[Enregistrement électronique]
Le jeudi 14 décembre 1995
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Nous avons le quorum. On me dit que certains de mes collègues sont en route mais je ne veux pas retenir plus longtemps nos invités, nos témoins. Nous pouvons commencer par les exposés et nous en serons peut-être aux questions au moment où les autres arriveront.
J'invite à présent les cameramen à sortir, mais je pense qu'un jour, chers collègues, nous devrons modifier notre politique pour leur permettre de rester.
Ça ne saurait tarder, madame Tremblay. Du moins je l'espère. C'est un peu injuste de permettre aux journalistes de la presse écrite et aux autres de rester pendant nos séances et d'expulser les cameramen. Je crois que nous allons changer ces règles.
Quoi qu'il en soit, ce n'était qu'un aparté.
Chers collègues, je souhaite la bienvenue, en votre nom, aux représentants de l'Office national du film qui est sans doute une des institutions fédérales les plus connues au Canada. Si j'ai bien compris, l'ONF célèbre cette année son 56e anniversaire.
S'il demeure en fonction suffisamment longtemps, il pourrait bien être aussi vieux que moi un de ces jours.
J'ai l'impression que nous avons grandi sous l'aile de l'ONF, si je puis m'exprimer ainsi, et nous avons tous certainement apprécié le travail que l'Office a accompli au fil des ans.
Nous accueillons aujourd'hui Sandra Macdonald, Commissaire du gouvernement à la cinématographie et présidente de l'ONF; Robert Forget, Directeur général, Services et développement technologique et Laurie Jones, Directrice générale, Communications et services de distribution. Je crois savoir que c'est Mme Macdonald qui va nous faire un premier exposé.
Encore une fois, bienvenue parmi nous.
Mme Sandra Macdonald (Commissaire du gouvernement à la cinématographie et présidente, Office national du film du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président. Nous sommes très heureux de paraître devant vous aujourd'hui pour aborder certaines questions qui sont au coeur même du mandat de l'Office national du film du Canada. J'aimerais aussi souligner que c'est tout à l'honneur de votre comité de tenter de trouver, à ce moment de notre histoire, des moyens concerts pour réunir les Canadiens et les Canadiennes, pour nous permettre de mieux nous connaître, et de célébrer ensemble notre histoire, nos traditions, nos réalisations communes et les valeurs que nous partageons.
L'Office national du film du Canada est un de ces moyens concrets. Depuis sa création en 1939, l'ONF a pour mandat de produire et de distribuer des films destinés à faire comprendre le Canada à la population canadienne et aux autres nations. Depuis bientôt 60 ans, le gouvernement du Canada reconnaît l'importance du film et le pouvoir qu'il a d'unir les gens, d'articuler des idées, de transmettre des connaissances, de susciter des émotions et, en règle générale, de refléter la culture populaire d'un peuple.
[Français]
Depuis bientôt 60 ans, le gouvernement reconnaît combien il est important de pouvoir compter sur un organisme comme le nôtre pour témoigner de notre culture et faire en sorte que nos voix, nos préoccupations et nos rêves s'expriment et soient entendus dans le concert parfois bruyant des nations.
La question est de savoir comment nous faisons pour faire comprendre le Canada aux Canadiens et Canadiennes, et comment nous pourrions faire encore mieux.
Avant de répondre à cette question, j'aimerais décrire certaines de nos activités, vous donner un aperçu de la restructuration que nous avons entreprise et, enfin, vous proposer certains moyens d'améliorer le dialogue et le débat au Canada, une démarche que nous avons toujours favorisée.
Pour m'aider dans cette tâche, je suis accompagnée de Robert Forget, directeur général des Services et du Développement technologique, et de Laurie Jones, directrice générale des Communications et des Services de distribution.
Je crois qu'ensemble, nous devrions être en mesure de répondre aux questions que vous pourriez avoir.
[Traduction]
L'ONF a toujours produit et continue de produire des documents audiovisuels authentiquement et résolument canadiens. Ces documents ne déguisent d'aucune manière le point de vue canadien, ni le fait que nos préoccupations sont d'abord et avant tout canadiennes.
Cette année, par exemple, nous produisons un film sur les communautés française et anglaise de Winnipeg-St-Boniface. Le film est réalisé par le cinéaste anglophone bien connu Martin Duckworth et produit par le Programme français. Une autre équipe, comprenant notamment Colin Low, travaille à un remake, 25 ans plus tard, de Hélicoptère-Canada, un film qui, pour beaucoup, a reflété la beauté et les réussites du Canada.
D'est en ouest, nos centres de production réalisent des documents audiovisuels qui sont le miroir de notre pays. Quelquefois, le reflet est plus local - ce qui confirme encore l'opinion de Northrop Frye voulant que l'identité tire d'abord sa source de l'environnement immédiat - et parfois plus universel. Mais, quoi qu'il en soit, le fil conducteur n'en reste pas moins les sujets de préoccupation ou d'intérêt canadiens.
Un CD-ROM très interactif sur la rébellion de Riel, produit par notre Centre du Pacifique, est actuellement à l'essai dans le milieu de l'éducation ontarien, tandis qu'un court métrage d'animation récent réalisé par Martin Rose, From Trawna tuh Belvul, fait revivre le merveilleux poème sonore d'Earle Birney. Il y a quelques années, ce même centre avait produit Growing up/Grandir, une série sur l'éducation sexuelle des enfants de 9 à 12 ans, devenu un best seller chez les parents canadiens.
Produite au Centre du Nord-Ouest à Edmonton et réalisée par Garth Pritchard, la récente série sur les casques bleus canadiens en Bosnie a été très bien reçue par les hommes et par les femmes qui font partie des forces de maintien de la paix, et par le public en général qui a été touché par leur courage, leur dévouement et leur engagement. La série en trois parties a été présentée récemment sur la chaîne anglaise de Radio-Canada. Le Centre du Nord-Ouest abrite aussi le Studio One, un véritable studio de production autochtone qui appuie la production d'oeuvres audiovisuelles faites par et pour les autochtones.
De Winnipeg, où se trouve notre Centre des Prairies, nous viennent des documentaires tels que Fat Chance, l'histoire d'un musicien et de sa lutte contre l'obésité et les préjugés, et The True Story of Linda M., dans lequel Norma Bailey revient à un sujet qu'elle avait déjà abordé il y a des années dans son film primé, Nose and Tina. Fat Chance a remporté le prestigieux prix Peabody et a été présenté à l'émission Frontline de la chaîne PBS ainsi que sur plusieurs canaux canadiens spécialisées.
[Français]
À Montréal, où les Programmes français et anglais travaillent main dans la main, les productions, tout comme les artisans qui les réalisent dans nos studios, reflètent différentes facettes du Canada et de la société canadienne. Depuis le travail de pionnières accompli par les femmes du Studio D jusqu'à l'art expérimental pratiqué dans nos studios d'animation, des productions primées abordent toutes sortes de sujets et de préoccupations à caractère tant canadien qu'universel. Et parfois, quand c'est le pays même qui se manifeste à travers le talent artistique, le sujet touche à toute l'humanité.
Nous avons régulièrement l'occasion de travailler avec des cinéastes pigistes qui apportent leur expérience, leur jeunesse et leur propre touche créatrice. Ces dernières années, plus de 70 p. 100 de nos films ont été faits par des réalisateurs pigistes. Bob's Birthday/L'Anniversaire de Bob, qui a remporté l'Oscar du meilleur court métrage en mars 1995, en est un exemple puisqu'il est le fruit d'une collaboration avec Channel Four de Grande-Bretagne. La collaboration existe aussi à l'intérieur. Actuellement, les Programmes français et anglais travaillent ensemble à la réalisation d'un film montrant l'incidence du récent référendum sur la vie quotidienne des Canadiens et Canadiennes, d'un océan à l'autre.
À Toronto et à Moncton, le Programme français produit des films qui donnent la parole aux francophones hors Québec. Parmi les récentes productions, citons À Double Tour, un film sur les détenues de la prison pour femmes de Kingston, et Les Années noires, un film historique sur la déportation des Acadiens en 1755. Il a été présenté à l'émission Les Beaux Dimanches de Radio-Canada et regardé par 623 000 personnes.
[Traduction]
À Toronto, le Centre de l'Ontario continue de produire des films primés dont certains ont tenté de nous rapprocher de notre passé. Allied Airmen of Buchenwald, de Michael Allder, raconte un fait historique très émouvant. À la fin de la Deuxième guerre mondiale, des aviateurs alliés, parmi lesquels des Canadiens, ont été détenus au camp de la mort de Buchenwald. Le même centre vient de terminer Baseball Girls, par la réalisatrice pigiste Lois Seigal d'Ottawa, un regard drôle sur l'histoire parfois impressionnante de nos intrépides joueuses de baseball!
À Halifax, le Centre de l'Atlantique a produit récemment The Acadian Connection/Le Lien acadien, la chronique fascinante des LeBlanc, une famille acadienne prolifique. De l'Île-du-Prince-Édouard nous est parvenu le délicieux court métrage d'animation, Sandbox, une fable environnementale destinée aux élèves de tous âges. Taking Stock, de Nigel Markham, un cinéaste de Terre-Neuve, compare la pêche au Canada avec la pêche en Norvège.
Je pourrais poursuivre indéfiniment, puisque nous produisons ou coproduisons pas loin de quatre-vingt-dix films par année. Mais ce que j'essaie surtout de faire, c'est de montrer que notre créneau à nous est de produire des films qui reflètent un point de vue authentiquement canadien. Nous voulons faire rayonner la culture canadienne en produisant des films qui suscitent la discussion sur d'importants sujets, des films qui reflètent les valeurs que nous partageons, qui reflètent la diversité et les distances sur lesquelles notre culture se bâtis et qui soient également le reflet de nos aspirations.
Nous voulons explorer les possibilités créatrices de l'audiovisuel. Et enfin, nous voulons nous faire reconnaître par les Canadiens et les Canadiennes, ainsi que par les autres nations, pour notre excellence, notre pertinence et notre esprit d'innovation. Pour conquérir cette reconnaissance, nous savons que nous ne devons pas perdre de vue que les auditoires canadiens sont notre première clientèle. Et c'est pourquoi nous ne faisons pas que produire, mais nous distribuons aussi nos productions.
Les gens qui voient nos films vivent dans toutes les parties du pays et du monde. Nous les atteignons par la télévision, les écoles, les institutions, les bibliothèques publiques, les cinémas, les détaillants, les entreprises nationales de vente par catalogue et, plus récemment, par l'Internet et CinéRoute.
[Français]
Nous atteignons la plus grande partie de notre auditoire par la télévision, quand nos films y sont présentés. Plus de cinq millions de gens au total ont vu The Boys of St. Vincent/Les Garçons de Saint-Vincent, et 800 000 personnes étaient devant leur écran pour regarder Canada Remembers/Le Temps d'une guerre. Les Fiancés de la tour Eiffel ont touché le coeur de 868 000 téléspectateurs et téléspectatrices. La Traversée de la nuit a été vu par plus de 649 000 personnes. Vous trouverez d'autres exemples de diffusions récentes de nos films à la télévision. Vous remarquerez que nous sommes très présents sur les nouveaux canaux spécialisés qui rejoignent des segments particuliers d'auditoires.
[Traduction]
Récemment, nous avons signé une entente avec Famous Players et Astral qui a permis de jumeler cette année quatre de nos courts métrages d'animation avec de nouveaux films dans au moins 80 p. 100 de tous les cinémas Famous Players au Canada. Si vous avez vu récemment Big Green, de Disney, il y a des chances que vous ayez également vu Blackfly, notre célèbre film d'animation. Si vous avez plutôt opté pour Father of the Bride II, il est possible que vous ayez vu Blackfly ou Cactus Swings. Jusqu'à présent, plus de 120 000 Canadiens et Canadiennes ont eu la chance de voir Blackfly en 35 millimètres.
Notre présence dans les écoles canadiennes a toujours été et continue d'être très forte. Nous croyons que l'éducation est la pierre angulaire de la société canadienne, et c'est pourquoi nous veillons à ce que nos films apportent un complément à l'enseignement dispensé dans les écoles. Plus de 40 p. 100 de nos ventes et de nos locations se font dans le secteur de l'éducation. Une recherche récente a montré que les enseignants connaissent nos produits, les apprécient pour leur coût modique et leur qualité, et, surtout, pour leur contenu canadien. Actuellement, on peut dire que presque toutes les commissions scolaires canadiennes figurent parmi nos clients.
[Français]
Nous croyons que les Canadiens et Canadiennes doivent toujours pouvoir accéder à leur patrimoine audiovisuel. Voilà pourquoi la question de l'accès à nos productions nous préoccupe. Dans chaque province ou territoire, nous avons signé des ententes de partenariat avec des bibliothèques municipales ou d'autres établissements publics de manière à ce que l'ensemble de notre collection, en français et en anglais, soit toujours disponible.
Dans certains cas, l'entente est née d'une nécessité, à la suite, par exemple, de la fermeture de nos propres bureaux de distribution en raison de restrictions budgétaires. Toutefois, dans bien des cas, l'expérience s'est révélée très bénéfique. À Calgary, par exemple, en 1988, avant la fermeture de notre bureau, nos activités tournaient autour de 8 000 prêts ou locations par année. Aujourd'hui, depuis que notre collection se trouve à la bibliothèque municipale de Calgary, une bibliothèque primée, ce chiffre est passé à 30 000.
[Traduction]
Bien sûr, tous les Canadiens et toutes les Canadiennes ne vivent pas dans une localité où se trouve une bibliothèque qui a signé une entente avec l'ONF. Aussi, pour nous assurer que tous et toutes peuvent avoir accès à notre collection, nous avons mis sur pied un service 1-800 disponible12 heures par jour, sept jours par semaine. On peut composer notre numéro sans frais pour louer ou acheter des vidéos ou simplement obtenir de l'information sur les films de l'ONF ou les films canadiens en circulation. Pour vous donner une idée de son succès, je préciserai que nous recevons maintenant près de 10 000 appels par mois.
Outre le fait que nous cherchons à signer des ententes pour distribuer nos vidéos chez des détaillants, comme celle que nous avons avec McClelland and Stewart, ou dans des entreprises de vente par catalogue, telles Reader's Digest ou Scholastic Canada, nous faisons des campagnes de promotion auprès des services sociaux, des organismes culturels et des établissements d'enseignement.
En tant que fournisseurs de contenu canadien, nous savons qu'il importe que nous nous positionnions rapidement sur l'autoroute de l'information. Voilà pourquoi nous sommes aujourd'hui sur Internet. En consultant notre site sur le World Wide Web les Canadiens et les Canadiennes peuvent chercher, dans l'ensemble de notre collection, le film qui répondra à leurs besoins, consulter des filmographies de réalisateurs et de réalisatrices, ou découvrir l'histoire passionnante de l'ONF. Notre site comprend également notre catalogue de plans d'archives pour que les cinéastes canadiens et étrangers puissent accéder directement à notre véritable trésor d'images.
[Français]
Mais nous n'en sommes pas restés là! Nous croyons que les Canadiens et Canadiennes devraient pouvoir accéder à l'ensemble de notre collection sur demande. Ranger soigneusement notre collection, ce patrimoine audiovisuel, bien emballée dans des boîtes stockées dans des dépôts réfrigérés peut être un excellent moyen de la conserver, mais non pas de l'ouvrir à la consultation.
Voilà pourquoi mon collègue Robert Forget a mis sur pied la CinéRobothèque, au centre-ville de Montréal. Bien installé dans un des 21 postes de visionnage, le cinéphile, l'étudiant, le chercheur, le public a accès à plus de 3 000 films transférés sur vidéodisques par simple pression du doigt sur un écran tactile. Sur demande, le robot serveur va chercher le vidéodisque sélectionnné dans un tiroir et le charge dans un des 50 lecteurs. La CinéRobothèque est le seul robot serveur vidéo entièrement fonctionnel dans le monde. Il a une capacité de plus de 10 000 heures.
Le véritable défi est cependant de percer les murs de la CinéRobothèque et d'entrer de plain-pied dans l'inforoute. Mesdames et messieurs, je suis heureuse de vous annoncer que nous avons en partie atteint cet objectif. À l'Université du Québec à Montréal et à l'Université McGill, et bientôt à l'Université du Québec à Chicoutimi, étudiants et professeurs peuvent consulter notre vaste base de données par Internet et voir sur demande un des films de l'ONF transféré sur vidéodisque. Le signal vidéo est transmis par liaison à large bande grâce au généreux appui de Vidéotron Limitée. Ainsi, les étudiants et les professeurs de ces universités peuvent bénéficier d'une transmission de haute qualité des films sélectionnés, soit sur un écran d'ordinateur, soit sur des grands écrans d'amphithéâtre, par exemple. Contrairement à la projection classique, cette nouvelle technologie permet de faire une pause au milieu du film, d'avancer ou de reculer pour faciliter la discussion ou l'analyse.
[Traduction]
À l'heure actuelle, nous travaillons à d'autres moyens techniques visant à faciliter la distribution de nos films, par exemple la numérisation ou la compression de notre collection, de telle sorte que les nombreuses fibres optiques éteintes au pays puissent s'allumer de contenu canadien comme jamais auparavant.
Tandis que de plus en plus de nos films parviennent aux Canadiens par les nouveaux canaux spécialisés, tandis que les ventes de nos vidéocassettes grimpent de 50 p. 100 et que nos films continuent de remporter des prix au Canada et partout dans le monde, nous arrivons à un point tournant. D'ici un mois, le Comité d'examen des mandats de la SRC, de l'ONF et de Téléfilm publiera son rapport. Ses recommandations influeront considérablement sur l'avenir de l'ONF et sur le contenu canadien pris dans son sens le plus large. Mais, en tant que gestionnaires avisés des sommes importantes qui nous sont confiées par les contribuables canadiens pour faire rayonner la culture canadienne, nous savons que nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers, palmes d'or et oscars, et que nous ne devons pas nous contenter d'attendre qu'on nous impose des changements: nous devons apporter nous-mêmes les modifications que dictent les nouveaux impératifs financiers. Voilà pourquoi nous nous sommes engagés dans un vaste exercice de réingénierie.
Cet été, dans le cadre d'un processus de consultation, nous avons fourni à notre personnel et aux principaux intervenants du milieu un document de réflexion où se dessine notre vision de l'ONF, en cette fin de siècle où la situation économique a bien changé. Après que les intéressés eurent l'occasion de s'exprimer, nous avons présenté une nouvelle ébauche de rapport pour servir de point de départ aux discussions qui allaient suivre concernant la manière dont nous allions mettre cette nouvelle vision en oeuvre. Vous trouverez les deux versions dans les documents que nous vous avons remis.
Au coeur de cette nouvelle vision, il y a le désir de sauvegarder notre capacité de production d'un bout à l'autre du Canada et de continuer de faire des films innovateurs et pertinents qui fassent comprendre le Canada à la population canadienne et suscitent la discussion. Nous voulons continuer dans cette voie, même si nous savons que nos crédits parlementaires diminueront probablement de nouveau, de 75 millions de dollars à près de 56 millions. Nous ne savons pas à quelles coupures nous devons nous attendre pour 1996-1997 ou 1997-1998, mais nous pensons être partis d'une hypothèse prudente et réaliste, compte tenu des pressions économiques considérables qui s'exercent actuellement sur le gouvernement.
[Français]
Cela veut dire que nous étudions différents moyens d'économiser de l'argent. Pour ce faire, nous comptons d'abord réduire de presque 30 p. 100 l'ensemble de nos dépenses d'administration, tant d'administration générale que d'administration de nos programmes. Il s'agira là d'économies supplémentaires qui viendront s'ajouter à celles déjà réalisées dans ce domaine. Ensuite, nous ferons en sorte de recouvrer nos points de distribution et de marketing à l'échelle nationale et internationale et, avec le temps, nous continuerons d'accroître nos recettes. Ces dernières années, nos services de marketing ont prouvé que c'était réalisable puisqu'ils ont augmenté leurs ventes et leurs redevances de 45 p. 100. Nous analysons aussi la mesure dans lesquelles nous sommes accessibles et nous trouverons de nouvelles manières de rationaliser nos activités dans ce domaine.
Dans le cadre de la réingénierie de nos opérations, nous voulons aussi améliorer nos manières de faire. Nous tenterons de mieux répartir nos ressources et d'augmenter la part accordée au centre de l'Ontario. Nous examinons également la question de nos installations de Montréal et tentons de trouver comment nous pourrions les rendre plus rentables. En fait, dans le cadre de cet examen, aucun secteur de l'ONF n'est épargné.
Nous sommes convaincus que nous trouverons des moyens de poursuivre notre mission principale qui consiste à produire des documents audiovisuels canadiens de haut calibre et de diminuer nos dépenses de près de 20 millions de dollars. Il ne s'agira pas de changements faciles, simples ou superficiels. Il s'agira d'un changement en profondeur.
[Traduction]
La nécessité de changer nos méthodes et le souhait que vous avez exprimé de voir un meilleur dialogue s'instaurer parmi les Canadiens et les Canadiennes peuvent entraîner la prise de mesures qui, à notre avis, nous rapprocheront d'eux. Vous nous avez demandé ce que nous pouvions améliorer? En premier lieu, nous aimerions pouvoir travailler en collaboration plus étroite avec notre société soeur, la Société Radio-Canada. L'auditoire des chaînes publiques canadiennes est tout ce que pourrait souhaiter de mieux un producteur canadien quel qu'il soit. La nouvelle stratégie de la SRC de devenir résolument canadienne nous donnera l'occasion, à notre avis, de rejoindre des auditoires auxquels nous n'avons jamais eu accès. Nous rêvons du jour où The Prince of Belair laissera la place à Princes in Exile ou lorsque Central Park West sera remplacé par la présentation de Return to Regent Park.
Nous pensons également qu'il est au coeur de notre mandat de redoubler d'efforts à l'endroit des enfants et des écoles. Je vois autour de moi toute une génération de Canadiens et de Canadiennes nourrie de films de l'ONF vus à l'école, ou de professeurs qui se sont servis dans leur enseignement de films de l'ONF.
Nous devons poursuivre dans cette voie, malgré les produits qui pleuvent sur nous de partout. Nous devons davantage nous imposer, de manière à nous frayer un chemin sur l'autoroute de l'information, dont le contenu et l'approche soient authentiquement canadiens. Nous devons faire en sorte que les jeunes Canadiens et Canadiennes se reconnaissent dans les documents audiovisuels qu'ils consomment. De la santé aux sciences sociales, de l'éducation sexuelle à l'étude des sciences, les points de repère doivent être canadiens. Comme nous le soulignions dans notre document de réflexion et comme il apparaît dans l'analyse à laquelle nous nous livrons dans le cadre de la réingénierie, nous sommes profondément résolus à accroître nos productions pour les jeunes Canadiens et Canadiennes.
J'aimerais conclure par ceci: l'ONF continue d'être une force vitale dans la production de contenu canadien, tant au Canada que dans le monde, un contenu suscité par la force créatrice des cinéastes sur laquelle s'appuie la vision de ce qu'est la culture canadienne, et destiné aux auditoires qui bénéficient du produit final, tant au Canada qu'à travers le monde.
Mes collègues et moi-même sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
Le président: Merci pour votre exposé, madame Macdonald. Certaines de vos remarques ont éveillé des souvenirs en moi. Il y a presque 50 ans de cela que j'ai vu, pour la première fois, un film de l'ONF en classe; je me rappelle notre professeur installant le projecteur et l'écran mobile, éteignant les lumières de la salle... et nous, regardant le film de l'ONF. Vous avez donc éveillé des souvenirs.
Une voix: Autrement dit, vous avez 70 ans.
Le président: Non, mais si vous comptez bien, comme j'avais sept ans à l'époque... ça fait50 ans de cela, malheureusement. Quoi qu'il en soit, je reconnais avoir un préjugé favorable envers l'ONF.
J'ai une question à vous poser. Plus tôt, vous avez dit que l'ONF a 56 ans. En 1939, quand l'ONF a été fondé, madame Macdonald, il a reçu pour mandat de faire comprendre le Canada à la population canadienne et aux autres nations.
En haut de la page 4 de votre mémoire, vous dites «ce que j'essaie surtout de faire, c'est de montrer que notre créneau à nous est de produire des films qui reflètent un point de vue authentiquement canadien». Je me demande si vous n'auriez pas réinterprété votre mandat.
Avant que vous ne répondiez, j'attire votre attention sur le bulletin de l'ONF de ce mois-ci. En couverture, vous faites la promotion de The Lost Garden, qui sera présenté en première sur la chaîne Bravo!, dans quelques jours à peine, le 17 décembre. Il y est question de la naissance du cinéma dans un autre pays qui se trouve à être la France. D'ailleurs peu importe, mais il s'agit de la naissance du cinéma en France. D'après ce que je vois, ça n'a rien à voir avec le Canada. Je me demande pourquoi vous vous êtes lancés dans cette production, étant donné le mandat qui vous avait été confié en 1939, soit de promouvoir le Canada. Pouvez-vous me l'expliquer?
Mme Macdonald: Très certainement.
Tout d'abord, nous n'avons pas fait passer notre mandat à la brosse à reluire. Il consiste toujours à faire comprendre le Canada à la population canadienne et aux autres nations. Nous en sommes intimement convaincus. Mais le mandat de l'ONF, selon la loi qui nous régit, comporte cinq facettes.
La première, la principale, consiste à interpréter le Canada pour les Canadiennes et les Canadiens. Mais nous avons également pour mandat légal d'effectuer des recherches et des expériences dans le domaine de l'audiovisuel et dans plusieurs autres domaines, et de participer, au nom du gouvernement du Canada, à de nombreuses activités internationales. Cette année, nous avons notamment participé - et avec une oeuvre marquante, je crois - au 100e anniversaire du cinéma, parce que nous avons voulu, comme tous les autres pays, apporter une contribution valable à cet événement.
Nous avons eu l'impression de pouvoir apporter une contribution valable, d'abord parce que le film de l'Office national du film examine le rôle prépondérant du cinéma depuis ses débuts dans la création de mythes populaires et dans l'idée que les peuples se font d'eux mêmes, et donc le rôle que le cinéma joue dans la vie des gens. Mais peut-être plus encore, cette production montre un aspect dans lequel l'Office national du film a innové et a contribué au cinéma mondial, je veux parler de la créativité des femmes cinéastes.
Notre film rappelle au monde entier que le premier cinéaste dans le monde - et en fait l'un des plus prolifique, qui a eu le plus d'influence, mais qui a été oublié, écarté de l'histoire - était en fait une femme. Eh oui! C'était une française. Elle est venue aux États-Unis et y a produit des centaines de films. Mais elle est tombée dans l'oubli. En produisant ce film, nous avons eu l'impression d'apporter une contribution au cinéma mondial, au nom du septième art et au nom des femmes cinéastes, deux éléments que nous retrouvons au Canada.
Je tiens, cependant, à souligner que tous les ans nous produisons un certain nombre de films qui, même si nous croyons qu'ils sont intéressants et importants pour les Canadiennes et les Canadiens, ne traitent pas du Canada; ils représentent peut-être 5 p. 100 de toute notre production. Ce faisant, nous estimons demeurer dans les limites de ce qui est logique et raisonnable, parce que nous ne sommes pas un peuple chauvin, que nous sommes des citoyens du monde et que nous avons l'impression de devoir jouer un rôle sur la scène internationale également.
Le président: Vous n'avez pas à vous excuser, mais j'apprécie votre réponse.
Mme Macdonald: Bien.
Le président: Madame Tremblay.
[Français]
Mme Tremblay (Rimouski - Témiscouata): Bonjour, madame Macdonald. Je suis contente d'avoir pu organiser mon emploi du temps pour me trouver ici aujourd'hui.
Je veux d'abord vous féliciter, parce que je crois que vous interprétez votre mandat avec intelligence et permettez aux Canadiens d'être ouverts sur le monde au lieu d'être bornés à eux-mêmes, ce qui est mieux, à mon avis.
J'aimerais vous dire aussi à quel point le Bloc québécois a de l'admiration pour tout le travail qu'a fait l'Office national du film. Vous avez notre entier appui pour tout ce qui peut venir dans le rapport Juneau. Nous le surveillerons étroitement. Nous tenons à ce que l'Office national du film continue à contribuer à la culture canadienne et, par ricochet, à la culture québécoise, car tout le monde sait qu'à l'Office national du film, il y a de grands Québécois qui se sont illustrés.
L'Office national du film a contribué d'une certaine façon à la construction, au cours de ces56 années, de la culture québécoise qui fait partie de la culture canadienne. Je pense que vous savez qu'il y a un cinéma québécois qui est reconnu internationalement.
Les Québécois et les Québécoises seront toujours reconnaissants à l'Office national du film de leur avoir permis de découvrir qui ils étaient, de s'exprimer et de contribuer d'une façon importante. Je pense, par exemple, à Perreault, Labrecque, Carle, Arcand, Brault, les Blackburn, etc., qui ont contribué à ce fleuron dans la culture canadienne qu'est l'Office national du film.
Je tenais à me déplacer personnellement pour vous le dire et vous en féliciter et, surtout, pour vous dire que vous pouvez compter sur notre appui. Avez-vous rencontré M. Juneau?
Mme Macdonald: Oui, à plusieurs reprises.
Mme Tremblay: Selon vous, madame Macdonald, pourquoi l'Office national du film est-il essentiel à la culture canadienne? Comment pourriez-vous nous résumer cela? Quels seraient les arguments clés à cet égard?
Certaines personnes pensent qu'on devrait vous fusionner avec Téléfilm Canada. Nous pensons que non, mais pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
Mme Macdonald: Il est tout à fait clair qu'on continue à avoir de la difficulté à produire des films sur des sujets canadiens. L'expansion de l'industrie privée n'a pas changé les problèmes économiques de la production de films au Canada, en particulier les films de haute qualité, les films qui requièrent de nombreuses personnes.
L'Office a toujours eu le privilège d'offrir au public canadien des films de haute qualité parce qu'il ne lui est pas nécessaire de vivre pour le marché. Nous pouvons créer à l'avance parce que nous avons le privilège de travailler avec l'argent qui nous a été confié par le Parlement et celui de nous pencher sur des questions importantes et difficiles qui n'intéressent parfois que des audiences assez petites.
Si on n'avait pas une institution comme l'Office, il serait difficile de dispenser au public des films sur des sujets difficiles et très populaires. Il serait très difficile de desservir toute la gamme des audiences que l'Office a eu le privilège de desservir pendant toutes ces années.
Quant à votre deuxième question, ni M. Juneau ni aucune autre personne en position d'autorité ne m'a parlé d'un fusionnement possible avec Téléfilm. Au contraire, M. Juneau m'a assuré que le comité n'avait aucunement l'idée de changer le statut de l'Office.
Mme Tremblay: M. Franco Nuovo écrivait dans le Journal de Montréal, et je vais le citer:
- ...le septième art dans ce pays n'existerait tout bonnement pas s'il n'y avait eu, à la fin des
années 60, la création d'une aile française à l'Office national du film.
Mme Macdonald: Nous avons pris l'engagement absolu d'assurer la production française, premièrement au Québec parce que la majorité de la population y parle le français, mais aussi à Moncton et à Toronto pour servir les francophones hors Québec.
Nous dépensons chaque année environ 37 p. 100 de nos fonds de production pour des productions de langue française. Et cela continue.
Mme Tremblay: Merci.
[Traduction]
Le président: Monsieur Loney.
M. Loney (Edmonton-Nord): D'abord, je tiens à vous féliciter pour votre exposé, de même que pour la qualité des films dont vous venez de parler.
Aujourd'hui, l'Office national du film diffuse Québec... un peu... beaucoup... passionnément..., qui présente 40 années d'histoire du Québec vues par Pauline Julien et Gérald Godin. À l'heure actuelle, toutes les Canadiennes et tous les Canadiens sont préoccupés par l'unité du pays; étant donné le parti pris politique des deux protagonistes, n'êtes-vous pas gêné, en tant qu'organisme fédéral, par le message politique éventuel que vous véhiculez? Ce que je veux vous demander, en fait, c'est si vous pouvez séparer l'artiste du message et l'intention du contenu.
Mme Macdonald: Personnellement - et je vous dis cela du fond du coeur - ce que j'ai trouvé le plus pénible à l'occasion du récent référendum, c'est l'incroyable gouffre de méconnaissance et d'incompréhension qui semble séparer les résidents du Québec, d'opinions diverses, des résidents du reste du pays. Avant cette période, j'ai passé le plus clair de mon temps à Montréal. Mais en regardant la télévision en français et en anglais, en lisant les journaux, également en français et en anglais, j'ai non seulement constaté que l'ensemble des opinions du reste du Canada n'était pas particulièrement bien présenté au Québec, mais aussi que les Canadiens, ailleurs au pays, jaugeaient mal les grands courants de pensées du Québec, ainsi que leur importance. Le reste du pays n'était pas en prise avec cette réalité.
Personnellement, j'estime que notre mandat qui est de faire comprendre le Canada aux Canadiennes et aux Canadiens, nous oblige à montrer les grands courants de pensée. Nous n'avons pas à y adhérer, mais il est très important que les autres comprennent l'origine de ces courants de pensée, leur signification et leur importance relative.
Ainsi, quand vous demandez si nous pouvons séparer l'artiste du contenu, personnellement, j'estime qu'il est important pour nous de présenter toute la gamme d'opinions et de ne pas nous limiter à une partie seulement. Si nous n'en présentions qu'une partie, nous ferions croire au public canadien qu'il comprend une situation qui, en fait, lui échappe. Je dirais même que, plutôt que de limiter davantage le nombre de films expliquant l'origine de ces diverses opinions, leur fondement et leur prépondérance relative dans la société, nous devrions montrer encore plus de films présentant des points de vue opposés, et pas seulement des points de vue neufs, parce que la neutralité est toujours trompeuse. Je pense, d'ailleurs, que nous en avons vu les effets.
M. Loney: Merci.
Le président: Puis-je intervenir ici? À vous entendre, on dirait que vous parlez d'un documentaire ou d'un reportage. Or, ce n'est ni l'un ni l'autre, n'est-ce pas?
Mme Macdonald: C'est une sorte d'essai, comme la plupart de nos documentaires, en fait.
Le président: Mais il a bien pour objet de véhiculer un point de vue?
Mme Macdonald: Il a pour objet de montrer ce que pensent certaines personnes.
Le président: Il a pour objet de véhiculer un point de vue particulier? C'est ce que je vous demande. Est-il équilibré? L'a-t-on voulu équilibré... à supposer qu'il existe, dans la province du Québec, un large éventail d'opinions politiques? C'est tout ce que je veux savoir.
Vous aurez une chance dans un instant, madame Tremblay.
Mme Macdonald: Je ne qualifierai pas la chose de la sorte en disant qu'il est équilibré ou déséquilibré. Nous avons simplement affaire à un ensemble de points de vue sur un sujet à propos duquel nous avons produit pas mal de films, présentant une variété de points de vue. Dans tous les films que nous avons produits - et l'on compte 9 000 titres dans notre catalogue - , on retrouve presque tous les points de vue. Nous sommes d'avis que c'est l'ensemble de notre oeuvre qui permet de faire comprendre le Canada à la population canadienne et qu'il n'est pas nécessaire de parvenir à un équilibre pour chaque sujet traité dans chaque film de soixante ou soixante-dix minutes.
Le président: Donc, vous dites que ce qui importe, c'est de réaliser l'équilibre sur l'ensemble...
Mme Macdonald: Oui.
Le président: ...et pas sur une production en particulier.
Mme Macdonald: C'est ce que je pense, et c'est certainement la position que l'Office a toujours eue. Nous cherchons à avoir un catalogue très varié et nous n'essayons pas de traiter de sujets qui sont invariablement complexes et difficiles, dans des délais tels qu'on les dépouillerait de leur importance et qu'on les rendrait insignifiants.
M. Loney: J'allais vous poser une autre question, dans la foulée de ce que je vous ai dit tout à l'heure. S'agissant d'équilibre, est-ce que vous estimez que le choix du moment est important?
Mme Macdonald: Je pourrais vous fournir deux ou trois réponses. D'abord, et avant tout, ce que nous faisons est habituellement opportun. En fait, nous traitons de sujets qui préoccupent la société à un moment donné. Donc, le choix du moment intervient dans les décisions que nous prenons. Quand nous produisons un film, nous espérons qu'il est opportun.
M. Loney: Je veux plutôt parler du choix du moment de la diffusion.
Mme Macdonald: Nous n'avons que rarement notre mot à dire dans le choix du moment de la diffusion. Le plus souvent, nous accordons au diffuseur un permis valable pour une certaine période, qui peut être de deux ans ou même de cinq ans. Il diffuse le film quand il le désire et il ne nous consulte pas sur le choix du moment.
M. Loney: Estimez-vous que vous devriez être consultés?
Mme Macdonald: Puisque nous vendons nos produits aux télédiffuseurs, nous ne sommes pas juridiquement en position de leur demander cela parce que, comme vous le savez sûrement, en vertu de la Loi sur la télédiffusion, le télédiffuseur est entièrement responsable de ce qu'il diffuse.
L'année dernière, il y a eu plus de 5 000 diffusions des productions de l'Office national du film au Canada. Je pense que, même si nous en avions le mandat légal, nous ne serions pas en moyen de coordonner 5 000 diffusions de nos productions.
M. Loney: Je me disais que les films d'excellente qualité que vous produisez vous pourraient ne pas avoir tout l'impact... ou plutôt que le choix du moment de la diffusion pourrait ne pas vous conférer toutes les répercussions que vous pourriez attendre.
Mme Macdonald: Je puis vous assurer que nous aimerions beaucoup pouvoir intervenir auprès des télédiffuseurs pour programmer, nous-mêmes, la diffusion de nos films. Rien ne nous rendrait plus heureux.
M. Loney: Voilà une bonne réponse. Je m'en souviendrai. Merci.
Le président: Madame Tremblay, vous pouvez ouvrir le feu.
[Français]
Mme Tremblay: Je voudrais vraiment reprendre la parole. Je voudrais m'inscrire en faux contre la mentalité que vous avez à ce comité-ci. J'avais tout fait pour ajuster mon programme du mois de janvier pour continuer à travailler avec vous, mais si vous ne changez pas de mentalité, votre mentalité de procès et de chasse aux sorcières... Lorsque Téléfilm Canada est venu ici, on lui a reproché d'avoir financé Les Ordres.
Est-ce que l'un ou l'autre des quatre libéraux qui sont devant moi ont déjà vu le film Les Ordres? L'avez-vous au moins regardé? Vous parlez du film A Song for Quebec, mais l'avez-vous vu? Avez-vous déjà vu ou lu une oeuvre de Marie Laberge? Avez-vous déjà lu un poème de Gilles Vigneault?
Vous semblez avoir de très bons services de recherche et ne pointer que des choses québécoises, mais vous n'avez rien compris et vous n'êtes pas partis pour comprendre ce qui se passe au Canada si vous n'arrêtez pas de faire votre chasse aux sorcières contre le Québec. Nous existons. Nous sommes un peuple. Nous sommes une nation. Nous avons une culture. Nous nous exprimons. Vous ne nous bâillonnerez jamais. Si vous ne comprenez pas que vous devez prendre votre place en tant que peuple canadien et avoir votre culture et votre propre identité, vous ne savez pas qui vous êtes. Il est temps que vous sachiez qui vous êtes et que vous arrêtiez de nous condamner.
Quant à nous, nous savons qui nous sommes. Nous savons ce que nous voulons. Vous semblez avoir peur de perdre votre identité si on s'en va. Nous sommes à la veille de nous en aller. Préparez-vous. Demandez-vous qui vous êtes, les Canadiens. Donnez-vous une culture qui vous est propre. Arrêtez de vous faire «bulldozer» par les Américains. Protégez votre culture et vous n'aurez pas peur d'avoir à côté de vous un peuple qui s'exprime.
Quand on a peur, c'est qu'on craint de ne pas savoir qui on est. Quand on sait qui on est, on n'a pas peur des autres. Il faut mettre fin à cela. Les gens d'organismes fédéraux qui contribuent considérablement à la culture canadienne n'ont pas à subir vos chasses aux sorcières chaque fois qu'ils viennent ici.
[Traduction]
M. Loney: Madame Tremblay, permettez-moi de dire que je ne me livre à aucune chasse aux sorcières. Si vous aviez fait attention à ce qui s'est dit entre Mme Macdonald et moi-même... Je voulais...
[Français]
Mme Tremblay: J'ai entendu. Je peux faire deux choses en même temps.
[Traduction]
M. Loney: Un instant. Vous avez eu votre tour.
Je voulais obtenir une réponse favorable, le genre de réponse que je voulais entendre. Ce n'est pas une chasse aux sorcières.
[Français]
Mme Tremblay: Combien y a-t-il de films? Vous tombez sur celui-là! Franchement...
[Traduction]
Le président: Madame Tremblay, les membres du comité ont le droit de poser des questions. Je n'ai pas entendu M. Loney prononcer un seul...
[Français]
Mme Tremblay: Naturellement, il va dans le même sens que vous.
[Traduction]
Le président: ...mot de condamnation. Il ne condamnait personne.
[Français]
Mme Tremblay: Il va dans le même sens que vous. Donc, vous ne pouvez pas le juger objectivement. Vous êtes assis et vous présidez un comité qui fait la chasse aux sorcières.
[Traduction]
Le président: Madame Gaffney voulait intervenir à ce sujet.
Mme Gaffney (Nepean): J'en ai plus qu'assez, monsieur le président et je trouve que cette façon...
D'abord, nous avons le droit de poser des questions à ce comité. Or, chaque fois que nous ouvrons la bouche, nous sommes interrompus par la personne d'en face. Je commence à en avoir assez, monsieur le président; j'en ai vraiment assez.
Mme Tremblay: Et moi j'en ai assez que vous n'existiez pas...
Mme Gaffney: Habituellement, je suis plutôt modérée.
Mme Tremblay: ...et que vous ne reconnaissez pas que nous, nous existons.
Mme Gaffney: Excusez-moi, vous avez eu votre tour. Pourriez-vous me permettre de terminer?
[Français]
Mme Tremblay: Oui, je vais vous laisser votre tour pourvu que vous ne m'insultiez pas.
[Traduction]
Le président: Madame Gaffney.
Mme Gaffney: J'aimerais enchaîner sur la série de questions que Mme Tremblay a posées au sujet de Téléfilm Canada et de l'Office national du film. Je ne pense pas que vous lui ayez répondu. Je l'ai entendue parler d'une rumeur voulant qu'on fusionne Téléfilm Canada et l'ONF. Vous avez répondu que M. Juneau a déclaré... Mais peu importe. Je n'ai pas vu le rapport de M. Juneau et je ne sais donc pas d'où vous tenez cette information. Je crois savoir que son rapport n'est même pas encore sorti.
Quand les représentants de Téléfilm ont comparu devant nous, je leur ai demandé s'ils estimaient que Téléfilm pourrait être privatisé et continuer, tout de même, de servir le public canadien comme il le fait aujourd'hui. Je pourrais vous poser la même question. Nous subventionnons l'ONF et Téléfilm Canada. Or, je ne fais pas la différence entre les deux. Je ne voix pas pourquoi nous avons besoin des deux.
Pouvez-vous me répondre?
Mme Macdonald: D'abord, je crois qu'on m'a demandé si j'avais entendu dire que le comité Juneau a recommandé la fusion de nos deux organismes. J'ai répondu que M. Juneau ne m'en avait pas parlé et qu'il m'avait même affirmé le contraire. C'est ce qu'il m'a déclaré pendant qu'il se livrait à son examen de la question. Comme son rapport n'a pas été publié, vous ne pouvez avoir lu cela nulle part ailleurs, mais j'estime avoir répondu à la question qui m'a été posée.
Quant à savoir s'il est nécessaire de conserver deux organismes, voire un seul des deux, et à la différence entre les deux, je dirais que tout réside dans les mandats des deux organismes qui sont très différents. Téléfilm Canada a pour mandat de développer une industrie, qui devrait parvenir à une certaine autonomie financière grâce aux revenus qu'elle rapportera.
Nous savons tous qu'à cause des coûts inhérents à des productions de haute qualité et découlant de la petitesse du marché canadien, il est extrêmement difficile de produire des dramatiques, mais aussi de nombreux autres genres de films, susceptibles se financer uniquement par leur commercialisation. Plus le projet est canadien par nature - autrement dit, plus il dépend du seul marché canadien - et plus les choses sont difficiles. Plus on vise un marché à l'exportation et plus les choses sont faciles.
Téléfilm se trouve aux prises avec un certain problème - et je dois dire que, pour l'Office, c'est là une question facile que vous nous posez; en un sens, notre mandat ne présente pas la même ambiguïté: les gens de Téléfilm Canada doivent essayer de développer une industrie reposant sur une certaine base commerciale et, en même temps, ils doivent encourager une production dont le caractère canadien est défini beaucoup plus que par le passeport de ceux qui y contribuent.
Dans notre cas en particulier, notre mandat ne consiste pas et n'a jamais consisté à développer une industrie, et il ne signifie pas et n'a jamais signifié l'exploitation commerciale des oeuvres que nous produisons. Dès nos débuts, nous avons eu pour mission d'essayer de répondre à un besoin que le marché, seul, ne pourrait combler.
Le Parlement a reconnu l'existence de ce besoin et l'a confirmée année après année en accordant un budget à l'Office. Mais il peut fort bien, demain, décider que ce besoin n'existe plus. En fait, il lui suffirait, pour cela, de réduire notre budget, voire de l'éliminer, pour supprimer l'Office, parce que tout ce que nous faisons, c'est de produire des films dans l'intérêt du public, avec l'argent des contribuables.
Le président: Monsieur Peric.
M. Peric (Cambridge): Monsieur le président, je suis un peu ébranlé. J'espère que, dans l'avenir, lors de notre prochaine réunion, les choses se dérouleront dans l'ordre. J'apprécierais beaucoup que, une fois qu'on a donné la parole à un député, les autres ne l'interrompent pas. J'espère que nous allons arrêter de parler tout le temps en fonction de ce qui est «français» et de ce qui est «anglais». Je ne suis ni l'un ni l'autre. Je suis Canadien. Je m'attends, surtout de votre part monsieur le président, à ce que, dans l'avenir, nous ne parlions plus comme cela tout le temps. Les séparatistes sont aussi des Canadiens. Ils ont un mandat. Mais nous avons droit à la parole et nous avons le droit de poser des questions sans être interrompus.
Madame Tremblay, je suis d'accord avec vous que nous devrions pouvoir examiner les documents avant de venir ici. J'espère alors que nous pourrons respecter les points de vue des uns et des autres. Nous ne serons peut-être pas tout le temps d'accord, mais nous devrions nous respecter.
Le président: C'est une période difficile pour tous les Canadiens et toutes les Canadiennes. Nous en sommes arrivés au point, madame Macdonald, où il semble presque impossible de poser une question sans que quelqu'un ne remette vos motifs en cause. Il semble devenu quasiment impossible de poser une question neutre. Je trouve cela très triste.
Nous sommes un comité du Parlement. Vous, vous représentez un organisme fédéral. Au début, j'ai dit - et je suis certain que tous les membres du comité sont d'accord - que les 56 ans de l'ONF sont marqués par une histoire fabuleuse. Mais nous devons vous poser des questions, sans pour cela nous livrer à une chasse aux sorcières ou condamner qui que ce soit. Nous traversons une période difficile et il arrive que des parlementaires aient effectivement envie de poser des questions ayant rapport avec l'unité nationale. Le président ou même le membre du comité que je suis ne peux en blâmer aucun de ses collègues.
Dans votre catalogue, on peut lire au sujet du film Québec... un peu... beaucoup... passionnément:
- L'histoire du nationalisme québécois, depuis 40 ans, à travers le regard et l'expérience de
Pauline Julien, chanteuse, et Gérald Godin, poète et politicien, tous deux engagés depuis vingt
ans à promouvoir la cause de l'indépendance du Québec. À l'image du couple qu'il met en
scène, ce film d'amour et de passion rappellera aux uns et fera découvrir aux autres les
événements qui ont jalonné l'évolution du grand mouvement nationaliste que toute une
génération de Québécois a laissé en héritage à celle qui lui a succédé.
Mme MacDonald: D'abord, monsieur le président, j'aimerais dire que je respecte tout à fait le droit des membres de ce comité de poser toutes les questions qu'ils ont envie de poser à l'organisme que je représente. Nous sommes bien sûr au service de la population canadienne et les parlementaires ont tout à fait le droit de savoir tout ce qu'ils veulent sur ce que nous faisons.
Plus tôt, je disais que j'avais l'impression d'un manque profond de compréhension entre les Canadiens et que ce manque de compréhension est l'un des plus graves problèmes que nous ayons dans ce pays. Je ne pense pas que vous puissiez favoriser la compréhension réciproque en ne montrant pas ce que pensent les gens qui ont des points de vue différents des autres. Comme je le disais plus tôt, il faut présenter toute la gamme des opinions pour que l'auteur ou le spectateur intelligent puisse se renseigner lui-même sur ce dont il en retourne, puisse tirer ses propres conclusions et agir en conséquence.
Le président: Madame Gaffney.
Mme Gaffney: Madame Macdonald, je vais juste faire un commentaire au sujet de ce que vous avez dit quant au fait que vous perdez plusieurs millions de dollars et une grande partie de votre personnel pour vous conformer à l'objectif de réduction budgétaire du gouvernement mais que, en même temps, vous êtes convaincue de demeurer l'Office national du film efficace que vous avez été dans le passé.
Je suis toujours attristée de voir que le gouvernement doit faire les gros yeux pour inciter ses organismes à devenir rentables. Pourquoi ne cherchent-ils pas automatiquement à être rentables, au quotidien? Pourquoi attendent-ils que le gouvernement sorte sa grosse hache? Cela m'attriste toujours.
Je suppose qu'on va m'accuser d'être... mais peu importe, je fonce quand même. Vous avez dit que 37 p. 100 de votre budget était consacré aux productions en français.
Mme Macdonald: Oui.
Mme Gaffney: Nous tous ici représentons différentes régions du Canada. Personnellement, je représente la province de l'Ontario qu'on a toujours considéré comme étant bien nantie. Mais à présent, elle est presque une des provinces défavorisées, ce que je regrette amèrement.
Je vous félicite d'avoir parlé de la connaissance relative que les Canadiens ont de la culture québécoise. Je vous en félicite. Mais le moment n'est-il pas venu où, la culture de certaines régions de ce pays n'ayant pas été promue, où certaines régions estimant que leur culture a souffert parce qu'on n'y aura pas mis suffisamment l'accent ou qu'on ne l'aura pas suffisamment fait connaître dans la province du Québec...? Comme vous avez produit 19 films originaux en anglais et vingt originaux en français, quand on analyse le budget des deux... Vous avez dit que vous consacriez 37 p. 100 à la production en français, moi, j'ai l'impression que c'est plus que cela; mais il est toujours possible que je calcule mal. Pensez-vous que, dans l'avenir, vous allez essayer de mieux présenter l'identité culturelle des autres provinces dans le reste du Canada, et que, dans le courant de l'année prochaine ou des deux ans à venir, vous allez essayer de redresser la situation par rapport à la province du Québec?
Mme Macdonald: En fait, nous sommes très présents dans le reste du Canada. Je pense que si vous interrogiez les cinéastes dans le reste du pays, ils vous diraient que la présence régionale de l'Office national du film est meilleure, au regard de nos ressources, que celle des autres organismes oeuvrant dans le même domaine que nous. Nous avons déployé un effort réfléchi pour régionaliser nos activités en anglais, et également en français... mais, évidemment, la répartition de la population dicte le choix de la langue à utiliser dans telle ou telle partie du pays. Donc, je dirais que l'éventail de notre production est relativement équitable en fonction des différentes régions du pays et des différents groupes linguistiques.
La répartition 37 p. 100-63 p. 100, entre nos productions en anglais et nos productions en français, que nous jugeons être un juste équilibre, est à peu près la même que celle que tous les autres organismes du gouvernement fédéral ont adoptée...
Mme Gaffney: Elle est supérieure...
Mme Macdonald: ...et qui traduit...
Mme Gaffney: Qui est supérieure à la moyenne nationale, c'est ce que je veux dire.
Mme Macdonald: Mais tous les organismes fédéraux ont opté pour cette répartition - et si vous me laissiez une seconde, je pourrais essayer de vous expliquer pourquoi - il y a de bonnes raisons pour lesquelles ils n'ont pas suivi la répartition démographique. Évidemment, le résultat serait différent si nous avions adopté cette dernière répartition.
Mme Gaffney: Effectivement, il aurait été très différent.
Mme Macdonald: Mais avant tout, la Constitution fait de nous un pays bilingue. Donc les besoins du service... La journée compte le même nombre d'heures pour les francophones et les anglophones. Le nombre d'heures que l'on peut passer à regarder la télévision dans une journée est le même, que l'on soit francophone ou anglophone. Donc, le nombre d'heures d'émissions qu'il faut fournir doit correspondre à une répartition linguistique de 50-50 ou pour être plus précis de 100 p. 100-100 p. 100.
Nous avons pris acte et nous avons également déclaré qu'il ne serait pas juste d'opter pour une proportion correspondant à 50 p. 100-50 p. 100 en vue d'assurer une programmation sur une journée de 24 heures, même si la répartition linguistique de la population est de 25 p. 100-75 p. 100, parce que ce ne serait pas juste. Cependant, il ne serait pas juste non plus d'appliquer une répartition25 p. 100-75 p. 100.
Et puis, il y a le fait que les productions en anglais présentent un potentiel de recettes nettement supérieures aux productions en français, parce qu'elles s'adressent à tout le monde anglophone, alors que les productions en français s'adressent à une population internationale plus réduite, puisqu'il y a moins de francophones dans le monde. Nous supposons donc que le potentiel de recettes des productions en français est bien inférieur à celui des productions en anglais. C'est d'ailleurs ce que confirment nos ventes. En fin de compte, nous réinjectons dans nos productions l'argent que nous réalisons grâce aux films anglais; nous ne le faisons pas au début, mais nous le faisons une fois que la boucle est bouclée.
Mme Gaffney: Mais à vous entendre, j'ai l'impression qu'en période de grandes restrictions budgétaires, et afin d'augmenter les recettes de l'Office national du film, vous devriez faire pencher la balance de l'autre côté, que vous devriez produire plus de films anglais pour augmenter vos recettes et donc moins dépendre des crédits gouvernementaux.
Mme Macdonald: Notre mandat n'est pas un mandat commercial. Donc, nous ne nous attendrons jamais à ce que nos activités commerciales nous rapportent une partie plus importante de notre budget annuel de fonctionnement. Si le Parlement voulait d'un organisme fonctionnant presque essentiellement grâce à ses activités commerciales, il ne nous désignerait pas. Peut-être désignerait-il Téléfilm.
Depuis des années, nous nous débattons au gouvernement pour savoir quel doit être cet équilibre. Avec le temps, nous en sommes tous venus à la conclusion que la proportion la plus juste oscille sans doute entre 33 p. 100 et 40 p. 100.
Le président: Monsieur Pillitteri.
M. Pillitteri (Niagara Falls): Merci, monsieur le président. Excusez-moi d'être en retard, mais sachez que ce débat m'intéresse beaucoup. Je suis arrivé en retard, mais d'après les quelques remarques que j'ai entendues... Je me demande parfois comment on en arrive à ce genre de pourcentages et comment vous voyez la chose aujourd'hui.
Soit dit en passant, je suis Canadien. Je me demande simplement de quel côté on me range. Si je réside en Ontario, on me range parmi les anglophones. Si je réside à Montréal, au Québec, alors on me range parmi les francophones.
Est-ce que la vision que l'Office national du film entretient du Canada est celle qu'on a d'une fenêtre panoramique? Est-ce que vous regardez ce qui se passe, par exemple, à Montréal? Est-ce que vous regardez ce qui se passe à Toronto? Est-ce que vous regardez ce qui se passe à Vancouver?
Madame Tremblay, si c'est possible, j'aimerais obtenir une explication des témoins. Je conçois que vous ayez des points de vue différents, comme d'autres d'ailleurs. Moi, j'ai un certain point de vue: celui d'un Canadien.
Alors, j'aimerais que vous me disiez, en tant que Canadienne, si vous voyez la chose par la lorgnette de Vancouver, de Toronto? Est-ce que vous voyez où va votre argent?
Mme Macdonald: Comme vous êtes arrivé un peu tard, monsieur, je vais vous remettre quelque chose que nous avons déjà donné aux autres députés, c'est-à-dire notre catalogue de films. En le consultant, vous trouverez... Regardez les noms associés à tous ces films. Vous allez retrouver les Nations Unies là-dedans.
Les cinéastes qui travaillent pour l'Office national du film du Canada viennent de partout. Nous avons beaucoup de films qui sont réalisés par des cinéastes autochtones. Nous avons des films qui sont réalisés par des cinéastes asiatiques, par des cinéastes noirs, par des cinéastes venant de toutes les parties d'Europe et d'Europe de l'Est. Mais, comme nous sommes une institution fédérale, nos films sont produits en anglais ou en français, pour la plupart; à l'occasion, ils sont en langue autochtone.
Tous ces cinéastes analysent très consciencieusement la diversité canadienne et, dans bien des cas, ils se penchent aussi sur l'expérience de l'immigrant qui est d'ailleurs un des grands thèmes de nos productions. Prenez, par exemple, Double Happiness, qui a été produit cette année, et qui a pour thème une jeune fille chinoise appartenant à une première génération d'immigrant. Ce film, qui a été réalisé à Vancouver, est très populaire. Et puis, il y a Enigmatico, qui porte sur la population italienne de Toronto.
Citez-en quelques autres, Laurie.
Mme Laurie Jones (directrice générale, Communications et services de distribution, Office national du film du Canada): Nous avons eu Freedom Had a Price, qui traite du sort des prisonniers de guerre ukrainiens au Canada. Il y a eu également un film sur Vince Mancuso, artiste de Montréal qui a signé de magnifiques vitraux d'église, et sur le groupe d'artistes italiens l'entourant. Il y a eu également Domino, film portant sur les cultures mixtes. D'ailleurs, nous avons eu d'autres films sur les mariages mixtes.
Notre collection est assez importante et vous trouverez tous nos films dans notre catalogue.
Le président: Madame Macdonald, si je me souviens bien, il y a à peu près sept ou huit ans de cela, l'ONF entretenait certaines visions et a même demandé à posséder sa propre installation de câblodistribution. Est-ce que cette idée est morte?
Mme Macdonald: Je pense. L'Office a effectivement demandé une licence de radiodiffusion, mais il ne l'a pas obtenue.
Soit dit en passant, l'Office n'était pas seul, puisqu'il s'était associé avec d'autres pour demander ce service qui devait s'appeler Téléjeunesse.
Toutefois, comme depuis l'avènement des nouveaux services spécialisés nos films sont de plus en plus en demande, nous bénéficions d'une meilleure diffusion. En revanche, nous ne pouvons exercer aucun contrôle sur les services de télédiffusion pas plus que sur les films qu'ils choisissent ni sur le moment où ils décident de les montrer. Ce sont les télédiffuseurs eux-mêmes qui font ces choix.
Nous n'avons pas beaucoup réfléchi à l'idée de posséder notre propre centre de télédiffusion. Mais nous avons conclu qu'à cause de notre volume de production annuelle, du nombre d'heures de films que nous produisons - étant donné qu'on ne peut recycler sans cesse son catalogue et que toutes nos productions ne vieillissent pas bien - , nous aurions dû adapter notre calendrier de production pour nous plier à l'incroyable demande que nous aurait imposée la licence. Nous avons conclu qu'il serait sans doute plus dans notre intérêt, et dans celui du genre de films que nous aimons produire, de conclure des alliances avec des titulaires de licence de télédiffusion et de nous astreindre, dans l'avenir, à entretenir de meilleures relations avec la Société Radio-Canada.
Le président: Cela étant, en quoi les parlementaires ou le gouvernement du Canada pourraient-ils vous aider à donner une meilleure exposition à vos produits? La plupart des Canadiens, je crois, estiment que la majorité de vos produits sont excellents et qu'ils mériteraient une plus large diffusion, une meilleure exposition. Comment pourrait-on y parvenir sans que cela ne nous coûte les yeux de la tête?
Mme Macdonald: L'évolution des systèmes de distribution est très favorable au genre de films que nous produisons. Comme je le disais, les services de télédiffusion spécialisés nous ont offert une merveilleuse vitrine dont nous ne disposions pas avant et nous nous chargeons de la garnir. Nos films font l'objet de plus de 5 000 diffusions annuelles.
Le président: Et vos magasins vidéos?
Mme Macdonald: Nous avons doublé nos ventes de vidéocassettes...
Le président: Doublé par rapport à quoi?
Mme Jones: Avant, nous en vendions 60 000 par an et à présent, nous en vendons environ 130 000.
Le président: Excusez mon ignorance, mais quand vous me citez ces chiffres, je ne sais vraiment pas à quoi les comparer, comment les évaluer.
Mme Macdonald: Normalement, l'activité des magasins vidéos est étroitement liée à l'activité cinématographique. Ils vendent en effet les vidéocassettes des films ayant bien marché en salle. Habituellement, les dix succès de vidéothèque correspondent aux dix succès cinématographiques des six mois précédents. Donc, les magasins vidéos classiques constituent essentiellement un prolongement du marché des salles de cinéma qui est naturellement dominé par les films américains.
En ce qui nous concerne, nos ventes de vidéocassettes sont plutôt liées à des applications éducatives ou font suite à la promotion spéciale de productions récentes ayant sans doute été diffusées sur les ondes de la télévision. Nous estimons qu'il s'agit là d'une voie prometteuse pour l'avenir.
Mais nous travaillons aussi d'arrache-pied à la distribution électronique et sur demande de nos films. Dans mon exposé, j'ai mentionné la CinéRobothèque et la CinéRoute, deux systèmes de consultation sur demande qui en sont à la phase des essais. Ces essais se déroulent très bien et je suis certain que M. Forget, le parrain de CinéRoute, sera ravi de vous en dire un peu plus à ce sujet.
Le président: Habituellement, nous n'avons pas l'occasion d'entendre les parrains.
Une voix: De toute façon, nous ne l'admettrions pas.
M. Pillitteri: Monsieur le président, vous ne m'avez pas donné la parole, mais je me demande ce que vous sous-entendez par ce terme de «parrain»... Pour moi, le parrain est celui qui porte l'enfant sur les fonts baptismaux. Mais je comprends les deux interprétations. Je pense que vous devriez être prudent dans l'utilisation de ce mot.
Le président: Malheureusement, ce n'est pas du parrain dont nous avons besoin ici, c'est du Créateur en personne.
Quoi qu'il en soit, poursuivez.
M. Robert Forget (directeur général, Services et développement technologique, Office national du film du Canada): Nous en sommes essentiellement au stade du projet pilote. Nous sommes en train de mettre sur pied un serveur vidéo. C'est un peu comme une vidéothèque exploitée par un robot. On peut demander n'importe quel titre. À l'heure actuelle, des 9 000 titres que nous avons en collection, 3 000 ont été transférés sur ce serveur. Si vous vous rendez aux coins des rues St-Denis et Maisonneuve, à Montréal, vous pourrez vous installer dans ce que j'appelle un cinéma à place unique. Le serveur vous donnera accès à 3 000 titres.
Il s'agit de la première étape de la démarche entreprise en vue de rendre nos films accessibles à la demande. La deuxième étape consistera à permettre la consultation à distance: c'est ce que nous appelons CinéRoute. Trois universités se sont déjà reliées au serveur dans le cadre du projet pilote: l'Université du Québec à Montréal, l'Université McGill... et, il y a quelques jours, l'Université du Québec à Chicoutimi. Chicoutimi constitue d'ailleurs pour nous la véritable démonstration de ce système de consultation sur demande des films de l'ONF, à partir d'un emplacement très éloigné. Avec les deux premières universités, nous voulions simplement savoir si la chose était techniquement réalisable et travailler sur des distances les plus courtes possibles.
Comme l'Office national du film détient les droits sur un nombre aussi important de titres, nous croyons qu'il a la responsabilité d'ouvrir la voie en matière de contenu canadien de l'autoroute de l'information. Il s'agit essentiellement d'un projet pilote rendu possible grâce à un accord avec Vidéotron Communications, entreprise qui est chargée d'installer un réseau de communication par fibre optique entre les différentes villes du Québec. Cet accord est tellement avantageux qu'il a permis la tenue de cette expérience, avant même, sans doute, que l'heure de la vidéo sur demande ait véritablement sonné. Nous espérons pouvoir prendre de l'expansion à partir de la phase pilote et être en mesure d'offrir le service aux autres provinces, par le biais d'accords conclus avec d'autres entreprises de télécommunications.
Le président: Madame Tremblay.
[Français]
Mme Tremblay: J'aurais un commentaire à faire. Je voudrais remercier Mme Macdonald d'avoir donné des réponses claires et précises sur le rôle et le mandat de l'Office national du film. Il serait préférable que les membres du comité arrivent avec de l'information sur les organismes plutôt qu'avec des coupures de journaux, de façon à comprendre vraiment ce que les gens font, quels sont leurs mandats et comment ils les réalisent.
Je voudrais simplement préciser que, si j'ai bien compris, les 37 p. 100 de vos fonds que vous consacrez aux films en français sont dépensés non seulement au Québec, mais aussi hors Québec. Ils sont dépensés pour toutes les communautés francophones d'une côte à l'autre, n'est-ce pas?
Mme Macdonald: Oui, ils servent la communauté acadienne, les Franco-Ontariens et les Franco-Albertains...
Mme Tremblay: Tous les francophones qui ont quelque chose à dire au Canada.
Mme Macdonald: C'est cela.
Mme Tremblay: Personnellement, je vous remercie beaucoup pour le travail que vous faites et pour la qualité de ce travail. Je me souviens du premier film que j'ai vu. J'essayais de voir s'il était dans le catalogue, mais je ne l'ai pas vu. C'était sur les quatre familles canadiennes. C'est un film que l'Office national du film a produit il y a très longtemps et qu'on nous présentait dans les écoles pour nous faire voir, entre autres, une famille des Prairies qui vivait sur une ferme, etc.
Vous faites un travail que nous apprécions beaucoup au Bloc. C'est un travail de qualité. Ce sont des documentaires qui sont vraiment incomparables et d'une grande richesse. Quand on voit votre catalogue, il y en a pour tous les goûts, y compris des films sur les communautés ethniques et leur apport. J'ai vu qu'il y avait des titres qui pourraient vous intéresser sur l'apport des communautés ethniques au développement culturel et économique du Canada. Je pense que tout le monde y trouve son compte, et il serait souhaitable que notre comité commence à faire du vrai travail.
[Traduction]
Mme Macdonald: Quoi qu'il en soit, monsieur le président, nous apprécierions beaucoup que le comité nous apporte son soutien, sous quelque forme que ce soit. À l'évidence, nous traversons une période exigeante pour nous tous et nous avons besoin de toutes les complicités possibles.
Le président: Je tiens à vous remercier pour votre comparution d'aujourd'hui. Comme je l'ai dit au début, je crois que nous avons tous grandi sous l'aile de l'ONF, si je puis m'exprimer ainsi, et que nous en sommes venus à beaucoup apprécier vos productions et le genre de travail que vous effectuez. Il est beaucoup question de favoriser la compréhension mutuelle et j'estime que c'est en partie grâce au travail que vous avez effectué au fil des ans que nous nous connaissons déjà les uns les autres. Je vous en remercie.
Notre pays traverse une période difficile. Vous aurez sans doute compris, dans les interventions de ce matin, que les parlementaires s'inquiètent beaucoup de l'avenir du Canada, vraiment beaucoup. Nous nous demandons où va ce pays. Il est donc normal que nous cherchions à savoir ce qu'il convient de faire. Voilà, je pense, pourquoi nous vous avons posé certaines questions. Notre intention n'était pas de nous livrer à une chasse aux sorcières, de fustiger ou de critiquer qui que ce soit. Nous cherchons simplement à obtenir des explications et des réponses.
Je pense que nous nous interrogeons tous au sujet de l'avenir de notre grand pays et que nous sommes perplexes et complètement démontés de voir dans quel état nous nous trouvons. Je ne veux pas vous sembler pessimiste, mais je crois que nous avons des problèmes.
Je me suis toujours dit que si ce pays devait disparaître, ce serait une mort paisible, dans la dignité et le respect de la démocratie. Je ne sais pas si ça peut m'aider à me sentir mieux, mais c'est ainsi que nous sommes. Nous ne nous lançons pas trop d'invectives - et je ne prétends pas que nous devrions le faire - , et nous ne montrons pas le poing. Nous vivons simplement cet exercice démocratique douloureux. Je crois que nous sommes tous des démocrates et que nous croyons dans la démocratie. J'ai le fervent espoir que la démocratie, celle que nous pratiquons, conférera un nouvel avenir au Canada, un véritable avenir. Si nous n'y parvenons pas de façon démocratique, alors nous ne méritons pas de survivre.
Les temps sont durs. Je vous remercie.
Mme Macdonald: Je tiens, avant de vous quitter, à vous garantir que nous réfléchissons très sérieusement à toutes ces questions, nous aussi, quotidiennement, et que nous faisons tout en notre pouvoir pour exercer notre mandat de façon responsable. C'est là pour nous une préoccupation quotidienne.
Le président: Chers collègues, avant que nous ne levions la séance, je vous invite à solliciter la contribution de nos concitoyens pour qu'ils nous disent comment nous pourrions parvenir à mettre davantage ce pays en valeur et à mieux nous connaître les uns les autres. Si vous êtes en contact avec certains de vos électeurs, demandez-leur de venir nous soumettre leurs idées, de venir nous proposer leurs solutions, vers la fin du mois de janvier. Je pense que nous l'apprécierions beaucoup.
Enfin, je ferais preuve de négligence si je ne vous souhaitais pas maintenant de bonnes fêtes et une bonne année. Et je m'adresse à tous ceux et celles qui sont ici présents.
Merci. La séance est levée.