[Enregistrement électronique]
Le jeudi 15 juin 1995
[Traduction]
Le président: Mesdames et messieurs, bienvenue encore une fois à nos audiences sur les satellites de radiodiffusion directe.
À tous ceux qui ont leurs bureaux dans l'édifice de l'Ouest, je présente mes profonds regrets que l'immeuble soit en train de brûler, mais c'est la vie. Peu importe à ceux d'entre nous qui sommes à l'édifice de la Confédération.
Je voulais vous dire que quand les pompiers sont arrivés, à toute vitesse, ils ont remarqué le sens unique sur la Colline et bien que l'incendie se soit trouvé à gauche, ils ont respecté la signalisation et ont fait solennellement le tour. Puis ils ont décidé que l'incendie avait éclaté en réalité à l'édifice du Centre. Ils n'en voulaient pas démordre. Enfin, ils se sont rendus à la bonne place. Cela explique peut-être pourquoi vous avez perdu vos bureaux.
Nous sommes ravis d'accueillir encore une fois notre ami Keith Kelly de la Conférence canadienne des arts. M. Kelly a déjà eu l'occasion de comparaître devant ce comité. Il a préparé un mémoire, merveilleusement bref, de deux pages. Monsieur Kelly, je vous invite à nous le lire, afin que nous puissions ensuite passer aux questions.
Soyez le bienvenu.
M. Keith Kelly (directeur national, Conférence canadienne des arts): Merci, monsieur le président. C'est un plaisir que d'être à nouveau au comité cet après-midi. La Conférence canadienne des arts participe aux discussions sur le développement de la radiodiffusion directe par satellite depuis un certain temps. Et c'est la raison pour laquelle nous sommes heureux d'avoir pu venir aujourd'hui vous présenter notre point de vue sur le sujet.
Le mémoire que vous avez sous les yeux a en fait été présenté au ministre, M. Dupuy, et faisait partie de nos commentaires sur la directive proposée. En fait, je dois dire que lorsque le sujet vient à l'ordre du jour des discussions du conseil, la plupart de nos membres se sentent très vite perdus. Ils ont le plus grand mal à se retrouver dans toutes ces discussions pour savoir qui a l'antenne la plus petite et à qui devraient appartenir les vis, les boulons et la quincaillerie.
Pour nous, les SDR représentent une nouvelle étape dans le développement du système canadien de radiodiffusion, étape qui pourrait être bénéfique aux créateurs, et qui devrait être au bout du compte avantageuse pour les créateurs et pour les concepteurs. Grâce à la politique canadienne en matière de radiodiffusion, Radio-Canada a joué un rôle immense en matière de conception et de soutien aux créateurs. Nous avons vu des radiodiffuseurs privés assurer une bonne part du développement des programmes. Et, bien entendu, il y a aussi les entreprises de cablôdiffusion qui, grâce à leur contribution aux fonds de production ont fourni un appui important aux créateurs et concepteurs canadiens.
Ce qui nous intéresse surtout dans la question des SDR, c'est de nous assurer que l'arrivée de nouveaux intervenants se traduira pour notre collectivité par les mêmes excellents avantages qu'elle a pu obtenir des autres intervenants dans le système de radiodiffusion. Aujourd'hui nous parlons des SDR, mais bientôt, il sera probablement question du rôle des compagnies de téléphone dans la radiodiffusion, puis de la vidéo sur demande et autres technologies de distribution, à mesure qu'elles sont mises au point.
C'est donc sous cet angle-là que nous avons abordé la discussion sur les SDR. Selon nous, le mieux pour les créateurs et les concepteurs serait d'avoir un ensemble de règles appliquées équitablement et également à tous les participants dans le secteur de la radiodiffusion et de la prestation des programmes. Parmi ces règles, citons la propriété et le contrôle effectifs par des Canadiens, la prédominance de la programmation canadienne comme condition d'exploitation, le respect de l'esprit et de la lettre de la Loi sur les droits d'auteur, la préservation d'un marché canadien distinct pour les détenteurs de droits, le respect de l'esprit et de la lettre de la Loi sur le statut de l'artiste, f tant dans la sphère provinciale que fédérale, et la contribution directe au secteur de la production.
Lorsque nous parlons de la politique touchant les SDR, nous nous en tenons donc à certains points très précis. Il n'est certainement pas dans notre intention d'exprimer une préférence pour une entreprise plutôt qu'une autre. Nous estimons que la concurrence va augmenter dans le domaine et il est dans notre intérêt, à long terme, d'examiner de près les règles d'entrée dans le sytème.
En ce qui concerne la directive proposée, comme vous l'avez signalé, nous avons assez peu de choses à dire, mais nous nous concentrons sur les éléments caractéristiques de l'approche qu'a adoptée la Conférence canadienne des arts par rapport aux SDR, c'est-à-dire qu'il faudrait probablement préciser dans les instructions les niveaux de contribution que les entreprises devront verser à l'industrie de la production et qui devraient être plus élevés que ceux que recommande le groupe de travail. C'est la raison pour laquelle nous appuyons la position de la Guilde canadienne des réalisateurs, et d'autres, telle qu'elle a été exprimée dans le mémoire adressé au ministre sur la politique des SDR.
Il est également important à nos yeux que toute entreprise soit tenue d'acquérir les droits de programmation auprès de distributeurs canadiens. Nous appuyons également la position de la Guilde des réalisateurs sur cette question.
Nous estimons qu'il est parfaitement normal que le gouvernement émette des directives au CRTC pour préciser la politique en matière de radiodiffusion. Le rôle du CRTC est d'appliquer la politique du gouvernement et d'agir, sans trop d'entraves, pour réglementer le secteur, mais il est bien évident que la responsabilité de l'élaboration des politiques incombe au gouvernement, surtout dans un domaine aussi important et en évolution aussi rapide que celui de la radiodiffusion.
Ce sont là les principaux points que nous voulions vous mentionner aujourd'hui.
Le président: Merci beaucoup. Voilà un mémoire utile, très succinct et tout à fait admirable.
[Français]
Nous allons commencer avec M. de Savoye, du Bloc québécois, pour sept minutes.
M. de Savoye (Portneuf): Merci beaucoup, monsieur Kelly. Comme d'habitude, vos interventions sont enrichissantes et intéressantes.
Je retiens de ce que vous avez dit que vous recommandez un programme qui administrerait de façon indépendante le fonds de production. Vous suggérez également que le pourcentage soit haussé et vous insistez sur une mise en oeuvre en temps opportun; on parle de l'automne.
Par ailleurs, c'est votre opinion professionnelle qui m'intéresse ici. Hier, l'ADISQ a manifesté des craintes considérables face aux approches que les décrets permettraient en indiquant que d'ici quelques années - on parle d'un horizon de cinq ou six ans - , la programmation de source canadienne pourrait être considérablement réduite, sinon évacuée des ondes. Comment réagissez-vous à ces craintes-là?
[Traduction]
M. Kelly: Selon nous, l'entrée de nouvelles entreprises dans le système canadien doit se fonder sur le principe de l'utilisation prédominante d'émissions canadiennes comme condition d'exploitation.
Le seul moyen de s'assurer que d'éventuelles entreprises respectent leurs engagements en matière de programmation canadienne et soient appelées à rendre des comptes, consiste à établir une procédure officielle d'octroi des licences qui permette d'examiner leurs plans d'entreprise, de procéder à un examen public de leurs propositions, et qui autorise le CRTC à assortir la licence de conditions en matière de programmation canadienne.
Je crains que l'ordonnance d'exemption ne nous conduise plus rapidement à une augmentation de la programmation étrangère et un recul de la présence canadienne sur les ondes que ne pourrait le faire la procédure officielle d'octroi des licences, grâce à laquelle il est possible d'examiner publiquement les plans des entreprises et de s'assurer que le CRTC impose des conditions suffisantes pour garantir la viabilité de la programmation canadienne.
[Français]
M. de Savoye: Comme je l'indiquais plus tôt, vous suggérez une hausse du pourcentage qui serait réservé aux productions canadiennes. En fait, vous fixez ce pourcentage à 10 p. 100 au minimum. D'autres témoins nous ont suggéré, quant à eux, de laisser à la discrétion du CRTC la définition de ce pourcentage. Quel est, à votre avis, le risque ou les avantages qu'il y a à conférer au CRTC cette responsabilité?
[Traduction]
M. Kelly: Par le passé, le CRTC n'a pas vraiment été en mesure de veiller à ce que les contributions soient effectivement versées. Si elles avaient fait l'objet d'une politique officielle, et avaient été fixées à un niveau suffisant, disons à 10 ou 15 p. 100, ceux qui envisagent de se lancer dans la distribution ou la présentation de programmes sauraient quelles sommes prévoir dans leur plan d'entreprise avant de se présenter à une audience du CRTC, au lieu de laisser à celui-ci la liberté de décider ce qui lui semble être un taux de contribution réaliste. On revient à l'idée de créer un ensemble de règles valables pour tous et appliquées équitablement. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que cela figure éventuellement dans la directive adressée au CRTC.
[Français]
M. de Savoye: J'aimerais maintenant qu'on mette l'accent sur la question des droits d'auteur et des copyrights. J'utilise les deux termes parce qu'il y a une différence profonde entre les droits des auteurs et les droits des copieurs.
Essentiellement, certains organismes craignent qu'avec la venue d'un marché continental servi par un certain nombre de satellites, la capacité du Canada d'assumer ses responsabilités vis-à-vis des droits d'auteur s'étiole, s'effrite au profit d'une négociation continentale. Quelles sont vos observations à ce sujet-là?
[Traduction]
M. Kelly: Ce sont des préoccupations tout à fait justifiées et que nous avons examinées.
Nous estimons que toute personne qui oeuvre dans la prestation des programmes ou la radiodiffusion doit pouvoir distinguer entre les droits au Canada et les droits selon le modèle nord-américain. Nous avons dit que cela devrait être une des conditions imposée par le CRTC aux nouveaux arrivants sur le marché. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons fait nôtre la position de la Guilde des réalisateurs qui recommande que les programmes soient achetés aux distributeurs canadiens plutôt qu'américains.
Il y a à la base un principe très important, et nous espérons que le gouvernement et le CRTC trouveront le moyen de le faire respecter à mesure qu'émergent de nouvelles technologies de distribution.
[Français]
M. de Savoye: Cela m'amène à ma prochaine question. Un fonds de production administré de façon indépendante devra donner de l'argent à des producteurs, de sorte que des auteurs pourront créer des oeuvres qui seront ensuite produites. Dans cet ensemble-là, on sait que des producteurs peuvent venir au monde à chaque jour et que d'autres peuvent disparaître à chaque jour. Parfois ce sont les mêmes.
Comment voyez-vous cette dynamique s'établir pour qu'une saine compétition s'installe - et là je parle des risques reliés à l'intégration verticale pour éviter que des joueurs puissants accaparent tout le domaine - et pour permettre à de nouveaux joueurs d'entrer et d'agir de façon responsable? Comment voyez-vous cette problématique?
[Traduction]
M. Kelly: Si vous voulez parler de l'administration du fonds comme moyen de résoudre le problème, il y a un an maintenant, nous avons proposé que toutes les contributions versées par les nouvelles entreprises au fonds de production soient administrées par des organismes établis, tels Téléfilm ou l'Office national du film, qui ont déjà en place un réseau qui fonctionne, qui jouissent de la confiance des intéressés, et qui peuvent apporter leur soutien à différents niveaux de réalisation.
En créant des micro-fonds basés sur 10 p. 100 des recettes d'une entreprise ou l'autre, on risque de ne plus avoir 10 p. 100 pour subventionner la production, car on aura ouvert un bureau, engagé un directeur, subi des frais rien que pour administrer le fonds, tandis que si l'argent passe par des organismes comme Téléfilm et l'ONF, qui ont été créés en réponse à ce type même de problème, nous aurons de bien meilleures chances d'en profiter. C'est notre position.
Nous faisons confiance à des organismes comme l'ONF et Téléfilm pour répartir les ressources avec efficacité, encourager les nouveaux talents, et appuyer, peut-être dans une plus faible mesure, les activités des gros producteurs qui atteignent presque l'autonomie financière.
M. Hanrahan (Edmonton - Strathcona): Je vous remercie d'être venu.
Je vais continuer dans la même veine que mon collègue. Nous avons vu des chiffres allant de 5 à 20 p. 100, 5 p. 100 étant apparemment le plus commun. Vous suggérez 10 p. 100 et vous dites qu'il faudrait confier l'administration de cet argent à l'Office national du film et à Téléfilm parce qu'ils ont déjà une structure en place et qu'ils ont, dans la communauté artistique, la réputation d'être justes.
Permettez-moi de vous demander ceci. Si Téléfilm ou l'Office national du film recevait un million de dollars du fonds, selon vous, quelle part de cet argent parviendrait à la communauté artistique, à la communauté de la production?
M. Kelly: Selon moi, le gros de cette somme irait à la production, soit à un producteur, soit à des réalisateurs.
Comme vous le savez, l'un des plus importants programmes de l'ONF est celui qui met les installations de l'office à la disposition de réalisateurs débutants ou émergeants, ce qui leur permet d'éviter des mises de fonds importantes. Ils peuvent utiliser l'équipement et les installations de l'Office national du film pour produire leurs oeuvres. C'est très efficace en fait de coûts.
De plus, on n'est pas obligé d'inventer une nouvelle infrastructure. J'espère sincèrement que ce million de dollars ira presque entièrement au secteur de la production.
M. Hanrahan: Si, par exemple, trois artistes différents se présentaient à l'Office national du film ou à Téléfilm avec un projet, quelles sont les formalités nécessaires pour obtenir des fonds?
Ce qui m'inquiète dans les organismes gouvernementaux, c'est qu'ils ont tendance à établir des réseaux de copains, de faire du favoritisme, en quelque sorte. Comment peut-on éviter cela? Comment peut-on juger de la valeur artistique, de ce qui vaut la peine d'être produit, par exemple?
M. Kelly: Il existe pour cela un certain nombre de mécanismes. Des évaluateurs externes examinent la proposition et décident si elle vaut la peine d'être financée ou non. On évalue la demande en fonction des critères de base établis par l'organisme pour la participation au programme.
Dans le cas de l'ONF, je ne connais pas avec précision la procédure de sélection, mais je sais que les réalisateurs indépendants considèrent l'appui de l'ONF comme un tremplin essentiel pour leur développement professionnel.
Ce que vous craignez, essentiellement, c'est le copinage. Personnellement, je pense qu'il y a actuellement au Canada dans le secteur de la production suffisamment d'activités pour que les décisions soient prises en fonction de l'excellence plutôt que du copinage, surtout à une époque où toutes les institutions culturelles nationales doivent veiller à rentabiliser au maximum leurs ressources. Le climat n'est pas très propice au copinage ou au favoritisme.
M. Hanrahan: Bon. Prenons une situation tout à fait inverse.
Supposons qu'il n'y ait pas de fonds. Je suis consommateur. Je paie mes droits de câblodiffusion ou de satellite. Vous suggérez que la compagnie prévoie ces 10 ou 5 p. 100 dans son plan d'entreprise. Mais supposons que ces droits n'existent pas et que je souhaite produire un film. En quoi serait-il mauvais pour moi d'obtenir le financement nécessaire, grâce à ma réputation, mon talent, de le produire, puis d'aller le proposer à divers organismes? En quoi cela pourrait-il faire du tort au secteur de la production, à la collectivité artistique canadienne?
M. Kelly: Ce serait une excellente façon d'assurer le règne du copinage, car seuls réussiraient ceux qui ont les moyens financiers d'investir dans la production et de présenter un produit fini aux agences ou aux stations de télévision, aux distributeurs en leur disant: voici le produit, discutons. Ce ne serait pas très bon pour les nouveaux réalisateurs, ceux qui n'ont pas accès à des fonds, qui n'ont même pas à leur crédit une longue liste de réalisations.
Je songe, par exemple, à Atom Egoyan, qui, au début, a été aidé par le Conseil des arts. Je ne crois qu'il lui arrive souvent maintenant de demander des subventions, mais c'est grâce à ce coup de pouce que lui a donné le Conseil des arts qu'il a pu se perfectionner au point de devenir un réalisateur de réputation mondiale.
M. Hanrahan: Et il encaisse les bénéfices. C'est le contribuable qui l'a fait démarrer.
M. Kelly: Les contribuables en tirent aussi des bénéfices. Il est certainement dans leur intérêt qu'un des leurs devienne autonome. De plus, la vente de ses films représente pour le Canada une importante source d'exportation.
M. Hanrahan: Radio-Canada n'a pas....
[Inaudible - Éditeur]
M. Kelly: Oui.
M. Hanrahan: Encore une fois, pour bien comprendre... Un auteur écrit un livre. Il le propose à différentes maisons d'édition. Si l'éditeur pense pouvoir réaliser un bénéfice, il le publiera. Il n'y a pas de subvention. Pas d'argent du contribuable. Pourquoi ne pourrait-on pas faire de même dans cette situation-ci?
M. Kelly: Produire un film ou une vidéo coûte beaucoup plus cher qu'écrire un scénario, même s'il est vrai que certains livres et certains scénarios sont le produit d'années de travail. Mais il y a des fonds pour aider les auteurs dans ce processus.
M. Hanrahan: Dans mon exemple, je pars de l'hypothèse qu'il n'y a pas d'argent pour cela.
M. Kelly: Je vois.
Mais produire un film ou une vidéo, c'est une entreprise très compliquée et très coûteuse. Il faut de l'équipement, du personnel, une assurance, un laboratoire. C'est une entreprise très coûteuse. On peut donc difficilement comparer un scénariste, ou un auteur qui propose son manuscrit, à un réalisateur, surtout si c'est un réalisateur indépendant, qui entreprendrait de produire un film et essaierait de le vendre. Ce serait un privilège réservé aux réalisateurs bien établis ou aux studios qui ont les ressources nécessaires pour produire un film avant de pouvoir le proposer.
M. Hanrahan: Vous ne trouvez donc pas que ce fonds constitue en fait un impôt indirect pour le public canadien?
M. Kelly: Non. J'y vois une garantie que le système canadien pourra toujours compter sur un contenu canadien renouvelé et un renforcement de la production canadienne. C'est très important non seulement pour assurer la réalisation des objectifs spécifiques que nous nous sommes fixés pour la radiodiffusion au Canada, mais aussi pour nous assurer que la production canadienne soit internationalement concurrentielle et pour vendre nos produits canadiens à l'étranger, ce qui présente pour le Canada un intérêt non seulement culturel, mais aussi économique.
M. Hanrahan: Et pensez-vous que nos accords de libre-échange avec les États-Unis et le Mexique pourraient avoir des répercussions à terme, puisqu'il s'agirait d'une subvention du secteur culturel?
M. Kelly: Que je sache, la question des subventions n'a pas encore été abordée dans le contexte de l'Accord de libre-échange ou de l'ALÉNA. Dans le secteur culturel, certains craignent que ces questions viennent effectivement sur le tapis quand on entamera les négociations, éventuellement. Mais elles sont tout à fait défendables. Ces mesures ne sont pas nouvelles; elles ne sont que le prolongement de mesures déjà en place pour encourager la production culturelle canadienne.
M. Hanrahan: Le Tribunal canadien du commerce extérieur.
M. Kelly: Tout à fait.
Le président: Peut-être pourrais-je poser quelques questions. D'habitude je m'en remets àM. Ianno, mais il m'a fait faux bond. Ah non, ce n'est pas vrai.
M. Ianno (Trinity - Spadina): Que disiez-vous, monsieur le président?
Le président: J'attends toujours que vous posiez des questions, mais comme vous étiez sorti, je vais en poser quelques-unes.
M. Hanrahan: Pourquoi pas Albina?
Le président: J'attends, si quelqu'un lève la main, je prends note.
Voici mes questions, et d'autres que moi pourront en poser aussi, bien sûr.
Le chiffre de 10 p. 100 m'intrigue. J'ai entendu quelqu'un justifier ce pourcentage pour les SRD en disant qu'il est vrai que les contributions que les cablôdiffiseurs versent sur leurs bénéfices nets sont volontaires, mais on peut dire qu'environ 5 p. 100 vont aux stations communautaires par câble et 5 p. 100 peut-être, aux fonds de production canadiens. Cela fait donc 10 p. 100 et, comme par définition, les satellites de radiodiffusion directe ne peuvent pas financer des stations communautaires par câble, c'est un pourcentage équitable. Je ne vous ai pas entendu avancer cet argument, mais c'est bien là l'explication?
M. Kelly: Je regrette de n'avoir pas eu une si bonne explication.
Le président: Si cela peut vous être utile, ne vous gênez pas.
M. Kelly: Merci, monsieur le président. C'est exactement mon raisonnement.
Des voix: Oh, oh.
Le président: J'ai une autre question à propos de ce que vous demandait tout à l'heure M. de Savoye. Si le cadre de réglementation est en place et que nous avons suffisamment de soutien pour la production, avec des contributions de 10 p. 100 comme vous le suggériez, ou que sais-je, à l'approche de l'ère de multi-canaux et des étoiles de la mort, comme on disait autrefois, êtes-vous plutôt optimiste ou pessimiste quant à l'avenir des créateurs et producteurs canadiens? On dit que le moyen de diffusion est moins important aujourd'hui que le contenu. Qu'en pensez-vous, pour l'avenir?
M. Kelly: La CCA est très optimiste. Le point commun entre toutes ces technologies, c'est qu'elles ne peuvent survivre sans contenu. On peut parler de la taille de l'antenne parabolique, d'espace des transpondeurs, de compression numérique et de tout ce qu'on voudra, pour survivre sur le marché, toutes ces technologies sont tributaires du contenu. La collectivité canadienne des producteurs est très bien placée non seulement pour répondre aux besoins du système canadien, mais aussi pour offrir au marché international des produits fort attrayants.
Il faut admettre qu'en raison de la situation financière actuelle nous avons assisté à une érosion constante des ressources provenant du trésor, par l'entremise de Téléfilm, de l'ONF, du Conseil des arts et d'autres organismes. Il est certain que les coupures subies par Radio-Canada ont fait le plus grand tort au secteur de la production.
Il nous faut donc trouver maintenant une méthode dure pour soutenir la capacité de production canadienne. Si nous pouvons le faire en partenariat avec les radiodiffuseurs, des entreprises comme la SRD et les sociétés de téléphone, lorsqu'elles feront partie des radiodiffuseurs, nous leur appliquerons certainement le même raisonnement afin de pouvoir soutenir la capacité de production.
Si ce n'est pas possible - et si nous ne pouvons pas garantir qu'il y aura un minimum d'investissesment public dans la production - il est bien évident que les entreprises s'adresseront à des producteurs étrangers. Ce n'est pas dans l'intérêt de notre collectivité, ni dans l'intérêt du Canada, ni dans celui de notre économie en général.
Le président: Merci beaucoup. Je vais voir si d'autres collègues ont des questions à poser.
Monsieur Hanrahan.
M. Hanrahan: J'ai encore une dernière question, puisque vous en avez parlé, à propos des coupures à Radio-Canada et de leur effet sur la production. Selon moi, l'important c'est avant tout la production canadienne et le contenu canadien. Or, c'est le secteur de la production qui a été frappé en premier lieu, et non pas la haute administration, par exemple. J'ai vu quelque chose aujourd'hui à propos d'un autre groupe qui est mis à pied. Quelle est votre réaction à cela?
M. Kelly: Nous sommes dans une position quelque peu difficile à ce sujet, car nous sommes un des groupes de la communauté culturelle qui a dit à Radio-Canada: «Vous devriez vraiment vous fier davantage aux producteurs indépendants comme source de contenu.» Nous ne pouvons pas d'une part demander à Radio-Canada de compter davantage sur les producteurs indépendants comme source de contenu et, d'autre part, nous plaindre amèrement lorsqu'elle met à pied ses producteurs internes parce qu'elle fait davantage appel à la production indépendante.
Il est trop tôt pour connaître l'impact de ces coupures. Certaines d'entre elles sont très inquiétantes. Le seul journaliste spécialisé dans les arts pour la CBC à Vancouver a été mis à pied. La Colombie-Britannique est un centre important d'activités culturelles. Il m'est très difficile de comprendre les raisons qui ont motivé la mise à pied de cette personne.
M. Hanrahan: Vous avez dit que ces coupures étaient désastreuses pour la production.
M. Kelly: Absolument.
Personne ne lui a dit que c'était absolument certain, mais M. Beatty a maintenant déclaré qu'il étudiait la logique de la révision du programme fédéral voulant que dans trois ans, la société obtienne 350 millions de dollars de moins en crédits parlementaires. Radio-Canada dépense actduellement environ 250 millions de dollars par année pour la production, pour l'embauche de créateurs et ainsi de suite...
M. Hanrahan: À l'interne?
M. Kelly: ...et cela va diminuer.
Nos artistes, nos travailleurs culturels et nos producteurs vont certainement ressentir l'impact de ces réductions très sérieuses. Cela ne fait aucun doute. Même si l'on dit que la société se fie davantage à la production indépendante, elle le fait avec des allocations extrêmement réduites.
M. Hanrahan: Merci.
[Français]
M. de Savoye: Nous avons parlé d'une somme de 10 p. 100 des revenus bruts pour assurer le renouvellement des productions. Vous nous avez également indiqué que vous verriez des organismes tel l'Office national du film assumer la distribution de ces sommes.
Évidemment, un organisme tel que l'Office national du film devrait recevoir un mandat. Croyez-vous qu'un tel mandat devrait inclure une directive visant à assurer une répartition équitable des productions, eu égard aux langues officielles?
Je pense à la situation de la SRC qui, pour des auditoires égaux à ceux de CBC, a un budget environ deux fois moindre que celui de la CBC. Or, si 10 p. 100 des revenus proviennent d'un auditoire francophone, ces 10 p. 100 ne devraient-il pas être réinvestis dans des productions francophones, non plus au prorata des populations, mais au prorata des auditeurs ou de l'auditoire? Qu'en pensez-vous?
[Traduction]
Le président: Bonne chance.
M. Kelly: Quand je pense que je m'apprêtais à m'en aller.
Des voix: Oh, oh.
M. Kelly: Premièrement, de façon générale, je crois que ces fonds devraient être dépensés dans la collectivité où ils ont été recueillis. Je pense que c'este une meilleure approche que, disons, 50-50. Permettez-moi de vous expliquer pourquoi.
Je n'aimerais pas du tout voir une agence quelconque prise dans un étau où elle doit dépenser exactement 50 p. 100 de ses ressources pour des projets dans une discipline ou dans une communauté si cela veut dire qu'une partie de ce 50 p. 100 ne sera pas déboursée pour des projets qui sont vraiment excellents, mais plutôt parce qu'ils sont disponibles. À une époque où les ressources sont extrêmement limitées, il est impératif que les fonds soient investis dans des projets de la plus haute qualité plutôt que dans les projets qui, par hasard, étaient là lorsqu'on faisait la répartition des ressources.
Nous n'avons pas pris de position ferme à ce sujet, mais maintenant que vous nous avez posé la question, je suis persuadé que notre conseil va s'y attaquer dans un avenir très rapproché.
Merci.
M. de Savoye: Merci.
Le président: Cela étant dit, nous vous remercions encore une fois de votre comparution. Elle était très utile et intéressante. Nous espérons faire de notre mieux pour la communauté artistique et créatrice de ce pays.
Comme le veut notre coutume dans cette salle et à cause de la nature même de la télévision, nous allons faire une pause de deux minutes pour permettre au prochains témoins de se préparer.
PAUSE
Le président: Encore une fois, bienvenue. Nous allons maintenant écouter l'Association canadienne de télévision par câble. Son président et chef de la direction, Richar Stursberg, est ici. Nous avons très hâte de l'entendre ainsi que ses collègues et nous passerons ensuite aux questions.
Je souhaite la bienvenue à tous.
[Français]
M. Richard Stursberg (président et chef de la direction, Association canadienne de télévision par câble): Si vous êtes d'accord, je vais d'abord faire quelques remarques.
Je m'appelle Richard Stursberg et je suis président de l'Association canadienne de télévision par câble.
J'ai à mes côtés, cet après-midi, Mme Elizabeth Roscoe, vice-présidente principale de l'Association, et M. Jay Thomson, vice-président aux questions de droit et de réglementation de l'Association. Je suis également accompagné de Mme Linda Ahern, présidente de l'Association des câblodistributeurs du Québec. L'ACQ est le pendant provincial de l'ACTC au Québec. Mme Ahern répondra volontiers aux questions que vous vous posez en ce qui a trait aux répercussions de la distribution par SRD sur les services de langue française et la programmation au Québec.
Les membres de votre comité ne seront certainement pas étonnés d'apprendre que l'industrie de la câblodistribution et son association ont suivi l'évolution récente du dossier des SRD avec beaucoup d'intérêt. L'industrie sait très bien que le consommateur canadien demande l'ouverture de la distribution des services de radiodiffusion à la concurrence et que la politique gouvernementale favorise ce genre de concurrence.
Comme beaucoup d'autres, nous croyons que les services de distribution par SRD opposeront une réelle concurrence à la câblodistribution.
[Traduction]
Or, contrairement à ce que d'aucuns peuvent penser ou dire, l'industrie de la câblodistribution ne s'oppose pas à la concurrence... que ses concurrents soient des SRD ou tout autre distributeur canadien de services de radiodiffusion. La position de l'industrie est qu'une concurrence loyale et viable est dans l'intérêt public et dans celui de nos abonnés, parce qu'elle encourage l'innovation et accroît l'efficacité. Nous croyons que l'ouverture de la distribution des services de radiodiffusion à la concurrence peut profiter aux Canadiens, en leur apportant plus de choix et un meilleur service, à meilleur prix.
Les mots clés sont, bien entendu, «loyale et viable». Dans le contexte de la concurrence avec les SRD, une concurrence loyale et viable signifie tout simplement - comme nous l'avons signalé au groupe de travail sur la politique concernant les satellites de radiodiffusion directe - que tous les participants obéissent aux mêmes règles.
Plus précisément, cela signifie que les nouvelles entreprises de distribution par SRD doivent assumer, face au système de radiodiffusion canadien, des obligations identiques à celles qui incombent à l'heure actuelle aux câblodistributeurs. Cela signifie également que les entreprises de distribution par SRD et les câblodistributeurs doivent avoir les mêmes possibilités d'augmenter l'attrait, donc la compétitivité, de leur produit.
Dans l'ensemble, les recommandations du groupe de travail sur la politique concernant les satellites de radiodiffusion directe et les instructions générales qu'il propose à l'intention du CRTC dans son rapport concordent avec l'objectif d'une concurrence loyale et viable. C'est pourquoi nous appuyons les recommandations et les projets d'instructions à l'étude au sein de votre comité.
Ceci étant dit, nous croyons que les instructions proposées présentent trois lacunes. Deux de celles-ci touchent les entreprises de distribution par SRD et la troisième, la télévision à la carte. Nous avons exposé nos préoccupations à ces égards dans le mémoire que nous avons présenté au ministre du Patrimoine canadien le 2 juin. Je crois d'ailleurs que vous avez reçu copie de ce mémoire.
Pour ce qui est des instructions générales touchant les entreprises de distribution par SRD, nous avons suggéré de modifier deux alinéas, et j'ajouterais, franchement, qu'il s'agit de modifications très techniques. Elles visent à assurer la symétrie de la réglementation applicable à ces entreprises et aux câblodistributeurs.
Plus précisément, nous avons recommandé de modifier l'alinéa 3(a) des instructions générales visant les entreprises de distribution par SRD, pour que les règles de propriété s'appliquant à l'heure actuelle aux câblodistributeurs s'appliquent aussi à ces entreprises. La modification expliciterait en outre que les entreprises de distribution par SRD seraient tenues de se plier aux règles du CRTC à l'égard de questions comme la distribution de services de programmation en majorité canadiens ou l'étagement et l'assemblage des services de programmation par satellite canadiens et étrangers, de même qu'à celles qui se rapportent à la distribution prioritaire et à la suppression ou à la substitution de signaux.
Nous avons également recommandé de modifier l'alinéa 3(e) de ces instructions afin d'assurer, par souci d'équité, que les entreprises de distribution par SRD soient, d'une part, protégées contre l'acquisition par d'autres distributeurs de droits d'exclusivité sur certains services de programmation et, d'autre part, empêchées d'acquérir elles-mêmes des droits exclusifs au détriment de leurs concurrents.
Nous avons aussi suggéré d'apporter une modification aux instructions relatives à la télévision à la carte, pour rectifier ce qui semble découler d'une simple faute d'attention au moment de la rédaction. Toutefois, cette erreur, si elle n'est pas rectifiée, pourrait faire que les entreprises de distribution par SRD - et elles seules - pourront exploiter leurs propres services de programmation et de télévision à la carte.
Or, accorder un tel avantage concurrentiel uniquement aux entreprises de distribution par SRD ne concorderait ni avec l'objectif du gouvernement, qui est de maintenir et de favoriser une concurrence loyale, ni avec la recommandation du groupe de travail même, qui affirme qu'il faut, pour garantir une concurrence loyale, que les règles soient essentiellement les mêmes pour tous les distributeurs.
C'est pourquoi nous avons proposé une modification très simple aux instructions générales visant la télévision à la carte, une modification qui permettrait au CRTC d'attribuer une licence d'exploitation de services de télévision à la carte aux titulaires de licence de toutes les catégories d'entreprises de distribution.
[Français]
Madame Ahern.
Mme Linda Ahern (présidente, Association des câblodistributeurs du Québec): La solution que nous proposons au problème de la télévision à la carte peut paraître simple, mais je tiens à souligner que le problème lui-même est très grave.
Comme M. Stursberg l'a dit au début, nous considérons les SRD comme de très réels concurrents à la câblodistribution. Il y a à cela deux raisons. D'abord, comme ils sont déjà numérisés, les SRD assureront à brève échéance un signal et une sonorité bien meilleurs que ceux de la câblodistribution; ensuite, ils offriront initialement beaucoup plus de canaux de télévision à la carte que le câblodistributeur et donc le service s'approchant actuellement le plus possible de la vidéo au compteur.
Or, dans le domaine de la télévision à la carte, ce ne sont pas les SRD qui nous livreront concurrence. C'est nous qui devrons nous mesurer à eux. Leur accorder la possibilité additionnelle et exclusive d'exploiter leur propre service de télévision à la carte ne ferait qu'augmenter et consolider leur avantage concurrentiel dans un domaine que beaucoup croient destiné à être la principale source de revenu complémentaire dans l'avenir.
Pour reprendre notre idée maîtresse, qui est aussi celle du gouvernement et du Groupe de travail sur la politique concernant les satellites de radiodiffusion directe, la concurrence dans le milieu de la distribution des services de radiodiffusion doit être loyale et viable, ce qui veut dire qu'il faut veiller à n'accorder d'avantage exclusif à aucun concurrent au détriment manifeste de tous les autres.
[Traduction]
M. Stursberg: Enfin, monsieur le président, j'aimerais dire que nous avons suivi de près les délibérations du comité et les questions qu'il a posées aux autres témoins au sujet des instructions générales proposées.
Nous constatons que l'emploi de satellites américains par les entreprises de distribution par SRD pour assurer des services américains est contesté. Beaucoup ont fait valoir que, si les câblodistributeurs peuvent avoir recours aux satellites américains, cela devrait également être permis aux entreprises de distribution par SRD.
Je me dois de préciser à ce propos, monsieur le président, que si les câblodistributeurs peuvent recevoir un assortiment limité de signaux de services spécialisés américains par l'intermédaire de satellites américains, ils sont tenus d'employer des installations canadiennes pour distribuer ces signaux à leurs abonnés.
Selon les instructions proposées, les entreprises de distribution par SRD pourraient quant à elles, à la différence des câblodistributeurs, avoir recours à des satellites américains pour distribuer aussi bien que pour recevoir des signaux américains.
Compte tenu des disparités techniques existant entre la câblodistribution et la distribution par SRD, nous n'avons fait aucune objection à l'emploi de satellites américains par ces entreprises dans le mémoire que nous avons présenté au groupe de travail sur la politique concernant les satellites de radiodiffusion directe, et nous n'entendons pas en faire maintenant.
[Français]
Voilà les observations que nous voulions vous présenter. Nous demeurons à votre disposition pour répondre à vos questions. Merci.
Le président: Merci, monsieur Stursberg et compagnie. Madame Tremblay, vous avez environ six minutes.
Mme Tremblay (Rimouski - Témiscouata): Vous venez de dire que vous ne vous êtes pas opposés et que vous n'entendez pas le faire maintenant. Cependant, j'aimerais quand même avoir des explications au sujet de certaines différences qui vont exister à partir de maintenant entre le système de distribution par câble et par satellite si les décrets sont mis en application.
Depuis que les projets de décrets ont été émis, et même avant, quand on savait que les experts se préparaient à ce qu'on appelle un prêt-à-porter pour Power Corporation, les arguments que le gouvernement invoquent sont toujours les mêmes: «On a fait ça pour permettre la concurrence». On doit comprendre que la concurrence s'exerce entre Expressvu et Power Corporation.
Ce que je comprends maintenant, avec les audiences et à la lecture des mémoires, c'est que la concurrence se fera entre le câble et les satellites. La vraie concurrence est là, à mon avis.
On nous dit qu'on fait cela pour que tout le monde soit sur le même pied, mais je découvre que le câble sera handicapé par rapport aux satellites et qu'Expressvu, s'il va de l'avant avec son projet tel qu'il est, n'utilisera pas les satellites américains pour la distribution, mais uniquement pour la réception. Comment pouvez-vous m'expliquer que tout le monde va se retrouver sur le même pied? Est-ce vrai que c'est un avantage de pouvoir utiliser le satellite américain pour se servir et assurer la distribution ou est-ce un inconvénient? Où se situe-t-on dans tout cela? Comprenez-vous ma question?
M. Stursberg: Si je comprends bien votre question, vous voulez savoir si les compagnies de satellites ont un avantage et si elles peuvent utiliser les satellites américains pour nous faire la concurrence. La réponse est oui. Est-ce que nous y sommes opposés? La réponse est non.
D'abord, nous sommes en faveur de la concurrence. Nous ne sommes pas prêts à bloquer l'accès des services de satellite aux satellites américains pour faciliter une concurrence de leur part avec l'industrie de la câblodistribution. C'est une chose primordiale.
Deuxièmement, nos technologies sont différentes. Je suis pour les services de satellites, et il sera plus difficile de concurrencer s'ils ne peuvent pas avoir accès aux satellites américains, surtout dans le cas Power DirecTv. Parce qu'il y a ces différences techniques entre nos systèmes, nous ne nous sommes pas opposés à l'accès aux satellites américains. Est-ce un avantage? Oui.
Mme Tremblay: Vous dites que vous ne vous opposez pas à l'utilisation des satellites pour la distribution?
M. Stursberg: Exactement.
Mme Tremblay: Dans votre document, vous dites quand même que vous voulez une concurrence loyale et viable.
M. Stursberg: Oui.
Mme Tremblay: Et «loyale et viable» est en caractère gras. Ce sont donc les deux catractéristiques que vous trouvez importantes pour la concurrence.
M. Stursberg: Oui.
Mme Tremblay: Si votre concurrent a un avantage, est-ce loyal?
M. Stursberg: Je suis franchement d'accord avec vous, mais ce n'est pas quelque chose que nous avons cherché à faire changer. Tout ce que nous demandons au Comité, c'est de nous offrir la même possibilité de demander au CRTC des licences de télévision à la carte, comme le décret le fait pour les services de satellites.
Comme vous l'avez dit, nous cherchons ici un équilibre entre l'indutrie de la câblodistribution et les service de satellites. C'est notre seule demande, sauf pour ce qui est de quelques changements mineurs pour garantir que les obligations seront les mêmes.
M. de Savoye: Vous avez une expertise et une expérience dans l'agencement d'un éventail de programmes pour offrir au public un certain contenu canadien.
Des témoins qui sont venus ici auparavant - je pense entre autres à l'ADISQ - craignent que l'approche permettant l'usage des satellites américains ne nous entraîne dans une situation où le contenu canadien sera en voie de disparition d'ici quelques années. Vous êtes en situation de concurrence. Comment vous sentez-vous? Redoutez-vous le même phénomène?
M. Stursberg: Nous proposons que les services de satellites respectent les mêmes règles que nous. C'est-à-dire que, d'abord et avant tout, ils doivent donner la priorité aux signaux canadiens.
Deuxièmement, ils doivent faire un matching entre les services américains offerts par satellites et les services canadiens. C'est un matching un par un.
Troisièmement, il doivent choisir les services américains uniquement selon une liste établie par le CRTC. S'ils sont prêts à respecter ces conditions en ce qui a trait aux services traditionnels de radiodiffusion et aux services spécialisés, ils seront sur un pied d'égalité avec nous. Personnellement, je crois qu'il n'y aura aucun problème pour ce qui est du contenu canadien.
Quant au service à payage, c'est-à-dire la télé à la carte, notre position est exactement la même. S'ils sont prêts à respecter les règles du CRTC, les mêmes règles qu'ils ont émises pour Astral ou Allarcom, à ce moment-là, il n'y aura pas de problèmes quant au contenu canadien.
M. de Savoye: Si je vous comprends bien, vous dites que les règles d'agencement des contenus doivent être les mêmes pour tous les fournisseurs de services et ce, indépendamment, du vecteur de transport qui est utilisé.
M. Stursberg: C'est exactement cela. Nous croyons que les règles établies par le CRTC sont très bien formulées pour respecter deux choses: la liberté d'expression et l'accès aux services étrangers d'une part et, d'autre part, l'appui aux services canadiens et au contenu canadien. Si les autres sont prêts à respecter les mêmes règles que nous, et dans le cas d'Astral ou d'Allarcom, les mêmes que pour les services à payage, nous sommes parfaitement à l'aise avec les applications pour le contenu canadien.
Mme Tremblay: On nous a beaucoup parlé du fameux fonds pour la production d'émissions canadiennes. Beaucoup de gens nous ont dit que 5 p. 100, ce n'était pas suffisant, qu'il fallait commencer à 10 p. 100 pour éventuellement augmenter cela jusqu'à 20 p. 100, compte tenu des millions de dollars que les sociétés qui vont s'occuper des satellites ont comme perspectives d'affaires. Comment voyez-vous l'augmentation d'un tel tarif à 10 p. 100 et éventuellement à 20 p. 100?
M. Stursberg: Actuellement, nous payons presque 10 p. 100, en ce sens que 5 p. 100 de nos revenus bruts sont payés pour appuyer les canaux communautaires dans nos services. Nous produisons presque 250 000 heures de programmation originale canadienne par année avec ces canaux communautaires. Cela représente 5 p. 100. Nous contribuons - c'est un peu différent selon les systèmes - presque un autre 5 p. 100 de nos revenus bruts de base à ce fonds pour la production de la télévision, pas uniquement anglophone, mais aussi francophone dans une proportion de 60-40. Cela représente déjà presque 10 p. 100 de nos revenus bruts de base.
Le président: Nous devons maintenant passer la parole à Mme Brown.
[Traduction]
Nous vous souhaitons bon retour de votre périple dans les quatre coins du pays.
Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Merci. Il fait bon être de retour.
Je vous souhaite la bienvenue à notre réunion.
Je dois dire que je suis quelque peu cynique face à cette rencontre de cet après-midi. Avec tout le respect que je dois au président et aux membres du comité, je pense que nous avons fait cent fois le tour de cette question de la concurrence avec les SRD depuis des semaines, sinon des mois. Vous pouvez venir ici plaider votre cause, mais très franchement, je ne vois pas vraiment où nous allons aboutir avec toute cette paperasse, car nous savons, d'après les gestes du gouvernement au cours des derniers mois, qu'en fin de compte le Cabinet prendra une décision concernant les SRD. Qui, quoi, quand et comment cela se passera sera déterminé autour de la table du conseil des ministres.
Qu'est-ce qu'il va se passer exactement selon vous? Pensez-vous que nous allons avoir l'occasion d'intervenir dans cette question de la concurrence compte tenu de ce que vous avez à offrir aux consommateurs, et que le marché est prêt à accepter un système de distribution tout à fait ouvert? D'ailleurs, croyez-vous vraiment à l'utilité de ce processus d'étude en comité? En toute franchise, je n'y fais guère confiance actuellement.
Nous nous réunissons ici, nous parlons de ce sujet, nous continuons à en parler, et finalement, rien ne se fait. M. Spicer se présente et nous donne son exposé, tous les intéressés viennent et font de même. Y a-t-il quelqu'un qui puisse dire où toutes ces déclarations aboutissent?
Moi, ce que j'aimerais savoir, c'est ce qui se dit dans les rues. Je vous demande simplement de me préciser ce qui, à votre avis, risque de se produire finalement.
Le président: Si vous pouvez nous soulager du fardeau du cynisme de Mme Brown, nous vous en serons très reconnaissants.
Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Et c'est un lourd fardeau.
M. Stursberg: Je n'ai aucune idée du sort que le gouvernement réservera au rapport du comité. Je présume que le gouvernement écoutera avec une grande attention les déclarations du comité qui, à mon avis, joue un rôle important et dont les audiences en cours revêtent une grande signification. Un certain nombre de modifications pourraient être proposées et se révéler utiles pour renforcer la concurrence dans le sens que nous avons suggéré.
Je ne pense pas que les modifications que nous proposons soient particulièrement fondamentales. Elles visent simplement à assurer que les règles sont les mêmes pour tous et que tous devront respecter le même niveau d'obligation envers la programmation canadienne, comme nous l'avons mentionné plus tôt.
Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Mais que dit vraiment M. Tout-le-monde? Quelles sont les opinions réellement exprimées? Vous venez et vous plaidez votre cause; votre exposé est excellent et les modifications proposées ont été rédigées avec le plus grand soin. Mais quelles sont les remarques que vous entendez quand vous discutez avec vos collègues? Accorde-t-on la moindre attention à ce qui se passe ici?
M. Stursberg: On y accorde tout au moins une parcelle d'attention, difficile à trouver, car cette parcelle peut être très petite et il faut un oeil d'aigle pour la trouver.
Il me semble qu'en général, on estime que la question est intéressante. J'évolue dans ce domaine depuis déjà pas mal de temps et il s'agit de l'une des questions les plus importantes et les plus controversées que j'aie vues depuis longtemps dans le domaine des communications.
La question a été exposée et a fait l'objet de discussions qui ont rarement été aussi poussées. Il ne fait aucun doute à mes yeux que les délibérations de votre comité apporteront une contribution très importante au débat. Je crois que c'est ce que la population attend, et personnellement, j'espère que cela va effectivement se produire.
Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Vous vous attendez donc à ce que des décisions soient prises?
M. Stursberg: Oui. Ces orientations doivent être modifiées et j'espère que le gouvernement va, de toute évidence, tenir compte du point de vue du comité et des amendements que nous avons proposés ici aujourd'hui.
Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Parfait. Merci.
M. Ianno: Je regarde votre texte et je constate que vous ne vous opposez pas à la concurrence. Cela a été dit très clairement.
Au début, certains membres de votre association faisaient partie du groupe Expressvu. Pouvez-vous me dire pourquoi ils s'en sont retirés?
M. Stursberg: Je n'étais pas là à l'époque; je n'ai pas suivi cela de près.
M. Ianno: Vous ne connaissez donc pas l'historique de la distribution par SRD?
M. Stursberg: Je connais une partie de l'historique de la distribution par SRD, mais je ne connais pas l'historique des rapports de ces personnes avec le groupe Expressvu.
M. Ianno: Bon. Vous n'avez donc pas entendu les déclarations antérieures d'Expressvu et d'autres groupes quand ils ont constaté qu'Expressvu entrerait en concurrence avec votre secteur. Une partie de l'entente prévoyait qu'ils s'occuperaient uniquement de la distribution dans les régions rurales et n'entreraient pas en concurrence avec les câblodiffuseurs dans les centres urbains. Vous n'êtes pas au courant de cela?
M. Stursberg: Je sais qu'il y a eu des discussions. Je sais également qu'il y avait au début un consortium qui regroupait des câblodiffuseurs et Expressvu et que ce consortium a ensuite été dissout.
M. Ianno: Pour les raisons que j'ai indiquées?
M. Stursberg: Pour les raisons que vous avez indiquées... je crois que cela est vrai en partie, mais Elizabeth peut probablement vous donner des renseignements complémentaires, car elle était là à l'époque.
Mme Elizabeth Roscoe (vice-présidente principale, Affaires publiques, Association canadienne de télévision par câble): Je peux seulement ajouter qu'Expressvu vous a peut-être dit que les câblodiffuseurs essayaient d'étendre leurs services aux régions rurales grâce à un système appelé Head End in the Sky. C'est l'initiative que les câblodiffuseurs ont prise.
M. Ianno: Cela a été avancé pour que vous puissiez être présents tant sur le marché rural que sur le marché urbain?
Mme Roscoe: C'est exact.
M. Ianno: Mais cela n'a rien à voir avec...
M. Stursberg: C'est un peu différent en ce sens que Head End in the Sky est essentiellement un mécanisme de distribution pour assurer aux petites entreprises de câblodiffusion la possibilité de recevoir les signaux de télévision à la carte, de manière que le service offert par ces petites entreprises soit l'égal du service offert par les grands réseaux de câblodiffusion dans les régions urbaines.
M. Ianno: Pour revenir à la question de la concurrence, en ce qui concerne les câblodiffuseurs, obtenez-vous également les émissions américaines à partir de satellites américains?
M. Stursberg: Oui, nous le faisons. Nous recevons les services américains diffusés par les satellites américains, et il s'agit des services autorisés par le CRTC, émissions que nous distribuons par câble, comme je l'ai déjà dit.
M. Ianno: Donc, en pratique, Power DirecTv envisagerait de recevoir les émissions américaines des satellites américains et de les diffuser d'un point central, ou s'agit-il...
M. Stursberg: Si je comprends bien l'approche de Power, ils vont capter les signaux d'émissions américaines à partir de satellites américains et les signaux canadiens à partir de satellites canadiens. Pour réaliser cela, il leur faudra construire une antenne parabolique spéciale à deux bras de réception.
M. Ianno: Et ensuite passer à la distribution.
M. Stursberg: Eh bien, l'antenne parabolique sera placée sur le toit de la maison.
M. Ianno: C'est exact.
M. Stursberg: Ensuite, l'antenne sera programmée comme désiré.
C'est exact; il y aura deux...
M. Ianno: Donc, en pratique, il n'y a aucune différence, en ce qui concerne les émissions américaines, qu'elles viennent des satellites américains, d'un système de câblodiffusion ou de Power DirecTv?
M. Stursberg: Non.
La seule différence, comme je l'ai déjà dit, est que...
M. Ianno: Dans un cas il s'agit d'un câble, dans l'autre, d'un dispositif de décodage.
M. Stursberg: C'est exactement ce que je disais. Les deux systèmes se différencient par leur technologie; nous n'avions pas d'objection à ce que DirecTv procède de cette façon.
Nous ne distribuons pas directement à nos clients. Nous recevons les signaux et les traitons comme des signaux canadiens et ensuite nous les distribuons en utilisant des installations canadiennes.
M. Ianno: Quand vos dispositifs de décodage seront-ils prêts?
M. Stursberg: Vous parlez des décodeurs DVC?
M. Ianno: Oui.
M. Stursberg: Le problème n'est pas particulier à l'industrie de la câblodiffusion canadienne.
Je vais peut-être revenir en arrière un instant. Ce dont parle M. Ianno, c'est...
M. Ianno: Non, ça va. Traitez seulement de ma question. Est-ce que vous essayez d'informer...
M. Stursberg: Je voulais tout simplement dire ce qu'est DVC.
M. Ianno: Non, ça va. Mon temps est limité. Je suis désolé.
M. Stursberg: Parfait.
Nous espérons que ce sera l'année prochaine.
M. Ianno: Si j'ai bien compris, une fois que les décodeurs seront prêts, vous pourrez donner à vos clients un accès direct à certaines émissions venant d'un satellite américain, à la programmation?
M. Stursberg: Non. Les décodeurs nous permettront de faire deux choses que les câblodiffuseurs ne peuvent pas faire actuellement. D'une part, la capacité disponible sera considérablement augmentée. Bon nombre de nos systèmes n'ont actuellement qu'une soixantaine de canaux. Nous pourrons alors passer à des centaines de canaux.
M. Ianno: Et l'interaction?
M. Stursberg: Deuxièmement, le système sera interactif et nous pourrons donc offrir ce genre de services.
M. Ianno: En adoptant un point de vue légèrement différent, étant donné que votre association est convaincue de la valeur de la concurrence, que pensez-vous de la situation qui existe dans ma circonscription où la concurrence entre câblodiffuseurs n'existe pas? En d'autres termes, dans une région donnée, c'était soit Rogers, soit une autre entreprise, il m'est impossible d'avoir les deux systèmes chez moi. Peut-on vraiment parler de concurrence?
M. Stursberg: Non.
À notre avis, il y aura tout d'abord concurrence avec la distribution par SRD cette année...
M. Ianno: Mais que ce passe-t-il au sein même de votre secteur?
M. Stursberg: Notre secteur a pour politique de ne s'opposer aucunement à quiconque voudrait s'installer et nous livrer concurrence. Qu'il s'agisse de distribution par SRD - ou encore d'autres technologies qui commencent à apparaître comme la distribution multipoints...
M. Ianno: Je parle de la concurrence entre câblodistributeurs pour permettre aux consommateurs de choisir entre plusieurs entreprises.
Le président: Vous voulez dire sur le même territoire?
M. Ianno: Oui, de façon à ce que je puisse obtenir chez moi la programmation de Shaw ou de Rogers, ou les deux.
M. Stursberg: Nous n'envisageons pas cela actuellement, mais je crois que d'autres vont se présenter.
J'allais dire que les compagnies de téléphone ont également indiqué qu'elles aimeraient pouvoir livrer concurrence aux câblodiffuseurs. Nous avons répondu que cela était parfait. Cela ne nous pose pas de difficultés à condition que nous puissions également leur faire concurrence sur le plan du service téléphonique local. D'autre part, il ne faut pas accorder une avance à qui que ce soit, etc.
M. Ianno: Donc, quand vous parlez de concurrence, cela veut dire que votre association accepte de faire concurrence à d'autres formes de distribution, mais que vous ne pensez pas qu'il soit nécessairement souhaitable de voir les membres de votre association se faire concurrence entre eux. Ai-je bien compris?
M. Stursberg: Non, je ne pense pas que cela soit exact.
Au début, les entreprises de câblodiffusion recevaient des licences qui leur accordaient des monopoles territoriaux, exactement comme cela se faisait pour les compagnies de téléphone locales. En fait, certains ont construit leurs systèmes...
M. Ianno: Maintenant que les monopoles existent et parce que vous croyez en la valeur de la concurrence - et selon votre exposé, l'Association partage votre point de vue - et étant donné que vous venez du secteur des communications téléphoniques, est-ce que vous et votre association acceptez maintenant de permettre à la concurrence de jouer dans le secteur de la cablôdistribution de façon à éliminer les monopoles régionaux et à permettre à mes commettants de choisir leur cablôdiffuseur et, on peut l'espérer, d'obtenir de meilleurs prix?
M. Stursberg: Je crois que la difficulté que nous rencontrons ici est que je ne viens pas vraiment du secteur de la de téléphonie. J'ai oeuvré dans le secteur concurrentiel des communications interurbaines...
M. Ianno: Oui, mais pour moi, tout cela c'est le téléphone.
M. Stursberg: Oui et non.
De toute façon, le secteur de la cablôdistribution va se trouver en concurrence avec le secteur le plus important et le plus riche au pays, celui du téléphone. Les recettes totales de ce secteur s'élevaient l'an dernier à 13 milliards de dollars.
M. Ianno: Et vous avez donc besoin d'être protégé?
M. Stursberg: Non, nous ne demandons pas de protection. Nos recettes ont atteint environ 2 milliards de dollars. Les des compagnies de téléphone ont des recettes approximativement sept fois plus élevées que les nôtres, et leurs mouvements de trésorerie sont de dix fois plus importants que ceux de nos entreprises.
Donc, la concurrence des SRD arrive, ainsi que celle venant des systèmes de transmission par micro-ondes, et, finalement, il faudra faire face aux compagnies de téléphone. Dans ces conditions, je ne suis pas convaincu que la meilleure stratégie pour nos entreprises qui devront faire face à des concurrents beaucoup plus importants qu'elles, soit de se livrer concurrence entre elles.
M. Ianno: Ai-je bien compris? Désirez-vous cette concurrence avec le système SRD? En d'autres termes, vous préférez la présence d'Expressvu et de Power DirecTv à tout autre système compte tenu des préoccupations concernant la durabilité?
M. Stursberg: Je ne travaille pas dans le domaine des SRD. Je voulais tout simplement dire que les cablôdistributeurs ne s'objectent aucunement à une concurrence qui serait offerte par ces entreprises. Quant à savoir si ces compagnies accepteraient la concurrence d'autres entreprises du même type, je n'ai pas d'opinion à ce sujet.
M. Ianno: C'est tout ce que je voulais savoir.
Le président: Je voudrais maintenant poser une question ou deux. Je sais que M. de Savoye voudrait également intervenir.
Je reviens sur vos remarques au sujet de Head End in the Sky. Je conçois qu'il s'agit d'une méthode permettant d'aider les systèmes de cablôdistribution moins importants. Est-ce que c'est également de cela qu'il s'agit quand les porte-parole d'Expressvu ont parlé de «cablesat», ou s'agit-il de faire quelque chose de différent?
M. Stursberg: C'est la même chose. Cablesat est la nouvelle désignation.
Le président: Cela ne concerne donc pas les grands centres urbains. Il s'agit de systèmes plus petits et, essentiellement, de la télévision à la carte. C'est bien cela?
M. Stursberg: C'est exact.
Le président: J'ai également entendu parler aux États-Unis de quelque chose d'autre qui concerne la télévision à la carte et qui semble être contrôlé par les cablôdistributeurs. Il s'agit de Prime Star. Comment cela fonctionne-t-il?
M. Stursberg: Prime Star est un système de distribution par SRD qui a été organisé par TCI, le groupe de cablôdistribution le plus important aux États-Unis.
Le président: Donc, dans ce cas, un cablôdistributeur utilise la technologie de diffusion par satellite pour offrir un service de télévision à la carte.
M. Stursberg: Oui.
Le président: Il me semble également que de grandes compagnies de cablôdistribution, Rogers pour être précis, ont déjà conclu ou vont conclure une entente quelconque avec Prime Star aux États-Unis afin de pouvoir offrir ce service au Canada à partir du printemps prochain. Je crois également comprendre que les fonds nécessaires pour cela proviendraient du fonds d'avantages sociaux créé quand Rogers a acheté Maclean Hunter pour quelque 28 millions de dollars.
Êtes-vous au courant de cela et savez-vous si une entente est en cours d'élaboration ou aurait déjà été signée?
M. Stursberg: J'ignore si une entente fait l'objet actuellement de discussions, et encore moins si elle aurait été signée. Je ne pense pas qu'un accord de cette nature puisse être financé à partir du fonds pour avantages sociaux.
Ce qu'il faut réaliser au sujet des États-Unis, c'est que le taux de pénétration de la cablôdistribution dans ce pays est de beaucoup inférieur à ce qu'il est au Canada. Dans les régions rurales et éloignées, la cablôdistribution est moins disponible aux États-Unis qu'au Canada. On estime peut-être donc dans ce pays qu'il est avantageux de passer à la distribution par SRD, alors qu'au Canada, nous avons déjà des réseaux de cablôdistribution et nous préférons donc nous assurer que les entreprises de cablôdistribution dans les régions éloignées pourront concurrencer efficacement des entreprises comme Expressvu et DirecTv en ayant recours à la technologie HITS.
Je dois mentionner que HITS est financé par les grands réseaux de cablôdistribution au bénéfice des réseaux moins importants, ce qui est intéressant. Ce sont Rogers, Shaw et COGECO qui financent cette initiative.
Le président: Je veux être sûr d'avoir bien compris. Que l'on ait recours ou non au fonds pour avantages sociaux - les 28 millions de dollars de Rogers - serait-il avantageux pour un grand réseau de câblodistribution dans une zone urbaine de fournir un service comparable à celui que Prime semble offrir aux États-Unis et qui permet de fournir deux services à un foyer? Est-il probable que les câblodistributeurs s'engagent dans cette voie?
M. Stursberg: Ceci se rapporte aux décodeurs CVN que j'ai mentionnés en parlant à M. Ianno. CVN est le sigle utilisé pour parler de compression vidéo numérique. En fournissant un décodeur CVN, nous pouvons offrir des centaines de canaux supplémentaires. Nous pourrions offrir des services très proches de la télévision sur demande et des services de télévision à la carte très sophistiqués. Nous pourrions fournir plus de deux ou trois de ces services selon la disponibilité des services pour lesquels la Commission va octroyer des licences et selon les possibilités que nous pourrions obtenir des décodeurs.
Le président: Vous n'envisagez pas que, dans un avenir très proche, l'un des principaux câblodistributeurs canadiens offre un service de télévision à la carte, par satellite, similaire au système Prime.
M. Stursberg: PRIMESTAR.
Le président: Oui, le système PRIMESTAR.
M. Stursberg: Franchement, cela ne fait pas partie de nos plans. Si l'on nous permettait de participer à la prochaine ronde de licences pour la télévision payante, diverses options s'offriraient à nous. Nous pourrions dire que nous ne nous intéressons pas à ce système parce qu'Astral et Allarcom nous offrent déjà d'excellents services. Nous pourrions créer avec d'autres une entreprise en coparticipation ou encore faire cavalier seul. Il serait également possible de créer des partenariats avec des entrepreneurs qui travaillent déjà dans ce domaine aux États-Unis. Quant à PRIMESTAR... Nous n'avons pas l'intention de nous lancer dans la télévision à distribution par SRD.
Le président: Merci.
Monsieur de Savoye.
[Français]
M. de Savoye: J'adresse ma question à Mme Ahern, parce que la question de la diffusion directe par satellite amène un choc de culture et que le Québec est certainement touché sur le plan culturel, et ensuite parce que, dans un marché comme celui du Québec, il est peut-être plus facile d'évaluer les impacts à court et à moyen termes parce que c'est un maché qui est bien défini par la langue.
Essentiellement, quel est l'avenir du câble? Comment le marché va-t-il se répartir? On a les câblodistributeurs. On a les compagnies de téléphonie qui s'en viennent. Il y a la radiodiffusion directe à partir des satellites. Et on a également, on tend à l'oublier, les postes de télévision. Il y a encore des antennes qui continuent à diffuser.
Donc, quel est votre futur? Comment cela va-t-il se fragmenter? Allez-vous vous diriger vers des services reliés à l'autoroute de l'information? Pensez-vous à diffuser localement, vous-mêmes, en numérique vidéo compressé? Avez-vous quelque intention quant à un satellite qui appartiendrait à l'ensemble des câblodistributeurs? N'auriez-vous pas une valeur ajoutée à offrir au niveau de la programmation locale et des annonceurs locaux?
La diffusion venant du satellite n'offrira absolument aucun reflet de ce qu'elle est à une collectivité. Si je veux savoir s'il y a eu des accidents à Québec, parce que je suis dans cette région, ce n'est pas le satellite qui est situé quelque part au-dessus des États-Unis qui va m'en informer. Alors, comment voyez-vous votre avenir? Pourriez-vous me brosser un peu le tableau du Québec de demain avec les câblodistributeurs et les autres ressources de télévision?
Mme Ahern: Votre question comporte plusieurs volets. Je vais tenter d'y répondre le mieux possible.
Le taux de pénétration de la câblodistribution au Québec a toujours été légèrement inférieur au taux canadien. C'est-à-dire qu'au Québec, on rejoint 70 p. 100 des foyers comparativement à près de 80 p. 100 au Canada.
Comment voit-on notre avenir? J'aime bien penser qu'il sera brillant. En ce qui a trait à la programmation locale, au moment où beaucoup de radiodiffuseurs se retirent des régions pour des questions de rentabilité, la programmation communautaire qui est offerte par les câblodistributeurs vient remplacer ce créneau-là. On entend jouer un rôle important et majeur dans ce secteur-là, parce qu'on pense que c'est un produit exclusif sur le câble, qui plaît à nos abonnés et qui peut leur permettre d'avoir accès à de l'information locale et régionale qui ne leur est peut-être plus accessible chez le radiodiffuseur traditionnel. Donc, dans l'ensemble, pour répondre à votre question, on voit notre avenir brillant.
On est pour la compétition. On pense que cela va nous rendre encore meilleurs parce qu'on fait déjà un bon travail. Vous avez également parlé de l'autoroute de l'information. Lors des dernières audiences, les câblodistributeurs ont été assez clairs dans leur position. Nous voulons absolument faire partie de l'autoroute de l'information et offrir des services multimédia comme tous les autres vont le faire.
M. de Savoye: Merci.
[Traduction]
Le président: Cela dit, je vous remercie maintenant d'avoir bien voulu comparaître. Vos remarques ont été très intéressantes et je crois bien que nous aurons à nouveau l'occasion de vous rencontrer représentant les mêmes intérêts, mais dans un contexte différent.
Nous allons maintenant faire une pause de cinq minutes pour permettre au prochain témoin de prendre place.
PAUSE
Le président: C'est reparti. J'allais dire qu'il s'agit de nos derniers témoins mais en fait, comme nous avons dû faire sauter deux de nos témoins hier à cause du vote interminable, nous avons reporté l'audition d'Allarcom et d'Astral à 15h30 lundi. Ensuite nous nous réunirons mardi à 9 heures à huis clos pour discuter de la forme éventuelle de nos recommandations ou d'une lettre résumant ce que nous avons entendu.
Ces questions techniques étant réglées, on m'informe également pour la gouverne de ceux qui aiment voter et qui ont le droit de voter, que nous serons de nouveau sur le pont ce soir à 22 heures à moins que le débat ne tourne court plus tôt. Je crois comprendre qu'il n'y a pas de vote demain et que nous voterons de nouveau lundi.
Mme Tremblay: Lundi soir à 23h30.
Le président: Il faut donc que vous soyez libres lundi soir à 23h30.
Tout ceci pour dire qu'à moins que quelque chose d'affreux arrive à la Chambre, ce qui est toujours possible, nous avons une heure pour écouter avec grand plaisir les représentants de Power DirecTv. Je tiens à leur souhaiter la bienvenue et je leur demanderais de commencer par leur déclaration.
Monsieur Bell, serez-vous le porte-parole ou partagerez-vous cet honneur?
M. Joel Bell (président du conseil d'administration, Power DirecTv): Je vais commencer par faire quelques petits commentaires et nous serons ensuite prêts à répondre tous les deux à vos questions.
[Français]
Le président: C'est votre mémoire, je crois. C'est cela?
[Traduction]
M. Bell: Oui, nous avons distribué un document assez long.
Le président: Certes. C'est ce document?
M. Bell: Il semblerait que certains d'entre vous n'ont pas reçu ce document et je me ferai un plaisir de transmettre des exemplaires à ceux qui n'en ont pas. Il contient notre mémoire, une analyse clause-by-clause du décret accompagné de propositions de changement et de leur explication et une discussion sur les enjeux.
Le président: Pourquoi ne pas nous résumer les points principaux avant de passer aux questions.
M. Bell: Monsieur le président, je crois qu'il serait utile que je fasse quelques petits commentaires sur les prémisses de notre projet afin que nous sachions tous exactement de quoi il retourne. Je crois que tout le monde sait que nous nous proposons d'offrir un service de radiodiffusion directe au Canada qui serait assuré par deux réseaux de satellites, un réseau de satellites canadien pour les émissions canadiennes et des satellites américains pour les émissions américaines dûment autorisées par notre réglementation.
Il se trouve que ces deux réseaux de satellites sont distants de 6 degrés, l'un se trouve à 101 degrés de longitude ouest et l'autre à 107 degrés si bien qu'une simple antenne parabolique avec deux bras de réception pourra capter ces deux signaux pour servir la clientèle. Dans notre cas, il s'agit d'une antenne parabolique fixe de 24 pouces qui permettra de capter le meilleur des deux systèmes.
Nous proposons d'offrir tous nos réseaux et nos services canadiens à la fois en anglais et en français. Les seules émissions américaines que nous offrirons seront celles dûment autorisées par la réglementation. Nous satisferons aux règles de contenu canadien d'étagement, d'assemblage et de prépondérance dans le respect et l'application de la politique canadienne de radiodiffusion, et de la politique culturelle. Nous apporterons notre contribution à la production canadienne comme tout le monde.
Aujourd'hui, une antenne de 18 pouces permet d'alimenter un marché gris qui ne capte qu'un contenu américain émis par des sources américaines. Il n'y a aucune composante canadienne, aucune contribution canadienne et aucun rôle pour les satellites ou les autres équipements canadiens. Nous nous proposons d'essayer de changer cette situation.
Pour commencer, lorsque nous entendons dire que nous ne sommes pas canadiens ou que nous ne sommes pas aussi canadiens que d'autres, cela nous énerve un peu. Qu'avons-nous de moins canadien qu'Expressvu? Nous utilisons en toute légalité les satellites américains en vertu d'une politique gouvernementale de longue date. Le pourcentage de participation américaine à notre entreprise est tout à fait légal. Rogers ou Unitel sont-ils moins canadiens parce qu'AT&T est actionnaire? Nous sommes tout aussi canadiens et nous avons tout autant le droit d'être traités comme des Canadiens que n'importe qui puisque nous respectons les règles de participation non canadienne et nous ne proposons pas d'aller au-delà.
En nous servant de ce degré de participation étrangère, nous arrivons à contrôler le marché gris qui autrement s'étendrait inévitablement au Canada au détriment de notre politique de radiodiffusion. Nous ne pourrons faire respecter notre politique de radiodiffusion si les signaux américains peuvent simplement être captés dans notre pays sans aucun contrôle. Nos liens avec le participant américain, DirecTv, nous permettent non seulement d'empêcher la distribution de produits illégaux au Canada mais également de profiter de ce système transfrontalier pour capter des signaux venant des États-Unis et également de faire l'inverse, ouvrant ainsi des débouchés à nos exportations.
Notre approche est très canadienne. En fait, à mon avis, c'est la seule proposition pratique pour lutter contre le marché gris. La seule autre solution, en fait, c'est d'ignorer le marché gris et d'encourager la candidature d'Expressvu. C'est en fait l'approche qui avait été adoptée en 1981, au début des années 80, quand les premiers signaux de satellite transfrontaliers ont commencé à être captés par les grosses antennes paraboliques de jardin et qu'il a été décidé d'accorder à un seul fournisseur, Cancom, l'exclusivité de transmission des signaux canadiens pour ce genre d'antennes de jardin.
Le résultat, nous le voyons aujourd'hui, est qu'il y a 500 000 de ces antennes au Canada. Seuls 32 000 de ces abonnés participent au système canadien et achètent les services de Cancom. Les autres ne sont pas abonnés aux services de Cancom, reçoivent des signaux sans contenu canadien et n'apportent aucune contribution au système canadien. À toutes fins utiles, ils sont intégrés au système de radiodiffusion des États-Unis. Nous avons perdu le contrôle et ils ne reçoivent aucun des services représentant la voix canadienne et respectant la politique canadienne de radiodiffusion. De plus, ces 500 000 abonnés qui n'achètent pas de services canadiens nous font perdre quelque 150 à 200 millions de dollars par an qui autrement alimenteraient les fournisseurs d'émissions canadiennes, les producteurs d'émissions canadiennes et les systèmes de distribution canadiens. Il n'y a pas de raison que cela ne continue pas puisque l'accessibilité de ce système est pratiquement universelle, il ne coûte qu'une fraction du coût habituel d'installation et il est facile à installer - une simple antenne de 18 pouces qu'on peut acheter dans n'importe quel magasin d'électroménager.
Quelles sont les questions de politique sur lesquelles nous faisons des commentaires et dont, je crois, votre comité a discuté? Pour commencer, nous insistons sur la nécessité d'agir le plus rapidement possible. Si nous voulons contrôler le marché gris avant qu'il ne soit trop tard, il faut agir très vite. Il est en pleine croissance. En croissance rapide. Au détriment de notre compagnie. Au détriment de la politique canadienne de radiodiffusion.
Certains prétendent que c'est notre marché, un marché que nous pouvons allumer ou éteindre à volonté. Ce n'est pas ce que vous a dit Telesat et Telesat connaît la technologie. On ne peut pas simplement rapatrier ces gens. Ils ne sont pas faciles à trouver; leur installation ne leur permet de capter qu'un seul signal des satellites américains et elle doit être remplacée pour capter le système à deux signaux que nous voulons mettre en place afin de rétablir l'équilibre qui s'impose entre les signaux canadiens et les signaux américains.
Ce n'est pas nous qui avons créé cette situation et ce n'est pas non plus nos associés américains, ce sont les consommateurs canadiens en achetant ce matériel pour avoir accès à ce marché gris.
Deuxièmement, il faut aller vite parce que nous avons besoin des atouts de la concurrence. Si la politique de la concurrence est bonne, c'est maintenant qu'il nous la faut. Il n'y a aucune raison d'attendre plus longtemps si ce n'est pour perpétuer l'existence des monopoles actuels. Les consommateurs profiteront de la concurrence des prix, de la souplesse et des choix offerts. Les producteurs auront plus de débouchés. Leurs sources de financement seront multipliées. La concurrence et la technologie, avec un plus grand nombre de canaux qui réduit le coût de distribution, rendront le système plus efficace.
Aujourd'hui, le câble, qui est un élément majeur de notre distribution, consacre 85 p. 100 des 2 milliards de dollars que rapporte ce système chaque année aux coûts et aux bénéfices de la distribution. Seulement 15 p. 100 sont consacrés au contenu, à la programmation. Ce système est très inefficace et il faut absolument redresser la balance si nous voulons qu'une voix canadienne puisse continuer à se faire entendre dans l'univers des 200 ou 500 chaînes de demain.
Les autres avantages pour les producteurs, hormis la multiplication des débouchés et des sources de financement et la réduction des coûts de commercialisation de leurs produits, seront les possibilités d'exportation et la fermeture du marché gris qui les lèse.
En un mot comme en cent, nous respectons totalement la politique culturelle canadienne et nous l'appuyons.
La troisième raison de l'urgence, mis à part la fermeture ou le contrôle du marché gris et l'exploitation immédiate des avantages, est que si vous voulez que la concurrence soit réelle, il faut donner le feu vert aux deux candidats qui ont annoncé il y a quelques mois qu'ils étaient prêts à se lancer dans l'aventure. Nous ne demandons pas le blocage du démarrage d'Expressvu. Mais nous avons aussi été retardés et ce, depuis plus longtemps. Cela fait maintenant 14 mois que nous travaillons sur ce projet. Nous avons commencé avant même qu'Expressvu ne soit créé. Nous vous supplions de nous laisser démarrer sur un pied d'égalité avec Expressvu et avec toute autre compagnie qui souhaite faire une demande et qui est prête à entrer sur le marché. Nous souhaitons donc que la concurrence soit réelle et juste entre les candidats.
Dans notre mémoire, nous citons un certain nombre de précédents pour lesquels le CRTC a pu faire preuve de célérité. Nous vous demandons de recommander la modification du décret dans l'intérêt de la politique, de la concurrence et de l'équité, afin de procéder à la délivrance de permis recommandée par le panel, mais en précisant qu'il n'est pas nécessaire de bloquer celui accordé pour le 1er septembre. Comme cela, cela ne gêne personne. Cela permet à Expressvu de maintenir ses plans et cela nous permet à nous de maintenir les nôtres qui attendent déjà depuis 14 mois.
On vous a présenté des soi-disant compromis. Faites bien attention. La notion selon laquelle une extension du décret d'exemption règlerait tout... sous sa forme actuelle, ce décret nous bloque complètement. Si le décret d'exemption était modifié pour sanctionner la politique d'utilisation de satellites canadiens, qui permet l'utilisation de satellites américains pour les signaux américains, notre projet ne serait toujours pas viable. Cela nous permettrait d'offrir des services de radiodiffusion directe à partir des deux satellites, et nous pourrions offrir les services réguliers américains, les services spécialisés et de réseaux autorisés, ainsi que les services réguliers canadiens, mais pas les produits à la carte.
Il nous faudrait demander au consommateur de payer 1 000$ pour acheter l'antenne, la boîte et les contrôles, pour qu'il ait le plaisir d'être moins bien servi qu'avec le câble puisqu'avec le câble il a déjà la télévision à la carte. Cablesat vient tout juste d'annoncer qu'il allait offrir un programme plus vaste de télévision à la carte, et nous dirions au consommateur qu'il est possible que dans un avenir plus ou moins proche, si nous avons de la chance et si le CRTC nous y autorise, nous puissions lui offrir des produits à la carte. Par essence, le SRD est un produit à la carte.
Quand on a des satellites qui peuvent offrir 200 chaînes et que vous ne pouvez en utiliser que 14, ce n'est pas un projet économique viable.
L'atout compétitif sur le marché vient de ce que vous utilisez cette capacité technologique supplémentaire pour offrir quelque chose de nouveau au consommateur. La nouveauté, c'est de pouvoir lui offrir un vaste éventail de films, de documentaires et d'événements sportifs parmi lesquels il peut choisir quand il le veut et pour lesquels il paie uniquement de manière ponctuelle. Si vous ne pouvez pas le faire et que tout ce que vous pouvez lui offrir est inférieur au câble, il est illusoire de prétendre qu'on lui donne la même chance.
La solution est donc de nous laisser tous les deux démarrer le 1er septembre et de modifier le décret afin qu'il soit clair que les recommandations du panel, le contenu du préambule qui n'a pas été déposé avec le décret, l'objectif adopté par le gouvernement en matière de politique concurrentielle - rapidement adoptée - sont mis en oeuvre.
Je vous conjurerais également d'inclure comme deuxième point important que la concurrence devra avoir la priorité dans les délibérations du CRTC lorsqu'il étudiera les demandes de permis. C'est le fondement de l'énoncé de politique. C'est le fondement des recommandations. Ça ne figure pas dans ces décrets. Lisez ces décrets - on n'y parle pas de concurrence: on n'y parle pas d'accès non restreint. À moins que ces décrets ne soient modifiés, le statu quo sera maintenu.
Ce que nous devons dire, c'est que nous voulons la concurrence. Ce faisant, nous dirons au CRTC de ne pas considérer la viabilité économique d'un projet d'entreprise; laissez-nous décider; nous avons le droit d'échouer. Si nous sommes assez bêtes pour faire des investissements sans résultats, c'est nous qui échouerons. Mais nous avons le droit d'essayer et le consommateur a le droit de prendre cette décision.
Il ne faut pas que le CRTC puisse demander quel effet aurait l'autorisation de l'entrée d'un nouveau joueur sur le terrain, car cela revient à dire que si cet effet est négatif pour les joueurs actuels, nous n'en autoriserons pas de nouveaux. Il n'y aura pas de concurrence tant que ce genre de critère ne sera pas éliminé.
Il y a d'autres problèmes, mais je les aborderai pendant la période de questions. Permettez-moi simplement de vous rappeler que si vous voulez que la concurrence marche, il faut que les nouveaux venus aient accès aux services de programmes. Non seulement faut-il qu'ils aient accès à ces services mais il faut qu'ils y aient accès au même prix que les autres. Selon le décret, chaque nouveau venu devrait avoir accès à ces services. Il ne parle pas de corollaire logique - au même prix.
Si quelqu'un nous offre un service à 2$ par abonné quand le câble peut l'avoir pour 1$ par abonné, nous ne pouvons pas rivaliser avec lui. Il y a donc une petite addition à faire, à mon avis, pour que l'accès à la programmation soit juste et compétitif.
Deuxièmement, il faut que les conditions soient uniformes pour tout le monde. Il ne devrait pas y avoir deux voies d'accès; il ne devrait y en avoir qu'une. Il ne devrait pas y avoir une règle pour un groupe et une autre série de règles pour un autre; il devrait y avoir les mêmes règles pour tout le monde.
Enfin, je dirais que si les possibilités d'exportation nous intéressent - et, en passant, je pense que les exportations sont d'une importance et d'une valeur critiques pour les producteurs et les distributeurs canadiens pour dégager les revenus nécessaires pour produire encore plus de produits canadiens. Il nous faut pouvoir utiliser les systèmes transfrontaliers pour atteindre les foyers américains. Nous avons négocié avec nos associés américains, DirecTv, la possibilité de mettre un contenu canadien, à la carte, non pas sur le satellite canadien mais sur leur satellite afin de l'exposer à un marché dix fois supérieur. Chaque foyer abonné aux États-Unis y a accès.
Faire cela au niveau du trafic canadien sur le satellite canadien nous fait perdre un tiers d'un transpondeur de trafic. Notre projet double le volume de radiodiffusion directe sur ces satellites mais nous ne le doublons pas en y ajoutant un tiers de transpondeur, nous le doublons simplement. Le tiers d'un transpondeur représente une recette d'un million de dollars par année pour Télésat. Le transpondeur coûte 3 millions de dollars par an, donc un tiers équivaut à un million de dollars par an.
L'industrie estime, estimation considérée comme étant très modérée compte tenu du taux d'abonnement aux États-Unis, que les 10 millions de foyers abonnés à DirecTv, chiffre attendu d'ici l'an 2000, signifient que ce marché d'exportation pourrait rapporter 20 millions de dollars, soit trois fois plus que ce que la distribution au Canada fait gagner aux producteurs et aux distributeurs de films canadiens. C'est un avantage énorme et de très grande valeur pour les producteurs et les distributeurs canadiens.
Je vais m'arrêter ici. Je n'ai pas parlé de la question des droits sur les émissions et du marché canadien pour ces droits. J'espère qu'elle sera évoquée pendant la période de questions, sinon, monsieur le président, j'aimerais faire quelques commentaires à son sujet avant la fin de la réunion.
Le président: Merci.
[Français]
Je ne sais pas comment vous allez partager votre temps.
Mme Tremblay: M. de Savoye va commencer.
Le président: Je vous accorde huit minutes en tout pour le premier tour.
M. de Savoye: Monsieur Bell, monsieur Kruyt, vous représentez très bien les intérêts de votre corporation, et votre entreprise est motivée par la recherche d'un profit. Cela est normal.
Cependant, je vais vous poser des questions difficiles, comme je l'ai fait aux autres groupes, en particulier à votre compétiteur d'Expressvu, et en même temps, je vais mettre en doute certaines affirmations qui nous viennent du ministre de l'Industrie, M. Manley. À tout cela, j'aimerais connaître votre opinion afin d'éclairer le débat.
Le ministre de l'Industrie, M. Manley, nous parle d'assurer, par les deux décrets qui ont été déposés, une meilleure compétition et il entend bien que le consommateur en tire profit.
D'abord, vous n'utiliserez pas exclusivement un satellite canadien; vous utiliserez aussi un satellite américain. Si je comprends bien, c'est parce qu'il est plus rentable pour vous, Power DirecTv, d'acheter ce service américain que de mettre en place une ressource canadienne pour offrir, par voie de satellite, les mêmes possibilités de programmation.
D'autre part, le protocole de transmission que vous utilisez est différent de celui d'Expressvu. Cela a pour conséquence qu'un client ne pourra pas, et vous me corrigerez si j'ai tort, facilement quitter la compagnie Power DirecTv pour aller vers Expressvu ou vice versa.
Donc, je vois que deux compagnies se partageront le marché canadien et que chacune gardera relativement captive sa part de marché, c'est-à-dire sa part de consommateurs et qu'en réalité, nous sommes devant une nouvelle réalité virtuelle, à savoir deux monopoles virtuels mais réels, imperméables l'un à l'autre et dont la clientèle est captive. Cela est très loin de ce que croit le ministre de l'Industrie et très loin de représenter un bienfait pour le consommateur. J'attends vos commentaires.
M. Bell: Vous avez posé deux questions: premièrement, la question de l'emploi des satellites américains pour une partie de nos services et deuxièmement, la question de la technologie qui nous sépare des autres et crée des contraintes pour les consommateurs qui veulent passer d'un fournisseur à un autre.
En ce qui a trait aux satellites, il est vrai que nous employons des satellites américains pour une partie de nos services, comme le font les diffuseurs et les câblodistributeurs aujourd'hui. C'est une politique canadienne de longue date.
M. de Savoye: Puis-je vous arrêter? Les câblodistributeurs s'alimentent au signal du satellite américain et donc l'ont au prix du gros et le redistribuent au prix de détail par des installations canadiennes qui ont fait travailler des Canadiens et qui sont entretenues par des Canadiens. Donc, l'exploitation de cette infrastructure a des retombées au Canada. Ce n'est pas le cas d'un satellite américain.
M. Bell: Nous recevons les signaux par une soucoupe. Nous passons le signal à une boîte, à la télévision, par câble coaxial. C'est exactement ce que font les câblodistributeurs. Il y a cependant une différence. Nous avons une ligne assez courte tandis qu'ils ont une ligne plus longue. Il n'y a pas de distinction technologique, sauf que la technologie arrive au point où on peut recevoir les signaux efficacement et économiquement dans chaque maison au lieu d'à un endroit central.
C'est vrai que nous réalisons, comme société et comme pays, des gains au point de vue de l'efficacité en employant une infrastructure qui utilise une partie de l'infrastructure canadienne et une partie de l'infrastructure américaine.
M. de Savoye: Pourrais-je me permettre de vous demander de préciser cette efficacité? Comme société, comme compagnie, c'est en effet de l'efficience parce qu'à moindre prix, vous avez le même résultat. Pour le pays, pour la nation, il n'y a pas d'efficience puisque le même résultat n'est pas obtenu: vous allez payer les services que vous utilisez aux États-Unis et cet argent ne viendra pas au Canada. Si vous utilisiez, par exemple, un satellite Anik, ce sera très différent au point de vue de l'efficience pour le Canada.
M. Bell: Nous sommes un distributeur canadien, nous allons recevoir les paiements ici et nous allons payer les services que nous achèterons ailleurs, mais nous allons quand même recevoir des bénéfices financiers ici, je l'espère.
Si on insiste, comme pays, pour que tous les services et toutes les installations soient basés au Canada, on va augmenter nos coûts de distribution à un niveau extraordinaire. Nous ne serons pas efficaces en comparaison de n'importe quel autre pays et nos consommateurs iront acheter leurs services directement des Américains, où ils recevront un meilleur service à moindre coût.
M. de Savoye: Pour éclairer ma lanterne, parce que je sais que vous êtes bien au courant de toutes ces questions, Expressvu va utiliser un satellite exclusivement canadien et par conséquent, si je vous comprends bien, ses coûts seront exorbitants et elle sera vouée à la faillite.
M. Bell: Ce n'est ni de ma faute, ni le choix que j'ai fait. C'est à eux de décider. S'ils trouvent qu'ils peuvent acheter tous leurs services par l'intermédiaire d'un satellite canadien, c'est excellent.
M. de Savoye: Donc, vous êtes en train de me dire qu'ils croient être en mesure de faire des choses que vous considérez ne pas être capables de faire vous-mêmes.
M. Bell: Pourquoi les câblodistributeurs et les diffuseurs ne sont-ils pas obligés d'employer uniquement les satellites canadiens? Serons-nous forcés d'absorber des coûts et des méthodes d'opération qui ne s'appliquent à personne d'autre? Pourquoi?
Mme Tremblay: Monsieur Bell, vous utilisez un faux argument. Les câblodiffuseurs utilisent les satellites américains pour prendre les émissions américaines, mais cela passe par leurs centrales.
Vous utilisez le satellite américain pour recevoir et pour distribuer aussi, ce que ne font pas les câblodiffuseurs. Ne vous comparez pas aux câblodiffuseurs. Votre produit américain sera distribué par les Américains. Le produit canadien sera distribué par les Canadiens, ce qui n'est pas le cas du câble. Ils nous l'ont expliqué plus tôt. Ils vous ont précédés.
M. Bell: C'est à cause du fait que la technologie avance au point où il n'est pas nécessaire économiquement de faire la livraison par satellite uniquement aux centrales. Auparavant, les coûts de distribution par satellite étaient trop élevés pour être supportables dans chaque foyer. Actuellement, il est possible de faire la livraison directement à la maison. Si on persiste à dire qu'on ne pourra pas y aller directement, nous allons forcer nos consommateurs à rester dans un marché gris, et ils achèteront le produit quand même, mais sans nous. Ils achèteront, à un prix moins élevé, le service des Américains, sans contenu canadien et sans contribution canadienne à la production.
Je dois aussi ajouter que les sociétés qui s'occupent, en tant que monopole, des services de satellite au Canada ont proposé que notre politique insiste pour que les signaux d'origine canadienne, à destination canadienne, soient livrés par un satellite canadien, et non pas pour que les services américains soient livrés par un système canadien. Cela n'est pas nécessaire pour la viabilité de notre infrastructure.
M. de Savoye: Monsieur Bell, peut-être qu'on pourrait aller à l'autre aspect de ma question. J'ai conclu en parlant de deux monopoles virtuels. Êtes-vous d'accord avec moi que vous aurez un monopole et qu'Expressvu aura un monopole et que les clients ne pourront pas facilement passer d'un fournisseur à l'autre?
Le président: C'est la dernière question pour cette partie des délibérations.
M. Bell: Si notre choix est accepté, nous insisterons pour qu'on ait une seule technologie qui laissera aux consommateurs le choix de commencer avec un fournisseur et de passer par la suite à un autre fournisseur. Nous avons insisté auprès de nos collègues des États-Unis pour pouvoir employer la technologie qui existait avant notre arrivée afin de contrôler le marché gris. Si nous n'acceptons pas la technologie de Thomson, RCA, Sony et Toshiba, qui a été préparée par Hughes et Thomson Electronics, nous ne serons pas en mesure de contrôler le marché gris. Ce ne sera pas possible parce qu'il faut employer leur technologie pour capter leurs signaux. Donc, nous n'avons pas eu le choix.
Les autres ont choisi pour leurs propres raisons, que je peux comprendre d'ailleurs, une autre technologie. Vous avez tout à fait raison de dire que cela impose des limites à la compétition. Mais cela n'élimine pas tout à fait la concurrence. Nous allons concurrencer les câblodistributeurs, avec Expressvu, pour attirer les abonnés quand ils prendront leur décision.
Deuxièmement, nous devons continuer à offrir quelque chose d'attrayant aux consommateurs, pas seulement les nôtres, mais les abonnés qui n'ont pas encore pris de décision, qui n'ont pas encore fait leur choix. Ils auront alors les avantages de la concurrence.
J'achète une voiture tous les cinq ans ou dix ans. Je n'achète pas une voiture à tous les jours. Cependant, je vois des bénéfices dans la concurrence. Il serait clairement préférable que nous puissions avoir une concurrence qui permettrait au consommateur de changer d'un système de câble à un système SRD, d'un fournisseur par SRD à un autre. D'ici trois ou cinq ans, nous allons peut-être y arriver parce que le marché va choisir une des technologies ou probablement parce que les fabricants et les manufacturiers vont créer des boîtes qui seront capables de capter des signaux qui arriveront de systèmes différents avec des technologies différentes. Mais cela prendra un certain temps et, actuellement, le consommateur doit payer 1 000$ pour toute l'installation.
Prenons l'exemple des téléphones cellulaires ou des magnétoscopes. Les prix, au départ, étaient d'au-delà de 1 000$ et ils sont maintenant de 200$. Donc, d'ici trois ou quatre ans, la décision de changer ne sera pas aussi coûteuse et il se pourrait qu'on ait, en même temps, un marché de l'usagé où on pourra peut-être revendre notre boîte à une autre personne.
[Traduction]
Le président: Je vais devoir intervenir parce que de deux minutes, on est passé à 14. Il faut répartir le temps de parole de façon équitable pour tout le monde.
Madame Brown.
Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Merci et bienvenue.
Monsieur Bell, je voudrais revenir avec vous à mai ou juin 1994. Avez-vous déposé au comité un document d'orientation que vous aviez rédigé et fourni au ministre du patrimoine canadien à la fin mai ou au début juin 1994? Il a environ 25 pages et établit l'orientation à suivre par le gouvernement en matière de SRD. Vous en souvenez-vous?
M. Bell: Je ne me souviens pas précisément d'un tel document. Je peux vous dire que nous avons commencé à entrer en communication avec le CRTC en décembre 1993 lorsque nous avons commencé à formuler notre façon d'aborder ce projet de concert avec Hughes DirecTv.
Nous nous sommes adressés ensuite au CRTC quand l'affaire a été conclue. Nous nous sommes également adressés au gouvernement et nous avons commencé à le tenir au courant de nos propositions et de la façon dont nous comptions respecter la politique canadienne en ce qui concerne le contenu culturel, les réseaux de radiodiffusion, l'utilisation de l'infrastructure fournie par les satellites, etc.
Nous avons certainement préparé des documents à ce sujet. Si vous voulez que j'identifie l'un d'entre eux ou que je réponde à des questions à son sujet, je serais prêt à le faire. Je n'ai toutefois aucun document avec moi qui remonte à cette période.
Je peux vous assurer que je ne me souviens d'aucune chose qui aurait été mise sur le papier et qui n'ait pas figuré dans le mémoire que nous avons présenté au gouvernement en janvier 1995 dans le cadre de l'examen de la politique effectué par le groupe d'étude, et à nouveau en février, lors de la présentation des réponses, ainsi que le 2 juin, dans le document dont nous avons déjà parlé aujourd'hui.
Nos explications étaient très détaillées, on nous a même reproché la surabondance de détails. On nous a dit que nous avions rédigé notre document comme s'il s'était agi d'une demande de licence. Ils nous ont demandé pourquoi nous leur donnions des informations si précises à propos de notre projet. Nous avons tout mis sur la table.
Mme Brown (Calgary-Sud-Est): D'accord. J'ai quelques questions à poser pour le procès verbal.
Vous ne vous rappelez donc pas ce doument. Avez-vous à un moment quelconque été approché par d'autres fonctionnaires? Vous dites avoir parlé au gouvernement - au CRTC et au gouvernement au cours de la période commençant fin 1993 - et je ne comprends pas tout à fait ce que cela signifie.
Avez-vous jamais été approché par d'autres membres du gouvernement ou par des ministres en ce qui concerne Power DirecTv et la façon dont vous aimeriez que soient formulées les directives politiques en ce qui concerne le satellite de radiodiffusion directe?
M. Bell: Je ne sais pas ce que vous entendez par «approcher».
Il n'y avait pas besoin de nous pousser beaucoup pour que nous parlions à qui que ce soit qui...
Mme Brown (Calgary-Sud-Est): D'accord.
M. Bell: ...qui était prêt à jaser un peu pour pouvoir leur expliquer nos idées.
Mme Brown (Calgary-Sud-Est): M. Goldenberg du Bureau du premier ministre a-t-il jamais participé à cela?
M. Bell: Oui, j'ai rencontré M. Goldenberg.
Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Et quand l'avez-vous rencontré?
M. Bell: Il faudrait que je consulte mon agenda, mais, à un moment donné, nous lui avons dit que nous montrions notre projet ici et là et que nous voulions qu'il soit au courant.
Comme je vous l'ai dit, nous parlions à tous ceux qui étaient prêts à nous écouter car nous voulions que l'on comprenne bien notre proposition. Nous ne savons pas qui participe à tout le processus décisionnel, mais nous avons certainement tout divulgué entièrement et publiquement à tous les membres des divers ministères concernés.
Mme Brown (Calgary-Sud-Est): J'ai juste une dernière chose à dire. Il me semble extrêmement illogique que vous n'ayez pas présenté de mémoire au CRTC lors des audiences sur l'exemption si vous avez commencé ce processus dès la fin de 1993. Vous avez même dit précédemment que vous vous en occupiez depuis 14 mois. Il me paraît donc extrêmement illogique que vous n'ayez pas participé à ces audiences sur l'exemption.
M. Bell: C'est une très bonne question et une bonne remarque. Pour les audiences relatives à l'exemption, il fallait présenter des mémoires au plus tard le 15 avril 1994. Il ne s'agissait d'ailleurs pas vraiment d'audiences publiques, mais plutôt d'un appel à la présentation de mémoires écrits. Nous étions en train de mener de longues et difficiles négociations avec Hughes. Nous essayions de les amener à comprendre la nécessité de lâcher les rênes, d'accepter le principe du contenu canadien, de filtrer une grande partie du contenu d'origine américaine et d'utiliser l'infrastructure et les satellites canadiens pour accepter les projets canadiens et nous laisser décider quels signaux et quels programmes seraient ou non diffusés au Canada afin que nous puissions ainsi respecter les exigences du CRTC en matière de politique canadienne. C'étaient des négociations longues et ardues. Nous sommes finalement arrivés à une entente quelque 10 ou 15 jours après la date limite de présentation des mémoires concernant le décret d'exemption, à la fin d'avril.
Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Cela veut-il dire qu'Expressvu avait commencé bien avant vous et que vous aviez abordé cela...
M. Bell: Non, Expressvu n'a pas présenté de mémoire à cette occasion. Expressvu a été constitué seulement bien plus tard dans l'année.
Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Non, excusez-moi, je parle de la possibilité de participer à ce processus. Si vous saviez que vous alliez être directement concernés par cela à un moment ou à un autre, et, de toute évidence à la fin de 1993...
M. Bell: Nous nous étions adressés au CRTC pour signaler que nous avions des discussions avec Hughes DirecTv portant sur une proposition de ce type et la possibilité de la rendre conforme à la réglementation. C'était par pure amabilité car, le CRTC ayant d'importantes responsabilités en ce qui concerne la gestion de la radiodiffusion dans notre pays, nous voulions qu'il soit au courant de ce qui se passait. Il était question du marché gris. Nous voulions tenir le CRTC au courant.
Nous n'avions pas encore d'existence juridique et nous ne savions pas si nous parviendrions à nous entendre avec Hughes. Comme je l'ai dit, la négociation n'a pas été facile. Nous avions espéré en terminer avant le 15 avril pour pouvoir présenter un mémoire, mais nous n'y sommes pas parvenus. Par contre, DirecTv l'a fait.
Ensuite, plusieurs groupes de pressions ont dit au CRTC la chose suivante: «Nous avons présenté des mémoires avant le 15 avril dans le contexte des super-satellites. Le service américain fait du remplissage et ce n'est pas un service canadien. Maintenant, nous avons Power DirecTv. Il faudra donc rouvrir la question d'une politique canadienne en matière de service canadien et nous aimerions présenter à nouveau notre point de vue.» Nous aurions participé à ce processus. Le CRTC a refusé, ce qui peut peut-être se comprendre. Il avait établi un calendrier et imposé une date limite pour la présentation de mémoires; cette date était dépassée. Nous n'avons donc pas pu intervenir, malheureusement.
Mme Brown (Calgary-Sud-Est): D'accord. Ce sur quoi j'aimerais en fait terminer est que le processus avait été fortement compromis par l'intervention du cabinet et le renversement de la décision du CRTC. J'essaie simplement de déterminer comment un processus qui est vraiment censé être équitable... Je n'ai rien contre tout le principe de la concurrence. Nous sommes en faveur de la concurrence, nous l'appuyons et nous voulons qu'elle puisse se donner libre cours dans des conditions justes et équitables mais, dans ce cas-ci, le processus a été vraiment faussé. Je pense que c'est un élément bien regrettable dans cette situation.
Quoi qu'il en soit, merci, monsieur le président. J'ai terminé.
M. Bell: Puis-je répondre très brièvement?
Premièrement, cette politique a fait l'objet d'un long débat. Je crois que rien n'a été résilié, renversé ou abrégé. Il ne s'est d'ailleurs encore rien passé.
Deuxièmement, on a eu un processus extrêmement ouvert pendant 14 mois de débat public avec la présentation publique de mémoires et des examens par un groupe d'étude indépendant. Je ne crois pas qu'un projet a jamais été étudié de façon aussi approfondie de toute l'histoire de la radiodiffusion canadienne. Je vous défie de nous trouver un précédent. Il y a eu un document présenté par le gouvernement en 1984, une politique en matière de licence présentée par le CRTC en 1987, un sommet sur la radiodioffusion en 1991, une audience publique sur les structures qui a abondamment étudié cette question en 1992-1993, une procédure d'élaboration d'un décret d'exemption en 1993-1994, le groupe d'étude en 1994-1995 avec un grand nombre de mémoires, ainsi que des audiences publiques au Sénat, ici, et nous n'avons même pas encore atteint la première phase. Alors, s'il y a eu des interventions qui étaient avantageuses pour nous d'une façon ou d'une autre, j'aimerais bien les connaître. Nous sommes victimes d'un processus très long et très public.
Mme Brown (Calgary-Sud-Est): J'aimerais savoir quand vous avez en fait rencontréM. Goldenberg. Je pense que cela pourrait jeter un peu de lumière sur la façon dont les choses se sont enchaînées et sur votre participation à ce processus.
M. Bell: Je trouverai ce renseignement, mais je peux vous dire que, lorsque je suis arrivé au bureau de M. Goldenberg, il m'a dit: «En fait, vous êtes en retard. J'ai déjà rencontré les autres parties avant vous, mais je suis heureux de vous rencontrer aussi».
Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Pouvez-vous m'indiquer la date? Pourriez-vous me trouver cette information?
M. Bell: Il faudra que je consulte...
Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Je vous en saurais gré.
Le président: Cela figurera au procès-verbal.
M. Ianno: Merci beaucoup, messieurs, d'être venus.
Puis-je vous ramener à la question du signal, car, me semble-t-il, bien que cela nous ait été expliqué de nombreuses fois, la plupart d'entre nous en restent toujours à leurs impressions initiales reflétant le point de vue de chacun.
Je me pose la question suivante. Lorsque le signal américain arrive, où va-t-il avant que vous en preniez le contrôle? Je ne parle pas du signal canadien, mais du signal américain.
M. Bell: Ce signal est là-haut maintenant.
M. Ianno: D'accord.
M. Bell: En fait, il y a beaucoup de gens dans ce qu'on appelle le marché gris qui le reçoivent.
Quand nous opérerons officiellement, nous aurons le droit exclusif d'autoriser les boîtes au Canada et de déterminer quels services peuvent être diffusés ou non. C'est nous qui aurons la haute main sur le commutateur marche/arrêt, même pour ce qui est d'autoriser les programmes qui doivent être diffusés.
Le signal existe donc et il s'agit simplement de savoir quels signaux peuvent être reçus par une boîte canadienne? Celle-ci est contrôlée par un poste central d'autorisation qui envoie un signal électronique du satellite à l'antenne parabolique et à la boîte et qui dit que telle boîte peut recevoir tel service et non pas tel autre ou telle émission à telle heure et non pas telle autre. C'est donc notre système de commande électronique situé dans la boîte. Le signal ne va nulle part, sinon du ciel à la boîte.
M. Ianno: Et le système de communication commande la boîte dans l'antenne parabolique installée chez quelqu'un.
M. Bell: C'est exact. Chaque boîte est entièrement adressable. On peut s'adresser à l'ensemble des boîtes ou à chacune d'entre elles individuellement et la programmer pour ce qu'elle peut transmettre au poste de télévision.
M. Ianno: Donc, au lieu d'avoir un poste central à partir duquel on enverrait le signal aux antennes paraboliques de 100 000 abonnés, on a en fait un commutateur qui nous permet d'envoyer aux 100 000 foyers les émissions, etc. que vous voulez qu'ils reçoivent.
M. Bell: C'est exact. Il y a un poste central. On l'appelle et on choisit...
M. Ianno: Très bien. Passons maintenant au câble.
Le câble a accès au signal fourni depuis là-haut par un satellite américain. Il a le poste central où il reçoit le signal. Ensuite, par le biais du réseau de câblodistribution, ce signal est envoyé dans les foyers. Donc le poste central de contrôle dont dispose le câblodistributeur et votre poste de contrôle - disons qu'ils se trouvent à côté l'un de l'autre - reçoivent en fait le même signal américain. Il peut cependant s'agir de services différents.
M. Bell: C'est exact et en fait, sur la plupart des réseaux de câblodistribution, tous les signaux se retrouvent constamment sur le câble tout comme les signaux du système de radiodiffusion par satellite dans le ciel. Si le câblodistributeur a des boîtes adressables, il détermine ce qui parviendra à votre récepteur. De façon plus traditionnelle, il sélectionne simplement certains signaux pour les retransmettre.
M. Ianno: Très bien. Par ailleurs, la différence entre vous-mêmes et les sociétés de câblodistribution et Expressvu est que Expressvu utilise Télésat, n'est-ce pas?
M. Bell: À ma connaissance, Expressvu utilise seulement Télésat alors que ce n'est qu'un des services que nous utilisons.
M. Ianno: Oui, je sais que vous utilisez également Télésat pour votre programmation canadienne. Je voulais seulement parler de la programmation américaine.
Donc, en fait, d'où Expressvu reçoit-il le signal initial? En ce qui concerne les câblodistributeurs et vous-mêmes, vous avez dit que le signal américain se trouve là-haut et qu'il descend jusqu'à votre poste central de commande. Expressvu se procure-t-il aussi un signal américain?
M. Bell: Oui, Expressvu doit recevoir le signal américain. Je ne sais pas exactement quelle est l'architecture de son système et s'il se le procure par voie terrestre ou s'il va d'un satellite américain au poste central avant d'être retransmis par le satellite. Il doit s'agir d'un satellite américain parce que certains services sont accessibles seulement par satellite.
M. Ianno: Je vous demanderais donc la chose suivante. Prenons le même satellite américain, et donnons-lui le numéro un. Supposons qu'il dessert les entreprises de câblodistribution, vous-mêmes et Expressvu. Est-ce possible? Supposons que cela n'affecte pas la question de l'exclusivité et tous les autres problèmes qui s'y rattachent.
M. Bell: Non, pour la simple raison que nous avons en fait le premier système de satellite numérique dans une technologie qui nous impose de nous tourner vers le satellite américain qui utilise la même technologie.
Cependant, théoriquement, oui...
M. Ianno: C'est l'aspect théorique qui m'intéresse. À ce moment-là, Expressvu retransmettrait le signal au sol quelque part. Ses porte-parole nous ont dit, je crois, que ce serait à Edmonton et à deux ou trois autres endroits. Ensuite, il serait à nouveau retransmis vers Télésat?
M. Bell: Oui, je crois.
M. Ianno: Ensuite, depuis Télésat, il serait envoyé directement dans les foyers?
M. Bell: Oui, je crois.
M. Ianno: Alors, la grosse différence introduite par le CRTC est que, comme les câblodistributeurs et vous-mêmes recevez directement ce signal sur votre antenne parabolique - ou pour les câblodistributeurs, à leur poste de regroupement - il aurait voulu que vous le diffusiez quelque part au sol, que vous le renvoyiez au satellite pour ensuite le transmettre directement. Est-ce que c'est la grande différence qui existe seulement avec le côté américain, indépendamment du côté canadien?
M. Bell: Oui, je crois que c'est ce que le CRTC voudrait que nous fassions.
M. Ianno: Qu'est-ce que cela coûterait?
M. Bell: Si je me souviens bien, pendant les 12 années d'utilisation possible d'un satellite, le coût du renvoi vers le satellite du service américain utilisable coûterait environ 300 millions de dollars. Je parle ici du renvoi du signal vers le satellite et de l'achat de la composante spaciale de capacité de transpondeur pour les services correspondants au cours d'une période de 12 ans, ce qui correspond à la durée de vie normale d'un satellite.
M. Ianno: Je vais vous poser une autre question. Je me demande si c'est possible. Si, par exemple, vous diffusez le signal vers le sol, tout comme le fait Expressvu, et le renvoyez ensuite à Télésat, je suppose que vous utilisez pour cela de trois à six transpondeurs.
M. Bell: Nous en utilisons six.
M. Ianno: Donc cet élément est constant.
M. Bell: C'est exact.
M. Ianno: Cela serait exclusivement d'usage canadien, n'est-ce pas?
M. Bell: Nous utiliserions six transpondeurs pour les segments canadiens.
M. Ianno: Si vous vouliez utiliser de la même façon le système américain, combien de transpondeurs vous faudrait-il, que vous le fassiez directement depuis le satellite ou en le diffusant vers le sol avant de le renvoyer en haut?
M. Bell: En vous donnant ce chiffre de 300 millions de dollars, je supposais que les 14 ou 15 services américains envisageables étaient inclus. Ce sont ceux dont le CRTC autorise la distribution au Canada. Si je suppose un taux de compression de trois ou quatre pour ces services, cela veut dire qu'il faudrait environ cinq transpondeurs à trois millions de dollars chacun par an, ce qui ferait donc en tout 15 millions de dollars chaque année pendant 12 ans.
M. Ianno: Donc, si je comprends bien, le vrai problème...
M. Bell: J'ai également inclus dans ce chiffre quelque chose pour les canaux de télévision à la carte. J'utiliserais donc plus de trois transpondeurs. Il y en aurait trois, plus un service de télévision à la carte de 50 canaux. Il me faudrait cinq transpondeurs de plus parce que l'on peut comprimer la plupart des produits de télévision à la carte en les regroupant par groupes de 10.
M. Ianno: Cela donnerait environ huit transpondeurs à trois millions pièce, c'est-à-dire 24 millions de dollars.
M. Bell: Quelque chose comme cela.
M. Ianno: Il vous faudrait également une installation au sol pour recevoir le signal et le retransmettre via le satellite?
M. Bell: C'est exact. Tous ces chiffres figuraient dans notre mémoire initial. Je crois que c'est cela, 24 millions de dollars pendant 12 ans, plus les frais d'installation au sol.
M. Ianno: Je pense donc qu'il n'y a que Télésat qui y perdrait. Ce serait le cas si le CRTC revenait en arrière et modifait les conditions d'exemption ou de licence ou procédait d'une autre façon.
M. Bell: Pas tout à fait, parce que si nous devenons le deuxième client de Télésat et que nous ajoutions six transpondeurs sur demande, notre arrivée doublera la demande de SRD devant être satisfaite par Télésat. D'après la formulation qui nous a été présentée, nous ne pourrions pas le faire parce que DirecTv dirait ne pas en avoir besoin et utiliserait le marché gris.
Le consommateur canadien achèterait alors ce service dans le marché gris, ce qui ne sert pas les intérêts de Télésat. Si vous le lui demandez, Télésat vous dira qu'il lui faut pouvoir contrôler le marché gris et non pas le laisser se développer, afin de faire en sorte que les consommateurs canadiens achètent les signaux diffusés depuis le sol.
M. Ianno: Si vous n'êtes pas diffusés, cela fera perdre 18 millions de dollars par an à Télésat.
M. Bell: Télésat perdrait 18 millions de dollars et risquerait de voir diminuer les revenus qui lui proviennent des consommateurs à cause du marché gris.
M. Ianno: [Inaudible - Éditeur] et toutes les choses qui vont avec.
M. Bell: Oui. Télésat a intérêt à ce que nous entrions en scène et je crois que ce serait aussi son avis.
M. Ianno: Ce matin, pendant nos discussions, Mme Tremblay a fait allusion à ce genre de choses. Je pense que cela clarifie un peu les choses. En fait, les câblodistributeurs et vous-mêmes utiliseriez le satellite américain au même titre qu'Expressvu. C'est juste une question de commutation. Cela pourrait passer par le câble ou même les téléphones, je ne sais quoi encore, mais en fait, du côté américain, tout vient de la programmation américaine.
M. Bell: La programmation américaine vient de l'infrastructure américaine pour tout le système de diffusion au Canada.
M. Ianno: Donc, ici, nous avons des systèmes qui permettent d'assurer la diffusion au moyen d'un simple commutateur, qu'elle se fasse ensuite par le câble, le téléphone ou les commandes de vos boîtes. C'est donc de cela que nous parlons.
En fait, les consommateurs canadiens ne seront pas défavorisés par la concurrence et le pourcentage consacré au financement des émissions.
Télésat n'y perdrait rien non plus parce que les 18 millions de dollars par an correspondant aux transpondeurs lui parviendraient également...
M. Bell: Télésat n'y perdrait rien et je crois même, en fait, qu'il y gagnerait beaucoup. Ses représentants l'ont d'ailleurs dit, je crois, en signalant dans leurs mémoires, qu'avec un système compétitif de SRD assurant un bon rendement, il y aurait de meilleures chances d'avoir à long terme, un marché dynamique de SRD utilisant la capacité dont dispose Télésat. Avec un tel système de frais de distribution peu élevés assurant un bon rendement, Télésat pense qu'il pourrait y avoir plus de services canadiens pouvant utiliser une capacité supérieure.
Toutefois, si le système de distribution est inefficace parce qu'on impose une deuxième liaison ascendante sans contrôler le marché gris, les coûts seront plus élevés, le produit sera moins attrayant et plus exposé à la concurrence du marché gris, ce qui fait qu'il y aura moins de possibilités de présenter à des conditions de prix raisonnables de nouveaux services de programmation canadiens. Télésat perdra à tous les points de vue et l'a d'ailleurs fait savoir.
M. Ianno: Si, d'ici le 1er septembre, le CRTC vous demandait de fournir des informations en même temps qu'Expressvu en accordant ainsi une licence plutôt qu'un décret d'exemption, pourriez-vous commencer vos activités le 1er septembre?
M. Bell: Premièrement, nous espérons que les décisions en matière de licences seront prises d'ici le 1er septembre.
Pourrions-nous commencer nos activités à cette date? Non.
M. Ianno: Combien de temps vous faudrait-il?
M. Bell: Il nous faudrait quelques mois de plus. Nous pourrions commencer notre marketing en disant que nous allons bientôt être prêts mais il nous faudrait faire les plans détaillés des antennes paraboliques doubles et des boîtes et les faire fabriquer. Cela nous prendrait quelques mois.
Nos fournisseurs nous parlent même de délais inquiétants. D'après eux, il faudrait environ neuf mois, et nous essayons de trouver des façons de raccourcir cela. De toute façon, ce ne serait certainement possible pour le 1er septembre.
M. Ianno: Si Expressvu se voyait accorder en quelque sorte une licence d'exploitation à partir du 1er septembre, et vous aussi, Expressvu pourrait quand même présenter ses services sur le marché avant vous.
M. Bell: Il est clair que, bien que nous ayons commencé bien avant, nous sommes maintenant moins bien placés. Expressvu aura une avance sur nous du fait de pouvoir commencer le 1er septembre. Pour nous, c'est absolument impossible.
M. Ianno: Ça ne vous inquiète pas?
M. Bell: Oh, si.
M. Ianno: Je ne dis pas cela du point de vue commercial, mais simplement du point de vue de la réglementation.
M. Bell: Dans notre mémoire, nous demandions au gouvernement d'établir une politique identique à celle qu'il avait adoptée pour le téléphone cellulaire. Même si les compagnies de téléphone étaient prêtes à aller de l'avant alors que Rogers Cantel ne l'était pas, le gouvernement a décidé de forcer les compagnies de téléphone à attendre en disant que tout le monde commencerait à la même date.
Nous avons demandé une politique semblable pour assurer des conditions équitables et une concurrence réelle. Notre demande a été rejetée. Le rapport a simplement dit qu'il fallait procéder rapidement à l'octroi des licences.
Nous pourrions à nouveau plaider notre cause comme nous l'avons fait devant le gouvernement et le groupe d'étude. Nous préférons ne plus revenir sur cette question et dire que nous pouvons nous accommoder de cette politique. Elle est équilibrée, équitable et raisonnable si les choses se font vite, mais si on les retarde en en débattant longuement, cela pourra prendre encore six mois et nous ne serons de toute façon plus dans la course. Nous ne serons pas en mesure de commencer. Nous ne pourrons pas lancer notre affaire. Ce que l'on essayait de faire par le biais de la politique aura échoué. Par conséquent, nous avons dit, mettons fin au débat, tournons la page et nous nous arrangerons avec ces règles. Nous démarrerons notre entreprise plus tard mais nous allons commencer tout de suite à faire le marketing en disant, très bientôt, voici ce que nous allons pouvoir vous offrir. C'est tout ce que nous voulons.
Le président: J'ai encore sur ma liste plusieurs personnes qui veulent poser des questions - Mme Tremblay, Mme Brown, l'autre Mme Brown et moi-même - ainsi qu'une toute petite question de la part de M. McKinnon.
[Français]
Mme Tremblay: Plus le temps avance, plus on a de questions. C'est cela qui est dramatique.
[Traduction]
Le président: C'est votre dernière chance.
Mme Tremblay: Ma dernière chance; j'aurais probablement une autre question à poser après vous.
[Français]
Monsieur Bell, j'ai entendu dire que vous auriez dit que l'exemption avait été faite sur mesure pour Expressvu. Pourriez-vous nous prouver qu'il y a eu un genre de complot entre plusieurs personnes du CRTC et des anciens du CRTC?
M. Bell: Je n'ai jamais rien dit de semblable. J'ai dit que les exemptions avaient créé une situation qui faisait en sorte qu'Expressvu pourrait entrer en affaires alors que nous ne le pourrions pas. Je ne crois pas que cela a été créé expressément pour Expressvu. Mais c'était clair qu'ils pouvaient agir alors que nous ne le pouvions pas.
Mme Tremblay: Vous allez pouvoir vous faire faire un bouton et dire que vous appartenez, vous aussi, au club des mal cités.
Quand vous avez témoigné au Comité de l'autre Chambre sur les transports et les communications, le sénateur Lowell Murray vous a posé quelques questions au sujet d'un document secret qui avait circulé, que j'ai ici d'ailleurs et dans lequel on peut lire...
Le président: Pas si secret.
Mme Tremblay: Pas si secret, n'est-ce pas?
M. Bell: Nos arguments ne sont jamais secrets, il me semble.
Mme Tremblay: Il y a de plus en plus de questions que nous aimerions poser.
[Traduction]
Si cela n'est pas fait avant le 24 avril, les conditions dans lesquelles Power DirecTv démarrera son entreprise ne seront pas équitables et la compagnie subira un retard d'au moins trois ou quatre mois supplémentaires, etc.
On dit aussi ici qu'étant donné que des instructions ont été données au comité parlementaire, il serait sage de parler au président du comité approprié.
Le président: Très sage.
Mme Tremblay: Si la date éventuelle du lancement place Power DirecTv dans une position concurrentielle vis-à-vis d'Expressvu et de l'industrie du câble... et si l'on abandonne l'idée de retarder Power Corporation, etc.
[Français]
Vous avez besoin de neuf mois pour partir en affaires. Vous avez dit au sénateur Murray que vous écriviez tellement de choses que, de mémoire, vous ne pouviez pas vous rappeler et qu'il faudrait que vous relisiez le document pour savoir si c'était vous qui l'aviez écrit ou non. Il s'est écoulé pas mal de temps entre le moment où vous êtes passé au Sénat et aujourd'hui. Avez-vous eu le temps de lire le document qu'on vous attribue?
[Traduction]
M. Bell: Ce que j'ai dit à ce moment-là au sénateur Murray... Il agitait un document sous mon nez et me demandait si c'était moi qui l'avait écrit; mon collègue est intervenu et a dit qu'étant donné la longueur de ce document, il est bien probable que ce soit moi qui l'ai écrit; mais je n'ai pas pu dire si c'était bien moi l'auteur du document que l'on agitait sous mon nez.
Ce document-là, et je ne peux dire que cela s'applique à celui que vous tenez...
Mme Tremblay: C'est probablement le même.
M. Bell: Ce document-là, dis-je, je l'ai consulté. Le sénateur m'en a donné une copie. Je l'ai emporté avec moi et je l'ai consulté et ensuite, j'ai fait enregistrer par le Comité du Sénat que c'était bien moi l'auteur. Il avait été transmis à des fonctionnaires que je pouvais nommer car il s'agissait d'un document qui était différent des autres. J'ai précisé qu'il avait été envoyé à des fonctionnaires appartenant à deux ministères. Donc, oui, j'ai indiqué qu'il s'agissait d'un document qui émanait de nous.
[Français]
Mme Tremblay: Pouvez-vous me dire depuis combien de temps vous êtes en affaires avec Power DirecTv?
M. Bell: Moi?
Mme Tremblay: Oui.
M. Bell: Je suis impliqué dans cette affaire depuis le début des négociations avec Hughes. C'était avant la création de Power DirecTv.
Toutefois, cela fait plus longtemps que je travaille avec M. Kruyt qui est président de la division Power et président de Power DirecTv.
Power DirecTv a été créée au mois d'avril, mais j'ai impliqué, avant cela, dans les négociations avec Hughes DirecTv.
Mme Tremblay: Maintenant, j'ai une question un peu plus délicate, et j'espère que je ne me tromperai pas en la posant. Les informations que j'ai eues indiquent que le marché gris n'est pas aussi gros qu'on veut bien nous le faire croire. Il y aurait environ entre 30 000 et 50 000 personnes qui ont eu la très mauvaise idée de s'acheter des soucoupes. J'espère qu'il y a suffisamment de téléspectateurs qui vont dire à tous ceux qui s'en vont aux États-Unis cet été: «S'il vous plaît, ne vous achetez pas de soucoupes; il est trop tôt parce qu'elles ne serviront à rien même si vous les payez moins cher parce qu'elles sont à la veille d'être mis knock out».
Il me semble que le marché gris que vous visez a principalement été fabriqué par DirecTv, votre associé américain. Donc, c'est sûr que ce sera facile pour vous de put the button off quand vous allez être en affaires avec DirecTv et de trouver une façon de compenser les gens, de leur permettre d'acheter votre affaire à rabais ou je ne sais trop.
En tout cas, quant à ce marché gris, il me semble que c'est un faux débat, et ce n'est pas l'objectif principal. Personnellement, je reste préoccupée malgré tout. Vous ne m'avez pas convaincue que l'utilisation de vos satellites américains va vraiment rendre vulnérable la culture canadienne et l'exemption culturelle qui a été signée avec les États-Unis et dans le cadre de l'ALÉNA. Personnellement, je reste convaincue que c'est inquiétant.
Le président: J'attends votre réponse.
M. Bell: M. Kruyt va répondre.
M. Peter Kruyt (président, Power Diffusion Inc., Power DirecTv): Madame Tremblay, si le marché gris n'est pas important, la chose que nous vous avons proposée ne mérite pas de réponse rapide, ne mérite pas de changement de politique. Vous pourrez terminer vos travaux très bientôt si c'est ce que vos recherches vous indiquent.
Mme Tremblay: Puis-je vous dire qu'on ne fait pas des lois parce qu'il se vend des cigarettes, de la boisson et des trucs en contrebande? Ce n'est pas cela, l'objectif des lois, des politiques et des règlements. Vous essayez de nous faire croire que c'est très, très gros, qu'on a 27 millions d'habitants et qu'il y en a 30 000 qui ont une petite soucoupe illégale, alors que l'on sait que la switch sera fermée. Ce n'est pas un gros drame.
M. Kruyt: Madame, nous avons entendu parler de deux chiffres: 500 000 environ...
Mme Tremblay: Ce chiffre de 500 000 a trait aux grosses soucoupes qui ne sont pas illégales. Le chiffre de 30 000 a trait aux petites secoupes.
M. Kruyt: Il n'y a pas de différence entre la légalité de la grosse soucoupe et celle de la petite soucoupe.
Mme Tremblay: Je regrette. Tous les gens au Québec et au Canada achètent les grosses soucoupes depuis qu'elles sont disponibles. Elles ne sont pas aussi grosses...
M. Bell: Mais du point de vue juridique, il n'y a aucune distinction.
M. Kruyt: Le marché gris...
Mme Tremblay: Quant au marché gris, ils tournent leurs trucs, c'est très évident. Quant aux autres, ils sont alimentés par les Américains. Quand les grosses soucoupes ont été achetées par des Canadiens, elles ont été achetées au Canada. Ils ont payé des taxes au Canada. Ils payent pour des trucs. Les grosses soucoupes n'ont pas été achetées aux États-Unis.
M. Kruyt: Ils n'ont pas eu besoin d'aller aux États-Unis parce qu'il y avait des fournisseurs canadiens.
Mme Tremblay: Ils sont autorisés à vendre ces grandes soucoupes-là, mais les petites soucoupes, que les Canadiens achètent aux États-Unis frauduleusement, ne sont pas légales. On ne parle pas des mêmes soucoupes.
M. Kruyt: Vous pouvez aller chez des détaillants ici, à Ottawa, et y trouver des petites soucoupes. Vous pouvez trouver la publicité dans le Financial Post presqu'à tous les jours. Vous pouvez obtenir des avis juridiques sur cela mais, à notre avis, il n'y a absolument pas de différence entre les deux.
Nous avons contacté un journaliste américain qui avait fait de la recherche sur la taille du marché et qui nous avait dit, à la suite d'un sondage informel qu'il avait effectué auprès des distributeurs de soucoupes, que nos estimations du marché étaient fausses. À son avis, à la fin de cette année, le marché gris se chiffrera entre 100 000 et 125 000.
Mme Tremblay: Reconnaissez-vous, monsieur Kruyt, que le vrai marché gris auquel vous voulez vous attaquer, c'est celui de ceux et celles qui, à l'heure actuelle, sont facturés par une compagnie américaine parce qu'ils se sont frauduleusement procuré une boîte postale de l'autre côté de la frontière? Ils sont facturés en argent américain et ne paient pas de taxes au Canada. Ils ne paient rien ici et tout cela s'en va aux États-Unis, cela parce qu'il y a quelqu'un aux États-Unis qui, en complicité avec d'autres, leur vend un service qu'il n'est pas censé leur vendre.
Ne pensez-vous pas que cela se réglerait beaucoup plus facilement par une entente bilatérale entre le Canada et les États-Unis qui permettrait d'interdire aux Américains, quels qu'ils soient, de vendre un service canadien? Ce serait bien plus simple que de tout mettre dans les décrets de Power... pardon, du gouvernement.
Le président: Je crois que c'est le mot de la fin.
M. Kruyt: Si vous faites de la recherche, vous allez constater que ce sont des Canadiens qui vendent des soucoupes américaines et qui organisent l'abonnement aux services américains pour des Canadiens, par des Canadiens, et que cela existe depuis les débuts du marché gris pour les grandes soucoupes.
Certaines compagnies font de la publicité un peu partout. Elles ont des milliers et des milliers d'abonnés canadiens, et elles jouent les rôles d'entrepreneur et d'intermédiaire pour faciliter ce à quoi vous faites allusion. Les gens n'ont pas besoin d'aller à Plattsburg pour aller chercher leurs soucoupes. Ils peuvent se les procurer dans des magasins, ici au Canada, et se faire livrer le service par des intermédiaires.
C'est justement cela, le problème. C'est tellement facile et tellement attrayant pour les détaillants de vendre ces boîtes que nous pensons qu'il est important d'y aller tout de suite et de leur offrir quelque chose, jumelé avec le service américain, qui arrêtera le marché gris.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
M. Bell: J'aimerais ajouter qu'il n'y a personne qu'on pourrait identifier comme étant résident canadien qui reçoit un service des Américains. Certains entrepreneurs conseillent aux Canadiens de ne pas employer leurs propres lignes de téléphone. Donc, on ne peut dire s'ils sont au Canada ou aux États-Unis.
Deuxièmement, ils ont trouvé des méthodes pour s'identifier comme étant des États-Unis. Si on demande à une boîte de téléphoner à notre centrale, le numéro indiqué sera un numéro en provenance des États-Unis. On ne peut alors identifier les gens qui sont situés au Canada. Personne au Canada ne reçoit le service de DirecTv.
[Traduction]
M. de Savoye: Je dois corriger une information qui n'est pas exacte. De fait, lorsqu'on vous transfère un appel téléphonique - c'est un système que nous avons sur la Colline - on peut voir sur le petit écran du téléphone le numéro que l'on a appelé et, si les appels sont transférés, l'autre numéro, c'est bien cela?
Par conséquent, si le premier numéro que doit appeler DirecTv pour transférer de la petite boîte noire des informations sur la facturation est un numéro américain, et si cet appel est transféré à un numéro canadien, DirecTv le sait car elle reçoit le signal de la compagnie de téléphone, et elle pourrait aussi couper le signal émis par cette boite. Cela prive l'économie canadienne de taxes se chiffrant à 750 000$ dollars par mois. Voilà l'effet de DirecTv sur cette économie.
Je voulais tirer les choses au clair.
Le président: Je veux donner à M. Bell l'occasion de répondre une dernière fois et ensuite, il faudra vraiment que nous avancions.
M. Bell: Je ne suis pas ingénieur, mais le développement de ce marché gris n'est certainement pas dans notre intérêt car ce n'est pas à notre service que ces gens-là sont abonnés. Ce sont eux que nous voudrions empêcher d'acheter cet équipement de façon à ce que ce soit à nous qu'il s'adressent.
M. de Savoye: Je suis d'accord avec vous et vous pouvez faire cela très facilement.
M. Bell: Les technologues auxquels nous nous adressons disent que ce n'est pas possible avec les systèmes modernes dont on dispose. Il est clair que ceux à qui l'on conseille de ne pas se brancher sur la ligne de téléphone ne peuvent être identifiés et localisés. Nous ne savons pas où ils sont.
M. de Savoye: Je pourrais peut-être vous être utile à cela.
Des voix: Oh, oh.
Le président: Il va vous le faire payer. Non, ce n'est pas possible.
Bonnie Brown.
Mme Brown (Oakville - Milton): Merci, monsieur le président.
J'ai eu la réponse à ma première question lorsque M. Ianno posait les siennes. Vous dites que vos techniciens estiment qu'il va falloir attendre à peu près neuf mois avant que vous soyez lancés. Dois-je donc en conclure que la seule raison qui vous pousse à obtenir une licence d'ici le premier septembre serait en fait de pouvoir lancer la commercialisation? Vous dites: «Attendez-nous. Nous allons être au point. Nous allons proposer ces types de solutions.» Vous voulez pouvoir commencer à faire de la publicité en même temps que vos concurrents.
M. Bell: Il y a deux choses à prendre en compte. Tout d'abord, dans le rapport sur les audiences structurelles, le CRTC a bien dit clairement que si l'on commence à commercialiser ou à faire de la publicité au Canada pour un service de diffusion, vous mettez en oeuvre une partie d'un service de diffusion qui doit être accordé par une licence et on enfreint donc la loi. On ne pourrait donc pas faire de la commercialisation...
Mme Brown (Oakville - Milton): Sans la licence.
M. Bell: Tant qu'on n'a pas obtenu l'autorisation.
Mme Brown (Oakville - Milton): Et sur le plan commercial?
M. Bell: Il y a une deuxième chose à prendre en compte, c'est l'élément commercial. Si nous ne sommes pas sûrs que tout le monde va être placé sur un pied d'égalité et qu'il y aura un ensemble raisonnable de critères à respecter concernant le contenu, le contrôle et les contributions, et s'il est possible qu'on n'obtienne pas cette autorisation, on ne peut justifier des dépenses de plusieurs millions de dollars qu'il faut commencer à faire au début de cette période de neuf mois et tout au long de cette période pour pouvoir établir la liaison terre-satellite et les centres de production dont on a besoin et pour pouvoir concevoir et construire le matériel qui sera nécessaire.
Cela représente un gros investissement. Si vous n'êtes pas sûr que les règles vont vous permettre de prendre le risque de pouvoir les respecter, parce que vous ne savez ce que seront ces règles ou que vous savez que ces règles ne sont pas très encourageantes, de telles dépenses ne sont pas justifiées.
Il y a donc à la fois l'égalité des chances sur le plan de la commercialisation et la nécessité d'avoir un cadre politique raisonnable et opportun qui va nous permettre de faire les investissements de départ nécessaires.
Mme Brown (Oakville - Milton): Merci.
Votre entreprise est-elle publique ou privée, et a-t-elle émis des actions? Si elle a émis des actions, quel pourcentage est détenu par vos associés américains ou par des particuliers américains, selon la façon dont vous aurez procédé?
M. Bell: Power DirecTv est une entreprise contrôlée par Power Broadcasting avec participation de DirecTv et elle respecte toutes les règles canadiennes de propriété fixées par le CRTC. C'est indispensable.
Mme Brown (Oakville - Milton): Je ne sais pas exactement à quel stade vous en êtes. Vous me dites que vous ne voulez pas investir tant que vous n'êtes pas sûr des règles et tant que vous n'aurez pas en main une licence, je ne sais donc pas si tout cela va vraiment se produire.
Où est-ce simplement que vous avez conclu une entente voulant que si un certain nombre de choses se réalisent, vous allez vous lancer? Est-ce quelque chose que vous avez à l'esprit et quelques documents que Hughes a signés?
M. Bell: Nos droits en vertu du contrat ne vont pas se matérialiser tant que nous ne serons pas habilités légalement à exploiter notre entreprise au Canada.
Mme Brown (Oakville - Milton): Vous avez donc un plan d'entreprise?
M. Bell: Oh, nous avons un plan d'entreprise et nous ne cessons de le faire avancer et de le mettre en attente alternativement...
Mme Brown (Oakville - Milton): Dans votre plan d'entreprise, quel pourcentage de votre budget annuel consacrez-vous à la publicité?
M. Bell: Je ne crois pas que l'on souhaite entrer dans le détail de nos plans de commercialisation. Ce sont, je crois, des renseignements de type confidentiel du fait de la concurrence.
Mme Brown (Oakville - Milton): J'imagine que cela va dépendre de l'importance de votre budget.
M. Bell: Il est clair qu'en tant que nouveaux venus sur le marché, nous allons devoir faire de gros efforts pour nous rendre visibles et nous faire une place sur le marché. La publicité qui a été faite pour le système de radiodiffusion directe grâce au débat qui a eu lieu nous a sans doute beaucoup aidés, mais cela a aussi profité au marché gris qui esssaie de nous couper l'herbe sous le pied.
Mme Brown (Oakville - Milton): Ce qui m'inquiète dans tout cela, c'est que j'arrive à comprendre tout ce que vous dites sauf la question de l'accès illimité. Pour ce qui est de l'autre aspect de la publicité, d'après notre étude de Radio-Canada et des recettes publicitaires, nous savons qu'elles diminuent pour tout le monde en raison de la trop grande fragmentation. Mais ce ne serait pas là votre principale source de revenu. Ce seraient les abonnements qui constitueraient votre principale source, n'est-ce pas?
M. Bell: Nous ne recevrions aucune recette publicitaire.
Mme Brown (Oakville - Milton): Je comprends cela.
M. Bell: Nous sommes un système de distribution, comme un câblodistributeur.
Mme Brown (Oakville - Milton): Je veux simplement que vous me répondiez oui ou non. C'est en fait le bassin des abonnés qui vous apporte l'argent.
M. Bell: C'est exact.
Mme Brown (Oakville - Milton): Très bien.
De même que la radio constate que les recettes publicitaires sont faibles, alors qu'à un moment elles constituaient sa principale source de revenu, ne craignez-vous pas que l'accès illimité, qu'il s'agisse de nouveaux intervenants canadiens ou de gros intervenants américains très puissants, puisse apporter un si grand nombre d'entreprises que le marché des abonnés sera si fragmenté qu'en définitive vous vous trouverez dans la situation dans laquelle se trouve la radio actuellement, c'est-à-dire avec une source principale de financement trop morcelée?
M. Bell: Tout d'abord, du point de vue des services de diffusion des émissions, nous leur donnerons une plus grande distribution de sorte que leur assiette - c'est-à-dire le fait qu'ils seront offerts à davantage de consommateurs dans l'ensemble du Canada - sera augmentée. Ils auront un auditoire plus grand, une distribution plus importante et une meilleure base de revenus.
Il est vrai que le marché de la consommation est limité, il faut donc se demander si, au cas où une douzaine de personnes arriveraient sur ce marché, il y aurait suffisamment de place pour tout le monde, mais il faut se rappeler que nous cherchons à obtenir des recettes en faisant concurrence au câble. Nous cherchons à obtenir des recettes en faisant la concurrence aux magasins de vidéos, qui représentent un chiffre de près de 2 milliards de dollars dans notre pays. Il y a toute une série de services nouveaux que nous allons offrir sur l'autoroute électronique moderne qui nous permettront d'obtenir des recettes supplémentaires.
Si vous regardez ce qui s'est passé ces 15 dernières années, vous constaterez qu'il y a eu une augmentation de plus de 500 p. 100 des dépenses de produits vidéo par les consommateurs. Le nombre d'heures d'écoute n'a pas bougé du tout depuis des décennies.
Mme Brown (Oakville - Milton): Le public est prêt à dépenser de telles sommes supplémentaires. Je le comprends.
M. Bell: Le public dépensera beaucoup plus d'argent si vous lui offrez le choix, la variété, une meilleure valeur et la commodité. Nous n'avons aucune raison de croire que cela ne va pas continuer.
Mais en même temps nous pensons que ce marché va augmenter. En ajoutant des services à ce que transporte l'autoroute électronique, nous allons obtenir des recettes supplémentaires. En fournissant une solution de rechange commode aux magasins de vidéos par exemple, nous pensons que nous allons également pouvoir atteindre ce marché. Le marché va donc croître.
Mme Brown (Oakville - Milton): Il y a autre chose que vous avez dit et qui m'a fascinée, et c'est «nous avons le droit d'échouer.»
Admettons que nous accordions une licence à ces deux distributeurs canadiens de SRD et qu'il y ait un accès illimité, que certains gros intervenants américains arrivent et décident de répondre aux exigences canadiennes. Qu'en sera-t-il si tout à coup nous avons, disons, six intervenants, quatre Américains et deux Canadiens, et que les deux Canadiens échouent?
Je sais qu'il leur faudrait respecter les règles du CRTC...
Le président: Mais il leur faudrait aussi respecter les règles de la propriété canadienne.
M. Bell: Il faudrait que la propriété et le contrôle soient canadiens, que l'on respecte les règles du contenu canadien, que l'on respecte les contributions canadiennes et que l'on respecte l'infrastructure canadienne. Si une entreprise qui arrive est meilleure que la nôtre, je ne pense pas que l'on devrait être protégé. C'est au consommateur de choisir entre nous. Si quelqu'un fait un meilleur travail et offre un meilleur service, un meilleur produit à un prix inférieur, il nous devancera.
Lorsque je dis que nous avons le droit d'échouer, ce n'est pas parce que cette idée me plaît. J'espère que cela ne se vérifiera pas. Mais j'ai la conviction que si vous dites que ceux qui sont là maintenant ne doivent pas échouer, vous ne permettez pas aux autres d'entrer et vous ne donnez pas le choix aux consommateurs.
Même dans un marché où un nombre limité de magasins peuvent survivre, nous n'avons pas de pharmacies aux quatre coins d'un carrefour et nous n'avons plus de stations-service aux quatre coins d'un carrefour, mais nous laissons le marché décider du nombre qu'il peut accepter. Nous laissons les consommateurs choisir l'endroit où ils souhaitent les trouver. Ils ont ainsi en définitive une meilleure valeur, de meilleurs produits, de meilleurs prix et de meilleurs services.
Ce n'est pas un marché où il peut y avoir, pour reprendre un terme technique du domaine de l'économie, «contestabilité». Autrement dit, même s'il n'y a place que pour deux ou trois, le fait que ces deux ou trois ne sont pas protégés et qu'un meilleur joueur puisse s'implanter et faire mieux qu'eux, garantit certains contrôles des consommateurs et de meilleurs résultats lorsqu'il s'agit de choisir les joueurs ainsi que leurs nombres.
M. Kruyt: Monsieur le président, me laisserez-vous être impoli un instant pour ajouter un petit quelque chose à ce qu'on vient de dire? Il y a un élément important qui manque dans toute cette question de concurrence illimitée.
S'il y avait d'autres fournisseurs américains de SRD et si l'on décidait pour une raison quelconque qu'il n'y a de place que pour deux acteurs au Canada, et si nous avions le bonheur d'être l'un de ces deux acteurs, que feraient les autres concurrents américains de SRD? Ils seraient contraints de rejoindre le marché gris et nous serions à nouveau confrontés au même problème.
Il nous semble qu'il vaudrait mieux accepter le prochain fournisseur à se présenter, s'il y en a un, l'intégrer et trouver un autre associé canadien - ça ne peut pas être nous; nous ne pouvons pas tout faire - et nous assurer que les parties répondent aux exigences de propriété, de contribution et de contenu et qu'elles jouent le jeu de la concurrence. Si vous mettez dans le système des restrictions artificielles, vous allez forcer les groupes rejetés à rejoindre le marché gris, ce qui nous semble peu indiqué.
M. Bell: Pour revenir à la question posée par Mme Tremblay, les satellites américains menacent la culture canadienne s'il n'y a pas de politique canadienne pour les contrôler. Si on assure un contrôle, ils ne constitueront pas une menace. DirecTv n'en constituera pas une, mais le groupe qui se présentera ensuite, s'il ne peut entrer, constituera une menace parce qu'il va vous inonder d'émissions américaines. Nous allons rejeter tous ceux qui n'auraient pas reçu l'autorisation du CRTC dans notre pays.
Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Monsieur Bell, l'un des aspects du travail du comité qui a été vraiment pénible tient au fait que le Canada n'a pas de politique culturelle clairement définie. Il est vraiment regrettable que le travail du ministère au cours des deux dernières années à peu près n'ait pas permis de donner une direction précise pour bon nombre des questions qui nous touchent.
Je veux revenir à la première question que je vous ai posée. Je comprends votre gêne. Je comprends parfaitement que vous souhaitiez jouer le jeu de la concurrence sur le marché et prendre des décisions en fonction de ceux qui sauront faire face à la concurrence et de ceux qui seront rejetés. Mais je dois vous poser la question à nouveau car vous n'avez pas été très clair lorsque je vous ai préalablement demandé qui vous aviez rencontré et qui vous n'aviez pas rencontré au sein du gouvernement.
J'aimerais que vous reveniez à mai ou à juin 1994, pour vous demander à nouveau si vous avez rencontré soit M. Dupuy, soit M. Manley et si vous leur avez effectivement présenté un document à ce moment-là.
M. Bell: Avec plaisir, car je n'essayais pas d'éluder la question.
J'ai rencontré ces deux ministres et je suis certain que tous les autres intéressés aussi. J'ai rencontré des responsables des deux ministères. J'ai laissé un document dans lequel je décrivais ce que nous proposions et de quelle manière cela s'intégrait dans la politique canadienne en matière culturelle, dans la politique de radiodiffusion et dans l'aspect infrastructure également.
Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Serait-il possible de voir ce document?
M. Bell: Il figure intégralement dans les mémoires que nous avons présentés au gouvernement en janvier et en février et à nouveau en juin. Il n'y a rien...
Mme Brown (Calgary-Sud-Est): J'aimerais voir les documents que vous avez présentés à l'époque.
M. Bell: Je dois m'informer pour savoir si je peux le faire, mais je puis vous garantir qu'il n'y a rien là-dedans qui n'ait pas été entièrement exposé dans le document que nous avons produit. Nous avons fait des déclarations très complètes. S'il y a quelque chose dans ce document...
Nous ne sommes pas les seuls à écrire au ministre. D'autres ont également écrit au ministre et aux hauts fonctionnaires. Il semble que certains documents que nous écrivons parviennent à quelqu'un et d'autres non. Je ne sais pas comment cela se fait.
Je peux vous dire que si vous avez des questions sur l'un d'entre eux ou que vous vouliez que je vous en identifie un en particulier, je serai heureux de le faire. Si vous voulez que je réponde à des questions sur les politiques ou les sujets abordés dans l'un quelconque de ces documents, je serai également heureux de le faire.
Si vous essayez d'en tirer des interprétations, je dois vous dire que je n'essaie pas d'éluder quoi que ce soit; posez-moi la question directement et je vous répondrai franchement.
Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Je vous ai demandé si vous aviez rencontré l'un de ces ministres...
M. Bell: Et ma réponse est oui.
Mme Brown (Calgary-Sud-Est): ...en mai ou en juin.
M. Bell: Je vais devoir vérifier dans mon agenda, mais oui, j'ai rencontré ces ministres ainsi que des responsables des deux ministères, et je leur ai laissé un document.
Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Très bien.
Le président: En avez-vous terminé?
Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Oui, monsieur le président. Merci.
Le président: Je tiens à dire en passant que le parti au pouvoir est ravi d'entendre cette chose tout à fait étonnante: le fait que le Parti réformiste demande une politique culturelle générale pour notre pays. Nous l'en félicitons. Nous trouvons cela extraordinaire.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Nous n'aurions jamais pensé entendre cela de la part de quelqu'un qui défend aussi ardemment le marché libre, mais nous sommes de votre côté en cela.
J'ai quelques questions, si vous me le permettez.
M. Ianno: Êtes-vous le dernier à prendre la parole?
Le président: Il y a eu une question très brève de Mme Tremblay, une sortie brusque, mais je crois être le dernier. Je vous promets d'en rester là. Je n'ai que trois questions.
La première est en réalité une question technique. L'Association canadienne des radiodiffuseurs a demandé, pour protéger les intérêts de ses membres, qu'une entente soit conclue pour que dans divers marchés locaux, on décroche les stations qui y émettent des signaux concurrents. J'imagine que ce serait comme une émission simultanée. Il semble que ce soit une proposition très compliquée car notre satellite fonctionne dans un fuseau horaire et les stations qui seraient décrochées le seraient selon qu'elles se trouvent ou non dans les mêmes fuseaux horaires au même moment. Je n'arrive pas à voir si elles seraient également décrochées si elles se trouvaient dans un autre fuseau horaire.
Tout d'abord, est-ce possible techniquement? Deuxièmement, prévoyez-vous de le faire? Sinon, pourquoi? J'ai sans doute mal posé ma question.
M. Kruyt: Je crois comprendre ce que vous voulez dire car j'assume d'autres responsabilités à la table de radiodiffusion.
Je dirais pour préfacer ma réponse que ce n'est pas un problème propre à notre secteur. C'est un problème qu'éprouvent tous les fournisseurs de systèmes de radiodiffusion directe, de même que le service actuel Cancom qui diffuse à l'intention des Canadiens.
Le président: J'imagine que la réponse pourrait être donnée en partie avec l'interrupteur A-B.
M. Kruyt: C'est un problème, mais la question que vous soulevez est en réalité une question de droits.
Je ne suis pas sûr que la politique ou le régime en vertu duquel fonctionne actuellement le Cancom permettent de répondre à cela. C'est un problème qui existe sans doute sur le marché actuel et auquel les radiodiffuseurs n'ont pas encore trouvé de solution. Il s'agit en fait de protéger le radiodiffuseur local de l'arrivée de signaux extraterritoriaux, en quelque sorte.
Je dirais que le problème existe déjà pour ce qui est d'émettre des signaux par câble vers des marchés situés à l'extérieur de la zone directe de couverture des radiodiffuseurs vers des zones contigues. Je vous donnerai l'exemple de notre station de Peterborough qui peut bénéficier de toutes les stations torontoises grâce au système du câble; nous avons donc des règles pour ce qui est de la substitution de signaux identiques.
C'est plus difficile dans le domaine des satellites. Je ne crois pas que nous ayions prévu une solution technique à cela pour l'instant. Nous admettons que c'est un problème, et que c'est un problème auquel les radiodiffuseurs devront vraiment beaucoup réfléchir pour essayer de voir quels devraient être les rapports mutuels en tant qu'affiliés ayant des programmations semblables.
Je crois que c'est à eux d'agir. Je dirais que si les droits sont respectés, le système va sans doute fonctionner.
Le président: Merci beaucoup.
Ma deuxième question revient au marché gris, au marché clandestin. On m'a laissé entendre qu'il y avait quelque 30 000 «abonnés» de DirecTv dans notre pays et vous avez dit que pour des raisons techniques, il était difficile de les identifier. M. de Savoye avait son idée là-dessus.
J'imagine que le problème est le suivant. Admettons qu'il y ait une ou deux personnes de ce genre qui aient acheté une de ces antennes paraboliques; si ces personnes n'ont pas de ligne de téléphone, c'est que cela permettrait de les identifier et qu'elles n'auraient plus droit à la télévision à la carte.
Ma deuxième question est la suivante: si ces personnes ont acheté ce matériel, quelle sera votre politique si vous obtenez votre licence? Allez-vous alors essayer de voir qui sont ces personnes, entrer en contact avec elles, leur offrir de moderniser leur technologie, mettre une antenne à deux cornets ou une nouvelle carte dans la boîte? Combien cela va-t-il coûter?
M. Bell: Il va tout d'abord nous falloir les trouver et, comme l'a indiqué Telesat, rien ne prouve que nous allons reprendre tout le marché clandestin.
Le président: Même ceux de votre propre associé?
M. Bell: Même ceux de notre propre associé.
Quant à savoir comment nous allons procéder, il faudra que cela se fasse en essayant de les trouver grâce à des mesures de type sécuritaire, qui coûtent de l'argent et qui nous donneront la possibilité, en vertu de l'entente, de chercher dans la base de données pour voir si nous pouvons saisir les occasions d'identifier ces personnes. Ces personnes ne sont pas faciles à retracer et il nous faudra un certain temps et de l'argent pour y arriver.
Deuxièmement, nous devons les inciter par une offre quelconque à trouver plus intéressant de venir vers nous, faute de quoi nous ne pouvons même pas les trouver.
Il faut dire très clairement que DirecTv ne sait pas qui sont ces personnes, car selon sa base de données, tous ses abonnés seraient aux États-Unis. Il n'y a pas de renseignements sur des abonnés qui seraient au Canada. Lorsqu'on a ces renseignements, on débranche ces personnes.
J'ai un service technique qui a été autorisé par DirecTv et je peux donc faire des démonstrations. Je continue à recevoir des lettres me disant qu'on va me débrancher. Je dois les rappeler pour leur dire qu'on a oublié de mentionner que j'avais un service technique et que j'étais autorisé à l'offrir parce qu'il était branché sur des lignes de téléphone. Je sais donc que le système fait l'objet de vérifications et que des mesures sont prises.
Il nous est impossible d'obtenir la liste des noms, des numéros de téléphone et des adresses de ces gens. Ils sont invisibles, d'une certaine façon, ou on camoufle le fait qu'ils sont au Canada. Rien ne nous assure de pouvoir les trouver. Mais nous allons consacrer du temps et de l'argent à le faire et à essayer de les attirer vers notre système. Quant au fait de savoir si nous allons réussir à leur faire abandonner leur équipement ou si nous devrons le leur acheter, et quels seront les coûts et les ententes, cela n'a pas encore été vraiment prévu.
M. Kruyt: Puis-je revenir un peu en arrière? C'est un peu plus compliqué que de simplement parler de consommateurs et de la façon dont une nouvelle compagnie appelée DirecTv va être lancée. Si une personne appelle du Canada pour demander à obtenir le service et qu'elle indique bien qu'elle vient du Canada, elle ne l'obtient pas. Personne ne va donc donner une adresse au Canada puisque tout le monde a compris qu'il fallait avoir une adresse aux États-Unis.
Au départ, on laissait les numéros de téléphone canadiens. Étant donné que les personnes à l'autre bout de la ligne prenaient les commandes, elles ne pouvaient pas faire la différence entre un indicatif régional canadien et un indicatif américain. À l'époque, DirecTv n'essayait pas de trouver des moyens de réduire sa clientèle. La compagnie essayait de garantir un produit. Elle s'inquiétait de nombreuses choses et elle se dispersait un peu, comme toute entreprise qui se lance.
Je crois que par la suite, on a supprimé cela. Je ne crois pas qu'il y ait jamais eu d'adresses. Il n'y a pas d'adresses canadiennes dans la base de données, et je ne crois pas qu'il y ait un seul abonné qui ait un indicatif régional qui soit signalé comme canadien. Ce qui leur reste donc, ce sont des renseignements valables pour les États-Unis ou encore ils n'ont aucun numéro de téléphone.
C'est pour cela que nous devons trouver des liens et essayer de concevoir des émissions qui puissent permettre de dégager une tendance. Ce logiciel reste à inventer. Il n'y a aucune garantie non plus qu'il n'existe de renseignements tout compilés pour nous.
Le président: Notre audience de cet après-midi a duré si longtemps que l'édifice de l'Ouest aurait pu être rasé par un incendie sans que nous ne nous en soyons rendu compte.
Ma dernière question est simplement la suivante. Je suis curieux de voir ce que feront les cablôdistributeurs pour répondre à cela. Selon un bruit qui court, il semble qu'ils soient en train de créer aux États-Unis quelque chose qui s'appelle PRIMESTAR, qui est je crois un service à la carte contrôlé par l'industrie de la cablôdistribution; il leur est ainsi possible d'offrir la cablôdistribution et la télévision à la carte par satellite.
Où cela va-t-il mener, simplement pour ce qui est de faire avancer les choses? Je crois qu'on dit que Rogers a maintenant acheté un service qui devrait être offert au Canada. En avez-vous entendu parler?
M. Bell: PRIMESTAR est un système de radiodiffusion directe aux États-Unis, qui fonctionne avec des satellites de puissance moyenne et qui est la propriété d'un groupe de cablôdistributeurs. Je crois qu'on offre un service à la carte sur ce système, qu'il s'agit de quelque 60 chaînes de capacité totale à l'heure actuelle; j'ignore donc quelle en est l'importance du service à la carte.
Un des participants et actionnaire de PRIMESTAR est TCI, le plus gros câblodistributeur. Cette compagnie possède également Liberty et Request TV, et Request TV a un service de télévision à la carte.
Je ne peux vous en dire beaucoup plus que cela, sauf qu'à un moment, lors d'une conférence tenue à Toronto, on a annoncé qu'une transaction portant sur la réception de PRIMESTAR par l'intermédiaire d'un système américain avait été conclue. Cela a été ensuite démenti.
Le président: Qui était le détenteur canadien du contrat?
M. Bell: De fait, c'est Shaw Cable qui a fait cette annonce, mais il a ensuite démenti la nouvelle. C'était, je crois, à l'époque où l'on venait de créer DTH Canada Inc., ou juste avant.
Il faut se rapppeler que 50 p. 100 des actions de DTH Canada Inc. étaient détenues par Rogers, Shaw et CF Cable. À cette époque, il me semble qu'à la conférence de Toronto on avait annoncé que l'on prévoyait utiliser à la fois des satellites américains et canadiens; il fut toutefois précisé par la suite que ce n'était pas ainsi qu'on allait procéder et que l'on allait utiliser exclusivement des satellites canadiens.
Il y a d'autres compagnies qui offrent des services de télévision à la carte, je peux vous l'assurer. Comme M. Kruyt l'a indiqué, si on les autorise à opérer sur le marché gris, ce n'est dans l'intérêt d'aucun des participants au système de radiodiffusion canadien.
Nous existons à cause des règles qui régissent le système de radiodiffusion canadien. Nous sommes en faveur de ces règles car sans elles, DirecTv n'aurait pas besoin de nous et notre existence ne se justifierait pas. Nous n'aurions aucune raison d'être. Nous avons tout intérêt à vouloir nous intégrer à ce système et à le défendre.
Que des pourparlers aient pu être engagés avec d'autres n'a rien d'absurde. S'ils doivent se retrouver sur le marché gris, il peut être avantageux de domestiquer les services offerts au Canada.
Le président: Et maintenant, je vous conseille de vous mettre à l'abri. Voilà Mme Tremblay et sa question surprise.
[Français]
Mme Tremblay: Vous savez que les Américains n'ont jamais digéré d'avoir perdu la bataille de l'exemption culturelle dans l'ALE, dans l'ALÉNA et dans ce qui est dorénavant connu sous le nom de l'ex-GATT. Mais l'astuce que les Américains ont trouvée est celle-ci. Il semblerait qu'ils aient déposé devant le Congrès américain une loi visant les entreprises de télécommunication qui pourraient être canadiennes à 100 p. 100 et faire affaire aux États-Unis pour autant que le Canada donne le change et permette aux compagnies à 100 p. 100 américaines de faire des affaires au Canada.
Dans ce contexe-là, si cette loi devait être adoptée, si le Canada devait aller de l'avant avec une entente de ce genre-là, les Américains offriraient cela à tous les pays du monde. La question de Mme Brown revêt toute son importance dans le contexte.
En ce qui a trait à la dimension francophone, dans l'éventualité où vous iriez en affaires, les films américains seraient-ils traduits pour nous donner un service francophone? À ce moment-là, la traduction seraient-elle assurée par les services de traduction de ces films-là ou par l'entreprise qui existe au Québec, par exemple?
M. Kruyt: Je ne pense pas que ce soit une offre séduisante que d'offrir des films de langue anglaise traduits en français. Il faudrait d'abord viser des films francophones...
Mme Tremblay: Je parle des films doublés, comme on en a d'habitude.
M. Kruyt: Je ne suis pas sûr de la source du doublage des films d'Hollywood, mais j'imagine que...
Mme Tremblay: C'est fait soit au Québec, soit en France, pour les films français.
M. Kruyt: Je ne connais pas l'origine, mais j'imagine que si on avait le choix, on préférerait prendre ce qui est traduit chez vous. D'ailleurs, je pense que le public apprécierait davantage de s'entendre que d'entendre une traduction de France.
M. Bell: Je puis aussi vous assurer que si les Américains avancent l'idée d'une société américaine qui devrait avoir des droits contrôlés à 100 p. 100 par les Américains, ce ne serait pas dans notre intérêt. Cependant, si une société américaine comme DirectTv est prête à accepter un contrôle canadien, un contenu canadien, la contribution canadienne et l'emploi provenant de l'infrastructure canadienne, il est très important qu'on capte cet intérêt. Si nous refusons, nous risquons une réaction américaine et il nous sera difficile de nous défendre contre cette réaction. Il se pourrait qu'à ce moment-là, ils insistent pour que les société américaines aient le droit d'agir au Canada au même titre que les compagnies canadiennes ont le droit d'agir aux États-Unis.
[Traduction]
Monsieur le président, je veux simplement prendre deux minutes pour faire quelques observations sur une question relative aux droits qui n'a pas été soulevée jusqu'ici. Je veux dire très brièvement que, même si ces questions ne sont pas abordées dans nos documents, si, comme je le soupçonne, ce qui s'est passé lors des audiences du panel et du Comité sénatorial se passe également ici, et je m'attends à ce qu'il en soit ainsi, certains vont venir faire valoir devant nous que la façon dont nous envisageons de fonctionner aura des effets très négatifs en ce qui concerne les droits canadiens et les systèmes de radiodiffusion canadiens.
Je tiens à vous assurer que pour ce qui est de l'acquisition de droits de diffusion, nous agirons exactement de la même façon que les détenteurs actuels de licences. Par voie de conséquence, notre présence n'aura absolument aucun impact sur le marché distinct des droits canadiens que nous aurons la possibilité d'acquérir en vertu des conditions de notre licence, et nous serons tenus d'observer ce genre de politique et de suivre ces pratiques. Nous ne minerons pas, de quelque façon que ce soit, le marché distinct des droits canadiens.
Si ces questions jettent le trouble dans votre esprit, j'espère que vous saisirez l'occasion soit d'examiner ces documents soit de nous demander de répondre d'une façon ou d'une autre. Nous sommes tout à fait persuadés, comme nous avons réussi à démontrer au panel, que nous allons consolider et non miner le marché de ces droits. Je voudrais être sûr que nous aurons la possibilité de répondre à tout ce qui pourrait jetter un doute dans votre esprit à ce propos.
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
Mme Tremblay: Monsieur le président, la prochaine réunion est-elle prévue pour lundi?
Le président: Oui, c'est confirmé avec Astral et Allarcom, mais pas avec les autres.
La séance est levée.