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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 20 juin 1995

.0932

[Traduction]

Le président: Je déclare la séance ouverte. Nous recevons ce matin l'enquêteur correctionnel, M. Ron Stewart. Dans une minute, je lui demanderai de présenter ceux qui l'accompagnent.

Le but de la réunion de ce matin est d'examiner le budget des dépenses principal de l'enquêteur correctionnel. Puisque nous avons été pris par l'étude du projet de loi sur le contrôle des armes à feu jour après jour pendant quelques mois durant la période d'examen du budget des dépenses principal, nous avons été dans l'impossibilité d'examiner le budget à ce moment-là. Nous l'examinons maintenant en vertu de l'article 108(2) du Règlement.

J'aimerais signaler au comité que le comité directeur s'est réuni hier. Vous allez recevoir le compte rendu intégral. Nous avons décidé qu'il ne reste pas suffisamment de temps pour d'autres réunions cette semaine, donc celle-ci sera la dernière avant l'ajournement.

D'autre part, durant la première semaine de notre retour, nous aurons au moins une réunion avec les quatre députés qui ont déposé des projets de loi d'initiative parlementaire. Nous avons commencé aussi à planifier et à préparer la phase deux de la Loi sur les jeunes contrevenants. Nous vous enverrons une note afin de savoir si vous avez des témoins à proposer pour les audiences de la phase deux ou des suggestions d'établissements ou de projets que nous aimerions visiter. Voilà donc ce qui s'en vient.

Maintenant, je donne la parole à M. Stewart. Il a une déclaration liminaire à nous faire. J'aimerais aussi rappeler aux membres du comité que la sonnerie retentira vers les 10h30 et à ce moment-là...

M. Bodnar (Saskatoon - Dundurn): C'est remis à 18h30 ce soir, monsieur le président.

Le président: Donc, si ça ne se passe pas, ça ne se passe pas. De toute façon, c'est une sonnerie d'une demi-heure, et il va nous falloir, le cas échéant, terminer nos délibérations dans la demi-heure qui suit le début de sonnerie.

Monsieur Stewart, je vous donne la parole. Je vous demande de présenter les personnes qui vous accompagnent et de nous faire votre déclaration liminaire.

M. Ron Stewart (enquêteur correctionnel du Canada): Je vous remercie, monsieur le président. Je suis accompagné de Mme Nathalie Spicer, et MM. Jim Hayes, Ed McIsaac et Todd Sloan. Nous tenterons aujourd'hui de répondre aux questions soulevées par les membres du comité.

J'ai une courte déclaration liminaire. C'est avec grand plaisir, monsieur le président, que je comparais encore une fois cette année devant le comité, dans le cadre de l'examen du budget des dépenses principal.

.0935

Certes, le fait de témoigner dans ce contexte au sujet d'un programme distinct renforce l'indépendance de notre Bureau, ainsi que sa responsabilité spécifique envers le Parlement. Cela me procure également une occasion supplémentaire de rencontrer les législateurs et de passer en revue avec eux les principales sources de préoccupation émanant de nos enquêtes.

Celles-ci sont précisées dans mon rapport annuel 1993-1994 déposé devant la Chambre des communes par le solliciteur général le 27 octobre 1994. Mon rapport annuel 1994-1995 sera soumis au ministre d'ici 30 jours.

Bien que le Bureau de l'enquêteur correctionnel existe depuis 1973, sa loi organique n'a été adoptée qu'en novembre 1992, comme vous le savez, avec l'entrée en vigueur de la partie III de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Une copie de cette loi se trouve annexée à mon rapport annuel.

Comme je l'ai indiqué l'année dernière, la loi n'a pas modifié de façon significative l'autorité ou le rôle du Bureau. La loi énonce clairement que l'enquêteur correctionnel a pour mandat d'agir comme ombudsman. Elle précise l'autorité et la responsabilité au sein d'un cadre législatif clairement défini.

Le mandat du Bureau est énoncé en ces termes à l'article 167 de la Loi:

Sur le plan opérationnel, la fonction première de l'enquêteur correctionnel est d'enquêter sur les plaintes individuelles des délinquants et de les régler. Il lui incombe également d'examiner les politiques et les procédures du Service correctionnel du Canada se rapportant au sujet de plaintes et de faire des recommandations afin que les problèmes systémiques soient cernés et que des mesures correctives soient prises.

On doit préciser que le Bureau en s'acquittant de cette responsabilité est ni l'agent du Service correctionnel du Canada, ni le défenseur de chaque plaignant ou groupe d'intérêt qui formule une plainte. Il enquête sur les plaintes de manière indépendante et neutre, examine à fond la conduite du service et ce qui l'a motivé, puis soit approuve cette conduite et l'explique au plaignant soit, s'il y a manifestement iniquité, recommande des mesures de redressement.

Durant l'exercice 1994-1995, le Bureau a reçu 6 800 plaintes de délinquants; le personnel chargé des enquêtes a passé 254 jours dans les pénitenciers fédéraux et a effectué plus de 2 000 entrevues avec des détenus et encore, la moitié de ce nombre d'entrevues avec des membres du personnel des établissements. Tous ces chiffres sont similaires à nos données opérationnelles de l'exercice financier précédent.

Une enquête peut être ouverte sur réception d'une plainte ou sur l'initiative de l'enquêteur correctionnel. Le bureau a toute latitude pour décider de la tenue et des modalités d'exécution d'une enquête.

Dans l'exercice de ses attributions, le Bureau bénéficie d'un accès libre à toutes les installations du SCC et à toutes les informations que le Service détient. Toutes les communications effectuées avec les détenus dans le cadre des enquêtes du Bureau demeurent confidentielles. Les observations et les conclusions d'une enquête du Bureau ne se limitent pas à déterminer si une décision, une recommandation, un acte ou une omission enfreint une loi existante ou une politique établie.

Comme le précise l'article 178 de la Loi, l'enquêteur correctionnel peut conclure qu'«une décision, une recommandation, un acte ou une omission étaient déraisonnables, injustes, oppressants ou abusivement discriminatoires». Étant donné la complexité du milieu pénitencier, cette latitude influe grandement sur le règlement des plaintes.

Une fois reconnue l'existence d'un problème, l'enquêteur correctionnel peut, conformément à l'article 179, «faire les recommandations qu'il estime indiquées». Vous remarquerez également qu'il est précisé dans le cadre de cet article que, comme c'est le cas pour les autres ombudsmans, les recommandations de l'enquêteur ne sont pas exécutoires.

L'autorité du Bureau réside dans sa capacité à faire une enquête approfondie et objective sur les plaintes portées à son attention, et à formuler des recommandations traitant des problèmes cernés.

À ce sujet, l'efficacité de nos interventions, ou de celles de tout ombudsman, dépend grandement de la collaboration de l'agence faisant l'objet de l'enquête. Comme le révèle le rapport annuel, les réactions du Service correctionnel, particulièrement celles de l'administration centrale, continuent d'être très lentes à venir et témoignent d'une attitude défensive et circonspecte.

.0940

J'ai déjà affirmé l'année dernière que le Service, selon moi, fait face à une situation de crise opérationnelle dans deux domaines liés: le surpeuplement et la violence institutionnelle. Les résultats de nos enquêtes concernant les plaintes des délinquants et notre examen, tel que requis par l'article 19 de la loi, des rapports d'enquête du Service concernant des incidents ayant impliqué la mort ou des lésions corporelles graves, au cours de la dernière année, n'a pas modifié notre point de vue.

Le Commissaire a indiqué dans son témoignage devant le comité qu'il n'y a pas eu d'augmentation significative de la violence en raison de l'augmentation du surpeuplement carcéral. Je n'ai pas les chiffres pour contester cette prétention, ce que je sais toutefois, c'est qu'avec un des taux d'incarcération les plus élevés per capita dans le monde occidental, le système fédéral canadien a connu l'un des plus fort taux de mortalité en prison, sinon le plus élevé, de tous les pays occidentaux. Je sais également que le nombre de rapports d'enquête sur les incidents ayant entraîné la mort ou des lésions corporelles graves, qui nous sont référés en vertu de l'article 19 de la Loi, continue d'augmenter. Que les données démontrent ou non une stabilisation, le fait demeure que le niveau de violence au sein de nos pénitenciers fédéraux a été et demeure totalement inacceptable.

Nous apprécions pleinement qu'aucun facteur unique ne peut être cité comme étant la cause de la violence institutionnelle. Nous apprécions également, comme je l'ai dit l'an dernier, qu'aucune mesure du Service ne peut résoudre ce problème à elle seule, mais nous continuons de croire que l'inaction du Service dans plusieurs domaines importants énumérés dans mon rapport annuel a contribué à maintenir dans ces établissements un environnement qui ne peut qu'intensifier le sentiment d'impuissance et de désespoir.

Tel que nous le précisions l'année dernière, le surpeuplement a des effets qui ne concernent pas uniquement la nécessité d'assurer un environnement confortable aux détenus. En effet, il affecte directement la capacité du Service à fournir en temps opportun des programmes de réinsertion appropriés, ce qui à son tour nuit à sa capacité de préparer à temps les dossi ers de libération conditionnelle, ce qui entraîne une augmentation supplémentaire de la population carcérale. Ce cycle doit être brisé.

Tout comme pour la violence institutionnelle, il n'y a pas une solution unique et instantanée. Toutefois, nous soutenons que tant et aussi longtemps que le Service n'aura pas de données complètes et fiables sur sa capacité d'assurer, en temps opportun, des services de réinsertion l'étude de cas en vue de la libération conditionnelle, ses efforts continueront d'être axés sur les symptômes, plutôt que sur les causes du surpeuplement.

Tel que je l'ai affirmé dans mon rapport annuel 1993-1994:

Cinq mille détenus en double occupation et dans certains cas en triple occupation cellulaire dans des cellules conçues pour une personne, c'est une situation intolérable. C'est aussi une situation qui, considérant le niveau d'incarcération au pays, ne peut pas être raisonnablement résolue par l'ajout d'autres cellules. Nous suggérons que la protection de la société ne sera pas bien servie tant à court qu'à long terme, si cette situation perdure.

.0945

J'aimerais conclure cette brève allocution d'ouverture en reconnaissant que le gouvernement fait actuellement des efforts pour corriger le problème du surpeuplement. Nous prions tous ceux qui ont voix au chapitre de garder à l'esprit l'urgence de la présente situation.

C'était mon allocution liminaire. Nous tenterons maintenant de répondre aux questions soulevées par les membres du comité.

Le président: Je vous remercie beaucoup monsieur Stewart. Vous pouvez, tout naturellement, demander aux membres de votre équipe de répondre à des questions.

[Français]

Monsieur St-Laurent, vous avez dix minutes.

M. St-Laurent (Manicouagan): Monsieur Stewart, avez-vous l'impression, quand vous déposez vos rapports, qu'on les prend en considération?

[Traduction]

M. Stewart: Je ne sais pas ce que fait le comité des rapports annuels que je dépose ici. Je pense que les responsables au Service correctionnel en tiennent compte. Ils nous ont certainement parlé de nos rapports annuels et des critiques qui y sont formulées.

Leur réponse aux enjeux est limitée, mais ils sont bien conscients de ce dont il s'agit. En ce qui concerne les solutions, je pense qu'ils se rendent compte des enjeux.

[Français]

M. St-Laurent: Je vais être plus spécifique, monsieur Stewart.

Rapport de l'enquêteur correctionnel 1984-1985:

Rapport de l'enquêteur correctionnel 1986-1987:

Rapport de l'enquêteur correctionnel 1987-1988:

Rapport de l'enquêteur correctionnel 1988-1989:

Rapport de l'enquêteur correctionnel 1989-1990:

Rapport de l'enquêteur correctionnel 1990-1991:

Rapport de l'enquêteur correctionnel 1991-1992:

Au cours de l'année de l'étude, le nombre de détenus partageant une cellule est passé de 1 200 à 1 700 et ainsi de suite. On ne cesse de dénoncer le système de la double occupation.

Rapport de l'enquêteur correctionnel 1992-1993:

Cela achève, monsieur.

Rapport de l'enquêteur correctionnel 1993-1994:

.0950

Dans votre rapport de cette année, qui est plus élaboré encore, vous dites à propos de la double occupation des cellules:

Vous dites aussi:

Donc, je répète ma question: avez-vous l'impression qu'on vous écoute quand vous nous présentez des rapports?

[Traduction]

M. Stewart: Comme le député vient de préciser, notre bureau s'oppose déjà depuis quelques années à la double occupation. Mais lorsque celle-ci est inévitable, nous disons qu'il faut choisir les cellules que les détenus quittent pendant la journée, plutôt que celles où les détenus sont enfermés sauf pour une heure dans la journée. À notre avis, il serait tout à fait inhumain d'imposer la double occupation dans les très petites cellules.

C'est plus grave que de passer quelques heures à deux dans une cellule. Les détenus en cellules spéciales y passent toute leur journée. Nous l'avons souligné. Les responsables ont réagi lentement; ils ont finalement régler le problème dans un des pénitenciers, mais la population carcérale ne cesse d'augmenter. Nous leur avons demandé si les nouveaux détenus arrivaient directement des tribunaux ou s'ils revenaient d'une libération conditionnelle. Néanmoins, la population continue d'augmenter pour toute sorte de raisons et comme vous l'avez souligné, nous recommandons d'éviter la double occupation depuis déjà quelques années.

À mon avis, on ne dit plus que la double occupation est inacceptable; en fait, elle est devenue inévitable dans l'Occident. Aucun pays n'échappe à ce problème à cause du nombre grandissant des détenus. On fait des efforts pour y remédier.

Mais c'est un cercle vicieux. Ce n'est que depuis quelques temps que l'on prend ce problème au sérieux. Le nombre de détenus en double occupation est passé de 200 à 600 et ensuite à 1 200 pour ensuite arriver maintenant à 5 000. On essaie de se rattraper mais ce n'est pas facile car il est un peu tard.

Je sais que dans certains cas on a installé des détenus dans des locaux prévus à d'autres fins, dans des installations de loisirs par exemple. On profite d'ententes fédérales-provinciales pour installer des cellules dans certains locaux des établissements provinciaux qui autrement seraient vides.

C'est un gros problème auquel il n'existe pas de solution facile. Les responsables en sont maintenant conscients, mais ce n'était pas le cas il y a cinq ou six ans.

[Français]

M. St-Laurent: Cela me semble paradoxal. Il y a cinq ans, on ne parlait pas de triple occupation. Maintenant, on commence à en parler alors qu'on sait que ça se pratique déjà, entre autres au centre Leclerc et à Donnacona. En 1984-1985, on parlait de stopper la double occupation et on en a pourtant continué la pratique. Or, dans votre rapport de cette année, vous ne parlez plus de la double occupation, mais vous tirez la sonnette d'alarme sur la triple occupation. À mon avis, c'est une façon de dire que la double occupation est devenue monnaie courante et qu'il vaut mieux porter notre attention sur la triple occupation.

Où donc cela s'arrêtera-t-il, monsieur Stewart?

.0955

[Traduction]

M. Ed McIsaac (directeur exécutif, Bureau de l'enquêteur correctionnel): Permettez-moi de revenir sur ce que vous demandiez précédemment, avons-nous parfois l'impression qu'on ne nous écoute pas. Vu les nombreux exemples d'inaction, il faut manifestement répondre oui. Il arrive que nous ayons l'impression qu'on ne nous écoute pas ou que l'on fait comme si on ne nous écoutait pas.

Quant à savoir où nous allons, nous ne sommes pas vraiment en mesure de répondre à cette question. Il revient au Service correctionnel du Canada de répondre précisément à cette question. Comme l'a mentionné M. Stewart, les nombres continuent d'augmenter. Je pense que nous avons mentionné ici devant le comité l'an dernier que certains établissement logeaient jusqu'à trois détenus par cellule. C'est peut-être une situation terrible, une situation qu'il faut rectifier tout comme le surpeuplement en général, mais ce n'est pas quelque chose qui s'est produit il y a un mois ou deux.

[Français]

Le président: Votre temps est écoulé.

[Traduction]

Avant de céder la parole à Mme Meredith, je tiens à rappeler aux membres du comité ce que dit M. Stewart à la page 4 de son mémoire, à savoir que bien qu'il formule ses recommandations à titre d'organisme indépendant, qu'il les rend publiques dans son rapport, celles-ci ne sont pas exécutoires. Par conséquent, non seulement faut-il que le Service correctionnel en assume la responsabilité, mais il revient également aux membres de ce comité et aux députés en général au cours de la période des questions et par quelqu'autres moyens dont nous disposons, une fois le rapport publié et les recommandations faites, de soulever ces questions dans l'arène politique et d'exiger des réponses.

On pourrait sans doute dire la même chose de la presse et d'autres organismes indépendants qui n'ont rien à voir avec le Parlement, qu'il s'agisse de l'Association canadienne des services correctionnels, de la Société John Howard, ou que sais-je encore. C'est le genre d'appui qu'ils tentent de susciter. C'est ce que font tous les ombudsmen. Ils font enquête, ils formulent des recommandations, mais celles-ci ne sont pas exécutoires. C'est dans le cadre du processus politique qu'on doit les faire avancer. C'est justement pourquoi nous sommes réunis ici aujourd'hui et si vous le souhaitez, nous pourrons tenir d'autres réunions sur tout point soulevé par l'enquêteur correctionnel.

Mme Meredith (Surrey - White Rock - South Langley): Je vais être claire. Ma position sur l'enquêteur correctionnel n'a pas vraiment changé depuis un an depuis que je me suis rendue dans des établissements pénitentiaires, que j'ai parlé aux détenus et que j'ai reçu des lettres sur leurs problèmes.

J'aimerais que vous vous reportiez à votre rapport annuel de 1993-1994. Vous avez soulevé trois points principaux en ce qui concerne les préoccupations des détenus, à savoir, les unités spéciales de détention, la rémunération des détenus et la procédure de règlement des griefs. Au départ, je souhaite traiter de deux de ces questions.

Tout d'abord, parlons de la rémunération des détenus. Il ne s'agit pas de la première fois que vous recommandez d'augmenter cette rémunération. Vous déclarez dans votre rapport qu'afin de remédier à la détérioration de la situation financière des détenus, il faut faire quelque chose. J'aimerais vous demander si vous savez que la rémunération des Canadiens s'est détériorée au cours des dix dernières années. Les Canadiens ont vu leur chèque de paie diminuer constamment au cours de cette période de dix ans accompagné d'une augmentation de 36 p. 100 de l'inflation. D'où vous vient l'idée que les Canadiens accepteraient que l'on augmente la rémunération des détenus alors qu'eux-mêmes voient leur situation financière se détériorer?

M. Stewart: Ma tâche, je le répète, consiste à porter à l'attention du ministre et des deux Chambres du Parlement les problèmes des détenus. Si c'est un problème pour les détenus, cela ne signifie pas que c'est acceptable sur le plan politique, mais cela demeure un problème. Je ne peux fermer les yeux. Donc j'en parle dans mon rapport annuel. La rémunération des détenus n'a pas été augmentée depuis 1986, sauf erreur. Si vous êtes incarcéré, et que vous fumez, et que vous ne touchez que 1,60$ par jour, il vous est très difficile de vous procurer des cigarettes au prix qu'elles coûtent.

.1000

Je le répète, ce sont les problèmes des détenus que je porte à l'attention du ministre et du Parlement. Ce n'est pas de mon propre chef. Je suis une tierce partie. Je suis la partie chargée de faire rapport du problème.

Mme Meredith: Vous ne pensez pas que ce soit un peu délicat pour votre organisme qui a un rôle d'enquêteur de faire la promotion d'une augmentation de la rémunération des détenus alors que celle de ceux qui travaillent dans les établissements pénitenciaires est bloquée depuis cinq ans, et que cette situation va continuer encore deux ans. Pourtant, ces travailleurs voient votre organisme faire la promotion d'une augmentation pour les détenus. Vous ne pensez pas que cela crée un problème au sein des établissements pénitenciaires.

M. McIsaac: Peut-être puis-je explorer un peu la question. Nous connaissons très bien la situation économique et le fait que la plupart des salaires sont bloqués, que de nombreuses personnes ont perdu leur emploi. En ce qui concerne la rémunération des détenus, la difficulté c'est que, si elle est insuffisante, cela encourage une économie parallèle dans les établissements, ce qui ne fait que créer et maintenir l'agitation. Cela favorise les prêts usuriers, le troc, toutes sortes d'activités.

Par ailleurs, lorsque les détenus retournent dans la société, je pense que nous espérons tous que leur réinsertion se fera facilement et avec succès. Le niveau de rémunération pendant leur incarcération détermine combien le détenu aura à sa disposition lors de sa libération.

Donc ce n'est pas uniquement ce que les détenus peuvent acheter ou même financer ou envoyer à leurs familles, ce qu'ils sont nombreux à faire. Il y a aussi le fait que lors de leur libération, de nombreux détenus, et nous recevons un plus grand nombre de plaintes et de témoignages d'inquiétudes à cet égard - quittent l'établissement avec moins et moins d'argent. Si leurs poches sont vides lorsqu'ils quittent l'établissement, il y a de bonnes chances qu'ils y retournent très rapidement. Je ne pense pas que ce soit dans l'intérêt de quiconque.

Mme Meredith: Une fois libérés, les détenus n'ont-ils pas accès aux programmes d'assistance sociale qui sont disponibles à tous les autres Canadiens qui se retrouvent dans des situations semblables?

M. McIsaac: Évidemment, les programmes d'assistance sociale relèvent des provinces et varient d'une province à l'autre. Je ne connais pas les critères d'admissibilité de ces programmes. Je sais seulement que les détenus sont libérés aujourd'hui avec moins d'argent en poche qu'il y a quatre ou cinq ans.

Mme Meredith: Je pense que c'est le reflet de ce qui se passe ailleurs dans la société.

J'aimerais maintenant passer à autre chose que vous mentionnez dans votre rapport. Vous dites que 2 100 plaintes étaient prématurées. Est-ce que cela signifie qu'elles n'ont pas suivi la filière habituelle du règlement des plaintes et n'ont pas été soumises au comité des détenus?

Mme Nathalie Spicer (enquêtrice, Bureau de l'enquêteur correctionnel du Canada): Dans l'ensemble, oui. En général, cela signifie que le détenu n'a fait aucun effort pour discuter de ses préoccupations avec le personnel de l'établissement pénitentiaire. Lorsque nous indiquons «prématuré»... nous renvoyons en général le détenu, si le problème n'est pas urgent, soit à la procédure interne de règlement des plaintes ou à des moyens moins officiels comme une rencontre avec un employé de l'établissement.

Mme Meredith: N'y a-t-il pas un autre processus préalable, c'est-à-dire les comités des détenus qui examinent la plupart des plaintes, n'est-ce pas. Le détenu ne doit-il pas s'adresser au comité des détenus d'abord et ensuite, si celui-ci ne peut rien faire, s'adresser au personnel.

M. McIsaac: Non, de façon générale, les comités des détenus n'examinent pas les plaintes individuelles. Les comités des détenus s'intéressent aux préoccupations d'ordre général. Si un détenu éprouve des difficultés dans le cadre de son programme de prélibération ou qu'il éprouve de la difficulté à obtenir de faire partie d'un programme de santé mentale ou a des problèmes de transfert, il communique en général avec notre bureau ou utilise la procédure de règlement des plaintes.

.1005

Mme Meredith: Passons à un autre commentaire touchant au troisième sujet où vous dites que les procédures de règlement des plaintes doivent être améliorées. Si je comprends bien, trois études ont été faites au cours des cinq ou six dernières années pour essayer de trouver une façon d'améliorer le système. Comment pensez-vous qu'on pourrait améliorer la procédure de règlement des plaintes?

M. Stewart: Je pense qu'il faudrait un plus grand désir de régler les problèmes, surtout au troisième palier. Au palier de l'établissement et au palier régional, les plaintes sont traitées assez rapidement.

Nous avons actuellement beaucoup de dossiers en retard. Les détenus attendent 60 jours, 120 jours ou je ne sais combien, et ils ne reçoivent pas de réponse.

À notre avis, l'ancienne procédure de règlement des plaintes était satisfaisante; le problème est qu'elle n'était pas prise au sérieux. La procédure a été révisée à nouveau, il y a eu des projets pilotes, et c'est très bien. Mais là encore, je ne crois pas que le problème venait du système; je pense qu'il était dû au fait que l'administration, surtout au troisième palier, ne cherchait pas vraiment à répondre aux plaintes.

Mme Meredith: À la page 24 du rapport annuel, vous dites, à propos de la procédure actuelle de règlement des plaintes:

Cette procédure est-elle réellement différente de celle utilisée pour le règlement des griefs des employés du Service correctionnel dans les établissements?

M. Jim Hayes (directeur des enquêtes, Bureau de l'enquêteur correctionnel du Canada): Je ne connais pas très bien la procédure qui s'applique au personnel, mais il est certain que le temps excessif que l'on met à répondre aux détenus et la raison de ces retards constituent un problème constant depuis des années à l'intérieur du Service.

Comme vous l'avez signalé, trois études ont été réalisées au cours des cinq dernières années pour essayer de modifier la procédure, etc. Nous avons toujours dit que la procédure utilisée actuellement ne présente aucun vice fondamental. Comme l'a dit M. Stewart, le problème tient à l'attitude de la direction. Cela ne paraît pas particulièrement vrai au siège du Service correctionnel.

Comme je vous l'ai dit, je suis peu au courant des retards dans le traitement des griefs présentés par le personnel et de leur contenu. Il y a peut-être un rapport, mais, personnellement, je ne connais pas très bien la situation.

Mme Meredith: Quand j'ai visité des prisons, j'ai été frappée par le fait que l'un des principaux problèmes semble être le sous-emploi des détenus ou l'absence de possibilités de travail pour eux. C'est ce qui semblait causer le plus de problèmes. Pensez-vous qu'en fournissant un travail adapté aux détenus, on pourrait diminuer fortement leurs besoins de présenter des plaintes à propos d'autres questions?

M. Hayes: Il est clair que, avec le gros problème que pose le surpeuplement, il n'y a pas assez de travail pour eux, les taux de rémunération sont donc affectés et on peut voir s'instaurer un système de troc.

Les gens n'ont pas d'argent à leur libération et ils sont inoccupés. Il n'y a pas grand-chose à faire. Ils sont souvent isolés dans leur cellule. On retarde les transferts. Dans les centres de réception, par exemple, ce qui doit normalement durer six semaines prend souvent plus de trois ou quatre mois.

Les gens ne travaillent pas, il n'y a pas de travail intéressant - on leur donne des choses à faire mais le problème est celui de l'intérêt que présente ce travail. Quel rapport y a-t-il entre le travail qu'ils font et leur libération ultérieure?

C'est un problème très difficile à résoudre et, à notre avis, vu le nombre de détenus actuellement incarcérés, il n'y a pas assez de travail intéressant pour tous.

Le président: Monsieur Bodnar, vous avez dix minutes.

M. Bodnar: Avant tout, monsieur Stewart, je voudrais vous remercier pour votre rapport. À de nombreuses reprises, vous y abordez les problèmes de front. Vous dites carrément ce que vous pensez et j'espère que vous pourrez nous dire d'autres choses à propos de certaines parties du rapport.

En particulier, à la page 5, quand vous parlez du Service correctionnel du Canada, vous dites que ses réactions continuent d'être lentes à venir et témoignent d'une attitude défensive et circonspecte. précise. Je suppose que vous avez recommandé à ses dirigeants de prendre certaines mesures et qu'ils ne l'ont pas fait ou bien attendez-vous simplement des initiatives de leur part?

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M. Stewart: En tant qu'ombudsman, je ne crois pas être habilité à leur dire comment résoudre leurs problèmes. Dès qu'on fait ce genre de choses, il y a des détenus qui se plaignent en demandant «qui a eu cette idée stupide?» C'est moi. Donc, ça ne marche pas.

Là encore, nous leur signalons les problèmes. C'est à eux d'essayer de les résoudre.

Je vous remercie de vos commentaires au sujet de notre façon directe de parler de ce qui ne va pas. Je pense que, dans notre métier, il faut être ferme et insistant, appeler un chat un chat et faire fi des rideaux de fumée devant lesquels on se trouve de temps à autre; il faut faire son travail, tout simplement. Il n'est pas facile de gérer le Service correctionnel. Il n'est pas facile de diriger une prison. Nous sommes une tierce partie, nous essayons de porter les problèmes des détenus à l'attention du directeur de la prison ou je ne sais qui et nous pensons mériter au moins de recevoir une réponse responsable dans les meilleurs délais. C'est l'un des principaux problèmes que nous avons, et on le retrouve à propos de toutes les questions traitées dans le rapport annuel. Il faut apparemment beaucoup de temps pour traiter les problèmes présentés par notre bureau.

M. Bodnar: J'ai toujours pensé que si les gens sont tenus occupés, qu'il s'agisse des détenus ou des jeunes enfants chez eux, ou des députés, ils n'ont pas le temps de faire des bêtises.

En ce qui concerne les adultes, j'ai eu la chance de rencontrer l'an dernier dans un avion Roy Bird, chef de la réserve indienne de Montreal Lake en Saskatchewan; il a été le premier chef à introduire l'impôt dans sa réserve ainsi qu'un programme exigeant que les gens travaillent pour pouvoir bénéficier de l'aide sociale. Quand il a fait ces deux choses, la toxicomanie et la criminalité ont diminué dans sa réserve. À son avis, c'est parce que les jeunes gens travaillaient. Cela leur plaisait. Ils étaient fiers de ce qu'ils faisaient. Pour lui, c'était un premier pas sur la voie d'une solution.

Quand il n'a plus voulu être élu chef, et que ces programmes ont été éliminés par ses successeurs, le vieux système est revenu avec plus de criminalité et de toxicomanie. Là encore, c'est parce que les gens oisifs ont tendance à chercher à trouver quelque chose à faire pour passer le temps.

En prison, on a le problème d'une société structurée qui a été créée par la réglementation ou l'administration. Je n'ai jamais cru qu'il fallait incarcérer autant de gens qu'on le fait à l'heure actuelle dans notre pays, surtout en ce qui concerne les délits non violents, et je me demande si on ne pourrait pas régler au moins partiellement le problème en faisant sortir la majorité - je ne veux pas dire seulement un petit nombre - de ces gens là de nos établissements et, sans nécessairement les intégrer complètement dans la société, on pourrait le faire partiellement, grâce aux maisons de transition afin qu'ils puissent travailler. Beaucoup d'entre eux doivent apprendre à travailler, apprendre à se lever le matin et apprendre des activités professionnelles de base afin que, lorsqu'ils quittent un établissement...

Bien sûr, cela règlerait le problème de la rémunération, parce qu'on pourrait les payer plus puisqu'ils feraient un travail constructif. Ensuite, quand ils quittent la prison, il est plus facile des les intégrer dans la société au lieu de les faire sortir dans la même situation que celle dans laquelle ils étaient quand ils sont entrés dans l'établissement.

Avez-vous des commentaires ou pouvez-vous nous dire si quelque chose comme cela pourrait permettre de remédier au surpeuplement?

Je ne suis pas non plus partisan de la double occupation des cellules. Je ne pense pas non plus qu'il soit bon d'avoir une personne dans une petite cellule, dans une cage, comme c'est le cas actuellement. Peut-être que si les gens étaient tous dans des milieux différents, que ce soit un milieu rural, qu'ils travaillent dans une ferme affiliée au système correctionnel, comme au pénitencier de Prince Albert, ou dans d'autres installations de ce genre...

M. Stewart: Il est certain que, dans notre rapport annuel, nous laissons entendre qu'il y a trop de détenus non violents qui restent en prison quand ils pourraient déjà bénéficier d'une libération conditionnelle. Si nous pouvions faire sortir certains de ces gens là - Comme l'a dit, je crois, M. Hayes, nous attendons la mise en place de certains programmes pour répondre aux objections de la Commission des libérations conditionnelles. On peut avoir accès à nombre de ces programmes en milieu ouvert. Nous devrions peut-être envisager cet aspect-là. Mais certainement, on résoudrait partiellement le problème en libérant plus tôt les détenus non violents.

.1015

J'ai rencontré le commissaire du Service correctionnel vendredi, je crois. Il m'a dit que le Service correctionnel cherche comment améliorer les possibilités d'emploi, en essaysnt de s'assurer la participation d'entreprises privées. Il peut y avoir des entreprises de construction qui essaient d'avoir des ouvriers pour les régions éloignées où il n'y a peut-être pas de main d'oeuvre sur place, mais il est toujours difficile d'essayer de faire face à la concurrence d'autres entreprises qui fabriquent différents produits avec des détenus qui ont un logement et des salaires subventionnés. Je sais que le Service correctionnel cherche activement à trouver du travail pour plus de gens, et je pense que cela serait utile.

Mais là encore, je suis d'accord avec vous. Nous gardons trop de gens non violents en prison pendant trop longtemps.

M. Bodnar: Avec la pénurie de logements sociaux qu'il y a actuellement dans notre pays, les pénitenciers fédéraux représentent bien sûr une ressource négligée et il faut l'utiliser. Sinon, c'est un gaspillage quotidien. Vous paraît-il nécessaire d'étudier la possibilité de privatiser certaines activités du Service correctionnel, par exemple la formation sur les lieux de travail, ou je ne sais pas comment vous l'appelez?

M. Stewart: Là encore mon rôle n'est pas de...

M. Bodnar: J'essaie de vous mettre le dos au mur.

M. Stewart: ...dire au Service correctionnel comment il doit régler ses problèmes. Mon rôle est de signaler les problèmes au ministre et à la population dans son ensemble et de faire en sorte que le Service correctionnel s'en occupe.

Il y a certainement de nombreux domaines qui méritent d'être examinés. Je ne peux pas parler au nom du Service correctionnel. Je ne sais pas quels efforts il fait à cet égard. On me dit qu'il examine la question. J'espère qu'il va trouver une solution.

M. Bodnar: Vous signalez à la page 6 qu'on ne peut pas considérer un seul facteur comme étant la cause de la violence dans les établissements pénitentiaires. Je suis tout simplement d'accord. Mais, à mon avis, un des facteurs qui contribue à cela est le surpeuplement, de même que l'oisiveté, ainsi que le fait que l'on place quelques personnes extrêment violentes ou des gens qui sont portés à la violence au sein d'une population de personnes non violentes. Pourrait-on régler en grande partie ce problème en essayant d'écarter le plus grand nombre possible de personnes non violentes de la population très violente ou des quelques personnes très violentes? Avez-vous envisagé cet aspect?

En d'autres termes, il y a des gens qui passent peut-être cinq ans dans un pénitencier pour un délit de fraude. Ils sont tout à fait non violents. Même dans les cas de violence... Je crois que l'on peut considérer que bien des gens qui commettent certains des délits les plus graves, comme un homicide ou un meurtre, comme non violents, à part en cet instant de leur vie où ils ont commis un acte extrêmement stupide. Devrait-on les placer dans les mêmes établissements que les psychopathes, des gens qui ont commis des crimes multiples accompagnés de violences? Devraient-ils être dans les mêmes établissements ou devrait-on les en faire sortir complètement?

M. Stewart: Votre observation est très juste. On devrait certainement les séparer. Mais avec le grave surpeuplement que nous connaissons, il est parfois très difficile de ne pas mélanger les délinquants violents et les non violents. Le surpeuplement a des répercussions sur tous les programmes existant dans les établissements, qu'il s'agisse du travail ou de quoi que ce soit d'autre.

M. McIsaac: Le surpeuplement des prisons a certainement diminué les options offertes au Service pour déménager des détenus. Dans son rapport, le vérificateur général a souligné le grand nombre de délinquants placés dans des établissements d'un niveau de sécurité supérieur à celui qui serait approprié pour eux.

.1020

Là encore, c'est parce qu'il y a trop de gens et pas assez de places. Les gens qui devraient aller dans un établissement à sécurité moyenne ou à sécurité minimum passent trop de temps dans les unités de réception ou dans des établissements à sécurité maximum en attendant de trouver de la place. On se retrouve donc avec une population carcérale mal assortie et cela renforce certainement les difficultés dont vous avez parlé.

Le président: Votre temps de parole est expiré, monsieur Bodnar.

Monsieur St-Laurent.

[Français]

M. St-Laurent: Pour continuer un peu dans la même veine que mon collègue, M. Bodnar, vous mentionnez qu'on emprisonne trop pour des délits mineurs et qu'on fait face à un problème sérieux de surpeuplement.

N'avez-vous jamais pensé, monsieur Stewart, de recommander une réforme du Service correctionnel pour qu'il soit davantage tourné vers le XXIe siècle?

[Traduction]

M. Stewart: Monsieur le président, si vous avez lu nos rapports annuels de ces dernières années, vous savez que nous ne faisons pas autre chose que de recommander une réforme du Service correctionnel, de la façon dont il gère ses activités et du calendrier des programmes. Je pense donc que nous avons fait ces recommandations.

Lorsque je discute avec le commissaire du Service correctionnel, c'est quelque chose qui figure certainement toujours au premier plan. Que faites-vous à propos de ces choses-là et quand vont-elles se faire?

Les dirigeants du service n'abordent pas toujours certaines de ces choses assez directement. Ils ont tendance à privilégier la réalisation d'études. Ils en font réaliser une, ils l'abandonnent ensuite pour je ne sais quelle raison et ils en font faire une autre. Très franchement, je leur ai dit qu'ils exagéraient avec ces études. Il est temps de prendre des mesures concrètes pour régler certains de ces problèmes.

Nous leur avons assurément recommandé de modifier leur façon d'agir. Ils gardent trop de gens, des gens non violents, dans les établissements pendant trop longtemps. Ils devraient envisager de les faire profiter de certains programmes pour qu'ils puissent sortir dès qu'ils peuvent bénéficier de la libération conditionnelle afin de réduire le surpeuplement.

Quelqu'un veut-il ajouter quelque chose?

[Français]

M. St-Laurent: Monsieur Stewart, je lis ici, à la page 6 de la version française, une chose qui me semble un peu paradoxale. Vous dites qu'il n'y a pas eu d'augmentation significative de la violence à l'intérieur des pénitenciers - je n'ai pas les chiffres pour contester cette prétention - et à peine quelques lignes plus bas, vous dites:

S'il y a un taux de mortalité accru, n'est-ce pas là un signe de violence accrue? Je sais qu'en prison, on ne meurt pas toujours d'un coup de couteau, mais tout de même, au prorata, il doit bien y avoir une corrélation entre la violence et l'augmentation du taux de mortalité à l'intérieur des pénitenciers.

Mme Spicer: Au début de la page 6, on dit:

Nous n'avons pas les chiffres pour le démontrer, mais à notre avis et d'après nos fréquentes visites dans les établissements, il semblerait y avoir une augmentation au niveau de la violence institutionnelle.

M. St-Laurent: Donc, selon vous, il y a eu une augmentation de la violence.

Mme Spicer: Selon nous, oui.

.1025

M. St-Laurent: Le complexe Laval regroupe quatre ou cinq institutions pénitentiaires fédérales (complexes Saint-François, Leclerc, etc.) et a 1 200 détenus. Tout récemment, on y a réduit les services infirmiers et il n'y a plus qu'une seule infirmière pour le quart de nuit. Avez-vous reçu des plaintes des détenus ou du personnel à ce sujet?

Mme Spicer: Oui, il y a des plaintes qui ont été portées à notre attention concernant le manque de services durant la nuit. Il y a eu l'exemple d'un détenu de la Montée Saint-François qui avait des problèmes et qui voulait voir l'infirmière. Il fallait qu'il soit transporté à l'établissement Leclerc.

Notre enquête a démontré que le surveillant correctionnel avait agi avec diligence pour s'assurer que le détenu serait transporté à l'établissement Leclerc. Quand la situation était urgente, le surveillant était habilité à appeler une ambulance immédiatement. Mais comme aucune des plaintes que nous avons eues ne portait sur des urgences ou sur des cas d'hospitalisation, il nous a été impossible de recommander à l'administration le rétablissement du service.

[Traduction]

Le président: Mme Torsney a maintenant droit à cinq minutes.

Mme Torsney (Burlington): J'ai quelques questions à poser; il est donc peut-être plus simple que je les présente toutes en même temps et vous pourrez alors décider qui répondre à quoi.

Nous avons parlé de la question de la rémunération des détenus et j'ai remarqué qu'elle est abordée de façon assez vague dans votre rapport. Vous parlez d'augmentation en disant qu'elle est gelée depuis dix ans. Quelle rémunération reçoivent les détenus? Pour quel type de travail? Combien reçoivent-ils par jour? Combien ont-ils quand ils quittent l'établissement? Peut-on parler d'un détenu moyen travaillant comme employé dans une prison?

J'ai reçu des plaintes des gens qui gèrent l'aide sociale dans ma région; ils sont furieux que le système correctionnel semble se débarrasser de certaines personnes en les leur confiant. Ils insistent, à juste titre, pour recevoir immédiatement l'aide sociale puisqu'ils sont dans une situation d'urgence. Les gens de ma région disent, attention, pourquoi avez-vous gardé ces gens-là pendant de longs mois et ne sont-ils pas en mesure de subvenir à leurs propres besoins pendant au moins une semaine ou un mois?

Deuxièmement, je voulais vous interroger au sujet de toute la question de la Prison des femmes. Il y a eu un incident là-bas au mois d'avril, il y a un an maintenant.

Le rapport initial du Service correctionnel du Canada indiquait que l'équipe d'intervention d'urgence avait agi de façon tout à fait appropriée et qu'il n'y avait pas de problème. Vous avez ensuite publié un rapport et je ne sais pas qui en avait pris l'initiative, si c'est vous ou si c'est le solliciteur général. Vous y disiez que l'équipe d'intervention d'urgence avait fait un «usage excessif de la force et que il était hors de doute que ces femmes avaient subi un traitement dégradant et inhumain».

Je ne peux pas comprendre qu'il puisse y avoir une telle différence entre ces deux rapports et je me demande dans quelle mesure le Service correctionnel a coopéré avec votre enquête et si vous avez reçu une aide de la part du comité consultatif des citoyens ou de la société Elizabeth Fry.

Je me demande si la situation à la Prison des femmes n'a pas été aggravée par le fait qu'elles étaient isolées depuis huit mois et qu'il n'y avait pas de travail pour elles. Là encore, l'argent fait partie du problème, de toute la question correspondant au fait que les personnes les plus marginalisées se retrouvent finalement encore plus marginalisées parce qu'elles n'ont les moyens de subvenir à leurs propres besoins.

Je me demande comment votre organisme peut continuer à faire des recommandations sans présenter au moins diverses possibilités de les appliquer. Si vos recommandations se heurtent à un mur, à un mur de prison dans ce cas-ci, pourquoi ne recommandez-vous deux ou trois façons de les appliquer? Comment réagissez-vous si vous continuez simplement de faire de nouvelles recommandations en vous retrouvant toujours face à un mur?

Le président: Vos questions sont-elles terminées, madame Torsney?

Mme Torsney: Oui.

.1030

Le président: En ce qui concerne la Prison des femmes, puisqu'il y a une autre enquête en cours, la troisième, à l'initiative du Solliciteur général, je me demande s'il est indiqué que M. Stewart réponde à des questions au sujet de sa propre enquête sans faire le moindre commentaire sur les autres enquêtes ou sans essayer de comparer la sienne avec les autres. Cela se fera sans doute dans le cadre de celle du Solliciteur général. Je pense toutefois qu'il est parfaitement acceptable que M. Stewart décrive tous les détails de la procédure qu'il a suivi pour sa propre enquête, la coopération qu'il a reçue, ce qu'il a constaté d'anormal, etc. En d'autres termes, il peut parler de sa propre enquête.

En ce qui concerne la dernière chose que vous avez dite, l'enquêteur correctionnel déclare que son rôle n'est pas de proposer des solutions au problème du surpeuplement, qu'il s'agisse de construire plus de prisons ou de permettre à plus de détenus de rejoindre la société.

Je pense que c'est à ce niveau que nous intervenons. Il nous incombe, quand nous interrogeons M. Edwards, le directeur du Service correctionnel, le solliciteur général ou le ministre de la Justice, d'étudier des solutions avec eux. Nous sommes les législateurs. C'est nous qui votons les budgets. M. Stewart peut à nouveau répondre à cette question, mais, à ma connaissance, on lui a déjà souvent demandé de proposer des solutions.

Mme Torsney: Peut-être pourrait-il nous indiquer quelle mesure il aimerait que nous prenions.

Le président: Eh bien, il ne veut peut-être pas répondre, mais je pense que nous avons aussi un rôle à jouer qui consiste à nous saisir de son rapport et à essayer de résoudre les problèmes avec le ministre.

Monsieur Stewart, Mme Torsney vous a posé plusieurs questions. Vous pouvez essayer d'y répondre dans l'ordre.

M. Stewart: Merci, monsieur le président. Je vais demander à M. Hayes de s'occuper de la première question relative à la rémunération des détenus.

M. Hayes: En bref, monsieur le président, je crois qu'il y a approximativement cinq niveaux de rémunération pour les détenus au sein du Service correctionnel du Canada. Je crois également savoir qu'il existe divers projets-pilotes dans certains établissements où on leur verse probablement le salaire minimum. Mais, dans la plupart des cas, il y a beaucoup trop de délinquants qui sont rémunérés aux niveaux les plus bas.

Le premier niveau, par exemple, est de 1,60$ par jour. Il concerne généralement les gens enfermés dans la prison et qui ne peuvent pas en sortir pour une raison ou une autre et qui n'ont accès à aucun emploi. Il existe une politique selon laquelle les directeurs des prisons peuvent examiner tous les 15 jours le cas des détenus placés en isolement et recevant 1,60$ par jour pour voir s'ils pourraient être classés au deuxième niveau qui correspond, je crois, à environ 4,50$ ou 5$ par jour. Je pense que le maximum de cette échelle est de 7,50$ par jour.

Bien évidemment, avec tant de personnes incarcérées et des emplois raisonnables et intéressants n'étant tout simplement pas disponibles pour autant de délinquants, il y aura certainement des gens qui seront libérés en ayant peu ou pas d'argent. Je pense qu'il y a une somme minimale dont chacun doit pouvoir disposer, soit parce qu'il l'a gagnée soit grâce à l'aide du Service correctionnel du Canada, avant d'être libéré. Je crois que c'est 80$. De nos jours, on ne va pas très loin avec cela, si l'on cherche à se loger.

De façon générale, je ne sais pas du tout quel rapport il y a entre cela et le taux de récidivisme, mais on peut supposer que si les gens n'ont pas d'argent, qu'ils sont dans une mauvaise passe et qu'ils ne savent pas où aller, ils risquent de revenir à leur comportement antérieur. C'est évidemment comme une porte tournante.

Pour certains détenus, quelle que soit la somme qu'ils possèdent, cela ne changerait rien. La criminalité est sans doute devenue leur façon de vivre. Mais dans la plupart des cas, les taux de rémunération n'ont pas bougé depuis la dernière augmentation en 1984-1985 par rapport au salaire minimum fédéral. Je pense que cela fait environ 10 ans, ou quelque chose comme ça.

Je laisserais certainement le Service correctionnel du Canada s'en expliquer. Je crois que, à l'heure actuelle, il essaye d'encourager les détenus à participer aux programmes disponibles. On les rémunère pour leur participation. Par exemple, s'ils suivent un programme destiné aux délinquants sexuels, ils reçoivent une certaine rémunération. Cela fait partie de leur programme de traitement correctionnel pendant leur incarcération. Le problème c'est qu'on ne peut pas les faire bénéficier de ces programmes, c'est donc un cercle vicieux.

Il n'y a aucun doute à ce sujet. Leur nombre a des répercussions sur les programmes offerts et on ne dispose pas de l'argent nécessaire. Nous recommandons depuis des années que l'on examine toute la question de la rémunération. Je pense qu'à long terme, l'argent que l'on donnerait maintenant permettrait certainement de faire de grosses économies à l'avenir car, comme l'a fait remarquer plus tôt M. Bodnar, lorsque trop de gens se retrouvent dans ce genre de situation, l'oisiveté devient la mère de tous les vices, comme dit le proverbe. Au moins, s'ils quittaient les pénitenciers avec un certain sens de leur dignité et un peu de plomb dans la tête et, dans leurs poches, un peu plus que 80$, peut-être que la fierté et le sens de la dignité l'emporteraient et qu'ils pourraient trouver à se loger à un prix raisonnable et essayer de trouver un travail intéressant. Il reste que la rémunération pose un problème sérieux.

.1035

M. Stewart: En ce qui a trait à la question de la Prison des femmes - vous avez demandé, je crois, comment l'enquête a été lancée - nous intervenons lorsque nous recevons des plaintes. Nous avions envoyé des représentants à la Prison des femmes avant le mois d'avril de l'année dernière. Le traitement des plaintes était retardé indûment. On retrouve dans le même établissement des personnes détenues dans des conditions de sécurité minimale, maximale et moyenne. Certaines décisions concernant le niveau de sécurité ainsi que le placement de détenus en isolement étaient contestables et nous avions reçu un certain nombre de plaintes. Nous nous sommes donc rendus sur place et nous nous occupons de régler ces questions. Cette intervention fait donc suite à des plaintes et non à une demande du Solliciteur général.

Après avoir évalué toutes les plaintes que nous avions reçues, nous avons décidé de faire un rapport. Nous avons rencontré quelques difficultés à obtenir du Service correctionnel ce dont nous avions besoin. Nos demandes restaient sans réponse, et les choses traînaient. Nous avons demandé une copie de leur enquête sur l'incident qui a eu lieu en avril et je pense que nous avons obtenu ce document en novembre. C'est un retard inadmissible. Nous avons demandé des copies de la bande vidéo pendant tout l'été et tout l'automne et je pense que c'est le 30 janvier que nous l'avons finalement reçue. Par conséquent, on ne peut pas dire que le Service nous a aidés à faire notre travail.

Par contre, nous avons pu compter sur l'entière collaboration du comité consultatif de citoyens, et nous le mentionnons dans notre rapport sur la Prison des femmes; de plus, la Société Elizabeth Fry était tout à fait au courant et nous a également apporté son aide et sa collaboration.

Pour ce qui est des contradictions, je crois que la bande vidéo explique en partie ce qui s'est passé. Lorsque des femmes sont la cause d'un tel désordre qu'il faut en arriver à les réveiller pour les mettre aux fers et les dépouiller de leurs vêtements, pour leur prendre leurs lits, perquisitionner dans leurs cellules et tout enlever parce que, apparemment, les détenues envoyées en isolement n'avaient pas été fouillées et l'on avait peur qu'elles cachent des armes, alors, encore une fois, il faut voir la bande vidéo pour comprendre en partie ce qui s'est passé. Mais pour ce qui est des mesures punitives qui ont été prises contre ces femmes après que l'on ait fait appel au groupe d'intervention tactique... et cela a duré sept ou huit mois. Pendant tout ce temps, elles ont été constamment filmées par des caméras vidéo. Elles n'avaient pratiquement aucune commodité. On leur a imposé des punitions. Au début, elles n'ont pas eu le droit de communiquer avec leur avocat. Elles n'avaient pas de produits d'hygiène féminine, etc., etc. Tout cela a fait l'objet d'une enquête.

On donne, je pense, un bon nombre de détails dans le rapport, et nous attendons avec impatience que l'enquête menée par Madame le juge Arbour commence et que l'on examine tous les problèmes de la Prison des femmes.

Ai-je répondu à toutes les questions que vous avez soulevées? Merci, monsieur le président.

Mme Torsney: Je voudrais faire juste un commentaire sur votre déclaration. Au bout du compte, c'est le même contribuable qui paie, qu'il s'agisse de leur donner de l'argent maintenant ou de financer les services sociaux auxquels ils auront recours plus tard.

M. Ramsay (Crowfoot): Voilà donc un autre rapport rédigé par un autre groupe qui conclut tout simplement que le système ne fonctionne pas. Il y a quelque temps, nous avons eu un témoin - je pense que c'était à propos du projet de loi C-41 - qui nous a dit qu'en 1958, les prisons n'étaient qu'à moitié pleines alors que maintenant, il y a trois personnes par cellule. Nous en sommes venus à enfermer trois détenus dans une petite cellule et l'on dit aussi qu'on ne leur fait même pas passer de test pour savoir si, par exemple, ils sont séropositifs. Il n'est pas impossible d'envisager que des poursuites soient engagées... lorsqu'on force quelqu'un à vivre dans ces conditions et que les établissements n'obligent pas les détenus lorsqu'ils arrivent ou qu'ils sont transférés d'un autre pénitencier à subir un examen médical complet, car ce n'est pas fait actuellement.

Nous entendons dire que le problème de la drogue est si grave que les établissements n'ont qu'une seule solution à proposer, donner de l'eau de javel aux détenus pour qu'ils puissent laver leurs seringues, etc.

.1040

Je ne dispose que de cinq minutes. À en juger par ce que vous nous dites aujourd'hui, je pense qu'en 1973, ce que le gouvernement a créé, c'est un organisme qui a plus ou moins les mains liées. À mon avis, on devrait établir un comité de protection du citoyen où siégeraient des députés. Je pense que cela fait partie de nos devoirs et de nos responsabilité et laissez-moi vous dire que si un comité de députés représentant tous les partis s'occupait de ces problèmes, croyez-moi, le Service correctionnel nous répondrait si nous leur demandions les renseignements, la documentation, etc. qu'il serait raisonnable de vouloir obtenir. À titre de députés, nous avons le droit de pénétrer dans tout établissement, de demander à voir tout détenu quel qu'il soit et d'exiger que l'on réponde à nos demandes d'information, dans les limites du raisonnable.

De mon point de vue, il me paraît absurde d'avoir créé l'organisme dont vous vous occupez pour que vous en arriviez à vous colleter avec le Service correctionnel lui-même.

Pour ce qui est de l'argent, grand dieu, les deux principaux paliers de gouvernement dépensent des milliards de dollars pour acquérir des biens et des services; il serait certainement possible de créer des programmes qui permettraient aux établissements de fournir certains de ces biens et de ces services, même si l'on doit les subventionner au point où cela reviendrait moins cher de s'approvisionner ailleurs que dans ces établissements. C'est sans aucun doute une chose que nous devrions étudier.

Pourquoi le gouvernement qui dépense des milliards de dollars versés par les contribuables ne peut-il pas faire cela? On entend partout des gens se plaindre que le gouvernement accorde des contrats à ses amis et ainsi de suite. Pourquoi les gouvernements provinciaux et fédéral ne pourraient-ils pas créer un programme qui permettrait aux détenus de fournir les services requis et ainsi d'avoir l'occasion de travailler et de gagner de l'argent? À mon avis, les solutions existent bel et bien.

Je pense qu'au cours des 25 dernières années, nous avons pu voir se développer une industrie de la justice pénale qui ne fonctionne pas. Si elle fonctionnait, ce serait très bien, mais selon moi, ce n'est pas le cas.

Dans votre rapport, vous soulignez une chose qui est l'évidence-même - le Service correctionnel lui-même s'en rend compte - c'est le surpeuplement des établissements. Les responsables sont au courant de ce problème. On nous parle du surpeuplement. Lorsque nous rendons visite à ces établissements, à titre de députés, on nous signale cela, et c'est le genre de problème que l'on ne peut cacher.

Alors, comment faire face au surpeuplement? Si l'on ne construit pas de nouveaux établissements et si l'on ne laisse pas sortir les gens qui ne seraient sans doute pas un danger pour la société, quelle est la solution? Si l'on ne peut pas endiguer le flot de détenus qui se pressent à l'entrée des établissements, quelle est la solution au problème du surpeuplement?

Les solutions existent. Soit nous arrêtons de mettre tant de gens sous les verroux, soit nous agrandissons les installations afin qu'il y ait davantage de place, soit nous laissons sortir plus tôt les détenus.

Nous étudions les mesures de rechange proposées dans le projet de loi C-41 et pourtant, cette disposition du projet de loi préoccupe beaucoup de gens car elle ne s'applique pas uniquement à ceux qui ont commis des infractions non violentes. Les délinquants violents peuvent également prétendre à bénéficier de ces mesures dites de rechange selon les dispositions du nouveau projet de loi.

Donc, les solutions existent. Qu'il s'agisse de résoudre les problèmes auxquels vous faites face pour obtenir les renseignements que vous devriez avoir, parce que vous n'avez pas le pouvoir ni l'autorité d'exiger que...

Dans notre société, les plus grands protecteurs du citoyen sont les élus, et c'est une responsabilité que nous ne prenons pas. Si vous restez en place, il faut que vous ayez l'autorité nécessaire pour pouvoir faire votre travail. À quoi cela sert-il de faire une recommandation? Si les députés font une recommandation, croyez-moi, elle ne sera pas jetée aux oubliettes par des gens qui travaillent pour leurs concitoyens, pour le gouvernement. Cela ne se passera pas comme cela. Pour ce qui est de l'argent, il y en a. Ces gens-là sont prêts à travailler.

Le président: Monsieur Ramsay, je veux simplement vous signaler qu'il vous reste une minute, mais vous pouvez en disposer à votre gré.

M. Ramsay: Ce que j'ai déjà entendu dire et ce que l'on répète aujourd'hui à propos de notre système, non seulement notre système judiciaire mais aussi notre système pénal, m'agace au plus haut point. Les solutions existent. Mais ce dont nous avons besoin, ce n'est certainement pas d'un enquêteur correctionnel qui a les mains liées, qui n'a aucune autorité et dont peuvent se moquer les responsables mêmes du système que nous avons mis en place. Cela ne va pas. Il y a quelque chose qui ne va pas dans le système. Il y a quelque chose qui ne va pas dans la façon dont on envisage les choses.

.1045

Certes oui, si le surpeuplement pose un problème, si l'on ne peut obtenir la collaboration des gens qui sont précisément responsables de faire fonctionner le système et si l'on ne peut utiliser certains des fonds dont disposent le gouvernement fédéral pour instituer des programmes permettant aux détenus de fournir certains services et ainsi d'avoir un travail et de s'assurer d'un revenu, alors, il y a quelque chose qui ne va pas.

Le président: Votre temps de parole est maintenant écoulé.

Aimeriez-vous faire des commentaires sur la déclaration de M. Ramsay?

M. Stewart: Je ne suis pas certain qu'il ait posé une véritable question. Je dois dire que je suis d'accord avec bien des choses qu'il a dites. C'est effectivement le corps législatif qui est responsable de la création du Bureau en 1972, comme vous vous le rappelez sans doute, ainsi que de l'adoption de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

On fait appel aux services d'un ombudsman depuis des centaines d'années - à travers le monde, d'ailleurs. Cela marche bien dans de nombreux cas lorsque les gens ne peuvent lutter eux-mêmes contre le gouvernement et font appel à l'ombudsman pour les aider à résoudre leurs problèmes.

Lorsque j'ai parlé à des ombudsmen à travers le monde, particulièrement à ceux qui oeuvraient dans le domaine correctionnel, j'ai pu constater que nous avions tous les mêmes problèmes. Aucun d'entre nous ne détenons l'autorité nécessaire pour mettre en oeuvre des programmes. Nos bureaux sont tous organisés sur le même modèle. Je suppose que le secret du métier c'est d'être tenace et d'essayer de négocier et de trouver une solution aux plaintes transmises par les détenus.

Vous avez suggéré que le gouvernement mette les détenus au travail afin de lui fournir certains des biens et services requis, et c'est quelque chose qui, à mon avis, devrait être étudié. Il n'y a pas beaucoup de plaintes portant sur les tests de séropositivité, l'usage d'eau de javel et ainsi de suite. Je suis d'accord avec vous, le système ne fonctionne pas comme il devrait.

Voilà les commentaires que j'ai à faire sur les points que vous avez soulevés. Merci.

Le président: Avant de passer la parole à M. Lee, je veux encore une fois souligner très clairement que ce Comité, suite à une décision qu'il a lui-même prise, peut mener une enquête n'importe quand dans toute prison, dans toute catégorie de prison au sein du service pénitentiaire. Cela a été fait à plusieurs reprises auparavant. J'étais membre de ce Comité lorsque M. MacGuigan le présidait. Nous avons mené une enquête approfondie sur les conditions qui régnaient dans les prisons. Auparavant, nous avions fait enquête au pénitencier de Kingston et nous avions également examiné les incidents qui avaient eu lieu à St-Vincent de Paul lorsque cet établissement a été ouvert.

Donc, si les membres du Comité estiment à un moment ou à un autre, que nous devrions enquêter sur la situation qui règne dans telle ou telle prison ou dans telle ou telle catégorie de prison, nous avons la possibilité de le faire.

Par ailleurs, je dois dire à M. Ramsay que j'ai fait partie de comités qui ont présenté des rapports unanimes, lesquels ont été jetés aux oubliettes tout comme celui de l'enquêteur correctionnel. Le fait qu'un groupe de parlementaires réuni en comité en arrive à une conclusion unanime n'a pas toujours le poids qu'il faut. Cela dépend de la dynamique de la situation politique et de la façon dont nous suivons le dossier au sein de nos partis respectifs, à la Chambre et ailleurs.

En ce qui a trait à l'ombudsman, je ne pense pas qu'il en existe un quelque part au monde qui ait le pouvoir de mettre en oeuvre des programmes. Ceux qui occupent ces fonctions sont des administrateurs. Ils mènent des enquêtes, font des rapports et c'est ensuite le processus politique qui détermine si ces rapports vont, ou non, être suivis d'effets.

Monsieur Lee, la parole est à vous.

M. Lee (Scarborough - Rouge River): M. Stewart, en examinant les chiffres bruts donnés dans le Budget des dépenses, je remarque que votre Bureau n'a pas été très touché par les réductions budgétaires. Je pense que la différence entre le budget de 1994-1995 et celui de 1995-1996 est d'environ 10 000$, c'est-à-dire une réduction d'à peu près 1 p. 100. Cela démontre soit qu'il y a peu de superflu chez vous et que vous fonctionnez comme il se doit, soit que vous savez très bien esquiver les coups.

.1050

Mais je voulais vous poser une question à propos de l'une des rubriques, celle qui porte le titre de services professionnels et spéciaux. En toute justice, il faut dire que cela ne représente qu'environ 30 000$, mais qu'est-ce que cette catégorie recouvre?

M. Hayes: Nous engageons quelqu'un pour venir nous aider avec notre système informatique, au besoin. Nous versons une indemnité journalière à cette personne ou à tout employé que nous embauchons à très court terme pour nous aider à résoudre des problèmes qui dépassent nos compétences. En ce qui me concerne, et c'est aussi le cas d'un des autres représentants de notre Bureau assis à cette table, quand il s'agit d'informatique, ce n'est guère notre domaine.

M. Lee: D'accord. J'ai également noté que vous aviez votre propre conseiller juridique. S'agit-il d'un avocat?

M. Hayes: Oui.

M. Lee: Votre personnel compte donc un avocat.

M. Hayes: Oui.

M. Stewart: Il est assis à la table. Il y a quelques mois, notre personnel comptait trois avocats. M. Sloan, Mme MacLeod et moi-même n'avons pas été engagés à titre d'avocats. M. Sloan a été engagé à titre d'enquêteur, mais nous l'avons également chargé de certaines tâches de type juridique.

Nous avons constamment à résoudre des problèmes de nature juridique avec le Service correctionnel et les avocats du ministère de la Justice qui y travaillent. Il est donc vraiment avantageux pour nous d'avoir un avocat parmi notre personnel et de ne pas être obligés de nous adreser au secteur privé, même si nous l'avons fait dans le cas de l'enquête sur la Prison des femmes. Nous avons été obligés de retenir les services d'un cabinet privé pour nous représenter. Nous ne pouvons être représentés par les avocats du ministère de la Justice.

M. Lee: Donc, le conseiller juridique peut être chargé d'autres tâches découlant des fonctions confiées à l'enquêteur correctionnel.

M. Stewart: M. Sloan peut peut-être vous dire lui-même ce qu'il fait.

M. Lee: C'est une bonne idée. Monsieur Sloan, dites-nous donc ce que vous faites.

M. Todd Sloan (conseiller juridique, Bureau de l'enquêteur correctionnel du Canada): Etant donné la taille de notre bureau, les ressources auxquelles nous pouvons avoir recours pour accomplir diverses tâches sont limitées.

Je remplis les fonctions de nature juridique qui nous sont dévolues, c'est-à-dire donner une opinion sur les questions auxquelles peuvent être confrontés les autres enquêteurs et sur celles qui ont trait à l'administration, assurer la liaison avec le conseiller juridique du ministère de la Justice qui est chargé du Service correctionnel ainsi qu'avec le ministre, et donner des conseils lorsqu'il s'avère nécessaire d'embaucher des avocats de l'extérieur pour faire valoir notre opinion. Je m'occupe également d'enquêtes et ma charge de travail est à peu près la même que celle des autres enquêteurs.

À l'heure actuelle, à part mes fonctions dans le domaine juridique, je suis l'enquêteur chargé de l'établissement de Stony Mountain, de l'établissement de Rockwood, des unités spéciales de détention, du pénitencier Saskatchewan, de l'établissement de Riverbend et du Centre psychiâtrique régional de Saskatoon. En toute modestie, je peux dire qu'avec moi, vous en avez pour votre argent.

M. Lee: Cela me semble plus raisonnable que ce que l'on peut déduire du document. Je vous remercie.

[Français]

Le président: Monsieur St-Laurent, avez-vous d'autres questions?

M. St-Laurent: Oui. C'est peut-être heureux, mais je n'ai pas vu de mention concernant les services dans la langue. Je reçois de temps en temps à mon bureau des plaintes de francophones qui se trouvent dans des provinces anglophones et qui ont de la difficulté à se faire servir dans leur langue.

J'ai su aussi qu'à Port-Cartier, au Québec, c'était la situation inverse qui se produisait. Est-ce que vous avez eu des plaintes au niveau des services linguistiques dans les différents pénitenciers?

Mme Spicer: Je sais qu'au Québec, pour les détenus anglophones, l'accès au programme anglophone est un problème. Cela avait déjà été porté à l'attention du sous-commissaire du Québec par les années passées et la situation semblait s'être améliorée. Mais avec le transfert de 42 détenus de l'établissement de Kingston à Port-Cartier, il y a des problèmes au niveau des services en anglais, des programmes et de l'obtention d'une documentation en anglais sans que les délais de traduction soient excessifs.

.1055

Nous avons examiné les plaintes et les avons portées à l'attention du directeur. Nous ferons un suivi de la sitation au cours de notre visite à Port-Cartier cette semaine. Si le problème persiste, nous en aviserons à nouveau le sous-commissaire de la région du Québec.

M. St-Laurent: Concernant Port-Cartier, est-ce que vous recevez encore des plaintes au sujet des distances que les familles doivent parcourir pour aller visiter l'un des leurs? En 1988 ou 1989, quand le pénitencier a ouvert, cela a été une catastrophe. C'est sûr que les gens se sont habitués petit à petit, mais je reçois encore un certain nombre de plaintes à ce sujet. Chez vous, comment est-ce perçu? Recevez-vous beaucoup de plaintes?

Mme Spicer: Comme enquêteur responsable de l'établissement de Port-Cartier, j'ai remarqué une baisse significative des plaintes à cet égard. La plupart des détenus qui, maintenant, ont l'occasion d'être transférés à Port-Cartier, le font de façon volontaire. Habituellement, ils y vont parce que leur famille peut se relocaliser dans les environs ou parce qu'ils ne reçoivent pas de visite. Donc, cela ne pose aucun problème.

Ainsi, d'après ce qu'on m'a dit, la plupart des détenus qui ont été transférés de l'Ontario à Port-Cartier n'y voyaient aucun inconvénient. Et ceux pour qui Port-Cartier posait un problème ont quand même accepté d'y être transférés.

M. St-Laurent: Je terminerai par une question dont je connais la réponse, mais que je ne peux m'empêcher de poser. Monsieur Stewart, seriez-vous plus à l'aise - et là je mets des guillemets - si vous aviez un certain pouvoir exécutoire dans votre travail ou si la situation actuelle vous convient tout à fait?

[Traduction]

M. Stewart: Notre organisme a été établi pour jouer un rôle d'ombudsman. Un des principes sur lesquels cela repose, c'est que nous n'avons pas la possibilité de prendre de décisions. Qui va contrôler le bien-fondé des décisions prises par l'ombudsman? Autrement dit, imaginez qu'un bureaucrate ait pris une décision qui, à notre avis, est mauvaise. L'ombudsman intervient et prend une décision qui est encore plus mauvaise que la première. Qui va contrôler le bien-fondé de cette décision-là? Je pense que c'est la raison pour laquelle il est de tradition de ne pas accorder ce genre de pouvoir à l'ombudsman.

Nous pouvons faire des recommandations, nous pouvons essayer de convaincre le bureaucrate qu'il a tort et qu'il devrait modifier sa politique. Certains jours, croyez-moi, j'aimerais pouvoir intervenir et dire: éliminez cela. Mais avec le recul et pour voir les choses de façon réaliste, même si cela ne me plaît pas vraiment, c'est la façon dont ce genre d'organisme fonctionne. Et je n'ai pas vraiment le choix sinon d'accepter de jouer le rôle qui revient à l'ombudsman.

On ne s'y retrouve pas toujours devant un mur de pierre. Nous nous occupons d'un grand nombre de plaintes et d'un grand nombre de gens. Il y a au Service correctionnel beaucoup de gens très bien. Nous obtenons sans difficulté aucune la collaboration des établissements. Lorsque nous nous rendons sur place et que nous découvrons un problème, nous parlons au directeur et nous sommes généralement en mesure de trouver une solution. Au niveau de la région, c'est la même chose et nous pouvons généralement résoudre le problème.

Les choses deviennent un peu plus difficiles lorsque nous avons à traiter avec l'administration centrale. Parfois, j'aimerais bien pouvoir prendre certaines décisions, mais encore une fois, les choses ne sont pas aussi terribles que cela. La collaboration est bonne avec les employés aux niveaux hiérarchiques inférieurs. Nous avons eu depuis toujours des problèmes au niveau national et je crois bien que cela va continuer.

Aucun organisme ni ministère n'aime être contrôlé par un autre organisme. Nous avons l'avantage de pouvoir publier nos constatations dans notre rapport annuel. Le Service correctionnel n'a pas cette possibilité et je crois que, d'une certaine façon, cela agace ses fonctionnaires mais, encore une fois, c'est la vie.

Il y a un cadre législatif dans lequel s'inscrivent nos initiatives et la tâche n'est pas facile. C'est fatigant. Je sais que les employés sont épuisés lorsqu'ils rentrent d'une visite dans un établissement et qu'ils ont passé une semaine confrontés à des gens plutôt exigeants et même, à l'occasion, à des employés qui sont eux-mêmes peu accommodants. Mais de temps en temps, il y a une petite lueur d'espoir et nous sommes capables de trouver des solutions; nous sommes capables d'en aider certains.

.1100

Encore une fois, nous sommes les défenseurs de l'équité du système. Nous ne sommes les défenseurs ni des détenus ni de certains groupes d'intérêts. C'est l'équité que nous défendons; il est toujours possible de faire quelque chose à ce point de vue là.

Le président: Madame Phinney, cinq minutes.

Mme Phinney (Hamilton Mountain): Pouvez-vous me dire précisément quels sont les recours à la disposition d'un détenu qui estime que le Service correctionnel a inscrit des informations inexactes dans son dossier? Est-ce qu'il entre dans votre mandat d'intervenir et de trouver une solution à ce problème ou d'aider à le résoudre à un moment ou à un autre?

Si le détenu estime que le dossier qui va être soumis à la considération de la Commission nationale des libérations conditionnelles comporte des informations inexactes, avez-vous le droit d'examiner les documents qui font partie de ce dossier? Je pose cette question car je m'occupe du cas d'un détenu qui a eu recours à certaines procédures et je ne peux pas vraiment déterminer s'il y a eu recours à plusieurs reprises, s'il doit suivre tout le processus et s'il doit faire état de son cas par écrit, ou s'il a un moyen de s'adresser à vous.

Pouvez-vous me dire comment cela se passe? Ensuite, peut-être reviendrai-je sur ce cas particulier.

M. Hayes: Le Service correctionnel a une politique sur la façon de corriger les informations inexactes contenues dans un dossier. Je vais essayer de vous l'expliquer correctement.

Le délinquant a la possibilité de parler de ces informations inexactes à son agent de gestion des cas et les erreurs peuvent être corrigées de façon informelle à ce niveau. S'il n'est pas satisfait, il peut porter l'affaire à un plus haut niveau, en s'adressant à un membre du personnel de l'établissement, un chef d'unité ou un coordonnateur de la gestion des cas. Ces personnes peuvent intervenir et revoir les arguments présentés par le détenu afin de déterminer si les renseignements doivent être corrigés ou, de toute façon, afin de donner au délinquant des explications qui le satisfassent.

S'il n'est toujours pas satisfait, le détenu peut avoir recours au système de règlement des griefs. Il peut déposer un grief concernant les renseignements inexacts. Il suit alors les différentes étapes de ce processus. Théoriquement, la question devrait être réglée en temps opportun, mais c'est évidemment quelque chose qui pose un problème.

Si le délinquant n'est toujours pas satisfait, il a certainement la possibilité de s'adresser à notre bureau et nous essaierons de l'aider en déterminant exactement ce qui fait problème. Le délinquant peut également s'adresser à quelqu'un qui ne fait pas du tout partie du système, je veux dire le commissaire à la protection de la vie privée, qui peut examiner le cas et faire des commentaires sur l'information elle-même.

Si, en dernière analyse, le délinquant n'est pas satisfait de la façon dont son cas a été traité, à quelque niveau que ce soit, il a le droit de mettre par écrit sa propre opinion, et ce document est joint, dans son dossier, à celui qui contient l'information qu'il tient pour erronée.

Pour ce qui est de savoir si nous avons le... Notre mandat est d'intervenir, d'évaluer l'information et de nous occuper de la plainte du délinquant à n'importe quelle étape du processus que ce soit. Au niveau de la Commission nationale des libérations conditionnelles, tous les documents qui lui sont transmis afin qu'elle puisse prendre une décision proviennent du Service correctionnel. Oui, nous pouvons examiner les documents; oui, nous pouvons intervenir; et oui, nous pouvons donner notre avis sur les informations que le détenu estime inexactes et qui peuvent empêcher sa libération conditionnelle ou jeter le discrédit sur la requête qu'il présente lui-même à la Commission.

Mme Phinney: Vous avez dit qu'en quatrième lieu, le détenu pouvait s'adresser à vous. Comment un détenu enfermé dans sa cellule peut-il communiquer avec vous?

M. Hayes: Il y a dans certains établissements ici et là au Canada des lignes d'appel sans frais. C'est un système qui me dépasse un peu. Les détenus peuvent également nous appeler à frais virés. Par exemple, si quelqu'un veut appeler M. Sloan de Stony Mountain, il a juste à obtenir la permission de téléphoner et l'appel est automatiquement transmis à son bureau.

C'est la même chose pour tous les enquêteurs qui travaillent chez nous et qui s'occupent chacun de différentes régions. Lorsque l'appel nous est transmis, le cas est confié à un certain enquêteur. Tous les employés du bureau connaissent très bien la politique et ont beaucoup d'expérience, il leur est donc facile, même à distance, de s'occuper de questions ayant trait à l'inexactitude des informations contenues dans les dossiers des détenus.

.1105

Si un détenu n'est pas satisfait du traitement qu'il a reçu et désire nous en parler, nous pouvons le rencontrer au cours d'une de nos visites régulières dans les établissements carcéraux. Par exemple, Mme Spicer se rend demain à Port-Cartier. Si elle a reçu une plainte au sujet de laquelle il n'est pas facile de s'entretenir par téléphone en raison du temps que cela peut prendre ou de la nature du sujet, elle rencontrera le détenu de manière à parler du problème et à lui fournir aide et conseils.

Mme Phinney: Est-ce qu'il me reste encore un peu de temps? Est-ce que je peux poser une autre question?

Le président: Il ne vous reste plus qu'une minute et vous pouvez poser une dernière question. Mais vous ne pouvez donc aborder un nouveau sujet.

Mme Phinney: Non, il ne s'agit pas d'un nouveau sujet.

Dans la lettre dont j'ai parlé, on mentionne le cas de cet homme que j'appellerai Pierre Tremblay, qui est convaincu que les renseignements contenus dans son dossier sont erronés. Cependant, la direction de l'établissement ne partage pas son avis. Ce détenu a fait appel au processus du règlement des griefs des détenus, mais il a fini par être débouté au palier national. Où se situe le palier national? Est-ce le système de règlement des griefs des détenus?

M. Hayes: Oui. Le système lui-même comporte trois paliers. Le premier est celui du directeur d'établissement, le deuxième, celui de l'administration régionale et le troisième, celui de l'administration nationale. Par conséquent, son grief a été rejeté par le commissaire du Service correctionnel.

Mme Phinney: Ensuite, la lettre précise que les fonctionnaires du SCC ont répondu aux questions du détenu en l'avisant de son droit, en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, de demander à faire rectifier les renseignements contenus dans son dossier, ce qu'il avait probablement déjà fait, et précisant que l'on procéderait à l'examen de ses préoccupations. Tout cela n'a-t-il pas déjà été fait puisqu'il a déjà remonté toute la filière du Service correctionnel?

M. Hayes: Je ne peux qu'émettre des hypothèses sur ce cas, mais si ce détenu a utilisé tous les recours dont il disposait au sein du SCC et qu'il ne souhaite pas, pour une raison ou pour une autre, faire appel au commissaire à la protection de la vie privée, il peut toujours rédiger son opinion par écrit qui sera annexée à son dossier. Par conséquent, une personne qui lira son dossier prendra forcément connaissance de ces renseignements donnés en annexe. Tout au moins, en théorie.

Mais nous avons tellement de documents qu'il arrive parfois que le document A ne soit pas annexé au document B comme il devrait l'être. En théorie, ce n'est pas un mauvais système, mais dans la pratique, il n'est pas facile à utiliser.

Le président: Madame Meredith.

Mme Meredith: J'aimerais revenir à votre rapport concernant la révolte qui a eu lieu à la prison pour femmes P4W. Il donne une version totalement différente de celle du rapport du Service correctionnel. Vous venez de nous dire que vous percevez votre rôle de médiateur comme celui de défenseur de l'équité, plutôt que comme celui de porte-parole des détenus. Estimez-vous que votre rapport expose l'opinion d'un tiers neutre ou, au contraire, qu'il se porte à la défense des détenues?

M. Stewart: Monsieur le président, notre rapport portait sur la notion d'équité. Nous faisons enquête sur les plaintes que nous recevons et lorsque nous estimons que les plaintes sont fondées, nous faisons un rapport.

Si nos enquêtes ne nous avaient pas permis d'établir certains éléments, nous n'aurions pas présenté de rapport. Mais je vous rappelle que nous sommes des tiers. Nous agissons avec équité et nous signalons les problèmes des détenus au Service correctionnel.

Mme Meredith: Je vous l'accorde, mais j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi un tiers neutre a été amené à enquêter une fois de plus sur cette affaire et à présenter un rapport distinct du rapport du Service correctionnel et du rapport d'enquête. Je ne comprends pas pourquoi il a paru nécessaire de dépenser d'autres deniers publics afin d'obtenir un troisième rapport par des intervenants neutres puisque, si j'ai bien compris, c'est comme cela que vous vous définissez.

.1110

D'après la conversation que j'ai eue dans les établissements correctionnels des diverses régions du pays, le personnel correctionnel de première ligne considère votre bureau comme un groupe de défense des détenus qui est plutôt hostile au personnel correctionnel. Est-ce comme cela que vous souhaitez être perçus? Pensez-vous que cela vous place dans une position qui vous permet de mieux fonctionner à titre de tiers neutre?

Le président: Excusez-moi, mais vous posez deux questions. La dernière ne pose aucun problème. Cependant, la première question qui vise à savoir pourquoi le solliciteur général a jugé nécessaire d'ordonner une autre enquête est peut-être une très bonne question, mais je me demande s'il ne faudrait pas la poser au solliciteur général lui-même plutôt qu'à vous. En effet, vous n'êtes peut-être pas en mesure de nous dire pourquoi le solliciteur général a décidé d'ordonner une autre enquête. Vous avez le choix de répondre ou non à cette question.

M. Stewart: Merci, monsieur le président.

L'article 193 autorise l'enquêteur correctionnel à présenter un rapport spécial lorsqu'il juge qu'une affaire urgente sur laquelle il fait enquête ne peut attendre la publication du prochain rapport annuel. C'était le cas dans ces circonstances et j'avais signalé au ministre qu'il devait déposer ce rapport dans les deux Chambres. N'ayant pas participé au processus de règlement de la situation, je ne peux répondre à cette question.

Le président: Et la deuxième question?

M. Stewart: Cela fait assez longtemps maintenant que nous jouons le rôle de défenseur des détenus. J'ignore avec qui vous avez parlé et dans quel établissement. En revanche, dans la plupart des établissements, les gens à qui nous parlons - et, nous espérons, le personnel des établissements correctionels - savent que nous sommes là pour défendre l'équité et non pas les détenus. Nous en parlons dans notre rapport annuel. Lorsque les détenus nous adressent des plaintes qui ne sont pas justifiées, nous communiquons avec eux pour leur dire que nous ne pouvons rien faire au sujet de leur problème.

Il existe des groupes de défense des droits des détenus, ainsi qu'un avocat-conseil. Il y a toutes sortes de gens à qui ils peuvent s'adresser plutôt qu'à nous. Ce n'est pas notre rôle.

Mme Meredith: Le problème, c'est que les gens qui travaillent au Service correctionnel, le personnel de première ligne, nous considère comme les protecteurs des détenus, comme la Société John Howard ou la Société Elizabeth Fry. Ils ne vous perçoivent absolument pas comme un groupe neutre, mais comme un adversaire, un peu comme les membres de la Société John Howard et de la Société Elizabeth Fry.

J'aimerais savoir s'il s'agit bien là de la façon dont vous voulez être perçus par le personnel du Service correctionnel avec qui vous êtes en contact?

M. Stewart: Absolument pas.

Nous parlons beaucoup de tout cela dans les établissements, tant avec le personnel qu'avec les détenus. C'est ce que nous faisons continuellement. J'en suis témoin depuis 18 ans que j'occupe ce poste.

Si c'est là la perception que vous avez eue à un ou plusieurs endroits particuliers...

Mme Meredith: En fait, dans toutes les régions du pays.

M. Stewart: Si c'est là la perception que vous avez notée... À combien de personnes avez-vous parlé?

Mme Meredith: À une vingtaine de personnes dans six ou sept établissements.

M. Stewart: Je crois que certains membres du personnel s'intéressent aux personnes avec qui ils traitent. Si le personnel des établissements veut s'informer, il peut lire notre rapport annuel. Je pense que nous expliquons très bien qui nous sommes dans la plupart des éditions de notre rapport annuel.

Nous pensons que c'est une mauvaise impression et nous ne voulons pas être perçus comme des défenseurs des détenus. Nous préférons être reconnus comme des défenseurs de l'équité.

Mme Spicer: Je pense que le personnel d'exécution est mal renseigné. Malheureusement, les enquêteurs sont moins nombreux depuis quelques années dans notre bureau, alors que nous avons une charge de travail assez lourde. Ayant moins de temps, lorsque nous nous rendons dans un établissement, nous rencontrons le détenu et il est possible que nous ayons moins de temps qu'auparavant à consacrer au personnel pour lui expliquer notre rôle. Récemment, les effectifs de notre bureau ont légèrement augmenté.

.1115

Je ne sais pas si vous vous êtes rendus dans certains établissements du Québec. Je suis convaincue que le personnel d'exécution de la région du Québec n'a pas une telle opinion de notre bureau.

Il y a deux semaines seulement, j'étais à Donnacona où j'ai passé une heure en réunion avec les membres du personnel d'exécution afin de leur expliquer le rôle de notre bureau. Je leur ai expliqué que nous pouvons présenter des recommandations, que nous représentons le détenu, mais uniquement pour rétablir l'équité. Nous leur avons décrit exactement notre rôle.

Je ne pense pas que nous soyons mal perçus dans cette région. Mais il est vrai que les gens qui connaissent mal notre rôle peuvent avoir cette impression puisque, lorsque nous arrivons, nous commençons par rencontrer le détenu. Ensuite, nous négocions avec le directeur. Et si nous présentons une recommandation qui va à l'encontre d'une action du personnel, nous passons pour être du côté du détenu. En revanche, certains détenus peuvent avoir l'impression que nous sommes à la solde de l'administration lorsque nous pouvons résoudre le problème qui les préoccupe. Par conséquent, notre position peut être très complexe.

Le président: Dans le même ordre d'idées j'ai lu, dans votre rapport de l'an dernier, que vous aviez reçu 6 800 plaintes. Pouvez-vous nous dire en gros quel est le pourcentage de ces plaintes que vous avez rejetées? Je suis convaincu que vous n'êtes pas toujours du côté des détenus et qu'il vous arrive très souvent de dire aux détenus que leur plainte n'est pas justifiée.

M. McIsaac: On trouve réponse à votre question au tableau G, page 15 du rapport. L'an dernier, le nombre de plaintes non justifiées était de 716. Bien entendu, certaines d'entre elles ne relevaient pas de nos compétences. Comme vous l'avez indiqué, monsieur le président, nous ne prenons pas en considération la totalité ni même 80 p. 100 ou peut-être même 75 p. 100 de toutes les plaintes qui nous sont adressées.

Le président: Je sais que vous vous trouvez un peu dans la même position que le vérificateur général. Il est des fonctionnaires qui n'aiment pas se faire examiner, pas plus par l'enquêteur correctionnel que par le vérificateur général ou le commissaire à la protection de la vie privée. Cependant, le gouvernement a décidé que ces organismes étaient utiles pour des raisons d'équité et, qu'ils le veuillent ou non, leur intervention est parfois nécessaire.

Monsieur MacLellan.

M. MacLellan (Cap-Breton - The Sydneys): Monsieur Stewart, je vous remercie d'être venu en compagnie de vos fonctionnaires. C'est un plaisir de vous revoir.

J'aimerais savoir combien des demandes que vous recevez ont trait aux drogues. Est-ce que vous en recevez beaucoup?

M. Stewart: Vous voulez savoir combien de plaintes nous recevons au sujet des drogues?

M. MacLellan: Exactement.

M. Stewart: Je ne pense pas qu'il y ait une catégorie de ce type dans notre classement. Le tableau A contenu dans notre rapport ne fait pas état des plaintes liées aux drogues. Mais les détenus ne s'adressent généralement pas à notre bureau pour se plaindre d'un problème de drogue dans un établissement.

M. MacLellan: Peut-être, mais ne pensez-vous pas que certains problèmes soulevés par les détenus ont un lien avec la drogue? Je sais que le problème de la drogue ne relève pas véritablement de vos compétences, mais c'est un problème de plus en plus préoccupant. C'est un problème pour lequel on n'a pas de réponse. C'est un problème que l'on cherche actuellement à élucider.

On imagine bien d'où proviennent les drogues, mais, à ma connaissance, aucun rapport approfondi n'a été consacré au problème ni aux causes de son aggravation, pas plus qu'aux mesures que nous pouvons prendre, compte tenu de la nature du système. À mon avis, la situation est alarmante, car cela nous empêche d'atteindre les buts que nous visons; nos démarches risquent d'avoir l'effet contraire tant que nous n'aurons pas réglé le problème que posent les drogues. Si l'on pouvait seulement réduire la consommation... Malheureusement, c'est un problème qui augmente en gravité et en fréquence.

Je me demande si vous pourriez nous aider dans ce domaine, mais je sais que vous êtes limités dans vos actions sur cette question.

.1120

M. Stewart: Il est certain, monsieur le président, que les drogues posent un problème dans les établissements. Il semble qu'il ne soit pas difficile de se procurer de la drogue en établissement pénitentiaire et je pense que le Service correctionnel en est bien conscient.

Je vais demander à M. Hayes de répondre à cette question, car je pense que son bureau mène actuellement une étude sur le sujet, n'est-ce pas?

M. Hayes: En effet, il existe une stratégie concernant les abus d'intoxicants.

Je vais tout de suite devancer une question secondaire en précisant qu'il s'agit d'identifier les détenus qui ont un problème de toxicomanie et de proposer des programmes pour y remédier, etc.

Je ne connais pas les chiffres exacts, mais je suis convaincu que beaucoup de détenus ont déjà, au moment de leur incarcération, un long passé de toxicomanes.

Il est naturel que la consommation de drogues à l'intérieur des établissements défraie la chronique et que la presse se saisisse des cas de consommation d'héroïne dans les pénitenciers et d'intervention des membres de la police. On parle beaucoup de ce genre d'incidents et à juste titre peut-être.

En revanche, il y a beaucoup de détenus dont la vaste majorité ont un lourd passé de toxicomanes, qui demandent à suivre dans les meilleurs délais un programme de désintoxication. D'après les plaintes que nous avons eues, le Service correctionnel ne répond pas à cette demande.

Bien entendu, c'est un cercle vicieux et on ne peut que penser aux commentaires formulés un peu plus tôt par M. Bodnar au sujet de la surpopulation des établissements, de l'oisiveté des détenus, etc. Par conséquent, nous recevons énormément de plaintes traitant indirectement de la toxicomanie et de l'absence de programmes d'aide aux détenus qui veulent cesser la consommation de drogues.

M. MacLellan: J'aimerais poser une dernière question, si vous le permettez, monsieur le président.

Je comprends que le Service correctionnel du Canada ait un programme en cours, mais ce programme existe depuis pas mal de temps déjà. Je me demande si l'on peut s'attendre à avoir des conclusions ou des renseignements qui pourraient nous être utiles pour lutter contre ce problème ou s'il s'agit tout simplement d'un programme de consommation publique? Voilà la question que je me pose.

M. Hayes: Vous me demandez de prédire l'avenir et de vous dire quelles seront les mesures que prendra cet organisme. La seule chose que je puisse vous dire, c'est que les gens sont pleins de bonne volonté mais que l'on part au plus pressé.

Quant à savoir si des mesures importantes ont été prises pour régler le problème, je pense que le Service correctionnel a pris des mesures plutôt draconiennes, mais je crois qu'il soit impossible de résoudre le problème de manière raisonnable à moins d'enfermer les détenus et d'interdire toute communication. Cela me paraît impossible et je pense que le problème va continuer à s'aggraver. On aura beau faire appel à des chiens et à des machines perfectionnées, la nature humaine étant ce qu'elle soit, le règlement sera toujours enfreint et les gens continueront à être blessés. Et, bien entendu, la surpopulation ne fait rien pour arranger tout cela.

Je crois que le problème est grave et qu'il n'y a pas de solution facile.

Le président: J'aurais moi aussi quelques questions à vous poser.

Vous savez que l'an dernier, Donzel Young a été assassiné au pénitencier de Collins Bay par d'autres détenus. Je crois que l'enquête est toujours en cours, mais j'aimerais savoir si vous avez reçu des plaintes émanant de Donzel Young ou si vous avez eu à intervenir d'une façon quelconque dans cette affaire?

M. Stewart: Comme je vous l'ai dit, nous ne sommes pas intervenus dans cette affaire.

Le président: Il y a également un autre cas, lui aussi devant les tribunaux, et des accusations seront bientôt déposées. Il s'agit du meurtre de Robert Gentles au pénitencier de Kingston. Aviez-vous déjà reçu des plaintes de Robert Gentles au sujet de la situation au pénitencier de Kingston?

M. Stewart: Oui, monsieur le président. Nous avions formulé certaines inquiétudes au sujet de l'équipe d'enquête et nous avions adressé au Service correctionnel des suggestions qui me paraissaient utiles. Je ne sais pas si elles ont été prises en compte, mais elles n'ont pas été retenues et l'enquête a bel et bien eu lieu.

En cas de décès ou de blessures graves, nous obtenons bien sûr un exemplaire du rapport et c'est ce qui s'est passé dans l'affaire Gentles. Je crois que nous avons communiqué avec M. Edwards après avoir examiné le rapport. N'est-ce pas, Ed?

M. McIsaac: C'est exact.

Le président: Gentles était détenu au pénitencier de Kingston et on remarque immédiatement à la lecture de votre rapport que le nombre de plaintes émanant de ce pénitencier était de 489 l'an dernier et de 557 à Warkworth. Ces plaintes étaient beaucoup plus nombreuses que dans les autres régions du Canada. Par exemple, vous en avez reçues 281 en provenance de Joyceville et 282 de Collins Bay.

.1125

Comment expliquez-vous que vous ayez reçu un si grand nombre de plaintes du pénitencier de Kingston et de celui de Warkworth?

M. McIsaac: Il y a probablement deux raisons.

Premièrement, ces deux établissements abritent un grand nombre de détenus en attente de traitement. La liste d'attente est longue. Nous recevons de nombreuses plaintes de la part de détenus de ces deux établissements qui doivent repousser leur audience de libération conditionnelle ou de semi-liberté parce qu'ils n'ont pas pu s'inscrire à un programme de traitement.

L'autre raison, c'est que l'établissement de Warkworth est probablement le plus surpeuplé du pays. Les plaintes sont beaucoup plus nombreuses dans les établissements surpeuplés.

Il n'y a pas très longtemps encore, beaucoup de détenus du pénitencier de Kingston devaient partager leur cellule avec un autre détenu. Et pourtant, ceux qui ont visité cet établissement savent que, dans bien des cas, les cellules ne sont même pas assez grandes pour une personne.

Voilà quelques-unes des raisons qui me viennent à l'idée pour expliquer le nombre élevé de plaintes que nous recevons de ces deux établissements.

Le président: J'ai noté dans le budget des dépenses que votre personnel se limite à 17 personnes, dont huit enquêteurs. L'an dernier, vous desserviez cinq régions et vos huit enquêteurs ont traité 6 800 plaintes.

Si j'ai bien compris, vous n'avez pas de bureaux régionaux et, même si vos activités sont réorientées vers les régions, elles sont dirigées à partir de votre bureau d'Ottawa.

M. Stewart: C'est exact.

Le président: Les deux régions qui vous donnent le plus de travail sont le Québec et l'Ontario. Pouvez-vous m'indiquer comment les régions sont réparties entre les huit enquêteurs? Il y a la région de l'Atlantique, la région du Québec, celle de l'Ontario, la région des Prairies et la région du Pacifique. Comment sont réparties ces différentes régions entre les huit enquêteurs?

M. Stewart: Je vais demander à M. Hayes d'y répondre puisque c'est lui qui s'occupe de la répartition.

M. Hayes: Nous essayons d'affecter un enquêteur à la région du Pacifique et un autre à celle de l'Atlantique. Dans les Prairies, nous avons deux enquêteurs. Étant donné la charge de travail de M. Sloan, nous lui confions la moitié de la région des Prairies, le Manitoba et la Saskatchewan et nous affectons une autre personne, d'origine autochtone, à l'Alberta. Au Québec et en Ontario, nous disposons de deux enquêteurs à temps plein dans chaque région et il nous arrive de temps à autre de déplacer temporairement un enquêteur d'une province à l'autre parce que la charge de travail devient trop lourde.

Nous essayons également de prendre en compte les demandes de congé prolongé de certains membres du personnel. Actuellement par exemple, un membre de notre personnel est en détachement pour quatre mois. Comme il n'y avait personne pour le remplacer, il a fallu partager son travail entre le personnel restant et faire appel à moi-même et à une autre personne du bureau.

Par conséquent, à l'exception du Québec et de l'Ontario, il y a un enquêteur pour chaque région.

Le président: Mais, 6 800 plaintes, cela paraît beaucoup. Comme l'a dit M. Sloan, les enquêteurs gagnent bien leur salaire.

Les effectifs d'enquêteurs ont-ils augmenté ou diminué depuis deux ou trois ans, à la suite des compressions budgétaires?

M. Hayes: En fait, notre personnel ne compte que 16 membres. Le budget indique que nous sommes censés avoir 17 personnes, mais comme nous n'avons pas l'argent nécessaire, nous nous contentons de 16.

Je crois que les effectifs de nos enquêteurs ont augmenté vers 1992, au moment de l'adoption de la Loi sur le système correctionnel et de la mise en liberté sous condition.

Comme vous le savez probablement, au début les détenus communiquaient avec notre bureau par correspondance, ce qui nous permettait de mieux gérer la situation. Désormais, nous recevons jusqu'à 700 appels téléphoniques par mois de la part de détenus et nous nous déplaçons dans les établissements pénitentiaires. Les nouvelles recrues savent qu'elles devront voyager. Cela fait partie des conditions d'embauchage. Au début, la perspective de voyager plaît beaucoup aux nouveaux enquêteurs. Ils ne tardent pas à déchanter. Le personnel de notre bureau n'aime pas beaucoup voyager.

.1130

Le président: Vous recevez donc 700 appels par mois.

M. Hayes: C'est exact.

Le président: Vous ne devez pas pouvoir traiter tous ces appels immédiatement. Les députés reçoivent tous à peu près 200 appels par semaine. Il nous faut parfois trois à quatre ou cinq semaines pour répondre à certaines demandes car nous n'avons tout simplement pas les ressources nécessaires.

Vous nous disiez que les recommandations que vous présentez au Service correctionnel ne sont pas prises en compte assez rapidement. Comment se présente exactement la situation? Est-ce que vous vous sentez impuissants à répondre à ces 700 demandes que vous recevez chaque mois? Comment pouvez-vous y répondre avec seulement 8 enquêteurs et un effectif de 16 personnes pour l'ensemble du pays?

M. Hayes: Dans le meilleur des cas.

Le président: Combien de détenus y a-t-il, 14 000?

M. Hayes: Sans compter les détenus des établissements provinciaux ainsi que ceux qui sont en liberté conditionnelle.

C'est extrêmement difficile. Mme Spicer peut peut-être nous en parler, car je sais qu'elle reçoit beaucoup d'appels; ou alors M. Sloan. Ils font ça à longueur de journée et je me demande franchement comment ils tiennent le coup. Le téléphone dans notre bureau...

Le président: J'aimerais les entendre.

Madame Spicer, vous vous occupez du Québec.

Mme Spicer: C'est bien cela.

Le président: Combien d'appels recevez-vous chaque jour?

Mme Spicer: Environ une quinzaine par jour.

Le président: Combien chaque détenu prend-il pour exposer son cas: 15 ou 20 minutes, ou une demi-heure?

Mme Spicer: Cela varie. Nous connaissons bien la politique et s'il n'y a aucune infraction flagrante, nous précisons la politique au détenu et nous lui indiquons que sa plainte n'est pas justifiée pour le moment. Par contre, si la plainte est justifiée, nous demandons au détenu ce qu'il a fait pour remédier à la situation.

Mais notre travail est très frustrant, car nous devons non seulement écouter les plaintes des détenus, mais également les récriminations des détenus qui attendent leur tour. En effet, nous n'avons que cinq lignes téléphoniques pour répondre aux appels provenant de tous les pénitenciers du pays. Alors, pendant que nous parlons au détenu, on nous fait dire qu'il y a deux ou trois appels en attente. Un moment donné, nous devons nous arrêter de prendre les appels, car nous ne pouvons plus bien faire notre travail...

Le président: Les détenus se tournent alors vers leur député.

Je peux comprendre votre frustration. M. Stewart nous disait qu'il a parfois envie de donner des directives, mais il est certain qu'en faisant cela, vous vous substitueriez à l'administration et vous perdriez votre raison d'être en tant que médiateur. Ce serait la même chose que de donner au vérificateur général le droit de diriger le gouvernement du Canada. Ce n'est pas vraiment son rôle.

M. Ramsay: Lorsque nous sommes allés au pénitencier à sécurité maximale d'Edmonton, nous avons abordé la question du trafic de drogues et le directeur nous a avoué que c'était un grave problème. Il est consternant de constater qu'il n'y a que deux moyens de se procurer de la drogue dans un pénitencier à sécurité maximale. S'il s'avère impossible d'empêcher l'entrée de substances interdites dans un établissement dont les détenus ne peuvent sortir, il me semble que la lutte à l'importation de drogues au Canada est une cause perdue.

Mais revenons aux deux sources d'approvisionnement en drogues dans un établissement pénitentiaire. La première source d'approvisionnement est constituée par les gardes et le personnel de l'établissement. Le directeur nous a assurés que c'est au cours des visites que la grande majorité sinon la totalité des drogues pénètrent dans l'établissement à sécurité maximale d'Edmonton.

Si j'étais directeur d'établissement, je saurais quoi faire pour empêcher la circulation de la drogue et toutes ses conséquences... mais il a souligné le danger que cela représenterait. Les programmes de traitement ne sont d'aucune utilité pour les détenus qui font usage de drogues. Ces gens-là mènent tout simplement le même genre de vie qu'auparavant et se sont adaptés aux restrictions qui font partie inhérente du système.

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Si le gardien faisait cela, s'il avait le pouvoir de limiter les droits de visite ou du moins de mettre les détenus derrière une paroi de verre pour qu'il n'y ait aucun contact avec les drogues passées en contrebande - et il nous a parlé de bien des moyens détournés qui sont employés, notamment en plaçant les drogues dans les langes des bébés - , je suppose que votre service recevrait des plaintes et que vous lutteriez pour la défense des droits des détenus. Est-ce bien cela?

M. Stewart: Monsieur le président, cela entraînerait certainement un surcroît de travail pour nous. Des centaines d'épouses et de membres de la famille des détenus viendraient se plaindre de la façon dont ils sont traités quand ils viennent dans la zone réservée aux visites.

Nous nous occupons uniquement des plaintes faites par les détenus. Ceux-ci se plaindraient probablement aussi du fait que leur épouse et leurs parents n'ont pas pu avoir des contacts directs avec eux ou ont été soumis à une fouille à nue, par exemple. Mais c'est l'établissement qui établit ses règlements, pas nous.

M. Ramsay: Il faut par conséquent essayer de régler le problème du trafic de drogues dans les établissements carcéraux tout en tenant compte des droits de contact des visiteurs, au lieu de revenir à l'ancien système qui empêchait tout contact physique.

Qu'en pensez-vous? Quels sont d'après-vous les avantages des contacts entre les détenus et leur famille ainsi que leurs enfants? Quels sont d'après vous les avantages de ce système par rapport à l'inconvénient qui constitue la principale source de pénétration des drogues dans les établissements et cause des problèmes comme ceux qui surgissent à l'heure actuelle, et surtout par rapport à l'effet catastrophique qu'il a sur tous les programmes de réadaptation que l'on pourrait instaurer?

M. Stewart: Je laisse le soin à notre conseiller juridique de répondre à cette question.

M. Sloan: Monsieur le président, à propos de la réduction des droits de visite, la loi et le règlement renferment déjà plusieurs dispositions qui confèrent à la direction des établissements le droit de le faire lorsque la sécurité est en jeu ou lorsqu'on a de bonnes raisons de croire que les visites serviront à poursuivre des activités criminelles. La loi stipule que l'on peut restreindre les droits de visite dans un cas particulier pendant tout le temps où le problème se pose, même si c'est de la façon la moins limitative possible, compte tenu de l'ampleur du problème.

Pour notre part, nous avons une approche analogue à celle du SCC, à savoir, qu'à l'instar du SCC, nous estimons qu'il faut faire quelque chose pour empêcher l'importation illégale de drogues dans les établissements carcéraux. Lorsqu'un détenu ou un membre de sa famille se plaindra qu'à cause de cela les droits de visite ont été limités, nous ne manquerons pas de tenir compte de la sécurité des autres détenus et du public. Par contre, nous aurons également le souci d'une certaine équité sur le plan administratif et nous examinerons par exemple le bien-fondé de l'ampleur de la restriction.

En bref, il est effectivement possible d'imposer des restrictions et nous sommes conscients de la nécessité de le faire, pour autant qu'elles soient équitables et conformes aux dispositions de la loi.

Le président: Monsieur Gallaway, vous avez cinq minutes.

M. Gallaway (Sarnia - Lambton): J'ai en fait une question à poser.

Vous avez dit que le nombre de décès et de lésions corporelles graves augmente. Vous avez dit également que le Service correctionnel du Canada tarde beaucoup trop à agir, qu'il est sur la défensive et qu'il ne tient pas particulièrement à passer à l'action, affirmant que votre rôle consiste à veiller à ce que les problèmes d'ordre systémique qui se posent dans nos prisons soient identifiés et réglés d'une façon appropriée.

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Nous savons que le nombre de lésions corporelles graves augmente et que nous avons affaire à une institution essentiellement inerte. Quels changements prévoyez-vous? Ou pensez-vous que le nombre de plaintes qui vous seront rapportées continuera d'augmenter? Autrement dit, allez-vous être de plus en plus occupés ou y a-t-il espoir que certains changements soient apportés?

M. Stewart: L'espérance reste toujours vivace, monsieur le président. Jusqu'à présent, nous n'avons pas été très optimistes en ce qui concerne le changement. Tout ce que l'on peut faire, c'est de continuer à signaler systématiquement les problèmes au ministre et s'adresser aux députés et aux sénateurs. Espérons qu'un jour ou l'autre, certains problèmes qui n'ont pas été examinés dans des délais raisonnables seront réglés. Dans certains cas, le problème dure depuis cinq ou six ans.

L'augmentation du nombre de décès et de lésions corporelles graves nous donne un surcroît de travail parce que nous devons faire les enquêtes. Nous en avions sous-estimé le nombre. Nous n'avions pas la moindre idée. Nous avons beaucoup plus d'enquêtes à faire que nous ne le pensions. Et j'ignore où cela va s'arrêter.

M. McIsaac: Je crois qu'il faut être optimiste pour rester en affaires. Au fil des ans, le Bureau a fait un certain nombre de recommandations très précises dans certains domaines importants. Je songe notamment aux transfèrements, à la rémunération des détenus dont on a passablement discuté aujourd'hui ainsi qu'aux recommandations concernant la procédure interne de règlement des griefs qui, si elle fonctionne bien, devrait contribuer à réduire les tensions internes et à alléger notre tâche. Nous avons également fait des recommandations en ce qui concerne l'accès à des programmes de santé mentale et à la préparation des cas.

Le retard auquel M. Stewart a fait allusion est celui que le Service correctionnel a mis à répondre aux observations et aux recommandations détaillées ou à tenir les engagements qu'il avait déjà pris quant à la façon appropriée de régler le problème que nous avions relevé. Il y a place pour l'action. Le Service correctionnel n'a toujours pas résolu un certain nombre de problèmes bien précis et nous espérons qu'il va le faire.

Le président: Vous aviez une petite question à poser, madame Torsney. Ce sera ensuite votre tour, monsieur Gagnon.

Mme Torsney: Je vais parler de la relation qui existe entre les drogues que l'on retrouve dans les pénitenciers et les droits de visite. Je signale qu'il arrive également que des drogues soient lancées par dessus les clôtures pendant la nuit et que les détenus aillent les ramasser pendant la journée. C'est difficile à surveiller à cause des réductions de personnel.

Quand nous sommes allés dans les prisons, nous avons appris qu'environ un tiers seulement des détenus recevaient des visites. D'une part, on parle de les réintégrer dans la collectivité alors que d'autre part, on veut les couper complètement de leur famille et les traiter d'une façon pire que s'ils étaient des chiens. Même les chiens ont besoin de contacts humains.

Il est absurde de croire que l'on puisse arriver à réduire la demande en réduisant l'offre et que les conditions de vie de ces gens-là ne soient pas en partie responsable du problème; il y a en effet la question de la paye, celle des biens ou des services qui sont troqués. On parle de tous ces problèmes. Il est question de limiter les contacts humains, mais je suis sidérée de voir que les gens ne pensent pas à l'incidence que cela peut avoir au niveau de la propagation du sida, par exemple, qu'ils s'opposent à la distribution de préservatifs et à l'échange des aiguilles; je suis sidérée qu'ils ne voient pas le rapport.

Voulez-vous faire un commentaire? Pour moi, c'est un sujet d'étonnement. Il faudrait encourager davantage de détenus à avoir des visites et non le contraire, parce qu'ils n'ont aucun contact avec le monde extérieur. Lorsqu'il s'agit de détenus qui sont incarcérés depuis longtemps, leurs seuls contacts sont ceux qu'ils ont avec leurs soeurs, leurs conjoints ou les autres personnes qui viennent leur rendre visite.

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M. Stewart: Beaucoup de détenus ne vivent que pour les visites de leur famille, de leur épouse et de leurs enfants. Je ne sais pas combien d'heures par semaine je passe avec des membres de familles de détenus qui sont furieux que leurs visites aient été écourtées pour une raison ou l'autre. Nous devons vérifier avec le détenu. Il arrive qu'il reçoive la visite de deux femmes et qu'il ne veuille pas voir celle qui vient protester. Il y a toutes sortes de choses qui peuvent arriver. Au début, on tombe facilement dans le panneau et par conséquent, on fait toujours une contrevérification.

Après avoir vérifié s'il s'agit d'un contact légitime et après avoir essayé de faire rétablir les visites, je suis bien d'accord avec vous, toute cette situation est absolument sidérante. Le problème s'est posé à la Prison des femmes. On a lancé des drogues par-dessus les clôtures et elles étaient ramassées le matin.

C'est une organisation très difficile à administrer et il y a des tas de problèmes qui se posent. Je crois que c'est le seul commentaire que j'ai à faire.

Le président: Je suis bien d'accord avec vous.

Monsieur Ramsay, vous avez dix minutes. Ce sera ensuite le tour de M. Gagnon.

M. Ramsay: Dans le même ordre d'idées, je dirais que c'est bien dans la mesure où le système de visites familiales est la pierre angulaire du système de réadaptation des détenus, mais à quoi cela rime-t-il de vouloir encore l'améliorer si ceux-ci en profitent pour commettre des infractions criminelles, faire le trafic de drogues en l'occurrence?

Nous avons posé la question au gardien de cet établissement à sécurité maximale. Il nous a dit qu'il ne faut pas supprimer complètement le système dans le cas des personnes qui ont des droits de visite et qui n'en abusent pas, qui les considèrent comme une forme de réadaptation. Par contre, si l'on instaure un programme de réadaptation et qu'un détenu l'exploite, cela ne rime effectivement à rien de le mettre à sa disposition alors qu'il ne donnera absolument aucun résultat. Pourquoi ces privilèges ou ces droits ne sont-ils pas réduits au profit des programmes de réadaptation?

Si les drogues sont introduites par une poignée d'individus et si elles sont plus ou moins répandues dans l'établissement, pourquoi ne pas essayer de régler le problème?

Nous avons parlé de tests d'urine. À quoi cela sert-il de mettre un programme ayant pour but de faciliter leur réadaptation, à la disposition de détenus qui en abusent ou qui n'en tirent aucun bénéfice, à quoi cela sert-il de maintenir un droit ou un privilège tout en compromettant la sécurité et l'efficacité d'autres programmes de réadaptation et du système en général? Je ne vois vraiment pas à quoi cela peut servir.

J'estime que les détenus qui sont envoyés dans nos établissements ont le droit d'être protégés contre la violence et les autres aspects dangereux de la culture des drogues, comme l'a si bien dit le gardien. Nous lui avons demandé s'il existe un problème de consommation et d'abus des drogues et il a répondu oui. C'est un véritable danger, non seulement pour les services de sécurité de l'établissement, mais aussi pour les autres détenus qui essaient de tirer le meilleur parti possible des programmes mis à leur disposition.

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Pourriez-vous faire un commentaire là-dessus? Je suppose que ce n'est pas à vous qu'il faut s'adresser, parce que vous êtes là pour répondre aux appels des détenus dont les droits de visite ont été restreints ou qui ont été privés de tout contact physique.

Le système n'est pas efficace. Les drogues sont tellement répandues dans le système pénal que la seule solution qu'ont les autorités, c'est d'offrir le moyen de ralentir la propagation des maladies par le réemploi des aiguilles, par exemple. Dans bien des cas, on peut les accuser de favoriser la propagation des drogues et des comportements criminels dans les établissements en fournissant par exemple aux détenus un désinfectant pour nettoyer leurs seringues.

Je crois que le raisonnement sur lequel le système s'appuie est faussé. Je n'arrive tout bonnement pas à comprendre. J'estime que si un détenu abuse d'un programme de réadaptation et n'en tire aucun bénéfice tout en empêchant les autres participants d'en bénéficier pleinement, il faut le priver de ces privilèges.

M. Stewart: Je suis sur la même longueur d'ondes que M. Ramsay dans certains cas. Des sanctions sont prévues dans le cas des trafiquants de drogues qui se font prendre. Le tout, c'est d'arriver à les prendre. Il existe certainement des sanctions pour punir notamment ceux qui profitent des visites pour introduire de la drogue.

En ce qui concerne les autres points, vous avez frappé juste: ce n'est pas à nous qu'il faut s'adresser. Je pense que c'est au Commissaire du Service correctionnel du Canada qu'il faut s'adresser, parce que c'est une question qui relève davantage de sa compétence.

Nous nous occuperions des plaintes venant de détenus qui ne font pas le trafic de drogues, mais dont les droits de visite ont été réduits également. Dans ce cas, nous essaierons de convaincre le gardien que la famille du détenu n'y est pour rien et que par conséquent, celui-ci ne devrait pas avoir à subir les effets d'une sanction générale.

M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine): Je voudrais savoir ce qu'il faudrait faire des détenus d'un certain âge, d'après vous. D'après plusieurs documents - et je songe en particulier à un article paru dans le Globe and Mail d'hier - , il paraît que les tueurs, et surtout ceux d'un certain âge, sont les détenus les moins susceptibles de récidiver et pourtant, la société complique les choses en ce qui concerne leur libération.

Vous avez également déclaré que nous avons atteint un niveau intolérable en matière d'incarcération. C'est un des pays occidentaux où il est le plus élevé. Le Canada vient juste après les États-Unis. Notre situation est comparable à celle de la Russie, à cet égard.

Pensez-vous qu'en permettant à des condamnés d'un certain âge de sortir de prison et d'être libérés, selon les cas, on résoudrait probablement la plupart de nos problèmes de double ou de triple occupation des cellules?

M. Stewart: Monsieur le président, j'ai lu l'article en question et les chiffres m'ont passablement intéressé.

Je ne sais pas si on serait vraiment enclin à le faire dans le cas des criminels d'un certain âge, mais nous estimons depuis toujours que l'on garde un trop grand nombre de contrevenants non violents, âgés ou non, en prison et qu'il faudrait les réinsérer pour limiter le surpeuplement.

Je ne me souviens plus des chiffres et je ne sais plus si cela ferait une grosse différence. On parlait des personnes condamnées à perpétuité dans cet article. Combien y en a-t-il déjà? Est-ce 300 ou 1 000?

M. Gagnon: C'est environ 300.

M. Stewart: N'est-ce pas 314? Je n'ai qu'un vague souvenir des chiffres.

Ce serait une solution à envisager car on pourrait faire sortir certains détenus non violents des établissements, ce qui permettrait d'avoir plus de cellules à sa disposition pour les autres.

M. Gagnon: Mais vous avez également ajouté que vous continuez à penser que l'inertie du Service correctionnel dans un certain nombre de domaines importants... Je ne dis pas que vous accusez le Service correctionnel du Canada, mais il semble qu'il existe d'autres problèmes au niveau des tribunaux et de la perception du public. Ce n'est pas uniquement la faute ou le problème du SCC; il y a aussi la façon dont ces gens-là sont traités dans les tribunaux et la perception du public qui entre en ligne de compte. N'est-ce-pas exact?

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M. Stewart: Je m'excuse. Est-ce que c'était dans cet article?

M. Gagnon: Non, mais c'est dans le même ordre d'idées. Je vous demande ce que l'on peut faire pour simplifier les choses, en raison des mesures d'économie qui sont en place actuellement. Les budgets sont de plus en plus réduits alors que le nombre de détenus augmente considérablement. D'après les statistiques, il augmentera probablement de 25 p. 100 d'ici cinq ans. Nous avons atteint des niveaux intolérables. Nous avons reçu toutes sortes de plaintes. On se plaint notamment qu'il y a dix ans, il y avait deux détenus par cellule alors que maintenant, il y en a trois. Cette situation ne peut plus durer et nous allons probablement avoir un gros problème d'ici la fin du siècle.

Malgré des efforts déployés par le SCC pour libérer un plus grand nombre de détenus, il semblerait qu'un autre problème se pose, à savoir que les tribunaux imposeront des peines d'emprisonnement plus lourdes à cause des perceptions du public. Comment faire? Le SCC ne peut rien faire si les tribunaux et la population en général, y compris l'Opposition - qui brille par son absence - ne veulent pas coopérer.

M. Stewart: Il y a toujours la question de la perception du public qui se pose. Le Service correctionnel s'empresse de signaler que les juges imposent des peines d'emprisonnement plus longues. J'ai demandé à M. Edwards de me fournir les chiffres à ce sujet, mais je ne les ai pas encore reçus.

Si le juge donne une peine de cinq ans au lieu de deux, cela fera augmenter le nombre de détenus dans trois, quatre ou cinq ans et pas la première année, en tout cas. Il prétend donc qu'on lui envoie actuellement des gens condamnés à une peine plus longue. Je voudrais consulter les chiffres à ce sujet pour voir s'il n'y a pas moyen de s'en sortir.

Par contre, pour ce qui est de la perception du public à l'égard de la libération des contrevenants violents, nous avons serré la vis et on en libère moins.

Par conséquent, le Service correctionnel tient à signaler que, dans une certaine mesure, il ne peut pas contrôler la population carcérale. Pour ma part, j'estime qu'il pourrait très souvent appliquer les programmes plus tôt et libérer un grand nombre de détenus non violents, qu'il pourrait faire quelque chose pour réduire cette population.

Il n'a certainement aucun contrôle sur les tribunaux ni sur la Commission des libérations conditionnelles, si ce n'est qu'il mettra tout en oeuvre pour que celle-ci puisse rendre un décision positive et que l'on puisse par conséquent résoudre le problème du surpeuplement.

Le président: À ce propos - et j'en ai déjà parlé - , je signale qu'il y a actuellement environ 1 500 détenus qui ne sont pas de nationalité canadienne dans nos établissements et que ces gens-là seront expulsés dès qu'ils auront purgé leur peine. Avant 1992, la loi permettait de les expulser pendant qu'ils purgeaient leur peine ou au moment de la détermination de la peine. Maintenant, à cause des modifications qui y ont été apportées, ils doivent purger toute leur peine dans un établissement canadien. Je signale que la place occupée par 1 500 détenus équivaut à trois établissements qui peuvent en accueillir 500 chacun. Si seulement on pouvait renvoyer ces gens-là aux États-Unis, en Amérique du Sud ou au Moyen-Orient, par exemple! Mais on ne le fait pas.

A-t-on déjà proposé cette solution pour libérer de l'espace dans nos établissements et résoudre le problème du surpeuplement?

M. Stewart: Je suis sûr que le commissaire du Service correctionnel du Canada est parfaitement au courant de tout cela.

Le président: Je lui en touché un mot.

M. Stewart: Je n'en doute pas.

Non, je n'en ai pas discuté avec lui. Nous ne sommes pas entrés dans les détails.

Le président: Ce n'est pas tout. Nous finançons également la réadaptation de gens que l'on va expulser du pays et qui rentreront chez eux. Il me semble que l'on devrait dépenser cet argent pour des gens qui devront rester ici, pour ceux que l'on ne peut pas expulser.

Mme Phinney: Les renseignements concernant les meurtres, les morts naturelles et les suicides dans les prisons vous sont-ils envoyés automatiquement? Vous êtes-vous entendus avec les gardiens?

M. Stewart: C'est le siège administratif qui nous les fournit; ils arrivent tous les trois mois.

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M. Hayes: En fait, en raison de l'article 19 de la loi, nous sommes chargés de faire toutes les enquêtes qui concernent les cas de décès et de lésions corporelles graves. Nous sommes saisis de tous les cas qui surviennent dans le pays.

Mme Phinney: Et en ce qui concerne les suicides?

M. Hayes: Cela comprend les cas de suicide.

Mme Phinney: Recevez-vous des résultats de l'enquête effectuée par la prison ou des documents, au cas où il n'y aurait pas d'enquête, ou bien y en a-t-il toujours une?

M. Hayes: Pour faire ces enquêtes, il faut une autorité convocatrice et c'est elle qui nous fournit les renseignements, qu'il s'agisse du commissaire ou du commissaire adjoint, ou encore du gardien, dans certains cas.

Mme Phinney: Vous recevez donc tous les renseignements qui ont été mis à la disposition des enquêteurs ou le rapport de l'enquête?

M. Hayes: Nous recevons le rapport de l'enquête, avec ses recommandations. Le problème, c'est que pour l'instant, on ne nous indique pas les décisions qui ont été prises au sujet des recommandations. Nous sommes en train d'essayer de régler cela avec le SCC. C'est un problème qui se pose depuis longtemps.

Le président: Enfin, je voudrais juste revenir sur une remarque que vous avez faite. Avez-vous dit que votre nouveau rapport pour 1994-1995 paraîtrait d'ici quelques semaines?

M. Stewart: Il doit paraître à la fin du mois, monsieur le président.

Le président: Oui. Pour revenir au problème initial, qui est celui du pouvoir d'exécution, je dirais que vous avez le pouvoir de signaler publiquement certains problèmes et que c'est à nous qu'il appartient d'avoir la volonté politique d'essayer de régler les problèmes dont vous avez discuté avec le ministre, le Commissaire du Service correctionnel ou la Commission des libérations conditionnelles, par exemple.

D'une certaine façon, je trouve regrettable que votre rapport paraisse en été, pendant que la Chambre est ajournée. Il ne faudrait peut-être pas attendre le budget des dépenses pour examiner votre rapport. Le comité devrait peut-être l'examiner d'ici quelques semaines, après sa parution, si possible. S'il paraît dans le courant de l'été, il faudra peut-être se réunir à la première occasion cet automne, pour en examiner le contenu. Sinon, il ne sera plus très frais et en outre, le problème s'éternisera. Si l'on attend le printemps prochain, celui de 1996, pour examiner le rapport qui paraît cet été, bien des problèmes risquent de s'être aggravés.

Par conséquent, je suggère que l'on tienne une réunion avec vous dès que possible après la parution de votre rapport, pour l'examiner, sans attendre votre budget.

On s'est demandé ce matin quels étaient nos pouvoirs respectifs. C'est vous qui avez le pouvoir de faire des enquêtes et d'en publier les résultats. Par contre, c'est à nous qu'il incombe d'essayer de trouver les solutions. C'est à vous de décider, cher collègues, mais j'estime que c'est une chose à ne pas perdre de vue. C'est comme si le Comité des comptes publics ou celui des finances attendait un an avant de se réunir pour examiner le rapport du vérificateur général.

Il faudrait donc se réunir aussitôt que possible pour examiner votre rapport. Dans un certain sens, c'est éminemment regrettable qu'il paraisse dans le courant de l'été, sinon nous aurions été en mesure de l'examiner la semaine suivante, quand il aurait été encore tout frais.

M. Stewart: Je ferais peut-être bien d'ajouter quelques précisions au sujet de la parution du rapport. Je dois le remettre au ministre pour la fin de juin, mais il a alors ensuite 30 jours après la dernière séance pour le déposer. Autrefois, ce délai n'existait pas et l'on pouvait remettre le rapport au solliciteur général n'importe quand; il était toujours déposé le dernier jour avant les vacances d'été. Par conséquent, rien n'a changé.

Nous serions heureux de pouvoir présenter un rapport qui soit assez d'actualité et on pourrait peut-être se rencontrer en automne pour en discuter.

Le président: Je ne tiens pas à trop insister là-dessus, mais c'est moi qui ai créé le poste d'enquêteur correctionnel. C'est Mme Inger Hansen qui a été la première à l'occuper. Quand son rapport était prêt, je le rendais public aussi rapidement que possible. Je ne sais ce qui s'est passé au cours des années suivantes.

Nous essaierons de faire cela. Cela ne dépend pas uniquement de moi, mais aussi de mes collègues. J'estime toutefois que cela a beaucoup moins d'impact si l'on attend un an avant de s'en occuper.

M. Stewart: Je suis d'accord.

Le président: Je tiens à vous remercier, vous et vos collègues d'être venus témoigner. Vos interventions ont été très utiles.

La séance est levée et les délibérations reprendront peut-être en septembre. Qui sait ce qui arrivera d'ici là? Qui sera là?

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