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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 9 novembre 1995

.0934

[Traduction]

Le président: Nous commençons cette séance du comité de la justice.

Nous examinons aujourd'hui le cas des personnes nommées à la commission nationale des libérations conditionnelles. Nous accueillons Catherine Knox, qui a été nommée à la commission nationale des libérations conditionnelles, région des Prairies.

Bonjour, madame Knox.

La procédure consiste à donner la parole aux députés de l'opposition et de la majorité pour vous poser des questions. Vous pouvez faire une déclaration préliminaire, mais en général il n'y a pas, et nous nous contentons de vous poser des questions. Je crois que tout le monde a reçu votre curriculum vitae.

Qui veut commencer pour le Parti réformiste?

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M. White (Fraser Valley-Ouest): Bonjour, Catherine.

Je commencerai par dire que j'ai passé beaucoup de temps à assister à des audiences de la commission des libérations conditionnelles. J'ai été témoin de bonnes et de mauvaises décisions. J'estime personnellement qu'il est important d'être qualifié et que le contexte de la nomination d'un titulaire est très important.

Pourriez-vous nous donner votre opinion sur la question des libérations conditionnelles. Pensez-vous qu'elles soient nécessaires? Quelle est l'utilité d'une commission des libérations conditionnelles?

Mme Catherine M. Knox (commission nationale des libérations conditionnelles, région des Prairies): J'estime que le régime des libérations conditionnelles est un élément essentiel de notre système de justice pénale.

Il se trouve qu'un certain nombre d'individus s'adonnent à des activités criminelles qui les mènent dans bien des cas à la prison, mais que la plupart de ces personnes finissent par retourner vivre dans la collectivité. La libération conditionnelle est un moyen de superviser et de structurer ce retour pour aider ces personnes à se réintégrer de façon positive. Pour bien des gens, c'est ce qui fait la différence entre se réintégrer à la société pour mener une vie honnête ou reprendre des activités criminelles.

M. White: À propos de votre nomination, et je ne sais pas si j'ai vraiment le droit de vous poser cette question, mais êtes-vous membre d'un parti politique ou affiliée à un parti?

Mme Knox: Monsieur, je ne suis pas et je n'ai jamais été affiliée à un parti politique.

Le président: Monsieur White, je veux bien vous laisser une certaine latitude dans ce domaine, mais je vous signale que le président a rendu une décision disant que ce n'était pas une question pertinente à la qualification ou à la compétence d'un individu.

M. White: Non, monsieur le président, mais nous savons malheureusement que ce genre de chose arrive de nos jours.

Le président: Peut-être, monsieur White, mais nous sommes là pour parler de la compétence des personnes nommées. C'est ce qui est précisé dans le Règlement, et c'est pour cela que nous entendons ces personnes.

Allez-y.

M. White: Madame Knox, que pensez-vous de l'idée de faire siéger des victimes aux commissions des libérations conditionnelles?

Mme Knox: Depuis dix ans, j'ai beaucoup travaillé avec des victimes et j'ai passé beaucoup de temps à les représenter. Dans le passé, ces victimes ont été tragiquement absentes de notre système de justice pénale. En fait, c'est comme si elles n'avaient pas existé.

Les victimes ont un rôle à jouer. Certaines sont peut-être en mesure de faire un travail efficace au sein d'une commission des libérations conditionnelles, mais je dois dire que les choses dépendent en grande partie de l'individu lui-même et de l'attitude qu'il aurait à la commission, notamment de sa réaction en tant que victime.

M. White: Merci.

Pourriez-vous nous donner votre point de vue sur l'article 745 du Code criminel?

Mme Knox: Si je me souviens bien, c'est l'article qui permet une révision de la peine minimale de 25 ans.

M. White: Oui.

Mme Knox: Je crois savoir qu'on ne fait que commencer à utiliser cet article étant donné la date à laquelle il a été adopté. Encore une fois, suivant les circonstances particulières, je pense que c'est un outil utile à condition que cela ne signifie pas que toute demande de libération présentée au bout de 15 ans soit automatiquement acceptée.

Il peut y avoir des cas où c'est justifié, et des cas au contraire où ce serait une erreur.

M. White: Si je vous comprends bien, d'après vous, une condamnation à vie n'est pas une condamnation à vie, c'est une condamnation à 15 ans ou plus.

Mme Knox: Je n'ai pas dit que ce ne serait pas une condamnation à vie. Je dis simplement qu'il peut arriver dans certains cas qu'il soit justifié de revoir cette peine de 25 ans au minimum.

M. White: Vous pensez que, dans certains cas, il peut être justifié d'imposer une condamnation à vie sans libération conditionnelle?

Mme Knox: Absolument.

M. White: Comment un membre d'une commission des libérations conditionnelles fait-il valoir son point de vue au sein de la commission? Vous pensez représenter le point de vue de votre collectivité ou un point de vue particulier? Quelle idéologie apportez-vous à la commission?

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Mme Knox: Je crois qu'il faut arriver à la commission des libérations conditionnelles avec l'idée qu'on va jouer un rôle quasi judiciaire, pour essayer de comprendre tous les problèmes et de rendre un jugement objectif et libre de toute pression. Il faut que ce soit un jugement objectif fondé sur une pleine connaissance des faits, et destiné prioritairement à protéger la collectivité mais aussi à faciliter dans la mesure du possible la bonne réintégration des détenus dans la collectivité.

M. White: Je me suis occupé plusieurs fois de cas de meurtres. Je ne suis pas avocat, mais j'ai assisté à des audiences de détermination de la peine, au cours desquelles j'ai l'impression que la commission des libérations conditionnelles avait pris une décision erronée. Pensez-vous qu'on devrait faire quelque chose, que des mesures duraient être prises lorsqu'une commission des libérations conditionnelles prend une décision erronée ou est-ce qu'à votre avis, cela fait simplement partie du risque inhérent à toute prise de décisions?

Mme Knox: Je crois que les membres de commission des libérations conditionnelles doivent se prononcer de manière professionnelle et en toute connaissance de cause. Il reste qu'on leur demande de prédire un comportement humain.

La prédiction du comportement des individus est une science très inexacte. Si des commissaires prennent des décisions en se fondant sur les meilleures informations possibles et qu'il se trouve qu'une de ces décisions soit erronée, en ce sens que l'individu libéré récidive, je crois qu'il faut tenir compte de la situation globale et non pas s'écrier automatiquement: «Oh mon Dieu! Quelle décision lamentable. On n'aurait jamais dû libérer cet individu.»

Il arrive qu'on libère des individus parce qu'on est convaincu qu'ils ne récidiveront pas ou qu'ils n'auront pas de comportement violent, et que ces individus deviennent effectivement violents. Il arrive qu'on relâche des individus extrêmement violents ou qui ont été extrêmement violents dans le passé, et que ces individus ne recommencent pas.

Je pense que c'est une erreur de dire que les commissaires ont pris la mauvaise décision quand les choses tournent mal. Il faut examiner de près la décision, mais je pense que c'est une erreur de s'en prendre automatiquement aux commissaires.

M. White: Vous dites donc qu'il faut réexaminer la décision dans ce genre de cas.

Mme Knox: Je pense qu'un réexamen est parfaitement de mise pour tout le monde, y compris les commissaires.

Si je prenais la décision, tout seul ou avec d'autres, de libérer quelqu'un qui commettrait ensuite un acte violent, comme un viol ou un meurtre par exemple, je voudrais bien que quelqu'un vienne réexaminer avec moi ma décision pour voir si j'ai omis quelque chose ou si j'aurais dû faire quelque chose de différent, ou si c'est simplement quelque chose qui était totalement imprévisible.

M. White: Pourriez-vous me parler en détail de votre formation, de vos qualifications et de vos compétences pour ce poste?

Mme Knox: J'ai un diplôme en travail social que j'ai obtenu en 1977. Après avoir terminé ces études, j'ai travaillé environ deux ans comme agent de probation pour adultes au ministère de la Justice de Terre-Neuve. J'étais chargée de surveiller des personnes en probation et de faire des évaluations préliminaires pour aider les juges à prendre la bonne décision.

J'ai ensuite trouvé du travail au Service correctionnel du Canada et travaillé pendant environ deux ans comme agente du service des libérations conditionnelles. J'ai alors décidé de faire mon droit et j'ai obtenu mon diplôme à l'Université Dalhousie.

Après avoir obtenu mon diplôme, j'ai été engagée par le ministère de la Justice de Terre-Neuve, pour lequel j'ai travaillé comme procureur de la Couronne pendant dix ans. J'ai quitté cet emploi en avril dernier. Au cours de ces dix années, je me suis surtout occupée de crimes à grand retentissement.

J'ai beaucoup travaillé avec des personnes victimes d'agressions de la part de membres de la famille et de personnes âgées, et avec des enfants victimes d'agressions sexuelles et physiques. Je me suis beaucoup occupée de la formation des policiers, des travailleurs sociaux et de toutes les autres personnes de ce secteur professionnel qui travaillent avec des individus victimes de crimes et avec des délinquants, pour leur montrer ce qu'il font faire avec les victimes de crimes, les délinquants et les autres.

Voilà mon bagage.

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M. White: Merci. C'est impressionnant.

Il y a au Service correctionnel du Canada un projet intitulé Distribution d'eau de javel. Il consiste à distribuer des bouteilles d'eau de javel d'une once pour permettre aux détenus de stériliser les aiguilles qu'ils utilisent pour s'injecter de la cocaïne afin d'éviter la propagation du VIH. En tant qu'agente des libérations conditionnelles, seriez-vous d'accord avec cela?

Mme Torsney (Burlington): Ça n'a rien à voir avec la libération conditionnelle.

M. White: Bien sûr que si.

Pensez-vous que cela aurait un effet sur les conditions dans lesquelles un individu serait relâché et pourrait éventuellement récidiver? La commission des libérations conditionnelles examinerait-elle...?

Mme Knox: Je dois dire que je ne me sens pas qualifiée pour répondre à cette question. Je connais mal ce programme. Je ne sais pas sur quel principe il repose, et franchement je ne me sens pas compétente pour vous répondre.

M. White: Un programme de ce genre aurait-il une influence sur les commissions de libérations conditionnelles?

Mme Knox: Cela depend. Dans le cas où des détenus montrent dans certaines situations qu'ils peuvent avoir des comportements dont il faut tenir compte si l'on cherche à déterminer les risques de récidive qu'ils présenteraient une fois libérés, ou à déterminer s'ils ont une certaine propension à la violence, il faudrait sans aucun doute que la commission en tienne compte.

Mais je ne me sens vraiment pas en mesure de vous dire si j'approuve ou si je désapprouve dans l'abstrait le genre de programme dont vous parlez.

M. White: Merci beaucoup pour vos réponses.

Le président: Un membre de la majorité veut-il poser des questions? Monsieur Gallaway.

M. Gallaway (Sarnia - Lambton): J'ai simplement quelques questions à poser. Madame Knox, pourriez-vous nous parler de la formation que vous avez reçue après votre nomination à la commission des libérations conditionnelles?

Mme Knox: Après ma nomination le 29 août dernier, on m'a fait suivre un programme de formation avec cinq autres personnes qui venaient aussi d'être nommées. Avant de commencer ma formation, je suis allée assister pendant une journée aux audiences d'une commission des libérations conditionnelles. J'ai ensuite suivi un programme de cours de deux semaines. Il s'agissait de cours intensifs où l'on nous expliquait les types de libérations prévues par la Loi sur les libérations conditionnelles et le genre de renseignements dont nous disposerions pour nous prononcer pour ou contre une demande.

Comme nous travaillions dans la région des Prairies, nous avons aussi reçu une formation sur des cas particuliers. On nous a par exemple appris à travailler avec des anciens dans le cadre d'audiences portant sur des délinquants autochtones. Nous avons passé un certain temps avec un ancien à nous sensibiliser aux problèmes particuliers de la population autochtone.

Après ces deux semaines de formation en salle de classe, on nous a fait visiter certains établissements de la Saskatchewan et demandé d'assister en observateurs à des audiences. Auparavant, on nous avait donné les dossiers qui seraient à l'étude. On nous avait demandé de prendre une décision pour chaque cas et d'expliquer notre décision comme si nous avions été membres de la commission. À la fin des audiences, nous sommes retournés en salle de classe pendant une journée, au cours de laquelle nos décisions ont été examinées et comparées à celles qu'avaient prises les membres de la commission.

La semaine prochaine, j'ai une autre semaine de formation en Saskatchewan. Je viens tout juste de recevoir le programme et je vois que plusieurs sujets seront abordés. Nous étudierons particulièrement le nouveau projet de loi C-45. Jusqu'à maintenant, ma formation s'est limitée à l'étude de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

M. Gallaway: Croyez-vous qu'il existe certains détenus incarcérés pour certains types de crimes à l'égard desquels vous devriez être extrêmement prudents au moment de l'octroi de la libération conditionnelle?

Mme Knox: J'en ai toujours été convaincue, mais pas seulement dans le contexte de la libération conditionnelle. Lorsque j'étais procureur, je devais aussi décider que faire au moment des audiences concernant les mises en accusation et la détermination de la peine. Je persiste à croire encore aujourd'hui qu'il faut être très prudent avant de libérer certains détenus. Mais je suis tout autant d'avis que de nombreux détenus peuvent aussi, avec le soutien et la formation appropriée, redevenir des citoyens respectueux de la loi.

M. Gallaway: Pensez-vous que cela a à voir avec le type de crimes commis? Ou est-ce plutôt relié aux bizarreries de caractère ou aux traits de personnalité de l'individu?

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Mme Knox: Il est très souvent extrêmement difficile de séparer les traits de personnalité d'un individu et le type de crimes pour lequel il a été incarcéré. La corrélation entre les deux est presque inévitable. À l'occasion, vous verrez quelqu'un accusé d'un crime qui ne correspond absolument pas à sa personnalité. Ce cas-là exigerait bien sûr d'être traité comme un cas spécial. Mais, d'après ce que j'ai vécu au cours des 18 dernières années, il y a un lien presque certain entre la personnalité du délinquant et le cycle criminel.

M. Gallaway: Quels devraient-être, d'après vous, le rôle et la participation de la victime au cours de l'audience des libérations conditionnelles?

Mme Knox: Les victimes ont un rôle à jouer au moment des audiences à deux égards. D'abord, les victimes peuvent donner sur l'individu que l'on envisage de libérer des renseignements que ne possèdent pas nécessairement les autorités pénales, et ce, dans une perspective qui leur est propre. Ce que la police, les psychologues et les agents chargés du cas transmettent comme information ne donnent pas nécessairement une image aussi complète du détenu dans la société que celle que peut donner la victime.

Outre les renseignements que la victime peut donner, sa participation au processus peut contribuer dans une certaine mesure à son rétablissement. La victime a l'impression qu'elle reprend un peu plus sa vie en main, à la suite d'un crime qui, dans bien des cas, a été dévastateur pour elle.

C'est un peu le même genre de rétablissement dont bénéficient les victimes au cours de la période qui précède l'incarcération, c'est-à-dire au moment où nous les aidons à se préparer en vue du procès. Il est souvent très bénéfique pour elles qu'on leur permette de faire une déclaration. Donc, mis à part tout ce que l'on a dit sur la libération conditionnelle, je pense que c'est peut-être profitable aussi pour les victimes.

M. Gallaway: Dans certains milieux au Canada, on pense sont d'avis qu'il faudrait complètement abolir la libération conditionnelle. C'est d'ailleurs ce que l'on a déjà fait dans certains États américains. Certains au Canada professent que la libération conditionnelle ne devrait s'appliquer que dans des cas extrêmement limités. Vous avez peut-être l'impression que je reprends sous une autre forme une question qu'on a déjà posée, mais que pensez-vous de la réadaptation par opposition à la punition? Autrement dit, devrions-nous abandonner toute idée de libération conditionnelle et garder les détenus sous les verrons?

Mme Knox: D'après ce que j'ai pu constater, ce qui se passe aux États-Unis n'est pas si encourageant que cela; du moins, si l'on en croit les chiffres.

Si je me reporte à ma propre expérience en tant qu'agent de probation et des libérations conditionnelles, je dois dire qu'à plusieurs reprises, alors que certains détenus montraient tous les signes d'une glissade vers des crimes de plus en plus graves, ces gens se sont ressaisis, ont repris leur vie en main et pris les bonnes décisions quant à leur avenir.

Je viens à peine d'arriver à la commission des libérations conditionnelles et j'ai assisté à peu d'audiences, mais j'ai vu certains détenus qui avaient tout ce qu'il fallait pour s'en tirer, avec le soutien et la surveillance appropriés. Je suppose que dans les cas que j'ai vus - et je suis sûre que c'est le cas pour ceux avec qui j'ai travaillé - n'eût été cette surveillance et ce soutien, leurs perspectives de s'en tirer auraient été grandement amoindries.

M. Gallaway: Vous avez été procureur de la Couronne pendant quelque dix ans. Pouvez-vous nous dire si vous vous occupiez de certains types de causes seulement ou d'un peu de tout?

Mme Knox: Lorsque j'ai pris mes fonctions de procureur, pour plusieurs raisons et sans doute aussi parce que j'avais déjà fait du travail social, je me suis occupée de poursuites extrêmement délicates du point de vue des victimes. Ainsi, j'ai beaucoup travaillé avec des victimes d'agressions sexuelles. Je suis retournée à Terre-Neuve au moment même où on commençait à se rendre compte qu'il y avait un nombre de plus en plus grand d'enfants victimes d'agressions sexuelles. Je me suis vue chargée de poursuivre les contrevenants.

Dans les deux ans qui ont suivi mon retour à Terre-Neuve, tout cela a fini par mener à la découverte d'agressions graves de la part de membres du clergé. J'ai donc eu à poursuivre plusieurs des membres du clergé accusés d'avoir agressé des enfants. En fin de compte, c'est moi qui ai assumé la poursuite de tous les frères de l'orphelinat de Mount Cashel, qui ont été accusés à la suite du scandale mis à jour en 1988. De 1989 à 1992, c'est moi seule qui me suis occupée de la poursuite de tous les inculpés de Mount Cashel. À la suite de cette affaire, j'ai continué à poursuivre beaucoup de criminels très dangereux, de meurtriers, de responsables d'agressions sexuelles et d'agresseurs de tout genre, notamment dans des cas de violence familiale.

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Comme je l'ai dit, c'est parce que j'avais travaillé dans ce domaine et que je m'inquiétais de la façon dont notre système pénal fonctionnait, que je me suis mise à faire de la formation, de concert avec les autorités policières, les services sociaux et les autorités médicales, de façon à ce que notre système de justice pénale s'occupe mieux des victimes de ces crimes. Mais j'ai surtout travaillé avec les victimes de crimes très violents et très perturbateurs.

M. Gallaway: Merci. Je n'ai plus de questions.

Le président: Merci, monsieur Gallaway.

Monsieur White, vous avez d'autres questions?

M. White: Merci, monsieur le président.

Il me semble que lorsque l'on assiste aux audiences des libérations conditionnelles, on constate que nombre de détenus suivent des cours, habituellement trois ans avant d'être libérés. On a l'impression que c'est vraiment «la chose à faire» pour impressionner la commission des libérations. Que pensez-vous des cours suivis par les détenus? Est-ce productif?

Mme Knox: D'après mon expérience personnelle et à la lumière des contacts que j'ai eus avec les criminels au fil des ans, je répondrais que chaque cas doit être étudié selon ses mérites. Nous savons tous que nombre des détenus sont des mystificateurs d'expérience et ils savent bien jouer le jeu. Il est vrai que certains ne suivent des cours que pour impressionner les commissaires et parce qu'ils croient que c'est une façon facile d'être libérés de façon anticipée.

Au risque d'avoir l'air très sûre de moi, je dirai que je ne me laisse pas facilement leurrer. Cela fait belle lurette qu'on ne m'a pas trompée, et je pense que je peux faire profiter la commission de mon expérience du comportement humain acquise au fil des ans.

M. White: Heureux de l'entendre.

J'ai aussi entendu parler du cas d'un type qui devait être libéré par la commission des libérations conditionnelles sous surveillance obligatoire. Or, cet individu avait déjà été condamné 39 fois depuis 1975. J'imagine que la commission ne se faisait aucune illusion sur ce qui allait se passer, après sa libération. Que pensez-vous de ces récidivistes? Devraient-ils être incarcérés à vie, s'ils ne sont pas aptes à la réadaptation? Que faites-vous dans un cas comme cela?

Mme Knox: Il est difficile de répondre simplement à une question aussi vaste. Chaque cas doit être évalué selon ses mérites: Je crois en effet que certains individus devraient être détenus à vie, car le risque qu'ils récidivent est trop élevé. Mais on aurait tort d'établir une politique selon laquelle quiconque en est rendu à ce point devra être incarcéré à vie. Il faut laisser une certaine place au jugement et à la discrétion. On peut parfois juger à raison que certains de ces individus pourront être réintégrés dans la société.

Comme je l'ai dit plus tôt, prédire le comportement humain est une science très inexacte. Chaque être humain peut évoluer. Beaucoup de détenus ne changeront pas, mais notre système carcéral a les outils voulus pour nous permettre d'évaluer dans une certaine mesure le potentiel d'évolution et reconnaître que, dans certains cas, il y a eu évolution positive et que l'on peut donc réintégrer un détenu dans la société en faisant courir à cette dernière relativement peu de risques.

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M. White: On vous a interrogé sur les déclarations des victimes. Que pensez-vous des déclarations verbales plutôt qu'écrites que l'on pourrait demander aux victimes lors des audiences de libération conditionnelle?

Mme Knox: Je n'en connais pas suffisamment les incidences pour pouvoir en parler du point de vue de la gestion et de la politique. J'ai souvent utilisé les déclarations verbales de victimes dans le cadre de procès, mais c'était dans certains contextes qui rendaient cette solution intéressante. Lors d'audiences de libération conditionnelle - vous avez dit vous-même avoir assisté à plusieurs audiences de ce genre - cela pourrait donner, dans certains cas, d'excellents résultats, mais, dans certains autres cas, je verrais mal que l'on puisse exiger de la victime qu'elle fasse une déclaration verbale, tout simplement parce que, pour l'instant, le milieu pénal n'est pas encore suffisamment à l'écoute des victimes.

Au risque, encore une fois, d'avoir l'air de me défiler, je dirai que je tiendrai pour les victimes le même raisonnement que celui que j'ai tenu pour les contrevenants: dans une certaine mesure, cela dépend de la capacité de le faire de chaque victime.

M. White: Il y a six ou sept mois, j'ai assisté à une session appelée «Dialogue au pénitencier», qui se tenait à l'un de nos pénitenciers de sécurité moyenne. Les détenus avaient encouragé de façon très convaincante les membres de la commission des libérations conditionnelles, le personnel de la prison, des politiciens et d'autres gens, à légaliser la marijuana. D'après ce qu'ils disaient, il semblerait qu'un bon nombre de détenus seraient libérés si sa consommation devenait légale. Il semble que ces gens ne prennent de mauvaises habitudes qu'une fois qu'ils arrivent en prison.

J'en ai discuté longuement avec la commission des libérations conditionnelles. Si on légalisait la marijuana, pensez-vous que le fait que quelqu'un en fume en prison pourrait avoir une incidence sur la décision des commissaires de le libérer ou pas? Qu'en pensez-vous?

Mme Knox: Je ne suis pas sûre de bien comprendre. Si un détenu fume de la marijuana, vous me demandez si, d'après moi, il devrait être libéré ou pas?

M. White: Si on légalisait sa consommation, le fait qu'un détenu en fume pourrait influer plus que d'autres facteurs sur la décision que pourraient prendre les commissaires de le libérer?

Mme Knox: C'est un peu comme si vous me demandiez si je suis au courant que tel détenu boit de la bière de fabrication artisanale en prison.

M. White: Cela se fait.

Mme Knox: Je le sais bien. Je vous l'ai dit. Je ne me laisse pas facilement berner.

La question est trop vague pour que je puisse répondre.

M. White: Bien, j'accepte.

Le président: Monsieur Knutson.

M. Knutson (Elgin - Norfolk): Dans le cas de crimes sexuels, comme une agression sexuelle, par exemple, pensez-vous qu'il est plus difficile de réformer le criminel que s'il avait commis d'autres crimes, même s'il n'a pas été très violent?

Mme Knox: Je considère que toutes les agressions sexuelles sont violentes. Qu'elles aient été perpétrées ou non avec violence physique. Les agressions sexuelles sont en soi un acte violent. Le degré de perturbation peut varier, mais il y a toujours violence.

Nous savons que nombre d'auteurs de crimes sexuels ont certaines caractéristiques particulières qui exigent qu'ils suivent des traitements et une thérapie très poussés. Mais cela dépend dans une certaine mesure du type de crime commis, du genre de victime choisie, s'il y a récidive ou pas, de la perception qu'ils peuvent avoir de la dysfonction qui cause ce comportement sexuel agressif et de l'intérêt que cela peut susciter chez eux. Vous avez peut-être l'impression d'entendre un travailleur social, mais je reviens encore une fois à ma philosophie de base: tout dépend de l'individu. Ce serait une erreur de jugement de croire que l'on peut arbitrairement regrouper sous une même politique un groupe donné d'individus.

M. Knutson: Mais si nous acceptons que ces gens-là ont en général besoin d'un traitement ou d'une thérapie, par rapport à ceux qui, ayant commis un crime, ont simplement besoin de vieillir un peu, croyez-vous vraiment que notre système leur fournit ce traitement ou cette thérapie?

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Mme Knox: Dans certains cas, le système peut effectivement fournir traitement et thérapie. Toutefois, lorsque c'est fourni dans le système carcéral, c'est nettement insuffisant et il est toujours nécessaire d'assurer un suivi à l'extérieur de l'établissement. Malheureusement, la tendance à commettre des agressions sexuelles ne peut être guérie par une session de traitements ou de thérapies ponctuels. Pour beaucoup d'individus, il s'agit là d'un problème de toute une vie, qui nécessitera, pour éviter la récidive, intervention et soutien jusqu'à la fin de leurs jours.

M. Knutson: Le fait-on, d'une façon générale? Offre-t-on traitement et soutien jusqu'à la fin de leurs jours à ceux que l'on libère à la fin de leur sentence ou de façon conditionnelle?

Mme Knox: Je ne peux évidemment pas exiger de ceux qui ont commis des crimes sexuels qu'ils suivent jusqu'à la fin de leurs jours des traitements. Mais tous ceux dont j'ai eu les dossiers entre les mains ont été obligés de suivre des traitements pour pouvoir obtenir leur libération. J'hésiterais sérieusement à libérer quelqu'un qui aurait refusé de suivre un programme de traitements au complet avant sa libération, et j'irais même jusqu'à dire que je la lui refuserait.

Le président: Madame Knox, nous vous remercions chaleureusement d'avoir comparu. Non seulement vous avez soutenu l'intérêt des membres du comité, mais vous avez réussi à nous informer sur le rôle des libérations conditionnelles. Nous vous en remercions.

Mme Knox: Merci.

Le président: Nous levons la séance pour une quinzaine de minutes de façon à ce que l'on puisse faire les branchements nécessaires pour entendre le prochain témoin par téléconférence.

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Le président: Reprenons la séance, car nous sommes suffisamment nombreux.

Nous continuons à examiner les nominations des membres de la commission nationale des libérations conditionnelles et nous recevons maintenant Robert Heinrichs, de Swift Current, nommé dans la région des Prairies.

Monsieur Heinrichs, nous demanderons ce matin aux députés réformistes de vous poser des questions pendant 10 minutes, après quoi nous accorderons autant de temps aux députés ministériels. Si les membres du comité ont beaucoup de questions à vous poser, nous vous garderons 45 minutes. Mais nous pourrons terminer avant, s'il n'y a plus de questions.

Je donne donc 10 minutes au Parti réformiste. Monsieur White, vous avez la parole.

M. White: Bonjour, monsieur Heinrichs.

M. Robert R. Heinrichs (commission nationale des libérations conditionnelles, région des Prairies): Bonjour, monsieur White.

M. White: Un instant, je vous prie.

Le président: Il n'y a pas de déclaration.

M. White: Non?

Le président: Lors de l'examen des nominations, nous passons en général directement aux questions, car nous n'avons que 45 minutes.

M. White: Monsieur Heinrichs, vous savez sans doute que les commissions des libérations conditionnelles prennent parfois de bonnes mais aussi parfois de mauvaises décisions.

J'aborderai d'abord a la reddition de comptes. Lorsqu'un criminel est libéré et récidive en commettant un crime du genre de celui pour lequel il a été incarcéré une première fois, qu'attendez-vous de la part des membres de la commission des libérations conditionnelles?

M. Heinrichs: Je suppose que les commissaires sont directement responsables de la décision qui a entraîné une libération qui s'est avérée prématurée. C'est d'abord le président puis le vice-président de la commission des libérations conditionnelles qui doivent rendre des comptes. J'imagine qu'il faudrait faire une enquête à l'interne, au cours de laquelle le président serait appelé à justifier sa décision.

Mais comme il s'agit aussi de questions importantes, de questions de vie et de mort, j'imagine que l'on devrait s'attendre à ce que la commission rende publiquement des comptes. Cette imputabilité publique se fait d'elle-même dans la presse, puisque l'on parlerait dans les médias de la libération du détenu et de sa récidive en demandant aux membres de la commission de justifier leur décision.

Si les membres peuvent la justifier en montrant qu'ils ont utilisé les critères requis, ils peuvent alors être exonérés de toute responsabilité. Toutefois, si leur décision est indéfendable et qu'ils ne peuvent établir qu'ils se sont servis des critères que la loi leur impose, ils sont alors à blâmer. Je suppose que si cela devait arriver à un membre à temps partiel comme moi, on aurait recours moins souvent - voire jamais - à mes services.

M. White: Pensez-vous qu'il conviendrait de suspendre ou de réprimander les membres de la commission?

M. Heinrichs: Si le problème persiste, sans doute.

C'est comme dans n'importe quel autre emploi. Si je ne remplis pas bien mes fonctions comme avocat à Swift Current, ou si mon personnel et mes associés ne remplissent pas bien leurs fonctions, vous allez d'abord me signaler quels sont les cas où j'ai fait une erreur et quelles sont les étapes que je devrais suivre pour corriger le problème. Si c'est un problème qui se corrige dans les trois ou six mois, parfait. Si cela ne se corrige pas dans les trois ou six mois et que le problème persiste, cela signifie qu'il y a un problème encore plus grave; or, s'il est impossible de corriger la situation, il faut alors se demander si la personne en question est dans le domaine qui lui convient.

C'est de cette façon que je perçois mon travail actuel, et j'estime que c'est la même chose pour mes fonctions de membre de la commission.

M. White: Monsieur Heinrichs, a-t-on communiqué avec vous pour vous inciter à vous présenter ou avez-vous décidé de présenter votre demande de votre propre chef?

M. Heinrichs: J'ai suivi la procédure habituelle. J'ai vu un avis publié dans la Gazette, j'ai envoyé mon curriculum vitae et une lettre d'accompagnement au bureau de la commission à Ottawa; j'ai d'abord reçu un accusé de réception, puis on a communiqué avec moi pour me proposer une entrevue. Voilà comment cela s'est passé.

M. White: Lesquels de vos antécédents professionnels vous font sentir le plus apte à occuper ce poste?

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M. Heinrichs: C'est une combinaison de mes antécédents. Je crois que les membres du comité ont reçu mon curriculum vitae. Ils remarqueront que j'ai occupé plusieurs emplois dans différents secteurs du système de justice pénale, depuis que j'ai commencé, assez jeune, à travailler.

Lorsque je suivais des cours en vue d'avoir un diplôme en psychologie, j'ai occupé un emploi d'été à titre de gendarme. C'est ainsi que j'ai été initié à la justice pénale, lorsque j'ai occupé un emploi d'été à la police de Saskatoon, c'est-à-dire à la porte d'entrée de la justice pénale.

À mon retour à l'université, j'ai occupé pendant l'été le poste de gardien à plein temps dans un centre psychiatrique régional de Saskatoon, qui était à la fois hôpital psychiatrique et prison à sécurité maximale. J'avais été formé à Edmonton pour occuper ce poste. J'ai donc occupé ce poste pendant un ou deux ans, ce qui m'a aidé à m'acclimater à la vie dans une prison. La vie dans une prison n'a rien à voir avec notre vie de tous les jours, et cette expérience était nouvelle pour moi qui venait d'un milieu tout à fait moyen et normal.

Ces deux années passées comme gardien d'un pénitencier m'ont été des plus utiles.

J'ai ensuite étudié à la faculté de droit, puis fait mon stage au ministère fédéral de la Justice, à titre de procureur et d'avocat de la défense. Toutes les années que j'ai passé comme avocat dans le privé m'ont appris à prendre des décisions. Mes antécédents comme avocat m'aident à prendre des décisions. De plus, c'est comme gardien de pénitencier que je me suis familiarisé avec ce milieu si différent que sont les prisons.

M. White: Monsieur Heinrichs, que dites-vous de la présence de victimes au sein des commissions de libération conditionnelle? Est-ce la bonne chose à faire?

M. Heinrichs: Vous parlez des victimes qui sont membres de la commission ou des victimes qui assistent aux audiences?

M. White: Qui sont membres de la commission.

M. Heinrichs: Je suppose que cela convient dans la mesure où les victimes sont nommées membres non pas parce qu'elles ont été victimes mais parce qu'elles ont toutes les qualités voulues pour pouvoir prendre les bonnes décisions.

M. White: Que pensez-vous de la libération d'office?

M. Heinrichs: Elle joue un rôle important. Pour avoir travaillé comme gardien - et je crois que tous les autres gardiens que j'ai connus seraient d'accord avec moi - je dirais que la mise en liberté sous condition et, en bout de piste, la libération d'office si le détenu n'a pas encore eu droit à une mise en liberté sous condition, est importante, en ce sens qu'elle donne au détenu un but et qu'elle protège la société. Mais si le détenu ne suit aucun programme de formation ni aucun cours et qu'il est libéré à l'expiration du mandat, je crois que cette libération n'est pas dans l'intérêt de la société et ne la protège pas.

Par ailleurs, si le détenu a suivi des cours de formation avant la date de sa libération d'office mais qu'il présente un danger potentiel pour la société, la loi permet néanmoins de le maintenir en prison, ce qui est bon.

Mais je répète qu'il est bon que le détenu ait un but et puisse espérer être libéré.

M. White: Nombreux sont les détenus qui suivent des cours avant leur libération conditionnelle. On remarque qu'ils le font d'habitude deux à trois ans avant d'être admissibles à la libération conditionnelle. À mon avis, ils ne le font que pour impressionner la commission. Pensez-vous que tous ces cours présentent un intérêt quelconque? Les cours permettent-ils vraiment aux détenus de se réadapter? Pouvez-vous me dire en gros ce que vous pensez des cours suivis en prison?

M. Heinrichs: Ils sont utiles si la personne qui les suit le fait dans le but de régler ses problèmes. Par exemple, c'est utile dans le cas d'un délinquant sexuel qui suit un traitement, non pas pour impressionner la commission et essayer d'obtenir une libération conditionnelle, mais parce qu'il ne comprend pas la raison de son état et qu'il souhaite y remédier.

C'est là qu'un jugement doit être porté, et c'est là que les documents que nous envoie le Service correctionnel du Canada nous sont particulièrement utiles quand nous préparons les audiences. En effet, l'équipe de gestion des cas qui travaille avec les détenus dans les prisons est la mieux placée pour déterminer si l'intéressé est vraiment sincère ou s'il veut seulement profiter du système, s'il essaie d'obtenir de bons points pour se faire libérer.

M. White: Que pensez-vous de l'idée d'avoir des déclarations de la victime orales et non plus écrites? Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle, mais seriez-vous d'accord?

M. Heinrichs: Non.

M. White: Pourquoi?

M. Heinrichs: Je ne sais pas. Je n'y ai pas vraiment réfléchi. J'imagine que les déclarations écrites sont préférables car les gens ont beaucoup de mal à exprimer leurs sentiments ou leurs pensées? C'est beaucoup plus facile de mettre cela par écrit quand on a le temps d'y réfléchir, quand on le fait d'avance. Je n'ai jamais vraiment pensé à cette question.

Vous voulez dire des déclarations orales pendant les audiences où on envisage la libération conditionnelle d'un détenu?

M. White: Exactement.

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M. Heinrichs: Je n'y ai jamais vraiment réfléchi. Si c'était dans la loi, si c'était autorisé, évidemment, je l'accepterais. Cela dit, je ne vois pas quel avantage cela pourrait présenter pour la victime.

Les victimes assistent à ces audiences. Je les ai vues moi-même à de nombreuses audiences. Elles sont assises dans le fond, et mon expérience dans ce domaine est limitée, mais j'ai toujours eu l'impression qu'elles n'avaient pas particulièrement envie de confronter oralement la personne qui leur a fait du tort.

Je ne sais pas si ce serait utile, mais si c'était dans la loi, il est certain que je l'accepterais.

M. White: D'accord. Monsieur Heinrichs, j'ai assisté récemment à une audience de libération conditionnelle pour un détenu qui avait été condamné 39 fois depuis 1975. On considérait sa libération.

Dans ce type de situation, lorsqu'il s'agit d'un récidiviste, comment les membres de la commission raisonnent-ils quand ils libèrent ces gens-là? Pensez-vous qu'il devrait y avoir d'autres options que la libération obligatoire?

M. Heinrichs: Vous voulez parler des gens qui atteignent la date de leur libération d'office. Il ne s'agit pas d'une libération conditionnelle totale, ni même d'une semi-liberté, mais bien d'une libération d'office.

Le président: Effectivement, oui.

M. Heinrichs: Quelque chose comme ça.

C'est une forme de libération qu'on avait jadis, qui est comparable à la libération conditionnelle totale ou à la semi-liberté, quelque chose de ce genre; les membres de la commission qui prennent la décision de libérer un détenu étudient son dossier extrêmement attentivement pour déterminer s'il a déjà bénéficié d'une libération conditionnelle. Et dans ce cas, quel en a été le type? Cette libération était-elle assortie de conditions sévères? Dans quelles mesures les a-t-il respectées? Est-ce qu'il est allé jusqu'au bout de cette libération, ou bien a-t-il été réemprisonné après avoir récidivé?

Lorsqu'il s'agit d'une audience relative à la détention, c'est-à-dire que la commission a le pouvoir de le réemprisonner, là encore, la loi prévoit une liste de critères. Si le détenu répond à ces critères, il n'est pas libéré.

L'élément majeur est toujours la protection de la société. La fonction de la commission des libérations conditionnelles est de libérer. La loi est très claire sur ce point. Le principal facteur de la décision que le Commissaire doit prendre, c'est la protection de la société. Est-il possible de réintégrer dans la société une personne comme celle dont vous venez de parler, une personne qui a une longue liste de condamnations, est-ce que c'est possible tout en protégeant la société? Si cela n'est pas clair, je pense qu'il vaut mieux se montrer prudent.

Mme Torsney: Un autre témoin nous a dit qu'il était très utile d'imposer des conditions pour les libérations, par exemple certains types de formation. Pensez-vous qu'il devrait y avoir un système, en particulier pour les gens condamnés pour agression sexuelle, un système qui permette de les suivre toute leur vie, ou pendant un certain temps, puis de les réévaluer après qu'ils ont suivi des cours, suivi une thérapie ou des séances de gestion du comportement? Cela permettrait de s'assurer qu'ils ne récidiveront pas et ne porteront plus ainsi atteinte à la sécurité de la communauté.

M. Heinrichs: Cela existe déjà d'une certaine façon puisque lorsqu'un délinquant sexuel se présente à une audience de libération conditionnelle, il a très peu de chances d'être libéré si on voit dans son dossier qu'il n'a subi aucun traitement.

Supposons qu'il suive certains programmes et qu'il en soit encore au tout début de sa sentence. S'il semble tirer profit de ces programmes, la commission des libérations conditionnelles peut décider de lui accorder une semi-liberté, mais sans privilège de nuit. Il sera forcé de rentrer tous les soirs. Toujours à condition qu'il suive tel et tel programme.

Les membres de la commission peuvent imposer des contrôles extrêmement sévères avant l'expiration du mandat.

Mme Torsney: Monsieur Heinrichs, c'est justement ce à quoi je faisais allusion. Ce n'est pas tellement pendant la période où ils sont autorisés à solliciter une libération quelconque, mais après cette période.

De cette façon, même après sa libération, on pourrait décider que Jean ne pourra pas se débrouiller s'il n'est pas inscrit à un programme et forcé de pointer une fois par semaine ou une fois par mois, par exemple, et ce, jusqu'à la fin de sa vie, ou jusqu'à une date future, dans cinq ans par exemple, où on décide qu'il est devenu productif, qu'il ne constitue plus un risque pour la communauté.

À votre avis, un tel système mérite-t-il d'être envisagé, ou doit-on imposer ce genre de conditions pour certaines libérations?

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M. Heinrichs: Je ne peux pas vous répondre pour l'instant car je suis forcé de suivre les directives qui régissent actuellement la commission. Si le juge qui a imposé la sentence a décidé qu'elle expirera dans six ans et que la date d'expiration du mandat est telle date, nous n'avons rien d'autre à dire. C'est à vous, les législateurs, de changer les choses. Si les choses devaient changer dans ce sens, les commissions seraient tenues de se conformer à la législation en place.

Je ne pense pas pouvoir commenter, je ne me sens pas qualifié pour le faire.

Mme Torsney: D'accord. Je vois que votre curriculum vitae est assez remarquable. Vous avez de l'expérience dans de nombreux domaines, et en votre qualité d'avocat de la défense et de procureur, vous avez dû avoir de nombreux contacts avec les victimes. Est-ce que vous avez pris connaissance de la position de certains groupes de victimes qui essaient d'éliminer la violence, comme le groupe CAVEAT (Canadiens contre la violence partout recommandant sa révocation)? Savez-vous ce que ces groupes pensent en ce qui concerne la protection de la communauté? Vous êtes-vous intéressé à cet à aspect-là? Cela ne m'a pas semblé évident.

M. Heinrichs: Je n'ai pas eu de contact particulier hormis la formation que j'ai reçue depuis que j'ai été nommé à la commission des libérations conditionnelles.

Mme Torsney: D'accord.

M. Heinrichs: Je n'ai pas eu de contact direct de ce genre.

Cela dit, le programme de formation qu'on suit lorsqu'on est nommé à la commission est excellent. Apparemment, c'est quelque chose de nouveau et nous sommes parmi les premiers à avoir suivi ce programme. En fait, le suivi est excellent également. Une autre session doit avoir lieu à la fin de ce mois, il s'agit d'un atelier de formation. Je crois que ce sujet-là en fait partie. Donc ce n'est pas un domaine dont j'ai une expérience considérable, mais c'est une expérience que je suis en train d'acquérir.

Mme Torsney: En tout cas, les publications qu'ils vous envoient quand vous êtes sur leur liste d'abonnés sont excellentes. Je suis heureuse qu'on ait amélioré le système et qu'on y ait introduit des normes qui permettent de mesurer exactement les capacités. Lorsqu'un problème surgit, que des décisions s'imposent, lorsqu'il y a de la paperasserie, un mécanisme existe qui permet de peser le pour et le contre, d'éviter les mauvaises décisions et, par voie de conséquence, de préserver la sécurité de la communauté.

Quand nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons dû rectifier certaines erreurs faites par le passé. La nouvelle loi a beaucoup amélioré cette situation et a rendu le système plus objectif.

D'autre part, lorsqu'un accident se produit, la personne qui a pris la décision n'avait pas forcément tort. Nous devons mettre en place un système qui évalue les gens sur la base des décisions qu'ils prennent. Nous sommes donc très satisfaits de l'exercice auquel nous nous livrons actuellement.

M. Heinrichs: Je suis d'accord. En fait, le Programme d'évaluation du risque est un élément important de la formation que nous avons suivi. C'est un programme spécialisé qui existe aujourd'hui et qui remonte seulement à novembre 1994, approximativement.

C'est donc relativement nouveau, c'est un excellent programme que l'on suit, quel que soit le poste auquel on est nommé à la commission. On peut avoir une excellente formation sur le plan de la prise de décisions, mais pas forcément sur le plan de l'évaluation du risque. C'est un aspect différent de la prise de décisions. C'est un excellent cours qui constitue une énorme amélioration par rapport à ce qui existait auparavant.

Ce genre de chose est toujours subjectif, mais probablement pas autant que le public ne le croit. Dans chaque cas particulier, on se laisse guider par une liste de critères objectifs. Pour finir, on fait le point de ces facteurs et on décide... Ces résultats sont bons pour ces facteurs-ci, mais pas pour ceux-là, et par conséquent... C'est une base plus solide pour asseoir la décision, et c'est donc excellent.

Mme Torsney: Je vous souhaite bonne chance dans votre poste. Souvenez-vous seulement qu'au Canada les gens se déplacent facilement et que la sécurité de toutes nos communautés repose entre vos mains.

M. Heinrichs: Merci.

Le président: Monsieur Ramsay.

M. Ramsay (Crowfoot): Merci, monsieur le président. Bonjour monsieur Heinrichs. Comment vont les choses en Saskatchewan?

M. Heinrichs: Bonjour monsieur Ramsay. Nous sommes en plein milieu d'une tempête de neige de deux jours dans les Prairies. Il fait froid et venteux.

M. Ramsay: Pour commencer, je tiens à vous signaler que ma mère vit à Saskatoon et que vous devez bien protéger la province.

M. Heinrichs: Nous n'y manquerons pas.

M. Ramsay: J'ai demandé à notre excellent président de faire de même car il vit plus près de Saskatoon que vous.

J'aimerais vous poser cette question: qu'est-ce que vous faites actuellement? Quelle est votre profession?

M. Heinrichs: Je suis avocat.

M. Ramsay: Vous avez une pratique générale?

M. Heinrichs: Oui, une pratique générale. Comme presque tout le monde à Swift Current. C'est une petite communauté, et je fais partie d'une firme qui regroupe le plus souvent de quatre à six avocats. Nous avons également des succursales dans la région, c'est de la pratique générale.

.1045

M. Ramsay: Est-ce que vous allez conserver vos activités actuelles maintenant que vous avez été nommé à ce nouveau poste?

M. Heinrichs: Oui. Quand on m'a nommé à ce poste à temps partiel, on m'a dit que cela exigerait une séance, ou plutôt une semaine par mois y compris le temps de documentation. On nous donne une assez longue période de documentation avant chaque audience. J'imagine donc que cela exigera environ une semaine par mois.

Cela dit, la législation pourrait changer, et c'est peut-être déjà en cours. Le projet de loi C-45 va bientôt sortir, et il est possible que les membres de la commission deviennent des membres à temps plein. Si c'était le cas, je ne sais pas, peut-être qu'on ne ferait plus autant appel à des membres à temps partiel.

M. Ramsay: Est-ce que vous ne craignez pas que des conflits d'intérêts surgissent?

M. Heinrichs: Non. C'est une question que j'ai posée pendant la première semaine de formation. J'ai demandé ce qui se produirait si j'avais l'occasion de prendre connaissance d'une affaire - sans forcément défendre l'intéressé, mais par exemple si je connaissais son avocat, si c'était un membre de ma firme, ou encore si c'était une affaire dont l'origine se situe à Swift Current.

On m'a répondu, ce qui m'a paru suffisant, que si cela risquait d'être un problème, après avoir pris connaissance de l'affaire, je pourrais toujours prévenir le bureau de Saskatoon que je préfère ne pas prendre de décision dans ce cas particulier, que je connais d'avance. Bref, il me suffit de déclarer que je suis dans l'incapacité d'entendre cette cause.

M. Ramsay: Merci.

J'aimerais savoir comment vous envisagez vos fonctions et ce que vous pensez du système des libérations conditionnelles.

J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'article 745 du Code criminel. Il y a à l'heure actuelle un projet de loi d'initiative parlementaire qui fait son chemin dans le processus législatif - en fait, notre comité en est maintenant saisi. Il abrogerait l'article 745 du Code criminel. Qu'en pensez-vous? Pensez-vous qu'il faut éliminer cette disposition ou préféreriez-vous la conserver?

M. Heinrichs: J'aimerais probablement mieux qu'elle reste. Pour le moment, je crois savoir que c'est cette disposition qui permet à un jury de décider si une personne qui a purgé 15 ans de sa peine peut ou non être admissible à la libération conditionnelle. Si sa décision est négative, alors c'est fini. S'il juge qu'elle est admissible, alors on examine son dossier en vue de la libération conditionnelle, mais celle-ci ne lui est pas automatiquement accordée. Je crois qu'il existe déjà un bon système de freins et de contrepoids.

M. Ramsay: Ainsi, pour un meurtre au premier degré, vous ne pensez pas qu'une peine à vie cela veut dire à vie avec un minimum de 25 ans à purger.

M. Heinrichs: Je pense qu'il est important de donner au détenu un raison d'espérer et pas seulement pour son propre bien-être, mais également pour la protection de la société. S'il sort après 25 ans, il risque d'être tellement habitué à la vie en institution qu'il a peu d'espoir de réussir sa réinsertion. Ce n'est pas vrai dans tous les cas, mais il peut arriver qu'un détenu qui se prépare à une révision judiciaire au bout de 15 ans dans l'espoir d'une libération anticipée soit plus sincère dans ses efforts pour se réadapter afin de pouvoir sortir.

M. Ramsay: Croyez-vous que 15 ans soit une peine suffisante pour quiconque ôte délibérément la vie à un innocent?

M. Heinrichs: Je pense que c'est ce que dit la loi actuelle. Est-ce que 25 ans c'est une peine suffisante pour quiconque a détruit une vie? Pour la victime, c'est à vie. Sa vie lui a été ôtée. Mais le régime que nous avons au Canada, et qui est celui dans lequel nous vivons et travaillons tous, dit que la peine est de 25 ans avec une réduction possible après 15 ans.

Je ne pense pas que ce délai de 15 ans crée un danger puisqu'il y a des freins et des contrepoids. Parfois la population pense que les détenus sont libérés automatiquement après 15 ans, mais ce n'est pas le cas. Il faut d'abord qu'il y ait une décision des tribunaux et du jury pour que le dossier soit renvoyé à la commission des libérations conditionnelles, qui peut libérer ou ne pas libérer le détenu.

La question de savoir quelle peine est suffisante pour quiconque a détruit une vie est très métaphysique, je pense. Nous devons appliquer les dispositions qui existent, et tant qu'il y aura suffisamment de freins et de contrepoids pour que la protection de la société reste la préoccupation primordiale et le premier facteur que tout le monde prend en considération, je pense que ça ira.

M. Ramsay: Je m'intéresse à l'attitude que vous avez envers votre poste et c'est la raison pour laquelle je pose ces questions. Si vous aviez la possibilité d'apporter n'importe quelle modification au système de la commission des libérations conditionnelles ou aux aspects du système de justice qui touchent aux libérations conditionnelles, est-ce que vous changeriez quelque chose.

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M. Heinrichs: Pour le moment, je ne sais pas. Je ne suis pas sûr que je changerais quelque chose maintenant. Comme j'ai été nommé seulement à la fin du mois d'août et que je viens de suivre le cours de formation - en fait, jusqu'à présent, je n'ai participé qu'à un seul comité - ma priorité naturellement est de remplir la fonction qui m'a été confiée. Il se peut qu'un jour, lorsque j'aurai plus d'expérience dans le domaine, il y ait quelque chose que je voudrais changer, mais pour le moment il ne me vient rien à l'esprit.

M. Ramsay: Croyez-vous que la première priorité du système de justice doit être de protéger la société, la vie et la propriété des membres de la société ou la réadaptation des délinquants?

M. Heinrichs: Eh bien, je pense que pour la commission des libérations conditionnelles la priorité doit être de protéger la société, et c'est la protection de la société qui est la priorité de la loi qui nous régit.

M. Ramsay: Certaines décisions prises par les commissions des libérations conditionnelles dans le passé ont amené certaines personnes à remettre en question l'utilité de tout le système. D'après vous, quel changement faudrait-il apporter pour faire disparaître cette préoccupation?

M. Heinrichs: Il y a quelque chose que j'ai déjà mentionné, je pense, mais sans m'y attarder vraiment, et c'est ce que la commission a fait pour répondre à cette préoccupation. Je pense qu'on n'a pas fait encore beaucoup d'efforts pour en informer la population, qui n'est peut-être donc pas au courant.

Il s'agit de tout le concept de l'évaluation du risque. C'est en fait la mission de la commission des libérations conditionnelles. Il ne s'agit pas de réagir instinctivement en disant: «Savez-vous, je pense que ce type se débrouillera bien à l'extérieur» ou «Vous savez, je ne pense pas qu'il réussira». C'est certainement bien loin d'être une science parfaite, mais je pense que c'est plus scientifique et plus objectif que la population ne le croit généralement.

Je pense que le cours sur l'évaluation des risques, qui a été élaboré et que nous avons suivi, nous a montré le genre de facteurs qu'il faut chercher dans les antécédents de chaque détenu. C'est beaucoup plus détaillé. C'est un bon cours qui aide les membres des commissions des libérations conditionnelles à fonder leur décision non pas sur des impressions ou des réactions instinctives, mais sur des faits qui leur permettent de dire: «Je suis convaincu que cette décision est bien fondée». Cela, c'est une chose.

Cependant, je ne pense que la population sache cela encore. C'est difficile de les informer à ce sujet.

M. Ramsay: Bien sûr, les conséquences d'une erreur commise par la commission des libérations conditionnelles sont énormes. Étant donné votre attitude face au régime des libérations conditionnelles, pensez-vous qu'en tant que membre de la commission, vous aurez plutôt tendance à faire preuve d'une très grande prudence afin de protéger la société plutôt que de pencher en faveur de la libération et peut-être de la réadaptation du délinquant?

M. Heinrichs: Oui, je ferai preuve d'une très grande prudence pour protéger la société. C'est le principe qui me guide toujours lorsque j'examine un dossier. Je pense que le principe directeur qui nous est imposé par la loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, c'est la protection de la société.

Nous avons le pouvoir de libérer un détenu. Nous voulons le libérer et le faire participer au programme le moins sévère possible pour lui, mais seulement à la condition que la société soit protégée.

M. Ramsay: À votre âge, pensez-vous que vous pourriez vous laisser embobiner ou duper par des détenus qui comparaîtront devant vous et qui se seront bien préparés pour ça, pour duper la commission et lui faire croire qu'après avoir suivi tous les cours, ils se sont repentis et qu'ils regrettent ce qu'ils ont fait? Pensez-vous que vous serez capable de déjouer ces détenus qui se seront préparés de façon très délibérée?

M. Heinrichs: Oui, je le crois. Vous avez raison, il y en a qui agissent ainsi délibérément.

Je pense être prêt, surtout en raison des deux ans pendant lesquels j'ai travaillé comme gardien, ce qui ne semble peut-être pas très long, mais lorsque vous y êtes et que vous faites ce travail par équipe, deux ans, ça semble long. Cela m'a permis de m'adapter au monde des prisons, qui est très différent du nôtre. J'ai eu de nombreux rapports personnels avec des détenus.

Peu de temps avant que je quitte cet emploi, on a créé un programme d'agent d'unité résidentielle. Je ne sais pas ce que cela a donné, car j'ai quitté mon poste au SCC pour reprendre mes études de droit. Toutefois, j'ai commencé un programme d'agent d'unité résidentielle qui offrait aux gardiens qui le souhaitaient la possibilité d'obtenir une formation en counselling et de travailler dans les unités avec les détenus plutôt que de travailler dans les camions ou aux grilles d'entrée ou d'être affectés à d'autres postes de ce genre. Cela nous amenait à traiter avec les détenus individuellement. Nous leur parlions plus souvent. Cette expérience a été extrêmement bénéfique, du moins pour moi, puisqu'elle m'a permis de passer plus de temps avec les détenus et de voir comment certains d'entre eux fonctionnent - par exemple qui sont les manipulateurs et lesquels sont sincères - pour essayer de les séparer les uns des autres.

Alors, oui, je pense être prêt pour cette raison.

.1055

Le président: Nous sommes déjà rendus à 11 minutes, monsieur Ramsay.

Monsieur Knutson.

M. Knutson: J'ai une question. Je crois savoir qu'il y a un taux élevé d'Autochtones, particulièrement, dans les pénitenciers des Prairies et je m'interroge sur deux points. Pensez-vous que cela pose un problème particulier à la commission des libérations conditionnelles et, dans l'affirmative, avez-vous reçu une formation ou des renseignements à ce sujet?

M. Heinrichs: Oui, je pense que cela pose un problème particulier à la commission des libérations conditionnelles et il y a de la formation à ce sujet. En fait, je pense que nous aurons un cours de formation à la fin de novembre et qu'il y aura un module qui traitera de ce problème, car les personnes qui ont été nommées ont différents niveaux d'expérience auprès des premières nations dans différents contextes.

Nous avons donc reçu déjà de la formation à cet égard et nous en aurons d'autre prochainement. Il y aura aussi de la formation sur le tas.

Il y a quelque chose de bien que fait maintenant la commission pour les détenus autochtones qui le souhaitent et c'est d'inviter un aîné aux audiences. Ces aînés sont là pour le compte de la commission. Ils ne sont pas là de la part du détenu.

J'ai participé à quelques audiences où il y avait des aînés qui m'ont été très utiles en me fournissant des renseignements généraux qui m'ont aidé puisqu'il y a des différences culturelles très nettes.

M. Knutson: C'est ma seule question. Merci.

Le président: Vous avez pris une minute seulement. Est-ce que vous partagez votre temps avec M. Gallaway?

M. Knutson: D'accord.

Le président: Monsieur Gallaway.

M. Gallaway: Merci, monsieur le président.

Monsieur Heinrichs, quelqu'un a dit ce matin que certaines décisions rendues par certains membres ou comités de la commission des libérations conditionnelles suscitent des préoccupations. Je pense qu'on pourrait en dire autant de certains membres du corps judiciaire. Parfois, pour quelque raison que ce soit, les décisions du corps judiciaire suscitent des préoccupations.

J'aimerais savoir ce que vous pensez... peut-être ce que vous avez appris dans votre cours de formation sur l'évaluation des risques quant à la norme de preuve qui était imposée au demandeur qui doit vous convaincre qu'il peut être réinséré dans la société sans problèmes.

M. Heinrichs: Il n'y a pas de norme de preuve au sens juridique comme l'obligation de convaincre au-delà de tout doute raisonnable dans les poursuites criminelles ou comme la prépondérance de probabilité dans les poursuites civiles. Il n'a pas à respecter une norme de preuve au sens juridique strict.

Mais lorsque nous faisons l'évaluation du risque, il y a un certain nombre de facteurs dont nous tenons compte, lorsque nous examinons ses antécédents, son comportement dans l'établissement, sa réaction à certains programmes. C'est là que les rapports deviennent extrêmement importants - les rapports psychiatriques, les rapports psychologiques, tout ça. Nous examinons tout ça et, pour ma part, j'estime que c'est une norme de preuve très élevée. Elle n'est pas imposée par la loi, mais à mon avis c'est une norme assez élevée.

Comme je ne veux pas être celui qui libère un détenu qui se retrouvera au centre d'un incident sensationnel, je veux être convaincu que cet individu a réglé les problèmes qui l'ont amené à enfreindre la loi au départ. Je pense que c'est une norme de preuve assez rigoureuse.

M. Gallaway: Pour que vous puissiez prendre une décision et évaluer les risques, vous recevez sans doute un certain nombre de rapports et cela m'amène à soulever à mon tour la question du mystificateur. On peut certainement supposer que certaines personnes s'adaptent mieux à la vie en établissement que d'autres. En d'autres mots, elles se comportent mieux dans un cadre institutionnel que les autres détenus.

Que pensez-vous de la valeur relative des rapports préparés à l'intérieur du Service correctionnel comparativement aux autres genres de rapports que vous recevez? Pensez-vous que le Service correctionnel vous fournit peut-être des rapports qui sont sans doute véridiques mais qui n'ont en fait aucun rapport avec le résultat final puisqu'en quelque sorte ils décrivent la façon dont une personne se débrouille dans un cadre institutionnel où il y a beaucoup de pressions?

M. Heinrichs: Je suppose que ça arrive. J'en ai vu qui arrivent et qui nous disent que l'un des principaux facteurs criminogènes qui les pousse à enfreindre la loi ou à récidiver est l'alcool ou la drogue et qu'ils sont plus ou moins désintoxiqués. Bien sûr, qu'il est sobre, puisqu'il vient de passer neuf ans en prison et qu'il est assez difficile de ne pas l'être. Il y a des drogues, mais pas beaucoup. Alors, vous lisez ce rapport et vous vous dites: Très bien, je reconnais ça, mais est-ce qu'il a fait un effort sincère pour régler ce problème pour que nous sachions que lorsqu'il sera à nouveau face à la tentation il ne retombera pas immédiatement dans son cycle criminel?

Les rapports du SCC sont bons. Les gens qui travaillent dans le système me disent qu'ils s'améliorent avec le temps, que leur formation s'améliore, qu'il y a beaucoup plus de partage de l'information entre la CNLC et le SCC et que c'est évidemment dans l'intérêt de tous.

.1100

Les rapports de l'équipe de gestion des cas à l'intérieur du pénitencier sont très utiles parce que ce sont les membres de cette équipe qui travaillent avec ces détenus au jour le jour. Cela étant dit, bien sûr, nous ne prenons pas de décision en nous fondant sur un seul rapport. Nous les lisons tous. S'il y a cinq rapports psychiatriques étalés sur une période de sept ans, nous les lisons tous pour voir s'il y a eu des progrès, ou si le même vieux problème revient sans cesse, ou si un rapport contredit un rapport préparé par quelqu'un d'autre. Nous examinons tout cela et nous soulevons la question pendant l'audience si nous pensons qu'il y a un problème.

M. Gallaway: Dans un poste comme le vôtre, comme dans n'importe quel poste, la personne qui l'occupe a certaines attitudes, croyances et valeurs qui peuvent influencer directement ou indirectement sa façon de juger d'une situation de fait ou d'une décision donnée. Pensez-vous que le genre de formation que reçoivent les membres de la commission nationale des libérations conditionnelles contribue dans une certaine mesure à atténuer ces facteurs subjectifs qui nuisent à la prise de décision? Pensez-vous que cette formation vous donne vraiment un cadre objectif qui vous permet de prendre une décision en vous fondant sur tous les facteurs pertinents à l'évaluation du risque plutôt que sur vos opinions personnelles au sujet des libérations conditionnelles ou de certains types d'infractions?

M. Heinrichs: Je pense que la formation est bonne pour ça. Je pense qu'elle est objective et dans le cours que j'ai suivi, on insistait sur l'importance de l'objectivité. La loi nous dit ce que nous devons examiner et c'est ce que nous examinons lorsque nous prenons une décision.

Maintenant, je ne peux pas parler au nom de tous ceux qui ont été nommés. Pour ma part, j'estime que lorsqu'on pratique le droit, il est important de pouvoir être objectif, d'examiner les deux aspects d'une question et de pouvoir défendre les deux positions. Alors, l'attitude que j'ai en assumant cette fonction est assez objective de toute façon étant donné ma formation d'avocat. Je ne sais pas si c'est vrai pour ceux qui travaillent dans d'autres domaines.

J'ai trouvé qu'à cet égard la formation était bonne et suffisante. Je pense que la seule chose que l'on pourrait améliorer dans la formation c'est... Le cours était vraiment très bon. Mais ce serait bien de faire comme nous faisions à la faculté de droit, où nous avions des procès simulés et des tribunaux-école. Ce serait bien qu'il y ait des audiences simulées. C'est peut-être quelque chose que la commission pourra élaborer lorsqu'elle aura un peu plus de temps. Nous avons pu assister à de nombreuses audiences à titre d'observateurs. Lorsque j'ai commencé à y participer, j'étais évidemment avec un commissaire qui avait plus d'expérience et j'ai donc pu en profiter, mais ce serait bien qu'il y ait quelques mises en situation. J'en ai fait la suggestion et j'espère que c'est quelque chose que la commission pourra faire à l'avenir.

Le président: Merci, monsieur Gallaway.

Monsieur White ou monsieur Ramsay, avez-vous d'autres questions?

M. White: Nous en avons chacun quelques-unes.

Monsieur Heinrichs, vous vous êtes présenté comme candidat libéral aux dernières élections mais sans succès. Est-ce que cette expérience vous sera d'une utilité quelconque dans votre poste de membre de la commission des libérations conditionnelles?

M. Heinrichs: Non, je ne pense pas. Ça été une bonne expérience. Comme vous le savez tous, se porter candidat à des élections est une bonne expérience de la vie. L'expérience est meilleure lorsque l'on gagne, mais je ne pense pas qu'elle ait la moindre utilité dans l'emploi que j'occupe maintenant.

M. White: Je vérifiais simplement.

Monsieur Heinrichs, croyez-vous que tous les délinquants peuvent se réadapter?

M. Heinrichs: Non, je ne pense pas. Je pense que la loi sur les délinquants dangereux est bonne parce qu'elle exclut du système ceux qui ne pourront probablement jamais se réadapter. Je pense qu'il y en a pour qui ce n'est pas possible.

M. White: Enfin, les détenus ont le droit d'être accompagnés de leur avocat lors des audiences des libérations conditionnelles. De nombreux détenus choisissent de pas se faire accompagner. À votre avis, est-il plus utile que l'avocat soit présent ou que le détenu défende lui-même sa propre cause?

M. Heinrichs: J'ai assisté à des audiences où il y avait un avocat et à d'autres où il n'y en avait pas, mais même lorsque l'avocat est présent, nous voulons que ce soit le détenu lui-même qui défende sa cause. Nous lui posons des questions et nous voulons qu'il réponde; l'avocat a la possibilité de s'adresser aux membres du comité par la suite. C'est utile. J'ai participé à des audiences où l'avocat fait ressortir des éléments tout à fait pertinents, mais il est important surtout de parler aux détenus eux-mêmes.

J'aime la façon dont les entrevues sont structurées à l'heure actuelle. Il s'agit d'entrevues plutôt que d'audiences, car il n'y a pas des tas de règles et de procédures comme dans un tribunal. En fait, il n'y en a pas du tout. C'est une entrevue avec le délinquant qui doit répondre directement à nos questions. C'est parfois très révélateur. Alors j'aime bien la structure actuelle, où l'avocat s'adresse aux commissaires après l'entrevue.

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Le président: Monsieur Ramsay.

M. Ramsay: Monsieur Heinrichs, sur une note plus légère - et je ne devrais vraiment pas poser cette question mais je ne résiste pas à la tentation - vous avez dit tout à l'heure que vous ne risquez pas de vous laisser embobiner ou duper. Eh bien, comment diable vous êtes-vous laissé convaincre d'être candidat aux dernières élections?

M. Heinrichs: Eh bien, c'est peut-être la seule chose utile que j'aurai tirée de cette expérience.

Des voix: Oh, oh!

M. Ramsay: Sur une note plus sérieuse, j'ai juste deux ou trois questions.

Bien sûr, nous n'avons pas la peine de mort dans ce pays et il y a très peu de gens - je pense qu'il n'y a que des agents de la paix - qui ont le pouvoir d'ôter la vie. Lorsque vous libérez un délinquant violent avant la fin de sa peine, cette décision peut très bien entraîner la mort d'une personne innocente, comme l'expérience nous l'a appris. Que pensez-vous de cela? Si vous libérez un délinquant violent et que vous lui permettez de réintégrer la société, votre décision pourrait entraîner la mort d'une personne innocente.

M. Heinrichs: C'est une grave responsabilité. En fait, c'est une bonne question que d'autres personnes ici ont posée lorsqu'elles ont entendu dire que j'avais été nommé et que j'allais m'absenter une semaine ou un mois pour m'acquitter de cette tâche. Elles ont dit: C'est bien, vous avez de l'expérience, mais pourquoi voulez-vous le faire? Pourquoi voulez-vous assumer ce genre de responsabilité? C'est une grave responsabilité.

S'il se produisait un incident sensationnel à cause d'une de mes décisions, je ne sais pas comment je réagirais. Je consacre énormément de temps à me préparer pour chaque dossier. Je prépare chaque dossier très minutieusement, et j'examine tous les documents, je les pèse à la lumière des critères que je suis censé appliquer afin de pouvoir défendre la décision que je prends - car il se peut très bien que l'on me demande de défendre une telle décision. C'est une grave responsabilité.

M. Ramsay: Vous prendrez vos décisions en vous fondant sur les renseignements disponibles. Quel genre de renseignements voudriez-vous avoir pour prendre vos décisions? Et que ferez-vous si vous pensez que vous n'avez pas assez d'information?

M. Heinrichs: Lorsque je prépare un dossier, je procède de façon assez chronologique. Je commence par les documents de la Cour. Je veux connaître les arguments des procureurs de la Couronne lors de l'audience de détermination de la peine. Je veux savoir ce qu'a dit le juge qui a imposé la peine. Ils font parfois des déclarations qui concernent directement la libération conditionnelle. Il est important pour moi de les lire. Je veux prendre connaissance de ces déclarations. Je veux lire les déclarations des victimes, si nous pouvons en obtenir. Elles sont extrêmement importantes car très souvent nous recevons des montagnes de documents, mais il n'y a rien de la part de la victime. C'est la personne que l'on tend à oublier alors que c'est elle qui a été vraiment touchée par le crime. Je veux obtenir ce genre de déclarations et tous les autres documents dès le départ.

Je veux lire les déclarations, lorsqu'elles arrivent, des employés du SCC indiquant quel est le gros problème du détenu, quels sont ses principaux facteurs criminogènes et ce qu'il convient de faire pour régler ces problèmes. Lorsque j'ai ça, je peux alors voir, en lisant le dossier, si on a traité avec succès chacun de ces problèmes. Nous obtenons tous les rapports pour chacun de ces programmes.

Je suis relativement nouveau, mais lorsque je vais dans les établissements pénitentiaires, j'essaie de rencontrer chacun des animateurs de ces différents programmes. Parfois les rapports que nous recevons sont longs et très bons et parfois ils sont moins longs. Je veux pouvoir avoir un rapport qui me permet ensuite d'appeler l'animateur et lui dire: «Après avoir lu ce rapport, je ne suis pas sûr si le détenu a vraiment terminé avec succès ce programme ou non. Je voudrais en savoir un peu plus. Donnez-moi des détails». Je veux sentir que je peux faire ça.

Si j'ai reçu un dossier pour une audience qui doit avoir lieu mercredi prochain et que je l'étudie pendant le week-end et que je constate qu'il ne contient pas assez de renseignements, je vais demander que l'audience soit reportée 30 jours pour que nous puissions obtenir les renseignements nécessaires.

Je ne vois pas comment nous pouvons prendre une décision sans rapport psychologique récent, s'il s'agit d'une affaire mettant en cause un délinquant violent, un délinquant sexuel, ou quelque chose de semblable. Il faut qu'il y ait une évaluation communautaire récente indiquant quels sont les plans de libération du détenu, et comment la collectivité réagit à l'arrivée éventuelle du détenu. Et je veux savoir qui constituent son réseau d'aide. Si je n'ai pas ce genre de renseignements, je ne vois vraiment pas comment je pourrais prendre une décision.

M. Ramsay: J'aimerais enchaîner là-dessus. Lorsque vous évaluez la preuve ou les renseignements, quelle importance accordez-vous aux renseignements qui vous sont fournis par les employés du Service correctionnel qui ont travaillé avec le détenu?

M. Heinrichs: Beaucoup d'importance. Comme je l'ai déjà dit, ces employés travaillent tous les jours avec les détenus. Ces gens voient les détenus tous les jours alors que nous, nous les voyons uniquement pendant l'audience et nous apprenons à les connaître sur papier. J'attache donc beaucoup d'importance à leurs rapports. Cela ne veut pas dire que j'accepte toujours leur recommandation. Il arrive que je ne partage pas leur avis. Mais j'attache beaucoup d'importance aux renseignements que j'obtiens d'eux car c'est eux qui voient le détenu tous les jours.

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M. Ramsay: Avez-vous participé à des audiences jusqu'à présent?

M. Heinrichs: Oui, mais juste une.

M. Ramsay: Êtes-vous sûr que les rapports provenaient directement du personnel du Service correctionnel ou est-ce que certains rapports sont approuvés par la hiérarchie de l'établissement correctionnel avant de vous être envoyés?

M. Heinrichs: Je n'y avais jamais pensé. J'étais persuadé qu'ils venaient directement du personnel. Lorsque vous arrivez à ces audiences, l'employé de l'établissement pénitentiaire est là. On lui demande toujours dès le début s'il y a quelque chose de nouveau ou s'il y a quelque chose qu'il voudrait ajouter ou s'il veut apporter des précisions au rapport. Nous le consultons de nouveau à la fin. Je suppose que s'il y avait quelque chose qu'il n'approuvait pas dans le rapport qu'il a signé, il nous le dirait à l'audience.

M. Ramsay: Les employés du Service correctionnel nous ont souvent dit que leurs rapports se trouvaient entre les mains de leurs supérieurs et que pour cette raison les renseignements dont vous avez besoin et que vous devriez obtenir, ne vous parviennent pas. Qu'êtes-vous disposé à faire pour remédier à cette situation?

M. Heinrichs: La personne du bureau de Saskatoon, dans la région des Prairies, qui est le directeur régional de la préparation des dossiers - il y a un directeur régional dans chaque bureau régional - assure la liaison entre le Service correctionnel et la commission. Je vais lui demander si le problème que vous mentionnez existe réellement. Si c'est le cas, comment allons-nous le régler? C'est à lui de veiller à ce que nous obtenions les renseignements dont nous avons besoin.

M. Ramsay: Que pensez-vous de votre comparution, ce matin, devant le comité?

M. Heinrichs: Je me sens mieux maintenant qu'au début. C'est ma première expérience du genre.

C'est sans doute une bonne chose. Il est temps que les personnes nommées aux commissions rendent des comptes aux élus et leur montrent qu'elles sont compétentes, qu'elles sont capables de prendre des décisions et de faire le travail pour lequel elles ont été nommées. C'est comme pour n'importe quel autre emploi. Ce genre d'entrevue fait partie de la procédure habituelle.

M. Ramsay: Recommanderiez-vous au gouvernement que cette entrevue ait lieu avant l'embauche plutôt qu'après?

M. Heinrichs: Oui, probablement. Le seul problème c'est qu'en tant que députés, vous n'en finiriez plus avec les audiences, car vous devriez rencontrer tous les candidats et pas seulement les personnes qui sont censées être qualifiées pour occuper le poste. Vous n'en finiriez plus.

M. Ramsay: Ce n'est pas ce dont je parle. Je parle de faire comparaître les gens devant le comité une fois que la commission a fait son choix, mais avant qu'on ne procède à la nomination. Nos questions seraient plus utiles parce qu'elles ne seraient pas posées après coup.

M. Heinrichs: Je n'aurais pas vu d'inconvénient à me soumettre à cela.

M. Ramsay: Merci beaucoup et bonne chance.

M. Heinrichs: Merci.

Le président: Monsieur Heinrichs, je voudrais un simple éclaircissement. Si j'ai bien compris, la commission des libérations conditionnelles a pris, par le passé, des décisions qui ont été contestées lorsque des actes criminels ont été commis par des gens qu'elle avait libérés. Il est possible que le Service correctionnel ne lui ait pas communiqué un dossier assez complet.

Voyez-vous un moyen d'être certain d'obtenir les renseignements voulus pour pouvoir prendre la bonne décision? Lorsque la commission libère un détenu, cela peut être sur la foi d'un dossier incomplet ou mal préparé. Je ne dis pas que ce soit le cas, mais cela se produit peut-être. Voyez-vous un moyen de l'éviter afin que le processus décisionnel soit plus rigoureux et que vous puissiez prendre de meilleures décisions?

M. Heinrichs: C'est au commissaire qu'il revient de dire: «Ce dossier ne me paraît pas suffisamment bien préparé. Le dernier rapport des progrès de ce détenu est très superficiel. Je ne prendrai pas de décision avant qu'on y remédie». Et c'est ce qu'ils font.

J'ai dit à quelqu'un qui m'a questionné avant vous que j'ai participé à une audience. En fait, l'audience portait sur environ 16 dossiers. Quatre ou cinq d'entre eux ont été rayés de la liste parce qu'ils n'étaient pas assez bien préparés. Leur étude a été reportée de 30 jours. Nous avons dit aux responsables qu'il manquait des renseignements et qu'ils avaient un mois pour les communiquer à la commission.

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Par conséquent, c'est la première chose que vous devez faire. Le commissaire doit être prêt à dire: «Je ne suis pas prêt à prendre une décision sur ce dossier. Je le laisse de côté pendant 30 jours jusqu'à ce que j'obtienne ce que je veux».

D'autre part, vous avez, à la commission des libérations conditionnelles, des gens qui travaillent à plein temps à la préparation des dossiers parce que les commissaires et surtout ceux qui ne sont qu'à temps partiel ne travaillent qu'un certain nombre de jours par mois. Le personnel à plein temps du bureau régional examine donc les dossiers pour veiller à compléter tout ce qui manque ou qui est trop superficiel. Je dirais que, dans l'ensemble, les choses s'améliorent.

Le président: Merci, monsieur Heinrichs, d'avoir comparu devant le comité aujourd'hui. Nous avons une tempête de neige et il est 11h15 à l'heure de la Saskatchewan. Pourquoi ne pas déjeuner de bonne heure? Merci beaucoup.

M. Heinrichs: Merci, monsieur Bodnar. Je vais le dire à mon patron.

Le président: Nous allons suspendre la séance pendant 15 minutes.

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Le président: Nous reprenons notre audience.

Nous recevons Shirley Lewis d'Edmonton, qui a été nommée à la commission des libérations conditionnelles, elle aussi pour la division régionale des Prairies. Je crois qu'il s'agit également d'une nomination à temps partiel.

Bonjour, madame Lewis.

Mme Shirley A. Lewis (commission nationale des libérations conditionnelles, division régionale des Prairies): Bonjour. Vous avez raison, c'est une nomination à temps partiel.

Le président: Nous commencerons par les questions du Parti réformiste et nous passerons au gouvernement. Chacun disposera de dix minutes. Nous allons commencer par M. White ouM. Ramsay.

Monsieur White, vous avez dix minutes.

M. White: Bonjour, madame Lewis.

Mme Lewis: Bonjour.

M. White: Comme vous le savez, les commissions de libérations conditionnelles de tout le Canada sont connues pour prendre de bonnes décisions, mais aussi, parfois, des décisions que le public juge très mauvaises. Il va sans dire que les compétences, les connaissances et l'attitude des commissaires revêtent énormément d'importance.

Je voudrais vous poser deux ou trois questions au sujet de vos compétences. Mais d'abord, pourriez-vous me dire pourquoi vous avez demandé à siéger à la commission nationale des libérations conditionnelles.

Mme Lewis: Je m'étais dit, il y a des années, que je le ferais sans doute un jour. J'ai à peu près bouclé la boucle étant donné que j'ai commencé à travailler auprès des gens dans la rue et que j'ai fini par enseigner après avoir fait de la recherche. Je me suis dit que c'est sans doute à la commission que mes compétences seraient les plus utiles.

M. White: Pourriez-vous me dire si vous croyez que tous les délinquants peuvent se réadapter?

Mme Lewis: C'est une question de temps pour un grand nombre d'entre eux. J'ai constaté que certains ne pouvaient pas se sortir de la délinquance avant très longtemps.

M. White: Je suppose donc que la réponse est non?

Mme Lewis: Je crois que si. Il y a toujours des exceptions, mais ce sont des exceptions.

M. White: Que pensez-vous des délinquants sexuels? On a beaucoup parlé de leur capacité de réadaptation.

Mme Lewis: Ma propre fille a été victime d'une agression sexuelle. Son agresseur a été condamné à 13 ans de prison et j'ai suivi ce cas. Cela semble bien aller pour lui.

M. White: Voulez-vous dire qu'il s'est réadapté?

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Mme Lewis: Je veux dire qu'il n'a pas récidivé.

M. White: Je voudrais vous poser une question au sujet de la responsabilisation des commissions des libérations conditionnelles. Quand nous apprenons qu'un criminel a été libéré et qu'il a commis à nouveau le même genre de crime, le public se demande comment il peut exiger des comptes des commissions des libérations conditionnelles. Auriez-vous une suggestion à nous faire à cet égard?

Mme Lewis: Selon moi, il faudrait se demander pourquoi il a commis le même genre de crime; cela a déjà été fait.

M. White: Après l'enquête, que devrait-il se passer s'il est démontré qu'une erreur a été commise, par exemple?

Mme Lewis: Tout dépend de la gravité de l'erreur et de sa nature. Si c'est parce que le commissaire disposait de renseignements incomplets, c'est peut-être une situation différente qu'il faudrait examiner.

M. White: Croyez-vous que les commissaires pourraient faire l'objet d'une suspension ou d'une réprimande?

Mme Lewis: Personnellement, je n'y verrais aucun inconvénient.

M. White: Merci. Avant de comparaître devant la commission des libérations conditionnelles, les détenus suivent souvent de nombreux cours pour apprendre à maîtriser leur colère et d'autres cours de ce genre. Selon vous, quelle est l'utilité des cours donnés en prison? Est-ce un des principaux facteurs déterminants pour la libération des détenus? Pourriez-vous nous donner une idée de ce que vous pensez de ces cours?

Mme Lewis: C'est à peu près tout ce dont nous disposons et j'ai constaté que les cours s'étaient nettement améliorés.

J'ai également constaté, en examinant des évaluations faites pour les quelques audiences auxquelles j'ai déjà procédé, que les évaluations étaient mieux orientées vers le risque et c'est le facteur que nous essayons de déterminer.

Je crois donc que les cours se sont améliorés, de même que les rapports d'évaluation.

M. White: Quel est, d'après vous, le principal objectif de la commission des libérations conditionnelles?

Mme Lewis: Il s'agit de protéger le public et cela se fonde sur une évaluation des risques.

M. White: Merci. Je voudrais vous questionner un peu au sujet de vos antécédents. Pourriez-vous indiquer quelles sont les deux choses qui, dans vos antécédents, vous ont le mieux préparée à occuper ce poste?

Mme Lewis: Je ne suis pas certaine de pouvoir en choisir deux, mais je crois que c'est le travail que j'ai fait avec les gens dans la rue, au tribunal, dans les maisons de transition, dans un établissement et de m'être occupée d'eux après leur sortie. Le fait de voir les gens d'un bout à l'autre de la chaîne, dans la rue, au tribunal, en prison et après leur sortie, a été une expérience très précieuse.

M. White: Pensez-vous que vos fonctions à la Société Elizabeth Fry vous ont incitée à être plus indulgente, à pencher pour la libération des détenus ou que cela vous a davantage endurcie?

Mme Lewis: Ni l'un ni l'autre. Comme je l'ai dit, j'ai suivi les gens dans la rue et d'un bout à l'autre du système et j'ai également travaillé comme surveillante de nuit au Centre Grierson où65 hommes sont logés avec seulement deux employés.

Je pense que cela m'a donné une bonne idée de la situation.

M. White: Pour ce qui est de la déclaration de la victime, trouvez-vous équitable que la victime puisse venir faire une déclaration verbale aux audiences de la commission?

Mme Lewis: Je ne sais pas exactement comment cela fonctionne. Mon expérience des audiences est assez limitée. J'ai assisté, à titre d'observatrice, à une audience où une victime a fait une déclaration. Elle avait été agressée par un délinquant sexuel lorsqu'elle était enfant. J'ai trouvé que ce témoignage s'était assez bien déroulé.

.1135

M. White: De nombreux groupes de victimes estiment que les victimes devraient siéger à la commission des libérations conditionnelles. Qu'en pensez-vous?

Mme Lewis: Je ne verrais pas d'objection au fait que ces personnes sont des victimes. Je me considère moi-même comme une victime. Des voleurs sont venus trois fois dans ma maison et je suis donc une victime même si je siège à la commission des libérations conditionnelles.

M. White: Je pourrais sans doute moi-même être considéré comme une victime. J'ai eu quelques démêlées avec des délinquants.

Madame Lewis, j'ai assisté à une audience de la commission des libérations conditionnelles où comparaissait un individu qui avait fait l'objet de 39 condamnations depuis 1975. La commission devait décider de le laisser sortir ou non. Si vous avez à prendre une telle décision, de quel oeil verriez-vous ce genre de récidiviste?

Mme Lewis: Je déterminerais s'il a commencé sa carrière de délinquant lorsqu'il était jeune. Cela m'intéresse beaucoup; j'aimerais beaucoup savoir s'il a commencé ou non à un jeune âge. C'est la première chose.

J'examinerais ensuite le genre de condamnations dont il fait l'objet. Je lis le dossier très attentivement pour voir si certaines accusations ont été retirées et pourquoi. À l'audience d'hier, par exemple, j'ai longuement interrogé les gens pour connaître la raison de ces accusations.

Il faut donc savoir exactement... La durée est importante, mais le genre de délits aussi de même que les catégories dans lesquelles ils se regroupent.

M. White: Ne pensez-vous pas qu'un individu qui compte 39 accusations est un récidiviste incorrigible?

Mme Lewis: Il faudrait que je réexamine son dossier, le genre de peine à laquelle il a été condamné, le rapport du juge, le rapport de police et la déclaration des victimes. Vous avez besoin de tous ces renseignements. Il y a un tas de renseignements qu'il faut rechercher dans le dossier.

M. White: Quand on examine ce genre de dossier, il y a lieu de se demander si la réadaptation est possible après tant d'années de criminalité. Je m'intéresse à votre première réponse quant à savoir si tous les criminels peuvent ou non se réadapter. Si j'ai bien compris, vous pensez qu'à peu près tous peuvent se réadapter, sauf de rares exceptions. Quelles sont ces rares exceptions? Pour quel type de personnes la réadaptation est-elle la plus difficile et comment les repérer?

Mme Lewis: D'après ce que j'ai lu jusqu'ici, ce sont sans doute les pédophiles qui ont le plus de difficulté à se réadapter. Nous devons mettre en place toutes les mesures de contrôle à notre disposition pour les empêcher de recommencer. En tant que membres de la commission des libérations conditionnelles, les seuls moyens à notre disposition sont les dates et les conditions de libération. Ce sont les cas les plus difficiles.

M. White: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

Madame Torsney.

Mme Torsney: Tout d'abord, votre curriculum vitae est très impressionnant, tant en ce qui concerne votre travail auprès des jeunes contrevenants qu'avec les Guides du Canada dont vous avez cherché à faire des adultes épanouies ou dans les autres domaines du travail communautaire. Les cours que vous suivez sur l'entrepreneuriat des femmes et d'autres sujets sont également impressionnants.

Je voudrais savoir une ou deux choses. Le programme de médiation victime-contrevenant d'Edmonton, auquel vous participez, joue-t-il un rôle utile?

Mme Lewis: Nous croyons que oui. Il compte seulement un peu plus d'un an d'existence. J'ai participé à sa mise sur pied et cette initiative m'intéresse beaucoup. Nous avons eu plusieurs médiations qui, selon moi, ont permis de régler des cas que les tribunaux n'auraient pas pu régler. Nous avons également orienté beaucoup de personnes vers des services de counselling et je préfère que le counselling se situe à ce stade-là plutôt qu'à l'autre bout, car c'est beaucoup plus efficace.

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Mme Torsney: J'ai remarqué, dans votre curriculum, que vous aviez beaucoup travaillé auprès des contrevenants du sexe féminin et autochtones. Je me demande si leur situation est différente de celle des contrevenants du sexe masculin. La nature des délits est sans doute différente. En quoi votre expérience vous aide-t-elle à prendre des décisions? Il y a certainement moins de femmes que d'hommes dans les pénitenciers, mais il y en a quand même. Peut-être pourriez-vous nous dire en quoi les choses sont différentes ou semblables selon que les détenus sont autochtones, du sexe féminin ou du sexe masculin. En quoi est-ce différent ou est-ce même différent?

Mme Lewis: Certaines choses sont très semblables. Dans la rue, leur situation est la même, mais les femmes ont des problèmes différents en ce sens que dès qu'elles entrent en prison, l'homme de leur vie disparaît. Dans le cas des hommes, leur femme ou leur compagne reste souvent à les attendre.

Mme Torsney: Ou elles apparaissent quelque part. Je ne comprends pas ce phénomène, mais...

Mme Lewis: C'est ce qui semble se passer, et je ne sais pas vraiment pourquoi. Je ne sais pas du tout ce que les femmes représentent pour les hommes qui vont en prison, mais elles semblent dépendre beaucoup d'eux. Cependant, pour ce qui est des femmes, elles ont généralement la garde de leurs enfants. Cela leur pose un sérieux problème. Souvent, les enfants vont chez les grands-parents. Les femmes pensent toujours à eux, davantage que les hommes, même si j'en ai vu certains qui s'intéressaient aussi beaucoup à leurs enfants. Je me réjouis de voir qu'il y a des jeunes hommes qui se soucient vraiment de leurs enfants.

Pour ce qui est des Autochtones en général, c'est seulement en vivant avec eux que vous pouvez comprendre quel est leur sens de la propriété, du partage, l'importance de leurs racines et de leurs cultures. C'est là quelque chose d'assez nouveau dans le système carcéral et c'est sans doute la tendance la plus prometteuse que nous ayons jamais constatée. Pour ce qui est des Autochtones, les aînés ont de l'influence sur ceux qui sont en prison et ces derniers les respectent. Les aînés jouent un rôle très utile. J'ai assisté, à titre d'observatrice, à quelques audiences où des aînés étaient présents et cela m'a paru très positif.

Mme Torsney: Tout comme la transition peut être difficile lors de l'incarcération, je suppose que les Autochtones ont des problèmes de transition particuliers à leur sortie de prison. Comme vous le dites, la présence des aînés et le fait de pouvoir reprendre contact avec sa spiritualité et ses racines peut être très utile. Y a-t-il d'autres considérations dont vous tenez compte pour faire une évaluation des risques, que cela figure ou non sur le formulaire?

Mme Lewis: Oui, surtout en ce qui concerne les Autochtones. Je m'intéresse beaucoup au soutien que leur apporte leur famille, à la solidité de cet appui et je cherche à établir s'il y a un problème d'alcoolisme ou de toxicomanie dans la famille. C'est très important pour tous les détenus, mais surtout pour les Autochtones, car la famille a beaucoup plus d'importance dans leur vie. D'autre part, si ces personnes retournent dans une réserve rurale, j'examine le genre de surveillance qui existe dans la réserve en ce qui concerne l'alcool ou la drogue. Cela pose souvent un gros problème pour tous les détenus, mais surtout s'ils retournent dans une région rurale. Je tiens compte également du genre de supervision dont ils pourront bénéficier. Dans les villes, vous devez... Je pense qu'un système de libération graduelle est préférable pour tout le monde, mais surtout pour les Autochtones.

Mme Torsney: J'ai également remarqué dans votre curriculum que vous avez participé à la mise en place d'un programme d'estime de soi en quatre phases pour les femmes autochtones des réserves. Cela peut-il vous aider à évaluer les femmes, surtout les Autochtones qui demandent la libération conditionnelle, selon qu'elles auront eu ou non accès à ce genre de programme et qu'elles se retrouveront ou non dans une situation où elles deviendront de nouveau victimes ou risqueront de récidiver?

.1145

J'ai également vu que vous aviez une formation en dynamique de la vie.

Mme Lewis: Oui. Je n'ai pas encore eu de cas de femmes à examiner. Quand je le ferai, je me pencherai sur la façon dont elles ont conservé des liens avec leur culture et ce que cela représente pour elles. D'autre part, comme pour tout le monde, j'examinerai les risques. Quelles sont les mesures en place? Quels sont les liens avec la famille?

Il faut examiner la situation d'ensemble, car l'estime de soi est quelque chose de très important, et je suis vraiment très contente de ces deux nouvelles prisons. Je me suis beaucoup occupée de la promotion des programmes qui vont y être appliqués. Je suis vraiment heureuse, car au cours des années 1970 cet élément était complètement absent. Nous ne comprenions pas que les agressions étaient le plus gros problème. Nous avons maintenant des instruments pour y faire face. Nous avons aussi des programmes extraordinaires pour nous attaquer à ces questions, et c'est quelque chose de très important pour les femmes.

Mme Torsney: Certainement, et je vous félicite d'ailleurs d'être devenue membre honoraire à vie de la Société Elizabeth Fry. C'est une organisation extraordinaire qui fait un travail remarquable pour aider nos collectivités à être plus sûres et plus saines. Bonne chance pour vos décisions.

Comme je le disais à la personne précédente, n'oubliez pas que, même si vous êtes dans les Prairies et que je suis en Ontario, les gens peuvent se déplacer et votre responsabilité s'étend à la collectivité toute entière.

Mme Lewis: C'est très juste. J'espèce que ce sera plus que de la chance. Je compte aussi sur mon cerveau.

Mme Torsney: Bravo.

Mme Lewis: Merci.

Le président: Monsieur Ramsay.

M. Ramsay: Madame Lewis, merci beaucoup d'être venue nous rencontrer ce matin. J'ai été très impressionné par les réponses que vous avez données jusqu'à présent à nos questions. J'irais jusqu'à dire que c'est de ce bon sens que nous avons besoin au niveau des commissions des libérations conditionnelles.

Malheureusement, vous êtes une victime. Votre fille a été une victime, et vous avez subi des conséquences énormes. C'est sans doute elle qui a été le plus gravement lésée, mais vous venez juste après elle. Je vous suis reconnaissant de ce que vous nous avez dit aujourd'hui.

Ce qui m'intéresse, c'est votre attitude face à ce travail, et je crois d'après ce que vous dites que vous avez exactement l'attitude qu'il faut avoir au sein d'une commission des libérations conditionnelles.

Voici ma question. Que pensez-vous de l'article 745 du Code criminel qui permet à des auteurs de meurtres au premier degré de faire appel de leur interdiction de demander une libération conditionnelle après avoir purgé seulement 15 ans de leur peine? Qu'en pensez-vous?

Mme Lewis: J'ai des sentiments mitigés sur cette question. Là encore, je crois que cela dépend des individus et du groupe qui doit se prononcer. Je crois que la qualité des personnes qui prennent cette décision... Peut-être devrait-on leur laisser ce droit. Je pense que dans certains cas, le meurtre au premier degré est quelque chose de tout à fait exceptionnel dans la vie du meurtrier. C'est quelqu'un qui n'a jamais eu de démêlés avec la justice auparavant, mais qui déraille en quelque sorte, un beau jour, et qui commet un crime.

Je ne veux pas minimiser pour autant l'importance du crime, car il demeure grave. Mais je pense que c'est ce genre de personnes que vise la loi, l'individu qui a mené jusque-là une vie exemplaire et qui continue d'avoir une vie exemplaire en prison.

M. Ramsay: Le comité est actuellement saisi d'un projet de loi d'initiative privée qui viserait à supprimer cet article 745 du Code criminel. Seriez-vous pour ou contre la suppression de cet article?

Mme Lewis: Il faudrait que j'étudie la question pour voir qui a réussi ou qui n'a pas réussi à en bénéficier. Il faudrait examiner cela de très près. Je n'ai pas d'opinion au débotté. Je n'ai pas vraiment connu de cas de ce genre. Je crois que je ne connais qu'un seul cas de personne qui soit sortie prématurément. Je n'ai pas vraiment d'avis sur la question. Il faudrait que je l'examine à fond.

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M. Ramsay: Je cherche simplement à voir ce que vous pensez du système de justice, des délinquants et du genre de sanctions qu'ils méritent selon les cas.

Quand je vous demande si vous souhaitez que l'article 745 soit maintenu ou supprimé, ce que je cherche à savoir en fait, c'est ce qui vous semble être une juste sanction pour quelqu'un qui prend la vie d'un innocent. C'est cela que je cherche à savoir.

Mme Lewis: Bon. J'ai fait partie de ceux qui se sont réjouis quand on a établit la règle des25 ans, et j'ai trouvé à l'époque que c'était un compromis honnête pour éviter d'exécuter des gens. Je pense toujours que c'est un compromis honnête, mais encore une fois, avant de répondre à votre question, il faudrait vraiment que je vois comment cet article a fonctionné. J'aimerais bien le voir, mais j'estime que la peine de 25 ans est ce qu'il faut.

M. Ramsay: Alors voici la question que je vous pose: pensez-vous que 15 ans de prison soit suffisant pour quelqu'un qui a délibérément pris la vie d'un innocent? C'est vraiment cela ma question.

Mme Lewis: Oui. Encore une fois, la nature humaine étant ce qu'elle est, je pense qu'il peut arriver dans certains cas extrêmes que l'on ait affaire à des individus qui pourraient être libérés dans ces conditions, mais je vous le répète, ce serait très rare.

M. Ramsay: Vous pensez donc qu'une peine de 15 ans de prison peut suffire dans certains cas pour quelqu'un qui a commis un meurtre au premier degré?

Mme Lewis: Je ne dis pas que c'est une peine suffisante, mais je pense que cela vaut la peine de la revoir.

M. Ramsay: Bon. Merci beaucoup.

Que pensez-vous de la libération d'office? Nous avons maintenant une loi en vertu de laquelle un individu, une fois qu'il a purgé les deux tiers de sa peine, est automatiquement remis en liberté dans la société dans certaines circonstances et placé sous ce que l'on appelle la surveillance obligatoire, même si les agents du service de libération conditionnelle et les autorités du service correctionnel pensent que cet individu n'est pas capable de se réinsérer et va récidiver.

Je vais vous mentionner deux cas où cela semble s'être produit. Il y a tout d'abord le cas de Mélanie Carpenter et de monsieur Auger, qui est le suspect numéro 1 de ce meurtre, et plus récemment le cas du meurtre de Sylvain Leduc à Ottawa.

Que pensez-vous de cette disposition de libération d'office de la loi actuelle?

Mme Lewis: Je crois que les recherches montrent que la plupart des gens sont relâchés après avoir purgé les deux tiers de leur peine, ce qui revient à peu près à la même chose. La loi prévoit aussi la possibilité de maintenir des individus en détention s'ils sont condamnés pour une infraction au regard de l'annexe I ou de l'annexe II, c'est-à-dire des affaires d'assassinat ou d'agression grave, ou des affaires de drogue graves. Dans ce cas là, les individus ne sont pas libérés. J'espère bien qu'on ne les laisse pas passer à travers les mailles du filet.

J'ai récemment assisté à une audience de libération conditionnelle où il n'a pas été question de laisser sortir l'individu concerné.

Il existe donc une procédure d'examen, et si je devais avoir un rôle au niveau de la loi, j'examinerais de très près cette procédure.

M. Ramsay: Vous avez parlé tout à l'heure d'informations. À mon avis, il faut absolument que les commissaires soient au courant de tous les faits avant de se prononcer.

Mme Lewis: Oui, tout à fait.

M. Ramsay: Nous avons entendu des agents de correction qui travaillent quotidiennement auprès de délinquants, auprès de ces détenus qui demandent des libérations conditionnelles. Ils nous on dit que leurs supérieurs filtraient leurs rapports, et que seules les informations ainsi filtrées étaient transmises à la commission. Qu'êtes-vous prête à faire pour obtenir tous les renseignements disponibles afin de pouvoir vous prononcer à partir de la totalité des informations et non d'une information partielle?

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Mme Lewis: Je ne dispose que d'une expérience très limitée. Disons que j'ai eu l'occasion d'examiner une quarantaine de cas lors de ma formation et lors des audiences, et dans deux cas au moins j'ai constaté qu'il y avait un rapport rédigé par un agent et un autre rédigé par les services hiérarchiques, et que ces deux rapports ne concordaient pas.

Je ne sais si ces rapports sont systématiquement rectifiés; je vous parle simplement de mon expérience jusqu'à présent. Il m'est arrivé deux fois de voir des rapports, un rédigé par un agent de correction et l'autre par une équipe de gestion, des services correctionnels, qui formulaient des points de vue divergents sur l'octroi d'une libération.

Je crois que pour m'assurer d'obtenir toutes les informations, je pourrais tout d'abord... La personne chargée du dossier de l'individu concerné est présente à l'entrevue, et je veille toujours, car on nous a bien appris à le faire, à lui demander le point de la situation lors de la première audience. De plus, quand nous examinons un dossier, nous cherchons à voir s'il manque quelque chose.

Je vérifie toujours s'il y a des informations sur le travail que ces individus ont accompli dans l'établissement ou sur leur comportement, ou si le représentant du service de sécurité préventive a quelque chose à dire. Les dernières fois, j'ai posé ce genre de questions. Je cherche à savoir quel genre de travail le détenu a pu accomplir et s'il a eu un mauvais comportement. Je pense que c'est vraiment important. Donc je me renseigne auprès du personnel d'exécution.

M. Ramsay: Monsieur le président, il me reste un peu de temps?

Le président: Vous avez déjà dépassé votre temps, mais si personne d'autre me demande la parole du côté de la majorité, vous pouvez poursuivre.

M. Ramsay: Merci.

Quand la commission des libérations conditionnelles remet un délinquant dangereux en liberté avant qu'il ait purgé toute sa peine, cette décision peut entraîner la mort d'une personne innocente, comme cela a été le cas récemment. Qu'en pensez-vous?

Mme Lewis: Cela me déprime profondément, tout d'abord, et cela m'incite à vouloir faire mon travail à fond, à vouloir forcer mes collaborateurs, les autres commissaires, à prendre leurs décisions avec le plus grand soin, à tout lire, à ne pas se contenter de survoler rapidement l'énorme dossier qu'ils ont sous les yeux. C'est inadmissible. Il y a énormément de choses à lire.

Je n'ai pas beaucoup d'expérience, mais personnellement, je commence par lire le rapport de police, puisque tout part de là, et ensuite je lis tous les documents du tribunal, et cela fait beaucoup. Ensuite, je vais à la SED voir tout ce qu'ils ont. J'essaie de me faire une idée de l'individu auquel j'ai affaire. Je passe beaucoup de temps à faire ce travail avant de commencer à examiner le comportement du détenu en prison. C'est tout ce que je peux faire.

M. Ramsay: En tant que commissaire, quelle serait votre priorité? Est-ce la sécurité de la société ou la réinsertion du délinquant?

Mme Lewis: Il faut absolument protéger la société. Il s'agit d'une libération conditionnelle, et je le leur dis bien. Ce n'est pas quelque chose qui doit être accordée automatiquement. Je ne suis pas du tout d'accord pour cela.

M. Ramsay: M. Auger était sous surveillance obligatoire. Il s'agit naturellement du suspect numéro un du meurtre de Mélanie Carpenter. La surveillance obligatoire, c'est évidemment une expression très sécurisante, mais il a filé de l'Alberta, il est parti en Colombie-Britannique, et il est comme je vous le disais, le premier suspect de ce meurtre. Il a eu une libération conditionnelle, mais cela n'a pas marché.

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Les erreurs de la commission des libérations conditionnelles ont des conséquences énormes et ont entraîné à ce que je crois savoir, la mort de nombreuses personnes innocentes au fil des ans. Vous devez bien le savoir. Est-ce que vous vous inquiétez des conséquences de votre décision? Qu'en pensez-vous? Que vous dites-vous quand vous songez que vos erreurs peuvent avoir des conséquences aussi lourdes?

Mme Lewis: J'y ai longuement réfléchi avant de présenter ma candidature. Je ne prends pas cela à la légère. Je suis une des premières personnes à arriver le matin pour lire les dossiers et une des dernières à les refermer en fin de soirée. Je ne me contente pas de passer ma journée à lire des dossiers. J'y réfléchis beaucoup et je réfléchis beaucoup aux décisions que je vais prendre.

Si j'ai posé ma candidature à la commission nationale des libérations conditionnelles, c'est que je pensais qu'en raison de la vaste expérience que j'ai dans ce domaine, j'étais peut-être bien placée, si une décision devait être prise, pour le faire à bon escient. C'est en effet une lourde responsabilité, et c'est pourquoi je voudrais n'occuper ce poste qu'à temps partiel, car en toute franchise, je ne sais si je résisterais si je devais y travailler à plein temps.

M. Ramsay: Que pensez-vous de devoir comparaître ce matin devant le Comité de la justice?

Mme Lewis: Je n'y vois aucun problème. Je trouve tout à fait normal pour les commissaires de devoir rendre des comptes et c'est dans cet esprit que je comparais.

M. Ramsay: Seriez-vous disposée à comparaître devant le comité après la sélection, mais avant votre nomination?

Mme Lewis: Je n'y verrais aucun inconvénient. Je veux que ma nomination soit pleinement méritée, je veux être choisie parce que je suis la personne la mieux à même de faire ce travail, et je ne vois aucun inconvénient à devoir répondre à vos questions.

M. Ramsay: Je vous remercie de tout coeur, madame Lewis. Tant qu'on aura affaire à une personne de bon sens comme vous, et à une personne d'expérience, nous pourrons nous sentir entre de bonnes mains. Nous parviendrons peut-être à remédier à certains des défauts que l'on avait reprochés aux commissions des libérations conditionnelles. Tous mes voeux vous accompagnent.

Mme Lewis: Je vous remercie, monsieur Ramsay.

Le président: Madame Torsney, avez-vous une question?

Mme Torsney: C'est simplement pour revenir sur ce que disait M. Ramsay à propos de la libération sous surveillance obligatoire et la mise en liberté sous condition. N'est-il pas vrai qu'avec toute votre expérience des foyers de transition et autres, vous avez acquis des connaissances considérables et êtes en mesure de faire de bonnes recommandations pour aiguiller les gens, les mettre en contact avec des institutions, cours et autres organismes, afin d'en faire des membres plus productifs de notre société?

Mme Lewis: Je pense que c'est la seule chose à faire, s'assurer de prendre la bonne décision et y imposer les conditions. Je n'hésite pas, en toute franchise, à imposer toutes les conditions qui me paraissent nécessaires et je suis également fière d'être au courant des programmes, en particulier ceux de l'Alberta, et j'essaie constamment d'élargir mes connaissances. J'ai récemment reçu un dossier volumineux de programmes de la Saskatchewan et du Manitoba, car je tiens à être au courant de tous les programmes.

Mme Torsney: Il existe donc des foyers de transition que vous recommanderiez de préférence à d'autres, et que vous connaissez de première main. Vous savez également comment évaluer ceux que vous ne connaissez pas d'aussi près. Vous savez ce qui serait nécessaire à leur bonne organisation, au cas où vous songez à y envoyer quelqu'un.

Mme Lewis: Très certainement, il faut procéder avec grande prudence. Il y a quelques semaines nous avons eu un cas, à Stony Mountain, où un homme voulait à tout prix aller dans un foyer de transition, mais il me semblait trop dangereux et je n'étais pas disposée. Je voulais qu'il aille au Centre d'Osborne, qui est un centre correctionnel, un centre de libération minimale, car il me paraissait avoir besoin de plus de surveillance.

L'autre difficulté surgit, bien entendu, quand vous avez des gens qui veulent aller à The Pas, et à des endroits très éloignés de toute surveillance, car il faut alors se baser sur des rapports de police et autres.

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Mais il faut procéder avec circonspection car nos seuls atouts, c'est le temps et les conditions que nous imposons, et il faut les manier prudemment.

Mme Torsney: Je vous remercie.

Le président: Merci, madame Torsney.

C'était là les dernières questions. Merci beaucoup, madame Lewis, d'avoir bien voulu comparaître. Nos trois témoins de ce jour nous ont beaucoup appris à mieux comprendre le système de la libération conditionnelle, et nous les en remercions.

Mme Lewis: Je vous remercie de tout coeur.

Le président: La séance est levée.

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