[Enregistrement électronique]
Le mardi 21 novembre 1995
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Nous avons le plaisir de recevoir le ministre qui va nous parler de deux projets de loi différents. J'imagine qu'il s'arrangera pour établir un rapport entre les deux...
Les projets de loi C-88 et C-99 sont tous les deux divisibles par 11. C'est ce qui est intéressant. Il se peut qu'il y ait également d'autres rapports plus profonds entre les deux que vous allez nous signaler. J'imagine que nous allons passer de l'un à l'autre au cours de la période des questions, si cela vous convient.
Monsieur le ministre, je vous cède la parole. Bienvenue.
L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie): Merci. Bien que je me sois spécialisé en mathématiques, mes notes en théorie des nombres ne cessent de me poursuivre; je ne vais donc pas dire si les projets de loi C-88 et C-99 ont un rapport avec mon expérience passée d'étudiant en mathématiques. Je vais passer outre votre invitation, monsieur le président.
Le président: Tant que ni l'un ni l'autre ne représente le chiffre diabolique. J'imagine -
M. Manley: Non, il faudrait passer beaucoup de temps avant d'en arriver à ce chiffre.
Permettez-moi simplement de dire que je remercie le comité d'avoir eu l'amabilité de m'entendre sur les deux projets de loi en même temps. Nous avons eu quelques problèmes d'horaire assez difficiles qui ne me permettaient pas de comparaître en deux occasions distinctes; je suis donc heureux de pouvoir débattre des deux projets de loi.
Je me propose de les aborder dans l'ordre numérique. Je vais commencer par le projet de loi C-88, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur. Vous n'êtes pas sans savoir, monsieur le président, que ce projet de loi a suscité beaucoup de discussions à la Chambre dont, à mon avis, la majeure partie était fondée sur des renseignements erronés.
Comme le comité le sait sans doute, la question des barrières et des obstacles au commerce intérieur et à la mobilité a, depuis quelques années, constitué un important sujet de préoccupation pour les Canadiens, en général et pour les entreprises du Canada, en particulier.
[Français]
Les obstacles au commerce intérieur causent, de plusieurs manières, du tort à l'économie canadienne. Les pratiques d'achat discriminatoires engendrent de l'inefficacité et forcent les contribuables à payer inutilement des millions de dollars.
Les chevauchements, les dédoublements dans les règlements et les mesures relatives aux normes représentent des frais énormes pour les compagnies et empêchent ces dernières d'atteindre la taille optimale nécessaire pour pénétrer les marchés internationaux.
[Traduction]
Les coûts non quantifiables sont encore plus importants: occasions perdues et possibilités dont sont privés des Canadiens cherchant du travail ou des entreprises, grandes ou petites, désireuses de renforcer leurs pouvoirs de concurrence dans une économie mondiale, sans compter le préjudice causé à l'édifice national.
Quelles que soient les pressions politiques qui s'exercent au plan local, aucun gouvernement au Canada ne devrait s'arroger le droit de traiter d'une façon discriminatoire les personnes, les produits, les services ou les investissements venant d'autres régions du pays. Bien sûr, d'après notre Constitution, il est clair que le gouvernement fédéral a le pouvoir de réglementer le commerce interprovincial. Cependant, la loi telle qu'elle est formulée reflète mal la réalité de plus en plus complexe d'aujourd'hui, une réalité dans laquelle les provinces constituent des intervenants d'une importance croissante dans le commerce et dans l'économie.
Théoriquement, le gouvernement fédéral disposerait des pouvoirs nécessaires pour agir unilatéralement en matière de commerce intérieur. Mais il manquerait de réalisme en le faisant, puisque l'objectif est de parvenir à des résultats durables dans le cadre d'un fédéralisme coopératif et productif.
[Français]
Voilà pourquoi le gouvernement fédéral a joué un rôle de chef de file en vue de la signature de l'Accord sur le commerce intérieur, entente collective fondée sur le consensus, négociée et conclue avec tous les gouvernements provinciaux et territoriaux.
Au cours des négociations, les fonctionnaires fédéraux ont proposé de nombreuses dispositions que le gouvernement aurait voulu voir inscrites dans ce projet de loi, comme un code plus strict sur les stimulants, des exceptions moins nombreuses et un mécanisme plus rigoureux de règlement des différends.
Ces dispositions ne figurent pas dans l'accord, parce que certaines et, dans bien des cas, toutes les provinces les ont rejetées au cours des négociations et que l'accord devait se fonder sur le consensus.
[Traduction]
Toutefois, l'Accord constitue malgré tout un bon point de départ. C'est un cadre solide pour résoudre les problèmes du commerce intérieur et pour gérer à l'avenir le marché intérieur sur une base de coopération. Le gouvernement a la ferme intention de poursuivre ses efforts en vue de l'amélioration de l'Accord et d'une pleine application des dispositions sur lesquelles il y a eu entente.
[Français]
Le projet de loi C-88 donne au gouvernement fédéral les pouvoirs dont il a besoin pour s'acquitter des obligations et engagements auxquels il a souscrit en vertu de l'accord. C'est là son seul et unique but.
Nous avons mis à la disposition du comité des notes qui expliquent l'objet de chaque disposition du projet de loi. Je me ferai d'ailleurs un plaisir, le moment venu, de répondre à toute question précise que vous voudrez me poser à ce sujet.
Comme je l'ai dit, le projet de loi a été critiqué à l'étape de la deuxième lecture. On a dit, à tort, que le gouvernement fédéral voulait s'en servir pour s'attribuer des pouvoirs supplémentaires et pour mieux tenir les provinces à sa merci.
J'ai longuement répondu à ces critiques à la Chambre. J'ai clairement fait valoir que les arguments présentés étaient alarmistes et qu'ils témoignaient de motifs étrangers au sujet et tout à fait irrationnels.
Je considère que les préoccupations exprimées sur les intentions du gouvernement n'ont aucun fondement. Néanmoins, j'ai déjà fait part, tant à des parlementaires qu'à certains de mes collègues provinciaux, de mon intention de proposer des modifications au projet de loi pour définir plus clairement les limites des mesures que le gouvernement fédéral peut prendre en vertu des dispositions de l'accord relatif au règlement des différends.
[Traduction]
Le temps ne me permet pas d'exposer en détail les modifications proposées tout de suite, mais le texte des deux amendements que je propose sera déposé cet après-midi devant le comité pour qu'il puisse connaître la nature des amendements que nous avons préparés à l'occasion de l'examen article par article.
L'Accord sur le commerce intérieur est maintenant en vigueur. Tous les gouvernements du Canada, y compris le gouvernement fédéral, sont maintenant assujettis aux obligations qu'ils ont librement acceptées en signant l'Accord. Deux provinces, l'Alberta et Terre-Neuve, ont déjà adopté des lois de mise en oeuvre.
Comme je l'ai déjà dit, le gouvernement fédéral a toujours joué un rôle de premier plan dans les questions relatives au commerce intérieur. En fait, je dois coprésider d'autres discussions sur l'Accord et sur les questions qui restent encore à régler, lorsque le Comité des ministres sur le commerce intérieur se réunira à Toronto, les 28 et 29 novembre.
Le projet de loi C-88 nous permettra de nous acquitter des obligations que nous avons souscrites et d'assumer nos responsabilités en vertu de l'Accord. Il permettra également au gouvernement fédéral de continuer à jouer son rôle de chef de file dans le processus de coopération intergouvernementale.
Je crois qu'il est important que, du côté fédéral, nous procédions rapidement à l'examen de cette mesure législative.
Je parlerai maintenant brièvement du projet de loi C-99, projet qui apporte quelques légères modifications à la Loi sur les prêts aux petites entreprises (LPPE). Je vais maintenant vous présenter Peter Sagar, du ministère de l'Industrie, qui m'accompagne pour traiter de toutes les questions techniques que pourrait susciter le projet de loi C-99.
Les modifications proposées constituent des améliorations pour les petites entreprises emprunteuses et pour le gouvernement, notamment le fait que cela sera dorénavant un programme de recouvrement de coûts. Selon moi, cet objectif s'inscrit dans les principes que nous partageons tous. C'est le comité qui avait recommandé que la LPPE soit revue pour en examiner les coûts.
Sans les changements administratifs intégrés au projet de loi, le programme de la LPPE reviendrait à plus de 100 millions de dollars au gouvernement, si l'on considère un niveau de prêts correspondant à celui de 1994-1995. Avec la mise en place du recouvrement des coûts, la LPPE ne devrait plus contribuer au déficit.
Monsieur le président, permettez-moi de m'attarder sur trois préoccupations qui ont été soulevées lorsque des représentants du ministère de l'Industrie se sont présentés devant le comité, le 19 octobre.
D'abord, les membres du comité ont demandé aux représentants du ministère si l'objectif de recouvrement des coûts était clairement énoncé dans le projet de loi C-99. Il ne l'était pas et le gouvernement ne croit d'ailleurs pas qu'il serait souhaitable qu'une clause de ce type soit intégrée au projet de loi.
Je suis convaincu que les membres du comité comprendront qu'il serait difficile de vérifier, à un moment donné, si le programme enregistre un surplus ou un déficit. Les taux de recouvrement et de pertes sont très variables et un décalage important existe entre les flux de recettes et de réclamations. Cette situation fait qu'il est impossible de savoir, à un moment donné, si le programme accuse un surplus ou un déficit.
C'est pourquoi nous voulons avoir les pouvoirs de rajuster, en fonction des circonstances, les éléments de fixation des prix du programme de temps à autre, de manière à ce que le programme s'adapte à l'évolution de la conjoncture.
La deuxième préoccupation soulevée concernait la possibilité que le gouvernement revoit sa décision au sujet du transfert du taux de garantie de la Loi vers le règlement. Les membres du Parti réformiste en particulier voulaient que le taux de garantie reste dans la Loi et j'ai indiqué àM. Schmidt que j'étais prêt à accepter un tel amendement.
Le comité doit garder à l'esprit que le taux de garantie n'est que l'un des trois éléments de la fixation des prix ou leviers offerts en vue de favoriser ou de décourager les prêts en vertu du programme. Les deux autres éléments sont le taux d'intérêt et les frais du programme. Ces deux leviers font maintenant l'objet d'une modification par réglementation.
Au fur et à mesure qu'évoluent les tendances économiques et les tendances observées pour les prêts en vertu du programme, nous devrons peut-être rajuster un ou plusieurs de ces leviers, si nous voulons toujours recouvrer les coûts. Nous aurons peut-être à réagir rapidement afin de mieux servir les intérêts des petites entreprises et de ne pas imposer de fardeau aux contribuables. Il va de soi que toute modification au règlement fait l'objet de consultations, et je tiens à rassurer le comité qu'il sera informé bien à l'avance de toute modification mise en oeuvre.
[Français]
La troisième préoccupation soulevée par le comité portait sur les risques globaux pris par le gouvernement en raison de la Loi sur les prêts aux petites entreprises.
Le 31 mars 1995, l'élément du passif éventuel du gouvernement s'établissait à plus de 1,1 milliard de dollars. Cette somme représente le montant maximum pour lequel le gouvernement est redevable compte tenu des six milliards de dollars en prêts non remboursés au 31 mars 1995.
Il ne s'agit pas d'un chiffre qui traduit des pratiques bancaires normales pour l'estimation des risques encourus, car ce chiffre est beaucoup plus élevé.
[Traduction]
Les membres du comité comprendront que notre expérience actuelle en matière de réclamations laisse supposer que les pertes ne peuvent s'élever à plus de 5,5 p. 100 de ce portefeuille de six milliards de dollars. Avec ce pourcentage, les estimations des futurs paiements de réclamation au cours des dix prochaines années seraient réduites à quelque 300 millions de dollars. Ce chiffre traduit le portefeuille de prêts accordés avant le 1er avril 1995.
Nous prévoyons à l'avenir gérer le programme pour atteindre l'objectif du recouvrement des coûts, de manière à ce que les paiements de réclamations futures et les recettes du programme soient en équilibre.
Monsieur le président, le gouvernement a réalisé de vastes consultations pour préparer les modifications administratives à la Loi sur les prêts aux petites entreprises. Aucun groupe n'a eu plus d'influence sur la création de ces modifications que le comité lui-même.
Merci beaucoup; je suis prêt à répondre à vos questions.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
[Français]
Monsieur Rocheleau, vous avez une dizaine de minutes.
M. Rocheleau (Trois-Rivières): Bonjour, monsieur le ministre. J'ai deux questions portant sur le projet de loi C-88.
D'après ce qu'on a pu lire sur les débats et les négociations entre les provinces et le fédéral, il avait été entendu que tout le monde souhaitait que, dans l'éventualité de litiges, les règlements soient basés sur des ententes à l'amiable plutôt que sur des mécanismes juridiques, ce qui sous-entendrait que ces mécanismes auraient un caractère exécutoire.
Nous avons d'ailleurs reproché au gouvernement fédéral d'intervenir de façon plutôt intempestive dans le dossier, parce qu'à la réunion précédant la présentation du projet de loi - un mois plus tôt si ma mémoire est bonne - , à Calgary, selon ce qu'on nous avait dit, il n'avait pas été question que le fédéral arrive avec l'article 9 notamment.
Comment voyez-vous la position du fédéral face au désir qui aurait été exprimé par les parties, à savoir que les règlements des conflits se fassent à l'amiable et par consensus, peut-être après de longues négociations, mais après négociations?
M. Manley: Monsieur Rocheleau, pour me permettre de bien répondre à votre question, pouvez-vous me dire si c'est vraiment l'article 9 qui vous préoccupe? Cet article fait référence à l'article 1710 de l'Accord sur le commerce intérieur. La manière de régler les différends est définie à l'article 1700 du même accord. Avez-vous trouvé un problème entre les deux?
M. Rocheleau: Eh bien, c'est de mémoire. L'une des critiques de tout le monde face à l'intervention législative du gouvernement fédéral était que cela allait à l'encontre de ce qui avait été entendu bona fide lors des réunions entre les provinces et le fédéral. On maintient ce reproche qu'on vous avait fait à l'époque.
[Traduction]
M. Manley: Permettez-moi d'examiner la question très lentement afin que vous puissiez en comprendre le contexte; veuillez m'excuser si, par souci de clarté, je l'explique en anglais.
Le projet de loi lui-même, que vous avez devant vous, je crois, fait directement mention de l'Accord sur le commerce intérieur.
Je vais passer quelque temps là dessus, monsieur le président, de manière que cela soit bien compris.
Dans le projet de loi...
Le président: Devrions-nous lire les deux conjointement? C'est-à-dire l'Accord et le projet de loi?
M. Manley: Oui, le projet de loi et l'Accord doivent être lus conjointement. Il suffit d'examiner le projet de loi pour se rendre compte qu'il fait à plusieurs reprises directement mention de l'Accord sur le commerce intérieur, lequel a été signé entre le gouvernement fédéral et les provinces et les territoires. L'article 7 du projet de loi fait mention de l'approbation de l'Accord. Il s'agit essentiellement d'une déclaration politique à l'effet que le gouvernement du Canada appuie l'Accord. L'article 5 lie sa Majesté du chef du Canada; c'est un article fondamental qui donne effet à l'Accord.
L'article 9, controversé, commence par ces mots,
[Français]
que je pourrais peut-être lire en français:
- 9. (1) Le gouverneur en conseil peut, par décret, aux termes de l'article 1710 de l'Accord...
En d'autres termes, les dispositions de l'article 9 renvoient précisément à l'article 1710 de l'Accord, accord que toutes les provinces ont signé. Rien dans l'article 9 ne suggère de quelque façon que ce soit que le gouvernement fédéral ait l'intention de dépasser le cadre de cet article; autrement, il n'aurait pas fait mention de l'article dans le projet de loi.
Examinons, dans tous les cas, quand des mesures pourraient être prises en vertu de l'article 1710. Il suffit d'examiner l'article 1710 de l'Accord pour se rendre compte, je crois, qu'il n'est pas facile d'invoquer l'article 1710 pour commencer. Avant d'en arriver là, il faut être d'abord saisi d'un différend. On commence donc en fait par l'article 1701 de l'Accord qui stipule tout d'abord, que s'il y a différend, il faut consulter le chapitre particulier de l'Accord dans le cadre duquel un différend peut avoir surgi. Par exemple, s'il s'agit d'un différend relatif à la mobilité de la main-d'oeuvre, il faut consulter le processus de règlement des différends qui se trouve au chapitre 7.
Si le différend n'est toujours pas réglé, il faut consulter alors l'article 1702, consultations entre gouvernements en vue de régler les différends. Une phase de consultations y est prévue.
Ensuite, il faut consulter l'article 1703 qui permet de demander l'aide du Comité des ministres du commerce intérieur.
Si le différend n'est toujours pas réglé, il faut consulter l'article 1704 pour demander la constitution d'un groupe spécial.
Lorsque le différend s'inscrit dans le cadre de l'article 1704 et de la demande de constitution d'un groupe spécial, il faut bien comprendre que cela vise deux parties à l'Accord. Dans presque tous les cas, ces deux parties vont être deux gouvernements provinciaux, mais il est possible, en application du paragraphe 1704(8), que l'une des parties soit le gouvernement fédéral.
Par conséquent, l'article 1710, adopté à l'article 9 du projet de loi, n'entre en jeu que lorsque l'on est passé par toutes les étapes de ce processus et que le gouvernement fédéral est une partie en cause.
Pourquoi le gouvernement fédéral serait-il une partie en cause? En application du paragraphe 1710(8), le gouvernement fédéral est réputé avoir un lien direct et substantiel avec la personne qui a subi un préjudice économique ou s'est vu refuser des avantages du fait qu'elle a été traitée de manière incompatible avec l'accord (1) soit parce qu'elle est une entité constituée en vertu des lois fédérales (2) soit parce que, en raison des activités qu'elle exerce, elle constitue un ouvrage, une entreprise, un secteur d'activité ou un service relevant du pouvoir de réglementation du fédéral.
La définition des compagnies qui pourraient être représentées par le gouvernement fédéral en vertu de l'Accord est très circonscrite. Ce n'est donc qu'à ces compagnies qu'il s'applique.
Si le gouvernement fédéral convient de s'occuper de l'affaire en question et constitue un groupe spécial en application de l'article 1705, le groupe spécial examine le cas et fait un rapport en application de l'article 1707. On en arrive ensuite à la mise en oeuvre du rapport du groupe spécial.
Nous avons donc parcouru un long chemin. Le gouvernement fédéral a décidé de s'occuper d'une affaire; il est passé par toutes les étapes du processus; le groupe spécial a présenté son rapport et la partie plaignante, représentée par le gouvernement fédéral, a obtenu un rapport favorable du groupe spécial.
Que se passe-t-il ensuite? Il faut voir maintenant si le rapport va être mis en oeuvre ou non.
S'il est mis en oeuvre, la question est réglée. Il n'y a pas de problème. Il n'y a pas d'autres mesures à prendre.
Si le rapport n'est pas mis en oeuvre, la première chose à faire consiste à faire la publicité de l'absence de mise en oeuvre. C'est l'article 1709. En d'autres termes, vous faites savoir que quelqu'un n'a pas respecté l'Accord sur le commerce intérieur.
Si au bout d'une année, il n'y a toujours pas respect de l'Accord sur le commerce intérieur, c'est à ce moment-là, et seulement à ce moment-là, qu'on peut invoquer l'article 1710 et que certaines mesures peuvent être prises; elles sont d'ailleurs précisées.
Tout d'abord, on peut suspendre des avantages en vertu de l'Accord. L'article 9 fait mention de l'article 1710, par conséquent, il ne dépasse pas le cadre de cet article.
Quels genres d'avantages peuvent être suspendus? Je cite le paragraphe 1710(4):
- 4. Afin de déterminer les avantages qui doivent être suspendus ou les mesures de rétorsion
qui doivent être prises, la Partie plaignante tient compte des conditions suivantes:
b) ce n'est que dans les cas où il serait impossible en pratique ou inefficace de suspendre de tels avantages ou de prendre de telles mesures qu'elle peut suspendre des avantages ou prendre des mesures de rétorsion dans d'autres secteurs visés par le présent accord.
Je ne sais pas si M. Rocheleau connaît un gouvernement provincial qui a l'intention de faire subir toutes les étapes du processus à une partie et de continuer à refuser de mettre en oeuvre les recommandations d'un groupe spécial constitué en vertu de l'accord. S'il en connaît un, j'espère qu'il me dira lequel pour que je puisse saisir le ministre pertinent de la question.
Franchement, je crois que tout ce débat sur l'article 9 découle du fait que les députés du Bloc québécois ont omis de lire l'accord et le projet de loi de mise en oeuvre.
Merci.
M. Mills (Broadview - Greenwood): Monsieur le ministre, j'aimerais juste savoir si vous allez nous présenter tout cela sous forme de bulletin parlementaire.
M. Manley: Oui, avec des images.
[Français]
Le président: La première question a été posée par M. Rocheleau. Cela a pris une dizaine de minutes. Pouvez-vous terminer sur cette question et revenir par la suite au deuxième tour ou si vous voulez poursuivre le débat?
M. Rocheleau: J'aimerais tout simplement dire au ministre que le gouvernement du Québec, tout comme d'autres gouvernements provinciaux, s'est formellement montré en désaccord sur l'article 9. Au Bloc québécois, on n'invente rien.
Le président: Certains gouvernements provinciaux ont-ils dénoncé cet article?
M. Rocheleau: Oui, M. Paillé vous a écrit.
M. Manley: M. Paillé m'a envoyé une lettre, c'est vrai. J'ai essayé de lui expliquer la situation. Nous discutons ici d'une interprétation qui existe déjà. Vous pourriez peut-être me convaincre en me donnant une autre interprétation. À l'heure actuelle, je n'ai reçu aucune argumentation disant que ce n'était pas clair.
Toutefois, parce que nous avons essayé de créer un accord basé sur le consensus, j'ai déjà indiqué que j'étais prêt à apporter des amendements clarifiant ces choses pour ceux qui sont incapables de les lire ou même de les comprendre. Je crois que ces amendements sont assez clairs.
[Traduction]
M. Schmidt (Okanagan Centre): Selon la coutume parlementaire, le ministre nous a présenté un projet d'amendement.
Le président: De l'article 9?
M. Schmidt: Oui, de l'article 9, soit l'article dont il est question pour l'instant. Je me demande si le ministre peut nous expliquer exactement quelles seront les conséquences de cet amendement; cela permettrait de vider la question. Il doit bien y avoir une raison qui justifie un tel amendement.
Le président: Cela pourrait-il nous être utile pour ce débat, monsieur le ministre?
M. Manley: J'encourage très certainement les membres du comité à examiner les amendements. Je les ai déposés -
M. Schmidt: Il s'agit de l'amendement de l'article 9. Je me demandais simplement si cela apaise les inquiétudes qui ont été soulevées.
M. Manley: Je crois qu'il apporte les précisions voulues.
M. Schmidt: C'est ce que je pense et c'est la raison pour laquelle j'ai soulevé ce point.
[Français]
Le président: M. Rocheleau pourrait examiner entre-temps l'amendement proposé et voir s'il lui apporte les précisions recherchées. On pourra revenir plus tard à M. Rocheleau. Pour l'instant,
[Traduction]
Je crois que nous ferions mieux de revenir à M. Schmidt.
M. Schmidt: J'aimerais passer à un autre article, si vous permettez.
Le président: Du même projet de loi?
M. Schmidt: Oh! Oui.
Sous le titre Modifications connexes. Il s'agit, je crois, de l'article 17 qui traite de la Loi sur l'intérêt. Je me demande si le ministre peut nous expliquer la raison des changements proposés ici. Je pense qu'ils visent en particulier le taux de pourcentage de certains accords de prêts; ensuite, il y a l'article suivant qui donne au gouverneur en conseil le pouvoir de prendre de tels règlements; enfin, l'article qui s'y rapporte, c'est-à-dire l'article 18 du projet de loi, et les parties soulignées qui représentent des changements à la loi actuelle.
Je me demande si vous pouvez nous dire pourquoi ces changements ont été apportés dans le projet de loi. Ils n'ont pas trait à l'accord sur le commerce intérieur, mais à d'autres lois.
M. Manley: Oui, des changements apportés à la Loi sur l'intérêt...
M. Schmidt: Oui, précisément,
M. Manley: Il s'agit de deux changements qui sont apportés à la Loi sur l'intérêt.
La meilleure chose c'est de demander à l'avocat de l'expliquer directement; si Konrad von Finckenstein avait l'amabilité de le faire.
M. Konrad von Finckenstein (sous-ministre adjoint, Droit des affaires, ministère de la Justice): Prenez par exemple le commerce intérieur au chapitre 8, les provinces se sont entre autres engagées à harmoniser les mesures législatives en matière de divulgation du coût du crédit. Dès que les provinces en auront terminé avec cette harmonisation et qu'elle entrera en vigueur, il faut l'appliquer.
La Loi sur l'intérêt, dans sa forme actuelle, pourrait empêcher une telle mise en oeuvre car on y précise le taux d'intérêt. Nous apportons dans ce cas ci une modification pour que le taux d'intérêt soit fixé par règlement. Ainsi, dès que cet accord sur la divulgation du coût du crédit conclu entre toutes les provinces sera mis en oeuvre, le gouvernement fédéral prendra les règlements nécessaires conformément à la Loi sur l'intérêt pour en assurer la mise en oeuvre.
La compétence des provinces ne devrait pas être compromise en raison d'une incapacité de la part du gouvernement fédéral d'apporter les changements nécessaires à la Loi sur l'intérêt aux fins de la mise en oeuvre de cet accord.
M. Schmidt: Monsieur le président, j'aimerais examiner cela de plus près. Si je vous ai bien compris, vous avez parlé de la divulgation du coût du crédit.
M. von Finckenstein: Oui.
M. Schmidt: Le coût du crédit et la divulgation du coût du crédit ne sont-elles pas deux choses différentes? Le coût du crédit serait l'intérêt qui est versé sur ce montant d'argent précis, tandis que la divulgation est le coût associé à la divulgation de cette information à d'autres personnes, si je ne m'abuse? Quel est le lien entre le coût du crédit et la divulgation du coût du crédit?
M. von Finckenstein: Le consommateur est censé savoir ce qu'il lui en coûte pour le crédit qu'il obtient d'une institution financière. Il devrait en coûter la même dans toutes les provinces. Ainsi, l'idée est que les provinces se réuniront, harmoniseront leurs mesures législatives et s'entendront sur certaines règles en matière de divulgation du coût du crédit.
De toute évidence, les institutions financières sont assujetties aux règlements et aux lois des provinces où elles sont situées. Elles tombent également sous le coup de la Loi sur l'intérêt du gouvernement fédéral. Par cette modification nous voulons faire en sorte que, peu importe les accords que concluront les provinces, ceux-ci pourront être mis en oeuvre et la Loi sur l'intérêt ne constituera pas un obstacle.
M. Schmidt: Je comprends cela, mais je vais comparer ce que vous venez tout juste de dire à la disposition actuelle. Si ce qu'on dit dans l'information que nous avons ici est juste, j'ai du mal à comprendre pourquoi cet article, qui est l'article 4 de la Loi sur l'intérêt, ne porte pas, à ce que je sache, sur la divulgation du coût du crédit.
Il y est question de cas où un contrat de prêt a été signé, mais qu'il n'y ait pas fait mention de ce que devrait être le taux d'intérêt. Cette disposition de la Loi sur l'intérêt permet de fixer un certain pourcentage à 5 p. 100. Qu'est-ce que cela a à voir avec la divulgation?
M. von Finckenstein: Si les autres provinces, dans le cadre de l'harmonisation de leurs mesures législatives, acceptent que le taux prescrit dans ces cas soit de 6 p. 100, alors une loi fédérale ne devrait pas prescrire un taux différent.
Je ne peux prévoir ce que comportera l'accord relatif à l'harmonisation entre les provinces comportera et jusqu'où il ira. Je ne sais pas s'il se limitera à la divulgation ou s'il englobera également question ce cas dont vous avez parlé où le taux n'est pas stipulé. Ainsi, La mesure législative en stipulera un.
Si l'accord que signeront les provinces englobe ce point et fixe un taux différent, alors nous serons en mesure d'en assurer la mise en oeuvre par l'entremise de notre loi.
M. Manley: Simplement en guise de référence, monsieur le président, la disposition de l'accord se trouve à l'Annexe 807.1, article 7, qui en fait exige des provinces qu'elles harmonisent leurs mesures législatives en matière de divulgation du coût du crédit.
M. Schmidt: Je n'ai aucune question à poser en ce qui a trait à l'intention. Ce que je soutiens c'est qu'en faisant ceci - en modifiant de cette manière la Loi sur l'intérêt actuelle - on n'atteint pas l'objectif visé. C'est l'interprétation que j'en fais. J'aimerais comprendre pourquoi il en est ainsi. Ce dont il est question dans l'accord, c'est la divulgation du coût du crédit.
La divulgation n'a rien à voir avec le taux de crédit réel. Il me semble que la Loi sur l'intérêt ne traite pas du tout du coût de la divulgation.
M. Manley: Le problème qui se pose ici, Werner, c'est que l'intérêt relève de la compétence fédérale selon l'article 91 de la Constitution. L'entente entre un client et un établissement de crédit est un contrat de gré à gré. Ainsi, la mesure législative qui traite de divulgation est très souvent de ressort provincial.
En fait, ce qui a donné lieu à cette partie de l'accord, ce sont les différentes formules et ententes variées qui existent entre les provinces. Ainsi lorsque celles-ci disposent d'une mesure législative exigeant la divulgation du coût du crédit...
Vous vous rappelez qu'il y a quelques années les choses étaient à ce point compliquées que personne ne savait quels étaient leurs taux ou comment ils étaient composés. Tout compliquait énormément la chose. Cette modification rationalise et réduit les coûts pour les consommateurs en faisant en sorte que, lorsque les institutions financières dont bon nombre sont nationales respectent les dispositions de la loi relatives à la divulgation du coût du crédit, soit dans leurs contrats de prêts ou dans leurs autres documents, elles soient en mesure de respecter les mesures législatives harmonisées entre toutes les provinces.
Comme pour le reste de l'accord, nous essayons de faciliter la pratique courante. Même s'il s'agit d'un domaine de toute évidence de compétence provinciale, on aboutit à une harmonisation.
La particularité c'est qu'un tout petit élément de cet ensemble est fédéral, c'est-à-dire la Loi sur l'intérêt elle-même. Nous apportons ce changement assez mineur à la loi pour éviter de créer un obstacle à l'harmonisation des mesures législatives des provinces en matière de divulgation.
M. Schmidt: Je comprends la raison d'être, monsieur le président, je suppose que je devrai en parler plus longuement et plus en détail. En toute franchise, en ce qui a trait à l'explication jusqu'à maintenant, soit que je ne vous suis pas, soit que je ne comprends pas parce que cette modification pose un problème. Je le crois vraiment. Je veux en discuter un peu plus en détail.
M. Mills: Peut-être devriez-vous rencontrer les hauts fonctionnaires.
M. Manley: Nous pouvons donner suite à cela.
M. Schmidt: Je crois que le ministre et l'avocat comprennent le point que j'ai soulevé.
Le président: Tout ce que vous pouvez faire pour éclaircir ce point serait apprécié.
M. Schmidt: C'est la prochaine étape; nous en sommes à l'étude article par article. Nous aborderons les autres questions.
Le président: Nous reviendrons alors.
Monsieur Mills.
M. Mills: Si c'est possible, j'aimerais que nous passions au projet de loi C-99, à moins que d'autres députés qui s'intéressent vivement...
Le président: Nous pouvons passer de l'un à l'autre.
M. Mills: D'accord.
M. Schmidt: J'ai une autre question sur le projet de loi C-88, mais c'est à vous de décider, monsieur le président.
Le président: Est-ce que cela prendra du temps?
M. Schmidt: Non.
Le président: D'accord, allez-y.
M. Schmidt; La question porte sur l'article 20, l'entrée en vigueur de la loi. Pourquoi ce projet n'entrerait-il pas en vigueur à la date de la sanction par le Sénat?
M. von Finckenstein: Les différentes parties de l'accord n'entrent pas en vigueur toutes en même temps. Si les dates d'entrée en vigueur sont différentes, c'est que toutes les négociations ne sont pas encore terminées, par exemple en ce qui a trait au crédit à la consommation, dont je vous ai parlé, au transport, etc. Des parties de cette loi seront ainsi proclamées au moment où ces accords seront conclus et où les portions entreront en vigueur. Tout n'entre pas en vigueur le 1er juillet; certains éléments entrent en vigueur dans les années qui suivront.
Voulez-vous que je vous donne des exemples?
M. Schmidt: Oui, s'il vous plaît.
Le président: Est-ce que ce calendrier a été schématisé pour que nous ayons à portée de main un outil où figurent les dates d'entrée en vigueur des diverses parties?
M. Schmidt: Comment la loi...? Soit qu'elle met en oeuvre cet Accord, soit qu'elle ne le fait pas.
M. von Finckenstein: Je vous renvoie à la page 117 de l'Accord, là où il est question de la divulgation du coût du crédit dont on vient de parler. On peut y lire:
- 10. Les Parties sont tenues de compléter, au plus tard le 1er janvier 1996, les négociations... et
d'adopter, au plus tard le 1er janvier 1997, les mesures législatives harmonisées.
Par conséquent, nous pourrions, aux termes de l'article 20 du projet de loi, par exemple, proclamer des changements à la Loi sur l'intérêt dès le 1er janvier 1997, parce que c'est à ce moment-là qu'on en aura besoin, pas avant. L'Accord comporte de nombreuses parties qui n'entrent en vigueur qu'à une date ultérieure.
M. Mills: Monsieur le ministre, j'estime que nous modifions la Loi sur les prêts aux petites entreprises de manière très efficace depuis quelques années. Cette loi continue d'être l'un des principaux catalyseurs incitant les grandes institutions financières à revenir dans le secteur des prêts aux petites entreprises. J'applaudis aussi l'accent très particulier mis par le projet de loi à l'étude sur le recouvrement des coûts.
Au cours des deux dernières années, toutefois, dans le cadre de notre examen de diverses sources éventuelles de capitaux, nous avons entendu à de nombreuses reprises la Canadian Leasing and Financing Association, qui dispose d'énormes capitaux et qui aimerait bien pouvoir en consentir aux petites entreprises.
Elle a souvent demandé à notre comité d'être incluse dans la définition de prêteur au sens de la Loi sur les prêts aux petites entreprises. Ainsi, non seulement elle serait assujettie aux mêmes règles que nos cinq ou six grandes banques, mais aussi elle pourrait leur livrer concurrence, de façon très concrète.
M. Sagar a rencontré les représentants de l'Association à plus d'une occasion au cours des deux ou trois derniers mois, et je sais que celle-ci lui en est reconnaissante. Ces pourparlers durent depuis trois ans. Quand les banques demandent des modifications à la Loi sur les prêts aux petites entreprises ou à d'autres mesures que nous préconisons, nous réussissons à en tenir compte. Je me demande s'il existe un moyen d'élaborer le projet de loi à l'étude de façon que l'Association puisse y être incluse.
M. Manley: Je tiens tout d'abord à préciser que je suis très ouvert à l'idée de trouver un moyen d'inclure dans la Loi sur les prêts aux petites entreprises les accords de crédit-bail, s'il y a moyen de le faire en respectant le principe de recouvrement des coûts et en continuant d'offrir une aide efficace aux petites entreprises. Comme vous le savez, le crédit-bail s'impose de plus en plus comme le moyen de prédilection des PME pour se financer. Par conséquent, toute tentative faite en vue d'y parvenir serait un acte très positif, non seulement pour l'Association mais aussi pour les entreprises.
Nous en sommes au stade où nous tentons de voir s'il existe un moyen de le faire. Vous avez posé une autre question, à savoir si nous pouvons modifier la Loi de façon à pouvoir autoriser le crédit-bail par la suite, une fois que nous aurons trouvé un mode de fonctionnement satisfaisant.
M. Mills: En modifiant le règlement.
M. Manley: En toute franchise, je n'y avais pas réfléchi. J'ignore si le champ d'application et l'esprit de la loi le permettent ou s'il ne faudrait pas, plutôt, adopter une loi distincte. Cependant, il est temps de voir s'il y a moyen d'inclure le crédit-bail dans le régime de garantie prévu dans la Loi sur les prêts aux petites entreprises.
M. Mills: Dans le préambule du projet de loi à l'étude, il est prévu que vous pouvez, par décret, approuver des propositions particulières, si elles cadrent avec l'esprit de la loi.
Je suis conscient qu'il n'existe pas actuellement de moyen de le faire, ni de proposition visant à en établir un, mais vous donneriez une lueur d'espoir et vous nous permettriez d'avoir une certaine influence sur les pourparlers si vous affirmiez que, dans deux ou trois mois peut-être, si une proposition était faite, vous pourriez l'approuver par décret.
M. Manley: Je ne suis pas sûr, Dennis, de l'article du projet de loi auquel vous faites allusion.
M. Mills: Je n'ai pas le projet de loi devant moi, mais il prévoit une disposition particulière...
M. Manley: De toute évidence, vouloir, c'est pouvoir.
M. Mills: Voilà une attitude raisonnable. Je crois que nous avions tous besoin d'entendre cela.
Le président: Nous avons épuisé à peu près cinq minutes du temps alloué. L'autre côté de la table, c'est-à-dire M. Ianno, a-t-il d'autres questions métaphysiques à poser?
M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Monsieur le ministre, une des demandes de renseignements faites lorsque vos représentants étaient ici portait sur une historique...
M. Manley: Pourriez-vous préciser de quel projet de loi vous parlez, s'il vous plaît?
M. Bélanger: Désolé. Je parle du projet de loi C-99. Votre question est pertinente, bien que nous n'ayons pas, je crois, entendu de représentants du ministère au sujet du projet de loi C-88.
On a demandé à connaître les demandes réelles de modification à la loi qui ont été présentées par le ministère et la suite donnée à ces diverses demandes. En d'autres mots, le ministère a-t-il été frustré à quelque moment que ce soit et de manière indue dans sa volonté de modifier la loi par le pouvoir législatif? Comme vous l'avez mentionné dans votre déclaration, non seulement des réformistes, mais aussi des membres du parti ministériel, du moins certains d'entre eux, craignaient qu'on élimine ainsi les derniers vestiges de pouvoir législatif en faveur du pouvoir administratif et qu'on le fasse peut-être indûment.
J'aimerais connaître votre avis à ce sujet, monsieur le ministre.
M. Manley: Je ne suis pas sûr au sujet des demandes de modification. Lorsqu'il est question des moyens de fixer les prix, il faut comprendre que, lorsqu'on tente de recouvrer les coûts, la courbe des pertes peut varier énormément selon la conjoncture économique et d'autres facteurs. Il peut donc s'avérer nécessaire de changer les paramètres afin de tenir compte de conditions nouvelles.
Cela ne s'applique pas uniquement au recouvrement des coûts, d'ailleurs. Il arrive que, dans le cycle économique, il soit préférable, plutôt que de chercher à recouvrer les coûts, d'utiliser les moyens prévus dans la Loi sur les prêts aux petites entreprises pour simplement accroître les prêts. Si cette décision relève du cadre financier, elle pourrait être envisagée.
Vous pourriez vouloir agir assez rapidement pour donner un coup de barre en cours de route. C'est pourquoi il est préférable de laisser certains des leviers producteurs de recettes entre les mains du pouvoir exécutif. Il peut alors réagir de manière relativement opportune et souple.
En ce qui concerne le taux de garantie, il peut s'agir davantage d'un taux fixe qui, en un certain sens, a un important effet symbolique sur les emprunteurs. Par conséquent, le fait de le réinsérer dans la Loi me semble logique et il permet de conserver une certaine souplesse. Il est possible d'avoir un taux fixe, mais si tous les paramètres le sont, il pourrait être très difficile de réagir aux situations nouvelles.
M. Bélanger: Ne sommes-nous pas en train de transférer l'établissement du taux de garantie de la Loi au règlement?
M. Manley: Dans ma déclaration, j'ai dit que j'avais informé M. Schmidt que je ferais bon accueil à une proposition de changement visant à retransférer le taux de garantie dans la Loi.
M. Bélanger: Je vous remercie.
Le président: Sont-ce les modifications auxquelles vous faites allusion?
M. Schmidt: Ce sont celles que j'ai présentées, il y a quelque temps déjà.
Le président: Oui, il s'agit de modifications au projet de loi C-99.
Monsieur le ministre, si j'ai bien compris, vous avez dit que vous feriez bon accueil à certaines modifications. Avez-vous eu l'occasion d'examiner celles qui ont été présentées par M. Schmidt? Conviennent-elles ou doivent-elles être remaniées?
M. Manley: Nous acceptons la modification proposée au sujet du taux de garantie.
L'autre concerne la date d'entrée en vigueur. Je ne crois pas qu'elle ait de l'importance maintenant, n'est-ce pas?
M. Peter Sagar (directeur général, Bureau de l'entrepreneurship et de la petite entreprise, ministère de l'Industrie): Nous serions heureux d'accepter cette modification.
M. Manley: La date d'entrée en vigueur reflète un calendrier manifestement différent de la réalité. En effet, le projet de loi à l'étude a franchi l'étape de la première lecture en juin. On s'attendait donc qu'il serait adopté beaucoup plus rapidement. Quoi qu'il en soit, nous voilà en novembre. Cela importe donc peu, en réalité. La modification est donc parfaitement acceptable.
M. Mills: Monsieur le président...
Le président: Votre question porte sur le même point?
M. Mills: Non, plutôt sur le point dont nous avons discuté auparavant. J'aimerais officiellement faire lecture de la modification. «Prêteur» désigne... naturellement, il est question des membres de l'Association canadienne des paiements, des sociétés coopératives de crédit locales, etc. Cependant, à l'alinéa c) de l'article 2 du projet de loi...
Le président: Quel texte nous citez-vous au juste?
M. Mills: Je cite la Loi sur les prêts aux petites entreprises, soit le texte de loi fondamental, celui sur lequel reposent tous les autres textes. Elle dit:
- tout autre organisme ayant été, à sa demande, agréé comme prêteur par le ministre pour
l'application de la présente loi.
M. Manley: Je comprends de quoi vous parlez. Il s'agit d'une partie de la définition de «prêteur». Cependant, bien sûr, le reste du cadre législatif projeté est axé sur les prêts, plutôt que sur le crédit-bail. Par conséquent, le ministre serait sans aucun doute habilité à agréer une société de crédit-bail comme prêteur. Toutefois, cet agrément ne toucherait pas le moyen de financement utilisé, qui continuerait de devoir se conformer au reste de la loi projetée. Je ne crois donc pas que cette disposition règle quoi que ce soit.
[Français]
M. Rocheleau: Monsieur le ministre, j'aimerais qu'en tant que ministre responsable de l'application de cette loi, vous nous donniez votre interprétation du rôle du gouvernement fédéral en regard du projet de loi C-88.
Considérez-vous que le gouvernement fédéral peut prendre des mesures de rétorsion uniquement quand il est partie au litige ou s'il peut en prendre face à la partie qui a été identifiée comme étant fautive même s'il n'est pas partie au litige?
M. Manley: Les dispositions de ce projet de loi et de l'Accord sur le commerce intérieur ne s'appliquent au gouvernement fédéral que lorsqu'il est l'une des parties dans un différend.
M. Rocheleau: Uniquement?
M. Manley: Uniquement, selon le projet de loi et l'accord.
M. Rocheleau: C'est l'interprétation que vous en faites. Il y a une zone grise, semble-t-il, et cela pourrait porter à interprétation.
M. Manley: Je n'accepte pas qu'il y ait une zone grise. De toute façon, c'est mon interprétation de l'accord. C'est ce que l'on a négocié. Vous comprendrez que je ne suis pas nécessairement satisfait de ce qui est prévu dans l'accord pour le règlement des différends. Selon moi, il serait préférable d'avoir un système de règlement beaucoup plus rapide, efficace et direct.
Dans les accords sur le commerce international, nous avons un système de règlement des différends beaucoup plus facile que celui que l'on retrouve dans l'Accord sur le commerce intérieur. Mais j'ai quand même essayé de trouver un moyen de signer un accord basé sur le consensus.
Si vous vous intéressiez vraiment aux intérêts du secteur privé qui, de toute façon, est toujours la victime des barrières commerciales, je crois que vous préféreriez un système plus efficace pour régler les différends. Personnellement, je préférerais un système qui pourrait être renforcé par le système judiciaire. Mais quand il s'agit d'un accord aussi complexe, il est toujours nécessaire de trouver des compromis.
M. Rocheleau: Je suis bien d'accord avec vous que le Canada est un pays difficile à gérer. C'est peut-être pour cela que nous avons les opinions que nous avons chez nous, au Québec.
M. Manley: Oui, mais vous comprendrez que si vous voulez conclure des accords avec les autres organismes politiques, vous devez toujours faire des compromis. Il est impossible qu'une seule des parties à un accord semblable impose aux autres sa version d'un accord, d'une réglementation, etc.
C'est l'approche que j'ai adoptée dans les négociations sur cet accord. Cela n'a pas été facile pour moi, parce que je crois que nous devrions avoir un système de règlement des différends plus facile et beaucoup plus fort.
En tant que représentant du Bloc québécois, pensez-vous qu'il serait possible pour un Québec indépendant de dire: «On va garder cela; on n'accepte pas cela; on veut l'ALENA, on veut...n'importe quoi.»? Ce n'est pas comme cela que les choses se passent dans une négociation, monsieur Rocheleau. Il est toujours nécessaire de faire des compromis.
M. Rocheleau: On devra trouver le moyen d'être de bons partenaires.
M. Manley: Nous avons, avec cet accord, trouvé un moyen de régler les barrières du commerce intérieur au Canada. C'est un accord fondé sur le principe du consensus. C'est vraiment un accord entre partenaires. Nous étions partenaires avant l'accord et le demeurons après l'accord. Il est clair qu'il s'agit d'un accord entre tous les gouvernements du Canada.
M. Rocheleau: Pour ce qui est de l'amendement du gouvernement qui porte sur l'article 9, il fait pratiquement disparaître les alinéas b) et c), aux lignes 11 à 16 de la page 3. L'article 9 stipule:
- 9. (1) Le gouverneur en conseil peut...
- quant à la partie fautive
- b) modifier ou suspendre l'application d'un texte législatif fédéral à son égard;
- c) l'assujettir à l'application d'un texte législatif fédéral;
- d) prendre toute autre mesure qu'il estime nécessaire.
Voilà les critiques constructives de l'Opposition officielle.
M. Manley: Monsieur Rocheleau, même si j'ai beaucoup d'estime pour vous personnellement, je ne les accepte pas. J'avais discuté de cela avec mes homologues provinciaux pour les rassurer.
[Traduction]
Monsieur le président: Monsieur Ianno.
M. Ianno (Trinity - Spadina): Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais revenir à un vieux thème: dans l'optique de la Loi sur les prêts aux petites entreprises, à la possibilité, pour la Banque de développement du Canada (BDC), de se prévaloir de cette loi tout comme les autres institutions de prêt. Est-ce une possibilité?
M. Manley: C'est une possibilité. À notre avis, la Loi sur les prêts aux petites entreprises donne les meilleurs résultats, toutefois, lorsqu'elle est habituellement invoquée par les clients d'une institution financière en faveur de laquelle la garantie est donnée. En d'autres mots, ce sont habituellement les déposants d'une banque, d'une caisse populaire ou encore d'une caisse de crédit qui feraient appel à cette loi.
Ce que nous avons tenté de faire avec la BDC, c'est de prévoir les autres situations de prêt. L'accent est donc mis... De plus, la BDC n'est pas un établissement de dépôt. En règle générale, on fait appel à elle pour des besoins particuliers qu'on ne peut financer auprès des autres banques. Chaque client de la BDC est aussi client d'une autre institution financière simplement en raison des exigences concernant les dépôts.
Actuellement, je n'y vois pas grand intérêt pour la BDC qui a pour mandat de suppléer, avec dynamisme, au crédit déjà offert par les autres institutions financières. Ce mandat absorbera déjà tout son temps. Elle n'a pas besoin de se préoccuper de prêts consentis en vertu de la Loi sur les prêts aux petite entreprises. En toute franchise, elle ne m'a pas, non plus, pressenti en ce sens.
M. Ianno: J'avais décidé de ne pas parler de la possibilité pour la BDC d'accepter des dépôts parce que le projet de loi à l'étude ne le prévoit pas, mais cette idée a-t-elle fait du chemin, compte tenu du fait que votre modification met certes à sa disposition des fonds dont elle pourrait se servir pour obtenir plus de capitaux sur le marché libre? Bien sûr, dans la mesure où cela concerne l'acceptation de dépôts, comme elle offre des services à de nombreux clients qui autrement seraient siens, est-ce au moins une possibilité?
M. Manley: Nous ne l'avons pas proposé. Comme vous le savez, nous ne l'avons pas proposé dans le projet de loi C-91, qui a changé le mandat et l'appellation de la Banque fédérale de développement. Ce n'est pas envisagé dans l'immédiat. Est-ce une possibilité? Peut-être. Je crois que l'actuelle législature ne l'envisagerait que dans le cadre de l'examen imminent de la Loi sur les banques. On pourrait étudier l'idée dans ce contexte.
Entre-temps, la BDC n'est pas conçue pour de telles entreprises, qui représenteraient un changement de cap majeur. Il faudrait qu'elle réaffecte de manière draconienne ses ressources actuelles afin de pouvoir recevoir et conserver les dépôts et de pouvoir satisfaire aux exigences qui lui seraient imposées par le Bureau du surintendant des institutions financières.
À mon avis, il serait préférable, actuellement, de laisser la BDC concentrer ses énergies sur son nouveau mandat, plutôt que de se préoccuper d'une nouvelle branche d'activité dans un secteur lourdement réglementé.
M. Ianno: Acceptez-vous d'étudier cette idée lorsque le comité demandera un supplément d'information? Le projet de loi à l'étude ne représente pas, pour moi, une grande amélioration des prêts consentis aux petites entreprises par les grandes banques. Si la situation ne semble pas s'améliorer en termes absolus, est-ce une idée que vous accepteriez d'envisager?
M. Manley: Tout à fait. Le comité sénatorial qui étudie actuellement les institutions financières du gouvernement fédéral est aussi invité à examiner cet aspect de la BDC, s'il le désire.
M. Ianno: Je vous remercie.
Le président: J'ai l'impression d'être un mauvais commissaire-priseur. Je vois qu'il y a très peu de preneurs dans la salle. N'y a-t-il personne qui veuille acheter le ministre?
Je suis désolé; je n'aurais pas dû m'exprimer ainsi.
M. Manley: Une petite minute!
Des voix: Oh, oh!
M. Manley: À qui faut-il s'adresser pour invoquer le Règlement lorsque cela concerne le président?
Le président: Il y a très peu de chances que vous obteniez gain de cause.
A-t-on d'autres questions au sujet de ces projets de loi? Le comité a fait part de ses préoccupations, on l'a écouté, on a donné suite à certaines idées. Avant qu'on ait envie de meubler le silence par une autre question, avez-vous quelques dernières observations à nous faire?
Oui, monsieur Schmidt?
M. Schmidt: J'aimerais remercier le ministre et ses experts d'être venus et de nous avoir parlé avec franchise et honnêteté.
Le président: Je vous remercie. Soyez assurés que le comité examinera ces projets de loi le plus rapidement possible et qu'il en fera rapport à la Chambre en temps opportun.
Monsieur le ministre, je vous remercie et je vous remercie également d'avoir amené votre équipe.
M. Manley: Je vous en prie.
Le président: La séance est levée.