[Enregistrement électronique]
Le jeudi 23 novembre 1995
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Nous poursuivons aujourd'hui l'étape II de notre examen de la Loi sur les jeunes contrevenants.
Nous accueillons des représentants du Conseil national de la prévention du crime: M. Ross Hastings, président, et Mme Joan Pennell, présidente du Comité de la jeunesse.
Vous pouvez utiliser comme bon vous semblera le temps qui vous est alloué pour faire vos remarques liminaires. Ensuite, il y aura une période de questions jusqu'à 11 heures, heure à laquelle nous passerons au point suivant à notre ordre du jour. Vous avez la parole.
M. Ross Hastings (président, Conseil national de la prévention du crime): Merci beaucoup, monsieur le président. Nous vous présenterons notre exposé en deux parties. Je prendrais d'abord quelques minutes pour vous entretenir du Conseil et de son orientation générale, après quoiMme Pennell vous résumera le mémoire du conseil sur la Loi sur les jeunes contrevenants et le système de justice pour les jeunes.
Le conseil a été créé il y a un peu plus d'un an. Il regroupe 25 bénévoles de tout le pays qui ont tous deux grands objectifs: premièrement, dispenser des conseils aux différents paliers de gouvernement sur la prévention du crime et sur la victimisation et l'intégration des stratégies à ce chapitre; deuxièmement, servir de personnes ressources aux groupes communautaires de niveau local et régional qui souhaitent participer à des activités de prévention du crime.
Nous sommes accompagnés par deux autres membres du Conseil - Mme Priscilla de Villiers et M. Neal Jessop - qui siègent tous deux au Comité de la justice pour les jeunes qui a rédigé ce mémoire. Il y a également deux membres du secrétariat - la directrice administrative, Mme Elaine Scott, et Ambrose Murphy, qui a coordonné le travail du comité.
Je crois que le greffier vous a distribué un exemplaire de ce tableau. Il m'aidera à vous expliquer la grande orientation du Conseil qui vise à prévenir le crime par le biais du développement social. Je sais que cela peut vouloir dire toutes sortes de choses. Essentiellement, tout cela signifie que toute réaction utile et significative au crime et à la victimisation doit être exhaustive. Plus simplement, le crime est un phénomène incroyablement compliqué et il n'est pas étonnant que la solution au crime le soit tout autant.
J'ai tenté dans le tableau que vous avez sous les yeux de schématiser ce concept. L'idée de départ, c'est que tout criminel doit franchir des seuils au moment desquels des décisions sont prises.
Le premier seuil est celui de la motivation. C'est à cette étape qu'on se demande si l'on est prêt à participer à un crime. Tout cela est lié aux questions de pauvreté et, surtout chez les jeunes, à l'espoir et au désespoir.
Au deuxième seuil, on se demande si on est capable de commettre un crime. Le facteur essentiel ici est celui de la possibilité. Il existe toute une gamme de stratégies de prévention du crime qui visent à rendre le crime plus difficile à commettre et moins gratifiant ou à augmenter les risques de se faire prendre.
Le troisième seuil est celui des contrôles internes. Bien des gens sont disposés à commettre un crime et ont peut-être la possibilité et la capacité de le faire, mais ils en sont empêchés par ce qui est essentiellement la voix de leur conscience, leurs valeurs et leurs engagements. À ce niveau, la famille et l'école jouent un rôle crucial.
Le dernier seuil est celui des contrôles externes à chacun, dont certains sont officieux - et ils peuvent être exercés par la collectivité et les pairs - et d'autres plus officiels - essentiellement, le système de justice pénale.
À notre avis, la Loi sur les jeunes contrevenants doit faire partie de ces contrôles officiels. Ce tableau nous indique que lorsqu'on s'en remet aux contrôles officiels, c'est trop peu et trop tard et cela ne constitue pas une solution exhaustive à la criminalité. Ces interventions peuvent être utiles, mais elles doivent s'intégrer à un ensemble beaucoup plus vaste de mesures.
Je cède maintenant la parole à Mme Pennell qui vous donnera plus de détails sur l'orientation du Conseil.
Mme Joan Pennell (présidente, Comité de la jeunesse, Conseil national de la prévention du crime): Merci, monsieur Hastings.
À titre de présidente du Comité de la justice pour les jeunes, je tiens à vous remercier d'être venus nous écouter malgré la tempête de neige. Nous vous savons gré de nous avoir invités à vous expliquer notre vision du système de justice pour les jeunes et les améliorations que nous aimerions qu'on y apporte.
Je ferai d'abord suite à quelques-unes des remarques de Ross.
Le système de justice pour les jeunes doit s'inscrire dans une perspective de développement social visant à réduire ou à prévenir le crime chez les jeunes.
J'aimerais vous faire part des propos d'un adolescent qui n'est qu'un de ceux que notre Comité a entendu au cours de ses consultations le printemps et l'été derniers. Ses propos illustrent bien ce qu'a dit le professeur Hastings au sujet du désespoir qui mène les jeunes à commettre les crimes qui inquiètent tant les Canadiens.
Voici ce que nous a dit un adolescent de Montréal:
- Vous avez probablement tous des enfants, un foyer, une voiture, une belle carrière. Moi, je ne
peux imaginer être un jour propriétaire d'une maison ou même avoir les moyens d'élever des
enfants comme je le voudrais. La possibilité d'une carrière et même d'un emploi stable est pour
moi inimaginable.
J'ajouterai que l'examen que vous venez d'amorcer est très important et opportun. Vous savez sans doute comme nous que les Canadiens ont exprimé et expriment encore beaucoup de craintes quant à la criminalité juvénile et exigent des correctifs rigoureux à ce chapitre.
Au Conseil, nous estimons aussi que le Canada doit s'intéresser davantage à ses enfants et à ses adolescents. Voilà pourquoi, pendant les trois premières années de notre mandat, nous avons fait des enfants et des adolescents notre priorité.
Tout comme M. Hastings l'a mentionné, le Conseil est d'avis que le Canada peut mettre en oeuvre une stratégie efficace et rentable de lutte contre le crime s'il a une vue d'ensemble du problème et s'attaque aux racines mêmes du crime et cherche les solutions pour y faire échec.
Si nous ne nous penchons que sur les méfaits, les droits ou les besoins des jeunes, nos stratégies resteront inefficaces. Plus tard, nous devrons cibler toute une gamme de partenaires qui nous aideront à faire de notre société une société où les jeunes ont en effet des droits mais doivent aussi répondre de leurs agissements et ont la possibilité non pas de commettre des crimes - comme le disait Ross - mais bien d'être des citoyens méritants et productifs.
L'approche axée sur le développement social nous parle d'établir des partenariats entre les jeunes, leurs familles, leurs parents, leurs collectivités et divers ministères - pas seulement celui de la Justice - en vue de trouver des façons d'enrayer à la source la criminalité juvénile avant que des gens en souffrent.
Cela signifie aussi qu'on ne laisse pas aux seuls tribunaux, aux seules forces de l'ordre et aux seules autorités correctionnelles le soin de trouver des solutions. Il ne s'agit pas de déresponsabiliser les jeunes ou leurs collectivités, mais plutôt de miser sur la collaboration de tous ces partenaires et de permettre à chacun de jouer son rôle avec toutes les ressources, les soutiens et la contribution nécessaires pour le faire.
C'est vraiment sur toute cette question que portent les 54 recommandations de notre mémoire.
Ce que nous voulons souligner entre autres, c'est le fait qu'une approche axée sur le développement social nous permettrait de nous sortir du cycle interminable d'arrestation, de châtiment et d'incarcération. Il s'agit en réalité de mettre de l'avant une approche intégrée à la criminalité juvénile qui peut marcher.
Il s'agit d'être proactif au lieu de réactif, et il s'agit aussi d'employer judicieusement des deniers publics de plus en plus difficiles à trouver. Aujourd'hui, nous dépensons 10 milliards de dollars pour contrer la criminalité juvénile. Le gros de cet argent est dépensé à l'extrémité punitive du système, dans le cycle que je viens de mentionner.
Même si nous dépensons beaucoup d'argent, nous avons toujours des tribunaux submergés; notre police a de plus en plus de mal à répondre aux appels à l'aide; et nos centres pour les jeunes et nos prisons débordent. Si nous portions notre attention sur la prévention et l'intervention, moins de jeunes gens commettraient des crimes graves et se retrouveraient devant les tribunaux.
J'aimerais maintenant parler des consultations qu'a tenues le Comité de la justice pour les jeunes du Conseil au printemps et à l'été. Nous voulions savoir ce qui se passait avec les jeunes partout au pays et dégager des stratégies efficaces de prévention du crime qui nous permettraient d'employer judicieusement les deniers publics.
Nous avons compris que pour faire cela, nous devions sortir et parler aux gens. Nous avons tenu 30 consultations dans 6 régions du pays. Nous sommes assurés de leur diversité. Nous voulions consulter des régions très diverses. Nous sommes allés dans les campagnes de l'Île-du-Prince-Édouard, au centre-ville de Toronto et au centre-ville de Montréal, à Edmonton-ouest, à Vancouver et dans le Nord aussi, à Whitehorse et au Yukon.
Au cours de ces consultations, nous avons rencontré une centaine de jeunes gens, dont plusieurs avaient eu des démêlés avec la justice ou avaient des parents qui en avaient eus; nous avons rencontré également 180 adultes qui travaillent avec les jeunes. Ces adultes représentaient tout un éventail de travailleurs. Près d'une soixantaine oeuvraient ni plus ni moins à l'intérieur du système de justice pénale. Il y avait des policiers, des agents de probation, des intervenants correctionnels auprès des jeunes, des magistrats et d'autres.
Nous avons également consulté une variété d'organisations non gouvernementales, entre autres des responsables de coopératives d'habitation, de programmes autochtones, de programmes récréatifs et autres. Nous voulions savoir ce que faisaient les jeunes qui vivent dans la rue. Nous sommes adressés aux écoles, aux services d'assistance sociale et à de nombreux autres services.
Au cours de ces discussions, on nous a dit très franchement ce qui se passait dans la population. Il y avait des différences dans ce que nous avons entendu d'un bout à l'autre du Canada, mais il y avait aussi des thèmes récurrents.
Ce sont ces consultations qui ont donné naissance aux recommandations que nous vous avons remises. Je tiens à souligner que ces recommandations ont reçu l'aval de l'ensemble du Conseil, et qu'elles sont nées de la sagesse d'un groupe très divers et d'horizons très différents. Il y a au Conseil des défenseurs des victimes, des défenseurs des détenus, des représentants des forces de l'ordre, des écoles alternatives, des représentants de la justice autochtone et tout le reste. Ce sont les recommandations que l'ensemble du Conseil a avalisées.
J'aimerais maintenant résumer quelques faits saillants du mémoire du Conseil. Je crois savoir que vous en avez obtenu copie. Nous vous avons également envoyé une feuille où la recommandation 53 est légèrement modifiée.
Comme je l'ai dit, je vais vous en donner un condensé, mais au cours de la période de questions, nous serons heureux de vous donner plus de détails.
Premièrement, le Conseil recommande qu'à la phase II de l'examen, on aborde vraiment la prévention du crime sous l'angle du développement social et qu'on trouve des moyens de traduire cette approche en une action concrète.
Nous tenons à faire remarquer que dans la Loi sur les jeunes contrevenants et dans le projet de loi C-37, particulièrement à l'alinéa 3(1)a, on encourage la prévention du crime. Cet alinéa offre tout particulièrement ce que nous appellerions une approche de développement social dans la mesure où l'on veut s'attaquer aux causes sous-jacentes du crime et proposer une approche multidisciplinaire. Ce sont là des principes sains qui doivent être mis en oeuvre.
Deuxièmement, le Conseil croit que c'est l'administration de la Loi sur les jeunes contrevenants qui doit être réformée et non la loi elle-même. C'est ce qu'on nous a dit à maintes reprises au cours des consultations que nous avons tenues au pays. Les gens nous répétaient sans cesse que la Loi sur les jeunes contrevenants est interprétée et administrée différemment partout au pays.
Nous admettons qu'il intervient ici des différences entre les provinces, mais on nous disait aussi - et l'on parlait ici particulièrement du programme de mesures de rechange - qu'il fallait vraiment clarifier les principes de ce programme, trouver des moyens de faire intervenir davantage la société, mais aussi d'englober non seulement les contrevenants qui en sont à leur premier méfait mais aussi ceux qui sont à faible risque, qui ont plus d'une condamnation à leur casier judiciaire.
Troisièmement, le Conseil est favorable aux initiatives qui visent à étendre la responsabilité de la sécurité communautaire au-delà du système judiciaire. Ce qui veut dire qu'il faut exiger des comptes des jeunes gens, affirmer la responsabilité des parents et de tous ceux qui s'occupent des jeunes, et encourager la participation de la famille élargie et des citoyens. Au Canada, il existe un certain nombre d'initiatives très positives à cet égard, par exemple les cercles de détermination de la peine, les comités de justice pour les jeunes et la médiation.
J'aimerais maintenant parler d'une approche en particulier, celle qu'on appelle les conférences familiales, à laquelle j'ai participé personnellement dans ma propre province de Terre-Neuve et du Labrador. Nous avons mis cette approche à l'essai dans un milieu urbain, un milieu rural et une communauté inuit.
La conférence réunit la famille - nous avons appliqué ce concept à la violence familiale - où l'acte de violence a eu lieu, et l'on fait appel à la famille élargie et aux moyens communautaires pour trouver une solution aux problèmes. Je signale que de telles solutions doivent être approuvées par les organismes compétents, par exemple l'aide à l'enfance, les responsables des libérations conditionnelles, etc.
Nous avons constaté lors de ces conférences que les familles sont dures envers les contrevenants. L'un d'entre eux a dit:
- C'était très émotif et très stressant pour moi. Être placé devant tous les membres de ma famille,
c'était très dur, mais ça m'a beaucoup aidé.
- Le contrevenant s'est pas mal débrouillé. Au début, il était mort de peur. C'était la première fois
qu'on le mettait sur la sellette et qu'on lui demandait des comptes pour ce qu'il avait fait au fil
des ans, et rappelez-vous qu'il s'agissait d'un homme qui avait été arrêté, condamné et
incarcéré pour les crimes qu'il avait commis. Mais c'est lorsqu'il a dû faire face à sa famille que
le choc s'est vraiment produit. Il devait regarder son père, sa mère. Il devait entendre la
déclaration de l'enfant qui disait ce qu'il lui avait fait, et quand c'est arrivé, l'homme a
finalement compris ce qu'il avait fait.
Je sais que certains d'entre vous viennent de provinces différentes, alors je vous signale que cette approche a été érigée en loi en Colombie-Britannique, et l'on nous consulte pour sa mise à l'essai en Alberta.
Quatrièmement, le Conseil est favorable à la création de partenariats entre les jeunes, les victimes, les familles et les proches, les organisations communautaires et les ministères, qui s'emploieront à mettre un terme à la criminalité juvénile et à protéger la société.
Pour ce faire, les diverses parties doivent avoir des rôles clairs ainsi que des ressources. Cela signifie aussi que les travailleurs de la justice doivent avoir la formation nécessaire pour exercer leurs pouvoirs discrétionnaires d'une manière constructive. Cela signifie qu'il faut donner aux victimes des informations sur ce qui se passe et leur donner le droit de faire des déclarations. Cela veut dire qu'il faut tenir les parents au courant de ce qui se passe.
Notre cinquième et dernier point principal: nous recommandons que les ressources du système de justice pour les jeunes soient principalement consacrées aux jeunes qui commettent des crimes graves ou à répétition et qu'on utilise le plus possible les familles et les programmes communautaires pour s'occuper des jeunes qui commettent une infraction mineure une seule fois ou à l'occasion.
C'est à notre avis la façon la plus efficace d'utiliser notre système judiciaire afin qu'il ne soit pas surchargé et que l'on puisse s'occuper de façon plus appropriée des cas problèmes et régler vraiment les situations individuelles, prendre des mesures pour s'assurer que tous les jeunes sont traités de façon équitable, peu importe leur revenu, leur culture, leur degré d'alphabétisation ou leur race.
En conclusion, nous tenons à souligner que le Canada doit faire respecter pleinement la loi et prendre les mesures de correction nécessaires à l'égard des contrevenants qui commettent une infraction grave. On veut ainsi protéger le public et s'assurer que ces jeunes reçoivent le traitement, la rééducation et la réintégration dont ils auront besoin lorsqu'ils ne seront plus en détention.
Deuxièmement, nous voulons souligner qu'il faut créer un système réellement adapté aux besoins et qui s'occupe des jeunes avant qu'ils ne commettent des crimes graves.
Dans ses travaux futurs, le Conseil étoffera davantage sa vision d'une approche axée sur le développement social et examinera toute une série de solutions de rechange et ce qu'elles représentent sur le plan des ressources humaines et matérielles.
J'aimerais conclure en vous souhaitant bonne chance dans vos travaux futurs. À mon avis, les audiences que tient votre comité sur cette question sont extrêmement importantes.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons commencer le premier tour de table. Madame Venne, vous avez dix minutes.
[Français]
Mme Venne (Saint-Hubert): Madame, monsieur, dans votre recommandation numéro 18, vous recommandez que les agents de police et de probation suivent un cours approfondi pour augmenter leur connaissance de la Loi sur les jeunes contrevenants à la suite de l'adoption du projet de loi C-37.
J'aimerais savoir si vous pensez que les modifications que nous avons apportées par ce projet de loi étaient justifiées, entre autres relativement aux 15 et 16 ans qui vont passer devant un tribunal pour adultes.
C'est très vague et vous pouvez répondre dans une perspective assez large.
M. Hastings: J'hésite un peu parce que la question comporte deux volets. Notre recommandation reflète un peu le sentiment exprimé à plusieurs reprises lors de nos consultations quant au pouvoir discrétionnaire policier dans le cas des jeunes contrevenants et, souvent, dans celui des jeunes victimes.
Le problème qui se pose est qu'une très grande partie des décisions judiciaires sont prises par la police au tout début du processus et il n'est pas évident que tous les policiers du pays exercent ce pouvoir de la même façon. Du point de vue des jeunes, il n'est pas évident que le système soit perçu comme étant équilibré et égalitaire. En conséquence, de façon très pratique, pour plusieurs jeunes, il est très difficile de savoir quelle est la signification des interventions policières.
La position du Conseil est que la Loi sur les jeunes contrevenants et les modifications apportées par le projet de loi C-37 ne représentent qu'une très faible partie de la solution. Nous aurions préféré que le processus soit inversé et nous croyons qu'on aurait dû accorder de l'importance à cette question au début du processus plutôt que maintenant.
Quant à la question particulière ayant trait aux 16 et 17 ans, le Conseil est un peu divisé là-dessus. Dans le cas de crimes sérieux, on ne voit pas d'objections à ce que le bénéfice du doute soit en faveur de la protection de la communauté.
Mme Venne: Parfait. Le ministère de la Justice a commandé une étude sur la perception du public vis-à-vis de la criminalité adolescente. On a constaté que les Canadiens avaient une opinion très négative de la Loi sur les jeunes contrevenants, que ses dispositions et ses effets leur étaient peu familiers et qu'ils n'en comprenaient pas les principes. De toute façon, ils sont contre.
Pensez-vous que cela reflète ce que vous vivez vous-même? Votre expérience vous montre-t-elle que la population ne comprend pas la Loi sur les jeunes contrevenants, qu'elle n'est pas au courant? Est-ce aussi ce que vous vivez?
M. Hastings: C'est une question à choix multiples. Le public saisit plutôt mal l'impact punitif de la Loi sur les jeunes contrevenants. Il est clair, dans plusieurs sondages et plusieurs études, que le public sous-estime cet impact. Les gens pensent qu'il y a beaucoup moins de jeunes qui vont en prison que ce n'est le cas.
L'ironie du changement des années 1980, du Juvenile Delinquents Act à la Loi sur les jeunes contrevenants, est que l'idée de la loi originale était d'envoyer moins de jeunes en prison en créant des options fondées sur la communauté. Ce qui s'est passé, en pratique, c'est que les provinces ont plus ou moins tenu la loi en otage des négociations fédérale-provinciales et territoriales sur la distribution des fonds et, par conséquent, les options communautaires n'ont souvent pas été mis en place, ou ont été mises en place tellement mal qu'elles n'existent pas en réalité.
La conséquence pratique, pour la plupart des juges qui doivent rendre des décisions, est que les options prévues sur papier dans la loi n'existent pas en pratique dans la rue. C'est pour cela que nous sommes plus punitifs que cela est utile. Selon moi, le public a beaucoup d'inquiétudes au sujet de la criminalité en général et surtout de la criminalité des jeunes. Cependant, l'expérience du Québec est instructive dans ce cas-là.
Dans plusieurs sondages, on découvre que c'est le Québec qui est de loin la province la plus progressive au niveau du traitement des jeunes et des options communautaires. C'est aussi la province qui a le niveau de peur le moins élevé en ce qui concerne la criminalité et les jeunes.
[Traduction]
Le président: Monsieur Ramsay, dix minutes.
M. Ramsay (Crowfoot): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de votre exposé de ce matin. Il y a longtemps, j'ai lu l'histoire d'un étranger qui arrivait dans la collectivité et était si impressionné par le climat pacifique qui existait dans cette collectivité qu'il a posé la question suivante à l'un des dirigeants: «Comment pouvez-vous gouverner vos gens aussi bien?» Le dirigeant a répondu: «Nous enseignons à nos gens les bons principes et nous les laissons ensuite se gouverner eux-mêmes.»
Monsieur Hastings, je suis d'accord avec vous lorsque vous dites qu'on a trop recours au contrôle officiel, qui est naturellement le système judiciaire. Je suis d'accord avec cela. Je vous demanderai donc si, à votre avis, dans le domaine de la prévention - la prévention du crime, particulièrement en ce qui concerne les jeunes - vous devriez vous adresser à un autre secteur du gouvernement. Pourquoi demandons-nous au système judiciaire d'offrir des programmes avec lesquels il ne devrait rien avoir à voir? Pourquoi compliquons-nous les choses? Le système judiciaire ne devrait pas être responsable de programmes ou de ressources qui s'adressent aux familles dysfonctionnelles. C'est la responsabilité d'autres programmes. Pourquoi prenons-nous quelque chose d'assez simple et en faisons-nous quelque chose d'aussi complexe, comme vous l'avez dit? Je conviens avec vous que c'est complexe, mais il n'est pas nécessaire que cela le soit. Je pense que c'est complexe parce que nous avons tenté de créer deux choses à partir du système judiciaire - un système judiciaire et un régime d'aide sociale - et ni l'un ni l'autre n'a beaucoup de succès. Avez-vous des commentaires à faire à cet égard?
M. Hastings: Oui. Je demanderai à Mme Pennell de répondre elle aussi à cette question, mais ma première réaction est que le Conseil serait d'accord avec vous. Si l'on faisait quelque chose d'important tout de suite dès le départ grâce à des programmes d'éducation et de soutien de la famille, le système judiciaire ne serait sans doute pas obligé de faire ce travail par la suite.
J'aimerais souligner que l'autre grand comité du Conseil travaille actuellement très fort à l'élaboration d'une position sur les conséquences de la prévention pour les enfants de la prénatalité jusqu'à l'âge de six ans. Nous sommes convaincus que ce qui se passe dans les familles et à l'âge préscolaire influence de façon fondamentale la criminalité et la prévention plus tard.
Le problème sur le plan pratique, cependant, c'est qu'à notre époque où on se préoccupe surtout de budgets, de déficits et de crises financières et où, par contrecoup, bon nombre des autres institutions clés subissent des coupures, le rôle du système judiciaire a fondamentalement changé, de sorte qu'on lui demande maintenant de faire du travail que d'autres groupes faisaient auparavant. Mais ces groupes ont disparu.
L'orientation saine que nous pourrions prendre serait de ne pas penser au système judiciaire en tant qu'approche punitive, mais plutôt comme un système de détection rapide des problèmes sociaux et comme une façon de nous sensibiliser aux types d'interventions dont nous avons besoin à titre de prévention.
M. Ramsay: J'estime que le système judiciaire devrait être un système isolé. Ce devrait être le dernier programme gouvernemental pour protéger la société, et il ne devrait pas intervenir dans d'autres activités comme il le fait à l'heure actuelle, comme vous l'avez mentionné. Je pense que c'est peut-être la cause de certains de nos problèmes.
Le budget du ministère de la Justice ne doit pas servir à de tels programmes. Ces programmes devraient avoir leur propre budget afin de pouvoir garder séparées ces deux fonctions.
Lorsqu'on commence à mêler les fonctions de ces programmes avec celles du programme de la justice, c'est à ce moment-là, je pense, que les choses se compliquent et qu'elles deviennent difficiles à régler. Il ne fait aucun doute que plus nous pourrons renforcer la famille, plus nous réduirons le crime - non seulement chez les jeunes, mais chez les adultes également.
Ce n'est toutefois pas au système judiciaire de renforcer les familles. Le système judiciaire est là pour protéger la société contre ceux qui, malgré leurs parents, le système scolaire, le système religieux, un programme communautaire ou autre, n'ont pas respecté la loi parce qu'ils n'y voyaient aucun avantage. Ce dernier système qui est là pour protéger la société doit s'occuper de ceux qui commettent une infraction et qui menacent la société.
Oui, ce système doit se préoccuper de la protection de la société: d'abord, l'effet de dissuasion et ensuite, naturellement, la réadaptation. Ce que je dis, c'est que depuis une génération comme vous l'avez dit, le rôle du système judiciaire a changé, on a modifié le rôle du système judiciaire et on l'a peut-être même détruit, du moins en partie. Personnellement, j'aimerais que le système judiciaire ait de nouveau un rôle à jouer, mais on ne doit pas s'attendre à ce qu'il joue un rôle pour lequel il n'a pas été conçu, et on ne doit pas tenter de le changer afin qu'il joue un rôle auquel il n'a jamais été destiné et qu'il n'est pas capable de jouer.
M. Hastings: Eh bien, essentiellement, nous sommes d'accord avec vous, mais je pense que nos perspectives partent de points différents.
Pour moi, le système judiciaire est une série officielle d'entités qui consacre un très petit pourcentage de son budget à ce que j'appellerais des programmes de prévention ou des interventions de prévention. Je dirais que moins de 1 p. 100 de son budget de 10 milliards de dollars est en fait consacré à la prévention du crime.
La préoccupation du Conseil n'est pas de réformer le système de justice pénale en particulier, mais plutôt de créer un système de justice pour les jeunes dans un sens plus général. Il s'agit clairement pour nous d'un réseau d'institutions.
Simplement dit, si la police et les tribunaux doivent s'en mêler, alors le message est très clair: les autres programmes ont échoué et le système judiciaire doit intervenir.
Le problème, c'est que lorsque l'on tente de faire toutes ces choses, les bureaucraties ont beaucoup de difficultés à s'adapter aux nouveaux problèmes.
M. Ramsay: Pourquoi?
M. Hastings: Je pense que les bureaucraties ont tendance à insister, pour de bonnes raisons humaines et de bonnes raisons organisationnelles, pour que les problèmes correspondent à leur logique. Ce qui manque, dans le cas des jeunes, c'est un cadre organisé précisant ce dont les jeunes ont besoin. Ce qu'on a, c'est une série d'institutions qui disent: «Nous sommes la police et voici ce que nous sommes prêts ou capables de faire»; et «Nous sommes les tribunaux, et voici ce que nous pouvons faire»; et «Nous sommes le service correctionnel et voici ce que nous pouvons faire». L'enfant subit des transformations et des changements à chaque niveau, et je pense que c'est encore plus important dans le cas des enfants qui sont des victimes que cela ne l'est dans le cas des enfants qui sont des contrevenants.
M. Ramsay: À votre avis, est-ce que l'une des raisons pour lesquelles ces groupes s'expriment de cette façon est qu'ils sont peu disposés à renoncer à la protection de leurs propres intérêts?
M. Hastings: En tant qu'institutions, oui. Je crois cependant que le message le plus important est ce que disent les agents de police, les juges et ceux qui travaillent avec les jeunes. La grande majorité - presque tous ceux à qui j'ai parlé - sont des gens de bonne volonté qui essaient de faire leur travail de leur mieux. Je pense cependant que le gouvernement et les hauts fonctionnaires manquent de leadership lorsqu'il s'agit de définir quels devraient être les objectifs de ceux qui occupent ces emplois et quels types de récompenses et d'appuis ils devraient recevoir. On a donc des agents de police formés pour s'occuper des enfants en tant que contrevenants, non pas en tant qu'enfants. Les tribunaux les considèrent essentiellement comme des cas plutôt que comme faisant partie d'un réseau de familles et de collectivités qui ont des problèmes. Le système correctionnel s'occupe essentiellement des enfants jusqu'à la fin de leurs peines jusqu'à ce qu'ils puissent les confier à quelqu'un d'autre et passer au prochain enfant.
M. Ramsay: Si nous pouvions éliminer la cause du crime, nous éliminerions ainsi le besoin d'expansion de bon nombre des institutions au sein du système judiciaire. À votre avis, y a-t-il au sein de ces institutions suffisamment de volonté pour non seulement stopper leur croissance mais réduire et maintenir le niveau de leurs budgets ainsi que leur taille en éliminant ce qui les rend nécessaires grâce à la réduction du crime?
M. Hastings: Oui.
M. Ramsay: La volonté est-elle assez forte?
M. Hastings: Oui.
M. Ramsay: D'où provient-elle à votre avis?
M. Hastings: La plupart de mon travail se fait dans le domaine des services policiers, plus particulièrement des services de police dans les collectivités. D'après mon expérience, plus on parle à des agents de police, plus ils nous disent que le meilleur travail qu'ils aient accompli n'est pas du travail d'observation de la loi au pur sens du mot, mais le travail qui est essentiellement axé sur les problèmes, axé sur l'humain. Je pense que ce qui manque, ce n'est pas une préoccupation de la part des gens dans ces institutions, mais plutôt une vision et un leadership entourant cette vision pour ce qui est de la façon dont nous pourrions réorganiser plus efficacement le réseau des institutions.
M. Ramsay: J'ai eu la même expérience avec des agents de police de première ligne. En fait, j'en ai été un moi-même pendant de nombreuses années. À votre avis, est-ce que ce sentiment se reflète à tous les niveaux de la hiérarchie policière?
M. Hastings: Oui.
M. Ramsay: Jusqu'en haut?
M. Hastings: Oui, bien que vous me demandiez de porter un jugement sur 450 chefs de police au Canada et je ne peux naturellement pas vous dire qu'ils seraient tous du même avis sur la question. Cependant, je suis encouragé par le nombre de cadres supérieurs de la police qui, d'après mon expérience, essaient très fort de repenser le rôle de la police dans un cadre plus large d'institutions. Franchement, cependant, ils n'obtiennent pas beaucoup d'appui car ce que les gouvernements ont fait essentiellement, est d'utiliser la police pour se débarrasser de tous les problèmes qu'ils ne veulent pas résoudre ailleurs.
M. Ramsay: Nous y reviendrons. Merci.
Mme Barnes (London-Ouest): J'aimerais souhaiter de tout coeur la bienvenue au Conseil national de la prévention du crime. Je pense que le travail que vous avez déjà fait nous aidera; il s'agit à mon avis d'une très bonne base de recommandations dont nous devrions tenir compte. J'espère également que vous nous tiendrez au courant de vos travaux. Je sais que vous le ferez.
J'aimerais bien que nous ayons des installations dont on parle dans le rapport Horner préparé par un gouvernement précédent de façon à ce que nous puissions investir encore davantage dans votre programme, car je pense qu'il est nécessaire. J'aime beaucoup l'approche interdisciplinaire, la méthode préventive. Comme vous le dites aux pages 19 et 20, vous avez consulté les jeunes, et c'est quelque chose que nous devrions faire davantage.
Lorsque nous parlons de ces lois, il est très clair que la justice pénale est un domaine qui relève de la compétence du gouvernement fédéral. À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral transfère la plupart de ses fonds pour la justice pénale aux provinces qui les dépensent pour la détention, ce qui, nous le savons bien, ne fonctionne pas. Je crois que nous tous ici autour de cette table avons un défi majeur à relever et qui consiste à faire ce qui à notre avis devrait fonctionner. Je pense que vous avez déterminé et énuméré quelles étaient ces mesures qu'il faut prendre et vous avez déterminé également quels sont les intervenants dans la collectivité qui doivent les mettre en oeuvre, qui doivent être éduqués et qui doivent connaître les faits comme nous les connaissons, ou comme nous pourrions les connaître si nous lisions la documentation.
Lorsqu'il s'agit de parler aux jeunes, il y a la théorie et il y a la réalité. J'ai trois enfants âgés de sept, 12 et 13 ans. Je me rappelle lorsque j'avais l'âge de mes enfants de 12 et 13 ans, je pensais que les pantalons à pattes d'éléphant étaient vraiment à la mode. Je portais des pattes d'éléphant parce que mes amis en portaient eux aussi. Mon fils m'a téléphoné l'autre soir et m'a dit qu'il voulait se teindre les cheveux turquoise parce que son ami avait teint ses cheveux turquoise.
Voici ce que je lis ici:
- Bien des jeunes disent que le public ou la police les désapprouve tout simplement parce qu'ils
sont jeunes. Ils ont expliqué qu'un groupe de jeunes qui se rassemblent dans un parc ou qui se
promènent dans un centre commercial sont mal vus par la police ou le public en général.
Cependant, le même type d'activités chez les adultes n'attire pas l'attention du public ou de la
police.
Même si, de l'avis de M. Ramsay, cela ne fait pas partie de notre travail en tant que système de justice pénale...pourquoi parlons-nous alors de ces choses? C'est que ça fait partie de notre travail au sens où nous sommes responsables de la façon dont nous traitons le produit final, de la détermination de la peine. C'est par la négociation avec les diverses provinces et en utilisant le levier financier que nous arriverons à une entente mutuelle qui nous permettra d'améliorer la situation à l'avenir.
Les accusations criminelles, sur lesquelles en réalité les statistiques se fondent - les accusations et non pas les condamnations - font dévier le débat dans une certaine mesure. Ce dont il faut vraiment tenir compte, c'est qu'il s'agit ici de jeunes, d'êtres humains dont nous pouvons modifier le comportement si nous mettons les bonnes ressources à leur disposition. Les bonnes ressources ne prennent pas toujours la forme d'un procès. Les bonnes ressources ne sont pas toujours le policier, mais elles peuvent l'être si nous allons dans les collectivités, dans les écoles, et si nous pouvons intervenir sur le plan de la probation et de la liberté conditionnelle.
Je voudrais que vous me disiez tout d'abord comment vous parlez aux jeunes, mais à la page 23, vous faites une suggestion que je trouve intéressante. Vous voulez que des représentants du secteur des entreprises coordonnent un plan de financement. J'aimerais entendre ce que vous avez à dire à ce sujet, car c'est une idée innovatrice. Plutôt que de revenir constamment aux plaintes au sujet du système, j'aimerais que ce débat porte surtout sur la solution que vous entrevoyez pour résoudre ce problème.
J'ai dit ce que j'avais à dire; à votre tour.
Mme Pennell: Pour répondre à votre question sur la façon dont nous avons parlé aux jeunes, nous avons voulu être certains d'avoir un cadre dans lequel ils étaient prêts à nous parler, un cadre qui ne les surprenait pas. Habituellement, nous travaillons avec des organismes de jeunes qui expliquent aux jeunes ce que nous voulons faire. Nous avons obtenu leur consentement pour venir leur parler. Tout le comité n'est pas venu leur parler. Il y avait habituellement deux membres du Conseil présents, plus un membre du personnel du secrétariat. Nous leur achetions une pizza ou leurs mets favoris et nous leur parlions tout simplement dans un cadre informel - le genre d'endroits où ils se tiennent habituellement, non pas un immeuble à bureaux - afin qu'ils puissent vraiment nous faire part de leurs expériences. Nous avons parlé à des jeunes qui étaient en détention en milieu ouvert; nous avons parlé à des jeunes qui avaient participé à divers types de programmes récréatifs; nous avons parlé à toutes sortes de jeunes.
Au cours de ces rencontres, nous avons essayé de leur faire comprendre que nous voulions connaître leur avis. Nous tenions à leur donner l'assurance que leurs observations resteraient confidentielles et nous leur avons demandé de nous dire quelle était à leur avis la meilleure façon pour nous de discuter avec eux.
Ils nous ont répondu qu'ils voulaient être certains que nous avions à coeur de connaître leur opinion et que nous la transmettrions au comité. Il était très important pour eux de pouvoir se faire entendre par les élus politiques. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai débuté mon intervention d'aujourd'hui par une citation d'un adolescent.
Pour répondre à l'autre partie de votre question au sujet du secteur des sociétés, nous nous préoccupons vivement du sentiment d'impuissance qu'éprouvent tant de jeunes en raison de la pénurie d'emplois. Nous sommes conscients de la nécessité d'explorer plus à fond cette question en ce qui a trait notamment à la participation des entreprises locales, à la création d'emplois et au recours à des mesures de rechange pour les adolescents. C'est une question qui mérite d'être approfondie. Merci de l'avoir soulevée.
Mme Barnes: J'apprécie la distinction que vous faites entre les camps de pleine nature qui offrent un traitement et les camps de réadaptation de type militaire. Pourriez-vous approfondir un peu la question?
Mme Pennell: Comme certains d'entre vous le savent sans doute, il y a des camps de type militaire au Manitoba. Par ailleurs, l'Ontario envisage actuellement de mettre sur pied un programme.
Les États-Unis ont une grande expérience des camps de type militaire. La leçon qu'on en a tirée, c'est que le recours au camp de réadaptation de type militaire, où les jeunes contrevenants participent à un programme intensif axé sur la discipline et la mise au pas, n'a en général aucune conséquence positive dans la mesure où cela ne décourage pas la récidive. Toutefois, si l'on intègre au camp de type militaire un programme intensif axé sur le traitement et l'éducation qui aidera les jeunes contrevenants, ce système est utile. En outre, il est indispensable d'effectuer un suivi une fois que les jeunes sont sortis du camp de type militaire, et cela constitue apparemment un facteur d'une importance cruciale si l'on veut obtenir des résultats positifs.
Mme Barnes: À la page 8, paragraphe 5, vous énumérez diverses options: les conseils de famille, les comités de la justice pour les jeunes, la détermination de la peine par les pairs dans le cas des Autochtones, les programmes d'apprentissage professionnel, les écoles alternatives et les programmes communautaires de prévention et d'orientation. Ce sont là d'après vous les mesures de rechange qu'il faudrait prendre, n'est-ce pas?
Mme Pennell: Oui, à notre avis, on pourrait envisager ces mesures de rechange. Ce serait également une façon de mettre en oeuvre ce dont on a parlé, l'approche axée sur le partenariat, en vertu de laquelle le ministère de la Justice ne s'occupe pas de choses qui ne sont pas de son ressort, mais ne fait pas non plus cavalier seul, mais fait appel aux ressources que peuvent offrir les familles et les collectivités. Voilà des façons d'atteindre cet objectif.
Mme Barnes: Vous envisagez donc une déjudiciarisation avant que l'affaire ne soit rendue devant les tribunaux, comme le fait le Québec à l'heure actuelle, ou le recours à une sorte de processus d'examen préalable par le tribunal mais le renvoi dans la collectivité pour l'application de la peine? Je pose la question car l'intervention du tribunal pose déjà un gros problème en raison des retards et du scepticisme qu'éprouvent les adolescents, les parents et les membres du grand public au sujet d'une méthode trop répressive et de la mascarade qu'est le système.
Mme Pennell: Nous insistons sur le fait que la déjudiciarisation ou les mesures de rechange doivent être envisagées de façon très souple et englober tous les éléments dont vous parlez. Nous pourrions faire preuve de plus de créativité à l'élaboration des mesures de rechange. Nous voulons intervenir avant que les accusations soient portées ou que les adolescents soient judiciarisés et il nous faut trouver des façons novatrices d'appliquer ces mesures.
Un bon nombre de programmes ont été mis à l'essai au Canada, mais on ne les a pas appelés officiellement des programmes de mesures de rechange. En conséquence, ces programmes ne reçoivent pas le financement nécessaire à leur maintien.
Mme Barnes: Dans le cadre de votre travail, vous occupez-vous d'établir une liste des modèles correspondant aux meilleures pratiques ou une simple liste des mesures en vigueur dans le pays? Si vous disposez d'une telle liste, je suis sûr que les responsables du ministère de la Justice l'ont également, mais si vous recevez ce genre de renseignements, pourriez-vous les faire parvenir au comité?
Mme Pennell: Volontiers. En fait, j'ai rédigé un rapport sur nos consultations et vous pourrez en obtenir un exemplaire. Ces consultations portent sur l'élaboration d'une foule de programmes à adopter pour répondre aux divers besoins de la collectivité.
Nous insistons notamment sur le fait qu'on ne peut pas partir du principe que certaines des meilleures pratiques donneront les mêmes résultats à Edmonton qu'à St. John's. Il faut tenir compte du contexte local.
Le président: Madame Venne.
[Français]
Mme Venne: En vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants, la computation de la durée de détention comporte deux dates de départ différentes selon que l'adolescent est jugé par un tribunal pour adultes ou par un tribunal pour adolescents.
Je vais vous décrire la situation la plus saugrenue qui puisse survenir. C'est celle d'un adolescent de 15 ans trouvé coupable de meurtre au premier degré. Il sera admissible à une libération conditionnelle après cinq ans de détention s'il est jugé par un tribunal pour adultes en vertu du Code criminel. Toutefois, le même adolescent de 15 ans, s'il est jugé par un tribunal pour adolescents, devra purger six ans de mise sous garde avant de pouvoir obtenir sa libération conditionnelle. Évidemment, l'adolescent dans cette situation aura avantage à être jugé devant un tribunal pour adultes.
Que pensez-vous de cette situation?
M. Hastings: Absurde!
Mme Venne: D'accord. C'est tout.
[Traduction]
Le président: Monsieur Knutson.
M. Knutson (Elgin - Norfolk): Vous dites ici ne rien trouver à redire à la loi, mais déplorer la façon dont elle est appliquée. J'aimerais poser une question du point de vue d'un député de l'Ontario, car je connais surtout la situation dans cette province.
Si le gouvernement Harris semble déterminé à mettre à l'essai le système des camps de réadaptation de type militaire et refuse de financer les mesures prises au niveau communautaire, le counselling intensif ou les programmes offerts dans la collectivité, que nous recommanderez-vous de faire à ce moment-là?
Mme Pennell: Il a déjà été dit aujourd'hui que nous devrions en fait examiner les programmes que le gouvernement fédéral est disposé à financer et les principes sur lesquels il se fonde. C'est sur ces principes qu'il faut essentiellement insister.
Il y a aussi l'éducation du public. Il faut que chacun comprenne bien que l'approche punitive en soi ne donne pas de résultats et ne sera pas efficace.
M. Knutson: Selon vous, donc, si une province n'est pas prête à épouser les principes de la loi, nous devons agir de façon unilatérale, établir nos propres programmes de mesures de rechange et les financer et les appliquer nous-mêmes. C'est bien cela?
Mme Pennell: C'est une décision qu'il vous revient de prendre, en fonction de ce qu'il est possible de prévoir dans la loi.
M. Hastings: Je voudrais ajouter quelque chose à ce sujet. Mme Barnes a soulevé la question lorsqu'elle a parlé des meilleures pratiques.
Nous commençons à être bien informés au sujet de certains programmes qui donnent des résultats positifs dans certaines circonstances. L'une des mesures les plus efficaces que pourrait prendre le gouvernement fédéral c'est de faire plus de publicité pour ces programmes. Ce serait une façon de tenir les provinces responsables de leur refus d'adopter ce genre de mesure. Ce serait également une façon de les obliger à rendre compte de la dépense de sommes considérables de deniers publics pour mettre en oeuvre des programmes qui se sont révélés un échec.
M. Knutson: Je comprends.
Vos études vous ont permis de déterminer lesquels, parmi les programmes existants, donnent des résultats. En général, tous les témoins qui ont comparu ont dit que, malgré les ressources que nous consacrons au placement sous garde, le système ne fonctionne pas. En général, les programmes communautaires donnent de meilleurs résultats.
Je me demandais si, de façon plus précise, vous avez des idées sur les mesures qui donnent des résultats dans le cas des agresseurs sexuels.
Mme Pennell: Oui, je peux répondre à cette question.
Pour ce qui est des auteurs d'agressions sexuelles, il ne faut pas perdre de vue qu'ils sont en général incarcérés pendant une certaine période et qu'il nous faut donc bien réfléchir à ce qui se passera à leur sortie de prison. Là encore, je parle en puisant dans mon expérience des discussions de groupe en famille, lesquelles ont porté à l'occasion sur des cas très graves d'agressions sexuelles.
On a constaté qu'il était essentiel de mettre sur pied un système communautaire pour surveiller les agresseurs sexuels. En l'occurrence, il s'agissait de divulguer le nom du coupable, non pas à l'ensemble de la collectivité, mais aux personnes qui le connaissaient vraiment. On les faisait intervenir grâce au réseau des amis de la famille en vue de concevoir un plan.
Les agents de liberté conditionnelle ont dit que c'est le moyen le plus efficace, d'après leur expérience, de remédier au problème, car pour une fois, toute la collectivité connaît la personne, prend à coeur le sort des victimes et du contrevenant et, avec le consentement de ce dernier, fait un rapport à l'agent de liberté conditionnelle sur les mesures à prendre.
M. Knutson: Où est-ce que ce système est en place?
Mme Pennell: À Terre-Neuve et au Labrador.
M. Knutson: Nous pourrions peut-être obtenir plus de détails sur ce point.
Mme Pennell: Oui bien sûr. En fait, j'ai le rapport sous la main si vous souhaitez que je le remette au président.
M. Knutson: Oui.
Le président: Monsieur Ramsay.
M. Ramsay: Je m'intéresse aux mesures qui donnent des résultats. Nous avons entendu parler de certains programmes très intéressants qui semblent fonctionner, comme les groupes de détermination de la peine et groupes de ressourcement au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Je sais également que si l'on diminue l'incidence de l'alcoolisme dans une collectivité, on réduit la criminalité également. Je sais cela par expérience personnelle.
Pourquoi les organismes comme le vôtre ne parlent-ils pas davantage de ces mesures lorsqu'ils comparaissent devant notre comité? Pourquoi ne recevons-nous pas d'information de la part de groupes comme le vôtre qui consacrent énormément de temps à la préparation de mémoires à notre intention? Pourquoi ne traitez-vous pas de l'un des facteurs les plus importants à l'origine non seulement de la maltraitance des enfants mais également de la criminalité en général? Cela contribue à l'immoralité sur le plan sexuel, laquelle entraîne l'éclatement de la famille. Pourquoi ne parlez-vous pas de ce facteur qui, à lui seul, est l'une des principales causes de la criminalité?
Mme Pennell: Nous en traitons dans notre mémoire et dans notre rapport. Nous faisons ressortir cette question en disant tout d'abord que le contexte familial et communautaire dans lequel grandissent les jeunes influe directement sur ce qu'ils deviendront ensuite. Par ailleurs, nous reconnaissons que les adolescents - et ils sont nombreux à être alcooliques ou toxicomanes - doivent être traités. Tant qu'on ne leur offrira pas ce traitement, la situation continuera comme par le passé. L'incarcération n'est pas nécessairement la solution au problème si elle ne s'accompagne pas d'un traitement approprié.
Par ailleurs - et je dis cela car j'ai travaillé au sein de certaines collectivités agricoles et en milieu rural - lorsque le problème d'alcoolisme touche la majorité des membres d'une collectivité, il faut véritablement venir en aide à celle-ci pour que ses membres s'attaquent eux-mêmes au problème. Il ne sert à rien que des gens de l'extérieur arrivent en disant voilà ce qu'il faut faire pour que tout rentre dans l'ordre. Lorsque les membres de la collectivité arrivent à se ressourcer eux-mêmes, on constate d'excellents résultats qui peuvent nous servir de modèles dans notre pays.
M. Ramsay: Permettez-moi d'être plus précis. J'ai fait partie de la Gendarmerie royale du Canada pendant un certain nombre d'années. Au cours de cette période, les heures d'ouverture des magasins d'alcool ont été prolongées. Nous savions, statistiques à l'appui, que l'alcoolisme devenait de plus en plus fréquent lorsque ces magasins restaient ouverts jusqu'à 20 heures, puis 22 heures, puis minuit et enfin 2 heures du matin. Toutefois, nous n'avons jamais pu exprimer notre opinion en disant que si le gouvernement devait adopter une loi pour autoriser ces magasins d'alcool à rester ouverts plus longtemps, il ferait mieux de se préparer à en subir les conséquences, soit augmenter nos effectifs et nos installations pour faire face à ce genre de problèmes, qui s'étendent jusqu'au milieu familial.
Pourquoi les organismes comme les services policiers et votre conseil ne nous disent-ils pas que si l'on réduit le taux de consommation d'alcool et d'alcoolisme, nous constaterons un rapport direct avec la diminution du nombre d'incidents criminels, y compris l'éclatement de la cellule familiale, laquelle est à l'origine d'un si grand nombre d'infractions commises par des adolescents? Pourquoi les organismes comme le vôtre, ou les services policiers, etc., ne font-ils pas valoir ce genre d'argument?
En revanche, nous constatons que les mesures visant à réduire les cas de conduite avec facultés affaiblies ne prévoient pas la réduction des heures d'ouverture de ces magasins - et tout policier qui connaît son boulot le sait. Au lieu de cela, on nous dit que l'on va faire des barrages routiers, ce qui signifie un plus grand déploiement d'effectifs, plus de matériel et une plus grande ponction sur les budgets disponibles.
Même s'il en est question dans votre mémoire, pourquoi n'en avez-vous pas parlé aujourd'hui pendant votre témoignage? Je vous aurais bien mieux noté si vous aviez abordé ce facteur très grave qui est l'une des causes de la criminalité.
Mme Pennell: En tant que professeur, je vais devoir raconter cette histoire à mes étudiants à mon retour. Je vous sais gré de vos observations et de vos critiques.
M. Hastings: Pour répondre à votre question, je dirais que même si je conviens avec vous que la consommation d'alcool est à l'origine d'un grand nombre d'abus et de problèmes, il serait peut-être plus utile de considérer la consommation d'alcool comme l'une des autres incidences d'un sentiment généralisé d'impuissance, de désespoir et d'une vie dénuée de sens, et que les solutions susceptibles de nous aider à prévenir la criminalité nous aideront probablement également à prévenir l'alcoolisme.
M. Wells (South Shore): Je vais traiter de certaines questions que vous soulevez.
Il existe deux écoles de pensée sur la responsabilité des parents. D'une part, il y a ceux qui veulent tenir les parents responsables, sur le plan pénal ou civil, des actes de leurs enfants. Vous semblez adopter une approche différente, en proposant une collaboration entre les parents et le système judiciaire. Pourriez-vous nous dire ce qui vous incite à penser ainsi?
Tout d'abord, estimez-vous que les parents doivent être tenus responsables au pénal des actes de leurs enfants s'il s'agit de jeunes contrevenants? Dans le cas contraire, pourquoi pas? À la lecture de votre mémoire, j'ai l'impression que vous n'êtes pas de cet avis.
Mme Pennell: Notre Conseil ne préconise pas que les parents soient tenus responsables sur le plan pénal des actes des adolescents. Nous estimons toutefois qu'il faut insister sur la responsabilité des parents et, au lieu de les isoler... Souvent, ils ne savent pas ce qui se passe relativement aux enquêtes policières, aux tribunaux, à l'incarcération ou à la date de libération des jeunes, et il faut les informer à ce sujet.
Nous faisons une mise en garde contre le fait que certains parents maltraitent leurs enfants. De nombreux jeunes ont de bonnes raisons de fuir leurs parents ou de chercher refuge ailleurs. Lorsqu'on envisage de faire participer les parents ou de les tenir responsables, il faut examiner de près la situation familiale.
Par ailleurs - et je m'appuie ici sur mon expérience de travailleuses sociales - les familles qui traversent une période très difficile savent bien souvent ce qu'il faut faire pour s'assurer que leurs enfants ne feront pas de bêtises, mais ne savent pas comment procéder et n'ont pas les ressources voulues pour le faire. Les parents sont des gens bien informés et sages, même s'ils sont parfois eux-mêmes aux prises avec l'alcoolisme ou la violence familiale.
Ce qu'il faut mettre sur pied, entre autres choses, c'est un système de soutien et d'éducation qui leur permette d'assumer leurs responsabilités de façon concrète.
L'expérience m'a également appris - et c'est aussi ressorti des consultations - que si nous nous contentons de reprocher aux parents les méfaits de leurs enfants, d'une part on déresponsabilise les jeunes et il est impossible de les obliger à rendre compte de leurs actes de la même façon, et d'autre part, on provoque une réaction négative des pères qui refusent d'être mis en cause s'ils doivent être tenus responsables. Les mères de ces jeunes deviennent alors très déprimées et il leur est d'autant plus difficile d'assumer leurs responsabilités. Il s'agit donc vraiment de leur donner les moyens d'agir grâce aux ressources, à la consultation et à l'information.
M. Wells: Y a-t-il des cas où vous pourriez tenir les parents responsables sur le plan pénal?
M. Hastings: Je pense que le fait de tenir les parents responsables des actes d'une autre personne ne constitue pas une stratégie particulièrement utile. Il serait difficile de présenter à un tribunal des preuves qui soient convaincantes.
Il y a bien des cas où les parents se comportent de façon criminelle soit en agissant violemment, soit en se dérobant à leurs responsabilités, et peut-être faudrait-il poursuivre ces manquements de façon plus agressive. Il y a aussi des cas où l'on n'a pas intenté les poursuites administratives voulues contre des hommes qui ne versaient pas leur pension alimentaire, ce qui a de graves conséquences pour les familles.
M. Wells: Merci.
Je dois dire qu'à la lecture de votre mémoire, j'ai appris bien des choses sur la responsabilité des parents qui m'ont permis de mieux cibler mes interventions sur des questions pertinentes, et je vous en remercie.
M. Hastings: Merci.
Le président: Merci, monsieur Wells.
Madame Venne.
[Français]
Mme Venne: Non, je passe ce tour. Merci.
[Traduction]
M. Gallaway (Sarnia - Lambton): J'avais envie de vous demander si vous recommanderiez un retour à la prohibition, mais je ne le ferai pas.
J'aimerais revenir à deux de vos recommandations. Premièrement, il y a la recommandation numéro 20 à la page 16, où vous recommandez à notre comité de prendre contact avec l'Institut national de la magistrature:
- ...pour organiser des groupes de discussion avec les juges afin d'explorer divers modèles
possibles pour répondre aux préoccupations mentionnées par d'autres professionnels de la
justice ou membres du public au sujet du jugement des juges particuliers.
- Pourriez-vous nous expliquer cela en quelques mots?
Je me souviens d'un jeune homme qui nous a raconté qu'après avoir commis une infraction mineure - je crois qu'il avait fauché quelque chose dans un magasin - il a dû attendre à peu près un an pour passer au tribunal, et il a écopé de trois mois. Par la suite, lorsqu'il a essayé de poignarder quelqu'un, on lui a de nouveau infligé une peine de trois mois. Il trouvait complètement aberrant d'avoir la même punition pour deux actes qui n'avaient absolument pas la même gravité à son avis.
On nous a aussi parlé d'avocats qui faisaient du magasinage auprès des juges, qui passaient d'un juge à l'autre pour essayer d'obtenir la meilleure décision possible.
M. Gallaway: Compte tenu du degré de soutien au niveau de l'évaluation des jeunes gens avant que leur peine soit prononcée et compte tenu plus généralement du niveau des professionnels qui ouvrent comme travailleurs de soutien dans les tribunaux, trouvez-vous étonnant que les juges semblent régulièrement prononcer des sentences qui ne sont pas proportionnées aux crimes?
Mme Pennell: Je crois qu'il y a des quantités de bonnes explications à cela. Il y a notamment la surcharge de travail. Il y a aussi le fait que certaines provinces appliquent la Loi sur les jeunes contrevenants avec des oeillères sans se préoccuper d'avoir une plus grande ouverture. Dans ces conditions, la marge de manoeuvre des juges à l'intérieur des provinces est aussi très limitée - et je sais que c'est le cas dans ma propre province, où il y a une pénurie de ressources.
Mon expérience auprès des tribunaux m'a aussi montré qu'il y avait des modes - je ne sais pas si c'est vraiment le bon mot - ou des périodes où certaines mesures sont plus populaires que d'autres. Cela ne cadre pas toujours avec ce qui se passe dans l'existence des jeunes gens.
M. Gallaway: Il y a aussi une recommandation à la page 7 où vous parlez d'autres mesures. Vous recommandez tout d'abord de préciser les types d'infractions.
Nous avons entendu ce matin des débats et des recommandations très généraux et assez philosophiques d'une certaine manière. Nous avons l'air d'appliquer le même genre de démarche philosophique à ces jeunes délinquants, quel que soit le crime qu'ils ont commis. Vous venez de nous mentionner le cas du vol d'une tablette de chocolat et de l'agression au poignard.
Comment détermine-t-on la différence? Autrement dit, l'enfant qui a volé une tablette de chocolat risque peu de récidiver, d'après les témoins que nous avons entendus hier, alors que celui qui poignarde quelqu'un d'autre est déjà allé assez loin.
Où trace-t-on la limite pour ces délinquants occasionnels... je ne veux pas dire «insignifiants», mais disons mineurs, qui commettent une indélicatesse plutôt qu'un acte criminel? À quel niveau décide-t-on de ne pas les poursuivre?
Mme Pennell: Cela se fait notamment au niveau de la police qui a de plus en plus de discrétion en la matière. Il faudrait aussi que nous ayons beaucoup plus de programmes qui ne soient pas nécessairement axés sur la répression de la criminalité de ces jeunes gens, mais qui visent plutôt à leur ouvrir d'autres voies.
Ce que j'ai trouvé de vraiment positif aussi, c'est l'initiative de certains jeunes qui expliquent à d'autres jeunes ce qu'est le vandalisme, le vol à l'étalage, etc. Ce genre de message passe vraiment bien.
Il y aurait donc des tas de choses à faire avant de poursuivre quelqu'un. Toutefois, à partir du moment où l'on intente des poursuites, il faudrait beaucoup plus chercher à appliquer d'autres mesures.
Nous avons entendu dire, en particulier à Edmonton car les Autochtones y étaient assez abondamment représentés, que de nombreux jeunes des réserves allaient tôt ou tard avoir des ennuis avec la justice. Ce que cela veut dire, toutefois, c'est que quand ils quittent leur réserve pour venir en ville, ils sont déjà considérés comme coupables, et ils ne sont donc pas admissibles au programme de mesures de remplacement. Il y a un racisme systémique qui fait que les Autochtones et les autres jeunes appartenant à des minorités sont sous-représentés dans les programmes de réorientation.
Le président: Monsieur Ramsay, vous avez cinq minutes.
M. Ramsay: Je ne sais pas ce que M. Gallaway voulait dire exactement quand il a parlé de prohibition, mais fermer les yeux sur les conséquences de l'abus d'alcool et sur son incidence dans la criminalité, c'est à mon avis fermer les yeux sur ses causes. Si nous ne nous penchons pas sur les causes de la criminalité et si nous n'intervenons pas à ce niveau - et je sais bien que l'abus d'alcool est aussi le résultat d'un problème plus profond - si nous ne nous attaquons pas à ces problèmes, nous allons être comme des pompiers qui arrosent les flammes sans s'attaquer à la cause de l'incendie, et les flammes vont continuer à surgir quand on n'aura pas attaqué le foyer à la base.
J'aimerais vous poser - et vous pouvez tous les deux répondre - une question sur la criminalité chez les jeunes et leur sens de la justice. J'ai souvent eu l'impression, d'après mon expérience avec les enfants, avec mes propres enfants et avec des enfants qui ont eu des démêlés avec la justice, que leur sens de la justice avait été déformé, parce qu'ils n'avaient pas reçu de leurs parents l'amour, l'attention et les soins voulus, en réponse à leurs besoins physiques, affectifs, spirituels ou autres. Comme ces besoins étaient restés insatisfaits dans leur enfance, ils ne voyaient pas de raison d'obéir aux règles domestiques puisque cela ne leur rapportait rien. Naturellement, ils ont transposé cette attitude dans leur vie d'adultes. Ils ne voyaient pas l'intérêt d'obéir aux règlements et aux lois.
Autrement dit, on pouvait leur enseigner les bons principes, mais ils ne les suivaient pas parce qu'ils ne voyaient pas l'utilité de le faire. J'ai constaté que chez beaucoup de jeunes auxquels j'ai eu affaire, et chez mes propres quatre enfants, c'était un facteur de déviance.
Qu'en pensez-vous?
Mme Pennell: Notre Conseil part du principe que l'expérience allant de la période prénatale à l'âge de cinq ans conditionne vraiment l'avenir. Il faut s'occuper de ce groupe d'âge. Si l'on donne à ces enfants l'affection voulue, pas seulement dans leur entourage familial, mais aussi dans leur entourage social, on constatera un grosse différence par la suite au niveau de la criminalité.
Je suis mère de trois enfants, dont deux adolescents et un qui le sera bientôt, et je crois vraiment que les parents peuvent faire beaucoup pour les enfants. Mais je suis également très consciente de la très forte influence des pairs et de la culture des jeunes. On ne peut pas tout simplement dire que les parents ne font pas ce qu'il faut. Nous devons tenir compte de l'ensemble de la collectivité.
Je reviens aux questions qu'on posait tout à l'heure sur la participation du secteur privé; je crois que cela peut faire une grande différence. Je viens d'une province où le taux de chômage est extraordinairement élevé, de même que le taux d'exode des jeunes, parce qu'il n'y a pas d'emploi et ceux qui restent sont plongés dans l'ennui le plus total. Ils veulent travailler, mais il n'y a pas d'emplois. Tout cela a une incidence sur la criminalité.
M. Hastings: Je voudrais ajouter une brève observation. Un message qui est revenu constamment à l'occasion de nos consultations, c'est que les jeunes, surtout les adolescents, n'ont aucun espoir de jouer un rôle utile. Ce constat découle en partie de l'avenir qu'ils envisagent sur le plan de l'emploi, de la carrière et de la famille, mais aussi de façon plus immédiate cela met en cause leur droit et leur capacité de participer à part entière à leurs collectivités de façon utile, de faire don d'eux-mêmes et d'être considérés.
C'est là que nous devrions peut-être faire attention quant à la responsabilité que nous faisons assumer aux parents. Dans certaines localités, il n'y a pas d'emplois et aucun espoir d'en trouver et les meilleurs parents du monde ne peuvent pas créer d'emplois. Tout ce qu'ils peuvent faire, c'est donner aux jeunes les outils pour s'en tirer. Cela revient au point qu'on a soulevé au tout début: à moins qu'on ne s'attaque à cela sur le plan sociétal, le système de justice sera un échec.
Le président: Merci, monsieur Ramsay.
Monsieur DeVillers.
M. DeVillers (Simcoe-Nord): Merci, monsieur le président. Je ne suis qu'un humble membre associé du comité, mais je vous remercie de me permettre de poser une question.
Je me rends compte que vous mettez l'accent sur la prévention, mais aux pages 8 et 9 de votre mémoire, vous traitez de ce que vous décrivez comme l'opinion généralisée selon laquelle les jeunes ne sont pas tenus responsables de leurs actes et vous énumérez les mesures punitives que les gens réclament dans le cadre de la Loi sur les jeunes contrevenants.
Je me demande seulement si vous voudriez nous dire comment vous envisagez le rôle des éléments punitifs. J'ai eu un entretien avec l'un de mes électeurs sur la question générale des sentences et je lui ai laissé entendre que ce qu'il recherchait, c'était la vengeance. Il m'a repris et m'a dit que non, qu'il réclamait plutôt le châtiment. Je constate que beaucoup envisagent le processus de détermination de la peine sous cet angle traditionnel. Je me demande seulement comment vous voyez le rôle du châtiment ou de l'aspect punitif dans la détermination de la peine pour les jeunes contrevenants.
Mme Pennell: Au sujet de la perception du public, j'ai participé à bon nombre de lignes téléphoniques dans différentes régions du pays et j'ai entendu ce que les gens ont à dire à ce sujet. Les gens commencent souvent par dire que la solution, c'est la peine du fouet comme à Singapour. Je constate toutefois qu'une fois le dialogue amorcé, les gens ne s'en tiennent pas à ces solutions simplistes et qu'ils ne réclament pas exclusivement le simple châtiment. Ce qu'ils ressentent en fait, c'est un sentiment de perte parce qu'ils vivaient auparavant dans une société qui était en mesure d'encadrer ses jeunes et ils ont maintenant l'impression que cela échappe à tout contrôle.
Par conséquent, quand je commence à discuter avec les gens de ce qui fonctionnait dans le passé et de ce qui donne de bons résultats à leur avis, on constate que les gens s'intéressent surtout au sort des jeunes et, sans privilégier le châtiment, ils cherchent plutôt ce que l'on pourrait faire pour résoudre le problème. À titre de représentante du Conseil national de la prévention du crime, il est très important que je dise aux gens que je suis à l'écoute de leurs éléments de solutions. Une fois qu'ils ont le sentiment d'avoir été entendus, ils commencent à modifier leur position. C'est beaucoup plus riche et beaucoup mieux informé que de dire simplement qu'il faut les punir et que c'est la seule solution. En fait, les gens sont beaucoup plus éclairés que cela.
C'est très important pour nous, au Conseil, et c'est précisément ce que nous faisons. Nous avons bon nombre de publications, mais nous avons également des membres qui rencontrent individuellement divers groupes. C'est une façon de diffuser l'information qui nous est transmise.
Je viens de prendre la parole devant un groupe de citoyens intéressés par la prévention du crime dans ma propre province et ce que j'entends, c'est que les gens cherchent vraiment une orientation nationale afin de ne pas s'embourber dans une approche stagnante.
M. Hastings: Je voudrais soulever brièvement un autre point. Une chose que nous savons au sujet de la réaction du système de justice pénale, c'est que plus cette réaction est rapide, plus elle est efficace et je pense que c'est particulièrement vrai dans le cas des jeunes. Ces derniers traversent une série d'étapes très importantes pour leur développement au cours desquelles émergent divers types de comportement et si nous pouvions mettre au point un mécanisme pour réagir clairement à ces comportements lorsqu'ils sont inappropriés, ce serait très utile.
L'une des raisons pour lesquelles nous croyons que les solutions offertes au niveau communautaire sont très importantes, c'est que le système de justice est un instrument très lourd et très lent qui ne peut donc pas intervenir efficacement à cette étape du développement et nous avons beaucoup plus confiance en la capacité des mesures de déjudiciarisation pour ce qui est d'intervenir de façon appropriée et en temps voulu.
M. DeVillers: À la recommandation numéro 6, qui suit cette partie, on fait allusion à une «agence de renvoi»; cela apparaît au point 6(i) et 6(ii). S'agit-il d'un bureau de probation? Je n'ai pas très bien compris ce qu'on voulait dire par là.
Mme Pennell: Oui, ce serait inclus là-dedans.
M. DeVillers: Ce serait des agents de probation, des travailleurs sociaux?
Mme Pennell: Les services d'aide à l'enfance et les services correctionnels pour jeunes.
M. DeVillers: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur DeVillers.
Je vous remercie beaucoup d'être venus comparaître aujourd'hui. C'est un plaisir d'obtenir l'information dont vous nous avez fait part. Je suis certain que votre mémoire sera étudié attentivement par les membres du comité.
Nous allons faire une pause de cinq minutes avant de passer au groupe suivant. Merci beaucoup.
Mme Pennell: Merci.
Le président: Nous allons reprendre la séance et poursuivre notre étude de la Loi sur les jeunes contrevenants.
Nous accueillons maintenant des représentants de la Ligue pour le bien-être de l'enfance du Canada, à savoir Sandra Scarth, directrice exécutive, Vaughan Dowie, président, et Sarah Lugtig de Montréal.
Vous avez la parole pour faire votre exposé, après quoi nous aurons des questions à vous poser.
Mme Sandra Scarth (directrice exécutive, Ligue pour le bien-être de l'enfance du Canada): Merci beaucoup de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant le comité. Je m'appelle Sandra Scarth et je suis directrice exécutive de la Ligue pour le bien-être de l'enfance du Canada.
Vaughan Dowie travaille avec les «Batshaw Youth and Family Centres» de Montréal et il est également président du Conseil de la Ligue pour le bien-être de l'enfance du Canada.
Sarah Lugtig, notre attachée de recherche, sera également à votre disposition pour répondre aux questions sur la recherche signalée dans notre mémoire et aussi sur les économies possibles que nous avons signalées à la fin de notre mémoire.
La Ligue pour le bien-être de l'enfance du Canada est une organisation charitable à charte fédérale qui se consacre à la protection et à la promotion du bien-être de l'enfance, en particulier des enfants qui sont dans une situation où les risques sont plus élevés à cause de la pauvreté, des mauvais traitements et de la négligence. Les organismes membres de notre organisation d'un bout à l'autre du Canada servent probablement au moins un quart de million d'enfants et de familles chaque année.
Nous voulons mettre en relief quelques points seulement, car nous croyons que notre mémoire se passe d'explications et parce que nous voudrions avoir le temps de discuter après la présentation. En fait, notre mémoire est fondé tout entier sur le fait que la Loi sur les jeunes contrevenants n'est qu'un élément de la politique et de la stratégie du gouvernement fédéral dans le secteur de la prévention et de la réduction du crime chez les jeunes. La loi en elle-même ne peut pas résoudre les problèmes.
Nous croyons que ce qu'il faut faire peut se faire, dans la plupart des cas, dans le cadre de la loi actuelle et que cela devrait se faire en référence à la ratification par le Canada de la Convention des Nations unies sur les droits des enfants et dans l'esprit de l'intention original de la Loi sur les jeunes contrevenants, qui visait à équilibrer la protection du public et la réadaptation des jeunes contrevenants et aussi à leur donner le sentiment d'être traités dans le cadre d'une procédure judiciaire équitable, ce qui n'était pas le cas avec l'ancienne législation sur la délinquance juvénile.
Nous avons donc cinq points à signaler.
Premièrement, les changements apportés à la loi ne devraient pas être fondés sur des idées fausses à l'égard du problème qui sont répandues parmi le public.
Deuxièmement, nous croyons que les problèmes sont davantage attribuables à une mauvaise exécution de la loi qu'à des lacunes de la loi elle-même.
Troisièmement, la réponse axée sur les services correctionnels ne tient pas compte des causes profondes de la criminalité chez les jeunes et coûte plus cher socialement et financièrement.
Quatrièmement, nous croyons que le gouvernement canadien et aussi les gouvernements provinciaux devraient mettre l'accent sur l'élaboration d'un modèle de développement social, ce qui s'est révélé efficace dans d'autres pays pour ce qui est de cibler les causes profondes de la criminalité chez les jeunes et de réduire l'incidence de cette criminalité. Nous préconisons un modèle axé sur la prévention et la réinsertion sociale; un tel modèle serait préférable aussi sur le plan avantages-coûts.
Cinquièmement je voudrais toucher un mot des programmes canadiens de prévention que nous avons énumérés dans notre mémoire, car nous croyons que ces programmes offrent beaucoup de potentiel. La liste se trouve aux pages 29 et 30. Ensuite, nous voudrions passer en revue les recommandations que nous faisons à la fin.
J'étais présente pendant la dernière présentation et je voudrais dire également que nous croyons vraiment que le travail du Conseil national pour la prévention du crime offre un potentiel extraordinaire pour ce qui est d'apporter des changements très positifs à notre système de justice pénale pour les jeunes. Nous espérons que vous tiendrez compte de ses recommandations.
Pour ce qui est de notre premier point, nous croyons qu'il est absurde d'apporter des changements critiques à une politique et à la loi en se fondant sur des idées fausses qui sont répandues parmi le public. Nous savons que le comité a accès à d'excellentes données statistiques du ministère de la Justice et d'autres, mais le public doit malheureusement se fier à la presse.
Les statistiques que nous avons vues - nous pouvons évidemment toujours pinailler sur les statistiques - montrent que la criminalité parmi les jeunes est stable ou en diminution. Il est vrai que le taux d'homicides par les jeunes augmente en proportion des homicides perpétrés par des adultes, mais de façon générale, les homicides commis par des jeunes sont beaucoup moins nombreux qu'ils ne l'étaient dans les années 1970. Le public ne le sait pas. Les gens ne comprennent pas cela. Nous sommes d'accord pour dire qu'il y a un tout petit nombre de jeunes contrevenants très violents et chroniques et nous n'avons aucune objection à ce qu'on les traite comme ils le méritent.
Malheureusement, les idées fausses sont alimentées par la presse qui met l'accent sur ces cas les plus graves. Il y a une foule de statistiques contradictoires sur la hausse du crime chez les jeunes; nous en lisons constamment des exemples dans les journaux. Tout cela embrouille le public. Les positions adoptées par les services de police et les conseils scolaires de l'Ontario qui réclament une tolérance zéro ne font qu'ajouter à la confusion. Cela effraie le public et l'induit à croire qu'il y a une hausse spectaculaire du crime parmi les jeunes.
Ce fossé entre la vérité sur le crime parmi les jeunes et la perception du public a été dénoncé il y a au moins trois ans par le Comité de la justice présidé alors par Bob Horner. Le professeur Nick Bala et Patricia Bégin et d'autres encore ont tous signalé ce fossé. C'est ainsi que le public en est venu à réclamer avec force des mesures beaucoup plus sévères, en se fondant sur une conception fausse de la Loi sur les jeunes contrevenants.
Nous en donnons un exemple dans notre mémoire: L'étude effectuée au Manitoba et en Alberta qui montre que le public croit que les dispositions sont beaucoup plus clémentes qu'elles ne le sont en réalité. Il faut éclairer le public.
Nous n'avons pas d'objection à ce qu'on enferme les éléments vraiment indésirables, les délinquants violents et chroniques qui offrent peu d'espoir de réadaptation. Nous croyons que la société peut et doit être protégée contre ce tout petit nombre de délinquants vraiment épouvantables. D'ailleurs, ces derniers peuvent être renvoyés aux tribunaux pour adultes où ils peuvent être corrigés comme ils le méritent.
Notre conviction est qu'une politique fondée exclusivement sur ces scénarios du pire sera vraiment inefficace pour ce qui est de s'attaquer au problème d'ensemble que présentent la grande majorité des jeunes contrevenants. Nous craignons donc que l'intervention du gouvernement fédéral ne soit fondée sur des idées fausses et nous exhortons le gouvernement à faire d'abord l'éducation du public. Le forum national, le groupe national qui nous a précédés peut certainement vous aider à cet égard.
Deuxièmement, nous exhortons le gouvernement à jouer un rôle vraiment ferme de leader pour ce qui est d'établir un plan global à long terme au lieu de recourir à des solutions simples, populaires et simplistes - comme les camps de type militaire - dans un dossier qui est vraiment complexe.
Je vais maintenant céder la parole à Vaughan qui abordera notre deuxième point.
M. Vaughan Dowie (président, Ligue pour le bien-être de l'enfance du Canada): Le problème, quand on a seulement 20 minutes pour présenter un mémoire de 35 pages, c'est qu'il faut sauter très rapidement d'un point à l'autre et je vais donc passer en revue une série de points qui figurent aux pages 6 à 12.
Nous disons tout d'abord que les problèmes de la Loi sur les jeunes contrevenants tiennent essentiellement à la mise en oeuvre de la loi et non pas au besoin de légiférer de nouveau et de modifier une fois de plus cette législation qui fait l'objet d'une liste interminable de modifications. C'est du côté de l'exécution de la loi que réside le problème et, dans une certaine mesure, du côté aussi de questions plus générales.
L'un des premiers points que nous voulons faire ressortir est qu'il serait illusoire de croire qu'une approche globale face à la criminalité chez les jeunes ne subit pas le contrecoup de la réduction du financement dans le cadre du RAPC entre le gouvernement du Canada et les provinces. Cette baisse a inévitablement comme conséquence la réduction des services sociaux généraux qui sont offerts aux collectivités. Je dis cela à titre de directeur exécutif d'une organisation qui doit offrir des services à l'enfance dans le cadre de la Loi sur la protection de la jeunesse du Québec et de la Loi sur les jeunes contrevenants.
Cette réduction du financement a inévitablement des conséquences. Des services qui ont pour but de prévenir le crime et d'aider les familles doivent être réduits, ce qui aboutit inévitablement à la recrudescence de certains phénomènes sociaux.
[Français]
Dans le mémoire, nous avons mentionné d'autres problèmes reliés à la mise en vigueur de la loi et nous avons dit qu'il était nécessaire de légiférer à nouveau. L'un des problèmes est la façon incohérente d'utiliser les mesures de rechange d'un endroit à l'autre au Canada. C'est un point qui a été soulevé par le groupe qui nous a précédés. C'est également l'un des points qui ont été soulevés lorsque je suis venu ici la dernière fois avec l'Association des centres jeunesse du Québec.
On a aussi mentionné dans notre mémoire qu'auparavant, beaucoup de jeunes étaient arrêtés par un policier et renvoyés chez eux. Le policier allait parler à leurs parents et laissait à ces derniers le soin de corriger le problème dans le cas de certains délits mineurs. De plus en plus, ces jeunes font maintenant l'objet d'interventions officielles en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants.
En ce qui a trait au fardeau de la preuve pour déférer un jeune, les changements apportés par le projet de loi C-37 ne sont pas nécessaires. C'est répondre à un problème qui n'existe vraiment pas.
Nous demandons au comité de réétudier le projet de loi. M. Rock, lorsqu'il l'a présenté au comité, a dit qu'on pouvait y apporter des modifications si on en venait à la conclusion que certains changements n'étaient pas nécessaires.
Dans notre mémoire, nous parlons aussi d'une étude réalisée en Ontario sur la surutilisation de la détention provisoire. On a constaté qu'environ 72 p. 100 des jeunes gardés en détention provisoire l'étaient pour des délits contre la propriété, malgré les fins visées par les dispositions de la loi à cet égard.
On note aussi un manque de cohérence à travers le Canada dans la réadaptation des jeunes. On a différents systèmes à travers le pays. Au Québec, le système est davantage basé sur la réadaptation. Dans d'autres provinces, l'approche est beaucoup plus carcérale. Il y a un manque de cohérence entre cette approche et la philosophie qui sous-tend la Loi sur les jeunes contrevenants.
La liste des problèmes de mise en vigueur est beaucoup plus longue que la liste qu'on a donnée aux pages 6 à 12. J'imagine que vous en avez déjà pris connaissance. On parle toujours du Québec comme du meilleur exemple d'un endroit où la Loi sur les jeunes contrevenants est efficace. C'est effectivement le cas quand on compare le Québec et d'autres endroits.
Le Québec vient de terminer une étude portant uniquement sur les problèmes de mise en vigueur. C'est un rapport intitulé Au nom... et au-delà de la loi qui a été préparé par un groupe de travail présidé par l'honorable juge Jasmin. On y donne une liste assez longue des problèmes reliés à la mise en oeuvre de la loi. On parle des délais, de la place donnée aux victimes et de la consultation entre les différents acteur. Le rapport préparé par ce comité peut vous être très utile, car vous pourrez y identifier un certain nombre de problèmes attribuables, non pas à la loi comme telle, mais à sa mise en vigueur.
[Traduction]
Mme Scarth: Je vais vous parler très brièvement du troisième point, à savoir que la réponse axée sur l'intervention correctionnelle ne tient pas compte des causes profondes de la criminalité chez les jeunes.
Nous avons signalé aux pages 13 à 16 qu'il y a des mesures qui permettent de prédire le crime chez les jeunes. Ce sont des facteurs dont M. Ramsay a signalé qu'ils étaient absents dans certaines présentations. Nous, nous les avons mis en relief en couleur dans notre mémoire. La liste comprend notamment la pauvreté, la violence familiale, les toxicomanies, les mauvais traitements, la négligence, le racisme et le comportement anti-social précoce, pour n'en nommer que quelques-uns. Tous ces facteurs sont énumérés par rubriques, communautaires, familiaux et individuels.
Nous avons également déniché des travaux de recherche canadiens très récents qui me semblent tout à fait renversants. Je vous ai fait parvenir un document qui renferme une brève description de ces travaux.
En fait, les services à l'enfance eux-mêmes sont un facteur de risque extrêmement puissant pour ce qui est de la criminalité ultérieure; non pas une cause, mais un facteur de risque très puissant.
Ce que le Dr Gus Thompson a constaté en Alberta - et cela a été confirmé par une étude très récente dont je n'ai pas encore le texte par le Dr Nico Trocmé de l'Université de Toronto - c'est qu'entre 60 et 80 p. 100 de ces enfants souffrent de graves problèmes de santé mentale, en comparaison de 18 p. 100 dans l'ensemble de la population, d'après les normes de la santé chez les enfants adoptées pour les études en Ontario. C'est absolument énorme.
Ce qui est encore plus inquiétant, c'est le taux très élevé de troubles de comportement, qui transforment l'adolescent en une personne asociale, ce qui contribue ensuite à le mener directement vers la criminalité adulte. Plus inquiétant donc, est ce taux très élevé de troubles du comportement: 25 p. 100 chez les filles, ce qui m'a renversée, et plus de 40 p. 100 chez les garçons, soit plus de 5 fois plus que dans l'ensemble de la population, où le taux est d'environ 4 p. 100.
Ce que nous savons des troubles du comportement, c'est qu'une fois qu'ils sont établis, habituellement vers l'âge de 8 ans, c'est très difficile à traiter. C'est très difficile d'éliminer ces troubles. Cela nous indique qu'il faut vraiment commencer beaucoup plus tôt.
Quand quelqu'un commence à commettre des crimes vers l'âge de 14 ans, il est presque trop tard. Il faut donc revenir en arrière. Nous savons qu'à ce moment-là, c'est très difficile de transformer les personnalités antisociales.
Il laisse donc entendre que nous avons certaines occasions, ce qui vient vraiment renforcer ce que l'on sait au sujet du travail familial et communautaire et de l'intervention précoce.
On peut commencer dès la naissance. On peut identifier à la naissance à peu près 50 p. 100 des enfants qui risquent de subir de mauvais traitements. Nous le savons. Ensuite, on peut faire des visites à la maison et mettre en branle les programmes communautaires évoqués tout à l'heure par Joan Pennell.
On peut en outre intervenir lorsqu'ils sont difficiles au jardin d'enfants. On peut intervenir une troisième fois lorsqu'ils échouent en première année et qu'ils commencent à être rejetés par leurs pairs, par exemple.
J'ai une étude à ce sujet. Je ne l'ai pas copiée, puisque je n'ai pas les droits d'auteur, mais elle figure dans ce document.
D'autres études ont révélé qu'en donnant un soutien aux parents à long terme, plutôt qu'à court terme, les effets de la pauvreté, des problèmes familiaux et communautaires peuvent être atténués. Nous l'avons affirmé dans l'étude du professeur Utting.
À la page 18 de notre mémoire, nous donnons les raisons pour lesquelles les méthodes dures ne fonctionnent pas et, aux pages 20 et 21, nous parlons de certains des coûts sociaux et financiers associés aux mesures correctionnelles. Ainsi, comme nous l'avons déjà dit, les camps de type militaire qui ne comportent pas de programmes de corrections ou de réhabilitation, ni de suivi à la sortie, ne font qu'encourager la récidive. Ils ne la réduisent pas.
Nous estimons avoir le choix; nous pouvons choisir la méthode que nous prendrons pour réduire la criminalité chez les jeunes au Canada. M. Dowie va vous en parler.
M. Dowie: En fait, je vais vous indiquer la partie de notre mémoire qui traite de ce sujet, afin que vous puissiez le lire vous-mêmes.
Nous avons pensé qu'il serait utile au comité de vous parler des divers programmes existants ailleurs dans le monde, qui pourraient vous intéresser. Dans la deuxième partie de notre mémoire, à partir de la page 29, nous parlons de certains programmes de prévention du crime, au niveau international, et de la façon dont l'approche du développement social a été utilisée par diverses instances, à l'étranger. Nous décrivons une série de programmes de prévention.
Nous avons examiné les programmes de prévention primaire existants. Nous en avons quelques-uns ici, mais il en existe probablement dix fois plus un peu partout dans le monde, destinés à prévenir les problèmes, avant qu'ils se produisent, très souvent chez les jeunes enfants et presque toujours en soutenant les familles pour qu'elles puissent régler leurs problèmes.
Nous décrivons ensuite des programmes de prévention secondaire, puis tertiaire, dont certains sont offerts au Canada, notamment un des projets que notre agence essaie de mettre sur pied. Nous avons quelques difficultés à obtenir la permission de notre gouvernement pour utiliser une surveillance électronique, mais cela pourrait faire l'objet d'un autre exposé.
Nous essayons donc de fournir au comité une liste des diverses méthodes d'application du développement social, à l'étranger.
J'aimerais revenir sur ce qu'a déjà dit Sandra, c'est-à-dire que cette approche n'exclut pas la garde, même progressive.
Ce que nous voulons dire, c'est qu'il doit y avoir une gamme de services qui se tiennent, destinés d'abord à empêcher que les familles ne se retrouvent dans cette situation. Il y a ensuite diverses étapes de prévention ou de programmes portant sur les divers types de problèmes que l'on rencontre, les divers types de contrevenants et les familles dont ils proviennent.
Mme Scarth: Nous arrivons à la fin du temps que nous avions prévu pour l'exposé. J'aimerais simplement que vous regardiez rapidement nos recommandations, à la page 46.
Nous recommandons la mise en oeuvre immédiate des recommandations énoncées pour la première fois dans le rapport Horner. Nous proposons l'affectation de fonds au programme de prévention axé sur les familles. Nous avons également des recommandations concernant la LJC et sa mise en oeuvre, particulièrement des modifications se rapportant aux mesures correctionnelles. En gros, nous suggérons qu'on focalise sur la prévention et l'intervention précoce, et que soient mis sur pied des services de ce genre.
Nous allons nous arrêter ici.
Le président: Merci beaucoup. Avant de donner la parole à Mme Venne, je vais poser une question, parce qu'autrement, je ne trouverai pas le temps de le faire.
Vous avez parlé dans votre exposé d'un article de Patricia Bégin. Je vous l'apprends peut-être, mais elle est l'une de nos attachés de recherche et elle est assise juste ici, à ma droite.
Mme Scarth: Je suis très impressionnée.
Le président: Est-ce qu'on a essayé d'évaluer les coûts? Par exemple, si on met en place des mesures de prévention destinées aux jeunes, aux niveaux préscolaire et scolaire, si on s'occupe des familles à risque élevé, a-t-on évalué si cela servirait à nous faire épargner de l'argent au bout du compte, en réduisant la criminalité, par exemple? Pourrait-on faire des économies telles que les gouvernements s'y intéresseraient à notre époque d'austérité financière? Est-ce qu'on a fait une étude de ce genre?
Mme Scarth: Oui. À la page 45, nous vous présentons les économies potentielles découlant de l'investissement dans les méthodes de prévention du crime axé sur la famille. Si vous avez d'autres questions à ce sujet, notre recherchiste pourra vous répondre.
Le président: J'ai bien vu ce tableau, mais il n'est pas très complet, n'a pas de ventilation qui nous permette d'analyser les coûts de tout cela. Est-ce que ces chiffres sont disponibles?
Mme Scarth: Je ne sais pas si on peut les obtenir pour le contexte canadien, malheureusement. Vous pourriez nous renseigner à ce sujet, Sarah, mais je sais que l'évaluation la plus détaillée a été faite à Yale... pour le Oregon Social Learning Centre project, aux États-Unis, nommé ici.
Le président: Mais rien dans un contexte canadien.
Mme Scarth: On a fait très peu de choses au Canada, faute de bons systèmes d'information. Il est difficile de recueillir les données. On n'a pas fait la recherche nécessaire pour prouver le bien-fondé de ces modèles, comme il aurait fallu le faire depuis longtemps.
Mme Sarah Lugtig (étudiante-chercheur, Batshaw Youth and Family Centres): J'aimerais ajouter que ce n'est pas parce que ces programmes étaient initialement destinés à la prévention de la criminalité chez les jeunes que nous avons ces données. Elles ont été recueillies dans le cadre de services de protection de la jeunesse. Beaucoup de ces programmes ont permis de constater, à l'étonnement de tous, que la délinquance juvénile et sa réduction étaient l'un des principaux effets des programmes. Mais au départ, ce n'était pas ce qu'on voulait déterminer.
L'une des recommandations du rapport Horner est de mettre sur pied une stratégie nationale d'évaluation continue. On a reconnu ce besoin.
[Français]
Mme Venne: Je n'aurai qu'une courte question, parce que, malheureusement, je dois quitter pour la Chambre des communes.
À la fin de la première partie de votre mémoire, à l'avant-dernier paragraphe de la page 28 de la version française, vous dites:
La LBEC croit que nous avons le choix. La démarche que nous préconisons tient compte des causes profondes de la criminalité juvénile et fait intervenir les familles et les collectivités.
Et je me pose une question à la phrase suivante:
- En agissant ainsi, nous empêchons ce qui, au départ, est une réaction individuelle à des
problèmes familiaux et des difficultés socioéconomiques...
M. Dowie: Non, mais je pense qu'on doit être plus clair. Une partie importante d'une intervention en vertu de la Loi des jeunes contrevenants repose sur la responsabilité des jeunes quant aux actes qu'ils ont commis. Je tiens cela pour acquis. Peut-être faut-il le souligner davantage.
Il y a différentes façons de travailler avec ces jeunes-là. Je vais vous donner deux exemples en termes des programmes qui existent actuellement, du moins dans l'organisme où je travaille. Un certains nombre de jeunes ont besoin d'une mise sous garde. Une grande partie de l'intervention auprès d'un jeune qui est placé en établissement, en milieu ouvert ou en milieu fermé, consiste à travailler avec ce jeune-là pour qu'il reconnaisse ce qu'il a fait et à travailler à son comportement en se basant sur l'admission qu'il vient de faire. C'est une façon de le faire pour un certain type de jeunes.
Chez nous, nous commencerons le 15 décembre un programme de probation intensive comme on en trouve déjà dans certains centres jeunesse au Québec. Pour nous, la probation intensive consiste à trouver au jeune une famille prête à travailler avec nous intensivement. Ce programme consiste en des interventions par des travailleurs sociaux qui, pendant une période de trois à six mois, travaillent quotidiennement avec la famille.
C'est un programme qui favorise l'intervention familiale plutôt que la mise sous garde. Il a pour but de responsabiliser le jeune et de mieux équiper la famille afin qu'elle puisse faire face au comportement des jeunes.
Cela dépend des besoins du jeune. Un certain nombre de jeunes ont besoin de ce type de programme, tandis que d'autres, qui ont commis les mêmes délits, ont plus besoin d'un programme axé sur la mise sous garde. Les deux ont pour but de responsabiliser le jeune face à l'acte qu'il a commis.
Le président: Merci, madame Venne.
[Traduction]
Monsieur Ramsay.
M. Ramsay: À la page 2 du périodique que vous nous avez remis, il y a un article intitulé «La prévention plutôt que des camps de réhabilitation de type militaire», écrit par Sandra. Je pourrais peut-être le demander à Sandra mais avez-vous évalué les programmes de camps de type militaire au Canada?
Mme Scarth: J'ai beaucoup lu sur le sujet. Nous avons énormément d'informations au sujet de ces camps, partout aux États-Unis. Le Manitoba n'a pas encore complètement évalué ses programmes. J'ai moi-même visité des endroits comme le camp DARE et des programmes en milieu sauvage, ici, au Canada. Mon premier emploi était dans une école de réforme pour filles, au Manitoba; j'ai donc passablement d'expérience de travail auprès de ces enfants.
D'après tout ce que j'ai lu, les camps eux-mêmes, particulièrement ceux de type militaire où l'on rabaisse les jeunes, ne donnent pas de bons résultats. En fait, ils font exactement le contraire. On y contrôle totalement le jeune, au camp même, selon une formule très militariste, mais sans lui apprendre à se contrôler lui-même. Quand il quitte le camp, le jeune est un criminel endurci et plus prêt à tout. Honnêtement, je pense que c'est une formule très dangereuse et très simpliste.
Les seules évaluations qui ont permis de constater une réduction de la récidive portaient sur des programmes où il y avait un élément très fort d'éducation et de réhabilitation, des programmes où les parents étaient intégrés au processus et non pas exclus et tenus à l'écart; ils avaient de plus un très long processus de suivi, lorsque l'enfant revenait dans la collectivité. À mon avis, ce sont ces méthodes qui donnent des résultats, et non les camps de type militaire.
J'en suis absolument convaincu. Quand je dis qu'il faut rejeter les camps de type militaire, j'en ai la ferme conviction. Je pense qu'ils sont foncièrement mauvais et très simplistes. Je comprends pourquoi les gens les aiment: ils veulent contrôler ces jeunes.
Je dois vous dire que j'ai eu moi-même une expérience personnelle de ce genre de chose. Quelqu'un d'autre a relaté la sienne.
Nous avons adopté un enfant de la Société de l'aide à l'enfance, qui avait cinq ans et demie. Nous avons appris par la suite qu'il avait été maltraité.
Nous avons réussi à éviter qu'il ne devienne un jeune contrevenant en l'envoyant à une école militaire. Cette école militaire était un endroit épouvantable. Après un an, on l'en a retiré.
Il y avait un contrôle total de l'extérieur, mais à sa sortie, il était le même garçon qu'à son arrivée. Il nous a fallu travailler avec lui pour développer sa maîtrise de soi et c'est ce que nous avons fait.
Maintenant c'est un jeune adulte qui se comporte bien. Depuis cinq ans, il a un emploi et il est stable. Mais il aurait très bien pu mal tourner. Il est passé près. Pendant une très courte période de temps, il a été dans le système correctionnel des adultes.
J'ai l'impression d'avoir moi-même vécu, en tant que parent, un camp de type militaire. Je pense que c'est la pire chose qu'on pouvait imposer à ce jeune, puisque le contrôle total venait de l'extérieur. Comme vous le voyez, j'ai des convictions bien ancrées à ce sujet.
M. Ramsay: J'ai reçu une formation de neuf mois avec la GRC, en 1956, dans un camp d'entraînement militaire.
Mme Barnes: Vous étiez adulte?
M. Ramsay: J'avais 18 ans, presque 19. Il y avait des aspects très négatifs à cette formation. J'estimais que les cris étaient inutiles pour donner des ordres à des personnes intelligentes. Dès que le responsable s'en allait le chahut commençait
C'est amusant de constater que des années plus tard, à l'occasion, nous nous retrouvions sur le terrain d'exercices, et la même chose se produisait. Nous étions alors plus mûrs, bien entendu, plus âgés et plus expérimentés, mais la même chose se produisait. Dès que le responsable sortait, il n'y avait plus trace de discipline.
Pourtant, il y avait de bons aspects à ce genre de formation, qui nous a bien servi lorsqu'il nous a fallu appliquer les lois du pays, nous acquitter de nos devoirs et de nos responsabilités, parfois dans des situations très difficiles et dans des endroits isolés.
Je le dirais à tous les groupes qui comparaîtront devant le comité, ce qui m'intéresse, c'est ce qui réussit. Quand on me parle de ce qui se passe au Québec, je veux savoir ce qui marche là-bas. Que fait-on qu'on ne fait pas dans d'autres provinces? On semble y avoir un meilleur taux de succès. Je m'intéresse beaucoup à ces principes et à cette dynamique, ainsi qu'aux cercles de guérison et aux conseils de détermination de la peine.
Des témoins ont comparu devant le comité au sujet de divers projets de loi. Je me rappelle que quelqu'un disait qu'il ne fallait pas faire souffrir les jeunes délinquants ou jeunes contrevenants. Pourtant, ce témoin, un juge, qui nous parlait des conseils de détermination de la peine en Saskatchewan, nous disait que cette expérience durant deux heures et demie ou trois heures était extrêmement pénible pour les jeunes. Il se passait quelque chose d'important au niveau des émotions, d'après son témoignage; certains qui avaient vécu l'expérience du conseil de détermination de la peine ont déclaré plus tard qu'ils préféraient les autres façons de procéder.
Je suis convaincu que si nous voulons vraiment réhabiliter le contrevenant, il faut le faire dès que possible. Le taux de réussite des conseils de détermination de la peine dépend, du moins en partie, à mon avis, du fait qu'on met en présence le contrevenant, sa victime et des membres de la collectivité. Je ne sais pas ce qui s'y passe. J'aimerais vraiment participer à une expérience de ce genre.
Il est intéressant, mais pas étonnant, que ce genre d'innovations vienne de nos Autochtones, ainsi que de ceux de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie.
Il me semble qu'on devrait examiner de plus près ces principes. Je ne pense pas qu'ils soient différents. Je crois qu'ils sont applicables. En fait, le juge disait qu'on pouvait les mettre en pratique dans une collectivité non autochtone. On m'a dit que Nepean envisageait également de mettre sur pied un conseil de détermination de la peine.
Il faut pour cela un aveu de culpabilité, et la reconnaissance du fait qu'on a causé un préjudice à autrui, de même qu'à soi-même. Je ne pense pas qu'on puisse faire du mal à quelqu'un sans se faire du mal à soi-même.
C'est un cri de détresse. C'est une demande de reconnaissance. Toute la dynamique est en place, ainsi que tous les ingrédients nécessaires pour que commence le processus de guérison, essentiel à la réhabilitation.
Je pense qu'il faut revenir à cela. On s'en est trop écarté. Pensons aux déclarations des victimes, maintenant présentées devant les commissions de délibération conditionnelle. On a beaucoup débattu de cette question. On s'est demandé comment on allait procéder. On ne permet pas à la victime d'être mise en présence du détenu. Il s'agit donc d'une présentation des faits froide, clinique. Et si la victime ne peut pas bien exprimer ses pensées, ses sentiments ou son expérience par écrit, alors on passe complètement à côté de cette idée, de son concept et de ce principe.
Voilà ce que nous avons fait. Il est difficile pour un patron de vous mettre à la porte s'il doit vous le dire en pleine face. Il préfère vous envoyer une note par écrit, transmise par la voie hiérarchique.
Autrement dit, nous n'aimons pas être confrontés à la réalité. Les juges ne veulent pas voir une victime pleurer et étaler ses émotions. Ils l'évitent, et nous aussi. Je crois que nous avons tort.
Les conseils de détermination de la peine me font croire qu'il y a des gens, au Canada, qui ont trouvé la bonne façon de faire. Ils reviennent à des principes de base, très anciens. Quand j'étais enfant et que j'avais mal agi, je me présentais devant ma mère et mon père, devant tout le monde, et j'étais responsable de mes actes. Oui, il y avait des larmes. Oui, il y avait de l'émotion. Oui, c'était pénible. Mais ensuite, il y avait aussi de l'amour. Et cet amour ne venait qu'après le reste, après qu'on ait réglé le problème.
Voilà quel est le problème de notre système judiciaire. Il est froid, clinique. Ce n'est pas du tout ce qu'il nous faut. Je ne sais pas si nous allons revenir sur la bonne voie. J'ignore si le rapport présenté au comité va nous rapprocher de cette solution, mais je le souhaite vivement.
Mme Scarth: Moi aussi.
M. Ramsay: Je pense que tous nos efforts doivent être dirigés en ce sens. Si vous avez entendu ce que j'ai dit aux autres témoins, je pense que le système judiciaire doit être distinct. Il doit être harmonisé avec les programmes de prévention, mais indépendant.
Nous ne pouvons demander au système judiciaire de s'occuper des familles dysfonctionnelles, mais il faut faire quelque chose pour elles, il faut les aider. Il doit y avoir des ressources pour elles. Tout ce que le gouvernement fait pour affaiblir la famille alourdit le problème de la délinquance juvénile.
Voici ma question. Elle peut ne pas vous sembler pertinente, mais je ne l'ai pas posée auparavant.
Dans l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants, commettait un délit quiconque contribuerait à la délinquance d'un jeune. Cette disposition ne figure plus dans la nouvelle Loi sur les jeunes contrevenants.
Pensez-vous qu'il faille la faire figurer de nouveau dans la Loi sur les jeunes contrevenants? Pensez-vous qu'il y a ailleurs dans le Code criminel des dispositions suffisantes pour punir quiconque contribue à la délinquance d'un jeune? Est-ce qu'on en traite ailleurs, dans des lois provinciales? Pensez-vous qu'il faille de nouveau inclure ce délit dans la Loi sur les jeunes contrevenants, ou s'en défaire complètement?
M. Dowie: Je dois vous avouer que je n'ai jamais participé à un tel débat. Je ne crois donc pas que notre organisme ait pris position là-dessus. Je crois même que la question ne nous a jamais été posée auparavant.
Ce problème, c'est que nous ne sommes pas des avocats et nous ne pouvons donc pas vous dire si certaines dispositions du Code criminel compensent pour d'autres ou s'il y aurait des lacunes.
M. Ramsay: Je trouve cette réponse très frustrante.
M. Scott: La question est frustrante.
M. Dowie: Si vous m'aviez posé cette question il y a une semaine, j'aurais pu vous répondre.
Je connais des situations où des adultes sont accusés de complot en vertu de la Loi sur les complots. Par exemple, lorsque les adultes se servent d'adolescents pour commettre des crimes ou comme intermédiaires, il y a des situations où les adultes sont accusés de complot en vertu des lois pénales actuelles, quel que soit le crime.
Je ne sais pas si c'est suffisant ou non; n'était pas avocat je ne saurais vous dire si c'est mieux ou pire que le débit qu'on trouvait dans l'ancienne loi dont était coupable quiconque contribuait à la délinquance d'un mineur.
M. Ramsay: Merci.
Merci, monsieur le président. Je crois avoir épuisé le temps dont je disposais.
Le président: Monsieur Regan, vous avez dix minutes.
M. Regan (Halifax-Ouest): Tout d'abord, j'aimerais préciser que j'étais prêt à applaudir aux propos de M. Ramsay avant qu'il n'en arrive à la toute fin. Jusque-là, tout allait bien; j'étais prêt à l'applaudir - mais il a dit ensuite qu'à son avis nous ne devrions pas relier le système judiciaire ou la Loi sur les jeunes contrevenants à des mesures préventives.
À votre avis, comment pourrait-on les séparer les uns des autres et, si vous deviez le faire, comment vous y prendriez-vous ou pourquoi le feriez-vous.
Mme Scarth: Sauf tout le respect que je dois à M. Ramsay, je ne crois pas que l'on puisse les séparer. Voilà le hic. À mon avis, pendant trop longtemps nous avons divisé les programmes pour l'enfance en programmes qui ne visaient que l'enfance aux niveaux du bien-être social, de la santé mentale, de la délinquance, de problèmes financiers et ainsi de suite. Les familles et les enfants doivent démêler le tout et ils se trouvent pris dans ces méandres. Un des problèmes de la bureaucratie, c'est que nous ne simplifions pas ces méandres.
Certaines provinces s'évertuent quand même à le faire. Bon nombre essaient de faire passer leur politique. Le Manitoba s'est doté d'un secrétariat qui essaie de mettre en oeuvre une politique en vertu de laquelle les fonds versés dans toutes ces enveloppes ne seront pas dépensés jusqu'à ce qu'on se soit mis d'accord sur les priorités pour les enfants. Je crois qu'il y a un certain espoir là où le financement est sujet à un lien intersectoriel. Je ne crois pas qu'on puisse séparer famille, problèmes familiaux ou maltraitance d'enfants de la lancée qui mène ultimement au crime. Je ne suis donc pas d'accord avec M. Ramsay.
M. Dowie: Posez l'hypothèse que le système judiciaire vous a déjà pris en main ce qui signifie qu'un crime a déjà été commis et que le système judiciaire est donc impliqué dans l'affaire pour une raison ou pour une autre. Il me semble presque axiomatique de dire que ce que l'on essaie de faire grâce au système judiciaire au niveau de ce genre de prévention - parce qu'il ne s'agit plus de prévention primaire, mais secondaire ou même tertiaire - c'est de s'assurer que cela ne se reproduise plus. Voilà ce qu'on essaie d'empêcher avec le système judiciaire.
Je ne crois pas que nous voudrions d'un système judiciaire qui n'aiderait pas à faire en sorte qu'il n'y ait pas de récidive au niveau du crime ou du comportement. Je ne crois pas que personne, y compris M. Ramsay ici présent, s'attendrait à ce que notre justice ne tienne aucun compte des mesures qui pourraient empêcher la récidive.
Comment tient-on compte d'un comportement récidiviste chez le jeune? Il faut voir qui est la personne impliquée, quels sont les facteurs ou les situations qui l'ont poussé au crime, dont, je présume que nous avons conclu que la personne en question est coupable, afin d'essayer d'imposer une sentence qui l'empêchera de récidiver.
Je comprends mal comment on peut en arriver même à conceptualiser la séparation entre la justice et la prévention dans ce contexte parce qu'il ne s'agit pas de prévention au niveau primaire. Lorsque le système judiciaire est impliqué, cela signifie que son intention est d'essayer d'empêcher soit la récidive du même crime soit la commission de crimes encore plus sérieux à l'avenir.
M. Regan: Dans votre document vous nous parlez de camp de réhabilitation de type militaire et de toute la question de la prévention. Il semble que les jeunes ont adopté la théorie de l'infaillibilité et qu'ils ne pensent pas aux conséquences à long terme de leurs actes. Avez-vous des renseignements sur l'âge où ce genre d'attitude se développe? Quand les gens commencent-ils à perdre ce sentiment d'invincibilité, quand commencent-ils à penser aux conséquences à long terme de leurs actes ou est-ce que ce genre de réflexion ne se produit jamais?
Mme Lugtig: Notre recherche ne nous donnerait pas ce genre de renseignements, mais il y a eu de la recherche là-dessus sur les adolescents plus vieux. Je ne crois pas que la recherche pourrait répondre à cette question sauf pour nous apprendre que ce sentiment d'infaillibilité se retrouve chez les adolescents d'âge presqu'adulte.
M. Regan: Donc, nous ne savons pas quand ce sentiment disparaît.
Un des avantages à l'absence des députés de l'opposition, c'est que nous pouvons poser plus de questions. Je cède donc ma place à l'un de mes collègues.
Le président: Madame Torsney.
Mme Torsney (Burlington): Je crois que notre société a quand même besoin de gens qui n'a pas froid aux yeux. C'est probablement le cas des astronautes chez qui le sens de la peur est peut-être moins développé.
Il est dommage que M. Ramsay ici... Qu'est-ce que la justice, sinon de traiter équitablement les gens et est-il vraiment équitable de laisser une certaine catégorie de personnes vivre dans de pauvreté? C'est ça, la justice sociale et c'est simplement un autre aspect du système judiciaire.
Un peu plus tôt, vous évoquiez les statistiques et la réalité et vous vous demandiez qui est le mieux en mesure de passer le message. Nous avons un problème de crédibilité, surtout du côté ministériel, parce qu'il est dans notre intérêt de ne pas essayer de régler le problème - c'est cette perception et cette méfiance traditionnelle des politiques et tout le reste. Il nous faut donc chercher d'autres partenaires pour faire passer le message et si nous pouvons vous être utile, qu'il s'agisse de circuler à travers le pays ou de développer des réseaux dans nos propres circonscriptions, nous serons heureux de le faire.
Je ne sais pas si vous avez vu l'article dans Atlantic Monthly du mois de juillet. Il y était question de ce phénomène d'appoint. Oui, il n'y a qu'un certain nombre d'incidents par année, mais puisque la population canadienne est d'environ 30 millions, par exemple, chaque augmentation signifie que le crime se rapproche de chacun d'entre nous ou encore nous sommes plus exposés à constater qu'il y a des gens qui commettent des crimes contre nous. Nous y sommes d'autant plus exposés et, de là, courons de plus grands risques.
C'est un article fascinant. Il est question des influences de la société, surtout du point de vue américain, mais il y a surtout ces questions concernant les familles monoparentales où la faute n'est pas imputée à la situation monoparentale seulement, mais aussi au fait que ces familles n'ont pas d'autres formes d'aide et ainsi de suite.
Il nous faut donc traiter avec la réalité et la perception. Si certains ont peut-être été déçus de certaines modifications apportées au projet de loi C-37 qu'ils auraient cru plus sévère; en réalité il y avait tellement plus de gens qui nous demandaient d'abolir la Loi sur les jeunes contrevenants et de traiter ces enfants en adultes. Évidemment, on ne leur accorderait pas de droit de vote ou quoi que ce soit du genre, parce que ce ne sont que des enfants, mais lorsque ces enfants commettent un crime, il faudrait les traiter très sévèrement.
L'autre chose que j'y vois - et cela se trouve dans cet article, à la page 21 - concerne les prédispositions et d'autres facteurs qui se font sentir à un très jeune âge, soit vers 8 ou 10 ans.
Monsieur Dowie, d'après votre expérience, qui vous vient, si j'ai bien compris, de la Loi sur la protection de la jeunesse du Québec, devrions-nous faire ce que proposent certains et considérer que les enfants de moins de 12 ans sont régis par le système de justice pour les jeunes contrevenants? Y a-t-il un autre système ailleurs? On nous dit souvent que le système québécois est extraordinaire. Quels éléments du système sont excellents, quels sont ses faiblesses et comment pourrions-nous l'améliorer ou améliorer le système que nous avons pour tout le pays?
Je suis au courant de cas où des gens ont demandé à la police de faire quelque chose à propos d'enfants de 10 ans, mais les policiers ont répondu qu'ils ne pouvaient rien faire. Il y a pourtant déjà des solutions et l'on devrait avoir accès au système pour ces enfants et intégrer les services. Comment pouvons-nous le faire et comment pouvons-nous nous occuper de ces enfants? Le problème semble se manifester très tôt.
M. Dowie: L'un des avantages du système québécois, c'est le lien qui existe entre le système de protection de la jeunesse et le système des jeunes contrevenants. À part cela, celui que nous appelons au Québec directeur de la protection de la jeunesse est celui que la Loi fédérale appelle directeur provincial. Le système de protection de la jeunesse englobe donc le système des jeunes contrevenants et celui-ci profite des mêmes ressources que le système de protection de la jeunesse. Cela ne se compare pas au système où nous avons, d'une part, le solliciteur général et, d'autre part, les services sociaux.
Il y a donc une certain marge de manoeuvre lorsqu'on parle d'enfants de moins de 12 ans. Au Québec, selon la Loi sur la protection de la jeunesse, si un enfant a de graves problèmes de comportement et que ses parents ne peuvent pas prendre les mesures nécessaires, ou bien encore si cet enfant de moins de 12 ans a commis un délit quelconque, il sera visé par les mêmes dispositions de la Loi sur la protection de la jeunesse et aura accès à presque tous les mêmes services.
Pour ceux qui croient qu'il faudrait... Nous en discutions hier. L'un des aspects bizarres de la situation, c'est que si un enfant âgé de 10 ou 11 ans est déclaré coupable d'un délit aux termes de la Loi sur les jeunes contrevenants et s'il est placé sous garde, ce sera pour une période déterminée, par exemple quatre mois, cinq mois, six mois ou huit mois.
Par ailleurs, il n'y a pas de mise sous garde pour une période déterminée aux termes de la Loi sur la protection de la jeunesse. L'enfant reste dans le système jusqu'à ce que le problème soit résolu, alors que, selon la Loi sur les jeunes contrevenants, l'enfant est libéré après avoir purgé sa peine, que le problème soit résolu ou non.
C'est l'une des particularités du système. Si l'on fait appel aux dispositions relatives aux problèmes de comportement, selon lesquels un enfant peut être placé dans une institution résidentielle, l'ordonnance s'appliquera jusqu'à ce que l'on puisse prouver au tribunal que la question de protection n'entre plus en ligne de compte.
Pour ce qui est des avantages offerts par le système québécois, si vous n'en avez pas suffisamment entendu parler jusqu'ici, vous en entendrez certainement encore parler longtemps vu les possibilités offertes par les dispositions prévoyant des mesures de rechange. Presque tous les principaux intervenants, y compris les membres du public, sont convaincus que c'est une loi de ce genre que nous avons besoin, vu la philosophie qui la sous-tend. On me dit que 70 p. 100 des gens appuient un tel système.
Nous pouvons aussi jeter un coup d'oeil au taux de criminalité au Québec. Toutes proportions gardées, le taux au Québec est relativement faible par rapport à celui des autres provinces où l'on utilise un système différent pour les jeunes contrevenants.
Que faudrait-il modifier dans le système québécois? Il y a une chose. Je fais partie d'un groupe de travail établi par le ministère provincial de la Santé et des Services sociaux pour établir un ordre de priorité quelconque.
Certains des problèmes qui retiennent notre attention sont des problèmes de délai. Par exemple, auparavant, il arrivait au Québec qu'on attende deux, trois ou quatre semaines entre le moment où une ordonnance de probation était rendue à propos d'un enfant et le moment où cet enfant voyait son agent de probation. La question temps est très importante pour les enfants et les conséquences d'une décision doivent être senties assez rapidement. Maintenant, notre agence et d'autres au Québec verront l'enfant le jour même où la décision est rendue. Après avoir reçu une ordonnance de probation, l'enfant verra donc son agent de probation ou un travailleur de probation dès qu'il quittera le tribunal.
En définitive, le problème au Québec tiendra au fait que l'argent manquera pour tous les services sociaux en général. Le Québec perdra 500 millions de dollars de recettes l'année prochaine. Je ne veux pas commencer à discuter de cela, mais le fait est que cet argent doit venir de quelque part et que ce sont à la fin du compte les services qui en souffriront.
Cela va vraiment frapper durement le système québécois, comme tous les autres.
Mme Torsney: J'invoque le Règlement. Je pense qu'il s'agit du rapport Jasmin.
M. Dowie: Oui, c'est à celui-là que je faisais allusion.
M. Gallaway: Monsieur Dowie, vous avez dit quelque chose que j'ai trouvé intéressant. Vous avez dit que certains des programmes visent à faire en sorte que le jeune contrevenant se rende compte de la signification de ses actes. Il me semble que cela peut vouloir dire qu'un jeune contrevenant qui a été trouvé coupable d'un délit ou qui passe en jugement peut ne pas vraiment avoir eu l'intention de commettre un crime, intention qu'il faut prouver devant un tribunal pour adultes pour qu'il déclare coupable le contrevenant en question. Êtes-vous d'accord?
M. Dowie: Non, je parlais plutôt de faire en sorte que les jeunes contrevenants assument la responsabilité de leurs actes. C'est une chose de plaider coupable ou d'être déclaré coupable, mais c'est bien autre chose de donner ensuite toute une litanie d'excuses pour expliquer pourquoi on s'est trouvé dans une telle situation.
La plupart des programmes de traitement pour les jeunes enfants disent que l'enfant doit assumer la responsabilité de ce qu'il a fait. Ce n'est pas la faute de quelqu'un d'autre. Ce n'est pas la faute de sa mère ou de son père ou de celui qui l'a entraîné, ni du reste du groupe ou de l'école. C'est le problème de l'enfant et que va-t-il faire pour s'en sortir?
Selon presque tous les programmes de traitement pour les enfants de ce genre, il est essentiel qu'ils assument la responsabilité de leurs actes et non pas simplement qu'ils sachent ce qu'ils ont fait.
M. Gallaway: Madame Scarth, je suis bien d'accord avec votre éditorial au sujet des camps pour recrues militaires.
Des voix: Oh, oh.
M. Gallaway: Par ailleurs, comme vous le savez et comme vous l'avez dit vous-même, le Canadien a maintenant une perception tout à fait nouvelle de la jeunesse et du crime chez les jeunes. C'est une approche qui semble gagner en popularité en Ontario. Y a-t-il des preuves concrètes que ce genre d'expérience en rase campagne - je parle ici des camps style militaire - peut avoir des résultats utiles outre le fait de les soustraire à la société pour une période déterminée?
Mme Scarth: Je ne le pense pas. J'ai vu seulement une évaluation ou deux qui montrent même une légère amélioration dans le comportement à court terme des adolescents et parmi ceux que j'ai mentionnés, ceux dont le comportement s'est amélioré avaient aussi suivi un programme de réadaptation, d'éducation, avec la participation de la famille et assorti d'un suivi. Je ne pense donc pas que ce soit le camp lui-même qui ait amélioré le comportement de ces adolescents. Je pense que ce sont les autres facteurs.
Cela ne veut pas dire que nous préconisons un système sans discipline et sans ordre. Bon nombre de ces adolescents ont besoin de structures. C'est ce que prévoient bon nombre des programmes de traitement mentionnés par Vaughan. Ils fournissent une structure. Ils visent à permettre à l'enfant de développer sa maîtrise de soi interne. Tout d'abord, il doit accepter qu'il a fait quelque chose de mal et, deuxièmement, il doit apprendre à ne pas recommencer et à résister à la tentation.
Bon nombre de ces enfants agissent impulsivement. Ils font des choses sans réfléchir. On essaie de leur montrer à ralentir, à réfléchir avant d'agir et à élaborer une stratégie quelconque pour se maîtriser pour éviter que quelqu'un comme vous ou moi ou quelqu'un d'autre leur crie des ordres et qu'ils soient obligés de courir le long des couloirs, de laver les planchers, et ainsi de suite. Je ne pense pas que cela donne de bons résultats.
Les camps genre militaire risquent de produire ce qui s'est passé dans le cas de la division aéroportée. C'est le résultat ultime d'une approche militariste: on aboutit avec des gens qui ne réfléchissent plus, qui perdent la tête et qui commencent à contrôler les autres de façon très négative. Ce n'est certainement pas ce que nous voulons pour notre système de justice.
M. Gallaway: Ma dernière question a trait à ce que j'appelle les coûts en amont par opposition aux coûts en aval, c'est-à-dire au niveau des tribunaux.
Bien entendu, il y a aussi toujours un problème à cause de différents échelons de compétence vu qu'une province peut décider de faire une chose alors que les décisionnaires fédéraux préféreraient autre chose.
Je m'intéresse beaucoup à l'idée d'une intervention dans les écoles pour déceler les problèmes dès le plus jeune âge. Cela m'intéresse parce que ma femme enseigne au niveau de la maternelle et qu'elle pense pouvoir dire parfois quel enfant va causer des problèmes.
Mme Scarth: Je suis certaine qu'elle peut le faire.
M. Gallaway: Ma question est très vague, mais vu que nos ressources sont restreintes, préféreriez-vous qu'on les utilise d'une façon plutôt que d'une autre? Pouvons-nous le faire? Je ne veux pas parler de supprimer un genre de dépenses en particulier, mais quelles seraient les conséquences si nous dépensions en amont plutôt que pour le traitement après la déclaration de culpabilité?
Mme Scarth: Il existe des programmes très intéressants. Certains sont mentionnés ici, mais d'autres ne le sont pas.
Il y a un programme à Hawaii selon lequel on organise des visites aux foyers dans le cas d'enfants qui risquent d'être des victimes de mauvais traitement. J'en ai déjà parlé. Je ne suis pas certaine de l'exactitude des chiffres, mais d'après les responsables du programme, ils ont réduit de 50 p. 100 les cas de mauvais traitements infligés aux enfants. Si l'on peut réduire ces cas de 50 p. 100, on réduit en même temps le nombre d'enfants dans le système de bien-être de l'enfance. Ce système semble avoir une mauvaise influence sur les enfants. Ils passent ensuite au système correctionnel et reviennent au crime à l'âge adulte.
Le document que je mentionne dans mon exposé est très intéressant et vous devriez vous en procurer un exemplaire.
Pour ma part, je dépenserai plutôt pour m'occuper des jeunes parents qui semblent présenter des risques très tôt, c'est-à-dire quand naissent les enfants, avant la naissance et tout de suite après. C'est la période la plus dangereuse parce qu'il n'y a pas de système public pour eux. Je dépenserai donc plus d'argent pour avoir davantage d'infirmières des services de santé publics, de travailleurs sociaux qui visitent les foyers, et autres service du genre.
Il faut assurer un service constant pour pouvoir s'occuper des enfants quand ils commencent à fréquenter l'école et une fois qu'ils ont commis un crime. Je suis cependant convaincue que, si nous consacrions plus d'efforts au service préventif, nous serions probablement obligés de dépenser moins plus tard.
M. Dowie: Je suis tout à fait d'accord avec ce qu'a dit Sandra. On ne peut éviter un double investissement. C'est impossible.
Je peux vous donner l'exemple des défis que nous devons relever à notre agence. Si vous connaissez le système québécois, vous saurez que nous avons un conseil régional. Dans notre région, tout le monde croit à la prévention. Tout le monde voudrait dépenser surtout pour aider les enfants de quatre et cinq ans.
C'est tout à fait vrai que c'est la meilleure façon de dépenser l'argent. Néanmoins, je peux vous donner le point de vue de quelqu'un qui doit fournir le service et vous dire que les enfants qui viennent au monde demain n'entreront pas dans le système que j'administre avant l'âge de 13 ans et qu'on ne peut pas maintenant m'enlever de l'argent simplement parce que je n'aurai pas besoin d'un lit pour ce même enfant avant 12 ans.
Il faut donc une période de double investissement. Cela donnera des résultats plus tard, mais pas dans un an ou deux. D'habitude, les gens n'ont pas la patience d'attendre aussi longtemps pour qu'un investissement donne des résultats.
Je peux vous donner un exemple - tiré de notre propre expérience pour montrer les conséquences d'une telle attitude de fer. À cause des peines plus sévères imposées par les tribunaux dans les cas de détention provisoire, par exemple, j'ai moi-même constaté un phénomène particulier. Cette année, nous devons ouvrir une nouvelle unité de détention fermée, pour desservir les anglophones de Montréal, à cause de cas de détention provisoire qui s'accumulent devant les tribunaux.
Cela coûte 750 000 $ par an pour 12 places dans un centre de détention où l'on gardera les enfants jusqu'à leur procès et qu'ils soient déclarés coupables. C'est encore 750 000 $ qu'on aurait pu dépenser autrement. Si nous ne commençons pas à investir ailleurs, nous allons devoir plus tard dépenser de plus en plus d'argent pour des installations très dispendieuses qui ont une utilité vraiment très limitée.
Le président: Merci.
Monsieur DeVillers.
M. DeVillers: Merci, monsieur le président.
[Français]
Monsieur Dowie, à la page 12 de votre mémoire, vous citez un article de Carrington et Moyer dans lequel il est dit que les services policiers sont de moins en moins enclins à traiter un jeune contrevenant en le ramenant à la maison. Vous offrez cela comme une indication de la tendance vers des interventions plus correctionnelles. Cependant, vous ne parlez pas dans votre mémoire des raisons pour lesquelles cela se produit. L'article de Carrington et Moyer nous enseigne-t-il quelque chose? Pouvez-vous commenter là-dessus?
M. Dowie: Vous dites que la citation est à la page 12?
M. DeVillers: À la page 12, au troisième paragraphe.
M. Dowie: En français?
M. DeVillers: En français.
M. Dowie: J'ai l'anglais devant moi. Il me semble que c'est à la page 9.
M. DeVillers: C'est à la page 9 en anglais. On parle ici de l'intervention policière. On dit que c'est une indication de la tendance vers des interventions plus correctionnelles. Je me demande pourquoi les services policiers sont moins enclins à renvoyer les jeune contrevenants chez eux.
M. Dowie: C'est une continuation de la politique de tolérance zéro. On ne tolère rien. Tout doit entrer dans le système. On le voit dans les écoles. On le voit presque partout. On ne veut plus régler les problèmes entre soi. On demande plutôt au système de les régler pour soi et de rendre tout plus officiel.
C'est ce qui explique aussi la tendance chez les policiers. Dans certaines juridictions, c'est la politique de tolérance zéro, ce qui a pour effet de tout judiciariser.
Quand les policiers ramènent le jeune chez ses parents et disent à ces dernier de régler le problème, comme c'était le cas lorsque j'étais jeune, il y a plusieurs années, la punition est immédiate. On peut dire que pour un certain nombre de délits mineurs, c'est immédiat. Les parents prennent leurs responsabilités. Si le policier décide d'intenter des poursuites, même dans les cas où on pourrait prendre des mesures de rechange, le dossier est transmis à la Couronne par les policiers. Ensuite la Couronne étudie le dossier et l'envoie à la Direction de la protection de la jeunesse afin qu'elle détermine s'il existe des possibilités de prendre des mesures de rechange. La Direction de la protection de la jeunesse a six semaines pour étudier le dossier. Après l'avoir étudié, elle peut décréter que le jeune doit être référé pour des mesures de rechange, cela trois ou quatre mois après la commission du délit. Cependant, dans certaines juridictions, la police s'oppose à cela.
[Traduction]
Nous allons refuser dans tous les cas, et tous les cas iront devant le tribunal.
[Français]
M. DeVillers: Pensez-vous que les services policiers répondent aux demandes de la société?
M. Dowie: Tout dépend des juridictions. Il reste des juridictions où la police utilise sa discrétion au maximum, mais il y en a de moins en moins.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur DeVillers.
Madame Barnes.
Mme Barnes: Merci et bienvenue. Je m'excuse de n'avoir pas été là pendant votre exposé, mais je devais prononcer un discours à la Chambre sur un autre sujet.
À mon avis, le Québec a beaucoup de chance. Les jeunes du Québec ont beaucoup de chance. J'ai moi-même beaucoup de chance parce que je suis de London, en Ontario et que je peux profiter des résultats des recherches effectuées par les plus grands experts dans le domaine de la violence, des enfants battus et des agressions sexuelles, soit Alan Leschied, Louise Sas, Peter Jaffe et Lorraine Greaves. Cela me permet d'avoir une certaine perspective à ce sujet par opposition à une vision biaisée de la justice comme étant simplement une question de rétribution et le châtiment.
Nous savons déjà d'après toutes les recherches effectuées, et c'est ce qu'on nous a dit à la première étape, que les techniques d'intervention peuvent réduire le crime de 40 à 60 p. 100. Nous savons tout cela, mais il y a encore des groupes communautaires qui ne comprennent pas que nous connaissons tous ces chiffres et qui préconisent encore une attitude plus sévère. Je suis convaincue que notre comité pourrait finir par recommander la même chose. Nous devons pourtant avoir plus de vision que cela.
Au moins 50 p. 100 des adolescents accusés aux termes de la Loi sur les jeunes contrevenants depuis dix ans avaient eu affaire au service de bien-être de l'enfance à un moment donné. J'ignore ce qui va se passer en Ontario, où près de la moitié des assistés sociaux qui vont perdre leurs prestations ou se trouver avec des prestations réduites sont des enfants. Nous devons faire quelque chose pour éviter que les victimes deviennent eux-mêmes des criminels plus tard.
Cela étant dit, je sais que ceux qui sont ici comprennent la situation. Soit dit en passant, aucun député réformiste n'est présent.
Or, la question dont je veux parler, puisque personne ne l'a fait jusqu'ici, est celle de la différence entre le taux de criminalité pour les hommes et les femmes. La plupart des crimes, soit 98 p. 100, qu'ils soient commis par des jeunes contrevenants ou des adultes sont commis par des hommes, mais on n'en parle pas. Il me semble que c'est un domaine où nous ne voulions de l'équité.
Il y a deux facteurs en jeu ici. Quelles mesures préventives pouvons-nous prendre et que pouvons-nous faire vu que ce sont surtout des hommes qui commettent les crimes? Deuxièmement, dans les 2 p. 100 des cas où c'est une femme ou une adolescente qui commet un crime, que pouvons-nous faire? Il y a une phrase dans votre rapport qui dit que les contrevenantes, surtout les jeunes qui doivent être mises sous garde risquent de se trouver dans une situation épouvantable dans un centre de détention fermé avec un grand nombre de garçons ou d'adolescents. Elles font donc l'objet de toutes formes de promiscuité indésirable faute d'installations nécessaires. Nous savons que l'un des éléments à la hausse dans l'activité criminelle est la participation des femmes. Elle est encore minime, mais elle augmente. À mon avis, il y a donc deux questions reliées à la différence entre les sexes sur lesquelles nous devons nous pencher.
Pourriez-vous me dire où nous pouvons obtenir des informations sur cette question, et comment vous y prendriez-vous pour résoudre le problème?
Mme Scarth: On n'a pas fait assez de recherches sur la différence entre les sexes. Je crois qu'il serait utile d'étudier toute la question des troubles de comportement et du comportement asocial. C'est un phénomène beaucoup plus répandu chez les garçons et les hommes et il se manifeste très tôt.
Il me semble qu'il serait utile aussi d'étudier la socialisation des jeunes garçons. Je crois qu'on a commencé à travailler sur cette question.
Pour ce qui est des troubles de comportement, on a fait des recherches au Québec avec un groupe de jeunes garçons. Ce sont des recherches longitudinales. Nous en avons parlé dans notre mémoire, expliquant ce qu'il faut faire quand ces troubles se manifestent.
En ce qui concerne la prévention des troubles de comportement, nous n'avons pas encore fait assez de recherches au Canada. Selon le docteur Gus Thompson, nous devrions au moins faire un effort dans ce sens car nous ignorons s'il se soldera par un échec tandis que nous savons pertinemment que c'est trop tard après l'âge de 14 ans.
De façon indirecte il dit donc qu'il faut essayer de prévenir des troubles de comportement chez les jeunes garçons, car rien d'autre n'a réussi. Cela ne marche pas plus tard. Je crois que c'est un domaine où nous devrions travailler sérieusement. Je vous remercie d'avoir soulevé la question. Je crois qu'on trouve une phrase sur la différence entre les sexes, mais c'est à peine visible dans le texte. Il faudra y prêter une attention particulière à l'avenir.
Vaughan, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Dowie: Je ne sais pas vraiment si c'est un phénomène généralisé. Je sais qu'au Québec c'est plutôt dans le cadre de l'aide à la jeunesse que les filles manifestent ce genre de comportement. Pour une raison qu'on essaie toujours de comprendre, c'est dans le système d'aide à la jeunesse plutôt que dans le système judiciaire pour les jeunes qu'on observe la présence des filles.
Par exemple, dans nos établissements de garde en milieu fermé pour les filles, où le nombre limité de personnes utilisant les installations nous permet de mettre ensemble les délinquantes et les filles relevant du système d'aide à la jeunesse, nous offrons à ces dernières et aux filles en milieu fermé ce qu'on appelle de l'encadrement intensif. Même s'il s'agit d'unités distinctes, et nous constatons que dans les deux cas le comportement est presque identique. Mais pour une raison ou une autre, ces filles relèvent de la Loi sur la protection de la jeunesse plutôt que de la Loi sur les jeunes contrevenants, quoi que leur comportement ne diffère guère de celui des garçons relevant de la Loi sur les jeunes contrevenants.
Mme Lugtig: Nous parlons à la page 13 de notre mémoire de la différence entre les sexes. Si on y consacre plus d'attention, c'est parce qu'on n'a pas fait beaucoup de recherche sur cette question, mais nous citons certaines études qui ont été faites en Angleterre.
Les gens travaillant dans le domaine de la politique familiale et de la prévention de la criminalité commencent à s'intéresser à la différence entre les sexes. Ils étudient notamment le rôle du père, les effets de l'absence de ce dernier et de son comportement abusif. C'est surtout sur ces questions que les recherches portent actuellement.
Mme Barnes: Je ne sais pas ce qu'il faut faire pour éliminer les barrières provinciales dans le domaine de l'aide à l'enfance et de la santé mentale mais je sais très bien ce que nous faisons au gouvernement fédéral.
Dans ma propre circonscription depuis six mois, je vois que Postes Canada et les agences provinciales qui délivrent des permis ont des points de service communs. Les services d'aide aux chômeurs commencent à partager des installations avec des organismes sociaux provinciaux.
Je ne comprends pas pourquoi les différents niveaux de gouvernement ne commencent pas à partager des installations, ce qui permettrait de faire des économies considérables dans la prestation de service. Les gens qui doivent communiquer ne se trouvent pas à l'autre bout de la ville.
Avec des points de service communs, où des professionnels se trouvent sous le même toit et peuvent donc avoir des contacts, on réalise des économies considérables en offrant au public un service de guichet unique. C'est quelque chose que nous faisons déjà et que nous ferons de plus en plus à l'avenir.
Pour ma part, je crois que la prestation de services doit s'orienter dans cette voie où les professionnels et divers paliers de gouvernement sont impliqués. D'après votre expérience, est-ce que cela se fait déjà au Canada?
Je viens de London, qui est traditionnellement le marché-témoin car c'est une collectivité urbaine isolée par une ceinture. Je ne sais pas si ce que je vois dans ma ville se reproduit ailleurs. Savez-vous si cela se fait ailleurs, ou sommes-nous simplement un marché-témoin?
Mme Scarth: Une région de l'Ontario, où on essaie sérieusement d'intégrer les services, est le Nord, où il n'y avait vraiment pas le choix. Il y a des points de service communs, des équipes de spécialistes en éducation, des travailleurs sociaux et des professionnels de la santé qui travaillent tous ensemble. Le programme, qui s'appelle Services intégrés pour les enfants du Nord, semble donner de bons résultats dans certaines villes et collectivités et des résultats moins bons dans d'autres. Il fonctionne bien là où les gens sont prêts à le faire fonctionner, et c'est un modèle d'intégration qui est probablement aussi bon que tout autre que j'ai vu au Canada.
Voilà ce qu'on fait sur le terrain dans le nord de l'Ontario. Avant l'élection du gouvernement conservateur, les services sociaux avaient l'intention d'élaborer un cadre politique qui aurait permis l'utilisation de ce genre de modèle dans toute la province. Les enfants ne sont plus désormais une priorité, et je ne sais pas ce qui va se passer.
D'autres ministères provinciaux ont essayé d'offrir des programmes, qui sont souvent administrés par le gouvernement, mais la plupart d'entre eux ont échoué faute de financement. On a essayé en Colombie-Britannique, par exemple, mais sans y affecter de crédits. Ce n'était que des paroles en l'air. On a essayé aussi en Ontario, mais aussi uniquement avec de belles paroles et le même résultat.
Mais je pense qu'on pourrait peut-être réussir dans deux ou trois endroits. On le fait déjà au Québec, où on utilise un modèle différent, et c'est pourquoi nous l'avons présenté ici. Notre mémoire s'est inspiré de l'exemple du Québec, car nous croyons que ce dernier a le meilleur système au Canada pour aider les jeunes délinquants.
Pour ce qui est des autres systèmes, il y a des possibilités d'espoir au Manitoba. Le premier ministre a autorisé un certain Reg Toews, qui a travaillé dans le domaine de la santé mentale, à assurer le dialogue entre cinq ministères. On retiendra une partie des crédits affectés aux ministères responsables qui ne pourront les dépenser avant de définir leurs priorités en matière d'aide à l'enfance.
Pour commencer il faut une volonté politique. Je crois qu'il y a une lueur d'espoir car je vois maintenant une volonté politique et l'affectation de crédits à cette fin. Il y aura des conditions attachées au financement que les gens devront respecter. S'il n'y a pas de financement, les gens se contenteront de parler et ils retournent à leurs vieilles habitudes bureaucratiques.
En Saskatchewan, le gouvernement a élaboré une politique globale pour les enfants. Sept ou huit ministères disent qu'ils travaillent ensemble. Je n'ai pas encore vu les résultats de cette initiative, mais il me semble que là aussi il y a une volonté de faire quelque chose. Le premier ministre vient de remanier son cabinet, et je ne sais donc pas ce qui va se produire maintenant.
Pour toutes les mauvaises raisons, il se peut qu'il y ait des résultats positifs en Alberta aussi, car on a dit aux ministères de privatiser et de confier les soins des enfants au secteur privé. Nous ne pouvons pas en prévoir les résultats, car ils pourraient être positifs dans certaines collectivités si les autorités locales peuvent faire la planification. Le gouvernement dit permettre aux collectivités de faire la planification, mais malheureusement les ministères de la Justice, de l'Éducation et de la Santé n'y participent pas. Ce ne sont que les services communautaires et sociaux qui y participent.
Je vous conseille donc de regarder ce qu'on fait au Manitoba pour voir si le monsieur en question réussit, et de regarder aussi le nord de l'Ontario pour voir ce qu'on y fait. On semble faire du bon travail dans certaines de ces collectivités, et je peux vous dire avec qui vous devriez vous entretenir.
Mme Barnes: Je vais peut-être voyager à titre personnel pendant le congé de Noël à la recherche de ces endroits-là. Si vous avez une liste, veuillez nous la faire parvenir. Vous pouvez me l'envoyer directement mais je vous demande de l'envoyer également au greffier pour qu'il puisse la communiquer aux autres.
Mme Scarth: Oui.
Le président: Merci, madame Barnes.
J'aimerais faire une observation personnelle au sujet des camps d'entraînement. J'ai l'impression que le but cherché par ce camp de genre militaire est de mater une personne, ce qui explique pourquoi les forces armées sont comme elles sont. C'est qu'on détruit le caractère d'une personne pour ensuite le refaçonner comme on le désire, c'est-à-dire pour en faire des soldats qui peuvent faire la guerre ou des policiers qui sont chargés d'appliquer les lois et ainsi de suite. Malheureusement, les camps d'entraînement détruisent le caractère des gens un point c'est tout.
Certains membres qui nous ont quitté m'ont demandé de présenter leurs excuses. Ils sont à la Chambre et, comme Mme Barnes, ils font une certaine navette. Lorsque les gens ne voient pas les députés à la Chambre, c'est parce que souvent ils siègent au comité. Lorsqu'ils ne sont pas au comité, ils sont à la Chambre.
Encore une fois, je tiens à vous remercier de votre témoignage fort intéressant.
Mme Scarth: Merci.
Le président: La séance est levée jusqu'à mardi prochain à 9 h 30.