[Enregistrement électronique]
Le lundi 15 mai 1995
[Traduction]
Le président: Mesdames et messieurs les membres du comité, les représentants du Ralliement national des Métis sont présents et nous avons leur mémoire. Les représentants de l'Assemblée des Premières nations ne sont pas encore arrivés mais je pense que nous devrions commencer par le groupe des Métis, après quoi nous entendrons les Premières nations. Je déclare la séance ouverte.
Nous poursuivons l'étude du projet de loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes. Se trouve dans la salle Gérald Morin, le président du Ralliement national des Métis.
Monsieur Morin, je vous demanderais de présenter les personnes qui vous accompagnent. Habituellement, nous demandons aux témoins de s'en tenir à une quinzaine de minutes pour présenter leurs déclarations d'ouverture. Nous avons reçu votre mémoire. Il a été distribué à tous les membres du comité. Vous pouvez en lire des passages si vous le souhaitez et si vous pensez que vous pouvez le lire en entier en 15 minutes, cela est également possible. Lorsque vous aurez fini, nous donnerons la parole à M. Mercredi, lorsqu'il arrivera. Nous vous poserons ensuite des questions à tous deux. Vous avez la parole monsieur Morin.
M. Gérald Morin (président du Ralliement national des Métis): Notre délégation comprend Christi Belcourt, membre de la Métis Nation of Ontario, et Michel et Sue Bertrand. Ces personnes vivent essentiellement de la chasse et de la trappe. Elles ont une ligne de trappe dans la région de Timmins.
En tant que président du Ralliement national des Métis, je suis heureux de pouvoir vous présenter la position de la Nation Métis au sujet du projet de loi fédérale sur le contrôle des armes à feu.
Le Ralliement national des Métis représente la Nation Métis, qui vient au deuxième rang pour ce qui est des populations autochtones au niveau national au Canada, et qui est composée d'assemblées provinciales qui représentent la Nation Métis aux niveaux local et régional en Ontario, au Manitoba, en Saskatchewan, en Alberta et en Colombie-Britannique.
La Nation Métis regroupe les Métis qui sont les descendants des Métis qui habitaient dans le passé dans les plaines et le Nord-Ouest. Les Métis du Canada ont une longue et brillante histoire. Les Métis ont joué un rôle essentiel dans le commerce des fourrures. Nos ancêtres ont ouvert les routes commerciales et ils vivaient de la chasse et de la trappe. Les Métis ont créé la province du Manitoba. C'est Louis Riel qui a travaillé à introduire le régime parlementaire et la démocratie dans l'Ouest.
Les Métis du Canada constituent un peuple unique qui possède les droits reconnus aux autochtones et qui ont le statut de peuple autochtone, comme l'a confirmé et reconnu la Loi constitutionnelle de 1982. En tant que peuple, nous nous trouvons dans la même situation sociale et économique que les autres peuples autochtones; ce qui veut dire que notre situation est très inférieure à celle de la population canadienne en général.
Nous ressentons encore les effets de la marginalisation sociale et économique des peuples autochtones du Canada. Il nous est toujours impossible de participer de façon juste et équitable à la société et à l'économie canadiennes. Cela provient des lois et de toute une série de règles, de politiques, d'attitudes et de réseaux informels que nous connaissons encore très mal.
La véritable question est celle de savoir si le gouvernement fédéral a le pouvoir d'adopter des lois pour réglementer la propriété et l'utilisation des armes à feu par les peuples autochtones. Nous nous opposons également à la création d'un régime de réglementation qui obligerait nos gens à obtenir des permis et à enregistrer leurs armes à feu.
Les mesures soumises à votre examen reposent sur l'hypothèse que l'octroi de permis aux propriétaires d'armes à feu et l'enregistrement de celles-ci vont réduire l'utilisation illégale des armes à feu et leur mauvais usage, ainsi que les morts et les blessures que causent les armes à feu à tous les Canadiens, y compris les peuples autochtones et les chasseurs qui viennent des États-Unis.
Examinez les résultats que l'on a obtenus avec la réglementation applicable aux propriétaires de véhicules et aux véhicules eux-mêmes. La délivrance de permis aux conducteurs et l'enregistrement des véhicules n'ont pas eu pour effet de réduire le taux des accidents et des décès découlant de l'utilisation des véhicules à moteur. Le gouvernement prétend-il que le fait de délivrer des permis aux propriétaires d'armes à feu et d'enregistrer celles-ci va réduire le mauvais usage qui est fait des armes à feu? L'objectif qui sous-tend certaines parties du projet de loi n'est pas tout à fait dénué d'intérêt, mais les dispositions étudiées ici soulèvent de nombreuses questions, en particulier lorsque l'on veut les appliquer aux peuples autochtones.
La réglementation et la criminalisation des activités traditionnelles que représentent la chasse et la trappe pour les peuples autochtones, ne sont certainement pas la solution.
Dans toute l'Amérique du Nord, on veut à tout prix réglementer la vie des peuples autochtones. Le fardeau que représentent les lois actuelles et projetées est très lourd pour notre peuple, en particulier si l'on tient compte de tous les règlements provinciaux, fédéraux et internationaux qui régissent nos vies ou qui ont un effet direct sur elles.
Les dispositions actuelles réglementent déjà notre mode de vie et violent nos droits d'autochtones lorsqu'elles exigent que l'on se procure des certificats d'acquisition d'armes à feu, des permis de chasse et d'autres documents. Si les Métis voulaient exercer leur droit de chasse sans se procurer de permis, ils seraient inculpés et obligés de payer une amende.
Les règlements européens ont déjà eu pour effet de supprimer l'industrie du phoque et ont détruit le mode de vie des Inuits.
En Europe, on se propose de réglementer l'industrie de la fourrure, ce qui menace le mode de vie des trappeurs et des communautés autochtones qui dépendent de l'industrie de la fourrure - une activité que les peuples autochtones ont toujours exercée et que les éleveurs de renards et de visons viennent concurrencer, à l'abri des effets négatifs de cette réglementation.
Les peuples autochtones n'ont pas été consultés et ce n'est pas parce que je me trouve ici aujourd'hui que l'on peut dire que mon peuple a été consulté au sujet de cette réglementation ou de ce projet de loi sur le contrôle des armes à feu. Ces attaques contre notre peuple portent vraiment atteinte à l'essence de notre société et au mode de vie que nous nous efforçons de conserver.
Le Ralliement national des Métis ne rejette pas tout de ce projet de loi, mais nous ne pouvons l'appuyer sous sa forme actuelle. Les dispositions du projet de loi C-68 en matière de permis et d'enregistrement vont imposer des fardeaux financiers et autres tout à fait inutiles à notre peuple et ne feront rien pour faciliter la réalisation des objets de ce projet de loi. Elles ne devraient pas être applicables à notre peuple.
Nous sommes d'accord avec l'intention générale de ce projet de loi et avec la plupart de ses dispositions, notamment celles qui traitent de la répression des crimes commis en utilisant des armes à feu, ce qui va dans le sens d'une réduction ou d'une suppression de l'usage illégal des armes à feu et des crimes violents commis à l'aide d'une arme à feu. Et nous ne nous opposons aucunement à la plupart des dispositions qui ont pour effet de modifier le Code criminel ou de créer une nouvelle loi sur les armes à feu, ce qui nous semble tout à fait suffisant pour atteindre les buts recherchés par ce projet de loi. Nous ne nous opposons pas au Code criminel.
Nous ne nous opposons pas à ce que l'on impose une peine d'emprisonnement automatique minimale de quatre ans et l'interdiction à vie de la possession d'une arme prohibée ou à autorisation restreinte pour ceux qui ont été déclarés coupables d'avoir commis avec une arme à feu une des dix infractions violentes énumérées. Nous ne nous opposons aucunement aux peines sévères qui viennent sanctionner l'importation ou le trafic illégal d'armes à feu, ni aux autres mesures qui visent à renforcer les contrôles exercés aux frontières. Nous ne nous opposons pas à l'interdiction de l'importation et de la vente des armes de poing de calibre .25 et .32 et de celles dont le canon est inférieur à 105 mm.
Nous n'aimons pas beaucoup les dispositions qui obligeraient les chasseurs américains à enregistrer leurs armes à feu et à se procurer un permis, pour les raisons que vous ont déjà fournies d'autres témoins qui ont comparu devant vous. Ces dispositions auront pour effet d'éloigner de nombreux chasseurs, qui auraient autrement utilisé des services qu'offrent les communautés métisses.
Compte tenu de l'objet de ce projet de loi, il y a de nombreux domaines où il serait préférable, d'après nous, de ne pas intervenir. Il nous semble lourd d'exiger que l'on obtienne un certificat d'enregistrement pour chaque arme à feu, pour un coût initial de 10$, et d'obtenir un permis d'arme à feu identifiant le propriétaire mais non les armes à feu dans un délai de cinq ans pour un coût supplémentaire initial de 10$. Rien ne semble justifier non plus le renouvellement des permis d'armes à feu tous les cinq ans à un coût de 60$.
Lorsque l'arme à feu est vendue ou cédée, elle doit être enregistrée au nom du nouveau propriétaire et cela coûte 10$. Nous avons une longue tradition de prêter, vendre, emprunter, partager et remettre nos armes à feu à un voisin, aux membres de la famille et à nos amis.
On prévoit que le coût de mise sur pied d'un tel système d'enregistrement, d'après les évaluations prudentes du gouvernement, serait de 85 millions de dollars. D'après d'autres évaluations, ce chiffre se situerait entre 500 millions et 1,5 milliard de dollars. Le fardeau d'administrer un système d'enregistrement aussi complexe va revenir aux provinces; les députés connaissent bien la position qu'ont adoptée un bon nombre de provinces.
Bien souvent, l'objet le plus coûteux que possède un Métis est une arme à feu. Cette arme à feu fait partie intégrante de notre mode de vie traditionnel et de notre droit à chasser pour nous nourrir. Les Métis se situent en bas de l'échelle des revenus. D'après le dernier recensement, le revenu moyen des Métis est de 16 164$, ce qui est inférieur de 33 p. 100 à la moyenne canadienne qui est de 24 000$. Près de 75 p. 100 des Métis avaient des revenus annuels inférieurs à 20 000$ en 1990. La faiblesse des revenus, des taux élevés de chômage et de dépendance face à l'aide sociale sont le lot commun de tous les peuples autochtones. Notre peuple n'a pas le moyen d'assumer le fardeau financier qu'imposerait ce projet de loi qui ne pourrait, au mieux, que donner un faux sentiment de sécurité aux Canadiens.
L'idée que les Métis qui n'observent pas ces dispositions seront criminalisés nous préoccupe beaucoup, sans compter qu'ils risquent d'être condamnés à payer des amendes pour ces violations et omissions. Cela revient en fait à nous punir parce que nous voulons continuer à vivre selon notre mode de vie traditionnel. Ce projet de loi est tout à fait contraire à l'engagement qu'a pris le gouvernement de travailler de concert avec les peuples autochtones pour améliorer leur situation économique et sociale, puisqu'il leur impose là des restrictions sur leurs activités traditionnelles de pêche et de trappe.
On n'a pas véritablement réussi à démontrer aux peuples autochtones et aux autres Canadiens que le système d'enregistrement proposé va réduire l'usage illégal des armes à feu ou le nombre des crimes de violence commis avec des armes à feu. Veuillez m'excuser mais je dois dire que je trouve inacceptable que le ministre de la Justice tente d'imposer un fardeau supplémentaire aux peuples autochtones et aux autres contribuables canadiens qui demandent que l'on mette un terme à la réglementation, aux dépenses et aux impôts tout à fait inutiles que décide le gouvernement, même lorsqu'il le fait dans des buts louables.
Les autres groupes autochtones partagent nos craintes vis-à-vis de ce projet de loi, parce que la plupart d'entre eux continuent de chasser pour se nourrir et ils continuent de le faire malgré l'accroissement massif des dispositions réglementaires et législatives dans ce domaine.
Compte tenu des obligations constitutionnelles et fiduciaires du gouvernement à l'endroit des peuples autochtones et des droits des autochtones, y compris le droit de chasser et le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, nous pensons que seuls les gouvernements et les communautés autochtones ont le pouvoir d'adopter et d'administrer des dispositions réglementaires concernant la propriété et l'usage des armes à feu.
Le ministre de la Justice a décidé de mettre sur pied un mécanisme de consultation pour que les peuples autochtones aient la possibilité de faire connaître leur avis et pour préciser les questions qu'il convient de régler. Nous n'avons pas suffisamment de moyens, il nous est impossible de consulter notre peuple, ce qui n'empêche peut-être pas les représentants de la justice de consulter certaines communautés autochtones. La plupart des communautés métisses et autochtones du Canada n'ont pas été consultées avant que l'on ne prépare ce projet de loi et elles ne participeront pas non plus à l'élaboration des règlements projetés.
Le gouvernement fédéral s'est engagé à mettre au point un processus de consultation plus globale pour la prise de décision qui touche directement le peuple métis mais il a violé l'obligation fiduciaire qu'il avait envers les Métis en présentant ce projet de loi sans avoir consulté au préalable ces derniers. Je ne vous surprendrai peut-être pas si je vous dis que les Métis ne s'attendent pas vraiment à ce que les représentants du ministère mettent en oeuvre les changements proposés par les peuples autochtones ou établissent des règlements qui conviennent à notre peuple. Cette façon de procéder est inacceptable. Nous avons été élus par notre peuple pour défendre nos intérêts et ce sont, d'après nous, les représentants élus du gouvernement autochtone qui devraient être chargés de procéder à des consultations au sujet de règlements qui touchent directement la vie des Métis.
Le projet de loi et le mécanisme de consultation des peuples autochtones ne respectent pas les droits des Métis à titre de peuple autochtone. Il faut nécessairement aménager notre participation directe à l'élaboration de ce projet de loi et des règlements qui touchent les droits de notre peuple.
Sous sa forme actuelle, le projet de loi sur le contrôle des armes à feu vient restreindre les droits que possèdent les peuples autochtones de chasser pour vivre - un droit que nous avons préservé pendant des générations. Ce projet de loi est manifestement contraire à l'engagement qu'a pris le gouvernement de donner effet aux droits inhérents à l'autonomie gouvernementale. Ce projet de loi constitue une violation flagrante et injustifiée des droits que reconnaît la Constitution aux peuples autochtones.
La façon dont les règlements qui s'appliquent à notre peuple ont été élaborés ne tient pas compte des obligations constitutionnelles et autres qui incombent au Canada à l'endroit des peuples autochtones. Au lieu de vouloir réglementer la vie des peuples autochtones et de violer leurs droits, il faudrait plutôt reconnaître les droits inhérents de ces peuples à l'autonomie gouvernementale et leur donner effet.
De plus, ce projet de loi est contraire à l'engagement qu'a pris le gouvernement de construire une nouvelle association avec les peuples autochtones qui serait fondée sur la confiance, le respect mutuel et la participation au processus de décision pour les questions qui nous touchent directement.
La réglementation des citoyens autochtones et de leurs armes à feu relève de droit des gouvernements et des communautés autochtones. Nous sommes tout à fait disposés à discuter, de gouvernement à gouvernement, de la nécessité d'adopter des dispositions législatives et réglementaires concernant l'usage des armes à feu par notre peuple. Nous ferons ce qui paraît nécessaire pour réglementer les armes à feu que possèdent les membres des communautés métisses.
C'est aux gouvernements et au peuple métis qu'il faut confier la tâche d'administrer les règlements qui touchent notre peuple. C'est la seule façon d'agir concrètement pour mettre en oeuvre les obligations du gouvernement fédéral et éviter la «marginalisation» qui a trop longtemps caractérisé les rapports entre le Canada et la Nation Métis.
Notre peuple doit jouer un rôle central à toutes les étapes du processus et non pas un simple rôle de consultation. Notre peuple et ses représentants élus doivent participer directement à l'élaboration des règlements et des mesures qui nous concernent et posséder une voix prépondérante dans ce domaine.
Tout comme le gouvernement fédéral, nos gouvernements sont en mesure de jouer un rôle important dans les consultations, l'élaboration des modifications et de règlements, l'administration du projet de loi, tel qu'il s'applique à notre peuple. Les représentants des gouvernements et des communautés autochtones ainsi que les organismes qui les représentent sont en mesure de participer à toutes les étapes du processus, pourvu qu'on leur accorde un appui suffisant.
En tant que représentant d'un peuple autochtone du Canada, je tiens à indiquer très clairement que nous n'appuierons que les lois et les règlements que les peuples autochtones sont prêts à accepter. Notre peuple n'est pas en faveur de ce projet de loi, tel qu'il est formulé actuellement.
C'est au Canada qu'il incombe de veiller à ce que l'on respecte les droits et libertés des peuples autochtones sans discrimination ou préjudice, et à ce qu'ils soient consultés de bonne foi, dans le but d'en arriver à un accord ou un consentement, chaque fois qu'une mesure administrative ou législative risque de nous toucher directement. C'est ce qu'énonce clairement la convention numéro 169 des Nations unies relative aux peuples indigènes et tribaux, qui a été adoptée par un vote majoritaire des délégués canadiens... mais que le Canada n'a pas encore ratifiée.
Le projet de loi et les règlements d'application vont directement toucher notre peuple et doivent être rédigés en collaboration avec les peuples autochtones du Canada qui doivent donner leur consentement au texte définitif. Cela reste encore à faire.
Enfin, nous ne demandons pas d'être exemptés de l'application du projet de loi sur les armes à feu. Le gouvernement du Canada assume une obligation fiduciaire à notre endroit et n'a pas le pouvoir de réglementer nos droits constitutionnels et autochtones. Pour des raisons d'ordre juridique et constitutionnel, ce projet de loi ne peut s'appliquer à la Nation Métis et ne s'appliquera pas à elle.
Les lois et les règlements relatifs au contrôle des armes à feu ne pourront s'appliquer à la Nation Métis que si elle y consent et notre nation n'y consentira que si c'est elle qui adopte ses propres lois et règlements dans ce domaine et qui en administre l'application à notre peuple et à nos collectivités. Il faudra, pour ce faire, recourir à nos processus internes d'adoption des lois ou en concluant des accords de cogestion avec les gouvernements fédéral et provinciaux. Le gouvernement fédéral s'est engagé à favoriser les accords de cogestion entre les peuples autochtones et les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et c'est donc cette dernière possibilité qui semble préférable.
Nous sommes disposés à déclencher, de concert avec les gouvernements fédéral et provinciaux, un processus qui viserait la mise en place de mesures de contrôle des armes à feu applicables à nos collectivités. Nous sommes prêts à négocier le contenu d'un régime de réglementation qui s'appliquerait à notre peuple et à nos collectivités.
Nous ne faisons qu'exercer nos droits. Nous ne pouvons renoncer à des droits et à des principes fondamentaux dans un domaine comme le contrôle des armes à feu.
Nous espérons que le comité étudiera notre position et que le gouvernement répondra aux demandes qui lui ont été faites.
Le président: Monsieur Morin, je vous demande de demeurer à cette table pour que vous puissiez répondre, plus tard, aux questions.
J'invite maintenant, à prendre place, le représentant de l'Assemblée des Premières nations, le chef national, Ovide Mercredi, qui peut inviter à le joindre, les conseillers et les collègues qu'il peut souhaiter.
Monsieur Mercredi.
M. Ovide Mercredi (chef national, Assemblée des Premières nations): [Inaudible - Transéditeur]
Le président: Ce groupe a terminé son exposé et nous vous avons invités ensemble, non pas pour que vous fassiez des commentaires sur les déclarations de l'autre mais pour que vous présentiez votre exposé, l'un après l'autre. En fait, j'allais vous demander de prendre la parole en premier mais, vous n'étiez pas là au début de la séance - ce que je ne critique aucunement - , c'est pourquoi nous avons commencé avec le Ralliement national des Métis. Nous vous demandons maintenant de nous présenter votre exposé et nous demanderons ensuite aux membres du comité de poser des questions à l'un ou l'autre d'entre vous.
Je crois savoir que l'on vous avait informés... Vous êtes ici tous les deux à titre individuel mais nous allons vous entendre ensemble parce que nous manquons de temps.
Le chef Mercredi: [Inaudible - Transéditeur]
Le président: Je crois savoir que vous avez été informés de cela. Vous êtes ici tous les deux à titre individuel mais nous allons vous entendre ensemble parce que nous manquons de temps.
Le chef Mercredi: [Inaudible - Transéditeur]
Le président: J'ai beaucoup de mal à entendre ce que vous dites.
Le chef Mercredi: [Inaudible - Transéditeur]
Le président: Cela est possible.
Le chef Mercredi: [Inaudible - Transéditeur]
Le président: Non. Les renseignements qui ont été fournis aux deux groupes par le comité - et en passant, je signalerais que nous avons procédé de cette façon avec plusieurs autres organismes - sont à l'effet que nous allons entendre deux groupes cet après-midi, tout comme nous avons entendu plusieurs groupes ce matin - de façon séparée. Nous avons déjà procédé plusieurs fois de cette façon. Je croyais savoir que le greffier avait informé l'Assemblée des Premières nations et le Ralliement national des Métis que nous allions entendre deux groupes cet après-midi.
Monsieur Morin, est-ce bien exact?
M. Morin: Non, ce n'est pas ce qu'on m'a dit. Je me pose des questions semblables parce que nous représentons la Nation Métis du Canada comme Ovide l'a fait très justement remarquer.
Le président: Je le sais.
M. Morin: Nous voulons présenter notre exposé séparément. Je pense que les Premières nations du Canada, que représente Ovide, ont également le droit d'être entendues séparément. Nous aimerions donc présenter notre exposé, passer à la période de questions, formuler des commentaires et terminer notre intervention devant le comité permanent. Vous pourrez alors ensuite entamer vos discussions avec les Premières nations.
Le président: Je vois. Nous ne voulions vraiment pas confondre vos deux groupes. Nous savons que vous représentez le Ralliement national des Métis et nous savons ce qu'est l'Assemblée des Premières nations.
Je présume qu'en ce qui vous concerne - comme cela s'est fait toutes les autres fois - on vous avait informés que vous seriez invités ici cet après-midi. Si cela n'a pas été fait, je vais devoir examiner la chose. Cela me surprend. Je pensais que vous étiez au courant.
En passant, je vous dirais qu'il n'y a aucune confusion dans ce cas. Nous savons que vous représentez les Métis et que M. Mercredi représente l'Assemblée des Premières nations. Nous manquons toutefois de temps et nous avons déjà procédé de cette façon plusieurs fois. Les chefs de police sont venus ici en même temps que l'Association des chefs de police, qui représente les hommes du rang et non pas les chefs. En fait, c'est un syndicat qui s'oppose souvent aux chefs.
Madame Torsney, pour un rappel au Règlement.
Mme Torsney (Burlington): Je voudrais préciser certaines choses, plusieurs provinces ont comparu ensemble. Nous avons également eu des groupes différents, comme les Pourvoyeurs des Territoires du Nord-Ouest qui ont comparu avec un autre groupe provenant d'une autre région du Canada, qui représentaient leurs propres associations, des gens qui sont venus et ont présenté leurs exposés l'un après l'autre. Nous avons dirigé nos questions vers eux. Il n'y avait aucune confusion au sujet du groupe auquel nous parlions.
[Français]
M. de Savoye (Portneuf): Monsieur le président, avec tout le respect que je vous dois, je crois que le fait de mettre des gens ensemble ou de ne pas les mettre enemble ne changera rien à la qualité des travaux que nous pouvons accomplir. Étant donné les circonstances, puisque les témoins sont vraiment les personnes importantes pour notre Comité, ce sont eux qui nous informent, je recommande que nous procédions comme ils le suggèrent, puisqu'ils se sentiront plus à l'aise de cette façon.
Le président: Je n'ai aucune objection à cette suggestion, mais je dois vous rappeler - peut-être que vous n'étiez pas là, mais les représentants de votre parti étaient présents quand nous avons décidé de poursuivre selon cette façon de procéder.
Je peux procéder de la manière que vous suggérez, mais nous avons jusqu'à 15h30. Peut-être pouvons-nous laisser les Métis poursuivre jusqu'à 16h30 et entendre par la suite l'Assemblée des Premières Nations pour une période déterminée. Nous aurons donc une période de questions limitée.
En général, avec ces panels, nous posons nos questions aux deux groupes. Je pensais que notre greffier avait bien informé les deux groupes de cela, mais M. Morin dit que non, et il semble que M. Mercredi ait dit non aussi. Je ne comprend pas pourquoi.
[Traduction]
Nous verrons cela de plus près. M. Morin tout comme M. Mercredi ont déclaré qu'ils n'étaient pas au courant que l'on allait utiliser cette façon de procéder. Il faudra faire enquête. Ce n'est pas moi qui m'occupe personnellement de négocier ces choses ou de prendre ces dispositions.
Nous pourrions les entendre l'un après l'autre mais nous n'aurons pas beaucoup de temps pour les questions. Les deux groupes pourront ainsi présenter séparément leurs exposés mais nous n'aurons pas autant de temps pour les questions.
M. Gagnon (Bonaventure - Îles-de-la-Madeleine): Il serait peut-être préférable de donner satisfaction aux deux groupes en question, le Ralliement national des Métis et l'Assemblée des Premières nations. Nous devrions laisser chaque groupe faire son exposé et les interroger séparément. Nous devrions peut-être accéder à leur demande et nous pourrons peut-être nous rattraper en siégeant un peu plus longtemps ce soir.
Le président: Nous ne pourrons prolonger la séance parce que nous avons d'autres réunions ce soir et nous avons un vote à prendre. Nous avions prévu une séance de 15h30 à 17h30 mais cela est encore possible. Si tout le monde est d'accord, nous allons poser des questions à M. Morin et nous entendrons M. Mercredi à 16h30.
Nous ferons dans ce cas un seul tour de questions.
[Français]
M. de Savoye: Monsieur Morin et ceux qui vous accompagnent, j'ai pris connaissance de votre mémoire avec intérêt. Vous comprendrez que, comme député du Bloc Québécois, je suis très sensible à vos représentations par lesquelles vous exprimez votre volonté de légiférer vous-même en toutes matières incluant la législation concernant le contrôle des armes à feu.
Par ailleurs, avant d'aborder les difficultés que vous relevez, j'aimerais peut-être m'informer plus avant. Voyez-vous, mon ancêtre s'était établi dans les Territoires du Nord-Ouest à l'époque et a connu Louis Riel, mais moi, je ne suis pas familier avec votre quotidien. Aussi, quoi que je sache que chez les autres résidants du Canada, il y a de la violence qui est reliée à l'usage des armes à feu, j'aimerais savoir si dans la nation Métis il y a de la violence reliée aux armes à feu et, si oui, est-ce que vous pouvez m'instruire à ce sujet? Peut-être en même temps pourriez-vous m'instruire de vos coutumes face à l'usage des armes à feu et au passage des armes à feu entre les vivants et entre les générations?
[Traduction]
M. Morin: Il arrive, chez nous comme ailleurs, qu'on utilise des armes à feu dans la perpétration d'infractions et il y a aussi les accidents causés par des armes à feu. Nous ne sommes pas très différents du reste de la société. Je crois que nous avons mentionné dans notre exposé que nous étions favorables à certaines dispositions du projet de loi et nous avons précisé quelles étaient ces dispositions. Nous serions même prêts à entreprendre des discussions sur la façon dont on pourrait renforcer ces dispositions ou même en ajouter d'autres, et à parler de toute la question du contrôle des armes à feu pour empêcher la mauvaise utilisation des armes à feu ou leur usage pour la perpétration d'infractions.
C'est là l'essentiel de notre exposé. Nous voyons mal comment un système d'enregistrement et de permis d'armes à feu pourrait empêcher ce genre d'accidents et l'usage des armes à feu par les criminels. Nous appuyons les articles de ce projet qui vont dans ce sens mais non pas le système d'enregistrement et de permis que l'on souhaite mettre sur pied.
Pour ce qui est de la cession d'armes à feu, vous avez signalé un aspect très intéressant. Traditionnellement, dans les collectivités Métis, le fusil est peut-être la possession la plus précieuse que puisse avoir une famille. On ne s'en sert pas uniquement comme un objet qui permet de chasser et de se nourrir, de poser des pièges et de faire vivre la famille...le fusil est aussi un objet qui est important en soi. C'est habituellement une chose à laquelle nous attachons beaucoup de valeur. Lorsque les membres d'une génération commencent à prendre de l'âge, ils remettent habituellement leurs armes à feu à ceux de la génération qui les suivent ou à des personnes de leur famille ou à des amis et des voisins. C'est un aspect important de notre tradition. Même si l'arme en question n'a plus aucune utilité pour ce qui est de la chasse et du piégeage, on la garde quand même dans la famille parce que cela indique que ce fusil était une partie importante de notre tradition et qu'il a appartenu à quelqu'un de notre famille, un de nos ancêtres. C'est un aspect important de nos traditions et c'est pourquoi ce projet nous préoccupe vivement.
Ce projet de loi a une portée très large lorsqu'il s'agit de la cession des armes à feu. Comme vous le savez bien sûr, le propriétaire de l'arme doit aviser les autorités du fait qu'il a cédé son arme. Et bien entendu, la personne qui devient propriétaire de l'arme à feu doit également enregistrer l'arme encore une fois.
La cession d'armes à feu est une pratique courante chez nous - qu'il s'agisse de dons, de prêts ou de vente d'armes à feu à d'autres. Cette obligation d'enregistrer les armes une nouvelle fois m'inquiète beaucoup. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de Métis qui soient prêts à faire ces démarches. Il y en a beaucoup qui ne comprendront pas très bien la loi. Il y en a beaucoup que les lois et les documents officiels intimident.
Il ne faut pas non plus oublier que l'analphabétisme est une réalité dans nos collectivités. Je ne pense pas que vous devriez automatiquement penser que les Métis ont tous des diplômes universitaires ou qu'ils savent tous lire et écrire. Il y a beaucoup de Métis qui ne savent ni lire ni écrire. Il y en a beaucoup, comme je l'ai dit, que les documents officiels intimident et qui renonceront à les remplir; ils ne respecteront pas les exigences en matière d'enregistrement en cas de cession d'armes à feu. Cela va soulever de graves problèmes dans nos collectivités. Comme je l'ai dit, nous allons devenir des criminels parce que nous n'aurons pas respecté la loi.
Je tiens à vous signaler que dans votre document d'information sur le contrôle des armes à feu qui a été préparé par le ministère de la Justice, il est indiqué que le fait de céder des armes à feu à l'intérieur du pays sans enregistrer l'opération et respecter les procédures à suivre constitue une infraction passible d'une peine d'emprisonnement minimale d'un an... si elle est poursuivie par voie de mise en accusation. C'est quand même assez grave pour quelqu'un qui n'a pas fait grand-chose pour violer cette loi mais qui, à cause de sa culture et de sa tradition - la plupart de nos gens ne lisent pas très souvent les lois et les règlements et ils ont même parfois du mal à lire et à écrire ou ils sont tout simplement perdus lorsqu'ils doivent examiner des documents officiels - va se trouver à violer la loi et donc à être passible d'un emprisonnement d'un an.
Je tiens également à signaler que l'enregistrement et les permis constituent des éléments importants du projet de loi mais que d'un autre côté, cela donne également à l'État le pouvoir de nous interdire d'utiliser des armes à feu. Cette disposition et l'infraction établie pour défaut d'enregistrer une arme à feu à la suite d'une cession en sont un bon exemple. Le projet de loi donne aux tribunaux le pouvoir d'interdire au contrevenant d'être propriétaire d'une arme à feu pendant une période pouvant aller jusqu'à dix ans. Même s'il n'y a pas de peine d'emprisonnement, lorsque des gens vivent du piégeage et de la chasse et qu'ils ne respectent pas les exigences en matière d'enregistrement en cas de cession, cette dernière étant un élément important de nos traditions et de notre culture, on peut leur interdire d'utiliser des armes à feu pendant dix ans et leur refuser ainsi le droit de conserver leur culture, leur mode de vie et leurs moyens de subsistance.
[Français]
Mr. de Savoye: Monsieur Morin et monsieur le président, je vous remercie.
[Traduction]
M. Ramsay (Crowfoot): En bas de la page 4 de votre exposé, à l'avant-dernier paragraphe, vous dites:
Le gouvernement fédéral s'est engagé à mettre sur pied un processus de consultation pour toutes les décisions qui touchent directement les Métis mais il a violé l'obligation fiduciaire qu'il avait envers les Métis en présentant ce projet de loi sans avoir consulté au préalable les Métis.
À quel type de consultation le ministre de la Justice ou le ministère de la Justice aurait-il dû, d'après vous, procéder avant de présenter le projet de loi C-68 à la Chambre des communes, de façon à respecter cette obligation fiduciaire?
Je note que le projet de loi contient une disposition qui donne au gouvernement fédéral le pouvoir de consulter les peuples autochtones en vue d'adopter des règlements qui soient adaptés aux peuples et aux collectivités autochtones. Mais il est bien évident que cela ne suffit pas puisque le cadre législatif sera déjà en place. En adoptant des règlements, le Cabinet ne peut certainement pas outrepasser une loi adoptée par le Parlement du Canada.
Le cadre législatif tel que proposé pose donc un problème fondamental. Si le gouvernement fédéral avait voulu s'acquitter de ses obligatios fiduciaires et respecter les engagements qu'il avait pris dans le Livre rouge de nous consulter chaque fois qu'il faudrait prendre des mesures qui nous touchent directement, il aurait dû mettre sur pied un processus de consultation des peuples autochtones du Canada et de la Nation Métis sur le projet de loi qu'il avait l'intention de présenter. C'est ce qu'il aurait fallu faire il y a longtemps. Mais cela n'a jamais été fait.
Je note également dans ce document dont je viens de vous parler qu'en Saskatchewan par exemple, ils énumèrent les organisations qu'ils ont consultées au sujet de ce projet de loi ou de la question du contrôle des armes à feu. La Nation Métis de la Saskatchewan y figure. J'étais à l'époque président de la Nation Métis de la Saskatchewan. Nous avons envoyé un représentant dans un hôtel du centre de Saskatoon à une réunion où se trouvaient déjà quelque 150 autres groupes et fonctionnaires. Le ministre de la Justice a pris place à la table et nous a parlé pendant environ deux minutes. Voilà comment on a consulté la Nation Métis de la Saskatchewan. C'est bien évidemment un genre de consultation tout à fait insuffisant.
De notre point de vue, je pense qu'il va falloir repenser tout cela avant que le projet de loi ne soit présenté une dernière fois et n'entre en vigueur. Il faudrait procéder à des consultations majeures avec les peuples autochtones au sujet de la question du contrôle des armes à feu. Ce n'est pas ce qui s'est produit.
M. Ramsay: Le ministre de la Justice nous a affirmé, tout comme l'a fait le sous-ministre adjoint, qu'ils ont tenu des consultations et que celles-ci se poursuivent. Pouvez-vous indiquer au comité comment vous avez été consultés et à quel genre de consultations l'on procède actuellement?
M. Morin: Comme je l'ai dit, dans la plupart des cas, les Métis n'ont jamais été consultés et dans d'autres, ils l'ont été de façon très limitée. Je viens de vous décrire, à titre d'exemple, comment se sont déroulées les consultations avec la Nation Métis de la Saskatchewan. Il existe de nombreuses associations provinciales de Métis qui n'ont jamais été consultées. Le Ralliement national des Métis n'a pas été consulté. Il est donc possible d'affirmer qu'il n'y a pratiquement eu aucune consultation de la Nation Métis au sujet de ce projet de loi ni sur celui du contrôle des armes à feu.
M. Ramsay: Que pensez-vous des affirmations selon lesquelles il y a eu des consultations?
M. Morin: Je vous dirais que ces consultations ont été extrêmement limitées.
M. Ramsay: Pensez-vous que ces consultations respectent les obligations juridiques du ministère fédéral de la Justice?
M. Morin: Non, loin de là.
M. Ramsay: Sur quoi vous basez-vous pour faire cette affirmation?
M. Morin: Le gouvernement fédéral a une obligation constitutionnelle et fiduciaire de consulter les peuples métis et les autochtones au sujet des mesures qui ont un effet direct et important sur la vie de nos peuples. Cette responsabilité incombe au Canada.
Il y a aussi l'aspect politique puisqu'ils se sont engagés dans le Livre rouge où ils ont dit - et c'est ce que j'ai mentionné dans mon exposé - qu'ils s'engageaient à construire un nouveau partenariat avec les peuples autochtones, partenariat qui serait fondé sur la confiance, le respect mutuel et la participation à la prise de décision concernant des domaines qui touchent directement notre façon de vivre. Franchement, j'ai du mal à imaginer un sujet qui toucherait plus directement le mode de vie de notre peuple qu'un projet de loi qui a un effet important et négatif sur la chasse, la pêche, le piégeage et l'exploitation de la nature.
M. Ramsay: N'est-il pas possible que vous ayez exagéré quelque peu lorsque vous avez parlé de deux minutes. Cette consultation à Saskatoon a peut-être duré une demi-heure. Est-ce que cela ne respecterait pas l'obligation fiduciaire qui incombe au gouvernement fédéral dans ce domaine?
M. Morin: Non. Je maintiens ce que j'ai dit, mais même si elle avait duré une demi-heure, ce serait encore tout à fait insuffisant. Notre peuple possède des structures de représentation aux niveaux national provincial, régional et local. Il existe plusieurs communautés métisses différentes au Canada. Notre peuple vit dans des régions rurales du Canada et dans des collectivités isolées dans les centres urbains.
Il est pratiquement impossible de dire qu'on a consulté qui que ce soit chez nous. Notre peuple n'a été aucunement consulté au sujet du contrôle des armes à feu.
Pour ce qui est de la consultation, nous avons la présente discussion et on a pris 15 minutes de notre temps devant le comité permanent pour savoir qui allait présenter son exposé et quand. C'est pourquoi je signale dans l'exposé que pour la Nation Métis, le fait de passer une heure et demie en votre compagnie, de vous présenter un exposé, d'entamer un dialogue avec vous, qui êtes chargés de revoir le contrôle des armes à feu, cela ne constitue pas de la véritable consultation.
M. Ramsay: J'aimerais aborder deux autres sujets dans le temps qui nous reste. Dans quelle mesure est-ce que les Métis respectent à l'heure actuelle les exigences relatives aux autorisations d'acquisition d'armes à feu?
M. Morin: Pour être tout à fait franc avec vous, je dirais que je n'en sais rien. C'est un des sujets qui a été soulevé par d'autres témoins; il semble n'exister aucune évaluation objective de l'efficacité des mesures de contrôle des armes à feu qui sont en place actuellement. Nous ne disposons donc d'aucune information concrète qui nous permette de savoir si ces mesures sont efficaces ou non. Je n'en sais rien moi-même. Nous n'avons donc pas ces renseignements.
M. Ramsay: J'aurais une dernière question. Aux termes de l'article 5 du projet de loi C-68, le contrôleur des armes à feu et ses représentants vont être amenés à procéder à un certain nombre de vérifications pour traiter les demandes des personnes qui souhaitent obtenir leur permis de posséder une arme à feu. Cela veut dire une vérification du casier judiciaire, des actes de violence, des infractions aux termes de la Loi sur le contrôle des stupéfiants et d'autres lois. Ils doivent tenir compte des problèmes de santé mentale de l'auteur de la demande. Il faudra également faire une enquête dans le voisinage pour savoir si cette personne a déjà manifesté de la violence.
J'ai posé cette question aux pourvoyeurs et aux guides. Quel est le nombre de vos membres qui se verront refuser la délivrance d'un permis à la suite de ces vérifications?
M. Morin: Vous soulevez là une question fort intéressante. J'examinais le projet de loi et cela me préoccupait. J'étais déjà préoccupé au départ mais après avoir examiné ce projet, je le suis davantage. C'est un autre document législatif fédéral qui accorde aux ministres de la Justice fédéral et provinciaux le pouvoir de nommer des personnes qui peuvent exercer des pouvoirs judiciaires et légaux. Au lieu d'avoir affaire avec les policiers et les agents de conservation, avec lesquels les relations ne sont pas toujours faciles, en particulier sur le terrain - il y a eu beaucoup de confrontations entre les Métis et ces agents - vous ajoutez un autre agent appelé «contrôleur des armes à feu». Le ministre provincial de la Justice nommera un contrôleur pour chaque province et le minstre fédéral un contrôleur pour les territoires ou les régions d'une province.
Le poste de contrôleur des armes à feu me préoccupe beaucoup, parce que lorsque j'ai analysé le projet de loi... On lui attribue des pouvoirs très larges; et des pouvoirs discrétionnaires très vastes avec ce projet de loi. Je n'ai pas besoin de vous amener des piles de rapports et de documents pour vous faire connaître la triste et terrible histoire de la façon dont le système de justice pénale a traité notre peuple. Tout cela est connu et prouvé et je pense que nous devons tous en prendre note.
On vient maintenant - c'est du moins ce que je comprends - ajouter un autre niveau et une autre organisation au système de justice pénale, ce qui aura pour effet d'en étendre le domaine, alors que ce système est mauvais d'après les Métis. On ajoute un agent qui va disposer de pouvoirs incroyables et qui je le crains va se prendre pour le Bon Dieu. Je soupçonne déjà que la plupart contrôleurs des armes à feu et des directeurs ne seront pas des autochtones. Un bon nombre d'entre eux ne le seront pas. Ils vont avoir des pouvoirs discrétionnaires très vastes.
L'article 5, dont vous avez parlé, en est un excellent exemple. Tout d'abord, l'article 5 énonce que ce contrôleur devra déterminer si la personne qui demande le permis y a droit aux termes de l'article 736 du Code criminel. Le contrôleur va donc devoir déterminer que la personne qui demande le permis n'a pas commis certaines infractions au Code criminel. C'est la première condition.
La deuxième est de déterminer si la personne a une maladie mentale quelconque. Cet article me préoccupe énormément. Si quelqu'un a des difficultés dans son mariage et est allé voir un conseiller conjugal, dans une clinique ou un établissement quelconque, cela signifie-t-il qu'on donne l'autorité au contrôleur des armes à feu de dire que cette personne n'est pas mentalement stable et qu'il va, par conséquent, lui refuser un permis? Cela lui donne des pouvoirs énormes.
Une disposition qui est encore plus vaste et qui est pour moi un fourre-tout est l'alinéa 5.(1)c) qui dit essentiellement que le contrôleur des armes à feu peut refuser un permis si l'historique du comportement du demandeur attire la menace, la tentative ou l'usage de violence contre lui-même ou autrui. Le projet de loi forme un tout. Une des choses que j'ai apprise à l'école de droit est qu'une loi est la somme de ses parties.
Essentiellement, les demandes seront envoyées au contrôleur des armes à feu. En vertu de l'article 53, on dit également que le contrôleur des armes à feu peut exiger du demandeur tout renseignement supplémentaire normalement utile pour lui permettre de déterminer si celui-ci répond aux critères d'admissibilité au permis ou à l'autorisation. C'est une formulation très vaste. Cela signifie essentiellement qu'il peut vous demander n'importe quoi.
Cela donne des pouvoirs considérables aux contrôleurs des armes à feu, et le paragraphe 53.(2) précise que, sans que le présent paragraphe ait pour effet de restreindre le champ des vérifications pouvant être menées sur une demande de permis, le contrôleur des armes à feu peut procéder à une enquête pour déterminer si le demandeur peut être titulaire du permis prévu à l'article 5 et, à cette fin, interroger des voisins de celui-ci, des travailleurs communautaires, des travailleurs sociaux, toute personne qui travaille ou habite avec lui, son conjoint, un ex-conjoint, des membres de sa famille ou toute personne qu'il juge susceptible de lui communiquer des renseignements pertinents.
On énumère un certain nombre de gens auxquels les contrôleurs d'armes à feu pourraient parler mais cela leur donne, en fait, le pouvoir de parler à qui ils veulent. Ce qui me préoccupe, c'est qu'en vertu de l'alinéa 5.(2)c), sur l'historique du comportement de violence ou de tentative ou d'usage de violence, le contrôleur des armes à feu peut dire qu'il a parlé à cinq personnes et qu'une d'entre elles se rappelle, en effet, qu'un jour où vous preniez de la bière ensemble, la personne a tenté de lui donner un coup ou quelque chose du genre.
Comme je l'ai dit, notre expérience du système de justice pénale a été très négative. Bon nombre des gens - agents de police, agents de conservation et maintenant vos contrôleurs des armes à feu - auront toute la discrétion voulue pour nous refuser un permis. Cela me préoccupe énormément car, en vertu du texte de loi, le contrôleur des armes à feu et le directeur ont le pouvor de refuser un permis ou un enregistrement ainsi que le pouvoir de révoquer ce permis et cet enregistrement.
L'ensemble du texte de loi me préoccupe énormément. Je doute fort que beaucoup d'entre nous deviennent des contrôleurs d'armes à feu. Cela fera partie du système de justice pénale. Ce seront des agents de police, par exemple, qui pourront entrer dans nos maisons et inspecter tout ce qu'ils voudront, saisiront des armes, des documents ou n'importe quoi, sans mandat de perquisition. Cela m'inquiète beaucoup.
Les gens qui sont à Ottawa et dans certains grands centres urbains du pays vous diront que nous avons la Charte des droits. Mais la réalité, pour ceux d'entre nous qui ont grandi dans la dure réalité de nos communautés, c'est que la Charte des droits ne veut pas dire grand-chose.
On nous a dit, par exemple, que les agents de police n'ont plus le pouvoir de vous arrêter, à moins qu'ils aient des motifs raisonnables et probables de croire que vous avez commis une infraction, que vous commettez une infraction ou que vous êtes sur le point d'en commettre une. Vous pouvez vous rendre dans de nombreuses communautés autochtones ou dans des grands centres urbains dans lesquels il y a une forte concentration d'autochtones, où les agents de police ne s'en préoccupent pas. Ils vont vous arrêter si vous vous conduisez aussi bien que possible et respectez et observez la loi normalement. Ils n'ont aucun égard pour la Charte des droits.
Ce qui m'inquiète dans le fait de donner autant de pouvoir aux agents de police, dans le cadre de ce projet de loi, c'est que cela peut entraîner des abus de pouvoir. Les agents vont être en mesure d'entrer dans n'importe quelle maison et de saisir nos armes et des documents. Je pense malheureusement que c'est un nouvel élément au système de justice pénale et un traitement injuste des nôtres.
Le président: Monsieur Morin, vous avez absolument raison lorsque vous dites qu'un exposé devant le comité ne constitue pas une consultation entre le gouvernement et le groupe qui témoigne. Nous sommes un comité parlementaire, c'est-à-dire un élément de l'organe législatif du gouvernement du Canada. Nous ne sommes pas le gouvernement, c'est-à-dire l'organe exécutif ou administratif. Par conséquent, ceci n'est pas... c'est une occasion pour vous d'exprimer votre point de vue au comité parlementaire, mais cela n'est pas considéré généralement comme une consultation.
M. Gallaway (Sarnia-Lambton): Ma question portera d'abord sur toute cette question de l'obligation fiduciaire. Vous ne prétendez pas, je suppose, que cette obligation découle de l'application des traités. Je parle d'un traité entre les gens que vous représentez et le gouvernement du Canada. Est-ce exact?
M. Morin: Ce n'est pas une question facile. Certains Métis et certains chefs métis soutiennent effectivement que les traités ont été conclus entre les Nations Métis et le gouvernement du Canada. C'est tout un nouveau débat, mais ils affirmeraient qu'en vertu de ces traités, la Couronne fédérale a des obligations fiduciaires envers les Métis.
M. Gallaway: Dans ce cas, peut-on dire qu'en général les obligations fiduciaires qui existent effectivement, dont vous affirmez qu'elles existent, entre le gouvernement et les Métis, découlent de la Constitution, ou est-ce du cas Sparrow, qui interprète effectivement la Constitution?
M. Morin: Les deux résultent des rapports traditionnels entre les peuples autochtones, y compris les Métis, et le gouvernement du Canada, et avant cela, le gouvernement du Royaume-Uni. Je pense que c'est en raison de ces rapports traditionnels, des doctrines de la common law, de la loi constitutionnelle, de la Proclamation royale de 1763, que les tribunaux ont statué que le gouvernement fédéral a une responsabilité fiduciaire à l'égard des peuples autochtones du Canada. L'article 35 renforce et confirme cela. Le cas Sparrow, sur lequel la Cour suprême du Canada a statué, l'a également confirmé.
M. Gallaway: Compte tenu de cette obligation fiduciaire et du fait que vous avez étudié le droit, pourriez-vous expliquer ce que vous considérez comme étant une consultation.
M. Morin: Il est difficile de dire exactement sous quelle forme ou comment ces consultations se manifesteraient, mais je pense qu'il faut tenir compte de nos principes. En principe, en raison des responsabilités constitutionnelles et fiduciaires du gouvernement fédéral, il doit y avoir des consultations approfondies, importantes et complètes avec les peuples autochtones du Canada. Nous avons des représentants à de nombreux niveaux. Il y a des représentants au niveau national, au niveau provincial et dans les régions. Il y a des représentants métis également dans nos communautés.
Nous ne pouvons pas parler dans le vide. Nous devons parler dans le contexte de ces responsabilités dont nous avons parlé, les engagements à l'égard de la mise en oeuvre du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Nos gouvernements métis se sont dotés de structures démocaratiques depuis très longtemps. Elles sont bien établies.
Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux doivent discuter en profondeur de la question du contrôle des armes à feu avec les représentants légitimes de la Nation Métis. Si le gouvernement va adopter le contrôle des armes à feu, et si nous y consentons... il faut que cela soit déterminé au moyen de consultations, car on peut dire qu'actuellement, ce consentement n'existe pas. Je pense qu'il faut également des discussions sur ce qui est de compétence fédérale ou provinciale ou de la compétence des gouvernemetns autochtones.
Au cours de la dernière semaine, vous avez évidemment entendu parler de ce document secret dont le Ottawa Citizen a réussi à obtenir copie. Bien qu'il soit inadéquat, à notre avis, et que nous ne soyons pas d'accord avec le document - ce qui est une tout autre question - j'aimerais attirer l'attention du comité permanent sur certains aspects de ce projet de document sur l'autonomie gouvernementale.
Simplement pour illustrer mon propos, je vais parler des deux premiers articles de la partie I de ce cadre stratégique. On y précise:
Le gouvernement fédéral reconnaît le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale comme un droit autochtone existant au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Le droit inhérent peut trouver également son expression dans les traités. Cette reconnaissance est fondée sur l'opinion que les peuples autochtones du Canada ont le droit de se gouverner eux-mêmes pour tout ce qui a trait aux questions internes et faisant partie intégrante de leurs cultures, leurs identités, leurs traditions, leurs langues et leurs institutions et tout ce qui porte sur leurs rapports particuliers avec leurs terres.
Comme je l'ai dit au sujet de la question particulière du contrôle des armes à feu et du fait que cela pourrait nier à notre peuple le droit de vivre de la terre, du piégeage et de la chasse, je ne vois rien qui fasse plus partie intégrante de notre vie que cette question.
M. Gallaway: Vous dites qu'il doit y avoir des consultations - et vous avez également parlé d'autonomie gouvernementale; seriez-vous d'accord avec moi pour dire que si votre nation n'est pas d'accord, les consultations deviennent un concept vide de sens? Vous avez énoncé dans votre mémoire:
Les lois et les règlements sur le contrôle des armes à feu ne s'appliqueront à la Nation Métis que si nous y consentons, et cela ne se produira que si la Nation Métis adopte ses propres lois et règlements sur le contrôle des armes à feu et administre leur application à notre peuple et à nos collectivités.
La consultation implique davantage qu'une simple discussion, ou peut-être qu'un processus élargi de discussions. À votre avis, le gouvernement du Canada ne peut pas adopter de lois, que ce soit sur le contrôle des armes à feu ou autre chose, à moins que vous, en tant que Premières nations autonomes, y consentez. Est-ce exact?
M. Morin: Nous sommes une Nation Métis autonome. Vous devez en tenir compte, étant donné le contexte politique, et en particulier l'histoire récente du Canada. Moi-même et d'autres ont participé aux discussions de Charlottetown. Pour nous, l'important dans cette affaire a été que pour la première fois dans l'histoire du Canada, tous les gouvernements ont reconnu le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et l'ont confirmé.
Depuis lors, nous avons eu deux conférences annuelles des premiers ministres au cours desquelles ceux-ci ont unanimement réaffirmé leur soutien au droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, leur conviction que ce concept existe et que c'est un droit constitutionnel réel. Le gouvernement libéral fédéral a adopté cette position dans son Livre rouge. Il l'a confirmée dans le discours du Trône, et nous sommes censés être déjà bien avancés dans la mise en oeuvre du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.
Nous ne pouvons pas tout faire du jour au lendemain, mais les questions qui sont au coeur de nos sociétés et qui font partie intégrante de notre style de vie, comme la chasse, le piégeage et le fait de vivre de la terre, sont des questions auxquelles nous accordions la priorité dans ce genre de discussions. Il devrait donc y avoir des discussions très intenses et approfondies avec les représentants autochtones et métis, les gouvernements métis et les gouvernements fédéral et provinciaux. Surtout, ces discussions devraient traiter de la question de savoir comment les mesures de contrôle des armes à feu s'appliqueront à notre peuple. C'est pourquoi nous disons que cela ne peut pas s'appliquer puisque cette loi frappe au coeur de nos sociétés et de nos communautés.
Il faudrait plutôt que l'on nous soutienne et que l'on travaille avec nous pour mettre en place nos propres lois, règlements et directives concernant le contrôle des armes à feu, pour traiter de la question de la criminalité et des décès accidentels dans nos communautés et de toute la question des accords de cogestion. Il serait normal que les gouvernements fédéral et provinciaux concluent des accords de cogestion. Dans le cadre de l'autonomie gouvernementale, les accords de cogestion seraient conclus avec nous en tant que Nation Métis.
M. Gallaway: J'aimerais éclaircir un point. Si des consultations ont lieu et qu'il y ait une forme d'autonomie gouvernementale et que vous, en tant que Première nation, ne soyez pas d'accord avec une loi adoptée par le gouvernement du Canada - parce qu'à votre avis, elle empiète sur votre style de vie - êtes-vous en train de dire qu'il s'agit d'une protection contre l'adoption des lois fédérales; que vous êtes d'une façon ou d'une autre exemptés. Vous vous protégez contre elles?
M. Morin: Il faut faire attention. En ce qui concerne les lois et les règlements qui vont avoir des incidences graves sur quelque chose qui fait partie intégrante de notre façon de vivre et qui vont avoir une incidence extrêmement négative, comme cette Loi sur le contrôle des armes à feu telle que nous la voyons, et si nos communautés ne vont pas l'accepter, quant à nous, cela ne doit pas, ne peut pas s'appliquer et ne s'appliquera pas. Ce n'est pas seulement la Loi constitutionnelle et un droit de notre peuple, c'est la réalité.
Je suppose que si vous souhaitez mettre à l'épreuve cette réalité, vous pouvez adopter ce texte de loi et commencer à mettre encore plus de nos gens en prison. Mais ce ne sera pas la solution.
Le président: Monsieur Morin, je tiens à vous remercier ainsi que le Ralliement national des Métis d'avoir comparu ici aujourd'hui. Je peux vous assurer que votre point de vue sera très sérieusement pris en compte par le comité. Mais nous ne sommes pas le gouvernement. Nous sommes un comité parlementaire. Nous devons aborder le texte de loi une fois que nous aurons entendu tous les témoins, et nous adopterons, rejetterons ou modifierons les articles à la suite des audiences.
Merci beaucoup.
Je vais maintenant demander à l'Assemblée des Premières nations de venir témoigner. L'Assemblée des Premières nations est représentée par le chef national, M. Ovide Mercredi. Comme je l'ai déjà dit, M. Mercredi peut demander à tous les conseillers qu'il souhaite de l'accompagner à la table.
Si vous avez un mémoire, vous pouvez le lire mais vous n'êtes pas obligé. Si vous ne voulez pas lire le mémoire, nous le publierons en entier pour le compte rendu et bien entendu, il sera distribué à tous les membres pour qu'ils puissent le lire.
Donc, monsieur Mercredi, je vous donne la parole et vous demande de présenter les personnes qui vous accompagnent. Nous avons une heure. La réunion plénière est prévue de 15h30 à 17h30, nous pouvons donc aller jusqu'à 17h30. Nous espérons avoir suffisamment de temps pour les questions et un échange de vues.
Le chef Mercredi: Merci, monsieur le président. Nous vous avons remis une copie de notre mémoire qui a été traduite en français.
Ma délégation comprend le chef Bill Erasmus, de la Nation Déné; le vice-chef Allan Adam de la Fédération des Indiens de Saskatchewan; Gord Peters, qui est le chef national de l'Ontario, et notre conseiller juridique, John Briggs. John Dantouze nous accompagne également.
Monsieur le président, je propose de lire notre mémoire puis de passer la parole à mes collègues qui feront leurs observations liminaires pour leurs secteurs respectifs. Nous essayerons de respecter les 15 minutes que vous nous avez accordées.
Le président: Très bien. Vous avez la parole.
Le chef Mercredi: Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée de comparaître aujourd'hui devant votre comité au nom des Premières nations du Canada.
Malheureusement, bon nombre des Premières nations et leurs représentants n'ont pas eu le droit de comparaître devant le comité permanent. C'est tout à fait inacceptable. Refuser aux Premières nations le souhait d'être entendues sur un projet de loi qui va avoir une incidence importante sur leurs droits fondamentaux est un déni de justice fondamentale.
Les Premières nations que je représente comprennent à la fois les Premières nations liées par un traité et celles qui jusqu'à présent n'ont jamais conclu de traité avec le Canada. Toutes les Premières nations du Canada bénéficient de droits de chasse. Beaucoup d'autres ont également conclu des traités avec le Canada qui garantissent précisément l'exercice de leurs droits de chasse sans ingérence de la part du Canada. Ces droits autochtones et issus de traités font maintenant partie de la Constitution du Canada et sont protégés par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Nous avançons que certaines dispositions du projet de loi C-68, tel qu'il est actuellement formulé, empiètent sérieusement sur l'exercice des droits autochtones et issus de traités, et en tant que telles, sont inconstitutionnelles dans la mesure où elles touchent les Premières nations.
Monsieur le président, membres du comité, j'aimerais dès maintenant être très clair sur plusieurs sujets importants.
Premièrement, les Premières nations du Canada, tout comme la majorité des Canadiens, cherchent à réduire l'incidence des crimes violents et à améliorer la sécurité de leurs collectivités. Par conséquent, nous soutenons bon nombre des grands objectifs sous-jacents à ce projet de loi.
Deuxièmement, les Premières nations ne s'opposent pas à toutes les dispositions du projet de loi C-68. En fait, la plupart des peuples des Premières nations, tout comme la plupart des Canadiens, appuient les dispositions qui visent à réprimer la contrebande des armes à feu, à limiter les armes paramilitaires et à prolonger les peines minimums obligatoires pour les personnes reconnues coupables d'avoir utilisé une arme à feu lors d'une infraction. Ce sont des problèmes qui nous concernent tous, et dans la mesure où le projet de loi C-68 traite de ces problèmes, les Premières nations l'appuient.
Le troisième point sur lequel j'aimerais insister dès le début de mon exposé est que les Premières nations du Canada, contrairement aux autres groupes de Canadiens, ont des droits uniques, des droits qui sont reconnus et protégés par la Constitution du Canada. En tant que parlementaires, vous avez la responsabilité particulière de faire respecter la Constitution de notre pays et de faire en sorte que le Canada honore ses obligations à l'égard des Premières nations.
Comme je l'ai déjà indiqué, la position des Premières nations est que certaines dispositions du projet de loi C-68 représentent une ingérence injustifiable à l'égard des droits de chasse autochtones et issus de traités, protégés par la Constitution. Je parle ici notamment des exigences en matière de permis et d'enregistrement qui s'appliquent aux carabines et aux fusils, et les dispositions connexes portant sur l'entreposage, le prêt, la manipulation et les perquisitions et saisies des armes à feu.
Nous croyons que ces dispositions du projet de loi C-68 ne survivraient pas à une contestation devant les tribunaux de la part des Premières nations, pour les raisons suivantes.
Premièrement, pour ce qui est des droits de chasse issus de traités, ces droits ne peuvent être modifiés qu'avec le consentement des Premières nations en cause et non par une loi fédérale unilatérale. Le projet de loi C-68 interfère tellement avec le droit de chasse issu de traités qu'il constitue en fait un déni de ces droits. Cette ingérence est contraire à la reconnaissance constitutionnelle et à la protection offertes par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
Deuxièmement, pour ce qui est des droits de chasse autochtones, le projet de loi ne répond pas aux critères de justification établis par la Cour suprême du Canada dans le cas Sparrow. Plus particulièrement, le gouvernement n'a pas consulté suffisamment les Premières nations au sujet de ce projet de loi.
D'autre part, les dispositions du projet de loi C-68 portant sur les permis et l'enregistrement des carabines et des fusils, plutôt que de limiter l'empiètement sur les droits de chasse autochtones, créent en fait une ingérence considérable à l'égard de l'exercice de ces droits.
Monsieur le président, il ne fait aucun doute que ce projet de loi empiéterait sur nos droits autochtones issus de traités. D'autre part, nous croyons que certains éléments du projet de loi C-68 sont nettement inconstitutionnels. Ce qui est en jeu ici pour les Premières nations n'est pas simplement une question de principes abstraits ou théoriques. Ce qui est en jeu, c'est l'héritage des peuples que je représente, et pour bon nombre d'entre eux, leur culture et leur mode de vie.
Il est important de noter que la majorité des peuples des Premières nations vivant sur les réserves habitent dans les régions rurales ou éloignées. Il y a également quelque 50 000 à 60 000 chasseurs et pêcheurs des Premières nations pour lesquels la chasse est à la fois un aspect essentiel de leur culture et une activité économique vitale et essentielle pour subvenir à leurs propres besoins et ceux de leurs familles.
Les dispositions du projet de loi C-68 sur les permis et l'enregistrement imposeront des difficultées indues à ces peuples des Premières nations. Ces dispositions traitent essentiellement de la réalité des Canadiens urbains du Sud et non de la réalité des communautés des Premières nations qui vivent dans les régions éloignées du Nord, pour lesquelles la chasse, le piégeage et la pêche sont une activité essentielle à leur survie.
Monsieur le président, nos peuples n'utilisent pas d'armes à feu pour chasser l'orignal. Nos peuples n'utilisent pas de fusils d'assaut pour chasser l'oie. Nos peuples utilisent les carabines et les fusils pour mettre de la nourriture sur la table. C'est ce qu'ils ont toujours fait bien avant la Confédération.
La chasse est beaucoup plus importante pour la culture et le style de vie des Premières nations que cela ne l'est pour les non autochtones. Les méthodes de chasse des Premières nations sont également très différentes. Par exemple, les peuples des Premières nations partagent le produit de leur chasse avec tous les membres de la communauté. Ils se prêtent également facilement leurs outils de chasse, c'est-à-dire les armes et les munitions, entre membres d'une même famille, entre amis et voisins. Contrairement à l'enfant urbain du sud, les jeunes des Premières nations sont traditionnellement formés dès leur plus jeune âge pour pouvoir se servir d'armes à feu en toute sécurité.
Un autre exemple, c'est que dans de nombreuses communautés du Nord, pendant les mois d'hiver, nous n'entreposons pas les armes à feu à l'intérieur des huttes de chasse, sinon elles risqueraient de ne pas bien fonctionner à cause du gel et de la condensation.
La plupart des communautés des Premières nations du Nord ne possèdent pas le genre d'entrepôt sûr que propose le projet de loi et elles n'ont pas non plus accès à l'équipement photographique leur permettant de respecter les exigences concernant les permis. Il n'existe pas encore de cours sur l'utilisation sécuritaire des armes à feu dans les langues des Premières nations, et bon nombre des membres des Premières nations ne lisent ni l'anglais ni le français.
Le projet de loi C-68 ne tient pas compte des réalités concrètes que vivent bon nombre des peuples que je représente. Ce projet de loi imposera un système complexe et lourd d'octroi des permis et d'enregistrement aux peuples des Premières nations, malgré les nombreux assurances du ministre de la Justice qui prétend que le système sera convivial. Pour les Premières nations, il n'y a rien de convivial ni dans le système ni dans son application.
Ce projet de loi prévoit plusieurs pénalités, même pour une première infraction. Comme le chef Ignace Gull de la Première nation Attawapiskat l'a dit récemment dans un article qui a paru dans le Globe and Mail le 1er mai 1995, les lois vont faire de nos gens des criminels alors qu'ils ne le sont pas.
Le chef Gull a ajouté:
J'ai enseigné à mes quatre fils, dès l'âge de cinq ans, comment se servir d'un fusil et d'une carabine. C'est ce que tout le monde fait et, maintenant, à 60 ou 65 ans, un homme qui a chassé toute sa vie, doit soudain prendre un cours sur ce qu'est l'utilisation sécuritaire d'une arme à feu. Cela n'a aucun sens. Cela n'a aucun sens qu'un homme âgé qui a manipulé des armes à feu en toute sécurité pendant toute sa vie.
L'article se poursuit ainsi:
Les changements proposés aux lois sur le contrôle des armes à feu rendront l'achat, l'entreposage et l'enregistrement des armes à feu encore plus compliqués, onéreux et éventuellement punitifs qu'elles ne le sont déjà. En vertu du projet de loi, le fait de donner une simple cartouche à une personne ne détenant pas de permis pourrait entraîner une peine d'emprisonnement obligatoire d'un an à la fois pour le donneur et le destinataire.
Le chef Gull a dit que par tradition et pour des raisons économiques, les gens d'Attawapiskat continuent de prêter ou d'acheter des armes à feu de gens qui ne possèdent pas un certificat de détention d'une arme à feu. Les deux sont des infractions criminelles passibles d'un emprisonnement allant jusqu'à cinq ans. Est-il juste que des gens qui ont exercé légalement toute leur vie leur droit de chasse autochtone et issu de traité deviennent des criminels simplement en continuant de faire ce qu'ils ont toujours fait et doivent faire d'ailleurs par nécessité économique?
Compte tenu de la sévérité des peines, de la complexité du système et des réalités des communautés du nord et des communautés éloignées, le gouvernement va-t-il fournir les ressources nécessaires pour faciliter la mise en oeuvre de la loi? Va-t-il fournir l'équipement photographique, les formateurs en matière de sécurité et le matériel de formation nécessaire dans les langues des Premières nations? Ces ressources vont-elles être fournies en temps opportun et en nombre suffisant pour qu'aucun des membres des Premières nations ne se voie refuser son droit de chasse simplement par ce qu'il ne peut pas se conformer, parce qu'il ne peut pas faire autrement, aux exigences imposées par cette loi?
Les dispositions du projet de loi sur les permis et l'enregistrement imposent à des coûts réels sur nos peuples simplement parce qu'ils exercent leurs droits autochtones et issus de traité. Cela revient en fait à imposer une taxe sur l'exercice de nos droits, ce qui totalement inacceptable.
Monsieur le président, en novembre dernier, lorsque le ministre de la Justice a annoncé à la Chambre les plans du gouvernement concernant le contrôle des armes à feu, son ministère a publié un document intitulé «Information contractuelle sur le contrôle des armes à feu». Le document reconnaît que de nombreux peuples autochtones bénéficient de droits autochtones issus de traité afin de pratiquer la chasse et le piégeage.
Malheureusement, ni les droits autochtones issus de traités et protégés par la Constitution ni nos valeurs culturelles et traditionnelles ne sont pris en compte par ce projet de loi.
En outre, bien que le gouvernement fédéral ait déclaré à maintes reprises qu'il reconnaissait aux Premières nations le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, rien de cela ne transparaît dans le projet de loi C-68.
J'avais pourtant bien insisté auprès du ministre de la Justice pour qu'il consulte sérieusement les Premières nations avant de présenter le projet de loi C-68. Or, des consultations fort limitées n'ont été entreprises qu'il y a quelques semaines à peine. Cette façon de tenir des consultations après coup ne saurait faciliter l'établissement de nouvelles relations fondées sur la confiance et le respect mutuels avec les Premières nations, ce que le gouvernement a pourtant promis lors de la dernière campagne électorale.
En résumé, monsieur le président, l'Assemblée des Premières nations estime que les permis pour les carabines et fusils de chasse, leur enregistrement et toutes les autres obligations imposées sont inconstitutionnels parce qu'ils portent atteinte aux droits ancestraux et issus de traités des Premières nations que garantit la Constitution et que cette violation ne saurait être justifiée en vertu de l'article premier. Cette loi crée inutilement des difficultés aux peuples des communautés septentrionales et isolées. En définitive, certaines dispositions du projet de loi sont tout simplement impossibles à appliquer parce qu'elles ne tiennent pas compte des conditions de vie dans ces communautés.
En conséquence, l'Assemblée des Premières nations recommande que le projet de loi C-68 soit amendé en exemptant expressément les peuples des Premières nations, vu leurs droits ancestraux et issus de traités, de l'application des dispositions relatives à l'enregistrement et à l'entreposage des carabines, fusils de chasse et munitions, ainsi qu'aux permis les concernant.
L'Assemblée des Premières nations recommande en outre que le comité recommande à tout le moins au Parlement que les permis, l'enregistrement et les autres obligations concernant les carabines et fusils de chasse ne s'appliquent aux Premières nations qu'une fois le projet de loi amendé de manière à respecter les droits ancestraux et issus de traités que garantit la Constitution, à la suite de consultations conduites en bonne et due forme auprès des Premières nations.
Enfin, nous demandons au Parlement, par l'entremise de votre comité, de simplement se conformer à la Constitution canadienne et de s'assurer que le Canada honore ses obligations envers les Premières nations.
Je demanderai maintenant à mon collègue, le chef Allan Adam, de présenter l'exposé de la Fédération des Indiens de la Saskatchewan.
Le chef Allan Adam (Federation of Saskatchewan Indian Nations): Merci, chef Ovide Merdredi, chef de la Nation indienne.
Monsieur le président, membres du Comité permanent...
[Le témoin parle dans sa langue autochtone]
C'était une simple introduction pour me présenter, vous dire d'où je viens et ce que je fais. Évidemment, vous n'avez pas compris un mot de ce que je vous ai dit. Je fais exprès pour vous montrer que notre peuple ne comprend pas les lois que vous adoptez, mais qu'il obligé d'appliquer dans ses communautés. Nous avons une pile de documentation sur des lois que comprennent mal ceux qu'elles sont censé gouverner, alors même qu'elles doivent imposer en quelque sorte l'ordre public.
Je vais vous donner quelques renseignements sur l'accord de 5$ conclue entre nos Premières nations et la Couronne. Ce chiffre est tiré des traités avec les Indiens des Prairies qui ont été signés il y a 100 ou 125 ans. On y garantit aux peuples des Premières nations...
...que vous pourrez continuer à vivre comme vous avez toujours vécu. Ce que je vous ai offert ne doit pas vous enlever votre subsistance. Vous pourrez continuer comme par le passé, car ce que je vous offre vient s'y ajouter.
Je continue à vous lire des extraits:
L'essentiel du message que je vous livre de la part de la Reine, c'est que nous désirons vous aider dans l'avenir. Nous ne voulons pas vous priver de vos moyens actuels de subsistance. Nous ne voulons pas vous priver de votre liberté. Nous voulons que vous ayez une maison où vos enfants pourront apprendre à élever leurs enfants et les enfants de leurs enfants...
Comprenez-moi bien. Je ne veux pas vous empêcher de chasser et de pêcher. Je veux que vous continuiez à vivre dans ce pays comme vous l'avez toujours fait. Vous voulez avoir la liberté de continuer à chasser comme avant. Je le répète, nous ne voulons pas vous priver de vos moyens de subsistance. Vous pourrez continuer comme par le passé. Évidemment, si un homme, Indien ou de sang-mêlé, a un beau champ de grain, vous n'allez pas y chasser et le détruire.
On leur a donc proposé de continuer à vivre comme avant «tant que l'herbe poussera et que la rivière coulera». Nous avons encore ces 5$, symbole d'un contrat qui lie les deux nations.
Les extraits que j'ai cités sont tirés de The Treaties of Canada with the Indians de l'honorable Alexander Morris.
On peut lire encore;
Sa Majesté convient également avec sesdits Indiens qu'ils auront le droit de continuer leurs activités de chasse et de pêche sur tout le territoire ci-devant décrit qui leur est cédé.
Voilà qui résume en fait le traité que mes ancêtres ont signé: la possibilité de continuer à vivre comme ils l'avaient toujours fait et de poursuivre leurs activités, tant que le soleil brillera, que les rivières couleront et que l'herbe poussera.
Depuis la signature de ce traité, bien des lunes ont passé. Chaque jour un nouveau soleil se lève et se couche à l'horizon. Notre peuple vit des changements qu'il n'accepte pas toujours. Nous sommes ici parce que nous sommes fermement convaincus que notre droit de chasser comme nous l'avons toujours fait est protégé par les traités. Pourtant, on veut saper encore un peu nos droits.
Les membres des Premières nations ont travaillé très fort - et je veux dire vraiment très fort - pour avoir le droit d'utiliser les mousquets qu'ils avaient obtenus des marchands. Certains ont dû travailler pendant deux ou trois ans pour accumuler assez de peaux de castor pour avoir une pile qui serait aussi haute que le mousquet. C'était le travail de deux ou trois années pour acquérir le droit de mieux faire vivre leur famille.
C'était il y a longtemps. Près de 200 ans plus tard, la boucle se referme, mais on enfreint nos droits différemment. Ce ne sont plus les peaux de castor qu'il nous faut empiler, mais la paperasse qui doit être aussi haute que les carabines que nous utilisons.
Quand cela cessera-t-il? Comment puis-je expliquer à un ancien de Black Lake, en Saskatchewan, qui ne connaît aucune autre façon de vivre que celle que lui ont enseignée ses grands-parents, son père et sa mère, et qu'il espère enseigner aux jeunes, qu'il devra expliquer les lois et tous ces papiers en même temps qu'il léguera ses connaissances et sa sagesse. Il devra expliquer toutes ces lois l'obligeant à posséder un bout de papier, pour lequel il a fallu payer, si l'on veut avoir le droit de porter une arme à feu, de s'en servir, de la prêter, etc. En fait, quand on explique aux Anciens tout ce qu'implique la loi, ils se sentent pris en otage.
L'un des Anciens a eu une image juste pour décrire ce sentiment. Il a dit que les mesures gouvernementales les plongent au fond d'une tasse d'où il leur semble impossible de sortir malgré tous leurs efforts. Plus on tente de faire valoir nos droits, plus la tasse est profonde.
Ça, c'est être franc et honnête. Je dois féliciter le chef national pour la manière dont il a traité de la constitutionnalité du projet de loi et de l'incidence que toutes ces lois ont sur nous.
En terminant, je veux vous rappeler notre entente de 5$ avec la Couronne. Nous avons tenu notre parole, c'est à la Couronne d'honorer la sienne. [Le chef Adam parle dans sa langue]
Le chef Mercredi: Je demanderais maintenant au grand chef Bill Erasmus de présenter l'exposé de la nation Déné.
Le chef Bill Erasmus (nation Déné): Je veux remercier le président et les membres du comité de nous avoir permis de venir les rencontrer.
Les membres de la nation Déné espéraient avoir plus de temps pour s'entretenir avec vous. Nous vous avons écrit pour demander qu'une journée entière soit réservée aux peuples des Premières nations. J'ignore si l'on vous a transmis le message qui était adressé au président.
Je voulais vous faire comprendre la relation que nous croyons avoir avec ce pays. Comme l'a dit le chef national Mercredi, c'est une relation qui est unique. Je ne peux vous en parler que comme je la comprends, c'est-à-dire du point de vue des Dénés.
Dans le Nord, nous avons conclu deux traités: le Traité no. 8 et le Traité no. 11. Le premier date du tournant du siècle, vers 1899-1900, au moment de la ruée vers l'or au Yukon puisque les gens devaient traverser notre territoire pour se rendre là-bas. Le second traité date de 1921, quand on a découvert du pétrole dans les environs de Norman Wells. Vous savez sans doute que ce champ pétrolifère est encore exploité aujourd'hui.
Je soutiens que les gens ne se sont pas trop soucié de nous jusqu'à ce qu'ils cherchent à obtenir nos ressources. Ils ont alors été obligés de conclure un traité à cause de la proclamation royale selon laquelle il fallait obtenir notre autorisation pour venir sur notre territoire.
C'est ainsi que nous avons conclu deux traités. Il faut alors se demander ce que ces documents signifient. Selon nous, ces traités sont toujours en vigueur et nous faisons ce qu'il faut pour qu'ils le demeurent.
Jusqu'à tout récemment, nous avons maintenu notre mode de vie sur la terre et nous avons vécu de nos ressources. Nous n'avons pas eu besoin de l'aide du gouvernement canadien ou du Canada pour vivre jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, au moment où notre commerce des fourrures à pérécliter. La conjoncture économique mondiale s'est répercutée sur notre commerce des fourrures et nous avons demandé l'application de nos traités pour notre subsistance.
C'est seulement alors, quand nous avons tenté d'obtenir de l'aide du Canada, que nous avons pris conscience à quel point celui-ci avait une interprétation différente des traités. Au début des années soixante-dix, nous en étions rendus à croire que le seul moyen de faire reconnaître nos droits et de pouvoir les exercer était de traîner le Canada devant les tribunaux. C'est ce que nous avons fait. Regardez dans la documentation, on y parle du renvoi Paulette parce que c'est l'un des rares arrêts où le système juridique britannique au Canada admet une preuve orale au même titre qu'une preuve écrite. Je vous parle de cet arrêt parce que le juge Morrow a finalement statué en notre faveur en concluant que le Canada avait bien des choses à régler relativement à ce traité et qu'il devait y voir.
Je veux vous montrer les documents du gref où sont rapportées les déclarations des anciens. Nous avons eu beaucoup de chance que nos anciens soient encore vivants. Dans les années soixante-dix, certains signataires des traités vivaient encore. Tous les chefs n'étaient pas morts. Nous avions des interprètes. Nous avions plusieurs témoins qui avaient assisté à la signature des traités. Alors que, pour certains traités, les gens ne peuvent parler que de ce qui a pu se passer selon eux, nous, nous avions ceux-là mêmes qui avaient signé les traités. Le tribunal s'est rendu dans nos localités pour nous entendre avant de rendre un jugement. Je vous conseille de lire ces documents pour comprendre ce que nous ressentons.
Je veux vous parler de Victor Lafferty qui avait servi d'interprète à Fort Providence et qui était alors un vieillard. Il a parlé de Conroy, le commissaire, et de Lafoin, le chef. Quand Conroy a demandé à Lafoin s'il voulait conclure le traité, Lafoin a répondu, et je cite:
Eh bien, si nous concluons le traité, que sera mon pays? Ici, je suis chez moi. Je voudrais pouvoir chasser aussi loin que je peux aller. Nous sommes maintenant entourés de forts - Fort Rae, Fort Simpson, Fort Liard, Fort Upper Hay - en fait, il y en a presque partout où je vais, dans mon pays. Si vous ne nous empêcher pas de chasser, je veux pouvoir chasser comme avant, comme nous le faisons pour assurer notre subsistance. Chasser le gros gibier, les animaux à fourrure, les poissons, les oiseaux, tout. Et nous ne voulons pas que vous nous enfermiez dans des réserves.
Il dit: «Je suis Indien. Je ne sais pas lire ni écrire. Je sais pourtant ce que vous avez fait dans les autres provinces. Vous avez mis les Cris dans des réserves et leur territoire est si petit qu'ils n'en ont pas assez. Ils n'ont plus rien à chasser et nous ne voulons pas être comme eux». Lafoin dit: «Si vous faites tout cela, je vais signer le traité».
L'un des anciens, Michel Landry, dit alors:
Le commissaire dit ensuite que tant que la Terre tournera, les Indiens pourront chasser, pêcher, etc., librement.
Le chef dit:
Vous dites tout cela, mais vous mentez, il vaut mieux que tout cela soit écrit.
Le commissaire recommence à parler du soleil et de la rivière et affirme que le gouvernement ne reniera pas sa parole. Le traité est à nouveau traduit et cette fois le chef le trouve satisfaisant et l'approuve.
Tous les témoins insistent sur le fait que c'est surement après qu'on leur a promis la liberté pleine et entière de chasser, de trapper et de pêcher que les Indiens ont approuvé le traité. Il poursuit ainsi:
Le dernier jour de la distribution d'argent, le commissaire a dit: «Cet argent que vous acceptez sera le symbole de la paix entre nous et nous serons amis.» Le traité ainsi approuvé avait surtout pour but de faire régner la paix entre l'homme blanc et le peuple indien.
Le commissaire a promis aux Indiens que ce serait leur territoire. Il a dit: «Vous pourrez faire tout ce que vous voulez; nous n'allons pas tenter de vous en empêcher. Continuez à vivre comme avant. Les oiseaux, les canards et tout le reste, vous pourrez continuer à les chasser comme vous l'avez toujours fait.»
Voilà ce qu'il a promis au peuple indien, qu'il pourrait continuer à chasser, à pêcher et à faire comme il veut. Voilà la promesse qu'on nous a faite. Il a été question de la chasse à l'orignal et au caribou, aux oiseaux et à tout le reste. On a promis que rien ne changerait, que tout continuerait d'être gratuit comme par le passé, que les Indiens pourraient continuer de chasser tant qu'ils le voudraient, de faire librement ce qu'ils voudraient sur le territoire.
Les Indiens ont continué de poser des questions sur la possibilité de chasser les oiseaux et l'orignal et aussi de trapper. Conroy a promis aux Indiens qu'ils feraient comme ils avaient toujours fait et que rien ne changerait. Le chef Wright lui a posé une dizaine de fois la question au sujet de la chasse et du piégeage. On leur a dit et répété que rien ne changerait. Les Indiens pourraient continuer à chasser comme avant. Personne ne les ennuierait. C'est en échange de cette promesse que nous avons approuvé le traité.
On a répondu par l'affirmative à toutes les questions au sujet du territoire, du gibier, de l'orignal, du piégeage et de tout le reste. On n'a rien refusé à l'époque. C'est pour cette raison que les Indiens ont conclu le traité, parce qu'on leur avait promis un territoire libre, la liberté de chasser, etc. On leur a dit qu'ils continueraient à chasser, à pêcher et à trapper comme avant, que rien ne changerait.
Pourtant, les Indiens n'acceptaient pas ce que disait le gouvernement. Le commissaire disait: «Tout ce que nous voulons, c'est que vous acceptiez l'argent du traité». Mais les Indiens refusaient.
Finalement, le troisième jour, l'évêque a dit que les Blancs ne mentaient pas, qu'ils respecteraient leurs promesses. «Ils disent la vérité.» L'évêque a donc commencé à parler en faveur du traité. Dans ce temps-là, les gens étaient tous profondément catholiques.
Les Indiens ont donc commencé à discuter entre eux. Ils se disaient comme l'évêque est comme Dieu, il doit dire la vérité. L'évêque a dit aux Indiens que le gouvernement ne mentait pas et qu'il respecterait les promesses faites aux Indiens. L'évêque leur a conseillé de signer le traité.
Les Indiens ont donc décidé que Dieu ne mentait pas. L'évêque leur a dit d'approuver le traité, or, pour les Indiens, l'évêque était Dieu et Dieu ne mentait pas.
Nous avons un affidavit que cet évêque a fait en 1937 parce qu'il n'appréciait pas la manière dont le Canada traitait notre peuple. Il a présenté au Canada un affidavit écrit dans lequel il déclare ce qui suit:
J'ai donné ma parole et juré sur mon honneur que les promesses faites par la Commission royale, même si elles n'apparaissaient pas dans le traité, seraient respectées par la Couronne, puisque le texte des traités 8 et 11, rédigés à Ottawa, n'était pas assez explicite pour rassurer les Indiens qui craignaient d'être traités comme les Indiens des Prairies. Dans le Nord, les conditions sont tout à fait différentes et le commissaire royal a fait les promesses suivantes aux Indiens au nom de la Couronne.
Il leur a promis qu'on ne ferait rien pour les empêcher de vivre comme ils l'ont toujours fait et comme leurs ancêtres l'ont fait avant eux, et qu'ils ne laisseraient rien ni personne les en empêcher. On s'occuperait toujours des vieux et des pauvres. Leur existence future serait attentivement étudiée et assurée. Le gouvernement ferait tout son possible pour améliorer les conditions de vie des Indiens. On leur a assuré qu'ils seraient protégés contre la concurrence des Blancs, surtout ceux qui vivent de la chasse et du piégeage. On ne les empêcherait pas de chasser et de pêcher comme ils l'avaient toujours fait afin de leur permettre d'assurer leur propre subsistance et de continuer à vivre.
C'est seulement après que la commission royale a reconnu la légitimité des revendications des Indiens et qu'elle leur a solennellement promis que la Couronne acquiesrait à ces revendications, et aussi après que j'ai moi-même donné ma parole d'honneur comme les représentants de la Hudson's Bay, les marchands indépendants et les missionnaires qu'ils pouvaient se fier aux promesses faites au nom de la Reine Victoria, que les Indiens ont finalement approuvé et signé le traité.
Il est évident que notre peuple ne s'est pas mis à genoux. Il n'a pas demandé au Canada de pénétrer dans notre territoire, ni à l'Angleterre de le faire au nom du Canada. Les Indiens ont laissé faire les Canadiens à la condition qu'on les laisse continuer à vivre comme ils l'avaient toujours fait, que leurs propres lois s'appliquent, que leurs compétences restent intactes et que les autres aient un accès restreint à notre territoire et qu'ils puissent y exercer un pouvoir limité.
Voilà notre interprétation du Traité aujourd'hui. La plupart de nos peuples sont en pourparlers avec le Canada sur la manière d'y donner effet. Nous sommes fermement convaincus que nous appliquerons un jour nos propres lois. Ce n'est qu'une question de temps.
En terminant, je voudrais citer l'un de nos chefs décédé récemment. Lui aussi avait témoigné à l'époque devant les tribunaux. Le chef Andrew Stewart parle de ce qu'il ressent pour le pays et le Nord. Il est d'Aklavik.
Je parle assez bien ma propre langue et, si je ne m'abuse, je n'ai jamais entendu un Indien dire: «nous avons donné notre pays au gouvernement.»
Je crois que cette affirmation est toujours aussi pertinente. Plus on regarde les archives, plus on se rend compte que le Canada a besoin de notre aide. Il a besoin d'avoir accès à notre territoire. Pour nous séduire, ils nous ont donné des coquillages, des filets, de la ficelle. Ils ont encouragé notre économie traditionnelle. Ils ont reconnu notre façon de vivre et notre nation.
D'ailleurs, lorsque nous avons signé un accord de principe à Fort Rae, en 1988, le ministre McKnight, au nom du Canada, a présenté des carabines, à moi-même et aux autres chefs du Nord. Il m'a donné une arme de calibre 30/30. C'est un geste très lourd de sens à mes yeux. Cela signifie que le Canada reconnaît la relation que nous avons avec lui. Que vais-je bien pouvoir faire de cette arme maintenant?
Voilà quelques unes de nos préoccupations. Je crois qu'il faut vraiment bien comprendre ce que cela signifie.
Une dernière observation. Les gens de chez nous m'ont demandé de vous dire que ce traité avait aussi reconnu notre droit de réciprocité pour le commerce, le troc et la vente. Nous faisons encore tout cela et les armes en font partie intégrante. Le Canada n'a pas le pouvoir de nous dicter la manière d'appliquer ces dispositions dans nos territoires.
Je vous remercie beaucoup.
Le chef Mercredi: Je vais maintenant demander au chef Gordon Peters de présenter son exposé.
Le chef régional de l'Ontario Gordon Peters (Assemblée des Premières nations): Je serai très bref, monsieur le président.
Tout d'abord, je vous transmets les salutations des chefs des Premières nations de l'Ontario. À notre assemblée de février dernier, nous avons adopté une résolution contre le projet de loi étant donné nos traités. Notre peuple a déploré la violence commise avec des armes d'assaut et toutes les autres formes de violence résultant d'un usage impropre des armes à feu.
Le rejet du projet de loi s'explique très simplement. C'est parce qu'on ne nous a pas demandé notre consentement.
Quand il est question de ces choses... Je me suis revu en 1985 alors que nous étions assis dans cette même pièce pour discuter de l'autorisation d'acquisition d'une arme à feu et de la façon dont ces dispositions s'appliqueraient aux Premières nations. Il y a 10 ans, nous étions venus vous dire la même chose qu'aujourd'hui: vous ne pouvez pas appliquer ces règlements à nos communautés.
À l'époque, comme nous étions en train de négocier des questions constitutionnelles, la plupart des gens ont dit qu'il fallait attendre la fin des pourparlers et que la Constitution règlerait les problèmes.
Reste qu'en 1985, personne en politique ne voulait reconnaître l'existence de nos droits inhérents. Aujourd'hui, tous les éléments ont changé mais nous sommes à nouveau ici pour vous répéter la même chose. Qui vous donne le droit d'imposer des régimes à notre peuple? Qui vous donne le droit d'imposer des normes de comportement à notre peuple? Les message envoyé à notre peuple est très clair. C'est toujours le même: nous sommes incapables de nous occuper de nous-mêmes.
Les gens jugent problématique l'usage des armes à feu à cause des problèmes sociaux dans nos communautés. Il est évident que l'enregistrement des armes à feu ne va pas régler nos problèmes. Il est tout à fait déraisonnable d'affirmer que ces mesures vont régler nos problèmes, ceux auxquels nous devons nous attaquer au sein de nos communautés.
De toute évidence, nous devons aussi reconnaître les liens que nous avons et chercher maintenant le moyen de les faire respecter. Depuis 18 mois, nous tentons de trouver, avec le nouveau gouvernement qui a reconnu notre droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, comment nous allons nous engager dans des ententes sur les compétences.
Voilà les recommandations que vous devez transmettre: comme l'a dit notre représentant national, les dispositions du projet de loi ne devraient pas s'appliquer aux Premières nations et nous exigeons de négocier au niveau politique le champ et le mode d'application des lois fédérales afin d'établir notre situation par rapport aux lois adoptées.
Ce ne devrait pas être trop compliqué. Les gouvernements fédéral et provinciaux le font tous les jours avec les gouvernements régionaux et municipaux. Les systèmes établis devraient nous permettre de montrer que c'est réalisable. Nous devons avoir la capacité de le faire.
Il est évident que notre peuple fait actuellement l'objet d'une surveillance intensive de la part des responsables de l'application des lois. Je crois qu'il atteindra bientôt le seuil de tolérance. Je crois qu'on aura beaucoup de mal à faire respecter ce projet de loi. Nous avons eu déjà suffisamment de problèmes dans nos localités où nombre d'habitants ont un casier judiciaire à cause d'incidents liés à l'alcool, pas seulement liés aux armes à feu. Étant donné ses dispositions, si le projet de loi est appliqué à nos collectivités, cela risque d'aggraver les problèmes que vous avez créés avec d'autres lois.
Pour le moment, le mieux pour le gouvernement fédéral et pour les Premières nations, c'est de pouvoir s'asseoir à la même table pour s'entendre sur le partage des compétences. Les politiques qui étaient censé guider les négociations ne s'appliquent pas à nous, mais il est de notoriété générale que nous tentons sincèrement et en toute honnêteté de trouver, le plus rapidement possible, les solutions recherchées.
Je vais m'arrêter là afin qu'on ait le temps de répondre à vos questions.
Le président: Monsieur Mercredi, avez-vous terminé?
Le chef Mercredi: Pas tout à fait. C'est à vous de décider, monsieur le président.
Le président: Membres du comité, j'ai un problème. La séance devait durer de 15h30 à 17h30. Il y a des votes à 18h30 et une autre séance est prévue pour 19h30. On me dit que certains d'entre vous avez prévu des réunions dans vos bureaux après 17h30. L'Assemblée des Premières nations nous a fait part de son point de vue. Alors si nous voulons nous en tenir à l'horaire prévu, je peux autoriser trois questions de cinq minutes chacune, une par partie.
[Français]
M. Langlois (Bellechasse): Cinq minutes, c'est vraiment court, monsieur le président, parce qu'il y a beaucoup de matière qui a été soulevée par les divers chefs qui ont pris la parole.
Pour bien situer le débat, vous avez soulevé des arguments d'ordre constitutionnel intéressants: l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, tel qu'interprété par la Cour suprême dans l'arrêt Sparrow v. The Queen.
Je vais poser ma question au chef Erasmus. Je crois déceler une contradiction ou une divergence d'interprétation à tout le moins, entre la position du chef Mercredi et celle du chef Erasmus.
Dans sa présentation, le chef Mercredi nous dit que les Premières Nations ne s'objectent pas à toutes les dispositions du projet de loi C-68. Je déduis de cette position que certaines dispositions du projet de loi C-68 pourraient s'appliquer aux Premières Nations. Je lui demanderai tout à l'heure de préciser lesquelles.
Tandis que je crois déceler - vous me corrigerez si ce n'est pas ce que vous avez exprimé - dans la position du chef Erasmus qu'il y avait une négation totale de l'autorité législative du Parlement du Canada à légiférer quant aux Premières Nations, ce qu'il est en train de faire par le projet de loi C-68.
Je vais poser ma question directement au chef Erasmus. Est-ce que vous reconnaissez une quelconque autorité législative au Parlement fédéral du Canada pour adopter l'une ou l'autre ou une quelconque disposition du projet de loi C-68, tel qu'il est actuellement devant nous? Ceci, toujours en relation avec les nations autochtones, bien sûr.
[Traduction]
Le chef Erasmus: Voilà une question fort intéressante.
Je ne suis pas en désaccord avec le chef Mercredi. Il affirme que certaines dispositions sont bien inspirées. Il n'a pas dit qu'elles étaient logiques pour notre peuple. Je crois qu'il voulait contribuer au débat en suggérant qu'il faudrait protéger mieux encore la sécurité des citoyens canadiens, c'est en ce sens qu'il parlait.
Le passage le plus pertinent se trouve à la page 10. C'est une recommandation dans laquelle il affirme que le projet de loi C-68 devrait être amendé de façon à garantir l'immunité aux Premières nations. C'est ce dont je parle.
Quant à l'application générale des lois à mon peuple, je peux vous dire qu'elles ne s'appliquent pas, de toute évidence. Le Canada n'a pas compétence pour dire à mon peuple comment il doit vivre. Je crois qu'une des meilleures façons d'illustrer ce point est l'affaire Flett. Pendant des années, le Canada a prétendu que nous ne pouvions chasser les oiseaux migrateurs que pendant l'automne. Cette position a été contestée devant les tribunaux et ceux-ci ont établi sans ambiguïté que la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs ne s'applique pas à nous, attendu la relation particulière qui s'établit en vertu de nos traités. À mon avis, la situation actuelle est similaire.
[Français]
M. Langlois: Chef Erasmus, au paragraphe 110t) du projet de loi, on édicte que le gouverneur en conseil - le gouvernement - peut prévoir selon quelles modalités et dans quelle mesure telles dispositions de la présente loi ou des règlements s'appliquent à tout peuple autochtone du Canada et adapter ces dispositions à cette application.
Donc, le gouvernment peut, à toutes fins pratiques, si je comprends bien le paragraphe 110t), légiférer pour les nations autochtones. Cependant, votre énoncé de principes constitutionnels est tellement clair que je présume que pour vous, la seule chose qui pourrait être applicable aux nations autochtones et de façon indirecte, ce serait que la loi prévoie que par traité, le gouvernement fédéral du Canada puisse négocier l'application de l'une ou l'autre disposition de la loi.
Est-ce que votre négation de l'autorité du Parlement du Canada va jusque-là? Est-ce seulement par voie de traité que vous pourriez accepter que des dispositions législatives votées par un parlement dont vous ne reconaissez pas l'autorité puissent s'appliquer sur des territoires que vous contrôlez?
[Traduction]
Le chef Erasmus: Nous avons conclu un traité avec le Canada, et notre relation avec le Canada y est assujettie. En vertu du traité, il existe deux systèmes parallèles. L'un pour les Canadiens, l'autre pour les Dénés.
Ce que nous proposons ici, c'est qu'une occasion s'offre au Canada, surtout compte tenu du fait qu'il affirme maintenant reconnaître notre droit inhérent à l'autonomie gouvernmentale. Cela ne vient pas du Canada, mais de nous-mêmes. Le Canada a maintenant l'occasion de travailler de concert avec nous, d'établir ce système parallèle.
La situation est sans précédent. Les Premières nations veulent vivre en sécurité. Elles ont leur propre système de contrôle des armes à feu, c'est un système qui est en place depuis bien des années. Le Canada peut maintenant reconnaître la compétence de nos chefs et de nos conseils et ériger un système mutuel. Je crois que c'est ce que nous disons.
M. Ramsay: Je veux m'inscrire en faux contre le fait que nous accordions une heure et demie à cette délégation. Je crois que c'est à cause des échéances. J'ai accepté cette échéance uniquement à condition que nous puissions entendre tous les témoins, pour qu'ils aient le temps de bien nous exposer leurs préoccupations et que tous les membres du Comité aient l'occasion de poser des questions. Je m'oppose à ce qui se passe actuellement.
Deuxièmement, j'aimerais dire qu'il n'y a pas de demi-mesure. Vous avez le droit d'être consulté, ou vous ne l'avez pas. Si vous avez ce droit, vous avez été consulté ou vous ne l'avez pas été. Le ministre de la Justice n'a pas nié que la consultation avec les peuples autochtones est une obligation découlant de la Constitution. Lui-même et le sous-ministre adjoint ont indiqué qu'il y avait eu consultation, et que ces consultations se poursuivaient et se poursuivraient. C'est la réponse que j'ai reçue lorsque j'ai posé des questions en ce sens au ministre et au sous-ministre adjoint.
Je vois, au bas de la page 2, que vous affirmez ce qui suit:
Les députés et sénateurs ont tous une responsabilité particulière en ce qui concerne le respect de la Constitution de ce pays et le respect, par le Canada, de ces obligations à l'égard des peuples des Premières nations.
Qui d'autre a cette responsabilité, sinon nous? C'est pourquoi, mardi soir, j'ai présenté une motion pour que les travaux de ce Comité soient suspendus jusqu'à ce que les exigences découlant de la Constitution soient respectées. Pourquoi? Parce que j'avais le sentiment que nous, parlementaires, nous faisions complices d'une violation des droits constitutionnels des Cris de la Baie James et des peuples du Yukon. Nous avons déjà écouté les Inuits, les Métis et vous. Tous, vous dites la même chose, et nous poursuivons. Je ne sais pas comment nous, à titre de députés, pouvons intervenir pour que les droits constitutionnels de votre peuple soient reconnus et respectés.
Vous voudrez peut-être vous exprimer à ce sujet pendant le temps qui m'est alloué. Je suis très inquiet de ce que nous faisons, surtout compte tenu des témoignages que nous ont fournis les représentants des peuples autochtones qui se sont présentés devant ce Comité. Je ne sais pas quoi faire à ce sujet, si ce n'est de rester assis ici et de collaborer à un processus qui, d'après vous, constitue une violation non seulement des droits que vous détenez en vertu des traités, mais aussi de vos droits humains et constitutionnels.
Le chef Mercredi: Premièrement, permettez-moi de mentionner que j'étais en faveur de votre motion. Je l'ai vue à la télévision. Je suivais les travaux et j'ai bien aimé votre stratégie. Mon problème, comme le montre ce mémoire, c'est que l'assemblée a été priée de donner son point de vue. L'assemblée parle au nom des Premières nations, mais par le passé les comités ont sollicité la participation d'un large éventail d'organisations des Premières nations dans l'ensemble du pays. Ce Comité devrait faire la même chose.
Il est difficile de comprendre pourquoi on a voulu limiter la représentativité de l'Assemblée, compte tenu de l'importance vitale des questions débattues ici. J'ai invité les dirigeants qui se trouvaient ici à se joindre à moi, afin qu'eux, au moins, puissent exprimer leur opinion. En principe, nous devrions pouvoir énoncer notre position et en discuter, participer à une séance de questions. Cette option ne nous sera pas offerte, ni à notre organisation, ni aux personnes qui sont venues avec moi ici, ni à celles qui ne peuvent se présenter devant le Comité.
J'ai ici des copies de lettres que j'ai adressées au ministre pour lui demander une consultation avant le dépôt du projet de loi à la Chambre des communes. Le devoir de consulter n'est pas un devoir qu'on peut remplir après l'adoption d'une loi. La consultation doit se dérouler avant l'adoption de la loi. Elle doit être honnête. Elle ne se réduit pas à un exercice permettant au gouvernement de paraître nous avoir consultés pour pouvoir aller de l'avant et appliquer sa stratégie, quelle qu'elle soit.
Alors je peux vous affirmer qu'il n'y a eu aucune consultation avant le dépôt de ce projet de loi. Vous verrez dans ces lettres que j'ai indiqué au ministre de la Justice, avant que son ébauche ne devienne projet de loi, qu'il devrait en discuter avec l'Assemblée des Premières nations, dans le cadre d'un processus de consultations bilatérales.
Lorsque le projet de loi a été déposé, je lui ai à nouveau écrit pour m'opposer fermement à la méthode qu'il adoptait, et je lui indiquais qu'elle nous était inacceptable. Il faut que le gouvernement essaye honnêtement de consulter notre peuple lorsque nos droits sont en jeu. Le gouvernement ne peut adopter de lois sans notre consentement. Mais concrètement, de la façon dont il agit, il a adoptera des lois sans notre consentement.
Par la suite, après le dépôt du projet de loi, j'ai rencontré le ministre de la Justice. Vous constaterez que dans mes lettres, je lui avais recommandé de prévoir un processus de consultations parallèle à celui-ci et de veiller à ce que les représentants de son ministère rencontrent toutes les Premières nations, pas seulement quelques-unes. Le processus qu'il a établi est sélectif, limité, et il ne touche pas toutes nos collectivités. Tout notre peuple n'est pas consulté.
Par ailleurs, comme je l'ai mentionné au sous-ministre lors d'une rencontre ultérieure, j'avais espéré que le résultat de cette consultation menée par le ministre de la Justice serait communiqué à votre Comité avant que vous ne terminiez vos travaux. Sinon, l'ensemble de cet effort est une mascarade. Les Premières nations n'auront pas l'occasion non seulement d'exprimer leurs préoccupations mais encore d'exposer au gouvernement la façon dont ils veulent que la question soit traitée au sein de leur collectivité.
Je crois que la raison l'emportera et que nous arriverons à une entente dans certains secteurs touchant la mise en oeuvre de certains des objectifs dans nos collectivités, mais cela ne peut se faire de la façon qui nous a été imposée. J'ai beaucoup de respect pour le Parlement et, à titre de chef national, je me suis présenté devant votre Comité à plusieurs occasions, mais il demeure que le processus en cours, comme il a été défini, laisse à désirer. Il est tari, et on jugera l'arbre à ses fruits.
Notre organisation n'est pas en mesure de poursuivre le dialogue avec vous à cause des contraintes de temps. Il me reste trois minutes, et je n'interviendrai plus par la suite dans le cadre de ce processus. Et aucun autre chef de Première nation n'aura, après mon témoignage, l'occasion de s'adresser au gouvernement par l'entremise de ce comité parlementaire. Quelque chose ne va pas.
Le président: Avant que je ne donne la parole à M. Bodnar, chef Mercredi, le Comité aimerait savoir si nous pouvons obtenir copies de votre correspondance avec M. Rock.
Chef Erasmus, vous avez lu des exposés d'un texte pendant votre exposé. Il nous serait plus facile de transcrire adéquatement votre témoignage si nous en avions copie, ou simplement la citation. Nous pourrions la vérifier nous-mêmes.
Je donne la parole à M. Bodnar, qui a cinq minutes.
M. Bodnar (Saskatoon - Dundurn): Merci, monsieur le président.
Monsieur Mercredi, j'aimerais revenir sur ce que vous disiez au sujet de la consultation. Je me souviens que vous avez témoigné devant notre Comité au sujet de la Loi sur les jeunes contrevenants et que vous représentiez alors, à titre de chef, l'Assemblée des Premières nations. Vous n'avez pas, à ce moment, demandé que les consultations s'étendent aux divers groupes des Premières nations. Mais aujourd'hui, vous mentionnez que c'est votre souhait, que les Premières nations soient consultées très largement.
Pourriez-vous y revenir et indiquer à notre comité si vous avez déjà eu des discussions avec le ministre de la Justice? Je crois savoir que vous l'avez rencontré à deux ou trois reprises pour débattre de ce projet de loi. Est-ce exact?
Le chef Mercredi: La pièce de correspondante que je remets au comité indique clairement la nature des discussions que j'ai eues avec le ministre de la Justice. Jamais je n'ai été consulté au sujet des dispositions d'un projet de législation quelconque.
Lorsque j'ai rencontré le ministre la première fois, en novembre de cette année, c'était pour lui demander de veiller, avant la dépôt de tout projet de loi sur le contrôle des armes à feu, à ce que les Premières nations soient pleinement consultées. En fait, il y est tenu en vertu de la Constitution, à la suite du jugement Sparrow.
Par la suite, je ne l'ai rencontré à nouveau qu'après le dépôt du projet de loi, après lui avoir exprimé avec fermeté, par lettre, mon opposition à la démarche qu'il avait adoptée. À l'occasion de cette deuxième rencontre, je l'ai informé qu'il devait pleinement consulter les Premières nations, en plus de leur permettre de participer aux travaux du comité.
Pourquoi est-ce si important à mes yeux maintenant, alors que ça ne l'était pas à l'époque où les dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants étaient à l'étude? Nous traitions alors de dispositions administratives touchant l'application de la loi dans le cas des jeunes délinquants. Il n'était pas question de traité, ni des droits des aucothtones. Lorsque les droits de notre peuple sont en jeu, nous ne parlons plus de droits de procédures se rapportant à la façon dont il convient de traiter les jeunes délinquants.
N'oubliez pas que lorsque j'ai répondu à la question de Mme Venne, je ne venais pas discuter du principe de l'autonomie gouvernementale ou de système de justice parallèle. Je venais discuter des aspects administratifs d'une loi que le Parlement avait l'intention d'adopter. Je me suis abstenu, comme je le dois normalement à titre de chef national, d'aborder la question du système de justice parallèle et du droit inhérent, qu'il ne convenait pas de mêler à un sujet aussi précis que les changements administratifs d'une loi concernant les jeunes délinquants.
Je ne pense donc pas que vous puissiez me le reprocher. Ce n'est pas le chef national qui a le devoir de consulter au sujet de lois qui touchent les Premières nations. C'est à vous, les députés, qu'incombe cette responsabilité. C'est sur vous que retombe l'odieux d'un processus inadéquat - pas sur moi.
M. Bodnar: Vous avez mentionné que la loi qui est actuellement à l'étude sera sans effet. Vous avez indiqué qu'elle enfreignait certains droits particuliers et droits ancestraux des Premières nations. Ai-je raison - et je suis certain que vous me corrigerez si j'ai tort - de dire que les traités que vous invoquez portent surtout sur le droit des Premières nations d'exploiter les ressources naturelles?
Le droit d'exploitation englobe le droit de posséder et d'utiliser tout le matériel normalement requis par l'exercice de ce droit...
Puis vous poursuivez,
...sous réserve des dispositions des lois et règlements généralement applicables au contrôle des armes à feu, lorsqu'un tel contrôle vise la sécurité publique et non pas l'activité d'exploitation.
Est-ce là, en règle générale, les dispositions prévues dans les traités qui, à votre avis, sont violées?
Le président: M. Bodnar vient de lire un passage de la Convention de la Baie James.
M. Bodnar: C'est exact.
Le président: Il s'agit d'un traité récent.
M. Bodnar: C'est pourquoi je me demande s'il est semblable aux autres.
Le chef Mercredi: Au Canada, nous avons trois types de traité auxquels participent les Premières nations. L'un est le traité moderne auquel vous faites référence, la Convention de la Baie James. Les autres sont les traités qui ont suivi la Confédération, dont les traités numérotés de l'Ouest du Canada, y compris le Traité no 5, qui est le mien. Les autres traités ont été conclus avant l'instauration de la Confédération.
Les traités numérotés que nous avons conclus avec le gouvernement du Canada ont souvent été examinés devant les tribunaux, dans le cadre d'affaires se rapportant aux droits de chasse, parce que les provinces et le gouvernement fédéral tentaient de limiter la portée de ce droit issu des traités.
Les dispositions du projet de loi sur le contrôle des armes à feu constituent la plus récente tentative, à mon avis, visant à réduire les droits de chasse accordés en vertu du traité. Le traité lui-même, tant par l'esprit que par l'intention, n'a jamais été honoré par le Canada. Dans certains cas, il y a déjà 125 ans que notre peuple attend que l'on reconnaisse ses droits fonciers issus de traités, parce que le Canada ne respecte pas les dispositions du traité.
Nous divergeons d'opinion au sujet de l'interprétation des dispositions de certains des traités conclus avec le gouvernement du Canada. Les représentants du gouvernement interprètent de façon très littérale les mots - les mots blancs - de traités conclus avec des gens qui ne parlaient pas l'anglais. Nous adoptons une perspective différente, nous retenons l'esprit et l'intention. Lorsqu'ils ont tracé leurs croix au bas des traités, nos représentants ne parlaient pas l'anglais - ils ne pouvaient ni lire ni écrire ce que leur disaient les commissaires aux traités, les conditions qu'ils acceptaient de bonne foi. Compte tenu de ce processus, la Cour suprême a déclaré qu'elle interpréterait toute disposition vague ou incertaine des traités à l'avantage des Indiens.
Je crois qu'en tant que députés vous devez faire la même chose. Si vous croyez qu'il subsiste un doute quant à l'étendue et à la nature de notre droit, votre devoir est d'interpréter ce traité en notre faveur. C'est l'essence de la jurisprudence que les tribunaux doivent respecter, et les députés et sénateurs devraient s'y plier aussi.
M. Bodnar: Je vais vous poser une dernière question. Récemment, j'ai lu un article de Dough Cuthand, en Saskatchewan. Il faisait allusion aux problèmes des Indiens inscrits. D'après des statistiques pour 1990-1991, qu'ils citaient, les armes à feu sont la deuxième cause de décès accidentel. Il précisait que les décès accidentel attribuables aux armes à feu chez les Indiens de la Saskatchewan viennent au deuxième rang, avec 13,4 p. 100. Dans le cas des Inuit du Yukon, les armes à feu sont la principale cause de décès accidentel.
Que croyez-vous que nous devions faire à ce sujet? Devrions-nous même intervenir? Ne pourrions-nous pas simplement permettre aux Premières nations de régler cette question elles-mêmes, avons-nous une quelconque obligation de tenter de résoudre un problème qui ne touche pas que les Premières nations? Je mentionne cet article simplement parce que nous entendons aujourd'hui le point de vue des Premières nations. De quelle façon pourrions-nous régler ce problème, au sein des Premières nations et dans la société de l'homme blanc? Devrions-nous nous contenter d'intervenir dans la société de l'homme blanc et vous laisser régler ce problème au sein de vos collectivités? Qu'en pensez-vous?
Le chef Mercredi: Il y a deux réponses. Premièrement, le chef Allen Adam, de la Saskatchewan, vous répondra, puisqu'il semble que ce soit de son territoire qu'il s'agit.
Le chef Adam: Ce que vous nous présentez, c'est l'opinion d'une personne, une opinion prétendument étayée par quelques faits au sujet de ce qu'on appelle la violence chez les Premières nations, dans les réserves, etc. Ce n'est qu'une opinion, que ne partage pas un large éventail des membres des Premières nations.
Cet article n'aborde pas la question de l'agitation sociale au sein des collectivités, source de la violence à laquelle l'auteur fait allusion. Un grand ombre de nos collectivités sont en très mauvais état actuellement, tant sur les plans physique que spirituel et mental... Il y a malaise des âmes et des corps. Ce malaise suscite la violence.
Parfois, il se trouve qu'un homme éprouve une forte colère et par hasard il a tout près de lui une arme à feu, et malheureusement il s'en sert. Nous, membres des Premières nations, nous comprenons cela. Une arme ne peut pas sortir seule de son étui et prendre quelqu'un pour cible. Une arme ne peut pas convaincre quelqu'un de se suicider. Elle l'aidera, mais c'est à l'assainissement de nos collectivités que nous devons nous attaquer, à l'éducation au sujet des armes à feu. Et cela, nous le faisons de façon continue.
À mesure que les collectivités se porteront mieux, que les gens commenceront à guérir, ces problèmes disparaîtront.
Le chef Mercredi: Pour ma part, je vous réponds que si l'enregistrement des armes à feu permettait de prévenir toute forme de violence dans toute société, y compris le suicide dans ma société, j'appuierais sans réserve ce projet de loi. Mais il demeure que l'enregistrement, en soi, sans autres mesures ciblant les problèmes sociaux et économiques des Premières nations, n'améliorera en rien le sort de la société autochtone.
Si le gouvernement veut contribuer à réduire la violence et les suicides au sein de nos collectivités, il nous aidera à assurer la reprise économique, afin que notre peuple aient les ressources nécessaires pour mener une vie comparable à celle de tous les Canadiens, qu'ils aient des emplois, qu'ils aient un avenir. C'est danis ce domaine que nous demandons au gouvernement d'intervenir - pas dans celui du contrôle des armes à feu, où il réduit encore plus capacité de chasser pour nous-mêmes, pour nous nourrir.
Si vous adoptez cette loi sous sa forme actuelle, vous réduirez encore la capacité des peuples autochtones de tout le pays d'améliorer leur sort en chassant pour se nourrir. Nous devrons nous tourner encore plus vers l'aide sociale. Est-ce vraiment ce que souhaite le gouvernement libéral? Si c'est ce que vous souhaitez, dites-le. Si ce n'est pas ce que vous souhaitez, répondez aux besoins socio-économiques de notre peuple non pas en faisant des règlements en matière de contrôle des armes à feu, mais en agissant sur le plan économique, en assurant la croissance économique.
Attaquez-vous avec nous aux problèmes sociaux. Faites quelque chose au sujet des internats et de la criminalité que favorise ce système. Faites quelque chose au sujet du problème de l'inhalation des vapeurs de solvants dans nos communautés, en offrant des programmes à toutes les collectivités - et je dois ajouter que le gouvernement a agi récemment au sujet de six centres de traitement, qui sont les bienvenus.
Mais ne réduisez pas les services de santé. C'est ce que le gouvernement fait actuellement. Voulez-vous nous aider? Ne poursuivez pas sur la voie sur laquelle vous vous êtes engagé. Vous réduisez les programmes de services de santé non assurés. Vous dites à nos gens qu'ils doivent s'aider eux-mêmes. Ce serait juste si nous jouissions des mêmes économies d'échelle, mais ce n'est pas le cas - et vous le savez.
Vous ne pouvez chercher de réconfort dans l'analyse qu'une personne vous présente. Cette personne a droit à ses opinions, mais elle ne présente pas la position des chefs. Ce n'est pas là la position des Premières nations.
Le président: Merci beaucoup. C'est dommage que nous n'ayons pas plus de temps.
Quant à la motion présentée par M. Ramsay l'autre soir, j'ai demandé conseil au bureau de la Chambre et à des spécialistes. On m'a répondu que ni la Chambre des communes ni le comité ne peut trancher une question constitutionnelle. Toutefois, comme je l'ai fait remarquer aux membres du comité ce soir-là, rien ne nous empêche de poursuivre nos travaux et de tenter de trouver des solutions aux graves questions que vous nous avez présentées. De fait, c'est ce que nombre d'entre nous tentent de faire en poursuivant les travaux. Il faut espérer que vos paroles ne seront pas tombées dans l'oreille d'un sourd. Nous tenterons de régler ces questions tant toute la mesure de nos moyens.
Monsieur Langlois, avez-vous une objection à soulever?
[Français]
M. Langlois: Oui. Je propose que nous ajournions nos travaux jusqu'à 19h30 et qu'à ce moment-là, nous continuions avec les mêmes témoins pour une période n'excédant pas une heure...
Le président: Vous comprenez que nous avons invité un autre groupe de témoins.
M. Langlois: ...et que nous repoussions en conséquence l'audition des autres témoins.
Le président: Monsieur Langlois, vous pouvez présenter cette motion; nous avons un règlement stipulant que toute motion présentée devant le Comité doit avoir été déposée, mais après 48 heures. Votre parti, comme d'ailleurs tous les partis, a déjà accepté la liste de témoins. Nous pourrions peut-être poursuivre cette question plus tard. Vous pouvez présenter votre motion; je ne peux la déposer ce soir, mais seulement après 48 heures.
[Traduction]
Mme Torsney: Au sujet d'une question connexe, parce que la séance est télévisée, je veux aussi mentionner publiquement que les trois parties ont accepté par un vote le rapport du comité directeur, qui définit clairement l'ordre d'audience des témoins s'appliquant à la séance de l'après-midi. Je crois que M. Ramsay a également voté en faveur de ce rapport. Évitons donc toute confusion au sujet de l'organisation de la séance d'aujourd'hui, s'il y a eu faute, nous sommes tous coupables.
Le président: Je ne sais pas si l'on peut parler culpabilité ou d'innocence. Nous sommes convenus de préparer un rapport. Comme en toute chose sur la Colline, nous avons des contraintes de temps et nous devons nous y plier.
Monsieur Ramsay, un rappel au Règlement.
M. Ramsay: Je tiens à ce qu'il soit bien clair que j'ai dit à plusieurs reprises ce que je pensais de la date limite. L'idée d'une date limite ne me plaît pas. C'est le gouvernement qui a fixé la date limite. Je l'ai accepté dans la mesure où nous pourrions accueillir les témoins que nous estimions devoir entendre. Il faut reconnaître que ce n'est pas possible. C'était mon souci au départ, et c'est toujours mon souci. Ne voyez pas là un jeu. C'est un simple fait, la vérité.
Le président: Je dois convenir que c'est bien ce que vous avez dit. En revanche, nous sommes nombreux à avoir proposé de siéger les vendredis, même pendant les week-ends. En fait, certains d'entre nous ont même proposé de siéger pendant la relâche parlementaire. Il était donc possible d'ajouter des séances, si nous avions vraiment voulu siéger... s'il avait été tolérable de siéger de si longues heures. Le comité a jugé que ce n'était pas possible. Les membres du comité ont d'autres tâches à accomplir.
Nous avons ajouté des séances en soirée. Des séances ont été prévues le vendredi, nous avons siégé pendant la période des questions le lundi. Bien peu de comités en ont fait autant pour entendre des témoins supplémentaires. Nous aurions pu faire davantage si le comité avait jugé qu'il en avait la capacité. Je m'en tiens à la volonté des membres du comité, à ce que souhaite la majorité.
Nous reprendrons à 19h30.
La séance est levée.