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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 19 septembre 1995

.1536

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Nous étudions aujourd'hui le projet de loi C-226, Loi modifiant le Code criminel, et l'auteur du projet de loi, M. John Nunziata, député, comparaît au comité pour présenter un exposé et répondre à vos questions.

Monsieur Nunziata, je vois que vous avez remis des copies de votre allocution aux membres du comité. Vous avez la parole.

M. John Nunziata, député (York-Sud-Weston): Merci, monsieur le président.

D'abord, monsieur le président, permettez-moi de vous féliciter pour votre élection à la présidence...

Le président: C'est un mouvement latéral.

M. Nunziata: Je suis sûr que vos électeurs en seront ravis.

J'aimerais dire aux nouveaux membres du comité qu'en tant qu'ancien membre du comité je sais qu'il avait pour mandat de traiter d'une question qui préoccupe grandement les Canadiens, soit la réforme du système de justice pénale. Je suis heureux d'être parmi vous pour discuter du projet de loi C-226, abrogeant l'article 745 du Code criminel. Je sais que vous êtes au courant de cette question, puisque nous en avons débattu à la Chambre. Il y a donc eu un débat à la Chambre, et je suis sûr que la plupart des membres ont reçu des représentations de leurs électeurs et d'autres intéressés.

Cette question me préoccupe depuis bon nombre d'années. Je suis particulièrement ravi que le gouvernement ait tenu son engagement en ce qui concerne les affaires émanant des députés et les votes libres à la Chambre des communes. Quand la question a été mise aux voix à la deuxième lecture, le vote était libre. Je peux dire sans hésiter que le gouvernement n'a en aucune manière influé sur le vote ni essayé de persuader les intéressés de voter dans un sens ou dans l'autre, même si ce projet de loi était diamétralement opposé à la position officielle du gouvernement.

Permettez-moi d'abord de retracer ce que je sais personnellement de la procédure de révision judiciaire prévue à l'article 745 du Code pénal.

J'ai pris connaissance de ce dossier la première fois lorsque j'ai siégé à ce comité, il y a six ou sept ans. En 1991, j'ai soumis une proposition de loi identique au projet de loi C-226, qui est restée lettre morte. Le 17 mars 1994, j'ai présenté le projet de loi C-226, qui a fait l'objet d'un débat les 19 et 26 octobre et 8 décembre 1994 avant d'être adopté en deuxième lecture par 136 voix contre 103.

J'ai également participé à deux audiences: lors de la première, en janvier 1994, j'ai représenté la famille d'une victime de meurtre pour tenter de faire valoir son point de vue dans le cadre d'une révision judiciaire. Je dois dire que dans ce premier cas je n'y suis pas parvenu. Le juge a conclu que la disposition ne permettait pas aux familles des victimes de se faire entendre à ces audiences.

Lors de la seconde audience, à laquelle j'ai participé en juin, l'avocat d'un détenu m'a assigné à témoigner dans le cadre d'une audience au titre de l'article 745. Dans ce cas, le demandeur est parvenu à faire réduire de 25 à 20 ans sa période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle.

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Bien que je m'efforce depuis plusieurs années de faire abroger cet article 745, ce dossier remonte à l'initiative parlementaire de 1976 qui visait à abolir la peine de mort au Canada. À cette époque, il y a eu de multiples compromis et compromissions en vue de supprimer la peine capitale. En conséquence, le Parlement a voté une loi en vertu de laquelle un condamné à perpétuité pour homicide volontaire - c'est-à-dire un meurtre planifié et délibéré - n'était pas admissible au bénéfice de la libération conditionnelle avant 25 ans. Les condamnés à perpétuité pour homicide involontaire pouvaient espérer la libération conditionnelle après avoir purgé entre 10 et 25 ans de leur peine, selon la décision du juge.

À cette époque, les peines semblaient claires et sans équivoque, et, à mon avis, justes et normales.

Or, nos prédécesseurs ont voulu aller plus loin. Certains députés étaient d'avis que la réclusion criminelle de 25 ans était une peine trop cruelle. Avant d'appuyer l'abolition de la peine capitale, ils ont fait valoir que nous devions encourager les détenus à bien se comporter en prison pour pouvoir demander leur mise en liberté avant l'expiration de leur peine. Les législateurs l'ont baptisée la clause du «faible espoir».

Je pense que l'intention du Parlement était bien claire, d'autant plus que l'on parlait de la clause du «faible espoir». À mon avis, on ne s'attendait pas du tout à ce que les demandeurs ou les détenus aient autant de succès. On ne s'attendait pas, je crois, à ce que l'on impose une peine de 15 ans plutôt que de 25 ans d'emprisonnement pour un meurtre au premier degré.

Cet article est annexé à mes notes, annexe A, et est assez simple. Je ne lirai pas toutes les dispositions de l'article 745.

Cet article garantit - et je souligne ce mot - à tous les meurtriers condamnés à perpétuité qui ne sont pas admissibles à la libération conditionnelle pendant plus de 15 ans la possibilité de bénéficier de la libération conditionnelle après n'avoir purgé que 15 ans de leur peine. Paul Bernardo aura ce droit dans 12 ans et demi. Clifford Olson aura ce droit en août prochain. Ils ont le droit de présenter cette demande. Ils ont droit à une audition. Ils ont le droit de traîner à nouveau les familles des victimes dans ce dédale. C'est ce que prévoit cet article.

Cette faille, qui, il y a peu de temps encore, n'avait jamais été exploitée, faisait partie d'un compromis visant à gagner des appuis en faveur de l'abolition de la peine de mort. Il s'agit d'un compromis politique intervenu à une époque où le pays se passionnait pour le débat sur la peine capitale, plutôt que sur la durée de réclusion qui convient pour les meurtriers.

Dix-huit ans plus tard, nous commençons à en mesurer toutes les conséquences. Il y a peu de temps encore, l'article 745 était peu connu, voire inconnu, de bon nombre de Canadiens, y compris des personnes chargées de l'application des lois - la magistrature assise, la magistrature debout, les défenseurs. Quand j'étudiais la procédure pénale et le droit pénal à la faculté de droit, monsieur le président - je suis sûr que vous et d'autres avocats du comité en conviendrez - je ne pense pas qu'on étudiait du tout cet article 745. Je ne me souviens pas du tout d'avoir jamais étudié cet article ni d'avoir été...

Le président: Je ne pense pas que cet article était en vigueur quand je faisais mes études de droit.

M. Nunziata: Vous avouez votre âge.

Des voix: Oh, oh!

M. Nunziata: Je suis sûr que cette disposition existait quand Paddy faisait son droit.

Mme Torsney (Burlington): Je n'ai jamais fait mon droit.

M. Nunziata: Quoi qu'il en soit, le fait est que la plupart des Canadiens, même ceux qui s'intéressent au système de justice pénale, n'étaient pas au fait de cette disposition donnée.

La plupart des Canadiens croient encore que si l'on est reconnu coupable d'un meurtre au premier degré, on est emprisonné à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle pendant 25 ans. N'est-ce pas là, en effet, ce qu'affirment les juges, les médias et le Code criminel? Or, la réalité est différente, et la contradiction portée par l'article 745 de notre Code criminel est intolérable.

Je suis sûr que quand nous écoutions les nouvelles au sujet de l'affaire Bernardo... J'y reviens. Je sais qu'on me rappellera à l'ordre pour avoir cité l'affaire Bernardo, mais les médias ne cessent de dire que cet individu passera 25 ans en prison sans admissibilité à la libération conditionnelle; l'emprisonnement à perpétuité sans admissibilité à la libération conditionnelle. Je ne me souviens pas d'avoir lu un article ni d'avoir entendu la moindre nouvelle où l'on disait que, oui, c'est cela, mais il aura le droit dans douze ans et demi de demander un examen judiciaire pour faire réduire sa période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle. Cela suppose, bien sûr, qu'on ne l'a pas déclaré délinquant dangereux; or, s'il y a jamais eu une raison de le déclarer délinquant dangereux, elle se trouve à l'article 745.

.1545

L'avocat de M. Bernardo, M. Rosen, tente de berner les Canadiens, de leur faire croire qu'il est inutile d'appliquer la disposition concernant les délinquants dangereux, puisqu'il est déjà condamné à l'emprisonnement à perpétuité. C'est de la foutaise, puisqu'à moins qu'on ne le déclare délinquant dangereux il aura ce droit.

Pour ceux qui disent: d'accord, mais Bernardo, c'est Bernardo, ou Clifford Olson, c'est Clifford Olson, je n'ai qu'à leur rappeler les bavures du système au cours des 11 dernières années pendant lesquelles j'ai siégé au Parlement, qu'il s'agisse de l'affaire Fosty, en Colombie-Britannique, de l'affaire Sweeney, de l'affaire Gingras - tous des cas où des individus ont commis des meurtres crapuleux et ont été relâchés. On avait estimé qu'ils avaient été réadaptés. Et le type qui a pris d'assaut l'Assemblée nationale du Québec...qui aurait cru il y a 10 ans que quelqu'un pouvait pénétrer dans l'Assemblée nationale à Québec, y assassiner des gens, en blesser d'autres, puis parcourir les rues de cette ville 10 ans plus tard?

Ainsi donc, ceux qui disent que Bernardo et Olson ne seront jamais libérés...j'aimerais bien avoir aussi confiance qu'eux dans le système de justice pénale.

D'aucuns affirment que la controverse soulevée par la réforme est causée par les principes divergents qui sous-tendent la condamnation du crime et la réadaptation des délinquants. Permettez-moi de préciser que si je tiens à abroger l'article 745 du Code criminel, ce n'est nullement par désir de vengeance contre les personnes qui ont été jugées et condamnées par un tribunal canadien. Si j'avais été parlementaire en 1976, je n'aurais certes pas appuyé l'article 745, mais j'aurais tout de même été en faveur de l'abolition de la peine de mort.

En tant qu'avocat, parlementaire et membre de longue date de ce comité, j'ai toujours pensé que la réadaptation devait rester au sein du dispositif d'application des peines et du régime pénitentiaire, conjointement avec d'autres mesures telles que la dissuasion, la réparation aux victimes, les déchéances et incapacités, la condamnation du crime. Mais voilà: l'article 745 a fait pencher la balance. La réadaptation n'est plus un simple élément du système pénitentiaire; elle en est devenue l'élément principal. D'autres facteurs ont été presque éclipsés, le crime et la victime n'en étant pas les moindres. La dérive de la justice est si grande qu'il est désormais inconvenant de laisser entendre que la justice devrait punir.

Les membres du comité doivent garder à l'esprit que les gens qui se prévalent de l'article 745 du Code criminel ne représentent qu'une minorité des criminels. Il s'agit des pires délinquants, ceux qui commettent le crime le plus violent et le plus odieux qui soit: le meurtre, planifié et délibéré. Ce sont des gens qui, non pas emportés par l'émotion, non pas par accident ou autrement, mais en toute connaissance de cause et délibérément ont planifié de tuer un être humain. Si nous posions la question aux membres du comité, je suis convaincu que très peu d'entre eux seraient favorables à l'idée de garantir à des individus comme Paul Bernardo, Allan Legere ou encore Clifford Olson le droit de s'adresser aux tribunaux pour demander une libération anticipée.

Les défenseurs de l'article 745 prétendent que nous évoquons les meurtriers les plus crapuleux et les plus notoires du pays pour aiguillonner l'opinion et la rallier à notre point de vue. J'invite ces personnes à rencontrer les familles de victimes. Certains membres de ces familles sont parmi nous cet après-midi. Pour les Pollington, les Walker et les Pelz ainsi que les Kaplinski ou les quelque 600 autres familles qui seront concernées par une révision judiciaire au cours des 15 prochaines années, peu importe que le nom de celui qui a assassiné un être cher soit tombé dans l'oubli, le meurtre de l'un des leurs reste le crime le plus horrible qui soit. Ils ne pourront jamais oublier ni échapper à la douleur.

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Comme je l'ai dit, je sais qu'un certain nombre de familles ont communiqué avec le comité, et j'espère que les membres des familles des victimes se verront accorder la possibilité de vous décrire les conséquences de l'assassinat d'un être cher.

Entre 1987, année de la première révision judiciaire, et juillet 1995, 59 demandes de révision judiciaire ont été entendues. De ce nombre, 46 condamnés pour meurtre ont réussi à faire réduire leur période de sûreté. Je vous invite à consulter l'annexe B, où figure une ventilation par région de ces demandes.

Je signale ici que les divers ministères publics provinciaux traitent ces affaires de façon bien différente. Au Québec, par exemple, le taux de réussite est extrêmement élevé: 24 demandes sur 27 ont été acceptées, une a été rejetée, mais le détenu s'est vu accorder le droit de présenter une autre demande, et deux seulement ont été rejetées de façon catégorique. Ceux qui suivent la situation au Québec me disent que dans cette province le ministère public se contente d'observer le déroulement de l'audience et la présentation des preuves, tandis qu'ailleurs - j'en ai été témoin - le ministère public s'oppose vigoureusement à ces demandes dans l'intérêt de la société.

J'entends par là que la peine pour meurtre au premier degré varie selon la région ou la province où l'assassinat est commis. Il est bien possible que la peine en cas de meurtre au premier degré soit bien différente selon que l'acte est commis au Québec, en Ontario ou en Alberta.

Les chiffres révèlent un taux de réussite de 78 p. 100. Si nos prédécesseurs l'ont appelée la clause du faible espoir, j'estime quant à moi que c'est la clause du gagné d'avance. En effet, celui qui est convaincu de meurtre a de bonnes chances d'obtenir la réduction du délai préalable à la libération conditionnelle. Ces chiffres sont éloquents.

L'article 745 a profondément modifié les peines punissant l'homicide volontaire au pays. En raison de son taux de succès, l'article 745 a ramené à 15 ans la peine purgée de fait par bon nombre de meurtriers. Or, à mon avis, nos prédécesseurs et les miens ici au comité n'avaient nullement cet objectif en vue. C'est, hélas, exactement ce qui est arrivé.

Le juge en chef adjoint Callaghan de la Cour suprême de l'Ontario déclarait en 1989 que les détenus qui demandaient une révision judiciaire «cherchaient à faire modifier une décision de justice pourtant valide». C'est une première dans les annales. Aucun autre délit ne peut faire l'objet d'une révision de peine lorsqu'on a épuisé tous les autres recours.

D'aucuns prétendent que la réclusion à perpétuité est illimitée et que la révision judiciaire ne permet que de changer l'endroit où est purgée la peine. Or, peu d'entre nous assimilent les collectivités locales à des établissements pénitentiaires lorsqu'il s'agit de neutraliser des meurtriers. De tels discours sont en partie responsables de la méfiance des Canadiens à l'égard de la justice.

Faut-il donc s'étonner qu'à ce jour les procédures de révision judiciaire et les auditions se soient heurtées à de nombreux problèmes? Dans les faits, les demandes sont extrêmement variables en ce qui concerne leur nature et leur portée.

De plus, les décisions concernant la réduction de la peine de sûreté sont prises à la majortié des deux tiers du jury, l'unanimité n'étant plus requise. Les 12 membres du jury, qui habitent la collectivité où le crime a été commis, ne sont pas informés des tenants et des aboutissants de l'affaire, et leur décision ne doit reposer que sur les éléments suivants, stipulés dans la loi: la personnalité du détenu; sa conduite en détention; la nature de l'infraction; ou toutes autres questions qui semblent pertinentes au juge. La loi laisse beaucoup de latitude aux tribunaux et permet aux provinces de réglementer comme elles le souhaitent la procédure de révision judiciaire.

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Résultat, il existe de très grandes disparités au pays, comme je l'ai dit. Ainsi, dans certaines provinces, les jurys ne peuvent pas prendre connaissance de toutes les circonstances entourant le crime. Ces disparités régionales ressortent clairement lorsque l'on examine les décisions compilées à l'annexe C.

Contrairement à ce qui se passe dans les procès, le ministère public est extrêmement désavantagé, car c'est le Service correctionnel canadien qui rédige le rapport demandant la libération conditionnelle, le document clé dans bon nombre de révisions de période de sûreté. L'orientation et la teneur de ce rapport, qui décrit en détail le comportement du demandeur en milieu carcéral, peuvent varier considérablement. L'impartialité de l'administration pénitentiaire a d'ailleurs été remise en question. On dit que ce service considère les révisions de période de sûreté comme une mesure de sa réussite. Cela a suscité la crainte que l'administration pénitentiaire ne coopère pas toujours dans la divulgation d'informations, ce qui a posé problème dans plusieurs révisions.

Selon l'Association canadienne des policiers, il y a lieu de penser que l'administration pénitentiaire s'est déjà servie de la Loi sur la protection des renseignements personnels pour dissimuler des faits concernant le meurtrier, tout particulièrement des faits négatifs, lors d'audiences pour demander la révision de la période de sûreté. Plus d'une fois, il s'agissait d'informations révélant que le demandeur était impliqué dans des actes illégaux en milieu carcéral, notamment le trafic de stupéfiants et l'extorsion.

Dans quatre cas au moins, les détenus demandant une réduction de période de sûreté ont clamé leur innocence du crime qui les a fait condamner. Cela pose un problème unique, celui de demander à un jury de juger du degré de remords et de réadaptation d'un individu qui, au départ, nie sa culpabilité. Je sais que M. Keyes connaît très bien l'affaire d'un individu de Hamilton qui a assassiné sa femme et ses deux enfants et qui jusqu'à ce jour continue de maintenir son innocence et refuse de collaborer avec la police pour retrouver le cadavre de l'un des enfants. Pourtant il jouit du droit de présenter une demande, et il en a profité pour traîner à nouveau la famille Pollington devant un tribunal. Dieu merci, dans cette affaire, le jury a rejeté la demande.

La procédure entière est si décevante que deux grands avocats du ministère public l'ont décrite ainsi:

De toute évidence, il est urgent pour le présent comité et pour le Parlement de revoir l'article 745 du Code criminel. Voilà huit ans qu'a eu lieu la première demande de révision d'une période de sûreté. Au cours des 15 prochaines années, les tribunaux du pays devront peut-être examiner plus de 600 demandes de ce genre. Cela représente environ 40 audiences par année. À la fin du siècle, la fréquence pourrait bien atteindre une demande par semaine. Nous ne pouvons plus feindre de ne pas connaître une loi qui a réellement modifié la peine à purger pour un meurtre au Canada.

La question est tout simplement de déterminer, comme législateurs, la peine qu'il faut infliger pour punir un meurtre au premier degré. C'est 15 ou 25 ans d'emprisonnement, ou la peine capitale ou la réclusion à perpétuité sans libération conditionnelle. Ce que réclament les Canadiens, c'est une loi claire et sans équivoque au lieu de toute cette improvisation et de tout ce flou.

S'il est une chose que les Canadiens réclament par-dessus tout, c'est la vérité des peines. Ils en ont assez de voir des criminels condamnés à une peine d'emprisonnement qui ne sera jamais purgée jusqu'au bout. À tout prendre, les citoyens préféreraient une réduction des peines, pourvu qu'elles soient purgées en entier.

Il ne s'agit ni ne doit s'agir d'un dossier économique ou d'un débat sur la surpopulation carcérale. Il n'est pas seulement question de remords, de réadaptation, de dissuasion, de réparation ni d'aucun autre principe sous-tendant la détermination de la peine. Nous devons répondre à la question de Mme Sharon Rosenfeldt - qui est parmi nous ici aujourd'hui - dont le fils, Daryn a été l'une des victimes de Clifford Olson:

.1600

Lorsque nous répondons à ces questions, il faut nous assurer que la peine qui passe aux yeux de la population pour être le châtiment du meurtre l'est bel et bien dans la pratique. Lorsque nous affirmons qu'il y a une période de sûreté, cela doit être réellement une période de sûreté.

J'espère que le comité conviendra de la nécessité impérieuse de réexaminer ce dossier. Cent trente-six de nos collègues ont voté en faveur de la propositon de loi en deuxième lecture. D'autres, y compris certains membres du Conseil des ministres, ont fait savoir qu'ils l'appuieront lorsqu'elle sera représentée à la Chambre. Des milliers de Canadiens ont signé des pétitions et écrit à leur député pour appuyer ce texte législatif. Les organisations nationales de police et les groupes de défense des droits des victimes l'ont appuyé eux aussi.

La mission que ces personnes ont confiée au comité est claire. L'article 745 du Code criminel existe depuis 19 ans est appliqué depuis huit ans: il est temps de le revoir. Je vous exhorte donc à faire diligence et à renvoyer le texte à la Chambre sans tarder.

Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Nunziata.

Madame Venne, pour le premier tour de questions.

[Français]

Mme Venne (Saint-Hubert): Tout d'abord, j'aimerais vous dire qu'on vient de recevoir une lettre de l'Association du Barreau canadien qui s'oppose à l'adoption de votre projet de loi. J'imagine qu'ils vous en ont fait parvenir une copie. Moi je viens juste de l'avoir.

Ils préconisent l'annulation du projet de loi tel que proposé et je pense qu'il est important que les membres du Comité le sachent.

Ma première question portera sur les libérations conditionnelles qui ont été accordées. J'ai devant moi des statistiques en date du 31 mars 1994. Dans votre annexe B, vous donnez des statistiques au 9 juillet 1995, mais comme elles ne sont pas réparties de la même façon et que les catégories ne sont pas les mêmes, je vais plutôt vous référer aux statistiques du 31 mars 1994 qui proviennent de la Bibliothèque du Parlement.

Dans ces statistiques, on voit que depuis 1976, date à laquelle l'article 745 a été mis en application, 128 détenus ont eu la possibilité de présenter une demande de révision judiciaire. De ces 128, 71 seulement ont présenté une requête et 43 ont été entendus.

Sur les 43 qui ont été entendus, 19 ont été admis à une libération conditionnelle totale. Ça fait donc 19 personnes en 20 ans, soit un détenu par année.

Comme ces chiffres-là sont vrais et qu'on ne peut passer à côté, j'aimerais que vous me justifiiez votre position là-dessus.

[Traduction]

M. Nunziata: Je vous remercie de votre question.

Tout d'abord, en ce qui concerne l'Association du Barreau canadien, tout ce que je peux vous dire, c'est que je viens de recevoir la lettre. L'association dit représenter 34 000 juristes, dont des avocats, des notaires, des professeurs de droit, des étudiants et des juges dans tout le pays. Moi qui suis avocat, je n'ai jamais été consulté. L'association ne me représente donc pas.

Quant à vous, monsieur le président, j'ignore si l'Association du Barreau canadien a sollicité vos vues en la matière.

Le président: Je ne devais pas être là lorsque le téléphone a sonné.

.1605

M. Nunziata: L'association a pris position sur la question. Je les comprends, les avocats. Il s'agit d'une race à part. Lorsqu'ils commencent leurs études en droit, ils sont des Canadiens normaux. À leur sortie de la faculté, ils ont subi un lavage de cerveau et ont acquis une mentalité particulière. Ils ont une certaine prédisposition.

En ce qui concerne les statistiques, l'annexe B indique combien de demandes ont été acceptées sur les 59. Ces chiffres proviennent du Service correctionnel du Canada et ce sont les données les plus à jour que nous ayons pu obtenir.

Ce ne sont pas tous ceux qui ont le droit de présenter une demande de libération conditionnelle qui le font tout de suite après avoir purgé 15 ans de leur peine. Certains d'entre vous se souviennent peut-être du meurtre d'un jeune cireur de chaussures à Toronto. Si je comprends bien, ceux qui ont été trouvés coupables de ce crime n'ont pas encore présenté de demande de libération conditionnelle, même s'ils y ont droit.

Dans une autre annexe de vos documents, vous trouverez une énumération des 600 personnes admissibles à une libération conditionnelle. Elles ne présenteront pas toutes une demande à l'issue de la période de 15 ans. Elles vont peut-être attendre jusqu'à la 16e ou 17e année de leur peine. Elles pensent peut-être ne pas avoir encore «mis au point» leur cas ou fait ce qu'il faut faire pour convaincre le jury lors de l'audience de libération conditionnelle.

Cependant, dans la plupart des cas, de loin, les détenus qui ont fait une demande ont obtenu que la période pendant laquelle ils n'étaient pas admissibles à la libération conditionnelle soit réduite à une période de 15 ans, ou de 16 ou 17 ans. Il est clair que 78 p. 100 des détenus ont réussi à faire modifier la disposition selon laquelle ils doivent purger un minimum de 25 ans.

[Français]

Mme Venne: Il est évident que l'article 745 du Code criminel ne réduit pas la durée d'une peine à perpétuité. Il permet de modifier la date d'admissibilité à la libération conditionnelle, on s'entend là-dessus, c'est-à-dire la date à laquelle un détenu peut demander une libération conditionnelle à la Commission nationale des libérations conditionnelles.

Monsieur Nunziata, dans une entrevue que vous donniez au Toronto Star, le 28 juin dernier, vous justifiiez votre position en disant et je cite: «Everyone gets out». C'est ce que vous disiez dans cette entrevue au Toronto Star. Si c'est tout le monde qui est libéré, j'aimerais bien que vous me montriez ces chiffres-là.

[Traduction]

M. Nunziata: Je ne sais pas. Je ne me souviens pas dans quel contexte j'ai dit cela. Tous ceux qui vont en prison...

[Français]

Mme Venne: Du Toronto Star du 28 juin 1995.

[Traduction]

M. Nunziata: D'accord. Ce que je disais c'est que tous ceux qui vont en prison...

M. Ramsay (Crowfoot): J'invoque le Règlement, monsieur le président. Chaque fois qu'une question est posée à un témoin sur la base d'un document qu'ils ont écrit ou d'une déclaration qu'ils ont faite dans les journaux, ne serait-il pas juste de donner au témoin copie du document en question pour qu'il puisse l'examiner en détail? Nous avons déjà eu ce genre de problème, et je le trouve gênant. Je n'ai jamais soulevé la question auparavant, mais je vous demande de vous prononcer là-dessus.

Le président: Je pense que si le témoin demande des détails du contexte, on pourrait les lui fournir, si le témoin ne se souvient pas tout à fait de ce qui a été dit. Mais M. Nunziata n'a pas demandé cela. S'il le fait, je suis sûr que Mme Venne accédera à sa demande.

M. Ramsay: Merci.

M. Nunziata: Je suppose que la question concerne une déclaration que j'ai faite. Je n'aurais pas dit que tous ceux qui font une demande en vertu de l'article 745 sont libérés. Ce n'est tout simplement pas vrai. J'ai dit par le passé que tous ceux qui vont en prison finissent par en sortir d'une façon ou d'une autre.

[Français]

Mme Venne: Monsieur Nunziata, les études démontrent qu'environ 15 p. 100 des détenus en maison de transition commettent d'autres crimes en étant sous supervision. Un détenu nous coûte en moyenne 48 000$ par année alors que dans une maison de transition, il nous coûte 9 500$. Est-ce que vous ne croyez pas qu'il s'agit d'une solution logique?

.1610

[Traduction]

M. Nunziata: Tout dépend du problème que l'on souhaite régler. Je n'aborde pas cette question du point de vue de ce qu'il en coûte pour incarcérer quelqu'un. Je pense qu'il faut voir plus loin. Notre régime de justice pénale ne repose pas sur le coût de l'incarcération.

Tout simplement, je crois qu'il est mal de prendre une vie humaine. Je m'oppose donc à la peine de mort. Je m'oppose aussi catégoriquement à une peine de quinze ans pour un meurtre planifié et délibéré. Je suis persuadé que ce genre d'infraction exige une peine de 25 ans d'incarcération.

Si vous dites que pour un meurtre au premier degré la peine est maintenant de 15 ans, que faire dans le cas de tous les autres crimes - disons l'agression sexuelle avec violence? La peine ne saurait être de 15 ans, car si j'étais l'avocat qui représente l'accusé dans un tel cas, je dirais, vous savez, Bernardo et Olson et d'autres ont commis ce genre de crime et n'ont purgé que quinze ans et tout ce que mon client a fait, c'est violé brutalement cette adolescente. Cela réduit toutes les autres peines prévues au Code criminel. Vous ne pouvez pas condamner quelqu'un à 16 ou 17 ans pour agression avec violence alors que vous avez condamné quelqu'un d'autre à 15 ans pour un meurtre au premier degré. Ça n'a tout simplement aucun sens.

Le président: Monsieur Ramsay.

M. Ramsay: Monsieur Nunziata, merci de votre exposé et merci d'avoir préparé ce projet de loi. Votre comité est saisi de projets de loi très complexes. Votre projet de loi est du genre que je préfère. Il est très simple et direct, facile à lire. J'ai appuyé votre projet de loi lors de la deuxième lecture et je vais le faire à la troisième lecture à moins que l'on ne le modifie en profondeur.

Je pense que la question ici... et vous avez dit quelques mots à ce sujet au cours de votre exposé, et le parent de l'une des victimes, Mme Sharon Rosenfeldt, l'a fait aussi lorsqu'elle a demandé quelle valeur est accordée à la vie humaine lorsque quelqu'un tue de facon délibérée et préméditée une personne innocente. Comme société et comme gouvernement, nous déterminons la peine. Nous devons nous fonder sur la valeur que nous accordons à une vie humaine.

Lorsque l'on vole les biens de quelqu'un, il y a deux catégories, moins de 5 000$ et plus de 5 000$. La peine dépend de la valeur de la propriété, des conséquences, des dommages et des préjudices entraînés par l'infraction.

Nous devons donc nous demander quelle valeur nous accordons à une vie humaine si nous voulons modifier la peine imposée pour meurtre. Les témoins qui ont comparu devant ce Comité sur d'autres aspects du droit criminel et à qui j'ai posé cette question n'y ont jamais répondu. Je ne pense pas que M. John Conroy, le président du Comité sur l'emprisonnement et la libération du chapitre national de la justice pénale de l'Association du Barreau canadien, dans la documentation qu'il nous a fait parvenir pour nous exhorter à ne pas appuyer ce projet de loi, ait indiqué quelle valeur revêt une vie humaine. Avant de parler de la peine, nous devons nous interroger sur la valeur d'une vie humaine ici au Parlement du Canada.

J'aimerais vous demander si vous avez une idée de ce que coûte une audience aux termes de l'article 745?

M. Nunziata: D'après mon expérience... Celle à laquelle j'ai participé à Newmarket a duré environ deux semaines.

En général, ces types n'ont pas d'argent pour payer un avocat et c'est donc l'aide juridique qui s'en charge. On me dit que dans la plupart des cas, ils retiennent les services d'un avocat de l'aide juridique deux ans avant de présenter la demande. Je ne sais pas si l'aide juridique va continuer à exister. Il y a aussi le temps du juge, et celui du procureur. Dans The Toronto Sun, on a rapporté par exemple que le procès Kinsella a coûté 100 000$. Comment on en est arrivé à ce chiffre, je n'en sais rien.

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Quoi qu'il en soit, il en coûte des centaines de milliers de dollars aux contribuables. Plus il faut de temps, plus c'est cher et vous pouvez être assurés que Clifford Olson va exercer ce droit, qu'il va rester devant le tribunal le plus longtemps possible afin de tenter de convaincre le jury qu'on doit le relâcher.

M. Ramsay: Pouvez-vous nous dire, d'après vos renseignements, ce qui se produit lorsqu'une demande est rejetée ou refusée par le jury. Quelle est la procédure? Quand le détenu peut-il présenter une nouvelle demande?

M. Nunziata: Permettez-moi de vous lire le paragraphe (4) du projet de loi:

Une disposition prévoit également que le jury peut préciser au requérant quand il pourra présenter une nouvelle demande.

M. Ramsay: Si les professionnels étaient d'avis qu'après avoir purgé une peine de 15 ans pour meurtre au premier degré, un détenu est complètement réadapté, lui feriez-vous purger une peine plus longue? Et pourquoi?

M. Nunziata: À mon avis, il ne s'agit pas de réadaptation. Si vous faisiez une étude sur tous ceux qui ont été reconnus coupables de meurtre au premier degré depuis la Confédération, je suis persuadé que les données révéleraient que la plupart de ceux-ci n'ont pas récidivé. Cela arrive mais c'est une minorité.

Il est à noter aussi que contrairement à la croyance populaire, les condamnés à perpétuité ne sont pas les détenus les plus difficiles dans le réseau des établissements correctionnels. Les détenus condamnés à deux ans plus un jour sont les plus difficiles car ils s'en fichent. Il leur importe peu de devoir purger les deux ans et demi, et ils ne tentent pas ni par leur comportement ou leur attitude d'obtenir une libération.

Pour moi, donc, ce n'est pas une question de réadaptation. Si ces détenus disaient, je ne commettrai plus jamais de crime, je le promets, je suis réadapté... En prison, ils sont nombreux à se joindre à des cours de religion et font beaucoup de bien. Mais nombreux sont ceux qui n'en font rien.

Pour moi, une peine raisonnable pour meurtre au premier degré, c'est 25 ans. Je pense que cela montre la valeur que comme législateurs, comme Canadiens, nous accordons à la vie ainsi que la façon dont les Canadiens veulent que l'on traite cette question.

J'espère que le Canada n'aura pas à reprendre le débat sur la peine de mort encore une fois. C'est un débat très émotif. Pour ceux d'entre nous qui sont ici depuis... Je suppose que Russell et moi sommes les deux à avoir participé au dernier débat. Il est très possible que nous participions à un autre débat semblable au cours de cette législature. Je ne voudrais pas qu'elle devienne un enjeu à l'occasion des élections.

La position du public canadien est claire sur cette question.

Jusqu'à présent, je me suis toujours opposé à la peine de mort et je me prononcerai contre celle-ci s'il y a un vote à la Chambre des communes, mais de plus en plus, l'opinion populaire est d'avis qu'il faut laisser la population se prononcer. Les Canadiens par exemple veulent que des jurys prennent la décision, que les juges prennent la décision. Qu'il en soit ainsi. Il se pourrait donc qu'à un moment donné les Canadiens soient appelés à se prononcer.

Je pense qu'un grand nombre de nos collègues seraient en faveur de la tenue d'un référendum sur cette question.

Je pense donc que la radiation de l'article 745 va tout à fait dans le sens de l'opinon publique qui souhaite le retour de la peine de mort. Comme législateurs, nous pouvons au moins dire que nous avons renforcé la peine pour meurtre au premier degré.

Par ailleurs, si nous rejetons le projet de loi C-226, si nous gardons l'article 745, que Dieu nous vienne en aide dans nos circonscriptions car nous allons être désynchronisés par rapport à ceux que nous sommes censés représenter au Parlement du Canada.

M. Ramsay: Vous voulez dire que cette lettre de l'Association canadienne du Barreau n'est pas conforme à ce que pense la majorité des Canadiens?

.1620

M. Nunziata: Cela ne fait aucun doute dans mon esprit. Tous les sondages révèlent qu'une majorité assez importante de Canadiens est en faveur de la peine de mort. Or si c'est le cas, on peut conclure qu'un plus grand nombre appuierait... Je fais partie de la minorité en ce qui concerne la peine de mort, mais je fais partie de la majorité en ce qui concerne l'abrogation de l'article 745.

Je pense que les représentants de l'Association du Barreau canadien... Faut-il s'étonner de la réputation des avocats dans la société?

M. Ramsay: À votre avis, que devrais-je faire de cette lettre?

M. Nunziata: Vous tentez de me faire dire des choses.

Le président: Madame Barnes.

Mme Barnes (London-Ouest): J'aimerais m'excuser auprès de mes collègues d'être arrivée en retard aujourd'hui. J'étais en compagnie de résidents de ma circonscription.

Monsieur Nunziata, pouvez-vous nous expliquer les dispositions actuelles de l'article 745 et leur application.

M. Nunziata: Si vous voulez vous reporter à mon projet de loi, vous trouverez l'article 745 reproduit dans les notes explicatives. Si vous souhaitez que je...

Mme Barnes: Je voulais simplement que l'on consigne au procès-verbal l'application de l'article actuel.

M. Nunziata: Très bien. Le paragraphe (1) de l'article 745 stipule qu'une personne qui a purgé 15 ans de sa peine après avoir été déclarée coupable de haute trahison ou de meurtre au premier degré, et nous savons que quiconque est reconnu coupable de meurtre au premier degré est condamné à 25 ans d'emprisonnement sans possibilité de libération. On y mentionne ensuite ceux reconnus coupables de meurtre au deuxième degré et condamnés à au moins 15 années d'emprisonnement avant une éventuelle libération. Dans les deux cas, on précise qu'une telle personne peut présenter une demande.

Mme Barnes: Peut présenter une demande. Est-ce que tous le font? Avez-vous vérifié?

M. Nunziata: Non, pas tous, et ce pour différentes raisons.

Mme Barnes: Continuons. Supposons donc que tous ceux qui sont admissibles ne présentent pas de demande. En fait, les statistiques le démontrent. Regardons plutôt ce qui se produit.

M. Nunziata: Les règles sont différentes dans chaque province. C'est le juge en chef de la province qui détermine la procédure, mais aux termes de la loi, une fois la demande reçue, le juge en chef désigne pour l'entendre, un juge de la cour supérieure. On constitue un jury, semblable à ce que l'on fait pour un procès criminel, afin que celui-ci détermine s'il y a lieu de réduire le délai préalable à la demande de libération en se fondant sur des motifs très précis. Ces motifs ont été interprétés différemment dans différentes provinces. La loi stipule que l'on doit tenir compte du caractère du requérant, de sa conduite durant l'exécution de sa peine, de la nature de l'infraction pour laquelle il a été condamné et de tout ce que le juge estime utile dans les circonstances. Or les juges estiment diverses choses utiles. Dans certaines provinces, le crime même... Les juges ne veulent pas entendre de témoignage...

Mme Barnes: Comme vous le savez, monsieur Nunziata, mon temps est limité. Je veux simplement regarder la procédure. Combien de membres de ce jury constitué doivent prendre la décision?

M. Nunziata: C'est aux deux tiers.

Mme Barnes: Lorsque vous avez préparé ce projet de loi que vous nous soumettez, avez-vous songé à modifier le pourcentage, à exiger l'unanimité?

M. Nunziata: Non, car comme je l'ai déjà dit, essentiellement, je n'aime pas cette disposition.

Mme Barnes: Parfait. Je voulais simplement savoir si vous aviez examiné cet aspect.

M. Nunziata: Je suppose que cela pourrait avoir une incidence sur les résultats dans certains dossiers.

Mme Barnes: Vous avez mentionné dans votre rapport que j'ai lu rapidement, le rôle joué par la victime dans ce processus. J'aimerais que vous nous signaliez les modifications que nous avons adoptées dans le projet de loi C-45 au printemps en ce qui concerne cette disposition particulière du code et les énoncés de répercussion sur les victimes.

M. Nunziata: Si je comprends bien - et je ne sais pas au juste où en est le projet de loi, je ne sais pas s'il est devenu une loi, si on l'a proclamé...

Mme Barnes: C'est la loi, monsieur Nunziata.

M. Nunziata: ...il y a eu des modifications qui accordent aux victimes le droit de faire connaître officiellement leur opinion.

Je ne suis pas certain. Peut-être pourriez-vous...

Mme Barnes: Les déclarations de répercussion sur la victime sont admissibles et je voulais simplement m'assurer que nous savions que c'est le cas.

M. Nunziata: Dans l'affaire Bernardo, la famille Mahaffy...

Mme Barnes: Je préférerais consacrer mon temps non pas à parler d'une affaire particulière, mais plutôt de toute la question, surtout que je n'aime pas quelque chose qui se passe actuellement.

.1625

M. Nunziata: Le problème c'est que ces déclarations de répercussion sur la victime ne sont pas définies. Dans certaines provinces, elle prend la forme d'une déposition publique de la famille de la victime pendant le procès. Dans d'autres, il s'agit d'un document écrit qui est lu au jury - c'est la formule qui a été utilisée dans une des affaires dont je me suis occupé.

Mme Barnes: Les audiences comprennent désormais ces déclarations. L'incidence a été notable sur cet article comme nous avons pu le constater lors des audiences que nous avons tenues l'année dernière sur cette question. Cet article a déjà été étudié par de nombreux comités.

Permettez-moi de passer à autre chose. La violence dans notre société inquiète véritablement les Canadiens et certains de ces problèmes sont pour eux une réalité. Une des choses qui les inquiètent c'est la violence aveugle. Nous savons qu'au Canada la majorité des homicides sont commis par des familiers. Un crime reste un crime qu'il soit commis par un familier ou par un étranger, mais j'en déduis que ces criminels ne sont dangereux que pour un nombre limité de personnes à un moment donné.

Ce qui m'inquiète c'est la situation actuelle dans nos prisons, dans les pénitenciers fédéraux. Notre Comité a visité cette année des pénitenciers fédéraux dans la région de Kingston. Nous en avons visité un certain nombre. Nous avons rencontré la direction de ces pénitenciers, les syndicats, les comités de détenus. J'ai participé, avec d'autres de mes collègues, à une réunion avec des condamnés à perpétuité dans un de ces pénitenciers. Je crains qu'en supprimant cette lueur d'espoir nous n'aggravions la situation dans ces pénitenciers.

Monsieur Nunziata, je me demande si vous avez discuté avec les gardiens de prison, par exemple, qui auraient la responsabilité de la sécurité dans ce milieu qui deviendrait sans espoir si cet article était supprimé. Ne considérez-vous pas que l'article 745 constitue une sorte d'outil qui permet d'assurer la sécurité dans les prisons?

M. Nunziata: Premièrement, pour ce qui est du désespoir, vous avez ici Mme Rosenfeldt. Son fils a été assassiné. Vous pouvez lui parler d'espoir. Elle ne pourra plus jamais, jamais revoir son fils. Voulez-vous donner de l'espoir à quelqu'un qui a délibérément pris une vie, violé un enfant, assassiné un enfant... et vous voulez parler d'espoir.

Je comprends votre argument.

Mme Barnes: Ce qui m'intéresse, c'est la sécurité et l'administration. Je sais qu'il est facile d'appuyer sur ces boutons.

M. Nunziata: Vous m'avez posé une question. Laissez-moi...

Mme Barnes: Oui, je vous ai posé une question et je vous laisse répondre.

M. Nunziata: Je sais que vous avez voté contre ce projet de loi par principe et je ne vous en respecte que plus. C'est votre décision. Il vous faudra simplement la concilier avec l'opinion de vos électeurs. Mais lorsque vous parlez d'espoir, j'ai les cheveux qui se dressent sur ma tête car quand je considère certains de ces crimes...

Vous dites qu'ils connaissent leur victime. Parlez-moi de Réal Chartrand. Il a assassiné un agent de police. Essayez-vous de me dire qu'il connaissait l'agent de police qu'il a assassiné, ou que René Vaillancourt, qui lui aussi a assassiné un agent de police, connaissait cet agent de police? J'ai dressé la liste de tous ces gens qui ont fait une demande.

Au niveau de la sécurité de l'administration, comme je l'ai dit tout à l'heure, vous parlez d'une solution, libérer ceux qui ont commis les pires crimes sanctionnés par le Code criminel simplement parce qu'ils représentent un risque en prison? S'il est impossible de les contrôler en prison, vous imaginez ce que cela va donner dehors? Comme je l'ai indiqué, les condamnés à perpétuité sont les plus faciles à contrôler.

Vous m'avez demandé si j'avais discuté avec des gardiens de prison, avec des condamnés à perpétuité. Oui. En tant que membre de ce comité, j'ai fait deux fois tout le pays. Nous nous sommes rendus dans tous les pénitenciers. J'ai parlé à tous les groupes de condamnés à perpétuité. J'ai parlé à bon nombre de victimes, de familles de victimes. Je ne m'attaque pas à cette question sans rien savoir. Je m'y attaque après avoir longuement discuté avec beaucoup de gens et m'être convaincu des dérèglements de notre système de justice criminelle. Et malgré tout le respect que je vous dois, la faute en revient au genre de propos tenus aujourd'hui.

Mme Barnes: Je crois nécessaire de réfléchir à l'impact sur ceux qui se présenteront devant ce jury. Ils ne se présentent pas devant ce jury pour être libérés. Ce n'est pas une audience de libération conditionnelle. Cette audience doit permettre de juger de l'opportunité de réduire le délai préalable à la libération conditionnelle. C'est une simple étape. Vous nous dites que cette étape ne devrait purement et simplement pas exister.

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Ce que je vous propose - j'essaie de ne pas me laisser emporter par l'émotion car c'est presque inévitable. Rien ne compensera jamais la perte d'une vie. Aucune loi. Mais il nous faut aborder cette question du point de vue des outils nécessaires au fonctionnement de nos prisons.

Je sais que les policiers sont de votre côté, mais avez-vous parlé de votre projet de loi aux gardiens de prison, monsieur Nunziata, à ceux qui travaillent dans les pénitenciers pour savoir ce qu'ils en pensent? C'est une question tout à fait justifiée et j'aimerais bien une réponse.

M. Nunziata: Je me répète. J'ai parlé à des gardiens de prison. En fait, j'ai discuté il y a quelques semaines avec un gardien de prison chargé de la garde de M. Kinsella, détenu dont la demande avait été rejetée et qui avait décidé de faire le mur.

Encore une fois, du point de vue administratif, rien ne nous prouve - si vous avez la preuve du contraire, je vous en prie, dites-le-moi - que les condamnés à perpétuité, les condamnés pour meurtre, sont plus violents ou plus difficiles à contrôler dans nos prisons.

Vous semblez dire que pour les gardiens cet article est indispensable pour que la vie soit supportable avec ces détenus. Aucune preuve ne le corrobore. Même quand ils sont condamnés à 15 ans... Pour reprendre votre argument, quelle différence y a-t-il entre 15 et 25 ans au début d'une peine? Voulez-vous dire que les condamnés à 15 ans sont plus dociles?

Mme Barnes: Non.

Je crois que mon temps est terminé. Merci, monsieur Nunziata.

M. Nunziata: Merci.

Le président: Il n'y a pas de député du Bloc québécois; c'est donc au tour de M. Regan pour cinq minutes.

M. Regan (Halifax-Ouest): Monsieur le président, je considère un peu cette question dans l'optique du service pénitentiaire. C'est un aspect secondaire, mais je tiens quand même à ce que nous en discutions un peu.

Monsieur Nunziata, vous venez de dire que les condamnés à perpétuité ne sont pas un problème dans les prisons. Mme Barnes dit que s'ils n'en posent pas c'est en partie parce qu'ils essaient de bien se conduire afin d'augmenter leurs chances de réduction du délai préalable à la libération conditionnelle. Il me semble que supprimer cette possibilité pourrait les inciter à ne pas faire d'effort de conduite. C'est peut-être la raison de cette bonne conduite. Je ne sais si c'est dans ce but. Ça ne semble pas être le cas.

Mais j'aimerais essayer de comprendre... Cela en fait partie. Ces délinquants... Je ne sais combien il y en a, s'ils représentent 5, 2 ou 10 p. 100... qui sont pris en charge par le système judiciaire et par le système correctionnel et qui finissent par modifier profondément leur comportement. Je ne sais quel rôle joue cet espoir de réduction du délai car il me semble... Je n'en suis même pas sûr du tout, mais il me semble qu'il est possible que cet espoir les incite à modifier leur comportement. Ce n'est pas un changement en soi, mais il est possible que ce changement de comportement, une fois qu'ils commencent à se comporter différemment, aboutisse à quelque chose d'autre. Il est possible que cela aboutisse à un véritable changement. Encore une fois, je pense au petit nombre qui finissent par se réadapter. Je crois à la réalité de ce changement pour certains.

Vous n'ignorez pas que j'ai appuyé le principe de ce projet de loi. J'ai d'énormes réserves, mais j'aimerais mieux comprendre le problème, que des spécialistes, des psychologues qui ont étudié le cas de ceux qui semblent avoir changé considérablement de comportement pendant leur emprisonnement me donnent certaines explications.

.1635

M. Nunziata: Il est indéniable que beaucoup d'entre eux, comme je l'ai dit tout à l'heure, ne récidivent pas. Mais je me permets de vous faire remarquer que là n'est pas la question. Nous essayons de déterminer quelle devrait être la sanction appropriée pour les homicides volontaires. Certains réclament la peine de mort. Je suis contre.

La Cour suprême du Canada a déclaré que 25 ans n'était pas un châtiment cruel et extraordinaire mais que c'était une sanction appropriée pour les homicides volontaires. Je suis d'accord avec la Cour suprême du Canada.

Donc, à mes yeux, la question n'est pas de savoir si ces détenus posent un problème à l'administration ou s'ils sont susceptibles de récidiver. C'est faire bien peu de cas d'une vie humaine que de...

Ce qui rend les choses encore plus graves, c'est cet article farfelu du Code pénal qui autorise la concomitance des peines. Un Clifford Olson peut assassiner onze enfants et servir la même peine que quelqu'un qui assassine son conjoint. J'espère qu'à un moment ou à un autre, ce comité se demandera si la concomitance des peines devrait être la norme au Canada.

Encore une fois, il y a le cas de Paul Bernardo. Il est dans la même catégorie que ceux qui ont commis un seul crime. Qui peut affirmer que Paul Bernardo récidiverait ou ne récidiverait pas? Étant donné ses antécédents, il récidiverait probablement, mais en ce qui me concerne là n'est pas la question.

Sans tenir compte de quoi que ce soit d'autre, il faut au minimum se demander s'il est juste d'obliger les familles des victimes... Si votre enfant avait été assassiné, voudriez-vous avoir à souffrir le traumatisme initial, à souffrir le traumatisme d'un procès, le traumatisme d'un appel puis 15 ans plus tard tout recommencer avec la perspective que le coupable puisse se retrouver libre comme si rien ne s'était passé?

M. Regan: Je ne voudrais pas que cela arrive après 15 ans. pas plus qu'après 25 ans, d'ailleurs.

M. Ramsay: Monsieur Nunziata, dans votre exposé, vous nous avez rappelé que la sentence d'un condamné est tout d'abord prononcée par un juge. Je me réfère non seulement aux homicides volontaires mais à tous les crimes violents. Pour commencer, la personne est condamnée par un tribunal. La sentence est prononcée par un juge qui fonde l'importance de la sanction sur les témoignages qu'il a entendus et sur les circonstances qui lui ont été rapportées.

Cette sentence peut faire l'objet d'un appel. Elle peut faire l'objet d'un appel devant la cour du même nom. La Cour d'appel examine la sentence prononcée par le juge.

Qu'est-ce qui ne va pas? Pourquoi faut-il l'intervention d'une autre instance pour déterminer les modalités de la libération conditionnelle? Pourquoi notre système permet-il à une autre instance, à posteriori, de revenir sur les décisions prises par le juge du procès et par les juges de la Cour d'appel?

Qu'est-ce qui cloche dans notre système de libérations conditionnelles? Il s'est transformé et il a fini par aboutir à cet article 745.

M. Nunziata: Il faudra que le Parlement revienne sur cette question de la libération conditionnelle. À un moment donné, quelqu'un a décidé arbitrairement qu'il suffisait d'avoir purgé un sixième de sa peine pour avoir droit à une libération de jour, d'avoir purgé deux tiers ou un tiers de sa peine pour faire une demande de libération conditionnelle.

À mon avis, la libération conditionnelle ne devrait pas exister. Il y a de plus en plus de gens dans ce pays, y compris les avocats de la défense - y compris de très grosses vedettes de la défense - qui préconisent l'abolition de la libération conditionnelle. Il y a les juges. Je crois qu'Allen Linden, de la Commission de réforme du droit, est aussi favorable à l'abolition de la libération conditionnelle, associée, bien entendu, à une réforme des peines.

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Ce que les gens, particulièrement les détenus, cherchent dans ce système, c'est des certitudes au sujet des peines imposées, c'est la vérité. Les prisonniers eux-mêmes affirment qu'ils préféreraient recevoir une peine de prison de sept ans, en sachant qu'ils seront en prison sept ans, plutôt que de se voir imposer une peine de quinze ou douze ans, en sachant qu'ils devront faire le beau pour la commission des libérations conditionnelles, qu'ils devront manipuler le système.

Dans beaucoup de ces audiences, il faut savoir jouer le jeu. Je ne sais pas si vous avez déjà assisté à l'une de ces audiences, mais, dans bien cas, c'est une vraie farce.

Les membres de la commission sont des êtres humains. Ils commettent des erreurs. Je préfère que l'erreur soit commise par un jury ou par un juge, dès le départ, que de voir une récidive après que quelqu'un, plus tard ait déclaré que le détenu n'était pas une menace pour la société et l'ait libéré.

Je pense que c'est vers cela que nous allons: une réduction de la plupart des peines et une abolition de la libération conditionnelle telle que nous la connaissons. Bien entendu, il faudrait faire les sept ans de prison, avant qu'il y ait une période de contrôle. Si votre peine est de sept ans, vous passerez sept ans en prison puis, pendant une année, vous passerez six ou neuf mois dans une maison de transition. Cela s'ajouterait à la peine, avec une surveillance. Actuellement, la période de liberté surveillée est intégrée à la période d'incarcération.

M. Ramsay: Nous avons déjà entendu des détenus, de même que des gardiens de prison, notamment, parler de peines fixes. Bien entendu, lorsque nous avons rencontré les gens de la commission des libérations conditionnelles, et ils étaient d'avis que la libération conditionnelle devait être maintenue.

J'ai réfléchi et j'en ai conclu, non sans raison, que le secteur de la justice criminelle est maintenant une industrie florissante. Je crois que les gens du système de libération conditionnelle en font partie et qu'ils défendront fermement leur territoire. Si nous examinons cette question, il nous faudra traiter avec des organisations comme celles-là et avec des gens qui ont un intérêt personnel dans le maintien du statu quo, dans tous ces domaines, et qui ne veulent pas vraiment une réforme du système judiciaire, dont les priorités seraient tout d'abord, la protection de la société, puis la dissuasion et les possibilités de réhabilitation des délinquants.

M. Nunziata: Très brièvement, je vous rappelle la soi-disant crise de l'aide juridique en Ontario. Les avocats ont prouvé qu'ils sont incapables de gérer leurs propres affaires. Même avec leur système d'assurance, ils ont commis une erreur de 60 millions de dollars. À l'aide juridique, certains avocats sont payés 300 000 ou 400 000$ par an, en travaillant, Dieu sait comment, 30 heures par jour.

Comme vous, je dirais que le système judiciaire au Canada a créé toute une industrie, où les juges et les avocats portent la robe dans le but de protéger leurs propres intérêts. Désormais, il faut être soit très riches ou très pauvres pour obtenir justice. La classe moyenne se fait rouler.

Mme Torsney: Je suis ravie que le comité soit saisi de ce projet de loi et que nous puissions étudier cette question. Je pense que ce que nous pouvons faire, c'est faire ressortir la vérité. Je suis troublée de constater le nombre de mythes qui sont entretenus et le manque de compréhension qu'on a du système.

Par exemple, beaucoup de personnes croient que l'article 745 vous permet de sortir immédiatement de prison. D'une certaine façon, même votre allocution, à la page 6, renforce ce malentendu.

Je veux également qu'il soit clair, monsieur Nunziata, qu'en tant que député, j'ai l'intention de faire tout ce qu'il faut pour que nous puissions avoir un système qui évitera que des crimes se produisent, qui empêchera que des gens deviennent des victimes. Je veux donc m'assurer que nous ferons tout notre possible de ce côté-là.

Quand quelqu'un a commis un crime, il doit recevoir une peine appropriée. Nous venons d'adopter un projet de loi sur la détermination de la peine, qui va aussi apporter de très bons changements au système.

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Je tiens également à dire que bien qu'il soit politiquement correct, de nos jours, de s'en prendre aux avocats, je ne crois pas que ce soit nécessaire. Il y a d'excellents avocats au Canada. Je ne crois pas que nous devions nous joindre à ce mouvement pendant que nous sommes au comité.

Si vous avez ces renseignements, dites-nous quelle était la peine moyenne pour les meurtres avant l'entrée en vigueur de l'article 745. Quelle était la peine moyenne au Canada...

M. Nunziata: La période d'incarcération?

Mme Torsney: Oui, la période d'incarcération.

M. Nunziata: C'était 15 ans.

Mme Torsney: En fait, je crois que c'était 13 ans, monsieur Nunziata.

M. Nunziata: Bon, je vois que vous connaissez la réponse.

Mme Torsney: Je voulais que cela soit au compte-rendu.

M. Nunziata: Ça l'est maintenant.

Mme Torsney: Quelle est la peine moyenne pour les meurtres en Angleterre?

M. Nunziata: Je présume que vous le savez, pas moi.

Pour revenir à votre question précédente, il y avait une période d'incarcération mais nous avions également la possibilité d'imposer la peine capitale.

Mme Torsney: C'est exact.

M. Nunziata: Si vous proposez que nous revenions en arrière...

Mme Torsney: Non...

M. Nunziata: ...allons-y. Au moins, dans ce cas-là, des types comme Paul Bernardo seraient exécutés.

Mme Torsney: Ce que je voulais dire, monsieur Nunziata, c'est qu'avant l'existence de cet article, la peine moyenne n'était pas de 25 ans, ou quelque chose comme ça. Si vous n'étiez pas pendu, vous étiez incarcéré pour 13 ans.

Je voulais simplement présenter ce renseignement à ceux qui étudient la question.

M. Nunziata: Je crois que vous vous trompez. Ce n'était pas la peine...

Mme Torsney: La durée moyenne de l'incarcération.

M. Nunziata: C'est exact.

Mme Torsney: À la page 6, vous dites que:

De ces 47 cas, seulement 17 ont vu leur peine réduite à 15 ans. Pour bon nombre d'entre eux, la peine initiale était de 20 ans et non de 25 ans. En outre, dans six cas, la peine a été réduite à 16 ans, à 17 ans dans quatre cas, à 18 ans dans quatre cas, à 19 ans dans cinq cas, à 20 ans dans six cas et à 21 ans dans un cas. Il ne s'agit donc pas d'un changement marqué qui donnerait à tous ceux qui se prévalent de l'article 745 l'accès immédiat à la libération conditionnelle, après 15 ans.

Dans vos statistiques, à moins que ça ne m'ait échappé, je ne vois pas le nombre de personnes qui ont vraiment obtenu une libération conditionnelle après la réduction de leur peine. Est-ce que j'ai raté quelque chose?

M. Nunziata: Non.

Mme Torsney: Combien y en a-t-il?

M. Nunziata: Je vous donne l'information que j'ai reçue des autorités. Comme vous le voyez, ces décisions sont cachées. On prétend que le public n'a pas le droit de savoir. D'après les renseignements qui m'ont été fournis, et que je ne tiens pas directement de la commission des libérations conditionnelles, ces détenus ont droit à leur vie privée et nous n'avons pas le droit de savoir.

D'après les renseignements que j'ai eus, lorsqu'on accorde une réduction de la période de sûreté, c'est automatique. Il y a comparution devant la commission des libérations conditionnelles. La commission adore ce genre de dossiers, puisqu'il n'y a qu'à approuver, sans discuter. Les membres de la commission se disent qu'un jury a déjà rendu sa décision, pourquoi y trouverait-on à redire? Le jury a dit que la demande pouvait être faite. En réalité...

Le comité a peut-être le pouvoir d'obtenir ces renseignements de la Commission nationale des libérations conditionnelles.

Mais je suis ravi, madame Torsney, que vous ayez donné votre appui de principe au projet de loi. J'espère que vous continuerez d'appuyer le projet de loi.

Mme Torsney: Je tiens à dire que je vais étudier la question et m'assurer que je prends la bonne décision.

M. Nunziata: Je suis persuadé que c'est ce que vous ferez.

Mme Torsney: Merci beaucoup.

Monsieur le président, je voudrais que l'on consigne au compte rendu que seulement 30 cas ont été présentés à la commission des libérations conditionnelles et dans 11 d'entre eux, on a accordé une libération conditionnelle totale.

M. Nunziata: Vous avez donc un meilleur accès à l'information que moi-même.

Le président: Monsieur Keyes.

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M. Keyes (Hamilton-Ouest): J'ai eu l'honneur d'appuyer le dépôt du projet de loi 126 de mon collègue, le député de York South - Weston. Encore une fois, je tiens à le féliciter pour tous les efforts qu'il fait pour faire avancer le projet de loi jusqu'à l'étape de l'examen en comité.

Le député de York South - Weston parle au nom des Canadiens qui estiment qui si on vous a condamné pour meurtre au premier degré, la peine imposée est la prison à vie sans admissibilité à la libération conditionnelle avant 25 ans. Dans tout le pays, les gens veulent que les juges puissent dire ce qu'ils veulent dire et vouloir ce qu'ils disent. Avec l'article 745, aux yeux de certains Canadiens, leurs droits ont été mis de côté au profit de ceux des meurtriers au premier degré condamnés à la prison. Il est important de le signaler, ne serait-ce que dans le contexte de la conversation qui vient d'avoir lieu.

Ce qui compte, du moins pour mes électeurs, et particulièrement pour ceux d'entre eux dont des proches ont subi un procès et ont vu des meurtriers être condamnés pour leur crime, ce n'est pas de savoir si la peine passera de 25 à 21 ans, ni de connaître les statistiques dont on vient de parler. Ce qui compte, c'est tout le principe qui se rattache à la valeur de la vie humaine et aux peines imposées.

Quand on dit que vous allez en prison à vie, sans admissibilité à la libération conditionnelle avant 25 ans, sauf pour la possibilité d'une révision judiciaire après 15 ans, afin de réduire la période d'inadmissibilité à la libération, ce n'est pas ce que nous voulons faire maintenant. Il s'agit d'un double compromis qui a été accepté par le gouvernement d'il y a 19 ans et qui n'est pas correct.

Monsieur Nunziata, vous dites qu'on ne s'attendait pas à ce que la clause du «faible espoir» pour les meurtriers soit aussi utilisée qu'elle l'a été. À votre avis, pourquoi y a-t-on eu recours si souvent?

M. Nunziata: À cause du système. Comme les procureurs et les procureurs principaux l'ont signalé, le système comporte une faille parce que les règles sont différentes d'une province à l'autre. Il est dans l'intérêt des services correctionels d'être prudents avec l'information à fournir. Jusqu'à maintenant, les familles des victimes n'avaient pas l'occasion de s'exprimer.

Je présume, en effet, que certaines personnes voudraient tout simplement «rendre le sytème plus étanche». Je ne sais pas si c'est juste, moralement... Il faudra qu'elles y réfléchissent et qu'elles songent aux points de vue exprimés par leurs électeurs.

En ce qui me concerne, la question fondamentale est de savoir qu'elle devrait être la peine appropriée pour les meurtres au premier degré.

M. Keyes: Et j'espère que nous pouvons...

M. Nunziata: J'espère que le comité ne va pas se lancer dans une modification du projet de loi visant à faire croire aux Canadiens qu'on a comblé une lacune importante du système judiciaire en permettant aux familles des victimes de s'exprimer. Elles préfèrent ne pas le faire.

M. Keyes: Cela ne règlerait pas la principale question de ce projet de loi, soit l'article 745. J'espère que le comité examinera rapidement le projet de loi et qu'il sera renvoyé à la Chambre des communes avant la fin de la session.

En conclusion, je vous citerai en extrait du troisième paragraphe de cette lettre de l'Association du barreau canadien:

Wow! Outre la réduction évidente du nombre d'heures à facturer pour les avocats qui s'occupent d'un dossier, ce que nous devons constater, c'est la démission de l'Association du barreau canadien, qui sait très bien que, lorsqu'on a un examen judiciaire - avec un jury de 12 personnes, un procureur, un avocat de la défense, et toute la structure qui y est associée - et que la décision sera ensuite transmise à trois ou quatre personnes de la Commission nationale des libérations conditionnelles, que feront, à votre avis, ces trois ou quatre personnes dans le cadre d'un processus où la décision a été rendue par 12 membres de la collectivité, qui ont trouvé une certaine solution? Vont-elles dire: non, ils se sont trompés?

Voilà un seul des problèmes que comporte cet article 745 et que notre comité peut étudier, ce qui pourrait mener à son abrogation. Dans le cadre de cet examen, on pourrait en même temps dépoussiérer cet article un peu plus qu'on ne l'a fait jusqu'ici.

.1655

Le président: Monsieur Ramsay.

M. Ramsay: J'en ai presque terminé avec mes questions et observations à ce sujet. Je n'aime pas m'attaquer à des groupes ni à des associations, mais que faire quand on reçoit ce genre de lettres qui va à l'encontre de ce que pense la grande majorité des Canadiens? Nous assistons à une levée de boucliers dans tout le pays, les sondages indiquant que 69 p. 100 des Canadiens souhaitent le rétablissement de la peine capitale, et nous avons du mal à garder en prison pendant 25 ans l'auteur d'un meurtre au premier degré? Je me demande vraiment si oui ou non ces gens, l'Association du Barreau, dans cette lettre représentent... Qui représentent-ils?

Je sais que dans notre régime de type accusatoire, il faut des gens de part et d'autre pour bien défendre leur point de vue. Mais s'il s'agit de créer une loi qui doit mieux protéger la société, je ne vois pas en quoi ce raisonnement nous y aidera. Je ne le vois pas du tout. J'y vois plutôt un groupe de gens qui tentent de protéger leurs intérêts.

J'ai vu ces témoins comparaître devant le Comité à maintes et maintes reprises. Ce que j'en retiens toujours, c'est qu'ils protègent leurs intérêts au sein du système de justice pénale. Ce que nous avons là, c'est un secteur de la justice qui, je pense, perd de plus en plus de vue la fonction première d'un système de justice, qui est de protéger la société et d'infliger une peine juste et équitable pour les crimes qui ont été commis.

En terminant, monsieur le président, je tiens à remercier M. Nunziata non seulement d'avoir présenté ce projet de loi mais aussi pour la défense ferme, claire et directe qu'il en assure.

Je tiens à vous en remercier.

Le président: Merci, monsieur Ramsay.

Nous avons ainsi fait le tour, ce qui me laisse quelques minutes, monsieur Nunziata. Je vous ai parlé auparavant, et une des suggestions que je voudrais faire serait non pas seulement de traiter de l'article 745 mais de revoir la détermination de la peine pour les meurtres au premier et au second degré de même que la question de l'admissibilité à la libération conditionnelle.

Monsieur Nunziata, il y a immanquablement des injustices quand nous n'avons pas que des directives pour la détermination de la peine mais aussi des peines obligatoires. Je vais vous en donner un exemple dans la province de la Saskatchewan. On a quelqu'un qui a été condamné à une peine ferme pour meurtre, M. Latimer, sans admissibilité à la libération conditionnelle pendant 10 ans. Si le juge avait eu un pouvoir discrétionnaire dans cette affaire il aurait pu, dans ces circonstances exceptionnelles, permettre l'admissibilité à la libération conditionnelle après un emprisonnement de six mois, ou d'un an, ou de deux ou trois ans.

Pareillement, à l'autre bout du spectre, si un juge dans une affaire de meurtres multiples - prenons l'exemple souvent cité ici - de meurtres d'enfants... peut-être qu'au moment du prononcé de la sentence le juge aurait pu dire, je vous condamne à l'emprisonnement sans admissibilité à la libération conditionnelle, et cette personne n'aurait alors eu aucun droit de demander une réduction de sa période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle. Si les juges avaient ce pouvoir discrétionnaire, on règlerait le problème que pose l'article 745.

Pensez-vous qu'il soit souhaitable d'accorder un certain pouvoir discrétionnaire aux juges dans des circonstances exceptionnelles, à l'une et l'autre extrémité du spectre, pour tenir compte de ces circonstances exceptionnelles?

M. Nunziata: Je suppose que cela dépend de la confiance qu'on accorde ou non à la magistrature pour traiter de...

Une voix: Ce sont des avocats.

M. Nunziata: Oui, les avocats deviennent des juges...

En fait, la tendance, monsieur le président, comme vous le savez, va plutôt dans l'autre sens. Le Parlement, y compris le ministre en question, dans certaines des initiatives qu'il a proposées, plutôt que de délier les mains des juges... il se trouve que ceux-ci ont les mains de plus en plus liées par des directives s'appliquant à la détermination de la peine. On tente de restreindre, de réduire la latitude ou la souplesse des juges.

Une des raisons pour lesquelles on le fait, ou pour lesquelles il le fait - et la tendance va bien dans ce sens - c'est qu'il y a un écart énorme sur le plan de la détermination de la peine au Canada: pour des crimes identiques, dans des circonstances comparables, on a des peines farfelues, d'une extrémité du spectre à l'autre. J'imagine que s'il y avait une quelconque restriction, on pourrait donner au jury le pouvoir d'établir la période d'admissibilité à la libération conditionnelle. À mon avis, il serait préférable que le jury décide des conditions d'admissibilité et de libération conditionnelle plutôt que le juge. Je répète qu'une inculpation de meurtre au premier degré devrait s'accompagner d'une peine de 25 ans.

.1700

Le président: Merci, monsieur Nunziata. Peut-être que votre suggestion voulant que le jury décide de la période d'admissibilité à la libération conditionnelle et des circonstances exceptionnelles...

M. Keyes a une question supplémentaire.

M. Keyes: D'après moi, la question du jury est claire, mais c'est le procès initial du présumé meurtrier qui est en question - M. Nunziata pourra nous le confirmer car le jury doit unanimement trouvé l'accusé coupable de l'infraction. Par contre, pour que celui-ci ou celle-ci soit admis ou admise à une libération conditionnelle anticipée, le jury n'aura qu'à voter aux deux-tiers contre pour refuser son admissibilité. C'est illogique. Est-ce que M. Nunziata en comprend le sens?

Le président: Je ne vais même pas tenter d'en expliquer le sens.

Mme Torsney et M. Ramsay aimeraient tous deux poser une question supplémentaire. Ensuite M. Nunziata aura le dernier mot.

Mme Torsney: Monsieur Nunziata, vous avez parlé de plusieurs causes sensationnelles qui se sont produites cette année, y compris l'affaire impliquant M. Gingras qui a tué Melanie Carpenter. Avait-il été libéré en vertu de l'article no 745?

M. Nunziata: M. Gingras n'a pas tué Melanie Carpenter.

Mme Torsney: Pardon. Merci.

M. Ramsay: J'ai une seule question, monsieur Nunziata. Croyez-vous que le comité devrait entendre des témoins à propos de ce projet de loi?

M. Nunziata: C'est au comité d'en décider. J'ai peur qu'il y aura prorogation du Parlement. Je ferai des démarches auprès des leaders à la Chambre pour qu'au moins après le Référendum, s'il y a prorogation, tous les projets de loi d'initative privée demeurent aux Feuilleton dans l'ordre chronologique actuel. Ainsi, nous, les députés qui avons un projet de loi d'initative privée dans le système, ne serions pas obligés de les réintroduire, d'en débattre à nouveau pour finalement les ramener au stade où ils en sont actuellement. D'après moi, ce serait agir contre les intérêts du public. On pourrait essayer de faire passer ce message.

Le projet de loi sur le DNA a été adopté en une journée.

Si le comité décide d'entendre des témoins, j'espère que vous le ferez rapidement - un ou deux témoins pour et contre - de façon à ce que le projet de loi puisse être renvoyé à la Chambre pour y être débattu. Les Canadiens ne veulent pas que cette affaire traîne encore plus longtemps... Ce n'est pas une question complexe; elle est relativement simple. Les Canadiens veulent qu'on prenne l'initiative de la régler.

Hier, j'ai parlé au ministre de la Justice et, ce qui est tout à son honneur parce qu'il n'approuve pas la substance du projet de loi, il a admis qu'il devrait être examiné. Je crois qu'il désire qu'on règle la question rapidement. Il ne demande pas que le comité laisse traîner l'affaire en longueur, et il n'espère pas non plus que le projet de loi expirera au Feuilleton s'il y a prorogation.

Même si nous ne voulons pas étudier ce projet de loi, nous n'avons pas vraiment de choix car le public voudra alors entammer un débat sur la peine de mort. Lorsqu'on en aura fini fin octobre avec le référendum, il me réfugerait d'avoir à consacrer l'année ou les deux années qui suivront, à un débat sur la peine de mort. Le public est de mauvaise humeur. Il est toujours en faveur de la peine de mort, mais il est impitoyable lorsque les députés ne sont pas à l'écoute de leurs préoccupations.

Le président: Merci, monsieur Nunziata.

Soit dit en passant, monsieur Nunziata, l'un des individus actuellement admissibles à la libération conditionnelle qui figure sur la liste que vous nous avez remise... Lorsque le juge l'a condamné à Saskatoon, il a suggéré que l'inculpé ne soit jamais admissible à la libéraiton conditionnelle, mais le juge n'avait pas le pouvoir d'émettre l'ordonnance voulue. Il s'agit du juge Hughes. Je vous parlerai de l'affaire un peu plus tard.

M. Nunziata: Je connais la cause.

Le président: Merci d'être venu parler au comité d'un sujet très intéressant.

M. Nunziata: Je remercie les membres du comité.

Le président: La séance est levée.

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