[Enregistrement électronique]
Le mardi 17 octobre 1995
[Traduction]
Le président: Je ne veux pas me faire mal aux jointures, mais je n'ai pas de maillet, et j'aimerais bien déclarer la séance ouverte. Il est déjà 11 h 05. Il faudrait commencer.
Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-93. Nous allons écouter le témoin qui vient de prendre place, après quoi nous allons procéder à l'étude article par article.
Nous recevons aujourd'hui M. Ted Pietrzak. Il est directeur administratif du Musée des beaux-arts de Hamilton, et président du secteur gouvernement et arts de l'Organisation des directeurs des musées d'art canadiens, organisation mieux connue sous le nom de CAMDO.
Nous recevons également encore une fois, pour le cas où nous aurions besoin de son aide,M. David Walden, du ministère du Patrimoine canadien.
Monsieur Pietrzak, nous allons vous écouter. J'ai la certitude que vous répondrez volontiers à nos questions si nous en avons. Je vous en prie.
M. Ted Pietrzak (directeur administratif du Musée des beaux-arts de Hamilton, et président du secteur gouvernement et arts de l'Organisation des directeurs des musées d'art canadiens): Je vous suis très reconnaissant de m'entendre sur cette question que la communauté muséale juge très importante.
Permetttez-moi de vous dire d'emblée que l'Organisation des directeurs de musées d'art canadiens accorde la plus haute importance à ce projet de loi. Nous avons suivi ce dossier de très près et avons eu plusieurs fois l'occasion de faire entendre notre voix.
Si nous n'avons pas de mémoire aujourd'hui, c'est parce que nous en avons remis un au ministre Dupuy le 24 mai 1994, où il était question des recours mentionnés dans le projet de loi C-93.
Pour commencer, je vais vous dire qui je suis et qui sont les organisations que je représente, soit l'Organisation des directeurs des musées d'art canadiens et le Musée des beaux-arts de Hamilton, dont je suis le directeur administratif depuis trois ans et demi.
Je vais d'abord vous parler de CAMDO. Certains d'entre vous connaissent cette organisation. Elle compte 54 membres, des musées grands et petits, du musée des beaux-arts du Canada à la Kamloops Art Gallery, de la Bibliothèque de Cambridge et du Musée des beaux-arts de l'Ontario à la Galerie d'art Beaverbrook du Nouveau-Brunswick.
L'organisation a pour fonction de mettre en oeuvre des initiatives de valorisation professionnelle à l'intention des directeurs administratifs des musées; de collaborer étroitement avec les gouvernements et d'édifier de bonnes politiques et de bonnes structures de soutien; de partager des renseignements; et d'énoncer et de faire respecter des normes de probité professionnelle dans notre domaine.
Je préside notre comité sur les gouvernements depuis environ cinq ans, et j'ai travaillé très étroitement avec des élus ainsi que des fonctionnaires en vue de la création de la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels.
Sur le plan professionnel, il y a environ 14 ou 15 ans que je suis directeur de musée. Il y a 25 ans que je suis dans le domaine, j'ai travaillé dans cinq musées des beaux-arts, et les termes museum et art gallery sont pour moi synonymes.
Je connais parfaitement la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels parce que j'ai collaboré à la facture de la loi en tant que représentant de CAMDO ainsi que du musée que je représente.
Le Musée des beaux-arts de Hamilton est - cela surprendra certains d'entre vous - le troisième musée des beaux-arts de la province de l'Ontario, après le Musée des beaux-arts du Canada et le Musée des beaux-arts de l'Ontario. Le musée a une collection de 8,000 oeuvres d'art. Son budget annuel d'exploitation est de 1,7 million de dollars, et il n'emploie que 19 personnes.
Afin d'illustrer ce que vais vous dire plus tard dans mon exposé, je tiens à vous confier qu'en raison des diverses compressions dans nos recettes, nous avons dû éliminer un tiers de notre personnel au cours des trois dernières années. Je vais donc tâcher de faire valoir la nécessité de cette loi pour notre musée des beaux-arts et la communauté muséale en général.
CAMDO a beaucoup fait pour faire entendre sa voix dans l'interprétation et la rectification de la loi. Nous sommes d'avis que c'est une loi d'une importance nationale extrême. Nous avons participé à la définition de l'expression «importance nationale», nous avons proposé des améliorations concernant les méthodes d'évaluation, nous avons recommandé des changements dans les pratiques professionnelles des musées et nous nous sommes employés à faire éliminer l'arbitraire et les droits acquis. Je crois que l'approche que nous avons prise à cet égard était plus proactive que réactive.
Je suis ici aujourd'hui pour deux raisons précises: premièrement, pour dire l'importance de la loi pour le peuple canadien, d'aujourd'hui et de demain; et, deuxièmement, pour illustrer l'importance des changements que nous proposons au projet de loi C-93.
Comme je vous le dis, nous avons remis un mémoire détaillé au ministre le 24 mai 1994, où nous faisions valoir nos préoccupations du moment. Ces préoccupations avaient trait à la reddition de comptes, aux améliorations de l'appréciation de la valeur marchande, aux recours, à la création d'un organisme autonome et à la définition de l'importance nationale.
Dans notre mémoire, nous avons réitéré notre ferme soutien à la création de la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels, qui doit être un instrument efficace et important de la politique gouvernementale si l'on veut stimuler les dons au patrimoine de notre pays.
CAMDO a pu proposer toutes les améliorations qu'elle voulait. Nous avons souvent rencontré le président actuel de la Commission et nous avons eu deux rencontres avec le ministre.
Dans nos discussions, nous avons parlé des problèmes dont vous êtes saisis aujourd'hui. Le projet de loi C-93 prévoit des recours. Je vais vous citer notre mémoire au ministre:
- Il arrive que la commission sollicite d'autres opinions sur la valeur marchande d'une oeuvre
d'art. La commission ne dit jamais pourquoi son opinion est plus valide que celle d'autres
experts. Comme elle refuse de motiver ses décisions, la commission s'expose à des accusations
d'arbitraire. Le donateur n'a d'autre choix que de faire don de l'oeuvre d'art à une valeur
réduite ou de refuser de faire le don. Le musée est souvent forcé d'absorber le coût de
l'évaluation originale même si sa validité a été infirmée par la commission.
- Il faut donc une procédure de recours.
Je crois que des recours sont nécessaires pour de nombreuses raisons. Avant d'entrer dans les détails, j'aimerais vous dire brièvement l'importance de cette loi pour les musées.
J'ai des statistiques qui montrent qu'un grand nombre de musées ont besoin des dons d'oeuvres d'art. Plus de 90 p. 100 des oeuvres qui composent les collections proviennent des dons. À l'heure actuelle, par exemple, le budget d'acquisition du Musée des beaux-arts de Hamilton a été réduit de 100 000$, qu'il était il y a trois ans, à zéro cette année. Il est donc plus important que jamais d'avoir cette loi si l'on veut stimuler les dons.
M. Hanrahan (Edmonton - Strathcona): J'invoque le Règlement, monsieur le président. Le témoin peut-il répéter cette dernière phrase au sujet des 100 000$ à zéro? Je n'ai pas saisi le contexte.
M. Pietrzak: Il y a environ trois ans, le budget d'acquisition du Musée des beaux-arts de Hamilton était de plus de 100 000$.
M. Hanrahan: D'accord.
M. Pietrzak: Les sommes dont on nous faisait don ou que nous recueillions par nos recettes en vue d'acquérir des oeuvres d'art se situaient dans les six chiffres. Cette année, c'est zéro. C'est zéro parce que nous avons dû prendre cet argent pour assurer l'exploitation. Les subventions gouvernementales ayant diminué, il a fallu employer ailleurs le budget d'acquisition, situation que vivent presque tous les musées des beaux-arts de notre pays.
Le maintien de la loi est très important pour une autre raison. Je sais qu'il n'est pas question de cela ici, mais à cause du budget d'acquisition limité qu'ils ont, les musées petits et moyens ne peuvent se permettre d'achats importants.
Au cours des 10 dernières années, le Musée des beaux-arts de Hamilton a acheté des oeuvres d'art d'une valeur de 120 000$, 60 000$ et 40 000$. Il s'agissait là d'achats appréciables. Comme nos fonds d'acquisition diminuent dans certains cas, il nous est impossible de faire l'acquisition de grandes oeuvres d'art.
Nous avons également constaté que l'incitation fiscale permet de conserver des oeuvres au Canada. Je sais que vous le comprenez aussi bien que moi.
Je vais maintenant vous dire l'importance des recours pour la communauté muséale et nous-mêmes. Je vous ai donné lecture de la position que prenait CAMDO dans son mémoire d'il y a un an.
Nous sommes aujourd'hui d'avis que le recours prévu corrige l'oubli du projet de loi original. On établit en fait ce qui aurait dû être permis plus tôt et avait été oublié. Nous croyons que c'est le droit légitime non seulement du propriétaire, mais aussi du demandeur, de demander pourquoi une décision a été rendue et d'obtenir des renseignements supplémentaires le cas échéant.
Le recours oblige également la commission à rendre compte de ses décisions. Il faut qu'on rende compte de la façon dont les décisions sont prises, non seulement au donateur et au demandeur, mais aussi au public canadien.
Enfin, le recours permet beaucoup plus de transparence pour ce qui est de l'évaluation de l'oeuvre d'art, qui a toujours été la question la plus litigieuse pour la commission et la communauté muséale.
À mon avis, et c'est également l'avis de l'institution que je représente et celui de l'Organisation des directeurs des musées d'art canadiens, les questions que nous posons n'ont parfois rien à voir avec l'importance de la loi. Je pense que nous sommes tous d'accord. Je crois aussi que nous sommes d'accord pour dire que l'État a une responsabilité pour ce qui concerne la valorisation de notre patrimoine et de notre culture.
Nous sommes peut-être tous d'accord pour ce qui est des recours, mais nous ne sommes peut-être pas tous d'accord avec la nature de la loi. Certains y voient une échappatoire pour les riches. J'ai donc vérifié auprès de certains collègues canadiens, et j'ai découvert quelques faits remarquables.
Je n'ai pas d'informations quantifiables à vous remettre en raison du délai très court qu'on m'a donné lorsqu'on m'a invité à vous faire un exposé.
Mais j'ai vérifié auprès de musées grands et petits, de St. John's à Calgary. J'ai constaté que certains de ces musées, par exemple l'Art Gallery de Peterborough, reçoivent les trois quarts de leurs dons de ce qu'on appelle des «gens ordinaires». Nous avons tâché de définir qui étaient ces gens ordinaires avant de faire ces vérifications au téléphone. Nous avons établi que le revenu moyen de ces ménages ordinaires étaient d'à peu près 75 000$.
Le directeur du musée de Peterborough m'a décrit les grandes oeuvres d'art qu'il avait acquises grâce à des enseignants, des bénévoles et des entreprises locales. Un enseignant de la région a fait don au musée d'un dessin de Varley. Des bénévoles qui habitaient autrefois dans la région ont fait don de dessins de FitzGerald.
Le cas n'était pas isolé. J'ai vérifié auprès de la Memorial Art Gallery de Terre-Neuve et du Labrador. Le directeur m'a dit hier qu'un superviseur de l'aéroport lui a fait don de quatre tableaux de peintres contemporains. Un enseignant a fait don de quatre gravures contemporaines. Un ministre anglican à la retraite lui a donné des oeuvres d'art. Le directeur affirme que 80 p. 100 des dons faits à la Memorial Art Gallery proviennent de gens ordinaires. On a recueilli au total pour une année environ 600 oeuvres d'art.
J'ai parlé à l'archiviste de la Winnipeg Art Gallery, qui m'a dit qu'une grande partie des oeuvres d'art inuites proviennent de personnes qui ont voyagé dans le Nord, mais qui ne sont pas nécessairement riches. L'archiviste considère qu'il s'agit de gens ordinaires qui croient dans la ville et l'institution. L'archiviste affirme que 50 p. 100 de sa collection provient de telles personnes. L'an dernier, il a reçu environ 200 oeuvres d'art ainsi.
Les artistes sont aussi de grands donateurs. Nous savons que nombre d'artistes - la majorité d'entre eux - constituent l'un des groupes socio-économiques les plus pauvres du pays. Plusieurs musées auxquels je me suis adressé m'ont dit que des artistes avaient fait don d'oeuvres d'art importantes, importantes pour eux et importantes pour les musées qui les ont accceptées. Ces artistes ont ainsi obtenu un avantage fiscal.
Le Nickle Art Museum a reçu récemment un certain nombre d'oeuvres d'art d'un marchand d'oeuvres d'art local, qui a décidé de faire don de certains éléments de son stock parce qu'il déménageait. Ce même marchand a aussi fait promettre à des artistes de la région de donner de leurs oeuvres au musée. Certaines pièces importantes font désormais partie de la collection du Nickle Art Museum ou en feront partie dans un avenir prochain. Le musée doit aussi recevoir des cahiers de croquis d'une personne du lieu qui les a trouvés sans les chercher à une vente aux enchères d'objets d'art.
Pour ce qui est de la Kamloops Art Gallery, j'ai découvert que 50 p. 100 de ses dons proviennent de soi-disant gens ordinaires - des oeuvres d'art d'artistes comme Barbara Astman, Ann Kipling et Ian Wallace, et des oeuvres d'art que possédaient des collectionneurs de la région - et on a mentionné qu'il y avait plusieurs médecins donateurs.
J'ai des exemples qui concernent le Musée des beaux-arts de Hamilton. Nos statistiques démontrent qu'environ 30 p. 100 de toutes les oeuvres d'art dont on nous a fait don en 1993 provenaient de ce groupe de personnes qui ne sont pas riches, et cette proportion était de 14,7 p. 100 en 1994. On a reçu environ 220 oeuvres d'art en 1993, et 91 l'année suivante. Nous avons reçu des oeuvres de 25 artistes, des oeuvres qui, à notre avis, constitueront un témoignage important de l'art contemporain pour les siècles à venir. Nous avons reçu des oeuvres d'art de guides, de bénévoles et de personnes qui avaient entendu dire que nous montions une exposition de tel ou tel artiste.
Depuis que je suis là, j'en suis venu à croire que les personnes qui font des dons au Musée des beaux-arts de Hamilton ne font pas des dons pour des crédits d'impôt. Je crois qu'ils font des dons parce qu'ils croient en l'institution, croient en ce qu'elle fait, et croient qu'ils contribuent au bien général et qu'ils donnent quelque chose au public canadien. Il y a des gens riches qui croient cela, et il y a des gens pauvres qui croient cela.
Je vous ai remis un catalogue. Deux reproductions dans ce catalogue sont identifiées par des autocollants jaunes. Il s'agit de deux oeuvres d'art importantes qui circulent aujourd'hui sur le continent. Elles proviennent du Musée des beaux-arts de Hamilton et sont actuellement en montre à New York. Elles nous ont été données par un certain Roy Cole en 1992. Il ignorait l'existence de la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels. Il ne savait pas qu'il avait droit à des avantages fiscaux et ne s'en souciait pas particulièrement, mais il était heureux en effet d'obtenir un allégement fiscal. Il n'a pas fait de chicane quant à la valeur marchande de son don. Comme c'était d'ailleurs le cas depuis plus de 40 ans, ce qu'il voulait, c'était faire don d'oeuvres d'art importantes à la collection du musée des beaux-arts.
Hier soir, j'ai fêté quelque chose avec ce monsieur. Nous avons fêté un don qu'il a fait en 1967 au Musée des beaux-arts de Hamilton pour honorer la mémoire de sa famille. Il avait acheté, argent comptant, un tableau de Tom Thomson d'une valeur de 60 000$ qui fait à peu près trois pieds sur quatre. Il ne l'a pas revendu pour en tirer un profit énorme; il a acheté comptant à ce moment-là pour en faire don, tout de suite, au Musée des beaux-arts de Hamilton. Il a également fait don d'autres oeuvres qu'il avait achetées il y avait très longtemps de cela sans se préoccuper des avantages fiscaux que cela pouvait lui donner.
J'ai rendu visite à une dame retraitée qui a 90 ou 93 ans. Elle a été bénévole au musée pendant une quarantaine d'années. Au cours de ces années, elle a fait l'acquisition d'oeuvres d'artistes connus des années trente et quarante grâce à notre programme de location d'oeuvres d'art. Elle les avait payées 100$ ou 200$, on peut encore voir les étiquettes à l'arrière de ces tableaux. Elle nous en fait don, non pas pour obtenir des allégements fiscaux, mais parce qu'elle croit dans notre institution.
Je crois, et mes collègues le croient aussi, que même si l'encouragement prévu par la loi originale et les modifications subséquentes va aider les musées, le gros des dons que nous recevons ne sont pas motivés par les allégements fiscaux. On peut mettre cela en doute, et les gens peuvent avoir des points de vue différents, mais d'après moi, c'est ce qui se produit au Musée des beaux-arts de Hamilton.
J'aimerais conclure en rappelant la nécessité du projet de loi C-93 pour CAMDO. Les changements sont non seulement équitables, ils consolident également la loi.
Je serais heureux de répondre à vos questions.
Le président: Merci, monsieur.
Nous allons commencer par M. Hanrahan, qui me dit qu'il a deux ou trois questions à poser.
M. Hanrahan: Merci beaucoup. Je crois que nous allons partager notre temps.
Monsieur, c'était un très bon exposé, et je vous en remercie. J'aimerais vous poser quelques questions de nature plus technique, et j'ai aussi une question qui est une opinion.
Nous avons entendu un témoin jeudi dernier qui nous a dit qu'en vertu de ce projet de loi 300 institutions canadiennes profiteraient de l'allégement fiscal, de l'abattement, appelez cela comme vous voulez. Votre organisation regroupe 54 institutions. Pourquoi cette distinction? Y a-t-il une autre organisation qui fait la même chose que vous, ou s'agit-il d'universités par opposition aux musées?
M. Pietrzak: CAMDO représente expressément des musées des beaux-arts; ce n'est donc que l'un des groupes qui ont augmenté leurs collections grâce à la loi. Il y a aussi les musées d'histoire naturelle et les archives, et je crois que toutes ces institutions sont représentées à la commission.
M. Hanrahan: Existe-t-il une organisation cadre pour tous ces groupes?
M. Pietrzak: Pas pour tous ces groupes, mais je crois qu'il existe des organisations cadres pour les archives, par exemple.
M. Hanrahan: D'accord. Vous dites que 80 p. 100 des oeuvres dont on fait don au Canada proviennent de gens ordinaires. Vous dites aussi que le gros des dons qui sont faits à votre musée de Hamilton ne proviennent pas de gens qui veulent des allégements fiscaux, mais de gens qui veulent tout simplement faire un don au Canada.
Je crois qu'il y a deux choses ici. Si le gros des oeuvres vous sont données par des gens qui ne veulent pas vraiment d'allégements fiscaux, mais qui veulent simplement contribuer au patrimoine canadien, pourquoi alors tous ces recours? Voici l'autre question que j'ai: si 80 p. 100 des oeuvres proviennent de gens ordinaires, pourquoi avez-vous dit 75 000$, et quelle est la valeur des autres20 p. 100?
M. Pietrzak: La valeur des dons?
M. Hanrahan: Oui, la valeur des 20 p. 100 qui restent.
M. Pietrzak: Ça, je ne le sais pas. Mais j'imagine que certaines des oeuvres les plus coûteuses proviennent des plus riches.
M. Hanrahan: Donc, même si 80 p. 100 des oeuvres vous sont données par des gens ordinaires, elles ne totaliseraient que 5 p. 100 de la valeur des dons qui sont faits.
M. Pietrzak: C'est fort possible.
M. Hanrahan: D'accord.
Une dernière question. À votre avis, s'agit-il ici seulement d'oeuvres d'art canadiennes? Par exemple, si je voulais - ou si je pouvais - faire don d'un Renoir ou d'un Rembrandt, est-ce que je bénéficierais de cette mesure?
M. Ianno (Trinity - Spadina): Voilà un donateur moyen.
M. Hanrahan: Oui, j'en ai trois ou quatre dans mon sous-sol.
M. Pietrzak: Disons pour commencer que, selon le sondage non scientifique que j'ai fait sur les dons provenant de gens ordinaires, selon l'expression du directeur de Peterborough, le pourcentage de tels dons se situe entre 14,7 p. 100 et 80 p. 100. Pour un musée comme celui de Peterborough, c'était les trois quarts, soit 66 p. 100. C'était 80 p. 100 à Terre-Neuve et 50 p. 100 à Winnipeg. Le musée Nickle nous a dit que c'était un montant appréciable, mais ne pouvait nous donner de détails. À Kamloops, c'était 50 p. 100.
Les directeurs me disaient d'où ces oeuvres venaient. Puis nous nous sommes demandé pourquoi on faisait de tels dons et d'où les autres dons provenaient. Il ne fait aucun doute que certains des dons les plus appréciables viennent de gens qui sont extrêmement riches. Ces oeuvres, comme celles qui figurent dans le catalogue que je vous ai remis, appartenaient à ces familles depuis quelque temps déjà. Certaines ont été achetées au prix fort - par exemple le Tom Thomson, qui a été acheté pour 60 000$ dans les années soixante - à un moment donné, ou elles ont pu être achetées à un prix plus bas.
Néanmoins, ce qu'on m'a répété, c'est que la majorité des gens font des dons parce qu'ils croient dans le musée, et dans notre cas il existe un lien quelconque avec le Musée des beaux-arts de Hamilton. Les gens peuvent donner à plusieurs autres musées. Souvent, l'avantage fiscal les encourage à donner. Parfois, ils en sont étonnés et, parfois, c'est important pour eux. Mais je ne crois pas que ce soit l'essentiel pour ces gens. Ils pourraient faire des dons à d'autres musées, mais ils ont un certain attachement à ce musée.
Pour un petit pourcentage de la population qui possède des oeuvres d'arts de très, très grande valeur, et qui pourrait décider de les envoyer à l'étranger, cela peut être une motivation. On le voit particulièrement du côté des oeuvres non canadiennes, et cela se rapporte à la question de mon opinion.
Nous avons des oeuvres d'art qui nous ont été données et qui ne sont pas des oeuvres canadiennes. Nous nous sommes efforcés... L'an dernier, il s'agissait de 150 photographies de Clarence Sinclair Bull, le photographe de plateau de MGM, dont vous avez sans doute vu les portraits de Greta Garbo et de Clark Gable. Il s'agit d'oeuvres d'archives d'une très grande importance et qui se trouvent actuellement dans notre pays.
M. Hanrahan: Mais ce ne sont pas des oeuvres canadiennes.
M. Pietrzak: Je pense qu'elles sont importantes pour la compréhension de notre patrimoine. Je crois que la relation entre le Canada, en tant que pays, et le reste du monde se voit dans l'art produit, qu'il s'agisse de littérature, d'arts visuels, de théâtre ou de danse. Pour comprendre la peinture abstraite canadienne, il faut nécessairement être au courant de ce qui se passait à New York dans les années cinquante et soixante. Malgré la controverse, je défends cette position, notamment au sujet de l'acquisition de la Voix du Feu. Les idées sont universelles.
M. Hanrahan: Je cède la parole à mon collègue, si vous le permettez.
M. Solberg (Medicine Hat): Combien ai-je de temps, monsieur le président?
Le président: Vous avez une minute et dix secondes.
M. Solberg: Je vais poser ma question plus tard, dans ce cas.
M. Hanrahan: En fait, si nous avons une minute et dix secondes...
Le président: Soixante-dix secondes.
M. Ianno: Maintenant, quarante.
M. Hanrahan: Ravi de voir que vous êtes de retour, Tony.
Votre budget d'acquisition est passé de 100 000$ à zéro. Le reste a été réaffecté au fonctionnement du musée. J'aimerais savoir ce que font la plupart des musées pour amasser les fonds nécessaires aux acquisitions: s'agit-il de dons en argent, des profits d'activités commerciales, y compris la vente de livres comme celui que vous nous avez montré, ou de campagnes de financement auprès d'entreprises privées, et quoi d'autre? Ces activités augmentent-elles à mesure que les subventions gouvernementales diminuent?
Le président: Je présume que cette réponse sera très courte, puisque nous avons presque écoulé le temps de cette ronde de questions.
M. Pietrzak: En fait, elles augmentent. Notre priorité est toutefois de garder nos portes ouvertes, afin que le public puisse voir nos collections. C'est pourquoi les fonds ont été réaffectés. Actuellement, les musées font preuve de beaucoup de créativité pour trouver des revenus, et je pourrai vous en reparler plus tard, en tête-à-tête.
M. Hanrahan: Merci beaucoup.
Le président: Merci.
Avant de donner la parole à M. Ianno, je vais poser une question.
Est-il utile de se demander pourquoi les gens font des dons d'oeuvres d'art? Après tout, les donateurs potentiels ne peuvent obliger un musée à prendre leurs oeuvres. Il faut répondre à certaines règles, à certains critères artistiques. À quoi sert-il donc d'essayer de déterminer si quelqu'un a fait un don par altruisme ou philanthropie, ou simplement pour obtenir un crédit d'impôt? Si c'est une question d'affaires qui satisfait les deux parties, pourquoi se poser des questions?
M. Pietrzak: D'un point de vue philosophique, ce n'est pas nécessaire. Mais on croit à tort que cette loi est destinée particulièrement à contenter ceux qui ont des raisons personnelles de faire des dons.
Le président: Des raisons personnelles?
M. Pietrzak: Oui, des raisons financières. D'après mon expérience auprès des donateurs et des institutions avec lesquelles j'ai travaillé, je crois qu'il y a un engagement réel envers le patrimoine du Canada et envers les Canadiens de l'avenir.
Le président: Mais, monsieur, si ces dons sont un bienfait pour le musée, nous devrions simplement être reconnaissants du fait que bien des gens ont des raisons personnelles d'agir ainsi.
M. Pietrzak: Oui.
Le président: Monsieur Ianno, vous avez un maximum de huit minutes.
M. Ianno: Merci, monsieur le président.
Lorsque vous nous avez fourni des statistiques, vous avez suscité ma curiosité au sujet des musées, des pourcentages, etc. S'agit-il de pourcentages du nombre d'oeuvres d'art ou de la valeur des oeuvres d'art?
M. Pietrzak: Il s'agit de pourcentages du nombre d'oeuvres.
M. Ianno: Quels seraient les pourcentages relatifs à la valeur des oeuvres?
M. Pietrzak: Je n'ai pas cette information.
M. Ianno: Comment cela se fait-il?
M. Pietrzak: C'est parce qu'il s'agit d'un sondage téléphonique mené à la sauvette afin d'avoir une idée de ce qui se passe dans le milieu.
M. Ianno: Je vais revenir au point de vue adopté par M. Hanrahan. Je suis curieux. Ce n'est pas le genre de questions que je pose habituellement, et je tiens à dire que nous donnons notre appui aux musées et à la cause du patrimoine, etc. Mais je suis un peu préoccupé parce que vous avez utilisé l'expression «pauvre» - ce dont les pauvres seront sans doute ravis - et «du comptant», ce à quoi je reviendrai dans une seconde.
J'aimerais savoir quelle est la différence entre 1 000$ comptant et 1 000$ en crédit d'impôt. C'est peut-être un peu comme la vieille blague: «Qu'est-ce qui pèse le plus: 1 000 livres de plumes ou 1 000 livres de plomb?» Je suis un peu étonné que vous nous donniez des statistiques pour essayer de nous convaincre de certains faits, mais que, lorsque je vous pose une question au sujet de la valeur des oeuvres d'art, vous ne puissiez pas me répondre. Pourquoi obtenir des données sur le nombre d'oeuvres d'art seulement si vous voulez démontrer que les ménages moyens ayant un revenu annuel de 75 000$ donnent des oeuvres au musée par attachement pour celui-ci?
Peut-être que ma question devrait être posée au ministère du Revenu, par exemple, mais pour s'assurer que le système soit juste et que chacun contribue à la société, le chiffre de 75 000$... Faudrait-il choisir un plafond en crédits d'impôt, le reste étant donné...? Comment cela fonctionne-t-il? Comme vous l'avez dit, la plupart des gens avec qui vous avez traité font des dons par bonté de coeur et en raison de leur attachement à la société et au musée qu'ils connaissent bien. Pourtant, quelqu'un de chez vous les informe des crédits d'impôt offerts.
Je ne connais pas très bien les gens riches, mais je sais qu'ils ont habituellement de très bons comptables et de très bons avocats prêts à les conseiller sur tout ce qui touche la protection de leur fortune. Vous semblez me dire le contraire.
J'ai une autre question: à votre avis, pourquoi a-t-on laissé tomber le processus d'appel en 1991? Lorsque la commission fait l'évaluation d'une oeuvre, si un crédit d'impôt n'est pas une motivation importante, sauf pour certaines personnes, bien entendu, à quoi sert tout ce travail? J'aimerais connaître votre point de vue.
M. Pietrzak: Au sujet des statistiques, elles ne sont pas scientifiques du tout. Il s'agit d'un sondage téléphonique que nous avons effectué pour savoir ce qu'on en pensait dans le milieu. En raison notamment d'un manque de temps, le sondage demeure incomplet. La plupart des musées vivotent, et il faut énormément de temps pour faire une ventilation, même en termes de catégories d'oeuvres, c'est-à-dire celles qui ont une valeur canadienne ou autre. Notre travail a donc été très difficile. Je m'intéressais à la perception selon laquelle seuls les riches font des dons.
M. Ianno: La perception se rapporte donc à la valeur des oeuvres, et pourtant vous n'avez aucune statistique à ce sujet?
M. Pietrzak: Non, la perception se rapporte au revenu des donateurs.
M. Ianno: Oui, mais comme le disait M. Hanrahan, et vous ne l'avez pas nié, si 80 p. 100 des oeuvres sont données par des Canadiens moyens, mais qu'elles ne représentent que 5 p. 100 de la valeur totale, alors les oeuvres représentant 95 p. 100 de cette valeur sont données par des Canadiens ayant un revenu dans une autre catégorie. C'est ce que je déduis de vos statistiques. C'est tout ce que je voulais dire.
M. Pietrzak: Bien entendu, comme je l'ai déjà dit, certaines des oeuvres de grande valeur sont la propriété de gens fortunés. Mais nous les recevons certainement aussi. Elles proviennent de gens fortunés, mais aussi de personnes qui n'ont pas le même revenu. Je pense que les deux sont importants.
Vous avez raison de dire que la valeur des oeuvres d'art provenant des gens riches est probablement supérieure, bien que je ne sache pas dans quelle mesure. Elles viennent aussi d'autres donateurs. Ce que je veux dire, c'est qu'il n'y a pas que les riches qui nous aident et qui en profitent, même si l'avantage est moindre pour le Canadien moyen.
Vous avez dit quelques autres petites choses. Vous avez demandé pourquoi le processus d'appel avait été abandonné. Je ne sais pas. Peut-être a-t-on cru que la Cour canadienne de l'impôt pourrait se charger des appels.
M. Ianno: Y a-t-elle réussi?
M. Pietrzak: J'ai entendu parler d'une affaire très importante, impliquant le Musée des beaux-arts de l'Ontario, qui a coûté très cher à toutes les parties intéressées, j'en suis convaincu. Je pense qu'il est moins coûteux d'avoir un processus d'appel à la commission même. Cela, pour une raison toute simple. Laissons les experts étudier le dossier et se prononcer. Je pense que c'est le genre de conclusion que vous tirerez de votre travail.
Le président: La réponse à votre question est toute simple, monsieur Ianno. Le changement législatif s'est produit en 1991, par un transfert de l'évaluation de Revenu Canada à la commission. Le processus d'appel a été omis de ce transfert, par inadvertance. Cette loi vise à corriger l'erreur; c'est tout.
M. Ianno: Le projet de loi n'a-t-il pas été étudié en comité à l'époque?
Le président: Je présume que oui, mais on a laissé de côté cette question. Nous corrigeons simplement une erreur commise il y a quatre ans.
C'est tout?
M. Pietrzak: Puis-je répondre à la dernière question? Je crois que vous m'avez demandé pourquoi le crédit d'impôt était important pour certaines personnes riches.
M. Ianno: Non, ce n'était pas ma question.
M. Pietrzak: Bien. Peut-être puis-je améliorer ma réponse à votre première question.
Certains des plus importants donateurs d'oeuvres d'art aux musées sont des artistes canadiens contemporains qui, pendant une longue période, n'ont eu que des revenus modestes. Mais s'ils connaissent le succès, une certaine année, ils peuvent avoir des hausses subites de revenu.
Leurs oeuvres deviennent si coûteuses pour les musées que les artistes voient évidemment l'avantage d'en faire don à un musée qui a une collection d'oeuvres semblables. Ils peuvent profiter de l'avantage fiscal sans pour autant faire partie du groupe des Canadiens les plus fortunés. C'est un avantage important, mais pas seulement pour les artistes. Étant donné que nos fonds d'acquisition fondent comme neige au soleil, nous ne pourrions nous permettre d'acheter ces oeuvres, pas plus que tout autre musée canadien.
Le président: Monsieur Solberg. Nous sommes maintenant dans une ronde de questions de cinq minutes.
M. Solberg: Merci beaucoup, monsieur le président. J'ai quelques questions.
Tout d'abord, avant l'entrée en vigueur de cette loi en 1977, les Canadiens faisaient tout de même des dons aux musées. Et jusqu'à ce moment les musées avaient réussi à survivre pendant une très longue période. Ma question porte sur la grande majorité des gens qui, d'après vous, font des dons par pur altruisme. Pourquoi ce programme est-il nécessaire, particulièrement si le crédit fiscal est conçu de manière à ne profiter qu'aux gens qui ont des revenus élevés? Cet avantage fiscal n'est certes pas conçu comme les autres, pour lesquels il y a un plafond de crédit. Pouvez-vous me répondre?
M. Pietrzak: Je crois toujours - les faits le prouvent - que des oeuvres d'art ont quitté notre pays, des oeuvres importantes que nous aurions dû garder. Moi-même et d'autres membres du milieu muséal estimons que ces oeuvres étaient importantes pour notre société et notre avenir. Elles sont parties parce que rien ne les retenait. D'après certaines personnes, des mesures incitatives sont nécessaires.
M. Solberg: On pourrait avoir un régime si bon qu'aucune oeuvre ne quitterait jamais le pays. C'est une question de degré, n'est-ce pas?
Mais il s'agit là d'un argument arbitraire, puisqu'il y a de toute façon des pertes, à moins qu'on ne dise: nous paierons n'importe quel prix pour n'importe quelle oeuvre qui risque de quitter le pays.
M. Pietrzak: Il y aura des pertes, mais certaines personnes feront des dons à cause de cet avantage supplémentaire. C'est une incitation supplémentaire pour eux. Ils ont un attachement particulier pour le musée. Ils ont peut-être quelques hésitations, notamment au sujet de la façon dont les oeuvres étaient autrefois évaluées. Nous avons subi des pertes et nous voulons les éviter. Lorsqu'on impose des contrôles, cela se fait-il au sein du musée, afin qu'une oeuvre figure ou non dans ses collections?
M. Solberg: Savez-vous combien de dons étaient faits chaque année aux musées avant 1977?
M. Pietrzak: Je n'en ai aucune idée.
M. Solberg: C'est pourtant à mon avis un renseignement très important, ne pensez-vous pas? J'aimerais savoir si cette loi a eu ou non un effet positif, à part pour les personnes qui l'ont utilisée dans une certaine mesure pour payer moins d'impôt.
M. Pietrzak: Diverses choses peuvent nuancer cette opinion. En 1977, je présume que l'activité artistique était moins importante qu'elle ne l'est actuellement, puisque nous avons depuis insisté davantage sur les arts dans l'éducation et amélioré l'infrastructure des galeries commerciales. Les choses ont beaucoup évolué. Je crois que la production est plus importante de nos jours.
M. Solberg: Bien. Mais il serait bon d'avoir ces chiffres, tout de même. La comparaison pourrait être très intéressante.
Au sujet du processus d'appel, je crois comprendre que la Cour de l'impôt est actuellement surchargée de travail. Il y a un arriéré d'environ 6 000 dossiers, d'après ce qu'on nous dit, et 22 juges pour tout le pays. Si un appel à Revenu Canada se retrouve devant la Cour de l'impôt, tout cela pourrait être retardé pendant fort longtemps. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?
M. Pietrzak: Je ne pense pas que le processus d'appel auprès de la Cour canadienne de l'impôt augmentera de beaucoup. Je crois vraiment qu'on s'en tiendra à la commission. Je dis cela parce que je sais que le donateur doit s'engager à présenter l'oeuvre d'art avant qu'un appel soit entendu au niveau de la Cour de l'impôt. Je pense que si c'est important, le donateur en tiendra compte au départ.
M. Solberg: En fait, cette loi est destinée plutôt à une minorité, n'est-ce pas?
M. Pietrzak: Que ce soit ou non pour une minorité, il est difficile de dire qui cela touchera. Certaines années, il pourra n'y avoir aucun appel, alors que pour d'autres les appels pourraient se multiplier en raison du processus ou de nouveaux renseignements. L'existence de la procédure d'appel fait comprendre que nous sommes prêts à revenir sur nos décisions relatives à l'évaluation. Nous disons: voici ce que nous avons considéré et comment nous avons pris notre décision. Je pense que ce genre d'ouverture est importante à divers points de vue, comme je l'ai déjà dit.
Le président: Votre temps est épuisé, et je crois que Mme Gaffney a demandé à poser une question.
Mme Gaffney (Nepean): Je veux vous remercier d'être venu vous présenter au comité. Je suis très impressionnée par votre exposé. Malheureusement, je n'a pas lu le rapport que vous avez fait parvenir au ministre en mai 1994, mais le secrétaire parlementaire pourrait peut-être nous en donner copie.
Manifestement, vous connaissez très bien le sujet. Je crois même que vous avez dû lire la transcription de notre dernière séance. Vous avez répondu à toutes sortes de questions que nous avons posées lorsque les fonctionnaires sont venus ici pour représenter les musées.
Il y a tout de même une chose que j'aimerais savoir. Vous dites qu'actuellement, c'est le Canadien moyen qui fait des dons et que les gens riches ne sont pas les seuls à profiter de cette loi. Je ne suis pas tout à fait d'accord, et je crois que Revenu Canada est également préoccupé par la question. Qu'est-ce qui empêcherait quelqu'un qui a les poches bien pleines d'acheter un bien d'importance historique nationale, que les musées convoitent vraiment, et de le donner à un musée simplement pour profiter de l'avantage fiscal, et non pas pour des raisons philanthropiques?
Si cela inquiète Revenu Canada, qu'est-ce que vous et les autres membres du milieu muséal faites pour contrôler ce genre de situation?
M. Pietrzak: Lorsqu'on nous a mis au courant de ce genre de manipulation, si je peux utiliser cette expression, CAMDO s'est demandé quelles mesures nous pouvions prendre sans attendre les demandes du gouvernement ou de ses fontionnaires. Nous avons eu une réunion des directeurs d'un bout à l'autre du pays qui nous ont fait part de leurs points de vue et qui ont déposé un document de travail, lequel a été étudié en détail avec le personnel de la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels. Dans ce document de travail, nous avons fait des recommandations en vue d'instaurer un certain contrôle d'éléments qui, auparavant, échappaient totalement à notre contrôle.
Nous avons recommandé que les musées, les directeurs de musées d'art sachent qui est le propriétaire de l'oeuvre d'art; je dis bien le propriétaire, et non pas le donateur. En effet, il est arrivé à l'occasion que ce soit l'agent d'un donateur éventuel qui s'intéresse à cela. Cela permet de mettre à jour davantage d'informations quant aux intentions des gens ou des particuliers qui sont parties prenantes dans la transaction. Ces préoccupations et d'autres seront exprimées à l'occasion d'une réunion de l'Organisation des directeurs des musées d'art canadiens qui aura lieu à Vancouver à la fin du mois.
En outre, nous mettrons au point un code de déontologie pour l'acceptation des dons et des cadeaux. Je dirais donc qu'actuellement la communauté des muséologues prend des mesures sur ces deux plans.
Le président: M. Ianno a une question.
M. Ianno: Je suis curieux. Vous avez dit que quand les gens vont dans le Nord... la moitié des oeuvres sont achetées par des Canadiens ordinaires avant d'être données à des musées. Je suis simplement curieux de connaître le processus.
Supposons que je vais dans le Nord et que je paie 1 000$ pour une oeuvre d'art et que tout à coup je veux en faire don à un musée; mais elle vaut peut-être 10 000 ou 20 000$. J'ai peut-être payé des frais de poste pour la faire livrer chez moi, ou bien cela m'a coûté quelque chose pour la rapporter avec moi dans mes bagages. Je prétends donc qu'elle vaut maintenant 20 000$, même si je l'ai trouvée quelque part à moindre prix. Comment puis-je la faire évaluer?
M. Pietrzak: Premièrement, je ne me suis peut-être pas exprimé clairement. Je parlais de gens qui ont fait de longs séjours dans le Nord, et non pas de gens qui y sont allés pour acheter des oeuvres d'art.
M. Ianno: D'accord.
M. Pietrzak: Et le chiffre est de 50 p. 100 dans l'ensemble, pas seulement pour les oeuvres inuites.
Il y a un processus de contrôle. Premièrement, on fait une proposition au musée, et si l'on juge que l'oeuvre est de qualité et s'insère bien dans la collection du musée, alors le directeur, ou le conservateur ou une autorité quelconque en fait la proposition au comité d'acquisition. C'est là qu'il y a un mécanisme qui peut faire contrepoids au sein du musée. Une fois l'acquisition approuvée, on fait évaluer l'oeuvre.
Le processus d'évaluation varie d'un musée à l'autre. Beaucoup de musées ne permettent pas à leurs propres employés d'évaluer les oeuvres d'art, notamment le Musée des beaux-arts de Hamilton. Même si, légalement, nous pourrions faire nous-mêmes l'évaluation d'oeuvres d'art dont la valeur est inférieure à un certain seuil, je crois que c'est 10 000$, nous nous adressons toujours à l'extérieur. Nous évitons de confier à des agents ou à des parties intéressées l'évaluation des oeuvres d'art. Nous faisons souvent affaire avec l'Association professionnelle des galeries d'art du Canada, mais pas toujours. Nous sommes également allés en Europe et aux États-Unis, pour certaines oeuvres d'art particulières.
Nous recevons donc le résultat de l'évaluation, qui est ensuite soumis à la Commission d'examen des exportations de biens culturels. Les membres de la commission vérifient les renseignements obtenus et demandent à leurs experts de se prononcer sur la valeur de l'oeuvre. Ils ont à leur disposition des renseignements, des personnes-ressources, et parfois ils arrivent à une valeur inférieure, parfois supérieure, et parfois à une valeur égale.
M. Ianno: Supposons que j'ai acheté pendant un voyage une oeuvre qui m'a coûté 1 000$, qui correspond à la collection du musée de Peterborough ou d'ailleurs, et que j'estime sa valeur à 20 000$. Vous avez appliqué le processus que vous venez de décrire, vous aimez l'oeuvre et vous avez demandé à une personne indépendante de l'évaluer. Cette personne l'évalue à, disons, 12 000$. Vous transmettez ensuite le dossier à la Commission d'examen des exportations de biens culturels, laquelle évalue l'oeuvre à 10 500$ tout au plus. Autrement dit, sa valeur est passée de 1 000$ à 10 500$, et il a fallu peut-être cinq heures pour la transporter du Nord jusqu'au Sud. Y a-t-il un gain en capital, et puis-je réclamer le crédit d'impôt de 5 000$ pour l'avoir transportée?
Autrement dit, la valeur est passée de 1 000$ à 10 500$, et il a fallu tout au plus cinq heures de voyage pour la transporter du Nord jusqu'au Sud. Y a-t-il un gain en capital, et puis-je réclamer le crédit d'impôt de 5 000$ pour avoir transporté l'oeuvre? Est-ce ainsi que cela fonctionne?
M. Pietrzak: Eh bien, en fait, si vous obtenez une attestation, il n'y a pas de gain en capital. Apparemment, c'est l'affaire Friedberg qui a établi le précédent pour la notion selon laquelle le prix d'achat n'est pas nécessairement la juste valeur marchande.
M. Ianno: Même si je l'ai achetée il y a cinq heures.
M. Pietrzak: En effet.
C'était un point très contesté. Je connais les conséquences juridiques, mais les tribunaux ont donné leur avis à ce sujet et ont indiqué que le prix d'achat ne représente pas nécessairement la juste valeur marchande.
M. Ianno: À votre avis, qu'est-ce qui serait juste, en termes de crédits d'impôt accordés, pour les Canadiens...? Quelle limite serait juste? Je crois comprendre que les Canadiens subventionnent ces dons.
M. Pietrzak: Je ne sais pas si c'est une question de justice. Je pense que la question est plutôt de savoir quelle valeur l'oeuvre d'art va apporter à notre pays. Si cette valeur se chiffre dans les millions de dollars et si l'oeuvre enrichit notre culture pendant les siècles à venir, il n'y a pas de limite supérieure qui tienne.
M. Ianno: Il ne devrait donc pas y avoir de limite supérieure, à votre avis.
M. Pietrzak: Je crois qu'il devrait y avoir un planfond pour d'autres activités, mais pas nécessairement dans ce domaine.
M. Ianno: Mais si l'on pousse la logique jusqu'au bout, cela peut devenir absurde. Disons qu'en une année donnée des milliards de dollars d'oeuvres d'art sont donnés à des musées et que le gouvernement canadien renonce aux recettes fiscales afférentes. Il faudrait alors faire des compressions importantes, et beaucoup de gens dans le besoin verraient leur niveau de vie déjà très bas baisser encore davantage. Pourrait-on quand même dire que le système est juste?
M. Pietrzak: Je ne crois pas que cela puisse se produire, pour un certain nombre de raisons: les possibilités d'absorption dans le domaine de la muséologie, le nombre d'oeuvres d'art disponibles... Enfin, je sais, pour en avoir discuté avec des collègues, que le potentiel d'acceptation des dons diminue, de sorte que les musées sont de plus en plus critiques quant à ce qu'ils acceptent.
M. Hanrahan: J'ai une question qui fait suite à celle de M. Ianno. Je vais la poser rapidement, et on pourra me répondre par oui ou par non. Dans le cadre du processus d'évaluation d'une oeuvre, le prix d'achat original doit-il être révélé?
M. Pietrzak: Non.
Le président: Très bien. Je vous remercie beaucoup d'être venu. Nous vous sommes reconnaissants pour votre exposé.
Chers collègues, nous allons maintenant passer à l'étude article par article. M. Walden, du Patrimoine canadien, est dans la pièce au cas où nous aurions des questions à lui poser.
Je tiens à profiter de l'occasion pour souhaiter la bienvenue à M. Serré à notre comité. Sauf erreur, il est maintenant membre permanent.
Merci d'être venu, Ben. Je vous souhaite le meilleur succès. C'est toujours avec plaisir que je vous écoute.
M. Hanrahan: Pourrions-nous faire une pause de deux minutes?
Le président: M. Hanrahan a demandé une pause de deux minutes, et nous allons la lui accorder.
PAUSE
Le président: Nous reprenons la séance.
M. Hanrahan n'est pas revenu, mais je crois que nous devrions reprendre nos places et procéder à l'étude article par article. Nous pourrions en terminer très rapidement. C'est à la demande deM. Hanrahan que nous avons fait cette pause; or, il n'est pas revenu.
Si vous vous reportez à la deuxième page de vos feuilles blanches, vous verrez comment nous allons procéder pour l'étude article par article. Je voudrais toutefois signaler, pour accélérer le processus, que si personne n'a l'intention de proposer formellement un amendement, je peux simplement mettre aux voix tous les articles en même temps. Je ne le ferai que s'il n'y a aucune proposition d'amendement.
Je vois M. Hanrahan qui revient. Chers collègues, nous allons donc passer à l'étude article par article.
Commençons par l'article 1. Je tiens à vous signaler que M. Walden est présent, juste au cas où vous auriez des questions à lui poser.
Quelqu'un a-t-il l'intention de proposer un amendement? Je constate que personne n'en a l'intention.
Les articles 1 à 10 inclusivement sont adoptés avec dissidence.
Le président: Le titre du projet de loi est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le président: Le projet de loi est-il adopté?
Des voix: Adopté avec dissidence.
Le président: Dois-je faire rapport du projet de loi à la Chambre?
Des voix: D'accord.
Le président: S'il n'y a pas d'autres questions, la séance est levée.