artistes canadiens. Nous fabriquons nous-mêmes nos disques. Depuis que nous sommes en affaires, nous avons lancé quelque 230 disques au pays. Nous travaillons avec une douzaine d'artistes canadiens sur une base régulière.

En outre, nous nous occupons de la commercialisation de certaines étiquettes américaines au Canada. Nous en assurons la mise en marché et en supervisons la distribution.

C'est la société Warner Music, qui a son siège social à Toronto et des succursales un peu partout au Canada, qui s'occupe de la distribution de nos produits au pays. Pour ce qui est de la promotion et de la publicité, nous nous en remettons à une société torontoise spécialisée dans ce domaine.

Parmi nos artistes on trouve des interprètes de blues, de musique country, des chanteurs et des chansonniers. Dans le langage de l'industrie, nous nous situons dans ce qu'on appelle un « créneau ». Nous ne sommes pas vraiment dans le courant dominant. Nous avons tendance à évoluer en périphérie des marchés d'oeuvres à succès dont la vente est moussée fort efficacement par de grandes maisons de production. Notre marché et nos artistes s'identifient à la musique country. Nos principaux interprètes sont des gens comme Ian Tyson, Cindy Church, South Mountain, Steve Earle. Nous avons également des artistes de blues comme Long John Baldry, King Biscuit Boy, Amos Garrett et Rita Chiarelli.

.1045

Nous avons également un certain nombre d'artistes américains qui sont sous contrat avec nous, et nous commercialisons leurs nouveaux disques partout dans le monde. Il s'agit d'artistes comme Maria Muldaur, Jimmy Witherspoon et Duke Robillard.

Nos activités internationales de commercialisation touchent divers domaines. Nous exportons des produits finis partout dans le monde. Pour satisfaire les besoins de notre clientèle, nous vendons les matrices des oeuvres enregistrées par certains de nos artistes à des maisons qui s'occupent de la fabrication et de la promotion de leurs disques dans ces régions. Règle générale, avec un tel arrangement, les ventes ou le potentiel sont plus élevés. Cela permet qu'un agent local de commercialisation, un distributeur et une maison de promotion concertent leurs efforts pour stimuler la carrière d'un artiste. Ainsi, il est possible d'exporter davantage de copies d'un nombre limité de produits faisant partie d'une catégorie de musique spécialisée.

Nous nous occupons aussi de l'exploitation des droits d'auteur pour la publication d'oeuvres musicales. Dans une large mesure, les artistes avec lesquels nous travaillons composent leurs propres oeuvres. Nous représentons certains de ces artistes à titre d'éditeurs, ce qui nous permet d'avoir des arrangements avec des intermédiaires éditeurs un peu partout dans le monde et des contacts avec des maisons de production de disques, de films et d'émissions de télévision. Nous nous efforçons d'obtenir pour les artistes que leurs oeuvres soient utilisées pour la trame sonore de productions cinématographiques, pour des spectacles télévisés, etc.

Nous essayons aussi de faire connaître nos artistes et de les aider à organiser des tournées internationales partout dans le monde.

Une chose que nous avons apprise au chapitre de la commercialisation des oeuvres artistiques à l'échelle internationale, c'est qu'il est important de participer régulièrement à des foires commerciales. À l'heure actuelle, l'industrie de la musique est invitée chaque année à une bonne demi-douzaine de foires commerciales auxquelles il est très important de participer.

Ces foires ont considérablement augmenté en nombre depuis dix ans. Quand j'ai commencé à aller à des foires commerciales, il y a 17 ou 18 ans, il n'y en avait que deux, et l'une d'elles n'a pas survécu.

Dans l'industrie de la musique, les foires commerciales internationales représentent l'un des volets dont la croissance est la plus marquée. Nul doute que ces foires sont d'une grande utilité. Elles nous permettent notamment de mettre à jour nos connaissances sur ce qui se fait dans notre domaine, de savoir par exemple qui fait quoi.

Dans l'industrie de la musique, il est très important de prendre conscience du fait que pour établir de bons contacts, il faut pouvoir faire la connaissance de ceux qui se passionnent pour la même musique que nous. Il n'en est pas forcément ainsi dans les autres industries, mais je crois que ce doit être le cas dans les industries culturelles. On ne saurait nouer de meilleurs contacts qu'avec des personnes qui mettent leurs espoirs sur le même genre de musiciens et de musique que nous. Les relations sont alors marquées du plus grand enthousiasme.

Fréquenter les foires commerciales, faire des contacts personnels, et faire la connaissance de ceux qui partagent les mêmes passions que vous revêt une extrême importance. Ainsi menées, les affaires sont hautement personnalisées.

En allant à des foires commerciales, nous augmentons également nos chances d'être payés.

Bien sûr, il y a eu des problèmes à cet égard. Cela arrive dans toute entreprise.

Règle générale, les foires commerciales auxquelles nous participons comportent des séminaires et des ateliers, ce qui nous aide à nous tenir à jour en matière de technologie.

Un autre élément avantageux des foires commerciales, c'est qu'elles constituent une tribune de choix. Dans l'industrie de la musique et dans beaucoup de ces foires commerciales, différents artistes de partout dans le monde ont la chance de se produire devant une audience. Quant à nous, la participation à des foires a été extrêmement profitable, puisqu'elle nous a permis de produire nos artistes sur scène dans différentes parties du monde. Il n'existe pas de meilleur moyen de présenter ce que nous avons à offrir qu'en personne.

Nous sommes d'avis que pour promouvoir nos artistes, il s'imposerait de consacrer des sommes importantes au maintien d'une présence internationale aux foires commerciales. Dans notre cas, nous publions trimestriellement un bulletin d'information très étoffé, que nous faisons parvenir à plus de 3 000 personnes. Nous avons nos artistes en tournée, et les contacts sont réguliers et très personnels.

.1050

Comme je l'ai déjà mentionné, la musique sur disque ne constitue pas un produit de nature générique et ne peut pas être mise en marché de la même façon que les autres produits en général. C'est l'entreprise de production de disques qui est la mieux placée pour cibler sa clientèle et mousser ses ventes.

Au chapitre de l'exportation, ce sont nos associations qui sont le mieux en mesure de bien coordonner les initiatives. Nous nous estimons bien représentés par nos associations, notamment par CIRPA et FACTOR. Elles comprennent les besoins de nos membres. CIRPA organise des kiosques aux foires commerciales. CIRPA représente les producteurs de disques indépendants, les exploitants de maisons de production canadiennes.

Je vais maintenant vous faire part de certains des problèmes auxquels nous faisons face fréquemment.

Le coût élevé d'expédition des petites commandes décourage fréquemment les acheteurs étrangers. Dans notre cas, il nous a fallu des années pour confectionner un catalogue suffisamment complet pour qu'un acheteur étranger puisse commander régulièrement un nombre x de nouveaux disques à raison de 500 à 1 000 unités par commande et pour qu'il vaille la peine d'expédier le tout dans le pays concerné.

Du fait que nous travaillons dans un domaine spécialisé, les Américains ont à cet égard un avantage sur nous. Ils ont une foule de maisons spécialisées comme la nôtre, et ils se regroupent. À ce jour, nous n'avons pas encore su tirer systématiquement profit d'une telle pratique.

En outre, nous avons de la difficulté à percevoir nos comptes-clients, et il s'agit là d'un problème international. Les entreprises cultures n'ont souvent pas la vie longue.

Le coût élevé de la participation aux foires commerciales et de la commercialisation à l'échelle internationale par le biais de la publicité commerciale et des autres moyens de promotion pose également problème.

Voici nos recommandations.

Tout programme gouvernemental devrait invariablement être offert par l'intermédiaire de nos associations industrielles, notamment CIRPA et FACTOR. Ces associations sont les mieux placées pour bien faire valoir nos besoins et s'assurer que tout le champ est couvert.

Il est un aspect extrêmement important pour notre industrie. C'est la nécessité de prendre conscience du fait que, pour avoir un certain succès sur le marché international, nous devons d'abord être en mesure de réussir chez nous. Nous devons nous intéresser avant tout à notre propre marché. Il nous faut commencer à assurer le succès des artistes que nous voulons faire connaître à l'étranger de façon à avoir au moins une base pour les appuyer. Presque invariablement, un artiste n'acquiert sa renommée que lentement et graduellement. Il connaît d'abord un succès dans sa région, puis dans sa province, puis à l'échelle nationale canadienne.

Pour que nous puissions être concurrentiels sur la scène internationale, nous devons avoir ici même au Canada de solides mécanismes d'aide aux artistes, et ce qui nous manque à cet égard, c'est la reconnaissance de la nécessité de protéger la propriété intellectuelle au moyen d'une législation efficace et constamment à jour sur le droit d'auteur. La révision de cette loi permettrait de protéger les créateurs et leur assurerait des recettes sur les enregistrements à domicile, les droits voisins, la transmission numérique, etc. Toutes ces questions seront abordées au cours de la deuxième phase de la révision de la Loi sur le droit d'auteur, à laquelle, si je ne m'abuse, vous travaillez actuellement. Nos industries ont besoin de cette protection pour survivre et pour être en mesure d'être à la hauteur de la situation sur la scène internationale, car sur le marché international, les créateurs sont beaucoup mieux protégés par les lois sur le droit d'auteur qu'ici au Canada.

Nous croyons que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international devrait travailler en plus étroite coopération avec notre industrie et participer au financement des tournées internationales, des présentations et des foires commerciales.

Enfin, l'industrie canadienne du disque souhaiterait avoir un site sur Internet pour promouvoir, commercialiser et distribuer les oeuvres de nos artistes dans le monde par mode de transmission numérique. CIRPA poursuit cet objectif et est à la recherche de liens de partenariat pour son projet de site sur Internet. Toute contribution à cet égard serait hautement appréciée.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Peterson.

[Français]

Maintenant, est-ce M. Gauthier ou Mme Creary qui prendra la parole au nom des Éditions la courte échelle?

M. Bertrand Gauthier (président des Éditions la courte échelle): Je vais faire travailler un peu l'autre interprète parce qu'il n'a encore rien fait. Je vais lui faire gagner son salaire aujourd'hui.

Le président: Vous allez nous faire travailler intellectuellement?

.1055

M. Gauthier: Oui, intellectuellement, et avec les écouteurs pour certains. De toute façon, si vous voulez discuter de choses plus précises, Barbara pourra parler en anglais. Je comprends très bien l'anglais, mais j'aime mieux m'exprimer en français parce que cela m'est plus simple.

Il m'est difficile d'expliquer 18 ans d'histoire en 10 minutes, parce que La courte échelle a commencé son existence il y a presque 18 ans.

La première bataille internationale, je l'ai gagnée sur mon propre marché, sur le marché québécois et le marché canadien. Le Canada anglais est le marché domestique des États-Unis et le Québec est le marché domestique de la France. Du moins, la France aimerait bien cela! L'avantage qu'on a par rapport aux Français, c'est que le livre québécois est beaucoup moins cher à l'achat que le livre français, tandis que les éditeurs canadiens-anglais voient les Américains envahir le marché avec des produits à très bas prix. Cela commence même à affecter les lecteurs au Québec, parce que beaucoup de gens commencent à lire directement en anglais le livre d'un auteur américain au lieu de lire la traduction en argot parisien qui nous arrive au Québec.

Donc, notre première grande bataille a été de prendre notre propre marché. Comme je le dis souvent, la mondialisation des marchés, je l'ai vécue dès la fin des années 1970 et au début des années 1980 quand, après avoir publié quelques livres, je me suis aperçu que je n'étais nulle part dans les librairies. J'étais chez moi, mais je n'avais pas de place sur le marché. Donc, cela a été une longue bataille.

Le Canada, en général, a toujours préféré donner des subventions plutôt que de faire des lois protectionnistes. C'est un point de vue qui se défend.

J'aimerais vous donner un petit exemple des problèmes qu'on a pu vivre à un moment donné en ce qui a trait à l'exportation aux États-Unis. On avait eu une grosse commande de livres-jeux aux États-Unis et le chargement a été arrêté aux frontières. En effet, 60 000 produits, dans trois ou quatre camions, ont été arrêtés. Pendant deux jours, il a fallu se défendre parce qu'on disait que la mention «Imprimé au Canada» n'était pas exactement à l'endroit où on voulait qu'elle soit. Ce sont toutes sortes de méthodes comme celle-là qui font que les grands marchés sont difficiles à percer.

Donc, progressivement, en sept, huit ou neuf ans, on a réussi à devenir le leader québécois chez nous dans le domaine de la littérature jeunesse. On a aussi beaucoup vendu dans l'ensemble du Canada, pour les classes d'immersion et ainsi de suite. Il nous a fallu une dizaine d'années pour devenir le leader dans notre propre marché et alors, nous avons commencé à exporter. Nous exportons depuis environ huit ans. Au début, nous ne croyions absolument pas que nous pourrions exporter massivement tous nos produits.

Le Canada, dans l'ensemble, n'a pas compris une chose que les Européens ont comprise: la culture, c'est très rentable. Dans le domaine de la culture, il y a des gens qui sont passionnés, qui sont prêts à travailler pour 20 p. 100 du salaire de certains cadres de grandes entreprises. Vous créez de l'emploi facilement avec des gens du domaine de la culture, parce qu'ils y croient. Ils sont prêts à travailler pour peu pourvu qu'ils travaillent à ce qu'ils aiment. L'Europe a compris cela. La France et l'Allemagne ont transformé la culture en des valeurs commerciales très fortes. Ces pays-là font beaucoup d'argent en exploitant la culture.

Ici, c'est long. De plus, les gens de culture sont souvent vus comme des rêveurs, des gens non organisés. Au fond, souvent, dans le domaine de la culture, on trouve les meilleurs gestionnaires. Pour gérer des entreprises culturelles avec les petits budgets qu'on a, il faut de bons gestionnaires!

Donc, progressivement, on a réussi à percer les marchés internationaux. Le marché international qui devrait être pour nous le plus évident, c'est le marché français. Ceci est une grave erreur. De même, il n'est pas évident que le marché américain est le marché naturel des Canadiens anglais.

Nous, nous avons compris que la France était un marché comme tous les autres grands marchés mondiaux. Il s'agit de marchés déjà très saturés par les entreprises qui sont là, qui contrôlent bien leur marché. Donc, on a commencé à traiter la France comme un marché étranger, et cela a été notre salut.

.1100

Traditionnellement, au Québec, les éditeurs pensaient que c'était la France qui leur apporterait la consécration. Nous, nous avons compris que c'était l'ensemble de la planète, y compris la France. À partir de ce moment-là, nous avons constaté que tous les marchés nous étaient ouverts et nous avons fait des transactions en Chine, en Allemagne et un peu partout ailleurs dans le monde.

La France, progressivement, a commencé à être un marché intéressant pour nous. Comme je le dis souvent en blaguant, le jour où on aura traduit tous nos livres en anglais, on les enverra en France et on proposera aux Français d'acheter les droits de traduction de nos livres, même si nos livres ont été faits, à l'origine, en français.

On a souvent buté sur ce problème. C'est sûr que les Français n'arrivent pas du tout à vendre aux Chinois. Nous avons vendu 60 titres aux Chinois à ce jour.

Je reviens aux programmes. Comme le disait la porte-parole de la Susan Whitney Gallery, l'édition, en général, est très bien organisée au Canada et au Québec. Les deux associations travaillent très bien. Dans la culture, qu'on le veuille ou non, il y a vraiment une association des éditeurs québécois et une autre association, dont les éditeurs canadiens-anglais font partie. Nous faisons partie des deux associations et nous avons beaucoup de contacts avec l'ensemble des éditeurs du Canada anglais. Nous avons une soixantaine de livres qui sont déjà traduits en anglais. La collaboration est très bonne et ces deux associations travaillent étroitement, très souvent, à bâtir des programmes adaptés à l'ensemble du Canada. Ce n'est pas toujours évident, mais on y arrive le plus souvent.

Donc, dans l'ensemble, on est satisfaits des programmes déjà existants. Il ne faudrait absolument pas faire de coupures. Il y a trois volets importants présentement. Il y a une association qui s'appelle l'Association pour l'exportation du livre canadien. En anglais, elle s'appelle Association for the Export of Canadian Books. Cette association a un bureau permanent qui s'occupe d'aider les éditeurs, autant québécois qu'hors du Québec, à diffuser l'ensemble de leurs produits à travers le monde.

Il y a deux programmes différents. On aide d'abord les éditeurs en fonction des ventes qu'ils font à l'étranger, donc en fonction d'un rendement précis. Ensuite on les aide en fonction de leur participation à des foires internationales. C'est essentiel parce que ça nous permet de participer à ces foires et de faire des contacts à travers le monde.

Le Conseil des Arts, le troisième volet, est très important surtout pour les Québécois. Qu'on le veuille ou non, le français n'est pas du tout la langue universelle maintenant. C'est l'anglais. On doit rapidement traduire nos livres en anglais. On fait des résumés en anglais et on va même demander à des traducteurs de traduire des chapitres, etc. Donc, nous utilisons ce programme pour traduire nos livres en anglais, mais aussi, c'est un programme qui permet, par exemple, à un éditeur allemand ou norvégien qui s'intéresse à nos livres d'avoir le montant de la traduction dans son pays. Le Conseil des Arts va payer, par exemple, 500$, 600$ ou 700$ à un traducteur norvégien et cela nous aide beaucoup à compléter la vente. Tous les petits pays ont de plus en plus de difficulté avec leurs coûts de production. Dernièrement, à la foire de Francfort, on apprenait qu'un éditeur norvégien voulait signer le contrat parce qu'il avait la possibilité de se faire payer le coût de la traduction en norvégien.

Ces trois programmes sont vraiment essentiels.

Au niveau du financement, il n'est pas plus difficile d'avoir de l'argent pour l'exportation que pour le reste. Je dois admettre qu'il y a eu une évolution. Lorsque j'ai fait démarrer l'entreprise, il y a 18 ans, on pensait vraiment que celui qui s'occupait d'affaires culturelles était un rêveur. On disait: «C'est fini, il va faire faillite. Nous allons perdre notre argent.» Ça a beaucoup évolué parce qu'il y a maintenant de grands succès internationaux: le Cirque du soleil, la troupe Carbone 14, La La La Human Steps, la Courte échelle, le Festival du jazz de Montréal.

Ce sont des entreprises qui ont réussi à percer internationalement. Ce sont des entreprises très fortes qui ont réussi à devenir rentables. Bien sûr, la rentabilité dans le domaine culturel veut dire l'aide de l'État dans un pays comme le Canada, qui n'a pas une population assez grande pour entretenir toute une culture.

.1105

Donc, il faut voir le financement comme quelque chose de global. On est une entreprise qui compte maintenant 11 employés. Nous étions quatre employés en 1987. Pour une maison d'édition, 11 employés, c'est beaucoup, parce qu'il faut ajouter des centaines de pigistes: des écrivains, des illustrateurs, l'imprimeur, les libraires. Tout cela génère des centaines d'emplois.

Je terminerai en parlant de la fameuse TPS. Il y a eu une bataille majeure pour essayer d'empêcher que la TPS ne s'applique aux livres, qui étaient la matière grise à l'époque. Vous vous rappelez que cela a été une bataille épique. Au Québec, on n'a pas de taxe provinciale sur le livre.

À l'époque, on nous avait promis que des programmes compenseraient la TPS; on a respecté ces programmes pendant un an et cette année, on a coupé les programmes. Donc, les 28 millions de dollars de TPS qui sont rapportés par les livres sont allés au Fonds consolidé. On a oublié les promesses qu'on avait faites. Je pense que je me fais l'interprète des éditeurs canadiens-anglais en disant que la situation est encore plus catastrophique pour eux que pour les éditeurs québécois, parce que les éditeurs du Canada anglais doivent vivre une concurrence féroce et directe des éditeurs américains.

À mon avis, il est essentiel d'essayer d'aider ces éditeurs-là, et pas seulement au niveau international. Je sais qu'il existe une commission internationale et j'en profite pour la sensibiliser au problème suivant. Si les éditeurs ne réussissent plus à rentabiliser leurs affaires sur le marché national, ils ne trouveront pas les moyens d'exporter.

Grosso modo, je pense que les programmes tels qu'ils sont là sont bien pensés et bien faits. Il ne faudrait pas couper encore plus dans ces programmes-là. Pour le Canada, la clé, c'est l'exportation, la culture y compris. C'est toujours par la culture qu'on se fait connaître le mieux, il ne faut pas oublier!

C'est bien de vendre des wagons de toutes sortes ou n'importe quel produit manufacturé, mais la culture nous fait connaître, nous fait apprécier, et cela est une valeur ajoutée importante.

C'est à peu près tout ce que j'avais à dire. Je sais que je me suis promené, mais, que voulez-vous, il est impossible pour un président d'entreprise de s'en tenir à son sujet. Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Gauthier. Je suis bien content, car vous avez terminé votre exposé par une réflexion sur ce que nous avons dit dans notre rapport sur la politique étrangère du Canada. Je ne sais pas si vous avez lu le rapport de ce comité, mais nous avons dit exactement ce que vous avez dit, à savoir que la culture et les valeurs canadiennes s'exportent ensemble et qu'il est très important que le gouvernement canadien les soutiennent.

M. Gauthier: Si jamais je voulais me recycler, je pourrais demander à faire partie de votre comité.

Le président: D'accord, volontiers.

[Traduction]

J'ai M. Penson, M. Flis et M. Lastewka sur la liste.

M. Penson: Merci, monsieur le président.

Je pense avoir entendu deux différents sons de cloche, du moins de la part du comité, et j'aimerais qu'on y regarde de plus près. Je pense que Mme Whitney et M. Peterson cherchent à obtenir davantage d'aide pour la promotion de leur industrie plutôt que des subventions pour favoriser son développement. Si tel est le cas, je puis comprendre que vous ayez de la difficulté à vous prévaloir du PDME. Ce programme n'est peut-être pas vraiment conçu pour faciliter la promotion des produits culturels.

À mon sens, la culture est une entreprise. Je crois d'ailleurs qu'elle peut être très lucrative. Aux États-Unis, on l'a vu, l'industrie culturelle se situe dans les tout premiers rangs.

Mais quand on demande au gouvernement d'injecter des fonds dans le développement de la culture, cela me pose problème, monsieur Gauthier.

J'aimerais que les membres du panel nous disent ce qu'ils en pensent. Je crois qu'il est très légitime pour le gouvernement de s'occuper de promotion, de promouvoir cette activité commerciale-car les arts et la culture en constituent un élément fort important-et si dans cette voie nous faisons face à des difficultés, nous ne devrions rien ménager pour les surmonter en étroite collaboration avec l'industrie. Mais s'il s'agissait du développement de la culture-je sais qu'à cet égard mon point de vue est différent de celui de beaucoup de mes collègues-je voudrais que le gouvernement s'en désintéresse et qu'il s'occupe plutôt de promotion.

.1110

J'invite chaque membre du panel à exprimer son opinion là-dessus.

Mme Whitney: Dans l'état actuel des choses, les marchands d'oeuvres d'art n'obtiennent à toutes fins utiles aucune aide pour se rendre aux foires commerciales, sauf s'ils ont la chance d'obtenir une subvention dans le cadre du PDME.

L'une des questions sur lesquelles nous étions censés nous pencher, et que je n'ai pas abordée, est celle de l'aide que nous obtenons des institutions financières, ou du financement qui nous est offert. Eh bien, nous n'avons pas ce genre d'aide. Les institutions financières ne voient pas particulièrement les galeries d'art comme des entreprises solides à qui elles peuvent prêter.

Je sais que le gouvernement n'est pas en mesure de consacrer des fonds à des activités comme la participation à des foires commerciales à l'heure actuelle, mais pourquoi n'aurions-nous pas un programme du même genre que le PDME, davantage adapté à notre industrie? Nous serions par exemple parfaitement disposés à considérer les montants versés comme des prêts. Il nous paraîtrait tout à fait acceptable de devoir rembourser à même le produit de nos ventes les sommes qui nous seraient accordées.

Sans vouloir faire de peine à mes collègues, je tiens à signaler qu'il y a des fonds disponibles pour les autres industries culturelles qui veulent participer à des foires commerciales.

M. Penson: C'est donc vraiment de promotion que vous voulez parler.

Mme Whitney: Exactement. Mais il n'y a pas de fonds pour nous. Nous sommes en quelque sorte confondus parmi d'autres secteurs et sous-secteurs. Pour moi, les arts visuels constituent un sous-secteur. Actuellement, on ne nous aide d'aucune manière.

M. Penson: D'accord.

M. Peterson: Par promotion, entendez-vous uniquement la participation à des foires commerciales ou bien si songez aussi aux moyens à prendre pour rentabiliser votre activité?

M. Penson: Je souhaiterais que le milieu culturel soit traité comme n'importe quel secteur commercial; la culture est une entreprise commerciale. Nous offrons ce genre de services à d'autres entreprises. Les artistes participeraient à des foires commerciales, veilleraient eux-mêmes au développement de la culture, mais le gouvernement pourrait en toute légitimité promouvoir nos produits culturels. Quant à savoir s'il devrait en subventionner la production, j'ai à ce sujet une opinion différente de celle de certains de mes collègues, je pense. Mais je me demande ce que vous pensez de cette distinction.

M. Peterson: Je pense certainement que si le PDME était mieux adapté à notre industrie, cela nous aiderait à commercialiser nos oeuvres et à en faire la promotion.

À l'heure actuelle, en ce qui a trait à la participation à des foires commerciales, par exemple, et aux possibilités d'améliorer notre positionnement, une entreprise culturelle peut, par l'entremise de FACTOR, demander une subvention pouvant aller jusqu'à 10 000$ par année dans le cadre d'un programme mis sur pied par le SRDP. Au moment où il a été mis en place, ce programme visait, semble-t-il, à remplacer l'apport du PDME à l'industrie de la musique. FACTOR ayant maintenant moins d'argent à distribuer, le plafond de 10 000$ a dû être abaissé. Mais notre industrie a encore accès au PDME.

Le premier contact des sociétés de notre secteur avec le PDME n'a pas été très fructueux. Il me semble qu'à cet égard notre société a bon espoir d'obtenir un certain succès. Nous avons entrepris des démarches et on nous a encouragés à continuer dans le même sens. Mais il appert que d'autres sociétés plus petites que la nôtre dans notre domaine ne seront pas admissibles.

Je crois donc que le PDME est pour notre industrie un bon mécanisme pour obtenir de l'aide et que le programme pourrait être légèrement modifié de façon à le rendre mieux adapté à notre industrie. Notre cas est fort particulier en ce sens que nous n'offrons pas un produit standard. Ce n'est pas comme vendre un oléoduc dont le format et la valeur sont uniformes partout dans le monde. Nous vendons un produit culturel. Je pense aussi que la formule de demande devrait être légèrement modifiée de manière à aider les entreprises de notre secteur.

M. Penson: En réalité, il s'agirait de concevoir un programme plus flexible et qui tienne compte du genre d'industrie qui est la vôtre. Ce qu'on demande vraiment ici, c'est une aide à la promotion commerciale.

M. Peterson: Oui, c'est ce que je crois.

Mme Whitney: Je pense que l'une des raisons pour lesquelles beaucoup d'entre nous voient leur demande refusée dans le cadre du PDME, c'est qu'on nous estime trop petits-juste pour clarifier ce point.

Mme Barbara Creary (éditrice et directrice des droits étrangers, Les éditions de la courte échelle inc.): Peut-être ne s'agit-il que d'une question de sémantique, mais à mon avis, dans un pays comme le Canada, il est primordial que le gouvernement contribue au développement et au soutien des industries culturelles, qu'il s'agisse de l'édition, des arts, du théâtre, de la danse ou d'une autre discipline, en grande partie parce que nous n'avons pas un bassin de population suffisant pour soutenir ces industries.

.1115

Comme nous l'avons mentionné plus tôt, pour réussir sur la scène internationale, nous devons d'abord réussir chez nous. Il faut parfois un certain nombre d'années pour former nos artistes, nos créateurs. L'artiste ne peut sans cesse être le seul à investir dans son développement, car nous n'avons pas le bassin de population suffisant pour acheter nos produits culturels.

Si au Québec il peut y avoir cinq millions de francophones, ceux-ci ne sont certainement pas tous des acheteurs de livres. Nous voulions développer un certain produit, et dans notre cas, nous avons décidé il y a bien des années qu'il s'agirait de livres et de livres-jeux. Nous avons jugé qu'il nous fallait sortir de notre pays pour pouvoir maintenir la viabilité de notre entreprise, et nous l'avons fait. Heureusement, nous avons pour ce faire obtenu au fil des ans une aide gouvernementale.

Toutefois, cette aide ne cesse de diminuer. Comme Bertrand l'a mentionné tantôt, les programmes gouvernementaux de promotion de l'exportation des livres canadiens sont de bons programmes en eux-mêmes. Ils sont bien conçus et élaborés, mais n'oublions pas que d'année en année, il y a de moins en moins de fonds disponibles. À ma connaissance, de plus en plus d'éditeurs sont admissibles à ces programmes, de sorte que chacun d'eux obtient moins.

Je crois que le gouvernement devrait indéniablement s'employer à soutenir la promotion du livre à l'échelle internationale, mais je crois également que, dans une industrie culturelle, les livres, et probablement les arts et la musique, sont considérés comme du luxe. Ainsi, quand il faut se serrer la ceinture, ils sont parmi les premiers à être frappés par les compressions. Pourtant, nos produits culturels sont ce qui nous différencie des Américains, des Britanniques, des Français, des Italiens, etc. Voilà pourquoi je ne suis pas d'accord avec vous.

M. Penson: Je respecte cela, mais le point que j'aimerais souligner de nouveau c'est que nous connaissons actuellement de très graves difficultés financières. Je crois que nous devons également tenir compte de cette réalité. Nous nous dirigeons vers un déficit de 34 milliards de dollars cette année. Je comprends votre point de vue et je suis heureux que vous l'exprimiez. Je n'en dirai pas davantage.

[Français]

M. Gauthier: Je sais qu'il existe un déficit majeur, mais nous, les éditeurs, avons fait notre part cette année, n'est-ce pas? On a coupé nos programmes de 50 p. 100 tout à coup, sans avis. Ces programmes-là devaient servir à compenser la valeur de la TPS pendant une période de quatre ans et, au bout d'un an, on a enlevé ces programmes. Donc, nous faisons notre part, mais il ne faut pas nous en demander trop. Si le Canada veut devenir un valet des États-Unis, c'est son choix. On abandonnera la culture et on fera des affaires en tant que 52e État américain. De toute façon, on verra ce qui se passera bientôt. Voilà le hic! Il faut absolument avoir une fierté nationale. Autrement, il n'y a aucun intérêt à continuer.

La culture, c'est ce qui nous différencie. Le Cirque du soleil, vous en entendez parler partout dans le monde. C'est notre meilleur ambassadeur. Je suis certain que le Cirque du soleil a amené beaucoup de touristes au Québec ces dernières années. Mais on dirait qu'on a de la difficulté à évaluer tout l'impact de la culture.

De plus, la culture apporte une valeur ajoutée constante qu'un fabricant n'apporte pas nécessairement. Quand Bombardier vend ses wagons en Indonésie, à Bangkok, il est financé par la SEE, il a des prêts garantis, etc. Il y a des retombées sur le travail ici, oui, mais il n'y a pas de retombées mondiales. Le Cirque du soleil, Céline Dion et d'autres gens du milieu culturel, eux, apportent vraiment une valeur ajoutée à un pays. Ils lui apportent une identité qui va lui permettre, au plan international, d'être mieux connu et de faire de meilleures transactions.

On fait de bonnes transactions avec l'ensemble des pays parce que le Québec est différent de la France. On ne se fait jamais dire par un éditeur allemand ou italien: «Vous parlez un drôle de français!» On nous dit plutôt: «Vous faites de beaux livres pour enfants.»

[Traduction]

Le président: D'accord.

M. Penson devra entendre davantage de « k.d. lang ». Je crois que c'est son problème.

Vous feriez mieux de ne pas aborder cette question, monsieur Flis.

.1120

M. Flis: Merci, monsieur le président.

En formulant ses recommandations sur l'examen de la politique étrangère, le comité a recommandé de faire de la promotion et de l'exportation de notre culture, de nos valeurs, de notre éducation internationalisée un des piliers de notre politique étrangère.

Je félicite le personnel d'avoir saisi notre comité de la question de l'industrie culturelle pour que nous puissions examiner de plus près ce pilier de notre politique étrangère. Je suis heureux que nous ayons examiné le PDME, les programmes de participation aux foires commerciales et le rôle des consulats. M. Penson s'est déjà penché sur ces questions.

Les consulats estiment qu'ils doivent divertir les Canadiens qui sont à l'étranger, et je suis tout à fait d'accord avec cela. Ils peuvent divertir les Canadiens, mais je pense qu'ils doivent le faire sur le site même des foires de façon que les gens puissent voir les produits et les acheter. Voilà une excellente recommandation que devrait formuler le comité.

Je suis content que vous ayez fait état des obstacles que présente la TPS.

Monsieur le président, c'est un autre aspect que nous devrions examiner. À quels obstacles se butent les petites et moyennes entreprises lorsqu'elles essaient de pénétrer les marchés d'exportation?

On nous a dit que divers ministères tentent de coordonner leurs efforts pour soutenir l'industrie culturelle.

Susan, pouvez-vous nous fournir quelques précisions? De quels ministères s'agit-il?

Mme Whitney: Au sein de l'industrie culturelle, je suis membre d'un GCSCE, d'un Groupe de consultations sectorielles sur le commerce extérieur. Les ministères du Patrimoine canadien et du Commerce international ont abordé le groupe en question pour qu'il rédige un avant-projet.

Il y avait déjà un plan d'affaire international fort imparfait qui flottait dans l'air. Dès que je me suis joint à ce comité, j'ai dénoncé le fait que les arts visuels n'étaient pas inclus dans le projet. On a alors demandé à des représentants du GCSCE de rédiger l'avant-projet. Nous étions ravis d'être enfin consultés et de nous occuper de l'avant-projet.

Les deux principaux intervenants sont les ministères du Patrimoine canadien et du Commerce international. Le texte de l'avant-projet a maintenant été envoyé aussi aux provinces de façon que la promotion internationale de l'industrie culturelle fasse vraiment l'objet d'un effort coordonné et complet.

M. Flis: Des représentants d'autres secteurs d'exportation nous ont dit que les foires commerciales n'étaient pas très utiles. Certains témoins ont mentionné que la foire commerciale de Philadelphie s'était révélée une perte de temps et d'argent, etc. Dans votre industrie, quelle importance revêtent les foires commerciales?

Mme Whitney: Nous allons devoir répondre séparément.

Selon moi, elles sont importantes en raison des ventes directes qu'elles permettent sur les lieux mêmes de la foire et après-coup. J'habite dans une très petite ville en plein centre du Canada dans les Prairies. Recevoir régulièrement des appels téléphoniques de Los Angeles de la part de personnes qui veulent acheter mes oeuvres, de la part d'artistes qui lancent des invitations à partir d'une liste internationale d'envoi et qui obtiennent des réponses, s'est révélé un formidable stimulant pour mon entreprise.

Les produits vendus à l'occasion des foires se sont retrouvés un peu partout. J'ai participé à Los Angeles à une foire où avant même que l'ouverture officielle ne soit décrétée, j'avais vendu pour50 000$ d'oeuvres d'art, et j'en ai vendu d'autres pendant toute la durée du salon. L'année suivante, j'y suis retournée et j'ai vendu pour 5 000$.

Voilà qui est terrible pour le... J'ignore ce qui en a été de mes collègues. Dans le cas des arts visuels, c'est très imprévisible, mais il y a une sorte de continuité entre les foires.

M. Peterson: Dans notre cas, l'outil le plus important de commercialisation dont nous disposons, c'est notre présence aux foires commerciales, là où l'on rencontre les gens face à face.

À la fin de janvier dernier, j'ai participé à la plus grande d'entre elles, la foire commerciale MIDEM dans le sud de la France. Notre industrie est tellement petite qu'à toutes fins utiles tous les intervenants du monde entier peuvent se réunir à un même endroit une fois par année et voir quel genre d'affaires ils peuvent faire. C'est très bien organisé. Nous y avons un kiosque pour le Canada dans un endroit très visible. Il y a aussi un kiosque québécois, et je pense que les Canadiens et les sociétés canadiennes sont extrêmement bien représentés à cette foire commerciale.

.1125

Dans l'industrie de la musique, il y a environ une demi-douzaine d'autres foires commerciales qui ne sont pas tout à fait aussi importantes.

Quiconque veut faire partie de l'industrie de la musique n'a pas le choix de participer à ces foires commerciales. Il n'y a pas d'autres moyens. Elles sont incontournables.

M. Flis: Quelqu'un-je crois que c'est vous, monsieur Gauthier-a mentionné la troupe La La La Human Steps. J'ai eu le plaisir de voir évoluer cette troupe à Vienne, et je suis en mesure de témoigner de la chaude réception qu'elle a reçue de la part d'un auditoire étranger.

Je suis également allé à Cuba il n'y a pas longtemps, alors que Vic Vogel, un pianiste de jazz et chanteur du Québec, faisait équipe avec un pianiste et chanteur cubain. J'étais à Cuba pour trois motifs : pour visiter la foire commerciale, pour ouvrir un bureau consulaire, et pour voir le spectacle de Vic Vogel. Le lendemain, à Cuba, ce n'est pas l'ouverture des bureaux consulaires ni la foire qui faisaient parler tout le monde; c'était Vic Vogel.

J'ai réalisé comment cela était important. Comme vous l'avez mentionné, la culture est notre meilleur ambassadeur.

Comment promouvoir cette culture de manière rentable? Devons-nous mettre l'accent sur les foires commerciales? ou nous intéresser avant tout aux prestations de nos artistes et demander à nos ambassades et consulats de contribuer à la promotion de leurs spectacles? Nous sommes coincés financièrement, mais nous n'en sommes pas moins conscients de l'importance d'exporter les produits de notre industrie culturelle. Comment pouvons-nous le faire efficacement?

Mme Creary: Dans le monde de l'édition, le meilleur moyen de commencer à exporter c'est de participer aux foires internationales du livre. Je ne peux pas aller de pays en pays avec mes livres pour les montrer à tout le monde. Pourtant, il faut qu'on les voie, qu'on les touche, qu'on sache de quoi ils ont l'air, qu'on me connaisse, moi, et qu'on décide si on veut faire affaire avec moi ou non. Toutes ces démarches doivent être hautement personnalisées. Et quand vous retournez chez vous, entre les foires, on veut savoir si vous êtes efficace.

Quand j'ai débuté dans ce domaine à l'échelle internationale en 1987, il me fallait deux ou trois mois pour négocier un contrat, car tout se faisait par la poste. Quand il s'agit de contrat de cinq pages et plus, on exige de les voir. On ne se contente pas d'en parler au téléphone, ou je ne sais quoi. Cela prendrait trois, quatre ou cinq semaines. Aujourd'hui, il ne faut que trois heures pour télécopier un tel document ou un maximum de trois jours. Mais ils ont vu mes livres, ils savent de quoi ils ont l'air, et ils m'ont vu moi.

Je dirais donc que oui, l'activité vraiment incontournable dans l'édition, c'est la participation aux foires du livre. Il y en a d'importantes : la Foire internationale du livre de Frankfort qui a justement pris fin la semaine dernière; la Foire du livre pour enfants de Bologne, la plus importante au monde, qui se tient en Italie en avril. Il y a le congrès annuel de l'American Booksellers Association. Pour les quatre prochaines années, il se tiendra à Chicago. Depuis deux ou trois ans, la Foire du livre de Guadalajara a pris une très grande importance pour toute l'Amérique latine. Soit dit en passant, le Canada est le pays invité en novembre 1996 à Guadalajara.

Nous entendons profiter de cette invitation pour promouvoir bon nombre d'industries culturelles. Nous espérons y avoir La La La Human Steps, les nouveaux diplômés du Cirque du Soleil, Kashtin, qui est un groupe populaire d'autochtones québécois-ils n'aimeraient pas beaucoup entendre cela-Les Sortilèges, peut-être certains de nos orchestres symphoniques, et aussi des galeries d'art. D'ailleurs il y a une galerie d'art qui attend des choses du Canada à Guadalajara.

Les organisateurs de la Foire de Guadalajara invitent chaque année un pays et lui offrent un tas de possibilités. Ils offrent le gîte et une indemnité journalière. Ils nous demandent de payer les billets d'avion.

Nous tentons d'inciter d'autres entreprises à nous accompagner. Naya fait beaucoup d'affaires au Mexique, de même que Bombardier, Quebecor, Molson, etc. Nous voulons que ces entreprises viennent avec nous et qu'elles s'associent à un groupe culturel pour la présentation.

Nous sommes également en pourparlers avec des représentants de Tourisme Canada pour voir ce qui pourrait être fait. Nous avons une rencontre prévue avec eux plus tard ce mois-ci, et en novembre avant que je reparte pour Guadalajara.

.1130

M. Flis: Tous les témoins ont souligné l'importance d'assurer d'abord le succès d'un produit au pays avant de songer à l'exporter efficacement et productivement.

Monsieur Gauthier, vous avez mentionné dans votre mémoire écrit que le programme de traduction internationale a été mis en oeuvre par le Conseil des arts du Canada pour aider financièrement les éditeurs étrangers qui souhaitent faire traduire des oeuvres littéraires d'auteurs canadiens dans des langues autres que l'anglais et le français afin que celles-ci puissent être publiées à l'extérieur du Canada. Le budget prévu pour cette activité est de 200 000$.

S'agit-il de 200 000$seulement pour les livres dont vous avez demandé la traduction, ou s'agit-il du budget total?

Mme Creary: Il s'agit du budget total pour presque 200 éditeurs.

M. Flis: Pouvez-vous obtenir des subventions pour la traduction de vos ouvrages du français au chinois, de l'anglais au polonais, du français au grec, etc.? Il existe un important marché à l'intérieur même du Canada-et encore une fois, je sais que vous le faites déjà-pour vendre vos produits dans les différentes langues patrimoniales canadiennes. Ce même ministère dispose-t-il de fonds pour favoriser la traduction de ces livres destinés à être vendus sur le marché canadien?

Mme Creary: Non il n'y en a pas. Si nous voulions traduire Ça va mal pour Sophie pour la clientèle canadienne d'origine polonaise, nous n'obtiendrions pas de subventions pour le faire. Ce que nous devons faire pour être en mesure de publier un ouvrage en polonais, c'est de trouver une maison d'édition polonaise et de conclure un contrat avec elle. Cette maison embauchera ses traducteurs, etc., et le Conseil des arts du Canada lui versera une subvention pour qu'elle puisse payer ses traducteurs.

Toutefois, ce qui existe au Canada, c'est le programme à l'intention des maisons d'édition francoquébécoises désirant faire affaire avec des maisons d'édition anglocanadiennes. Il est alors possible d'obtenir une subvention.

M. Flis: Et vice versa?

Mme Creary: Oui. On subventionne la traduction de l'anglais au français et du français à l'anglais. Mais si je voulais publier mon propre ouvrage dans les diverses langues du Canada, je n'obtiendrais pas de subvention pour le faire.

M. Flis: Et il existe des divergences de vue au sein même de notre gouvernement à ce sujet, monsieur le président, car je crois que nous devrions consolider les fonds et englober dans le même budget les marchés intérieurs et internationaux.

Le président: Mais j'imagine, monsieur Flis, que si le livre était déjà en polonais pour le marché polonais, il ne serait pas interdit à nos éditeurs de le vendre aux Canadiens d'origine polonaise.

M. Flis: Oh non.

Le président: Une fois qu'il est traduit, il est disponible sur le marché intérieur.

M. Flis: Ce qui coûte cher, toutefois-et corrigez-moi si je me trompe-c'est de le faire traduire.

Mme Creary: Nous en avons fait l'expérience, car beaucoup de nos livres ont été traduits en espagnol, en chinois, en grec et en polonais. C'est difficile, car il n'existe pas ici un très grand marché pour, par exemple, des livres qu'un éditeur grec expédierait au Canada. Comme il ne s'en vend pas beaucoup, le coût des livres serait prohibitif.

Ce que nous avons fait, c'est que nous avons pris arrangement avec Champigny, un libraire de la rue Saint-Denis à Montréal, qui garde des exemplaires de tous nos livres dans toutes les langues. Le libraire en question a donc tout centralisé, et il se rend dans toutes les commissions scolaires et les bibliothèques publiques dans l'espoir de conclure des ventes et de les regrouper, mais c'est très difficile, car pour commander dix exemplaires de dix volumes de la Chine, ça coûte très cher. Voilà la réalité.

M. Flis: Merci.

Le président: Merci. Votre participation a été très utile.

M. Lastewka et puis M. Alcock.

M. Lastewka: Merci, monsieur le président.

Ma question a trait à l'aspect réglementation. Nous avons parlé de la TPS, de la question des droits voisins, de la réglementation commerciale, de la nécessité de conclure des ententes pour pouvoir exporter et vendre des objets d'art aux États-Unis, et de l'importance de la promotion à l'occasion des foires commerciales. Existe-t-il d'autres règlements qui nuisent à l'expansion et au développement de votre société? Y a-t-il des règlements canadiens qui constituent pour vous une entrave?

Mme Whitney: L'une des choses sur lesquelles notre association professionnelle travaille actuellement, c'est d'essayer d'organiser une foire artistique au Canada; ce projet occupe une place importante dans notre stratégie internationale de promotion. Je présume qu'il en va de même pour certaines autres industries; dans notre pays, nous n'avons pas d'importantes foires internationales en raison du contexte fiscal, des taxes de vente provinciales et fédérales.

.1135

Voici une des hypothèses de solution qui est ressortie d'une rencontre à laquelle je viens tout juste de participer. Nous nous sommes dit qu'il serait peut-être logique qu'on nous exempte de l'obligation de percevoir les taxes pendant trois jours dans l'éventualité où nous organiserions une foire artistique. Nous songeons à en faire la demande. Quelqu'un a suggéré que je saisisse le comité de cette question. Voilà pourquoi je lance cette question sur la table. C'est un réel problème que d'inviter des étrangers chez nous et d'avoir à composer avec ces deux taxes lors d'une foire commerciale. Je soulève donc cette question dès maintenant.

M. Peterson: J'aimerais juste revenir à la question de la protection des droits d'auteur. En ce qui a trait aux droits voisins, il y aurait des accords de réciprocité avec les pays européens qui ont déjà des lois pour protéger les droits d'auteur et qui tiennent déjà des comptes pour les artistes. Tant que le Canada n'aura pas conclu une telle entente de réciprocité, nous n'aurons pas accès au produit des droits prélevés pour diffuser les oeuvres de nos artistes canadiens à l'étranger.

À mon avis, il importerait avant tout de mettre à jour notre législation sur le droit d'auteur. Dans la préparation de la phase deux, on est encore loin du compte à cet égard, et, si je ne m'abuse, cette révision ne constitue que le second grand pas en avant dans ce processus depuis 1928. Nous n'avons vraiment pas fait grand-chose dans ce domaine. Il faudrait réellement que nous ayons un mécanisme permanent de révision, le progrès technologique étant ce qu'il est.

Mme Creary: Notre maison en particulier n'en sent pas vraiment le besoin, mais je dirais que, pour les éditeurs canadiens anglais, le pire problème, c'est qu'actuellement, la Loi sur le droit d'auteur comporte des lacunes en ce sens que, semble-t-il, elle permet que des ouvrages d'auteurs canadiens édités par une maison américaine... Prenons le cas par exemple d'une oeuvre de Margaret Atwood publiée au Canada par un éditeur canadien qui cède ses droits à un éditeur américain pour le marché américain. La loi actuelle permet à cet éditeur américain de faire appel à une maison de distribution des États-Unis pour revendre l'ouvrage au Canada à un prix bien inférieur à celui de l'éditeur canadien. Cela pose problème surtout pour les éditeurs du Canada anglais, qui sont si près des Américains.

Il va sans dire que les gens de l'Association for Canadian Publishers à Toronto tiennent à ce que cet aspect soit pris en compte dans la révision de la Loi sur le droit d'auteur. C'est le plus grave problème auquel ils doivent faire face actuellement, celui des livres exportés des États-Unis au Canada à un prix bien inférieur à celui demandé sur le marché canadien.

M. Lastewka: Par ailleurs, nous avons parlé des foires commerciales. Y a-t-il d'autres moyens que le gouvernement canadien devrait prendre, dans le cadre du système actuel, pour aider vos industries dans leur promotion?

Mme Creary: J'ai toujours pensé qu'il serait sympathique que les ambassades et consulats aient en main nos livres, et peut-être certaines de nos oeuvres d'art sur les murs.

M. Lastewka: Je me suis occupé de cette question également en ce qui a trait au vin.

Mme Creary: Est-ce culturel l'étiquette?

M. Lastewka: C'est une aide à la culture.

Mme Creary: J'ai toujours pensé que ce serait vraiment sympathique si les membres du personnel des ambassades et des consulats connaissaient mieux leurs auteurs et leurs artistes, qu'il s'agisse de chanteurs, d'interprètes, de créateurs en arts visuels, d'auteurs, d'illustrateurs... Il m'apparaît évident qu'il devrait y avoir une volonté en ce sens. Je sais que dans l'industrie de l'édition, nous serions prêts -« et quant à nous, nous l'avons déjà largement fait -« à leur remettre des livres dont ils pourraient disposer à leur guise. Nous les inciterions même à donner nos livres en cadeau aux visiteurs dans les divers pays. Nous essayons de leur faire savoir que beaucoup de nos titres ont été traduits dans la langue du pays où ils se trouvent.

Toutefois, le personnel change tous les deux ou trois ans. C'est beaucoup de travail pour nous compte tenu du peu que nous pouvons espérer recevoir en retour. Voilà pourquoi nous avons cessé cette pratique. Mais il n'en demeure pas moins qu'il serait souhaitable qu'il y ait une volonté politique pour inciter nos ambassades et nos consulats à exposer nos livres, nos artistes et tout le reste.

.1140

Le président: J'aimerais poser une question à M. Lastewka dans le même ordre d'idée.

Comme vous le savez, certaines de nos ambassades comptent parmi leur personnel un agent culturel, comme celle de Paris, par exemple, mais beaucoup de nos ambassades n'en ont pas. D'après votre expérience personnelle, trouvez-vous que les ambassades qui ont un agent culturel sont mieux en mesure de vous faciliter l'accès au marché et sont elles-mêmes plus sensibles aux questions que vous soulevez?

Mme Creary: Fondamentalement non, mais ça aide. Mais pas vraiment, puisque dans d'autres ambassades-vous avez raison-où l'on ne trouve pas d'agent culturel, je n'ai pas vraiment noté de différence.

Le président: Vous n'y trouvez pas plus de peintures...

Mme Whitney: C'est au petit bonheur.

Mme Creary: Fondamentalement, cela tient aux gens en place.

Le président: Cela dépend de chacun; c'est ce que vous êtes en train de me dire.

Mme Whitney: Certains agents commerciaux se sont révélés beaucoup plus efficaces et beaucoup mieux informés au chapitre des arts que les agents culturels.

Mme Creary: C'est exact.

Le président: C'est une grosse affaire. C'est intéressant. Merci.

Mme Creary: J'ai prévenu Warren Coutts que je raconterais ce qui suit, parce que j'ai été vraiment impressionnée. Quand je suis allée à Beijing en 1992, je n'ai pas été épatée par le personnel de notre ambassade canadienne. Mais en 1994, quand j'y suis retournée, j'étais fort impressionnée par la personne chargée des affaires culturelles, Richard King. Il s'est donné beaucoup de mal. Il s'est renseigné de son mieux sur tout ce qui concerne l'édition. Il s'est occupé de nous, mais il s'est aussi occupé de nos partenaires en Chine, ce qui est vraiment très important. J'ai beaucoup apprécié cela. C'est assez rare qu'on voit ça.

Le président: Merci.

Monsieur Alcock.

M. Alcock: Monsieur Peterson, j'ai été intéressé par vos remarques concernant le site sur Internet. Dans le cas d'un produit transmissible par mode numérique, ce moyen permet non seulement de l'exposer ou d'en faire la promotion, mais également de le vendre, électroniquement. Est-ce bien ce que vous avez à l'esprit, ou songez-vous simplement à un moyen d'exposer vos oeuvres?

M. Peterson: Fondamentalement, au point où nous en sommes, nous souhaiterions avoir un véhicule promotionnel comprenant des clips vidéo, des extraits d'oeuvres musicales, des communiqués de presse mis à jour, des calendriers de tournées, qui pourraient être diffusés dans tous les bureaux du gouvernement dans le monde, et des nouvelles fraîches du Canada. Pour ce qui est de vraiment transférer et de vendre un produit, je ne vois pas qu'à l'heure actuelle il s'agisse d'un objectif réaliste. Fondamentalement, un tel site pourrait servir de canal d'information instantanée et d'outil promotionnel efficace.

M. Alcock: C'est intéressant. Je sais qu'un certain nombre de maisons dans diverses parties du monde tentent d'acquérir la capacité de transférer et de vendre des produits. Mais évidemment, de là à pouvoir en favoriser la livraison instantanée, c'est une autre histoire.

Le défi que nous avons à relever ici même, c'est celui d'établir un mécanisme sécuritaire de gestion de la transaction qui nous permette de ne pas perdre de vue l'article vendu avant d'en avoir obtenu le paiement. Mais il m'apparaît évident que lorsque nous tenterons d'utiliser le système à l'échelle internationale, d'autres problèmes vont surgir. De même, je me demande dans quelle mesure, dans un tel marché, il sera possible de financer les transactions et d'obtenir du crédit. Je n'en sais rien, je me suis simplement posé la question pendant que vous parliez.

M. Peterson: Selon moi, un tel site est avant tout un véhicule promotionnel, mais, si l'on voit plus grand et que l'on songe à la transmission numérique et à la vente de musique grâce à ce canal, il va sans dire que tout cela deviendra un jour réalité et que le véhicule est déjà à l'étape expérimentale. À mon avis, ce genre d'innovation est inévitable, mais, de la façon dont je perçois ce programme, j'ai tendance à croire qu'il servira avant tout de véhicule promotionnel jusqu'à ce que certains problèmes de nature technologique, ainsi que les questions relatives aux droits d'auteur et aux paiements n'aient été résolus. Je crois que lorsque nous en serons là, les indépendants auront la possibilité de vendre leurs biens par l'intermédiaire de ce système, au prix courant ou établi sur le marché.

Vous avez raison, tout cela va arriver. Mais au point où nous en sommes, j'y vois davantage un véhicule promotionnel.

M. Alcock: D'accord.

Le président: Monsieur Penson.

M. Penson: J'aimerais que M. Peterson m'éclaire un peu mieux sur la question des droits voisins.

.1145

Nul doute que vous êtes au courant que les stations radiophoniques ne voient pas la question du même oeil. Pouvez-vous me renseigner sur la situation aux États-Unis au chapitre des droits voisins? Les artistes y sont-ils protégés en ce qui a trait aux redevances?

M. Peterson: Pas actuellement. C'est le cas en Europe. Oui, la radio s'y oppose. À l'heure actuelle, nos stations radiophoniques versent 3,2 p. 100 de leurs revenus pour les droits de reproduction de la musique en général. Une imposition de droits voisins représenterait pour elles des déboursés supplémentaires, un pourcentage quelconque à être établi par la Commission du droit d'auteur. De toute évidence, les stations radiophoniques s'y opposent parce qu'elles estiment n'être pas en mesure de payer davantage.

Je pense que les détenteurs des droits d'auteur ont pour leur part l'impression que la radio est certainement capable de payer davantage. Pour ceux qui ne seraient pas au courant de la façon dont fonctionne le système de droits voisins, disons que les sommes ainsi perçues sont remises au compositeur et à l'éditeur de la pièce musicale.

Les stations de radio ne versent pas de redevances aux détenteurs des droits d'auteur, qu'il s'agisse de la maison de disque ou d'une maison de production, ou encore des artistes eux-mêmes ou des chanteurs. Ces droits voisins seraient versés à ces deux sources, le détenteur des droits d'auteur et l'artiste qui a interprété la pièce musicale. Dans l'industrie, nous revendiquons énergiquement le paiement d'un tel droit.

M. Penson: Pourriez-vous me dire comment cela fonctionnerait dans le cas des artistes américains? Obtiendraient-ils également une redevance?

M. Peterson: Ils toucheront une redevance une fois qu'on aura également institué dans ce pays une loi sur les droits voisins.

M. Penson: Supposons que le Canada aille de l'avant sans que les États-Unis en fassent autant, qu'on fasse jouer sur une station de radio canadienne une pièce musicale d'un artiste américain. Est-ce que la station de radio devra alors verser une redevance pour cet artiste américain de la même façon qu'elle devrait le faire pour un artiste canadien?

M. Peterson: Le droit voisin s'appliquerait dans tous les cas, quelle que soit la provenance de l'artiste. Dès maintenant, la réciprocité s'appliquerait avec les organismes européens qui perçoivent cette redevance. Selon moi, il est inévitable que les États-Unis adoptent une telle loi également.

Tôt ou tard, tous les pays du monde auront emboîté le pas, ce que le Canada n'a pas encore fait.

M. Penson: La raison pour laquelle je vous ai posé cette question, et votre réponse m'a éclairé, c'est que je me demandais si nous ne risquions pas de désavantager nos artistes canadiens si les artistes américains n'étaient pas assujettis au même traitement.

Ce que je crois comprendre maintenant, c'est que si le Canada allait de l'avant dans ce domaine sans que les États-Unis en fasse autant, et qu'une station de radio canadienne fasse jouer un artiste américain et un artiste canadien, la station serait tenue de verser une redevance pour chacun des artistes.

M. Peterson: C'est exact.

M. Penson: D'accord.

Le président: Merci, monsieur Penson.

[Français]

Monsieur Gauthier, j'ai écouté attentivement ce que vous disiez au sujet des subventions du Conseil des Arts. Vous avez dit que les trois programmes qui existent sont tous les trois essentiels. L'un est provincial et les deux autres sont fédéraux, dites-vous?

M. Gauthier: Non. Les programmes provinciaux, je n'en parle pas ici.

Le président: On ne vous demande pas ce que vous recevez d'autres sources.

M. Gauthier: Je ne veux pas être accusé d'espionnage ou de quoi que ce soit.

Le président: Non. Je vous pose cependant une question supplémentaire. Est-ce que les programmes fédéraux et provinciaux sont complémentaires? Le comité aimerait le savoir. Est-ce qu'il y aurait moyen d'améliorer ce que nous faisons?

M. Gauthier: Oui.

Le président: Donc, est-ce qu'il y a complémentarité?

M. Gauthier: Je vais faire plaisir au comité, parce que je dois dire qu'au Québec, il n'y a pas encore de véritable politique d'exportation dans le domaine de l'édition. Depuis une quinzaine d'années, le Conseil des Arts et le ministère du Patrimoine canadien - je ne veux pas faire de politique - ont créé des programmes qui sont devenus extrêmement bien faits, extrêmement importants.

.1150

Il y a eu un développement. Le leadership, dans le domaine de l'édition, a beaucoup été exercé par le gouvernement fédéral par l'entremise du Conseil des Arts, du ministère du Patrimoine canadien, etc., et le Québec a toujours été un peu à la remorque.

Depuis la nomination du nouveau ministre que je ne nommerai pas, ce leadership a été perdu et les sommes d'argent fondent abondamment, si bien que présentement, le Québec est en train de remonter la pente au niveau de l'aide à l'édition.

Le président: D'accord.

M. Gauthier: Ces trois programmes-là sont fédéraux. Deux dépendent du ministère du Patrimoine canadien: l'aide aux éditeurs sur le chiffre d'affaires et l'aide à la participation aux foires internationales. Le troisième dépend du Conseil des Arts, et c'est l'aide à la traduction; 500 000$ sont toujours versés pour la traduction du français à l'anglais ou de l'anglais au français et 200,000$ pour les traductions en d'autres langues.

Le président: Oui, mais laissons la question des montants, parce que cela est toujours un peu difficile...

M. Gauthier: C'est parce qu'il y avait une question de...

Le président: J'aimerais savoir s'il y a complémentarité ou concurrence entre les deux. Si je vous ai bien compris, il s'agit plutôt de complémentarité que de concurrence.

M. Gauthier: C'est complémentaire.

Le président: Ce n'est pas nécessairement vrai dans tous les domaines, mais au moins dans votre domaine, ce l'est.

M. Gauthier: Oui. De toute façon, le domaine de l'édition en est un où les fonctionnaires et tous les autres qui y ont travaillé ont fait du bon travail. Les coupures des deux dernières années ont été faites de façon un peu aveugle, mais il existe vraiment des programmes et on a une industrie qui est relativement en santé par rapport à d'autres présentement. C'est cependant une industrie. Toute industrie culturelle est fragile maintenant, étant donné la mondialisation des marchés.

Le président: Madame Creary, vous parliez de la réimportation ou de l'importation des livres d'écrivains canadiens imprimés aux États-Unis ou ailleurs. Est-ce un problème pour l'industrie canadienne? D'après ce que j'ai compris, selon M. Gauthier, ce ne l'est pas pour l'industrie québécoise, parce qu'un écrivain tel que John Ralston Saul, par exemple, qui est venu comparaître devant ce comité, est publié en France. Il a écrit Voltaire's Bastards: The Dictatorship of Reason in the West. Cela ne peut pas faire concurrence au Québec, parce qu'en France, les livres sont beaucoup plus chers qu'au Québec. Donc, si c'est publié au Québec, il n'y a pas de concurrence française. Vous êtes un peu protégés par le marché.

J'aimerais revenir à ma vraie question. Est-ce que vous plaidez en faveur d'une exception culturelle dans ce domaine pour nos compatriotes anglophones ou est-ce que vous croyez que si on crée un marché vraiment nord-américain, on permettra aux éditeurs canadiens d'exporter vers les États-Unis, mais aussi de prendre le risque de subir des exportations vers le Canada?

C'est un peu ça, le problème que nous devons tous envisager dans tous les domaines, n'est-ce pas?

Mme Creary: Mes collègues anglophones au Canada aimeraient bien exporter leurs livres aux États-Unis, où il existe un marché de 270 millions de personnes, mais ce n'est pas la réalité. La réalité, c'est qu'ils doivent céder leurs droits à une maison d'édition américaine. C'est comme cela que ça fonctionne.

Même nos meilleurs auteurs canadiens-anglais, dont Margaret Atwood, gardent souvent leurs propres droits, leur propre copyright là-dessus, et ils ont eux-mêmes des agents ici qui cèdent ces droits-là aux États-Unis, en France, en Norvège, en Espagne, etc.

Ce qui est malheureux pour mes collègues anglophones au Canada en ce qui a trait aux livres qui sont publiés aux États-Unis par des maisons d'édition américaines, en anglais évidemment, c'est que l'éditeur américain s'en lave les mains. Il dit: «Ce n'est pas moi qui vends le livre au Canada, mais mon distributeur américain, et je n'ai pas tellement de contrôle dessus. Je lui envoie une lettre pour lui dire qu'il ne peut pas vendre.» Lui, il diffuse 50 000 titres. Dans cela, il se perd quelque chose.

On sait très bien que ces gens savent ce qu'ils font, mais il faut avoir une loi et des règlements pour régler cela. Si on n'agit pas par le biais de la la Loi sur le droit d'auteur, il faudrait peut-être agir par les douanes.

.1155

Il faut être créateur et trouver des solutions pour eux.

Le président: Vous dites que notre marché est ouvert, sinon en droit, du moins en fait, mais le leur ne l'est pas, ni en droit ni en fait.

Mme Creary: Les Américains, traditionnellement, refusent systématiquement nos produits aux douanes. Bertrand vous a raconté tantôt l'anecdote du Printed in Canada. C'est la règle du jeu. Heureusement, je suis avocate. Quand on nous a téléphoné, aux douanes, pour nous dire qu'on avait arrêté 60 000 livres-jeux parce que l'inscription Printed in Canada n'était pas assez grosse, on était mal placés. En vertu de quelle loi pouvions-nous agir?

Il a fallu deux jours avant qu'on ne me réponde. Il n'y a pas de loi là-dessus. Nous étions en règle. D'autres compagnies ramènent leurs produits et la compagnie américaine dit alors: «Too bad! Je n'ai pas les produits et je ne paie pas.» Tout ça crée des problèmes.

Le président: La question de la marque a toujours constitué un problème pour nous.

M. Gauthier: Pour le Québec, le problème n'est pas le même, mais il existe bel et bien un problème. Souvent, nos auteurs québécois, après un certain succès, vont publier directement en France et leurs livres nous reviennent. Mais à ce moment-là, l'éditeur québécois perd. Il y a beaucoup de bons auteurs québécois - Anne Hébert, Michel Tremblay, dernièrement Jacques Poulin - qui publient directement en France. Les livres nous reviennent et ils sont très chers, et on n'a pas l'équivalent dans l'édition québécoise. Au Canada anglais, on a souvent sa propre édition et cette édition concurrence les éditions étrangères. J'ai l'impression que c'est plus au niveau des douanes que ça peut se régler qu'à celui de l'exception à la règle. Si on fait une exception, il faudra la faire aussi pour le Québec.

[Traduction]

Le président: Monsieur Lastewka, avez-vous une dernière remarque à formuler? Nous devrons ensuite terminer.

M. Lastewka: J'avais deux autres questions, mais l'une d'elles vient de trouver réponse. J'avais mal compris ce qu'on en avait dit tantôt, mais cela me semble plus clair maintenant. Nous devrions reprendre cette discussion en comité à un autre moment.

Mon autre question concerne les subventions pour la traduction internationale. Si j'ai bien saisi ce que vous avez dit, il semble que les subventions canadiennes sont versées à des éditeurs étrangers qui veulent faire traduire le livre dans leur langue. Prenons l'exemple du polonais. Si nous voulions faire traduire et publier dans cette langue un ouvrage au Canada puis vendre ensuite le livre dans ce pays, obtiendrions-nous une subvention pour la traduction?

Mme Creary: À mon humble avis, en tant qu'éditrice canadienne, je crois savoir qu'il me faudrait avoir conclu un contrat avec une maison d'édition polonaise pour la traduction de ce livre vers le polonais. Cela permettrait au gouvernement de prendre connaissance du contrat et de dire « Oh, oui, le contrat existe; c'est réel », et on engagerait un traducteur.

Le traducteur peut être engagé en Pologne par la maison d'édition polonaise, ou il peut s'agir de quelqu'un qui vit au Canada, mais en vertu du programme de traduction internationale du Conseil des arts, c'est l'éditeur polonais qui sera payé, lequel, en retour, paiera pour la traduction.

Peut-être peut-on faire exception dans le cas d'un traducteur qui demeurerait au Canada. Je n'en sais rien, je n'en ai jamais eu l'expérience.

M. Lastewka: Monsieur le président, sur ce point, peut-être que les recherchistes pourraient nous venir en aide et nous dire de quelle façon les choses sont censées fonctionner. Cela nous permettrait de nous interroger plus avant à ce sujet.

Mme Creary: La recherche est faite.

Le président: Merci, monsieur le président de l'Association parlementaire Canada-Ukraine.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Au nom des membres du comité, je tiens à remercier vivement nos panelistes pour avoir accepté de passer du temps précieux avec nous. Nous ne sommes pas sans savoir que les entreprises de la taille des vôtres requièrent une présence continuelle, une attention immédiate. Vous avez été très aimables d'avoir sacrifié de votre temps pour le consacrer à notre rencontre d'aujourd'hui. Nous avons le sentiment d'avoir vécu avec vous une expérience fort enrichissante.

[Français]

Merci beaucoup d'être venus témoigner.

[Traduction]

Membres du comité, nous nous reverrons à 15 h 30 cet après-midi pour parler des institutions financières internationales. Nous aurons avec nous M. Gordon Smith, le sous-ministre, qui fera pour nous le point sur cette question.

.1200

Je vous rappelle que nous avons bien sûr une autre séance jeudi matin, que nous ajournerons quelque part après 10 h, mais je vais vous faire parvenir un avis à ce sujet.

Je vous remercie beaucoup. Nous nous reverrons à 15 h 30.

Retourner à la page principale du Comité

;