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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 15 juin 1995

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[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Conformément au paragraphe 81(7) du Règlement, nous examinons les plans et les priorités de dépenses pour les exercices financiers dont il est question dans le document ministériel.

Nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui l'honorable Ron Irwin, ministre des Affaires indiennes et du développement du Nord qui, avec certains de ses collaborateurs, nous entretiendra de l'aperçu des priorités et des dépenses du ministère.

Monsieur le ministre, nous vous remercions beaucoup d'avoir bien voulu venir aujourd'hui parler au comité de ce que l'avenir réserve au ministère. Je vous prie de bien vouloir commencer quand vous serez prêt. Vous pouvez aussi nous présenter vos collaborateurs si vous le souhaitez.

L'honorable Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Développement du Nord): Je remecie le comité, monsieur le président, de son invitation à comparaître devant lui. Je suis heureux d'être ici. Je suis accompagné de hauts fonctionnaires du ministère.

Entre 1980 et 1984, lorsque je présidais l'un des comités parlementaires et que je siégeais de l'autre côté, je me disais que si les ministres comparaissaient devant les comités accompagnés des ténors de leur ministère, c'était pour que ceux-ci les empêchent de commettre des bourdes. Je ne suis plus de cet avis. Je suis accompagné aujourd'hui de hauts fonctionnaires qui connaissent très bien leur domaine. En vous les présentant, je vous signalerai leur domaine de spécialisation.

M. John Rayner est sous-ministre adjoint. C'est un homme qui a des connaissances étendues. Il est responsable des questions se rapportant à toute la région au Nord du 60e parallèle, à l'exception de la partie située au Québec.

Mme Shirley Serafini est sous-ministre associé. Elle est en poste au ministère depuis environ six mois, mais elle a travaillé avant cela pendant longtemps au BCP où elle a acquis beaucoup d'expérience et peut-être même d'ailleurs trop.

M. Jack Stagg est chargé de la politique et de l'orientation stratégique. En fait, c'est de lui dont relève l'élaboration de la politique et la rédaction législative. Dernièrement, je lui ai dit qu'il était brillant, et je crains qu'il ne demande une augmentation de salaire ou un autre poste.

M. Alan Williams appartient aux services ministériels, mais je sais que cela ne vous en dit pas très long. Presqu'à lui seul, c'est lui qui a représenté le gouvernement dans les négociations qui ont abouti au retrait du ministère du Manitoba.

En raison des compressions budgétaires subies par le Ministère et des nouveaux principes directeurs que nous nous sommes donnés, la haute direction ministérielle se retrouve dans les tranchées. Elle donne l'exemple à leurs employés en établissant des rapports directs avec les autochtones.

Je vous ai transmis le document intitulé «Aperçu des priorités et des dépenses» dont je vais maintenant vous entretenir.

En tant que parlementaires, nous avons la responsabilité de relever de nombreux défis. On pourrait même dire qu'ils sont parfois trop nombreux. Nous avons la responsabilité de relever ces défis et de les transformer en occasions. Comme le premier ministre l'a dit, nous devons «panser les plaies de ce pays et lui redonner sa dignité et son estime de soi. Je crois que nous sommes d'ailleurs en train d'y parvenir.

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Voilà ce que je me propose de faire aujourd'hui: souligner les défis que doivent relever le ministère, les Premières nations et le Nord et les démarches que nous comptons prendre avec les Premières nations pour trouver des solutions. Pour le ministère, l'aperçu des priorités constitue un outil de travail à cette fin. Il s'agit, si je ne m'abuse, d'un outil relativement nouveau qui nous permet de demander l'avis du comité et des Canadiens sur les orientations que nous comptons prendre.

L'aperçu présente notre vision à moyen terme, c'est-à-dire pour les prochaines années et constitue un survol des défis que devra affronter le ministère et des solutions que nous proposons compte tenu des ressources dont nous disposons actuellement. Ces ressources sont limitées comme les Premières nations commencent à le comprendre, je crois. Nous essayerons cependant d'en tirer le meilleur parti possible compte tenu du fait que nous devons assumer nos reponsabilités et vivre selon nos moyens.

L'édification de partenariats et la consolidation des collectivités sont les deux grands principes directeurs de notre tâche. Ces deux termes présentées à l'origine dans le fameux Livre rouge, furent réaffirmés depuis 18 mois par les autochtones, les aînés et les dirigeants des Premières nations avec lesquels j'ai discuté dans chaque région de notre grand pays.

En travaillant à ces deux thèmes, nous avons adopté une démarche pragmatique en commençant par la base. Nous avons essayé d'établir les erreurs ayant été commises dans le passé. Nous nous sommes notamment demandé pourquoi l'Accord du Lac Meech, l'Accord de Charlottetown et le Livre blanc n'avaient pas atteint leurs objectifs. Nous avons conclu que c'était parce qu'ils n'étaient pas pragmatiques et qu'ils n'avaient enregistré des résultats. Voilà comment fonctionne le gouvernement. L'autonomie politique signifiera pour les autochotones qu'ils devront régler les problèmes les uns après les autres à mesure qu'ils se posent.

Le Livre rouge comporte un certain nombre de projets précis. Je peux assurer aux membres du comité et, par l'entremise de ce forum, aux peuples autochones du Canada, que nous accomplirons la tâche que nous nous sommes fixée.

Nous oeuvrons depuis un an et demi à concrétiser les engagements pris dans le Livre rouge où l'on retrouve des mots merveilleux comme «esprit», «intention», «traité», «discussion», et «autonomie». Ce ne sont cependant que des mots. Depuis un an et demi, nous avons essayé de concrétiser les projets du Livre rouge. Des mesures en ce sens ont été mises en oeuvre dans tout pays.

Je suis ici pour solliciter l'aide de mes collègues parlementaires tant sur le terrain qu'à Ottawa. Quelle direction devons-nous maintenant prendre? Comment poursuivre les progrès qui ont été réalisés jusqu'ici? Nous avons conn des débuts difficiles, mais je suis fier de ce qui a été fait jusqu'ici.

Un des éléments clés de notre politique est la reconnaissance du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale en tant que droit ancestral réel et issu des traités en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. C'est l'engagement qui figure dans le Livre rouge, qui a été confirmé par le premier ministre le 13 octobre 1993, c'est-à-dire avant les élections, engagement d'ailleurs pris par notre ministre des Finances en 1990 lors d'une réunion de l'APN. Ovide Mercredi a souligné l'engagement pris par Paul Martin en 1990, la première personne à jamais avoir participé à des discussions de l'APN. Je ne savais pas personnellement que l'engagement remontait aussi loin. C'est donc un engagement ferme de mon gouvernement et de notre parti.

Nous élaborons présentement une proposition de politique sur le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale qui se veut pragmatique, pratique et souple, et qui permettra au peuple autochtone et à tous les paliers de gouvernement - fédéral, provincial, territorial et autochtone, de travailler ensemble. Comme l'a dit l'ancien premier ministre Trudeau: «On ne peut pas créer 600 pays au sein du Canada»... Si c'est ce qu'on veut, aussi bien abandonner la partie tout de suite. Nous devons conclure des arrangements qui permettent à ce vaste pays de fonctionner comme il le doit.

La proposition offrira aux autochtones un moyen efficace de bien diriger leur avenir. J'espère pouvoir anoncer bientôt une nouvelle politique à cet égard. Je crois que cette dernière constituera la reconnaissance des droits autochtones la plus pratique et la plus avant-gardiste au monde.

Pour la gouverne de M. Duncan, même à la Chambre, il peut y avoir certaines divergences de vue, mais je crois que tous s'entendent quand même pour dire qu'il faut déléguer certains pouvoirs aux autochtones. Nous devons cependant le faire de façon responsable et en nous acquittant de notre obligation de rendre compte.

J'écoute depuis un an et demi les intervenants du Parti réformiste, et j'ai constaté que nos objectifs sont très semblables. C'est sur la façon d'y parvenir que nous ne nous entendons pas.

Étant donné que l'autonomie politique ne se fera pas du jour au lendemain, les Premières nations et moi-même continuons de subir tous les jours les conséquences du paternalisme sur lequel repose la Loi sur les Indiens. Comme mesures provisoires, j'ai proposé qu'on modifie les articles les plus désuets de cette loi.

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J'ai écrit à tous les chefs, c'est-à-dire à 608 chefs, en expliquant qu'il fallait se débarrasser de cette loi. Nous ne voulons pas d'un simple réaménagement de la loi, qui ne ferait que prolonger sa vie d'un siècle supplémentaire. C'est-à-dire que nous ne voulons pas que cette loi vienne remplacer l'action que nous avons entreprise. Néanmoins elle a encore un pouvoir de nuisance remarquable. Si par exemple les Indiens veulent construire une galerie marchande dans la réserve, ou y installer une banque, ils se heurtent à des obstacles administratifs et à un paternalisme inacceptable, sous prétexte qu'ils ne sauraient pas gérer leurs finances. Tout ce genre de projet est déjà suffisamment difficile à monter à l'extérieur des réserves.

Nous pourrions donc débarrasser cette loi de toutes ses scories. Mais j'ai bien dit aux intéressés clairement que je ne me lancerai dans une telle opération qu'avec leur assentiment, lequel doit être le fait d'un consensus. À cet effet je leur ai demandé de me faire parvenir leur réponse par écrit avant la fin du mois de mai. Nous avons déjà certaines réponses, mais pas en nombre suffisant. De ce fait je vais leur donner un petit plus de temps que prévu. Ensuite je leur réexpédierai un résumé analytique des commentaires et réactions que nous avons pu recueillir aux quatre coins du pays. Je me ferai d'ailleurs un plaisir d'en faire également part au comité.

Cela devrait en même temps inciter les intéressés à prendre connaissance de ces réactions, et à manifester leurs préférences. Et si, dans certains cas, quelque chose les embêtait ou les gênait, le fait de prendre connaissance des réactions de telle ou telle nation ou tribu pourrait peut-être les inciter à répondre. Lorsque nous aurons suffisamment de réponses je suis disposé à rencontrer le comité, à lui exposer les arguments des uns et des autres, et à discuter d'une révision de la Loi sur les Indiens.

Une des réalisations régionales dont je suis le plus fier, et qui a d'ailleurs été saluée sur la scène internationale comme cas exemplaire de mise en oeuvre d'une autonomie politique, c'est l'entente-cadre du Manitoba. Je suis d'ailleurs rentré hier soir de cette province. Nous avons déjà l'impression que cela remonte à plusieurs années, alors que l'entente a été signée le 7 décembre 1994.

Je crois qu'en qualité de Canadiens vous seriez très fiers de cette évolution. Alors que par le passé on parlait d'allégeance à une Première nation - c'est un système que nous avions créé, et chaque Première nation restait fidèle à elle-même - les Indiens parlent maintenant d'allégeance à l'ensemble des 60 Premières nations.

Cette évolution se voit à des tas de petites choses. C'est ainsi qu'ils ont déjà fait sortir le premier numéro de leur journal. Hier soir c'était l'Association des banquiers qui était reçue. Je n'avais d'ailleurs rien remarqué, mais à un moment, je me suis retourné et j'ai vu huit ou neuf banquiers chevronnés assis, prêts à prendre la parole.

Tout cela est nouveau. Je pense que nous devrions être fiers, toutes tendances politiques confondues, de ce qui se passe. On parle donc maintenant de créer des banques autochtones. La première banque autochtone nationale, créée en coparticipation avec une grande banque canadienne, verra le jour très bientôt... D'ici huit semaines, j'imagine. Disons donc que les choses bougent.

Mais tout le monde comprend très bien là-bas que l'autonomie politique n'est pas une chose facile. Un exemple: Ils auront peut-être suffisamment d'argent pour construire une école, mais immédiatement 10 projets leur seront soumis. Certains d'entre vous connaissent bien l'enseignement, pour avoir enseigné eux-mêmes. J'ai moi aussi quelque expérience de ce secteur, puisque j'ai été administrateur et ensuite conférencier au Lake Superior State College. Moi, je suis toujours prêt à donner le feu vert à tous les projets. Dès qu'une proposition m'est soumise, j'ai tendance à vouloir l'approuver, mais en l'occurence nous n'avons tout simplement pas les fonds pour cela.

Ils comprennent donc que l'autonomie politique n'est pas chose simple. Lorsque 10 propositions leur sont soumises et qu'ils ne peuvent en approuver qu'une, il faut évidemment discuter, il n'y aura qu'un heureux gagnant, et 9 déçus. C'est ça l'autonomie politique, c'est tout un apprentissage.

Nous essayons donc de bien leur expliquer qu'il faut définir ses priorités, et savoir si ce sera l'enseignement par correspondance, ou la construction d'une école locale, d'une école secondaire, ou au contraire d'une action au niveau universitaire. Les budgets sont limités. Ils nous feront ensuite une recommandation. J'ai dit que les recommandations raisonnables seraient favorablement accueillies ici.

Tout cela est complètement différent de tout ce qu'on a vu ici, à l'époque où l'agent fédéral faisait tout. Cependant, la mentalité n'a pas complètement disparu: Ils s'imaginent qu'il est plus facile de nous faire faire le travail, puisque alors on peut toujours faire porter le chapeau au gouvernement fédéral, et éviter les retours de bâton politiques au niveau local. Mais pour le moment le processus suit bien son cours.

Au chapitre des revendications territoriales, les membres du comité m'avaient demandé l'an dernier d'étudier la possibilité de ne pas exiger l'extinction globale des droits et des titres autochtones dans le cadre des ententes futures de revendications territoriales. Il s'agissait d'une question relativement grave. C'est d'ailleurs, si je ne me trompe, ce qui est à l'origine du projet de loi relatif aux Sahtu.

Pour cela nous avons demandé à un juge, M. Hamilton, de réunir les faits, et son rapport nous parviendra probablement d'ici un mois. Je n'ai pas vu ce rapport, et je ne lui ai même pas parlé, mais si vous reprenez ce que la commission royale d'enquête a déclaré à propos de l'extinction des droits, et ce sont des conclusions très sensées - négociations sans préalable, on s'asseoit et on négocie etc. - et ce que M. Hamilton dira, nous aurons tout ce qu'il faut pour donner suite à la requête du comité.

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Les autochtones craignaient d'une certaine manière que ces rapports, et plus particulièrement celui du juge, Hamilton, tiennent lieu de politique gouvernementale puisque nous en étions les commanditaires. J'ai bien expliqué qu'il ne s'agira pas d'un document politique, il faudra attendre la décision du gouvernement pour cela. C'est un outil que le comité aura à sa disposition, en même temps que le gouvernement, pour décider et planifier. J'attends donc avec intérêt le rapport de M. Hamilton.

Il a tenu plus de 65 réunions avec des autochtones et non autochtones. Il a reçu plus de 76 mémoires écrits. Je suppose donc que nous pourrons prendre connaissance d'un excellent rapport. Partout où je me suis trouvé au Canada j'ai pu constaté qu'il m'avait devancé, et que l'impression qu'il avait laissée était excellente.

Nous songeons maintenant à modifier le rôle du gouvernement fédéral dans le Nord. Notre priorité sera de choisir la meilleure façon de gérer le développement politique et économique d'une région qui sera bientôt divisée en trois territoires: le Yukon, le Nunavut, et la partie ouest des Territoires du Nord-Ouest.

La création du Nunavut modifiera la géographie canadienne. Le Nunavut donnera à ses habitants les outils nécessaires aux changements économiques et sociaux indispensables à l'amélioration de leurs conditios de vie.

La Commission sur l'établissement du Nunavut a présenté une première série de recommandations exhaustives sur la structure du futur gouvernement territorial, notamment au sujet de la formation, du choix de la capitale et d'autres questions relevant de son mandat. Des discussions sont prévues au cours des prochains mois avec le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et la Société Nunavut Tungavik incorporated au sujet des recommandations de la commission.

C'est un rapport très intéressant, et approfondi. Je ne sais pas si vous en avez pris connaissance, mais c'est certainement le cas de M. Anawak. Le rapport est public. Il y est question d'un certain nombre de choses fondamentales dont nous aurons à traiter, telles que le choix d'une capitale, les arrangements et compromis à conclure, et la création ou non, d'une bibliothèque. Tout ça est très intéressant.

Toute personne spécialiste de la politique municipale et locale serait ravie de participer au processus. Vous-même, monsieur le président, en qualité de maire en seriez très heureux. Il s'agit de régler un certain nombre de choses très fondamentales, c'est un petit peu come si on créerait une nouvelle province. Dix-sept milles personnes seulement occupent ici un cinquième de la superficie du pays. Vingt pour cent de notre territoire... et en partie la circonscription de Jack Anawak. Et il va falloir créer une nouvelle structure gouvernementale. Tout cela va être passionnant.

Je suis plus qu'heureux que nous ayons jusqu'au 1er avril 1999 pour clore le processus. C'est ce qui est prévu dans l'entente négociée par le gouvernement précédent.

Tout cela va donner à notre pays un caractère bien particulier. Je ne vous avais pas vu depuis un an, mais je dois dire que se retrouver au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest où l'on parle huit langues officielles - il faut donc interpréter huit fois - est très impressionnant, c'est sans équivalent dans le reste du monde. C'est quatre langues de plus qu'aux Nations unies. Même les Russes cherchent à s'inspirer de ce que nous avons fait, c'est tout à fait étonnant.

Nous n'avons donc à prendre de leçons nulle part ailleurs lorsqu'il s'agit d'apprendre à vivre ensemble. Je pense que nous nous en tirons très bien. Lorsque ce nouveau territoire sera créé, ce sera quelque chose d'étonnant. Évidemment ce ne sera pas facile, mais ce sera un exemple pour le reste du monde sur la façon d'apprendre à vivre ensemble.

La croissance des activités des activités d'exploration gazière, pétrolière et diamantaire dans les Territoires du Nord-Ouest ainsi que l'activité minière et forestière au Yukon, sont autant de signes de la croissance remarquable que connaît l'économie du Nord.

Je suis rentré lundi du Yukon, où la première commissaire autochtone a été installée dans ses nouvelles fonctions. Elle a presque fondu en larmes à six reprises. C'était tout à fait impressionnant. Judy Gingell avait négocier la chose. Vous l'avez peut-être rencontrée en discutant la nouvelle législation relative au Yukon qui a été adoptée. Elle maintenant commissaire, et je dois dire que ce fut une cérémonie impressionnante.

À ce sujet, le Yukon n'a que trois ressources véritables, le tourisme, l'industrie minière, et une industrie forestière très fragile. Je pense que les mines vont bien se développer. Cela représente déjà un montant brut 600 millions de dollars par an. C'est l'industrie principale. Je crois qu'il faudra réduire l'importance de l'État, car l'administration gouvernementale est omniprésente. Or, on ne peut pas gérer le Canada en accroissant la présence de l'État partout.

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J'espère que le comité et nous-mêmes, en tant que Canadiens, tenons compte un peu plus de ce qui s'est passé au nord du 60e parallèle. Trop souvent, on oublie cette région ici à Ottawa au niveau politique et bureaucratique.

Vous n'avez que trois députés pour s'occuper de cette énorme région du Canada: Audrey McLaughlin, Jack Anawak et le secrétaire d'État pour la formation et la jeunesse. On doit accorder plus d'attention à cette région.

La Stratégie pour l'environnement arctique est une réalisation importante, non seulement pour contribuer à améliorer l'environnement dans le Nord, mais aussi pour y créer des emplois pour améliorer les compétences des habitants établis dans le Nord et créer d'autres avantages économiques. Cette stratégie est un excellent exemple de la concrétisation d'un engagement à l'égard du développement durable.

Là encore, il serait bon de coordonner les efforts vu les montants importants d'argent qu'on consacre à l'environnement et à la recherche. Les ministères travaillent indépendamment et j'espère que grâce à des gens comme Whit Fraser, nous pouvons regrouper tout cela pour avoir une meilleure idée de ce que nous faisons dans cette région.

Bien que nous ayons pris des mesures importantes sur le plan national, les questions du Nord, en particulier les problèmes environnementaux, ne peuvent pas être réglés par une seule nation. Le Canada collabore activement avec nos sept voisins circumpolaires à ces questions, notamment la SEA. Aujourd'hui, ces pays collaborent avec nous pour former un conseil arctique chargé de s'occuper non seulement des questions environnementales mais de tout ce qui concerne l'Arctique.

J'ai beaucoup appris de ce renversement de perspectives, de voir le monde selon la perspective de Jack, de voir le cercle polaire et de rencontrer les membres des autres pays de l'Arctique.

Je pense que le fait que Mary Simon soit notre ambassadrice de l'Arctique est un atout extraordinaire. C'est une femme fantastique, très compétente, qui connaît très bien son domaine et qui est très dynamique. Je pense que le fait qu'elle soit notre ambassadrice nous facilitera la participation des divers pays et nous permettra de faire davantage pour cette région. Cela ne diminue en rien le rôle utile que jouent Jack et les autres. Je pense qu'elle fera participer les autres pays. Nous n'avons tout simplement pas les ressources ni le temps pour nous rendre dans les autres pays et les convaicre de participer.

Il y a deux semaines, le Canada a accueilli ici à Ottawa une rencontre des hauts fonctionnaires des huit pays de l'Arctique afin de discuter de la création du Conseil arctique. Je suis heureux de dire que l'on en est arrivés à un consensus sur la nécessité de créer ce conseil.

Nous avons eu affaire à Mary Simon et je m'attends à des résultats importants.

Dans le Nord, nous avons fait également des progrès dans d'autres domaines, notamment la proclamation en février dernier de trois textes de loi adoptés par le Parlement l'an dernier qui entérinent quatre revendications territoriales définitives des Premières nations du Yukon et des ententes d'autonomie gouvernementale ainsi que des ententes sur les droits de superficie.

Nous avons également fait des progrès importants en ce qui concerne d'autres négociations territoriales dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon. J'ai rencontré les représentants de toutes les autres Premières nations lundi à Whitehorse. Il leur est difficile de se réunir, mais en adoptant les quatre textes de loi, ils se rendent compte que cela peut se faire et ils seront davantage prêts à travailler de concert avec nous, avec le gouvernement du Yukon.

Parallèlement, j'ai rencontré les responsables de l'industrie minière et de la Chambre de commerce. Ces autres groupes veulent que nous allions de l'avant et ils veulent avoir leur mot à dire. J'aimerais que ce processus soit ouvert, qu'ils aient effectivement leur mot à dire et que personne n'ait de droit de veto. Il est préférable que les maires et les divers intervenants sachent exactement ce que nous faisons, de telle sorte que lorsque les questions nous arrivent ici, nous savons qu'elles ont fait l'objet d'un consensus.

La population indienne des réserves est jeune et croît rapidement. Presque 64 p. 100 de la population indienne inscrite vivant sur les réserves au Canada a moins de 30 ans. Pour le reste de la population canadienne en général, ce pourcentage est de 43 p. 100. Par conséquent, nous avons besoin de nouveaux services sociaux, de logements et d'éducation. Ces services, fournis à d'autres Canadiens par les gouvernements provinciaux ou locaux, sont financés par le gouvernement fédéral par le biais de mon ministère pour les Indiens habitant les réserves.

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Nous faisons des progrès. Comme vous pouvez le voir d'après ce rapport...

On peut être découragés lorsque l'on voit tous les échecs en matière de logement, de réseaux d'alimentation d'eau, quand on voit tout ce qui reste à faire, à quel point nous avons été négligents depuis un siècle. Mais nous pouvons faire cesser tout cela. Je pense que à titre de parlementaires, nous ne pouvons pas sortir d'une réunion sans y laisser plus d'espoir qu'à notre arrivée.

Ce n'est pas nécessairement une question d'argent. C'est peut-être une question de motivation, donner à ces enfants l'envie d'être enseignant. C'est notre travail de semer l'espoir.

Puisque nous regardons tout ce qui ne marche pas, examinons les comparaisons à la page 11. En 1975, les autochtones administraient 53 de leurs écoles; en 1985, 229 et en 1994, 372. Le nombre d'enfants qui restent à l'école jusqu'à la douzième année a augmenté de 500 p. 100 entre 1970 et 1994. Il n'y en avait que 15 p. 100 en 1970, il y en a maintenant 77 p. 100. C'est là une réalisation très importante pour les peuples autochtones.

L'inscription aux écoles postsecondaires a augmenté de plus de 500 p. 100 entre 1970 et 1994. Elle est passée de 432 en 1970 à 23 000 actuellement, avec 150 000 diplômés. Je répète toujours qu'en 1968, il n'y avait que 600 étudiants autochtones dans les écoles postsecondaires, or, ils sont actuellement 23 000 et 150 000 sont diplômés.

La mortalité infantile a diminué de 60 p. 100 environ. Je ne suis pas mathématicien, ce sont donc là des chiffres approximatifs. De 1978 à 1990, la mortalité infantile a diminué de 26,5 par mille à 10,2 par mille.

Pour ce qui est de l'exécution des programmes, les autochtones sont en charge actuellement de 80 p. 100 de ces activités.

Bon nombre de ces succès sont dus au fait qu'ils estiment faire partie du processus, qu'ils ont un certain pouvoir et qu'ils progressent.

L'amélioration des conditions de vie quotidienne des Premières nations et des Inuit sera un des grands objectifs de ma tâche au cours des prochaines années. Associée à la mise en oeuvre des ententes d'autonomie gouvernementale, cela devrait permettre aux communautés Inuit et des Premières nations de créer des communautés saines et autonomes. Je crois que tous les parlementaires et tous les Canadiens partagent cet objectif.

Je suis particulièrement heureux que vous reconnaissiez également l'importance de ces questions. votre décision d'établir un sous-comité sur l'éducation, sous la présidence talentueuse de Robert Bertrand, est une preuve tangible de votre soutien. Je crois fermement que l'éducation est essentielle à la création de communautés indienne et inuit solides.

Pour preuve de notre engagement, et conformément aux promesses du Livre rouge, nous avons accordé 20 millions de dollars supplémentaires pour l'éducation postsecondaire des Indiens et des Inuit en 1994-1995. Il s'agit de fonds de rattrapage.

Je suis sûr que personne ici ne voudrait priver un jeune Indien ou Inuit de son éducation, ne pas lui donner les compétences voulues et les voir recevoir l'assistance sociale simplement parce que nous n'avons pas de planification à long terme. Je pense qu'une fois que ces jeunes seront éduqués et auront les outils nécessaires, nous aurons fait notre travail.

Le financement annuel de l'éducation postsecondaire a augmenté de 48 millions de dollars depuis que nous avons été élus. Cette année, les fonds dépassent 261 millions de dollars.

L'étude de votre sous-comité sur l'éducation des Indiens et des Inuit sera un outil précieux pour déterminer les besoins dans ces domaines. Je crois comprendre que depuis février, votre sous-comité a rencontré de nombreux groupes autochtones, des professeurs d'université et des fonctionnaires de mon ministère. Je crois savoir que tous les ministres provinciaux de l'éducation ont été invités à comparaître devant le sous-comité et que les députés se sont déplacés dans tout le pays.

Je pense que la difficulté à laquelle sera confronté le sous-comité, c'est que les fonds s'élèvent à un peu plus de 1 milliard de dollars et que nous ne pouvons pas les augmenter. Comment pouvons-nous dans ce cas améliorer la situation? Je vous donnerai un exemple.

Avec 150 000 diplômés, il y a environ 300 avocats mais seulement 59 médecins et 5 experts forestiers certifiés. Nous avons beaucoup d'avocats, 300 avocats, et beaucoup d'enseignants, mais il faut davantage de scientifiques. On ne peut pas dire à un jeune de 18 ou 19 ans qu'il va devenir un scientifique; cela doit commencer lorsqu'il a quatre ou cinq ans. J'espère que le comité envisagera l'éducation à distance, comment combler les lacunes...

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Par exemple, nous envisageons le transfert des responsabilités pour le pétrole et le gaz en Alberta et en Saskatchewan. Environ 120 Premières nations sont des responsables en matière de gaz et de pétrole, environ 50 d'entre elles détiennent des avoirs importants mais elles n'ont pas assez de géologues. Elles n'ont pas assez de techniciens, c'est pourquoi j'ai besoin de vos conseils pour savoir comment utiliser les fonds dont nous disposons pour combler les lacunes.

Il est inutile de faire de nombreuses études pour connaître les besoins, car ils sont évidents. La plupart d'entre vous les connaissez car vous êtes témoins de la demande. Nous ne parlons pas de lacunes dans des petits domaines mais dans des domaines importants. Comment pouvons-nous dire qu'il y a une médecine autochtone quand il n'y a que 58 médecins dans tout le pays? Je ne pense pas que cela va fonctionner. Nous avons besoin de médecins qui retourneront dans la communauté et y resteront. Nous ne pouvons pas continuer de détacher des médecins du sud; les médecins doivent faire partie de la communauté.

Les conditions de logement dans certaines réserves continuent d'être parmi les pires au Canada. Cela est simplement inacceptable dans notre pays. Combien d'anciens maires avons-nous ici? Au moins un. Des conseillers... Chaque fois que nous avons besoin de 50, 60 ou 70 logements, le Rotary Club ou le Kiwanis ou l'Église catholique peut toujours former une société pour répondre aux besoins. Cela n'existe pas chez les Autochtones.

En tant que maire, je pourrais obtenir 50 maisons si j'avais besoin de 50 logements. Je ne peux pas l'obtenir dans mon ministère. Nous avons oublié ces gens du Nord. Il n'est pas suffisant de dire que nous devons 500 milliards de dollars et que tout le monde doit faire sa part de sacrifices. Cela serait normal si nous nous étions acquittés de nos devoirs envers les Indiens et les Inuits. Dans ce cas là ce serait acceptable, mais nous ne pouvons pas permettre que des gens vivent dans la pauvreté sous prétexte que cela dure depuis un siècle, et ne pas leur fournir le logement et l'éducation nécessaires simplement parce que nous devons soudain nous préoccuper du déficit - ce que nous devons faire effectivement.

Nous n'arriverons jamais, de mon vivant, à niveler ces écarts, mais nous devons les en rapprocher le plus possible avant d'exiger qu'ils fassent leur part de sacrifice. Ils le font depuis un siècle alors que nous avons veillé aux intérêts de nos propres sociétés.

Nous devons trouver de meilleurs moyens de les loger. Je ne suis pas entrepreneur, mais je pense les avoir tous rencontrés au Canada pour essayer de trouver de nouvelles idées. D'après le Livre rouge, nous sommes autant censés perfectionner les compétences que fournir des logements. J'ai examiné tous les différents types de logement.

Depuis deux mois, nous avons un projet-pilote d'environ 1,5 millions de dollars qui consiste à construire des maisons en rondins et non des cabanes en rondins. Il s'agit de maisons selon les normes de la SCHL, avec des tapis, des fosses septiques. Nous pouvons les construire pour environ 50 000$, c'est-à-dire à moitié prix.

Il y a trois semaines, je me suis rendu dans la Première nation Dokis pour rencontrer un des constructeurs. C'est une femme d'environ 35 ans. Sa grand-mère qui a été chef pendant 27 ans et s'est vu décerné l'Ordre du Canada. Sa mère est chef depuis trois ans. Cette femme sait comment construire des maisons en rondins. Jim Doughty et moi-même avons examiné ce qu'elle a fait. Elle a des employés autochtones dont elle exige une journée de travail complète et les compétences voulues. Ces employés ont appris.

Lorsque nous avons examiné ce que l'un des employés avait fait avec les compétences qu'il avait acquises, nous avons constaté qu'il avait construit sa propre maison en rondins - j'aurais dû apporter des photos, car elle est magnifique. J'aimerais en avoir une pareille. Elle va donc en construire quatre et elle vient de commencer.

Voilà le genre de personnes que nous devons trouver, pour travailler à moins cher, faire acquérir les compétences et ainsi de suite. D'autre part, nous lui avons demandé de venir à Thunder Bay. Trois députés sont venus à Thunder Bay avec moi et nous lui avons demandé de parler aux autres personnes présentes. Elle était nerveuse mais elle a fait son exposé. Elle avait un auditoire et elle a dit ce qu'elle pouvait faire.

Elle ne dit pas qu'elle peut faire ces choses aussi bien que les Blancs, les non-Autochtones. Je n'utilise pas ce terme dans un sens pégoratif. J'entends cela tous les jours. Les Autochtones nous définissent tous - Irlandais, Italiens, Français - comme des Blancs. J'en prends l'habitude. Je devrais dire plutôt les non-Autochtones. Donc, elle ne dit pas qu'elle peut faire les choses aussi bien que les non-Autochtones; elle nous dit carrément qu'elle peut le faire mieux que nous. Voilà le genre de personnes que nous trouvons là-bas.

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Au Nouveau-Brunswick, la Banque impériale de commerce, MacMillan Bloedel et les Premières nations du Nouveau-Brunswick se sont associés temporairement pour réaliser un projet de 100 millions de dollars. La participation des autochtones ne s'élève qu'à 10 p. 100. Il s'agit d'une usine de panneaux à copeaux orientés dont la longueur est au moins l'équivalent de deux terrains de football. Ce type de coentreprise existe et les autochtones en font partie.

Donc, nous pouvons agir à tous les niveaux. Nous ne pouvons pas laisser de plus en plus de gens dépendre de l'assistance sociale et le développement économique stagner. Nous devons trouver les gens qui peuvent réussir, s'assurer qu'ils sont en affaires, les aider puis les laisser se débrouiller.

Évidemment il existe une certaine crainte. Hier au Manitoba, j'ai dit: je sais que vous avez peur, mais pensez-vous que nous n'avons pas peur de notre côté? si le taux d'échec des petites entreprises au Canada est de 50 p. 100, pensez-vous que vous allez faire mieux? Si nous pouvons avoir un succès pour chaque échec, c'est la moyenne nationale pour les petites entreprises. Je ne demande même plus combien d'emplois sont créés. Vous avez vu dans la deuxième page de chaque mémoire du gouvernement que «cette entreprise crée 50 ou 60 emplois». Il importe peu que ce soit un, deux ou cent emplois tant que l'entreprise est durable, solide et entre bonnes mains, et que nous n'avons pas à venir voir une fois par mois ce qui se passe.

L'autosuffisance est absolument essentielle pour les Premières nations et les Inuit. Je pense que la seule façon de les aider est de trouver ces diplômés et ces gens compétents et de travailler avec eux à titre de gouvernement. Je ne parle pas du gouvernement à Ottawa, je parle des petits bureaux disséminés dans le pays. Je leur demande de sortir de leurs bureaux et d'essayer de trouver qui sont ces personnes.

Je tiens des consultations avec les responsables des Premières nations et des Inuit dans un esprit de véritable collaboration afin de définir les changements nécessaires pour que les programmes de développement économique du ministère fonctionnent. Ce processus permettra aux futurs programmes de développement économique de se concentrer sur les activités qui mènent directement à la création d'emplois.

Il y a environ deux ou trois mois, j'ai envoyé un message aux directeurs généraux de régions leur disant que nous examinons notre programme de développement économique, qui représente environ 50 millions de dollars. Il ne s'agit pas du programme d'assistance sociale mais du programme de développement économique. Nous voulons voir vos états de profits et pertes et nous voulons savoir qui sont les gagnants. Le message que nous devons transmettre aux communautés non autochtones, c'est de montrer ce que nous avons fait, par exemple dans le nord de la Saskatchewan... comme Meadow Lake ou les autochtones ont repris une compagnie forestière en faillite et l'exploitent maintenant depuis cinq ans. Ils emploient 300 personnes directement et 1 000 autres indirectement dans votre région.

Voilà donc les gagnants et c'est ce que nous voulons voir. Appelons-le un développement économique véritable, axé sur le produit, une série de réussites. Au début, les autochtones étaient inquiets. Ils pensaient que nous les abandonnions. Lorsqu'ils reçoivent un avis de ce genre du ministre, ils pensent que c'est simplement une façon de se décharger du fardeau. Je les ai rencontrés dans tout le pays. Maintenant ils comprennent mieux et sont beaucoup plus positifs. Ils comprennent ce que nous faisons et veulent en faire partie. Ils disent ne plus vouloir dépendre de l'assistance sociale, ne plus avoir leur nom dans les journaux tous les jours; ils veulent véritablement participer.

C'est pourquoi ils travaillent avec nous et j'espère que cet esprit se répandra dans tous les autres ministères. Il y a plusieurs autres ministères, pas seulement le mien, qui sont associés au développement économique des autochtones. En consultation avec les Premières nations, mes fonctionnaires régionaux examinent comment utiliser plus efficacement les fonds de développement économique très limités dont nous disposons, notamment comment utiliser l'assistance sociale pour améliorer les créations d'emplois.

J'ai dû réfléchir à ce que nous allons faire au cours des quatre ou cinq prochaines années et au cours de la prochaine décennie. Je pense que collectivement - et j'aurais besoin de l'aide du comité - la principale question sera de savoir comment transformer l'assistance sociale en développement économique. Il me semble tout à fait ridicule que le budget de l'assistance sociale soit de 1 milliard de dollars et que celui du développement économique soit de 50 millions. Ce devrait être l'inverse et je pense que c'est là notre principal défi. Comment allons-nous coordonner la formation, le développement économique et des choses comme le système bancaire autochtone qui vont entrer en jeu et redresser la situation?

Nous devons également nous occuper du logement et de l'éducation. Nous avons fait des progrès dans le domaine de la santé, mais le principal défi que doit relever le comité et les parlementaires est d'inverser les chiffres. Si nous ne faisons rien, le problème ne va pas disparaître. Il va se perpétuer. Nous devons nous en occuper franchement et directement avec les peuples autochtones. C'est un problème et nous devons savoir comment le résoudre.

.1145

Pour ce faire, en février dernier, nous avons organisé une tribune sur le financement des autochtones au Nouveau-Brunswick. Nous avons réuni des banquiers, des compagnies de fiducie et des hommes d'affaires autochtones de tout le pays. La personne qui animait cette rencontre n'a pas été très efficace les deux premiers jours et les choses n'allaient pas très bien.

Ces gens d'affaires autochtones gèrent des fonds de 10 ou 20 millions de dollars. Une petite subvention ici ou un geste symbolique là ne les intéressent pas. Ils veulent un développement à grande échelle et des petites entreprises viables.

Les banquiers et les gens d'affaires autochtones - c'était quelque chose à voir - ont demandé à notre animateur de se retirer, ce qu'il a fait. Le chef Larry Sault, de la réserve New Credit de Chippewas Mississauga a présidé la réunion et l'a remise sur la bonne voie. Les deux dernières journées ont été extraordinaires, la province étant même représentée et le ministre disant que c'était une bonne idée. Les participants se sont entendus pour faire un rapport d'état dans trois mois puis dans six mois.

Est-ce à vous, Alan qu'ils font rapport?

M. Alan Williams (sous-ministre adjoint, Services ministériels, ministère des Affaires indiennes et du Nord): Je m'en occupe effectivement.

M. Irwin: Le comité aimerait peut-être savoir comment cela se passe.

Hier, huit ou neuf banquiers étaient au Manitoba pour travailler avec les peuples autochtones, et en Saskatchewan, ils travaillent à la mise sur pied d'un système bancaire autochtone. C'est très positif. Je ne veux pas vous raconter d'histoires. Cela n'a pas été facile mais c'est absolument nécesaire.

J'ai dit très clairement que les banques sont invitées à se lancer dans des co-entreprises avec les peuples autochtones, mais les peuples autochtones de notre pays ne se verront pas refuser l'accès aux institutions financières pour la simple raison qu'ils sont autochtones. Lorsque le premier ministre du Canada a parlé de dignité et de respect pour les Canadiens, il ne pensait pas seulement aux Canadiens non-autochtones mais à tous les Canadiens. Ils doivent avoir accès au capital, sinon ils ne pourront pas agir.

Pour ce qui est du gaz et du pétrole, les Premières nations de l'Alberta et de la Saskatchewan souhaitent dégager leurs fonds et assurer leur autorité. Actuellement, ils ont du pétrole et du gaz sur leurs réserves, mais ils ne peuvent rien faire sans avoir la bénédiction du gouvernement fédéral.

Nous avons confié ce travail à des gens très compétents pour voir comment cela fonctionnera. Un premier groupe nous dit qu'il va chercher à contrôler ses propres ressources gazière et pétrolifère. Ce n'est d'ailleurs pas une Première nation de l'Alberta mais la Première nation White Bear de Saskatchewan. Parce que ce chef a eu le courage d'être le premier, nous en avons maintenant quatre ou cinq autres qui sont prêts à essayer.

Nous en sommes vraiment aux étapes initiales, mais je constate que une fois que un ou deux chefs au courant auront le courage de se lancer dans l'aventure, le reste sera plus facile. La difficulté est d'obtenir qu'un premier s'engage, surmonte sa crainte et se lance dans cette entreprise. Avec ce que nous pouvons faire en matière d'éducation et de transfert des responsabilités, j'espère que nous obtiendrons des résultats intéressants en Alberta et en Saskatchewan.

Les restrictions financières sont une réalité pour tous les gouvernements et pour tous les segments de la population canadienne, y compris les Premières nations et les territoires. Mais le gouvernement fédéral prend des mesures pour que ceux qui ont le plus de besoins, ce qui comprend les peuples autochtones, n'aient pas à supporter une part inéquitable des mesures de restrictions.

C'est pourquoi le budget du ministère consacré aux programmes et aux services, en dehors des principaux transferts aux territoires, passera de 3,76 milliards de dollars en 1994-1995 àa 4,21 milliards en 1997-1998. Bien que cela représente une croissance moyenne annuelle de 3,8 p. 100, il s'agit d'une réduction par rapport à la croissance de 8 p. 100 que nous avons connu jusqu'à présent.

Le financement des programmes indiens et inuit augmentera de 6 p. 100 en 1995-1996 et de 3 p. 100 chacune des deux années suivantes. Cela semble une augmentation importante, mais le problème vient du fait que le taux de natalité des autochtones est maintenant de 2,3 fois plus élevé que la moyenne canadienne.

.1150

Le gouvernement fédéral est responsable au premier chef du financement des services de base pour les Indiens des réserves et les habitants des territoires. Il s'agit là des services élémentaires et quotidiens nécessaires à la vie et au développement de ces collectivités: éducation, services sociaux, bâtiments publics, administration locale, routes, alimentation en eau, égoûts etc. Avec les transferts aux territoires, plus de 80 p. 100 du budget du ministère sert à la prestation de ces services.

Outre ces services de base, il faut s'acquitter également des obligations conférées par la Loi sur les Indiens et celles résultant des traités et revendications territoriales. Il n'y a dans le budget qu'un très petit volant discrétionnaire. C'est pourquoi j'espère que le comité pourra introduire un peu plus d'imagination.

Diverses mesures seront prises pour respecter nos contraintes budgétaires. Mon ministère réduira les frais administratifs de 20 millions de dollars au cours des trois prochaines années par des compressions de personnel, la réduction des dépenses pour le transport, les communications, les services professionnels, les fournitures et le matériel. Les effectifs du ministère seront réduits encore de 300 personnes au cours des trois prochainnes années, en sus des 442 postes supprimés au cours des deux dernières.

Cela n'a pas été facile. Je sais qu'il est facile d'enfourcher le cheval de bataille de la mise à pied de fonctionnaires, mais ce sont là des gens qui ont des familles et qui ont déjà bien du mal à s'en sortir. Nous essayons donc de procéder au licenciement de la façon la plus humaine possible. Cela n'a pas été facile, mais sur les premiers 442, il n'y a que 12 employés que nous n'avons pas réussi à placer ailleurs.

Mme Shirley Serafini (sous-ministre adjointe, ministère des Affaires indiennes et du Nord): C'est moins de 10, je pense.

M. Irwin: La Fonction publique se rétrécit, avec les départs naturels et toutes les autres compressions. Il devient de plus en plus difficile de trouver d'autres postes pour les employés, car l'éponge perd sa capacité d'absorption partout. Le nombre des départs à la retraite est limité.

Par ailleurs, les crédits versés aux Premières nations pour couvrir les salaires relatifs aux services publics, tels que l'éducation et les services sociaux, n'augmenteront pas au cours des deux prochaines années. Ces salaires sont gelés dans les collectivités autochtones, tout comme les salaires des autres fonctionnaires.

Cela ne signifie pas que nous renoncions à notre politique d'embaucher davantage d'autochtones et d'en nommer davantage à des postes importants des organismes gouvernementaux. Cette politique est non seulement maintenue mais sera même renforcée pour réfléter l'esprit du partenariat que nous voulons construire avec les Premières nations. L'autonomie gouvernementale n'est qu'un vain mot tant qu'il n'y aura pas d'autochtones aux leviers du pouvoir.

Le problème que j'ai actuellement est que chaque chef veut traiter directement avec moi. Cela découle de la notion qu'on traite avec le souverain. En réalité, dans la plupart des cas, c'est avec les quatre personnes qui m'entourent ici qu'ils devraient traiter; ils sont les directeurs généraux régionaux. Il faut introduire davantage d'autochtones dans la Fonction publique afin qu'ils voient comment les choses fonctionnent, comment fonctionne la démocratie gouvernementale.

Les difficultés sont nombreuses. J'ai hésité, au début, à accepter ce portefeuille, mais après 19 mois je ne vois pas de tâche plus intéressante, ou de comité meilleur auquel appartenir, que ce qui s'occupe des autochtones. Il y a tellement de défis à relever, mais aussi tellement de réussites.

Parfois je désespère, comme dans le cas des Pukatawagan, où 900 des 1 700 habitants de la réserve avaient des éruptions cutanées à cause d'un réseau d'égoût défectueux et parfois j'espère, notamment dans le cas de Cheslatta Carriers, où une jeune fille de 18 ans pleurait à cause de quelque chose qui s'est passé dans les années 1950. La convalescence a commencé.

Nous le voyons partout dans le pays. Il y a 5 000 entreprises autochtones, grandes et petites, et 150 000 diplômés. Ils savent s'exprimer, ils sont avocats et enseignants. Nous voyons aussi les réussites.

L'essentiel, c'est de leur donner l'occasion de s'en sortir. Si nous faisons cela, nous aurons rempli notre rôle.

Je vous remercie de m'avoir laissé parler si longtemps et de m'avoir invité.

.1155

Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le président: Je vous remercie, monsieur le ministre.

La période des questions revêtira la forme habituelle: 10 minutes pour le Bloc, 10 minutes pour le Parti réformiste, 10 minutes pour le Parti libéral, puis cinq minutes pour chaque tour supplémentaire.

[Français]

M. Bachand (Saint-Jean): Je suis très heureux de votre présentation, monsieur le ministre. D'ailleurs, je passe la semaine dans ma circonscription et je suis venu ici aujourd'hui expressément pour vous questionner. C'est rare de pouvoir questionner le ministre en public, surtout devant les médias.

Je sais aussi que vous êtes taillé sur pièce pour le dossier autochtone. Vous êtes un homme d'action; vous allez directement dans les réserves, comme moi d'ailleurs. Cependant, même avec vos belles qualités, vous comprendrez qu'en tant que porte-parole de l'opposition, il faut que je vous trouve quelques défauts.

Je vais poser seulement trois questions, mais elles formeront un crescendo politique. La première, qui n'a pas beaucoup d'implication, portera sur la Loi sur les Indiens.

Vous nous avez dit que vous aviez envoyé des lettres à plusieurs chefs, peut-être à tous les chefs du Canada, afin de voir comment ils réagiraient à des amendements à la Loi sur les Indiens. Cela peut lancer plusieurs signaux. Malheureusement, je n'ai pas vu cette lettre.

Voulez-vous dire par là qu'on ne verra pas, par exemple, l'abolition de cette loi avant une décennie ou deux? Est-ce que cela signifie aussi que vous ne consultez pas directement l'Assemblée des Premières nations?

J'aimerais savoir où vous voulez en venir compte tenu qu'au Manitoba, on veut déjà faire avancer les choses plus rapidement et que, tout à coup, cela nous arrive un peu comme une surprise: on veut modifier la Loi sur les Indiens. Je veux connaître, si possible, les véritables raisons derrière cela.

[Traduction]

Mr. Irwin: L'autonomie, les droits inhérents et toutes ces choses peuvent prendre 10 ou 15 ans. Le démantèlement du ministère au Manitoba s'étalera sur 10 ans. Entre temps, il faut passer un coup de balai pour se débarasser des dispositions les plus archaiques de la Loi sur les Indiens.

Par exemple, lorsque j'étais avocat de Premières nations, particulièrement des Ojibway dans le nord de l'Ontario, il y avait énormément de frustration, surtout sur le plan du développement. Comme je l'ai indiqué, ils peuvent avoir une entreprise toute prête à démarrer mais il leur faut obtenir toute une série d'autorisations, de résolutions de conseils de bande et d'agréments des bureaux de district.

Dans la bande de Garden River, une partie de leur territoire avait été exproprié pour en faire une carrière de gravier destinée à la construction d'une route. Ils ont racheté le terrain. Il a fallu quatre ou cinq ans pour réintégrer le terrain dans la réserve à cause de toutes ces couches bureaucratiques successives.

En Saskatchewan, je pense que plus de 1 million d'acres - en tout cas, une superficie énorme - ont été achetés. Ils ne peuvent intégrer ces terrains dans les réserves à cause de dispositions archaiques de la Loi sur les Indiens concernant les intérêts de tiers, comme les lignes et routes qui ne peuvent être transférées. C'est un mécanisme; cela n'enlève rien aux droits de personne.

Tout le monde dans le pays connaît ces entraves irritantes. Je leur ai clairement expliqué que tout ce que je veux c'est supprimer ces entraves. Par exemple, la Loi sur les Indiens prévoit des mandats de deux ans pour les chefs. La plupart estiment que c'est trop court. On envisage actuellement de tenir les élections de bandes tous les trois ans.

Je ne sais pas s'ils iront jusqu'à demander le changement, mais ce serait excellent, car ils disent qu'ils ne peuvent pas travailler dans le cadre d'un mandat de deux ans. Il faut six mois pour se familiariser avec le nouveau conseil. Ils ont ensuite un an pour travailler, et puis il y a six mois de campagne électorale. Il faut faire passer le mandat à trois ans.

Ce n'est pas pour remplacer ce que nous allons faire. Nous allons faire quelque chose dans 10 ou 15 ans mais il faut se débarasser de ces entraves qui gênent tout le monde.

À l'origine, l'APN voulait que tout passe par elle directement, et j'ai répondu que je travaillerais certes avec elles, mais aussi directement avec les chefs. J'ai rencontré l'APN à ce sujet il y a deux ou trois semaines et je lui ai dit que je communiquerais le résultat de la première série de lettres que nous recevrions et qu'il vaudrait mieux que nous envoyions aux chefs une lettre conjointe, l'APN et nous mêmes, afin de les inciter à répondre en plus grand nombre. Je ne sais pas si cela se fera, mais quoiqu'il en soit nous avons un processus que nous allons poursuivre: recueillir les avis et avancer.

.1200

Au Manitoba, ils voulaient une lettre, que je leur ai donnée. Ce que nous faisons avec la Loi sur les Indiens ne changera rien à l'accord. Je leur ai donné cette garantie aux alentours du 5 mai. Cela ne change rien à ce que nous faisons dans le cadre de l'accord au Manitoba.

[Français]

M. Bachand: Je voudrais aller directement à ma troisième question parce que j'ai peur de manquer de temps. Cette question me brûle les lèvres depuis plusieurs années, monsieur le ministre, surtout depuis que je suis critique aux affaires indiennes.

J'ai écouté votre exposé et vous n'avez pas du tout parlé du Québec. Je sais que lorsque vous venez au Québec, cela crée souvent des tempêtes. La dernière fois, c'en fut toute une. Je veux vous parler de Kanesatake.

Actuellement, le mot court sur les lèvres de tous les Québécois que le gouvernement fédéral ne veut pas régler les problèmes de Kanesatake. Contrairement à vous, tout le monde sait que je ne suis pas un ami intime de Jerry Peltier. Je pense que vous avez un lien fiduciaire en ce qui a trait à ce qui se passe là.

[Traduction]

Le président: Je pense que le ministre traitait dans son exposé de questions très générales, des orientations du ministère. Vous pouvez peut-être citer un exemple pour illustrer une situation plus générale, mais je ne pense pas qu'il s'agisse d'aborder ici des cas très particuliers. Sinon, nous n'en sortirons jamais. Pourriez-vous poser une question de nature un peu plus générale?

[Français]

M. Bachand: Je vais vous poser une question ayant trait aux Premières nations au Québec. Y a-t-il, dans votre toile de fond, un lien entre la question référendaire sur l'avenir du Québec et la question autochtone au Québec? Le gouvernement fédéral aurait-il intérêt à ce que les négociations n'avancent pas au Québec afin de mettre en péril la campagne référendaire?

Nous avons vu le coup de la Brink's, en 1976, à la veille de l'élection du PQ. Les Québécois se demandent si nous allons maintenant assister au coup d'Oka pendant la période référendaire. C'était ma question. S'applique-t-elle généralement au Québec en ce qui a trait aux négociations?

[Traduction]

M. Irwin: En fait, il y a moins d'incidents qu'il n'y en avait sous les gouvernements précédents ici, à Ottawa. Il n'y a plus d'Oka au Québec. On ne dépense plus 200 millions de dollars pour faire venir des militaires. Comme vous, à Kanesatake... Ils allaient vous kidnapper lorsque vous y étiez. Ils ne savaient pas où vous étiez, vous alliez de porte en porte.

J'y suis allé seul avec ma femme, et je me suis assis avec le chef Peltier. Il a été réélu - par 22 voix seulement, mais quand on est élu, on est élu. Ce n'est donc plus la peine de parler de la légitimité du grand chef Peltier. Il a sa légitimité. Il a été élu. Nous y avons envoyé Coopers & Lybrand. J'attends leur rapport. Je ne sais pas s'il me sera adressé directement ou à eux. Mais c'est lui le chef. Que vous vous entendiez ou non avec lui, peu importe... Gerry, c'est Gerry.

Avec le Huron, Max Gros-Louis, nous avons maintenant engagé des négociations tripartites pour signer un traité, ce qui est quelque chose de nouveau au Québec - avec le gouvernement du Québec, avec Max Gros-Louis et le gouvernement fédéral. Max Gros-Louis est là-bas avec le premier ministre provincial, a essayer d'aider la province. Nous avons fait une offre de règlement de 400 millions de dollars à la CAM, les Attikamek - Montagnais, avec David Cliche.

J'ai eu des entretiens très positifs avec David Cliche. Nous avions une entente claire. Il est séparatiste, je suis fédéraliste. Cela n'enlève rien à ce que nous essayons de faire pour ces Indiens, car ils ne vont pas disparaître, ils seront toujours là.

Nous travaillons avec les Inuit dans le Grand Nord. Nous avons de bons négociateurs là-bas.

Ce que j'essaye de faire, c'est trouver de bons médiateurs et négociateurs qui ne veulent pas faire de ce travail une carrière. Bon nombre de nos négociateurs ont pas mal de cheveux gris. Ils vont là-bas, font leur travail et rentrent.

.1205

Les choses s'améliorent dans le cas des Algonquins et des Abénakis. Dans l'ensemble, avec toutes les 10 Premières nations du Québec, avec les Inuit et avec les 40 collectivités qui existent, les choses vont beaucoup mieux aujourd'hui qu'il y a un an. C'est plus calme et les négociations vont bien. J'ai déjà dit que, pour moi, le pays continuera d'exister après le référendum. Si le Québec agit positivement, nous allons agir positivement. Mais je sais que la crainte dont vous parlez existe. Mais elle n'est pas fondée. Ce que j'ai dit au Québec, je le redirai n'importe quand. Si des gens veulent rester au Canada - la question, c'était ça - que Dieu les bénisse; s'ils veulent continuer d'appartenir à notre pays, que Dieu les bénisse aussi. C'est bien simple.

Le président: M. Duncan.

M. Duncan (North Island - Powell River): Merci, monsieur le président.

L'exposé du ministre a duré 55 minutes, ce qui montre bien la complexité et l'étendue de son portefeuille. J'aimerais parler des questions que le ministre lui-même a abordées. Je voudrais exprimer mes préoccupations d'une façon qui se traduise par des suggestions constructives. Il ne restera peut-être pas beaucoup de temps quand j'aurai fini, mais le précédent créé lors des audiences du mois de mai, devrait me permettre d'obtenir des réponses par écrit. Ça m'irait tout à fait.

Vous avez abordé une dizaine de domaines. Vous avez commencé par la Loi sur les Indiens et ses lacunes. Ce qui me préoccupe le plus, c'est que nous ne pouvons pas créer un vide juridique en attendant de moderniser notre loi habilitante. Or, il y a actuellement un vide juridique à cause de certaines circonstances; je pense au cas de la réserve Stoney, qui a été soulevé au Parlement, il y a quelque temps.

Le ministre m'a demandé d'intervenir là-dedans. Cela ne m'est pas possible, mes ressources sont trop limitées et je ne peux pas. Mon personnel me dit que je me dépense trop.

Je m'intéresse donc à ce qui se passe actuellement à la réserve Stoney.

Le président: C'est une discussion qui pourrait nous mener loin. Au lieu de parler d'un cas particulier, je préférerais qu'on s'en tienne à des généralités, quitte à se servir d'un cas particulier pour illustrer un propos général.

M. Duncan: C'est précisément ce que j'essayais de faire, monsieur le président.

En matière d'autonomie gouvernementale, vous savez sans doute qu'à mon avis, on met la charrue avant les boeufs. Je crois savoir que l'État a consacré jusqu'à présent plus de 100 millions de dollars à l'autonomie gouvernementale. Ça me préoccupe. Je voudrais en avoir la confirmation.

Quand vous parliez des revendications territoriales, vous...

Le président: Peut-être devrait-on laisser le ministre répondre à ces questions.

M. Duncan: Est-ce que je pourrais énumérer mes 10 sujets? Si je suis à court de temps, tant pis. Je demanderai une réponse par écrit...

Le président: Peut-être pourrait-on laisser le ministre répondre à une ou deux questions. Si vous en avez d'autres, vous pourrez toujours les lui poser par écrit. Il pourra sûrement vous répondre.

.1210

M. Duncan: Elles ne figureront pas au compte rendu si je ne les pose pas ici. Je peux lui envoyer une lettre n'importe quel jour; aujourd'hui, c'est une occasion unique. Mais dix minutes, c'est peu.

Le président: D'accord.

M. Duncan: Je ne pense pas que je fasse des histoires.

Le président: Non, pas du tout. Il y a deux façons pour vous d'exprimer vos sujets de préoccupation et d'obtenir une réponse par écrit.

M. Irwin: Ça m'est égal, monsieur le président. Comme je l'ai dit au début, à l'heure actuelle, j'en suis à me demander comment nous mettons ces choses en pratique et comment les améliorer. Vous étiez dans l'industrie forestière, n'est-ce pas, John?

M. Duncan: Oui, pendant 20 ans.

M. Irwin: Vingt ans dans l'industrie forestière. Ça ne me dérangerait pas d'aborder ces questions une à une parce que l'affaire de la réserve Stoney m'a appris une chose. Nous voulons une industrie forestière améliorée, un rendement plus soutenu, une meilleure application des lois, et j'aimerais entendre les conseils de M. Duncan.

M. Duncan: J'ai dit que j'avais une dizaine de questions. Essayez de vous débarrasser de moi si vous le voulez. Je pose ces questions tous les jours à la Chambre. Ça ne me dérange pas.

À propos des revendications territoriales, vous avez parlé d'extinction des droits. Vous n'avez pas parlé des Sahtu. Moi, je me souviens très bien des audiences sur les Sahtu, qui se sont probablement déroulées ici-même, dans cette salle.

M. Irwin: C'est pour cette raison qu'il y a extinction des droits. Je veux réexaminer comment nous procédons.

M. Duncan: Mais quand George Cleary était dans le fauteuil que vous occupez actuellement et qu'il nous a parlé de l'extinction des droits, il nous a bien dit que c'était un jeton de négociation. Il savait très bien pourquoi c'était prévu.

M. Irwin: Oui.

M. Duncan: Tout cela est le produit des attentes créées par les déclarations et la politique du gouvernement. Ça en est un exemple bien évident.

Vous avez pas mal parlé des Territoires du Nord-Ouest et du fait qu'ils sont quasiment une province à Nunavut. Ce qui se dégage de ce que vous avez dit, c'est que la quasi totalité des coûts de création de ces instances va être à la charge du gouvernement fédéral. Contrairement à ce que vous avez fait, vous ne pouvez pas les comparer à la mise en place d'instances municipales et d'autres institutions normales, par exemple.

Ce qui m'inquiète beaucoup, c'est que bien des habitants du Yukon, qui vivent là depuis longtemps, trouvent que l'accès au rang de province est une éventualité plus éloignée aujourd'hui qu'elle ne l'était il y a 40 ans parce que le territoire aujourd'hui, dépend plus du gouvernement fédéral que par le passé - pas moins. Comme vous l'avez dit, on ne peut pas bâtir un pays en surchargeant davantage l'appareil étatique; or, c'est préciséement ce qui se fait dans le Nord.

Vous avez un peu parlé d'instruction. Je dirai seulement que c'est en bonne partie grâce à moi si cette question a été examinée ici au sous-comité. Nous sommes sur le point de découvrir des choses fort intéressantes. Je ne sais pas si nous allons atteindre les objectifs que vous vous êtes fixés parce que les nôtres l'ont été il y a quelque temps déjà.

.1215

L'une des réserves que le sous-comité de l'éducation a visitée est celle de Conne River, à Terre-Neuve. Je ne faisais pas partie du groupe, mais j'ai parlé au chef.

Vous avez dit quelques mots du logement et de l'aide sociale. D'après ce que je peux voir, l'aide sociale est en fait de l'assistance-travail en l'occurrence, et dans beaucoup cas.

Cela ne correspond peut-être pas à la philosophie libérale ou au Livre rouge, mais dans la pratique, c'est celui qui donne de bons résultats dans certaines réserves. Je sais que beaucoup de bandes aimeraient transformer leur aide sociale en assistance-travail et il y a énormément de choses qui pourraient se faire de cette façon. Cela implique certaines choses pour la politique d'ensemble, et c'est peut-être là la pierre d'achoppement.

Vous avez parlé d'institutions fiancières et d'établissements de prêts. Je pense que les établissements de crédit peuvent très bien se débrouiller par eux-mêmes. Ils peuvent servir les collectivités autochtones. Il y a des mécanismes sur lesquels on travaille et qui peuvent bien marcher.

Notre préoccupation est au niveau des fournisseurs de biens et services qui se sont fait avoir et royalement, parce qu'ils pensaient avoir des assurances, des garanties mais ils se sont rendu compte qu'ils n'ont aucun moyen de pression lorsqu'ils se retrouvent au tribunal. C'est là où se situe le problème, et je suis sûr qu'on ne vous l'a pas dit.

Ai-je épuisé mon temps de parole?

Le président: Oui. Nous reviendrons à vous pour un deuxième tour.

M. Irwin: Souhaitez-vous que je réponde rapidement à ces questions?

Le président: Le voulez-vous? Allez-y.

M. Irwin: Il faudrait près d'une heure pour répondre à chacune de ces questions, mais je tenterais d'être clair et concis.

En Alberta, particulièrement chez les Stoneys, ce que j'ai constaté c'est qu'il ne suffit pas de faire appliquer les règlements. Je pense que l'amende maximale est de 200$ ou 300$. En dehors des réserves, les restrictions sont encore moins nombreuses. En Alberta, sur les terres privées, il n'y a pas de restrictions. Les restrictions minimes imposées aux Premières nations sont plus strictes que tout ce que l'on trouve sur les terrains privés, en dehors des réserves.

Ce n'est donc pas seulement un problème des réserves en Alberta, c'est un problème dans tout l'Alberta. Et pas seulement en Alberta. La même chose se passe au Yukon. Il y a en Colombie-Britannique une demande énorme de bois non scié et ce que j'ai vu en Alberta se passe aussi en Colombie-Britannique et au Yukon. Les gens ne sont pas particulièrement ravis au Yukon de voir les troncs partir tels quels en Colombie-Britannique. J'aimerais discuter avec vous de ce que nous pourrions faire par le biais de la NAFA. Comment faire respecter les règles, comment sensibiliser les gens? Il y a plus de 100 nations faisant de l'exploitation forestière et la plupart le font très bien. Une ou deux bandes comme celles de Stoneys gâchent tout, détruisent la confiance...

Pour ce qui est de l'autonomie, peut-être Alan pourrait-il parler de son coût. Je suis d'accord avec vous pour ce qui est de l'extinction. J'envisage cela sous l'angle des transferts. Si les Premières nations prennent le contrôle, si elles administrent l'éducation, c'est une chose de moins à faire pour nous. Elles s'occupent d'accréditer les enseignants, d'élaborer les programmes d'enseignement. C'est un échange.

Ce qui les préoccupe, c'est que a deux ou trois jours de négociations elles auront renoncé par traiter à la moitié des provinces, et le terme «extinction» dans tous ces traités numérotés est un spectre terrifiant pour les autochtones. Mais il faut qu'il y ait un donnant-donnant dans les négociations. Si c'est dans leur sphère de compétence, c'est leur problème. S'ils veulent l'autonomie, c'est ça l'autonomie.

.1220

Je suis d'accord avec vous sur les dépenses gouvernementales. Ethel Blondin-Andrew nous a fait un merveilleux discours il y a quelques semaines. C'était un discours spontané qui parlait de tout le mal que nous pouvions faire en dépensant trop et trop vite. Dans notre hâte à faire toutes ces choses avec des fonds publics, nous risquons de faire plus de mal que de bien. Je le vois bien avec le gouvernement dans le Nord. Je l'ai vu aussi lorsque j'étais au CRTC.

J'étais au CRTC dans les années 1970. Je me souviens des aînés qui venaient aux audiences, ici à Ottawa, pour nous dire tout le mal que nous avions fait en assurant la diffusion de la SRC dans le Nord. C'est de cela que nous parlions. Les Inuits vivent dans un climat violent, mais ce n'est pas un peuple violent. Je leur ai demandé ce qui causait cette violence nouvelle, et ils m'ont dit Hockey Night in Canada et Starsky and Hutch. Vous souvenez-vous de Starsky and Hutch, ou bien suis-je trop vieux pour vous?

Beaucoup de choses que nous avons faites avec de bonnes intentions ont beaucoup nui à ces cultures. Trop d'interventions gouvernementales peut faire beaucoup de mal. Cela nous ramène à ce que je disais au début, à savoir qu'il n'y a que trois grandes industries là-haut: les mines, le tourisme et la forêt.

Le problème de l'exploitation forestière est qu'ils ne font payer que 20c. le mètre cube au Yukon, alors qu'il coûte 20, 30, 40 et même 60$ ailleurs.

Lorsque j'étais là-bas, la semaine dernière, j'ai dit que si la seule façon pour les exploitants de s'en sortir est d'avoir les arbres pour rien, de les expédier bruts en Colombie-Britannique, de ne pas avoir de politiques d'exploitation durable, qu'ils n'avaient qu'à fermer tout de suite. Ce sont là des problèmes majeurs.

Je sais que les membres du comité ont été impressionnés par Conne River. J'ai parlé à certains d'entre eux. J'ai entendu dire que ça fonctionnait bien là-bas.

Pour ce qui est de l'aide sociale, je ne suis pas opposé au travail obligatoire. J'ai été maire et je pense qu'au lieu de simplement distribuer des chèques d'aide sociale, on pourrait travailler avec les municipalités pour voir quels travaux pourraient être faits. Les conseils de bande peuvent décider quelles routes doivent être refaites, quelles maisons rénover - il y a un besoin énorme de rénovations résidentielles - et les choses de ce genre, pourvu que ce ne soit pas du travail artificiel.

Il ne faut pas non plus que cela nuise à nos programmes de développement économique. Je pense qu'il faudrait ouvrir cette possibilité, dans le sens que vous suggérez, John. C'est maintenant le bon moment car il y a des chefs qui veulent le faire. Il y en a cinq ou six dans le pays qui veulent entreprendre cela.

Pour y arriver, le chef doit jouir d'un prestige énorme. Il doit avoir la confiance de toute sa bande. Il y a un système en place, et si la collectivité n'est pas prête à appuyer le chef, il est très difficile pour ce dernier de casser le programme d'aide sociale du jour au lendemain pour le diriger comme une municipalité. Je pense que ce serait plus sain, que ce serait mieux, à condition que cela ne nuise pas aux programmes de création d'emploi.

Pour ce qui est des fournisseurs qui se sont brûlé les doigts, le problème politique est qu'il faut éviter que les gens qui traitent avec les Premières nations aient l'impression de se faire dépouiller. Mais, pour ma part, j'ai fait savoir très clairement à tous les fournisseurs et entrepreneurs du Canada que si le gouvernement fédéral passe un contrat pour un travail, ils seront payés.

S'ils traitent avec une tierce partie, une Première nation, ils prennent leurs propres décisions, concluent leurs propres arrangements, et nous ne pouvons garantir des contrats auxquels nous ne sommes pas partie prenante. C'est très clair. J'entends souvent cette doléance et je le déplore. J'aimerais bien qu'ils soient payés, mais je ne vais pas non plus envoyer des messages disant que le gouvernement fédéral va garantir chaque mauvaise entente commerciale. Je ne le ferai pas, un point c'est tout.

Voulez-vous parler des coûts?

M. Williams: Les coûts prévus pour l'exercice 1995-1996 seront de l'ordre de 62 ou 63 millions de dollars. C'était l'ordre de grandeur des années précédentes. Il s'agit essentiellement des transferts de fonds prévus dans les lois accordant l'autonomie gouvernementale, c'est-à-dire environ 2,7 ou 2,8 millions de dollars pour les Sechelts, et une importante contribution pour les Cris dans le cadre de la convention de la Baie James.

Il y a aussi 7,7 millions de dollars pour financer les négociations sur des accords d'autonomie futurs.

Le président: Bien. Monsieur DeVillers.

M. DeVillers (Simcoe -Nord): Je vous remercie, monsieur le président et monsieur le ministre.

J'ai une question portant sur la politique en matière d'autonomie qui va être annoncée. Vous dites qu'elle va être pratique, pragmatique, flexible et mettre en jeu tous les niveaux de gouvernement.

.1225

Je me demandais si vous ne pouviez pas nous donner un aperçu de la situation ou plus de détails, bref, si les négociations relatives à l'autonomie gouvernementale axée sur la collectivité vont se poursuivre ou vont faire partie de cette politique. Je sais que certains des programmes prévus dans le cadre de ces négociations ont été abandonnés et que cela inquiète quelques-unes des Premières nations.

M. Irwin: Je vais vous brosser un tableau général de la situation et laisser de côté les détails - votre secteur est bien celui de l'Union of Ontario Indians?

M. DeVillers: Oui, c'est exact.

M. Irwin: Le gouvernement précédent a dépensé 50 millions de dollars sur une période de huit ans pour l'autonomie gouvernementale axée sur la collectivité. Aucune entente n'a été signée. Si vous vous souvenez bien, je pense que c'est le Parti réformiste qui a soulevé la question à la Chambre au départ. J'avais assez peu d'expérience à l'époque. Je voulais en savoir plus.

J'ai eu au moins six réunions avec des chefs de différentes régions. Je leur ai dit, à chaque réunion, que j'aurais à répondre à certaines questions durant la période des questions au Parlement. Je leur ai indiqué qu'il fallait s'atteler à la tâche et en arriver à certains accords finaux dans un délai de six mois. Au bout de la période de six mois, je n'avais encore aucun accord final. Il ne m'ont pas pris au sérieux.

À ce moment-là, j'ai demandé à mon sous-ministre, à mes sous-ministres adjoints principaux et à mes sous-ministres associés de voir où en étaient les différentes Premières nations et les différents conseils tribaux et groupes. L'intention était de les pousser dans le dos pour que les choses débloquent.

Ils ont été pris par surprise. Nous avons envoyé des lettres. J'ai donné le bénéfice du doute à bien des groupes. Certains m'ont dit que le travail était terminé à 80 p. 100, ce que j'ai accepté même si le personnel m'a dit qu'il n'était terminé qu'à 70 p. 100. Je leur ai donné le bénéfice du doute, mais j'ai coupé les vivres à un bon nombre d'autres groupes qui n'avaient obtenu aucun résultat malgré les sommes énormes dépensées et je leur ai dit qu'il fallait à tout prix que cela donne des résultats.

Et voilà que les négociations se sont accélérées. Le budget est passé de 50 millions à 3 millions de dollars au cours des six premiers mois, puis à 1,5 million de dollars, et enfin à 250 000$ au cours du dernier trimestre. L'époque où nous pouvions payer des consultants à n'en plus finir et nous promener dans toutes les régions du pays pour le plaisir de la chose est bel et bien révolue. Ce sont les résultats qui comptent. Je suis prêt à m'asseoir et à négocier pour en obtenir, mais je ne suis pas prêt à m'asseoir pour compter le nombre d'anges qui peuvent danser sur la tête d'une épingle.

Malheureusement, l'Union of Ontario Indians s'est trouvée prise là-dedans. Nous avons eu plusieurs réunions avec elle, mais la décision a été prise.

Voulez-vous leur dire quelle était la position de l'Union?

M. Jack Stagg (sous-ministre adjoint, Politiques et orientation stratégique, ministère des Affaires indiennes et du Nord): Voulez-vous parler des Conseils indiens unis?

M. Irwin: Non, de l'Union of Ontario Indians.

M. Stagg: Voulez-vous savoir ce qu'il en est de l'Union of Ontario Indians en ce qui concerne uniquement la question de l'autonomie gouvernementale axée sur la collectivité?

M. Irwin: Oui. Elle n'est plus financée.

M. Stagg: Oui. Je ne suis pas très au courant de la situation.

M. Irwin: Qui l'est?

M. Stagg: Nous pourrions vous donner plus de détails.

M. Irwin: Oui, nous pouvons vous donner d'autres détails, mais ce n'est peut-être pas l'endroit indiqué. Je ne veux pas embarrasser ces gens.

M. DeVillers: Je ne veux pas entrer dans les détails. Je voulais tout simplement savoir si des progrès ont été réalisés, comment ils cadrent avec l'élaboration de la nouvelle politique et comment tout progrès réalisé à ce jour pourrait y être incorporé.

M. Stagg: Oui, je peux répondre à cette question en des termes généraux.

Ce que nous voulons, c'est nous assurer que les négociations que nous avons eues avec ces 8 groupes et 37 collectivités des Premières nations vont aboutir à quelque chose. Nous avons dit aux négociateurs de trouver un moyen de faire en sorte que ces efforts cadrent avec la politique sur le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale qui aura été proposée.

La liste des sujets dont il a été question à la table des négociations ressemble d'assez près à la liste des questions qui pourraient faire l'objet de négociations en vertu du droit inhérent. Le langage utilisé pourrait cependant être différent, car nous espérons que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, dans la plupart des cas, reconnaîtront que ces accords méritent d'être mieux protégés conformément à l'article 35 de la Partie II de la Loi constitutionnelle.

Nous espérons que la transition se fera assez facilement des accords de principe aux accords finaux que nous aurions dans le cadre des ententes sur l'autonomie gouvernementale axée sur la collectivité lorsque le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale pourra être exercée. Ainsi, l'argent, le temps, les efforts et l'énergie consentis jusqu'à maintenant auraient servi à quelque chose.

.1230

Le président: Monsieur Murphy.

M. Murphy (Annapolis Valley-Hants): C'était un bon exposé, monsieur le ministre.

Comme vous le savez, il y a certains groupes qui préféreraient que la Loi sur les Indiens demeure telle quelle.

Nous avons envoyé des lettres et on nous a répondu - à juste titre d'ailleurs - que les dispositions de la Loi sur les Indiens qui sont vraiment archaïques doivent être modifiées et qu'elles peuvent l'être, si tous les intéressés sont d'accord. Mais faudra-t-il que la Loi sur les Indiens actuelle continue à s'appliquer à certains groupes, par exemple aux Micmacs de la Nouvelle-Écosse, tandis que certaines de ses dispositions seront éliminées pour d'autres dans d'autres provinces? Je me demandais si nous allions aller de l'avant dans certains cas, même si tous ne sont peut-être pas d'accord. La peur du changement est humaine.

M. Irwin: Dans certaines régions, les gens veulent que les choses changent. Par exemple, le démantèlement au Manitoba... En fin de compte, les Premières nations vont voter et décider si elles sont ou non en faveur d'un changement.

Des modifications ne peuvent pas être apportées à la Loi sur les Indiens en fonction de la géographie. Il faut que cela se fasse à l'échelle nationale. Je ne veux pas qu'on dépense trop d'argent pour cela. À mes yeux, ce n'est qu'une question d'administration; des personnes d'intelligence moyenne ayant une idée de ce qui cloche verront vite ce qu'il faut faire.

J'ai dit clairement aux peuples autochtones dans la lettre que je leur ai envoyée que j'allais faire ce qu'ils me demandent et qu'il fallait que le comité sache qu'il y a 100 chefs qui veulent faire ceci ou 25 conseils tribaux qui veulent faire cela, de manière à éviter les longues audiences. Il y a des changements évidents à apporter et cela fait partie de l'administration. Il ne faudrait cependant pas pour autant perdre de vue les autres tâches plus importantes que nous avons entreprises. Je ne voudrais pas que cela détourne l'attention de ce qui se fait sur d'autres plans.

Vous avez raison lorsque vous parlez de peur. Même si elles trouvent que la loi est terrible, archaïque et paternaliste, certaines des Premières nations ont peur qu'on y touche. Par exemple, pour ne prendre que l'exemple de la souveraine, il y a à peu près un mois et demi, j'étais en Saskatcheqan ou au Manitoba - je ne me souviens plus au juste - et un aîné m'a dit que je n'étais pas la bonne personne. Je lui ai demandé pourquoi et il m'a répondu que Roméo Leblanc devrait être à ma place. Après y avoir pensé, je me suis dit que cela avait du sens. Comme gouverneur général, il représente la souveraine. On associe la Loi sur les Indiens à la souveraine, mais la plupart des bandes, surtout les administrateurs de bandes - dont bon nombre sont des femmes - qui sont les premièrs responsables au jour le jour, disent que cela n'a aucun sens, qu'il faut la modifier pour pouvoir aller de l'avant.

M. Murphy: J'ai peur que certaines personnes nous disent que les autochtones ne pourront assumer aucune responsabilité à cause de la Loi sur les Indiens, et qu'elles invoquent cet argument pour que les choses n'avancent pas et qu'aucune mesure ne soit prise en ce qui concerne l'autonomie gouvernementale. J'ai bien peur que dans ma propre province, il y ait quelque chose...

M. Irwin: Je pense qu'il y aura des délais si nous ne faisons rien dans l'intervalle. Nous ne pouvons pas espérer... Lorsque la politique sur le droit inhérent aura été annoncée, il ne faudra pas qu'il y ait de vides juridiques, car ce serait le chaos. Il faut donc faire un certain nettoyage dans l'intervalle, sans que cela ne nous empêche de nous attaquer à l'essentiel.

Je pense que les chefs l'ont compris. Ils avaient une certaine inquiétude au départ. Ils mettaient en doute les intentions du gouvernement et ils y voyaient un autre moyen de leur enlever ce qu'ils veulent faire. J'ai assisté à plusieurs assemblées et je leur ai parlé, et je pense qu'ils sont maintenant convaincus que ce n'est qu'une question d'ordre administratif qu'il faut régler.

Le président: Monsieur Caron.

[Français]

M. Caron (Jonquière): Merci de votre visite. Dans le communiqué qui a été émis pour annoncer votre visite au Comité...

M. Irwin: Je parle français avec un accent de Sault-Sainte-Marie.

M. Caron: Ah, c'est très bien. Je peux vous parler anglais avec un accent du Lac Saint-Jean.

.1235

Dans le communiqué que vous avez émis pour annoncer votre visite au Comité, vous avez défini les défis que vous aurez à relever au cours des trois prochaines années. Vous en avez mentionné trois: combler l'écart qui existe entre la demande de service chez les populations autochtones et dans les réserves et la moyenne de la population - on connaît la situation et l'on sait que les besoins sont énormes - ; mettre en oeuvre le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale; et transférer aux Premières nations des responsabilités liées à des programmes de nature provinciale.

Je ne vois pas dans cela d'élaboration de politiques qui seraient liées au soutien des Premières nations dans leur effort de préserver leur spécificité culturelle. On sait très bien que la population des Premières nations est peu nombreuse et l'on sait ce qu'il peut en coûter pour maintenir une spécificité culturelle en ce qui a trait à la langue, à l'éducation, aux écoles et aux programmes sociaux particuliers.

On voit, par exemple, que pour maintenir une école sur une réserve où il y a une centaine d'élèves, il n'y a pas d'économies d'échelle; cela coûte très cher. Mais il est important de maintenir cette école-là, parce que c'est ce qui fait que la communauté peut maintenir sa culture et continuer d'être elle-même.

Je ne vois pas dans votre communiqué, de façon très claire, qu'une des priorités du ministère est d'aider et de soutenir les communautés les Premières nations dans le maintien de leur culture, dans leur survivance culturelle. En tout cas, je ne sais pas ce qui, dans vos priorités, pourrait m'assurer que dans 50 ou dans 25 ans, il y aura encore 68 Premières nations au Canada.

Ne se retrouvera-t-on pas plutôt avec des gens qui vivront sur des territoires précis, qui mèneront quand même une meilleure vie qu'actuellement et qui, au point de vue de l'autonomie, auront certaines responsabilité qui ressembleront peut-être à des responsabilités à caractère municipal? Mais seront-elles vraiment encore des Premières nations ayant une spécificité culturelle très précise? Votre ministère aide-t-il les Premières nations à maintenir cette spécificité?

[Traduction]

M. Irwin: C'est très important parce que cela nous ramène aux valeurs. On peut jouir de toutes l'autonomie gouvernementale qu'on désire, avoir tout l'argent au monde, mais on ne peut pas être heureux si on n'a pas de valeurs.

L'identité culturelle fait partie des valeurs. L'identité culturelle ne définit pas seulement un pays. Je pense que plus elle est forte, plus les valeurs sont bien ancrées, moins il y a de suicides. Il y a tellement de désespoir chez ces gens-là. Je pense surtout aux autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves dans des villes comme Winnipeg où il y a 65 000 Indiens, à Toronto, où il y en a 50 000, ou Kénora où le enfants indiens n'ont plus aucun sens des valeurs dès l'âge de cinq ans.

Les valeurs comptent dans tout ce que nous faisons. Elles contribuent à l'enrichissement d'un pays sur le plan culturel, elles sont importantes pour la santé et elles déterminent si on va ou non devenir des gens d'affaires. Mieux on est dans sa peau, plus on est un meilleur enseignant et mieux on réussit en affaires.

Lorsqu'on parle de droits inhérents, je pense au droit inhérent des autochtones à leur propre langue - à leur propre culture et à leur propre langue. Cela a indirectement à voir avec ce que nous faisons sur le plan de l'enseignement. Au cours des 10 à 15 dernières années, nous avons confié une bonne partie de l'administration de l'éducation aux autochtones. Ils forment de plus en plus de diplômés. Je pense que l'étape suivante consistera à leur déléguer le pouvoir d'élaborer leurs propres programmes de cours et de formation d'enseignants.

S'ils jouissent d'un tel pouvoir, ils auront vraiment voix au chapitre. Lorsqu'ils négocieront avec les conseils scolaires, les municipalités ou les provinces, ils pourront donner une saveur culturelle à l'éducation qu'ils reçoivent. Il n'y a qu'une seule façon d'enseigner les mathématiques ou les sciences, mais ils veulent avoir leur mot à dire. Ils veulent pouvoir enseigner eux-mêmes ces matières, et je n'ai rien contre cela.

C'est dans ce contexte que nous sommes actuellement en train de négocier avec les Micmacs en Nouvelle-Écosse ainsi qu'avec les Nishnawbe-Askis dans le nord de l'Ontario, un territoire de près de 1 000 milles carrés où vivent 48 Premières nations. Il y a aussi le démantèlement au Manitoba et le Traité numéro 3 à Fort Frances et Thunder Bay.

.1240

Allez-vous leur parler de l'argent?

M. Williams: Dans nos budgets de cette année pour l'éducation, nous avons dépensé à peu près 8,2 millions de dollars pour les Premières nations pour appuyer 73 centres culturels et financer des initiatives du genre de celle dont le ministre vient de parler.

M. Duncan: Pour reprendre là où vous avez laissé, monsieur le ministre, ce que je disais à propos des institutions financières n'avait rien à voir avec les garanties fédérales. Ce que je voulais dire, c'est que lorsqu'il y a un accord contractuel, les règles de base pour les fournisseurs de biens et services sont différentes lorsqu'ils s'adressent au tribunal parce que c'est une activité hors réserve. Il doit bien y avoir une façon de régler ce problème, car ceux qui sont habitués à traiter avec le secteur privé ou les gouvernements s'aperçoivent tout à coup qu'il y a un troisième ensemble de règles qu'ils ne connaissaient absolument pas. Cela place le fournisseur et la population de la réserve dans une position qui n'est avantageuse pour personne.

Je ne veux pas dire pour autant qu'il faudrait -

M. Irwin: Je comprends. Par exemple, il n'existe pas de privilège de constructeur ou de -

M. Duncan: C'est exact.

M. Irwin: Les litiges posent un problème. La plupart des gros fournisseurs le savent. Ils savent qu'ils peuvent intenter des poursuites contre les Premières nations. J'ai souvent été témoin de ce dont vous avez parlé - ils ne savent pas qu'il y a certaines restrictions pour ce qui est des litiges. C'est un problème courant. Si je connaissais une solution miracle, je vous en ferais part.

M. Duncan: Mais tant qu'on n'a pas cerné un problème, on ne peut pas demander aux législateurs ou aux négociateurs de s'en occuper. Mais c'est peut-être ce que vous avez fait. Je ne le sais pas.

M. Irwin: Selon le Livre rouge, je suis supposé trouver un instrument qui ressemble à une hypothèque. Vous savez ce qu'on pense des hypothèques dans les réserves. J'ai parlé à des avocats et à des chefs de diverses régions du pays. Je leur ai demandé comment nous pourrions nous y prendre, quelle forme pourrait prendre ce document magique. Qu'en pensez-vous? Comment devrions-nous nous y prendre?

M. Duncan: Une hypothèque est différente d'une entente contractuelle pour un nouvel immeuble ou une nouvelle installation pour la collectivité. J'aurais quelques idées à vous proposer à l'intention des habitants des réserves qui pourraient vouloir que leurs terres soient considérées comme une propriété franche. Je crois qu'ils devraient pouvoir opter pour le retrait. Cela réglerait sûrement une partie du problème sur une base individuelle.

M. Irwin: Ou encore on pourrait avoir recours à des solutions diverses. Parce que la population grossit, la demande de terres augmente. Un bon nombre de ces réserves ont été aménagées dans des régions marécageuses et ne peuvent plus prendre d'expansion. Même s'il ne saurait être question d'agrandir les réserves, on pourrait essayer de voir ce qui en est des terres à l'extérieur de la réserve et des règles différentes qui pourraient s'appliquer. Pour passer d'une philosophie des réserves à une philosophie de la propriété franche, il va falloir beaucoup discuter. Bien des banquiers ont fait une proposition en ce sens, mais les autochtones acceptent mal l'idée.

M. Duncan: Tout dépend à qui on parle. Il reste, néanmoins, qu'il y a eu un certain dialogue à ce sujet.

Parlant des problèmes dans les réserves, comme la pauvreté et d'autres situations terribles, vous avez mentionné l'exemple de Pukatawagan. On sait que les conditions sont terribles dans certaines réserves et on entend pourtant parler de chefs et de conseils de bande qui auraient fait des voyages éclair coûteux en Arizona et ailleurs.

.1245

M. Irwin: La République Dominicaine.

M. Duncan: C'était peut-être en effet la République Dominicaine. Quoi qu'il en soit, certains des budgets de voyage des réserves ou certaines des dépenses de voyage dépassent en ce moment celles de cabinets provinciaux. Le ministre est certainement en mesure de faire quelque chose dans ce domaine. Cela touche vraiment à la question de savoir si l'argent parvient aux personnes qui en ont vraiment besoin et qu'il faut aider.

Si vous voulez bien me le permettre, il me reste trois idées à présenter. Je voudrais parler un instant du projet de loi C-31.

J'ai obtenu beaucoup de réactions à ce sujet d'habitants de réserve, de toutes conditions. Si vous avez une définition claire et concise de la manière dont les copies de ce projet de loi sont publiées, et une politique à cet égard, cela m'intéresserait beaucoup de les connaître. Au sein des collectivités autochtones, on n'a pas la moindre idée de la manière dont cela se fait. Je voudrais personnellement savoir si nous faisons régulièrement parvenir des copies du projet de loi C-31 aux personnes d'origine autochtone vivant aux Etats-Unis. Si c'est le cas, quelles règles observe-t-on dans ce domaine?

En ce qui concerne l'éducation, je voudrais faire une brève remarque au sujet des préoccupations que m'inspire le budget. Nous avons la liste des écoles, celles des dépenses en immobilisation. Nous avons l'exemple de Pelican Lake, en Saskatchewan. Le budget indique une dépense de 6,9 millions de dollars alors que celle-ci avait été fixée à 2,8 millions de dollars au départ. On a l'impression que tout est sens dessus dessous.

Dans ce budget, rien n'indique le nombre d'étudiants que ces écoles peuvent accueillir. Pour que des responsabilités soient bien définies, je souhaiterais que les dépenses par étudiant soient indiquées pour ces écoles, car il y a quelque chose qui ne marche pas. Je suis allé dans la réserve de Pelican Lake, et ce type de dépenses paraît totalement déplacé compte tenu de la taille de la collectivité et de l'existence d'écoles publiques au voisinage. Les habitants des deux collectivités ont beaucoup de mal à accepter la situation.

Enfin, je tiens à mentionner le fait que nous mettons surtout l'accent sur les dépenses, mais il ne faut pas non plus oublier les recettes. J'estime que le ministère devrait prendre l'initiative dans ce domaine, et je m'inquiète de voir que vous n'en faites rien pour le moment.

Je vous remercie.

M. Irwin: [Inaudible - Éditeur] La situation de Pukatawagan est un parfait exemple de ce qu'il y a de meilleur et de pire dans le régime parlementaire et démocratique qui est le nôtre. C'est un système totalement ouvert qui se prête à des affrontements, mais c'est bien ainsi que devraient être les choses. Voici ce qui s'est passé, car cela n'a jamais été rendu publique.

Le conseil scolaire de Pukatawagan dispose de 29 enseignants blancs. Il est difficile d'attirer là-bas des enseignants. Ils ont donc dit à ce conseil scolaire qu'il allait y avoir un congrès à Winnipeg et qu'ils partageraient les coûts; qu'il y en aurait un en République Dominicaine, et qu'ils paieraient leur part si vous preniez en charge les frais de transport. Je ne sais pas exactement comment cela a fonctionné, mais il y a eu un partage des dépenses. Le conseil scolaire de Pukatawagan a répondu qu'il était d'accord pour leur faire une petite faveur et qu'il partagerait les coûts.

.1250

La presse manitobaine a alors annoncé, en manchettes, que 40 Indiens se rendaient en République Dominicaine, et je me suis fait crucifié à la Chambre des communes. Je ne pense pas qu'on puisse vraiment blâmer les membres du Parti réformiste car, comme tout le monde au Canada, ils pensaient effectivement que 40 Indiens allaient se rendre en République Dominicaine; en fait, il s'agissait de 29 enseignants blancs du sud qui travaillaient à Pukatawagan.

Voilà un exemple qui montre que le système peut fonctionner beaucoup mieux lorsque l'on parle aux chefs. Pendant la crise de Pukatawagan, j'ai passé trois heures dans une tente, assis devant un feu avec le chef. Je lui ai téléphoné. Je lui ai dit que j'avais un problème politique et je lui ai raconté ce qui s'était produit à la Chambre des communes. Il m'a expliqué qu'il s'agissait du conseil scolaire, de 29 enseignants blancs, et que les frais étaient partagés. Il m'a dit qu'il me rappellerait dans moins d'une heure. Il a réuni tout son conseil qui a alors décidé à l'unanimité de renverser la décision et d'annuler le voyage. Ce voyage n'a donc jamais eu lieu.

Il n'a été annoncé nulle part, dans le pays, jusqu'à aujourd'hui, qu'ils n'étaient jamais allés en République Dominicaine. Les enseignants ont tenu leur séminaire à Winnipeg. Pas un seul mot n'a été publié au Canada, même pas dans la presse manitobaine, pour préciser que ce n'était pas des autochtones qui devaient aller en République Dominicaine mais des enseignants blancs travaillant dans les réserves. Voilà donc bien un exemple de ce qu'il y a de meilleur et de pire dans le régime parlementaire.

En vertu du projet de loi C-31, si une autochtone épousait un blanc, elle perdrait son statut, alors que l'inverse n'est pas vrai. À mon avis, l'endroit où elle vivait ne devrait faire aucune différence. Elle aurait tout aussi bien pu vivre en Europe. Si une autochtone épousait un blanc, elle perdrait son statut de femme indienne. Où donc est la différence? C'est une question de fond et non de géographie.

Les articles 6.1 et 6.2 jouent dans ce cas. Vous vous y référez et vous devenez finalement... Par cette loi, nous vous avons privés du statut d'Indien. Il y a des femmes à 100 p. 100 indiennes qui me disent «vous me dites que je ne suis pas indienne? Qu'est-ce qui vous permet de dire cela?» Le projet de loi C-31 n'existe plus, mais selon le processus prévu par les articles 6.1 et 6.2, selon la personne qu'elles épousent, ces Indiennes peuvent perdre leur statut. Nous espérions que la question ne se poserait plus d'ici 10 ou 15 ans, mais les problèmes commencent à surgir. Je crois qu'il va falloir que nous nous attaquions aux articles 6.1 et 6.2 à un moment ou à un autre. Cela pourrait faire partie de la remise à jour de la Loi sur les Indiens.

Je ne suis pas tout à fait certain de la situation à Pelican Lake. Quelqu'un veut-il en parler?

M. Williams: Je peux vous fournir des détails précis a ce sujet, mais il s'agit en fait d'une combinaison de deux facteurs. Il s'agit premièrement d'une mise à jour des coûts, qui dans ce cas particulier auraient pu augmenter sensiblement par rapport à l'estimation du type D. Il y aurait aussi une augmentation du nombre des étudiants. En effet, la Première nation réussit très souvent à faire revenir dans la réserve ceux qui fréquentent des écoles en dehors de celle-ci. Cela implique naturellement l'établissement d'une école plus grande, ce qui contribuerait à augmenter les coûts. Quoi qu'il en soit, nous pourrons obtenir des détails plus précis à ce sujet et nous les communiquerons au comité.

Le président: S'agit-il de Pelican Narrows?

M. Williams: Non, de Pelican Lake en Saskatchewan.

[Français]

M. Bertrand (Pontiac - Gatineau - Labelle): Monsieur le ministre, je vais vous parler ce matin de l'éducation des autochtones. Comme vous le savez, l'éducation est une préoccupation très importante pour moi et pour les autres membres de mon sous-comité.

Comme vous l'avez dit, notre sous-comité a visité plusieurs communautés et étudié différents systèmes d'éducation. Je suis très heureux d'entendre vos commentaires sur l'importance que vous accordez à notre sous-comité et à son rapport. J'ai deux questions pour vous ce matin.

Premièrement, pouvez-vous nous assurer que notre rapport ne sera pas tout simplement entreposé sur les tablettes et oublié?

Deuxièmement, plusieurs personnes à qui j'ai parlé ont exprimé le désir de voir la création d'un centre nordique pour le développement des sciences afin de former plus de jeunes autochtones dans le domaine scientifique. J'aimerais connaître votre point de vue là-dessus. Seriez-vous d'accord sur un tel centre?

.1255

M. Irwin: La réponse à votre deuxième question est oui.

M. Bertrand: Oui?

M. Irwin: Certainement.

[Traduction]

L'idée d'un centre nordique me plaît.

[Français]

Quant à votre première question,

[Traduction]

cela dépend de la vigueur avec laquelle nous le défendons. C'est la seule partie de mon budget que je n'ai pas voulu que le ministre des Finances touche. J'ai pris fermement position dans le domaine de l'éducation en adoptant la budgétisation base zéro. C'est la seule partie du budget qu'il me paraît inconcevable de réduire car cela contraindrait des jeunes sans formation à devenir des assistés sociaux. Si vous étudiez le budget, vous constaterez qu'il est intact et en fait, renforcé. Dans ce domaine, les résultats sont bons.

Dans pratiquement tous les discours que je prononce devant les autochtones dans le pays, je le souligne, même si ce n'est pas écrit. Et c'est une réaction presque freudienne; j'en viens toujours à parler de l'importance de l'éducation. J'y crois et je sais que les membres du comité partagent ma conviction, et aussi, tous les caucus. Ce rapport sera un instrument très important qui nous aidera à faire ce qui s'impose.

M. Bertrand: Merci beaucoup. Voilà qui nous encouragera à redoubler d'effort.

Mme Payne (St. John's-Ouest): Je voudrais revenir à une des remarques faites par mon collègue du Parti réformiste. Elle avait trait à Terre-Neuve, province dont je suis originaire. Il a évoqué le programme de travail obligatoire et le projet qui s'est déroulé à Conne River.

Monsieur le ministre, je crois comprendre qu'un critère spécial régit l'utilisation de la caisse commune pour la formation et l'emploi. Je voudrais savoir ce qu'est ce critère. Je souhaiterais également savoir si les quelque 600 bandes du Canada bénéficient de ce programme ou si certaines d'entre elles sont désignées pour cela?

M. Irwin: À l'heure actuelle, il n'y a pas vraiment de critère et il nous est donc possible de collaborer avec les bandes que cela intéresse. Une excellente occasion de le faire s'offre en ce moment à nous. Cela signifie qu'il faudra établir un équilibre entre les budgets d'assistance sociale que j'ai et une partie du budget de DRH dont dispose Lloyd Axworthy et essayer de faire preuve d'un peu d'imagination.

Par exemple, la bande de Conne River est celle qui a besoin d'une route, n'est-ce pas?

Mme Payne: En effet.

M. Bertrand: On en a parlé à plusieurs reprises.

M. Irwin: Nous pourrions collaborer avec la province pour construire cette route. Je préférerais que les autochtones de Conne River y travaillent plutôt que d'être des assistés sociaux. C'est une entreprise qui dépasse cependant le cadre municipal; c'est presque une entreprise provinciale. C'est un projet assez important, et s'il faut le réaliser, je préférerais qu'on forme les autochtones pour qu'ils puissent y travailler, puisque c'est leur route. S'il y a un appel d'offres, celui-ci devrait prévoir l'utilisation d'un nombre maximum de personnes locales... Certes, il conviendra d'accepter l'offre du moins-disant, mais aussi d'utiliser le plus grand nombre possible de ces personnes. Il se fait que dans cette région, il s'agit surtout de membres de la bande de Conne River.

Mme Payne: Vous considérez donc le projet de Conne River comme une réussite.

M. Irwin: Pas encore, puisque les travaux n'ont pas commencé.

Mme Payne: En tout cas, une réussite pour le moment.

M. Irwin: Oui, c'est une belle occasion de faire quelque chose. Nous avons fait une offre à la province à propos de cette route. Les négociateurs les plus difficiles, de l'autre côté, sont les gens de Terre-Neuve. Mais une offre a été faite. Je crois qu'elle est officielle. Nous attendons la réponse du ministre provincial de la voirie à Terre-Neuve.

Mme Payne: Cette possibilité est-elle offerte à toutes les bandes ou, au contraire, est-elle limitée à une seule d'entre elles? N'importe quelle bande indienne peut-elle utiliser ces fonds?

M. Irwin: Chaque fois qu'il nous est possible d'utiliser des fonds de l'État pour créer des emplois et favoriser le développement économique, nous le faisons. Tant que je ne me retrouve pas avec un gros projet ponctuel de création d'emplois - pour en revenir à ce que dit M. Duncan - dans lequel c'est le gouvernement qui prend l'initiative. Il faut que nous puissions réunir des capitaux, et pas seulement en dépenser. Il faut donc que tous les éléments entrent en jeu: le développement économique, les entreprises durables, et les travaux de type municipal.

.1300

M. Stagg: Il y a deux ou trois autres exemples de cela. Il y a celui de la collectivité d'Eskasoni, qui a fait l'objet d'articles que beaucoup d'entre vous ont sans doute lus. Il s'agit-là d'une utilisation combinée assez habile de l'assurance-chômage et de l'aide sociale. Le but poursuivi est d'amener les gens à travailler en utilisant l'argent qui serait normalement versé au titre de l'aide sociale. D'après les premiers résultats, cela semble fonctionner très bien et bon nombre de membres de cette collectivité sont actuellement en train d'acquérir une expérience professionnelle dont ils auraient probablement été privés sans ce programme.

Le second programme vient de démarrer en Saskatchewan avec la participation de la FSIN. Encore une fois, les intervenants sont notre ministère et, comme le disait le ministre, celui de M. Axworthy. Nous cherchons des moyens d'aider les jeunes à trouver leur premier emploi.

Nous savons tous combien il est difficile d'acquérir une expérience professionnelle. Bien souvent, l'obtention relativement rapide d'un emploi conduit un jeune à d'autres emplois et d'autres expériences professionnelles. Le but essentiel de ce projet est de permettre aux jeunes qui sortent avec leur diplôme scolaire d'entrer dans la population active afin d'acquérir l'expérience professionnelle initiale qu'ils pourront faire valoir dans leur c.v., et de les orienter, dès le début, dans la bonne direction.

Il ne s'agit-là que de deux exemples. D'autres projets sont envisagés et d'autres encore sont déjà en cours dans notre pays. Mais en ce qui concerne ces deux-ci, le premier nous inspire beaucoup d'espoir et le second, celui d'Eskasoni, semble, au moins, démarrer d'un bon pied.

Le président: Madame Kraft Sloan.

Mme Kraft Sloan (York-Simcoe): Merci, monsieur le ministre. La séance de ce matin me plaît beaucoup.

Je me réfère à la page 9 de votre document, où vous mentionnez un colloque sur le financement des autochtones à Fredericton. Parmi les idées étudiées, vous avez mentionné la possibilité de la création d'une banque autochtone. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur l'état d'avancement des travaux de ce groupe de travail et sur ses plans.

Deuxièmement, si l'on envisage cette création, quel est le rôle joué par les collectivités locales, ou en tout cas, comme pourraient-elles être associées au projet grâce à une organisation plus régionalisée?

M. Irwin: Il y a en fait trois questions distinctes à considérer, mais les banques semblent toujours agir ensemble à un endroit ou à un autre de notre pays. Lorsque j'ai parlé à Doug Peters, qui a une expérience de la banque, de la manière dont on pourrait procéder, il m'a dit qu'il fallait créer une banque nationale et, pratiquement, la franchiser. Cela peut paraître assez simple à un banquier, mais pour les autres, c'est beaucoup plus compliqué.

Dans l'appel d'offres de la Saskatchewan, les autochtones de la FSIN demandaient à toutes les institutions financières de faire une proposition, et la meilleure a été celle de la Toronto Dominion. Nous les avons aidés à préparer le projet, mais l'essentiel du travail s'est fait entre les banques et la FSIN.

Pour les banques, cette réorganisation au Manitoba était une excellente occasion d'intervenir. Nous pouvons avoir toutes les politiques du monde, mais comme le dit le premier ministre, c'est toujours l'argent qui décide. Les banques étaient là parce qu'elles y voyaient des possibilités économiques intéressantes. Leur attitude était très positive; hier, il y avait au moins huit ou neuf représentants qui étaient des cadres supérieurs.

Notre ministère a encouragé le projet du Nouveau-Brunswick et je vais laisser à Al le soin de vous dire où il en est et où il s'en va.

M. Williams: Comme le disait le ministre, le colloque lui-même a réuni environ 126 personnes qui représentaient des établissements privés et qui comprenaient également des chefs et des leaders autochtones dans le domaine du développement économique. Nous avons ainsi constitué six groupes de travail, présidés chacun par un leader autochtone, et dont la mission était d'étudier les six questions suivantes: l'accès à des capitaux à court terme; la création d'une institution financière, ce dont nous venons de parler; l'examen de méthodes fiscales novatrices, également destinées à faciliter l'accès des réserves à des capitaux; l'étude des compétences dont les Premières nations ont besoin pour obtenir et utiliser des capitaux; l'amélioration du réseau de communication entre les Premières nations et entre celles-ci et les autres collectivités; et l'examen des obstacles réglementaires actuels ainsi que des moyens de composer avec eux ou de les modifier afin de faciliter l'accès aux capitaux dans les réserves.

.1305

Ces six groupes de travail sont présidés par le chef Larry Sault, dont le ministre a parlé tout à l'heure. Ils devraient présenter des rapports d'étape vers la fin d'août et leurs rapports finals au ministre avant la fin de l'année civile.

Mme Kraft Sloan: Il me reste une question, qui n'est d'ailleurs pas nécessairement très brève. Sur un plan très général, vous semble-t-il qu'il y a des différences entre les collectivités inuites et les collectivités des Premières nations en ce qui concerne les principaux défis à relever et les priorités.

M. Irwin: Oui. Au sud du 60e parallèle, il y a eu une reprise plus marquée sur le plan de l'éducation. Cela apparaît dans les chiffres présentés dans le livre - les différences de pourcentage. Au nord de cette latitude, par exemple, en ce qui concerne la commercialisation... Une partie de notre Livre rouge était axée sur la commercialisation. Je vois des sculptures inuites, par exemple, coûtant 14 000$ ou 15 000$ - ce sont des oeuvres superbes, mais leur commercialisation est extraordinaire. Chaque fois que je vois une boutique, j'y pénètre et je demande comment ils procèdent, en particulier en Colombie-Britannique. Ils utilisent tout simplement une meilleure technique. Ils utilisent des vidéos dans lesquelles ils présentent la sculpture, avec un peu de musique de fond et des commentaires - tout cela peut se faire pour 200$ ou 300$ - et ils font parvenir ces vidéos aux acheteurs du monde entier. Les Inuits sont donc passés maîtres dans la commercialisation de leur art.

Sur le plan de la santé, les problèmes sont très similaires. Mais ces problèmes sont beaucoup plus difficiles à résoudre pour les Inuits à cause du coût de l'alimentation. Nous avons alloué 17 millions de dollars, mais des produits de première nécessité tels que le lait coûtent extrêmement cher là-bas. C'est très important pour eux. N'oublions pas qu'il s'agit de cultures différentes. Par exemple, mes plaisanteries font rire les Indiens, mais pas les Inuits. Les premiers me disent qu'ils sont plus courtois. Il s'agit simplement de groupes différents.

Mme Kraft Sloan: Par ailleurs, le ministère juge-t-il qu'il a des défis différents à relever dans le Nord vis-à-vis de ces deux groupes? Certains d'entre eux sont géographiques ou localisés.

M. Irwin: Votre remarque est intéressante. Nous discutons de gouvernement populaire avec les Inuits. C'est quelque chose qu'ils n'ont pas encore défini; pour eux, ce n'est qu'un mot, alors que les Indiens ont une bien meilleure idée de ce qu'ils veulent faire dans ce domaine.

Ils en sont en fait à la toute première étape. Par exemple, dans le domaine scolaire, il y a tout un processus à suivre. Pour commencer, vous en assumez l'administration, et ensuite, la direction. Le processus est plus avancé au sud du 60e parallèle car si l'on discute beaucoup de gouvernement populaire, on n'a pas vraiment défini ce que l'on entend par cela.

En fait, Jack Anawak ou Elijah pourraient vous expliquer, mieux que moi, ce que sont ces différences.

Mme Kraft Sloan: Oui. Ce qui m'intéressait surtout c'était le point de vue du ministère à cet égard. Je vous remercie.

Le président: Monsieur le ministre, le comité vous remercie vivement ainsi que vos collaborateurs, d'être venus nous voir aujourd'hui et de nous avoir fait part de ce que le ministère envisage pour l'avenir. Nous vous sommes très reconnaissants d'être venus nous en parler. Je tiens également à remercier les membres du comité pour la qualité de leurs questions et pour les efforts qu'ils ont déployés pour obtenir des informations utiles. Merci à tous.

Mes chers collègues, j'ai encore besoin de vous un instant; ne partez pas trop vite. Au comité directeur, nous avons discuté du rapport. Nos attachés de recherche s'emploient à le rédiger à partir des éléments apportés par chacun d'entre vous. Nous avons constitué un petit groupe en juillet, avec un représentant de chaque parti, plutôt que d'obliger tout le monde à revenir. En outre, nous tiendrons une autre réunion à laquelle le comité plénier pourra examainer la question.

.1310

Nous avons maintenant besoin d'un motion pour...

Une voix: J'en fais la proposition.

M. Duncan: En juillet et août, vous avez l'intention de réunir quatre personnes dans la même salle. C'est bien cela.

Le président: Oui. J'aimerais en effet le faire d'ici le mois d'août.

M. Duncan: Les semaines ou les jours précis sont-ils prévus?

Le président: Cela reste encore à régler. Je songeais au 17 ou au 18 juillet. Après quoi nous...

M. Duncan: Cela tombe quel jour?

Le président: Lundi ou mardi.

M. Duncan: Je serai ici la semaine précédente, mais pas cette semaine-là. Pourrait-on plutôt retenir le jeudi ou le vendredi?

Le président: Il faudra que je le vérifie. Je crois que le sous-comité de l'éducation est... peut-être pourrions-nous fixer les deux réunions l'une à la suite de l'autre. Nous allons voir.

La réunion d'août est prévue parce que le Parti libéral a une réunion de son caucus. Lorsque nous tiendrons notre réunion plénière, seuls les quatre personnes supplémentaires seront obligées de revenir, si nous pouvons le faire un jour avant ou un jour après.

M. Duncan: Connaissez-vous les dates du caucus libéral?

Le président: Pas encore.

M. Duncan: Aura-t-il lieu au cours des deux premières ou des deux dernières semaines?

Le président: Au cours des deux premières semaines. Nous allons vérifier tout cela et nous fixerons alors les dates.

La proposition est donc adoptée.

La séance est maintenant levée.

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