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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 15 juin 1995

.0910

[Traduction]

Le président: Mesdames et messieurs, la séance est ouverte et nous revenons sur le sujet des satellites.

Nous avons ce matin pour lancer la balle plusieurs représentants de l'Association des consommateurs du Canada: sa présidente sortante, Irene Seilferling; sa directrice générale et conseillère juridique, Rosalie Daly Todd et un bénévole qui est membre du Comité consultatif sur l'autoroute de l'information, Edward Wade.

Nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous demandons de faire maintenant vos remarques préliminaires pour que nous puissions passer ensuite aux questions.

M. Hanrahan (Edmonton - Strathcona): Monsieur le président, avons-nous une copie des remarques?

Le président: Oui. Voilà à quoi ressemble le document. Il y a bien sûr de nombreux documents qui se présentent de la même façon, mais en bas de la page figure la mention: «Association des consommateurs du Canada, juin 1995».

Vous pouvez commencer en vous présentant afin que nous sachions qui vous êtes. Je crois avoir deviné qui était M. Wade.

Mme Rosalie Daly Todd (directrice générale et conseillère juridique, Association des consommateurs du Canada): Très bien, monsieur le président.

Je m'appelle Rosalie Daly Todd. Au nom de l'Association des consommateurs du Canada, je tiens à vous remercier de nous inviter à faire un exposé au comité. Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.

J'aimerais dire quelques mots de plus pour présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui. Comme vous l'avez dit, Irene Seiferling est la présidente sortante de l'ACC et la seule représentante des consommateurs au sein du Conseil consultatif sur l'autoroute de l'information. Elle est également femme au foyer, mère de famille, et étudiante; elle a une petite entreprise et a reçu le prix du gouvernement de la Saskatchewan comme consommatrice de l'année ainsi que le prix du gouverneur général pour la participation communautaire.

Ed Wade est associé depuis longtemps avec l'ACC. Il nous aide en ce qui concerne l'aspect technique des questions de communication depuis une vingtaine d'années. Il est ingénieur-conseil en télécommunications à la retraite et à des antécédents dans les communications militaires. Il est ici aujourd'hui au cas où vous nous poseriez de difficiles questions techniques, mais j'espère que vous ne le ferez pas.

Je vais vous dire quelques mots de plus sur l'ACC au cas où vous ne sauriez pas exactement qui nous sommes. Nous sommes une organisation de bénévoles et nous célébrons cette année notre 48e anniversaire. L'ACC est constituée de Canadiens qui offrent leur temps bénévolement parce qu'ils se préoccupent des questions de consommation et parce qu'ils veulent représenter les consommateurs et améliorer le marché à leur intention.

Avec cette présentation...

Le président: Puis-je vous demander combien de membres vous avez?

Mme Todd: Certainement. Près de 20 000 membres se sont inscrits ces deux dernières années à raison de 25$ chacun, monsieur le président. Nous sommes avant tout un groupe qui représente et qui défend les consommateurs, c'est pourquoi nous n'avons pas vraiment organisé de campagnes d'adhésion comme nous le souhaiterions, mais nous allons bientôt nous attacher à cette tâche de façon concertée.

Pour revenir à notre document, je vais vous en donner les principaux éléments.

Le point essentiel est que l'ACC s'intéresse activement aux télécommunications depuis les années 1970. Voilà longtemps que nous nous inquiétons des satellites, mais cela s'est concrétisé du moins depuis les audiences sur le changement structurel de la câblodistribution au début de 1993.

À ce moment-là - et je vais citer brièvement notre mémoire car je crois qu'il montre bien notre position - nous avons dit ce qui suit dans notre document présenté dans le cadre des audiences sur le changement structurel de la radiodiffusion.

En 1993, lorsque nous avons pris la parole devant le CRTC sur la question des satellites, qui n'étaient pas des satellites canadiens à l'époque, nous avons dit que cette nouvelle technologie devrait être considérée comme une occasion plutôt qu'une menace car d'après notre recherche officieuse et du fait que nos bénévoles et nos membres sont des Canadiens ordinaires, nous avons estimé que les consommateurs souhaitaient une concurrence au câble et un choix, ce qu'ils n'avaient pas. En conséquence, la nouvelle technologie, comme je l'ai déjà dit, devrait être considérée comme une occasion plutôt que comme une menace.

Nous avons également estimé que les études réalisées par Angus Reid étaient justes et que les consommateurs voulaient des chaînes de télévision de meilleur qualité, et pas nécessairement plus nombreuses et que c'était la qualité plutôt que la quantité qu'ils recherchaient dans les émissions canadiennes. Une fois encore, nous avons estimé que tout cela indiquait une volonté de choix et que dans un monde qui nous offrirait 200 chaînes, il faudrait éliminer certaines règles de même que l'étagement et l'assemblage car cela ne serait plus réaliste.

.0915

Nous étions tout à fait favorables au contenu canadien, mais nous estimions que le Canada devait revoir sa politique pour essayer de favoriser un contenu canadien de qualité. Il nous semblait que ce faisant, les Canadiens seraient attirés et préféreraient en fait regarder des émissions à contenu canadien.

Lorsque l'ordonnance d'exemption du CRTC a été publiée sur la question des satellites et du SRD Expressvu, nous nous sommes inquiétés car il était évident qu'il y avait deux compagnies canadiennes à l'horizon qui souhaitaient se livrer concurrence. Il nous a semblé que cette ordonnance retirait arbitrairement l'une d'elles de cette concurrence.

Je vais vous citer brièvement la lettre que nous avons envoyée aux ministres du Patrimoine canadien et de Industrie Canada. Nous parlions du fait que la transmission devait se faire par satellite canadien exclusivement et nous disions ce qui suit:

Nous avons également dit que l'accès était proposé selon les mêmes règles et que cette nouvelle technologie avait en fait la capacité d'offrir une plus grande «adressabilité» que la câblodistribution à l'heure actuelle et qu'elle pourrait donner aux consommateurs certains des choix «à la carte» qu'ils souhaitaient. Mais cela n'est même pas encore à l'ordre du jour. Il s'agit uniquement de savoir si oui ou non nous allons permettre la concurrence en matière de distribution.

Nous avons étudié le rapport du groupe de travail. La nécessité d'obtenir une licence nous a inquiétés car de notre point de vue, du strict point de vue de consommateur, cette nouvelle technologie doit être offerte dès maintenant. Nous craignions que cette condition d'obtention d'une licence entraînerait des retards. Nous avons ausi estimé que tous les nouveaux concurrents canadiens dans ce domaine technologique devraient recevoir le même traitement. En conséquence, s'il elles doivent obtenir une licence, les deux compagnies qui semblent vouloir se faire concurrence actuellement devraient être soumises au même processus.

Les recommandations du groupe de travail donnent une définition étroite des enjeux. Par exemple, tout nouveau satellite ou toute nouvelle entreprise de SRD doit être canadienne et doit en fait respecter les mêmes règles que le câble. Si ces recommandations sont acceptées, tous les problèmes sont vraiment de pure forme en ce qui concerne les audiences. Ainsi, toute audience mandatée relative à l'octroi de licences pourrait être abrégée et accélérée et permettrait aux consommateurs d'avoir le choix et la concurrence qu'ils souhaitent de toute évidence, du moins en ce qui concerne la distribution.

Nous craignions que l'exigence d'une licence distincte pour les services payants de SRD puisse être utilisée pour retarder l'accès, et nous estimions que deux des recommandations qui figurent dans le rapport devraient permettre d'empêcher une telle chose de se produire.

Tout d'abord, une de ces recommandations prévoit qu'il n'y ait pas de contrats exclusifs pour la programmation, ce que nous appuyons. Nous croyons que les deux concurrents qui sont en lice à l'heure actuelle seraient prêts à l'accepter.

Il est recommandé dans le rapport de ne pas bloquer l'autorisation du service de programmation du fait de l'existence ou de la concurrence d'un autre service. Nous sommes également d'accord.

Nous sommes également heureux que le groupe de travail ait choisi d'appuyer directement la programmation canadienne car c'est ce que nous avons recommandé. Nous craignons cependant que dans le système actuel, l'élément créatif de l'industrie de la programmation canadienne ne reçoive pas suffisamment de fonds, que nous ayons un système de distribution très complexe qui profite à des entreprises et non à l'aspect créatif et productif. Nous pensons qu'il faudrait financer ces secteurs directement. Nous sommes favorables au 5 p. 100, et nous estimons que cette recommandation est juste.

En ce qui concerne les autres recommandations contenues dans le rapport, nous pensons qu'il devrait y avoir un accès juste et équitable aux services de programmation. Nous comprenons les inquiétudes des tenants du SRD, en raison de la situation du câble. Nous voulons que le Canada fasse pression pour que des normes internationales soient fixées et nous sommes d'accord avec le directeur pour dire qu'il n'est pas nécessaire à l'heure actuelle d'avoir des règles de propriété réciproque.

.0920

Enfin, monsieur le président, nous avons tenu une assemblée générale à Ottawa récemment et nos membres, nos délégués élus ont adopté la résolution suivante:

Merci, monsieur le président. Nous serons très heureux de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup. Étant donné l'heure, il nous reste six ou sept minutes.

[Français]

Mme Tremblay (Rimouski - Témiscouata): Bonjour, mesdames et messieurs. J'aimerais d'abord que l'on examine une question sous l'angle suivant: l'objectif principal de la loi, qui a été revue en 1991, était de déréglementer d'une manière intelligente, c'est-à-dire de rendre les choses plus souples, plus faciles d'accès.

Quand quelqu'un se présente devant le CRTC, on doit lui accorder l'exemption tel qu'il est clairement stipulé dans la loi: «it shall give the exemption». Cependant, l'exemption, tout comme la licence, sont octroyées sous conditions, en conformité avec les articles 3 et 5, lesquels touchent respectivement la politique canadienne et les règlements. Et lorsqu'on accorde une exemption à quelqu'un, on lui permet non seulement de ne pas dépenser autant d'argent que ce qui est requis par la licence, mais aussi d'épargner du temps, à condition, bien sûr, qu'il se conforme à la politique et aux règlements.

Cela a été le cas avec Expressvu. Mais pour Power DirecTV, comme il veut utiliser des satellites américains et ne satisfait donc pas aux politique et règlements, il ne lui reste qu'une porte de sortie: se présenter devant le CRTC et demander une licence.

Dans votre présentation, vous essayez de défendre les consommateurs - la raison sociale de votre association en témoigne - , mais moi, comme consommatrice, je suis un peu déçue. Je trouve que tous ceux qui sont censés représenter les consommateurs - vous n'êtes pas les seuls en cause - , ne remplissent pas bien leur rôle. À mon avis, il y aurait de la vraie concurrence si je pouvais, aujourd'hui, choisir Expressvu et demain matin, fatiguée d'Expressvu, changer pour Power DirecTV ou vice-versa. Or, actuellement, si je ne suis plus satisfaite d'Expressvu, j'y aurai tellement investi que je pourrai difficilement changer de compagnie, au même titre que ce qui m'est arrivé avec mon Beta. Alors, comment pouvez-vous affirmer que vous défendez les consommateurs quand votre seul souci est de permettre à deux compagnies de faire de l'argent et que nous, consommateurs, sommes laissés pour compte?

[Traduction]

Mme Todd: Il y a à peu près six questions dans tout cela et elles sont toutes très intéressantes. Je vais aborder l'essentiel.

Tout d'abord, je suis juriste, mais je ne vais pas aborder les choses sous l'angle légal, car il faudrait alors se demander s'il devrait y avoir eu une ordonnace d'exemption ou un processus d'octroi de licence. Je vais aborder la chose sous l'angle de la politique de mon organisation, c'est-à-dire en me demandant ce qui est dans le meilleur intérêt des consommateurs.

Tout d'abord, l'ordonnance d'exemption n'était pas un instrument neutre, dans la mesure où elle comportait une condition à laquelle ne sont pas assujettis les câblodistributeurs et qui aurait donc coûté plus cher aux consommateurs. Il y a là une démarche technique à laquelle les câblodistributeurs ne sont pas astreints et cela aurait en définitive augmenter le coût pour les consommateurs. De ce point de vue, ce n'était pas dans l'intérêt des consommateurs.

.0925

Nous avons estimé - et je prends ici une expresion juridique - que c'était une condition spécieuse. Rien ne justifiait que l'on ajoute cette condition. Ce que cela veut dire pour le consommateur, c'est qu'au lieu d'avoir deux compagnies qui se font concurrence sur un marché où il n'y a pas de concurrence, nous allions en avoir une seule et qui avait des racines dans le secteur du câble.

On craignait qu'elles ne se fassent concurrence que dans les zones rurales. Il était tout à fait clair que l'autre candidat souhaitait entrer sérieusement en concurrence. Si l'on regarde la chose sous l'angle du consommateur, et non sous l'angle juridique qui consisterait à se demander si l'ordonnance d'exemption était de mise ou si au contraire c'était le processus de licence qui l'était...

[Français]

Mme Tremblay: Je vous arrête tout de suite. Dans la vie, il faut toujours qu'il y en ait un qui commence. Quand je suis arrivée à Rimouski, il y a 25 ans, les pêcheurs nous donnaient des crabes parce qu'ils ne savaient qu'en faire. Et comme on a commencé à en manger et à aimer cela, les pêcheurs se sont dit qu'il devraient bien commencer à nous les vendre. Ils nous les ont donc vendus un dollar pièce. Cette année, parce que les Japonais en sont extrêment friands, on paie le crabe dix dollars le kilo. Il y a donc un début pour toute chose.

Il en est de même pour les satellites. Il faut qu'il y en ait un qui commence à s'y intéresser pour que l'autre comprenne qu'il y a de l'argent à faire et emboîte le pas. C'est ainsi que naît la compétition. Il faut permettre que ces choses-là arrivent. Or, comment peut-il y avoir plus de deux concurrents si les autres n'ont pas la même technologie? C'est là le problème. Il ne faut pas se perdre dans des discours illusoires. Il faut aller au fond des choses.

[Traduction]

Mme Todd: Je crois que le coeur du problème, c'est qu'il faut des motifs raisonnables pour commencer. À notre avis, cette condition n'était pas raisonnable.

[Français]

Mme Tremblay : Dites-moi pourquoi ce n'était pas raisonnable.

[Traduction]

Mme Todd: Elle n'est pas raisonnable parce qu'il n'est pas nécessaire de faire une liaison montante avec un satellite canadien. Les câblodistributeurs n'ont pas à respeceter cette condition. La tête du câble a des récepteurs multiples. Elle prend le satellite américain directement tout comme le satellite canadien. Il n'y a pas de raison d'imposer cette nouvelle condition, qui est coûteuse pour le consommateur, à cette industrie nouvelle.

En fait nous aimerions que toutes les compagnies puissent entrer sur le marché, peu importe lesquelles.

[Français]

Mme Tremblay: Vous savez très bien que les tarifs des câblodistributeurs sont trop élevés. Vous le savez très bien. Vous défendez les consommateurs, et vous devez donc savoir que leurs tarifs sont trop élevés.

[Traduction]

Mme Todd: Je le sais. C'est pourquoi je veux avoir le choix. Si vous optez pour un SRD, très bien, moi je peux choisir l'autre. Nous voulons avoir le plus grand choix possible et nous pensons qu'à la longue cela crée des conditons plus vaines pour le marché. Nous avons soutenu la concurrence dans le domaine des télécommunications. Nous étions le seul groupe de consommateurs à le faire et nous continuons à penser qu'à long terme, c'est la meilleure solution.

[Français]

Mme Tremblay: Il y juste une petite chose que je voudrais éclaircir. Dans les réponses que vous avez données, vous avez comparé le satellite avec le câble alors que dans votre document, c'est particulier pour Power Corporation.

[Traduction]

Mme Tood: Non, nous voulons les deux compagnies sur le marché si elles répondent aux exigences. Nous voulons toutes les compagnies qui veulent tenter leur chance. Nous pensons que les consommateurs s'en porterons mieux.

La différence avec Power Corporation, si j'ai bien compris, c'est que cette compagnie offre davantage de chaînes. C'est peut-être la proposition la plus intéressante du point de vue du consommateur, mais il faut laisser chaque consommateur décider individuellement laquelle des deux ou de m'importe quelle autres il veut.

Le président: Monsieur Hanrahan, avez-vous généreusement donné une partie de votre temps?

M. Hanrahan: Je crois qu'il m'arrive de donner généreusement de mon temps. Mais je ne voudrais pas que l'on profite de la situation.

Le président: Je vous donne donc maintenant la parole.

M. Hanrahan: Merci, monsieur le président et merci au groupe de témoins d'être venus aujourd'hui.

Je crois que la question de l'exemption, pour ce qui est de sa légalité et autre, n'est pas encore réplée. Nous allons essayer de proposer quelque chose à ce sujet.

Pour revenir plus précisément à votre exposé de ce matin, je dois dire qu'il m'a beaucoup plus et je vous félicite du souci que vous avez du consommateur et surtout du choix du consommateur. Je suis d'accord avec vous pour dire que le consommateur est peut-être celui que l'on a laissé pour compte dans tout ce processus, ces derniers temps en tout cas.

À la page 1 de votre mémoire, vous dites:

.0930

De toute évidence, vous faites des projections. Je voudrais que vous expliquiez davantage comment la prise de décisions passera, selon ce que vous dites, de l'organisme de réglementation au téléspectateur. Je pense expressément au CRTC.

Mme Todd: J'ai écrit cela en 1993. Je songeai alors au fait que des motifs d'ordre technologique justifiaient par le passé des règlements et un contrôle rigoureux. Comme le spectre était limité, il fallait imposer un régime de licences et décider, au nom de l'intérêt public, qui allait avoir sa place dans le spectre. Mais, dans un monde où il y a 200 voire 500 canaux, ce contrôle perd sa raison d'être. Ce que veulent les consommateurs ressort plus clairement, et nous avons un spectre qui leur permet d'exercer leur choix.

M. Hanrahan: Au troisième paragraphe de la deuxième page, vous écrivez que, aux audiences, l'ACC s'est dite d'accord sur les conclusions d'Angus Reid et de Friends of Canadian Broadcasting selon lesquelles les Canadiens veulent des émissions de meilleure qualité, et pas nécessairement plus nombreuses, peu importe d'où elles viennent. Je suis tout à fait d'accord. Nous sommes tous un peu exaspérés de constater qu'un grand nombre de canaux soient au mieux de qualité douteuse sur le plan du divertissement.

Dans les émissions canadiennes, nous devrions mettre l'accent sur la qualité et non sur la quantité. Nous remettons donc en question l'objectif d'une prédominance des émissions canadiennes, conscients que les Canadiens sont favorables à des émissions canadiennes de qualité sans qu'il faille mettre en place des barrières compliquées pour écarter la concurrence.

Selon vous, quelles sont actuellement les entraves qui empêchent de parvenir à cette qualité dont vous parlez dans les émissions canadiennes? Qu'est-ce qui pourrait favoriser à l'avenir la qualité des émissions canadiennes?

Mme Todd: Actuellement, je crois qu'on insiste beaucoup sur les chiffes: on cherche à avoir plus de chaînes canadiennes. Si l'objectif de prédominance canadienne est maintenu, le Canada n'a pas nécessairement les moyens de financer 101 canaux sur un total de 200. Si nous avons deux chaînes canadiennes excellentes, même s'il y a un plus grand nombre de canaux, les téléspectateurs ne vont toujours regarder la télévision que de 22 à 26 heures, comme maintenant. Nous pensons que, s'il existait des canaux de qualité dans le spectre, les consommateurs les préféreraient. Inutile d'essayer de l'emporter sur le plan du nombre, mais il faut proposer une excellente qualité vers laquelle les Canadiens peuvent se tourner.

L'avenir à mon avis, nous donnera une télévision à la carte. Même si on peut choisir entre 200 ou 500 canaux, la technologie nous permettra d'en choisir 3, 4, 5 ou 6. Nous tenons à nous assurer que les émissions canadiennes proposées soient excellentes.

Nous sommes favorables à un contenu canadien de base. Le Canada fait de l'excellent travail en information et en affaires publiques. Mais, lorsqu'on essaie de s'éparpiller et de tout faire, on ne fait rien de bien et, même si on continue d'obliger les Canadiens à faire certains choix... Les recherches montrent selon moi que beaucoup de canaux que les consommateurs sont obligés de recevoir à l'heure actuelle... Nous savons qu'ils ne prisent pas beaucoup les règles relatives à l'étagement et à l'assemblage. Ils ne se servent pas d'un grand nombre des canaux qu'ils reçoivent.

Si l'objectif concerne le contenu et la consommateion réelle d'émissions, il nous faut soutenir les émissions excellentes que le Canada peut produire et renoncer à multiplier les canaux, car même avec la sélectivité et l'adressabilité les consommateurs ne vont choisir que les canaux qui les intéressent parmi les 500 qui peuvent exister.

M. Hanrahan: Je partage votre avis. J'ai un autre sujet de préoccupation. Que pensez-vous des milieux artistiques canadiens, secteur qui représente de très nombreux emplois? Estimez-vous qu'il doit y avoir un petit groupe de vedettes spécialisées, si on peut dire, ou plutôt tout un processus qui permette aux artistes de progresser et de prétendre à la qualité dont vous parlez?

Mme Todd: Je crois que nous n'avons compétence que pour parler de production et dire que nous n'obtenons pas ce que nous voulons, soit un meilleur contenu canadien. Est-ce à cause de problèmes administratifs ou parce que l'argent ne va pas où il devrait, nous ne pouvons pas vraiment le dire. L'organisme Friends of Canadian Broadcasting a fait beaucoup de recherches sur la qualité et est d'accord avec nous pour dire que le système actuel ne favorise pas le contenu canadien comme il le devrait. Nous souhaiterions que le Canada cherche le moyen de mieux favoriser ce contenu, et nous voudrions participer à cet effort.

.0935

M. Hanrahan: Vous avez parlé d'un fonds de 5 p. 100 qui devrait servir aux milieux artistiques et être contrôlé par un organisme indépendant. Cela se trouve à la page 5. Nous appuyons aussi l'autre recommandation du groupe voulant que les fonds recueillis grâce aux émissions canadiennes soient gérés par des organismes indépendants de ceux qui contribuent. Quel type d'organisme envisageriez-vous? Quel seraient les effets sur l'artiste canadien moyen?

Mme Todd: Nous voulons qu'il en profite directement. C'est une simple question de bon sens: plus le financement est dispensé directement aux artistes, meilleur est le produit. Nous ne voulons pas que les fonds se perdent dans les dédales des administrations. Par contre, nous n'avons pas étudié les modalités. C'est en dehors de notre champ de compétence. Nous ne pouvons que commenter la production.

Nous constatons que des pays plus petits que le Canada réussissent à produire des films de qualité comme nous n'en produisons pas régulièrement. Il y a quelque chose qui cloche dans notre système, car, nous avons les talents canadiens - à moins qu'ils ne passent tous chez nos voisins du sud - mais nous n'obtenons pas les résultats que nous devrions.

M. Hanrahan: L'argent reste-t-il entre les mains de l'administration?

Mme Todd: Je ne sais pas. Tout ce que je puis dire, c'est que nous avons un problème, mais nous n'avons pas cherché de solution autre que d'affirmer que le bon sens veut que les fonds soient remis directement aux artistes.

Le président: Le reste du temps sera partagé entre MM. Ianno et McKinnon.

M. Ianno (Trinity - Spadina): Merci d'avoir accepté de témoigner. Hier, nous avons accueilli Friends of Canadian Broadcasting, qui dit représenter 40 000 Canadiens intéressés par le contenu canadien, etc. Je suppose que vous représentez à peu près 20 000 personnes de tous les coins du Canada.

Mme Todd: Cela dépend de ce qu'on entend par «représenter». Nous sommes en contact direct avec 250 000 autres personnes que nous ne considérons pas comme des membres. Elles reçoivent régulièrement notre publication. Nous avons également fait auprès d'elles un sondage non scientifique sur cette question.

M. Ianno: Je suppose que votre conclusion est essentiellement la même que celle exposée par Friends of Canadian Broadcasting hier, soit que, essentiellement, nous voulons davantage de contenu canadien et de concurrence pour que le consommateur canadien ait droit à la qualité et au choix, en tenant compte du câble, de la télévision privée et de la diffusion directe par satellite. Cela veut dire que vous approuvez les directives que le gouvernement fédéral a données au CRTC pour que celui-ci reprenne tout le dossier et se serve du régime de licences au lieu de recourir à des ordonnances d'exemption?

Mme Todd: Nous estimons qu'il faudrait appuyer les excellentes recommandations formulées par ce groupe.

M. Ianno: Le groupe qui a été recommandé, qui a été mis sur pied... Autrement dit, la décision initiale a été de mettre sur pied le groupe et de donner des directives au CRTC.

Mme Todd: Nous pensons que les recommandations du groupe sont bonnes. Nous craignons que la procédure de licence, tant pour l'entreprise que pour les services, et la télévision payante, ne retardent l'instauration de la concurrence au Canada. Si ces recommandations du rapport servent de base...

M. Ianno: J'essaie de reprendre les choses au point de départ, c'est-à-dire la décision du Cabinet d'ordonner au CRTC de revoir tout le dossier et de faire en sorte que les consommateurs aient un choix. En recourant à une ordonnance d'exemption, on ne permettait pas la participation d'autres instances. Êtes-vous d'accord là-dessus?

Mme Todd: Oui, cette façon de procéder était fondamentalement erronée à cause de cela.

M. Ianno: Évidemment, nous pouvons aussi ajouter que nous sommes d'accord sur les recommandations formulées par le groupe, comme les 5 p. 100 et tout le reste. Cela aura pour effet d'accroître le contenu canadien, puisqu'il y aura beaucoup plus d'argent à la disposition des producteurs.

.0940

Voici l'autre question: avez-vous comparu devant le CRTC lorsqu'il a accepté des témoignages sur la télévision directe par satellite?

Mme Todd: Nous n'avons pas fait de présentation officielle, mais nous avons fait connaître notre point de vue.

M. Ianno: Bien. Connaissez-vous quelqu'un d'autre qui se soit prononcé en faveur du recours à l'ordonnance d'exemption dans le cas de la télévision par satellite?

Mme Todd: Est-ce que je connais quelqu'un qui a recommandé cette méthode?

M. Ianno: C'est cela. Connaissez-vous quelqu'un, sur l'ensemble des présentations qui a pu...

Mme Todd: Je crois savoir que l'ordonnance avait déjà été prise. C'était un fait accompli. La question était de savoir s'il fallait revenir en arrière et imposer un régime de licences. Je connais un certain nombre de...

M. Ianno: Auparavant, avant que le Cabinet ne fasse ses recommandations et que le CRTC ne tienne ses audiences sur la télévision directe par satellite, votre groupe n'a pas donné son...

Mme Todd: Je ne m'y retrouve plus très bien. De quel moment parlez-vous au juste?

M. Ianno: Je présume que, avant que le CRTC ne publie son ordonnance...

Mme Todd: L'ordonnance n'a pas été précédée de consultations publiques, que je sache. S'il y en a eu, nous n'étions pas au courant.

M. Ianno: Monsieur le président, vous ou le greffier avez-vous des renseignements là-dessus provenant des documentalistes?

Le président: Je viens tout juste de m'informer au près du documentaliste, et je crois que la réponse... Pour commencer, une ordonnance d'exemption n'exige pas d'audiences publiques.

M. Ianno: Vous dites donc que, essentiellement, le CRTC a agi de son propre chef, sans prendre le pouls des participants ni des parties intéressées dans tout le Canada?

Le président: Je ne suis pas spécialiste, mais le documentaliste me dit que c'est la procédure normale pour ces ordonnances. Il n'y a pas de consultations publiques obligatoires.

M. Ianno: Par conséquent, le Cabinet a dit, au fond, qu'il réprouvait la démarche suivie parce que personne n'avait donné son point de vue et que tout s'était déroulé derrière des portes closes. Est-ce votre avis?

Mme Todd: Je ne peux pas me prononcer sur les motifs du Cabinet.

M. Ianno: Non, ce n'est pas ce que je veux dire. Mais si vous n'avez pas été consultés et si vous ne connaissez personne d'autre qui l'a été...

Mme Todd: Je crois que nous aurions dû être consultés. Si l'on fait abstraction de l'aspect technique, nous aurions aimé pouvoir donner notre point de vue. Chose certaine, nous nous serions prononcés contre cette condition supplémentaire.

M. Ianno: Je suis peut-être mal informé, monsieur le président, mais nous étudions cette question depuis maintenant plusieurs jours, et je ne savais pas qu'il n'y avait pas eu d'audiences publiques sur cette ordonnance.

Le président: Je crois que ce point est maintenant établi. Nous allons devoir passer au prochain député.

M. Ianno: Un instant. Il me reste encore une ou deux petites questions avant de terminer, monsieur le président.

Le président: Soyez bref, s'il-vous-plaît.

M. Ianno: Je serai très bref.

Le président: Les réponses doivent être brèves également.

M. Ianno: Vous avez dit aussi que le câble permet de capter l'information des satellites américains et de l'acheminer dans le réseau de câblodistribution. Est-ce juste?

Mme Todd: Effectivement.

M. Ianno: Je présume que Power DirecTV ou d'autres peuvent opter pour des émissions étrangères diffusées également par les satellites américains. En fait, le câble et la télévision directe par satellite peuvent avoir le même effet. Est-ce exact?

Mme Todd: Je le pense. Selon moi, les services de télévision directe ne pourront reprendre que les émissions étrangères pour lesquelles ils ont un permis de diffusion au Canada.

M. Ianno: Si on tient compte... Vous avez peut-être lu la décision du CRTC. Pouvez-vous me dire quelle est la différence entre la compagnie de câblodistribution et les services de télévision directe par satellite et pourquoi l'un peut utiliser le satellite américain et l'autre pas?

Mme Todd: Je n'en ai pas le moindre idée. Je n'ai pas d'explication.

Le président: Permettez-moi de revenir aux modalités à suivre pour prendre une ordonnance d'exemption. Il m'a été signalé que la Commission avait publié un projet d'ordonnance au sujet des entreprises canadiennes de télévision directe par satellite le 2 mars 1994. Le document comprenait un certain nombre de questions, mais il n'y a pas eu d'audiences publiques. Certains ont peut-être envoyé des commentaires, mais...

M. Ianno: C'est curieux. Procèdent-ils vraiment ainsi, monsieur le président?

Le président: Je l'ignore. Je ne suis pas un expert en la matière, monsieur Ianno.

M. Ianno: Pourrions-nous savoir si c'est là une démarche inhabituelle?

Le président: Je ne sais pas. Il serait sans doute plus utile de faire des recherches au lieu de nous livrer à des spéculations comme nous le faisons en ce moment.

M. Ianno: Surtout hier, avec certaines insinuations de Friends of Canadian Broadcasting. Le processus devient très difficile.

Le président: Nous allons essayer d'en savoir un peu plus long. Pour l'instant, nous allons passer à M. McKinnon, qui posera les dernières questions.

M. McKinnon (Brandon - Souris): Je suis intéressé par ce qui s'est passé...

Le président: Moi aussi. C'était prenant. Mais je ne voulais pas vous interrompre.

.0945

M. McKinnon: J'espère que vous trouverez mon intervention aussi passionnante, monsieur le président.

Mme Todd: Je voudrais parler de cette question. Je m'occupe de l'aspect télécommunications du mandat du CRTC. Il est vrai que le Conseil fait parfois ses consultations par publication de documents. Il est possible qu'un de ces documents nous ait échappé. Je ne veux pas lancer d'accusations. Il y a parfois des audiences, et parfois pas. J'aurais préféré qu'il y en ait cette fois-ci, mais c'est la prérogative du CRTC.

M. Ianno: Monsieur le président, à ce propos, ne s'agissait-il pas là d'une initiative importante? Le dossier de la télévision directe par satellite, qui est toute nouvelle, n'aurait-il pas justifié une participation des Canadiens au processus?

Mme Todd: J'ai dit que nous aurions aimé être consultés.

M. McKinnon: Je voudrais revenir brièvement sur des questions qui ont déjà été posées. Pourriez-vous expliquer davantage votre point de vue sur la réglementation du contenu canadien? Je vais rester plutôt dans le général.

Sauf erreur, vous avez dit que, avec ce nouveau régime de télévision directe et de câble, avec la fragmentation des auditoires qu'entraînera l'augmentation du nombre de canaux, nous ne pouvions espérer maintenir tous les aspects de la réglementation actuelle sur le contenu canadien. Pourriez-vous préciser votre pensée?

Mme Todd: Avec plaisir. Tout d'abord, je pense que l'objectif de prédominance canadienne, qui est énoncé dans la Loi sur la radiodiffusion, exigerait en principe qu'il y ait 101 canaux canadiens si le nombre total est de 200. Je me demande si nous pouvons arriver à trouver 101 canaux spécialisés. Voilà le problème.

Nous comptons sept bureaux au Canada. Nous savons, d'après ce qui s'est passé en janvier dernier, que les consommateurs ne prisent pas les règles relatives à l'étagement et à l'assemblage. Ils n'aiment pas se faire imposer des canaux dont ils ne veulent pas. Il existe pour cela des raisons techniques, en ce moment, raisons que fera disparaître l'adressabilité, mais je crois que nous serions toujours en faveur d'un certain minimum de contenu canadien que tous devraient avoir.

Selon nous, cela n'engloberait pas les 20 canaux spécialisés. La règle s'appliquerait par exemple à la SRC, à CTV, aux canaux communautaires et à TVO. C'est là un service essentiel de base. Je crois que tous les Canadiens le veulent. Par contre, nous ne préconisons pas une parité avec les canaux américains.

Ce genre de chose est peu populaire. Nous croyons que certains canaux canadiens que les consommateurs sont obligés d'accepter pour recevoir les canaux qu'ils veulent ne sont tout simplement pas regardés. Si on cherche à assurer un certain contenu canadien, ce n'est pas la politique à suivre.

M. McKinnon: Voici un deuxième point. Je lis peut-être entre les lignes, mais je ne suis pas sûr de comprendre vos observations sur les compagnies de diffusion par satellite, qu'elles soient canadiennes, américaines ou européennes. Vous estimez qu'elles doivent toutes se livrer concurrence et que nous ne devrions pas favoriser une compagnie canadienne par opposition aux services offerts par des pays étrangers?

Mme Todd: Du strict point de vue du consommateur, la technologie ou le mécanisme de diffusion est neutre. Mais nous ne sommes pas que des consommateurs. Nous sommes aussi Canadiens. Pour notre économie, nous préférons une saine concurrence, mais nous ne contestons pas les lois sur la propriété canadienne.

Nous souhaitons qu'il y ait concurrence, mais nous voulons qu'elle soit canadienne. Ce n'est qu'en 1993, lorsqu'il n'y avait pas de satellite canadien en vue, que nous avons réclamé la concurrence. Si elle était venue des États-Unis, tant pis. Notre préférence, comme Canadiens, est d'avoir une économie saine et nous sommes donc en faveur d'un réseau de diffusion canadien.

M. McKinnon: D'accord. Mais le satellite canadien n'est pas exclu.

Mme Todd: Pour ce qui est de la technologie, nous ne prenons pas parti, si ce n'est pour dire que nous avons des avantages à retirer d'une saine économie. Selon nous, il faut laisser entrer les émissions. Si cela se fait par l'entremise d'un réseau exclusivement canadien, je ne crois pas que nous nous y opposerions.

Je pense que je devrais faire appel à Ed pour répondre à cette question.

M. Edward Wade (membre du Comité consultatif sur l'autoroute de l'information, Association des consommateurs du Canada): J'ai l'impression que vous passez à côté de l'essentiel, dans l'évolution actuelle et dans ce qui pourrait se produire dans un monde où il y a 200 canaux.

.0950

Le président: Ce ne serait pas inhabituel pour nous.

M. Wade: Ces 200 canaux sont diffusés en même temps, quels que soient les distributeurs. Il leur faut donc trouver des émissions à diffuser sur ces 200 canaux. En Amérique du nord, ces émissions sont recueillies par de nombreux satellites. Ils sont aussi bien canadiens qu'américains, mais en majorité américains. On a aussi recours à des satellites internationaux pour obtenir TV5, par exemple.

Je ne vois aucune raison d'utiliser uniquement ce satellite canadien, car c'est un seul canal qui diffuse sur la liaison montante et qui est ensuite distribué dans les foyers. Auparavant, il y avait de nombreux satellites et, il n'y en aura plus qu'un.

Mme Todd: Je parlais surtout de la liaison avec le consommateur, qui est canadien, sans m'inquiéter vraiment du satellite utilisé.

Le président: Je crois que la secrétaire parlementaire a une question qui découle de tout cela.

Mme Guarnieri (Mississauga-Est): J'ai simplement une petite remarque à ajouter à la dernière question de M. Ianno.

Nous avons parmi nous un représentant du CRTC qui souhaite indiquer qu'un avis avait été publié en mars 1994 et que 60 propositions écrites ont ensuite été reçues.

M. Ianno: Oui, cela a été dit.

Le président: Nous ne savions pas combien de propositions avaient été faites.

Il reste une dernière question que va poser Mme Brown.

Mme Brown (Oakville - Milton): Soyez les bienvenus à notre Comité.

Il est réconfortant de voir des gens comme vous ici, car vous faites en gros la même chose que nous; vous essayez de prévoir le meilleur avenir possible et de faire en sorte que cela se passe ainsi pour vos clients qui sont les consommateurs du Canada. C'est le même public que nous desservons. Toute cette question qui consiste à essayer de deviner l'avenir et à proposer les meilleurs plans et les meilleurs cadres de travail possibles pour les entreprises publiques et privées, c'est ce que nous cherchons à faire.

J'ai constaté que vous parliez beaucoup de responsabilisation du consommateur, de choix du consommateur, de concurrence et de marché. On peut parfois avoir une idée en regardant ce qui s'est produit auparavant car personne, parmi nous, n'est sûr de l'avenir.

J'aimerais savoir ce que vous pensez de votre intervention d'il y a quelques années, à moins que ce ne soit l'année dernière. Vous avez été le seul groupe de consommateurs à prôner la concurrence pour les communications téléphoniques interurbaines. Pensez-vous que le raisonnement qui est à l'origine de votre intervention en l'occurrence a donné les résultats que vous escomptiez pour les consommateurs ou avez-vous des doutes?

Mme Todd: Nous n'avons pas de doutes, mais le consommateur du marché résidentiel agit avec une grande inertie et ce sera sans doute le dernier marché à vraiment voir les avantages de cette situation. L'un des problèmes était lié au prix élevé des appels interurbains au Canada.

Je participe à une audience en ce moment de laquelle je me suis échappée temporairement. Il est clair que le secteur des affaires en a profité et que les tarifs ont baissé. Ils ont aussi baissé pour le marché résidentiel. Les consommateurs n'en ont pas autant tiré profit que nous l'espérions.

Pour une raison ou une autre, et cela est peut-être justifié, on s'identifie davantage aux représentants de Stentor qu'au secteur du câble. Les consommateurs semblent ne pas tirer profit des possibilités et des prix. Mais pour ce qui est de la décision, non, nous pensons toujours que c'était la bonne décision.

Avant l'audience, les représentants de Bell et de Stentor ont dit bien clairement qu'il n'y aurait pas de réduction des prix des appels interurbains pour les marchés résidentiels pendant les cinq prochaines années. Je crois qu'ils ont dit que cela pourrait être 5 p. 100. Tout consommateur qui le veut, peut maintenant profiter d'une réduction d'au moins 15 p. 100 avec Stentor et les autres compagnies.

Il y a donc bien eu un avantage pour les consommateurs. Il se trouve qu'ils tardent un peu à tirer profit de la situation, mais nous n'envisageons pas de revenir sur cette décision.

Mme Brown: Vous ne vous inquiétez donc pas maintenant du fait que la réduction du prix des appels interurbains, qui profite avant tout aux entreprises, puisse aboutir à une augmentation des tarifs locaux? Vous n'y voyez pas d'inconvénient?

Mme Todd: Ce n'est pas que nous n'y voyons pas d'inconvénient, mais ce danger a toujours existé.

Mme Brown: C'est un secteur qui subventionne l'autre.

Mme Todd: Exactement. Il y a là des questions d'interfinancement et d'affectations et cela devient très technique. Nous craignons que les tarifs locaux augmentent beaucoup, mais nous avions aussi cette inquiétude avec la situation de monopole.

Certains consommateurs font des appels interurbains. Ils en ont profité. Nous nous inquiétons pour les consommateurs économiquement faibles si les tarifs locaux augmentent. Nous nous inquiétons pour le consommateur moyen parce qu'il ne dispose plus du revenu net qu'il avait autrefois.

.0955

Nous pensons que le CRTC va continuer à assurer un certain équilibre puisqu'il décidera si c'est oui ou non dans l'intérêt du public d'augmenter les taux considérablement. Nous espérons que cela n'arrivera pas et nous nous battrons en ce sens.

Le président: Pour être juste, je vais laisser la chance à M. de Savoye de poser la dernière question.

[Français]

M. de Savoye (Portneuf): Je dois dire, et j'en suis déçu, que votre présentation ne m'impressionne pas. Vous mentionnez à plusieurs reprises que vous voulez assurer aux consommateurs un meilleur choix par le biais d'une saine compétition.

Bien que je comprenne votre intention et qu'elle soit louable, vous ne touchez pas aux éléments fondamentaux qui garantiraient ce résultat. Dans votre rapport, vous parlez de protéger la capacité de compétition entre les entreprises, mais vous omettez de mentionner les avantages qu'il en résulterait pour le consommateur. Ainsi, est-ce que le fait, par exemple, qu'il y ait plusieurs fournisseurs de services - on parle ici d'Expressvu et de Power DirecTV - permettrait de choisir entre deux gammes de prix? Est-ce que je pourrais, en tant que consommateur, avoir accès aux prix le moins élevé et le plus élevé, pour pouvoir ensuite prendre une décision éclairée quant à l'acquisition d'un signal?

Deuxièmement, est-ce que cela m'assure un choix de programmation différent? Peut-être que j'aurais davantage de canaux avec Power DirecTV, mais est-ce que la programmation est différente ou est-ce qu'elle est répartie également entre le football, le baseball et le ballon-panier? J'ai beaucoup de canaux, mais est-ce que j'ai un meilleur choix? Et qu'en est-il de la qualité de la programmation? Vous n'avez touché à aucun de ces aspects et, comme consommateur, c'est ce qui m'intéresse. C'est aussi ce qui intéresse tous les consommateurs que je connais dans ma circonscription et je pense pouvoir affirmer qu'il en est de même pour les consommateurs du reste du Canada. En fait, tout ce que vous prétendez ici, c'est que j'aurai le choix de choisir mon esclavage. Ou j'investis 1 000$ pour acquérir l'équipement d'Expressvu ou j'investis 1 000$ pour acquérir Power DirecTV. Ensuite, je suis prisonnier de mon choix jusqu'à ce que j'aie un autre 1 000$ à investir.

Je vous l'avoue, votre rapport me déçoit. Vous auriez pu parler de normes de compatibilité, ce qui fait qu'en tournant le bouton, je pourrais faire un choix ou un autre. Pourquoi n'en avez-vous pas parlé? Vous auriez pu parler d'accords bilatéraux avec les Américains pour éviter le marché gris. Pourquoi ne touchez-vous pas à ces questions?

[Traduction]

Le président: Disons que cette question sera la dernière de toutes les questions.

Mme Todd: Tout d'abord, nous devions faire un exposé de cinq à dix minutes et nous avons dû choisir parce que les questions sont nombreuses. D'autres témoins vous parleront de certaines des questions que vous avez mentionnées.

De toute évidence, lorsqu'il n'y a qu'un seul fournisseur, on ne peut pas parler de concurrence des prix. Il est évident que lorsqu'il y a plus d'une entreprise sur le marché, il peut au moins y avoir une concurrence dans les prix, ce qui n'est pas le cas avec le monopole actuel.

M. de Savoye: Pas après que j'aurai dépensé 1 000$, madame.

Mme Todd: Est-ce que je peux continuer?

Je crois savoir que ces entreprises vont louer les boîtes pour une somme minime. Je le répète, je ne prétends pas que ce soit la situation idéale, mais elle est préférable à celle qui prévaut actuellement.

Par exemple - et il en est question ici - la technologie des satellites garantit aux consommateurs un choix à la carte. La télévision à la carte ne sera possible que lorsque les câblodistributeurs auront accès aux mêmes technologies. Je préférerais que ce ne soit pas le cas. Nous avons soulevé cette question à bien des reprises, mais personne ne veut nous écouter.

Mieux vaut un tien que deux tu l'auras. À l'heure actuelle, il n'y a pas de concurrence par les prix, aucun choix ne nous est offert et nous devons accepter des canaux dont nous ne voulons pas.

C'est tout ce que je peux répondre à votre question.

Le président: Cela dit, je remercie l'Association des consommateurs d'avoir été tellement intéressante que nous avons dépassé le temps qui nous était alloué.

Comme d'habitude, j'ai perdu le contrôle du Comité. Nous allons prendre une pause de deux minutes en attendant nos autres témoins.

Je vous remercie à nouveau d'être venus nous rencontrer.

.1000

PAUSE

.1004

Le président: Je déclare la séance réouverte.

.1005

Nous devrions avoir deux représentants, M. Crawley, de l'ACTRA,

[Français]

et les représentants de l'Union des artistes, mais ils ne sont pas là. Donc, M. Crawley sera privilégié.

M. Alexander Crawley (président, Alliance des artistes canadiens du cinéma, de la télévision et de la radio): Nous sommes d'accord.

[Traduction]

Le président: Monsieur Crawley est bien connu du comité. Nous sommes aussi pressés que d'habitude et je lui demanderais donc de faire quelques observations préliminaires au nom de tous ceux qu'il souhaite représenter.

M. Crawley: Merci, monsieur le président.

L'ACTRA est une organisation qui représente environ 10 000 artistes pigistes et journalistes de radiotélévision travaillant pour la presse parlée au Canada, surtout en langue anglaise. La Constitution nous confère la responsabilité de nous faire les défenseurs de la politique officielle dans l'intérêt de nos membres et des artistes de toutes les disciplines en vue de l'épanouissement culturel au Canada.

La direction du CRTC par le gouvernement fédéral est un mécanisme visant à assurer que les communications au Canada s'effectuent d'une manière qui sert tous les Canadiens. La question à l'étude, soit les aspects juridiques de la radiodiffusion directe par satellite à l'intérieur de nos frontières, mettra à l'épreuve notre volonté collective de maintenir notre souveraineté culturelle.

Nous devons reconnaître que le climat dans lequel cette politique est en train d'être élaborée se ressent des efforts déployés par les plus grandes sociétés pour faire valoir leurs objectifs et, pour les fins du présent mémoire, nous avons décidé de braver la tempête.

Peu nous importe que les vues exprimées par Expressvu ou Power DirecTV l'emportent à court terme. Ces deux sociétés ont de nombreuses connaissances et une vaste expérience de la façon de gérer une entreprise. La question n'est pas de savoir s'il faut ou non se doter de services de radiodiffusion directe dans un cadre juridique, mais bien comment et quand, et dans l'intérêt de qui.

Nous vous présentons ce mémoire dans l'espoir de promouvoir l'élaboration de politiques qui cherchent à trouver le juste équilibre entre les intérêts des grandes sociétés et le potentiel de création des Canadiens qui sont les inspirateurs du contenu qui favorisera la croissance économique; ce n'est plus tant la distribution qui est à l'origine de la création d'une richesse. Comme nous l'avons déjà donné à entendre, même les compagnies de téléphone dont la distribution a toujours été la raison d'être, envisagent de s'intéresser au contenu.

L'ACTRA considère comme prioritaires les questions liées au niveau de contribution - à la création du contenu - à l'administration des ressources qui en découlent, et que nous aimerions examiner avec vous - et à la protection contre une intégration verticale possible. Malheureusement, le gouvernement fédéral et ses organismes continuent à traiter les artistes et les organisations qui les représentent comme des enfants rebelles qu'il faut constamment ramener à l'ordre en confiant leurs droits économiques et moraux aux grandes sociétés.

De toute évidence, nous faisons ici allusion à la deuxième étape du droit d'auteur, étape où les artistes, par exemple... Si l'on nous conférait le droit d'auteur à cette étape-ci, les contrats que nous avons négociés seraient respectés, ce qui n'est pas trop demander; cela ne coûterait pas un sou de plus.

Le président: Pouvons-nous remettre cette question à plus tard?

M. Crawley: Oui, à plus tard.

Ce qui nous préoccupe, c'est que le processus d'élaboration de la politique est axé à titre prioritaire sur les besoins des grandes sociétés. Cela dit, nous sommes prêts encore une fois à nous élever au-dessus de nos préoccupations pour collaborer à l'élaboration d'une politique réfléchie et avant-gardiste.

Nous constatons que le Canada et le reste de la planète sont en train de franchir l'ère des monopoles naturels viables dans le secteur des communications électroniques. Étant donné que les monopoles existants tardent à accepter cette réalité, c'est au gouvernement d'agir en adoptant les lois et les règlements qui s'imposent. Nous croyons que les décrets actuels, tels qu'ils ont été libellés et qui sont en voie d'être modifiés, pointent dans la bonne direction.

En réalité, la controverse actuelle qui entoure la politique canadienne touchant la radiodiffusion directe par satellite montre clairement que ni le gouvernement fédéral ni son organisme de réglementation indépendant n'ont suivi le rythme des nouvelles technologies de distribution. Bien que le CRTC l'admette dans son récent rapport sur la convergence, l'ACTRA n'est pas prête à accepter des excuses de sa part, ou de celle du gouvernement fédéral, lorsqu'il s'agit de politiques touchant la distribution des oeuvres culturelles.

Le CRTC, qui s'en est tenu selon nous à une politique dépassée, a pris une décision qui a engendré la création de ce qui nous apparaît être un monopole qui s'inspire du modèle de la câblodistribution, mais qui repose sur une technologie différente. Comme dans le cas de la plupart des initiatives de radiodiffusion directe par satellite, sinon toutes - d'après nos informations, c'est le cas - les choix qui ont été faits au sujet des normes applicables feront que l'on va continuer d'exploiter un système fermé pour le moment. Étant donné que la distribution se fera en collaboration avec les services de télévision à la carte qui sont déjà détenteurs d'une licence, les possibilités sont assez limitées pour le moment. Et cela, en vertu d'une ordonnance d'exemption.

.1010

La viabilité à long terme d'une telle entreprise dépend du consentement des Canadiens à respecter la frontière entre satellites canadiens et américains. Pourtant, nous sommes déjà au fait depuis un certain temps déjà de l'existence du marché gris des services de satellites. Les nouvelles antennes paraboliques adressables, qui sont plus coûteuses, ne peuvent que hâter sa croissance. Les nouvelles techniques et la norme nord-américaine tant attendues, mais qui seront adoptées sous peu selon nous, vont nous attirer irrésistiblement vers l'interopérabilité.

Lorsque le public va s'apercevoir qu'il peut avoir accès, à bon marché, à différents systèmes reposant sur la même technologie, toute entreprise qui utilisera une technologie différente perdra du terrain. Et aucune loi n'y changera quoi que ce soit. Cela ne veut pas dire que les gens ne choisiront pas de respecter la loi, si le choix est intéressant. L'ACTRA croit que s'ils disposent d'un choix raisonnable, les Canadiens opteront pour des services exploités par des Canadiens presqu'à tout coup pour la simple raison qu'ils auront accès à leur propre contenu.

Historiquement, ce contenu a englobé les meilleures émissions offertes à l'étranger et un choix de plus en plus grand de nos propres émissions. Rien ne nous permet de supposer que ce choix ne sera pas élargi aux services de radiodiffusion par satellite sous la direction du CRTC, grâce à une politique stratégique moderne, politique que suivront, du moins nous l'espérons, et l'organisme de réglementation et le gouvernement.

Nous croyons qu'une telle politique peut comporter l'amortissement des coûts de la distribution à l'échelle d'un continent - c'est la question qui nous intéresse - tout en favorisant la mise en place d'instruments d'épanouissement culturel comme la réglementation par le CRTC, l'administration du droit d'auteur et tout autre programme qui pourraient naître de l'article applicable de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Nous faisons ici allusion à l'article 2005 qui concerne l'exemption de la culture. En fait, nous ne pensons pas que la libéralisation du commerce des produits de la culture et le renforcement de la souveraineté culturelle s'excluent mutuellement.

Lorsque les nuages qui planent au-dessus de la télévision axée sur la musique country se seront dissipé - et nous sommes persuadés que le gouvernement fera ce qu'il faut pour cela, le Canada devra exhorter notre plus grand partenaire commercial à reconnaître l'action synergique positive que peuvent avoir les nouvelles technologies de distribution tout en maintenant des marchés distincts. La question qui nous préoccupe devrait le prouver. Cela aiderait peut-être même les États-Unis à voir comment diversifier leurs propres marchés où s'exerce la domination de leurs propres monopoles dépassés.

Nous sommes donc en faveur de la délivrance de permis, le plus tôt possible, à des services concurrentiels de radiodiffusion directe par satellite et de télévision payante. Doivent figurer parmi les exigences:

1. La volonté et la capacité de transmettre tous les signaux canadiens des émissions à l'horaire à partir de satellites canadiens.

2. Un choix d'émissions canadiennes de télévision à la carte déterminé par le CRTC. Le nombre des émissions ne devrait pas être inférieur à ce qu'il est actuellement et il devrait augmenter à mesure que le répertoire d'émissions canadiennes de choix va s'élargir et que la compression digitale va se perfectionner.

3. Attribution de licences non exclusives pour les émissions de télévision à la carte, en tenant compte du fait que des droits distincts s'exercent sur le territoire canadien et que le contrôle du contenu est entre les mains de Canadiens.

4. Acquisition de toutes les émissions de télévision à la carte qui ne sont pas produites en studio auprès de distributeurs canadiens.

5. Obligation d'affecter un pourcentage fixe des recettes provenant de la distribution au financement d'oeuvres canadiennes.

6. Obligation d'affecter un pourcentage fixe des recettes provenant de la télévision à la carte au financement d'oeuvres canadiennes. Je tiens à ajouter que nous faisons allusion dans les deux cas aux recettes brutes, et non nettes.

7. Comptabilité transparente entre la distribution et la programmation aux fins d'une plus grande contribution au financement des oeuvres canadiennes.

8. Administration de ces contributions par des organismes indépendants des distributeurs qui feraient l'objet d'une surveillance et ou les artistes seraient représentés.

Ce dernier élément est essentiel et ne doit pas être considéré comme accessoire. L'ACTRA l'a déjà dit. Elle s'oppose au modèle de financement de la câblodistribution, qui est fondé sur le volontarisme et contrôlé par des entreprises de distribution et de mise en bloc d'émissions qui font l'objet d'une intégration verticale de plus en plus poussée. Ce modèle risque de déboucher sur des arrangements anticoncurrentiels inacceptables entre les principaux intervenants au détriment de la diversité et de l'innovation, élément essentiel à l'épanouissement culturel et au développement économique et social. Nous soutenons qu'un nouveau modèle s'impose pour toutes les entreprises de distribution à une époque où les monopoles n'ont plus leur place.

.1015

Nous craignons toutefois que ces ressources soient financées par le biais des organismes culturels fédéraux existants. Cela, parce que la conjoncture financière actuelle pourrait inciter le gouvernement à invoquer cette excuse pour retirer son financement direct à ces organismes. L'ACTRA est convaincue que les organismes culturels fédéraux pourraient se prêter à des investissements publics accrus à l'ère de l'économie de l'information. Cependant, nous ne sommes pas convaincus que nos dirigeants politiques le reconnaissent.

Nous croyons que le CRTC doit s'intéresser à cette question, que le secteur de la distribution devrait être abondamment consulté et que l'administration de ces nouvelles ressources pour la création d'oeuvres canadiennes doit enfin englober une représentation directe des organisations d'artistes.

Le président: Monsieur Crawley vous pourriez peut-être résumer les principaux points des pages qui restent.

M. Crawley: De la façon dont mon texte a été rédigé, je dois vous le présenter au complet. Il ne reste qu'une page et demie et je vous demanderais d'être patient, monsieur.

Nous avons commencé en retard parce qu'il était au début question de tarifs téléphoniques, ce qui n'a rien à voir avec la question à l'étude, monsieur. Je vous demanderais donc de me laisser le temps de finir.

Le président: Allez-y, mais essayez de condenser le plus possible ce magnifique texte.

M. Crawley: Je suis désolé, mais il est déjà passablement condensé, comme vous pourrez le voir en le lisant.

Quant au pourcentage des contributions d'oeuvres canadiennes, nous pensons que le nouveau comité a sous-estimé les chiffres de moitié à peu près en ce qui concerne la distribution et de plus encore probablement en ce qui concerne la télévision à la carte.

Nous craignons aussi que les chiffres soient fixés à l'avance dans le cadre de la politique, et nous croyons qu'ils devraient plutôt l'être par le CRTC, attendu que le but de cette nouvelle politique est de maximiser les avantages qu'il y a à financer des oeuvres canadiennes. En fait, l'introduction de la concurrence dans le service de radiodiffusion directe par satellite, comme pour tous les autres services de distribution, devrait permettre au CRTC de se préoccuper moins de la rentabilité d'une entreprise donnée de distribution titulaire d'une licence et de se préoccuper davantage de son mandat culturel.

Nous ne préconisons pas pour autant que le CRTC renonce à la responsabilité qu'il a de réglementer le marché; cependant, nous croyons qu'il devrait rajuster ses priorités en fonction du fait que les monopoles ne servent plus l'intérêt public. Nous croyons qu'une politique adéquate en matière de radiodiffusion directe par satellite doit comporter des liens avec les objectifs culturels globaux et reconnaître la possibilité d'intégrer les infrastructures de distribution canadienne et américaine tout en maintenant la souveraineté culturelle et économique.

Quant à la délicate question du calendrier, nous croyons qu'il faudrait commencer à délivrer des licences le plus tôt possible pour favoriser la concurrence. L'exemption originale n'avait pas sa place, selon nous, et doit être remplacée par un régime d'attribution de licences. Nous reconnaissons que cette question est à l'étude depuis au moins deux ans, que les parties intéressées ont élaboré des plans d'entreprise et qu'il ne faudrait pas leur demander d'en reporter l'exécution parce que les décisionnaires n'ont pas fait leur travail.

Nous recommandons par conséquent que l'attribution de licences pour les services de radiodiffusion directe par satellite et de télévision payante soit accélérée. Si le CRTC a besoin de ressources supplémentaires pour respecter les délais, il faudrait qu'elles lui soient fournies. Dans le cas des entreprises de radiodiffusion directe par satellite, la question a été étudiée tellement à fond qu'il devrait sûrement être possible de procéder rapidement.

Nous croyons aussi que l'attribution de licences pour les services de télévision à la carte par satellite doit être accélérée. Nous comprenons que la situation est d'autant plus compliquée que les titulaires actuels de licences sont tenus de verser des contributions inférieures à ce qu'elles devraient être. Je veux parler du financement d'oeuvres canadiennes.

Nous ne voulons pas qu'en raison de l'urgente nécessité d'une concurrence, les titulaires d'une licence soient autorisés à se soustraire à la responsabilité qu'ils ont d'appuyer les objectifs culturels de la Loi sur la radiodiffusion. Néanmoins, il serait injuste de demander à l'une quelconque des parties intéressées de payer le prix d'une mésentente entre le gouvernement et l'organisme de réglementation. Selon nous, la solution réside dans des efforts supplémentaires de la part de l'organisme de réglementation, efforts appuyés par une orientation claire du gouvernement.

Merci. Je n'ai pas besoin de lire le reste de mon texte. Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup.

Je pense que nous allons passer

[Français]

maintenant à l'Union des artistes.

M. Rychard Thériault (vice-président, Union des artistes): Mesdames, messieurs, tout d'abord, je tiens à vous faire nos excuses. Nous pensions que notre présentation était prévue pour 10h30. Nous nous excusons auprès de vous, de notre ami et aussi de l'ACTRA.

Nos remarques porteront essentiellement sur le contenu du projet de décret et non pas sur l'opportunité d'attribuer une licence à l'une ou l'autre des entreprises de programmation en présence ou à venir.

.1020

Nous réserverons nos commentaires à ce sujet au forum approprié, soit les audiences d'attribution de licences sous la responsabilité du CRTC.

Permettez-nous d'abord de réitérer notre respect du droit incontestable du gouverneur en conseil de donner au Conseil, au chapitre des grandes questions d'orientation en la matière, des instructions d'application générale relativement à l'un ou l'autre des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion ou de la réglementation et de la surveillance du système canadien de radiodiffusion en conformité avec l'article 7 de la Loi sur la radiodiffusion.

Ce droit de regard et de directive est un élément essentiel du bon fonctionnement et du respect de la politique canadienne de radiodiffusion. C'est grâce à ce pouvoir, notamment, que les milieux culturels canadiens et québécois ont pu faire appel précédemment au gouverneur en conseil d'une décision du CRTC concernant l'attribution de licences aux câblodistributeurs Shaw et COGECO pour des services de distribution par câble d'émissions de radio composées pour l'essentiel d'une programmation américaine. À cette occasion, le gouverneur en conseil avait reconnu la validité des motifs de l'appel, confirmant de ce fait la finalité du CRTC en ce qui a trait à l'application des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion concernant la prépondérance du contenu canadien.

Or, dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, ce même objectif de prépondérance du contenu canadien est directement remis en cause, non pas par une décision erronée du CRTC, mais par le projet de décret de l'instance chargée de veiller au respect des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion défendus par le CRTC, soit le gouvernement. Qui plus est, une disposition apparaissant en 3c) des instructions concernant l'exploitation d'une entreprise de programmation de télévision à la carte fournissant des services par l'intermédiaire des entreprises de distribution par satellite de radiodiffusion directe nous semble contrevenir directement à l'atteinte de ce même objectif.

En effet, il nous apparaît impensable que le gouvernement puisse, par le biais de l'article 7 de la Loi sur la radiodiffusion, utiliser son pouvoir d'intervention auprès du CRTC d'une façon qui porte atteinte au respect de certaines obligations fondamentales contenues à l'article 3 de la même loi.

L'instruction en question se lit comme suit:

En d'autres mots, les règles ne s'appliqueraient que pour la distribution de la programmation canadienne.

Par un effet pervers, des entreprises américaines distribuant une programmation entièrement assemblée aux États-Unis, donc à 100 p. 100 de contenu non canadien, et acheminée directement via un satellite américain aux abonnés canadiens se trouveraient «canadianisées» à la condition de s'adjoindre les services d'un satellite canadien pour la seule distribution des services de programmation canadiens. Ainsi «canadianisées», ces entreprises pourraient distribuer un nombre illimité de services américains, sans égard à l'obligation faite à une entreprise canadienne de contribuer à la prépondérance du contenu canadien dans le système, contribuant ainsi à diminuer la présence jusqu'à le «ghettoïser» au sein du système.

Or, la Loi sur la radiodiffusion fait obligation à toutes les composantes du système de contribuer à l'atteinte des objectifs en matière de prépondérance du contenu canadien.

Rappelons que c'était le motif même de notre appel au gouverneur en conseil dans le cadre de la programmation de la radio câblée assemblée aux États-Unis et que le gouverneur en conseil avait reconnu la validité de cet argument. Ce qui valait pour la radio câblée vaut aussi pour la programmation de télévision distribuée par satellite. Le gouverneur en conseil ne peut, par voie de décret, ordonner au CRTC de transgresser à l'application de l'article 3 de la même loi, lui donnant son pouvoir d'intervention en la matière.

L'Union des Artistes est extrêmement préoccupée des conséquences que pourrait avoir l'application de pareilles instructions et de leurs effets d'entraînement sur d'autres composantes du système canadien de radiodiffusion. De tout temps, ce système a dû se prémunir contre la tendance à l'envahissement culturel de son voisin, non pas pour priver les Canadiens de la liberté de choix, comme le prétendent les détracteurs du système, mais bien au contraire pour la leur assurer.

C'est cette préoccupation qui a mené à l'adoption d'une clause d'exemption culturelle, lors des négociations sur le libre-échange avec les États-Unis, en reconnaissance du caractère particulier de la culture et des industries qui en découlent et de la nécessité de les soustraire aux seules règles des échanges purement commerciaux qui prévalent en d'autres matières. Cette clause a été négociée à la demande expresse du Canada. Il serait inadmissible que le Canada lui-même la rende caduque par ses propres actions, notamment dans un secteur d'avenir comme celui de la diffusion directe par satellite.

.1025

Le 2 juin dernier, neuf des principales associations oeuvrant dans le secteur audiovisuel québécois et représentant les artistes-interprètes, les scénaristes, les réalisateurs, les techniciens, les auteurs-compositeurs et les producteurs, ont convenu de la position commune suivante sur cette question:

Il est, selon nous, tout aussi important de s'assurer que les entreprises de distribution par SRD soient assujetties aux mêmes exigences et cadre réglementaire que les entreprises de câblodistribution, soit la priorité et la prépondérance aux services canadiens, l'obligation de contribuer au financement des productions canadiennes, le respect des règles d'étagement et d'assemblage, et la distribution des seuls services étrangers autorisés par le Conseil, et de maintenir le Canada comme un marché de diffusion distinct.

C'est à la lumière de ces considérations que l'Union des Artistes demande au gouvernement de réexaminer son projet de décret afin de permettre au CRTC d'exercer correctement son mandat de réglementation et de surveillance de toutes les composantes du système canadien de radiodiffusion, dans le respect des objectifs qui lui sont fixés par la loi.

Je vous remercie pour votre aimable attention.

Le président: Je crois que nous devons passer tout de suite aux questions. Chaque parti a cinq minutes.

M. de Savoye: Je remercie l'ACTRA et l'Union des Artistes pour deux présentations tout à fait remarquables. Elles sont remarquables parce qu'elles touchent à des points qui me tiennent à coeur et qui, j'en suis convaincu, tiennent aussi à coeur l'ensemble du public canadien.

Vous parlez de satellites, mais vous parlez aussi de moyens modernes de diffusion. Je pense que l'autoroute de l'information avec la fibre optique ajoutera, d'ici quelques années, à la complexité de cette question de la diffusion. L'ACTRA, dans son mémoire, dit:

[Traduction]

[Français]

Elle ajoute:

[Traduction]

[Français]

Quant à l'Union des Artistes, elle dit:

Ma question est donc la suivante: qu'est-ce que l'ACTRA et l'Union des Artistes proposent pour assurer le maintien d'un marché distinct de celui des États-Unis, pour garantir que les entreprises diffusent le signal canadien par des satellites canadiens et pour éviter une «ghettoïsation» du contenu canadien?

D'abord, l'ACTRA, puis l'Union des Artistes, si vous le permettez.

M. Crawley: Je vous remercie, monsieur. Je vais parler en anglais parce que c'est plus facile.

[Traduction]

M. de Savoye: Je vous en prie.

M. Crawley: À mon avis, ce qui importe c'est de garder le contrôle de ces services, peu importe la technologie, peu importe le satellite. Peu importe que ce soit un satellite européen, américain ou un satellite appartenant à des intérêts canadiens, pourvu qu'il soit entre les mains d'une compagnie sous contrôle canadien qui, tout en offrant le service, aurait un véritable contrôle sur ce que transmet le satellite. Ainsi, si l'un des deux compétiteurs utilise un cornet d'alimentation double pour transmettre ses films canadiens à un satellite américain et aussi pour les vendre parce qu'il y trouve son avantage, il n'y a pas de risque, dans la mesure où les réalisateurs et les artistes ici reçoivent une partie du prix payé.

Mais ce contrôle est essentiel. Peu importe que la personne soit à Genève ou à Denver ou à Tokyo, tant qu'elle reçoit des directives qui respectent les règlements établis par une commission forte dont les politiques sur cette question sont très claires et très fermes.

M. de Savoye: Et comment y arriverez-vous, par le biais d'accords bilatéraux?

.1030

M. Crawley: Dans l'avenir, comme vous dites, quand les technologies de distribution seront encore plus nombreuses, on pourra les relier entre elles. Nous en parlions tantôt avec les consommateurs. Pour l'instant, quand vous achetez un système, il faut, essentiellement, rester avec le prestataire de services qui utilise ce système. Les grosses sociétés de toutes sortes vont vouloir que les choses en reste ainsi le plus longtemps possible, mais tôt ou tard le public n'acceptera pas cette situation. Je pense que le gouvernement a la responsabilité d'encourager cette évolution.

Nous croyons que les gens vont choisir d'obéir aux lois. Si vous les éduquez et si vous leur faites comprendre que leurs propres réalisations, bien de chez eux, contribuent à augmenter la richesse de leur pays tout en leur offrant des choix, et la possibilité de faire diffuser leurs oeuvres chez eux - et non seulement les émissions de nouvelles ou d'actualités, tel que les consommateurs semblent le proposer - cela devient une partie inhérente de la vie au Canada. C'est aussi un élément qui contribue à la croissance économique du Canada. Les gens seront disposés à favoriser cela et observeront la loi tant que vos règlements le permettront.

Votre marché distinct doit susciter le respect de la communauté internationale. Le Canada a un rôle clé à jouer dans la discussion à l'échelle mondiale sur le sujet, et nous devons construire un marché distinct et fort ici. C'est possible. Il existe des solutions. Ce n'est pas sorcier.

[Français]

M. de Savoye: Merci. L'Union des Artistes, s'il vous plaît.

M. Thériault: Votre question, monsieur de Savoye, est très simple, et je pense qu'elle mérite une réponse très simple.

Ce n'est pas très compliqué: il faut suivre la loi et procéder par licences. La loi prévoit ces choses-là et on fait, ce matin, comme si on avait un nouveau problème. Or, on n'a pas de nouveau problème; on a une loi et il suffit de la suivre. Il s'y trouve des mécanismes très clairs qui permettent de garantir le produit canadien et de réinvestir dans la production. C'était la principale préoccupation du gouvernement en rédigeant la loi. On est conscients des dangers qui existent avec cet immense partenaire que sont les États-Unis mais, s'il vous plaît, ne créons pas de faux débat en nous demandant ce que nous pourrions faire. On a une loi, respectons-la! C'est simple.

Mme Lucie Beauchemin (consultante, Union des Artistes): J'aimerais seulement dire, monsieur de Savoye, qu'évidemment, chaque fois qu'il y a une nouvelle technologie qui apparaît, on réagit un peu comme si, dorénavant, il n'était plus possible de rien contrôler. Or, chaque fois que le Canada s'est vu confronté à une nouvelle technologie émanant des États-Unis ou qui y était particulièrement vigoureuse, il y a toujours eu des gens pour dire que ce n'était plus possible de contrôler le marché, qu'il fallait le laisser aller pour que la nouvelle technologie s'exprime en toute liberté. Et chaque fois, on a pu démontrer, par les processus législatif et réglementaire, qu'il était possible d'utiliser la technologie au profit de notre culture.

Tout ce qu'on demande au gouvernement aujourd'hui, c'est d'inciter le CRTC à continuer dans la voie qui lui a été fixée par la loi et de s'assurer que les nouvelles technologies tiennent compte de cette réalité et de cette culture distinctes que nous tenons à transmettre à la population. Les Québécois, on le sait, sont très attachés à la programmation qu'ils reçoivent et qui est produite ici. Nous tenons à ce que cela continue.

Le président: Merci, madame Beauchemin. Nous passons maintenant à M. Hanrahan.

[Traduction]

M. Hanrahan: Vous avez tous les deux parlé très vite. Il faut que j'assimile tout cela, donc il va me falloir un petit moment.

Ma première question porte sur la soumission d'ACTRA. À la page 3, on énumère une série d'obligations, et à la cinquième on parle de «l'obligation de contribuer un pourcentage fixe des recettes tirées de la distribution au financement d'oeuvres canadiennes». À quel pourcentage fixe pensiez-vous?

.1035

M. Crawley: À cet égard, je crois que le groupe de travail est allé trop loin en proposant 5 p. 100. Je crois que les membres du groupe de travail ont été très généreux à l'égard des grandes entreprises canadiennes. Je ne crois pas qu'il soit opportun, tout au moins pour l'instant, d'enchasser dans la politique un pourcentage semblable. Il n'est pas utile d'établir des pourcentages si la commission sait ce qu'elle doit faire et sait qu'elle doit aller au-delà des monopoles; il faut évidemment que le gouvernement établisse des principes très clairs, et je crois de fait, que c'est ce que le gouvernement tente de faire.

Puisque vous me le demandez, personnellement, je voudrais qu'on fixe le pourcentage à 20 p. 100 du prix de détail. Et je crois que les sociétés réaliseront quand même des profits.

Cela me fait un peu penser aux prostestations des radiodiffuseurs à l'égard des droits connexes. Ils disent qu'il n'y aura plus de radiodiffuseurs privés si on donne plus d'argent aux artistes, que cela les détruira. Regardez ce qui se passe dans les autres pays où il existe des droits connexes. Le secteur de la radiodiffusion continue de bien s'y porter, il faut le reconnaître.

Le monde des affaires vous inonde littéralement de documents et de commentaires sur la question. Je crois que ce niveau pourrait être beaucoup plus élevé. Si un gouvernement canadien courageux indique clairement à la commission que la culture est l'élément important, plutôt que la survie de certaines entreprises, peut-être les membres de la commission pourront-ils, à la suite de consultations, élaborer un régime de licences qui permettra aux artistes de défendre leurs propres intérêts, et il en va de même pour les consommateurs.

Je crois que ces tarifs devraient être établis par la commission, mais par une commission saine qui a des objectifs bien clairs et des dirigeants bien éclairés.

M. Hanrahan: Pensez-vous qu'un jour - dans cinq ou 10 ans - s'il y avait un certain nombre de groupes qui se livraient concurrence pour avoir accès à la production du secteur artistique, il serait possible de produire des émissions si excellentes qu'Expressvu offrirait 10 p. 100 et que Power dirait non, non, c'est une émission si merveilleuse que nous allons offrir 12 p. 100?

M. Crawley: Vous passez maintenant à un domaine fort intéressant, l'intégration verticale.

Il y a des services offerts par les détenteurs de licences. Expressvu est supposément un distributeur, mais il détient également des licences pour des services à la carte qui doivent négocier avec lui et négocier avec les gens qui créent les émissions et en sont les propriétaires. Nous croyons que les artistes sont en fait également propriétaires des émissions, même si la loi ne le reconnaît pas encore. Cela est indiqué dans les contrats, mais on ne respecte pas cette disposition parce qu'il y a trop d'intermédiaires. Si vous voulez que les distributeurs passent des contrats avec les propriétaires des produits, cela est un peu dangereux parce qu'il faut quand même songer aux facteurs comme la distribution et le contenu.

Ces problèmes ne disparaîtront pas et le gouvernement doit commencer à élaborer des politiques claires à cet égard. La séparation structurelle suffira-t-elle? Faut-il des services différents qui appartiennent à des entreprises différentes? Nous ne sommes pas des experts, mais nous sommes des innovateurs. Nous pourrions probablement vous offrir certains conseils à cet égard, mais la question est fort complexe.

M. Hanrahan: J'en suis conscient, mais je voudrais qu'un jour, lorsque vous produisez quelque chose de particulièrement excellent, vous puissiez, en tant qu'artiste, être en mesure d'obtenir le meilleur prix possible.

M. Crawley: Oui. C'est d'ailleurs ce qui se passe maintenant. C'est toujours le cas. Les règlements actuels n'empêchent aucunement qui que ce soit de payer plus s'il croit que le jeu en vaut la chandelle.

M. Hanrahan: Il n'y a pas de complicité, d'entente ou...

M. Crawley: On retrouve dans les marchés des poids et contrepoids. Vous ne voulez pas, par exemple, qu'on offre un accès plus facile pour privilégier un réalisateur particulier. Le transporteur peut avoir investi dans une unité de production et dire que son entreprise va investir son argent de cette façon, parce qu'à ce moment-là, il peut ménager la chèvre et le chou; ainsi, on peut limiter les contributions qu'on doit faire aux termes de la loi simplement parce qu'on cache cet argent dans deux entités distinctes. Malheureusement, cela semble être monnaie courante dans le monde des affaires aujourd'hui, et c'est justement là où le gouvernement doit intervenir pour assurer qu'il n'y a pas d'abus.

M. Hanrahan: Vous parlez au même endroit de l'administrateur, dont vous dites qu'il devait être indépendant de l'entreprise de distribution, et qu'il devrait y avoir une surveillance sectorielle appropriée et qu'il fallait prévoir à cet égard la présence de représentants du gouvernement et des artistes. Pouvez-vous m'en dire un petit peu plus long là-dessus, parce que tout le monde semble aborder le problème sous un angle différent.

M. Crawley: C'est une situation en pleine évolution. Comme nous l'indiquons à la page suivante, si nous canalisons simplement ces ressources, ce qui peut paraître bien logique aux yeux de certains, et si nous disons par exemple que nous le donnerons à la Société Radio-Canada, à Téléfilm, à l'Office national du film ou à autre chose du genre, il y a d'autres questions que le comité étudie actuellement et qu'il étudiera plus tard...

.1040

M. Hanrahan: Mais ce groupe qui serait responsable de la gestion de cette caisse...

M. Crawley: Le ferait dans le meilleur intérêt du public, c'est ce que...

M. Hanrahan: Oui, on l'espère, mais on s'occuperait tellement de l'administration que tout compte fait l'artiste recevrait très peu.

M. Crawley: C'est un danger qui existe. C'est pourquoi nous disons bien clairement que le temps est venu de laisser les artistes et les organismes qui les représentent participer aux activités de ces cultures administratives auxquelles vous confiez l'affectation des ressources artistiques, supposément pour assurer une plus grande créativité. Les réalisateurs participent actuellement à ce processus. Ils veulent aussi être perçus comme des artistes, un peu comme les grands pontes à Hollywood, mais nous sommes pas Hollywood loin de là. Le temps est venu de le reconnaître. Il faut reconnaître que ceux qui font les émissions s'assureront que ce genre de choses ne se produira pas. C'est pourquoi il faut les inviter à la table de négociation et de discussion.

M. Hanrahan: Pensez-vous que si on avait un modèle où on établissait un niveau de 5 ou 20 p. 100, ou un autre pourcentage qu'on choisira, on doive préciser dans le mandat qu'un montant minimal devra être consacré à l'administration?

M. Crawley: Je suis parfaitement d'accord avec ce principe.

Le président: Merci beaucoup. Le dernier intervenant sera M. Ianno.

M. Ianno: Si j'ai bien compris l'orientation de votre mémoire, vous voudriez qu'on accélère l'approbation de la distribution par SRD?

M. Crawley: Oui.

M. Ianno: Vous voulez également qu'il y ait une certaine concurrence.

M. Crawley: Oui.

M. Ianno: Pensez-vous que le conseil des ministres devrait enjoindre le CRTC de repartir à zéro et de créer une plus grande concurrence et, comme le propose la commission, d'accroître le contenu canadien, et d'assurer le paiement d'une cotisation à un fonds de programmation?

M. Crawley: En principe je suis d'accord. La situation actuelle des concurrents me déplaît. Il y a tellement de pressions qui s'exercent sur ces deux groupes que je ne crois pas que l'un ou l'autre devraient être placés dans une situation désavantageuse. Je crois donc qu'il est possible, si le gouvernement assume sa responsabilité et donne des directives bien claires à la commission, de garantir qu'il y ait un lancement pratiquement simultané, entre détenteurs de licences.

M. Ianno: Oui, entre détenteurs de licences. En fait, vous convenez que le conseil des ministres ne devrait pas se contenter d'un simple décret d'exemption et ne devrait pas donner à un intervenant des avantages que les autres n'auront pas à l'égard de la distribution par SRD?

M. Crawley: Nous avons cru comprendre qu'on essayait peut-être de créer le dernier monopole naturel viable pour un service particulier. C'était peut-être un effort valable, mais ce n'est pas une vision acceptable et nous croyons donc que l'exemption originale n'était pas une bonne idée.

Nous irions même jusqu'à dire que l'exemption des jeux n'était peut-être pas une très bonne idée. Qui plus est, peut-être que les journaux ne devraient-ils pas être exemptés lorsqu'ils seront diffusés électroniquement.

Le président: Monsieur Ianno, avez-vous l'intention de demander à l'autre groupe s'il est du même avis?

M. Ianno: Monsieur le président, j'aimerais poser une dernière question. Puis vous pourrez poser la vôtre.

Le président: Je voulais simplement savoir pourquoi...

M. Ianno: Avez-vous pu faire connaître votre position au CRTC avant qu'on ne présente le décret d'exemption?

M. Crawley: Il faut comprendre qu'il y a beaucoup de décrets et d'ordonnances en ce qui ont trait au CRTC. J'occupe mon poste à titre bénévole, même si cela semble pratiquement être devenu un emploi à temps plein. J'ai une secrétaire trois jours-semaine. Si je tentais de me pencher, au CRTC, à toutes les questions de nature culturelle, je serais mort.

M. Ianno: Merci.

Monsieur le président, allez-y.

[Français]

Le président: Je voudrais bien savoir dans quelle mesure la réponse de l'Union des artistes serait différente de la réponse de M. Crawley, par rapport à cette même série de questions. Êtes-vous d'accord ou en désaccord?

M. Thériault: Je pense que si nous sommes ici ce matin, c'est justement parce que nous sommes d'accord avec l'ACTRA.

Le président: Il y a des nuances.

M. Thériault: Oui, et Mme Beauchemin peut peut-être apporter des précisions.

Mme Beauchemin: Les nuances ne portent pas sur le fond. Nous sommes, en effet, entièrement d'accord avec l'ACTRA et nous le disons d'ailleurs dans notre mémoire.

.1045

Le gouverneur en conseil, par la loi, a ce pouvoir et il l'exerce et nous ne contesterons pas son pouvoir ni son droit d'exercer ce pouvoir.

Tout ce que nous voulons, c'est que dans le processus de licence, les directives qui sont données au CRTC soient bien en conformité avec le mandat qui lui est fixé dans la loi en ce qui a trait à la composition de la propriété canadienne, à la prédominance du contenu canadien et à l'appui à la production de la programmation canadienne. À ce niveau, notre mémoire est très clair et tout le monde peut s'entendre là-dessus.

Nous avons peut-être deux autres nuances à apporter sur la notion même de concurrence. Nous connaissons certainement les lois du marché et il n'y a pas de problème à ce niveau, mais il faut apporter une nuance: le système canadien a toujours, au niveau culturel, tenté de contrebalancer les forces naturelles du marché pour tenir compte de certaines réalités culturelles, de la réalité du marché canadien à côté du marché américain qui est prédominant. Je n'ai pas besoin de vous faire une description détaillée là-dessus. Il est donc nécessaire de tenir compte d'autres éléments, pas uniquement de la question du libre marché comme tel, mais de la capacité du système d'intégrer de nouveaux services tout en préservant le contenu canadien.

La dernière nuance, et je pense que c'est naturel, est celle-ci: l'Union des Artistes représente en majorité le secteur francophone et nous tenons à recommander aux gouvernement, dans ses directives au CRTC, de tenir compte de la spécificité de ce marché et de ne pas noyer la production francophone dans un océan sans cesse croissant. Ce sont essentiellement les nuances que nous tenons à apporter.

Le président: Merci bien, madame Beauchemin. Nous sommes dans l'obligation de vous dire au revoir parce que nous avons d'autres témoins à entendre. Merci bien à l'ACTRA et à l'Union des Artistes. On va sans doute se revoir un de ces jours.

On va faire une petite pause de deux minutes.

.1047

PAUSE

.1050

[Traduction]

Le président: Bien, nous allons reprendre. Nous accueillons maintenant des représentants du Bureau de la politique de concurrence. Nous accueillons M. George Addy, directeur des Enquêtes et recherches, Loi sur la concurrence. Il nous a apporté un texte et est accompagné de collègues. Il a donc une équipe et un texte.

M. George Addy (directeur, Enquêtes et recherches, Loi sur la concurrence, Bureau de la politique de concurrence, Industrie Canada): Je sais que vous avez peu de temps et que votre horaire est très chargé aujourd'hui. Je me contenterai donc de vous faire part des points saillants de mon texte. Vous avez reçu copie du mémoire en anglais et en français, et si vous me le permettez, je me contenterai d'en faire ressortir les points saillants, puis nous pourrons passer aux questions.

Je suis accompagné aujourd'hui de M. David McAllister, agent de commerce principal qui fait partie du groupe de travail sur les télécommunications; M. Ménard, sous-directeur des Enquêtes et recherches et cadre supérieur responsable du groupe sur les télécommunications, et enfin M. Annan, un autre agent de commerce principal qui fait partie du même groupe.

Comme vous le savez, monsieur le président, mesdames et messieurs, les questions que vous étudiez sont très importantes. La câblodistribution domine largement le marché de la distribution d'émissions de télévision, car 77 p. 100 des foyers de téléspectateurs canadiens sont abonnés à la câblodistribution, et elle donne un choix très clair aux téléspectateurs. Comme nous l'avons récemment constaté cette année, les consommateurs désirent une concurrence, et un choix réel. Le tollé de protestations soulevées par la politique de l'abonnement par défaut plus tôt cette année était un exemple très clair de la situation.

Je suis fasciné par la concurrence qui sera suscitée sur ce marché par la distribution par SRD. C'est une forme de concurrence très attrayante, qui présente des avantages certains, et qui a en fait déjà suscité une réaction de nature concurrentielle de la part des sociétés de câblodistribution. Elles ont élargi leur capacité. Elles ont investi dans le réseau CableSat - un réseau satellite qui offre un service de télévision à la carte et étendu - et elles ont annoncé qu'elles offriront également un accès par Internet.

La distribution par SRD est très intéressante mais ne saurait remplacer le service de câblodistribution, et ce pour trois grandes raisons. Tout d'abord, il s'agit-là d'un service plus coûteux pour l'abonné. Deuxièmement, la câblodistribution offre des canaux locaux, ce qui n'est pas le cas de la distribution par SRD et, troisièmement, un jour, la câblodistribution offrira de nouveaux services interactifs, ce que n'offrira pas la distribution par SRD. Je crois qu'un jour également, les sociétés de câblodistribution devront livrer concurrence aux compagnies de téléphone, et peut-être même à d'autres types de technologie. Tout cela est très encourageant.

La question que vous étudiez est très importante parce que la distribution par SRD existe aujourd'hui, et elle peut livrer concurrence à la câblodistribution dès maintenant. Elle peut offrir aux consommateurs de meilleurs prix, de plus grands choix et par le fait même un plus grand marché pour les émissions canadiennes.

Pour ce qui est du rapport, je crois qu'il est important de rappeler les trois types de concurrences qui y sont recommandées, et dont font écho les directives. Il s'agit de la concurrence entre les entreprises de distribution par SRD, entre les entreprises de distribution par SRD et les câblodistributeurs, et entre les services de programmation, par exemple les services de télévision à la carte, des entreprises de distribution par SRD.

.1055

Je suis tout à fait d'accord avec les recommandations et les directives du groupe de travail. Je pense, tel qu'a conclu le groupe de travail sur la politique concernant les SRD, qu'il nous faut une politique sur les satellites qui établit un équilibre entre les objectifs de concurrence et d'efficacité et d'appui pour l'infrastructure canadienne. Les règles garantissant un accès aux programmations canadiennes aux entreprises SRD sont importantes aussi, comme la libre concurrence pour des licences TVC.

L'une des questions que vous avez déjà considérées est l'utilisation des satellites. À mon avis, l'utilisation exclusive des satellites canadiens pour tous les signaux SRD est à la fois inefficace et anticoncurrentielle. Elle est inefficace parce qu'elle nécessite la retransmission des signaux deux fois, ce qui ajouterait beaucoup au coût des entrepreneurs SRD. En plus, elle ajoutera des frais aux entreprises SRD qui n'existent pas pour les entreprises de câble, parce que les entreprises de câble peuvent accéder directement aux signaux étrangers par le biais des satellites étrangers.

Je ne pense pas que l'utilisation exclusive soit nécessaire à la viabilité de Telesat. En plus, il me semble que ni la Loi sur la radiodiffusion ni la Loi sur les télécommunications ne l'exige. En fait, le sous-alinéa 3.1)t)(ii) de la Loi sur la radiodiffusion encourage l'utilisation efficace de la technologie. Je pense que l'utilisation efficace des satellites est dans le même ordre d'idées.

En ce qui concerne l'accès, j'endosse la décision du groupe de travail de la politique sur les SRD selon laquelle nous avons besoin d'une règle non-discriminatoire pour garantir que les entreprises SRD puissent avoir un accès égal à la programmation canadienne.

En ce qui concerne la concurrence à l'égard de l'attribution des licences pour la TVC,

[Français]

le Groupe de travail a aussi recommandé un modèle concurrentiel d'émissions de télévision à la carte. Comme vous le savez, ce service est maintenant fourni sur une base de monopole. Il y a une entreprise licenciée pour déservir l'Ouest canadien et une autre pour l'Est canadien.

Je crois qu'il n'y a aucune raison pour que les bénéfices de la concurrence ne puissent se réaliser, ce qui inclurait le plus bas prix pour les consommateurs et un plus grand accès au marché pour les producteurs canadiens de films. Selon le modèle proposé par le Groupe de travail, les objectifs culturels seraient sauvegardés parce que toutes les licences d'émissions par SRD à la carte seraient sujettes aux mêmes termes et conditions que les licences actuelles d'émissions à la carte en ce qui concerne la propriété canadienne et l'aide aux films canadiens.

Comme le Groupe de travail le souligne, les inquiétudes voulant que les entreprises ayant de nouvelles licences achètent des films ou des produits sur une base exclusive pour leurs services à la carte sont, selon moi, sans fondement. Le service à la carte est un service fondé sur des transactions qui génèrent des revenus seulement quand le consommateur décide d'acheter le droit de regarder un film ou un événement particulier. Les producteurs de films canadiens et américains ont donc intérêt à ce que leurs films soient diffusés par tous les modes de distribution et par tous les distributeurs afin que leur produit soit accessible au plus grand nombre possible de consommateurs et ainsi que leurs revenus augmentent en conséquence.

Le Groupe de travail a aussi recommandé que les instructions proposées indiquent clairement qu'il soit interdit à tous ceux ayant des licences de services à la carte d'acquérir le droit de distribution de films ou d'autres émissions sur une base exclusive.

[Traduction]

J'aimerais maintenant présenter quelques propositions concernant le libellé des instructions proposées, d'abord en ce qui concerne le libre accès au marché.

Ce qui est implicite dans le rapport du groupe de travail pourrait être rendu explicite dans les instructions en ce qui concerne - et ils en font mention à la page 19 et dans le préambule de leur rapport - la rentabilité économique. Les instructions pourraient établir clairement que le CRTC ne devrait pas refuser une licence à une entreprise SRD ou TVC au motif que la viabilité économique des titulaires de licences existants pourrait l'affecter. Laisser les forces du marché créer les résultats les plus efficaces est tout à fait fidèle aux principes de base du rapport et de la directive.

Ma seconde proposition par rapport aux instructions concerne l'usage des satellites, auquel j'ai fait allusion tout à l'heure. Le paragraphe 3b) des instructions sur la distribution par SRD permet aux entreprises de distribution par SRD d'utiliser des satellites étrangers en autant que les compagnies de câblodistribution peuvent le faire. À mon avis, cette condition n'est ni nécessaire ni souhaitable.

Les entreprises devraient pouvoir choisir les mécanismes de distribution les plus efficaces, sans égard aux mécanismes choisis par les câblodistributeurs.

.1100

Par exemple, si un câblodistributeur choisit plus tard une technologie autre que les satellites pour obtenir les signaux qui seront retransmis par son réseau, les distributeurs SRD, au sens le plus restrictif des instructions, seraient empêchés de se servir des installations de satellites. Alors on ne devrait pas automatiquement lier l'utilisation, mais la concurrence devrait être équilibrée.

En ce qui concerne l'échéancier, monsieur le président, je sais qu'il en a été question ici et devant le comité du Sénat aussi. L'échéancier de la mise en oeuvre est une considération importante, quand on pense aux trois sortes de concurrence. Le choix qui se présente ici est un peu difficile.

Comme solution idéale, le CRTC devrait entreprendre et conclure son processus d'attribution de licences dès que possible - si possible, avant le 1er septembre. J'ai compris du témoignage de M. Spicer qu'il ne croit pas que ce soit possible avant le 29 décembre, si je me souviens bien. Cela devrait se faire le plus tôt possible, parce qu'autrement on finit par échanger une forme de concurrence contre une autre. Si vous acceptez que Expressvu lance son service le 1er septembre, vous risquez d'avoir un impact sur la concurrence entre les distributeurs SRD. Par contre, si vous obligez Expressvu à attendre la fin du processus d'attribution de licences, vous risquez d'avoir un impact négatif sur la concurrence entre les câblodistributeurs et les distributeurs SRD. C'est un choix forcé. La meilleure solution serait de concrétiser ces deux scénarios dès que possible.

Une solution de rechange a été proposée, outre le fait de demander au CRTC d'appliquer son processus de façon expéditive et d'établir une date précise pour la conclusion du processus initial d'autorisation. Il s'agit de proposer, ou de demander au CRTC... La loi, telle que je la comprends, monsieur le président - mais je ne suis pas expert en ce qui a trait à leurs règles - permet au CRTC de le faire de sa propre initiative. Il pourrait revoir son décret d'exemption existant. S'il le revoit de sa propre initiative, le délai serait beaucoup plus court qu'un processus intégral d'autorisation.

Alors, il y aurait moyen de faire avancer les choses sur deux fronts. Il y aurait moyen d'équilibrer plus tôt la concurrence entre les deux sortes de distributeurs - et je pense qu'il devrait y en avoir deux, comme tout le monde, je crois - et de réduire les coûts du marché si le processus d'autorisation continuait, et si le CRTC revoyait son décret d'exemption en en supprimant, peut-être, ce qui me semble l'élément clé - la disposition sur l'utilisation exclusive - pour en faire un décret d'exemption révisé. On me dit que cela pourrait prendre entre 75 et 90 jours, par rapport à la période prévue pour le processus d'autorisation.

Voilà mes observations liminaires, monsieur le président.

Le président: Je vous remercie, monsieur Addy. Vos observations étaient fascinantes et pourraient très bien nous aider dans nos délibérations, quand nous essaierons de déterminer ce que nous pouvons faire nous-mêmes pour faciliter le processus.

[Français]

M. de Savoye: Monsieur Addy, j'ai lu votre rapport. J'ai des remarques assez critiques sur ce que vous venez de nous dire. Je ne veux pas que vous les preniez personnellement. Je sais que vous ne les comprendrez pas de cette façon, mais j'aimerais que vous réagissiez à mes propos et à mes interrogations.

À la page 3, vous dites que vous appuyez fortement le modèle proconcurrentiel proposé par le Groupe de travail. Il n'y a pas, à ce que je sache, qu'un seul modèle proconcurrentiel possible. Plusieurs modèles peuvent exister. Pourquoi celui-ci vous plaît-il davantage que les autres? Pourquoi n'expliquez-vous pas pourquoi vous rejetez les autres? Quels sont leurs vices?

Ensuite, vous mentionnez que l'obligation d'utiliser exclusivement les satellites canadiens imposée par le CRTC était inopportune parce qu'elle bloquait l'entrée sur le marché et favorisait un concurrent au détriment de l'autre. Écoutez, ce ne sont pas les seuls règlements qu'on a au pays qui font que l'on préfère utiliser nos ressources plutôt que d'autres. Nous sommes ici devant un marché qui va créer des milliers, et même des dizaines de milliers d'emplois. Nous sommes devant un marché qui représente des milliards de dollars.

.1105

Si je suis votre raisonnement, il me semble qu'un jour ou l'autre, nous verrons rouler sur nos chemins de fer les lignes américaines. Nous verrons, reliant nos villes canadiennes, des lignes aériennes américaines, parce que cela sera plus économique, parce que les installations de services pourront faire l'entretien de ces avions de manière plus économique.

Vous ne semblez pas non plus faire la distinction entre le marché du gros et le marché du détail, lorsque vous parlez de l'acquisition du signal par les compagnies de câblodistribution à partir de satellites américains. Il faut quand même remarquer qu'ensuite, elles en font le détail à partir de leurs propres installations.

Vous dites que l'obligation d'utiliser deux liaisons montantes, l'une aux États-Unis et l'une au Canada, serait trop coûteuse. À ce moment-là, pourquoi même avoir une seule liaison montante canadienne? Utilisons les installations américaines. Ou encore, il faut admettre qu'à partir de ce principe, si vous en renversez la logique, toute compagnie canadienne qui établit sa propre liaison montante part à perte de plusieurs centaines de millions de dollars, d'après vos propres chiffres.

Est-ce qu'on veut une concurrence où tous les joueurs sont au même niveau, ou est-ce que vous voulez une concurrence où, pour être au même niveau, les joueurs devront nécessairement utiliser les liaisons montantes américaines?

Il y a déjà plusieurs décennies, dans le domaine de l'automobile, le Canada a conclu avec les Américains le Pacte de l'automobile, qui visait à répartir l'argent et les emplois d'une façon équitable pour le marché canadien. Ici, il semble que votre solution, ce modèle proconcurrentiel que vous appuyez si fortement, va nous rendre pieds et mains liés aux Américains.

C'est d'ailleurs la position que défendait l'ADISQ, hier, devant ce comité, en démontrant que cette approche évacuerait complètement la programmation canadienne et la culture canadienne, à toutes fins utiles, du territoire canadien.

J'ai dit beaucoup de choses. Je vérifie, car j'ai encore énormément de notes. Je vois que vous mentionnez qu'aucune licence ne devrait être refusée sous prétexte que son approbation pourrait nuire à des services concurrents. Mais, en même temps, vous vous trouvez à défendre le fait qu'une exemption de licence devrait être refusée si elle assure la concurrence à l'intérieur des règles du jeu que le CRTC a émises.

Je ne comprends pas votre logique. Votre logique, à mon sens, est un asservissement à l'économie américaine et je considère qu'elle ne protège pas de façon convenable les intérêts économiques canadiens et, forcément, ceux de la concurrence et de la consommation.

Je vous écoute.

[Traduction]

Le président: Cette question a pris quatre minutes et cinq secondes. Votre réponse est-elle oui ou non?

Des voix: Oh, oh!

M. Addy: Je vous remercie, monsieur le président.

[Français]

Il y avait trois composantes à sa question. Premièrement, au sujet du modèle concurrentiel, est-ce qu'il y a d'autres modèles? Il se peut fort bien que d'autres modèles existent. J'endosse le modèle proposé par le Comité dans la directive parce qu'il présente, comme je l'ai dit dans mes remarques d'ouverture, trois niveaux de concurrence et offre aux consommateurs canadiens, pour la première fois, un vrai choix. Voilà pour les questions de modèles.

Deuxièmement, pour ce qui est de l'utilisation exclusive des satellites, j'ai aussi soulevé ça dans mes remarques. J'ai soulevé la question de l'inefficacité, du coût aditionnel à cause du dédoublement des transmissions. J'ai aussi signalé que les lois sur les télécommunications et la diffusion n'exigent pas l'utilisation exclusive des satellites canadiens, de l'infrastructure canadienne. Donc, je dis que la proposition est cohérente avec la politique telle qu'énoncée dans ces deux lois-là.

J'ai aussi dit que je crois qu'il serait injuste d'imposer à une série de concurrents, notamment les entreprises de SRD, l'obligation de faire ça quand les câblodiffuseurs n'y sont pas obligés.

Un dernier point là-dessus: j'avais endossé la recommandation du panel voulant que ceux qui reçoivent des licences de programmation de PPV ou DTH au Canada soient assujettis aux termes et conditions imposés dans ces licences par le CRTC, tel que vous avez entendu des témoins précédents le dire. Au point de vue culturel, ils sont entièrement à l'aise avec ça, parce que les conditions minimums vont être intégrées dans les conditions de licences.

.1110

M. de Savoye: Il est un point que j'ai touché et auquel vous ne répondez pas. Je mentionnais hier que l'ADISQ prétendait que, sur le plan culturel, il y aura une élimination rapide - on parle de cinq ou six ans - du contenu canadien ou tout au moins une minimisation de ce contenu d'un océan à l'autre, avec l'adoption du modèle que vous appuyez. Est-ce que vous êtes en accord ou en désaccord avec les prétentions de l'ADISQ?

M. Addy: En désaccord.

M. de Savoye: Et pourquoi?

M. Addy: Je crois que les témoins que vous avez entendus il y a 15 minutes vous l'ont dit: un plus grand accès aux marchés américains, pour les produits canadiens, les intéressait beaucoup.

Mme Tremblay: Ce n'est pas tout à fait ce qu'ils ont dit. Vous réduisez passablement leur pensée en disant ça. Ils étaient d'accord pourvu que ce soit back and forth.

M. Addy: Oui, on a dit que pour la sécurité, le marché domestique était protégé par les conditions et termes imposés, en ce sens qu'il va y avoir des contenus canadiens minimums, des normes minimums et qu'en plus, ils vont bénéficier de l'accès aux marchés américains.

M. de Savoye: Dans le modèle proconcurrentiel que vous appuyez, les recommandations des témoins qui vous ont précédé n'apparaissent pas. Si je comprends bien, vous voudriez que le modèle que vous appuyez soit enrichi des recommandations des témoins qui vous ont précédé. Est-ce bien votre pensée?

M. Addy: Il doit y avoir un malentendu, monsieur, parce que selon ma compréhension du rapport du panel, ceux qui détiennent les licences dans le domaine des services seront assujettis aux règlements imposés par le CRTC, qui inclurait des obligations de ce genre-là.

M. de Savoye: Donc, vous n'en traitez pas. Vous laissez à d'autres le soin de s'assurer que les effets pervers du modèle que vous appuyez puissent être contrecarrés.

M. Addy: Mais je ne suis pas d'accord qu'il va y avoir des modèles pervers. Tel est le dilemme auquel vous faites face.

M. de Savoye: Vous n'en êtes pas convaincu. Je vous remercie de votre réponse.

Le président: Nous passons à M. Hanrahan.

[Traduction]

M. Hanharan: Merci, messieurs. Je veux reprendre en partie ce que disait mon collègue, mais je veux élargir le débat, le rendre plus philosophique.

Je suppose, monsieur Addy, que vous êtes un expert en la matière. Tout en sachant qu'un expert peut avoir des connaissances étroites ou larges, vous avez certainement dû réfléchir à fond à la plupart de ces questions et à leurs effets sur les divers secteurs de l'industrie.

Vous êtes pour une franche concurrence; moi aussi. Vous avez également fait remarquer que le SRD ne peut pas remplacer le câble en raison du coût et de l'aspect local du câble, notamment. J'aimerais que vous essayiez de répondre à mes questions dans une perspective philosophique ou en prenant position, plutôt que de vous attarder à l'aspect technique.

Admettons qu'il y ait une franche concurrence pour le SRD. Tout d'abord, cette concurrence, comme c'est généralement le cas, finit par faire en sorte que les forts survivent et les faibles disparaissent. À votre avis, quel effet cela pourra-t-il avoir sur les prix pour les consommateurs et sur leur choix de chaînes télévisées?

M. Addy: Voilà une très bonne question, monsieur. Cela va au coeur même du raisonnement et de la philosophie qui sous-tendent tout marché concurrentiel.

Si vous croyez dans l'efficacité des marchés concurrentiels, il vous faut accpeter que cette efficacité puisse avoir pour résulat de contraindre les compagnies moins efficaces ou moins concurrentielles à disparaître. Vous devez donc insister avant tout, comme moi-même d'ailleurs lorsque je remplis mon mandat prévu par cette loi, sur les marchés plutôt que sur les divers concurrents. Dans la mesure où le marché est concurrentiel, les exigences des consommateurs seront exprimées et les producteurs les plus concurrentiels et les plus novateurs réagiront en conséquence.

Ce n'est peut-être pas une question de prix. C'est peut-être une question de produit offert. Peut-être que quelqu'un d'autre a un meilleur gadget et, à ce moment-là, le marché ira de l'un à l'autre parce que la première compagnie se contente de son acquis et ne réagit pas aux exigences des consommateurs.

.1115

Je crois que sur le plan philosophique, nous sommes logiques, car j'admets que certaines compagnies sortiront du marché. Mais je vois aussi dans les marchés concurrentiels la possibilité d'encourager l'arrivée d'autres personnes et de favoriser l'innovation chez ceux qui restent. C'est là l'un des avantages et, en fait, l'une des pierres angulaires du marché concurrentiel - les titulaires n'ont pas automatiquementle droit à une part du marché ou à un client. Il faut constamment disputer ce droit, faute de quoi vous le perdez.

M. Hanrahan: J'aimerais également que vous nous disiez quels effets vous pensez que cela aura sur l'artiste canadien, le monde artistique canadien et les sommes d'argent qui vont parvenir à ce segment de l'économie.

M. Addy: Comme je l'ai dit au CRTC, lorsque j'ai comparu devant lui aux audiences récentes de rapprochement, je ne pense pas qu'il y ait incompatibilité entre le fait d'avoir un objectif culturel et celui de vouloir pénétrer un marché. Dans la mesure où il y a un objectif culturel, qu'il s'agisse d'encourager l'industrie nationale de production cinématographique ou quelque autre industrie culturelle nationale, il est possible de faire coïncider les deux choses. Ce qui importe, lorsqu'on met en place cette structure, c'est qu'il faut essayer de s'attacher au mécanisme qui gênera le moins la dynamique de marché. Et cela, au plan général.

En ce qui concerne la question qui nous occupe, je crois que le groupe de travail sur le SRD y répond dans sa recommandation en disant que les titulaires de licence seraient tout de même assujettis aux conditions qui seront les moyens d'atteindre ces objectifs culturels.

M. Hanrahan: Pour ce qui est du marché gris et des répercussions du marché gris sur la rapidité avec laquelle toute cette affaire est traitée, quelles relations envisagez-vous?

M. Addy: C'est l'un des facteurs dont nous devons tenir compte dans le choix concernant Hobson que nous devons faire. Plus vous attendez pour permettre au SRD d'arriver, plus le marché gris aura de temps pour s'approprier une partie de ce marché.

M. Hanrahan: Ce qui, à son tour, aura des répercussions sur le contenu canadien, sur la culture canadienne et sur tout ce qui s'y rapporte...

M. Addy: Oui. L'importance de ces répercussions dépendra de la part que se sera approprié le marché gris.

Le président: Pour bien comprendre les choses, quelle est la définition officielle d'un marché gris pour le bureau de la concurrence? C'est une forme de concurrence, mais elle ne répond pas aux autres objectifs. Comment voyez-vous...?

M. Addy: Dans ce cas particulier, il s'agit de la vente, de l'achat et de l'utilisation du service par un fournisseur canadien n'ayant pas de licence. Ceux qui veulent acheter une antenne parabolique pour la réception directe, à l'heure actuelle, vont à Ogdensburg et...

Le président: Je sais ce qu'ils font. Je me demande simplement ce que vous en pensez sur la plan de la concurrence. Est-ce une concurrence déloyale?

M. Addy: Voilà une question difficile. Cela ne fait pas de doute que ce marché a des répercussions sur la concurrence. Les autres inconvénients sont qu'il peut saper d'autres objectifs politiques du gouvernement - l'intégrité culturelle pour l'attribution des licences et l'intégrité du régime réglementaire. Ce marché a un effet sur la concurrence, je suis d'accord, mais il a ces autres inconvénients.

Le président: Je vous demande pardon, monsieur Hanrahan. Continuez.

M. Hanrahan: Pour ce qui est de l'autonomie du consommateur dans tout cela...

M. Addy: Monsieur Hanrahan, puis-je ajouter un dernier élément à la réponse à votre question préalable concernant le marché gris?

M. Hanrahan: Certainement.

M. Addy: Si vous autorisez Expressvu à diffuser le 1er septembre, vous allez en partie résoudre le problème du marché gris. Reste à savoir si, en échange, le retard dû au processus d'attribution des licences signifie qu'un concurrent d'Expressvu se tiendra en marche pour essayer de capturer une part du marché. Expressvu va-t-il se précipiter pour fermer les frontières et accroître les obstacles pour ses éventuels concurrents? C'est de cette contrepartie qu'on essaie de s'occuper.

Ce que je craindrais, ayant participé souvent aux audiences du CRTC, c'est que le processus réglementaire lui-même puisse être utilisé de façon stratégique. C'est l'autre aspect de la question qu'il ne faut pas oublier. On peut user de façon stratégique des systèmes réglementaires pour faire durer les choses, etc. C'est l'autre aspect de la question.

.1120

M. Hanrahan: Je ne cherche pas à vous mettre dans l'embarras en vous posant cette question, et vous êtes libre de ne pas y répondre, mais, à votre avis, est-ce que le CRTC a considéré la concurrence sous le bon angle?

Le président: Qu'elle soit embarrasante ou non, ce sera votre dernière réponse.

M. Addy: Je préférerais ne pas répondre dans ce contexte. Je pense que notre mémoire et l'appui que nous accordons au groupe de travail sur les SRD expliquent ce qui, dans l'ordonnance d'exemption, pose à nos yeux un problème sur le plan de la concurrence.

Le président: Il y a deux personnes qui veulent poser des questions. Je veux être juste et partager le temps qu'il nous reste également entre elles. Je vais commencer par Mme Brown.

Mme Brown: Merci, monsieur le président.

En fait, M. Addy, je suis assez surprise de votre exposé. Un des principaux objectifs de ce comité est de favoriser et même de protéger la souveraineté culturelle de notre pays. Je trouve curieux que vous, qui êtes fonctionnaire, ne parliez pas de notre souveraineté culturelle. Vous nous donnez à la place des pages et des pages à la gloire de l'efficience du marché - une théorie que, j'espère, notre gouvernement a remise en question depuis qu'il a pris le pouvoir.

Je trouve curieux, alors que cela fait déjà quelque temps que notre gouvernement est en place, que vous vous plaisiez à répéter que les consommateurs bénéficient de la lutte entre les entreprises, que c'est le marché qui départagera les gagnants des perdants et que tout cela est parfait, étant donné que cela élimine les entreprises les moins efficientes et les moins compétitives. À mon avis, cela oblige souvent des entreprises à mettre des gens à pied. Cela ne protège en rien nos artistes, comme ceux qui ont témoigné ici avant vous. Vous voulez même que la viabilité économique d'un requérant ne fasse plus partie des critères pris en compte par le CRTC pour octroyer une licence.

Ces genres d'opinions peuvent fort bien s'appliquer à d'autres secteurs de l'industrie canadienne, mais, pour ce qui est du domaine qui nous occupe, je me demande vraiment si nous devrions écouter ce que votre ministère a à dire.

Le président: Il s'agit du bureau qui s'occupe de la concurrence.

Mme Brown: Je sais, mais cela fait partie du ministère de l'Industrie, n'est-ce pas?

M. Addy: Peut-être pourrais-je vous répondre, madame Brown.

Je comparais ici à titre de directeur des enquêtes et recherches. J'agis légalement en toute indépendance lorsqu'il s'agit de mettre en application la Loi sur la concurrence. J'ai précisément pour mission de faire valoir devant des entités comme celle-ci et auprès d'organismes de réglementation tout ce qui touche à la concurrence dans les questions qu'ils examinent; de plus, je fais enquête sur des infractions pénales que je réfère au vérificateur général afin que l'on engage des poursuites et je traduis devant le tribunal de la concurrence ceux qui se sont rendus coupables d'infractions d'ordre civil. Je comparais ici aujourd'hui à titre de directeur des enquêtes et recherches; c'est la fonction qui m'a été confiée.

Pour revenir à votre question de fond qui portait sur le compromis entre la concurrence et la souveraineté culturelle, c'est un point que j'ai essayé de résoudre plus tôt dans mon exposé, mais il est évident que je n'y suis pas parvenu. Je pense que les deux peuvent coexister et, à mon avis, la recommandation qui a été faite tient compte de cela en permettant d'imposer des conditions et modalités à cette fin par le truchement de licences.

Ce que j'essaie de faire, et c'est d'ailleurs mon rôle en vertu de la loi, c'est de cerner les retombées que pourraient avoir sur le marché divers scénarios. Comme je l'ai indiqué plus tôt, je pense que vous pouvez atteindre des objectifs d'ordre culturel et je ne remets absolument pas cette politique gouvernementale en question. Tout ce que je veux rappeler aux gens, comme je l'ai fait publiquement devant le CRTC à propos des procédures de convergence, c'est que, ce faisant, il ne faut pas oublier la dynamique et l'efficience que les forces du marché introduisent. Essayez d'accomplir vos objectifs culturels sans trop empiéter sur ceux qui ont trait à l'efficacité du marché. Ce sont des objectifs tout à fait légitimes, mais, lorsque l'on essaie de faire des compromis, il faut se souvenir qu'il y a un prix à payer. Vous pourriez fort bien trouver une autre méthode pour parvenir à vos objectifs culturels qui n'auraient pas le même impact sur l'efficience du marché.

Mme Brown: L'explication que je viens d'entendre est beaucoup plus modérée que le rapport que je viens de lire et dont l'objet ne consiste pas seulement à nous rappeler que se mêler du marché peut avoir des conséquences et des retombées qui n'étaient pas prévues - et je pense qu'il est sage de nous le rappeler - mais aussi à nous présenter le marché sous son plus beau jour.

Mais nous savons que, après ce qui s'est passé au cours des quelques dernières années, beaucoup de gens ont subi les conséquences de ces belles théories et nous avons perdu disparaître de nombreux emplois.

.1125

D'une façon ou d'une autre, je pense qu'il faudrait au moins prendre en considération notre souveraineté culturelle au même titre que notre souveraineté économique dans les documents que vous présentez à ceux d'entre nous qui sont chargés de prendre ces décisions.

M. Addy: J'en prends note.

Le président: Je donne la parole à M. Ianno pour les quelques minutes qui restent.

M. Ianno: Je voudrais avoir un peu plus de précisions sur votre rôle. Comment décidez-vous de participer à ce genre de débat?

M. Addy: Toute la question de l'évolution des télécommunications est une des priorités de mon bureau. Je pense que c'est une question-clé sur le plan de l'économie. C'est la première fois qu'il y a un tel foisonnement dans ce secteur.

Je n'ai pas assisté aux discussions qui se sont tenues plus tôt et qui portaient sur l'autoroute de l'information, le secteur des télécommunications et ainsi de suite. Nous sommes en train d'abandonner un système réglementé au profit d'une structure axée sur le marché, et cela nous donne l'occasion de participer à ce débat. C'est une possibilité qui m'est rarement offerte, à moi qui suis chargé de défendre la libre concurrence. C'est pourquoi nous consacrons beaucoup de temps à cette question. C'est une question importante pour l'économie et il est important de ne pas se tromper.

M. Ianno: Vous décidez simplement vous-même dans quel dossier vous voulez intervenir.

M. Addy: Il y en a toute une pile. Dans mon bureau, nous avons instauré, avec la participation des gestionnaires, une sorte de système de priorités. Nous avons créé un groupe de travail qui s'occupe d'une foule de questions liées aux télécommunications et à l'autoroute de l'information, et il faut que nous fassions des choix.

M. Ianno: Naturellement, votre principale préoccupation, c'est la libre concurrence et les moyens de l'instaurer.

M. Addy: Oui, c'est cela.

M. Ianno: Lorsque Rogers a décidé de prendre le contrôle de MacLean-Hunter, pouvez-vous me dire quel intérêt cela représentait sur le plan de la concurrence et ce qui a motivé votre décision du point de vue des avantages que cela représentait pour l'industrie des télécommunications et pour le consommateur qui devrait bénéficier d'une plus large concurrence?

M. Addy: Cela va prendre quelques minutes.

M. Ianno: Essayez de n'en prendre qu'une pour répondre car j'ai un autre point à soulever.

M. Addy: D'accord. Nous avons examiné la transaction dans le contexte des dispositions de la loi portant sur les fusions et il n'y avait rien qui violait les conditions limites. Dans la loi, on ne considère pas à priori que les fusions ont un caractère négatif, ce qui n'est pas le cas pour la fixation des prix et le partage du marché; les fusions ont exceptionnellement un caractère négatif. Il y a des dispositions dans la loi, des facteurs que nous devons prendre en considération et des caractéristiques d'ordre légal dont nous devons tenir compte avant que je puisse contester une fusion, et dans ce cas, les limites étaient respectées.

Le président: Une précision sur les termes que vous avez employés pour parler des fusions. Lorsque vous dites que les fusions ont exceptionnellement un caractère négatif, vous ne voulez pas dire qu'elles sont encore pires que...

M. Addy: Excusez-moi. C'est dans des cas exceptionnels qu'elles ont un caractère négatif.

M. Ianno: La raison pour laquelle je vous ai demandé à quel moment vous décidiez d'intervenir ou non... D'après ce que je comprends, dans les faits, l'industrie de la câblodistribution détient des monopoles à caractère régional. C'est bien cela.

M. Addy: C'est bien cela.

M. Ianno: Autrement dit, je n'ai plus la possibilité de choisir entre Maclean-Hunter et Rogers. Comment conciliez-vous cela avec la libre concurrence que vous défendez et pourquoi avez-vous décidé de ne pas intervenir dans cette affaire?

M. Addy: Pour dire les choses simplement, monsieur, le système réglementaire permet d'établir des monopoles régionaux. Cela revient simplement à transférer les titres de propriété d'un détenteur de monopole à un autre. L'impact sur le marché est neutre.

M. Ianno: Ce que je veux souligner, c'est que si vous vous occupez de la concurrence et que vous décidez d'intervenir ou non à votre gré, mes électeurs, en tant que consommateurs, se préoccupent parfois du fait qu'ils n'ont pas la possibilité de choisir leur câblodistributeur. Il faut qu'ils acceptent Rogers, Shaw ou tel ou tel autre et personne ne se bat pour leur fournir un service. Pourquoi cela a-t-il pris si longtemps? Depuis combien de temps ces dispositions sur l'exclusivité régionale existent-elles?

M. Addy: Depuis que l'on a commencé à octroyer des licences aux câblodistributeurs, et je ne sais plus combien de temps cela fait.

M. Ianno: À peu près 20 ans. Je ne sais pas trop. Depuis combien de temps occupez-vous vos fonctions?

M. Addy: Depuis que j'ai été nommé, en décembre 1993.

M. Ianno: Est-ce que votre organisme a déjà examiné ce genre de question?

M. Addy: Il existe un principe de droit que je devrais peut-être rappeler. La Loi sur la concurrence est une loi-cadre et elle ne s'applique pas là où il existe des règlements et des lois précises qui ont préséance.

Dans la mesure où le gouvernement élabore une politique plus ciblée qu'une loi-cadre générique, en instaurant un système de réglementation qui autorise la création de monopoles régionaux dans le secteur de la câblodistribution, en l'occurrence, cela a préséance sur la loi qui nous régit.

.1130

M. Ianno: Autrement dit, dans le cas qui nous occupe, le CRTC n'a pas les pouvoirs requis à titre d'organe de réglementation qui détermine...

Le président: Je dois intervenir pour demander à M. Ianno de bien vouloir conclure. Le temps nous presse.

M. Addy: Si je peux me permettre de répondre de façon positive, la façon dont nous avons décidé de procéder, c'est d'intervenir devant le CRTC pour faire valoir que l'on devrait prendre rapidement une décision à propos de la distribution par SRD pour que les consommateurs aient le choix et permettre aux câblodistributeurs de se lancer également dans ce genre d'entreprise.

M. Ianno: Je ne comprends pas très bien. J'essaie de suivre ce que vous dites, c'est-à-dire essentiellement que lorsqu'il n'y a pas d'organe de réglementation, vous décidez alors d'intervenir. Peut-être que quelque chose m'a échappé, mais le CRTC est bien un organe de réglementation.

M. Addy: Je crois que nous mêlons intervention et application de la loi. S'il existe un organe de réglementation, je ne peux faire appliquer aux activités en question les dispositions de la loi que je suis chargé d'administrer.

M. Ianno: Est-ce que la distribution par SRD entre dans cette catégorie?

M. Addy: Non. Tout est là.

M. Ianno: Monsieur le président, j'essaie de conclure.

Pourquoi avez-vous décidé d'intervenir dans ce cas, étant donné que cela n'entre pas dans le cadre des procédures que vous suivez normalement?

M. Addy: Si je suis intervenu à propos de la distribution par SRD, c'est parce que je vois là une occasion de créer une concurrence à la câblodistribution et parce que ce n'est pas un domaine réglementé.

M. Ianno: Je reviens à ce que j'ai dit au début, monsieur le président, c'est-à-dire à la situation dans laquelle se trouvent mes électeurs abonnés au câble. Étant donné qu'il n'y a pas de concurrence, ils sont obligés de prendre Rogers, Shaw ou tel ou tel autre. Pourquoi n'êtes-vous pas intervenu à ce propos?

M. Richard Annan (agent de commerce principal, ministère de l'Industrie): Je pense qu'il y a une raison d'ordre technique à cela. Le CRTC a décidé, au début des années soixante-dix, je crois, d'octroyer des licences à des câblodistributeurs sur une base exclusive, principalement à cause des coûts que cela représente d'implanter un système de câblodistribution dans une région donnée.

M. Ianno: Le côté financier entre donc en ligne de compte.

M. Annan: En langage économique, on appelle cela un monopole naturel. On a considéré qu'un marché local ne pourrait soutenir plus d'un fournisseur à cause du coût que cela représente de défoncer les trottoirs et les routes, d'installer les câbles, etc. On a estimé qu'il était préférable d'octroyer des licences exclusives et d'émettre des règlements.

M. Ianno: Est-ce que votre organisme a soulevé des objections à ce propos, à cette époque-là?

M. Annan: C'était il y a 20 ans, je n'étais pas là. Ce que j'essaie de souligner, c'est que, de notre point de vue, la situation n'est plus du tout la même. À l'heure actuelle, avec des technologies sans fil comme la distribution par SRD, il est possible que la concurrence...

Le président: Il faut que je mette fin à cette discussion. En vertu de ce qui peut bien me rester d'autorité, je dois mettre un terme à cette conversation.

Je vous remercie beaucoup d'être venus et d'avoir éclairé substantiellement nos débats.

Nous allons faire une pause avant d'accueillir les témoins suivants.

.1133

PAUSE

.1137

Le président: Mes chers amis, pouvons-nous revenir au sujet à l'étude? Ce sont les derniers témoins que nous recevons et ils doivent rester jusqu'à 15h30.

Mme Brown: Jusqu'à quelle heure siégeons-nous cet après-midi?

Le président: Jusqu'à environ 18 heures.

Mme Brown: La bonne nouvelle, monsieur le président, c'est que la Chambre va siéger ce soir aussi longtemps qu'il faudra et ne pas ajourner ses travaux à 23h30.

Le président: Il n'y a pas de votes demain.

Mme Brown: Je ne pense pas.

Le président: Chers collègues, revenons à nos moutons.

Nous avons le grand plaisir d'accueillir l'armée d'Expressvu que je vois devant moi. Combien êtes-vous?

[Français]

Nous recevons M. Gourd et son équipe.

[Traduction]

Je suis particulièrement heureux de vous recevoir, car votre nom revient souvent dans nos discussions et dans nos pensées. Nous sommes enchantés que vous ayez accepté de comparaître devant nous. M. Gourd et moi avons discuté un petit peu.

Vous avez un long document que nous accepterons à titre de témoignage. Cela ne fera pas partie du compte rendu écrit, mais tous les membres du comité pourront le consulter. Bien entendu, les membres l'ont également reçu.

Pour gagner du temps, je vais demander à M. Gourd de nous donner un résumé de son document pour que nous puissions ensuite passer aux questions.

[Français]

M. Alain Gourd (président du conseil d'administration, Expressvu): Merci, monsieur le président.

Comme président du conseil d'administration d'Expressvu, laissez-moi vous dire à quel point nous sommes heureux d'avoir été invités à vous apporter ce bref témoignage.

Je voudrais vous présenter les membres de notre groupe. Ce sont d'abord, à tout seigneur, tout honneur, notre président et chef de la direction, M. Ted Boyle; M. Chris Frank, vice-président, Affaires gouvernementales et réglementaires; et M. Marc Lacourcière, le secrétaire du conseil d'administration d'Expressvu. M. Lacourcière est aussi vice-président d'une compagnie du groupe BCE et est un ancien associé de l'étude d'avocats Fasken Campbell Godfrey.

.1140

Je vous présente aussi, de l'étude McCarthy Tétrault, M. Anthony Keenleyside, directeur général du bureau d'Ottawa, qui exerce avec le groupe communications de cette étude; M. Gérald Tremblay, du bureau montréalais de cette étude, qui est aussi le président de la région du Québec de cette société. Nos avocats et M. Lacourcière sont ici pour répondre à toute question d'ordre juridique que vous pourriez avoir en tête.

Monsieur le président, plutôt que de lire in extenso notre présentation, nous voudrions qu'elle soit produite comme lue. Permettez-moi cependant d'en lire un extrait.

[Traduction]

L'extrait que je souhaite lire se trouve à la page 2 de notre document. Je passerai ensuite la parole à M. Boyle.

Nous disons à la page 2, et je cite, que «Lorsque le ministre de l'Industrie, M. Manley, s'est levé à la Chambre des communes le 29 novembre 1994 pour parler de la création d'un groupe de travail sur la politique relative à la distribution d'émissions par SRD, il a déclaré:

Pour dissiper toute impression que cette déclaration est citée hors contexte, j'ai laissé la transcription intégrale que je veux déposer auprès du comité.

Ayant pris au sérieux la déclaration du ministre, Expressvu a agi de bonne foi et s'est mise tout de suite à la tâche en vertu de l'ordonnance d'exemption du CRTC d'août dernier pour appliquer son plan d'entreprise.»

Monsieur le président,

[Français]

avec ces commentaires, ce sera suffisant pour moi. Nous savons que vous avez plusieurs questions. Au Sénat, on m'a dit que j'étais peut-être un peu trop latin et expansif. Dans cette perspective de brièveté, je vais maintenant demander à M. Ted Boyle de faire sa présentation. Je vous remercie.

[Traduction]

M. Ted Boyle (président-directeur général, Expressvu): Bonjour monsieur le président, mesdames et messieurs, membres du comité.

Le message que nous vous adressons aujourd'hui est très clair. Expressvu a pris un engagement auprès des consommateurs canadiens, celui d'offrir une véritable solution de rechange à la câblodistribution et aux services de télévision offerts par le marché gris d'origine américaine. C'est dans ce contexte que nous avons annoncé le lancement de notre service en septembre 1995. Nous avons l'intention de respecter ce calendrier parce que les conditions du marché sont favorables à une arrivée opportune.

L'hostilité des consommateurs à l'endroit du monopole des câblodistributeurs, d'une part, et la qualité et la variété de notre service, d'autre part, ont engendré une énorme demande à l'endroit du produit Expressvu. Soulignant l'avantage que nous détenons relativement à la câblodistribution, un groupe dirigé par Richard Stursberg, président de l'association de cette industrie, déclarait récemment que:

En toute connaissance de cause, nous avons travaillé d'arrache-pied depuis plusieurs mois pour faire démarrer notre service cet automne, afin de satisfaire à la demande croissante des consommateurs.

Fait utile à noter, Expressvu n'est ni une continuation ni le prolongement d'un monopole actuel. Notre feuille de route est impeccable. Aucun actionnaire d'Expressvu ne provient de l'industrie de la câblodistribution. Ici, un brin d'histoire pourrait s'avérer utile.

Il y a un an, quand certains membres de l'industrie de la radiodiffusion et de la câblodistribution ont formé un consortium pour mettre au point un service de distribution par SRD parallèle à celui qu'ont l'intention d'offrir DirecTV et USSB, les présents actionnaires d'Expressvu ont pris leur distance vis-à-vis les câblodistributeurs et certains radiodiffuseurs quant à la question de concurrencer les câblodistributeurs sur leur propre territoire régi par licence. Les câblodistributeurs et certains de leurs alliés de l'industrie de la programmation voulaient un moratoire sur la vente de services par SRD dans les secteurs où existent des franchises de câblodistribution avec licence. Nous nous sommes vivement opposés à cette barrière pour d'évidentes raisons commerciales et légales. Nous avons quitté ce groupe et constitué la société Expressvu. L'autre groupe a créé CableSat, un consortium auquel nous livrerons concurrence et dont la présence est imposante et impressionnante, en raison de son pouvoir de commercialisation.

Compte tenu de nos antécédents et de l'urgence d'entreprendre la concurrence avec les câblodistributeurs, vous comprenez pourquoi nous nous préoccupons actuellement de savoir que le cabinet propose des orientations de politiques qui modifieraient fondamentalement la réglementation applicable aux émissions de télévision distribuées par satellite, alors que la partie est à moitié jouée. Il s'agit des mêmes règlements qui ont rendu possible la création de la télévision numérique distribuée par satellite au Canada. Voilà les règlements qui ont servi de catalyseur à la mise sur pied de la société Expressvu, à l'investissement de millions de dollars dans un nouveau service canadien appartenant exclusivement à des Canadiens, contrôlé et géré par des Canadiens, et au service de la population canadienne. Voilà aussi les règlements en fonction desquels Expressvu a pris son engagement public à l'égard des consommateurs, c'est-à-dire une date de lancement en septembre.

.1145

Maintenant que ces règlements du CRTC ont été remis en question, l'enjeu est énorme pour notre nouvelle entreprise. L'enjeu est énorme pour les consommateurs qui veulent un choix. L'enjeu est énorme pour l'avenir du régime canadien de radiodiffusion. Certes, l'enjeu est de taille également pour le gouvernement.

Voilà pourquoi la société Expressvu a cherché à bien comprendre quels sont ses droits légaux. Nous avons obtenu des avis formels quant aux répercussions légales de certains aspects de la politique gouvernementale proposée en nous adressant à deux prestigieux cabinets d'avocats canadiens. Des copies de ces avis ont été déposées auprès du comité pour votre examen. En fonction de ces avis émis par des firmes nationales respectées, Expressvu estime que la partie de la directive exigeant que le CRTC révoque immédiatement l'ordonnance d'exemption du Conseil a un caractère illégal. C'est aussi simple que cela!

Je pense ici à l'article 4 qui a pour effet d'exiger que le CRTC abroge entièrement l'actuelle ordonnance d'exemption, en vertu de laquelle la concurrence était admise et Expressvu voyait le jour à titre de société. L'article 4 exigerait aussi que le CRTC prenne toutes les mesures nécessaires pour fermer les portes de notre société, à moins qu'elle n'obtienne une licence.

Monsieur le président, on nous a appris qu'une telle incertitude entoure ces questions que le calendrier applicable à l'émission des licences fait l'objet de conjectures. Officiellement, vous devriez savoir que la société Expressvu ne s'oppose nullement aux processus publics et ouverts d'émission de licences. En effet, notre opinion a toujours été que les concurrents détenant une licence constituent une saine concurrence, alors que la concurrence rétrospective est une concurrence déloyale.

Plus précisément, Expressvu croit qu'il est inapproprié d'abroger en rétrospective l'ordonnance d'exemption, ce qui pourrait nous forcer à annuler notre engagement de septembre à l'égard des consommateurs, dont plus de 10 000 ont composé notre numéro 800 et se sont fait dire que le service d'Expressvu démarrera en septembre. Nous ne voulons aucunement briser la promesse que nous avons faite au public et nous ne croyons pas qu'il soit équitable pour nous de devoir souffrir un embarrassant revers lié au plus important facteur de crédibilité de notre société - soit la date de lancement de notre service.

Expressvu a pris l'engagement inconditionnel de procéder au lancement ponctuel de son service parce que tout délai pourrait entraîner des conséquences malencontreuses. Un délai pourrait retarder des projets d'une valeur de plusieurs millions de dollars, c'est-à-dire une nouvelle valeur manufacturière canadienne, de nouveaux emplois dans le secteur de la fabrication, ainsi que la création d'une nouvelle industrie de produits électroniques de consommation de haute technologie présentement en cours de fabrication pour la société Expressvu par les compagnies Tee-Comm et IBM Celestica. Cela pourrait compromettre le travail déjà fait par la société Expressvu relativement à l'espace réservé dans les satellites et à la programmation canadienne. Cela pourrait retarder la disponibilité des émissions offertes à la population canadienne; près de 90 p. 100 des canaux disponibles seraient des services canadiens détenteurs d'une licence et diffusant dans les deux langues officielles. Cela pourrait reporter 40 p. 100 des revenus d'Expressvu qui seront consacrés à la programmation, reporter 95 p. 100 des paiements d'Expressvu pour les services de programmation consacrés aux services canadiens et céder effectivement à l'un de nos concurrents une longueur d'avance encore plus importante dans la mesure où le nombre d'abonnés du marché gris à ces services américains continue d'augmenter, ce qui permettrait à un nombre encore plus grand d'abonnés d'adopter son service canadien lors de l'obtention d'une licence. Enfin, tout retard permettrait à l'industrie de la câblodiffusion d'élargir davantage son monopole en ce qui touche son actuelle clientèle par câble et avec Cablesat.

Nous avons entendu certains témoins du gouvernement déclarer ici que si les parties peuvent proposer des solutions de rechange pratiques aux documents présentement à l'étude par le Parlement, ils seraient prêts à écouter. Ces propos sont encourageants, nous les acceptons tels quels, et nous nous retrouvons devant vous dans cet état d'esprit constructif. Mais, bien sûr, monsieur le président, il ne doit y avoir aucun malentendu; la société Expressvu prendra toutes les mesures jugées nécessaires pour protéger ses droits légaux.

Le plan d'entreprise d'Expressvu se fonde sur une utilisation maximale des installations canadiennes et des fournisseurs de services. À cette fin, nous avons entrepris des négociations fort complexes avec Télésat, la société canadienne exploitant des services par satellite, pour obtenir une capacité de transimission par satellite conçue de façon à procurer aux consommateurs de chaque région du pays un accès universel à notre service.

Nos actionnaires, nos fournisseurs et nous-mêmes avons aussi négocié et paraphé des ententes d'une valeur de plusieurs millions de dollars avec des sociétés canadiennes de haute technologie, lesquelles doivent manufacturer au Canada le matériel de réception numérique dont auront besoin les abonnés d'Expressvu. Cet engagement financier se caractérise tout particulièrement par un contrat de 100 millions de dollars avec la Compagnie Celestica de Don Mills, qui produit les boîtes réceptrices d'Expressvu, lesquelles constituent de loin l'élément le plus complexe et dispendieux de notre produit de consommation.

.1150

En plus de la fabrication domestique et des possibilités de ventes, on peut aussi compter sur d'intéressantes possibilités d'exportation! Celles-ci sont reliées à notre choix technologique, qui repose sur la norme mondiale pour la diffusion de signaux vidéo et audio aux téléviseurs, ordinateurs et chaînes stéréo. Cette norme est adoptée par les fabricants de produits électroniques, les diffuseurs par satellite et les compagnies de téléphone partout dans le monde.

Nous avons entrepris des négociations, d'ailleurs toujours en cours, avec de nombreux programmeurs canadiens et américains, afin de rassembler un intéressant bloc d'émissions pouvant susciter un haut degré d'intérêt de la part des consommateurs. De telles négociations contractuelles se poursuivent continuellement, mais, jusqu'à présent, Expressvu, ses actionnaires et ses fournisseurs ont signé des contrats ou obtenu des engagements d'une valeur dépassant les 200 millions de dollars. Nos actionnaires ont collectivement engagné un autre 55 millions de dollars dans la société.

Ces ententes ont toutes été négociées en fonction de deux principes essentiels à notre plan d'entreprise: l'entrée en vigueur des services au mois de septembre et la prestation de services à la population canadienne selon le modèle de concurrence établi par l'autorité réglementaire indépendante.

Nous reconnaissons que le gouvernement détient certains pouvoirs en matière de directives politiques selon les dispositions de la Loi sur la radiodiffusion; nous comprenons aussi que le gouvernement estime qu'une formule de licences puisse être préférable à la formule des exemptions. Toutefois, nous acceptons mal que nos plans d'entreprise et nos engagements à l'égard des consommateurs doivent être interrompus pendant une période indéterminée jusqu'à ce qu'une autre partie, qui n'est pas encore prête à s'engager pleinement à l'égard des installations canadiennes et des fournisseurs de services, puisse obtenir un avantage injuste sur le marché gris. Cet autre fournisseur est Power DirecTV.

Franchement, monsieur le président, nous ne croyons pas que cette société ait fait preuve de transparence auprès du public canadien. Pensez un peu. Nous avons indiqué l'état précis de nos négociations avec Télésat pour la prestation du signal satellite, avec certains fabricants canadiens pour nos boîtes réceptrices et avec nos fournisseurs d'émissions. Que dit Power DirecTV quant à la véritable date de lancement de son service?

Le CRTC possède depuis 1984 une politique relative à l'émission de licences pour le service de distribution par SRD, ce qui remonte à bien avant l'existence d'Expressvu ou de l'ordonnance d'exemption. N'oublions pas que cette ordonnance d'exemption est une exception à la politique d'émission de licences. Pourquoi Power DirecTV n'a-t-elle jamais demandé une licence au CRTC en vertu de cette politique?

Monsieur le président, après mûre réflextion, nous en venons cependant à la conclusion qu'un régime où certains joueurs détiendraient des licences alors que d'autres en seraient exempts irait à l'encontre de l'intérê public et créerait de la confusion pour la population canadienne. Conséquemment, nous proposons un processus de transition assez court comme solution de rechange raisonnable.

Nous recommandons que l'ordonnance d'exemption reste en place pour toute société intéressée, y compris Power DirecTV, sous réserve d'une condition nouvelle: de telles sociétés devraient réagir à toute demande de licence pour la distribution par SRD que pourrait émettre le CRTC et qui semble faire l'objet du paragraphe 6 du projet d'ordonnance. Il nous ferait plaisir de faire circuler notre proposition précise, si cela pouvait faciliter vos délibérations.

Le président: Je pense que ce serait le cas, monsieur Boyle. Vous pouvez la faire distribuer.

M. Boyle: Nous la distribuerons à la fin de la séance.

Comme résultat pratique, la société Expressvu procéderait ponctuellement au lancement prévu en septembre, aux termes de l'ordonnance d'exemption, mais tenterait de réagir à la demande du Conseil de recevoir des demandes de licence. Cela signifierait que lorsque le processus d'attribution de licences aurait pris fin, l'ordonnance d'exemption pourrait alors être révoquée par le CRTC de son propre chef et tous les joueurs affectés tomberaient alors sous un régime de licences.

Cette proposition constitue une suggestion raisonnable de la part d'Expressvu. Après tout, nous possédons déjà des avis juridiques alléguant qu'une révocation immédiate de l'actuelle ordonnance d'exemption est illégale et donc non susceptible d'être appliquée. Un régime de licences se révèle certainement moins sûr pour nous, parce que, jusqu'à ce que le CRTC émette une décision favorable, nous ne saurons pas assurément quelle réglementation précise s'appliquera à nous en notre qualité de détenteur d'une licence de distribution par SRD. Cela pourrait entraîner des répercussions négatives sur notre plan d'entreprise. Cependant, nous préférons, dans l'ensemble, ce régime de licences à la nécessité de contester judiciairement la légalité des ordonnances proposées.

Monsieur le président, je suis un homme d'affaires, pas un avocat. Nous voulons donner à la population canadienne un choix quant aux émissions de télévision qu'elle veut écouter et qu'elle mérite d'ailleurs. Nous espérons que si toutes les parties font preuve d'un peu de flexibilité, l'intérêt du public et celui du Canada seront desservis. Si nous agissons ainsi, les Canadiens et les Canadiennes auront d'ici trois mois et demi une solution de rechange au marché gris et au monopole des câblodiffuseurs. Le modèle concurrentiel envisagé dans le rapport du groupe de travail sera réalisable et la préférence marquée du gouvernement à l'égard d'un régime de licences pourrait être pleinement appliquée au début de l'an prochain.

Je vous remercie de votre temps et de votre attention, monsieur le président, mesdames et messieurs et membres du Comité. Il nous ferait plaisir de répondre à toute question que vous pourriez vouloir poser.

.1155

Le président: Avant de passer aux questions, j'aimerais simplement préciser un point qui est peut-être exposé clairement dans le document que vous nous avez remis. C'est le traitement de la question des satellites qui distingue votre offre de celle de Power. Seriez-vous prêts à abandonner ce point si l'ordonnance d'exemption s'appliquait aux deux entreprises? D'après ce que je sais, c'est là que les négociations ont achoppé.

M. Chris Frank (vice-président, Affaires gouvernementales et réglementaires, Expressvu): Je peux peut-être éclaircir ce point, monsieur le président.

Le président: Vous voyez où je veux en venir. Autrement dit, si les conditions ne sont pas modifiées, Power n'a rien à gagner parce qu'elle ne peut pas demander l'exemption.

Un député: C'est exactement cela.

Le président: Je veux simplement m'en assurer.

M. Frank: La solution que nous proposons officiellement dans notre document a trait à l'orientation. Elle ne porte pas spécifiquement sur l'exemption émise par le CRTC. Nous souhaitons évidemment trouver des solutions créatrices à ce problème pour éviter le recours aux tribunaux, mais nous croyons inopportun de nous prononcer sur des questions comme la politique d'exemption, qui relève de l'organisme de réglementation indépendant.

Le président: Si le gouvernement décrétait que la question des satellites ne pose aucune difficulté et apportait les modifications voulues à l'ordonnance d'exemption, vous l'accepteriez, n'est-ce pas ?

M. Frank: C'est une question qui, à mon avis, devrait être discutée entre le gouvernement et le CRTC lors de la dernière ronde de consultations. En tant qu'entreprise, nous cherchons des solutions équitables. Nous appuierions des solutions équitables. Je ne crois toutefois pas qu'il nous appartienne de nous prononcer publiquement sur l'opportunité de modifier l'ordonnance d'exemption.

Le président: Je voulais simplement essayer.

[Français]

Madame Tremblay.

Mme Tremblay: Bonjour, messieurs, et merci beaucoup pour votre présentation. Naturellement, nous avons énormément de questions à vous poser. Je vais essayer d'y aller rapidement, par de petites questions, simplement pour mon information. Peut-être que vous nous donnerez de courtes réponses.

À moins que j'aie rêvé, il me semble que la première fois qu'on a émis le texte d'exemption, il n'était pas question de satellite. La première fois qu'on a établi les conditions, on ne précisait rien au sujet des satellites.

M. Gourd: Je vais demander à M. Lacourcière de commenter et par la suite, je vais demander à M. Keenleyside de lire le texte précis du compromis que nous proposons.

Le président: S'il vous plaît.

M. Marc Lacourcière (secrétaire du conseil d'administration, Expressvu): Le projet d'exemption qui a été publié par le CRTC comprenait la même disposition que l'exemption finale et je pense que M. Keenleyside a le texte en main.

La disposition concernant les satellites n'a pas été changée entre le projet d'exemption qui a été publié par le CRTC et l'exemption finale qui a été émise quelques mois plus tard.

[Traduction]

M. Anthony Keenleyside (associé directeur général, Bureau d'Ottawa, McCarthy Tétrault): Le libellé du texte proposé à l'origine n'est pas mot pour mot celui du texte définitif de l'ordonnance; toutefois, il était clairement énoncé que l'on envisageait un recours exclusif aux satellites canadiens. En fait, DirecTV, et non pas Power DirecTV, a présenté une intervention écrite au Conseil à l'étape des commentaires et s'est expressément opposée à cette disposition. Personne ne doutait qu'il s'agissait d'un usage exclusif.

Je vais simplement me référer à la proposition que nous avons mentionnée précédemment. Il s'agit du deuxième document présenté par Expressvu, en date du 2 juin, dans la chemise grise. À la page 7 de ce document, il y a une modification que nous proposons d'apporter à l'ordonnance actuelle du Conseil au sujet des entreprises de radiodiffusion directe par satellite. Le paragraphe 4b) nous semble s'appliquer de façon rétroactive. Je vais lire la proposition, pour mémoire, en mettant l'accent sur le changement que nous proposons. Nous suggérons de modifier le libellé ainsi:

Ce sont les mots que nous proposons d'ajouter: «à la fin du processus d'octroi de licences mentionné au paragraphe 6 de cette ordonnance.»

Nous envisageons donc une période de deux, trois ou quatre mois de régime double où l'ordonnance d'exemption demeurerait en vigueur mais où un appel de demande de licence serait diffusé. Expressvu et d'autres entreprises répondront à cet appel, le Conseil attribuera des licences et la question sera réglée. L'ordonnance d'exemption perd toute utilité et pourrait être révoquée par le Conseil à ce moment.

Le président: Mais, pendant cette période, Power pourrait intervenir en vertu de l'ordonnance d'exemption.

.1200

M. Keenleyside: En vertu de l'ordonnance d'exemption, s'ils remplissent les conditions exigées... si je comprends bien leur proposition, ils ne les remplissent pas.

M. Boyle: Sur ce point-là, Power DirecTV nous a dit qu'ils avaient une stratégie par laquelle la programmation canadienne passerait par les satellites canadiens et la programmation américaine par les satellites américains, et c'est le manque du deuxième élément de leur service qui les empêchera d'avoir un service intégral et donc d'être une entreprise viable.

À mon avis, vu l'orientation du gouvernement en ce moment, il est très probable que, en vertu de l'exemption, la première partie du service pourrait être fonctionnelle dès cet automne et la deuxième partie, dès le mois de décembre ou de janvier, d'après les remarques qui ont été faites plus tôt devant ce comité. En tant qu'homme d'affaires, si j'avais le même pouvoir que M. Bell à Power DirecTV, par exemple, je ferais de mon mieux pour contourner le marché et y arriver en premier. Mais on s'étonne, en fait, par son manque de volonté de faire en deux parties ce qu'il propose de faire de toute façon et de le faire le plus tôt possible.

Le président: Nous aurons l'occasion de mieux comprendre ses motifs cet après-midi quand il comparaîtra devant nous.

[Français]

Madame Tremblay.

Mme Tremblay: Si les décrets sont approuvés comme ils sont actuellement, ils vont aller au CRTC, et le CRTC va être obligé de lancer une opération d'audiences publiques pour donner des licences à ceux qui veulent se lancer en affaires avec les satellites.

Si le CRTC annonçait de telles audiences, seriez-vous prêts à vous présenter rapidement devant lui? Le Canada a beau être grand et les secrets y être bien gardés, on sait tous qu'il y a deux compagnies qui veulent se lancer en affaires: Expressvu et Power DirecTV. Les autres ne sont pas connues à ce jour et ça m'étonnerait qu'elles sortent comme des champignons.

Est-ce que vous seriez prêts à ce que les délais soient très courts pour vous présenter devant le CRTC?

M. Gourd: Madame Tremblay, nous sommes prêts à nous lancer en affaires en septembre et en même temps à aller devant le CRTC pour obtenir une licence; c'est l'essence même du compromis que nous avons proposé.

Par ailleurs, je voudrais ajouter qu'il pourrait y avoir un troisième concurrent.

Mme Tremblay: Ah, oui?

M. Gourd: L'industrie du câble, comme M. Boyle l'a mentionné, a lancé CableSat, et on ne sait pas à ce jour si cette entreprise deviendra un Direct-to-Home ou pas. Si vous avez de la programmation dans le ciel et que vous pouvez à la fois joindre le marché du câble et le marché de la diffusion directe par satellite, lorsque vous avez payé vos coûts de satellite, il est logique d'arroser les deux marchés. Je ne veux pas leur prêter des intentions, mais il pourrait peut-être y avoir trois services.

Mme Tremblay: Si le décret est publié comme il est - on nous a parlé de concurrence - Power DirecTV va être avantagée par rapport à vous. Cela va lui coûter moins cher parce qu'elle va pouvoir faire affaire avec son satellite américain. Est-ce que vous avez l'intention de faire un itjoint venture avec quelqu'un aux États-Unis pour tirer profit des mêmes avantages?

M. Gourd: Effectivement, nous pensons que Power DirecTV serait avantagée par cela et aussi parce qu'elle a le marché gris.

Mme Tremblay: C'est elle qui l'a créé.

M. Gourd: C'est DirecTV des États-Unis qui offre le service. Donc, oui, ces gens auraient un avantage, mais quant à nous, nous avons développé un projet canadien et nous voulons offrir dès septembre toute la programmation francophone. Nous voulons très rapidement offrir toute la programmation canadienne-anglaise et multilingue et nous nous proposons de poursuivre notre plan d'affaires à partir du mois de septembre.

Mme Tremblay: Je veux partager mon temps avec mon collègue.

M. de Savoye: J'ai une collègue qui est extraordinaire.

Le président: N'est-ce pas?

M. de Savoye: Vous dites dans votre texte, monsieur Boyle, que vous allez faire produire à Don Mills des boîtes réceptrices d'Expressvu et que celles-ci sont un choix technologique qui repose sur une norme mondiale adoptée pour la diffusion de signaux vidéo et audio.

Je me suis fait répondre hier par un autre témoin que ce n'était pas le Canada qui pouvait participer d'une façon directe au choix d'une norme mondiale à ce moment-ci.

.1205

Ce que vous me dites me laisse croire qu'il y a moyen de faire des choix et de s'assurer que ces choix seront les bons.

Est-ce que vous pourriez nous éclairer un peu là-dessus?

[Traduction]

M. Boyle: Nous n'avons pas fixé la norme mondiale. Nous avons été les premiers en Amérique du Nord à adopter la norme internationale de l'ISO. Il s'agit de la norme de MPEG 2 DVB... et je pourrai vous fournir des détails si la chose vous intéresse, mais c'est plutôt compliqué. Elle repose sur les signaux numériques utilisés en diffusion vidéo et audio, par opposition aux signaux analogiques traditionnels que captent aujourd'hui nos téléviseurs. Ailleurs, en Afrique du Sud, à Hong Kong, en Grande-Bretagne, on emboîte le pas. La Deutsche Telekom, qui compte 12 millions d'abonnés en Allemagne, utilise ce système. Des sociétés commme Nokia, Philips, Panasonic et Toshiba se préparent toutes à l'adoption de cette nouvelle norme.

Nous avons très vite reconnu qu'il s'agissait d'une occasion extraordinaire pour nous. Si nous choisissions une technologie naissante et cherchions des entreprises de fabrication canadiennes capables de produire cette technologie, selon le principe que les nouvelles technologies sont en général mieux conçues en Amérique du Nord, avant que d'autres ne commencent à les copier et à fabriquer les produits outremer, nous pouvions offrir un produit «fait au Canada».

Il y avait à cela quelques bonnes raisons: premièrement, nous pensions qu'il nous serait alors plus facile de vendre le produit et, deuxièmement, nous aurions nos fournisseurs sous la main. Il ne serait pas nécessaire d'apprendre l'arrivée d'un navire en provenance de la Corée pour nous apporter les marchandises, ce qui ralentit toujours le processus. Nous savions qu'il nous fallait agir rapidement pour obtenir le produit. C'est de cette façon que nous voyons les choses.

M. de Savoye: J'ai posé ma question hier - et vous sembliez considérer qu'il s'agissait d'une bonne question - justement parce que nous ferions la promotion d'une norme universellement adoptée. Ce que vous venez de mentionner m'a porté à croire que nous avions une longueur d'avance sur ce chapitre. Par conséquent, nous serons en mesure d'exporter notre technologie et nos consommateurs auront un meilleur choix.

Si, par exemple, Power DirecTV adoptait la même technologie, je pourrais, avec le même matériel, décider demain matin de m'abonner à ses services parce que je n'aime pas votre programmation ou parce que les prix sont plus intéressants, ou pour toute autre raison. En fait, j'ai l'impression que vous avez une technologie ouverte, celle de Power DirecTV sera fermée, et si je m'abonne aux services de Power DirecTV, je n'aurai plus d'autre choix que de conserver ce service. Si je veux changer de fournisseur, je devrai dépenser encore 1 000$.

M. Boyle: C'est exact.

M. de Savoye: Votre offre, si je comprends bien, est donc plus intéressante pour les consommateurs au Canada et la création d'emplois au Canada. Est-ce exact?

Le président: C'est votre dernière chance de vous exprimer à ce sujet.

M. Boyle: C'est exactement ce qui nous a poussé à faire cette offre. Nous avons entrevu une occasion unique de «canadianiser» le produit de A à Z dans l'intérêt de l'économie canadienne - et, honnêtement, dans l'intérêt d'Expressvu. Il est évident que si l'on utilise les installations d'IBM, le produit sera accepté d'emblée par les consommateurs et il sera bien construit. Il était essentiel que nous ayions un produit qui fonctionnerait bien, dès le premier jour, pour pouvoir monter une entreprise capable d'attirer un nombre important d'abonnés. Parallèlement, cela veut dire des emplois, c'est incontestable.

Le président: Je dois me déclarer en conflit d'intérêts, parce que les installations de Celestica sont dans ma circonscription, Don Valley-Ouest, à Toronto. Je le dis pour mémoire.

M. Hanrahan: Dans votre exposé, vous mentionnez sept secteurs où des retards entraîneraient des coûts sur le plan des revenus. D'après ce que d'autres témoins nous ont dit, le marché gris semble connaître une croissance très rapide, et vous indiquez que cela aidera l'industrie du câble et votre concurrent, Power DirecTV. Pourriez-vous nous expliquer un peu mieux ce phénomène?

.1210

M. Boyle: Vu la technologie choisie par les consommateurs canadiens qui veulent la télévision améliorée et qui se sont procurés le système de DirecTV aux États-Unis, Power DirecTV a accès aux listes d'abonnés des agents et des distributeurs et peut offrir à cette clientèle le réseau TSN, CBC Newsworld et les autres services canadiens dont, nous le savons, les Canadiens sont si friands. Par conséquent, Power DirecTV peut offrir à ses abonnés un service qui utilise les deux satellites, le canadien et l'américain, et les deux niveaux de service.

Il est facile de s'imaginer que quelque temps après l'obtention de la licence, lorsque Power DirecTV sera prêt à se lancer sur le marché d'un point de vue technologique... Nous entendons les représentants de Power DirecTV dire qu'ils n'ont pas consacré beaucoup de temps ni d'argent à la recherche et au développement du côté technique et qu'il leur faudra peut-être un certain temps, même lorsqu'ils auront la licence, à se lancer sur le marché. Néanmoins, ils seront en mesure d'offrir ce niveau de service amélioré et donc de récupérer eux-mêmes le marché gris. Il est évident que nous ne pouvons pas toucher à ces abonnés, qui ont déjà investi quelque 1 500$ pour se procurer la technologie protégée. Ce sont les abonnés de Power DirecTV, pas les nôtres.

Suivant ces règles du jeu censément équitables, parce que selon certains les deux services démarreront en même temps, nous commençons sans abonnés aucun alors que nos concurrents en ont déjà 40 000 ou 50 000 dont la technologie pourrait être convertie en un mois ou deux. À nos yeux, les règles du jeu ne sont pas équitables.

M. Hanrahan: Vous parlez de 40 000 ou 50 000 abonnés. D'autres avant nous estiment qu'il y en avait dix fois plus. Il a aussi été avancé que l'expansion du marché gris finirait par retirer toute pertinence à cette question - qu'il serait impossible de maintenir une industrie canadienne de radiodiffusion directe par satellite et d'assurer la diffusion d'un contenu canadien quelconque. Supposez-vous que le marché gris peut être repris par Power DirecTV?

M. Boyle: C'est ce que nous affirmons, mais je crois que les chiffres portent à confusion. Dix fois ce chiffre? Il y a environ 500 000 antennes paraboliques dans notre pays. La plupart sont des grandes antennes. Nous croyons qu'il y a au Canada aujourd'hui entre 25 000 et 30 000 antennes paraboliques de DirecTV. D'ici à ce que les licences soient attribuées - et je fais ici allusion à ce qu'un de vos témoins a déclaré devant vous, en décembre - DirecTV pourrait avoir 40 000 ou 50 000 abonnés. Sur 500 000 antennes paraboliques, il y a certainement aujourd'hui 450 000 grandes antennes utilisées pour capter les signaux analogiques diffusés par satellite par les services traditionnels.

M. Hanrahan: Il y a donc deux niveaux de marché gris: le grand et le petit.

M. Boyle: C'est incontestable.

M. Hanrahan: Et vous croyez que nous pourrions récupérer le petit. Ne pourrait-on pas s'attaquer au grand?

M. Boyle: Je crois que nous avons de très bonnes chances de récupérer le grand marché. En effet, lorsque nous étions chez Tee-Comm Electronics, en collaboration avec les Communications par satellite canadien, Cancom, nous avons fait des essais de ces services dans un univers analogue. En 1992 et 1993, nous avons offert dans les régions rurales du Canada une antenne parabolique de six pieds qui captait les signaux du satellite canadien et distribuait TSN, MuchMusic, Newsworld et les services de Cancom dans tous les pays... ITV Edmonton, BCTV Vancouver, etc.

Suite à cette expérience, le nombre d'abonnés de Cancom a doublé en huit mois. Il a fallu huit ans à Cancom pour atteindre les 12 000 abonnés, parce que les services satellites fonctionnaient de façon réactive. Nous avons porté le nombre d'abonnés à 24 000 en huit mois. Nous avons fait ce que nous projetons de faire pour Expressvu: des ventes dynamiques et du porte à porte dans les régions mal desservies du Canada, en faisant appel à des agents et à des revendeurs qui croient dans un produit canadien.

D'après les personnes qui ont participé à l'expérience, qui ont jugé qu'une antenne de six pieds était un peu trop grosse et qu'une gamme de 20 canaux était un peu trop maigre, une antenne de 18 pouces à deux pieds et demi et un service de 100 canaux où les Canadiens seraient bien représentés serait extrêmement bien accueillis. Nous nous appuyons donc sur des recherches véritables... du porte à porte dans les régions rurales du Canada.

M. Hanrahan: Voilà qui est fort encourageant. J'aimerais poursuivre, mais le temps ne nous le permet pas.

.1215

Permettez-moi de vous poser cette question. Si, concrètement, il devait y avoir un retard, que vous ne puissiez démarrer le 1er septembre pour une raison quelconque, et qu'il vous fallait commencer en même temps que Power DirecTV, vous subiriez certainement d'importantes pertes de revenus. Mais la concurrence de l'entreprise serait-elle détruite au point que vous ne pourriez démarrer en décembre ou en janvier, par exemple?

M. Boyle: Si le lancement est reporté, il y aura des coûts. Les principaux coûts seront vraisemblablement liés à la part du marché.

Nous croyons que notre concurrent est actuellement le câble. Nous croyons que, dans une certaine mesure, Power DirectTV est de notre côté. Les gens veulent du choix dans le marché de la câblodistribution et c'est à cette industrie que nous sommes impatients de livrer concurrence. Les consommateurs sont impatients de nous voir entrer en concurrence avec l'industrie du câble. Je suis certain que c'est un argument que vous avez entendu dans le cadre de vos délibérations.

Tout retard permettrait à l'industrie de la câblodiffusion de mieux se préparer à l'arrivée du groupe de la radiodiffusion par satellite en tant qu'industrie. Évidemment, l'autre membre du groupe de la radiodiffusion par satellite, Power DirecTV, aura lui aussi plus de temps pour recruter les abonnés du marché gris qu'il suffira de convertir. La seule entreprise intéressée qui ait à souffrir d'un retard, c'est Expressvu.

M. Hanrahan: Mais vous seriez encore en mesure de vous lancer sur ce marché?

M. Boyle: Je crois qu'il y aurait une perte notable et injuste en ce sens qu'une plus grande partie du marché potentiel serait accaparée par d'autres.

M. Hanrahan: En quelque sorte, vous avez, d'un côté, la câblodistribution et, de l'autre, Power DirecTV et vous vous sentez coïncé entre les deux.

M. Boyle: C'est exact.

M. Hanrahan: Permettez-moi de vous poser une dernière question. Je crois que vous avez mentionné dans votre mémoire - il y a tellement de documents que je m'y perds un peu - que vous n'aviez aucun lien avec les entreprises des câblodistribution. Shaw ou Astral exercent-t-ils une quelconque influence sur Expressvu, ou l'ont-ils fait par le passé?

M. Gourd: Ni Astral ni Shaw ne détiennent d'actions dans Expressvu, n'ont de représentants au sein du conseil ni n'exercent une influence quelconque.

À peu près au mois de mai, l'an dernier, BCE, WIC et Cancom étaient membres d'un partenariat qu'on appelait DTH Canada. Expressvu a eu des contacts avec Astral, Shaw, Rogers et CFCF pour voir s'il était possible d'accéder à la programmation, parce que ces entreprises offraient de nombreux services de programmation. Nous n'avons pu en arriver à une entente, notamment parce que nous avions l'intention de promouvoir nos services dans les secteurs câblés. Lorsqu'il a été parfaitement clair que BCE, WIC, Cancom et, par la suite, Tee-Comm ne pourraient revenir sur cette décision d'offrir les services d'Expressvu sur le marché du câble, Shaw et Astral n'ont voulu devenir ni actionnaires ni partenaires.

M. Lacourcière: J'aimerais simplement ajouter quelque chose. Vous avez mentionné Rogers et Shaw. Je veux dissiper tout doute. Il n'y a aucune compagnie de câblodistribution où que ce soit au monde qui ait un lien quelconque avec Expressvu. Nous avons quatre actionnaires connus: BCE, Cancom, WIC et Tee-Comm. Je croyais qu'il était évident, si l'on connaît un peu cette industrie, que BCE et Tee-Comm ne sont pas des alliées des entreprises de câblodistribution, et personne ne saurait s'étonner que ces entreprises n'aient aucun lien avec notre société.

M. Hanrahan: Pour mémoire et simplement pour préciser, mis à part les contacts que vous avez eus avec ces entreprises de câblodistribution, il n'y a aucun lien d'ordre financier, de partage de marché ou quoi que ce soit en ce sens entre vous. Il n'y en a jamais eu et il n'y en a pas actuellement.

M. Lacourcière: Absolument pas.

Le président: Merci beaucoup.

Il nous reste dix minutes. M. Ianno veut prendre la parole, et j'ai quelques brèves questions.

Lorsque la première alliance précédant ce qui est devenu Expressvu a été proposée, il y a environ un an, de quelle façon le CRTC a-t-il pu encourager la formation de cette alliance? Quel a été son rôle?

M. Gourd: Puisque M. Lacourcière et moi-même y avons été mêlés, je peux vous dire qu'il n'y a eu aucune intervention.

.1220

Le président: Aucune intervention officielle ou officieuse par qui que ce soit du CRTC?

M. Gourd: C'est exact.

Remontons un peu en arrière. La première entente de partenariat a été conclue entre BCE, WIC et Cancom. Je crois que les personnes un peu familières avec l'industrie peuvent comprendre que l'arrivée de BCE dans le domaine de la radiodiffusion, dans la radiodiffusion en direct par satellite, a beaucoup étonné. Je pense, en outre, que personne ne pourrait véritablement croire qu'Expressvu, dans laquelle BCE et Tee-Comm détiennent ensemble 66 p. 100 des votes et, par le fait même, se lancent dans l'industrie de la radiodiffusion... Il est facile de comprendre que la chose n'a pas été bien reçue du tout par les milieux de la radiodiffusion.

Nous avons ensuite décidé de prendre contact avec la câblodistribution et certains services de programmation. La question de l'accessibilité à la programmation nous préoccupait. Malheureusement, l'accès à la programmation ne pouvait se distinguer de la prestation des services aux marchés de la câblodistribution et aux autres marchés. Comme il a été impossible de résoudre cette deuxième question, l'entente finale a été conclue entre BCE, Cancom, Tee-Comm et WIC. C'est ce qui s'est passé.

Le président: S'il existe effectivement un marché gris qui est maintenant le marché de DirecTV et qui compte 30 000 ou 40 000 abonnés, on peut supposer que, en vertu de la proposition que présente DirecTV, il y aura des coûts liés à la modification de l'antenne, pour pouvoir recapter les signaux de deux satellites, et de la boîte, pour pouvoir reprogrammer de façon à capter les deux canaux. Autrement dit, il ne suffira pas de pousser un bouton.

M. Boyle: Non, ce ne sera pas aussi simple, mais il n'y aura pas de frais importants non plus.

Le président: Pour aucun de ces deux éléments?

M. Boyle: Ce serait certainement un très bon investissement, compte tenu des revenus que peut en espérer Power DirecTV.

L'antenne serait remplacée par une antenne légèrement plus grande et à double alimentation, laquelle est courante en Europe où il y a beaucoup de satellites dont les signaux peuvent être captés avec des antennes de cette taille. Deuxièmement, il faudrait prévoir une nouvelle carte sur l'avant de la boîte, qui dirait «Power DirecTV» plutôt que «DirecTV». À l'arrière de la boîte, il faudrait modifier le logiciel pour permettre de capter les signaux des deux satellites. D'après nos techniciens, la chose serait toute simple. Il suffirait d'une demi-heure ou de 45 minutes de travail, ce ne serait donc pas très dispendieux. Un excellent investissement.

Le président: Merci.

Monsieur Ianno.

M. Ianno: Je veux revenir à ce que vous avez dit du ministre, qui s'est levé en Chambre le 29 novembre et a affirmé qu'il ne s'agissait pas d'infirmer ni d'écarter la décision du CRTC concernant l'ordonnance d'exemption. Le ministre peut-il infirmer ou écarter une décision du CRTC?

M. Lacourcière: D'après ce que je crois comprendre, en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, le gouvernement ne peut pas infirmer une ordonnance d'exemption.

M. Ianno: C'est donc dire que le ministre énonçait une évidence, n'est-ce pas?

M. Lacourcière: On pourrait le voir ainsi. On pourrait aussi penser qu'il affirmait que le gouvernement avait pour politique de maintenir l'exemption.

M. Ianno: Ou simplement d'exprimer une évidence, n'est-ce pas?

M. Lacourcière: C'est vous qui le dites.

M. Gérald R. Tremblay (associé, Bureau montréalais, McCarthy Tétrault): Permettez-moi d'intervenir un instant. Ce qui compte, à mon avis, c'est qu'on semble supposer, même dans le document présenté par M. Addy, que nous avons couru un risque, sachant que la question était à l'étude.

M. Ianno: Je ne le crois pas.

Permettez-moi de revenir à ma question, parce que j'ai peu de temps. L'ordonnance a été émise le 30 août 1994 et le gouvernement a annoncé son intention de revoir la politique concernant la radiodiffusion directe par satellite le 12 septembre 1994.

M. Lacourcière: C'est exact.

M. Ianno: En novembre, d'après ce que je sais de ce dossier et en tenant compte de ce que vous avez dit, le ministère a simplement énoncé une évidence. La décision n'était pas écartée, mais, comme il avait été annoncé qu'un examen serait mené, vous saviez que de nombreux aspects de l'ondonnance pourraient changer. Est-ce exact?

M. Lacourcière: Vous concluez que «le ministre énonçait une évidence», c'est votre interprétation de...

M. Ianno: Évidemment. C'est inévitable, car il y a divergence d'opinions.

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Croyez-vous que le gouvernement du Canada ait le droit de déterminer la politique générale touchant le CRTC?

M. Lacourcière: Il y est habilité, en vertu de l'article 7 de la Loi sur la radiodiffusion.

M. Ianno: Puisque la radiodiffusion directe par satellite est une nouveauté au Canada, croyez-vous qu'elle doive relever d'une politique générale?

M. Boyle: Je ne suis pas certain qu'il s'agisse d'une nouveauté au Canada. Il y a 500 000 antennes paraboliques dans notre pays, mais...

M. Ianno: D'accord... La politique du Canada concernant le CRTC, concrètement, est une nouvelle approche de la réglementation, parce que le reste est ce qu'on appelle un marché gris, n'est-ce pas?

M. Boyle: Non, dès 1984 - en fait dès 1983 - il y avait un grand nombre de Canadiens qui captaient en toute légalité des signaux de programmation canadiens retransmis par des satellites canadiens.

M. Ianno: En vertu du règlement du CRTC?

M. Boyle: Oui.

M. Ianno: Je vois. Alors, depuis 1984, lorsque le CRTC a adopté la politique d'attribution de licences de radiodiffusion directe par satellite, la décision a été prise, mais personne n'était intéressé. Est-ce véritablement ce qui s'est passé?

M. Gourd: Depuis au moins dix ans, il y a eu des entreprises canadiennes offrant des services directs au foyer.

M. Ianno: Donc, lorsque vous mentionnez que la politique relative aux licences de radiodiffusion directe par satellite était en place en 1984 et que la règle d'exemption était également en vigueur, vous affirmez que Power DirecTV n'a jamais demandé de licence auprès du CRTC en vertu de cette politique. Vous vous demandez pourquoi. Expressvu a-t-elle demandé une licence?

M. Frank: Expressvu n'existait pas à l'époque.

M. Ianno: Je vois. Power DirecTV existait en 1984?

M. Lacourcière: Je ne suis pas certain du moment où cette société a été formée.

M. Ianno: Je vois. Autrement dit, la question que vous avez posée - pourquoi Power DirecTV n'a-t-elle pas demandé de licence au CRTC en vertu de la politique, surtout depuis 1984 - s'applique aussi à vous, n'est-ce pas? La même chose s'applique.

M. Gourd: J'aimerais préciser que Power DirecTV ou peu importe qui auraient pu opter pour l'exemption ou demander une licence depuis août dernier...

M. Ianno: Oh, pas depuis 1984?

M. Gourd: ...et auraient pu l'avoir fait avant ce moment...

M. Ianno: Mais vous ne l'avez pas fait, n'est-ce pas? Expressvu n'a pas demandé de licence.

M. Gourd: Cancom offrait des services directs au foyer en vertu de ce régime. Expressvu a été créée en décembre 1994...

M. Ianno: C'est vrai.

M. Gourd: ...et, lorsqu'Expressvu a été créée, il a été décidé de demander l'exemption...

M. Ianno: Je comprends le reste de l'histoire. Je n'ai qu'à examiner les mots que vous nous présentez.

M. Gourd: Notre libellé est exact. Il est correct parce que, en principe, n'importe qui aurait pu demander une licence avant que l'ordonnance d'exemption ne soit prononcée, ou après.

M. Ianno: C'est exact, et personne ne l'a fait depuis 1984; cela, je le comprends.

Ma question suivante porte sur...

Le président: Il faudrait conclure bientôt.

M. Ianno: Je comprends. Comme vous avez utilisé beaucoup de temps, je comprends.

Quel est le pourcentage des émissions canadiennes que vous négociez, à l'heure actuelle? Quel pourcentage de la programmation serait canadien?

M. Boyle: Une bonne partie des services canadiens ont un contenu canadien. Nous avons, en effet, une gamme de 100 canaux et 15 des services sont basés aux États-Unis.

M. Ianno: Est-ce à dire que 85 p. 100 de la programmation serait canadienne?

M. Boyle: Oui. Tant que la liste d'approbation du CRTC ne sera pas modifiée et que de nouveaux services ne seront pas ajoutés, nous commencerons par offrir des émissions américaines et canadiennes.

M. Ianno: Autrement dit, parmi les 100 canaux que vous offrirez, je pourrai choisir les 85 canaux canadiens.

M. Boyle: Oui, grâce à l'option télévision à la carte et à l'option audio, oui - 75 canaux vidéo et 25 canaux audio. Sur le plan vidéo, il y a 75 canaux, dont 15 sont américains.

M. Ianno: Sur le plan vidéo, combien sont canadiens? Avez-vous dit 50?

M. Boyle: Soixante.

M. Ianno: Ils existent déjà tous?

M. Boyle: Oui, ils existent tous.

M. Ianno: Je vois. Et de quelle façon avez-vous accès aux canaux américains?

M. Boyle: Nous avons aménagé plusieurs sites au Canada, en collaboration avec les propriétaires et d'autres membres de notre groupe: Edmonton, Montréal...

M. Ianno: Les signaux seront-ils transmis par le satellite américain et retransmis au satellite canadien?

M. Boyle: Les signaux sont transmis sur les ondes. Dans certains cas, ils sont captés par une tour de radiodiffusion et retransmis au service. Dans d'autres cas, nous pouvons utiliser les fibres optiques.

M. Ianno: Mais les signaux sont transmis par des satellites américains, n'est-ce pas? Ils sont simplement captés quelque part.

M. Boyle: Non, pas nécessairement. Certains des services américains sont transmis sur les ondes et certains...

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Mme Tremblay: Laissez-le répondre.

M. Ianno: C'est ce que j'essaie de faire, Suzanne. Si seulement vous pouviez m'en donner la chance.

M. Boyle: Certains des services américains nous parviennent par satellite, certains sur les ondes et certains par fibres optiques.

M. Ianno: Les services américains par satellite que vous captez à vos stations de réception...

M. Boyle: C'est exact. Comme toutes les entreprises de câblodistribution - et c'est en gros ce que c'est, la télédistribution sans fil dans tout le pays - le service devra parvenir à ce que nous appelons notre tête de réseau. Nous le redistribuerons ensuite au moyen du satellite canadien dans l'ensemble du pays, aux petits réseaux d'antennes paraboliques de nos consommateurs.

M. Ianno: C'est un peu ce que font les entreprises de câblodistribution, mais d'une façon différente.

M. Boyle: D'une façon différente, en effet. Ils appellent «tête de réseau» la station où ils reçoivent tous les signaux. D'une façon ou d'une autre...

M. Ianno: Est-ce que Power DirecTV... lorsqu'ils reçoivent des signaux des États-Unis, de quelle façon procèdent-ils? Ils captent les signaux du satellite américain...

Le président: Je dois vraiment vous interrompre. Ce sera la dernière question et la dernière réponse.

M. Boyle: Je ne comprends pas parfaitement leur plan, mais d'après les déclarations publiques, je déduis qu'ils ont l'intention de ramener tous les services canadiens au Colorado et de les retransmettre de là au satellite canadien. Ils ont une seule liaison montante dans tout leur...

M. Ianno: Vous parlez des services canadiens, mais pas des services américains?

M. Boyle: Les Américains font la même chose.

M. Ianno: Ils feront les deux.

M. Boyle: Oui, à ce que je sache, Power DirecTV fait tout aux États-Unis.

M. Ianno: C'est donc le Colorado contre Calgary, en quelque sorte.

M. Boyle: C'est le Colorado contre Edmonton, Montréal, Toronto et Milton.

M. Ianno: Le signal est retransmis par satellite et il les capte.

M. Boyle: Oui.

Le président: Merci beaucoup. Cet échange était fascinant. Je vois que M. Frank veut faire un dernier commentaire.

M. Frank: Les satellites sont utilisés différemment, eux aussi.

Le président: Merci beaucoup. Le débat a été très intéressant ce matin et nous vous remercions d'être venus.

La séance est levée.

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