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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 12 décembre 1995

.1532

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Nous étudions le projet de loi C-106 et nous accueillons aujourd'hui des représentants du Bureau du vérificateur général du Canada.

Nous accueillons Richard Fadden, vérificateur général adjoint et conseiller juridique, Opérations de vérification; et Alan Gilmore, directeur principal, Opérations de vérification. Vous avez déjà témoigné devant notre comité et vous savez donc comment nous procédons. Veuillez faire vos remarques liminaires, après quoi, il y aura une période de questions.

M. Richard Fadden (vérificateur général adjoint et conseiller juridique, Opérations de vérification, Bureau du vérificateur général du Canada): J'aimerais remercier le comité de nous avoir invités à discuter de la vérification de la Commission de réforme du droit que nous avons exécutée en 1985. Même si la vérification date quelque peu, nous espérons que les constatations auxquelles elle a donné lieu vous aideront dans votre examen du projet de loi C-106, qui propose la création de la Commission du droit du Canada.

Notre vérification a porté sur le contrôle financier et administratif du programme d'ensemble et des projets. Nous serions très heureux de discuter de ces questions avec votre comité. Toutefois, le mandat que nous confère la Loi sur le vérificateur général ne nous permet pas de formuler des observations sur le bien-fondé d'un texte législatif.

Notre vérification de 1985 a soulevé un certain nombre de questions concernant la gestion et l'administration à la Commission. Bien que nous ayons observé des progrès lors de notre suivi de 1988, d'autres améliorations étaient nécessaires. Permettez-moi de passer en revue avec vous nos constatations.

[Français]

La pertinence des travaux de la Commission nous inquiétait. La loi en vigueur exigeait que la Commission soumette un programme de recherche au ministre de la Justice pour approbation. Nous avons constaté que la Commission n'avait pas respecté cette exigence en plus de dix ans. Nous en avons conclu que cela aurait pu aider la Commission à orienter ses efforts de recherche vers les secteurs législatifs prioritaires.

Nous notons que l'actuel projet de loi prévoit la création d'un conseil consultatif qui, à la demande de la Commission, lui fournira des conseils sur toute question relative à sa mission, notamment son orientation stratégique, et au programme à long terme de ses travaux. De plus, il exige que la Commission consulte le ministre de la Justice au sujet de son programme annuel de travaux.

Comme le faisait l'ancienne loi, le projet de loi oblige la Commission à soumettre un rapport annuel de ses activités au ministre de la Justice qui doit à son tour le déposer au Parlement. Le projet de loi exige aussi que le rapport annuel contienne les états financiers de la Commission ainsi que le rapport du vérificateur général sur les comptes et les opérations financières.

.1535

[Traduction]

Monsieur le président, j'aimerais aussi signaler que même si la Commission sera établie à titre d'établissement public aux termes de l'annexe 2 de la Loi sur la gestion des finances publiques, elle pourrait ne pas devoir faire l'objet de vérifications de l'optimisation des ressources par le bureau en vertu de la Loi sur le vérificateur général. Le projet de loi prévoit qu'une vérification comptable sera exécutée annuellement par le bureau, ce qui pourrait être interprété comme limitant le bureau à ces seuls genres de vérifications. De toute évidence, il appartient au Parlement de prescrire le régime de vérification qu'il considère approprié pour la Commission proposée.

À l'issue de notre vérification de 1985, nous avions relevé un certain nombre de faiblesses au niveau de la planification et de la gestion des projets de recherche.

Tous les projets de recherche de la Commission étaient réalisés par des experts-conseils à contrat. Toutefois, la Commission n'avait pas établi de procédures et de règles claires pour la passation des marchés et elle n'assortissait pas les projets d'objectifs et de délais clairs. En outre, le Règlement sur les marchés de l'État ne s'appliquait pas aux marchés conclus par la Commission, justement en raison de son statut de commission.

Étant donné que le projet de loi fait de la Commission un établissement public aux termes de l'annexe II de la Loi sur la gestion des finances publiques, le Règlement sur les marchés de l'État s'appliquera. Si une nouvelle commission est constituée, nous espérons qu'elle tiendra compte de nos constatations sur la gestion des marchés et des projets.

[Français]

L'évaluation du programme de la Commission constituait l'autre sujet de préoccupation de notre vérification antérieure. Le projet de loi actuel prévoit la création d'un conseil consultatif qui, à la demande de la Commission, pourra examiner le rendement de cette dernière.

À la lumière de notre expérience passée, nous suggérons que cette disposition soit resserrée de manière à exiger un examen du rendement de la Commission après une période appropriée, disons cinq ans. Un tel examen donnerait au ministre et au Parlement l'assurance que les recherches et les conseils de la Commission sont pertinents et de qualité.

[Traduction]

Pour terminer, j'aimerais de nouveau remercier le comité d'avoir sollicité nos observations. Je serai heureux de répondre à vos questions avec l'aide de mon collègue.

Le président: Merci beaucoup.

Les premières questions seront posées par Mme Venne, qui a dix minutes.

[Français]

Mme Venne (Saint-Hubert): Messieurs, je vous remercie d'être là puisque c'est à ma demande, et certainement à cause de mon insistance, que vous êtes là.

Il est entendu que vous n'êtes pas ici pour commenter sur le plan politique. C'est plutôt pour nous parler du suivi et des recommandations que vous aviez faits au sujet de l'autre commission.

Dans le suivi que votre bureau a effectué en 1988, on soulignait que l'ancienne commission n'avait toujours pas entrepris une évaluation globale de l'efficacité de son programme trois ans après vos recommandations.

J'aimerais savoir si vous trouvez cela normal. Est-il fréquent qu'un organisme comme cette commission prenne autant de temps à se soumettre à vos recommandations? Selon vous, est-ce une des raisons pour lesquelles elle a été abolie à ce moment-là?

M. Fadden: Sommes-nous d'avis que la décision de l'ancienne commission de ne pas s'autoévaluer est normale? Non, surtout que l'agence était indépendante du gouvernement.

Si la commission avait été imputable au ministre, il y aurait eu moyen de voir si ses travaux étaient utiles ou non. Cependant, étant donné le statut indépendant de la commission, nous étions d'avis qu'il aurait été particulièrement utile qu'elle effectue une évaluation dans les délais prescrits par la loi.

Est-ce que ceci est entré en ligne de compte lorsque le gouvernement antérieur a décidé d'abolir l'ancienne commission? Je ne saurais que répondre à cette question, monsieur le président.

Mme Venne: L'ancienne commission a suscité de vives critiques de la part de votre bureau. En 1985, le Bureau du vérificateur général du Canada avait analysé en profondeur le fonctionnement et la gestion de cette commission. Dans son rapport, le vérificateur n'avait pas été tendre à l'égard des méthodes de gestion de projet de la commission.

.1540

Entre autres, je peux vous citer un petit paragraphe intéressant:

Vous avez certainement eu l'occasion de voir de quoi aura l'air la nouvelle commission. Comment cette éventuelle commission pourrait-elle pallier aux problèmes qui ont été soulevés lors de votre rapport de 1985?

M. Fadden: Je vais essayer de répondre à la question, mais je dois admettre que, ce faisant, je vais prédire le futur. C'est toujours un peu difficile.

Je pense qu'il y a quelques éléments dans la nouvelle loi qui vont améliorer la situation de la nouvelle commission. Entre autres, on permet au ministre d'instruire la préparation de rapports qui seraient d'un intérêt particulier pour le gouvernement courant.

Une de nos plaintes particulières à l'égard de l'ancienne commission était que ses travaux n'entraient pas dans les priorités du gouvernement. Si on doit dépenser des sous, la commission doit s'assurer que le choix de ses études risque d'intéresser le gouvernement et le Parlement.

Dans ce sens-là, nous pensons que la nouvelle loi, qui permet au ministre de demander la production de rapports particuliers, sera utile. Nous pensons aussi que le fait que la nouvelle commission sera assujettie aux règlements du gouvernement sur les marchés va aider.

L'ancienne commission, puisqu'elle n'était pas mandataire de Sa Majesté, n'était pas assujettie aux règlements concernant les contrats. Une de nos préoccupations les plus importantes était que sa gestion des projets et des marchés laissait beaucoup à désirer. Nous croyons que si la nouvelle commission respecte les normes gouvernementales ordinaires, cela aidera.

Une autre de nos préoccupations, qui était plutôt implicite dans notre rapport, c'était qu'on dépensait une proportion assez élevée d'un budget d'environ 5 millions de dollars pour des questions administratives. On avait un personnel permanent assez nombreux et cinq commissaires plutôt que quatre. Nous croyons que le projet de loi actuel permettra, dans un certain sens, de réduire les montants qui doivent être dépensés pour le soutien administratif.

D'un autre côté, nous regrettons un peu que la nouvelle loi ne reprenne pas la disposition de l'ancienne loi qui suggérait à la commission d'utiliser les commodités existantes. Par exemple, la commission aurait pu invoquer l'ancienne pour dire, par exemple: «Je vais utiliser tous les services administratifs de la Commission canadienne des droits de la personne.»

Cette disposition est absente du projet de loi. Il nous semble, surtout si le gouvernement désire créer une petite commission, qu'il aurait un certain avantage à suggérer à la commission d'utiliser les services de soutien administratif d'une agence qui existe déjà. Cela n'existe pas.

Nous regrettons un peu que la disposition de vérification contenue dans le projet de loi ne nous permette pas d'entamer une vérification d'optimisation des ressources comme celle qu'on a faite en 1985, puisque le projet de loi nous limite à une vérification financière.

Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question, mais ce sont nos idées générales sur la question.

Mme Venne: Le gouvernement précédent avait conclu que les fonctions de l'ancienne commission pourraient être exécutées convenablement si l'on transférait au ministère de la Justice la charge de commander des recherches à des organismes non gouvernementaux avec des mandats précis. On se souvient de cela. Le ministre de la Justice et son ministère solliciteraient alors l'opinion des chercheurs, des praticiens sur une base factuelle. La Commission de réforme du droit a donc été dissoute et les ressources susceptibles d'être maintenues ont été transférées au ministère de la Justice. Je fais un peu d'historique, mais c'est nécessaire.

J'aimerais savoir si vous avez effectué une vérification du fonctionnement de la Division de réforme du droit du ministère de la Justice qui a succédé à cette commission.

M. Fadden: Non, monsieur le président.

Mme Venne: Vous ne l'avez pas fait. D'accord. Je m'arrête ici pour l'instant, monsieur le président. Je continuerai au prochain tour. Merci.

.1545

[Traduction]

Mme Ablonczy (Calgary-Nord): Au point 10, vous dites que le projet de loi actuel prévoit la création d'un comité consultatif qui, à la demande de la Commission, pourrait examiner le rendement de la Commission. Vous savez sans doute que ce sont les commissaires qui choisissent les membres de ce comité consultatif. Du point de vue de la vérification et de l'appréciation du rendement, est-il satisfaisant que la Commission nomme l'organe qui examinera son rendement?

M. Fadden: Selon les principes qui sous-tendent l'évaluation et la vérification, c'est loin d'être une situation idéale. En revanche, c'est mieux que rien. En fait, le régime canadien, comme vous le savez, se situe au juste milieu. La plupart des ministères ont des sections internes d'évaluation et de vérification, et les difficultés auxquelles vous faites allusion sont compensées en partie par l'existence d'organismes tels que le Bureau du vérificateur général.

Mme Ablonczy: Vous avez dit dans votre exposé que le Bureau du vérificateur général pourrait assurer cet équilibre. Est-ce que cela sera possible dans la structure prévue par le projet de loi?

M. Fadden: Monsieur le président, l'article du projet de loi traitant de la vérification prévoit que le vérificateur effectue une vérification comptable chaque année. Si nous appliquons les règles générales d'interprétation des lois, nous estimons que le Parlement nous dit implicitement que nous ne sommes pas tenus d'effectuer une vérification d'optimisation des ressources de la Commission. Pour l'ancienne commission, il n'y avait aucune disposition de ce genre; le vérificateur général procédait donc à une vérification d'optimisation des ressources tel que le prévoyait son mandat général.

Je ne voudrais pas vous laisser croire que nous avons mené une étude juridique approfondie de cette disposition, mais, à première vue, il semble qu'il pourrait être difficile pour nous d'effectuer un examen semblable à celui de 1985.

Mme Ablonczy: C'est ce que vous avez indiqué dans vos remarques liminaires.

Un des aspects de ce projet de loi qui m'inquiète le plus est celui de l'indépendance. On fait grand cas de l'autonomie de cet organisme qui prodiguera des conseils au ministre sur la modification et la modernisation des lois du Canada. Or, les membres de cette commission seront nommés par le ministre. Si nous voulons apporter des changements au processus de nomination des commissaires afin de rehausser l'indépendance de la Commission, ce qui nous semble souhaitable à tous, je crois, que pourrions-nous faire?

M. Fadden: Monsieur le président, le gouvernement et le Parlement disposent de toute une gamme d'outils pour les nominations, tels que le recrutement à contrat pour la durée du mandat, comme dans le cas des juges fédéraux et du vérificateur général dont le renvoi nécessite une adresse des deux Chambres du Parlement. Si vous souhaitez apporter une modification visant le court terme, vous devriez modifier le projet de loi de façon à ce que le commissaire soit nommé non pas à titre amovible, mais plutôt à titre inamovible.

Je pense répondre à votre question en vous donnant les faits. Je ne prétends pas adopter une position politique.

Mme Ablonczy: Vous ne recommandez pas l'une ou l'autre de ces solutions; vous nous énumérez objectivement les choix qui s'offrent à nous.

M. Fadden: Oui.

Mme Ablonczy: Avez-vous d'autres idées?

M. Fadden: On peut même aussi prévoir une nomination pour une durée déterminée plutôt qu'indéterminée. Il est relativement difficile de renvoyer une personne nommée pour une durée indéterminée, même si elle a été nommée à titre amovible.

Mme Ablonczy: Qu'en est-il du processus même. Ne pourrait-on pas l'élargir? Plutôt que de compter seulement sur les recommandations du ministre, ne pourrait-on pas adopter une méthode plus pratique et efficace de nommer des commissaires compétents tout en rehaussant l'indépendance de la Commission?

M. Fadden: Aux termes du régime actuel de nomination aux organismes gouvernementaux, ces nominations sont habituellement faites par la Couronne fédérale; compte tenu de ce principe fondamental, il est difficile d'élaborer un autre modèle. Je sais que certaines lois prévoient que le gouverneur en conseil ou le ministre doit consulter diverses parties au Parlement ou diverses institutions. Des consultations préalables doivent être menées. Vous voudrez peut-être aussi envisager cette possibilité.

.1550

Ma réponse n'est pas très satisfaisante, mais je ne suis pas un spécialiste des règles de nomination.

Mme Ablonczy: C'est tout pour l'instant. Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

Monsieur Regan.

M. Regan (Halifax-Ouest): Ma question porte sur le conseil consultatif et le fait que ses membres sont choisis par les commissaires. Y a-t-il d'autres situations de ce genre et comment cela fonctionne-t-il en pratique? En fin de compte, n'est-ce pas le ministre qui fait ces nominations par l'entremise des commissaires? Comment cela se fait-il dans les autres cas semblables?

M. Fadden: À ma connaissance, il n'y a pas d'autres cas de ce genre et M. Gilmore m'indique qu'il n'en connaît pas non plus. Je suis désolé.

M. Regan: Ça va. Pour ce qui est du genre de vérification qui devrait être menée, quel serait l'idéal, d'après vous? Par exemple, devrait-on, dans le projet de loi, parler d'une vérification de gestion plutôt que d'employer un terme plus restrictif? Quel terme devrait-on employer à votre avis?

M. Fadden: Si l'intention du Parlement est de faire effectuer chaque année une vérification comptable de la Commission, le libellé actuel est juste. Est-ce que vous demandez si le vérificateur général souhaiterait aussi effectuer une vérification d'optimisation des ressources de la Commission?

M. Regan: Oui.

M. Fadden: Je n'avais pas anticipé cette question. Si le projet de loi ne comportait aucune disposition sur la vérification, nous sommes d'avis que la Commission ferait l'objet d'une vérification d'optimisation des ressources, auquel cas il n'y aurait pas de vérification comptable chaque année.

Je vous propose un libellé pour le projet de loi, ce que je ne suis pas censé faire.

Une voix: Nous sommes entre amis.

M. Regan: Si nous envisagions de proposer cet amendement, nous le ferions examiner dans cette perspective.

M. Fadden: En fait, nous sommes d'avis qu'une vérification comptable annuelle d'une commission qui dépensera environ trois millions de dollars par année, c'est peut-être excessif. Cela nécessite des préparatifs, un plan et tout un système de traitement au sein de la bureaucratie.

Pour notre part, l'idéal serait le retrait de l'article 22. La Commission serait alors régie par le mandat général du Bureau du vérificateur général et ferait l'objet de vérifications d'optimisation des ressources. Toutefois, si vous apportez cet amendement, il n'y aura pas de vérification comptable annuelle.

Je tiens aussi à préciser que si le Parlement tient à ce que nous fassions les deux genres de vérification, c'est ce que nous ferons. Seulement, il ne semble pas très rentable d'effectuer une vérification comptable annuelle d'une si petite entité.

M. Regan: Merci.

Je crois avoir posé la question que mon collègue avait à l'esprit, mais il en a peut-être d'autres à poser.

Le président: Monsieur Knutson.

M. Knutson (Elgin - Norfolk): Vous me dites qu'un budget annuel de trois millions de dollars n'est pas suffisant pour que le Bureau du vérificateur général consacre son temps à une vérification comptable. Quel seuil proposeriez-vous?

M. Fadden: Je ne voudrais pas qu'on interprète mes propos comme cela. Si le Parlement tient à ce que nous procédions à une vérification qui coûtera 500 000$, nous le ferons avec plaisir. Je tenais simplement à souligner qu'en période d'austérité, le vérificateur général tente d'affecter ses ressources là où elles seront le plus rentables pour la Chambre des communes et les contribuables. Dans le cas d'une entité dont le budget est de trois millions de dollars, la rentabilité d'une telle vérification n'est pas évidente.

Vous avez peut-être d'autres raisons d'exiger une vérification...

M. Knutson: Non.

M. Fadden: Et le vérificateur général en tiendrait compte dans l'établissement de ses priorités. Honnêtement, je ne pourrais vous proposer un seuil. Je ne tente pas d'éviter la question; simplement, je ne sais pas.

M. Knutson: D'accord. Ne serait-il pas acceptable de faire vérifier les livres par un cabinet de comptables de l'extérieur, tel qu'un cabinet de comptables agréés de l'Ontario?

M. Fadden: Cela poserait un problème pour nous, car cela créerait un précédent. De plus, une firme d'experts-comptables n'accorde pas nécessairement la même attention à leurs vérifications et ne vérifie pas nécessairement la même chose que nous.

.1555

Ainsi, lorsqu'on vérifie un organisme indépendant, que ce soit la Commission ou un autre, on se demande s'il respecte la loi et les règles qui le régissent. Puisqu'il s'agit d'un organisme indépendant, il lui est parfois plus facile de faire ce qui lui plaît. D'après notre expérience, en général, les cabinets d'experts-comptables n'accordent pas la même attention aux pouvoirs que les vérificateurs du secteur public.

M. Knutson: Je ne sais pas si vous avez l'article 22 sous les yeux.

M. Fadden: Oui, monsieur, je l'ai.

M. Knutson: Si on disait plutôt: «Le vérificateur général du Canada examine chaque année les comptes et opérations financières de la Commission et d'autres questions», est-ce que cela serait suffisamment vague pour permettre de vérifier ce que vous souhaitez? On peut donc aussi remplacer l'expression «chaque année» par «au besoin», si vous ne tenez pas à effectuer une vérification annuelle.

M. Fadden: À titre d'exemple qui pourrait être utile, les sociétés d'État doivent subir un examen spécial tous les cinq ans. Le comité pourrait peut-être prévoir une période précise après laquelle un examen complet serait fait. On pourrait dire quelque chose comme «La Commission fait l'objet d'une vérification du vérificateur général tous les cinq ans».

M. Knutson: «Au moins une fois».

M. Fadden: Au moins une fois tous les cinq ans.

M. Knutson: Si nous voulons vous éviter d'effectuer une vérification d'optimisation des ressources, nous devrions plutôt parler de...

M. Fadden: Vous pourriez simplement dire que la Commission doit faire l'objet d'une vérification au moins une fois tous les cinq ans.

M. Knutson: D'accord, et laisser tomber les termes «comptes et opérations financières de la Commission».

M. Fadden: C'est exact.

M. Knutson: Parlons un peu d'aspects théoriques. Disons que, dans un an ou deux, la Commission dépose un rapport sur le contrôle des armes à feu. Comment procéderiez-vous une vérification d'optimisation des ressources?

M. Fadden: On se pencherait plutôt sur l'efficacité de la Commission que sur son efficience ou sa rentabilité, ainsi que son respect des règles. Comme l'indique la Loi sur le vérificateur général, il incombe aux organismes gouvernementaux de s'auto-évaluer d'abord, et de déterminer s'ils sont efficaces ou non; puis, nous vérifions cette évaluation. Comme l'a indiqué le vérificateur général, ce n'est que dans des cas extrêmes qu'il demanderait au bureau de vérifier l'efficacité, du point de vue des principes, d'un organisme tel que la Commission, dont les travaux sont si intimement liés aux processus politiques et administratifs qu'une vérification serait très difficile.

M. Knutson: Qu'entendez-vous par «efficace», alors? La Commission dépose un rapport sur le contrôle des armes à feu. C'est un excellent rapport, très fouillé, très logique. La Commission présente son rapport au gouvernement qui, pour des raisons politiques, des raisons d'orientation ou autres, n'aime pas le rapport et le laisse sur la tablette. Dix ans plus tard, on y donne suite et tout le monde s'exclame sur l'efficacité du rapport. Comment peut-on, dix ans plus tard...? C'est un peu comme tenter d'évaluer de la recherche pure.

M. Fadden: C'est en effet cela, dans une certaine mesure. Voilà pourquoi nous estimons que, en générale, c'est le gouvernement même qui doit évaluer l'efficacité d'organismes de cette nature.

M. Knutson: Je vois.

M. Fadden: Nous tentons ensuite d'évaluer la méthodologie employée par le gouvernement pour mesurer sa propre efficacité. Je crois que c'est en raison des préoccupations que vous venez d'énoncer que cette disposition figure au projet de loi. Dans certains cas, c'est extrêmement difficile.

En revanche, lorsqu'il s'agit d'efficacité opérationnelle, la vérification est assez facile. Si vous abaissez le niveau d'efficacité dont vous parlez, cela devient plus facile.

M. Knutson: Vous parlez de choses telles que le dépôt de rapports à temps, le respect de dates d'échéance...

M. Fadden: Des choses de ce genre, en effet.

L'ancienne commission évaluait son rendement selon que le gouvernement de l'époque ou le Parlement suivait ses conseils. C'est un critère qu'on pourrait adopter. Elle tenait aussi compte du fait que les tribunaux invoquaient ses travaux et ses jugements.

Si on nous demandait de faire ce genre d'évaluation, nous nous doterions d'une série de critères de cette nature, sur lesquels les commissaires et les experts du milieu s'entendraient et nous ferions de notre mieux. Mais je suis d'accord avec vous pour dire que ce serait en effet très difficile de faire ce genre de vérification de façon objective.

Le président: Madame Venne.

[Français]

Mme Venne: Au paragraphe 10.30 du rapport de 1985, le vérificateur soulignait:

.1600

Le rapport citait entre autres l'exemple du choix de divers experts-conseils ou chercheurs qui n'était pas justifié par écrit. Le rapport concluait qu'en l'absence d'appel d'offres, une justification écrite «serait nécessaire pour assurer qu'un choix particulier est raisonnable».

J'aimerais savoir si vous ne craignez pas qu'une situation similaire se reproduise à la nouvelle commission.

M. Fadden: Ce risque existe toujours même si les procédures en place sont presque parfaites. Cependant, comme j'ai tenté de l'expliquer un peu plus tôt, la nouvelle Commission sera assujettie aux règlements fédéraux sur les marchés et, dans ces règlements, il y a quand même quelques restrictions et procédures.

Cela dit, au-delà de cela, il n'y a actuellement rien dans l'administration fédérale qui précise avec plus de vigueur la façon d'octroyer des marchés.

Mme Venne: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Merci.

Madame Ablonczy.

Mme Ablonczy: Monsieur le président, j'ai une question à poser, et peut-être que mon collègue en posera également une.

Le président: Je n'ai personne d'inscrit sur ma liste. Allez-y.

Mme Ablonczy: Merci, monsieur le président.

Je voudrais revenir à cette idée de la vérification d'optimisation des ressources, ainsi qu'à votre proposition, au point numéro 11 de votre exposé, de faire examiner, tous les cinq ans par exemple, les résultats du travail de la Commission.

Je sais que dans certaines lois, la Loi sur les jeunes contrevenants, par exemple, on prévoit un examen parlementaire à intervalles réguliers, permettant de vérifier si la législation est effectivement utile. À votre avis, serait-il ici intéressant de modifier le projet de loi pour y ajouter une disposition semblable à ce que vous recommandez?

M. Fadden: Répondre directement à cette question m'amènerait à commenter le projet de loi sur le fond, et je vous demanderais donc de m'excuser, en me permettant de répondre en vérificateur, c'est-à-dire de dire que de notre point de vue, tout organisme qui dépense de l'argent peut à très juste titre être soumis tous les cinq ou dix ans à un examen ou une évaluation. Là encore, je ne veux pas dire que ce soit absolument indispensable dans le cas qui nous intéresse, c'est une question de principe à débattre.

Mme Ablonczy: Permettez-moi tout de même de faire remarquer que vous en parlez au point numéro 11 de votre exposé, ce qui m'a amenée de façon tout à fait normale à vous poser la question de savoir si une proposition comme celle-ci correspondrait à votre recommandation.

M. Fadden: Monsieur le président, je pense que je renvoyais à un examen possible des travaux de la Commission par le conseil consultatif, auquel a d'ailleurs fait allusion Mme Venne plus tôt, et dans mon esprit, pour le moins, ce n'est pas tout à fait la même chose.

Mais vous avez tout à fait raison. De plus en plus les élus demandent que l'on prévoie une clause d'examen parlementaire dans les lois, et ça nous paraît tout à fait raisonnable.

Mme Ablonczy: Merci pour cette réponse.

Monsieur Ramsay.

M. Ramsay (Crowfoot): Au point numéro 11, vous parlez effectivement de la pertinence et de la qualité des travaux de la Commission et des conseils qu'elle prodigue. Comment une vérification peut-elle définir cette pertinence?

M. Fadden: Monsieur le président, c'est une excellente question, et nous devons reconnaître que la réponse comporte toujours une certaine mesure de subjectivité. Mais lorsque nous avons été chargés d'examiner le cas de l'ancienne commission, il est apparu très clairement qu'une partie importante de ses travaux ne correspondaient pas aux priorités du gouvernement de l'époque, ni même à ce qui préoccupait le plus le Parlement.

Nous ne voulons pas dire que tout ce que fait la Commission doit correspondre à ce que le Parlement, ce comité-ci ou le ministre lui imposerait, mais il nous paraît raisonnable de respecter un minimum de convergence.

Si nous devions à nouveau nous pencher sur les travaux de la Commission, nous nous reporterions à son plan de travail, aux priorités du gouvernement du jour, et - dans la mesure où nous pouvons en juger - à ce qui préoccupe le plus les comités parlementaires, pour voir s'il y a un minimum de correspondance. Nous pourrions également vérifier si les rapports de la Commission sont utilisés par le Parlement, les tribunaux ou certaines institutions qui pourraient avoir à s'en servir.

.1605

M. Ramsay: Ce que vous avez appris de l'ancienne commission de la réforme du droit vous avait-il permis de conclure à la pertinence de ses travaux?

M. Fadden: Je pense, monsieur le président, que d'après nos constatations, il y avait un grave problème qui se posait, ce sur quoi évidemment la Commission n'était pas prête à nous donner raison. Celle-ci estimait que ses travaux étaient beaucoup plus pertinents que nous ne le disions. La Commission procédait, entre autres, à un examen approfondi et essentiel de notre droit pénal, examen dont certains aspects seulement intéressaient le gouvernement de l'époque; voilà un exemple.

Je dois dire, cependant, qu'en nous préparant à cette réunion, nous n'avons pas eu accès à nos anciens dossiers, si bien qu'il nous est très difficile de vous répondre de façon plus détaillée. Mais nous avions effectivement un certain nombre de réserves graves quant à la pertinence des travaux de l'ancienne commission.

M. Ramsay: Est-ce que cette commission devait présenter un rapport au ministre de façon régulière?

M. Fadden: La Commission devait annoncer son plan de travail au ministre, et celui-ci, ou celle-ci, devait faire savoir si ce plan lui convenait. C'était déposé au Parlement. Cependant, la Commission n'en a rien fait pendant 10 ans, les dispositions de la loi n'ont pas été respectées, et tout les avantages qu'aurait pu procurer cette procédure ont été perdus.

M. Ramsay: Mais la loi n'exigeait-elle pas que ce rapport soit déposé?

M. Fadden: Si, monsieur le président.

M. Ramsay: Comment se fait-il alors que la loi ait été tout simplement ignorée pendant si longtemps?

M. Fadden: Monsieur le président, je ne sais pas si je peux répondre. Tout ce que je puis dire c'est que de notre point de vue, nous avons au cours de notre travail constaté qu'il en était ainsi, et nous avons présenté notre rapport au Parlement. Le sentiment que j'ai eu à l'époque c'est que cette question ne préoccupait pas grand monde, mais je vous parle de mémoire, c'est-à-dire sans pouvoir me reporter aux documents détaillés que nous avons rédigés à l'époque.

M. Ramsay: Évidemment, j'aimerais savoir pourquoi l'ancienne commission a été supprimée, et j'ai également posé des questions aux autres témoins là-dessus. Pour eux, c'était une question d'argent. Je dirais que si j'étais ministre de la Justice, et que la Commission ne respecte pas la loi et fait montre d'un tel esprit d'indépendance qu'elle ne respecte pas les dispositions de la loi pendant 10 ans, je parle des rapports etc., je commencerais de façon tout à fait normale à me demander si son existence se justifie encore.

Quelle différence y a-t-il entre l'ancienne loi régissant la Commission de réforme du droit, et ce nouveau projet qui porte création d'une nouvelle commission? On a parlé de l'indépendance de celle-ci, et de ce côté-là on a obtenu certaines assurances. Est-on certain que cette indépendance ne va pas donner lieu aux mêmes abus que par le passé? Peut-on en être sûr?

Comment imaginer que des gens qui sont là pour réformer le droit puissent se permettre d'ignorer purement et simplement la loi qui doit les gouverner? Comment cela est-il possible? Et comment peut-on tolérer que cela se perpétue? Peut-on prendre des mesures permettant d'éviter que cela ne se reproduise?

M. Fadden: Monsieur le président, comment les choses en sont arrivées là, je ne peux pas le dire. J'aimerais répondre. Et si je le savais, je le dirais.

La seule garantie réelle, monsieur le président, contre une répétition du passé, c'est la vigilance du ministre de la Justice, d'un côté, qui restera dans une certaine mesure responsable de la Commission, et qui est tenu de recevoir ses rapports et plans de travail et de les déposer au Parlement, et d'un autre côté, si je puis dire, la vigilance des comités parlementaires.

C'est un des dangers qu'il y a à créer des organismes indépendants. Ceux-ci ont tendance à n'en faire qu'à leur tête, et dans certains cas ils ne respectent pas toutes les exigences de la loi.

M. Ramsay: Y a-t-il dans le projet de loi C-106 une disposition précisant que le ministre de la Justice, entre autres, aurait des comptes à rendre au comité?

M. Fadden: Je crois qu'il y a un article précisant que la Commission est responsable devant le Parlement, par le canal du ministre de la Justice; et si je comprends bien, la première responsabilité serait à l'égard du ministre de la Justice, puis du comité.

M. Ramsay: Mais cela concerne les rapports au ministre de la Justice, et l'obligation de celui-ci de les déposer au Parlement, ainsi que ses propres réponses. Y a-t-il d'autres dispositions concernant l'obligation de rendre compte?

.1610

M. Fadden: Monsieur le président, le député a raison de dire que la Commission est assujettie à un certain nombre d'obligations concernant le dépôt de rapports, etc., mais je parlais surtout de l'article 6, que je lis:

M. Ramsay: Y avait-il un article semblable dans l'ancienne loi?

M. Fadden: Je ne sais pas. Il faudra que je vérifie. Mais je ne le pense pas, monsieur le président.

M. Ramsay: Si nous reprenons cet article 6, quelle interprétation peut-on en donner pour ce qui est de la responsabilité ultime de la Commission? D'un côté, il s'agit d'un organisme indépendant, de l'autre, il faut bien un certain équilibre entre cette liberté et l'obligation de rendre des comptes au contribuable, par le truchement de ses représentants élus.

Quel est le rôle exact du ministre de la Justice? Comment le Parlement peut-il demander qu'on lui rende des comptes, ou exiger un rapport, si ce n'est que par le canal du ministre de la Justice? Le Parlement a-t-il le droit de se saisir des affaires de la Commission, ou est-ce laissé entièrement à la discrétion du ministre de la Justice?

M. Fadden: Monsieur le président, je ne vais pas me risquer à essayer d'expliquer ce que sont les pouvoirs de ce comité, et de ses homologues, mais d'après ce que je sais, toute entité qui émarge au budget a des comptes à rendre au Parlement, et cela au-delà de ce que peut-être la responsabilité du ministre de la Justice; ainsi ce comité, ou tout autre, peut décider de convoquer le président et les commissaires.

M. Ramsay: Il faudrait alors que nous réinscrivions cela à notre programme, n'est-ce pas?

De combien de temps disposé-je encore?

Le président: Vous avez déjà dépassé de cinq minutes.

M. Ramsay: Très bien. Je vais me reposer quelques instants.

Le président: Nous n'avons plus personne du côté du gouvernement, à moins que vous ayez des questions, madame Venne.

Mme Venne: Non.

Le président: Ce sera une pause de courte durée, monsieur Ramsay.

M. Ramsay: J'aimerais savoir ce qu'a véritablement accompli l'ancienne Commission de réforme du droit.

Apparemment, et c'est la raison pour laquelle je pose la question, son abolition a provoqué un véritable tollé dans tout le pays. J'ai le mémoire de M. Mosley, sous-ministre adjoint, selon lequel cette suppression, en 1992, a été reçue de façon très critique des professions judiciaires, celles-ci estimant que le gouvernement, le Parlement et le judiciaire avaient besoin d'un organisme consultatif indépendant permettant de réformer le droit.

L'ancienne Commission de réforme du droit conseillait-elle le gouvernement, le Parlement et le judiciaire; et dans l'affirmative, jusqu'où allait ce conseil?

M. Fadden: Monsieur le président, dans notre rapport de 1985, nous indiquons très clairement que certains rapports de la Commission avaient effectivement été à l'origine de l'adoption de certaines législations au Parlement. Dans un cas très précis, la Commission a notamment fait remarquer que dix de ses rapports ont servi de référence à des modifications législatives. La Commission nous avait fourni un certain nombre de références, montrant que ses réflexions avaient aussi influencé certaines décisions rendues par les juges, et il y avait d'autres cas de ce genre cités.

Au-delà de cela, monsieur le président, étant donné que notre travail de vérification ne portait pas véritablement sur cet aspect de son fonctionnement, il m'est impossible d'en dire beaucoup plus. Je ne cherche pas à éviter la question, mais notre vérification ne se situait pas dans cette perspective.

M. Ramsay: Lorsqu'un organisme fonctionne pendant quelque 21 années, à cinq millions de dollars par an - c'était son budget au moment où elle a été supprimée - , et qu'après toutes ces années on l'abolit, il y a aura évidemment des gens pour s'en plaindre, en raison de certains intérêts personnels qu'ils défendent, des jeux d'influence, etc. Il semble que 30 personnes aient perdu leur emploi, ce qui ne manque pas d'être préoccupant.

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J'aimerais savoir quel vide a laissé derrière elle l'ancienne Commission de réforme du droit, et quel vide cette nouvelle Commission va combler. Autrement dit, quelle en est la justification pratique? Lorsqu'elle a été supprimée, nous en avons perdu l'usage, lequel est maintenant rétabli. Qu'est-ce que concrètement cela va nous donner?

M. Fadden: Monsieur le président, je peux répondre de façon assez générale, et cela pour vous obliger.

Il y a un certain nombre d'institutions, à Ottawa, émanant du Parlement, et échappant au système habituel de la responsabilité ministérielle - c'est-à-dire du contrôle direct du ministre - et cela parce que la Chambre et ce Parlement, comme d'autres, ont estimé qu'il était parfois difficile de charger les hauts fonctionnaires de certains dossiers, étant donné les pressions politiques ou autres qui pourraient être exercées.

La réforme du droit en est un exemple. Vous avez même dit il y a quelques instants, monsieur, que beaucoup d'intérêts étaient en jeu. Ce projet de loi, comme l'autre, exigeait que l'on procède à une vaste consultation. Par ailleurs, il est très difficile aux hauts fonctionnaires de prendre l'initiative lorsqu'il s'agit de critiquer leur patron, le ministre.

Je ne suis pas du tout en train de vouloir donner raison à l'un ou à l'autre, ce n'est pas le travail du vérificateur général, mais lorsqu'on crée des commissions de ce type, l'intérêt réside dans l'indépendance relative dans laquelle elles peuvent travailler, ce qui leur permet, directement ou indirectement, de critiquer ou de réexaminer certaines décisions du gouvernement, d'une façon parfois impossible aux hauts fonctionnaires. À notre avis, c'est l'une des raisons essentielles pour lesquelles le Parlement crée certains organismes indépendants, qui échappent à la tutelle directe du ministre.

Je pense que la réponse est insuffisante, mais je ne pense pas que le travail que nous avons fait me permette d'aller plus loin.

M. Ramsay: C'est peut-être alors précisément l'une des raisons de l'abolition de la Commission. Critiquait-elle le patron? Critiquait-elle le gouvernement? Alors elle a été supprimée. Mais contre cela on ne peut rien, le gouvernement reste maître du budget, et il peut tout simplement décider de fermer la boutique. Si c'est un peu ainsi que cela s'est passé, ou ce genre de considération a pu entrer en ligne de compte, cette nouvelle Commission du droit ne va pas oser attaquer le gouvernement, ni même dénoncer certaines de ses faiblesses ou insuffisances, même si elle estime que ce serait justifié. Si la Commission a été supprimée une fois, elle pourrait l'être une autre fois.

M. Fadden: Je ne voulais pas dire, monsieur le président, que la Commission attaquerait directement le gouvernement, mais plutôt qu'elle s'en prendrait au droit, lequel tend à une certaine inertie. Mais je comprends ce que vous voulez dire, à propos de l'abolition de l'ancienne Commission de réforme du droit, par le gouvernement ou le Parlement. Il faut cependant également noter que les institutions d'État sont relativement peu souvent abolies. Et si vous me permettez, je crois même que cela a été le raisonnement de votre parti à diverses reprises. Il y a donc une certaine permanence à certaines de ces institutions, avec les bons et les mauvais côtés que cela comporte.

Mais là, monsieur le président, je pense que j'outrepasse les limites de la mission de mon patron, et il serait donc préférable que j'en reste là.

M. Ramsay: Monsieur le président, la réponse des témoins ne me satisfait pas réellement. Je ne sais toujours pas ce que l'ancienne Commission de réforme du droit a véritablement accompli. Je ne sais pas non plus quelle a été sa contribution aux trois chapitres évoqués par M. Mosley dans son exposé, et je ne sais toujours pas du tout ce que va être véritablement le rôle de cette nouvelle Commission du droit.

J'ai le sentiment qu'on est en train de créer une structure très élitiste, un organisme financé par l'État, qui disposera d'une certaine indépendance et relèvera uniquement du ministre - jusqu'où, nous le verrons - mais je ne sais toujours pas quelle en sera exactement l'utilité, la mission, et c'est peut-être précisément ce qu'on veut.

Ça m'inquiète beaucoup que ces buts et objectifs ne soient pas énoncés comme je le souhaiterais. J'aimerais bien savoir ce que fera cette Commission du droit.

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J'ai une autre question à poser et je ne sais pas à qui la poser, alors, je vous la pose à vous, messieurs, puisque vous êtes les derniers témoins. Elle porte sur les nominations.

Nos commettants nous parlent souvent des nominations, par le gouvernement, aux différents conseils et organismes. Nous aimerions bien... notre comité a le pouvoir de convoquer toute personne ayant été nommée à la Commission des libérations conditionnelles ou, je présume, à cette Commission du droit, pour l'interroger. Je n'ai participé qu'une fois à ce genre d'entrevue, et ça m'a semblé très valable pour moi ainsi que pour les trois personnes qui avaient été nommées temporairement à la Commission des libérations conditionnelles.

Toutefois, j'aimerais que nous puissions convoquer ces personnes avant qu'elles soient nommées, après qu'elles aient été choisies, mais avant leur nomination, de sorte que nous ne nous trouvions pas devant le fait accompli. Les trois personnes que nous avons interrogées ont semblé très compétentes, et deux d'entre elles m'ont beaucoup impressionné, notamment par leur bon sens. Cela me semble donc une très bonne idée, mais il me semble que ce serait encore mieux si nous pouvions interroger ces personnes avant leur nomination.

Qu'en pensez-vous?

M. Fadden: Monsieur le président, je crains de ne pouvoir répondre à cette question. Vous me demandez de me prononcer sur une décision du gouvernement et du Parlement, sur une question de politique. De plus, nous n'avons jamais vérifié ce genre de chose - j'ignore même si ce serait possible. Sauf tout le respect que je vous dois, je préfère ne pas répondre.

M. Ramsay: C'est un peu la réponse à laquelle je m'attendais. Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Ramsay.

Messieurs Fadden et Gilmore, je vous remercie d'être venus témoigner aujourd'hui pour nous parler de votre point de vue particulier sur le projet de loi C-106. Merci encore.

Nous nous réunirons de nouveau demain, à 15h30, pour l'étude article par article du projet de loi C-106.

La séance est levée.

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