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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 9 novembre 1995

.1403

[Traduction]

Le président: Nous nous réunissons aujourd'hui pour étudier le projet de loi C-107, Loi concernant l'établissement de la Commission des traités de la Colombie-Britannique.

Notre premier témoin par téléconférence est Alec C. Robertson, commissaire exécutif de la Commission des traités de la Colombie-Britannique.

Je m'appelle Ray Bonin, je suis président du comité. Je vous présente Marg Bridgman, du Parti réformiste, et M. John Finlay, du Parti libéral.

Nous avons réservé une heure pour votre exposé et pour les questions. Nous espérons que votre exposé ne dépassera pas 20 minutes. Sinon, cela nous laissera moins de temps pour les questions. Si vous ne pouvez pas tout dire en 20 minutes, vous pourrez donner davantage de détails dans vos réponses. Nous sommes très souples.

Je vous invite sans plus tarder à commencer votre exposé.

M. Alec C. Robertson (commissaire exécutif, Commission des traités de la Colombie-Britannique): Merci, monsieur le président et membres du comité, de m'avoir invité à vous adresser la parole aujourd'hui.

J'ai lu le Hansard. Comme vous êtes déjà au courant de la situation, j'essaierai de m'en tenir à beaucoup moins que les 20 minutes prévues. J'ai pensé que je vous parlerais de notre mandat et de notre rôle, des progrès accomplis jusqu'ici, des raisons pour lesquelles nous avons besoin de ce projet de loi et de ce qu'il faudra faire à l'avenir.

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Comme vous le savez sans doute, il y a trois parties en cause dans le processus: le Canada, la Colombie-Britannique et le Sommet des Premières nations. C'est nous qui réunissons ces trois parties. En réalité, nous avons trois rôles à jouer.

D'abord, nous surveillons l'application du processus, c'est-à-dire que nous devons nous assurer que chacune des parties aux négociations se conforme aux critères requis pour le processus en six étapes. Il est sans doute plus simple de considérer que le processus comporte trois étapes, la première étant celle où les parties se préparent à négocier, la deuxième celle où elles se rencontrent pour négocier les éléments du traité et, la troisième, celle où elles négocient le traité lui-même.

À titre de surveillants du processus, nous devons nous assurer que chacune des parties satisfait à nos critères à l'étape de la préparation, c'est-à-dire qu'elle a nommé ses négociateurs, consulté ses membres et reçu son mandat. Nous organisons ensuite une rencontre où nous demandons aux parties d'élaborer une entente cadre, après quoi nous pouvons passer aux négociations.

Un autre de nos rôles consiste à affecter le financement de soutien fourni par les gouvernements aux Premières nations pour garantir qu'elles sont prêtes à négocier le plus possible d'égal à égal avec les deux autres échelons gouvernementaux. Je dois dire que ce processus occupe une bonne partie de notre temps.

Notre troisième rôle, qui est peut-être le plus important de tous, consiste à faciliter les négociations elles-mêmes. À mesure que de plus en plus de Premières nations en arriveront à l'étape des négociations du processus, nous croyons que ce rôle deviendra de plus en plus exigeant. Nous devons à ce moment-là faciliter les négociations à la demande des parties s'il y a des difficultés. Nous l'avons fait dans le passé soit en intervenant et en présidant une réunion nous-mêmes, soit en discutant avec les parties en cause pour essayer de négocier une solution.

Si l'affaire risque de prendre du temps...par exemple, un de nos commissaires a présidé une très importante table de négociation sur l'île de Vancouver pendant quelque temps jusqu'à ce que nous trouvions quelqu'un de l'extérieur pour venir présider aux négociations de façon permanente. Cela fonctionne très bien.

Quant aux progrès accomplis jusqu'ici, vous êtes peut-être déjà au courant des chiffres, mais je vais vous les répéter, 47 Premières nations ont maintenant entamé le processus. Cela représente environ 70 p. 100 de la population autochtone de la Colombie-Britannique. Là-dessus, 26 de ces Premières nations en sont encore à l'étape de la préparation et 21 ont terminé cette étape; sur ces 21 Premières nations, 17 sont en train de négocier une entente cadre, c'est-à-dire la liste des questions qui feront l'objet de négociations poussées. Quatre des Premières nations en sont maintenant à la négociation du traité même.

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Dans l'ensemble, nous trouvons que le processus fonctionne bien. De façon générale, plus de Premières nations ont participé au processus et avec plus de succès que nous ne l'avions prévu au départ. Certaines critiques formulées au sujet du processus ont porté fruit. Les gouvernements se sont notamment penchés sur la question des consultations des collectivités et des tierces parties qui nous préoccupaient il y a un an et ces consultations beaucoup plus intensives maintenant qu'auparavant. Après l'étape de préparation, la plupart des Premières nations, sinon toutes, acceptent des protocoles d'ouverture qui permettront au public de se tenir au courant dans une bonne mesure de l'état des négociations.

D'après les nouvelles que nous avons des tables de négociation, les réunions à la quatrième étape, c'est-à-dire les négociations de fond, sont des réunions productives et les parties en cause jugent que l'on réussit vraiment à régler les difficultés. Il y a donc de bonnes raisons de croire que des traités seront conclus dans les délais prévus pour ces étapes. Par exemple, dans deux ou trois cas, on s'est entendu à l'étape des négociations de la quatrième étape sur des échéanciers qui prévoient l'adoption d'un traité dans les deux ans. Si les choses se poursuivent comme maintenant, ces délais pourraient fort bien être respectés.

Quant au projet de loi à l'étude, nous espérons qu'il répondra à trois de nos préoccupations.

D'abord, pour l'instant, la commission se compose de cinq commissaires. Chacun de nous est personnellement comptable en vertu de toutes les ententes qui ont été conclues; si quelqu'un veut intenter des poursuites à la commission, c'est à nous personnellement qu'on intentera des poursuites. Même si nous avons conclu des ententes prévoyant une indemnisation dans de tels cas, il me semble bien onéreux de demander aux commissaires d'assumer de telles obligations éventuelles.

L'autre chose qui nous préoccupe, c'est que comme nous ne sommes pas une personne morale, nous ne sommes qu'un organisme fictif découlant de toute une série d'ententes juridiques. Chaque fois qu'un commissaire nous quitte, il laisse un vide dans cet organisme fictif qui doit être comblé grâce à de nouvelles ententes juridiques. Depuis la nomination des premiers commissaires en avril 1993, tous ont été remplacés; cinq commissaires nous ont quitté et ont dû être remplacés. Il est bien sûr possible de conclure de telles ententes, mais cela représente un fardeau important et une dépense inutile pour la commission des traités. Ce problème disparaîtra une fois que nous deviendrons une personne morale.

La dernière de nos préoccupations est plus symbolique. Le projet de loi symbolise l'engagement du Canada envers le processus. Comme la loi provinciale est liée à la loi fédérale, cela symbolise aussi l'engagement de la Colombie-Britannique.

Pour ce qui est de l'avenir, nous considérons que le processus devrait fonctionner raisonnablement bien. Nous espérons que, si tout se passe bien et si l'on réussit à produire et ratifier des traités, cela incitera les Premières nations qui ne l'ont pas encore fait à participer elles aussi au processus. Bien entendu, ce n'est qu'une supposition, mais nous avons l'impression que d'autres Premières nations décideront d'y participer.

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À notre avis, il faut renseigner le public sur le processus et nous espérons pouvoir commencer à le faire nous-mêmes. Nous sommes un petit organisme et nous n'avons pas un très gros budget, mais nous essayons de nous réorganiser pour en faire davantage dans le domaine de l'éducation du public. Nous avons l'impression que le public veut savoir comment fonctionne le processus. Nous espérons pouvoir faire quelque chose à ce sujet d'ici un an.

Cela résume, je pense, la façon dont nous envisageons le processus et le travail des commissaires. Je serai maintenant ravi de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Robertson. Je vous signale que, comme vous commenciez votre exposé, deux ministériels se sont joints à nous, messieurs Harper et Bertrand.

Nous allons maintenant commencer les questions. Nous pouvons le faire sans beaucoup de cérémonie. Nous allons passer d'un côté à l'autre de la table et je donnerai la parole à ceux qui lèveront la main.

Madame Bridgman, vous pouvez commencer.

Mme Bridgman (Surrey-Nord): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie de votre exposé. Je m'appelle Margaret Bridgman et je suis députée du Parti réformiste. Je voudrais vous poser quelques questions.

Tout d'abord, pensez-vous qu'il y aura un deuxième tour de table.

Le président: J'imagine que vous aurez tout le temps voulu.

Mme Bridgman: Très bien.

Les deux premières choses dont je voudrais parler ont trait à ce que vous faites pour préparer et aider les parties à négocier. Si j'ai bien compris, la commission ne participe pas elle-même au processus de négociation. Elle aide les parties aux négociations à se préparer. Je voudrais savoir si la commission informe les parties qu'elles sont prêtes à négocier ou leur permet de le faire. Je veux savoir ce que la commission est autorisée à faire.

Les parties en cause peuvent-elles négocier même si la commission juge qu'elles ne sont pas prêtes ou peuvent-elles négocier seulement lorsque la commission juge qu'elles sont prêtes à le faire? C'est ma première question.

L'autre a trait au sommet et à la composition du sommet. Si j'ai bien compris, 47 bandes participent maintenant au processus. Les membres du sommet sont-ils toujours les mêmes ou varient-ils selon les bandes qui participent aux négociations?

M. Robertson: Je vais essayer de répondre à chacune de ces questions. Pour ce qui est du niveau de préparation, nous demandons à chacune des parties de se préparer elle-même à respecter les critères de préparation. Quand elles jugent l'avoir fait, elles nous remettent leur documentation pour montrer qu'elles ont fait le nécessaire.

Nous examinons cette documentation. Les négociations ne sont pas entamées tant que nous n'avons pas déclaré que chacune des parties a satisfait aux exigences de préparation. Quand les trois parties ont satisfait aux exigences, nous déclarons que les participants sont prêts à entamer la négociation d'une entente cadre.

Par conséquent, je vous réponds qu'il n'y a pas de négociation tant que nous n'avons pas déclaré que chacune des parties a atteint le niveau de préparation requis.

Quant à votre deuxième question, le sommet est bien sûr un groupe qui représente toutes les Premières nations aux négociations. Vous entendrez tantôt des membres du sommet, je pense, et je préférerais qu'ils répondent eux-mêmes à cette question, mais je peux vous dire que le sommet est généralement représenté aux discussions par un groupe composé du grand chef Ed John, du chef Joe Mathias et d'autres personnes. Je ne sais pas au juste qui sont tous les autres membres de ce groupe, mais je crois que les membres du sommet sont resté les mêmes au cours de la dernière période.

Est-ce que cela répond à votre question?

Mme Bridgman: Oui, mais cela en entraîne une autre. J'y reviendrai quand j'aurai la parole plus tard.

Le président: Quelqu'un veut-il poser une question du côté des ministériels?

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M. Harper (Churchill): Je m'appelle Elijah Harper et, comme vous pouvez le voir, je siège du côté des ministériels. Le processus m'intéresse beaucoup.

Vous allez aider les parties en cause à obtenir des services de règlement des conflits. Quels problèmes envisagez-vous à cet égard? De quel genre de conflits ou de problèmes pensez-vous devoir vous occuper? De quel genre de difficultés pensez-vous devoir discuter avec les parties en cause? Les parties en cause ont-elles annoncé leur position pour les négociations, par exemple la province se fonde-t-elle sur l'hypothèse que toute la province appartient à la Couronne ou bien les Premières nations affirment-elles que les terres n'ont jamais été cédées dans telle ou telle région de la Colombie-Britannique? Quelles positions ont été annoncées? Est-ce que cela aura une incidence sur le processus? Pouvez-vous nous dire quelque chose là-dessus?

M. Robertson: Comme vous le savez, nous abordons une question très intéressante. Dans l'ensemble, les parties en cause ont pris position comme vous l'avez dit.

Vous savez certainement qu'il y a très peu de négociations maintenant avec des Premières nations où les parties en cause ont des opinions tellement contradictoires. Nous espérons néanmoins qu'on pourra trouver des solutions.

Le critère qui nous permettra de juger viendra probablement d'une négociation qui ne fait pas partie de notre processus, en l'occurrence la négociation de la nation Nishga. Si cette négociation aboutit à un traité d'ici peu, comme on l'espère, cela nous donnerait une formule pour concilier les idées tout à fait contradictoires dont vous avez parlé.

Les autres genres de problèmes dont nous devons nous occuper dans le cadre de notre processus, puisque nous ne nous sommes pas jusqu'ici occupés de conflits relatifs à la propriété ou à la cession du territoire, avaient trait dans certains cas au chevauchement du territoire traditionnel de deux Premières nations. Il appartient en premier lieu aux Premières nations de résoudre ce problème, mais nous savons que, dans certains cas, cela peut faire obstacle aux négociations. Nous pensons que nous devrons probablement nous occuper de cette question d'ici peu.

Nous avons aussi constaté certains problèmes de procédure aux tables de négociation à cause des attentes différentes de chacune des parties. Jusqu'ici, ces problèmes ont été relativement mineurs et nous avons pu les résoudre.

Je ne pense pas pouvoir vraiment vous donner une réponse complète surtout parce que j'ai l'impression que les problèmes les plus graves vont faire surface quand on commencera à discuter de l'accord de principe. C'est à ce moment-là que nous allons voir où il y a vraiment conflit et ce que nous allons pouvoir faire pour les régler.

L'une des choses les plus difficiles à faire sera de trouver des médiateurs et des facilitateurs qui seront suffisamment renseignés sur les différentes cultures et antécédents des Premières nations pour aider à trouver des solutions.

Le président: Je vous remercie de cette bonne et longue réponse, mais nous devons essayer de ne pas nous écarter du sujet. Il y avait peut-être quand même un rapport avec la question. Je ne suis pas certain qu'elle soit recevable.

Si vous avez une autre question, allez-y.

M. Harper: Oui, parce que je trouve moi aussi que la commission entre dans une nouvelle ère. Certains problèmes vont être très délicats.

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Nous venons de recevoir un rapport qui a trait à l'incertitude relative à l'extinction des droits. C'est intitulé A New Partnership, et l'auteur est Al Hamilton. Vous savez peut-être que ce rapport recommande que le gouvernement fédéral cesse d'exiger que les bandes renoncent à leur titre de propriété pour les terres et les ressources. Est-ce qu'il serait utile de modifier cette politique? Est-ce qu'il serait utile que le gouvernement fédéral laisse de côté cette politique d'extinction des droits? Ils disent plutôt que les bandes ne seront plus obligées de renoncer à leur titre aux territoires? Je sais que vous allez participer au mécanisme de règlement des conflits. Quel serait votre avis là-dessus?

M. Robertson: Je pense que je suis en train de me laisser entraîner dans des domaines dont je préfère ne pas parler jusqu'à ce que cela nous soit présenté officiellement. J'ai lu le rapport et je l'ai trouvé très intéressant. J'ai hâte de voir quelle sera la position des négociateurs, parce que je pense qu'ils sont encore en train d'analyser le rapport. Nous allons surveiller la situation avec intérêt, mais nous n'avons pas vraiment de position au sujet du rapport lui-même.

Le président: Très bien, monsieur Robertson.

Monsieur Finlay.

M. Finlay (Oxford): Merci, monsieur le président.

Monsieur Robertson, je suis John Finlay, député d'Oxford.

Vous avez parlé des 47 Premières nations qui participent au processus et dit que la plupart d'entre elles en sont encore à l'étape de la préparation. Vous avez dit que cela représentait un peu plus de 70 p. 100 de la population des Premières nations. Avez-vous quelque chose à nous dire à propos des autres 20 ou 25 p. 100? Combien de bandes cela représente-t-il et pourquoi ne participent-elles maintenant au processus?

M. Robertson: D'autres seraient sans doute mieux placés que moi pour vous répondre.

De façon générale, comme vous le savez sans doute, il y a deux principaux groupes en Colombie-Britannique qui représentent les Premières nations autochtones. Le groupe qui participe au processus de négociation des traités est le Sommet des Premières Nations. L'autre groupe, qui n'y participe pas, est l'Union des chefs Indiens de la Colombie-Britannique. Je ne suis pas suffisamment au courant de la question pour vous dire quel pourcentage des autres 30 p. 100 de la population ce groupe représente. Selon nous, d'autres Premières nations vont décider de participer au processus et j'aurais du mal à dire quel pourcentage de la population autochtone est représentée par l'Union des chefs Indiens de la Colombie-Britannique.

Ce groupe ne juge pas le processus approprié, contrairement au Sommet des Premières nations et vous devriez probablement poser cette question aux représentants du Sommet qui pourront peut-être mieux vous répondre que moi.

Le président: Madame Bridgman.

Mme Bridgman: Merci, monsieur le président.

Je voudrais poser quelques autres questions à propos du niveau de préparation des parties et des critères pour les négociations. Tout d'abord, je voudrais savoir comment ces critères sont établis. Est-ce que ce sont les parties en cause qui établissent les critères ou est-ce la Commission elle-même?

Je songe par exemple à ce que disait M. Harper à propos du rapport Hamilton. Quand d'autres approches sont proposées, comment la Commission décide-t-elle de les accepter ou non? J'ai du mal à comprendre qui prend la décision.

M. Robertson: Je peux répondre à la première partie de votre question en disant que l'accord sur la Commission des traités de la Colombie-Britannique, qui a été signée par les trois parties, établit les critères que nous devons appliquer pour décider si les parties sont prêtes à négocier ou non. Vous devez cependant noter que l'entente sur la Commission des traités de la Colombie-Britannique découle du rapport du groupe d'étude des revendications territoriales. Je pense que ce rapport date de 1991. Il avait été préparé par des représentants des Premières nations, du Canada et de la Colombie-Britannique.

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Ce rapport contient 19 recommandations, accompagnées de beaucoup de texte, au sujet du déroulement du processus. L'accord sur la Commission résume ces critères, mais nous sommes quand même tenus de nous reporter au rapport du groupe d'étude pour déterminer le niveau de préparation. Nos critères sont donc établis par l'accord sur la Commission des traités de la Colombie-Britannique et le rapport du groupe d'étude.

Nous ne fixons pas nous-mêmes les critères, mais si quelque chose n'est pas clair, nous appliquons nos propres principes. Dans l'ensemble, cependant, les critères sont déjà établis.

Quand survient un fait nouveau comme le rapport Hamilton, nous devons toujours nous rappeler que nous ne sommes pas nous-mêmes des négociateurs. Nous ne devons pas prendre la part de l'une ou l'autre partie, mais rester vraiment neutres. Les négociateurs vont devoir tenir compte du rapport Hamilton parce que cela représente une tentative en vue de concilier deux idées contradictoires sur le règlement des revendications territoriales. Nous espérons qu'ils trouveront un moyen de le faire.

Si des négociations étaient interrompues à cause de cela, nous essaierions probablement de trouver un facilitateur professionnel pour essayer d'aider les parties à s'entendre.

Mme Bridgman: Cela m'amène à autre chose qui est aussi relié aux critères contenus dans le rapport du groupe d'étude.

Le projet de loi C-107 reprend presque textuellement de l'accord un article de modification, en l'occurrence l'article 22. Cet article dit que les signataires peuvent modifier l'accord. Le Parlement ne peut pas le modifier, mais les signataires le peuvent.

Vous venez de dire que ce sont les signataires qui ont établi les critères et qu'ils peuvent donc les modifier. La Commission peut-elle influer sur ces modifications? Peut-elle recommander des modifications au fur et à mesure? Le processus pourrait alors durer longtemps.

Je m'inquiète de cette possibilité de modification. Peut-on modifier ou abréger considérablement l'accord? Comment la Commission peut-elle garantir une certaine continuité?

M. Robertson: Nous ne pouvons pas vraiment exercer de contrôle là-dessus, mais il s'agit d'un processus bien particulier puisqu'il représente un effort de collaboration de la part du Sommet des Premières nations, de la Colombie-Britannique et du Canada. Les trois signataires doivent donc agir de concert pour modifier le processus.

L'accord lui-même peut être modifié par les signataires et je pense qu'il prévoit un examen après un certain temps. Les trois parties pourraient ensemble modifier l'accord. D'après le rôle que nous avons joué jusqu'ici, je pense que les signataires voudraient notre avis sur l'efficacité du processus et sur la façon de l'améliorer au besoin.

Je pense que les signataires demanderaient notre avis au sujet du processus et nous consulteraient à propos de l'utilité de certains changements. Nous n'avons cependant aucun rôle direct à jouer ou aucun droit de veto si les signataires décident de faire quelque chose. Ils prennent leurs propres décisions.

Mme Bridgman: Merci.

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Le président: Monsieur Harper.

M. Harper: Ma question a trait à l'obtention des services de règlement de conflits. Comment cela se passe-t-il? Est-ce que cela dépend des services disponibles ou y a-t-il des mécanismes qui sont prévus? Pouvez-vous expliquer comment cela fonctionne?

M. Robertson: Jusqu'ici, nous avons nous-mêmes fourni ces services de règlement des conflits parce que, pour chacune des Premières nations qui participent au processus, nous avons chargé un commissaire de surveiller les progrès réalisés et d'assister au besoin aux négociations. Nous avons aussi des analystes à la Commission qui surveillent les tables de négociation. C'est notre rôle de savoir ce qui se passe avant que les problèmes ne surgissent, dans la mesure du possible.

Lorsque nous avons constaté qu'une difficulté pouvait se présenter, nous avons généralement fait en sorte qu'un commissaire soit là pour parler aux trois parties et essayer de résoudre le problème. Comme vous le savez bien, les difficultés viennent très souvent du fait que quelqu'un prend une position très ferme à propos de quelque chose et que les gens se laissent emporter par leurs émotions. La situation peut se détériorer. Cependant, si une personne neutre peut être là pour entendre les trois parties, les difficultés ont tendance à s'aplanir. Cela a fonctionné jusqu'ici, mais il n'y a pas vraiment suffisamment de commissaires pour qu'ils s'occupent personnellement du grand nombre de Premières nations en cause.

Nous essayons donc maintenant de dresser une liste de personnes qui pourraient fournir des services de médiation aux Premières nations pour que nous puissions proposer des personnes compétentes aux signataires dans de tels cas. Il s'agit vraiment de services de médiation et c'est de cette façon que nous préférons régler le genre de difficultés que nous pouvons entrevoir.

L'autre problème qui peut se poser, et c'est déjà arrivé, tient du fait que certaines des Premières nations, à cause de leur structure gouvernementale ont plusieurs négociateurs qui représentent soit des maisons différentes, soit des groupes différents. Cela veut dire bien du monde à la table des négociations. Il est préférable d'avoir un président neutre et un de nos membres a joué ce rôle dans le passé, mais nous allons être obligés de laisser ce soin à d'autres. La neutralité donne de bons résultats.

Voilà le genre de services dont il s'agit. Je suis certain que nous allons toucher à des questions qui suscitent beaucoup de controverses et que cela va nous compliquer la tâche, mais jusqu'ici cela ne s'est pas produit.

M. Harper: Je voudrais poursuivre dans la même veine et parler précisément des mesures provisoires qui pourraient être nécessaires pour résoudre les problèmes dans le domaine de l'exploitation forestière et autre.

Tous les intervenants veulent qu'on s'occupe de leurs droits, qu'il s'agisse des particuliers, des entreprises, du gouvernement fédéral ou provincial ou des Premières nations. Supposons qu'on n'a pas encore signé le traité qui s'applique au territoire d'une Première nation. Quelles mesures va-t-on prendre et quels conseils allez-vous fournir aux parties pour déterminer la compétence qu'il s'agisse de cogestion ou de récolte des ressources?

Je sais que la vie continue pendant que le processus se déroule. Est-ce que cela pose un problème à l'heure actuelle?

M. Robertson: Il a été question de temps à autre de mesures provisoires. Le rapport du groupe d'étude précise que, dans bien des cas, il serait essentiel de prendre des mesures provisoires pour empêcher de nuire au processus. Le rapport prévoit une gamme assez stricte de mesures provisoires auxquelles on pourrait songer et qu'on pourrait prendre à une étape donnée du processus.

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Nous avons parfois dû intervenir parce qu'une Première nation avait du mal à obtenir qu'on discute de mesures provisoires et craignait que son territoire... ou bien il y a eu des cas où on a octroyé un permis de coupe dans un secteur qui faisait partie du territoire traditionnel d'une Première nation et qui revêtait une importance fondamentale pour les négociations.

La commission a examiné sa position à ce sujet et a décidé que si, selon elle, de façon objective, les circonstances étaient telles qu'elles exigaient des mesures provisoires, elle pouvait intervenir, ne serait-ce que pour consulter les parties et les inciter à négocier.

Le cas ne s'est pas présenté très souvent, mais lorsqu'il s'est présenté, nous avons eu un certain succès à cet égard. Le processus semble fonctionner.

Nous entendons beaucoup de plaintes comme quoi il n'y a pas suffisamment de mesures provisoires. Tout ce que je peux dire, c'est que dans les cas qui ont été portés à notre attention, lorsque nous avons été consultés, on semblait en avoir discuté.

Le président: Monsieur Finlay.

M. Finlay: J'ai deux brèves questions, monsieur le commissaire. Si nous adoptons le projet de loi C-107, nous créerons la commission en tant que personne morale, comme vous l'avez dit plus tôt, et nous pourrons éviter toute cette fiction et cette paperasserie juridique chaque fois qu'il y aura un changement ou un nouveau commissaire. C'est juste?

M. Robertson: Oui.

M. Finlay: En entendant la liste des activités de la commission, je me demande... La loi fixe-t-elle de façon absolue le nombre de commissaires à cinq ou serait-il possible d'en ajouter au besoin?

M. Robertson: Pour répondre à votre première question, en devenant une personne morale, nous ne serons plus seulement des commissaires au traité de la Colombie-Britannique mais nous deviendrons vraiment la Commission des traités de la Colombie-Britannique. Même si le personnel change, la commission poursuivra son travail. Nos vies seront beaucoup moins bouleversées lorsqu'il y aura des changements.

Pour ce qui est du nombre de commissaires, nous n'en avons pas discuté. Le nombre prévu comporte un avantage. Cela nous permet de rester en relation relativement étroite. Nous nous rencontrons au moins deux fois par mois pour examiner les cas qui se présentent. Dans une certaine mesure, nous préférons être peu nombreux de façon à pouvoir nous attaquer plus directement aux questions.

Je suis commissaire à plein temps. Les autres sont censés être commissaires à temps partiel, mais ils consacrent plus de la moitié de leur temps à ce travail. Ils y consacrent les deux tiers ou les trois quarts de leur temps.

Je ne sais pas au juste où je veux en venir mais je pense que pour le moment le processus fonctionne assez bien avec cinq commissaires. Si nous estimions devoir être plus nombreux, nous en parlerions aux signataires. Nous n'avons jugé bon le faire jusqu'à présent.

C'est la meilleure réponse que je peux vous donner.

M. Finlay: Lorsque le processus avancera et que vous franchirez les sept étapes, vos collègues ne consacreront plus les deux tiers ou les trois quarts de leur temps à ce travail; ils y consacreront probablement tout leur temps.

M. Robertson: C'est possible.

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M. Finlay: Vous avez dit, si je me souviens bien, que l'une des tâches de la commission consiste à trouver des fonds pour les groupes des Premières nations de façon à ce que les règles du jeu puissent être les mêmes pour tout le monde. Quel est le budget de la commission à ce titre? Y a-t-il des limites? Pouvez-vous nous donner des détails à ce sujet?

Le président: Très brièvement, s'il vous plaît.

M. Robertson: Très brièvement donc, pour le présent exercice, nous avons un budget de 23,8 millions de dollars. Sur ce budget, 80 p. 100 des fonds prennent la forme de prêts et 20 p. 100 prennent la forme de contribution. Il y a des limites au montant qui peut être alloué à une Première nation à une étape donnée. La plupart des Premières nations n'atteignent pas ces limites.

Ces fonds proviennent de deux niveaux de gouvernement. Les fonds servant aux prêts sont consentis par le Gouvernement du Canada et le Gouvernement du Canada et celui la Colombie-Britannique se divisent également le financement des contributions.

Le président: Merci.

Nous allons maintenant nous limiter à des tours de deux minutes au maximum.

Madame Bridgman.

Mme Bridgman: J'ai une brève question relativement au délai. Je pense qu'une des principales raisons pour procéder comme nous le faisons maintenant était d'essayer d'accélérer le processus de négociation. Nous n'avons pas obtenu de résultats très reluisants à cet égard par le passé. J'entends parler de gens qui négocient depuis 20 ans. Les gens du Yukon, par exemple.

Pensez-vous qu'avec les sept étapes, le délai de 20 ans pourra être sensiblement réduit? Y a-t-il une norme pour ce qui est d'un délai raisonnable en fait de l'accomplissement des sept étapes, de telle sorte que les négociations ne se déroulent pas de façon uniquement sporadique? Y a-t-il une norme, pour ce qui est de la longueur du processus, une fois lancé?

M. Robertson: Le seul guide est l'estimation qui a été faite quand le système a été mis sur pied. Et il s'agit d'une estimation très grossière.

Le programme d'aide à la négociation a été établi selon un modèle prévoyant une période d'environ cinq ans du début du processus de négociation à la signature d'un traité. C'est un scénario assez optimiste compte tenu de l'expérience passée. Cependant, ce processus est exceptionnel en ce sens qu'il a été conçu par les trois parties et non pas imposé par une seule. Et il établit la commission en tant qu'organisme neutre chargé de faire avancer les choses. Il faudra attendre pour voir s'il peut vraiment réussir.

Je suis peut-être un optimiste dans l'âme, mais je pense, au même titre que la commission, que si tout le monde s'en tient aux critères établis et persiste dans l'effort les traités seront conclus beaucoup plus rapidement qu'avec le processus des revendications globales. Cette dernière méthode n'a pas été un succès.

Il faut cependant dire que tout n'ira pas nécessairement comme sur des roulettes. Un des problèmes, avec un processus qui sera accessible à toutes les Premières nations, si bien organisé soit-il - le nombre ne serait plus de 47, mais bien supérieur - est qu'il n'y aura peut-être pas suffisamment de négociateurs disponibles pour faire avancer toutes les tables de négociations. Nous devrons essayer de régler ce problème si nous voulons vraiment faire des progrès.

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Le président: Je vous remercie beaucoup de votre participation, monsieur Robertson. Le travail que vous effectuez est important et est pris très au sérieux. Il pourrait servir de modèle à d'autres régions du pays. Nous suivrons attentivement vos progrès. Nous admirons votre dévouement. Merci beaucoup d'avoir été des nôtres aujourd'hui.

M. Robertson: Merci beaucoup monsieur le président, membres du comité. Il m'a fait plaisir de comparaître devant vous.

Le président: Nous allons faire une pause en attendant nos prochains témoins.

.1500

Le président: Merci et bienvenue. Nous entendrons maintenant les représentants des B.C. Summit Chiefs: le chef Joe Mathias, le grand chef Edward John et Gérald Amos.

Il y a un certain nombre d'observateurs. Ce sont: le chef Sophie Pierre, coprésidente du Sommet des Premières nations; Danny Watts, coprésident du Sommet des Premières nations; Karen Isaac, coordonnatrice pour les communications au Sommet des Premières nations; Kathryn Teneese, coordonnatrice pour le protocole au Sommet des Premières nations; Marilyn Teneese, adjointe administrative et Nancy Morgan, conseillère juridique au Sommet des Premières nations.

Nous avons prévu une demie heure pour votre exposé. Sans vous sentir obligé de respecter ce délai, pouvez-vous nous dire quelles sont vos intentions? Voulez-vous prendre la parole tous les trois? Comment entendez-vous utiliser cette demie heure?

Le grand chef Edward John (membre du groupe de travail, Sommet des Premières nations): Nous avons une déclaration écrite dont nous aimerions vous donner lecture aux fins du compte rendu. Nous aurions aimé pouvoir vous en remettre une copie, mais ce n'est évidemment pas possible. Nous en joindrons une à la documentation que nous ferons parvenir au comité.

Le président: Nous vous en serions reconnaissants.

Le grand chef John: Nous allons d'abord nous présenter, si vous voulez bien. Je m'appelle Edward John, je suis membre de la nation Tl'azt'en et également membre du comité exécutif du groupe de travail du sommet auprès du Sommet des Premières nations.

Le chef Joe Mathias (membre du groupe de travail, Sommet des Premières nations): Je m'appelle Joe Mathias, j'appartiens à la nation Squamish, et je suis membre du groupe de travail au Sommet des Premières nations.

M. Gerald Amos (membre du groupe de travail, Sommet des Premières nations): Je m'appelle Gerald Amos, j'appartiens à la nation Haida et je suis également membre du Sommet des Premières nations.

Le président: Merci beaucoup.

Veuillez nous faire votre exposé. Nous préférerions que vous ne preniez pas plus d'une demi-heure de façon à ce que nous puissions vous poser des questions pendant les 35 minutes qui resteront.

Le grand chef John: Nous aimerions également vous présenter notre présidente.

Le chef Sophie Pierre (coprésidente, Sommet des Premières nations): Je m'appelle Sophie Pierre et je suis l'un des co-présidents du Sommet des Premières nations.

Le président: Soyez la bienvenue.

Le grand chef John: Notre déclaration officielle sera très courte. Elle n'a que trois pages. Il se peut que nous y ajoutions quelques observations.

Le document que nous avons ici, pour votre gouverne, est le rapport du groupe de travail en date du 28 juin 1991. L'idée de la commission des traités découle de ce rapport auquel nous avons participé avec les gouvernements fédéral et provincial. Nous nous étions donné six mois pour trouver une façon de régler la question des revendications territoriales en Colombie-Britannique.

Le rapport du groupe de travail sur les revendications en Colombie-Britannique sert de guide à l'établissement du processus. L'une des recommandations de ce rapport vise la création de la Commission des traités de la Colombie-Britannique. Nous avons également l'accord conclu le Sommet des Premières nations, le Canada et la Colombie-Britannique en date du 21 septembre 1992.

Nous avons en outre une copie de la résolution du Sommet des Premières nations visant la création de la Commission des traités de la Colombie-Britannique. Cette résolution correspond en tous points aux dispositions de la loi fédérale et la loi provinciale.

Enfin, dans la liasse de documents que nous allons vous faire parvenir, vous trouverez une copie de la loi provinciale qui a été adoptée mais pas encore proclamée.

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Le Sommet des Premières nations représente les Premières nations de la Colombie-Britanniques qui ont accepté de participer au processus de négociation des traités. Jusqu'à présent, près de 50 groupes, représentant plus de 70 p. 100 de la population des Premières nations, ont présenté des déclarations d'intention en vue de négocier des traités avec le Canada et la Colombie-Britannique. Avec l'aide de la Commission des traités de la Colombie-Britannique, le Sommet incite fortement depuis deux ans le gouvernement fédéral à adopter une loi correspondant à la résolution du Sommet et à la loi de la Colombie-Britannique, laquelle a été adoptée en 1993. Le Sommet accueille donc avec satisfaction l'intention du gouvernement fédéral d'adopter cette loi.

L'adoption du projet de loi C-107, avec le projet de loi de la Commission des traités de la Colombie-Britannique, remplira l'engagement pris par le premier ministre du Canada lors de la signature historique de l'entente sur la Commission des traités de la Colombie-Britannique en date du 21 septembre 1992. Ce jour-là, le Canada, la Colombie-Britannique et le sommet, désignés comme les signataires dans la loi, représentés par le premier ministre, le premier ministre provincial et les dirigeants du Sommet, se sont engagés à créer la Commission des traités de la Colombie-Britannique par des lois en tous points conformes à la législation fédérale et provinciale ainsi que par une résolution du Sommet.

En attendant la création officielle de la commission, les trois signataires sont convenus de fournir cinq commissaires ayant des mandats identiques par décrets du conseil fédéral et provincial et par résolutions du Sommet. Cependant, pour le Sommet, les engagements pris dans l'accord sur la commission des traités ne pourra être ne pouvaient être remplis que par une loi fédérale, une loi provinciale et une résolution du Sommet créant officiellement la commission.

Depuis le 21 septembre 1992, un certain nombre de mesures importantes ont été prises dans le cadre du processus de négociation des traités. Le 15 avril 1993, les cinq premiers commissaires ont été nommés par décrets des gouvernements fédéral et provincial ainsi que par des résolutions du Sommet. Le 10 mai 1993, le Sommet a adopté une résolution correspondante établissant la commission. Le 26 mai, la Colombie-Britannique a adopté une loi dans le même sens créant la commission, qui sauf erreur doit entrer en vigueur par voie de règlement. Le 15 décembre, les commissaires se sont mis à la tâche et ont commencé à accepter les déclarations d'intention des Premières nations visant à négocier des traités. Je pense que vous avez eu l'occasion d'en discuter avec le commissaire exécutif.

L'idée de la création d'une commission remonte au rapport du groupe de travail sur les revendications en Colombie-Britannique en juin 1991. Ayant convenu qu'un processus de négociations des traités était absolument nécessaire pour régler les revendications restantes en Colombie-Britannique, les Premières nations, le Canada et la Colombie-Britannique ont mis sur pied un groupe de travail chargé d'examiner les détails d'un tel processus et de faire des recommandations. Celles-ci, contenues dans le rapport du groupe de travail ont été acceptées à l'unanimité par le Sommet, le Canada et la Colombie-Britannique, en 1991.

La recommandation visant à établir une commission pour faciliter le processus de négociations s'est révélée l'une des plus importantes. Selon le groupe de travail cette commission consistait en un commissaire exécutif nommé conjointement par les parties et quatre commissaires, deux nommés par le Sommet, un nommé par le Canada et un autre par la Colombie-Britannique.

Même si la commission avait un rôle important à jouer pour ce qui est de déterminer si les parties étaient prêtes à négocier, les négociations comme telles étaient laissées aux soins des parties qui négociaient le traité, soit les Premières nations, le Canada et la Colombie-Britannique. Le rapport du groupe de travail a bien précisé que la commission ne devait pas participer directement aux négociations. Cependant, sur invitation des parties, la commission pouvait les aider à résoudre les différends ou à fournir certains services, comme par exemple un président indépendant.

Dans l'optique des signataires, la commission de cinq membres devait veiller à l'intégrité du processus. Les commissaires jusqu'à présent ont joué commme on l'espérait, un rôle très positif dans les négociations et le déroulement de l'ensemble du processus.

Cependant, même si les commissaires ont pu jusqu'à présent s'acquitter de leur mandat en vertu des décrets du Conseil identique et des résolutions, pour le Sommet une loi comme telle, accompagnée d'une résolution officielle, est préférable. C'est la raison qui explique le projet de loi. Le Sommet est d'avis qu'une telle mesure permettra à la commission d'avoir un mandat plus solide et plus sûr en vue de s'acquitter de ses importantes fonctions.

La création de la commission au moyen d'une mesure législative et de résolutions, confirmera l'engagement des signataires envers l'établissement permanent de la commission et leur respect pour son impartialité et son indépendance.

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Grâce à l'application de la loi et des résolutions la commission deviendra une personne morale. La commission sera ainsi beaucoup mieux placée pour discuter avec les signataires et les Premières nations.

Depuis la nomination des premiers commissaires en 1993, les commissaires et les signataires ont dû passer beaucoup trop de temps à modifier constamment les ententes en vue de la nomination de nouveaux commissaires ou d'un commissaire exécutif suppléant. Lorsqu'elle sera une personne morale, la commission consacrera beaucoup moins de temps à la paperasserie, ce qui lui permettra de faire face aux défis importants qui l'attendent.

En outre, en vertu des décrets du Conseil et de la résolution actuelle, le commissaire exécutif et les autres commissaires doivent signer en leur propre nom les baux et les contrats avec le personnel, par exemple. Même avec les indemnités offertes par le Canada et la Colombie-Britannique, c'est un fardeau démesuré et injuste à imposer aux commissaires.

L'importance du processus de négociations des traités pour nous est manifeste à toutes les étapes. C'est le mécanisme le plus efficace pour régler les revendications légitimes et urgentes des Premières nations. Les tribunaux canadiens ont statue à plusieurs reprises que les Premières nations continuent d'avoir des droits autochtones et que ces droits sont protégés par l'article 35 de la Constitution.

Les tribunaux ont également exhorté les parties à résoudre par voie de négociation les revendications territoriales restantes en Colombie-Britannique. Pour que le processus de négociation des traités réponde aux attentes à cet égard, il convient de prêter attention à ce que dit le rapport. Je cite:

Pour que les traités soient justes et honorables, il faut que le processus lui-même soit juste et honorable. L'un des rôles importants de la Commission consiste à veiller à ce que les principes sous-jacents à la démarche soient respectés. Aussi, la création de la Commission par voie législation et résolutions confirmera l'engagement conjoint du Canada, de la Colombie-Britannique et du Sommet de faire en sorte que la Commission veille de façon indépendante à l'intégrité du processus.

Cette loi s'applique conjointement avec la Loi de la Colombie-Britannique et la résolution du Sommet, ces dernières ayant déjà été adoptées mais sans entrer en vigueur. Toutes modifications qui y seraient proposées résulteront forcément en des retards importants et nous empêcherait tous de nous attaquer aux nombreuses autres questions critiques auxquelles nous faisons face. Nous incitons donc le Parlement du Canada à adopter ce projet de loi sous sa forme actuelle.

Voilà donc pour ce qui est de notre déclaration écrite. Nous nous assurerons d'en faire parvenir une copie au comité.

Le président: Nous allons accorder quelques minutes à chacun de vos collègues s'ils veulent faire des observations ou si vous préférez, nous pouvons tout de suite passer aux questions.

Le grand chef John: Nous répondrons aux questions.

Le président: Merci beaucoup.

Madame Bridgman.

Mme Brigdman: Merci beaucoup de votre exposé.

J'aimerais avoir des précisions sur un ou deux points. Une bande ou une Première nation, selon ce que vous avez dit, pourrait se présenter à la Commission et indiquer son intention de participer au processus. J'aimerais savoir exactement ce que signifiera cette déclaration d'intention. Est-ce que ce sera un engagement à participer comme tel? Si oui, est-ce que le processus prévu est tel qu'une bande ou une Première nation pourra s'engager temporairement et décider plus tard de se retirer des négociations ou s'agit-il d'un engagement à franchir les sept étapes prévues?

Le chef Mathias: Pour nous, la déclaration d'intention est la façon pour une Première nation d'amorcer le processus de négociations. C'est ce qui déclenche le mécanisme. C'est une sorte d'airs donné au gouvernement du Canada et à la province de la Colombie-Britannique qu'une Première nation ou un groupe de Premières nations désire amorcer des négociations.

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Comme nous le savons tous, dans des négociations, une partie peut décider de retirer ses propositions et de mettre fin aux négociations à n'importe quel moment. Dans d'autres termes, les négociations peuvent être suspendues ou rompues.

La déclaration d'intention, considérez-nous, est simplement l'amorce du processus. Elle avise les deux paliers de gouvernement qu'une Première nation désire négocier. Elle ne fait que déclencher le mécanisme.

Elle alerte également la Commission des traités qui, à partir de ce moment-là peut recueillir l'information nécessaire aux parties. Une fois la déclaration d'intention déposée auprès de la Commission des traités avis est donné aux deux gouvernements. Ensuite la Commission des traités doit organiser une première rencontre entre les parties en proposant une date et un endroit appropriés.

La rencontre a lieu - sous l'égide d'un commissaire ou du commissaire exécutif. À partir de là, les parties doivent décider de la marche à suivre, de leur calendrier de réunions, de leurs besoins en vue de se préparer, de leurs besoins immédiats en vue d'amorcer le processus. À partir de là, toutes les parties peuvent préciser le processus, leurs besoins et la façon d'aborder les négociations.

De même, une fois qu'une déclaration d'intention est parvenue à la Commission des traités, toutes les parties ont 45 jours pour réagir, de telle sorte qu'il n'y a pas de retards indus. Les gouvernements doivent répondre rapidement à la Première nation en cause. La première rencontre peut très bien ne durer qu'une demi-journée au maximum. Elle n'a pour but que d'établir le premier contact.

Mme Bridgman: Comme vous le savez, nous sommes chargés d'examiner le projet de loi C-107, qui représente à l'engagement du gouvernement fédéral de créer la Commission des traités de la Colombie-Britannique. Le projet de loi, qui correspond presque en tous points aux termes de l'entente, prévoit l'octroi de fonds à l'alinéa 5(3)b). Je me pose des questions au sujet du contrôle qui doit être exercé sur ces fonds. La disposition en cause est la suivante:

Compte tenu des définitions de «Premières nations» et de «signataires» dans le projet de loi, j'ai l'impression que ces fonds seront disponibles non pas seulement aux 70 p. 100 qui participeront aux négociations mais également peut-être aux 25 p. 100 qui manifesteront, de quelque façon que ce soit, leur intérêt à participer au processus.

Je voudrais avoir des assurances. Je pensais que la déclaration d'intention pourrait signifier que la bande soit obligée de participer vraiment aux négociations pendant un certain temps pour être admissible à ces fonds. Le projet de loi est loin d'être précis à cet égard. Je me demande si en fait une bande doit se rendre à une certaine étape du processus pour avoir droit à ces fonds.

Le chef Mathias: De la façon dont le processus est prévu actuellement, la décision de savoir si une Première nation ou un groupe de Premières nations a droit à un prêt ou à des fonds en vue de se préparer aux négociations, sera prise à la première et à la deuxième étapes du processus de six étapes.

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Une fois la déclaration d'intention déposée et la première rencontre terminée, la Commission des traités a un certain nombre d'obligations. Les commissaires doivent décider de l'état de préparation des parties. C'est la Commission elle-même qui en juge en essayant de voir si les parties ont un mandat clair et complet en prévision des négociations et si elles ont l'appui de leur collectivité, de leurs commettants en vue d'amorcer la démarche.

Les parties, en ce qui les concernent, doivent indiquer quelles sont les ressources dont les ont besoin pour constituer leurs équipes de négociation, effectuer leurs recherches et organiser leurs bureaux. Une fois que la Commission des traités s'est fait une idée, les demandes de fonds peuvent être reçues.

Mme Bridgman: J'ai l'impression que ces fonds peuvent être versés aux autres 20 p. 100 ou 30 p. 100 qui ne font que manifester leur intention de se préparer à participer au processus.

En ce qui vous concerne, ils sont de bonne foi lorsqu'ils affirment leur intention de participer et ont ainsi droit à une aide financière en vue de se préparer. C'est bien ce que vous dites?

M. Amos: La question est ambiguë. Je ne sais pas si je la comprends bien, mais il me semble qu'elle se fonde sur une fausse hypothèse.

Selon moi, les 25 p. 100 qui ne participent pas au processus n'ont pas droit de recevoir ces fonds, sous quelque forme que ce soit. Ils doivent d'abord amorcer le processus avec la Commission des traités de la Colombie-Britannique. Pour moi, la situation est claire.

Le chef Pierre: Si je comprends bien votre question, madame, vous voulez savoir à quel moment il y a engagement de la part d'une Première nation. Vous dites qu'une fois qu'ils participent au processus, qu'ils ont pris un engagement, pour avoir droit aux fonds, ils doivent promettre de continuer. C'est bien le sens de votre question?

Mme Bridgman: Je ne veux pas particulièrement dire que parce qu'ils reçoivent des fonds, ils doivent être prêts à participer au processus jusqu'à la fin. Tout dépend évidemment de ce qui peut se passer à la table de négociations.

Je me demande seulement s'il y a mécanisme en incorporé au processus qui permette de déterminer, au moment de l'établissement du budget ou de l'affectation des fonds, s'il y a vraiment un engagement de la part des personnes en cause, si elles sont vraiment déterminées à aller jusqu'au bout et si elles ne demandent pas de fonds avec l'intention de mettre fin à leur participation un an ou six mois plus tard. Il doit bien avoir un mécanisme quelconque.

Le chef Pierre: N'oubliez pas que lorsque nous entamons ce processus - comme c'est le cas de mon conseil tribal, Ktunaxa/Kinbasket - nous contractons en fait des emprunts, autrement dit, nous prenons là un engagement très sérieux au nom de notre peuple. Il s'agit-là de prêts, non de subventions dans le cadre d'un programme, dont il est toujours possible de se dégager. Avec le processus en place en l'occurrence, on ne peut pas, pour le moindre motif, revenir sur son engagement.

Mme Bridgman: C'était là la précision que j'attendais de vous, à savoir que vous engagez effectivement votre responsabilité. Je vous remercie.

Le grand chef John: Avant d'aller plus loin, me permettez-vous d'ajouter quelque chose, monsieur le président?

Voilà tout simplement ce à quoi vise cette disposition du projet de loi: Autrefois le gouvernement du Canada avait la haute main sur les finances et décidait qui serait admissible au financement. Aussi avait-il pour politique d'écarter du processus ceux qui voulaient négocier.

Mais dans le cas qui nous occupe, le financement est entre les mains d'une tierce partie indépendante qui décide si le financement est suffisant et comment ces fonds iraient aux Premières nations intéressées, de leur propre chef, à participer. Notre position a toujours été que le gouvernement était à la fois juge, partie et, jury procureur dans tout le processus.

.1525

Je peux vous donner en exemple mon conseil tribal. Notre déclaration d'intention ou de revendication a été acceptée en octobre 1983, et ce n'est qu'une fois que ce processus a été mis en place que nous sommes finalement parvenus à faire accepter au gouvernement du Canada de négocier. Ce qui est arrivé, en effet, c'est que ce processus permet à un tiers de forcer - le verbe «forcer» est peut-être mal choisi - mettons, d'encourager les parties à entamer des négociations lorsqu'une première nation fait connaître, en soumettant sa déclaration d'intention, son désir de négocier.

Le président: Je vous remercie d'avoir mis les choses au point.

Monsieur Harper.

M. Harper: Ed, John et Sophie, je suis heureux de vous voir. Je m'intéresse beaucoup à ce processus car il est exceptionnel et je vous accorde mon soutien.

Voilà fort longtemps que je m'efforce de résoudre beaucoup de nos problèmes. Je parle, bien entendu, en tant qu'Autochtone, membre des Premières nations. Je suis entré dans la vie politique du Canada et j'y ai acquis beaucoup d'expérience, mais au prix de grandes frustrations.

Quand j'étais au Manitoba j'étais membre du gouvernement à titre de ministre des Affaires du Nord, et on m'avait confié la mission de régler les revendications territoriales et les droits issus d'un traité. À l'époque j'ai proposé au Cabinet, proposition qui a été adoptée par décret en conseil, de résoudre les revendications territoriales issues d'un traité. La responsabilité, en dernier ressort, revenait au gouvernement fédéral, mais celui-ci s'est est tenu là: même si un niveau du gouvernement était disposé à régler, au Manitoba, les revendications territoriales issues d'un traité, le gouvernement fédéral a fait la sourde oreille et les choses en sont restées là.

Le président: Il n'y a pas d'autres questions.

M. Harper: Le processus envisagé sera-t-il suffisamment musclé pour faire aboutir les négociations et pour que tous les participants, en particulier le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, honorent les engagements? Et le calendrier a imposé au processus est-il suffisamment ferme? L'un d'entre vous peut-il répondre à cette question?

Le chef Mathias: C'est un question fort intéressante et qui a sans doute une grande importance. Les gouvernements, est-il besoin de le dire, sont éphémères. Nous le voyons que trop en Colombie-Britannique où, nous risquons d'avoir, d'ici 12 à 18 mois, des élections provinciales qui amèneront peut-être un changement de gouvernement. Il y a déjà eu un changement au niveau fédéral: quand cette loi a été négociée pour la première fois et mise en place par le gouvernement fédéral, c'était le gouvernement conservateur qui était au pouvoir. Nous avons à présent un gouvernement libéral, et il a fallu tout ce temps pour faire déposer le projet de loi.

En matière d'engagement nous considérons que lorsque le gouvernement du Canada, le gouvernement de la Colombie-Britannique et les Premières nations de cette province ont signé, le 21 septembre 1993, l'accord sur la Commission des traités de la Colombie-Britannique... C'était là, à notre avis, le document, l'instrument qui liait toutes les parties, sinon légalement, du moins moralement, qui reconnaissait que nous avions une doléance, dans cette province, et que la façon d'y répondre, c'était de négocier. Nous croyons à la sincérité de cet engagement, et nous avons tenu nos cérémonies traditionnelles à la maison tribale ce qui, vous ne l'ignorez pas, est un gage d'estime dans notre système de valeurs culturelles et spirituelles.

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Mais la volonté politique doit toujours être présente. Nous surmonterons frustrations, contretemps et obstacles, à condition de bien nous rappeler que ce n'est que par les négociations que nous résoudrons la question, en Colombie-Britannique, et que les hommes politiques, à tous les niveaux, nous donnent des témoignages de haute moralité, pourvu que la volonté politique, toujours versatile et vulnérable, maintienne le cap.

De notre côté il nous incombe de veiller à ce que les deux niveaux du gouvernement qui participent au processus de négociation trennent leurs engagements.

Nous parlons des droits d'une collectivité, d'un peuple distinct, de cultures diverses, avec leur langue propre, leur propre système de valeurs, leurs vénérables traditions.

Le processus, à nos yeux, vise à établir une relation entre les Premières nations de la Colombie-Britannique, cette province et le Canada, relation qui englobera les questions politiques, juridiques, économiques et financières. C'est ainsi que nous voyons les choses.

Nous espérons qu'avant le tournant du siècle de nombreux accords auront été signés, car cette étape une fois franchie, on ne peut plus revenir en arrière. C'est cette forme d'engagement à laquelle nous aspirons, et nous devons faire confiance à la bonne volonté de la population canadienne pour rappeler aux politiques de notre pays que la seule voie pour sortir de l'impasse est de répondre à l'appel des Premières nations: résolvez cette question par la négociation.

Le président: L'information que vous nous donnez est bonne mais la question aurait peut-être dû être posée aux témoins suivants, qui viennent de la province.

La question que nous voudrions ici tirer au clair, c'est de savoir si ce projet de loi engage suffisamment la responsabilité du gouvernement à respecter l'entente qui a déjà été conclue.

Le grand chef John: Je peux étoffer un peu ce que vous dites.

En premier lieu, je voudrais remercier Elijah de son encouragement et de son appui, qui nous sont très précieux.

Comme le disait le chef Mathias, nous nous trouvons là avec un problème majeur à régler dans cette province. Cette Commission des traités permettra aux trois parties - le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et nous-mêmes - à faire progresser avec célérité le processus des négociations. Si l'une des parties tergiverse, même si la commission n'a aucun pouvoirs judiciaires ou autres et ne peut qu'encourager les participants à ne pas laisser traîner les choses en longueur, la commission n'est pas moins en mesure, avec son rapport, de faire savoir publiquement où les choses en sont, encourageant ainsi les parties à poursuivre les négociations.

Je ne sais pas si le projet de loi est suffisamment musclé, puisque telle a été la question posée. Au point où nous en sommes nous considérons que le processus et le mandat de la commission l'autorisent à avancer sans atermoiements ni délais indus, mais la responsabilité des négociations repose sur les trois parties et j'ai bon espoir que celles-ci seront ainsi encouragées à aller de l'avant.

Il se peut que, pour une raison ou autre, certaines négociations s'enlisent. Nous rencontrons actuellement des obstacles de nature politique qu'il faudra surmonter, probablement à la table des négociations ainsi qu'auprès d'autres instances politiques.

Espérons que cette Commission est une juste vision des choses et qu'elle soit pour nous, à ce stade, l'instrument approprié.

Le président: Je vous remercie, ce sont là des propos encourageants.

Monsieur Finlay.

M. Finlay: Je suis d'accord, chef John. J'ai été heureux de vous entendre dire que la Commission fera diligence pour vous aider et, grâce à la bonne volonté et à la juste vision des choses, nous parviendrons à conclure certaines de ces ententes.

.1535

Je vais revenir pendant pour quelques instants sur la question de soutien et d'argent. Le commissaire exécutif m'a fait savoir que son budget pour cette année s'élevait à près de 24 millions de dollars, dont 80 p. 100 étaient destinés à financer des emprunts, ce qui revient à dire que quelqu'un devra les rembourser. Comment est-ce que cela fonctionne? Comment envisageons-nous les choses? N'est-il fait appel à ces fonds qu'en cas de demande.

Le chef Pierre: Quatre-vingt pour cent de ce financement est destiné aux emprunts, l'intention étant que toute somme avancée aux Premières nations pour les aider à participer au processus sera remboursée à la signature du traité. C'est là ce qui a été prévu. Vingt pour cent des fonds représentent une contribution, mais 80 p. 100 sont considérés comme des prêts, et c'est l'engagement des Premières nations à entrer dans ce processus.

Le grand chef John: C'est une excellente question, et je voudrais y ajouter quelque chose.

En effet cette question nous a causé des difficultés considérables, les Premières nations de la province ayant fait savoir, en termes très vigoureux, qu'elles ne devraient pas avoir à emprunter de l'argent pour négocier ce qui constitue déjà un territoire traditionnel des Premières nations dans la province. Compte tenu du fait que les Premières nations n'ont pas les ressources financières nécessaires, nous avons dû trouver une source où emprunter l'argent ou l'obtenir pour procéder aux négociations, et la seule proposition que les gouvernements aient su nous faire, c'est ce mélange de 20 p. 100 de contributions et de 80 p. 100 de prêts.

La plus grande partie des fonds d'emprunt provient du gouvernement fédéral, avec une aide du gouvernement provincial, mais il s'agit d'un financement hybride en ce sens que 80 p. 100 est consenti à titre de prêts. À part peut-être nos propres fonds, ce sont là les seuls dont nous disposions pour entreprendre de résoudre le problème politique considérable qui se pose à nous.

Le président: Je vous remercie.

Avant de passer à la série suivante de questions, je voudrais inviter notre conseiller juridique à vous poser une question.

Mme Diane McMurray (conseiller législatif, Bureau des conseillers législatifs, Chambre des communes): Je vais poser ma question au chef Mathias.

Vous étiez, si je ne me trompe, l'un des signataires de l'accord sur la Commission des traités de la Colombie-Britannique. En tant que rédactrice de cet accord j'ai une petite inquiétude, qui se dissipera peut-être lorsque vous aurez répondu à mes questions.

Dans le traité même on appelle «sommet» les Premières nations de Colombie-Britannique qui ont consenti à participer au processus, alors que dans le projet de loi, «sommet» est défini comme étant l'«organisme constitué pour représenter les Premières nations de la Colombie-Britannique...». En droit, il ne s'agit bien entendu pas de la même chose.

Cela peut avoir son importance, et peut-être cela n'en a-t-il aucune. Et c'est pourquoi je voudrais vous poser la question suivante: Y a-t-il eu, en 1992, un organisme fondé pour représenter les Premières nations de la Colombie-Britannique, ou bien les Premières nations ont-elles simplement délégué quelqu'un qui les représentait en tant que groupe non constitué, si je peux m'exprimer ainsi?

Le grand chef John: La définition du projet de loi semble un peu plus étroite que celle qui se trouve dans l'accord.

Le Sommet est un groupe de Premières nations de Colombie-Britannique qui se sont constituées comme organisme uniquement aux fins de collaborer à la participation du processus de négociation des traités de la Colombie-Britannique.

Cet organisme ne réunit pas toutes les Premières nations de notre province; certaines, en fait, n'approuvent pas le processus et veulent qu'on l'abandonne, mais nous, soit 48 groupes de Premières nations représentant 70 p. 100 de la population de celles-ci comme on me l'a dit, se sont réunis pour engager le processus de négociation aboutissant aux traités.

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Il n'y a pas de formalité pour devenir membre, la seule formalité éventuelle, s'il faut vérifier à un certain moment, est de remplir la déclaration d'intention, mais certains groupes participant au Sommet des Premières nations de façon régulière et constante ont appuyé le Sommet, sans pour autant déposer de déclaration d'intention.

Mme Murray: Si je vous demandais aujourd'hui s'il existe un organisme établi, pourriez-vous me désigner les personnes qui en font parties et qui constitueraient, en fait, le Sommet? Existe-t-il actuellement un organisme constitué que vous pouvez désigner comme étant le Sommet?

Le chef Mathias: La définition que nous avons dans les accords est probablement celle qui est la plus adéquate, mais si vous entendez par là une structure constituée avec statuts, qui comprend un président, un vice-président ou un secrétaire-trésorier, je dois vous répondre qu'il en existe pas.

Ce que nous avons cependant, c'est une série de réunions de Premières nations en Sommet chargées d'examiner une seule question, à savoir le processus de négociation, l'élaboration de traités. Les gens qui assistent à ce Sommet des Premières nations ne sont pas toujours les mêmes mais de façon générale, c'est le conseil tribal, les chefs ou leurs représentants élus, qui se rendent au Sommet avec procuration pour parler de questions spécifiques, centrées essentiellement autour de l'élaboration des traités.

À ces réunions sont généralement présentes de 120 à 165 Premières nations de Colombie-Britannique en fonction des capacités de chacun de se libérer pour se rendre au lieu du Sommet. D'une façon générale nous avons en moyenne 130 ou 140 Premières nations qui viennent discuter, au Sommet des Premières nations, des questions liées aux négociations.

J'espère vous avoir ainsi éclairé. Nous n'avons donc pas d'organisme constitué qui représentent les chefs des Premières nations, mais ce sont les chefs qui assistent à ces sommets qui représentent les Premières nations. J'espère vous avoir donné les précisions nécessaires.

Mme McMurray: Certainement, mais ceci dit, vous devriez peut-être vous demander si ce fait ne risque pas d'avoir des répercussions négatives. J'en parle ce point parce qu'à la lecture j'ai éprouvé certaines craintes.

Le grand chef John: Est-ce que vous me permettez d'intervenir là-dessus?

Nous avons une position politique. Les délégués des gouvernements fédéral et provincial voulaient que nous nous constituions en un organisme officiel, qui serait appelé un Sommet, sous législation soit fédérale soit provinciale, mais nous nous refusons à le faire. Il nous est impossible, en ce qui concerne la question des territoires traditionnels des Premières nations de la Colombie-Britannique, d'assujettir notre processus aux lois de la province ou du gouvernement fédéral.

Je ne veux maintenant évoquer que la question de l'inscription. Nous avons dit que ce Sommet comprend les noms des Premières nations qui se réunissent pour procéder aux négociations sur les revendications territoriales en Colombie-Britannique. Il n'existe donc pas d'organisme officiellement constitué qui soit appelé un Sommet, si telle est votre question.

Le Sommet a été, en effet, ratifié lors d'une réunion traditionnelle le 21 septembre 1992 chez la Première nation Squamish. C'est cet organisme qui s'est ensuite chargé de la signature de l'accord avec le premier ministre du Canada et le premier ministre de la Colombie-Britannique.

Le Sommet est représenté par trois personnes élues, dont le chef Mathias, Gérald Amos et moi, et deux personnes dont la fonction est de coprésider la séance. Ces cinq personnes sont élues au hasard, dans la province par les chefs des Premières nations. Nous nous réunissons, tous les deux mois au minimum, pour réfléchir à ces questions de politique, discuter de toutes sortes de questions, de directives de financement, etc.

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Le chef Mathias: Les choses bougent donc. On vient de nous rappeler, ici même, que le libellé de la définition du Sommet, dans nos négociations de l'époque, avaient été proposées par le Canada. La question que l'on nous posait, au Sommet, était qui êtes-vous? Qui représentez-vous? Quel est votre mandat? Êtes-vous authentiquement représentatifs?

À cet effet nous avons soulevé cette question auprès de nos chefs du Sommet, et le 16 décembre 1992, nous avons présenté une résolution de Sommet tant à la Colombie-Britannique qu'au Canada et plus tard, en janvier 1993, la même résolution, si je ne me trompe. Je vais vous procurer cette résolution et vous l'envoyer, parmi les autres documents.

Ce dont il était question dans cette résolution, c'est le problème même dont nous sommes maintenant saisis: Quel est le mandat du groupe d'étude élu par les leaders du Sommet des Premières nations et quel est, dans ce processus, le mandat dudit Sommet? C'est là la résolution que nous avons examinée et adoptée.

Elle est rapportée également à l'article 13 de votre projet de loi C-107, avec comme note dans la marge «Décisions du Sommet»:

Afin de satisfaire, partiellement, le Canada et la Colombie-Britannique, nous avons dû rédiger une résolution énonçant le mandat du groupe d'étude du Sommet, en l'établissant par rapport à ce processus. Nous pouvons fournir ces résolutions à votre comité permanent et les annexer à notre bref exposé.

Le président: Ma question s'adresse à notre conseiller législatif.

La question est-elle élucidée, ou bien jugez-vous nécessaire de faire une recommandation pour amender le projet de loi, afin que d'ici 20 ou 50 ans il n'y ait aucun malentendu?

Mme McMurray: C'est une question sur laquelle le gouvernement fédéral voudra peut-être se pencher, au cas où il en résulterait des problèmes. Je la soulève parce que je ne suis intervenu qu'au dernier moment sur ce projet de loi; mon collègue se trouvait ailleurs. Ce point a attiré mon intention, quand j'ai parcouru le projet de loi, j'ai demandé si cela ne risquait pas de créer des difficultés. Il se peut que cela n'en crée pas, mais j'ai quand même soulevé la question, au cas où vous voudriez la prendre en considération.

J'ai encore une autre question à poser à cet égard. Est-ce que toutes les Premières nations qui étaient représentées en 1992 par le Sommet, composé de représentants des Premières nations, sont représentées par le groupe plus restreint que sous-entend la loi fédérale, à savoir les représentants des représentants, puisque c'est ce qu'entend la définition donnée dans la loi fédérale de «Sommet»? Toutes les Premières nations qui ont signé cet accord ont-elles consenti à reconnaître vos représentants actuels au Sommet?

Le chef Mathias: Oui, les leaders, les Premières nations et le groupe des conseils tribaux de 1992, sont restés les mêmes en 1993 et en 1995.

Le président: Je voudrais signaler aux chefs que, si vous avez une recommandation à présenter à notre comité pour clarifier le point qui vient d'être soulevé, notre comité procédera, le mardi 21 novembre, à l'examen du projet de loi article par article. Nous vous serions donc reconnaissants de bien vouloir nous envoyer une recommandation par télécopieur, le cas échéant, afin que nous l'ayons en notre possessier le 17 au plus tard.

Mme Bridgman: Dans cette question de financement j'essaie toujours encore de clarifier mes idées concernant certaines définitions. Ainsi, la définition de «première nation» dans le projet de loi est la même que dans l'Accord; elle implique ici que «première nation» s'applique à toute bande qui consent à entamer des négociations de traité. Je crois savoir que ce n'est là qu'un processus pour participer à des négociations de traité, qu'il y a d'autres méthodes, et que 20 à 30 p. 100 des bandes envisagent de ne pas participer aux négociations du Sommet.

.1550

Le fait que les négociations de traité, aux fins de cette définition, ne portent pas directement sur cet accord, tend à mon avis à rouvrir l'article de financement dont je parlais tout à l'heure, au paragraphe (3)(b), à savoir que les autres bandes soit 30 p. 100, ou ceux qui ne participent pas à cet accord mais consentent à participer aux négociations de traité, auraient accès à ces fonds. Je me demande si telle était bien l'intention.

Je suis persuadé que l'affectation de fonds aux Premières nations est destinée à celles qui sont disposées à négocier en vue de signer des traités, alors que la définition, d'après l'accord, dit «toutes» à condition que les Premières nations négocient des traités, sans préciser la méthode, que ce soit par ce processus ou par un autre.

Cela me paraît un peu préoccupant, et nous devrions peut-être examiner cette question de plus près.

Le président: Du côté du parti ministériel, y a-t-il eu une question ou un commentaire?

M. Harper: J'ai deux petites questions.

Vous disiez que cet accord, une fois conclu, sera un traité contemporain; espérez-vous le voir reconnu et protégé aux termes de l'article 35 de la Constitution du Canada?

En second lieu, John a parlé de questions de politique. Vous savez sans doute qu'un rapport traitant de l'extinction des droits a été publié récemment. Pendant la campagne électorale du Parti libéral, nous avons déclaré - cela figure au Livre rouge - que nous en finirions avec l'extinction des droits. Cette recommandation a maintenant été proposée par Al Hamilton. Est-ce que le processus des Premières nations serait facilité si le gouvernement supprimait la clause d'extinction? Est-ce que ce serait d'un avantage immédiat pour les Premières nations? En effet, c'est une question qui les préoccupe toutes.

Pourriez-vous répondre à ces deux questions?

Le président: Mais très brièvement, s'il vous plaît, parce qu'il n'est pas question de rouvrir l'accord qui a été conclu. C'est le projet de loi C-107 qui fait l'objet de notre examen, mais je vous accorde un peu de temps pour répondre.

Le chef Mathias: À notre avis, les traités contemporains de la Colombie-Britannique seront protégés par les paragraphes 35(1) et 35(3) de la Constitution du Canada.

Quant à cette question d'extinction, la loi suprême du pays stipule que l'on reconnaisse et affirme les droits des traités et des Autochtones, qui ont été exprimés sous forme de traité, dans une entente. Nous considérons qu'il est contraire à l'esprit et à la lettre de la Constitution que, une fois reconnue par entente et affirmée, il existe une disposition qui éteigne ces droits. Il convient d'éteindre, d'abolir la clause d'extinction.Nous cherchons un moyen de reconnaître et d'affirmer les droits des traités et les droits des autochtones par les voies de la négociation.La clause d'extinction ne devrait plus figurer dans les textes de loi.

Nous sommes en faveur du rapport d'étude, et adjurons le gouvernement du Canada d'intervenir rapidement pour modifier sa politique en matière d'extinction.

Le président: Vos remarques ont été fort intéressantes, et nous vous remercions du temps que vous nous avez consacré pour nous aider dans nos travaux.

Est-ce que vous voulez clore le débat? Il nous reste quelques minutes.

Le chef Mathias: Je voudrais simplement répondre à Elijah Harper, dont j'ai peut-être mal compris la question, tout à l'heure.À notre avis, l'adoption de ce projet de loi par le gouvernement fédéral du Canada constituerait un message éloquent, pour les Premières nations de Colombie-Britannique ainsi que pour la population non indienne de cette province, à savoir que le Canada entend vraiment mener à bien ce processus, incarné par ce projet de loi. Grâce à lui, le processus se poursuivra jusqu'à ce que nous ayons résolu ce grief que nous subissons depuis si longtemps. C'est sous cet angle que nous voyons l'adoption de ce projet de loi qui, si nous l'adoptons de la façon présentée, constituera un message important à l'adresse de nous tous, en Colombie-Britannique.

.1555

Merci beaucoup.

Le grand chef John: Je voudrais simplement ajouter un détail.

Une question a été posée à propos de la définition de «sommet», et l'on vient de me rappeler - ce dont je me souviens d'ailleurs - que cette définition avait été proposée et préconisée par les négociateurs du gouvernement fédéral, et que nous nous étions finalement mis d'accord avec eux.

Nous recommandons que le projet de loi ainsi déposé devant votre comité passe en troisième lecture et soit adopté tel quel. Nous vous remercions.

Le président: Merci beaucoup, chef Joe Mathias, grand chef Edward John, Gerald Amos, chef Sophie Pierre et tous les autres. Au revoir.

Les témoins: Merci.

.1600

Le président: Merci de vous être rendus à notre invitation. Ce groupe de témoins nous vient du gouvernement de la Colombie-Britannique. M. Lyle Viereck, négociateur principal, équipe provinciale, ministère des Affaires autochtones; Robin Bassett, avocat principal, ministère des Affaires autochtones.

Nous disposons au maximum d'une heure. Idéalement, vous nous faites un petit topo de 20 ou 30 minutes s'il vous en faut autant, après quoi nous passons aux questions. S'il vous faut plus de temps pour votre exposé, vous n'avez qu'à y glisser en douce les renseignements dans les réponses aux questions.

Allez-y, s'il vous gplaît.

M. Lyle Viereck (négociateur principal, équipe provinciale, ministère des Affaires autochtones, Gouvernement de la Colombie-Britannique): Merci, monsieur le président.

Une précision. Malheureusement, Robin Bassett souffre d'une laryngite aujourd'hui et j'ai donc avec moi notre autre conseiller juridique du ministère du Procureur général soit Elizabeth Argall.

Je remercie le comité d'avoir invité la province de la Colombie-Britannique à comparaître devant lui pour parler du projet de loi C-107.

Avant de commencer, monsieur le président, j'aimerais peut-être vous donner une idée de qui nous sommes, Elizabeth et moi-même, au niveau de la préparation et de l'adoption de la Loi sur le comité du traité en Colombie-Britannique.

Elizabeth Argall était la conseillère juridique de la Colombie-Britannique lors de la préparation de la mesure législative et elle est maintenant responsable des relations juridiques entre la province et la Commission du traité. J'ai représenté la province dans les négociations de l'accord sur la Commission des traités, lors des négociations et de la préparation de la mesure législative sans oublier les négociations d'autres accords conclus entre les deux gouvernements, le Sommet des Premières nations et la Commission des traités.

J'ai eu le privilège d'être présent et de participer à trois événements significatifs et historiques qui, à mon avis, soulignent l'importance de la création de la Commission des traités de la Colombie-Britannique.

Le premier événement fut la signature de l'accord concernant la Commission des traités de la Colombie-Britannique. Cet événement a été entouré des cérémonies culturelles traditionnelles des Premières nations de la Colombie-Britannique et s'est déroulée chez la nation Squamish à Vancouver-Nord. L'accord a été signé par le Premier ministre du Canada, le Premier ministre de la Colombie-Britannique ainsi que cinq représentants du Sommet des Premières nations en présence de représentants des Premières nations de partout en Colombie-Britannique.

Le deuxième événement où j'ai été présent fut l'adoption de la Loi sur la Commission des traités par l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique. En plus d'avoir été adoptée à l'unanimité, cette loi a créé un précédent parlementaire historique. Pour la première fois, des représentants des Premières nations de la Colombie-Britannique étaient présent sur le parquet de l'Assemblée législative pendant le débat sur ce projet de loi et son adoption.

Le troisième événement fut la cérémonie qui a eu lieu sous l'égide de l'honorable David Lam, lieutenant-gouverneur de la Colombie-Britannique, à Government House. Cette cérémonie célébrait l'adoption du projet de loi par l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique.

Pour la province de la Colombie-Britannique, ces événements historiques symbolisant l'importance du travail de la Commission des traités de la Colombie-Britannique et témoignent de la volonté et de l'engagement qu'ont mis les deux gouvernements ainsi que les Premières nations à travailler ensemble pour s'assurer que notre province dispose d'une méthode stable et efficace pour négocier nos traités, méthodes qui, à notre avis, ne subiront pas «des ans l'irréparable outrage».

.1605

La création de la Commission des traités et la mesure que nous étudions aujourd'hui sont le résultat du travail effectué par le groupe de travail chargé des revendications territoriales en Colombie-Britannique.

J'aimerais signaler aujourd'hui le travail accompli par deux des représentants de la Colombie-Britannique membres de ce groupe de travail: Allan Williams, l'ancien procureur général et ministre du travail de la Colombie-Britannique et Tony Sheridan, un ancien sous-ministre adjoint au ministère des Affaires autochtones.

Ces deux personnes de la Colombie-Britannique nommées au groupe de travail, en collaboration avec Audrey Stewart et Murray Coolican du gouvernement fédéral et le chef Joe Mathias, le chef Edward John et M. Miles Richardson, ont tous collaboré à l'élaboration d'une nouvelle structure de négociation des traités en Colombie-Britannique.

Le groupe de travail a recommandé une structure pour la Commission et esquissé ses responsabilités. J'aimerais énumérer quelques-unes de ces recommandations, puisqu'elles ont abouti à la mesure législative à l'étude.

Tout d'abord, le groupe de travail a déclaré que la Commission serait une organisme tripartite, avec des membres venant des Premières nations, du gouvernement fédéral et de la Colombie-Britannique et que, en raison du nombre de séries de négociation auxquelles on s'attendait dans cette province, la Commission chargée des traités allait coordonner le début des négociations. On a jugé que c'était un rôle déterminant pour la Commission.

Une fois que les négociations ont été entamées entre les trois parties en Colombie-Britannique, la commission a eu pour rôle de suivre les progrès des négociations et de veiller à ce que les parties se rapprochent des objectifs qu'elles s'étaient fixées en vue de la signature d'un traité. La Commission doit aussi veiller à être juste et impartiale et, à cette fin, elle s'est vue confier la responsabilité de prendre les décisions relativement au financement des Premières nations.

Pour terminer, j'aimerais citer un passage du rapport:

L'étape suivant était la rédaction de la mesure législative relative à la Commission des traités. Cet accord reconnaissait que les deux gouvernements et le Sommet des Premières Nations s'étaient entendus pour créer la Commission et cet accord devait aboutir à la préparation d'un texte de loi.

D'ici à ce que cette mesure législative soit prête, l'accord a permis à la commission de fonctionner sous le régime des décrets du Conseil des deux gouvernements et des résolutions du Sommet. Les fonds nécessaires seraient accordés en fonction de ce mécanisme et plus tard en fonction d'arrangements législatifs, au moyen de crédits annuels provenant de l'Assemblée législative provinciale et du Parlement.

L'accord définit clairement ce qu'est une Première nation en Colombie-Britannique et stipule qu'une Première nation doit être mandatée par ses représentants pour entreprendre des négociations devant aboutir à un traité. L'accord expose aussi ce que doit faire la commission lorsqu'il s'agit d'accepter des déclarations d'intention des Premières nations et ce qu'elles doivent faire dans le cadre du processus d'élaboration du traité.

Comme l'indique le rapport du groupe de travail, un des rôles déterminants de la Commission est d'évaluer et de coordonner les négociations. Dans l'exécution de ce mandat, la commission collabore avec toutes les parties à la table de négociation pour veiller à ce qu'elles soient tout à fait prêtes à entreprendre le processus de négociation et celle-ci ne les entreprend sur une base tripartite que lorsque la liste de contrôle a été établie.

Au terme de l'entente, la Commission se charge des affectations aux Premières nations. Enfin, l'accord prévoit que c'est la Commission qui doit tenir un registre public des négociations.

.1610

Les membres du comité constateront que la mesure législative qu'ils ont sous les yeux est l'aboutissement d'un travail considérable accompli pour définir, par l'intermédiaire du rapport du groupe de travail et de l'accord, le processus de négociations en Colombie-Britannique.

J'ai voulu profiter de l'occasion qui m'était donnée pour relater comment cette mesure législative a été préparée en vue d'être soumise au Parlement canadien. J'aimerais mentionner deux aspects du texte de loi qui sont essentiels si l'on veut examiner son application.

D'abord, le projet de loi comprend des éléments clés de l'accord sur la Commission des traités. C'est pour garantir que les éléments que la province, le gouvernement du Canada et les Premières nations jugent cruciaux font partie de la loi. De cette façon, ces éléments ne peuvent être modifiés que par une modification à la loi, laquelle devra être adoptée par la province de la Colombie-Britannique et le Parlement du Canada et par une résolution du Sommet des Premières nations.

De plus, par le truchement de l'accord sur la Commission des traités, le projet de loi permet aux gouvernements et au Sommet des Premières nations d'apporter des modifications à l'accord qui reflètent un consensus pour l'améliorer ou pour mettre en place des moyens plus efficaces pour négocier des traités en Colombie-Britannique.

Monsieur le président, il est bien évident que la province de la Colombie-Britannique appuie la mesure législative dont vous êtes saisis. Elizabeth Argall et moi-même nous ferons un plaisir de répondre aux questions du comité sur ce projet de loi.

Voilà qui conclut mes commentaires liminaires, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup. Est-ce que les membres du comité ont des questions à poser?

M. Finlay: J'aimerais poser la question que mon collègue Elijah Harper a posée à d'autres témoins. Dans cette mesure, est-ce que la question de l'extinction des droits est traitée ou évitée de façon adéquate? Nous avons le rapport du juge Hamilton. Nous savons que la certitude et l'extinction ont été des questions épineuses dans les autres tentatives pour négocier des traités et régler des revendications territoriales. Pourriez-vous nous donner votre point de vue sur la façon dont cette question sera traitée dans ce projet de loi?

M. Viereck: C'est un projet de loi qui facilite les choses; il favorise la négociation des traités. Il indique clairement que la Commission des traités devra assurer la tenue et la coordination des négociations. Elle est chargée de veiller à ce que les négociations sont terminées.

Le projet de loi ne parle pas des sujets que les parties doivent négocier autour de la table. Il incombe aux deux gouvernements ainsi qu'aux Premières nations de choisir les politiques et les positions qu'ils présenteront au cours des négociations en fonction de leurs attentes relativement au traité.

Donc, ce projet de loi n'aborde pas l'extinction et la certitude. D'après la province de la Colombie-Britannique, les recommandations de l'honorable Allan Hamilton ne seraient pas couvertes par cette loi.

M. Finlay: En évidant la question, mais en concluant des accords avec l'assentiment des trois parties, il satisfait peut-être aux suggestions du juge Hamilton telles que je les comprends.

.1615

Puisque le processus prévu par ce projet de loi semble être très équitable et équilibré en ce sens que le Sommet a autant de pouvoir décisionnel que le gouvernement du Canada et celui de la Colombie-Britannique, je me demande si, une fois que certains accords seront signés ou réglés, nous n'allons pas constater que l'objectif a été atteint et qu'en effet, la politique fédérale des revendications territoriales globales et celle des revendications particulières ont été améliorées, outrepassées ou même rendues caduques.

Est-ce une possibilité?

M. Viereck: Votre question a peut-être deux volets.

D'abord, vous demandez si l'extinction et la certitude seront abordées lors de la négociation des traités. Je sais que le Canada a une ligne de conduite, et je crois que l'étude entreprise par l'honorable ministre, Ron Irwin, visait à cerner la politique canadienne dans ce domaine. L'article 35 de la Constitution couvre l'application des traités une fois qu'ils ont été conclus. Donc, cette question sera abordée lors des négociations des traités.

Personnellement, je crois qu'au fur et à mesure que les traités avancent au fil des ans, nous allons nous entendre sur cette question et cette entente servira de base pour traiter de la certitude des droits des Autochtones au Canada.

Le président: Maintenant, j'invite notre conseillère juridique à poser une question ou deux.

Mme McMurray: Monsieur Viereck, vous avez dit une chose qui a retenu mon attention. Je présume que vous parliez de la mesure provinciale dans votre exposé et non pas du projet de loi proposé par le gouvernement fédéral. Vous avez dit que si la mesure devait être modifiée, trois parties en seraient essentiellement responsables: le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et le Sommet au moyen d'une résolution.

Est-ce que la loi provinciale comporte un article à cet effet?

M. Viereck: Si c'est ce que j'ai dit, ce n'était certainement pas mon intention.

Ce que j'ai dit, c'est que si la mesure doit être modifiée, la législature de la Colombie-Britannique et le Parlement du Canada devront adopter une modification et le Sommet des Premières nations, une résolution. C'est la méthode qui permet de faire entrer en vigueur une modification, car le projet de loi, comme vous l'avez sans doute noté, n'entrera en vigueur qu'une fois que la province de la Colombie-Britannique, le Parlement du Canada et le Sommet l'auront adopté et proclamé. Donc, pour qu'une modification à cette loi entre en vigueur, il faut le consentement de la législature de la Colombie-Britannique et du Parlement du Canada, ainsi qu'une résolution du Sommet.

Mme McMurray: C'est une remarque intéressante. Je ne trouve pas de preuve à cet effet. Je ne connais pas la loi de la Colombie-Britannique, mais je ne trouve rien à cet effet dans la loi fédérale. D'après moi, cette interprétation va un peu trop loin, mais c'est peut-être un point de droit subtil.

Tout ce que je vois dans ce projet de loi, c'est qu'on dit: «La présente loi n'a pas pour effet d'empêcher les signataires de modifier l'accord au besoin». Si cet accord allait à l'encontre de cette loi, la loi prévaudrait. Aucun accord n'a la préséance sur une loi adoptée par une assemblée législative.

Donc, je ne suis pas sûre de ce que vous voulez dire par là.

Le président: Prenez le temps qu'il vous faut, nous ne sommes pas pressés.

.1620

M. Viereck: La question qui a été soulevée porte sur l'intention des parties autour de la table. L'accord sur la Commission des traités prévoit que la loi sera créée par les trois parties. Le but de ces négociations entre les trois parties sur cette loi a toujours été d'adopter des lois qui se reflètent mutuellement. Donc la loi adoptée par la Colombie-Britannique refléterait la loi adoptée par le gouvernement du Canada et la résolution du Sommet serait semblable.

Quant à la question que vous avez soulevée, à savoir si, par exemple, le Canada devait adopter des modifications à ces projets de loi, nous devrons voir, selon la nature de ces modifications, si leur résultat sera en conflit avec la loi provinciale. Donc, le but consiste à avoir des mesures parallèles pour que tout marche bien.

Mme McMurray: Vous dites que ce n'est pas inscrit dans la loi; c'est juste que rien ne fonctionnerait si les lois étaient différentes, pour ainsi dire. Rien ne fonctionnera sans réciprocité, si je peux le formuler ainsi.

M. Viereck: Oui.

Mme McMurray: Il y a une disposition très rare ici. En tant que rédactrice de projets de loi, je n'en ai jamais vu de telles. Je suis certaine qu'il y a eu une bonne raison qu'elle soit là, vous pourrez peut-être éclairer ma lanterne à cet égard.

Le paragraphe 4(2) prévoit:

Pourquoi qu'on a inséré cette disposition? Je trouve cette disposition intéressante.

M. Viereck: Je laisserai peut-être notre conseillère juridique vous en parler avec plus de détails.

Votre question concerne le paragraphe 4(2) du projet de loi. Selon moi, cette disposition visait à assurer que les lois adoptées par la législature de la Colombie-Britannique - comme par exemple les lois sur les normes de travail - s'appliqueraient à la Commission des traités de la Colombie-Britannique une fois qu'elle aura assumer ses responsabilités. Il y a probablement d'autres exemples, mais je crois que l'objectif était d'établir clairement la compétence pour ce qui est du fonctionnement de la commission.

Mme McMurray: Y a-t-il une raison particulière? Est-ce plus avantageux si elle relève de la compétence de la province; par exemple, si les normes de travail provinciales s'appliquent à la place du Code canadien du travail? Est-ce qu'il a une raison particulière à cela, ou s'agit-il simplement d'un accord entre le gouvernement fédéral et celui de la Colombie-Britannique concernant la compétence?

M. Viereck: Sauf erreur c'était l'entente que nous avions conclue pour cette loi en particulier.

Le président: Comme il n'y a pas d'autres questions, nous vous invitons à conclure vos commentaires, si vous voulez.

M. Viereck: J'aimerais juste vous dire que c'était un privilège de comparaître devant le comité. Je tiens à vous féliciter de la mesure à l'étude. Il va sans dire que la Colombie-Britannique a hâte que ce projet de loi soit adopté.

Le président: Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation et d'avoir partagé autant d'informations avec nous. Grâce à ces renseignements, nous pourrons bientôt terminer nos travaux.

M. Viereck: Merci.

Le président: La séance est levée.

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