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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 18 octobre 1995

.1535

[Traduction]

Le président: Nous entreprenons aujourd'hui l'étude du projet de loi C-78, Loi instaurant un programme de protection pour certaines personnes dans le cadre de certaines enquêtes ou poursuites.

Nous accueillons aujourd'hui l'honorable Herb Gray. M. Gray pourrait peut-être nous présenter les témoins qui l'accompagnent, puis nous faire son exposé.

Vous avez la parole, monsieur Gray.

L'honorable Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Merci, monsieur le président. Je suis accompagné aujourd'hui de l'inspecteur Lesser de la GRC, de M. Fournier, sous-solliciteur général, et de M. Warren Black, du ministère de la Justice.

Si vous le voulez bien, je commencerai par vous faire un bref exposé.

L'objet du projet de loi dont vous êtes saisis, Loi sur le programme de protection des témoins, est de voir à ce que notre programme fédéral de protection des témoins offre la meilleure protection possible aux sources et aux témoins éventuels.

Les dispositions prévues dans ce projet de loi dotent pour la première fois le Programme de protection des sources et des témoins de la GRC d'un fondement législatif. Les changements proposés rendront ce programme, qui est en place depuis 1984 mais uniquement en tant que programme administratif, plus transparent et plus efficace, en lui procurant un fondement législatif et réglementaire solide. Nous créons un programme de protection des témoins doté d'un fondement législatif.

Monsieur le président, les changements proposés visent à assurer des critères d'admission des témoins clairement définis, un traitement uniforme des cas à la grandeur du pays, un exposé clair des responsabilités et des obligations des administrateurs du programme et des personnes qui y participent, une structure de gestion mieux définie à l'intérieur de la GRC pour le fonctionnement quotidien du programme, ce qui renforcera l'obligation de rendre compte, et un mécanisme de règlement des plaintes. En outre, le commissaire de la GRC présentera au solliciteur général un rapport annuel sur le fonctionnement du programme, qui devra être déposé à la Chambre. Si j'ai bonne mémoire, les règles exigent que le rapport soit automatiquement remis au comité concerné, sans doute le vôtre, pour que le comité tienne des audiences sur le sujet s'il le juge à propos.

Monsieur le président, la mise au point de critères d'admission clairement définis, l'obligation de présenter un rapport annuel et le rôle confié à la Commission des plaintes du public, en tant que mécanisme indépendant de règlement des plaintes, contribueront à mon avis à rendre le programme plus transparent et renforcera l'obligation de rendre compte à la population canadienne.

[Français]

Les services d'application de la loi provinciaux qui ont leur propre programme de protection pourront encore, comme ils l'ont fait par le passé, avoir recours au Programme de protection des sources et des témoins de la GRC, selon une formule de recouvrement des coûts. Le projet de loi ne cherche toutefois pas à remplacer les programmes de protection des témoins administrés par des provinces ou des municipalités.

Compte tenu du programme de restrictions financières du gouvernement, ces changements au Programme seront financés à même les ressources actuelles.

.1540

[Traduction]

La protection des sources et des témoins, monsieur le président, est l'un des moyens les plus efficaces dont dispose la police pour lutter contre le crime, en particulier le crime organisé.

En adoptant une définition large de l'expression «crime organisé», on me dit qu'à l'heure actuelle environ la moitié des cas visés par le Programme de protection des sources et des témoins de la GRC sont associés au crime organisé. De plus, compte tenu des données disponibles, de 85 à 90 p. 100 environ de ces cas entraînent une condamnation, habituellement à cause du témoignage de la personne protégée.

Dans l'ensemble, monsieur le président, les changements présentés dans le projet de loi C-78 protégeront les intérêts des sources et des témoins qui participent au programme, de la GRC ainsi que de la population canadienne. La loi soumise à votre examen est un autre élément important des efforts que nous faisons pour accroître la sécurité de tous les Canadiens.

En terminant, monsieur le président, j'aimerais souligner le travail de notre collègue, Tom Wappel, en ce qui concerne la protection des témoins. Je tiens aussi à remercier les membres du Bloc québécois et du Parti réformiste pour l'appui qu'ils ont accordé jusqu'à présent et qu'ils continueront d'apporter, je l'espère, au projet de loi C-78.

Voilà qui conclut mes observations, monsieur le président, et je serai maintenant heureux d'essayer, avec l'aide de mes collaborateurs, de répondre à vos questions.

Le président: Merci, monsieur le ministre.

Qui représentera le Parti réformiste: M. Hanger ou M. Ramsay?

M. Hanger (Calgary-Nord-Est): Nous allons nous partager le temps alloué.

Souvent, le nom de la source ou de l'indicateur figure sur la demande de mandat. Je pense aux tables d'écoute. Le renseignement est donné au tribunal et il est vrai qu'on essaie de protéger le renseignement relatif à la source. Je sais néanmoins qu'il y a des cas où la défense a réussi à se faire communiquer l'information qui figure dans la demande. La loi va-t-elle empêcher cela?

M. Gray: Qui voudrait commencer? Inspecteur Lesser, pourriez-vous répondre? Ou vous peut-être, monsieur Black?

M. Warren Black (avocat général principal, ministère de la Justice): Monsieur le président, on trouvera à l'article 11 les dispositions relatives à la communication des renseignements concernant le lieu où se trouve le bénéficiaire ou concernant son changement d'identité.

Je cite l'alinéa 11(3)d):

Est-ce bien...?

M. Hanger: Cela signifie que quelles que soient les dispositions du texte, l'information peut être révélée au tribunal ou à la défense ou au moyen d'une demande au tribunal, ce qui permettrait de révéler l'identité de la personne.

M. Black: Oui, je crois.

M. Hanger: C'est donc dire que la personne...

M. Black: Cela relève du commissaire. C'est à lui de décider.

M. Hanger: Il reste donc une possibilité. Est-ce une bonne chose? Est-ce que cela cadre avec l'objet du projet de loi qui est de protéger l'indicateur?

M. Gray: D'abord, il faut bien savoir que c'est au niveau du commissaire seulement que se prend la décision de communiquer les renseignements au sujet du lieu où se trouve l'ancien ou l'actuel bénéficiaire ou son changement d'identité. Cela ne se fait pas automatiquement.

Les cas visés pour la communication des renseignements sont énumérés dans la loi et je sais que vous en avez pris connaissance. Il s'agit de trouver un équilibre entre l'intérêt du bénéficiaire, ceux de l'accusé dans une instance criminelle et ceux des citoyens qui tiennent à ce que la loi soit respectée, et je crois qu'on a trouvé ici un équilibre judicieux.

Interdire dans tous les cas la communication de l'identité du bénéficiaire pourrait entraîner des injustices.

M. Hanger: De quelle façon, monsieur le ministre?

.1545

Je sais personnellement qu'il y a eu des imprudences. Le fait que cela va relever du commissaire va peut-être régler le problème, mais il est arrivé que des tribunaux ont communiqué des renseignements qui ont mis en danger la source.

M. Gray: Tout ce que je peux vous dire, c'est que cela ne se fait pas automatiquement. La communication des renseignements doit être autorisée par le commissaire.

Il faudra d'abord que celui-ci détermine si les allégations faites sous serment par la personne qui fait la demande renferment le...

M. Hanger: C'est le cas la plupart du temps, lorsqu'il s'agit d'écoute clandestine. Le tribunal exige ce renseignement.

Je me demandais si les tribunaux pouvaient renverser la décision du commissaire.

M. Gray: Quelle que soit la réponse que je vous donnerai, la question finira toujours par être tranchée par les tribunaux eux-mêmes. Je me risquerai toutefois à dire ceci. Si le commissaire ne communique pas le renseignement et si celui-ci ne figure pas dans l'affidavit qui sert de justification au mandat de perquisition, je ne vois pas comment la question pourrait se poser.

La réponse à votre question, qui est importante, serait peut-être de limiter le pouvoir de communication du commissaire. Or, si cette stipulation est contestée en cour, je ne saurais dire ce que déciderait le tribunal.

Monsieur Black, avez-vous d'autres observations à faire?

M. Black: Le commissaire dispose d'un pouvoir d'appréciation fondé sur certains facteurs. Il y a peu de chances que le tribunal renverse la décision du commissaire s'il peut être démontré que celui-ci a tenu compte de tous les facteurs et répondu à tous les critères du texte.

Par exemple, le paragraphe 11(5) précise ceci:

Si le commissaire a respecté ces exigences avant de prendre sa décision, il est peu probable à mon avis que le tribunal la conteste à moins que l'on puisse démontrer qu'il a tenu compte d'un élément tout à fait étranger aux dispositions de la loi.

M. Hanger: C'est ce qui m'inquiète. Cette possibilité existe toujours. Les tribunaux s'en sont déjà servis. La décision du commissaire pourrait être renversée si l'avocat demande que l'information lui soit communiquée. C'est ce qui m'inquiète.

M. Gray: Je vais répéter ce que j'ai déjà dit. Si le commissaire refuse de communiquer le renseignement, je pense - et vous en savez sans doute plus que moi là-dessus - que le renseignement ne figurera pas dans l'affidavit sur lequel est fondée la demande de perquisition. Ai-je raison?

M. Hanger: Mais c'est déjà arrivé.

M. Gray: Eh bien, je ne sais pas dans le cadre de quel programme cela s'est produit. C'est un argument que je soumets à votre réflexion.

M. Hanger: Très bien.

Par ailleurs, même si la majorité des indicateurs seront des criminels, d'autres ne le seront pas. Ce sont des gens qui, de leur propre chef, décident de venir en aide à la police grâce à ce qu'ils savent, quelle que soit leur situation. Ils sont déjà passés par le Programme de protection des sources. Ils ont reçu une nouvelle identité. Sauf qu'ils ont eu des ennuis. Par exemple, quand on a une nouvelle identité, on n'a plus d'antécédents d'emploi. On n'a plus d'attaches nulle part. C'est le lot des indicateurs. Il va arriver des cas comme ça.

Va-t-on faire davantage pour les personnes qui se trouvent dans cette catégorie? Du jour au lendemain, elles n'ont plus d'antécédents d'emploi lorsqu'elles se mettent à la recherche d'un travail. Elles n'ont pas non plus le dossier scolaire de leurs enfants. Elles se retrouvent dans un autre monde. Il y a donc un petit nombre de gens qui se retrouvent dans cette catégorie-là et je me demandais ce que la loi prévoit dans leur cas.

M. Gray: Monsieur l'inspecteur, dans le cadre de vos fonctions, vous faites face à des cas comme ceux-là. Peut-être pourriez-vous répondre.

.1550

Il faut savoir que ce projet de loi s'appuie sur le programme existant de protection des sources et des témoins de la GRC, qui est en place depuis 1984. Ce programme se poursuivra, avec les changements que nécessite la loi. Nous avons donc une certaine expérience.

L'inspecteur Bob Lesser (officier responsable, Sous-direction des services fédéraux, Direction de l'application des lois fédérales, Gendarmerie royale du Canada): Monsieur le président, l'article 2 du projet de loi définit la protection. Cela comprend le déménagement, le logement et des choses comme:

Donc, selon les circonstances, le programme pourrait financer le recyclage, de nouvelles approches éducatives, toute mesure raisonnable permettant au témoin de repartir à neuf, et cela comprendrait l'assistance psychologique et l'aide aux enfants, le cas échéant.

M. Hanger: Vous dites que ce programme nous mène à cela? Je connais des circonstances aujourd'hui et vous aussi peut-être, où le programme par le passé a échoué précisément en ces matières. On ne prévoyait pas de formation, aucune assistance, à part le déménagement et la nouvelle identité. Ça s'arrêtait à cela.

Insp. Lesser: Si je comprends bien, c'est l'une des intentions de ce projet de loi que de donner plus de transparence. On arrête ici d'emblée les droits et obligations de la Gendarmerie et du bénéficiaire, et de quiconque accompagne le bénéficiaire. On explique clairement ce qu'on peut et ce qu'on ne peut pas faire pour le bénéficiaire.

M. Gray: Pas seulement cela, mais j'imagine que cela sera défini dans les accords écrits que signeront les deux parties.

Insp. Lesser: Oui.

M. Hanger: Donc, pour en revenir à ce que vous avez dit en dernier lieu, qui est la cinquième note de votre mémoire, monsieur le ministre, ces formalités régissant les plaintes permettront-elles au témoin de se plaindre? Est-ce le recours officiel pour lui?

M. Gray: Oui. La loi précise que la Commission des plaintes du public, qui a été créée en vertu de la Loi sur la GRC, sera autorisée à entendre les plaintes des personnes qui demandent à être protégées et deviennent bénéficiaires au sens de la loi.

Le président: Madame Phinney.

Mme Phinney (Hamilton Mountain): Ma première question a trait à l'article 19. J'ai deux ou trois questions, je vais donc peut-être vous les donner toutes d'un coup.

L'article 19 porte que le gouvernement du Canada ou la GRC bénéficient de l'immunité judiciaire. Quel sera l'effet de cet article, et pourquoi en avons-nous besoin? Quel effet l'adoption de cet article aura-t-il sur les poursuites intentées contre la GRC par une personne qui serait mécontente du traitement qu'elle reçoit dans le cadre du programme actuel?

M. Gray: M. Black me corrigera, mais je ne crois pas que cela aura le moindre effet sur les poursuites en cours.

Ai-je raison?

M. Black: Oui.

M. Gray: Une fois que le projet de loi sera adopté, les bénéficiaires du programme ne pourront plus comme avant intenter des poursuites contre l'État. Je ne veux pas créer l'impression que chaque demande a donné lieu à un procès. Ce n'est pas le cas. Mais il y a eu des cas par le passé, c'est vrai, mais comme je le dis, ce qu'on veut, c'est diminuer les possibilités de poursuites, ou du moins de poursuites où le demandeur aurait gain de cause. On n'éliminera pas tout risque parce que si un tribunal juge que la GRC n'a pas agi de bonne foi envers un plaignant, la cour peut quand même donner gain de cause au plaignant s'il y a eu négligence ou bris de contrat.

De même, même si ce n'est pas énoncé clairement dans le projet de loi, étant donné que le commissaire ou son mandataire prend une décision à caractère discrétionnaire, cette décision ferait l'objet d'un examen aux termes du paragraphe 18(1) de la Loi sur la Cour fédérale, si je ne me trompe pas.

.1555

Je serai heureux de vous expliquer certaines des raisons pour lesquelles cet article figure dans le projet de loi. L'une d'entre elles, qui est importante à mon avis, c'est que dans les poursuites au civil contre l'État, la GRC ne serait pas en mesure de donner une réponse complète pour sa défense car, ce faisant, elle serait obligée de dévoiler des détails qui doivent demeurer confidentiels sur le Programme de protection des témoins, ou, tant qu'à cela, sur l'enquête ou la poursuite qui a fait que le témoin s'est retrouvé dans le programme. Donc, l'État se retrouverait défavorisé.

En outre, on a dit que dans un programme comme celui-ci, l'État est comme un bon Samaritain qui vient en aide à une personne qui collabore à une enquête. On note avec intérêt que les deux pays qui ont des lois régissant les programmes de protection des témoins - les États-Unis et l'Australie - ont tous deux des dispositions qui limitent les poursuites, au même titre que l'article 19. J'imagine que c'est pour les mêmes raisons.

De même, dans le projet de loi de notre collègue, Tom Wappel, qui a inspiré le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui, on retrouve une disposition qui limite les poursuites contre la Couronne par des personnes qui seraient mécontentes de la façon dont elles sont traitées dans le cadre du programme.

À mon avis, si la Chambre et le Sénat adoptent ce projet de loi, on diminuera de beaucoup les possibilités de poursuites. Certaines circonstances qui ont débouché sur des procès, intentés par des bénéficiaires d'aujourd'hui ou d'autrefois qui prétendaient que la GRC n'avait pas tenu ses promesses envers eux, se présenteront moins souvent parce qu'il faudra désormais conclure un accord écrit qui énoncera toutes les conditions. Si l'on met fin à l'accord avant la date d'expiration, il faut donner des raisons et ainsi de suite. Tout cela vise à diminuer les risques de poursuites de toute manière.

Mme Phinney: Ma prochaine question porte sur l'article 14, qui permet au solliciteur général de conclure des accords avec des pays étrangers. Existe-t-il des accords de ce genre à l'heure actuelle, et avec quels pays avons-nous des accords? Pourquoi avons-nous besoin de cela?

M. Gray: On me dit que dans un cas qui s'est présenté au cours des cinq dernières années, et peut-être dans deux cas au cours des 15 dernières années, la GRC a conclu un accord avec un autre pays qui a accepté une personne dans son programme de protection des témoins. Dans tous ces cas, des accords prévoyaient le recouvrement des coûts.

La loi autorisera ce genre de choses à l'avenir, mais les conditions de tels accords seront mieux énoncées. Le commissaire devra adresser une demande officielle au solliciteur général. Le solliciteur général et le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration devront donner leur accord. Il faudra conclure un accord avec le service de police étranger, accord qui prévoira aussi le recouvrement des coûts.

Pourquoi croyons-nous qu'une telle disposition est nécessaire? Premièrement, je tiens à souligner qu'on ne s'attend pas à l'invoquer très souvent, mais il nous faut reconnaître le caractère de plus en plus international ou transnational de la criminalité. Nous croyons que si le Canada veut participer à la lutte contre le crime transnational, il serait à l'occasion utile pour le Canada d'accepter dans son programme un témoin dans une enquête ou une poursuite criminelle dans un autre pays, même si, à prime abord, la poursuite qui a lieu dans l'autre pays ne fait pas intervenir directement des activités au Canada. En ma qualité de profane, je peux imaginer des situations où les poursuites ont lieu dans un autre pays, mais il pourrait s'agir de quelque chose qui intéresse le Canada, où une personne comptait commettre un acte illégal au Canada, et tout le reste.

Ce n'est pas l'objectif essentiel de ce projet de loi, mais nous considérons que c'est une disposition utile au vu du caractère de plus en plus transnational de la criminalité, et je pense plus particulièrement au crime organisé.

.1600

Le président: Monsieur Ramsay.

M. Ramsay (Crowfoot): Je vous remercie de votre exposé. Nous sommes certainement favorables à ce projet de loi, mais j'aimerais tout de même vous poser quelques questions.

Je crois savoir que vous vous êtes enquis auprès d'autres pays qui ont des problèmes semblables. Vous a-t-on remis un rapport sur cette question dont le Comité pourrait prendre connaissance?

M. Gray: On me dit que des fonctionnaires du Secrétariat du solliciteur général ont rencontré des fonctionnaires américains et australiens. Ils ont également assisté à une rencontre du Conseil de l'Europe sur cette question. Ils n'ont pas rédigé ce que vous appelleriez un rapport officiel, mais ils ont pris en compte ce qu'on leur a dit et ce qu'ils avaient appris dans l'élaboration de la politique sur laquelle ce projet de loi s'appuie et dans la rédaction du projet de loi.

M. Ramsay: Ils n'ont donc pas remis de rapport?

M. Gray: Non, ils n'ont pas fait de rapport en tant que tel. Chose certaine, on m'a fait des recommandations sur la façon de procéder ainsi que des remarques que je serais heureux de vous communiquer, en ma qualité de ministre, sur le fonctionnement des autres programmes en Australie et au Royaume-Uni et sur les différences qu'il y a entre ces programmes et le nôtre et pourquoi. Je serais heureux de communiquer ces renseignements au Comité, qui pourra d'ailleurs convoquer les fonctionnaires pour les entendre sur ce point.

M. Ramsay: Est-ce qu'ils avaient les lois de ces pays?

M. Gray: Si vous voulez, nous pouvons remettre au Comité les textes des lois qui sont en vigueur aux Etats-Unis et en Australie.

M. Ramsay: D'accord. J'aimerais passer à une autre question.

L'article 20 dit:

Ce qui en substance donne à ces accords un caractère rétroactif dans la mesure où cette loi confirmera et régira ces accords.

M. Gray: Je suis d'accord avec ce à quoi vous voulez en venir, mais je dirai les choses un peu différemment. La loi s'appliquerait aux accords en vigueur dès qu'elle recevrait la sanction royale. Elle ne s'appliquerait pas aux accords qui ont expiré, qui ont pris fin avant l'échéance ou qui ont pris fin à l'échéance avant que la loi ait reçu la sanction royale. Si je comprends bien, dès que ce projet de loi aura reçu la sanction royale, tous les accords en vigueur à ce moment seront régis par la loi dans la mesure où ils y sont conformes. Ces accords seront régis par les dispositions comme celles où l'on dit comment l'on met un terme à un accord, les raisons qu'on doit donner pour mettre fin à un contrat, l'interdiction de dévoiler des renseignements, le lieu où se trouve le bénéficiaire, le changement d'identité et le reste.

Encore là, il s'agit de gérer tous les accords de la même manière, et j'imagine que ces dispositions donneront une plus grande protection à certains égards aux gens qui ont des attentes.

M. Ramsay: Puis-je vous poser des questions au sujet des accords en vertu de...

M. Gray: Bien sûr.

M. Ramsay: ...pas sur ceux qui sont actuellement en vigueur. L'alinéa 21b) traite des accords de protection. S'agit-il d'accords verbaux, ou seront-ils mis par écrit ou prendront-ils une forme plus substantielle que, disons, un accord verbal?

M. Gray: Si je comprends bien, il s'agira d'accords écrits. Il faudra des accords écrits.

M. Ramsay: Est-ce que les accords qui sont actuellement en vigueur sont écrits?

M. Gray: Inspecteur, auriez-vous l'obligeance de répondre à cette question?

Insp. Lesser: Oui, c'est le cas. Il s'agit d'accords écrits.

M. Ramsay: Sont-ils tous différents ou semblables? Pourrions-nous voir une copie d'un accord?

Insp. Lesser: Ces accords ont changé au cours des dernières années avec les divers problèmes que posaient les diverses préoccupations des bénéficiaires. Il existe un accord matriciel que nous avons remis à toutes nos divisions, qui sert de cadre aux accords, et nous pouvons certainement vous en remettre une copie.

.1605

M. Ramsay: Je vois qu'il n'y en a pas à l'annexe du projet de loi. Je pense que ce serait une bonne chose pour le Comité, et sûrement pour nous, si vous pouviez nous remettre une copie des accords que vous comptez utiliser en vertu de l'article 21.

Le président: Monsieur Gray, il n'y a plus personne du côté ministériel, je vais donc vous poser quelques questions moi-même.

Si l'on en croit ce projet de loi, les autorités pourront littéralement cacher un témoin, mais ce projet de loi ne dit rien sur la façon dont un tribunal pourrait contraindre un témoin à comparaître si c'était nécessaire. Ce qui entrave donc la procédure judiciaire s'il faut contraindre un tel témoin à comparaître dans certaines circonstances.

Je vous donne un exemple. Il y a quelque temps, lorsque j'étais procureur d'une commission, de telles règles m'auraient empêché de contraindre un témoin à comparaître avec un programme comme celui-ci. Mais étant donné que le témoin était encore détenu et n'avait pas encore été libéré, nous avons pu obtenir une ordonnance du tribunal obligeant le directeur du pénitencier à faire comparaître le témoin. Cela me semble être une faille dans ce projet de loi. Est-ce qu'on y a songé?

M. Gray: Tout d'abord, une observation. Comme je l'ai dit dans mon échange avec M. Hanger, le commissaire est autorisé, dans les circonstances arrêtées par le projet de loi, à révéler l'identité du témoin. L'un des motifs, exprimés de manière générale, est le témoignage dans des procédures judiciaires.

Deuxièmement, j'imagine - et l'avocat du ministère de la Justice pourrait me contredire ici - que c'est là un domaine où l'on pourrait s'adresser à la Cour fédérale et demander un examen judiciaire si l'avocat du... décidait qu'il veut entendre le témoin et n'est pas d'accord avec la décision du commissaire, si celui-ci avait décidé de ne pas dévoiler son identité ou de ne pas faire comparaître le témoin.

Monsieur Black a peut-être son avis sur cette question, qui est intéressante. Soit dit en passant, c'est un peu l'envers de la question que soulevait M. Hanger. Cela montre à quel point ces choses peuvent être compliquées.

M. Black: Monsieur le président, je ne suis pas sûr d'avoir compris le sens exact de l'exemple que vous avez cité. Voulez-vous savoir si un tel témoin ne pourrait être cité à comparaître parce que le commissaire n'accepterait pas de dévoiler son identité?

Le président: Ce serait un problème parce que le projet de loi dit simplement que le commissaire peut dévoiler son identité. Aucune obligation n'est faite au commissaire. On pourrait ainsi, disons, cacher des témoins grâce à ce programme et ne pas permettre à l'avocat d'entendre un tel témoin.

M. Black: Chose certaine, je ne vois pas le problème, s'il s'agit d'un témoin de la poursuite. Vous songez à une situation où le procureur de la défense voudrait citer un témoin à comparaître?

Le président: Qu'il s'agisse du procureur de la défense ou d'une commission d'enquête.

M. Black: Je vous répondrai que le commissaire est un fonctionnaire du plus haut niveau. Le projet de loi lui impose certaines obligations qu'il doit prendre en compte, et l'on doit imaginer qu'il prendrait cette décision d'une façon responsable et qu'il prendrait en compte tous les facteurs. S'il ne révèle pas l'identité du témoin et ne prend pas en compte tous les facteurs externes, j'imagine que la cour peut intervenir.

Le président: Pourrait-on amender le projet de loi en substituant au paragraphe 11(3) le mot «doit» au mot «peut»?

Ma question suivante, parce que moi aussi j'ai peu de temps, est celle-ci: Ne pensez-vous pas que ce projet de loi va un peu trop loin? Le Programme de protection des témoins vise à protéger les témoins dans certaines circonstances de telle sorte qu'ils connaissent les règles, qu'ils savent comment s'inscrire au programme. On interdit maintenant à quiconque connaît l'identité de la dévoiler. La personne protégée dans le cadre de ce programme pourrait dire à n'importe qui qu'elle bénéficie du programme de protection des témoins, elle pourrait dire qui elle est, et les gens au courant ne pourraient rien dire, même pas les médias.

.1610

Est-ce qu'on ne se retrouve pas à bâillonner les médias, et n'est-ce pas limiter la liberté d'expression contrairement à la Charte des droits?

M. Gray: Tout d'abord, je crois qu'il est du devoir du ministère de la Justice de s'assurer que tous les projets de loi déposés à la Chambre sont, à son avis, compatibles avec la Charte. J'imagine que cela a déjà été fait ici. Si ce n'est pas le cas, il faudrait que je le sache.

Deuxièmement, si une personne fait ce que vous dites, on se retrouverait devant des circonstances qui obligeraient le commissaire à mettre un terme à l'accord. Voyez les circonstances qui autorisent le commissaire à mettre un terme à un accord; si une personne faisait ce que vous dites, je pense qu'on serait dans une situation où on serait obligé de mettre un terme à l'accord. Je crois qu'une personne y penserait à deux fois avant d'agir d'une façon aussi imprudente et irresponsable.

En outre, si la loi ne comprenait aucune interdiction pour les personnes qui reçoivent des informations sur l'identité d'un bénéficiaire, qu'il s'agisse du bénéficiaire ou d'une autre personne, tout cela serait inutile. Si vous vous demandez si une personne pourrait être poursuivie pour s'être servie de ces informations, on me dit que même si le mot «sciemment» n'apparaît pas dans la partie du projet de loi sur les infractions, il est entendu qu'il faudrait prouver l'existence d'une intention ou d'une mens rea. Donc, si un bénéficiaire s'échappe devant son pharmacien au moment où il fait remplir une ordonnance, et que le pharmacien s'échappe devant sa femme le soir, je ne crois pas que cela mènerait à des poursuites.

Votre avis, monsieur Black.

M. Black: Monsieur le ministre, je ne pense pas pouvoir ajouter quoi que ce soit à votre réponse, mais je dirais que si un bénéficiaire confie à quelqu'un qu'il est protégé par le Programme de protection des témoins, cela n'autorise pas le confident à le dire à un autre. Si le bénéficiaire révèle son identité à cette personne, il ne se met pas nécessairement en danger, lui ou un autre bénéficiaire du programme, mais si la personne révèle cela à une autre - et tout dépend à qui on fait cette révélation, bien sûr - la seconde révélation pourrait causer du tort au bénéficiaire. Je crois en tout cas qu'il faut absolument une interdiction pour toute nouvelle communication, même si dans certaines circonstances, le bénéficiaire lui-même a décidé de révéler son identité.

Le président: Je n'irai pas plus loin. J'espérais que le projet de loi épouse la règle qui protège l'informateur de police, aux termes de laquelle si l'informateur dévoile son identité, il cesse d'être protégé, c'est fini. Même chose ici: si le bénéficiaire révèle son identité, c'est fini.

Monsieur Ramsay, cinq minutes.

M. Ramsay: Monsieur le président, j'aimerais rester dans la même veine. Je crois que l'un des devoirs du Comité est de poser des questions quant à la constitutionnalité de nouveaux projets de loi.

M. Gray: Bien sûr.

M. Ramsay: Ce qui m'inquiète, c'est que si ce projet de loi autorise le commissaire à conclure des accords qui protégeront l'identité des témoins, le procureur de la défense pourrait avoir le droit de citer à comparaître... et dans de tels cas, il s'agirait de témoins que la poursuite ne citerait pas à comparaître mais simplement de témoins qui ont fourni des informations indirectement.

Quelle serait la position du procureur de la défense ou du procureur d'une commission d'enquête s'ils demandaient à faire comparaître ces témoins pour les contre-interroger? Je m'interroge sur la constitutionnalité de cette mesure.

De même, nous l'avons vu tout récemment - en tout cas, au cours de la dernière année - , l'identité d'une personne profitant du Programme de protection des témoins à Edmonton a été révélée par les médias. On a montré des photos de cette personne, on a dit qu'elle vivait à Stoney Plain, en Alberta, je crois.

.1615

Est-ce que cela empêcherait les services de nouvelles de contacter cette personne et de publier un article comme ils le faisaient jadis? Est-ce que c'est le but de cette disposition?

M. Gray: Pour commencer, je précise que si des tierces parties prennent connaissance de renseignements au sujet d'un bénéficiaire, aux termes du projet de loi, la communication délibérée de ces renseignements constitue une infraction, à moins que le commissaire n'ait mis fin à l'accord ou approuvé la communication.

Soit dit en passant, l'inspecteur Lesser me rappelle qu'une des raisons pour lesquelles le commissaire peut communiquer des renseignements - référez-vous au paragraphe 3b) - c'est lorsque l'ancien bénéficiaire a déjà communiqué des renseignements, soit par son comportement, soit autrement. Ce ne serait pas automatiquement une raison d'entériner la communication, mais comme je l'ai dit plus tôt, cela pourrait être le résultat.

En ce qui concerne l'affaire d'Edmonton, je ne sais pas s'il s'agissait d'un témoin du programme de la GRC ou d'un autre programme.

M. Hanger: Il s'agissait du programme de la GRC.

M. Gray: Je vois. Comme vous le savez, ce projet de loi ne force pas le programme de la GRC à remplacer tous les autres programmes provinciaux ou municipaux qui existent. Je crois qu'il y en a 15 autres. Ces programmes vont continuer à exister mais, comme par le passé, ils auront la possibilité de signer une entente avec la GRC pour inscrire leurs témoins dans ce programme contre remboursement des coûts. J'en profite pour préciser que ces nouvelles dispositions ne remplacent aucun des programmes existants.

En ce qui concerne l'affaire d'Edmonton dont vous avez parlé, il n'existe pas de cadre juridique comme ce sera dorénavant le cas.

Monsieur Balck, peut-être pourriez-vous poursuivre.

M. Black: En ce qui concerne le droit des médias de communiquer des renseignements, ils n'auraient certainement pas ce droit aux termes du paragraphe 11(1) qui précise:

Quant à l'autre question, la possibilité pour la défense de convoquer un témoin, l'exemple que vous avez donné où le commissaire pourrait refuser le droit de communiquer l'identité du témoin, dans ces conditions, le témoin ne pourrait pas être convoqué, ce qui placerait l'accusé dans une position très précaire, j'imagine. C'est l'aspect qui vous inquiétait.

Il est certain que le commissaire prendrait une décision après avoir pesé les risques courus par le témoin et la valeur de ce témoin pour l'accusation. Dans un cas où le risque couru par le témoin l'emporte sur l'utilité de ce témoin, la Couronne pourrait envisager d'abandonner les poursuites. Si le procureur considérait en toute bonne foi les facteurs qui figurent dans l'article 12 et décidait que l'identité du témoin ne doit pas être communiquée, et si cela empêchait la défense de convoquer un témoin-clé, j'imagine que la Couronne ou le tribunal pourraient être appelés à abandonner les poursuites.

M. Ramsay: Est-ce que cela ne risque pas de donner une mauvaise réputation à notre système judiciaire? Autrement dit, si j'ai bien compris ce que vous avez dit, les droits exercés par l'avocat de la défense pourraient forcer la Couronne à abandonner des poursuites. C'est bien ce que vous avez dit?

M. Black: Si l'avocat de la défense souhaite convoquer un témoin inscrit au Programme de protection des témoins et a besoin de connaître son identité, et si le commissaire, pour une raison ou pour une autre, après avoir tenu compte des facteurs qui figurent à l'article 12, décide que l'identité du témoin ne doit pas être communiquée et que, par conséquent, le témoin ne peut pas être convoqué, effectivement, c'est bien le cas. Si l'avocat de la défense réussit à convaincre le tribunal que le témoignage du témoin est essentiel à sa défense, effectivement, cela pourrait porter atteinte à la cause de l'accusation.

.1620

Il y a donc un élément de pondération. Il faut comparer la valeur du témoin pour l'accusation au risque couru par ce même témoin. C'est la raison pour laquelle le projet de loi énonce tous ces critères. Il faut supposer que le haut fonctionnaire chargé de cette tâche s'en acquittera consciencieusement.

Le président: Madame Torsney.

Mme Torsney (Burlington): J'ai plusieurs questions à vous poser, monsieur le ministre. Peut-être pourrais-je les poser toutes ensemble.

La première a trait à cette guerre qu'on se livre actuellement au Québec, et je ne veux pas parler du référendum, mais de l'énorme problème du crime organisé. Dans vos observations, vous avez dit que 50 p. 100 des cas inscrits au Programme de protection des témoins de la GRC avaient quelque chose à voir avec le crime organisé. Combien de temps faudra-t-il pour rendre ce nouveau programme opérationnel? Cela va-t-il permettre de changer la situation au Québec et dans les autres provinces? Combien de personnes sont inscrites actuellement au programme et combien de personnes le programme peut-il accueillir? Vous avez dit qu'il s'agissait du même budget. Je ne crois pas avoir les détails budgétaires sous les yeux, mais j'imagine qu'on pourrait nous les donner.

Deuxièmement, vous nous avez dit que les provinces et les municipalités avaient d'autres programmes de protection des témoins. De quels genres de programmes s'agit-il? Est-ce qu'on déplace les gens à tous ces différents niveaux? Dans quelle mesure le système est-il compliqué? Pourquoi le GRC n'est-elle pas la seule responsable dans ce domaine?

Une dernière question qui vous semblera peut-être un peu bête, mais dans le projet de loi, vous parlez d'un changement d'identité. Est-ce que tout le monde subit une chirurgie plastique ou quelque chose de ce genre? Quelles sont les dispositions relatives au changement d'identité? Est-ce qu'il y a un budget pour chaque personne ou bien... Est-ce qu'il s'agit seulement de changer de coiffure...

M. Gray: Je vais essayer de me souvenir de toutes ces questions et j'y répondrai dans l'ordre inverse.

Le changement d'identité, c'est surtout un changement de papiers d'identité. Le projet de loi prévoit que les ministères fédéraux doivent coopérer, et s'ils coopèrent, leur responsabilité n'est plus en cause. On me dit que le projet de loi pourrait autoriser la chirurgie plastique, mais on me dit également que jusqu'à présent, cela ne s'est jamais fait pour un bénéficiaire.

Insp. Lesser: Cela s'est fait une fois.

M. Gray: Peut-être une fois, cela n'est donc pas fréquent. La loi va suffisamment loin pour le permettre, mais l'expérience passée indique que cela ne sera pas très fréquent.

Quant aux autres programmes, on me dit qu'il y en a 15. On pourrait supposer, sans recourir à une liste, qu'il s'agit des provinces et de la police provinciale - autrement dit, deux provinces seulement - et d'un certain nombre de municipalités ou de grandes villes. En fait, partout ailleurs, le programme est administré par la GRC.

Comme vous le savez, dans huit des dix provinces et dans les deux territoires, la Gendarmerie royale remplace la police provinciale aux termes de contrats. Dans les provinces où la Gendarmerie constitue la police provinciale, elle sert même de police municipale dans quelque 200 municipalités. Autrement dit, presque partout dans le pays, c'est le seul programme qui existe.

Pourquoi ce programme ne remplace-t-il pas les autres? La réponse est simple. Aux termes de la Constitution, l'administration de la justice c'est une responsabilité provinciale. Si les gouvernements provinciaux décident d'avoir leurs propres programmes lorsqu'ils ont une force de police provinciale distincte, ils en ont le droit. Ils peuvent autoriser leurs forces de police municipales à organiser leurs propres programmes. D'après ce qu'on me dit, le système fonctionne bien actuellement, et la coopération est bonne entre les divers programmes. Nous n'essayons pas de changer ce qui fonctionne de façon satisfaisante, nous essayons par contre d'améliorer les choses, sans aller jusqu'à réinventer ce qui fonctionne bien.

Le budget du programme est actuellement de 3,4 millions de dollars par année. Jusqu'à présent, environ 50 personnes s'inscrivent au programme chaque année. En règle générale, il y a de 80 à 100 personnes qui sont inscrites au programme. Tous ces gens-là ne sont pas des témoins ou des sources potentiels. Dans certains cas, ce sont des enfants, des conjoints ou des parents. Vous m'avez demandé combien de personnes le programme pouvait accueillir, je vais demander à l'inspecteur de répondre à cette question, mais j'imagine qu'on s'attend à ce que les choses continuent comme par le passé, c'est-à-dire sur la base de l'expérience accumulée depuis 1984.

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Combien de temps faudra-t-il pour que le programme devienne fonctionnel? On s'attend à ce qu'il y ait un certain délai entre l'adoption du projet de loi par la Chambre et par le Sénat et la sanction royale pour s'assurer que tous les éléments sont prêts, par exemple le formulaire de contrat, pour s'assurer qu'on est prêt à appliquer les dispositions de cette loi, que les règlements énonçant les exigences en matière de renseignements et de procédures administratives sont prêts. Par exemple, la loi précise à quel niveau la GRC est responsable de certaines décisions, et je suis certain que le commissaire désignera un de ses commissaires adjoints pour assumer la responsabilité du programme et également un surintendant en chef pour le niveau suivant, etc.

Inspecteur, avez-vous une idée du temps qu'il faudra pour tout préparer après que la Chambre des communes et le Sénat auront adopté le projet de loi? En avez-vous déjà une idée?

Insp. Lesser: Oui, monsieur le ministre. Les choses devraient aller assez rapidement. La politique est en cours de préparation en même temps que le processus se déroule ici et au Sénat. D'ici là, nous devrions pouvoir confirmer tous les changements à apporter à la politique pour se conformer à la loi.

Une voix: S'agit-il de semaines ou bien de mois?

Insp. Lesser: Environ une semaine. Si plusieurs semaines devaient s'écouler entre l'adoption par le Sénat et la sanction royale, nous serions opérationnels au moment de la sanction royale.

Le président: Merci.

Monsieur Hanger.

M. Gray: Excusez-moi, mais je crois avoir oublié de répondre à la première partie de sa question. Je viens de m'en souvenir.

Le président: Malheureusement, elle a déjà eu dix minutes alors que nous en sommes à des tours de cinq minutes. Mais je vous en prie, monsieur le ministre, terminez.

M. Gray: Je tiens à répondre à votre question.

J'imagine qu'un tel programme pourrait être utile pour lutter contre le crime organisé. Dans des situations comme celles dont on entend parler au Québec et ailleurs, j'imagine qu'il pourrait être utile de pouvoir faire appel à des informateurs et, en effet, dès que ce projet de loi sera adopté, il devrait rendre le programme plus efficace. Nous espérons qu'il permettra d'accélérer les choses et d'aider la police à faire face à ce type de situations.

Le président: Monsieur Hanger.

M. Hanger: Je reviens à l'affaire d'Edmonton dont M. Ramsay a parlé, ces renseignements qui ont été annoncés à la télévision; que je sache, il s'agissait d'un informateur de la GRC. Au départ, il était à Toronto, et à la fin, il a été envoyé en Colombie-Britannique. À la suite d'une série de contacts, il a fini par révéler sa propre position aux médias qui ont trouvé là un élément de nouvelles. Il était furieux contre la GRC.

Dans un tel cas, est-ce que les médias seraient en contravention de l'article 11?

M. Black: Oui, si on considère l'énoncé du paragraphe 11(1).

M. Hanger: Mais c'est l'intéressé lui-même qui s'est dénoncé. Quand je lis cet article, je me dis que s'il communique lui-même les renseignements, c'est lui qui pourrait être poursuivi.

M. Black: Vous parlez du paragraphe 11(2)?

M. Hanger: Je parle de l'article 11. L'intéressé, le bénéficiaire, si vous voulez, a communiqué lui-même sa propre...

M. Black: Non, le bénéficiaire ne pourrait pas être poursuivi, mais par contre, d'autres personnes pourraient l'être.

M. Hanger: Ainsi, même si c'est le bénéficiaire lui-même qui a contacté les médias, est-ce que les médias pourraient être en tort?

M. Black: Effectivement, c'est une chose de révéler certains renseignements à certaines personnes ou même, pour un journaliste d'apprendre certaines choses, et c'en est une autre de communiquer ces renseignements à tout le monde. J'imagine que cela doit être couvert par l'interdiction qui figure au paragraphe 11(1). Évidemment, la Couronne ne choisit pas toujours de poursuivre, même en cas de violation. La Couronne tient toujours compte des circonstances et a toujours le loisir de ne pas entamer de poursuites si les circonstances le justifient.

M. Hanger: Vous comprenez ce qui se produirait si l'informateur décidait de lui-même de révéler son identité. D'une certaine façon, le commissaire aurait alors le pouvoir d'annuler l'accord et la GRC cesserait d'avoir une obligation. C'est la raison pour laquelle je pose ces questions. Dans un tel cas, est-ce que les médias pourraient faire l'objet d'une poursuite quelconque?

M. Black: C'est un paragraphe qui va assez loin, monsieur Hanger. Ce paragraphe porte sur l'identité d'un bénéficiaire ou d'un ancien bénéficiaire. Donc, même dans le cas où un accord aurait pris fin parce que le bénéficiaire a révélé sa position, à mon avis, le paragraphe 11(1) continuerait à s'appliquer. Mais je le répète, c'est à la Couronne de décider si, dans les circonstances, il convient de poursuivre ou pas.

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Le président: Le paragraphe 11(4) s'applique probablement à un tel cas? Je cite:

M. Black: Mais, monsieur le président, je crois que ce paragraphe porte sur une communication aux termes de la loi.

Le président: Je vois.

M. Hanger: La somme réservée à ces demandes est de 3,4 millions de dollars.

M. Gray: Oui.

M. Hanger: Et cela correspond plus ou moins à la situation depuis un an.

M. Gray: Effectivement.

M. Hanger: Est-ce que c'est suffisant? Si on considère les familles, etc., cela donne une moyenne de 68 000$ par personne. C'est un aspect dont plusieurs personnes qui ont été inscrites au Programme de protection des témoins par le passé se sont plaintes.

M. Gray: Inspecteur, pouvez-vous répondre?

Insp. Lesser: Oui.

Monsieur le président, le budget du Programme de protection des témoins est tiré du budget général de fonctionnement de la GRC. Il n'y a donc pas de budget spécifique réservé au programme. Cette somme correspond à ce qui a été consacré à ces cas par le passé. Par conséquent, cela varie et cela dépend de chaque division car elles sont responsables de leur propre budget et de la façon dont elles le dépensent. Cela dépend donc des officiers et de leurs priorités, et en particulier des autres infractions et enquêtes qui sont en cours.

M. Hanger: Est-ce que ces fonds comprennent les frais des intermédiaires ou bien est-ce que ces frais sont calculés à part et en plus?

Insp. Lesser: Je le répète, tout cela est tiré du budget de fonctionnement général.

M. Hanger: D'accord.

Le président: Monsieur Regan.

M. Regan (Halifax-Ouest): Monsieur le ministre, il y a une question qui m'intrigue. Vous dites que chaque année 50 personnes environ sont inscrites à ce programme, et pourtant, il y a en permanence de 80 à 100 personnes qui sont protégées. Apparemment, personne ne reste dans le programme plus de deux ans. Autrement dit, on ne dépense pas les ressources pour tellement plus longtemps que cela. Qu'est-ce que cela signifie? Je croyais que le coût de protection était de 30 000$ en moyenne par personne. C'est bien ça?

M. Gray: J'imagine que les gens restent dans le programme pour des périodes différentes. On ne peut pas dire que tout le monde quitte le programme au cours de la deuxième année. Il y en a qui n'y restent que quelques mois.

Quant aux autres intéressés, il peut y avoir des conjoints, des enfants ou des parents qui sont inscrits au programme également. Je vais faire appel à l'inspecteur pour répondre à cette question, mais j'imagine que très souvent la période de protection est très courte et il ne s'agit pas d'un programme complet avec tous les éléments dont je discutais tout à l'heure avec Beth Phinney. J'imagine que c'est probablement le cas. J'imagine également qu'une fois le procès terminé, on s'interroge sur les risques résiduels, et on décide qu'ils ont cessé d'exister.

Inspecteur, vous qui vous occupez du programme au jour le jour, pouvez-vous nous donner d'autres détails?

Insp. Lesser: Oui, monsieur.

La durée moyenne d'inscription au programme est d'environ six mois par personne. Comme le ministre l'a expliqué, d'ordinaire, une fois le procès terminé ou une fois que l'intéressé a quitté la région où il court un risque, la menace disparaît; elle ne subsiste que lorsqu'il s'agit des grands groupes du crime organisé. Par conséquent, très peu de temps après qu'une personne s'est établie ailleurs, moins de six mois après, elle est installée dans son nouvel environnement, son nouveau mode de vie, et elle cesse de participer au programme.

M. Regan: Qu'est-ce que cela signifie? J'aimerais bien comprendre comment une personne peut déménager dans un nouvel endroit et gagner sa vie ou survivre. Est-ce que ces gens-là s'inscrivent au bien-être? Après six mois, quand le gouvernement cesse de payer leurs frais dans le cadre de ce programme, comment font-ils pour subsister? Le savez-vous?

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Insp. Lesser: Comme nous l'avons dit, la plupart de ces gens ont eux-mêmes des contacts avec le crime organisé ou s'adonnent à d'autres types d'activités illégales, et à ce titre, ils deviennent témoins ou agents. Par conséquent, comparativement à un témoin innocent qui a vu quelque chose par hasard, très souvent ces gens-là ont un mode de vie bien fixe et une occupation difficilement transférable. Ils réussissent souvent à s'assimiler très rapidement dans le nouvel environnement où ils se trouvent.

M. Gray: J'imagine que vous parlez d'ouvriers non spécialisés, etc.

Insp. Lesser: Oui.

M. Regan: Cela m'amène à ma seconde question. Que faites-vous dans le cas d'un témoin qui a depuis longtemps des contacts avec le crime organisé et qui doit déménager? J'hésite à le dire, mais je pense à un film d'humour intitulé My Blue Heaven avec Steve Martin. Je ne sais pas si vous l'avez vu, mais c'est l'histoire d'un type qui appartient à un groupe criminel et qui s'installe dans un nouvel endroit.

De toute évidence, vous parlez de gens qui ont eu des contacts avec le crime toute leur vie. C'est ainsi qu'ils gagnent leur vie. Que faites-vous pour les surveiller dans leur nouvel environnement?

Insp. Lesser: Beaucoup de gens refusent de rester au programme pendant très longtemps, et en particulier avec ce projet de loi, dès qu'ils commettent un crime, le programme prend automatiquement fin. Le plus souvent, ils acceptent ce qu'on leur offre pour s'établir ailleurs, puis ils sortent du programme pour continuer dans leur spécialité, quelle qu'elle soit.

M. Regan: Cela fait un peu peur. Un Canadien qui entend cela et qui sait qu'une telle personne risque de déménager dans son quartier sans que personne soit prévenu, aimerait savoir que le gouvernement en fait un peu plus pour surveiller ce genre de situation et s'assurer que l'intéressé ne reprend pas ses activités de jadis.

Insp. Lesser: Lorsque le commissaire étudie les divers critères avant d'admettre ou de refuser quelqu'un, il réfléchit, entre autres, aux effets de la présence de cette personne dans une communauté.

M. Ramsay: J'aimerais revenir à cette question un instant. Pensez-vous que les médias risquent d'invoquer la Charte s'ils ne peuvent plus faire ce qu'ils faisaient jusqu'à présent, c'est-à-dire retrouver un individu notoire qui est inscrit au programme et révéler la situation. C'est une chose qui s'est vue à au moins deux reprises à la télévision. Pensez-vous que les médias risquent d'invoquer leur droit à communiquer les nouvelles en vertu de la Charte?

M. Black: Il est difficile de prévoir une telle chose, et je ne peux pas vous assurer que cela ne se produira pas. Toutefois, si cela devait se produire dans ces circonstances, je crois que nous aurions de très bons arguments pour nous défendre.

M. Ramsay: Évidemment, quand vous enlevez des droits aux gens, vous pensez tout de suite à la Charte. Les journalistes pourraient considérer que cet article 11 a justement cet effet puisqu'ils ne pourront plus communiquer les nouvelles comme ils le faisaient avant l'entrée en vigueur de ce projet de loi. En partant de ce principe, je me demande s'ils pourraient contester la décision d'un tribunal lorsqu'on décide de leur refuser l'accès à la salle d'audience. Il y aura contestation sur le plan de la communication de renseignements.

Quand vous leur dites qu'ils doivent cesser de faire ce qu'ils faisaient jadis, on peut supposer qu'ils protesteront, en particulier si ce droit est protégé par la Charte.

M. Black: De toute façon, nous ne pouvons pas empêcher les gens d'invoquer la Charte, mais tout ce que je peux vous dire, c'est que nous avons de bons arguments.

M. Ramsay: En fait, ce que j'aimerais savoir, c'est si vous avez élaboré une loi qui est à l'épreuve de la Charte. Avez-vous étudié toutes ces possibilités?

M. Black: Des gens du Service de la Charte et du ministère de la Justice ont étudié la loi, comme ils étudient tous les projets de loi qui sont déposés. Ils nous ont aidés à rédiger cet article et, à mon avis, ils sont convaincus de sa conformité avec la Charte.

M. Ramsay: Merci. J'aimerais maintenant poser une question sur l'article 19. Le fait que vous ayez inséré cette disposition dans le projet de loi est intéressant. Savez-vous si une disposition similaire existe dans d'autres lois?

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M. Gray: Dans la législation canadienne?

M. Ramsay: Oui, en particulier dans le Code criminel.

M. Gray: Je crois comprendre que cela a fait l'objet de certaines recherches et qu'il existe des dispositions similaires dans un grand nombre de statuts fédéraux et provinciaux. Je pourrais vous donner des exemples au niveau fédéral. Je n'ai pas le texte précis de l'article, mais je peux vous donner des exemples, par exemple les articles 66 et 74 de la Loi sur l'accès à l'information, les articles 405, 406 et 504 de la Loi sur les banques, l'article 251 de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et l'article 99 de la Loi fédérale sur les hydrocarbures. J'en ai plusieurs autres et, si vous le souhaitez, nous pouvons en déposer la liste auprès du Comité.

Je sais pertinemment que des articles semblables existent, comme je l'ai dit tout à l'heure, et cela, dans la législation qui protège les témoins aux États-Unis et en Australie.

M. Ramsay: Ce que je sais de la loi sur le programme de protection des témoins provient en partie de personnes qui ont participé au programme et qui s'en plaignent. Elles disent que cela les a placées dans une position vulnérable, que la police leur avait promis qu'on s'occuperait d'elles mais qu'au bout de six mois, on les abandonne, le contrat étant terminé.

L'article 19 semble autoriser le commissaire à mettre fin au contrat; il lui suffit de prétendre que cela a été fait de bonne foi et cela le protège de toute réclamation de la part des bénéficiaires.

M. Gray: Vous soulevez une question importante. Pour commencer, même dans la situation actuelle, lorsqu'il y a litige, cela ne réussit pas toujours. Même lorsque des gens entament des poursuites au civil contre le commissaire pour rupture de contrat ou négligence, ils n'ont pas toujours gain de cause.

Deuxièmement, je crois que cette loi va diminuer le nombre des incidents qui poussent les gens à se plaindre. Les accords signés par les deux parties seront plus exigeants et les obligations seront mieux précisées, d'une part, comme de l'autre. Si l'accord prend fin avant la date prévue, il faudra non seulement en donner les raisons, mais également prévenir l'intéressé d'avance et lui donner la chance de défendre sa cause.

Cette loi a justement pour objet de rendre moins fréquentes les situations où une personne peut se sentir lésée. Je ne peux pas vous dire que cela ne se produira jamais, mais si cela se produit, l'intéressé pourra s'adresser à la Commission des plaintes du public contre la GRC qui prendra une décision et fera une recommandation au commissaire.

Si j'ai bien compris la situation, le commissaire ne pourra pas se contenter de décider que lui-même ou ses collaborateurs ont agi de bonne foi; la question devra être tranchée par un tribunal.

D'après des travaux de recherche dont j'ai pris connaissance, l'expression «de bonne foi» a une signification particulière en droit, une signification bien établie. Par exemple, si vos actes reposent sur de mauvaises intentions ou sur des raisons qui n'ont pas de rapport avec la loi, ou encore si vous avez fait preuve d'une négligence flagrante dans l'accomplissement de vos obligations les plus élémentaires, on pourrait établir que la Gendarmerie n'a pas agi de bonne foi. C'est un aspect légal, mais si j'ai bien compris, le commissaire ne peut pas se contenter de dire pour sa défense que lui-même ou ses collaborateurs ont agi de bonne foi.

Enfin, la loi ne le précise pas, mais il existe ce qu'un non-initié pourrait considérer comme une forme d'appel puisqu'il est possible de demander un réexamen judiciaire à la Cour fédérale. En effet, aux termes de la Loi sur la Cour fédérale, on peut faire appel de la décision du commissaire de mettre fin à un contrat ou de ne pas accorder un contrat.

Aux termes de cette loi, le commissaire est appelé à prendre des décisions de nature discrétionnaire et la personne désignée par le commissaire doit agir en conformité avec la loi et en conformité avec les principes de la Loi sur la Cour fédérale.

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M. Ramsay: J'ai une autre question, mais je suis prêt à attendre le prochain tour.

Le président: Madame Phinney.

Mme Phinney: J'ai une question sur la protection des témoins. Est-ce que le témoin d'un crime aurait besoin de protection cinq ans plus tard, c'est-à-dire après que le coupable ait été libéré de prison? Est-ce que le témoin aurait besoin de protection jusqu'à la mort du coupable? Y a-t-il eu des cas au Canada où le témoin fut protégé pendant plus de six mois? Le protège-t-on seulement pour la durée du procès? Que fait-on après?

M. Gray: Je voudrais signaler tout d'abord que ce projet de loi diffère de la loi américaine dans la mesure où il ne protège pas seulement les personnes qui témoignent devant le tribunal. Il peut protéger aussi les gens qui servent de sources d'information ou qui participent à une opération, sans témoigner devant le tribunal. À cet égard, la portée de notre projet de loi est plus grande que celle de la loi américaine.

Vous avez demandé à partir de quel moment on commence à offrir la protection. C'est une question intéressante. Inspecteur, peut-être que vous pourriez nous expliquer le fonctionnement du programme actuel.

Insp. Lesser: L'un des critères essentiels du programme actuel est le niveau de menace à laquelle les personnes concernées sont exposées. Si, en raison de leur participation à l'enquête ou de leur témoignage, ces dernières faisaient face à des menaces certaines, il est fort probable qu'on les intégrerait à nouveau au programme.

Mme Phinney: Après que le coupable ait été libéré de prison.

Insp. Lesser: Oui, et essentiellement pour toute la vie du témoin.

M. Gray: Je regarde la définition du terme «témoin». Il ne se limite pas à l'enquête préliminaire au procès ni au procès même. Il pourrait donc s'appliquer à la période ultérieure.

Insp. Lesser: Oui.

Mme Phinney: Avez-vous formulé par écrit des critères? Vous recevez des lettres et la personne sait depuis...

Insp. Lesser: Nous nous penchons sur les menaces confirmées. Cela dépend. Il faut parler avec la personne et que cette dernière explique pourquoi elle se sent menacée et pour quelles raisons elle croit que sa vie est en danger. Après avoir fait les enquêtes et vérifications nécessaires, on confirme ou refuse de confirmer la menace.

Mme Phinney: Connaissez-vous des exemples de quelqu'un qui s'est mis en rapport avec la police parce qu'il croyait que sa vie serait en danger en raison de la libération d'un certain individu, mais où la police n'a rien fait et qu'il est arrivé par la suite malheur à la personne qui s'était plainte?

Insp. Lesser: Non, pour autant que je sache, cela ne s'est jamais produit.

Le président: Monsieur Ramsay, vous aviez une question.

M. Ramsay: Oui, monsieur le président. J'aimerais en revenir à l'intervention du ministre sur l'article 19.

Les témoins qui participent au programme de protection, surtout les membres d'une famille, se trouvent dans une situation vulnérable. Leurs vies sont en danger; sinon, ils n'auraient pas été admis au programme. S'il y a un problème avec le contrat, par exemple si l'on ne le respecte pas dans son intégralité, si on y met fin ou si on ne l'exécute pas selon les modalités prévues, le témoin se trouve dans une situation très difficile. Normalement, il ne peut ni se plaindre ni s'adresser aux tribunaux ou aux commissions compétentes pour leur demander de statuer sur son cas.

Je me pose des questions sur l'article 19. Compte tenu de ces facteurs, pensez-vous qu'il y ait un juste équilibre entre d'une part le gouvernement qui, dans le cas présent, signifie le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, et d'autre part les participants au programme? Vous savez que certains agents de police, et il y a quelques anciens agents parmi nous aujourd'hui, sont prêts à faire toutes sortes de promesses aux personnes pour les amener à témoigner. «Oui, nous avons tous ces programmes, nous allons prendre soin de vous, nous allons vous procurer une nouvelle identité, nous allons vous installer dans un nouvel endroit, nous allons vous protéger.» Et pourtant des gens qui participent au programme - et pas nécessairement les membres de la famille - m'ont dit qu'on leur a coupé l'herbe sous le pied, et qu'elles n'ont aucun recours.

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Je vous demande donc si vous croyez qu'on a trouvé un juste équilibre avec l'article 19?

M. Gray: Tout d'abord, j'aimerais dire quels points vous avez soulevés me préoccupent quant à cet article. Je crois que les responsables confirmeront qu'au cours des derniers mois, pour répondre aux questions que j'avais posées, on a beaucoup travaillé le raisonnement à l'appui de cet article; on a également tenté de trouver des exemples de ce genre de limites dans d'autres juridictions comportant des lois comparables. En me fiant donc aux renseignements que j'ai donnés au Comité à propos des législations américaine et australienne et étant donné la structure de ce projet de loi, je crois qu'on a trouvé le genre d'équilibre dont vous parlez.

Je demanderai à l'inspecteur de nous aider à ce sujet, mais l'un des objets du projet de loi est de préciser le processus décisionnel et l'imputabilité quant au programme. Un commissaire adjoint sera nommé comme responsable général. Certaines décisions doivent être prises à ce niveau, d'autres au niveau du surintendant principal. Ce ne sera pas tout simplement l'affaire de l'enquêteur local qui, pour des raisons que l'on comprendra, veut élucider le crime. Il y aura donc cet autre palier d'examen administratif et d'imputabilité. Je crois qu'ainsi, on aidera les gens de bonne foi à ne pas offrir d'encouragements qui pourraient ne pas être respectés par la suite. N'oubliez pas qu'avec un accord, il y a aura obligation de produire ces détails.

Je tiens aussi à dire que selon moi, qui ne m'y connais pas autant que vous, on évitera ce problème grâce à un système administratif solide qui recueillera l'appui de la force policière. Je crois que nous sommes d'accord sur le fait que plusieurs poursuites se font «post facto». Elles arrivent lorsque le système ne fonctionne pas, et elles traînent en cour pendant des années. Nous ne voulons pas d'une capacité d'intenter des poursuites civiles, qui peuvent ne pas vraiment permettre d'éviter le genre de problème que vous avez mentionné, mais nous voulons plutôt un système qui fonctionne bien dès le départ et tout au long de la période où la personne - ou le membre de la famille de cette personne - participe au programme. Ce projet de loi a été conçu en partie pour cette raison.

M. Ramsay: Puis-je demander à l'inspecteur combien de cas ont mené aux préoccupations que j'ai exprimées, à savoir que les témoins se trouvaient en désaccord avec la façon dont ils étaient traités, et s'en étaient plaints? Peut-être que c'est un nombre négligeable. Au cours des années, j'ai eu vent de quelques cas. À quel point est-ce un problème en ce moment?

Insp. Lesser: C'est assez juste de dire quelques-uns; entre cinq et dix au cours des dernières années.

On espère qu'avec ce projet de loi, et qu'avec la signature d'un accord ou d'une lettre d'accord ou une entente, le bénéficiaire éventuel comprendra de façon très claire ce que la force policière lui fournira, ce qu'elle ne lui fournira pas ou ce qu'elle ne pourra pas lui fournir, et quelles seront nos attentes envers le bénéficiaire, une fois qu'il aura intégré le programme. Tout cela n'ajoutera rien à ce qui a été fait au départ avec les premiers enquêteurs - on ne pourra changer ce qui a peut-être été dit par eux - mais on saura certainement plus si ce qui a été dit est juste ou non, et fait ou non partie de l'accord dès cet instant.

Le président: Madame Torsney.

Mme Torsney: Est-ce que les indicateurs du SCRS, tels que Grant Bristow, sont couverts par ce programme?

M. Gray: Je ne peux pas confirmer que Grant Bristow était un indicateur du SCRS...

Mme Torsney: C'est vrai; je m'en excuse.

M. Gray: ...mais la loi ne s'applique qu'aux organismes chargés de l'application de la loi, et le SCRS n'est pas un organisme chargé de l'application de la loi.

Mme Torsney: Il y a donc un programme distinct pour le SCRS?

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M. Gray: Je ne peux pas en parler, mais évidemment si le SCRS a des sources, il a également ses obligations. Comme je l'ai déjà dit, le SCRS n'est pas un organisme d'application de la loi aux termes de la loi; il recueille de l'information, donc il n'aurait pas accès à ce programme.

Mme Torsney: D'accord.

Le président: Merci, monsieur le ministre. Pour terminer, ma seule préoccupation est que la personne qui est protégée peut divulguer des renseignements quant à son identité, tout en étant à l'abri de poursuites éventuelles, alors que la personne à qui elle communique ces renseignements ne l'est pas. Il me semble que quelque chose ne va pas avec le concept, mais je laisserai à votre ministère le soin de traiter de ce point. Merci beaucoup d'avoir comparu devant le Comité aujourd'hui et de nous avoir donné des précisions sur le projet de loi.

M. Gray: Merci.

Le président: La séance est levée jusqu'à demain.

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