TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le vendredi 19 mai 1995
Le président: Je déclare la séance ouverte. Le Comité permanent de la justice et des questions juridiques poursuit son examen du projet de loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes.
Nous allons entendre ce matin notre dernier témoin avant de passer à l'étude article par article du projet de loi. Notre témoin est l'honorable Allan Rock, ministre de la Justice et procureur général du Canada.
Monsieur Rock, vous êtes notre 70e témoin depuis le 24 avril. Vous avez été notre premier témoin et vous êtes maintenant le 70e et dernier. Tout un éventail d'opinions ont été exprimées devant notre comité par les différentes personnes intéressées par ce projet de loi. Les membre du comité ont pris note des différentes préoccupations et ont gardé en réserve un certain nombre de questions qu'ils vont vous poser aujourd'hui. Avant cela, nous tenons cependant à vous entendre. Votre personnel et vous-même avez suivi de votre côté nos séances, et vous savez quels sont les principaux points qui y ont été soulevés. Nous allons donc tout d'abord entendre votre exposé, après quoi les membres du comité vous poseront leurs questions. Vous avez la parole.
[Français]
L'honorable Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Merci, monsieur le président. J'aimerais d'abord exprimer mon appréciation pour l'excellent travail accompli par le Comité. Vous dites que vous avez entendu 70 témoins au cours des semaines passées. C'est extraordinaire!
Au cours du dernier mois, vous avez entendu des dizaines de témoins, pratiquement jour et nuit, et vous vous êtes penchés sur quelques-unes des questions les plus controversées de l'heure tout en accomplissant votre lourde tâche de parlementaires.
[Traduction]
Monsieur le président, après tout ce qui a été dit devant votre comité, après tous les commentaires qui ont été faits au sujet du projet de loi C-68 et de ses dispositions, j'ai comme l'impression qu'il me faut commencer mon exposé ce matin en revenant à l'essentiel, en réaffirmant l'engagement ferme du gouvernement vis-à-vis des éléments fondamentaux du projet de loi C-68.
À notre avis, cette loi a tout ce qu'il faut pour préserver le genre de pays que nous voulons et pour rendre compte des valeurs qui sont celles des Canadiens. Elle vise à sanctionner lourdement les gens qui commettent des crimes avec des armes à feu, prévoit des mesures pour remédier à la contrebande des armes à feu qui entrent au Canada et établit des règles sensées et équitables venant s'appliquer à la propriété privée des armes à feu au Canada.
Plus précisément, monsieur le président, le gouvernement reste fermement disposé à mettre en oeuvre l'enregistrement universel de toutes les armes à feu, disposition qui est à la base de sa stratégie. Nous nous rangeons résolument du côté des chefs de police du Canada, de l'Association canadienne des policiers, de l'Association canadienne des commissions de police, des médecins qui traitent les accidents et qui pratiquent dans les salles d'urgence, des membres de la profession médicale qui s'occupent des questions de suicide, qui tous sont aux prises quotidiennement avec les problèmes posés par les armes à feu dans les petites et grandes localités de l'Ouest, de l'Est, du Nord et du Sud du pays.
Monsieur le président, on me parle souvent de consultations et l'on me demande quel genre de consultations a entrepris le gouvernement pour préparer ce projet de loi. Laissez-moi vous dire que l'une des formes les plus efficaces de consultations, c'est peut-être encore celle que le gouvernement effectue toutes les semaines au sein du caucus des députés libéraux. Tous les mercredis matin, des députés provenant de toutes les régions du pays se réunissent pour discuter, entre autres, du projet de loi qui se trouve devant votre comité.
[Traduction]
Cette façon de procéder permet au gouvernement de rester attentivement à l'écoute de la population canadienne sur ces questions, y compris sur les plus controversées d'entre elles.
Votre comité a entendu hier nombre de ces députés faisant partie du caucus. Vous avez pu voir par vous-mêmes avec quelle efficacité ils faisaient part des préoccupations et des propositions constructives émanant de leurs collectivités. Je sais que votre comité va tenir compte de ce qu'ont dit ces députés, monsieur le président. Pour ma part, je n'y manquerai pas.
Laissez-moi mentionner brièvement un domaine précis de consultation qui a été mentionné à plus d'une reprise devant votre comité; en l'occurrence, la consultation qui a eu lieu avec les collectivités autochtones du Canada. La consultation dans ce cas revêt une importance particulière, étant donné que la Cour suprême du Canada a évoqué par le passé le rôle joué par la consultation pour déterminer dans quelle mesure les lois adoptées par le gouvernement tenaient bien compte des droits autochtones.
Sur ce point, il me faut reconnaître d'emblée qu'il y a des droits autochtones et issus de traités, y compris le droit de chasser, qui peuvent impliquer le droit d'utiliser des armes à feu à cet effet. Cela ne fait aucun doute. Je dis cependant qu'il n'y a aucun droit constitutionnel exigeant que l'on procède à une forme de consultation précise. Ce qu'a déclaré la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Sparrow et dans d'autres affaires, c'est que lorsqu'on peut démontrer qu'un texte de loi empiète sur un traité autochtone ou sur tout droit protégé par la Constitution, la cour devra entre autres examiner dans quelle mesure on a procédé à une consultation et quelle en a été la forme pour déterminer dans quelle mesure cet empiètement est justifié.
Je déclare que l'on ne peut pas démontrer aux termes des dispositions du projet de loi C-68 qu'il y a eu empiètement. Toutefois, ce n'est pas là le point important. L'essentiel, c'est que notre gouvernement a reconnu l'obligation de consulter les collectivités autochtones et qu'il l'a fait.
Je vous ferai part tout d'abord de mes propres déplacements. Monsieur le président, je suis entre autres allé au Yukon l'année dernière. J'ai rencontré la présidente du Conseil des Indiens du Yukon, Judy Gingell. J'ai rencontré le chef Keenan, de la bande des Tlingit de Teslin, l'une des quatre bandes du Yukon qui ont désormais signé un accord d'autonomie gouvernementale. Je suis allé dans les Territoires du Nord-Ouest et j'ai rencontré le chef de la nation dénée, Bill Erasmus. J'ai rendu visite à la bande dénée de Yellowknife. J'ai comparu devant l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest pour y rencontrer ses députés. J'ai rencontré Stephen Kakfwi, le ministre de la Justice. J'ai assisté à une séance de l'Assemblée législative au cours de laquelle j'ai répondu à des questions concernant les objectifs du projet sur les armes à feu que nous examinions à ce moment-là.
Le plan d'action que j'ai déposé devant le Parlement le 30 novembre dernier faisait référence à un certain nombre de ces consultations et indiquait aussi que le gouvernement s'engageait à mener en permanence des consultations avec les peuples autochtones.
Le 23 décembre, une lettre a été envoyée par le ministère de la Justice à 690 collectivités autochtones, y compris aux Cris de la baie James et au Conseil des Indiens du Yukon. Le 20 janvier, une autre lettre a été envoyée par la Justice à 690 groupes autochtones habitant dans l'ensemble du Canada et dans les territoires pour leur faire part des propositions et leur demander ce qu'ils en pensaient. Le 28 mars nous avons envoyé une autre lettre, notamment à cette occasion au président de l'Association des trappeurs cris du Québec. Le 19 avril, le ministère de la Justice a envoyé 68 lettres aux dirigeants autochtones de l'ensemble du Canada dans le but de lancer un cadre de consultation dans neuf régions du Canada.
Nous avons incité les différents groupes à comparaître devant votre comité pour donner leur avis et, après avoir consulté les dirigeants de collectivités autochtones, nous avons institué une procédure aux termes de laquelle des membres du groupe de travail sur les armes à feu du ministère de la Justice se déplacent dans les neuf régions de notre pays pour discuter directement de ces questions avec les représentants des collectivités autochtones dans les régions rurales et urbaines ainsi que dans les réserves.
La première de ces discussions menées en direct, monsieur le président, a eu lieu dans l'Est de l'Arctique il y a à peine deux semaines. Une première rencontre avec les dirigeants autochtones de la Colombie-Britannique est prévue pour la semaine prochaine, de même qu'une première rencontre avec les chefs de tribu de l'Alberta.
[Traduction]
Cette opération dans les neuf régions se poursuivra jusqu'en juillet ou août, date à laquelle prendra fin la première phase des consultations. La deuxième phase portera sur la rédaction du règlement aux termes des dispositions de l'alinéa 110t) du projet de loi C-68, qui sera distribué en septembre ou en octobre à ces mêmes groupes pour qu'ils fassent leurs commentaires. Ce n'est qu'une fois que ces groupes auront donné leur avis, et donc bien sûr une fois que la loi aura été adoptée, que nous déposerons le règlement et que la procédure parlementaire suivra son cours.
Compte tenu de tous ces antécédents, il me paraît très difficile que l'on puisse conclure qu'il n'y a pas eu une consultation efficace et suivie avec les collectivités autochtones. Nous avons une longue liste de questions dont il nous faut discuter avec elles. Certaines de ces questions ont été mentionnées devant votre comité, et nous sommes confiants de pouvoir, par le biais de discussions franches et constructives, en arriver effectivement à un compromis qui nous permette de traiter impartialement tous les Canadiens, d'avoir une série de principes qui s'appliquent à l'ensemble du pays tout en mettant en oeuvre ces principes et le programme correspondant d'une manière qui respecte les droits autochtones et issus de traités.
[Français]
Monsieur le président, lorsque j'ai comparu devant le Comité la première fois, le 24 avril dernier, j'ai expressément demandé de comparaître à nouveau. J'ai voulu ainsi vous donner l'occasion de me poser d'autres questions maintenant que vous avez recueilli les divers points de vue des nombreux témoins qui ont défilé devant vous.
J'ai trouvé les témoignages très utiles. Des citoyens de partout au pays, avec des perspectives fort différentes, ont eu la chance de discuter en détail de nos propositions. Cette expérience a été très enrichissante et très instructive pour moi.
[Traduction]
Je vais me pencher sur un ou deux points précis sur lesquels on vous a demandé d'apporter des changements au projet de loi. Laissez-moi vous dire que chacun de ces points a été évoqué avec force et de manière très efficace au cours des dernières semaines par les députés du caucus libéral.
Je commencerai par le régime d'inspection, qui figure dans l'article 98 du projet de loi C-68 portant création de la Loi sur les armes à feu. Je continue à penser, comme je l'ai affirmé le 24 avril, que ce régime d'inspection correspond à un ensemble de dispositions tout à fait valides et constitutionnelles qui sont tout simplement accessoires aux exigences ayant trait à l'enregistrement et à l'entreposage en toute sécurité. Il y a de nombreux précédents qui font état de cette même façon de procéder dans les lois fédérales et provinciales. Je considère aussi qu'une grande partie des critiques qui ont été avancées contre ces propositions sont surfaites et inexactes.
J'ai été aussi impressionné par les inquiétude légitimes concernant la possibilité que ces dispositions aient une portée trop large. J'ai entendu hier mon collègue Andy Mitchell nous dire qu'il craignait qu'il n'y ait des abus et mon collègue Réginald Bélair affirmer qu'à son avis ces dispositions avaient une trop grande portée. Vous vous souviendrez qu'hier Harry Verran a déclaré devant le comité qu'il faut être très prudent lorsqu'on donne à quelqu'un le droit d'entrer dans la maison d'une autre personne, et que Derek Wells et Walt Lastewka ont évoqué les incertitudes que pouvaient entraîner ces dispostions sous leur forme actuelle.
Laissez-moi faire part à votre comité, pour qu'il les examine, d'un certain nombre de propositions qui sont sorties des discussions menées au sein de mon caucus pour ce qui est des changements à apporter à ce régime d'inspection. J'ai examiné avec attention ces propositions faites par mes collègues au sein du caucus. Je pense qu'elles sont constructives et pleines de bon sens et qu'elles vont améliorer le projet de loi et le consolider sans en rogner les principes. Pour résumer, je propose que le comité envisage d'amender les articles ayant trait à l'inspection de façon à supprimer le pouvoir d'inspection de locaux privés lorsque leur propriétaire y entrepose une carabine ou un fusil de chasse. Le comité pourrait remplacer cet article par une disposition aux termes de laquelle le propriétaire serait tenu, après avoir reçu un préavis raisonnable, de présenter son arme à feu pour qu'un agent préposé aux armes à feu vérifie les données d'enregistrement la concernant.
[Traduction]
Je demanderais aussi au comité d'envisager de restreindre la portée des pouvoirs d'inspection aux termes du projet de loi pour qu'il ne s'applique qu'aux entreprises, y compris aux musées, aux collectionneurs d'armes à feu, aux propriétaires d'armes à feu prohibées et à toute personne qui possède plus de dix armes à feu, quel qu'en soit le type. Il faut bien voir que les collectionneurs d'armes à feu, y compris les propriétaires d'armes à feu automatiques et transformées en armes automatiques sont d'ores et déjà soumis aux règles d'inspection aux termes de la loi actuelle. La seule nouveauté par rapport au régime d'inspection actuel serait d'étendre les règles d'inspection aux propriétaires de dix armes à feu et davantage, cela dans un souci de sécurité, ce qui est certainement justifié dans les circonstances.
Encore là, je demanderais au comité d'envisager, même lorsqu'on dispose de pouvoirs d'inspection, d'ajouter une disposition aux termes de laquelle les inspecteurs sont tenus de donner un préavis raisonnable du fait qu'une inspection doit avoir lieu dans une maison d'habitation et que, dans ce cas, elle doit se limiter aux lieux d'entreposage des armes à feu dans la maison et, lorsqu'il s'agit d'armes à feu détenues par un collectionneur dans une maison d'habitation, que seuls soient inspectés les lieux où sont tenus les registres de la collection ou de l'entreprise.
Je demanderais aussi au comité d'envisager de supprimer les références à la partie III du Code criminel dans les articles 99, 100 et 101 et de ne conserver que la référence à la Loi sur les armes à feu elle-même.
Les députés de mon caucus m'ont convaincu que ces changements répondaient aux préoccupations qui auraient été exprimées. Parallèlement, nous pouvons garantir la sécurité. Nous pouvons assurer la vérification de l'enregistrement et, bien entendu, comme le sait pertinemment le comité, il sera toujours possible de recourir aux dispositions générales du code s'appliquant au mandat de perquisition si les agents de la paix ont des motifs raisonnables et probables de croire qu'une infraction a pu être commise.
Je voudrais maintenant invoquer brièvement la question de l'infraction. La première question qui m'a été posée le 24 avril, monsieur le président, c'est s'il était possible de trouver un accommodement pour les propriétaires d'armes à feu coupables d'une première infraction parce qu'ils ont oublié, par inadvertance, d'enregistrer leurs armes. Hier, j'ai écouté mon collègue Ovid Jackson, au sein du caucus, nous demander d'agir différemment. J'ai écouté Harold Culbert faire état de ses préoccupations et de celles de ses électeurs au sujet de la solution envisagée actuellement. Murray Calder a attiré avec force l'attention du comité sur ce qu'il considère comme un décalage entre l'objectif recherché et l'étendue des dispositons répressives actuelles.
Lorsque j'ai comparu devant vous le 24 avril, j'ai évoqué les lignes de conduite que j'invite respectueusement le comité à adopter pour envisager des solutions de rechange ne s'appliquant qu'aux armes d'épaule, étant donné que les armes de poing et autres armes à utilisation restreinte doivent d'ores et déjà être enregistrées; que des solutions de rechange ne soient envisagées que pour les personnes qui agissent véritablement par étourderie ou par inadvertance, et non pour celles qui cachent délibérément des armes à feu dans le but d'éviter les dispositions de la loi; que la solution qui pourrait être envisagée éventuellement ne puisse avoir pour effet de rendre facultatif l'enregistrement, car ce serait réduire à néant tout le travail que vous avez fait jusqu'à présent dans ce domaine; que lors de l'élaboration d'une solution, nous nous rappelions les objectifs de cette loi, soit nous permettre de disposer d'un système d'enregistrement efficace pour garantir la sécurité de la collectivité tout en donnant à la police les moyens de faire appliquer la loi d'une manière raisonnable par des individus autrement respectueux des lois qui ont tout simplement oublié d'enregistrer leur arme ou qui n'en connaissaient pas la nécessité.
Je vous fais par ailleurs remarquer, monsieur le président, que personne ne pourra être poursuivi pour une telle infraction avant le 1er janvier 2003, ce qui fait que nous disposons de six ans et demi pour sensibiliser le public canadien et lui faire connaître ces exigences.
Je demande respectueusement au comité d'envisager les modalités suivantes pour tenir compte de ces préoccupations.
[Traduction]
Laissez tout d'abord les articles 91 et 92 en l'état tout en ajoutant à la Loi sur les armes à feu un nouvel article s'appliquant spécialement au cas de l'auteur d'une première infraction qui se retrouve en possession d'une arme d'épaule qui n'est ni prohibée, ni à usage restreint. L'infraction prévue par cet article ne pourrait faire l'objet que de poursuites par voie de déclaration sommaire de culpabilité, et non pas d'accusations au criminel, et ne serait passible que d'une peine maximum correspondant à une amende de 2 000$, à six mois d'emprisonnement ou les deux à la fois.
Monsieur le président, il m'apparaît que si le comité voulait bien envisager cette possibilité, la police disposerait d'une véritable solution de rechange lorsqu'elle veut faire preuve de clémence en portant ces accusations. L'auteur d'une première infraction en possession d'une arme d'épaule ne serait plus passible des foudres du Code criminel, et nous dépénaliserions ainsi cette partie de notre droit.
En second lieu, puisque l'on ne procéderait que par voie de déclaration sommaire de culpabilité, cette première infraction ne serait plus enregistrée au CIPC.
Troisièmement, étant donné que l'on procéderait par voie de déclaration sommaire de culpabilité, on ne prendrait plus les empreintes digitales et la photographie des intéressés au titre des dispositions de la Loi sur l'identification des criminels.
Quatrièmement, les peines maximales pouvant être imposées seraient considérablement réduites.
Il n'en resterait pas moins que les conséquences seraient lourdes, ce qui montrerait aux Canadiens qu'il est indispensable de respecter les dispositions sur l'enregistrement.
Avant de conclure, j'aimerais aborder rapidement une autre question qui a été évoquée par un certain nombre de témoins. Il s'agit des souvenirs de famille. Sur ce point aussi j'ai des propositions à faire qui me viennent de mon caucus. Votre comité a entendu hier Brent St. Denis évoquer la nécessité de trouver une solution lorsque des personnes ont un attachement sentimental ou de famille envers une arme à feu déterminée qui est susceptible d'être prohibée. Vous avez entendu Julian Reed vous indiquer à quel point cette question était importante pour les membres de sa circonscription. Murray Calder a très bien évoqué cette préoccupation, à laquelle, à mon avis, il nous faut répondre.
Monsieur le président, comme je l'ai déclaré le 24 avril, je crois qu'il nous faut trouver un moyen de reconnaître dans le projet de loi que les souvenirs de famille ou provenant d'un héritage peuvent avoir une grande importance pour les gens. Nombre des armes à feu devant être prohibées sont susceptibles de relever de cette catégorie. On peut penser au Luger allemand de la Deuxième Guerre mondiale que certaines familles veulent absolument garder. Leurs possesseurs veulent pouvoir les transmettre à la génération suivante.
Puis-je proposer à votre comité qu'il envisage d'adopter des dispositions permettant de conserver des armes à feu, même lorsqu'elles sont prohibées, qui ont été fabriquées au plus tard en 1945 et qui, si elles ont été enregistrées au nom de l'intéressé le 14 février 1995, pourront être transmises à la mort de celui-ci à un membre de sa famille qui devra bien entendu se conformer aux exigences de l'octroi d'un permis. L'héritier de ces armes à feu familiales dont l'usage est prohibé pourra ensuite les transmettre à son tour aux membres de sa famille à son décès, qui ne pourront pas en acheter d'autres ni en vendre à d'autres propriétaires bénéficiant du même privilège. Ils pourront cependant en garder la possession pendant toute leur vie et les transmettre à un membre de leur famille.
Monsieur le président, je considère que cette solution respecterait la valeur sentimentale qu'attachent les gens à ces souvenirs de famille ou provenant d'un héritage tout en étant conforme aux principes de ce projet de loi.
Deux autres questions ont été portées à l'attention du comité qui, à mon avis, méritent qu'on les examine, et je demande respectueusement au comité de les considérer. Elles ont été soulevées par l'Association canadienne des chefs de police. Je crois que la première d'entre elles a aussi été évoquée par la Coalition pour le contrôle des armes.
La première consiste à modifier la loi de façon à indiquer à quelle date les exigences concernant l'octroi des permis et l'enregistrement entreront pleinement en vigueur - soit respectivement en 2001 et 2003 - pour que la date de l'instauration de ces mesures soit prévue dans la loi elle-même.
La seconde correspond à la demande faite par l'Association canadienne des chefs de police pour qu'à l'article 5 de la Loi sur les armes à feu on ne mentionne plus le délai de cinq ans lorsqu'on traite des condamnations passées susceptibles d'être prises en compte lorsqu'une personne demande un permis.
[Traduction]
Un exemple récent et tragique a clairement démontré que, parfois, cette période de cinq ans qu'on a choisie de façon arbitraire ne convient pas du tout. Les chefs croient fermement qu'ils devraient avoir un pouvoir discrétionnaire leur permettant d'aller au-delà de cette limite et d'examiner au moins les antécédents avant cette date. Je demande respectueusement aux membres du comité d'étudier cette proposition.
[Français]
Monsieur le président, je terminerai comme j'ai commencé. Nos engagements envers les principes de ce projet de loi sont fermes. Nous croyons que ce texte législatif sortira renforcé et amélioré du processus qui s'est déroulé devant ce Comité. Maintenant que les étapes finales du travail en comité approchent et que vous vous apprêtez à renvoyer le projet de loi à la Chambre des communes, je puis vous assurer de l'entière collaboration des fonctionnaires du ministère de la Justice ainsi que de la mienne.
[Traduction]
Je tiens à remercier le comité, qui a travaillé si fort et de façon si méticuleuse. Je serai heureux de répondre à toute question que vous pouvez avoir.
Le président: Merci, monsieur le ministre. Nous allons maintenant poser des questions selon la méthode habituelle; c'est-à-dire que nous allons accorder 10 minutes à chacun des trois partis politiques qui siègent au comité, puis un tour de cinq minutes en faisant alterner les membres du gouvernement et les membres de l'opposition.
[Français]
Monsieur Bellehumeur, vous avez 10 minutes.
M. Bellehumeur (Berthier - Montcalm): Ça me fait plaisir de vous voir ici, monsieur le ministre, entre autres parce que vous pourrez répondre à certaines de nos questions de cette semaine. On vous a fait part des amendements que nous, du Bloc québécois, souhaitions.
Dans votre exposé, vous avez mentionné que votre caucus avait eu des débats virils relativement à ce projet de loi. Je dois vous dire qu'au sein du Bloc québécois, on a également étudié très sérieusement cette question. Vous conviendrez qu'à première vue, à l'égard de ce projet de loi, il pouvait y avoir des divergences d'opinions entre les groupes ruraux et les groupes urbains. Il est certain que le Bloc québécois n'a pas fait exception relativement à ces débats. Cependant, on est quand même arrivés à un consensus dans lequel nous n'avons cédé ni au lobby des armes ni à celui de ceux qui veulent qu'il n'y ait aucun contrôle sur les armes à feu.
Je pense que ça représente assez bien ce que la population attend de ce projet de loi. La grande majorité de la population est en faveur du principe de l'enregistrement. Cependant, on pense que le projet de loi n'est pas un bon projet de loi de la façon dont il est rédigé à l'heure actuelle.
Aujourd'hui, vous avez démontré une certaine ouverture d'esprit relativement à certaines modifications que vous voulez vous-même apporter, modifications qui, dans deux cas, recoupent l'une des nôtres, entre autres au niveau de la décriminalisation pour les armes d'épaule. Je pense que c'est un pas de l'avant et que vous devez poursuivre. J'ai hâte de voir le libellé de vos amendements pour voir s'ils vont dans le sens du premier amendement que nous avons proposé.
Cependant, vous devez apporter d'autres amendements à ce projet de loi afin qu'il y ait un équilibre entre le droit du public à la protection et les droits des honnêtes citoyens qui pratiquent la chasse, le tir sportif ou d'autres sports semblables. Il y a un fardeau administratif qui va se poursuivre. On donne encore aux policiers des pouvoirs dont ils n'ont pas besoin et qui vont amener de l'exagération et des abus comme on en a déjà connu au Québec et dans d'autres provinces.
Vous avez semblé être réceptif au niveau des visites aux articles que vous avez mentionnés, c'est-à-dire l'article 98 et les suivants. Vous semblez disposé à modifier le pouvoir de ces policiers relativement aux visites sans mandat dans des lieux. J'ai également hâte de voir le libellé de ces modifications, puisqu'il s'agit d'un élément assez important de ce projet de loi. On ne peut donner aux policiers un chèque en blanc pour appliquer cette loi, et je pense que vous avez senti le besoin de la modifier.
Compte tenu que vous n'avez pratiquement touché qu'à deux des 14 points qu'on vous soumet, je vais vous poser des questions afin d'obtenir des précisions.
[Français]
Entre autres, vous n'avez pas discuté du tout de la peine minimale de quatre ans rattachée à certaines infractions.
[Français]
Le Bloc québécois s'oppose à cette peine minimale, non pas parce que nous estimons qu'un crime commis avec une arme à feu devrait rester impuni, mais parce que nous croyons au système judiciaire, au rôle des juges, à la discrétion des tribunaux dans l'application des sentences. Vous voulez imposer une peine minimale qui, je le crois, va créer des injustices.
Je vais vous donner un exemple très précis. Quelle différence y a-t-il entre un individu qui commet un viol avec une arme à feu et celui qui en commet un armé d'un couteau? Dans un cas, le criminal se verra certainement infliger une peine minimale de quatre ans, dans l'autre, pas nécessairement. Est-ce que cela vous semble juste? Est-ce que vous jugez cela en accord avec les principes qu'a toujours suivis le Canada?
Surtout, et vous avez pu le constater dans d'autres lois, le Québec est en avance dans le domaine de la réhabilitation ou de la réinsertion. Ne trouvez-vous pas qu'un projet de loi qui comporte de telles peines minimales vient contredire certaines actions qui se font au pays?
[Traduction]
M. Rock: En toute honnêteté, je ne le crois pas.
Une chose, entre autres, que j'ai entendue clairement, peu importe où je me trouvais au Canada et peu importent les groupes auxquels j'ai adressé la parole l'année passée - et peut-être que l'expérience de ce comité ressemble à la mienne - c'est que la population veut que le gouvernement transmette, de façon ferme, concluante et efficace, un message qui explique qu'on ne tolère pas l'emploi des armes à feu pour commettre un crime et que la sanction sera administrée de façon rapide, et sera certaine et significative. Nous avons également entendu dire que les efforts faits par le Parlement dans le passé dans le but d'atteindre cet objectif, à savoir les dispositions de l'article 85, n'ont pas porté fruit.
Nous avons effectué une étude des décisions rendues par les tribunaux canadiens en vertu de l'article 85 et nous avons appris que les gens avaient bel et bien raison et que, deux fois sur trois, les accusations portées en vertu de cet article n'ont pas abouti à une condamnation et que, bien trop souvent, de telles accusations ont été retirées parce qu'elles ont fait l'objet de négociations ou parce qu'il était impossible d'établir le fardeau de la preuve si l'accusé se servait d'une fausse arme à feu, et non pas d'une vraie.
Les modifications que nous proposons visent à éliminer ces faiblesses et à permettre d'atteindre les objectifs que veulent les Canadiens.
Je dois ajouter que sur le plan des principes, je suis préoccupé comme quiconque par le fait qu'une peine minimale pourrait lier les mains d'un juge, mais je crois que nous avons déjà réglé cette question lorsqu'il s'agit d'armes à feu. Il y a bien des années nous avons dit, à l'article 85, qu'une peine obligatoire s'appliquerait à toute personne qui se sert d'une arme à feu pour commettre un acte criminel. Les armes à feu, lorsqu'on les emploie pour commettre un crime, sont tellement meurtrières et le besoin ressenti par le système de justice pénale pour démontrer son engagement face à la réduction de l'emploi des armes à feu dans la commission des crimes est tellement nécessaire que, à mon avis, ces dispositions conviennent.
Je sais que certains témoins qui ont comparu devant ce comité ont parlé d'un pouvoir discrétionnaire, et peut-être le comité aimerait-il se pencher sur cette question. Monsieur le président, je crois que les tribunaux ne devraient se prévaloir de cette imposition de la peine minimale que rarement, parce que cette façon de déterminer les peines ne devrait pas régir notre système de justice pénale. Néanmoins, lorsqu'il s'agit de l'emploi d'une arme à feu pour commettre un crime, je crois que nous avons raison lorsque nous adoptons une telle approche.
Je tiens à rappeler aux membres de ce comité que nous avons déjà prévu de dépenser de l'argent et de faire des efforts pour transmettre le message clairement et de façon simple: c'est-à-dire que si vous décidez de vous servir d'une arme à feu pour commettre un crime, voici quelles seront les conséquences de vos actions. J'espère fermement que cette mesure extraordinaire va nous permettre de prévenir et de réduire l'emploi des armes à feu à des fins criminelles à un moment au Canada où les citoyens veulent justement qu'on transmette ce message et qu'on prenne ces mesures.
[Français]
M. Bellehumeur: Monsieur le ministre, y a-t-il des études concluantes démontrant qu'en augmentant la peine, on dissuade les criminels? J'ai toujours entendu dire qu'une peine minimale de quatre ans, de dix ans ou à perpète n'avait aucun effet.
[Français]
Je vais vous rappeler la Loi sur les stupéfiants. À l'époque où on pouvait être condamné à 14 ou 20 ans de prison pour importation de marijuana, le commerce a augmenté énormément. Lorsqu'on a réduit la sentence, on a réduit en même temps le nombre de crimes de ce genre.
Il me semble que les conclusions des études vont dans le sens complètement inverse de ce que vous affirmez, monsieur le ministre. Les avez-vous vues, ces études?
[Traduction]
M. Rock: Oui, nous les avons vues. Le 24 avril, je vous ai parlé d'un certain nombre d'études précises sur lesquelles nous nous étions fondés.
Je crois qu'il y a une controverse, parmi les chercheurs, concernant l'efficacité de l'imposition de peines minimales impératives pour dissuader les criminels. Bien des gens - moi y compris - reconnaissent tout simplement, intuitivement et logiquement, tout particulièrement lorsqu'un délit comporte un élément de planification comme le vol à main armée, qui est, par exemple, le plus courant des délits commis avec l'arme à feu dont on parle à ce propos... Si à l'étape de la planification, lorsque l'individu se prépare à agir en sachant que la loi est faite de telle manière, que le résultat va être certain et non négligeable, je crois que cela peut faire une différence.
Le 24 avril, j'ai mentionné des études précises. Je me suis reporté à Vicher, qui a conclu en 1987 que certaines infractions criminelles précises pourraient être réduites de 5 à 10 p. 100 de cette manière; à McFeeders, qui a constaté, en 1984, que l'imposition de peines plus lourdes, en cas de vol à main armée, entraînait une diminution de ce genre de délit; enfin, à McDowell, qui a passé en revue, en 1992, plusieurs études sur l'imposition de peines d'emprisonnement impératives en cas d'infractions commises avec des armes à feu. Il a constaté que les homicides commis avec des armes à feu avaient diminué. Je peux mettre ces études à la disposition du député s'il veut les consulter. Je sais qu'il y a des études qui disent le contraire. La question n'est pas tranchée.
[Français]
M. Bellehumeur: De mon côté, je vous ferai parvenir les études qui disent le contraire.
Le président: C'est tout? Le temps à votre disposition est expiré.
[Traduction]
Monsieur Ramsay.
M. Ramsay (Crowfoot): Merci, monsieur le président. Merci aussi, monsieur le ministre, d'être venu ce matin... et de nous avoir présenté cet exposé.
Je vais simplement refaire l'historique du projet de loi C-68. Tout a commencé lorsque nous sommes arrivés à Ottawa et lorsque vous avez déclaré publiquement qu'à votre avis la police et les militaires devaient avoir des armes à feu. Cette déclaration a beaucoup inquiété et préoccupé les possesseurs d'armes respectueux des lois dans tout le pays.
Vous affirmez avoir procédé à de larges consultations, et nous ne pouvons que vous en féliciter de ce côté-ci de la table. Pourtant, nous avons reçu des représentants des gouvernements qui sont venus comparaître devant notre comité et qui ont réfuté ces affirmations dans leurs témoignages. En particulier, vous avez affirmé à moi-même et à d'autres députés de la Chambre des communes que vous étiez en consultation permanente avec les procureurs généraux du pays. Cette affirmation a été réfutée par les procureurs généraux qui sont venus témoigner devant notre comité.
Les ministres de la Justice du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest sont eux aussi venus comparaître. Nous avons reçu des représentants des gouvernements de la Saskatchewan, de l'Alberta et du Manitoba. Ils n'ont pas été en mesure de faire le lien entre l'enregistrement des armes à feu, qu'il s'agisse d'armes d'épaule ou d'armes de poing, et le but que nous souhaitons tous, soit celui d'améliorer la sécurité publique.
Sont-ils incapables de voir ce que vous voyez, monsieur le ministre, ou ce que voit votre gouvernement? Tout est là. Qu'est-ce qui se passe? Avez-vous l'intuition de quelque chose qu'ils ne voient pas? Ils s'en tiennent aux faits. Comme vous l'avez indiqué, au sujet de l'imposition de peines plus lourdes, vous considérez peut-être la question en tenant compte d'autre chose que des faits et en partant éventuellement d'une intuition, sur laquelle vous fondez cette loi.
[Traduction]
Je reviens au processus consultatif. Les groupes autochtones qui ont comparu nous ont dit qu'ils n'avaient aucun doute et qu'ils étaient convaincus de ne pas avoir été consultés au sujet de l'élaboration de ce document de 124 pages. On ne leur a tout simplement pas demandé leur avis.
Quant aux Cris de la baie James et aux Indiens du Yukon, ils revendiquent le droit constitutionnel d'être consultés, non pas après le fait, mais bien avant, c'est-à-dire au moment de l'élaboration d'une loi qui les concerne directement. Ils nous ont cité leurs droits dans ce domaine. À mon avis, c'est une affaire de bon sens. J'ai été renversé, et inquiet, de les entendre dire qu'ils n'avaient pas été consultés.
Nous avons fait tout notre possible pour encourager votre ministère à adopter des articles qui respectent leurs droits constitutionnels, mais qui soient également conformes à leurs aspirations en ce qui concerne ces droits.
M. Morin, qui représente les Métis, nous a dit la même chose lorsqu'il a comparu. M. Mercredi, de l'Assemblée des premières nations, a prétendu la même chose, c'est-à-dire qu'il avait demandé à être consulté, mais qu'aucune consultation suivant les règles prescrites n'avait eu lieu. C'est également ce que nous ont dit les Indiens du Yukon et les Cris de la baie James.
Nous avons conclu des ententes avec nos peuples autochtones; ils considèrent qu'il y a eu violation de ces ententes, et cela m'inquiète considérablement. Il y a certainement quelque chose à faire pour régler ce malentendu et les rassurer, à supposer, toutefois, qu'il s'agisse uniquement d'un malentendu. Si vous avez vraiment rempli vos responsabilités constitutionnelles, si vous leur avez donné de véritables occasions de consultation, il est important de ne pas couper les ponts et de leur faire comprendre pleinement que vos obligations constitutionnelles et légales ont été respectées. Que je sache, cela n'a pas été fait.
Pour l'instant, ils ont l'impression que vous-même, votre ministère et le gouvernement du Canada avez enfreint leurs droits constitutionnels. Si les députés ont une responsabilité, c'est bien celle de protéger les droits constitutionnels des Canadiens.
Il me reste peu de temps, et je veux maintenant parler plus précisément du projet de loi.
Le président: Votre temps est pratiquement écoulé.
M. Ramsay: Je le sais; j'ai mon chronomètre sous les yeux, monsieur le président.
Le président: Je vois. J'ai le mien aussi.
M. Ramsay: Oui, et j'apprécierais beaucoup que vous me laissiez continuer.
Le président: J'ai simplement voulu vous rappeler poliment qu'il vous restait trois minutes.
M. Ramsay: Monsieur le président, j'apprécie votre politesse.
J'ai présenté une demande devant ce comité et j'aimerais que vous y accédiez, c'est-à-dire que vous déposiez tous les documents nécessaires pour établir que vous avez rempli vos responsabilités envers ces groupes d'autochtones et qu'il y a bel et bien consultation conformément à leurs droits constitutionnels.
Maintenant, j'en viens au projet de loi proprement dit.
À 75 reprises, ce projet de loi prévoit des dispositions réglementaires. Autrement dit, on nous demande de nous former une opinion dans le noir total. Je n'ai jamais vu un tel pouvoir réglementaire dans un autre projet de loi. À l'heure actuelle, les dispositions du Code criminel qui portent sur le contrôle des armes à feu prévoient l'adoption de 11 règlements. Dans ce projet de loi, il y en a 75. Autrement dit, 75 cas où nous sommes dans l'impossibilité d'examiner l'impact de la législation sur la population canadienne.
Monsieur le ministre, par l'entremise du gouverneur en conseil, vous vous accordez à vous-même des pouvoirs considérables. D'autre part, ce projet de loi ne contient aucune disposition susceptible de soumettre ces règlements à l'attention de la Chambre et des représentants élus de la population, si ce n'est par l'entremise d'un comité.
[Traduction]
Une dernière observation; le projet de paragraphe 117.15(2) accorde au gouverneur en conseil, par réglementation, le pouvoir d'interdire n'importe quelle arme à feu au Canada et supprime l'ancien droit de posséder des armes à feu ou des armes d'épaule pour la chasse et le tir à la cible. Ces dispositions disparaissent du Code criminel et dépendront dorénavant de l'opinion du gouverneur en conseil. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cet aspect-là, et également ce que vous pouvez nous dire au sujet de la documentation que vous pourrez nous soumettre sur les droits constitutionnels des autochtones et la façon dont votre ministère a respecté ces droits. Merci, monsieur le ministre.
M. Rock: Monsieur le président, je suis certain de pouvoir accéder à cette demande.
Pour commencer, une allusion à la déclaration d'avril dernier, une déclaration souvent citée et que j'ai faite à une époque où j'étais beaucoup plus jeune et beaucoup moins expérimenté. Un jour, j'étais en dehors de la Chambre des communes, et à propos d'armes à feu, j'ai commencé un court paragraphe par une phrase qu'on a beaucoup citée depuis lors. Par contre, on ne parle jamais de la deuxième phrase.
C'est une chose qui sera facile à confirmer, mais ce jour-là j'ai dit que lorsque je suis arrivé à Ottawa, en novembre 1993, j'étais convaincu que seuls les agents de police et les soldats devraient être autorisés à posséder des armes à feu dans ce pays. Cela dit, au cours de ces derniers mois, j'ai côtoyé d'autres membres de mon caucus qui viennent de milieux sociaux différents, qui ont un point de vue différent et qui, ensemble, m'ont permis d'élargir le mien. La deuxième partie de cette déclaration est rarement citée mais je l'ai faite, et je crois qu'elle est importante.
Je sais qui je suis. Je suis un citadin. Je suis une personne qui n'utilise pas d'armes à feu. Monsieur le président, en entreprenant toute cette affaire, je savais que pour pouvoir vraiment parler de toutes ces questions il me faudrait me familiariser avec une situation qui est nouvelle pour moi. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas publié de document de discussion l'année dernière, tout en demandant aux gens de donner leur opinion par la poste. Je n'ai pas demandé à M. Mosley et à d'autres membres de notre équipe de voyager dans tout le pays et de rencontrer différents groupes.
Par contre, j'ai fait la chose suivante. J'ai passé tout l'été à sauter d'un avion dans l'autre pour visiter toutes les provinces et tous les territoires, et cela a continué jusqu'en octobre. À un moment donné, j'ai assisté à des réunions et j'ai entendu des gens exprimer des opinions sur les armes à feu, des opinions qui ressemblaient beaucoup à ce qu'on m'avait dit dans quatre ou cinq autres régions. J'ai écouté tout cela patiemment.
À dessein, je me suis rendu dans des communautés isolées dans le Nord pour voir quelle place les armes à feu tenaient dans la vie des communautés autochtones. Je suis allé dans le Nord de la Saskatchewan, je suis allé au Manitoba avec Glen McKinnon, je suis allé partout dans le pays, car je savais que pour me faire prendre au sérieux - et certains refusent encore de le faire - lorsque je parlerais de ces questions, le seul moyen était de pouvoir dire que j'avais rencontré tous ces gens-là, que je les avais rencontrés face à face et que je les avais écoutés.
J'en viens donc à la deuxième phrase de ce fameux paragraphe qui est encore plus vraie aujourd'hui qu'elle ne l'était en avril dernier. Mon point de vue s'est élargi, et je comprends aujourd'hui l'importance des armes à feu pour tous ceux qui peuvent les utiliser d'une façon légitime. J'espère que vous me croyez quand je vous dis que je respecte profondément ces intérêts légitimes.
Passons maintenant à la consultation avec les groupes autochtones. J'ai l'intention de fournir à M. Ramsay une chronologie des communications et des consultations que nous avons eues avec les provinces et les territoires à propos de cette initiative législative. Ces communications ont commencé en mars 1994...
Le président: Puis-je vous demander de fournir ces renseignements à tout le comité, et non pas simplement à M. Ramsay?
M. Rock: Absolument, oui. Nous allons les faire traduire et vous les communiquer, monsieur le président.
Le président: Merci.
M. Rock: Il s'agit de correspondance, de rencontres avec des hauts fonctionnaires des sous-ministres, des responsables des armes à feu des provinces et des territoires. Il y a eu également des conférences téléphoniques avec des préposés aux armes à feu des provinces. Évidemment, cela ne suffira pas. Rien ne suffit tant que nous ne faisons pas exactement ce que les participants veulent, mais cela prouve tout de même que le gouvernement fédéral et ses homologues provinciaux ont sollicité la participation de tous ces gens-là, et qu'ils leur ont expliqué leurs intentions au fur et à mesure, leur demandant de participer aux discussions et écoutant leurs points de vue.
D'un autre côté, ce projet de loi n'est pas sorti un beau jour du néant. Le 30 novembre dernier, j'ai déposé un plan d'action qui nous a valu une avalanche d'opinions de la part de nos homologues provinciaux.
M. Ramsay dit ensuite que mes homologues de l'Ouest du Canada n'arrivent pas à voir quel rapport il peut y avoir entre nos propositions et la sécurité et la lutte contre la criminalité.
[Traduction]
Monsieur le président, c'est un point particulièrement important. À ce stade du débat du moins - et pendant tout le débat d'après certains - ceux qui s'opposent à l'enregistrement de toutes les armes à feu exigent de nous qui sommes en faveur d'un tel système un fardeau de la preuve tout à fait déraisonnable. M. Bellehumeur et moi-même avons discuté brièvement d'un minimum obligatoire, mais j'ai parlé à beaucoup de gens qui exigent les mêmes preuves, qui veulent l'assurance absolue que cette peine de prison minimum obligatoire de quatre ans va faire baisser la criminalité. Malgré cela, avant de forcer les propriétaires d'armes à feu à poster un ou deux formulaires et envoyer 10 $ à un moment donné au cours des sept prochaines années, je dois commencer par prouver d'une façon irréfutable que l'enregistrement universel va permettre de sauver tant de vies humaines. Cela n'est pas raisonnable.
Il vaudrait mieux s'en rapporter au bon sens. Vous avez écouté des gens comme Scott Newark et Neal Jessop, de l'Association des policiers, le chef MacDonald et d'autres représentants de l'Association des chefs de police, tous ces gens qui sont en première ligne et qui pensent que l'enregistrement est important. Vous avez écouté également M. McNamara, Priscilla de Villiers et M. Hogben, qui sont venus vous raconter un matin comment ils avaient perdu un membre de leur famille. En tenant compte de tous ces points de vue-là, en se laissant inspirer par le bon sens et en comparant cela au léger inconvénient de devoir poster un formulaire et envoyer 10 $ une fois au cours des sept prochaines années, on peut vraiment se demander quelle autre preuve est nécessaire, monsieur le président.
Ainsi, si mes homologues de l'Ouest ne voient pas le rapport, j'en suis désolé, mais il y a beaucoup de Canadiens qui le voient, et nous sommes convaincus qu'il existe.
Maintenant, en ce qui concerne les Cris et le Yukon, M. Ramsay a des idées bien arrêtées à ce sujet. C'est une question qu'il a soulevée à plusieurs reprises, et, si vous le permettez, je vais y consacrer quelques instants.
J'ai parlé du processus de consultation qui a mis en cause également le Conseil des Indiens du Yukon. J'ai rencontré Matthew Coon-Come l'année dernière, mais je dois dire que la question des armes à feu n'a pas été soulevée pendant notre discussion. Toutefois, le conseil a reçu la correspondance dont j'ai parlé. Dans le courant de la matinée, je vais communiquer au comité des copies de toutes les lettres auxquelles j'ai fait allusion. Vous verrez ce que je leur ai envoyé et les sujets de discussion que j'ai soulevés.
Des dispositions spécifiques à quatre des 14 nations du Yukon qui appartiennent au conseil et qui ont des ententes d'autonomie gouvernementale figurent dans les articles 16.3.3 et 16.3.2 et traitent de la consultation. La consultation est définie comme étant «un préavis d'une décision future contenant suffisamment de substance et de détails pour permettre à la partie intéressée de mettre en forme son opinion sur la question, un préavis d'une durée suffisante pour permettre à la partie à consulter de préparer son opinion, l'occasion de présenter cette opinion, et un examen sérieux et exhaustif de cette opinion par la partie tenue de consulter.»
Monsieur le président, en faisant toutes ces visites pendant l'été et l'automne derniers, en soumettant aux intéressés ce plan d'action le 30 novembre, un plan qui faisait état de nos intentions, en écrivant directement aux intéressés pour leur demander de participer au processus qui se déroule actuellement dans leurs communautés et aux termes duquel nous leur envoyons des équipes pour leur donner des explications, enfin, en insérant dans le projet de loi une disposition qui nous permet d'appliquer les principes en tenant compte des sentiments des communautés autochtones, en faisant tout cela, à mon avis, nous nous sommes pleinement acquittés de cette obligation.
En ce qui concerne l'aspect constitutionnel, c'est à mon avis une exagération. C'est uniquement lorsqu'un projet de loi constitue un empiètement et lorsque les tribunaux sont tenus d'en considérer les répercussions qu'on peut s'interroger sur le respect des droits actuels.
Une dernière observation à ce sujet, monsieur le président; la Convention de la baie James et du Nord québécois prévoit que le droit d'exploiter les territoires englobe le droit de posséder et d'utiliser le matériel nécessaire pour exercer ces droits. Toutefois, ces dispositions restent assujetties aux lois d'application générale adoptées pour la sécurité publique, comme le projet de loi C-68.
En ce qui concerne la consultation, il est certain que des efforts sont en cours qui mettent en cause directement les Cris. Nous leur avons d'ailleurs écrit pour leur demander de discuter de nouveau avec nous pour que nous puissions décider comment ces principes qui sont adoptés pour la sécurité publique peuvent être appliqués dans leurs communautés sans porter atteinte à leurs droits.
Je passe maintenant aux règlements et à ce que vous appelez étudier des mesures dans le noir total. Monsieur le président, ce comité étudie actuellement le projet de loi, dont les principes et les limites sont clairs. Ces dispositions sont sous vos yeux, et le pouvoir de réglementation qu'elles contiennent est assujetti à l'article 111 du projet de loi, qui m'oblige à soumettre les projets de règlements à chacune des Chambres du Parlement. Conformément à la procédure normale, le Parlement aura alors la possibilité de remettre en question tous ces règlements.
En ce qui concerne les décrets du conseil, le changement que nous sollicitons vise une situation que je vais maintenant vous décrire.
[Traduction]
À l'heure actuelle, le pouvoir d'interdire certaines armes à feu par décret du conseil porte sur ces armes-là, à l'exception de celles qui sont couramment utilisées pour la chasse et les activités sportives.
Cela dit, pour l'instant une personne pourrait entrer au Canada avec une arme à feu qui, de l'avis général, n'est pas faite pour cela, et l'utiliser pour des compétitions de tir, ce qui lui permettrait ensuite de prétendre que c'est un usage courant, échappant ainsi à une ordonnance d'interdiction.
Avec ce changement qui permet d'interdire des armes qui ne sont pas destinées à une telle utilisation, on empêcherait les gens de recourir à ce moyen détourné.
C'est à mon avis ce que souhaitent les Canadiens. Nous ne voulons pas que les gens puissent échapper aux ordonnances d'interdiction en inventant des compétitions de tir avec des armes d'assaut militaires.
Monsieur le président, j'espère avoir répondu aux principaux éléments des questions de M. Ramsay.
Le président: Merci.
Monsieur Wappel, vous avez dix minutes.
M. Wappel (Scarborough-Ouest): Merci, monsieur le président.
Bonjour, monsieur le ministre. De toute évidence, je n'aurai pas le temps de poser toutes mes questions, mais je veux tout de même m'assurer que notre comité comprend pleinement votre position en ce qui concerne cette première infraction.
À ce sujet, j'aimerais vous renvoyer plus précisément aux articles 91 et 92 de la partie III du projet de loi.
La description en marge de l'article 91 s'intitule «Possession non autorisée d'une arme à feu». La description en regard du paragraphe 92 s'intitule «Possession non autorisée d'une arme à feu - infraction délibérée».
Une personne ordinaire pourrait croire que c'est du langage d'avocat, deux façons différentes de dire la même chose. D'ailleurs, si vous comparez les deux articles, monsieur le ministre - et je suis sûr que vous l'avez fait - vous constaterez que les premières lignes sont identiques, textuellement. Elles sont identiques jusqu'à la quatrième ligne, quand on arrive au mot «sachant».
Ainsi, pour nous exprimer en termes légaux, le projet d'article 92 introduit un élément de mens rea qui n'existe pas dans le projet d'article 91.
Dans ces conditions, ou bien je me trompe, ou bien la présence du terme «sachant» dans le projet d'article 92 signifie que le projet d'article 91, qui ne contient pas ce mot, ne contient pas non plus d'exigence d'intention, si bien que cet article établit une infraction à responsabilité absolue.
M. Rock: À cette exception près qu'aux termes du projet d'article 91 il est nécessaire de prouver qu'il y a possession en connaissance de cause.
Autrement dit, si quelqu'un introduit une arme à feu dans ma maison à mon insu, cela correspond à une accusation aux termes du projet d'article 91.
M. Wappel: Vous ne seriez donc pas contre un amendement à l'article 91 qui ajouterait la mention «en connaissance de cause» après le mot «possession»? Autrement dit, la phrase se lirait ainsi: «...quiconque a en sa possession en connaissance de cause une arme à feu sans être titulaire à la fois...»
M. Rock: Je tiens à vous dire que l'expression «a en sa possession» a été étudiée très attentivement. Pour établir la possession dans ce contexte, la Couronne devrait établir que la personne était au courant de l'existence de l'objet à cet endroit-là.
M. Wappel: Mais c'est précisément ce que vous faites dans l'article 92. Vous utilisez les termes «possession» et «sachant» dans la même phrase, le mot «sachant» suivant de près le mot «possession».
M. Rock: Oui.
M. Wappel: À mon avis, en ajoutant «en connaissance de cause» après «possession» dans le projet d'article 91, vous expliqueriez clairement vos intentions au tribunal.
M. Rock: Mais voulez-vous dire que vous devez posséder l'arme à feu en connaissance de cause aux termes de l'article 91?
M. Wappel: Précisément. Autrement dit, vous ne pouvez pas être reconnu coupable du simple fait que vous avez une arme à feu sans être titulaire d'un permis; on doit établir également que vous le saviez.
M. Rock: Je ne pense pas que... À mon avis, le minimum exigé, c'est la grossière négligence; autrement dit, une situation où je serais coupable de grossière négligence, laissant une arme à feu dans mon automobile au lieu de la laisser dans un endroit où elle pourrait être entreposée.
Mais à mon avis cela n'est pas nécessaire. Nous allons y réfléchir; permettez-moi de consulter des personnes autorisées au ministère.
M. Wappel: Mais en votre qualité de ministre de la Justice vous considérez que le projet d'article 91 n'établit pas une infraction à responsabilité absolue, n'est-ce pas? Il faut qu'il y ait intention délibérée?
[Traduction]
M. Rock: Il faut que votre intention ait été de garder l'arme à feu en votre possession. Si quelqu'un introduit une arme à feu dans mon automobile et si la police m'arrête, trouve cette arme et déclare: «Vous êtes en possession d'une arme à feu sans être titulaire d'un permis ou d'un certificat», l'article 91 ne pourrait pas s'appliquer sur cette base-là, à moins qu'il n'y ait négligence délibérée.
M. Wappel: Merci.
Vous avez dit ensuite que vous laissiez les articles 91 et 92 dans la partie III, mais qu'en même temps vous suggériez d'inscrire la première infraction pour possession d'une arme à feu sans être titulaire d'un certificat d'enregistrement dans la Loi sur les armes à feu, et non pas dans le Code criminel. C'est bien ça?
M. Rock: Oui.
M. Wappel: Une question pour commencer: cette première infraction dont vous parlez, s'agirait-il d'une première infraction en vertu de la Loi sur les armes à feu ou bien de n'importe quelle première infraction?
M. Rock: Il s'agirait, à mon avis, d'une première infraction pour possession d'une arme à feu non enregistrée.
M. Wappel: Par conséquent, en théorie, si un criminel de carrière négligeait d'enregistrer son arme, on considérerait que c'est une première infraction.
M. Rock: À cette exception près qu'un certain pouvoir discrétionnaire est prévu et qu'une autre procédure peut être choisie.
Le président: Est-ce que l'agent de police n'aurait pas le droit de porter des accusations en vertu des articles 91 ou 92 ou de la Loi sur les armes à feu lorsque, de toute évidence, il s'agit d'un criminel? C'est l'exemple de M. Wappel.
M. Rock: Précisément. Si vous considérez le code actuel, il y a des chefs d'accusation communs pour les vols de voitures et les escapades en voiture volée, mais les peines prévues sont différentes. L'agent de police peut choisir l'une ou l'autre disposition, selon qu'il s'agit d'un jeune de 16 ans qui a volé une voiture pour s'amuser ou d'un criminel endurci qui a l'intention de la vendre sur le marché noir en pièces détachées.
Monsieur Wappel, vous avez raison en théorie, mais l'idée, c'est d'accorder à la police un pouvoir discrétionnaire, dont nous sommes convaincus qu'il sera bien utilisé. S'il s'agit d'une personne dont le conjoint est décédé, un conjoint qui possédait une carabine .22, et si le survivant, dans sa douleur, oublie de l'enregistrer en son nom ou de solliciter un permis, il est certain que des dispositions particulières s'imposent.
À mon avis, nos propositions permettent cette souplesse.
M. Wappel: Si une personne était reconnue coupable en vertu de cette proposition que vous faites et qui figurerait dans la Loi sur les armes à feu, est-ce que cela suffirait pour établir un casier judiciaire?
M. Rock: Si M. Bodnar était ici, il pourrait nous donner une réponse beaucoup plus autorisée que je ne pourrais le faire moi-même. En fait, en étudiant cette question, je me suis aperçu que cela pourrait donner lieu à un mois d'audiences supplémentaire.
Je ne sais pas s'il existe une réponse définitive; cela dépend de ce que vous entendez par «casier judiciaire».
M. Wappel: Je vais vous donner un exemple. Supposons qu'une personne sollicite un emploi qui exige un cautionnement. Je crois que sur certains formulaires il y a une question... Je ne sais pas dans quels termes; je me fonde sur mon intuition. Vous l'avez fait vous-même; je devrais donc pouvoir le faire. Une question comme: «Avez-vous été reconnu coupable d'une infraction criminelle?» Peut-être mentionne-t-on le «Code criminel», je ne sais pas.
Autre chose; supposons que quelqu'un décide d'aller en Floride en février et que les douaniers américains lui demandent: «Avez-vous été reconnu coupable d'une infraction criminelle?» Je vous pose la question en votre qualité de ministre de la Justice: à votre avis, comment cette personne doit-elle répondre si elle a été reconnue coupable d'une infraction aux termes de cet article de la Loi sur les armes à feu?
M. Rock: Elle ferait mieux de consulter un avocat.
Des voix: Oh, oh!
M. Wappel: Voilà qui devrait faire plaisir à tous les avocats.
M. Rock: Par un heureux hasard, mon avocat est ici aujourd'hui.
Le président: Pas de publicité pendant le comité.
M. Wappel: Évidemment, vous comprendrez que cela inquiète les gens.
M. Rock: Absolument.
M. Wappel: Je me demande quelle serait votre réaction ou celle de M. Mosley ou celle de votre ministère.
M. Rock: C'est une préoccupation importante, une question que j'ai soulevée moi-même. En effet, je me suis demandé ce qui se passerait lorsqu'une personne demande un passeport, lorsqu'elle fait une demande d'emploi ou lorsqu'elle essaie d'aller passer des vacances en Floride. Voici ce qu'on m'a répondu.
En règle générale, lorsqu'il y a déclaration sommaire de culpabilité, cela n'est pas inscrit dans les dossiers du CIPC. Si je dis «en règle générale», c'est que dans le cas d'un criminel de carrière qui a déjà des actes criminels à son casier judiciaire, qui a déjà un dossier au CIPC, il est fort possible qu'on y ajoute la déclaration sommaire de culpabilité et qu'elle figure au milieu d'une longue chronologie la prochaine fois que l'individu sera accusé.
Mais en règle générale une déclaration sommaire de culpabilité n'est pas inscrite aux dossiers du CIPC.
Toujours en règle générale, lorsqu'on effectue une vérification, par exemple à la frontière, on consulte uniquement le CIPC.
[Traduction]
C'est uniquement auprès du CIPC. Les autorités policières locales ont parfois des dossiers plus complets, qui peuvent garder la trace d'une déclaration sommaire de culpabilité. C'est la raison pour laquelle je vous dis que cela dépend de ce que vous entendez par «casier judiciaire».
D'un autre côté, de nos jours la question sur les demandes d'emploi se lit comme suit: «Avez-vous déjà été reconnu coupable d'une infraction criminelle pour laquelle vous n'avez pas obtenu un pardon?» Comme je l'ai découvert, les dispositions relatives au pardon sont importantes. Il est beaucoup plus facile d'obtenir un pardon dans le cas d'une déclaration sommaire de culpabilité que dans le cas d'un acte criminel.
Enfin, vous me permettez de faire deux observations? Premièrement, nous discutons en ce moment d'une infraction qui ne prendra effet que dans six ans et demi. Et les Canadiens qui n'auraient pas entendu parler de l'enregistrement de toutes les armes à feu jusqu'à aujourd'hui, les propriétaires d'armes à feu qui n'auraient pas entendu parler jusqu'à aujourd'hui de ce projet d'enregistrement de toutes les armes à feu, vont avoir un mal de chien à rester dans l'ignorance pendant six ans.
Enfin, il ne faut pas oublier non plus l'aspect discrétionnaire. Dans le cas du veuf ou de la veuve éplorés qui auraient négligé d'enregistrer leurs armes, le tribunal a le pouvoir de rejeter l'accusation, en supposant qu'il y ait eu accusation. Comme vous le savez, en cas d'acquittement, que ce soit conditionnel ou absolu, l'accusation n'est pas enregistrée. Autrement dit, il n'y a pas de casier judiciaire. J'espère que cela répond à votre question.
Le président: Il peut également décider de ne pas porter d'accusation.
M. Wappel: Monsieur le ministre, je sais que c'est difficile à croire, mais il y a des gens dans ce pays qui ne savent même pas qui est le premier ministre. Il y en a peut-être même parmi eux qui possèdent des armes à feu. Je doute très fort que tout le monde soit au courant de l'enregistrement dans six ans et demi, comme vous semblez le penser.
Si la patrouille frontalière américaine pose la question à une personne, à votre avis doit-elle répondre: «Non, je n'ai jamais été reconnu coupable d'une infraction criminelle»? Elle sait qu'elle a été accusée en vertu de la Loi sur les armes à feu.
M. Rock: Je ne peux pas prévoir ce que les gens feront; je peux seulement vous expliquer les effets d'une telle accusation. Comme je l'ai dit, en règle générale, ce type d'infraction n'est pas inscrit dans les dossiers du CIPC.
[Français]
Le président: Monsieur Caron.
M. Caron (Jonquière): Monsieur le ministre, je comprends comme vous l'importance d'établir des mécanismes de contrôle des armes à feu au Canada. Je comprends que notre société ne tolère plus certaines manifestations de violence auxquelles les armes à feu sont reliées de façon souvent importante.
Ce que je comprends un peu moins, c'est le délai que vous demandez pour l'enregistrement des armes à feu. Vous reportez la date limite à l'an 2003. Compte tenu de l'importance du projet de loi, ne pensez-vous pas que le délai que vous donnez est trop long? Notre société a des moyens techniques pour mettre sur pied les infrastructures nécessaires. Notre société a aussi les moyens publicitaires pour dire à l'ensemble de la population qu'une loi a été adoptée par le Parlement et que les gens doivent enregistrer leurs armes à feu.
Je comprends mal que vous reportiez la date limite à 2003. Pourquoi pas 2001 ou 2002? Les gens qui vont omettre d'enregistrer leurs armes à feu le feront peut-être par ignorance, mais ce seront peut-être aussi des gens qui s'opposent à cette mesure, qui ont des intentions pas nécessairement criminelles, mais qui veulent continuer à se servir de leurs armes à feu de façon irresponsable. Je pose l'hypothèse que les gens les plus dangereux vont attendre à la dernière minute. Pourquoi attendre en 2003? Pourquoi pas en 2001 ou 2002?
M. Rock: Nous avons calculé le temps nécessaire à la préparation du système. À notre avis, nous devons prendre le temps nécessaire pour préparer les formulaires de formation des fonctionnaires qui seront appelés à gérer ce système.
[Français]
Nous nous sommes basés sur deux choses pour déterminer la date de présentation de ce système d'enregistrement universel: premièrement, notre estimation du temps dont nous avons besoin pour préparer le système et, deuxièmement, le temps nécessaire pour préparer les propriétaires d'armes à feu à s'impliquer dans le système d'enregistrement.
[Traduction]
Je dois dire, premièrement, au sujet des permis, comme vous le savez, que que nous avons l'intention de commencer le 1er janvier prochain, ce qui n'est pas très loin. Il est vrai que ce projet sera mis en oeuvre progressivement sur une période de cinq ans, mais comme l'a déclaré M. Wappel, il y a beaucoup de travail à faire pour expliquer à la population la façon dont fonctionne le système, pour lui faire comprendre qu'il faut le respecter, et il y a également les CAAF, qui vont disparaître peu à peu, puisqu'ils ont une durée de validité de cinq ans pour être remplacés par le nouveau système, celui des CEAF.
Jusqu'au 31 décembre de cette année, il sera parfaitement légal de demander un CAAF qui sera valide pour cinq ans. C'est pourquoi nous avons besoin de cette période de cinq ans pour passer au nouveau système, compte tenu des droits acquis en matière de CAAF.
Pour ce qui est du début de l'enregistrement des armes à feu fixé au 1er janvier 1998, nous avons choisi cette date parce qu'elle nous permettait de mettre en place le matériel et le logiciel dont nous avions besoin pour le faire. Là encore, la période de cinq ans qui va suivre 1998 va nous donner le temps, premièrement, d'harmoniser cette mesure avec la période de cinq ans prévue pour la délivrance des permis - il faut combiner les deux - et de sensibiliser la population à cette obligation et lui accorder un délai raisonnable pour l'appliquer.
Pourrait-on procéder plus rapidement? En théorie, je pense que cela serait possible. Serait-il souhaitable de le faire? Je ne le pense pas, car, compte tenu de la complexité de la tâche et de notre volonté d'amener les gens progressivement à s'intégrer au système, cela me paraît constituer un juste milieu. J'ai certes lu avec beaucoup d'intérêt les propositions que vous avez présentées à ce sujet, mais je persiste à penser que nous avons choisi la bonne direction.
M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Je voulais vous poser tout d'abord une question au sujet de l'article 5, plus précisément au sujet de l'alinéa 5(2)c). Il s'agit de savoir si l'on peut délivrer un permis à une personne dont le comportement passé dénote une tendance à la violence, qu'il s'agisse de menaces ou de tentatives, contre elle-même ou d'autres personnes. Je pense à cette personne qui a un fusil de chasse depuis 25 ans et qui a un problème important dans sa vie. C'est son voisin. Disons qu'ils se disputent depuis toujours au sujet d'une clôture, parce que cela est très courant dans ce pays, et que ces deux personnes ont eu des disputes assez vives. Voilà que ce voisin, sans vouloir aborder la question de savoir qui a tort ou raison dans cette affaire, utilise cette disposition pour appeler un préposé aux armes à feu et lui dire qu'il ne pense pas qu'il conviendrait de délivrer un permis à cette personne parce qu'elle l'a déjà menacé. Existe-t-il dans cette loi une disposition qui permette de tenir compte du fait que voilà une personne qui a ce fusil depuis 25 ans et qu'il s'agit en fait - faute de termes plus justes - d'une situation très courante dans ce pays, les disputes entre voisins. Cela introduit une bonne dose de subjectivité dans le système.
M. Rock: Eh bien, tout d'abord, monsieur le président, puis-je faire remarquer qu'il faudra tenir compte de ce genre de faits, mais ce n'est pas ce qui déterminera si une personne donnée a droit à un permis. Il y a un élément de discrétion. Cela est nécessairement quelque peu subjectif, et nous confions cette tâche aux autorités parce que nous savons qu'elles feront preuve de jugement.
.1015.
[Traduction]
Je vous signalerais également que les gens ont le droit de faire appel du refus de leur délivrer un permis et qu'ils peuvent prétendre devant un juge de la cour provinciale qu'on a accordé trop d'importance à un aspect relativement mineur, en particulier si cette personne peut prouver qu'elle possède une arme à feu depuis très longtemps et que, comme dans l'exemple que vous avez donné, il ne s'agit que d'un incident isolé, courant et relativement peu important. Je dirais en me basant sur les faits que vous m'avez décrits que si cette personne n'arrivait pas à convaincre le premier décideur, elle aurait d'excellences chances en appel, parce qu'on examinerait la situation dans un contexte quelque peu plus vaste.
N'oubliez pas que ce genre de questions se posent à l'heure actuelle, comme le fait remarquer M. Mosley. Je crois pouvoir affirmer que cela a donné des résultats assez équitables.
M. Gallaway: Vous avez mentionné que vous aimeriez apporter un certain nombre de changements aux dispositions en matière d'inspection des articles 98 et suivants. Seriez-vous en faveur de remplacer, dans l'article 98, le terme «policier» par «préposé aux armes à feu»? Je crois comprendre qu'il y a un préposé aux armes à feu dans toutes les régions du Canada. Les policiers n'auraient pas à se transformer en inspecteurs, et cette tâche serait alors réservée à une ou peut-être deux personnes dans certaines régions.
M. Rock: Je n'en ai pas parlé au début parce que je ne voulais pas trop entrer dans les détails, mais nous avons en fait pensé modifier cet article pour que le comité puisse confier un dossier à un inspecteur dans ce système d'inspection. L'article 98, tel qu'il se lit actuellement, parle d'un policier ou d'un membre d'une catégorie de personnes désignée par le ministre.
Si l'on pouvait parler d'inspecteurs et définir cette catégorie comme comprenant les préposés aux armes à feu ou les membres des catégories de personnes désignées par le ministre provincial, les policiers pourraient alors être nommés à ce poste sans être automatiquement chargés d'effectuer ces inspections. Lorsqu'il s'agit d'un préposé aux armes à feu, il s'agit habituellement d'une personne qui travaille plus fréquemment dans ce domaine et qui est davantage sensibilisée aux façons de voir des propriétaires d'armes à feu, des collectionneurs ou des hommes d'affaires, et cela serait peut-être préférable.
M. Gallaway: L'article 18, qui parle de transport et de port d'armes, vise les armes à autorisation restreinte. Dans les cas où nous connaissons les personnes dont il s'agit, où nous connaissons l'arme ou les armes qu'elles possèdent, les armes à feu qu'elles ont - et je tiens comme hypothèse que cela s'applique principalement aux membres des clubs de tir qui possèdent des pistolets - pourquoi ne pas leur accorder ce que j'appellerais un permis de port d'armes valide pour trois endroits? On pourrait peut-être limiter ce nombre à trois.
Un certain nombre de personnes de ma circonscription et d'ailleurs m'ont contacté. Cette question se pose dans les régions frontalières, où les gens doivent se rendre au poste de police pour obtenir un permis de port d'armes chaque fois qu'ils traversent la frontière pour participer à une compétition de tir aux États-Unis. On me dit que s'ils pouvaient se procurer un permis de port d'armes valide pour plusieurs endroits - il s'agirait d'un permis de port d'armes permanent - il est évident que les autorités sauraient facilement si une personne va traverser la frontière. Seriez-vous d'accord avec cette proposition si on limitait le nombre des endroits visés par le permis de port d'armes?
M. Rock: M. Mosley me signale que cela serait possible avec cette proposition. Puis-je inviter M. Mosley à vous parler de cette question?
M. Richard Mosley (sous-ministre adjoint, ministère de la Justice): Monsieur le président, je crois que cela serait possible aux termes de l'article 18, tel qu'il se lit actuellement, et d'ailleurs selon les dispositions de la loi actuelle, et l'on pourrait préciser deux endroits ou plus où l'on pourrait transporter les armes à feu.
M. Rock: Nous ne pouvons consacrer beaucoup de temps à cette question maintenant, mais si M. Gallaway a d'autres questions à ce sujet, il pourrait peut-être les poser au cours de l'examen article par article. Mes représentants seront ici, et nous pourrions examiner de plus près une solution qui répondrait aux besoins de la population.
M. Gallaway: Très bien.
Mme Meredith (Surrey - White Rock - South Langley): Je tiens à vous remercier d'être venu devant le comité ce matin, monsieur le ministre.
J'aimerais croire que, compte tenu des commentaires que vous avez faits au sujet des modifications raisonnables et raisonnées que vous envisagez, et qui viennent de vos collègues libéraux, que je n'ai pas complètement perdu mon temps depuis trois mois et que vous envisagerez également des modifications raisonnées si elles vous sont présentées par mes collègues du Parti réformiste.
Je réagis au fait que les discussions qu'a suscitées ce projet de loi ont principalement porté sur son volet enregistrement.
[Traduction]
Je crains fort que l'on ne tente de modifier en profondeur la partie III. Je vais présenter des modifications très précises qui concernent la façon dont nous réprimons l'utilisation criminelle des armes à feu. Il y a quelques aspects qui me préoccupent énormément. Je pense qu'il faudra apporter certaines modifications raisonnées à la partie III de ce projet de loi.
L'aspect qui me préoccupe le plus, c'est que vous avez prévu une infraction distincte pour les répliques d'armes à feu. Vous n'avez pas jugé bon de prévoir une seule infraction. Il appartiendra encore à la Couronne ou aux policiers d'établir que l'arme à feu était soit une arme à feu véritable, soit une réplique. J'estime que cela va introduire une certaine confusion, notamment parce que les personnes accusées d'une infraction relative aux armes à feu vont pouvoir négocier leur plaidoyer grâce au fardeau de la preuve imposé à la Couronne. J'aimerais que les tribunaux puissent imposer une peine moins sévère dans un cas d'usage d'une arme à feu ou d'une réplique d'une telle arme. Il faudrait en fait qu'il n'y ait qu'une seule inculpation possible, au lieu de distinguer les paragraphes 85(1) et 85(2). Je crains fort que ce projet de loi ne modifie en rien la situation actuelle, où toutes les inculpations relatives aux armes à feu, ou la plupart d'entre elles, sont abandonnées parce qu'il est extrêmement difficile d'obtenir des condamnations dans ces cas-là.
L'autre aspect qui me préoccupe, c'est la peine minimale imposée pour les 10 utilisations les plus dangereuses d'armes à feu. Les gens se font beaucoup d'idées fausses sur cette question. Ils pensent qu'il s'agit d'une peine consécutive, ce qui n'est pas le cas. J'ai découvert que lorsque la loi prévoyait une peine minimale, c'était cette peine que l'on fixait le plus souvent. Je trouve préoccupant qu'une personne qui commet un homicide involontaire coupable ou une agression sexuelle sur une personne en utilisant une arme à feu risque seulement une peine de quatre années d'emprisonnement, alors qu'à l'heure actuelle elle risquerait de se voir plutôt imposer une peine d'emprisonnement de sept ou huit ans. Je crains que ce projet de loi ne débouche sur une diminution des peines imposées.
C'est là les deux domaines où j'aimerais voir votre ministère envisager des modifications, qui feraient clairement ressortir la gravité de l'usage d'une arme à feu ou d'un objet qui lui ressemble au cours de la perpétration d'une infraction.
M. Rock: Monsieur le président, nous allons revoir la transcription par la suite, pour être sûrs de bien saisir ces remarques.
Vous me direz si je réponds bien à votre question, parce que je ne suis pas sûr de bien avoir compris votre première remarque sur les répliques. À l'heure actuelle, en vertu du droit pénal, l'article 85 s'applique uniquement aux véritables armes à feu, et non pas aux fausses armes à feu. Si je me rends chez le dépanneur avec une arme en plastique et que je le dévalise, on ne pourra pas utiliser l'article 85 pour m'imposer une peine supplémentaire lorsqu'on me condamnera pour vol qualifié. Mais il est évident que la personne qui fait face à ce pistolet à eau risque d'être aussi terrifiée et traumatisée que si cela avait été une véritable arme à feu.
De plus, il arrive qu'à l'heure actuelle des gens utilisent une véritable arme à feu, mais que la Couronne ne puisse démontrer qu'il s'agissait d'une véritable arme à feu, de sorte que l'accusation fondée sur l'article 85 est abandonnée. Nous avons donc modifié l'article 85 - et j'aurais cru que cela répondait aux questions que se posait Mme Meredith - en disant que vous ferez l'objet d'une inculpation aux termes de l'article 85, qu'il s'agisse d'une véritable arme à feu ou d'une imitation. Nous avons donc élargi la portée des dispositions actuelles. Nous disons que si quelqu'un utilise une fausse arme à feu au cours de la perpétration d'un acte criminel, il peut se voir imposer cette peine consécutive automatique.
Mme Meredith: Une précision, s'il vous plaît; si l'on voyait quelqu'un sur l'écran d'une caméra vidéo qui aurait à la main un objet ressemblant à un pistolet et qu'on utilisait cette preuve devant un tribunal, pourrait-on inculper cette personne de possession d'une arme à feu, d'une réplique... Quelle serait l'accusation portée? La police ne dispose de rien d'autre que d'une image...
M. Rock: On pourrait l'inculper d'avoir utilisé une fausse arme à feu dans la perpétration d'un acte criminel.
Mme Meredith: Et si on réussissait à démontrer au tribunal qu'il s'agissait d'une véritable arme à feu? Cette personne pourrait-elle être inculpée deux fois pour le même événement?
M. Rock: Non. S'il s'agissait d'une des infractions pour lesquelles nous avons prévu une peine minimale obligatoire de quatre ans pour l'usage d'une véritable arme à feu, cette personne pourrait être condamnée à une peine minimum obligatoire de quatre ans d'emprisonnement pour avoir commis cette infraction.
Je voudrais ajouter une autre chose.
Le président: Veuillez compléter votre réponse.
[Traduction]
M. Rock: Mme Meredith se préoccupe du fait que la peine minimum obligatoire de quatre ans d'emprisonnement risque de devenir la peine maximale. Je souligne que cela représente uniquement un point de départ pour les tribunaux. Avec cette disposition assez inhabituelle, nous indiquons clairement aux tribunaux qu'il s'agit là d'un point de départ lorsque l'on commet ces infractions très graves en utilisant une arme à feu. À l'heure actuelle, cette peine de quatre ans est supérieure à celle que l'on impose en moyenne aux accusés.
J'ai communiqué ces chiffres au comité le 24 avril. Personnellement, je m'attendais, tout comme le ministère de la Justice, à ce que ces peines ne deviennent pas des peines maximales, mais qu'elles soient considérées par les tribunaux comme un message du Parlement indiquant clairement que nous voulons punir plus sévèrement les personnes qui utilisent des armes à feu lorsqu'elles commettent des crimes.
Le président: J'aimerais poser quelques questions. Je vais m'attribuer la période de cinq minutes qui vient.
Monsieur le ministre, trois provinces et deux territoires ont clairement fait savoir qu'ils s'opposaient à ce projet de loi. Vous avez consulté, comme vous l'avez dit, toutes les provinces. Pouvez-vous nous dire s'il y a des provinces qui se sont montrées nettement en faveur de ce projet de loi? Je signalerai en passant que l'Ontario a écrit à notre comité pour faire savoir que le gouvernement était favorable à ce projet de loi, mais j'aimerais savoir s'il y a d'autres provinces qui vous ont fait savoir, oralement ou par écrit, qu'elles sont en faveur de ce projet de loi, en utilisant des termes aussi clairs que les trois provinces de l'Ouest qui ont déclaré ne pas être en faveur de ce projet?
M. Rock: La plupart des provinces considèrent qu'il s'agit là d'un domaine fédéral qui devrait être réservé aux autorités fédérales. Le comité connaît aussi bien que moi les déclarations qui ont été faites officiellement. Je pense que vous avez fait allusion à toutes les déclarations publiques faites jusqu'ici, mais je ne pense pas qu'il faut interpréter le silence des provinces comme une opposition à ce projet de loi. Une bonne partie des provinces ont simplement choisi de ne pas participer à ce débat et de laisser le gouvernement fédéral régler cette question. Je les comprends très bien.
Je peux vous affirmer qu'au cours des réunions ministérielles et des contacts que nous avons eus avec les provinces à ce sujet nous avons obtenu une excellente collaboration de leur part. Il existe un grand nombre de fonctionnaires provinciaux dans toutes les régions du pays qui sont très en faveur de ce projet de loi et de ses objectifs.
Le président: Je vais passer à une autre question.
Je vous renvoie à la page 98 du projet de loi, au projet d'article 117.15 du Code criminel. Un certain nombre de témoins qui ont comparu devant le comité craignent - sans raison, je crois, mais c'est néanmoins ce qu'ils disent - que le gouvernement n'utilise l'article 117.15 pour ajouter continuellement des armes à la liste des armes prohibées. Certains pensent que tôt ou tard vous allez interdire toutes les armes à feu en vous servant de cette disposition, tout cela à cause d'une déclaration que vous avez faite quand vous étiez beaucoup plus jeune, comme vous l'avez signalé.
J'ai répondu à ces préoccupations en disant que le paragraphe 117.15(2) projeté impose une limite aux types d'armes à feu que l'on peut interdire. Cette disposition énonce que l'on ne peut prohiber une chose qui peut être raisonnablement utilisée au Canada pour la chasse ou le sport. Cependant, cette disposition n'est pas très claire, parce qu'elle se lit ainsi:
toute chose qui, à son [le gouverneur en conseil] avis, peut raisonnablement être utilisée au Canada pour la chasse ou le sport.
Je sais parfaitement que vous n'avez pas l'intention d'interdire tous les pistolets, carabines et fusils qui sont légitimement utilisés pour la chasse. Mais pourquoi ne pourrait-on pas préciser l'objet du paragraphe 117.15(2) ou placer au début du projet de loi, comme l'ont suggéré plusieurs témoins, une déclaration de principes, comme nous l'avons fait dans d'autres projets de loi, dans laquelle vous reconnaîtriez que la chasse et le tir de compétition sont des activités de loisir tout à fait légitimes au Canada, en particulier lorsqu'il s'agit de répondre à des besoins alimentaires, mais que nous adoptons ces mesures pour protéger le public.
Je résume beaucoup, mais cela indiquerait clairement que vous n'avez pas l'intention d'interdire tous les fusils et carabines de chasse et que vous reconnaissez la légitimité de la chasse et du tir de compétition. Par contre, vous voulez assurer la sécurité de la population soit en modifiant le projet de paragraphe 117.15(2), soit en adoptant une déclaration de principes qui dissiperait la plupart de ces craintes.
Cette question suscite beaucoup de paranoïa. Il y a beaucoup de gens qui pensent que nous allons beaucoup plus loin que ce que prévoit ce projet de loi, et il serait peut-être bon de préciser tout cela.
M. Rock: D'un autre côté, monsieur le président, si vous regardez les armes à feu que l'on a interdites en vertu de cette disposition, vous constaterez qu'il s'agit toujours d'armes d'assaut de type paramilitaire, qui se rapprochent de l'usage militaire et qui sont uniquement conçues pour le combat et pour tuer et qui, en raison de leur présentation, leur capacité et leur fonction, se prêtent très mal à la chasse et au tir de compétition.
[Traduction]
Les faits parlent par eux-mêmes. Cela est vrai pour les armes que nous allons interdire à partir du 1er janvier de cette année, et c'est également vrai pour les armes que nous avons l'intention d'interdire dans les mois qui viennent, si cet article est adopté.
[Traduction]
Le président: Excusez-moi de vous interrompre. Nous allons interdire certaines armes de poing, et vous dites que vous voulez uniquement interdire ce que certains appellent les revolvers du samedi soir ou les pistolets de gros calibre, qui ne sont pas vraiment utilisés pour la compétition. Mais on s'est posé beaucoup de questions parce que vous utilisez la longueur du canon, et non pas celle de l'arme. En d'autres termes, vous visez également certaines armes utilisées pour la compétition.
M. Rock: Monsieur le président, cela est prévu par une disposition législative, et non pas par un règlement.
Le président: Je sais.
M. Rock: Je parlais uniquement de ce qui peut se faire par règlement.
Si vous examinez quelles sont les armes à feu qui ont été interdites par le gouverneur en conseil dans le cadre de ce pouvoir, vous constaterez qu'il s'agit d'armes d'assaut paramilitaires qui n'ont pas leur place au Canada. L'interdiction des armes de poing est passée par le processus laborieux de l'élaboration des lois. Cela fait un mois que votre comité est saisi de ce projet de loi, qui sera présenté à la Chambre pour les trois lectures habituelles.
Il semble en effet facile et souhaitable d'inclure une déclaration de principes ou un préambule, mais j'inviterais le comité à faire preuve de prudence sur ce point, parce que j'ai déjà exploré cette possibilité.
Lorsque nous avons préparé le projet de loi C-68 nous avons envisagé la possibilité de le faire précéder d'un préambule. Nous avons même tenté d'en préparer un. Nous avons constaté que cela ressemblait fort à ce qui s'est passé avec l'accord de Charlottetown. Dès que l'on mentionne un intérêt particulier, les autres intéressés veulent être mentionnés. Si vous parlez de chasse et de vie à la ferme, les peuples autochtones veulent également figurer sur cette liste, et il faut être très prudent dans la façon de formuler tout cela. Il ne faut pas non plus oublier les collectionneurs et les gens qui font du tir à la cible. Comment définir ce qu'est le tir de compétition? Il ne faut pas non plus oublier les autorités de la santé. Elles veulent s'assurer que vous insistiez sur la protection de la population. Il y a ensuite ceux qui veulent aborder la question de l'action policière et de l'équilibre qu'il faut introduire entre les droits collectifs et les droits individuels.
Monsieur le président, je pense qu'il faudrait que le comité consacre à cette tâche beaucoup plus qu'un autre mois de travail. L'équipe du ministère de la Justice qui a travaillé à cette question en est arrivée à la conclusion qu'il faudrait y consacrer beaucoup plus de temps que celui dont nous disposons et mettre sur pied un processus très précis qui permettrait d'assurer que toutes les parties intéressées par cette question acceptent les termes utilisés. Cela était pratiquement impossible. Voilà donc un petit avertissement que vous lance quelqu'un qui a exploré cette possibilité. Cela est très difficile.
[Français]
M. Bellehumeur: Monsieur le ministre, je pensais avoir compris, dans votre première intervention, lorsque vous avez fait part de certaines modifications que vous vouliez apporter au projet de loi, que l'individu trouvé coupable d'une première infraction pour avoir omis d'enregistrer une arme à feu et poursuivi par voie sommaire n'aurait pas de casier judiciaire. En d'autres mots, il n'aurait pas à demander un pardon, en vertu de cette loi et, d'une façon encore plus explicite, il n'aurait pas besoin de déclarer cette infraction s'il allait aux États-Unis. Mais d'après l'explication que vous avez donnée à M. Wappel, il me semble que c'est exactement le contraire de ce que j'avais compris. Cette personne devra, en vertu de la Loi sur le casier judiciaire, faire une demande pour obtenir son pardon. Mais vous avez dit aussi que ce serait plus facile parce que ce serait fait par voie sommaire. Alors, qu'est-ce que je dois comprendre exactement? Est-ce que, oui ou non, un individu condamné pour une première infraction de défaut d'enregistrement aura un casier judiciaire?
[Traduction]
M. Rock: Selon la pratique habituelle, les déclarations sommaires de culpabilité ne sont pas enregistrées au CIPC, parce qu'il s'agit d'une première infraction, à moins qu'il n'existe une raison de le faire.
Monsieur Bellehumeur, cela dépend de ce que vous entendez par casier judiciaire. Je vous fais part de mon expérience de ce qui se passe dans la réalité. Si on vous demande si vous avez déjà été déclaré coupable d'un acte criminel, si vous avez déjà été déclaré coupable de l'infraction qui est proposée aux termes de la Loi sur les armes à feu vous serez obligé de dire que oui. Mais ce n'est pas un casier judiciaire qui est enregistré au CIPC, lorsqu'il s'agit d'une première infraction, comme cela serait le cas pour un vol qualifié.
Par contre, monsieur Bellehumeur, nous touchons là un objectif très important pour le gouvernement, à savoir comment amener les gens à faire enregistrer leurs armes. Nous parlons d'une disposition qui ne va prendre effet que dans six ans et demi. Nous l'avons retirée du Code criminel, nous avons réduit très sensiblement la durée maximale de la peine, et nous avons énoncé que cette infraction était punissable sur déclaration sommaire de culpabilité.
[Traduction]
N'oubliez pas que le tribunal a également son mot à dire sur la possibilité que soit enregistrée la déclaration de culpabilité, parce qu'il peut accorder une absolution, sous condition ou absolue. Cela me paraît constituer une façon très raisonnable de répondre à ces préoccupations.
[Français]
M. Bellehumeur: Vous avez été très clair. Il y a donc un casier judiciaire plus ou moins important, et il faudra que la personne fasse la demande de pardon.
Une des questions que nous avons posées à vos fonctionnaires et à laquelle ils n'ont pas été capables de répondre très clairement concerne la reconnaissance des cours suivis par des individus, à l'heure actuelle, dans certaines provinces. Est-ce que ces cours seront reconnus? Par exemple, est-ce que cela sera reconnu dans le cas de quelqu'un qui a une arme à feu depuis 20 ans, ou dans celui de quelqu'un qui en a une depuis 5 ans mais qui a suivi tous ces cours au Québec pour avoir tous les permis nécessaires à l'utilisation de son arme à feu?
Je sais qu'il y a des paragraphes et l'article 7 où on en discute. Mais la question est de savoir si, oui ou non, ces cours vont être reconnus. Les fonctionnaires n'ont jamais été capables de nous dire si c'était reconnu. Est-ce que vous, monsieur le ministre, vous pouvez nous dire aujourd'hui que tous ceux qui ont suivi des cours au Québec et dans les autres provinces, tous ceux qui ont obtenu les permis nécessaires, pourront faire reconnaître la validité de leurs cours et ne seront pas obligés de suivre d'autres cours à la demande du gouvernement fédéral?
Est-ce que vous pouvez nous dire si cela va être reconnu, oui ou non?
[Traduction]
M. Rock: Le député pourra trouver la clarté recherchée à l'article 7 du projet de loi sur les armes à feu, qui se trouve à la page 6. On y prévoit qu'un particulier est admis à obtenir un permis s'il a suivi avec succès le cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu, ou, comme le prévoit l'alinéa 7(1)c), suivi avec succès avant le 1er janvier 1995, un cours agréé par le procureur général de la province et qui a eu lieu entre le 1er janvier 1993 et le 31 décembre 1994 pour l'application de l'article 106 de la loi antérieure.
De sorte que si le procureur général d'une province, disons le procureur général du Québec, a approuvé ce genre de cours et que le particulier en question l'a suivi pendant cette période dans le but prévu, cela répondrait aux exigences que pose l'article 7 en matière de formation. Cela répond-il au souci de clarté du député?
Le président: Je dois dire que le temps est écoulé.
[Français]
M. Bellehumeur: Je voudrais que les fonctionnaires disent la même chose que vous, monsieur le ministre.
[Traduction]
Le président: Si vous avez besoin d'autres précisions, pourriez-vous le faire d'ici l'examen du projet article par article?
Madame Phinney, vous avez cinq minutes.
Mme Phinney (Hamilton Mountain): Bienvenue, monsieur le ministre. Je voudrais tout simplement revenir sur les deux questions que nous avons déja posées au sujet de l'enregistrement.
Je ne connais pas très bien le CIPC ni la façon dont cet organisme communique avec les postes frontaliers, mais je voudrais que cela me soit précisé. Si l'on découvre que je n'ai pas enregistré mon arme, mais que je n'ai pas fait l'objet d'une inculpation, au moment où je traverse la frontière, est-ce que les Américains disposent d'une façon de savoir que, à un moment donné, j'ai... j'ai fait l'objet des mesures dont vous avez parlé? Mon nom va-t-il figurer dans quelque chose comme un casier ou est-ce que les seuls dossiers auxquels ils ont accès sont ceux du CIPC?
M. Rock: Normalement, les vérifications que l'on effectue à la frontière ne concernent pas les déclarations sommaires de culpabilité lorsque c'est la seule infraction qui a été commise.
Mme Phinney: D'où tirent-ils ces renseignements?
M. Rock: Habituellement du CIPC.
Mme Phinney: Est-ce la seule source?
M. Rock: Je vais demander à M. Mosley de répondre à ceci.
M. Mosley: Les Américains possèdent un système national d'information destiné à la police qui est semblable à notre système CIPC et il leur est possible d'avoir accès au CIPC de cette façon. Les données auxquelles ils ont accès à la frontière sont donc principalement celles du CIPC.
Ils possèdent d'autres sources d'information, mais celles-ci s'intéressent principalement à d'autres types de crimes, comme les crimes reliés aux drogues. Ils n'ont pas accès aux dossiers de la police locale et c'est là que l'on risque le plus de retrouver trace d'une déclaration sommaire de culpabilité.
Mme Phinney: Êtes-vous en mesure d'affirmer qu'une telle condamnation ne figurera jamais dans les dossiers auxquels les autorités ont accès à la frontière? Pouvez-vous nous le garantir?
M. Rock: Je ne pense que l'on puisse garantir quoi que ce soit. Il faut tout de même replacer les choses dans leur contexte.
Tout d'abord, la proposition que j'ai présentée ce matin au Comité ne reflète pas seulement les opinions que m'ont communiquées un bon nombre de mes collègues du caucus, mais également la proposition qui a été faite par l'Association canadienne des policiers.
L'Association canadienne des policiers s'est déclarée en faveur de l'enregistrement des armes à feu au cours de sa dernière réunion. Elle s'est prononcée en ce sens parce qu'elle s'attendait à ce que nous fournissions aux policiers un mécanisme qui leur permette, tant sur le plan de l'inculpation que des pratiques policières, de protéger les personnes qui ne souhaitent pas stigmatiser parce qu'il s'agit de contrevenants primaires qui n'ont pas commis d'actes délibérés.
[Traduction]
En présentant une proposition qui est très proche de celle de l'Association des policiers qui visait à éviter de stigmatiser les gens qui souhaitent traverser la frontière, nous croyons introduire dans les pratiques utilisées en matière d'inculpation une souplesse suffisante pour répondre aux préoccupations qui ont été formulées.
Mme Phinney: Votre proposition me paraît tout à fait équitable. Je craignais simplement...il y a des gens qui sont venus me voir qui avaient commis il y a plus de 25 ans une infraction mineure et qui voulaient accepter un travail aux États-Unis et qui ont découvert tout à coup qu'ils ne peuvent le faire parce qu'ils ont déclaré ne pas avoir de casier judiciaire et que la machine a dit le contraire. Il s'agissait de choses qu'ils avaient complètement oubliées et ces personnes ne savaient pas qu'elles avaient un casier judiciaire.
Le président: Comme la possession de chanvre indien.
Mme Phinney: Oui. C'est là ce qui m'inquiète. Je voulais simplement que l'on précise clairement que vous allez faire en sorte que les autorités frontalières et les Américains ne puissent prendre connaissance de l'existence de ce genre d'infraction sommaire. Je ne sais pas si vous pouvez en parler aux Américains; je veux tout simplement que les personnes dans ce cas ne voient pas leur nom apparaître dans ce genre de situation.
M. Rock: Eh bien il y a les dispositions relatives au pardon et de plus...
Mme Phinney: Il faut sept ans pour obtenir le pardon.
M. Rock: Pas pour les déclarations sommaires de probabilité.
Mme Phinney: Combien de temps cela prend-il? Deux ans? C'est bien long pour simplement traverser la frontière.
M. Rock: Il faut également tenir compte du fait que les autorités américaines des frontières s'occupent davantage de certaines catégories d'infractions. S'il s'agit d'une infraction reliée aux drogues, ils appliquent la tolérance zéro. Par contre, ils ne s'intéressent aucunement aux infractions de conduite avec facultés affaiblies. Dans le cas d'un délinquant primaire qui a commis une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité parce qu'il a oublié d'enregistrer un fusil, je crois pouvoir dire que cela n'est pas un aspect qui va intéresser les autorités frontalières.
Mme Phinney: Non, mais ils vont approfondir un peu et constater que cela est sans gravité et il leur faudra peut-être trois jours pour le faire et pendant ce temps-là, vous n'aurez pas pu traverser la frontière. C'est pourquoi je veux être sûre que votre ministère va communiquer avec les autorités frontalières pour clarifier ce point.
Le président: À ce sujet, monsieur le ministre, vous avez indiqué très clairement - et nous le savons déjà grâce notamment au projet de loi sur la détermination de la peine - que la police n'est pas tenue de porter quelque inculpation que ce soit, même avec ce nouveau projet d'article de la Loi sur les armes à feu. Dans le cas d'une veuve qui découvre que son mari lui a laissé une carabine ou un fusil et que les policiers le découvre...même avec cet article, les policiers peuvent fort bien décider de ne porter aucune accusation. De plus, le tribunal peut lui accorder une absolution complète ou conditionnelle.
M. Rock: C'est exact. Nous essayons de satisfaire l'immense majorité des citoyens qui veulent un système d'enregistrement pour toutes les armes à feu. Nous ne parviendrons pas à faire fonctionner un tel système si nous ne sanctionnons pas les personnes qui omettent d'enregistrer leurs armes. Parallèlement, nous voulons que les agents de la paix qui sont chargés d'administrer un tel régime jouissent d'une latitude suffisante pour qu'ils n'aient pas à stigmatiser ou à punir, en raison de l'existence de ces infractions techniques, des citoyens qui pour le reste sont parfaitement respectueux des lois, mais qui, pour une raison ou une autre, n'ont pas procédé à l'enregistrement requis. Nous espérons que la proposition que nous avons présentée ce matin permettra de concilier ces différents objectifs et nous espérons que le comité trouvera cette suggestion de quelque utilité. Je sais que cela n'est pas parfait, mais je pense que cette proposition répond à la plupart des préoccupations qui ont été exprimées et j'invite le comité à l'examiner de près.
Le président: Oui, nous allons maintenant passer à M. Ramsay.
Monsieur le ministre, je crois savoir que vous allez peut-être devoir assister à la période des questions. Si c'est bien le cas, et peut-être...
M. Rock: Si M. Ramsay me promet de ne pas y aller, je n'irai pas non plus.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Si c'est le cas, eh bien M. Ramsay sera le dernier à poser des questions et vous pourrez tous deux participer à la période des questions.
M. Ramsay: Merci monsieur le président. Je voudrais revenir un instant sur ce que disait Mme Phinney. Elle a manifesté son inquiétude aux différents témoins qui ont comparu devant nous, préoccupation légitime puisqu'il semble possible que des personnes respectueuses des lois soient inculpées d'une infraction sommaire et qu'elles soient bloquées à la frontière au moment où leurs activités les amènent à la traverser.
Il demeure que la police peut prendre les empreintes digitales de l'accusé même dans le cas d'une infraction sommaire et cela se produit d'ailleurs très souvent. D'après ma propre expérience, pour ce qui est de la prise des empreintes digitales d'une personne qui est arrêtée, il arrive souvent que le policier demande si elle consentirait à ce qu'on prenne ses empreintes digitales, permission qui est souvent accordée par la personne détenue; ses empreintes digitales et les renseignements connexes sont alors inscrits dans le système. Les autorités américaines ont accès à ces renseignements. Je ne pense pas, monsieur le ministre, avec tout le respect que je vous dois, qu'il y a lieu de faire des hypothèses sur la façon dont les autorités frontalières américaines vont exercer leur pouvoir discrétionnaire.
[Traduction]
Je voulais simplement que cela soit consigné officiellement.
[Traduction]
Je pense que Mme Phinney a formulé une préoccupation légitime et à laquelle il n'a pas encore été répondu de façon satisfaisante - c'est du moins mon avis et celui des gens qui risquent de se retrouver avec un casier et de ne pas savoir que cela va apparaître sur les écrans des autorités américaines au moment où ils s'apprêtent à traverser la frontière. Le ministre pourra présenter d'autres commentaires sur ce point s'il le souhaite.
J'aimerais revenir à la question que j'ai soulevée lorsque j'ai pris la parole pour la première fois, pendant 10 minutes, question qui a d'ailleurs été soulevée par le président et qui touche le projet de paragraphe 117.15(2). Ces dispositions modifient de façon évidente le Code criminel actuel et elle supprime ce qu'accordait l'ancien code en matière de chasse et de tir sur cible. J'espère que cela est clair. À l'heure actuelle, tout ce qu'on appelle carabines d'assaut sont interdites, que reste-t-il donc à prohiber ou à restreindre? Il y a les carabines et les fusils, les .22, les fusils et les carabines de chasse à longue portée. Si nous laissons les choses telles qu'elles sont, on constate que ces articles autorisent le Gouverneur en Conseil, le ministre de la Justice d'aujourd'hui, de demain ou d'après-demain, d'interdire les .22, les fusils automatiques ou semi-automatiques de chasse ou les fusils à pompe, qui permettent de tirer trois coups plus rapidement que les fusils semi-automatiques.
Monsieur le ministre, vous avez le pouvoir d'interdire, par voie de règlement, toutes les armes d'épaule qui se trouvent au Canada. Si vous n'avez pas l'intention de le faire, pourquoi donc accorder un tel pouvoir. Si vous n'avez pas l'intention de le faire, accepteriez-vous une modification qui supprimerait le pouvoir qui vous serait attribué à vous ou à vos successeurs si ce projet de loi était adopté? Pouvez-vous refuser de le faire si c'est bien là votre intention?
M. Rock: Je n'accepte pas cet argument parce que M. Ramsay donne à ces mots un sens qu'ils n'ont pas. Cet article ne vise aucunement les fusils et les carabines de chasse. C'est tout à fait le contraire. Il porte sur les armes d'assaut de type militaire qui sont uniquement conçues pour le combat et la guerre. Cette disposition énonce expressément, monsieur le président, que si une arme peut être raisonnablement utilisée au Canada pour la chasse ou le sport, elle n'est pas visée par cet article. Des générations de Canadiens ont utilisé des armes à feu dont parle M. Ramsay pour ces fins-là et continuent de le faire. Notre gouvernement - pas plus que ses successeurs - ne se mêlera jamais de réglementer la propriété et l'usage de ces armes à feu, s'il exerce de façon raisonnable le pouvoir qu'il lui a été attribué dans ce domaine.
J'ai déclaré au Comité ce qui nous avait amenés à proposer ce changement. C'est le fait qui s'est produit au Canada une situation dans laquelle on a introduit au pays des armes de type militaire et très puissantes et que les personnes qui l'ont fait savaient que si elles étaient utilisées régulièrement au Canada pour la chasse et le tir à la cible, avec le libellé actuel de cet article, ils ont inventé des concours et des rencontres et ensuite ils se sont fondés sur ces activités pour empêcher le gouvernement d'interdire ces armes de mort. Pour contrer ce stratagème, nous avons prévu que si l'arme ne peut être raisonnablement utilisée au Canada pour la chasse ou le sport, il est alors possible de l'interdire. Monsieur le président, c'est dans l'intérêt général.
Le président: Monsieur Ramsay, votre temps est écoulé.
M. Ramsay: Et bien monsieur le président -
Le président: Vous aurez la possibilité de poursuivre...
M. Ramsay: Je n'ai pas posé toutes les questions que je voulais poser au ministre.
Le président: Oui mais vous avez utilisé tout le temps qui vous a été imparti et nous savons...
M. Ramsay: Je demanderais donc au ministre de revenir.
Le président: Et bien, non, monsieur Ramsay. Je suis toujours très large avec vous parce que vous représentez un des principaux partis d'opposition. La tradition veut que nous laissions l'intervenant le temps qui lui a été accordé, cinq ou dix minutes, et nous permettons ensuite aux témoins de répondre, même si ce délai est écoulé. Vous avez utilisé tout votre temps de parole et le ministre a répondu à la question. Le ministre peut, s'il le désire, continuer à vous répondre, mais vous ne pouvez pas lui poser d'autres questions pour le moment. Nous agissons ainsi de faire depuis le début.
[Traduction]
M. Ramsay: Je comprends fort bien cela, monsieur le président et je suis d'accord.
Je tiens simplement à vous dire à vous et au Comité que j'aurais aimé poser certaines questions au ministre que le délai que vous m'avez accordé ne me permet pas de poser.
Le président: Je crois que c'est la même chose pour tous les députés. Nous avons beaucoup de questions que nous aimerions poser au ministre.
M. Ramsay: Je propose que l'on demande au ministre de revenir.
Le président: Je ne sais trop quand cela pourra se faire, mais nous avons déjà fixé un calendrier pour les réunions.
Monsieur le ministre, nous allons devoir être en contact avec vous au cours de l'examen des projets de loi article par article. Il faudra que vous, votre secrétaire parlementaire et vos représentants soient présents parce que nous serons amenés à demander des précisions si l'on propose des amendements aux projets de loi. Nous aurons besoin de conseils sur les aspects techniques ou d'orientation générale. Il nous faudra donc communiquer avec vous d'une façon ou d'une autre au cours de ce processus pour déterminer si les amendements sont conformes aux règles, ce que vous en pensez, ou pour savoir s'ils sont techniquement possibles.
Je rappellerai aux députés à ce sujet que l'examen article par article commencera le lundi 29 mai. Je les invite à préparer leurs amendements en la forme requise pour que nous puissions les examiner ce jour-là. Nous allons consacrer deux jours entiers au moins à l'examen article par article.
Je remercie le ministre et ses adjoints. Le ministre a déjà comparu deux fois pour ce projet de loi, ce qui est une excellente chose. C'est un projet complexe et délicat et il est possible que nous ayons encore besoin de poser certaines questions au ministre au cours de l'examen article par article.
M. Rock: Merci, président.
Le président: La séance est levée.