[Enregistrement électronique]
Le jeudi 27 avril 1995
[Traduction]
Le président: À l'ordre, s'il vous plaît.
[Français]
Nous poursuivons l'étude du projet de loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes. Nous avons comme témoins ce matin, de la Conférence des Régies régionales de la Santé et des Services sociaux, M. Florian Saint-Onge. Ainsi que des représentants de l'Association canadienne de santé publique. Je ne sais pas comment s'appellent ces derniers, mais on le saura sans doute tout à l'heure. Émile Therien représente le Conseil canadien de la sécurité.
[Traduction]
Nous avons réuni ces témoins ce matin, parce qu'ils partagent tous le même point de vue sur ces questions et parce que beaucoup de personnes nous ont exprimé leur désir de témoigner devant nous.
Nous avons reçu les mémoires préparés par chacun des trois groupes. J'invite nos témoins à nous tracer les grandes lignes de leur mémoire et non à les lire en entier, si possible. Nous allons entendre chaque groupe avant de passer aux questions. Nous avons prévu de terminer à midi et demie.
[Français]
Je donne d'abord la parole au représentant de la Conférence des Régies régionales de la Santé et des Services sociaux. Je demande à M. Saint-Onge de faire son exposé et de présenter les autres personnes qui l'accompagnent.
[Traduction]
Dr Stephen Corber (porte-parole du Conseil exécutif sur les armes à feu de l'Association canadienne de santé publique): Je représente l'Association canadienne de santé publique.
Le président: Je sais que M. Therien représente le Conseil canadien de la sécurité.Mme Archard et Dr Maguire représentent également ce conseil.
Je donne d'abord la parole à M. Saint-Onge.
[Français]
M. Florian Saint-Onge (président, Conférence des Régies régionales de la Santé et des Services sociaux): Monsieur le président, mesdames et messieurs du Comité, je veux d'abord vous remercier de nous recevoir à ces audiences ce matin.
Je veux aussi vous présenter un peu plus longuement les experts qui m'accompagnent, soit le directeur de la santé publique de la région du Bas-Saint-Laurent, qui est président du comité de prévention des traumatismes du réseau de la santé publique du Québec, M. Robert Maguire; de même qu'un médecin conseil et spécialiste en traumatismes auprès du Centre de santé publique du Québec, qui a été membre du Conseil consultatif canadien sur les armes à feu, soit M. Antoine Chadelaine.
Je voudrais souligner aussi que les chiffres contenus dans notre mémoire se trouvent dans les 40 références jointes en annexe à ce mémoire.
Le ministre de la Santé du Québec est responsable, selon l'article 1 de la Loi sur les services de santé, de réduire la mortalité due aux maladies et aux traumatismes, ainsi que la morbidité, les incapacités et les handicaps. Par cette loi, le ministre confère aux dix-huit régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec la gestion des programmes de santé, incluant le programme de santé publique.
Il nomme dans chaque régie régionale un directeur de santé publique qui a comme responsabilité, selon l'article 373, d'informer la population de l'état de santé général des individus qui la composent, des problèmes de santé prioritaires, des groupes les plus vulnérables, des principaux facteurs de risque et des interventions qu'il juge les plus efficaces, d'en suivre l'évolution et, le cas échéant, de conduire des études ou des recherches nécessaires à cette fin.
De plus, il doit identifier les situations susceptibles de mettre en danger la santé de la population et de voir à la mise en place des mesures nécessaires à sa protection.
Enfin, il doit assurer le développement d'une expertise en prévention et en promotion de la santé au bénéfice de l'ensemble des programmes confiés à la régie régionale.
Compte tenu du mandat qui leur est confié et de l'importance des problèmes liés aux armes à feu, les directeurs de santé publique du Québec se sont fortement engagés dans la recherche de solutions efficaces et rentables pour contrer le problème de décès et de blessures par armes à feu.
C'est pour cette raison que la Conférence, qui représente les dix-huit régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec, et le Conseil des directeurs de la santé publique désirent exprimer une position ferme de santé publique sur le contrôle des armes à feu et, en particulier, sur l'enregistrement et les permis de possession de ces armes.
Voyons d'abord la problématique: au Québec, les armes à feu font au moins un mort par jour; pour être plus précis, soit 420 décès par année, dont 7 sur 10 sont des suicides, 2 sur 10 sont des homicides et les autres sont indéterminés quant à l'intention, incluant une douzaine d'accidents chaque année. Au cours de la même période, on dénombre, au Québec, 400 décès par sida, 400 par chutes accidentelles, 900 par véhicules motorisés, 100 par noyades, 80 par intoxications accidentelles, 15 par méningite à méningocoque. Les décès par armes à feu se comparent donc en importance à de nombreux autres problèmes de santé qui retiennent l'attention du public, des médias et du gouvernement.
Les coûts directs d'hospitalisation et de services publics sont estimés à 15 millions de dollars au Québec.
Mais, les coûts économiques annuels des conséquences d'une mauvaise utilisation des armes à feu ont été estimés, en dollars canadiens de 1993, à plusieurs milliards, selon une étude de Ted Miller.
La grande majorité des décès par balle surviennent à domicile avec des armes de chasse acquises légalement, ceci, plus souvent à la campagne qu'en ville. Les carabines .22 ainsi que les fusils de calibre .12 et .410, qui sont particulièrement mortels, sont les armes les plus souvent gardées à domicile par les Québécois. On estime que le quart des ménages au Québec possèdent au moins une arme à feu et plus du tiers les entreposent de façon inadéquate. Ainsi, près d'une maison sur dix au Québec a une arme entreposée de façon non sécuritaire. Ce risque représente une menace à la fois pour la sécurité des membres du foyer et pour les voisins et amis.
Le problème n'est pas unique au Québec. De 1989 à 1992, le taux moyen de mortalité par balle est de 5,8 par 1 000 000 de population au Québec, ce qui est comparable aux taux observés au Manitoba, 5,7; en Saskatchewan, 6,1; en Alberta, 6,8. Il est toutefois nettement inférieur aux taux observés au Yukon, 13,1, et dans les Territoires du Nord-Ouest canadien, 21,5.
Chez les autochtones, la situation est préoccupante. Dans les communautés cries et surtout Inuit du Nord du Québec, les taux de possession, d'entreposage inadéquat et de mortalité sont beaucoup plus élevés que dans le Sud.
Les vols à main armée ont aussi des conséquences de toute sortes sur la santé des victimes. Selon certaines recherches, 25 p. 100 des victimes de vols à main armée dans le secteur bancaire sont encore sous traitement, 30 mois après l'événement traumatisant, et près de la moitié d'entre elles présentent toujours des symptômes anxieux, des troubles de sommeil ou des problèmes psychosomatiques.
Il s'agit de désordres de stress post-traumatique, un problème de santé publique qu'on ne peut plus ignorer. À cet égard, au Québec en 1992, il y a eu 12 850 vols, dont 4 329 avec une arme à feu. Toujours en ce qui a trait à la criminalité, de 1978 à 1993, le nombre cumulatif d'armes à feu rapportées manquantes, perdues ou volées est de 65 926 au Canada, soit en moyenne plus de 3 000 armes rapportées volées par année. Par définition, ces armes tombent entre des mains criminelles.
Selon les résultats de la recherche épidémiologique, il existe une association entre l'accessibilité aux armes à feu et le risque de décès. Tout comme le fait de fumer ou de respirer la fumée de tabac des autres présente un risque établi pour les uns et les autres, la seule présence d'une arme à feu dans un domicile accroît le risque de suicide cinq fois, d'homicide et d'accident trois fois, par rapport à un foyer où il n'y a pas d'armes. Une arme à domicile est bien plus un péril pour l'entourage qu'une protection contre une agression.
L'arme à feu est l'instrument le plus mortel - 92 p. 100 de létalité - de tous les moyens utilisés pour commettre un suicide, comparativement aux médicaments, dont le taux est de 30 p. 100 de létalité. Il faut par ailleurs noter qu'aux États-Unis, où l'on incite les femmes à s'armer pour soi-disant se protéger, celles-ci tentent de plus en plus de s'enlever la vie avec une arme et réussissent plus souvent qu'avec tout autre instrument.
Au contraire, au Canada, les femmes choisissent des moyens moins violents qui augmentent ainsi leurs chances de survie et, donc, d'être soignées, si nécessaire. La majorité des homicides par arme à feu surviennent lors d'une situation de crise violente, de violence familiale, entre personnes qui se connaissent. Là où à domicile une arme à feu est à la portée de la main, celle-ci est de 12 fois plus létale que des couteaux ou toute autre arme, objet contondant, pieds et poings, etc.
En conformité avec le mandat qui leur est confié par la loi, les directeurs de santé publique du Québec ont pour objectif de prévenir la mortalité et la morbidité liées aux armes à feu dans des cas de suicide, de violence familiale, d'homicide, d'accidents et d'agressions à main armée, par la promotion et la mise en oeuvre d'interventions efficaces.
On sait que des facteurs, tels que l'environnement social et législatif qui permet l'accès à une arme, exercent une influence significative sur la fréquence, la distribution et l'évolution des décès et des traumatismes par arme à feu.
Pour contrôler une maladie ou un traumatisme, on peut agir préventivement sur l'agent, qui est la force déployée par la décharge d'une arme, le véhicule, qui est l'arme ou ses munitions, et l'hôte, la victime du traumatisme. Ces agents, véhicules et hôtes interagissent dans un environnement physique ou socioculturel donné.
La nature de cet environnement peut affecter de façon indépendante la probabilité de survenue ou la gravité de l'événement traumatisant et transformer une tentative de suicide, une agression ou un accident en lésion réparable ou en un traumatisme mortel. L'expérience a démontré que les meilleures stratégies de prévention consistent à briser la chaîne des causes de survenue d'une maladie à l'endroit où le maillon de la chaîne est le plus faible.
Que l'on parle des suicides impulsifs ou prémédités, des homicides prémédités ou commis sur le coup de la colère, de décharge accidentelle d'une arme à feu suite à de la négligence ou à un défaut de sécurité ou de design de l'arme, de l'utilisation d'une arme à feu sous l'effet de l'alcool ou de drogues, tous ces événements ont en commun l'accès à une arme à feu par une personne qui en fait un usage inapproprié.
Cet accès constitue le maillon de la chaîne le plus universel, sur lequel on peut agir, dans la chaîne des causes de traumatismes par arme à feu. Ce maillon est par surcroît le plus faible puisque, d'un point de vue de santé publique, c'est le plus facile à briser par des mesures appropriées.
C'est pourquoi la santé publique entend appuyer un contrôle efficace et rentable de l'accessibilité aux armes à feu pour prévenir des décès et des traumatismes, ceci, sans empêcher l'utilisation d'armes à feu à des fins professionnelles ou récréatives légitimes comme la chasse.
Parmi les mesures prioritaires à promouvoir, la santé publique favorise l'adoption de stratégies comportant des interventions qui doivent être utilisées de façon concurrente. Ces interventions peuvent être: éducatives, pour modifier le comportement humain; de renforcement de l'environnement sociolégislatif; ou encore, elles peuvent être environnementales, technologiques et physiques.
Il est généralement reconnu que l'efficacité des mesures de contrôle est inversement proportionnelle à l'effort individuel nécessaire pour les implanter. Ainsi, on ne juge pas assez efficace ni rentable de miser tous ses efforts sur des interventions d'éducation au maniement et à l'entreposage sécuritaire des armes à feu ou de viser seulement la modification des comportements ou des intentions des humains par le dépistage, l'intervention individuelle à domicile, etc.
De telles interventions sont souvent coûteuses et ne donnent pas toujours les résultats escomptés en matière de diminution de blessures et de modification durable des comportements. Certaines interventions éducatives peuvent même augmenter la probabilité de survenue d'un traumatisme. C'est le cas pour les cours de conduite donnés à l'école secondaire, qui augmentent le nombre de jeunes conducteurs et ainsi les décès de jeunes sur la route.
En ce qui concerne les cours de maniement sécuritaire des armes à feu aux États-Unis, il semble qu'il ne faille pas compter seulement sur la formation pour susciter un entreposage sécuritaire des armes à feu, car souvent, on les garde chargées pour se protéger.
De plus, les stratégies qui renforcent les changements de comportement par des lois ou des règlements, par exemple, la réduction des limites de vitesse sur la route, la surveillance policière facilitée par l'immatriculation des voitures, l'entreposage sécuritaire des produits dangereux, se sont avérées plus efficaces que l'éducation seule.
Les stratégies qui modifient la technologie ou l'environnement physique dans lequel le traumatisme survient, en imposant des normes de construction sécuritaire des voitures et des autoroutes, ont eu un impact plus grand sur la mortalité et la morbidité par traumatisme routier que les cours de conduite obligatoires.
Assurer la sécurité du public par des solutions environnementales et technologiques, comme retirer les armes du domicile où il y a des risques de suicide ou de violence, rendre les armes inopérantes automatiquement dès qu'elles cessent d'être utilisées, etc., et les stratégies législatives et réglementaires seront à leur tour plus efficaces que de suggérer des changements de comportement seulement par des campagnes d'éducation.
Ces constats nous incitent à privilégier des stratégies mixtes où le contrôle de l'accès à des produits dangereux prédomine sur les activités d'éducation. Cette approche est d'autant plus justifiée que les suicides, la violence et les accidents par arme à feu sont souvent associés à des problèmes de santé physique ou psychologique ou à des facultés affaiblies par des produits toxiques, comme l'alcool ou les drogues, qui échappent aux efforts purement éducatifs.
Parmi les diverses mesures proposées par le projet de loi C-68, l'information sur les propriétaires et les armes qu'ils possèdent est essentielle à l'exécution d'une kyrielle d'autres mesures environnementales, législatives et éducatives qui doivent être utilisées en même temps et se compléter. Par conséquent, la santé publique entend favoriser l'enregistrement obligatoire de toutes les armes à feu en circulation au Canada et de leur propriétaire.
L'enregistrement des détenteurs et de leurs armes, à partir de l'importation au Canada, jusqu'au dernier propriétaire, contribuera à contrôler efficacement l'accès aux armes à feu de quatre façons.
La première façon: en rendant les propriétaires imputables de l'utilisation qui est faite des armes à feu en circulation au Canada. Il n'y a pas d'imputabilité possible sans information obtenue tout au long de la vie d'une arme, de son importateur à son ultime utilisateur. Le nouveau système proposé d'enregistrement où seront inscrites toutes les armes à feu au Canada et le nom de leur propriétaire est la pierre angulaire d'un contrôle effectif au pays.
Actuellement, il est impossible de connaître ni combien, ni quelles armes de chasse, un individu possède, ce qu'il en fait, à quelle adresse elles sont entreposées et encore moins comment elles sont entreposées. L'absence de contrôle sur la propriété des armes rend inapplicables les dispositions pénales chez les contrevenants. La meilleure mesure de contrôle doit être basée sur la responsabilisation des propriétaires en les rendant imputables de l'utilisation qui est faite des armes qu'ils possèdent. Cette imputabilité suppose que chaque arme soit enregistrée au nom d'un propriétaire bien défini et que la notion de responsabilité, qui incombe aux propriétaires d'armes, soit renforcée par une application de peines aux contrevenants à la loi. De plus, cette mesure établit également un lien légal entre les armes et tous les intermédiaires tout au long de la vie de l'arme, de l'importation à son dernier propriétaire. Ainsi, ce système d'enregistrement, où seront inscrites toutes les armes à feu au Canada, permettra de responsabiliser les propriétaires en leur conférant une responsabilité explicite devant la loi: en encadrant la vente entre tiers; en incitant le vendeur à s'assurer d'un transfert légal de propriété; en incitant l'acquéreur à connaître les responsabilités liées à l'acquisition d'une arme; enfin, en incitant le propriétaire à entreposer sécuritairement les armes sous sa responsabilité.
Comme deuxième façon de contrôler les armes, il n'y a pas de protection possible sans information. Cette mesure contribuera également au maintien de l'ordre public en permettant aux policiers de retracer plus facilement les propriétaires d'armes volées, de se protéger avant d'intervenir à domicile, lors d'une situation de crise, et surtout d'y confisquer toutes les armes à feu présentes durant un épisode de violence familiale ou de tentative de suicide.
Le suicide par arme à feu et la violence familiale surviennent plus souvent qu'autrement chez des citoyens non criminalisés, avec des armes acquises légalement, qu'ils n'auraient aucune raison de ne pas enregistrer en les acquérant. De fait, on estime à 13 000 les avis d'interdiction émis annuellement au Canada, pour enlever les armes des mains d'individus dangereux pour la société ou pour eux-mêmes. Faute d'enregistrement, les policiers ont dû, par le passé, se contenter de fouiller les lieux ou espérer que ces individus remettent leurs armes volontairement. Le système d'enregistrement aidera les policiers à adopter des mesures préventives adéquates, comme retirer temporairement les armes des lieux d'une crise.
Comme troisième façon de contrôler, il y a le contrôle de l'importation et de la circulation de certaines armes. Il n'y a pas de contrôle possible sans information. Le système d'enregistrement permet de contrôler efficacement la circulation des armes au Canada.
Si la police ne peut distinguer les armes en possession légale, qui seraient enregistrées, des armes illégales, elle ne peut contrôler les problèmes de contrebande. Actuellement, on n'enregistre pas les armes lorsqu'elles sont importées au Canada. Par exemple, des marchands légitimes peuvent importer légalement des armes pour ensuite en revendre illégalement. Ces armes, très populaires chez les jeunes aux États-Unis, car elles sont abordables, ne servent en pratique à rien d'autre qu'à tuer et doivent être interdites. Par exemple, les pistolets à canon court de calibre .25 et .32, appelés saturday night specials, sont reliés à 62 p. 100 des crimes avec arme à feu aux États-Unis. Les pistolets de calibre .32 sont à eux seuls impliqués dans le plus grand nombre d'homicides policiers par nombre d'armes en circulations aux États-Unis. De plus, faute d'enregistrement effectif, les transferts entre individus sont impossibles à contrôler. Par l'enregistrement, on tente au Canada de conserver sa qualité de vie et d'éviter d'importer les problèmes de violence qui prévalent chez nos voisins du Sud. Rappelons, par exemple, que faute d'autres contrôles, certaines écoles américaines doivent recourir aux détecteurs de métal pour contrôler la circulation des armes et assurer la sécurité des écoliers.
Le président: Monsieur Saint-Onge, il y a déjà vingt-cinq minutes de passées. Comme je l'ai mentionné, tous les députés ont en main votre mémoire et nous devons rencontrer deux autres groupes ce matin. Si c'est possible, je vous demanderais de présenter immédiatement vos conclusions.
M. Saint-Onge: Très bien.
Dans ce cas, je vais passer immédiatement aux deux recommandations que je voudrais vous faire.
La première: enregistrer tous les détenteurs d'armes au Canada et enregistrer toutes les armes à feu au Canada.
Deuxièmement, nous vous recommandons d'enlever du projet de C-68 la possibilité de retarder la mise en oeuvre de l'enregistrement de tous les détenteurs et de toutes leurs armes au Canada. Pour ce faire, il faudrait modifier les paragraphes (2) et (3) de l'article 98, en...
[Traduction]
Mme Barnes (London-Ouest): Monsieur le président, j'invoque le Règlement. D'habitude, je suis d'accord pour procéder très rapidement, mais dans ce cas-ci nous venons tout juste de recevoir ces mémoires. Je ne peux pas écouter, lire et formuler des questions en même temps.
Ces données sont importantes. Si les autres députés sont d'accord, je propose que l'on permette au témoin de continuer. Après tout, nous n'avons pas eu le loisir de parcourir et d'analyser ce mémoire avant aujourd'hui.
Le président: En fait, nous l'avons reçu à l'avance.
Mme Barnes: Pour ma part, je viens d'en recevoir une copie, à mon arrivée ici.
Le président: J'ai reçu ma copie il y a deux jours, moi.
Mme Barnes: Vous avez de la chance, monsieur le président, car je viens de recevoir la mienne tout à l'heure.
Le président: Il va falloir dans ce cas-là envisager de prolonger la séance jusqu'à 13 heures ou 13h30 et de nous réunir en comité directeur ce soir. Cela ne me dérange pas, sauf que.... Nous avons distribué ce mémoire bien avant aujourd'hui.
Mme Barnes: Mon bureau n'a rien reçu. Je viens tout juste de recevoir mon exemplaire.
[Français]
Mme Venne (Saint-Hubert): De toute façon, monsieur le président, on va demander que le mémoire en entier soit déposé et inséré dans nos procès-verbaux, de sorte qu'il pourra être consulté par tout le monde.
Le président: Nous avons l'intention d'imprimer votre mémoire au complet ainsi que les autres mémoires. Je crois que deux de ces mémoires ont été déposés à l'avance. Il n'y a que le long mémoire de la Canadian Public Health... Nous venons de recevoir celui-ci ce matin. Ce sont les deux autres que nous avons obtenus à l'avance. Mais comme nous avons ce mémoire devant les yeux, nous allons quand même pouvoir interroger les témoins sur toute question qui n'aurait pas été abordée dans la présentation.
[Traduction]
Monsieur Saint-Onge, je vous invite à nous présenter vos conclusions et nous passerons ensuite à l'autre témoin. Comme je viens de le mentionner, votre mémoire fera partie du procès-verbal. Nous voulons avoir le temps de vous poser des questions et nous pouvons parcourir votre mémoire en même temps.
Avez-vous terminé?
[Français]
M. Saint-Onge: Une minute et demie.
J'aimerais insister, monsieur le président, sur les paragraphes 98(2) et 98(3), dont je parlais plus tôt, où il faudrait retirer «ou à une date postérieure fixée par règlement».
En conclusion, l'enregistrement universel des armes à feu et de leur propriétaire est d'autant plus justifié que les sondages depuis 1990 révèlent que le grand public, surtout au Québec, est en faveur d'un meilleur contrôle des armes.
À titre d'exemple, dans la région de Québec, en décembre 1994, 93,9 p. 100 de la population est favorable à un nouveau système d'enregistrement où seront inscrites toutes les armes à feu au Canada et où seront répertoriés leurs propriétaires; 79,9 p. 100 des personnes qui ont des armes à feu à la maison et 96,9 p. 100 de celles qui n'en ont pas sont d'accord sur l'enregistrement de toutes les armes.
D'autre part, 91 p. 100 de la population est favorable à un meilleur contrôle des armes de poing, comme les pistolets et les revolvers. Les Québécois sont d'ailleurs en faveur du contrôle des armes à feu et cela s'explique par le fait que 68 p. 100 des répondants craignent qu'eux-mêmes ou un membre de leur famille puissent être menacés ou traumatisés, intentionnellement ou accidentellement, par une arme à feu. C'est la plus forte proportion du Canada, suivie de l'Ontario avec 55 p. 100.
Monsieur le président, j'aimerais cependant ajouter que nous sommes appuyés par une bonne partie de la population du Québec. Merci.
Le président: Très bien. Nous aurons des questions plus tard ce matin.
[Traduction]
J'invite maintenant à la table Dr Corber et ses collègues qui représentent l'Association canadienne de santé publique. Bien que leur mémoire semble impressionnant, il n'est pas aussi gros qu'il l'était au départ et vous êtes donc libres de lire ou de commenter certains passages, comme bon vous semblera. Nous imprimerons le mémoire en entier.
Dr Corber: Merci, monsieur le président. Nous avons rédigé ce document dans l'intention d'en achever la présentation en un quart d'heure. Je vais donc en commenter le contenu.
Le président: Très bien.
Dr Corber: Nous nous sommes organisés pour projeter quelques diapositives destinées à illustrer les points principaux, ce que vous aviez recommandé de préférence à une lecture complète du mémoire.
Je tiens tout d'abord à vous remercier d'avoir invité l'Association canadienne de santé publique à faire un exposé. Permettez-moi de me présenter. Je m'appelle Steve Corber. J'ai obtenu mon doctorat en médecine à l'Université McGill. J'ai travaillé outre-mer comme médecin de famille. J'ai obtenu mon diplôme de santé publique à l'Université de Liverpool, en Angleterre, ainsi qu'une bourse de recherches en médecine communautaire. Je travaille au Service de la santé d'Ottawa-Carleton depuis 1975 et je suis médecin-hygiéniste de la région d'Ottawa-Carleton depuis 1980. Je suis également professeur agrégé d'enseignement clinique au Centre des sciences de la santé du département d'épidémiologie et de médecine communautaire à la faculté de médecine de l'Université d'Ottawa. D'autre part, je suis le rédacteur scientifique de la Revue canadienne de santé publique. Je fais partie du comité d'examen de médecine préventive au Conseil médical du Canada et, dans la spécialité de la médecine communautaire, je suis correspondant du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada.
Mme Kathryn Tregunna (Association canadienne de santé publique): Je m'appelle Kathryn Tregunna. Je fais partie du personnel du bureau national de notre association. Je suis chargée du développement des politiques et des programmes à l'échelon national. La santé publique, comme vous le verrez dans notre mémoire, englobe un grand nombre de questions liées à la violence et à la sécurité du public.
C'est le Dr Corber qui présentera notre mémoire, mais après cela, nous pourrons tous deux répondre à vos questions.
Dr Corber: Ce mémoire offre un aperçu de la position de l'Association canadienne de santé publique au sujet du projet de loi C-68 dans la mesure où il concerne la santé publique et, en particulier, les blessures, les morts accidentelles, les suicides, les crimes de violence et les homicides au sein de la famille. Comme vous voyez, mon exposé sera axé sur la santé.
En présentant l'Association canadienne de santé publique, le président a informé le comité que de nombreux groupes souhaitaient comparaître devant lui.
Je tiens à préciser qu'un grand nombre d'organismes et établissements du Canada travaillant dans le domaine de la santé ont exprimé leur appui à ce projet de loi. Comme cette journée d'audience du comité permanent est consacré aux questions de santé, j'en profite pour saluer le ministre de la Santé de la Nouvelle-Écosse, les Associations provinciales de santé publique de tout le Canada, les commissions d'hygiène locale - non seulement celles d'Ottawa-Carleton, mais aussi de Niagara, Calgary, Winnipeg, Surrey en Colombie-Britannique - l'Ontario Council of Suicide Prevention, les Injury Prevention and Control Associations de la Colombie-Britannique et de l'Alberta, etc.
L'ASPC est un organisme bénévole national, indépendant et sans but lucratif qui représente la santé publique au Canada et a des liens avec des organismes homologues à l'étranger. Les membres de l'ASPC représentent une large gamme de disciplines dans le domaine de la santé ainsi que le grand public. Parmi les 25 disciplines, on peut citer les médecins, les infirmiers et infirmières, les physiothérapeutes, les ergothérapeutes, les éducateurs sanitaires, les administrateurs sanitaires, etc. Les membres de l'ASPC croient à la nécessité d'un accès universel et équitable aux services de base nécessaires au maintien de la santé de tous les Canadiens. Sa mission est de constituer une ressource nationale spéciale au Canada oeuvrant en faveur de l'amélioration et du maintien de la santé personnelle et communautaire conformément aux principes de la santé publique que sont la prévention des maladies, la promotion et la protection de la santé et une politique d'hygiène publique.
Il est reconnu que les facteurs physiques, sociaux, mentaux, émotionnels, spirituels et environnementaux interviennent dans la santé. Le rôle de l'ASPC en ce qui concerne le contrôle des armes est en réalité axé sur la sécurité personnelle et l'association a donc adopté de nombreuses motions relatives à la violence. En 1994, elle a préparé un document intitulé «La violence dans la société: une perspective de santé publique», qui a été transmis au ministère de la Justice et au Bureau du solliciteur général. Ce document concluait que la violence est une force destructrice qui s'exerce partout dans notre société et il fait état de l'engagement de notre association à lutter pour son élimination.
En ce qui concerne la politique de santé, en 1992 l'ASPC a publié un document intitulé «Caring About Health», dans lequel elle reconnaissait qu'une politique de soins de santé n'est pas suffisante. Les gouvernements devraient ordonner leur stratégie d'ensemble pour la protection de la santé et de la population au lieu de concentrer leurs efforts sur les services de santé. A la réunion annuelle de 1993, les membres de l'association ont approuvé deux propositions relatives à un système national de surveillance des blessures et à la prévention des blessures chez les Autochtones canadiens.
Quant au contrôle des armes, c'est une question que l'ASPC étudie et discute depuis 1991. En 1992, elle a écrit au ministre de la Justice pour demander qu'on ouvre à nouveau le dossier du contrôle des armes et, en novembre dernier, c'est-à-dire en novembre 1994, le bureau exécutif et le conseil d'administration de l'ASPC ont décidé de donner leur aval à la «Coalition pour le contrôle des armes». Ces activités ont permis à l'association de définir la violence comme un facteur qui influe sur la santé publique. Le contrôle des armes à feu est un élément important de la lutte contre la violence et donc de la protection de la santé et de la sécurité des Canadiens.
Le contrôle des armes à feu relève du domaine de la santé publique. L'ASPC approuve l'utilisation légitime d'armes à feu par les responsables du maintien de l'ordre, par les militaires, par les personnes qui chassent pour le plaisir ou pour assurer leur subsistance. Cependant, force est de reconnaître que le mésusage des armes à feu en dehors de ces domaines légitimes impose aujourd'hui une charge socio-économique importante à notre société. Les responsables de la santé publique, comme l'a dit le témoin précédent, se préoccupent de la santé des populations et recherchent les formules qui conviennent le mieux aux groupes de citoyens. La plupart des professionnels de la santé traitent des particuliers qui viennent les voir parce qu'ils ont un problème de santé déterminé. Les responsables des services de santé publique ont aujourd'hui l'occasion de s'occuper de questions qui concernent l'ensemble de notre société et de prendre des mesures d'intervention pour prévenir les problèmes de santé. L'accent est mis sur la population, la proactivité et la prévention. Le but poursuivi est de réduire la morbidité évitable, c'est-à-dire les maladies ou les blessures, et la mortalité prématurée, afin d'aider chacun et chacune à vivre le plus longtemps possible en bonne santé.
Dès le début, le secteur de la santé publique a travaillé en association avec le public. Les associations de santé publique et les médecins des services de santé ont tout d'abord été recrutés par les conseils municipaux pour améliorer la situation dans leurs collectivités. Il a donc toujours existé une sorte de partenariat entre les professionnels de la santé publique, les politiciens et le public dans une sorte de quête poursuite de la justice sociale afin d'améliorer l'état de santé de la collectivité. Cet effort se poursuit aujourd'hui.
Le secteur de la santé publique a été un chef de file qui a oeuvré en faveur de l'amélioration de l'hygiène dans une foule de domaines, notamment: les programmes d'assainissement et d'immunisation, les règlements touchant les produits alimentaires, les normes relatives à l'eau, les normes de santé au travail; les activités de promotion de la santé visant la réduction des accidents de véhicules automobiles, les questions de sécurité, les jouets pouvant mettre en danger les enfants, les flacons de médicaments, etc. La santé publique a donc été la source de beaucoup d'améliorations de notre santé dont nous sommes témoins aujourd'hui.
La protection de la santé publique a toujours été une des pierres angulaires des programmes de santé et il est donc indispensable que nous ayons des stratégies de prévention. Dans le domaine du contrôle des armes à feu, ces stratégies concernent les blessures, les morts accidentelles, les suicides, les crimes de violence et les homicides au sein de la famille.
Nous nous sommes rendu compte que l'adoption de certaines mesures pour améliorer la santé publique n'est pas suffisante. La délégation du Québec l'a déjà dit. Il nous faut une combinaison d'éducation et de lois. En ce qui concerne les ceintures de sécurité et la réduction du nombre des blessures et des morts causées par des accidents de la route, il n'a pas suffi d'apprendre aux gens à mieux conduire ni d'offrir de meilleurs programmes d'éducation du public dans ce domaine. Nous avons conçu des autos plus sûres, nous imposons des limites de vitesse et nous obligeons les gens à passer l'examen de conduite pour renouveler leur permis. C'est donc une combinaison d'éducation et de lois qui permet d'améliorer la situation. Une même démarche a été adoptée en ce qui concerne la prévention de l'usage du tabac ainsi que dans de nombreux autres domaines, même celui de l'immunisation.
L'ACSP croit que la majorité des propriétaires d'armes à feu ont le sens des responsabilités; mais cela demeure une question qui intéresse la santé publique, car l'usage imprudent ou accidentel des armes à feu constitue bien un problème de santé publique. Chaque année, en moyenne, au Canada, plus de 1 400 morts et plus de 1 000 blessures sont dues à des armes à feu. Sur ces 1 400 morts, 1 100 environ sont des suicides; plus de 200, des homicides, et 50 à 60 cas, ce que nous pourrions appeler des accidents, en ce sens qu'ils ne sont pas du tout intentionnels. Tous sont tragiques. Un grand nombre aurait pu, et aurait dû, être évité. Ils étaient tous inutiles. Notre association estime qu'il faut prendre des mesures pour empêcher ces tragédies humaines totalement inutiles.
Chaque année, au Canada, plus de 1 000 personnes sont traitées dans des hôpitaux pour des blessures causées par des armes à feu. Dans les cas les plus graves, elles ont naturellement besoin d'être soignées pendant toute leur vie. Très souvent, les familles et les individus en souffrent profondément. Tous ceux qui connaissent une famille dont un membre a été tué ou blessé par une arme à feu savent bien qu'elle en souffre intensément, et fréquemment, pendant bien des années après l'événement. Dans certains cas, celui-ci marque la vie tout entière de la famille.
On a estimé que le coût des soins médicaux directs pour les blessures par arme à feu, est de l'ordre de 60 millions de dollars par an au Canada, chiffre auquel il faut ajouter 10 millions de dollars au chapitre des coûts pour le public occasionnés, par exemple, par les enquêtes de police. En outre, pour la société, la perte de productivité et de qualité de vie des survivants à ces blessures est considérablement plus élevée. On a calculé qu'elle atteint des milliards de dollars.
Le lobby des armes à feu soutient que les blessures et les décès causés par une arme à feu relèvent de la criminalité urbaine et ne sont pas un problème dans les campagnes. Des études effectuées dans le nord de l'Ontario ont clairement démontré que les taux de blessures et de morts causées par des armes à feu sont en fait plus élevés dans les campagnes que dans les villes.
C'est donc un problème à la fois urbain et rural et les Canadiens sont partisans d'une solution. Une enquête nationale effectuée par Angus Reid en 1993 a révélé que la majorité de nos concitoyens, y compris les propriétaires d'armes, étaient favorables à un contrôle accru. Quatre-vingt-six p. 100 des adultes canadiens interrogés diraient que l'enregistrement des carabines et des fusils devrait être obligatoire. Le moment est donc certainement venu de le faire.
Le prix pour la santé est extrêmement lourd. C'est un problème qui existe dans les collectivités urbaines et rurales. Le public le veut. De nos jours, les nouvelles rapportent des cas de plus en plus fréquents d'intolérance et de réaction impulsive et violente à ces marques d'intolérance. Le public a aujourd'hui besoin de mesures de sécurité pour le protéger contre les actes accidentels, imprudents, impulsifs, ou motivés par l'intolérance.
L'ACSP estime donc que le projet de loi C-68 contribuera beaucoup à la réduction des blessures et des morts accidentelles. En imposant l'enregistrement de toutes les carabines et fusils de chasse, il permettra de retrouver les propriétaires d'armes à feu et rendra ceux-ci responsables de leurs armes. Ces mesures encourageront l'entreposage sécuritaire et décourageront les ventes et le commerce illégal d'armes. Elles permettront également de limiter l'accès non autorisé à celles-ci par les autres membres de la famille, les amis et les voisins, ce qui contribuera à réduire l'utilisation impropre d'armes qui, parfois sont la cause de morts et de blessures accidentelles.
En obligeant les acheteurs de munitions à fournir la preuve qu'ils sont légalement propriétaires d'armes à feu, on rendra plus difficile de tels achats à ceux qui ne le sont pas.
La réduction du nombre d'armes de poing appartenant à des personnes qui ne les utilisent pas pour le tir à la cible réduira également l'accès indû, et donc, le mésusage de ces armes.
La mise en oeuvre de programmes de formation contribuera également à réduire le nombre des blessures et des morts accidentelles causées par des armes à feu.
Les suicides par arme à feu sont aussi un problème. Le suicide est la deuxième cause de décès chez les jeunes. Voilà une autre tragédie pour la santé publique, car il y a un nombre disproportionné de suicides par arme à feu chez nos jeunes. En 1990, 38 p. 100 des 578 suicides enregistrés dans la catégorie des 15 à 24 ans ont été commis avec une arme à feu.
Une étude publiée dans la revue de l'Association médicale canadienne a relevé une étroite corrélation entre la possession d'armes à feu et les taux de suicide. Comme on l'a déjà dit, la présence d'armes à feu dans une maison multiplie par cinq le risque que quelqu'un s'y suicide et elle double également le risque d'homicide dans ce foyer.
Le lobby des armes à feu soutient que lorsqu'on veut mettre fin à sa vie, on trouve toujours un moyen pour le faire. Les armes à feu ne poussent peut-être pas les gens à se suicider ou à tuer, mais leur présence facilite cela. Il est fréquent qu'un suicide soit l'aboutissement d'un épisode dépressif transitoire qui se termine par un geste impulsif. Les armes à feu sont plus accessibles et, manifestement, le taux de létalité est beaucoup plus élevé que lorsqu'on utilise d'autres moyens pour se suicider. Les tentatives de suicide par armes à feu réussissent beaucoup plus souvent que les autres. Des recherches scientifiques ont montré que les risques de suicide sont beaucoup plus élevés dans un foyer où il y a des armes à feu.
Il est donc très important d'essayer de réduire le nombre des suicides en empêchant l'usage illicite des armes à feu. C'est ce que fera cette loi en encourageant l'enregistrement et l'entreposage sécuritaire des armes, comme je l'ai déjà dit, et en réduisant le nombre des armes de poing, car seules les personnes qui détiennent un permis et ont fait enregistrer leur arme pourront en disposer pour commettre de tels gestes impulsifs.
Ces mesures auront le même effet sur les homicides et les crimes violents au sein de la famille. Je dois préciser que l'homicide, lui aussi, est habituellement le résultat d'un geste impulsif plutôt que d'une activité criminelle. Dans 87 p. 100 des cas, il est le résultat d'une soudaine explosion de colère. Dans la plupart des cas, la victime connaît l'assaillant, souvent son conjoint. Si les armes à feu sont entreposées de façon plus sûre, ce qui en limite l'accès et oblige leurs propriétaires à s'en servir avec plus de prudence, elles seront beaucoup moins souvent utilisées pour régler des querelles de ménage, des discussions et des disputes, et le taux des décès diminuera.
Comme je l'ai déjà dit, les adversaires du projet de loi C-68 ont fait valoir que les morts causées par une arme à feu relèvent de la criminalité en milieu urbain et ne sont pas un problème dans les zones rurales. Je vous ai déjà dit que 50 p. 100 des homicides en Ontario se produisent précisément à la campagne et que, pour l'ensemble du Canada, la population urbaine est relativement plus élevée.
Le lobby des armes à feu a également soutenu que la possession d'une arme à feu est un moyen efficace d'auto-défense. Ce n'est pas vrai. Lorsqu'il y a une arme dans un foyer, il y a 43 fois plus de risque qu'elle une mort accidentelle, un homicide ou un suicide qu'elle ne sert avec succès à se protéger contre un criminel. Ce n'est pas un moyen efficace de prévention du crime. Répétons-le, l'enregistrement et l'adoption de mesures sévères contre les criminels nous permettront de réduire l'utilisation des armes à feu.
Donc, bien que l'existence d'armes à feu ne soit pas la cause profonde des actes de violence, ces armes jouent manifestement un rôle dans l'exécution de ces actes. Lorsqu'une arme à feu est utilisée pour commettre un acte violent, il y a plus de risque qu'une mort en résulte. L'arme à feu est l'instrument de mort le plus efficace et si l'on réduit les possibilités d'imprudence et d'accès inapproprié à ces armes, les risques de mort et de blessure diminueront également. L'adoption de règlements plus rigoureux en ce qui concerne l'achat, l'entreposage et l'utilisation des armes à feu contribuera certainement à réduire les morts causées par celles-ci au Canada.
L'ACSP considère donc que le projet de loi C-68 est un texte important qui contribuera à améliorer la santé et la sécurité publiques.
En ce qui concerne des éléments précis de ce projet de loi, l'ACSP recommande que le gouvernement du Canada ne cède pas sur les questions de l'enregistrement universel de toutes les armes à feu y compris l'imposition de sanctions en cas d'infraction intentionnelle à cet égard, et que la mise en oeuvre du système de délivrance de permis et d'enregistrement proposés soit entreprise sans retard.
L'ACSP espère que ses recommandations aideront le Comité permanent de la justice et des questions juridiques de la Chambre des communes dans son examen du projet de loi C-68, et elle félicite le gouvernement du Canada de proposer des mesures de contrôle fermes sur les armes à feu.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, Dr Corber.
J'invite maintenant M. Therien, du Conseil canadien de la sécurité, à prendre la parole. Veuillez présenter les personnes qui vous accompagnent, monsieur Therien.
M. Émile Therien (président, Conseil canadien de la sécurité): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis accompagné d'Ethel Archard, directrice du Marketing et de la Promotion.
Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant votre comité aujourd'hui. J'ai déjà remis notre mémoire à votre greffier. J'imagine que vous l'avez tous entre les mains, du moins la plupart d'entre vous. Je serais donc très bref.
Le Conseil canadien de la sécurité félicite l'honorable Allan Rock de ses propositions en faveur du contrôle plus rigoureux des armes à feu annoncées à la Chambre des communes en novembre dernier. Nous sommes totalement d'accord pour dire que les Canadiens ne veulent pas vivre dans une société où ils auraient l'impression d'avoir besoin d'une arme pour se protéger. La plupart de nos concitoyens considèrent que c'est le maintien de l'ordre, et non le droit de posséder une arme à feu, qui assure notre liberté.
De part leur nature même les armes à feu sont des produits de consommation dangereux. Elles doivent donc être sévèrement réglementées. Les changements proposés ne porteront pas préjudice aux chasseurs, aux agriculteurs, ni aux autochtones, mais ils protégeront le public.
Le Conseil canadien de la sécurité est fermement convaincu qu'une loi plus rigoureuse sur le contrôle des armes à feu a des répercussions sur la sécurité et la santé mentale ainsi que sur le crime. Nous comparaissons ici parce que notre conseil estime que ce contrôle constitue une question de sécurité qui doit être réglée par l'adoption d'une loi efficace. Il faut en effet se poser la question suivante. Une loi peut-elle vraiment aider à réduire le nombre des morts et des blessures?
Je voudrais vous donner, moi aussi, quelques exemples concrets empruntés au domaine de la sécurité. Prenons, pour commencer, la protection contre l'incendie au Canada. Au début des années soixante-dix, plus de 1 000 Canadiens par an mouraient dans des incendies. Le nombre des décès est tombé à 402 en 1992, dernière année pour laquelle nous avons des statistiques. L'adoption de mesures législatives a joué un rôle clef dans la baisse du nombre des victimes, en particulier celles qui concernaient les codes du bâtiment, les détecteurs de fumée et la Loi sur les produits dangereux.
La sécurité de la circulation nous offre également d'excellents exemples de l'efficacité des mesures législatives, de leur application et de la sensibilisation du public. Les collisions de véhicules automobiles demeurent la principale cause de morts et de blessures accidentelles dans notre pays, mais depuis le chiffre record de 6 700 en 1973, leur nombre est tombé à légèrement plus de 3 000, l'an dernier; c'est-à-dire en 1994. Cela tient à un certain nombre de facteurs, notamment l'éducation des conducteurs, la sensibilisation du public, l'utilisation des ceintures de sécurité et les améliorations techniques, notamment dans le domaine de la sécurité, apportées aux automobiles et aux autres véhicules.
L'usage des ceintures de sécurité en est un exemple. Lorsque le gouvernement en a rendu le port obligatoire, certains ont violemment protesté en déclarant que cela violait leur liberté personnelle. Il y en a qui n'ont d'ailleurs pas changé d'avis. Pourtant, les études effectuées montrent qu'une personne qui ne porte pas la ceinture de sécurité court 27 fois plus de risque de mourir dans un accident que celles qui en portent une. La preuve en est donnée par la diminution des accidents mortels depuis l'obligation du port de cette ceinture. Cette prétendue atteinte à la liberté individuelle a été largement compensée par le nombre élevé de vies épargnées grâce à cette loi très efficace qui, je dois l'ajouter, est fort bien appliquée par la police.
Il y a également eu une baisse très importante des accidents mortels dûs à la conduite en état d'ivresse, bien que celle-ci soit encore la cause d'environ 48 p. 100 des accidents mortels de la circulation. Cependant, le problème a considérablement changé au cours des 20 dernières années. La conduite en état d'ivresse n'est plus socialement acceptable. L'éducation du public ainsi que l'application du Code criminel l'ont bien fait comprendre au public. Le problème est maintenant axé sur les récidivistes.
Nous croyons qu'il existe une analogie avec le problème des armes à feu. Nous savons que c'est le criminel très motivé qui pose le problème le plus difficile à résoudre. Nous savons également que les problèmes créés par les propriétaires d'armes à feu dit responsables pourraient être réduits en combinant les mesures d'application de la loi et l'éducation du public. Les morts par arme à feu sont aussi nombreuses que celles qui sont dues à des accidents d'automobiles. Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur l'extrême gravité de cette situation.
Le Conseil canadien de la sécurité réclame un contrôle plus rigoureux des armes à feu depuis plusieurs années. Nous en avons en fait demandé l'interdiction complète. Le projet de loi C-68 semble constituer un compromis raisonnable, mais nous demandons au comité de veiller à ce qu'il ne soit pas édulcoré.
Les dispositions relatives à l'enregistrement et à l'octroi de permis sont indispensables si l'on veut assurer un tri des propriétaires d'armes à feu et les en rendre responsables. Nous croyons aussi qu'il soit impératif que ces armes soient entreposées en lieu sûr et que leurs propriétaires soient tenus d'en signaler la perte ou le vol aux autorités. Le contrôle de la vente des munitions constitue également un obstacle vital à l'utilisation non autorisée et impulsive des armes à feu.
À notre avis, le projet de loi C-68 est aussi important pour la sécurité que les lois concernant le port des ceintures de sécurité, l'interdiction de la conduite en état d'ivresse, la Loi sur les produits dangereux, les codes du bâtiment et autres textes législatifs. Il permettra certainement d'épargner des vies et de prévenir des blessures, et c'est la raison pour laquelle nous l'appuyons.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup.
Avant de passer aux questions, étant donné que ces témoins ont consacré énormément de temps à la préparation de leur mémoire - nous les entendrons tous les trois ce matin - le comité serait-il d'accord pour que ces mémoires soit imprimée intégralement et annexés au compte rendu de la réunion?
Cela est contraire à la règle habituelle et c'est pourquoi je voudrais l'assentiment du comité.
Des voix: D'accord.
[Français]
Le président: Maintenant, nous passons au tour des questions. On commence avecMme Venne, pour 10 minutes. On commencera trois tours de dix minutes, un pour chacun des partis politiques, et ensuite, des échanges de cinq minutes avec l'Opposition et le gouvernement, l'un après l'autre.
Madame Venne, vous avez dix minutes.
Mme Venne: Merci, monsieur le président. Mesdames, messieurs, merci.
Le président: Comme nous avons six ou huit personnes ici, peut-être que vous pourriez adresser vos questions à la personne qui pourra vous répondre.
Mme Venne: C'est ce que je m'apprêtais à faire, monsieur le président.
Mon premier commentaire s'adresse à M. Saint-Onge qui a présenté son mémoire de la Conférence des Régies régionales de la santé et des services sociaux. À la recommandation numéro 2, vous recommandez de modifier l'article 98 du présent projet de loi en retirant «ou à une date postérieure fixée par règlement». Je dois vous faire remarquer que dans le projet de loi, à l'article 98, aux paragraphes (1), (2) et (3), on dit «à toute autre date fixée par règlement».
Vous assumez qu'elle va être postérieure parce que je pense que c'est peut-être le peu de confiance que vous avez en l'empressement du gouvernement à la mettre en vigueur. Ce que je voulais vous dire, c'est qu'effectivement, dans le projet de loi, ce qui est écrit, c'est: «à toute autre date fixée par règlement». Je comprends de toute façon que ce serait certainement un amendement qu'on pourrait apporter lors de l'étude article par article, bien que je vous trouve aussi conciliant d'aller jusque, dans un cas, à 2001, et dans l'autre cas, à 2003, pour l'enregistrement des propriétaires et des armes. Quant à moi, je préférerais que ce soit bien avant cela.
Ceci étant dit, ma question s'adresse à l'Association canadienne de la santé publique et également à la Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux, pour connaître votre point de vue. Vous savez qu'il y a une rumeur qui circule à l'effet de décriminaliser la première infraction de non-enregistrement des armes à feu, c'est-à-dire que le ministre nous a laissé entendre qu'il faudrait peut-être envisager d'adoucir la chose.
Cela veut dire que, dans les faits, si on vous prend en flagrant délit de ne pas avoir enregistré votre arme à feu, lors d'une première infraction, vous pourriez n'avoir qu'un avertissement. C'est une proposition qui est sur la table. Dans le cas d'une deuxième infraction, à ce moment-là, vous pourriez être passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans, comme c'est la situation actuellement dans le projet de loi.
Je vais vous demander, et spécialement à l'Association canadienne de santé publique puisque c'est sa première recommandation, ce que vous pensez de cette rumeur ou de cette proposition du ministre parce qu'au fond, c'est un peu ce qu'il nous dit, ce qu'il met sur la table. Je pose la même question à la Conférence des Régies régionales de la Santé et des Services sociaux, qui pourra ensuite répondre.
M. Saint-Onge: Monsieur le président, si vous me permettez, dans un premier temps, je vais d'abord faire allusion au commentaire de Mme Venne en lui disant peut-être que le temps ne respecte pas ce que l'on fait sans lui. Donc, je pense qu'il faut préparer les gens et c'est la raison pour laquelle nous leur avons laissé un peu de temps.
Quant à la deuxième partie de son intervention, je vous ai dit ce matin que j'étais entouré d'experts. J'aimerais peut-être que mes collègues se joignent à moi, entre autres, Dr Chapdelaine qui pourrait peut-être donner une réponse plus précise à Mme Venne.
Dr Antoine Chapdelaine (membre du Conseil consultatif canadien sur les armes à feu de 1990 à 1993, Centre de Santé publique de Québec, Conférence des Régies régionales de la santé est des services sociaux du Québec): Merci, monsieur le président. Je vais répondre à la première question de Mme Venne. Pour la question de la criminalisation, je vais laisser cela à d'autres.
Notre préoccupation, en faisant cette recommandation, est à l'effet de le faire le plus vite possible. Les intérêts de santé publique sont servis par «le plus vite, le mieux».
En ce qui concerne les intérêts de sécurité publique, de fonctionnement de la police, de contrebande, etc., ce qui n'est pas du tout dans notre domaine d'expertise, il semble qu'il soit important qu'il y ait uniformité de Vancouver à Terre-Neuve. Ce doit être «le plus vite, le mieux» pour les intérêts de la santé publique, mais en tenant compte du fait qu'il faut qu'il y ait uniformité, parce que c'est aussi dans l'intérêt du Québec.
Pour la question de la criminalisation, le seul commentaire que j'aimerais faire avant de laisser la parole à mes collègues de l'Association canadienne de la santé publique ou du Conseil national de la sécurité du Canada, c'est que ce qui nous importe là-dedans, c'est un peu comme l'alcool au volant, c'est un peu comme le fait d'attacher sa ceinture dans une voiture. Il est très important d'envoyer le message au public que ce n'est pas optionnel, qu'on ne peut pas choisir optionnellement de boire au volant ou de ne pas enregistrer son arme. Il faut avoir une consistance en ce sens-là.
Par contre, pour ce qui est des modalités criminologiques ou juridiques, nous ne sommes ni juristes, ni économistes. Nous sommes des médecins de santé publique. Nous voulons juste vous envoyer le message que l'option n'est pas de rigueur.
Mme Venne: Si je vous comprends bien, vous ne voulez absolument pas que nous changions ce qui est actuellement dans le projet de loi parce que vous avez peur que les gens prennent cela à la légère.
Si on agissait plutôt - et je crois que cela vient un peu de votre milieu - comme on fait pour un véhicule automobile lors d'une première infraction, on donnerait un avis, comme par exemple on donne actuellement un avis de 48 heures à quelqu'un dont le véhicule a un phare brûlé. À celui-ci, on lui dit d'aller faire réparer son phare, de passer au bureau des policiers et d'aller montrer le phare réparé.
Dans le cas des armes à feu, il s'agirait simplement de demander à la personne d'aller enregistrer l'arme dans un délai de 48 heures et de revenir avec la preuve de l'enregistrement. Est-ce que ce serait quelque chose qui pourrait compenser relativement à ce qu'il y a actuellement dans le Code, qui est quand même très sévère, il faut bien l'avouer?
[Traduction]
Dr Chapdelaine: Le Dr Corber pourrait répondre à cela. Mais bref, il est important de faire la distinction entre un phare brûlé - simple contravention - et quelqu'un qui n'enregistre pas son arme à feu.
Dr Corber: Nous voulons que la première infraction reste un acte criminel. Comme je l'ai expliqué dans notre mémoire, l'enjeu c'est la santé publique. Nous devons envoyer un message très clair au sujet de l'usage des armes à feu. Certains individus disent qu'ils vont faire fi de la nouvelle loi, mais hésiteront quand même à la violer, et c'est pourquoi nous croyons qu'il faille être en mesure de surveiller le public pour s'assurer que les armes seront enregistrées.
Le projet de loi permet une certaine interprétation. Par exemple, les peines imposées peuvent varier; si un policier est d'avis qu'il s'agit d'un oubli de la part de l'accusé, il peut décider de ne pas porter une accusation. C'est d'ailleurs le cas avec bien d'autres enquêtes policières.
Cependant, il est aussi possible que quelqu'un achète 15 armes à feu et les entrepose chez lui en refusant de les enregistrer. Il s'agirait là-aussi d'une première infraction. Il serait tout à fait contraire à l'objectif de ce projet de loi que de donner l'impression que ce n'est pas absolument obligatoire d'obtenir un permis et de faire enregistrer les armes à feu. Sinon, les gens croiront que le premier défaut d'enregistrement ne constitue pas une infraction, ce qui va à l'encontre des principes de ce projet de loi.
[Français]
Le président: La dernière question, s'il vous plaît.
Mme Venne: Je reviendrai plus tard. Je vais laisser la parole à mes collègues.
M. Crête (Kamouraska - Rivière-du-Loup): Ma question s'adresse tout autant à la Conférence des Régies régionales de la Santé et des Services sociaux qu'au Conseil national de la sécurité du Canada. Le document de la Conférence des Régies régionales est basé sur la même théorie que la Loi sur la santé et la sécurité au travail. On élimine le plus possible à la source les problèmes, de telle façon qu'en bout de ligne, il n'y a plus de problèmes. Quand on ne peut pas l'éliminer à la source, on l'élimine à l'autre étape et ainsi de suite.
N'êtes-vous pas conscients, en se servant de l'exemple de la contrebande du tabac, que lorsqu'on force trop sur un des facteurs, on se retrouve avec l'effet contraire? Sur le tabac, on a mené pendant plusieurs années des opérations de publicité, de différents effets, pour diminuer la consommation de tabac et, à un certain moment, à cause de l'augmentation si élevée des taxes, on a eu l'effet inverse.
Ne pensez-vous pas que, dans le cas présent, si le prix qui est imposé aux gens pour déclarer leurs armes est suffisamment élevé, cela leur donnera le goût de ne pas les déclarer ou qu'il y aura une levée de boucliers? Par exemple, imaginez-vous la dame de 63 ans qui a une arme à feu chez elle, que son mari, qui est mort l'année précédente, avait gardée. Elle ne le sait pas et n'est pas au courant des règlements, comme beaucoup de gens. Elle peut donc être passible d'une peine d'emprisonnement.
Est-ce qu'il n'y a pas de tels effets qui peuvent résulter de l'application de la loi? Ma question a trait à la déclaration sur laquelle j'ai beaucoup d'interrogations du Conseil national de la sécurité du Canada. Quand vous dites que «les changements proposés ne pénaliseront pas les chasseurs, les agriculteurs, ni les autochtones, mais protégeront le public», il va falloir que la démonstration de cela soit faite parce que, actuellement, les gens qui se sentent pénalisés sont les chasseurs, les agriculteurs et les autochtones.
Les autochtones, moins depuis lundi parce que, semble-t-il, ils vont avoir un traitement privilégié, mais les autres se sentent très pénalisés par cela. Est-ce que, finalement, on ne risque pas de jeter le bébé avec l'eau du bain en imposant des conditions très sévères? C'était là ma question.
M. Saint-Onge: Monsieur le président, je pense que ce qu'on a pensé, c'est d'essayer de trouver le juste milieu. Nous sommes très conscients de la question qui nous est posée. Je vais peut-être laisser mes collègues répondre parce qu'ils ont eu des mesures comparatives, par exemple, pour arriver à ces montants. En fait, vous soulevez une bonne question. Il nous faut trouver le juste milieu dans tout cela.
M. Robert Maguire (président, Comité de prévention des traumatismes du Réseau de la santé publique du Québec, directeur de la Santé publique de la région du Bas-Saint-Laurent, Conférence des Régies régionales de la Santé et des Services sociaux): Si vous me permettez, finalement, au cours des années, je pense qu'on a un certain nombre d'exemples qui peuvent parler par eux-mêmes.
Tout d'abord, au Québec, quand on prend l'exemple du port de la ceinture de sécurité, pendant un certain temps, la loi n'était pas obligatoire. Évidemment, on a atteint un certain pourcentage de personnes qui respectaient la loi, mais à un certain moment, quand on regarde dans les processus de changements, il y a des gens qu'on appelle des early adopters, puis il y en a d'autres qui vont faire du wait and see.
Il y a également des gens qui vont accepter la mesure, mais qui sont toujours contre.
Au niveau des chasseurs et de la population en général, le taux d'acceptabilité de ce genre de mesure m'apparaît très élevé et je crois qu'il faut prendre cela en considération. En ce sens-là, je fais confiance aux législateurs et aux gens qui auront à appliquer les lois. À Nouvelle, en Gaspésie, où je demeure, et à Rimouski, je n'ai pas l'impression, lorsque mon père... C'est cela, on est voisins.
Mon père était un chasseur et si ma mère avait oublié le fusil dans un coin, je ne crois pas que les policiers de la Sûreté du Québec ou de la Sûreté municipale l'auraient emprisonné. Je fais confiance aux policiers de ma région.
M. Crête: Mais, on n'a jamais fait payer pour une ceinture de sécurité, par exemple.
[Traduction]
M. Ramsay (Crowfoot): Je tiens à remercier ces trois groupes pour leur exposé. Il est très clair que vous tenez vraiment à la santé et à la sécurité du public. Nous le supposions, d'après les noms de vos groupes.
Les représentants de plusieurs groupes, ou d'au moins deux des vôtres, ont parlé d'autres organisations qui appuient le projet de loi C-68. J'aimerais poser ma question à M. Saint-Onge. Dans la mesure où les gouvernements provinciaux de l'Alberta, du Manitoba et de la Saskatchewan s'opposent au projet de loi, de même que les deux gouvernements des Territoires, et que le ministre de la Justice des Territoires du Nord-Ouest est venu témoigner... J'espère que tous ceux qui s'intéressent au projet de loi, particulièrement ceux d'entre vous qui comparaissent à titre de témoins, ont suivi les témoignages antérieurs, parce qu'il y a des arguments persuasifs des deux côtés.
Quoi qu'il en soit, j'aimerais demander à M. Saint-Onge si le premier ministre du Québec a pris nettement position sur le projet de loi C-68.
M. Saint-Onge: Pourriez-vous répéter la fin de votre question?
M. Ramsay: Le premier ministre du Québec a-t-il pris position? A-t-il publiquement déclaré qu'il était favorable au projet de loi ou qu'il s'y opposait, ou a-t-il gardé le silence?
[Français]
Le président: Si vous êtes au courant, très bien, mais vous n'êtes pas le représentant du gouvernement du Québec.
[Traduction]
M. Ramsay: Je pose une question, monsieur le président.
Le président: Oui, je sais, mais...
M. Ramsay: Je demande à ces témoins s'ils savent si le premier ministre du Québec a pris position, oui ou non. Je ne sais pas s'il l'a fait.
Le président: Étant donné qu'ils sont ici à titre de représentants de leurs associations de sécurité... ils pourraient dire s'ils le savent. Je dois dire que j'ai suivi la question de très près et que j'ai toutes les coupures de journaux à ce sujet, mais je ne sais pas si le gouvernement du Québec a fait une déclaration officielle.
M. Ramsay: Non, moi non plus.
Le président: Ce ne sont pas les témoins les mieux placés pour répondre au nom du gouvernement du Québec.
M. Ramsay: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Ils peuvent répondre à la question en se fondant sur ce qu'ils savent au sujet de la question que je soulève. C'est tout ce que je demande.
Le président: Très bien.
[Français]
M. Saint-Onge: Monsieur le président, je suis président de la Conférence des régies régionales, qui représente les 18 régions du Québec au niveau de la gestion de la santé et des services sociaux, ce qui signifie que nous sommes complètement indépendants du gouvernement, quoi que nous ayons les mandats de gestion de la santé et des services sociaux.
Je ne suis pas en contact avec le Premier ministre du Québec pour savoir si le gouvernement s'est prononcé ou non. Je crois qu'ils sont au courant de la position que nous avons prise et que nous vous recommandons ce matin, mais je ne sais rien d'autre. Peut-être que Dr Chapdelaine pourrait élaborer sur le sujet.
[Traduction]
M. Ramsay: Très bien. Dans votre mémoire, vous mentionnez plusieurs causes de décès. Vous dites que le SIDA a causé 400 décès au Québec. Pensez-vous qu'il faille imposer des tests de dépisatage obligatoire du SIDA aux personnes qui présentent une demande d'immigration dans notre pays, pour réduire les risques pour la santé et la sécurité du public au Canada? Seriez-vous favorable à des tests de dépisatage obligatoires du SIDA pour les détenus de nos établissements correctionnels?
[Français]
Mme Venne: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Nous discutons des armes à feu et nous ne sommes pas à un comité de la santé sur le sida actuellement.
[Traduction]
Le président: Les témoins ont été invités ici ce matin pour répondre à des questions sur le contrôle des armes à feu. Je ne vais pas les empêcher de répondre s'ils le veulent bien. La question n'est pas absolument pertinente, mais je comprends avec quoi M. Ramsay essaie d'établir une analogie. Cela dit, peut-être les témoins ne sont-ils pas disposés à répondre; si c'est le cas, ils ne sont pas tenus de le faire.
[Français]
M. Saint-Onge: Nous touchons l'ensemble de la santé publique et nous avons obtenu des données comparatives. Je vais donc laisser nos experts répondre à la question. Monsieur Chapdelaine.
Dr Chapdelaine: Dans les comparaisons qui ont été faites, le seul but est d'indiquer qu'il y a certains problèmes de santé comme le sida, les chutes chez les personnes âgées et les enfants, qui sont des problèmes de santé publique aussi importants en nombre de morts et en jours d'hospitalisation que les blessures par arme à feu.
C'était évidemment beaucoup plus pour indiquer notre position sur les décès et les blessures par arme à feu, comme nous aurions pu le faire dans un autre lieu plus pertinent sur la contamination du sang ou sur les meilleures mesures pour prévenir la maladie mangeuse de chair, sinon je ne vois pas d'autres raisons de faire ces comparaisons.
[Traduction]
M. Ramsay: J'aimerais poser ma prochaine question au Dr Corber. D'après vos études, pourriez-vous dire au comité quelle réduction du nombre de suicides et d'incidents de violence familiale par armes à feu vous avez relevé depuis l'introduction du projet de loi C-17?
Dr Corber: Au Canada, il y a eu une baisse marquée des décès causés par des armes à feu, laquelle résulte, de l'adoption de lois antérieures. Cette baisse est manifeste, comparativement à ce qui s'est passé aux États-Unis. Je devrai vérifier mes sources, mais nous avons certainement obtenu des données qui révèlent que le premier projet de loi en ce sens a contribué efficacement à réduire le nombre de décès causés par des armes à feu.
Dans d'autres territoires de compétence, et particulièrement à Washington (D.C.), qui ont adopté des lois passablement rigoureuses contre l'utilisation abusive des armes de poing, les nombres d'homocides et de suicides ont tous deux baissé de 23 p. 100 à 25 p. 100, alors que dans les régions avoisinantes de la Virginie et du Maryland, ils n'ont pas baissé.
Au Canada, nous avons donc des preuves qui révèlent l'efficacité des mesures, des règlements et des lois sur le contrôle des armes à feu comparativement aux mesures prises dans d'autres domaines du secteur de la santé. Ces mesures-là ne vont pas résoudre tous les problèmes. Elles n'aideront pas nécessairement les gens à mieux s'entendre, mais elles permettront de réduire le nombre des issues fatales.
M. Ramsay: Je voulais que vous répondiez à la question que je vous ai posée, à savoir, si vous aviez de l'information à partager avec le comité au sujet de la réduction du nombre d'incidents de ce genre à la suite de l'introduction du projet de loi C-17. Dans son rapport de 1993, le vérificateur général a clairement déclaré que la réduction du nombre de ces incidents s'était produite au début de 1970, avant l'introduction du premier projet de loi sur le contrôle des armes à feu. Je vous demande donc si vous avez de l'information démontrant que le nombre de ces incidents a baissé directement par suite de l'adoption d'un projet de loi semblable à celui que nous étudions actuellement.
Dr Corber: Au Canada, le projet de loi C-51 a été adopté en 1977 afin de restreindre l'utilisation des armes à feu, ce qui nous a permis d'étudier, dans une certaine mesure, les effets des lois sur le contrôle des armes à feu sur l'utilisation de ces armes dans les cas de suicide. Deux spécialistes du suicide reconnus dans tout le Canada, David Lester et Antoon Leenars, ont publié en 1993 dans Psychological Reports, une étude intitulée «Suicide rates in Canada before and after tightening firearm control laws». Ils ont analysé l'utilisation d'armes à feu dans les cas de suicide au cours de la période qui a précédé l'introduction du projet de loi C-51 et durant celle qui a suivi son adoption. Leur analyse a révélé une tendance marquée à la baisse du nombre de suicides avec des armes à feu au Canada et du pourcentage de suicides à l'aide de telles armes après l'adoption du projet de loi.
Il y a donc eu une étude. C'est la seule que je connaisse qui ait été réalisée sur cette question au Canada, et c'est à elle que je faisais allusion au début de mon exposé.
M. Ramsay: Je vous remercie.
Cependant, c'est le projet de loi C-17 qui a imposé à chacun l'obligation de remiser ses armes à feu en toute sécurité. Je vous demande si vous savez dans quelle mesure ce projet de loi a contribué à réduire le nombre de suicides ou d'incidents de violence familiale au cours desquels on a utilisé des armes à feu. C'est ma question.
Dr Corber: Je ne connais pas d'études portant sur cet aspect-là. Je pense que l'obligation de conserver ses armes dans un endroit sûr est extrêmement importante pour la réduction des problèmes de santé résultant de l'utilisation des armes à feu, et je pense que ce projet de loi-là était incomplet. Il nous a permis de constater que l'obligation de conserver les armes à feu en lieu sûr ne suffisait pas. C'est en partie pour cette raison, je pense, qu'on exige maintenant l'enregistrement des armes à feu et l'obtention d'un permis d'utilisation, parce qu'il est très difficile de faire respecter l'obligation d'entreposer les armes en lieu sûr ou de sensibiliser les gens à tout le sérieux de la question s'il n'est même pas nécessaire de détenir un permis ou d'enregistrer les armes à feu ou si les corps policiers ne savent pas combien il y a d'armes au Canada, où elles se trouvent et de quel type elles sont. J'estime donc que l'histoire a prouvé que, pour être efficace, la loi doit exiger plus qu'un simple entreposage sécuritaire des armes à feu.
M. Ramsay: Nous enregistrons les armes à feu de poing depuis 60 ans.
Combien de temps me reste-t-il?
Le président: Ce sera votre dernière question ce tour-ci. Comme vous le savez...
M. Ramsay: Cela me semble de mauvais augure, monsieur le président. Je vais m'abstenir, mais j'y reviendrai plus tard.
Le président: Avant de passer à Mme Barnes, je devrais souligner, - même si beaucoup d'entre vous le savent peut-être déjà - , que le projet de loi C-17 prévoyait non seulement l'entreposage en lieu sûr des armes à feu, mais aussi des améliorations touchant le certificat d'acquisition de ces armes, ainsi que le délai de 30 jours pour la délivrance de ce certificat. Le projet de loi C-17 était la troisième mesure législative sur le contrôle des armes à feu que j'ai été appelé à étudier depuis mon entrée au Parlement, et celui-ci est le quatrième. Tous ces projets de loi deviennent de plus en plus rigoureux. Autrement dit, il y a eu une série de projets de loi sur le contrôle des armes à feu. Je le répète, celui-ci est le quatrième depuis 1960.
Avez-vous de l'information à donner à M. Ramsay en réponse à sa question?
Dr Chapdelaine: Oui. À mon avis, votre question est très importante, mais la réponse sera très longue, parce que vous soulevez un aspect important de la méthode scientifique.
De toute évidence, il existe des études qui démontreront le contraire. Les scientifiques appellent ce dont vous parlez, des séries chronologiques: on a étudié la situation à un certain moment dans le passé, puis lors de l'introduction d'une mesure quelconque, et ensuite après un certain laps de temps. Il est extrêmement trompeur de tirer des conclusions quelconques en se fondant sur une période de un, deux ou trois ans. Habituellement, la méthode scientifique des séries chronologiques a besoin d'un bon nombre d'années avant de pouvoir donner des résultats, étant donné qu'il faut tenir compte aussi d'autres facteurs. C'est de cette façon que nous étudions par exemple l'efficacité des médicaments.
Or, je ne vais pas entrer dans des détails très techniques à ce sujet, mais il est certain...
Le président: Écoutons le témoin.
Continuez, je vous en prie. Finissez votre réponse, ensuite quelqu'un d'autre vous posera des questions. On parlait trop dans la salle.
Dr Chapdelaine: C'était essentiellement ma réponse.
Il est très important aussi de savoir qu'une loi crée une atmosphère favorable à la sensibilisation du public. Il eut été extrêmement utile que ceux qui ont le plus de contacts avec les propriétaires d'armes à feu du pays comprennent les aspects importants de l'entreposage des armes à feu en lieu sûr, comme vous l'avez dit, et qu'ils en informent les intéressés, en soulignant à quel point il est important pour la sécurité de leur famille et pour la réputation des propriétaires d'armes à feu en général d'agir de la sorte.
M. Ramsay: Puis-je poser la dernière question qui me restait, comme vous l'avez dit?
Le président: Non. Vous avez habituellement deux ou trois occasions...
M. Ramsay: Monsieur le président, ce n'est pas juste, quand il vient de faire un commentaire qui... J'aimerais juste poser une question...
Le président: Je sais, mais vous savez aussi que le comité a pour politique de vous donner tout le temps qui vous est imparti pour poser les questions et de laisser les témoins prendre plus de temps que prévu pour y répondre. Cela dit, vous aurez l'occasion de poser d'autres questions, monsieur Ramsay. Vous avez toujours...
M. Ramsay: J'aurai l'occasion de poser cette question-là, c'est certain. Merci.
Le président: Très bien. Je dois être juste envers tous les membres du comité et nous sommes au nombre de 15.
Madame Barnes.
Mme Barnes: Merci, monsieur le président.
Je vous souhaite la bienvenue. Je tiens à vous remercier pour vos excellents rapports et parce que vous y avez ajouté d'excellentes bibliographies et des renvois qui nous aideront à poursuivre le travail. Je vous en suis très reconnaissante.
Je voudrais commencer par une question assez générale, dont on me rebat les oreilles. Que diriez-vous au sujet de la rengaine que ce ne sont pas les armes à feu qui tuent, mais bien ceux qui s'en servent?
M. Therien: Je n'ai pas vu de reprises de All in the Family depuis longtemps, alors...
Des voix: Oh, oh!
M. Therien: Les gens tuent. Je pourrais vous en donner un exemple. La semaine dernière, j'étais à New York pour assister à un symposium mondial sur la sécurité routière avec certains des plus grands spécialistes mondiaux du domaine. Nous avons fait des exposés sur certaines lois canadiennes en la matière. On nous a applaudis. Nous avons des lois sur la sécurité routière qui comptent parmi les plus avancées du monde occidental. Songez au pourcentage d'utilisation des ceintures de sécurité au Canada. Dans certaines régions, 90, 92 et 95 p. 100 des gens les bouclent.
Pour revenir à la question de M. Ramsay, j'imagine qu'il s'agissait de savoir si les lois donnent des résultats. Vous avez parlé du projet de loi C-17. Il y a six ou sept ans, la loi sur le port des ceintures de sécurité a été contestée en Alberta. Elle a même été abrogée pour un an. À la longue, cette décision a été elle-même contestée, ou il s'est passé quelque chose d'autre - je ne suis pas avocat - et, du jour au lendemain, la loi est rentrée en vigueur et le port de la ceinture de sécurité a grimpé jusqu'à 87 p. 100. Aujourd'hui, il est en passe de dépasser les 90 p. 100. Oui, la loi donne des résultats. Les gens la respectent.
Le président: Et au sujet de la question de Mme Barnes?
M. Therien: Je pense que ce sont les gens qui tuent et qui se servent d'armes à feu pour tuer.
Dr Corber: Les gens qui n'ont pas d'armes à feu en blessent d'autres. Ceux qui ont des armes à feu les tuent. Je pense que le risque d'une issue fatale quand on utilise une arme à feu pour trancher un différend ou une querelle est beaucoup, beaucoup plus élevée que lorsqu'on n'en a pas.
[Français]
Dr Maguire: On peut aussi comparer le taux de réussite des tentatives de suicide faites par les hommes ou par les femmes. Les femmes utilisent plus souvent les pilules, ce qui peut tuer aussi. Le véritable argument cependant, c'est que parmi tous ces instruments dont on peut se servir, le caractère définitif et tragique de l'emploi de l'arme à feu exige qu'on lui accorde une attention particulière.
À la dernière réunion où nous vous avions rencontrés - M. MacLellan y était - , nous étions accompagnés d'un jeune homme, Eric Sirois, qui nous avait expliqué ce qui lui était arrivé. C'était un rescapé d'une tentative de suicide. S'il avait utilisé un calibre .12 au lieu d'un .22, il n'aurait pas été là. Il était aveugle au moment de la rencontre.
Il faut donc employer ce genre d'argument avec prudence. Ce sont des moyens qui existent et qui sont mortels. On voit dans les salles d'urgence tous les problèmes qui peuvent en découler.
Vous disiez plus tôt que, depuis 1971, on travaille sur des mesures pour améliorer la situation. Parfois, j'aurais envie d'inviter les députés à venir faire une enquête du coroner, par exemple, pour qu'ils puissent constater les problèmes qui sont créés. C'est dans cette perspective que les représentants de la santé publique comparaissent ici.
Nous ne sommes pas capables de régler ce problème. C'est vous qui en avez les moyens. Quand je peux prescrire un antibiotique, j'ai une solution. Je ne peux pas prescrire un antibiotique pour régler le problème des suicides, des homicides et de la violence par arme à feu. C'est là qu'il m'apparaît important que vous entrepreniez les démarches nécessaires et que vous acceptiez d'assumer les responsabilités qui vous sont dévolues. De mon côté, je ne peux pas légiférer.
Depuis longtemps, les responsables de la santé viennent vous rencontrer pour vous demander d'intervenir sur cette question. Si nous pouvions le faire, si nous étions à même la solution, nous ne serions pas ici: nous aurions réglé le problème nous-mêmes.
[Traduction]
Si nous étions en mesure de faire quelque chose, si nous avions la solution, nous ne serions pas ici, nous aurions résolu le problème nous-mêmes.
Mme Barnes: Ces temps-ci, l'argent est rare au gouvernement autant que dans les services des soins de santé.
Bien des opposants au projet de loi sur le contrôle des armes à feu, à l'instar de bien des Canadiens qui réfléchissent et qui s'inquiètent de la dette, du déficit et du chômage, disent que nous ne devrions pas dépenser de l'argent dans ce secteur et que le contrôle des armes à feu est une utilisation très coûteuse des deniers publics. Quelle réaction ce genre de réflexion vous inspire-t-il?
Dr Corber: Nous dépensons déjà de l'argent dans ce secteur. Nous dépensons 70 millions de dollars par année pour intervenir et pour traiter les gens qui sont blessés ou qui ont besoin de soins médicaux, ou pour faire des enquêtes policières dans les cas de blessures ou de décès causés par des armes à feu. Oui, nous dépensons déjà de l'argent à ce sujet. Et cela ne comprend pas la perte de productivité correspondant à la convalescence des blessés ou au remplacement de ceux qui ont été tués, pas plus que la peine causée aux familles et le dysfonctionnement qui suivent pareilles tragédies. En fait, nous dépensons bien plus que les 85 millions de dollars sur cinq ans que ce programme devrait coûter, d'après les estimations. Je pense que c'est un très bon investissement.
Dans le domaine de la santé publique, on dit qu'une once de prévention vaut une livre de soins. Nous parlons de prévention dans ce cas-ci et c'est un excellent investissement.
Mme Barnes: J'entends toujours dire que certaines provinces de l'Ouest et les Territoires du Nord-Ouest, bien entendu, déclarent que le projet de loi ne devrait pas s'appliquer à eux parce qu'ils sont différents. Qu'y a-t-il de différent dans l'Ouest et dans le Nord? Ce que je constate de différent, c'est le pourcentage des décès, des suicides et des accidents causés par des armes à feu. Qu'y a-t-il d'autre de différent?
Dr Corber: Je pense que c'est plutôt malheureux. Comme vous l'avez laissé entendre, le pourcentage des décès causés par des armes à feu est 50 p. 100 plus élevé en Alberta et 40 p. 100 plus élevé en Saskatchewan qu'en Ontario.
Et nous ne parlons pas des irresponsables ou des criminels. C'est dans ces domaines-là qu'il nous faut une loi sur le contrôle des armes à feu. C'est là qu'une intervention judicieuse contribuera à réduire les problèmes de santé publique des intéressés en leur permettant de continuer à chasser, de faire du tir à la cible et à collectionner des armes à feu.
J'estime donc que ce projet de loi est utile. Comme le Dr Maguire l'a déclaré, il nous incombe de vous communiquer cette information. D'un autre côté, je pense que c'est aux législateurs qu'il revient de l'appuyer et de faire preuve de leadership dans ces régions, non pas parce que nous essayons ou parce que vous essayez de faire du tort aux gens, ou que nous voulons les priver de leurs droits, mais parce que nous essayons de les aider à vivre plus longtemps et à être plus productifs et plus heureux...pour que ceux qui ont des armes à feu ne souffrent pas du seul fait d'en avoir.
Je pense que ces régions-là ont besoin de la loi au moins autant que les autres.
Dr Chapdelaine: Je pense aussi que vous nous posez cette question parce que vous allez rencontrer des dirigeants des provinces qui enregistrent de nombreux décès causés par des armes à feu. Il serait intéressant de savoir s'ils vont vous dire qu'ils représentent vraiment l'opinion publique de leur province.
Les sondages menés dans certaines provinces où l'on semble clamer bien haut qu'on ne veut pas du projet de loi, révèlent que les gens-y étaient en fait extrêmement favorables, y compris les propriétaires d'armes à feu. Je pense à ce qui s'est passé en Alberta où le sondage a révélé que 83 p. 100 des répondants étaient favorables à l'enregistrement des fusils de chasse. Je pense donc que c'est une question que vous vous ferez un plaisir de poser aux représentants de ces provinces.
Mme Barnes: C'est vrai.
Dr Chapdelaine: Dans le milieu de la santé, mes collègues de Calgary et d'Edmonton sont extrêmement favorables au projet de loi, précisément pour les raisons de santé publique que nous essayons de vous expliquer.
Mme Barnes: Je suis une députée de l'Ontario. Hier, nous avons été informés - vous le saurez probablement bientôt - des résultats d'un sondage réalisé dans la province sur les attitudes à l'égard du contrôle des armes à feu. Je pense que certaines personnes seront étonnées de ces résultats.
Je souhaiterais que vous me donniez plus de précisions à ce sujet. Je sais que c'est un domaine qui pose certains problèmes aux députés de ces régions, car les arguments présentés sont les mêmes que ceux qui préoccupent les députés du nord de l'Ontario.
M. Therien: Le texte de mon exposé comporte l'annexe A qui mentionne l'étude effectuée dans le nord. Les chiffres qu'elle contient sont tout à fait valides.
Mme Barnes: Pourriez-vous me les donner pour qu'ils figurent au compte rendu?
M. Therien: Ils y sont déjà. Laissez-moi m'expliquer.
Il s'agit de la classification des homicides et des suicides par 100 000 habitants dans le nord-est de l'Ontario, dans l'ensemble de la province et aux États-Unis. Le nombre d'accidents causés par des armes à feu dans le nord-est de l'Ontario était de 42 pour 100 000 habitants; dans l'ensemble de la province, il se situait à 22 pour 100 000 habitants et aux États-Unis, à 39,5 pour le même nombre d'habitants.
Pour les suicides, le chiffre est de 15,1 pour 100 000 habitants dans le nord-est de l'Ontario; de 8,2 pour l'ensemble de la province; de 12,8, c'est-à-dire presque 13 p. 100, pour les États-Unis. Quant aux statistiques des homicides, elles sont les suivantes: 2,7 par 100 000 habitants dans le nord-est de l'Ontario; 1,9 pour l'ensemble de l'Ontario; 9 pour les États-Unis.
Mme Barnes: Je crois que cela nous donne une bonne idée de la situation. Vous avez raison, cela figure au compte rendu.
M. Therien: Oui, vous avez raison et ça l'est en effet.
Mme Barnes: Nous faisons toujours des comparaisons avec les États-Unis. En tant que professionnels de la santé, avez-vous des comparaisons avec des pays qui ont des lois plus sévères que les nôtres sur le contrôle des armes à feu, l'Angleterre, par exemple?
M. Therien: Je ne sais pas si les chiffres dont nous disposons sont exacts. La situation est bien connue dans les pays où le contrôle est plus rigoureux, comme en Australie, au Japon, en Angleterre et dans certains autres pays d'Europe de l'Ouest. Je ne connais pas la situation dans les anciens pays d'Europe de l'Est. Mais il est certain que les cas de mort et de blessure causées par des armes à feu sont beaucoup moins nombreux qu'aux États-Unis et au Canada par habitant. Je crois que c'est un fait international reconnu.
Dr Chapdelaine: Avant que Steve Corber ne trouve la réponse à votre question, je voulais simplement dire qu'il n'y a pas qu'en Ontario qu'on a effectué une étude sur la différence entre les zones rurales et urbaines.
Une des choses qui ont suscité mon intérêt pour le sujet en 1989, bien longtemps avant ce qui s'est produit à l'École Polytechnique, a été une comparaison que nous avions faite entre la région de Québec et celle de Chaudières-Appalaches, qui est une région très rurale de la province. La différence était vraiment considérable. Ce qui m'a vraiment surpris c'est que ce n'était même pas les armes à feu que nous recherchions, mais les moyens, les instruments utilisés pour se suicider. Nous avons donc dû tenir compte de toutes les méthodes, y compris la strangulation, l'asphyxie par oxyde de carbone, l'usage de produits pharmaceutiques et les armes à feu. Nous avons constaté que, dans la région rurale de Chaudières-Appalaches, les taux étaient beaucoup plus élevés que dans celle de Québec, qui est beaucoup plus urbaine.
La Suicidology Association of Canada doit déposer ici. Elle a effectué le même genre d'étude dans la région de Chicoutimi. Vous avez donc une confirmation dans deux provinces au moins, mais je suis certain qu'on obtiendrait les mêmes résultats dans d'autres.
Dr Corber: J'ai trouvé la référence. En moyenne, aux États-Unis, les taux annuels d'accidents causés par des armes à feu sont environ quatre fois supérieurs, les suicides par armes à feu, deux fois, et les vols à main armée, trois fois plus nombreux.
Pour répondre à votre question, en 1990, des armes de poing ont été utilisées pour assassiner 13 personnes en Suède, 87 au Japon, 22 en Grande-Bretagne, 91 en Suisse, 10 en Australie, 68 au Canada et 10 567 aux États-Unis. Ce sont là des statistiques fournies par des ambassades et contenues dans des rapports étrangers sur la criminalité.
[Français]
Mme Venne: J'aimerais aborder maintenant la question des coûts économiques, dont vous, représentants de la Conférence des Régies régionales de la Santé et des Services sociaux, parlez ici. Vous parlez des coûts économiques annuels découlant d'une mauvaise utilisation des armes à feu. Vous dites qu'ils sont estimés au Canada à 6 695 milliards de dollars, en dollars canadiens de 1993.
J'aimerais savoir si vous pouvez élaborer sur ces chiffres-là.
M. Saint-Onge: Je vais laisser cela à nos experts. Évidemment, c'est relatif. Il est bon d'avoir l'explication complète.
Dr Maguire: C'est une étude qui a été faite par un professeur de l'Université de Baltimore du nom de Ted Miller. Évidemment, ce qu'il est important de voir dans les études, c'est toujours le coût qu'on rattache à une vie. Je pense que les calculs de M. Miller étaient faits à partir d'un coût de 4 millions de dollars pour une vie. C'était la seule étude, ou du moins l'une des seules études qui aient été faites et que nous connaissions et c'est pour cette raison qu'on l'a citée.
Maintenant, si, par exemple, on attribue à une vie un coût d'environ un million de dollars, on se retrouvera tout de même avec des chiffres assez importants comme 1,4 milliard de dollars.
Comme le Dr Corber l'a indiqué à quelques reprises, il y a des coûts directs, mais il y a aussi énormément de coûts indirects reliés aux blessures et aux décès par balles. Il ne faut pas oublier ceci: que ce soit dans un accident de la route ou que ce soit un décès par balle, le jour où la personne est décédée... Par exemple, si on regarde ce qu'un jeune nous a coûté jusqu'à l'âge de 25 ans, y compris son université et tout cela, ce sont des coûts extrêmement importants, mais encore là, je pense que ce ne sont pas les véritables coûts.
Ce qui nous apparaît important et qu'on n'a pas encore réussi à calculer de façon très rigoureuse - il y a des gens qui l'ont calculé pour les blessures de la route - , c'est le coût social d'un décès. C'est le coût social du décès d'une mère avec trois enfants. Dans un tel cas, il y a des coûts qui vont suivre les membres de la famille pendant toute leur vie. C'est dans ce sens-là qu'on peut apporter un chiffre comme celui-là.
Je n'ai pas l'impression qu'il faille faire une grande bataille sur les chiffres. Je m'entendrais sur 200 000$ ou 300 000$. Mettez le chiffre que vous voulez. Il est important qu'en tant que société, nous fixions le coût d'une vie. Évidemment, comme médecins, on peut voir ce que cela vaut quand on est pris à l'hôpital avec les gens. Dans ce sens-là, on peut lui attribuer le coût qu'on veut, mais le chiffre est important; il y a 1 400 personnes qui décèdent par balles chaque année et ces 1 400 personnes ne vivent pas isolées dans la société. Ce sont des gens qui ont des familles. Ce sont des gens qui ont des enfants. On pourra probablement un jour attribuer une valeur à cela. Ce sont des problèmes qui suivent une personne pendant toute sa vie.
Mme Venne: Avant de passer à ma deuxième question, monsieur le président, j'aimerais continuer dans la même veine que Mme Barnes, qui disait que ce n'est pas la personne qui tue, mais l'arme. Pour être tout aussi logique, j'aimerais ajouter que ce n'est pas l'arme, mais la munition.
Pour ce qui est de mon autre question, le ministre nous a soumis quelques sujets de réflexion, dont celui de la transmission des armes de poing prohibées aux enfants des propriétaires actuels. Vous savez qu'il y a certaines armes de poing qui seront prohibées, mais qui pourront continuer à circuler entre personnes qui en possèdent déjà, entre personnes de la même espèce, si on peut dire. Je ne sais trop comment on va les appeler. Il s'agit de ces groupes qui vont pouvoir faire circuler entre eux les armes de poing qui seront prohibées. Ils pourront se les vendre, se les échanger, etc., mais ceci s'arrêtera là. Présentement, dans le projet de loi, c'est comme ça. Ça s'arrête à la vie de la personne. Ça dure sa vie durant et ensuite, cette arme doit être remise aux autorités officielles.
Nous devons examiner la question de savoir si on ne devrait pas accepter de transmettre ces armes aux enfants de ces propriétaires d'armes de poing prohibées. Est-ce que vous seriez d'accord sur cela ou si vous pensez que, de toute façon, on ne devrait même pas pouvoir les faire circuler actuellement? C'est mon point de vue, évidemment.
M. Saint-Onge: Est-ce que vous mettez un âge à ces...?
Mme Venne: Non. C'est la vie durant. On a le droit d'avoir cette arme la vie durant. Vous voulez dire en tant qu'héritier?
M. Saint-Onge: Oui.
Mme Venne: Pour l'enfant... j'imagine bien... Comme possesseur, de toute façon, il faut avoir 18 ans, sinon il faudra un tuteur à l'arme, j'imagine.
Dr Chapdelaine: J'apprécie votre commentaire sur les munitions. Vous parlez dans les mêmes termes qu'en santé publique. Pour agir sur un problème, il ne faut pas seulement agir sur l'individu qui est la victime. Il faut aussi agir sur l'agent, qui est la force déployée par une balle; sur le véhicule, l'arme et la balle étant un véhicule et aussi sur l'environnement dans lequel ces événements ont lieu de façon délibérée ou de façon non intentionnelle. C'est un point de santé publique fort bien placé.
Mme Venne: Oui, mais on vous demande à vous, comme experts, de nous dire ce que vous en pensez.
Dr Chapdelaine: Concernant précisément la question des points 25 et 32, au sujet de pistolets qui sont des armes fort petites qui peuvent entrer dans la paume de la main, il est important d'examiner le plus attentivement possible les études qui ont été réalisées, afin de trier les bonnes des mauvaises. C'est ce que j'ai voulu préciser à M. Ramsay. Mais il faut également s'intéresser aux nouveautés. En Californie, un centre de prévention et de recherche sur la violence s'est récemment intéressé aux problèmes des «spéciaux du samedi soir». C'est le nom que le rapport donne à ces armes à feu. La recherche a été effectuée par un collègue médecin qui a étudié avec moi à Johns Hopkins. Il a effectué une recherche sur ces armes à feu.
[Traduction]
Je dois faire la distinction entre les armes à feu utilisées dans certaines compétitions olympiques ou de haut niveau et les armes bon marché - et quand je dis bon marché, ce sont des armes vendues à un prix extrêmement bas et qui sont très courantes aux États-Unis. Je crois que les personnes qui auront à prendre la décision qui repose entre vos mains devraient lire ce rapport, parce que 62 p. 100 de tous les crimes commis aux États-Unis pour lesquels il a été possible de retrouver l'arme du crime, ont été perpétrés avec des armes de ce calibre.
Pour un de mes collègues à John Hopkins, ces petites armes bon marché, inefficaces et peu précises sont de parfaites panoplies de débutants pour les écoliers. Elles sont si peu chères qu'un écolier peut les glisser dans sa poche à New York ou ailleurs et s'il y a un détecteur de métal à l'entrée de l'école, comme c'est le cas aux États-Unis en raison de la situation là-bas, il peut toujours jeter le pistolet dans une poubelle. Si le pistolet n'est plus là quand il sort de l'école, il peut tout simplement en acheter un autre.
Nous voulions vous présenter les données qui se rattachent à certains problèmes, afin de vous aider dans votre décision. Votre rôle est de faire le bon choix à partir de preuves qui ne sont pas toujours valables. Cette fois, nous vous donnons des éléments plus sûrs.
Le président: Nous aimerions obtenir un exemplaire du rapport que vous avez mentionné, celui que, d'après vous, nous devrions tous lire. Ce n'est pas nécessaire de nous le donner aujourd'hui, mais peut-être que vous pourriez nous en donner la référence et la remettre au greffier à la fin de réunion.
Dr Chapdelaine: C'est la référence numéro 30 du mémoire. Le rapport s'intitule «The Handgun-makers of Southern California». Ce document est publié à Sacramento, en Californie, par le programme de prévention et de recherche sur la violence. Je crois qu'il coûte une dizaine de dollars.
[Français]
Mme Torsney (Burlington): Merci beaucoup. Je suis très heureuse d'avoir lu votre mémoire parce qu'il est très intéressant, surtout en ce qui a trait aux coûts réels pour notre société. Je crois que mes collègues ont étudié beaucoup de points en détails et c'est justement un aspect que j'avais l'intention d'approfondir. Je suis très contente que vous ayez avancé de nombreuses raisons justifiant le coût de 85 millions de dollars et l'utilité de renouveler cette dépense.
[Traduction]
D'après ce que vous nous avez dit ce matin, la probabilité de suicides est plus grande chez les gens qui ont des armes à feu chez eux. J'ai particulièrement été intéressé d'apprendre qu'aux États-Unis, où les femmes se procurent des armes à feu pour assurer leur protection, on note également une augmentation des suicides ou tentatives de suicide avec des armes à feu chez les femmes. Quel rapprochement peut-on faire? Est-ce que la faute est imputable à une société qui devient plus violente et où les gens flanchent? Quelles sont les raisons véritables de cet état de choses?
Avant d'écouter votre réponse, étant donné que je vais probablement manquer de temps, j'aimerais dire à M. Therien que le deuxième paragraphe de son mémoire me paraît extrêmement important. Je crois en effet que le projet de loi intervient au moment précis où les Canadiens sont de plus en plus persuadés, tout au moins dans certaines régions du pays, qu'ils ont besoin d'un fusil pour se défendre. J'ai constaté avec plaisir que votre groupe est convaincu, comme moi, que l'on protège mieux la liberté en renforçant l'ordre plutôt qu'en accordant aux gens le droit de posséder des armes à feu.
J'aimerais demander aux trois groupes de présenter leurs commentaires à ce sujet, en particulier le Dr Maguire qui nous a parlé des suicides et de leur cause?
M. Therien: Le Conseil canadien de la sécurité est...[Inaudible - Éditeur]...par des experts qui sont bien au courant de la question.
Dr Chapdelaine: Toute la question de la santé publique repose sur l'accessibilité. La mortalité augmente dès lors que la population a accès à des moyens très dangereux qui rendent possible l'homicide ou le suicide. C'est un problème qui se pose avec les armes à feu appelées «ladysmith» qui sont en vente aux États-Unis. Ces armes sont destinées aux femmes. Elles sont légères, petites et jolies. Les femmes peuvent les glisser dans leur sac du soir. Les études ont mis en relief plusieurs éléments relativement à l'accès à ce type d'armes. Les suicides commis à l'aide d'une arme à feu sont plus nombreux, alors que la plupart des femmes ne choisiraient pas spontanément ce moyen de mettre fin à leurs jours, pour des raisons que je n'examinerai pas en détails.
La question est de savoir si ce type d'armes procure vraiment une bonne protection. Dans le cas des armes de poche, ce n'est certainement pas vrai. Ce n'est pas moi qui le dis, mais un journal indépendant intitulé Gun Test qui fait des essais d'armes à feu et n'accepte aucune annonce publicitaire. Ces armes à feu ont été jugées à plusieurs reprises dangereuses et imprécises. Pour vous donner une idée, le métal est de si mauvaise qualité qu'il faut éviter de l'écraser au cours des essais, car il abîmerait le métal des autres pièces.
Quant à la protection, une des études révèle qu'une femme qui se sert d'une arme à feu risque plus de se faire tuer ou de voir son agresseur retourner l'arme contre elle. Une chose que l'on n'a pas mentionnée, c'est que les policiers sont souvent tués par leurs propres armes. Si un policier de 80 kilos a de la difficulté à rester maître de son arme, on peut se demander ce qui peut se produire dans le cas des femmes.
Voilà essentiellement ce qui nous préoccupe dans toute cette attitude bien peu canadienne de considérer les armes comme un moyen d'autoprotection.
Mme Torsney: Est-ce que cela veut dire que je serais plus incitée à me suicider si je possédais une arme chez moi?
Dr Corber: Cela ne signifie pas nécessairement que vous serez plus encline à vous suicider, mais que votre tentative aura plus de chance de réussir.
De tout temps, les tentatives de suicide ont été plus fréquentes chez les femmes que chez les hommes. Par contre, les hommes parviennent à leur fin plus souvent que les femmes. Cela s'explique par le fait que les femmes essaient de se suicider généralement en absorbant des médicaments, alors que les hommes ont plutôt tendance à se tirer une balle dans la tête. Comme j'ai essayé de le démontrer dans le mémoire de l'ACSP, le risque augmente s'il y a des armes dans la maison. Une personne qui se sent temporairement déprimée et qui décide d'en finir risque plus de se suicider s'il y a un fusil à proximité. Le fusil n'est pas la cause de la dépression ni la cause du problème, mais c'est de lui que dépend l'issue fatale.
Le président: D'après vous, une personne qui a décidé de se suicider peut mieux réussir son coup avec un fusil qu'en absorbant des médicaments.
Dr Corber: Je répugne à utiliser le mot «réussir» quand il s'agit de suicide. Je préfère dire qu'une arme à feu est plus «efficace».
Dr Chapdelaine: À Atlanta, le centre de prévention et de lutte contre les maladies vient de publier une étude sur l'armée, étude que nous n'avons pas mentionnée dans notre mémoire, car elle n'est sortie que la semaine dernière.
Les auteurs de cette étude affirment que les taux de suicide sont plus élevés au Canada qu'aux États-Unis. C'est vrai dans le cas des suicides des 10 à 14 ans. Le taux a doublé et 65 p. 100 de ces suicides sont commis à l'aide d'une arme à feu. Au Canada, les suicides commis à l'aide d'une arme à feu atteignent près de 30 p. 100. Aux États-Unis, 65 p. 100 des suicides sont commis à l'aide d'une arme à feu et ils ont doublé dans cette catégorie d'âges. D'autre part, le pourcentage de suicide a quadruplé depuis quelques années chez les Noirs de ce même groupe d'âges. Il est clair par conséquent que l'accès aux armes à feu joue pour beaucoup.
Nous avons observé également un fait étranger en étudiant les différences épidémiologiques au Canada par rapport aux États-Unis. Comment se fait-il qu'au Canada, les personnes qui se suicident avec une arme à feu n'utilisent pas une arme de poing? Les armes de poing sont beaucoup plus faciles à utiliser que les fusils. C'est un fait. Aux États-Unis, la majorité des personnes qui se suicident ont recours à la méthode la plus facile. Or, les armes de poing ne sont pas enregistrées et sont d'accès extrêmement facile.
M. Therien: Le Dr Chapdelaine nous a dit qu'il y a huit ou neuf ans, les armuriers ont produit toute une catégorie d'armes destinées aux femmes. Il faudrait préciser qu'à cette époque, les armuriers d'armes américains éprouvaient de graves difficultés financières. Ils n'étaient pas particulièrement préoccupés par la sécurité des femmes aux États-Unis, c'était pour eux simplement l'occasion d'augmenter leurs ventes. La NRA, qui avait décidé à l'époque d'accepter des membres de sexe féminin, était à l'origine de tout cela.
Mme Torsney: Vous voulez dire que cette association était interdite aux femmes jusque là?
M. Therien: C'était uniquement un club d'hommes.
Mme Meredith (Surrey - White Rock - South Langley): J'aimerais parler des pénalités qui découleront de cette loi. Vous voulez une loi musclée et c'est pourquoi vous jugez qu'il est important de criminaliser la première infraction de non-respect du règlement.
Vous avez évoqué vous-mêmes d'autres mesures éducatives prises au sujet du port de la ceinture de sécurité et de l'interdiction de conduire après avoir bu. Pourquoi n'avez-vous pas jugé nécessaire de criminaliser le non-respect de la loi dans ces deux cas? À ma connaissance, le fait de conduire sans ceinture de sécurité n'est pas une infraction criminelle. Le fait de consommer des boissons alcoolisées non plus, même si c'est probablement une importante cause de suicides et d'homicides commis avec des armes à feu. Pourquoi demandez-vous dans ce cas-ci que la première infraction soit considérée comme un acte criminel?
Vous voulez que la loi soit musclée. Trouvez-vous que les accusations criminelles et les peines prévues par cette loi sont assez sévères? Pensez-vous qu'une peine minimale de quatre ans de prison soit suffisante pour un criminel qui décide de se servir d'une arme à feu plutôt que d'étrangler ou d'étouffer sa victime? Pensez-vous que cette loi est suffisamment musclée?
M. Therien: La conduite avec facultés affaiblies est une infraction aux dispositions du Code criminel. Au Canada, on compte 600 000 infractions au Code criminel et environ 137 000 d'entre elles concernent la conduite avec facultés affaiblies. Je ne vois pas vraiment où vous voulez en venir quand vous dites que ce n'est pas un acte criminel.
Mme Meredith: Est-ce un acte criminel que de boire?
Le président: Non...
Mme Meredith: Je vous prie de m'excuser, monsieur le président.
Le président: J'en appelle au Règlement. J'aimerais tout simplement rappeler que la réglementation concernant les ceintures de sécurité et la vente d'alcool est de ressort provincial. Ici, à Ottawa, nous ne pouvons pas légiférer sur la vente d'alcool, ni sur l'utilisation des ceintures de sécurité. Cela dit, vous pouvez répondre à la question.
Dr Chapdelaine: Pouvez-vous légiférer au sujet de l'alcool au volant? Cela s'est fait, du temps du ministre Crosbie qui en avait fait une infraction criminelle.
Le président: Nous pouvons légiférer en matière d'actes criminels.
Dr Chapdelaine: Je pense à la question de Mme Meredith.
Dois-je comprendre que vous pourriez, à titre de législateurs, criminaliser l'usage d'une arme à feu par une personne ayant consommé de l'alcool? Ce serait une formule très intéressante analogue à celle qui a servi à bannir l'alcool au volant.
Mme Meredith: J'aimerais préciser que je suis pour la criminalisation de l'acte lorsque son auteur utilise un véhicule ou l'alcool à des fins criminelles. Mais il n'est pas question d'usage criminel. Nous parlons plutôt du non-respect d'un règlement, en l'occurrence le Règlement sur l'utilisation des ceintures de sécurité. Le manquement à d'autres règlements n'est pas considéré comme un acte criminel.
Avec ce projet de loi, il est question de faire du non-respect d'un règlement un acte criminel. Une telle décision aurait des conséquences énormes. Les personnes concernées ne pourraient pas quitter le pays. Elles seraient refoulées à la frontière des autres pays. Elles pourraient également être pénalisées au niveau de l'emploi. Vous proposez d'adopter une loi musclée qui permettrait de porter des accusations criminelles contre une personne qui enfreindrait le règlement pour la première fois. En revanche, vous ne souhaitez pas appliquer les mêmes critères aux personnes qui ne portent pas leur ceinture de sécurité, qui boivent ou qui fument, occasionnant par là des coûts énormes à notre système et contribuant à augmenter considérablement la mortalité. Vous ne pensez pas qu'il faudrait criminaliser ce type d'usage.
Dr Corber: À mon sens, vous devez tenir compte de divers éléments lorsque vous prenez des décisions au sujet de la loi et des peines. Quels sont les éléments de la loi qui vont provoquer le comportement et les effets que vous désirez? Ici, l'objectif est clair. Nous voulons réduire la mortalité et les décès prématurés, comme je l'ai dit plus tôt. La grande majorité de la population est en faveur du contrôle des armes à feu, y compris les propriétaires de telles armes. Les opposants sont peu nombreux, mais ils parlent fort et sont très farouches, allant même, dans certains cas, jusqu'à déclarer qu'ils ne respecteront pas la loi. Je crois que dans de telles circonstances, il faut prendre des décisions.
Comme je l'ai dit en réponse à une question précédente, il me semble que l'on risque de trop assouplir la loi si on accepte que la première infraction ne soit pas un acte criminel. Même s'il n'y a qu'un petit pourcentage, 15 p. 100 environ, qui doive changer de comportement, je maintiens ce que j'ai dit et recommandé. Je ne peux pas en dire plus.
Mme Meredith: Dans le cas des dix crimes les plus graves commis à main armée, la peine minimale envisagée par les tribunaux est de quatre ans. À moins de circonstances aggravantes, les auteurs du crime sont généralement condamnés à la peine minimale. Pensez-vous qu'une peine de quatre ans d'emprisonnement est trop légère pour une personne qui commet un crime en se servant d'une arme à feu?
Dr Corber: Je crois que d'autres études se sont penchées sur l'effet dissuasif des peines infligées aux criminels. Pour le moment, d'après ce que j'ai entendu sur le sujet, je pense qu'en ne criminalisant pas la première infraction, on encouragerait ou tout au moins on rassurerait les gens qui n'ont pas l'intention de suivre le règlement. Beaucoup de gens qui, en temps normal, accepteraient de faire enregistrer leurs armes, de demander un permis et d'entreposer leurs armes en lieu sûr seraient tentés de ne rien faire, ce qui irait nettement à l'encontre des objectifs de la loi.
Mme Meredith: Mais alors, cela ne vous fait rien...
Dr Corber: Mais je n'ai pas parlé de mon...
Mme Meredith: ...de voir des criminels utiliser leurs armes à feu sans que nous n'ayons quelque moyen de décourager leur comportement criminel?
Dr Corber: Il y a beaucoup d'autres problèmes. Je n'ai pas étudié celui-là en particulier et je ne peux pas vraiment faire de commentaires à ce sujet.
Pour ce qui est de la loi, j'estime que les mesures proposées offrent un bon équilibre puisque l'agent chargé de l'application de la loi est en mesure de décider comme pour n'importe quelle loi ou règlement, le genre d'accusations qu'il peut porter, etc. À mon avis, c'est à ce moment-là, plutôt qu'au début, qu'intervient le jugement et que nous pouvons donner l'impression qu'il n'est pas bien grave de ne pas s'enregistrer.
Mme Phinney (Hamilton Mountain): Monsieur Saint-Onge, vous indiquez dans votre rapport que 13 000 ordonnances d'interdiction sont prononcées chaque année au Canada en vue de confisquer des armes à des personnes qui représentent un danger pour la société ou pour elles-mêmes. Pensez-vous que les personnes qui émettent ces ordonnances d'interdiction ont accès suffisamment facilement aux informations? Est-ce qu'il faudrait ajouter d'autres renseignements concernant, par exemple, la santé mentale de l'individu, ses incapacités, etc.? Est-ce que l'accès à ce genre de renseignements est suffisamment libre?
Les autres témoins ont-ils des commentaires à formuler à ce sujet?
Dr Chapdelaine: Nous n'avons pas les compétences nécessaires pour parler du processus de délivrance des autorisations d'acquisition d'armes à feu jusqu'à maintenant ni du processus d'obtention du permis de port d'armes qui, espérons-le, sera désormais obligatoire. Nous tenons compte d'un certain nombre de facteurs et, au Québec, c'est un aspect auquel nous sommes particulièrement attentifs. Je pense à la Sûreté du Québec, la police du Québec. Nous faisons une enquête approfondie sur les gens qui recevront une arme à feu ou qui seront autorisés à en acheter une ou qui auront, prochainement, le droit d'en posséder une.
Cette enquête consiste à examiner non seulement les antécédents criminels, mais aussi la stabilité mentale de l'individu, etc. L'enquête contient plusieurs questions qui nous paraissent appropriées. La Sûreté du Québec essaie surtout d'obtenir des renseignements auprès de l'entourage du demandeur dans la localité où il vit, y compris auprès de son conjoint ou des autres personnes qui le connaissent bien. On ne se contente pas des deux signatures. Ça, c'est une chose.
Il y a des criminels dangereux qui ont déjà condamnés. Parfois, ils n'ont pas encore été condamnés, mais on sait qu'ils ont été violents avec leur conjoint ou avec d'autres personnes. Dans de tels cas, une ordonnance d'interdiction a été émise. Cependant, je ne voudrais pas être à la place des agents de police qui doivent appliquer la loi malgré les lacunes que nous avons au niveau de l'information. Si nous n'avions pas plus d'information, par exemple, sur les victimes de la bactérie mangeuse de chair, les chercheurs ne pourraient pas faire grand-chose.
Actuellement, la police est totalement dépourvue de renseignements essentiels qui lui permettraient de protéger la société en interdisant aux personnes dangereuses ou frappées d'une ordonnance d'interdiction d'acheter de nouvelles armes, de conserver celles qui sont cachées, etc. C'est pour cela que l'enregistrement est important.
Par ailleurs, ces ordonnances d'interdiction ne sont pas émises contre des criminels notoires. Toute cette violence familiale dont nous voyons les résultats dans les salles d'urgence et pour laquelle la police est appelée à intervenir régulièrement dans les familles elles-mêmes n'est pas le fait de personnes ordinaires dont le comportement a toujours été irréprochable et qui tout à coup perdent à tête. Ces gens-là ne sont pas vraiment visés par le système d'enregistrement obligatoire qui ne servira, dans ce cas-là, qu'à les protéger d'eux-mêmes.
Mme Phinney: Cette loi exige en plus que la personne qui achète des munitions soit titulaire de l'actuelle AAAF qui deviendra bientôt, je crois, le permis d'armes à feu. Qu'en pensez-vous?
Dr Corber: Je crois que c'est très important. Il me semble que c'est un moyen d'empêcher les gens d'acheter des munitions pour une arme volée. Je pense que c'est une très bonne idée, car il y a encore beaucoup d'armes volées.
M. Therien: Les assassins de Battersby à Ottawa nous en donnent un bel exemple. C'étaient des jeunes de 15 ou 16 ans qui avaient volé un fusil et s'étaient procurés des munitions chez un détaillant.
Dr Chapdelaine: En santé publique, il existe un principe logique et important que tout le monde peut comprendre. Lorsqu'il existe un problème de blessures ou de décès occasionnés par des armes à feu et qu'il s'agit par exemple d'accidents dont des enfants sont victimes - certains enfants sont très grands - il est préférable de tenir les enfants à l'écart des fusils que de rendre les enfants résistants aux fusils, car l'erreur est humaine. Par conséquent, ce principe est important.
Un enfant ne sera pas en mesure de se servir d'une arme si elle est rangée en lieu sûr et munie d'un dispositif bloquant la détente, etc. Cependant, nous avons constaté qu'au Québec, de leur propre aveu, un tiers de tous les propriétaires d'armes à feu n'entreposent pas très bien leurs armes qui restent dangereusement accessibles, même pour leurs enfants. Le second élément de protection que nous proposons concerne l'accès aux munitions. Si les enfants peuvent se présenter au magasin et acheter un paquet de cartouches «pour leur père», et que le vendeur qui connaît leur père accepte de leur en donner, le problème est vraiment grave.
Je parle des enfants, mais j'ajoute que les garçons restent toujours des garçons; ce qui change, c'est le prix de leurs jouets.
[Français]
Le président: Monsieur Crête.
M. Saint-Onge: Monsieur le président, si vous me le permettez, j'aimerais ajouter deux arguments que soulève cette question. C'est d'abord la question du contrôle. S'il y a un permis, ceci permet un meilleur contrôle. Également, pour la personne qui possède une arme à feu, il y a toute la question de l'imputabilité en tant que principe. Je pense que c'est absolument essentiel.
M. Crête: Je voudrais d'abord dire que je préférerais que mes enfants apprennent à utiliser correctement des armes à feu plus tard dans leur vie, comme ils vont avoir à contrôler leur consommation d'alcool, comme ils vont avoir à conduire une automobile, plutôt que de leur dire que cela n'existe pas, pour qu'ils s'aperçoivent soudainement, à l'âge de 18 ans, que cela existe.
Ma question s'adresse à tous les organismes. Est-ce que vous considérez acceptable qu'il y ait deux catégories d'utilisateurs, qu'il y ait des gens qui payent les frais prévus pour les permis et d'autres qui aient le droit de ne pas les payer pour des raisons de frais de subsistance? Selon vous, est-ce quelque chose qui va contribuer ou qui va nuire à l'atteinte de l'objectif? Est-ce une condition essentielle à l'atteinte de l'objectif?
Dr Chapdelaine: Monsieur Crête, pour ce qui est de votre commentaire concernant l'éducation des enfants, je crois que l'un n'exclut pas l'autre et même que l'un renforce l'autre. Le projet de loi renforce la possibilité de bien cibler l'éducation avec son contenu et aussi de bien cibler les bonnes personnes.
Je me vois maintenant dans l'obligation de vous raconter une petite anecdote médicale vraiment fâcheuse. Cela a été rapporté dans le New England Journal of Medicine par un médecin de Californie.
M. Crête: Il y a beaucoup d'exemples américains. Les exemples québécois et canadiens sont beaucoup plus rares dans les mémoires.
Dr Chapdelaine: Quand vous avez rencontré le Dr Pouliot, celui-ci vous a parlé de l'individu qui s'était tiré une balle au visage à Rivière-du-Loup, dans votre circonscription. Je crois que les exemples nous entourent de toutes parts.
M. Crête: Mais, 90 p. 100 des exemples négatifs des mémoires sont tirés de statistiques américaines.
[Traduction]
Dr Chapdelaine: Nous avons beaucoup de statistiques en provenance du Canada et du Québec, y compris de votre propre circonscription.
C'est donc l'histoire d'un chirurgien qui sort de la salle d'urgence pour annoncer à des parents que leur enfant vient de mourir après s'être blessé avec un fusil. La mère éclate en sanglots, ce qui paraît être une réaction normale, alors que le père, rouge de colère, déclare tout de go: «Je veux que vous sachiez que j'appartiens à la NRA et que j'avais appris à cet idiot d'enfant qu'il ne fallait pas toucher aux fusils». Si je vous ai cité cet exemple américain, c'est que je ne pense pas qu'on puisse penser comme cet homme au Canada. C'est une question de mentalité.
[Français]
M. Crête: C'est très tendancieux comme exemple, monsieur. Ceci est publié.
[Traduction]
Dr Corber: Pour ce qui est de votre question concernant les coûts, la loi vise avant tout à exiger que tous les détenteurs d'armes à feu obtiennent un permis et enregistrent leurs armes. Ce sera au gouvernement de décider des mesures à prendre dans le cas des gens qui n'en ont pas les moyens, mais chose certaine, il ne faudrait pas dispenser ces gens-là d'enregistrer leurs armes ou d'obtenir un permis, mais plutôt à le faire à moindres frais. Il ne faudrait pas décourager les gens de demander un permis. En cas de problèmes, au contraire, il faudrait faciliter la procédure à suivre pour obtenir un permis et enregistrer les armes et atteindre ainsi l'objectif visé. C'est pour la même raison que nous proposons la criminalisation, mais tout cela est coûteux. Si toutes ces mesures s'avèrent trop coûteuses pour certaines personnes, il faudra trouver une solution, car nous ne voulons pas que les coûts nous empêchent de bénéficier des avantages de la loi.
M. Therien: Il est tout à fait vrai de dire que certains des exemples négatifs que nous utilisons proviennent des États-Unis. Cependant, les États-Unis se servent également des exemples canadiens. Par exemple, ils citent très souvent comme modèle les résultats que nous a permis d'obtenir notre législation en matière de sécurité.
M. Wappel (Scarborough-Ouest): Nous allons peut-être oublier les États-Unis et parler du Canada pendant les cinq minutes qui me sont imparties.
J'aimerais adresser mes questions à M. Therien. Dans la première page de vos commentaires, vous déclarez que l'usage d'armes de poing dans les homicides commis à l'aide d'armes à feu est passé d'un moyenne de 34 p. 100 dans les années quatre-vingt à 52 p. 100 en 1992. Telle est la situation, en dépit du fait qu'il est obligatoire, depuis 60 ans déjà, d'enregistrer les armes de poing et malgré le fait qu'il s'agit là du quatrième projet de loi visant à renforcer la réglementation, comme l'a précisé le président. Vous nous annoncez donc que l'usage inadéquat des armes de poing continue d'augmenter malgré l'enregistrement obligatoire qui s'applique depuis 60 ans et malgré le renforcement des contrôles.
M. Therien: Cela tient probablement au fait qu'un grand nombre de ces armes de poing sont importées illégalement des États-Unis. Les armes de poche dont parlait le Dr Chapdelaine s'achètent 29$, 39$ et 49$ à Détroit et peuvent se revendre entre 400$ et 500$ dans la rue à Toronto.
M. Wappel: Comment l'enregistrement pourra-t-il faire obstacle à ce trafic?
M. Therien: C'est le crime organisé et c'est le trafic de drogues.
M. Wappel: Comment l'enregistrement permettra-t-il de renverser cette tendance?
Le président: Les questions et les réponses doivent figurer dans le compte rendu des délibérations. Aussi, je vous demande d'éviter de couper la parole aux intervenants.
Monsieur Wappel, posez votre question.
M. Wappel: Comment l'enregistrement permettra-t-il de renverser cette tendance?
M. Therien: Tout d'abord, je pense que certaines sanctions...
M. Wappel: Je vous ai posé une question au sujet de l'enregistrement. Comment l'enregistrement permettrait-il de renverser cette tendance?
M. Therien: J'aimerais souligner que des gens non autorisés utilisent des armes illégales...
M. Wappel: Et ces gens-là ne les enregisteront pas.
M. Therien: En effet.
M. Wappel: Il faut donc prévoir des sanctions contre eux. Je suis bien de votre avis.
Parlons maintenant des valeurs canadiennes. Selon vous, les Canadiens conviennent que l'ordre est la garantie d'une plus grande liberté. Iriez-vous jusqu'à dire que les Canadiennes et les Canadiens reconnaîtront que leur liberté sera mieux protégée si l'on autorise la police à pénétrer sans mandat en tout temps et en tout lieu autre qu'une résidence, si elle a de bonnes raisons de croire qu'elle peut y trouver un document incriminant?
M. Therien: Un document ou une arme?
M. Wappel: Un document.
M. Therien: Un document ou une arme illégale?
M. Wappel: L'article 99 du projet de loi précise que le policier peut, à toute heure convenable, procéder sans mandat à la visite de tout lieu situé au Canada, autre qu'une habitation, si à son avis, il s'y trouve des registres concernant des armes à feu. Pensez-vous que les Canadiens croient qu'une telle mesure protégerait leur liberté?
M. Therien: Je crois que la majorité des Canadiens acceptent très bien les vérifications ponctuelles, les contrôles de police aléatoires destinés à arrêter les personnes qui conduisent avec des facultés affaiblies.
M. Wappel: Pensez-vous que la majorité des Canadiens ne verront aucun mal à autoriser la police à inspecter n'importe quel lieu au Canada dans la mesure où elle juge qu'elle peut trouver à cet endroit un registre concernant des armes à feu?
M. Therien: Je répondrai à votre question en vous disant que je fais confiance à la police canadienne.
M. Wappel: C'est tout ce que vous avez à me dire?
M. Therien: Non, mais pour le moment, c'est la meilleure réponse que je peux vous donner. Je ne pense pas qu'il y a ait d'abus.
Le président: Monsieur Wappel, il faut préciser que cette disposition concerne les commerces.
M. Wappel: Cette disposition peut s'appliquer à n'importe quel endroit du pays, à l'exception d'une résidence. Elle peut s'appliquer bien entendu à des locaux loués... Pour moi, c'est ce que cela veut dire.
Le président: Je pensais que cette mesure concernait les commerces d'armes.
M. Wappel: Peût-être, mais il faudrait préciser. C'est très bien si la disposition se limite aux commerces d'armes à feu. En revanche, si elle permet de faire inspecter n'importe quel endroit à la recherche d'un dossier et que la police puisse fouiller dans n'importe quel ordinateur comme le précise l'article et tout inspecter sans mandat, je me demande si les Canadiens estimeront que leur liberté est raisonnablement protégée.
La plupart des Canadiens pensent que l'ordre est une garantie de liberté. Croyez-vous que la plupart des Canadiens accepteront que l'on puisse légalement leur confisquer des armes acquises légalement, sans pour autant les compenser et sans aller à l'encontre de leurs principes de liberté?
M. Therien: D'où tenez-vous cette idée de confiscation de biens légalement acquis?
M. Wappel: Toute arme de poing achetée légalement et déclarée par la suite prohibée par décret devrait être remise par son propriétaire afin d'être détruite, sans versement d'aucun dédommagement. C'est ce que j'appelle confisquer sans dédommagement par décret des biens acquis légalement. Pensez-vous que la plupart des Canadiens accepteront ce genre de choses?
M. Therien: Je pense que ce sera le cas pour la majorité d'entre eux, comme on peut le constater d'après les résultats des programmes d'amnistie qui ont lieu depuis deux ou trois ans dans diverses régions du pays. Dans la seule ville d'Ottawa, quelque 2 000 armes ont été remises au cours d'une période d'amnistie d'une semaine. Cela donne une bonne idée des réactions de l'ensemble des Canadiens.
M. Wappel: Dites-moi ce que vous pensez de cette disposition qui permettrait de confisquer des biens légalement acquis, sans aucun dédommagement, par rapport aux principes de liberté chers aux Canadiens.
M. Therien: Je ne peux pas vous répondre.
M. Wappel: Quelqu'un a-t-il une réponse?
Le président: Il me semble que le projet de loi propose la confiscation des armes telles que les armes de poche et les fusils paramilitaires, mais prévoit des clauses de droits acquis pour toutes les catégories d'armes détenues légalement par leurs propriétaires.
M. Therien: Mme Venne en a parlé tout à l'heure.
M. Wappel: Mais lorsque les droits acquis sont reconnus, aucun dédommagement n'est versé.
Le président: C'est exact.
M. Wappel: Merci.
Est-ce qu'il y a d'autres réponses à ma question?
Dr Corber: Je n'aurais aucun scrupule à confisquer des fusils acquis illégalement. Quant au dédommagement, c'est une question purement administrative. Lorsqu'une chose est déclarée illégale, il faut s'en départir... Il y a toujours de nouvelles lois qui imposent différentes mesures - des critères nouveaux et plus sévères.
M. Wappel: Je comprends, docteur, mais ma question portait sur le dédommagement. Qu'en pensez-vous?
Dr Corber: C'est une question purement administrative qui n'est pas essentielle à l'objectif de la loi et qui ne perdrmet pas en fait de déterminer quelles armes sont légales, qui peut en posséder, ni comment les entreposer. C'est une simple question...
M. Wappel: Mais est-ce que le fait d'être dédommagé n'incite pas les gens à respecter la loi?
Dr Corber: Comme je l'ai déjà dit, le respect de la loi est important.
M. Wappel: Vous voulez que les gens respectent la loi et vous voulez que la loi soit plus facile à respecter. Ne pensez-vous pas qu'un collectionneur propriétaire d'une collection de 10 000$ qui risque de perdre 50 p. 100 de sa valeur tout simplement parce que certaines armes achetées en toute légalité sont désormais prohibées, serait plus incité à respecter la loi si on l'assurait, lui ou sa succession, d'un certain dédommagement?
Dr Corber: J'ignore comment cela fonctionnerait dans de tels cas. Cependant, comme je l'ai dit en réponse à une autre question, nous sommes en faveur de toutes les mesures susceptibles d'inciter tous les propriétaires d'armes à feu et tous ceux qui envisagent d'en faire l'acquisition à obtenir un permis et à enregistrer toutes leurs armes. Voilà l'objectif que nous voulons atteindre. Un certain dédommagement serait peut-être utile, mais je dois vous dire que je ne connais pas bien la question.
M. Therien: C'est une idée qui me plaît, puisque les gens à qui on a confisqué les propriétés pendant la guerre n'ont pas été dédommagés... Aussi...
M. Wappel: Vous pensez donc qu'un dédommagement serait utile?
M. Therien: Je reconnais que cela pourrait poser problème. Je n'ai pas de fusil, aussi je ne crains pas qu'on m'en confisque... Il est certain que quelqu'un qui a une collection d'une valeur de 10 000$ sera plus touché par la loi que moi. Mais ce n'est pas le cas de la plupart des Canadiens.
M. Wappel: Par conséquent, si cela n'a aucune incidence, vous vous en moquez ou vous n'avez pas d'opinion?
M. Therien: Non, je ne m'en moque pas.
M. Wappel: Alors, quelle est votre réponse?
M. Therien: Je ne sais pas.
M. Wappel: On peut considérer que c'est une réponse.
M. Therien: J'ignore combien de fusils cela concerne.
[Français]
Le président: Monsieur Saint-Onge.
M. Saint-Onge: Monsieur le président, permettez-moi de répondre par l'absurde. Si je partais sur la base de cette question, on n'aurait aucune loi au pays, ni dans les provinces, ni dans les municipalités. Je ne pense pas qu'on s'attende qu'au lendemain de l'application de la loi, tous les foyers vont être visités. Mais, lorsque des mesures ont été prévues et que c'est législatif, cela permet, à ce moment-là, de faire prendre conscience à quelqu'un qui est pris qu'il est hors la loi. C'est une mesure de contrôle.
[Traduction]
Dr Chapdelaine: Dans le domaine de la santé publique, ce ne sont pas les armes à feu dont parle M. Wappel qui posent véritablement problème. Ce sont plutôt ce qu'il est convenu d'appeler les carabines de calibre .22 et les fusils. Au Québec, surtout, la moitié des suicides à l'aide d'une arme à feu sont commis avec des armes des trois calibres suivants: des carabines de .22, des fusils de 12 et des fusils de 410. Or, ces armes ne seront pas confisquées. Il n'y a aucun doute là-dessus. Elles peuvent servir à la chasse et procurent beaucoup de plaisir à bien de gens. Nous sommes même convaincus que le fait de courir les bois pour chasser est bon pour la santé.
Ce n'est pas dans les bois que les fusils sont dangereux, c'est à la maison. Tout dépend de la façon dont ils sont entreposés. L'objectif de cette loi, c'est justement d'inciter les propriétaires de ces fusils ordinaires à agir de manière plus responsable. Ces armes ne sont pas de bénignes tue-mouches. Il faut donc les entreposer différemment. Par conséquent, il faut déplacer le problème.
Plusieurs enquêtes dont une de portée nationale auprès de plus de 10 000 foyers et une autre réalisée plus récemment au Québec et à laquelle mon bureau a participé, révèlent que la moitié des gens qui déclarent avoir un fusil chez eux disent ne pas l'avoir utilisé au cours des 12 derniers mois. Par conséquent, il est possible que beaucoup de répondants se souviennent d'avoir un fusil quand on leur pose la question, mais ils ne l'ont peut-être pas utilisé depuis 15 ans.
Selon une enquête du coroner qui s'est déroulée au Québec, plusieurs cas de suicides ou de décès ont été commis à l'aide d'une arme à feu utilisée pour une première fois en 15 ans. Ces gens-là ne sont pas des criminels. Ils avaient tout simplement oublié. Quinze ans plus tôt, ils avaient acheté cette carabine .22 pour tuer un raton-laveur et puis, ils en oublient l'existence.
Ces gens-là devront faire un choix au moment de présenter leur demande d'autorisation. Ils devront se demander s'ils ont vraiment besoin de cette arme et, si c'est le cas, ils devront se plier aux critères. S'ils n'en ont pas besoin, ils pourront la vendre à un de leurs amis qui en a déjà 18 et qui sait vraiment comment entreposer les armes. De cette manière, ils se libéreront de cette responsabilité. S'ils veulent aller à la chasse une fois tous les deux ou trois ans, ils pourront toujours s'arranger avec lui. C'est un ami en qui on peut avoir confiance.
J'ai un ami comme cela. C'est pour cela que j'en parle. C'est toujours un plaisir d'aller à la chasse avec lui. Je ne tire par le gibier, mais j'aime marcher dans les bois. Je sais que c'est moins dangereux de marcher dans les bois que dans une maison où une arme à feu est mal entreposée.
M. Abbott (Kootenay-Est): Docteur Chapdelaine, il y a quatre points que je vais soulever d'entrée de jeu.
Tout d'abord, j'ai plutôt aimé la réponse que vous avez faite à M. Ramsay. Je pense que vous avez bien expliqué que nous n'avons aucune statistique rationnelle ou raisonnable qui nous permette de conclure que les dispositions du projet de loi C-17 ont bien ou mal fonctionné. Nous n'en avons aucune idée. C'est encore trop tôt. Nous nous empressons d'adopter une autre loi sans même savoir quels ont été les résultats du projet de loi C-17. Je suis ravi que vous ayez confirmé ce point de vue, car cela va dans le sens de ce qu'a déclaré le vérificateur général du Canada.
Deuxièmement, à la page 8, de la version anglaise de votre mémoire, à la rubrique 1, on peut lire ceci:
- À l'heure actuelle, il est impossible de savoir exactement combien et quel type d'armes de
chasse possèdent certaines personnes, ce qu'elles en font ni à quel endroit elles sont
entreposées, et encore moins de quelle manière elles sont entreposées.
Troisièmement, à la page 9, au troisième paragraphe, j'ai noté ceci:
- Le contrôle va de pair avec l'information. Le système d'enregistrement permet de contrôler de
manière efficace la circulation des fusils au Canada. La police ne peut lutter contre le trafic
d'armes que si elle est en mesure de faire la distinction entre les armes à feu appartenant à des
propriétaires légitimes et les armes à feu illégales.
Enfin, vous écrivez ceci:
- Actuellement, les armes importées au Canada ne sont pas enregistrées.
- Ensuite, vous poursuivez en déclarant:
- Par exemple, des vendeurs légitimes peuvent importer légalement des fusils et les vendre
illégalement.
Je vous pose la question parce que je suis le critique en matière de revenu et je sais que les douanes canadiennes ont mené, il y a cinq semaines environ, une opération réunissant 40 personnes avec hélicoptères et nécessitant huit heures supplémentaires, chez un marchand d'armes légitime pour inspecter des registres qui leur paraissaient suspects. J'ai du mal à penser qu'un vendeur légitime puisse acheter des armes importées et les revendre illégalement. Si vous connaissez un cas précis, j'aimerais en connaître les détails.
Voilà les quatre points que je vous soumets.
Dr Chapdelaine: J'aimerais répondre en français car c'est une question très complexe.
Vous avez soulevé un si grand nombre de points que j'aimerais vous demander de répéter le premier.
[Français]
Les deux questions de la contrebande et de l'importation et le fait de ne pas pouvoir retracer une arme sont liés à des préoccupations qu'on a eues au Québec, il y a quelque temps. Il y a eu un cas - je ne suis pas avocat ni juge - dans la région de Joliette, où effectivement un marchand légitime a déclaré des armes volées qui ont été retrouvées entre des mains criminelles. C'est passé devant le tribunal et il a été puni pour son acte, à ce que j'ai compris, mais je n'ai pas tellement suivi l'affaire. C'était une préoccupation qu'on pouvait avoir et que la police nous a expliquée comme étant un aspect du problème.
En ce qui a trait à la question de la contrebande, ce qu'on nous a expliqué, c'est que le nouveau système d'enregistrement permet d'enregistrer une arme et d'en lier la responsabilité dès le moment où elle passe la douane jusqu'à l'ultime utilisateur, jusqu'à son fils, etc. Chaque fois, la responsabilité est rattachée à quelqu'un.
C'est lié à un petit problème qui est apparu, il y a quelques mois, au Québec, mais qui aurait pu certainement arriver ailleurs aussi, où un container a disparu. Personne n'était responsable du container. Cela fait référence à autre chose.
La question de ne pas savoir comment les armes sont entreposées à domicile et votre première question qui a trait à la question des time series... c'est du ressort de l'épidémiologie et de la statistique... C'est pourquoi nous n'en avons pas parlé dans notre mémoire.
[Traduction]
Ce qui est important en santé publique, c'est de connaître les dénominateurs. Je suis certain que vous le verrez dans les notes. Est-ce que cela vous dit quelque chose? Lorsque vous définissez vos priorités, vous devez faire des choix, même dans un sujet comme celui qui nous occupe actuellement. Si vous voulez mettre l'accent sur l'éducation ou sur certains comportements que vous souhaitez modifier, vous devez savoir où vous vous en allez. Vous ne pouvez pas consacrer à la région de Québec le même montant qu'à la région de Rivière-du-Loup ou d'ailleurs.
Actuellement, nous avons des numérateurs. Nous connaissons le nombre de décès. Nous en connaissons la cause. Nous savons s'il s'agit d'un suicide ou d'un homicide. Nous connaissons les caractéristiques et les types de fusils. Nous savons beaucoup de choses sur les numérateurs, mais pas tout. Nous ne savons rien sur les dénominateurs dont nous avons besoin pour définir les priorités.
Voilà ce que je peux vous dire sur l'utilité du profil, la situation des choses, etc.
Quant à l'analyse des séries chronologiques, il est beaucoup trop tôt pour avoir des résultats. C'est vraiment dommage, parce que certaines analyses permettent, au bout de quelques années seulement, de savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Ces études nous incitent à nous méfier des personnes qui se font tout de suite une opinion dans ce genre de choses.
M. Abbott: Vous êtes capables de décider vous-mêmes ce que vous avez à dire, mais je vous ai demandé de confirmer ou d'infirmer la déclaration que j'ai faite. J'ai dit que, si l'on en croit un spécialiste des statistiques comme vous, il semble que les dispositions du projet de loi C-17 n'ont pas été efficaces. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus, car j'ai l'impression que nous nous précipitons pour adopter le projet de loi C-68 sans même savoir si les dispositions du C-17 ont été efficaces et si nous avons véritablement besoin d'un autre texte de loi. J'aimerais donc vous entendre confirmer ou infirmer ce point de vue.
Dr Chapdelaine: Je ne peux pas vous confirmer la chose car, comme vous le savez et comme mon titre l'indique, je faisais partie du Conseil consultatif canadien des armes à feu, comme Mme Thom et différentes autres personnes qui sont devenues des amis, notamment, en Alberta, Erv Heiman, le propriétaire de «Western Gun Parts Ltd.». C'est quelqu'un de très bien et un excellent armurier. Il m'a appris beaucoup de choses à propos des armes à feu au cours des trois années que nous avons passées ensemble.
À cette époque, nous avons examiné le projet de loi C-17 avant son dépôt. Nous avons également examiné les projets de loi au dépôt desquels M. Allmand a contribué en 1978. Il y avait certaines différences entre les deux, mais elles n'étaient pas énormes. Nous le savons, parce que nous avons une bonne analyse chronologique au sujet de la loi de 1978-1979. Il y a maintes preuves d'une différence entre - il y a deux ensembles de preuves. Si l'on fait une comparaison avec un autre pays, comme notre voisin du Sud, on voit que ses taux de décès atteignent tel niveau et les nôtres tel autre. L'analyse chronologique révèle aussi une différence.
Nous ne procédons donc pas à un examen du projet de loi C-68 à l'aveuglette, par manque d'information nous montrant quels éléments du projet de loi C-17 donnent ou non les résultats attendus.
Il y a également là un principe simple de santé publique, comme l'a expliqué le Dr Corber en réponse à la question de M. Ramsay. Il y a bien des choses comme l'enregistrement qui, même si l'on n'est pas très au courant, relèvent en grande partie du bon sens. Dans l'histoire de la santé publique, il y a beaucoup de choses qui ont été faites sans s'appuyer sur des preuves mais qui on néanmoins donné de bons résultats.
Un exemple typique date de 1854, lorsque l'épidémiologie a été inventée. Il y avait une épidémie du choléra à Londres. Le Dr John Snow était le médecin-hygiéniste de Londres à l'époque. Il a examiné qui tombait malade à cause de l'eau. Il ne connaissait rien des bactéries. Il ne connaissait rien des maladies transmises par l'eau. Il a néanmoins constaté que certaines personnes qui buvaient de l'eau prélevée en aval de Londres étaient malades alors que celles qui buvaient de l'eau prélevée en amont ne l'étaient pas ou l'étaient beaucoup moins. Il en a donc conclu qu'il se produisait quelque chose entre l'amont et l'aval et que cela était dû à des différences concernant l'origine de l'eau. Sans savoir à quoi était dû ce phénomène, puisqu'il ne savait rien des maladies transmises par l'eau, il a simplement retiré la poignée de la mauvaise pompe. Cela a mis un terme à l'épidémie. Il y a de nombreux exemples de ce genre.
Un autre exemple qui nous concerne de plus près est l'obligation de porter une ceinture de sécurité dans un véhicule à moteur. Au Québec, comme dans la plupart des provinces du Canada, lorsque nous avons commencé à sensibiliser la population, on a atteint une niveau d'utilisation de 40 p. 100 qui a ensuite stagné. Puis une loi est entrée en vigueur. Le chiffre a remonté un peu et a stagné à nouveau car la loi n'était guère appliquée. La police a alors commencé à s'en occuper. Maintenant, à Ottawa, j'ai vu ce matin dans le journal qu'il va y avoir un programme pour augmenter le taux d'utilisation et essayer d'atteindre 95 p. 100. Au Québec, nous en sommes déjà à 95 p. 100. Soit dit en passant, nous savons que si l'on réduit le risque de choc contre le pare-brise grâce à l'utilisation de la ceinture, on diminue le taux de blessures.
Il n'y a donc rien de magique là-dedans. Il faut sensibiliser la population, j'insiste là-dessus, mais des mesures législatives sont également nécessaires.
Il y aussi une nouvelle méthode, et c'est pourquoi j'ai parlé de Heiman, de la «Western Gun Ltd.» à Edmonton, en Alberta. Cette nouvelle méthode pourrait être extrêmement intéressante, mais nous ne sommes pas tout à fait prêts à l'adopter. Peut-être que dans dix ans, si vous êtes encore députés, vous pourrez essayer de la faire accepter. Il s'agit de rendre les armes à feu automatiquement sécuritaires. Il y a des dispositifs qui peuvent vous permettre d'enclencher un mécanisme de blocage au moyen d'une combinaison. Il y a moyen de faire en sorte que vous soyez le seul à pouvoir utiliser votre arme.
C'est très important pour les armes de grande valeur que l'on abîmerait en tirant à vide. Je ne sais pas si vous avez des armes à feu ou si vous les connaissez un peu, mais tirer une arme à vide peut parfois l'abîmer.
Il existe des moyens de modifier la technologie des armes à feu pour les rendre automatiquement moins dangereuses pour les enfants parce que ceux-ci n'ont pas la force nécessaire pour tirer sur la gâchette, tout en leur permettant d'être parfaitement utilisables par un adulte de notre âge. Cela pourrait régler plusieurs problèmes.
Je cite cela dans notre mémoire lorsqu'il est question de l'étude du «Government Accounting Office». C'est la citation 29; l'USGAO a étudié l'efficacité des modifications de la technologie des armes à feu.
Un jour, le Canada sera en mesure de dire qu'il n'entre dans notre pays aucune arme à feu qui ne soit pas sécuritaire, comme c'est le cas pour les automobiles, mais nous n'en sommes pas encore là.
Le président: Il a été dit à plusieurs reprises ce matin que l'on n'a pas eu le temps d'évaluer le projet de loi C-17. Je signalerai cependant que C-17 ne portait pas du tout sur l'enregistrement. Celui-ci a commencé en 1934 avec les armes de poing. À ma connaissance, comme nous avions un régime strict qui s'appliquait aux armes de poing au Canada, celles-ci étaient beaucoup moins souvent utilisées pour perpétrer des crimes qu'aux États-Unis; notre situation est donc bien différente de celle de ce pays. La plupart des meurtres commis chez nous l'étaient avec des armes d'épaule et non pas des armes de poing.
Nous avons donc beaucoup d'expérience pour ce qui est de l'application d'un vaste régime d'enregistrement. Nous ne devrions pas nous référer au projet de loi C-17 mais plutôt aux régimes d'enregistrement que nous avons eus au fil des ans.
En outre, l'autorisation d'acquisition d'armes à feu n'a pas fait son apparition avec le projet de loi C-17, mais en 1977. Nous avons eu pas mal d'années pour évaluer la délivrance de permis aux propriétaires et la capacité de ces derniers de contrôler leurs émotions, etc. - toutes ces questions reliées à cette autorisation. Ce que le projet de loi C-17 a apporté de nouveau était l'entreposage, ce qui n'a pas été évalué de façon satisfaisante. Le C-17 améliorait des AAAF en ajoutant les deux signataires, le délai de 30 jours et la photographie, mais le principe des AAAF date de 1977.
Je pense donc, docteur Chapdelaine, que vous avez déjà répondu à la question concernant les différences en ces différents projets de loi pour ce qui est de leur façon d'envisager le contrôle des armes à feu. Une simple évaluation du projet de loi C-17 ne vous fournirait aucun renseignement sur l'enregistrement parce qu'il n'y en est pas du tout question et vous n'y trouveriez rien non plus sur la délivrance de permis, même si ce projet de loi améliorait les AAAF.
Je ne sais pas si vous voulez commenter cela ou non. D'après la lecture de ces trois mémoires, vous nous dites que le problème clé est l'accès. Là où l'on a plus facilement accès à des armes à feu, là où elles sont plus disponibles, elles servent le plus souvent à commettre des crimes. Des gens qui sont en proie à une émotion forte, qui sont contrariées, déprimées ou je ne sais quoi et qui n'ont pas d'armes à feu à leur disposition peuvent faire des dégâts, mais pas les mêmes que s'ils utilisaient une arme.
N'est-ce pas là le coeur du problème? C'est ce qui ressort, selon moi, de ces trois mémoires. Là où il est plus facile d'avoir accès à des armes à feu, celles-ci serviront plus souvent à commettre des homicides, des crimes ou des suicides. Là où l'accès est plus difficile, il y aura peut-être des dégâts, mais pas aussi graves qu'avec des armes à feu.
En d'autres termes, je peux m'énerver beaucoup contre un gars qui accroche ma voiture à un carrefour, mais, si je n'ai pas d'armes, je sortirai peut-être et j'essaierai de lui donner un coup de poing dans la figure et il me frappera encore plus fort en retour, mais nous ne nous tuerons pas, alors que si nous avions des armes dans notre boîte à gants... J'ai lu que, à Détroit, deux personnes qui avaient eu une collision à un carrefour avaient des armes dans leur boîte à gants, elles sont sorties de leur voiture aussi enragées que je l'aurais été, mais elles se sont tirées dessus parce que des armes étaient à leur portée.
Voulez-vous nous faire part de votre réaction à mon commentaire, docteur Corber, et peut-être vous aussi, monsieur Therien?
M. Therien: L'une des choses figurant dans votre mémoire est que les armes à feu ne constituent pas seulement un problème criminel. La législation correspondante relève de la santé publique et a des répercussions sur la sécurité - le domaine qui nous intéresse - la santé mentale et la criminalité.
Dr Corber: Je suis d'accord avec vos commentaires. Pour les replacer dans votre optique, notre mémoire portait sur les aspects reliés à la santé et non pas à la criminalité, même s'il s'agit peut-être de la même chose.
Notre objectif n'est pas de limiter l'accès aux armes. Nous reconnaissons qu'il peut en exister des utilisations légitimes, mais celles-ci n'ont pas pour résultat des homicides, des suicides, des blessures et des accidents. Nous essayons de diminuer les possibilités de négligence et d'utilisation ou d'accès contre-indiqués. L'approche de ce projet de loi est la bonne. Il va tendre à rendre les gens plus responsables et à diminuer les cas d'accès contre-indiqué de façon à ce que les activités légitimes puissent se faire sans crainte de conséquences négatives.
M. Ramsay: Lorsque vous appuyez un projet de loi, comme vous le faites pour le C-68, il est impératif, et la responsabilité vous en incombe, de comprendre exactement ce que vous appuyez. Je comprends que vous vous intéressez au projet de loi C-68 et que vous l'appuyez à cause de votre préoccupation pour la santé publique et la sécurité. Il n'y a rien à redire à cela. Mais vous devez également comprendre les autres éléments de ce projet de loi que vous appuyez. Comme M. Wappel l'a si bien expliqué, il y a différents aspects de ce projet de loi que je ne pense pas que vous puissiez appuyer.
C'est mon seul commentaire. C'est le problème auquel nous sommes confrontés. Puis le problème ne se limite pas aux questions touchant la santé et la sécurité contenues dans ce projet de loi, il s'agit aussi de savoir si celui-ci porte atteinte aux droits et libertés des Canadiennes et des Canadiens et à la Loi sur la protection des renseignements personnels au cas où l'on consulterait les dossiers médicaux de 3 à 6 millions de propriétaires d'armes à feu pour déterminer s'ils devraient ou non être autorisés à en posséder. Il faut tenir compte de ces éléments-là. C'est juste un commentaire. Vous pouvez nous faire part de votre réaction si vous le jugez bon.
Voilà les problèmes auxquels notre comité est confronté. Au cours de réunions tenues dans l'ensemble du pays, j'ai parlé avec 36 000 ou 37 000 personnes représentant des points de vue différents. Elles se soucient autant de la santé et de la sécurité que vous. Elles se soucient autant que vous du bien-être de leurs enfants, et peut-être même plus. Je me soucie d'abord et avant tout de mon propre bien-être et de celui de mes enfants sur le plan de la santé et de la sécurité, et même plus que vous pour ce qui a trait à mes enfants. Je pense que c'est le cas de tout le monde.
Je dis donc aux gens de tout le pays que si nous pouvons diminuer l'utilisation criminelle des armes à feu, j'abandonnerai mon droit d'en posséder une. Je suis prêt à le faire et c'est ce que je leur dis, mais personne ne m'a expliqué comment on va atteindre ce résultat.
Vous rappelez-vous les commentaires que nous avons échangés il y a environ une heure et demie? Ma préoccupation est la suivante. C'est une question juste et raisonnable fondée sur le bon sens. On en retrouve l'expression dans les préoccupations exprimées par le vérificateur général dans son rapport de 1993 et dans l'excellent article de M. Bartlett sur un éventuel système de contrôle des armes à feu. Il s'agit simplement de la chose suivante. Pour ce qui est de la teneur du projet de loi C-17 en matière d'entreposage sécuritaire, pourquoi n'attendons-nous pas d'avoir des statistiques à ce sujet? Tant que nous ne saurons pas si les exigences du projet de loi C-17 en matière d'entreposage donnent des résultats, pourquoi présenter de nouvelles dispositions législatives? Le ministre de la Justice et d'autres ont dit que l'enregistrement améliorera l'entreposage et les possibilités d'application de la loi avant que nous sachions si cela est ou non nécessaire. Peut-être pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez.
Trouvez-vous normal que cet énorme projet de loi, et je ne vous reproche pas de ne pas savoir tout ce qu'il contient puisqu'il a plus de 120 pages... Pensez-vous que nous devrions adopter si rapidement ce projet de loi avant de laisser C-17 faire ses preuves en ce qui concerne l'entreposage sécuritaire des armes à feu, la violence familiale et le suicide comme vous l'avez expliqué si éloquemment ici aujourd'hui? Ne devrions-nous pas laisser le projet de loi C-17 faire ses preuves? Sinon, pourquoi même l'avoir présenté? Pourquoi n'a-t-on pas pris l'ensemble de ces mesures en même temps si les dispositions relatives à l'entreposage sécuritaire ne doivent pas être respectées ou ne donnent pas les résultats espérés?
Dr Chapdelaine: J'aimerais qu'on me laisse avoir le dernier mot, mais je vais intervenir très brièvement avant de laisser répondre également mon collègue, le docteur Corber.
Nous avons examiné le projet de loi et nous avons demandé à des gens qui s'y connaissent de le faire également, par exemple à des policiers qui doivent l'appliquer et à des juristes qui savent comment on rédige ce genre de choses. Je ne sais pas quelle sera la réaction du docteur Corber, mais nous n'avons pas l'impression que l'enregistrement soit quelque chose de très compliqué. De la façon dont le texte est rédigé, nous n'y voyons aucune ingérence. Les coûts nous paraissent raisonnables. Les exceptions relatives à certains groupes pour qui les armes à feu sont un moyen de subsistance... et ces gens sont très rares; il n'y en a pas beaucoup dans notre pays. Néanmoins, il est bon de les respecter, etc. Cela ne nous paraît donc pas quelque chose de très compliqué.
Quant à l'autre question, l'à-propos de cette mesure et la raison pour laquelle nous recommandons de l'adopter sans tarder - nous avons indiqué précisément «aussitôt que possible», as soon as possible - je ne voudrais pas que, dans 10 ans, nous n'ayons pas à faire comme pour le sang et à mettre sur pied une enquête concernant les armes à feu en disant que l'on connaissait le problème il y a 10 ans et que l'on n'a rien fait. Nous ne savons pas tout - si chaque fois que nous sortons de notre lit nous devions tout savoir, nous resterions toujours couchés - mais nous en savons assez pour dire qu'il est temps d'aller de l'avant.
Dr Corber: L'enregistrement est un élément fondamental de ce projet de loi. Je pense qu'il complète les autres mesures. En lui-même, il ne résoudra pas le problème. Il y a des éléments relatifs à la criminalité et à la formation et il y a de toute façon des gens irresponsables. Cela complète cependant utilement l'ensemble des dispositions relatives à l'entreposage sécuritaire et me paraît vraiment important.
En même temps que les autres mesures, cela permettra à la police de savoir plus sûrement où sont les armes à feu. Cela fournira des garanties de sécurité. Cela encouragera les gens à utiliser les armes de façon responsable et à comprendre combien c'est important. Les gens devront faire cet effort; or, je crois que c'est précisément ce que nous essayons de faire avec ce projet de loi, encourager les gens à utiliser des armes à feu de façon responsable. C'est un prolongement logique. Cela nous montre dans quelle sorte de pays nous voulons vivre et quel genre de valeurs nous voulons encourager; je crois que cela complète bien les autres mesures.
Je ne crois pas qu'il soit approprié d'adopter ce projet de loi maintenant en laissant cette partie-là de côté pour y revenir dans deux ans et recommencer tout ce débat. Je pense qu'il est bien établi que c'est un élément important qui fait actuellement défaut, ce qui empêche la police de faire son travail et n'amène pas les gens à prendre ces deux questions au sérieux, puisqu'il y a encore des accidents, des crimes et des décès. Je pense donc que c'est une question importante et que cela complétera les autres mesures.
[Français]
M. Saint-Onge: Monsieur le président, M. Ramsay a son point de vue et nous avons le nôtre. C'est une très belle interrogation qui nous porte à réfléchir.
Cependant, je ne pense pas que nous avions l'intention, en vous présentant ce mémoire, de ne pas respecter les droits et libertés. Ce qu'on vous dit, c'est de ne pas nécessairement prohiber les armes. Ce qu'on souhaite, c'est de responsabiliser les possesseurs de ces armes, afin de contrôler l'utilisation des armes.
À la fin de son intervention, puisqu'il pose la question d'une façon interrogative, il est urgent, à notre avis, de passer à la législation.
[Traduction]
Le président: Monsieur Therien, voulez-vous commenter cela?
M. Therien: M. Saint-Onge a exprimé sa crainte que nous ne précipitions l'étude de ce projet de loi. Je comprends cela. Je pourrais néanmoins dire également que, selon moi, le Conseil canadien de la sécurité est d'avis que si l'on examine les sondages, si l'on parle avec les Canadiennes et les Canadiens et si l'on voit l'attitude adoptée par les sept gouvernements provinciaux, on constate qu'ils sont en faveur de ce projet de loi. Ils ne l'appuient peut-être pas totalement, mais je pense que le tout est plus grand que la somme des parties.
Pour en revenir à ce que je disais au sujet des ceintures de sécurité, la loi correspondante est extrêmement bien respectée dans notre pays. Ce n'était pas le cas jusqu'à ces deux dernières années, parce qu'il y avait des exemptions. Les provinces en avaient accordées aux pompiers et aux policiers comme ces derniers le souhaitaient. Tout d'un coup, il n'y a plus d'exemptions et la loi est respectée par 95 p. 100 des gens dans certaines provinces et par plus de 90 p. 100 dans l'ensemble du pays.
Je ne peux tout simplement pas imaginer que la partie du projet de loi relative à l'enregistrement ne soit pas incluse ces deux fois-ci. Je pense que le tout est plus grand que la somme des parties et j'aimerais que ce texte reflète les désirs de la majorité de la population canadienne.
Mme Meredith: Cela s'applique non seulement à cette question, mais à beaucoup d'autres. Comme je n'ai pas habituellement l'occasion d'interroger des spécialistes de la santé au comité de la Justice, je vous demanderais si les améliorations apportées aux unités d'intervention rapide qui se rendent sur les lieux d'un accident ou même les progrès réalisés dans les unités de traumatologie permettent de sauver la vie de gens qui, autrefois, dans des circonstances analogues, auraient risqué de mourir. Si l'on compare les statistiques d'une période et celles d'une autre, est-ce que cela peut fausser des résultats?
Dr Corber: Je pense que, en ce qui concerne les accidents impliquant l'utilisation d'armes à feu, cela ne joue probablement pas un grand rôle.
Mme Meredith: Donnez-nous plus de précisions.
Dr Corber: Pour ce qui a trait plus particulièrement aux suicides, les chiffres sont encore très élevés. Je ne crois pas qu'ils vont diminuer.
Mme Meredith: Mais qu'en est-il des autres questions? Je voudrais élargir...
Le président: Nous allons entendre d'autres témoins, madame Meredith. Il y aura des spécialistes du suicide et d'autres témoins s'intéressant à cette question, vous aurez donc l'occasion...
Mme Meredith: C'est une question générale, car nous utilisons beaucoup les statistiques et je demande simplement à ces responsables de la santé...
Le président: Bon, il vous a donné une réponse.
Je suppose que si Mme Meredith ou quelqu'un d'autre veut encore vous poser des questions, nous pourrons vous téléphoner ou vous écrire avant l'examen article par article de ce projet de loi, qui aura lieu dans un mois.
Dr Corber: Je vous en prie.
Le président: Je vous présente à tous mes vifs remerciements.
La séance est levée.