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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 27 avril 1995

.1107

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

D'abord, au nom du Comité permanent, je voudrais souhaiter la bienvenue à Sue Kirby, directrice principale de la Division de l'environnement de la Direction de la politique énergétique.

Aujourd'hui, nous allons participer à une séance d'information sur le changement climatique mondial. Sue va nous faire un exposé d'environ une demi-heure, et ce sera à nous de poursuivre avec des questions par la suite. Comme vous le voyez, on va nous présenter un diaporama; alors vous avez intérêt à rester réveillés et à bien suivre. De plus, je devrais peut-être vous indiquer à titre d'information que nous avons l'intention de demander qu'on nous expliquer au complet tout ce qui s'est passé à Berlin, la position adoptée par le Canada pour que nous puissions décider si nous voulons approfondir la question après l'exposé de notre conférencière.

Je vais donc céder immédiatement la parole à Sue. Conformément à la procédure normale, je m'attends à ce que vous me fassiez signe si vous souhaitez poser des questions au sujet de son exposé.

Mme Sue Kirby (directrice principale, Division de l'environnement, Direction de la politique énergétique, Secteur de l'énergie, ministère des Ressources naturelles): Merci beaucoup.

Comme vous le savez, je travaille au ministère des Ressources naturelles, et je me présente devant vous aujourd'hui pour vous parler du changement climatique.

Comme on vient de vous le dire, je compte faire un exposé qui va durer environ une demi-heure et je serai à votre disposition par la suite pour répondre à toutes vos questions.

Avant de commencer, je voudrais vous présenter deux de mes collaborateurs: M. Peter Sol et Mme Lindsey Patrick. Ils sont là pour m'aider, surtout pour changer les diapositives.

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Je voudrais commencer par vous exposer très brièvement la structure de mon exposé, afin que vous ayez une idée des questions que je compte aborder.

Je vais commencer par vous décrire brièvement la question du changement climatique et vous expliquer un peu le phénomène. Comme je ne suis pas scientifique, je n'ai pas l'intention de consacrer beaucoup de temps aux aspects scientifiques du changement climatique; je vais surtout essayer de vous expliquer les conséquences de ce phénomène pour les ressources naturelles. Ensuite j'ai l'intention de parler des défis qu'il pose dans le contexte canadien.

Je sais que beaucoup de membres du comité s'intéressent tout particulièrement à ce qui s'est produit à Berlin, et j'ai donc l'intention d'aborder le sujet. Mais avant de vous parler de Berlin, je vais résumer la situation au Canada et vous dire quels progrès ont été accomplis par rapport à notre Plan d'action national, car cela va vous permettre de mieux situer les événements de Berlin. Ensuite je vais parler de quelques événements clés qui sont prévus au cours des prochains mois, des dates et des rencontres importantes qui pourraient vous intéresser, si vous n'êtes pas déjà au courant.

Si les membres du comité n'y voient pas d'inconvénient, je compte répondre à vos questions à la fin de mon exposé, à moins que vous n'ayez des éclaircissements à me demander. Si je prends trop de temps, ou je m'attarde à des détails qui vous sont déjà connus, dites-le moi et je m'adapterai en cours de route.

[Présentation de diapositives]

Mme Kirby: Comme je viens de vous le dire, mon exposé est divisé en plusieurs parties différentes, dont la première concerne le changement climatique proprement dit.

Le changement climatique désigne en réalité la chimie atmosphérique, si je puis dire, et la composition changeante des gaz qui se trouvent dans l'atmosphère. Il existe un effet naturel qu'on appelle l'effet de serre, et qui est causé par les gaz dits à effet de serre. Il s'agit en réalité d'un effet de serre plus marqué qui résulte de la plus forte concentration de ces gaz dans l'atmosphère et de l'évolution de la chimie de celle-ci.

Le gaz à effet de serre le plus important est le gaz carbonique, qui est surtout associé à la combustion des combustibles fossiles. Par conséquent, les problèmes liés aux changements climatiques relèvent principalement, mais pas exclusivement, de la politique énergétique. Cela concerne la façon dont nous produisons et transportons de l'énergie, et surtout la façon dont nous la consommons tous les jours au Canada - c'est-à-dire la consommation dans un contexte industriel et la consommation, par l'ensemble des citoyens canadiens, ce qui est influencé par le genre de logements qu'ils habitent, leur proximité de la ville, les moyens de transport qui leur sont offerts et toutes les activités quotidiennes qui reposent sur la consommation d'énergie.

Il existe plusieurs gaz à effet de serre. Bien qu'on parle le plus souvent du dioxyde de carbone, il y en a d'autres également, et je voudrais justement vous en parler.

Comme je vous l'ai déjà dit, le gaz le plus important du point de vue des changements qu'il provoque à partir de sources anthropiques et le gaz carbonique. Les deux autres gaz importants sont le méthane, qui représente environ 13 p. 100 des gaz à effet de serre selon la relation d'équivalence qui existe avec le gaz carbonique, cette dernière étant calculée en fonction de la force ou de la teneur des gaz dans l'atmosphère... Les émanations de méthane sont associées aux décharges publiques. Elles peuvent aussi être associées au traitement du gaz naturel, au transport de celui-ci dans les pipelines, et notamment aux pratiques agricoles, et surtout au bétail.

L'oxyde nitreux est un gaz à effet de serre moins important tout en étant assez puissant, et ce gaz est associé essentiellement à la production de produits chimiques - l'une des sources les plus importantes est d'ailleurs la production du nylon - et aux engrais.

Si vous regardez tous ces chiffres en essayant de les totaliser, vous aurez peut-être remarqué qu'il manque 2 p. 100 dans ce tableau. Eh bien, ces 2 p. 100 représentent les gaz qui sont actuellement utilisés pour remplacer les CFC. Les chlorofluorocarbones sont associés à la couche d'ozone plutôt qu'aux gaz à effet de serre. Leur production est contrôlée par ce qu'on appelle le protocole de Montréal, qui concerne la couche d'ozone. Mais comme nous essayons d'introduire de nouveaux éléments qui pourront éventuellement remplacer les chlorofluorocarbones, nous devons tenir compte des nouveaux gaz qui contribuent à l'effet de serre.

Je pensais qu'il serait peut-être utile également que je vous parle brièvement de ce qu'on appelle les puits dans le contexte du changement climatique mondial. Nous nous préoccupons évidemment des émanations de gaz et des sources de ces émissions. Par ailleurs, la convention sur le changement climatique signée à Rio aborde également la question des émanations nettes, car on peut se servir des forêts et des récoltes pour absorber le gaz carbonique. Donc, il y a non seulement la question des émissions dans l'atmosphère mais aussi la question de l'absorption, et les substances qui la provoquent s'appellent des puits.

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Au Canada, il serait important de modifier certaines pratiques culturales, par exemple, réduire la durée de la jachère, modifier les pratiques de travail du sol, pour que le labour soit moins profond, et l'amélioration du rendement des récoltes.

Du côté des forêts - et si j'ai choisi de parler de ce secteur, c'est parce que les forêts relèvent également du ministère des Ressources naturelles - vous voyez bien les possibilités qui existent et qui permettraient au Canada d'améliorer ces puits - par exemple, le reboisement de superficies plus importantes de terres agricoles marginales et l'amélioration de nos pratiques d'exploitation forestière.

Maintenant que je vous ai présenté cette toile de fond, je voudrais parler un peu de la situation du Canada et des défis que nous avons à relever ici en matière de changement climatique. Encore une fois, puisque je m'adresse aux membres du comité des ressources naturelles, je vais surtout aborder les questions dans cette perspective-là et comme je travaille pour la direction de la politique énergétique au sein du ministère des Ressources naturelles, mon domaine de spécialisation va également influencer mes observations en ce qui concerne les défis à relever.

À ce sujet, il serait peut-être utile, pour ceux d'entre vous qui pourrez ne pas être au courant, que je vous parle un peu des engagements pris par le Canada jusqu'à présent. Le premier, qui est d'ordre international, est la Convention-cadre sur le changement climatique signée à Rio lors du Sommet de la Terre de 1992. À ce moment-là, le Canada et les autres signataires de la convention se sont engagés à viser la stabilisation des émissions nettes de gaz à effet de serre aux niveaux de 1990 d'ici à l'an 2000.

J'aimerais donc attirer votre attention sur quelques éléments importants. D'abord, les négociations de Rio ont permis aux signataires de s'entendre sur certaines visées; c'est-à-dire que plutôt que de fixer un objectif précis que tous seraient tenus d'atteindre, les pays participants ont décidé à l'époque - et il y avait plus de 150 signataires - de se fixer un but à plus long terme. Donc la notion de stabilisation nous renvoie au but général accepté par les signataires, à savoir que les émissions de gaz à effet de serre - et il s'agit de l'ensemble des gaz à effet de serre, et non simplement du gaz carbonique - diminuerait aux niveaux de 1990 d'ici à l'an 2000.

Dans tous les pays industrialisés - car ce sont ces pays-là qui ont pris l'engagement en question - les émissions de gaz à effet de serre sont à la hausse, et voilà justement pourquoi nous essayons de rétablir les nuiveaux de 1990, car autrement la quantité de ces gaz présente dans l'atmonsphère serait encore plus importante. Donc, ce projet concerne l'ensemble des gaz et il s'agit d'émissions nettes, qui sont associées aux puits dont je vous ai parlés tout à l'heure.

En ce qui concerne le Canada, l'engagement dont il est question ici est celui qui a été pris par les ministres fédéraux et provinciaux de l'Énergie et de l'Environnement lors d'une rencontre tenue en février dernier. Il y a déjà eu plusieurs réunions de ce type et de nombreuses discussions sur le genre d'initiatives qui pourraient être prises à l échelle nationale et sur ce à quoi le Canada est prêt à s'engager sur son propre territoire. Donc ce que vous voyez ici reflète la teneur du communiqué rendu public à la suite de cette rencontre, rencontre où les ministères fédéraux et provinciaux de l'Énergie et de l'Environnement ont accepté, en tant qu'engagement national, de stabiliser la quantité d'émissions et de commencer à examiner d'autres solutions de remplacement pour pouvoir réaliser d'autres progrès.

Ils n'étaient pas disposés à fixer des objectifs ou des délais précis pour quelque activité que ce soit, à part la stabilisation. Je dirais d'ailleurs, que le simple fait que les ministres aient pu se mettre d'accord sur l'idée d'appuyer la stabilisation en tant qu'objectif national était déjà toute une réalisation, et marquait un changement important par rapport aux discussions précédentes.

Mais il s'agit bien d'un objectif national, et d'ailleurs dans presque tous les communiqués rendus publics lors de réunions précédentes, on a toujours insisté pour dire qu'il s'agissait d'un objectif national qui ne visait pas les secteurs ou les régions individuelles. En réalité, dans le contexte de ces réunions fédérales-provinciales, aucune des provinces n'a encore accepté de prendre des engagements précis en matière de stabilisation sur son propre territoire. Certaines d'entre elles l'ont fait en dehors de ce contexte. Par exemple, le Québec vient de publier son propre plan selon lequel la province s'attend à réaliser la stabilisation des niveaux, et la Colombie-Britannique a fait de nombreuses déclarations concernant son intention d'aller encore plus loin. Mais en ce qui concerne le consensus fédéral-provincial global, il s'agit ici d'une entente liant toutes les provinces à stabiliser le niveau des émissions et à envisager d'autres solutions ou possibilités.

En ce qui concerne les défis, je voudrais me concentrer surtout sur les conditions canadiennes. Les émissions de gaz à effet de serre, et notamment de CO2, sont étroitement liées au niveau d'activité économique. Par conséquent, il convient de mentionner, comme un facteur clé, la croissance démographique et la croissance économique. Le Canada est l'un des pays de l'OCDE dont le taux de croissance de la population est le plus élevé. Le Canada est l'un des trois pays de l'OCDE qui ne compte pas sur une stabilisaton ou une diminution de la population, ce qui lui complique la tâche en ce qui concerne le respect de ses engagements.

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Il se trouve également que la structure industrielle canadienne mise en place au fil des ans dépend énormément de l'énergie, en partie en raison de l'abondance de ses ressources énergétiques et du faible coût de l'énergie.

Toujours sur la question des défis qu'aura à relever le Canada, nous sommes d'avis que les différences très substantielles qui existent d'une région à l'autre du pays représentent un défi très important pour le Canada du point de vue de sa capacité d'assurer une certaine stabilisation ou de respecter ses engagements.

Le quatrième point que je voudrais soulever, qui concerne le gouvernement fédéral, c'est que notre responsabilité constitutionnelle est limitée. Donc, afin de relever tous ces défis, il faut essentiellement un partenariat fédéral-provincial. J'ajouterai que nous envisageons très sérieusement de former des partenariats avec l'industrie, mais je vais y revenir tout à l'heure. Quant aux sources des gaz à effet de serre, et notamment le gaz carbonique, les deux plus importantes sont le secteur des transports et le secteur de la production et de la génération d'électricité. C'est justement dans ces deux domaines que nous devons travailler en étroite collaboration avec les industries.

Sur la question du respect de nos engagements, il y a plusieurs facteurs sur lesquels je voudrais attirer l'attention des membres.

Pour nous, la coopération internationale est tout à fait critique, car il s'agit effectivement d'un problème mondial. Les gaz à effet de serre circulent librement dans l'atmosphère; ces gaz ne sont donc pas présents uniquement dans l'atmosphère du territoire canadien. Il ne s'agit donc pas de problèmes comme la brumée, qui sont de portée plutôt régionale ou locale. Il s'agit essentiellement d'un problème mondial, car toutes les émissions de gaz influent sur l'atmosphère, et par conséquent, il ne suffit pas de les réduire sur son propre territoire.

Comme cette question est étroitement liée au développement économique et au commerce international, les pays industrialisés se préoccupent de l'incidence de tous ces changements sur leur compétitivité. Ainsi la coopération internationale, les partenariats et la nécessité de suivre le rythme des autres pays revêt une grande importance pour l'ensemble des nations industrialisées.

Pour ce qui est de la situation sur la scène internationale, je peux vous dire que les différents pays ont commencé par présenter des plans d'action où ils indiquent ce qu'ils comptent faire pour réduire les émissions de gaz. Le Canada se place à peu près au milieu par rapport aux autres pays industrialisés, du point de vue tant du degré d'augmentation de nos émissions que des propositions que nous avons élaborées en vue de relever ce défi. Dans ce contexte, il est particulièrement intéressant de comparer la situation canadienne avec celle aux États-Unis, car bon nombre de problèmes sont liés au commerce, de même que la majeure partie de notre énergie et de nos produits énergivores sont destinés aux États-Unis. L'approche que nous envisageons d'adopter au Canada est en fait très semblable à celle suivie aux États-Unis.

[Français]

J'aimerais parler de la situation du Canada et surtout de celle des provinces. Pour comprendre ce qui s'est passé à Berlin, il est très important de comprendre ce que nous avons fait au niveau fédéral-provincial.

Pour le Canada, il s'agit d'une prévision sur les émanations reliées à l'énergie. Selon cette prévision, les émanations de bioxyde de carbone seront de 12 p. 100 plus élevées en l'an 2000 qu'en l'an 1990. Cela indique la taille du défi auquel on doit faire face maintenant, car la convention indique qu'on va stabiliser les émanations et donc, qu'il n'y aura aucune augmentation. On pense que si on ne fait rien, il y aura une augmentation d'environ 12 p. 100.

Il y a plusieurs questions très importantes à cet égard, surtout la croissance économique, le prix de l'énergie et ainsi de suite. Il s'agit d'une prévision de base faite par le ministère des Ressources naturelles si on continue à agir comme on le fait maintenant. Si on ne fait rien, si on ne change pas nos politiques, il y aura probablement une augmentation de 12 p. 100.

Pour vraiment comprendre ce qu'est le CO2, il est important d'avoir une idée des pressions qui s'exercent. Comme je l'ai dit, la population exerce une pression importante, de même que la croissance économique et le revenu per capita. Ce sont habituellement des pressions qui augmentent les émissions de CO2.

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D'autre part, on peut faire deux choses au moyen d'une politique énergétique appropriée: utiliser des combustibles à contenu en carbone moins élevé et diminuer l'intensité d'utilisation de l'énergie.

On a préparé avec les provinces un programme d'action national fait par les ministres de l'Énergie et de l'Environnement. C'est un document que nous avons donné aux autres pays à Berlin pour indiquer ce que le Canada avait fait. J'en ai des copies, si vous en voulez.

C'est une chose dont on a discuté avec les provinces. Ce document traduit un consensus sur la situation qui existe au Canada et sur les choses qu'on peut faire. Il traite vraiment des grandes lignes du problème. C'est ce dont nous avons discuté avec les provinces, et les gouvernements ont indiqué qu'ils allaient y donner leur appui.

L'une des choses les plus importantes de ce document est l'idée d'avoir un partenariat avec le secteur privé et l'adoption par l'industrie d'un programme volontaire de réduction des émissions. Une autre partie du document qui est très importante est la philosophie voulant que ce document soit modifié souvent à la lumière des revues de ce qu'on aura fait. Est-ce nécessaire de faire plus? Est-ce qu'on pense que les programmes sont efficaces, etc.?

Ce programme d'action a été fait par un processus auquel participaient beaucoup de gens. On a commencé avec un mandat des ministres de l'Énergie et de l'Environnement fédéraux et provinciaux. Selon ce mandat, on a mis sur pied un groupe de travail comptant beaucoup de représentants de l'industrie, des représentants des groupes environnementaux, des représentants des villes et beaucoup de gens qui s'intéressaient à ce problème. Pendant l'année 1994, nous avons préparé une longue liste d'options, de mesures à prendre, de choses qu'on peut faire pour essayer de réduire les gaz à effet de serre.

À la fin du processus, nous avons fait cinq consultations dans des villes différentes, dans chaque province du Canada. Un grand nombre de personnes nous ont fait part de leurs vues. En novembre, avec toute cette information, les ministres ont tenu une réunion et mis sur pied un groupe de travail de fonctionnaires fédéraux et provinciaux. C'est ce groupe qui a rédigé le programme qui a été approuvé par les ministres de l'Énergie et de l'Environnement en février et qui a été donné aux représentants des autres pays à Berlin.

L'une des choses les importantes de ce document, c'est l'idée de lancer un programme national pour encourager les organisations et surtout l'industrie à prendre volontairement toutes les mesures possibles pour réduire ces gaz à effet de serre, surtout dans le domaine de l'efficacité énergétique.

Si cette idée est acceptée, il sera très important pour réussir qu'on ait quatre éléments très différents qui, parfois, sont en conflit l'un avec l'autre.

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Premièrement, il faudra s'assurer que le plus grand nombre possible d'organisations soient impliquées.

Deuxièmement, il faudra s'assurer que les gouvernements donnent leur appui à une telle approche volontaire. Pour cela, il faudra qu'on ait assez de temps pour vérifier si une telle approche est efficace.

Troisièmement, il très important que les données soient complètes et portent sur des choses que les groupes environnementaux, notamment, peuvent constater. De plus, on peut essayer de suivre les actions, de vérifier si elles sont suffisantes et de voir si elles font vraiment une différence au sein des organisations privées.

Quatrièmement, il faut essayer d'obtenir des résultats dans une très courte période de temps. Les ministres de l'Énergie et de l'Environnement auront une autre réunion en novembre. On essaye de produire, pour cette date, un rapport qui expliquera ce qui s'est passé dans le cadre du programme volontaire.

À notre avis, comme je l'ai dit, la chose la plus importante pour le succès de tout le programme est une grande implication volontaire du secteur privé. Il faut aussi que l'approche convienne à tous les paliers de gouvernements, qu'ils l'appuient et qu'ils soient prêts à travailler ensemble.

Lors de l'évaluation du programme, nous devrons trouver une stratégie basée sur nos véritables intérêts et sur les intérêts du Canada au niveau des échanges internationaux. Nous croyons aussi qu'il est important que le gouvernement fasse des choses. Par exemple, le gouvernement peut prendre des mesures pour s'assurer que ses édifices et ses véhicules soient plus efficaces, au point de vue énergétique, que par le passé.

[Traduction]

Je voudrais maintenant parler de la conférence de Berlin, car c'est une question d'actualité importante qui vous a probablement poussés à organiser cette rencontre.

Dans ce contexte, je me permets de vous rappeler que le point de départ de nos engagements internationaux était la Convention de Rio, signée par plus de 150 pays en vue de la stabilisation des émissions. Aux termes de cette Convention, les pays industrialisés sont tenus d'élaborer des rapports sur les mesures qu'ils ont prises en ce sens.

Le Canada a déjà préparé de tels rapports - à deux reprises, plus précisément. Conformément à notre engagement à titre de signataire de la convention. Je ne dispose pas d'autant d'exemplaires du rapport en question, mais j'en ai quand même quelques-uns. Il présente beaucoup plus d'informations de base, et donc les membres du Comité qui aimeraient approfondir la question voudraient peut-être l'examiner. Nous avons également un rapport qui est communiqué de gouvernement à gouvernement dont je viens de vous parler; il s'agit du programme d'action nationale. Ce document a également été déposé.

La convention signée à Rio a également établi le mandat des signataires dans le contexte de leur première réunion, appelée la «conférence des parties»; il s'agit d'un terme technique désignant la procédure à suivre: du moment que le nombre de ratifications est suffisant, on peut procéder à un examen en vue de déterminer si les engagements pris à Rio étaient suffisants pour atteindre l'objectif global de la Convention.

L'objectif de la Convention ne consiste pas simplement à stabiliser les émissons, mais aussi à stabiliser la concentration de ces gaz dans l'atmosphère, ce qui est beaucoup crée davantage de problèmes. Il faudra déployer beaucoup plus d'efforts et réduire considérablement les émissions pour atteindre cet objectif. Nous avons donc passé la première étape, puisque les pays signataires ont pris un engagement en matière de stabilisation.

La Convention prévoit également que seulement les pays industrialisés seront tenus de présenter un rapport sur les dispositions réelles qu'ils comptent prendre. Or, on s'attend à ce que l'augmentation la plus importante des émissions ait lieu dans des pays comme la Chine, l'Inde et d'autres pays en développement, dont les engagements en vertu de la Convention les obligent à dresser un inventaire, mais non à prendre le genre de mesures qui sont obligatoires pour le Canada.

Vous ayant présenté cette toile de fond, je peux vous dire que la première conférence des parties a eu lieu à Berlin et a pris fin le 7 avril. Au cours de cette conférence, les pays participants ont examiné la question de savoir si les engagements pris étaient suffisants ou non.

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Pour ce qui est des principaux résultats, il a été décidé lors de la conférence des parties que les engagements actuels étaient insuffisants, non seulement parce qu'ils ne se rapprochaient pas suffisamment de l'objectif global, mais aussi parce qu'ils ne visaient pas tout le monde.

Voilà donc ce qui a été convenu à Berlin. Les pays industrialisés ont accepté de lancer une nouvelle série de négociations en vue de voir quels autres engagements il faudra prendre Il a été décidé que ces négociations prendraient fin au plus tard en 1997.

Il est fort probable que les résultats de ces consultations soient consignés sous forme de protocole. Dans le cadre de ce genre de négociations, il faut normalement signer une convention-cadre qui donne l'orientation générale et prévoit un certain nombre d'engagements généraux et ensuite signer un ou plusieurs protocoles, comme nous l'avons fait pour le protocole de Montréal sur la couche d'ozone, par exemple - en vue de prévoir des engagements plus précis et d'ajouter d'autres éléments à l'entente de base.

Dans le cadre de leurs discussions, les pays industrialisés ont également établi le mandat de ces négociations, et c'est de ça qu'il s'agit dans ce tableau. Il est question d'élaborer des politiques et des mesures, de prévoir des limites quantifiées et de fixer des objectifs précis en matière de réduction. Il s'agit là d'un fait nouveau assez important. Par le passé, nous nous sommes contentés de fixer des objectifs et des délais précis pour nous-mêmes en ce qui concerne la stabilisation ou d'autres initiatives.

Par contre, les gens commencent à dire maintenant que ces engagements sont extrêmement difficiles à honorer. Tous les pays ont du mal à les respecter, et par conséquent, certains estiment qu'il serait possible d'obtenir un appui plus large pour ce genre d'initiative si l'on envisageait d'adopter un autre genre d'approche axée sur ce qu'on était prêt à faire: par exemple, le genre de mesures qu'on prendrait; le fait de savoir si on était prêt à envisager l'adoption de normes d'efficacité internationales; et le fait de savoir si on serait prêt à accepter l'idée d'une taxe internationale harmonisée. Est-ce plus facile ou plus difficile de discuter de ces choses-là que d'objectifs bien précis, alors qu'on ne sait pas nécessairement, au moment de s'engager à faire quelque chose, quelles en seront les conséquences?

Nous avons donc eu des discussions assez longues et ardues avec les pays en développement à Berlin. En fin de compte, ils n'ont accepté de prendre aucun nouvel engagement vis-à-vis de la prochaine série de négociations, qui vont prendre fin en 1997. Par contre, nous avons réussi à leur faire accepter d'accélérer les choses afin qu'ils puissent respecter plus tôt les engagements qu'ils ont pris à Rio.

Il y a un autre élément dont vous avez peut-être entendu parler, où d'autres témoins vous parleront peut-être, et c'est l'application conjointe. Cette expression désigne la capacité d'un pays de prendre des mesures ailleurs et de les incorporer dans l'ensemble d'initiatves lancées pour combattre le problème du changement climatique.

Au Canada, il y a un certain nombre d'industries qui s'intéressent à cette possibilité. Il s'agirait essentiellement d'assurer des transferts technologiques; par exemple, on pourrait envisager d'investir dans une centrale thermique alimentée au charbon située en Chine, par exemple, et de prévoir un transfert de technologies qui lui permettrait d'être plus efficace. Autrement dit, on pourrait dire que cet investissement fait partie de la contribution globale du Canada à la réduction des émissions mondiales et au règlement de ce problème.

Voilà donc une possibilité dont on discute depuis un certain temps. A Berlin, nous avons fait une percée, en quelque sorte, puisque nous avons convenu de lancer un projet-pilote qui va nous permettre de déterminer si cette idée présente de véritables avantages ou non, comment cela pourrait fonctionner, quelles seraient les préoccupations des pays hôtes du monde en développement, etc.

La question des «crédits» a également fait l'objet de discussions très longues. Par exemple, si on fait ce genre d'investissement, est-ce que cela signifie qu'on peut se permettre de faire moins chez soi parce qu'on fait plus à l'étranger? Nous avons maintenant accepté de lancer un projet-pilote qui ne va pas aborder la question des crédits. Par conséquent, quiconque décide de participer à ce genre d'initiative le fera pour des raisons commerciales, c'est-à-dire pour obtenir de l'expérience, pour mettre un pied dans la porte, pour voir un peu comment cela pourrait fonctionner et peut-être même poser les jalons d'un programme futur, mais non parce qu'il souhaite obtenir des crédits qui va lui permettre de faire moins au Canada.

Comme je vous l'ai dit au départ, en terminant mon exposé, je voudrais vous indiquer quelques dates clés, car elles vont peut-être influencer vos délibérations si vous décidez de continuer à approfondir la question.

Au Canada, une date clé est la rencontre des ministres fédéraux et provinciaux de l'Énergie et de l'Environnement en novembre 1995. Dans le contexte de cette réunion, les participants vont faire deux choses: d'abord, chaque province ou territoire va présenter un rapport sur les mesures prises jusqu'à présent et les possibilités qui semblent les plus prometteuses. Les ministres vont également examiner les progrès ou les faits nouveaux du côté du programme auquel participeront les industries sur une base volontaire.

Nous nous attendons à ce que les industries aient déjà commencé à ce moment-là à indiquer leur désir de participer et que nous aurons alors une meilleure idée du genre d'initiative qui sera proposée. Par contre, nous n'aurons pas suffisamment d'années d'expérience dans le cadre du projet pour pouvoir constater une réduction des émissions.

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Nous serons tout de même en mesure de dire: voilà les mesures qu'il faut prendre; voilà les engagements qu'ils ont pris, et voilà les résultats escomptés. Mais nous ne saurons toujours pas si nous atteindrons tous ces objectifs ou non.

Il y a une autre date-clé vers la fin de 1996. Si vous regardez notre programme d'action national, que nous avons élaboré avec les provinces, vous verrez que le dernier chapitre du document en question concerne la procédure d'examen et d'évalution. Dans ce chapitre, les participants s'engagent à réexaminer le plan d'action d'ici la fin de 1996.

L'une des étapes critiques de ce processus sera la préparation des détails de la procédure d'examen afin que les ministres puissent les passer en revue lors de la rencontre prévue pour novembre 1995. Il s'agira donc d'expliquer comment l'examen va se faire, quels indicateurs vont être utilisés, qui va s'en charger, etc. Nous prévoyons que l'examen proprement dit se terminera en 1996.

Il y a également une date importante en ce qui concerne nos relations internationales que j'ai déjà mentionnée; il s'agit de 1997, l'année où un protocole prévoyant les engagements pour la période au-delà de l'an 2000 sera peut-être prête pour la signature des participants.

J'ai également un certain nombre de diapositives que je pourrai peut-être vous montrer à titre d'information, mais je n'ai pas l'intention d'en discuter, à moins que vous ayez des questions à me poser à ce sujet.

La première vous donnera une idée des principales sources des émissions de gaz et les secteurs qui sont visés.

J'attire votre attention sur le secteur des transports en particulier, car j'ai l'impression qu'il sera particulièrement difficile de régler les difficultés dans ce domaine. Comme vous le voyez, la génération d'électricité est une source importante d'émissions, tout comme les industries en général, qui représentent 16 p. 100 du total.

Certains d'entre vous vous demandent peut-être à quoi correspond cet autre chiffre. Il concerne ce qu'on appelle la consommation d'énergie par les producteurs d'énergie. En réalité, il faut beaucoup d'énergie pour produire de l'énergie. Ce chiffre se rapporte donc à la consommation d'énergie par les producteurs.

Ce dernier graphique vous donnera une idée de la répartition des émissions par province ou territoire. On dit parfois que cette question concerne surtout l'Alberta. Il va sans dire que la province de l'Alberta s'y intéresse beaucoup, puisqu'elle a un secteur énergétique très développé. Mais comme cette province consomme plus d'énergie qu'elle n'en produit, vous allez voir, si vous regardez de plus près, que par rapport à l'ensemble des provinces et territoires, c'est l'Ontario qui est la source la plus importante d'émissions de gaz. Par conséquent, c'est surtout dans cette province que nous devons régler les plus graves problèmes de production d'émissions.

Merci infiniment.

Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le président: Merci, madame Kirby.

Nous allons passer immédiatement à la période des questions. M. Reed sera le premier intervenant.

M. Reed (Halton - Peel): Après avoir écouté votre exposé, j'ai l'impression que nous sommes vraiment au premier rang des pays pour ce qui est de notre incapacité d'assumer nos responsabilités. Nous avons été nous-mêmes témoins de l'absence totale de coopération qui existe entre deux services du ministère des Ressources naturelles. Nous constatons en effet qu'un service du ministère souhaite vivement réduire le plus rapidement possible les émissions de gaz à effet de serre. Par contre, un autre service du même ministère oppose une résistance farouche à toutes mesures concrètes qui pourraient nous permettre de réaliser cet objectif. J'avoue que je trouve ce manque de coopération extrêmement déconcertant.

Je voudrais vous rappeler ce qui est arrivé l'année dernière, lorsque des efforts considérables ont été déployés pour faire des progrès du côté de l'éthanol. Ces efforts ont enfin porté des fruits en décembre dernier. Mais encore une fois, cela s'est fait malgré l'oppostion farouche de certains éléments.

Nous sommes actuellement saisis à la Chambre des communes du projet de loi S-7 et il paraît que le ministère n'est pas du tout d'accord sur l'idée de viser la conversion de 75 p. 100 de la flotte nationale à des carburants de rechange d'ici à l'an 2004, c'est-à-dire d'ici une dizaine d'années. Le ministère estime, semble-t-il, que c'est un objectif trop ambitieux.

Donc, je ne peux pas faire autrement que de vous exprimer ma frustration face à tout cela, car je suis convaincu que c'est le ministère des Ressources naturelles qui doit jouer un rôle de chef de file si nous comptons faire des progrès réels. C'est de là que doit venir l'impulsion.

Je comprends très bien les problèmes qui se posent au niveau de la génération d'électricité et de la conversion de la flotte dans le secteur des transports, mais le fait est que les instruments dont nous avons besoin existent déjà. Les sociétés Ford et General Motors commercialisent déjà des voitures qui utillisent un carburant composé à 80 p. 100 d'éthanol. J'ai eu moi-même l'occasion de conduire une de ces voitures et je les trouve vraiment excellentes.

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L'autre est au niveau de la production d'électricité. Certains procédés de production sont disponibles aujourd'hui que les pouvoirs publics n'appuient pas. Je ne parle pas de soutien financier, je parle de résistance bureaucratique. Elle existe. Je sais de quoi je parle, car je m'occupe de ces questions moi-même. La résistance existe au niveau provincial, au niveau du processus réglementaire et freine le développement de ces nouvelles sources d'énergie qui pourraient contribuer à réduire les gaz à effet de serre et enrayer le réchauffement de la planète.

Je peux vous dire que cet exposé est typique, montrant qu'au sein du même ministère, on a une faction qui veut tirer à hue à une autre, à dia, si bien que rien ne bouge.

Le président: Je ne sais pas si vous souhaitez répondre à cela, Sue.

Mme Kirby: Je pourrais peut-être apporter une précision technique avant d'aborder ce qui est vrai ou ne l'est pas dans cette déclaration, si le comité le souhaite. Personnellement, je préfère ne pas me lancer là-dedans.

Pour ce qui est de la clarification technique en matière de transport, le débat ici porte sur le changement climatique mondial. Toutes ces questions de pollution atmosphérique sont reliées entre elles, de même que le sont parfois les solutions. Mais lorsqu'on parle de véhicule à carburant de remplacement, il représente davantage une solution à des problèmes tels que le smog urbain etc.

S'agissant du changement climatique planétaire, ce qui fait une réelle différence sur le plan de l'émission de gaz à effet de serre et le rendement énergétique des véhicules eux-mêmes. C'est pourquoi j'ai indiqué que l'une des difficultés ce situait à ce niveau.

Encore une fois, bon nombre des difficultés peuvent bien être de nature institutionnelle, mais je voulais simplement apporter cette précision technique. Il y a des solutions différentes à des problèmes différents. Pour ce qui est du rôle des transports dans le changement climatique, la grande difficulté concerne toute la conception des systèmes de transport: la conception des transports urbains, la conception des réseaux interrurbains et l'efficience énergétique non seulement des voitures, mais de tous les moyens de transport, dans l'ensemble.

M. Reed: J'ai été très heureux de vous entendre reconnaître le problème de l'ozone troposphérique, dont vous avez parlé indirectement, car au cours des 12 derniers mois on n'a cessé de nous dire que ce n'est pas un problème au Canada. En même temps que l'on nous disait que ce n'est pas un problème, des alertes à l'ozone au niveau du sol ont été lancées dans l'agglomération de Toronto et la péninsule de Niagara. C'est donc bien un problème.

Mme Kirby: Pour ce qui est de savoir si c'est un problème ou non, j'ai l'impression que les données qui ont été utilisées pour vous donner cette réponse indique que, sur le plan prévisionnel, les mesures en cours nous permettront de tenir les engagements que nous avons pris sur le plan de l'ozone troposphérique, lesquels engagements sont différents de ceux touchant le changement climatique.

Cela n'empêche certainement pas qu'à l'occasion les niveaux tolérables soient dépassés ni qu'il n'y ait pas de problèmes réels, en l'occurence un problème sanitaire réel. C'est l'une des grandes différences entre les deux problématiques. Le changement climatique n'est pas un problème sanitaire, mais l'ozone troposphérique en est très certainement un.

M. Reed: Le changement climatique n'est pas un problème sanitaire?

Mme Kirby: Il ne pose pas un danger direct pour la santé humaine. Le changement climatique influera sur la possibilité de cultiver les mêmes cultures dans les mêmes régions, la hausse du niveau des mers etc. Mais il ne pose pas un problème direct pour la santé humaine au même titre que l'ozone troposphréique, qui est très néfaste pour les gens souffrant d'affections respiratoire etc.

M. Reed: Oui, bien entendu.

Le président: Monsieur Reed, il faut bien voir que tout est question de perpective. Dans le nord de l'Ontario, on espère que la température va se réchauffer. Tout dépend donc du point de vue où l'on se place.

M. Reed: Tachez donc de préserver la pureté de votre air. Vous avez l'air le plus pur du monde.

Le président: Je donne la parole à M. Pomerleau.

[Français]

M. Pomerleau (Anjou - Rivière-des-Prairies): Personnellement, j'abonde dans le même sens que M. Reed. Le Canada n'a pas rempli les engagements qu'il a pris à Rio. Tout ce que je vois ici, c'est le programme Défi Climat, qui est présenté comme pièce de résistance. On sait que la pièce de résistance, c'est la pièce maîtresse. Tout ce qu'on retrouve là-dedans, c'est un programme national qui encourage les organisations à prendre volontairement des mesures. Quels types d'encouragement donnez-vous?

Mme Kirby: Il y a d'autres choses dans le programme.

.1150

Par exemple, il y a certaines réglementations, etc., mais il n'y a pas d'encouragements financiers pour le programme volontaire. Il n'y a aucune garantie. Les industries sont encouragées à prendre des mesures qui ont du sens, non seulement dans le domaine de l'environnement, mais aussi pour l'économie, surtout dans le domaine de l'efficacité énergétique. Nous pensons que beaucoup de choses qui ne sont pas faites en ce moment pourraient l'être. Si les organisations nous indiquent qu'elles sont prêtes à essayer de trouver des moyens dans leur domaine, nous sommes certains qu'il y aura beaucoup d'options à suivre.

Le ministère aide ces organisations. Par exemple, si elles le demandent, nous allons chez elles pour les aider à trouver des moyens d'augmenter l'efficacité énergétique. Nous demandons aux industries de s'efforcer davantage de trouver des moyens raisonnables pour elles et sains pour l'environnement. De nos jours, il y a beaucoup de sociétés qui veulent être considérées comme des organismes qui font de bonnes choses pour l'environnement. Si c'est l'objet de votre question, nous ne leur donnons pas d'encouragements financiers.

M. Pomerleau: Ce n'était pas ma question. Autrement dit, vous dites que vous incitez les compagnies, si c'est leur choix, à faire des choses pour améliorer l'environnement. Tel est le but du programme.

Mme Kirby: C'est le but du programme. Les industries préfèrent avoir la possibilité de déterminer elles-mêmes les choses qui sont dans leur intérêt au lieu de se conformer à des réglementations ou d'être taxées, par exemple. Beaucoup de gens disent que, pour réduire l'utilisation d'énergie, on pourrait avoir recours à une taxe. Le premier ministre a indiqué que le Canada ne le ferait pas. Les industries savent cependant qu'il y a des possibilités autres que les programmes volontaires et elles préfèrent avoir la possibilité de faire les choses volontairement. C'est la raison pour laquelle elles le font.

M. Pomerleau: M. Reed a parlé du problème de l'éthanol. À moins que je ne me trompe lourdement, j'ai entendu dire qu'en Californie, un certain nombre d'automobiles devaient dorénavant fonctionner à l'électricité. Est-ce une chose qui a été envisagée par le Canada?

Mme Kirby: C'est possible, mais permettez-moi de parler du contexte des changements climatiques. Ce qui est important dans ce domaine, c'est la façon dont on produit l'électricité au Québec. On pourrait peut-être utiliser une source hydraulique. Les autres provinces génèrent de l'électricité à partir d'une source basée sur le carbone. Ce n'est peut-être pas vraiment le problème. Nous pensons que c'est une chose qu'on pourrait faire. Je ne suis pas experte dans ce domaine, mais je crois qu'on aide les États-Unis dans le cadre de leur programme en ce moment.

M. Pomerleau: Merci.

[Traduction]

M. Morrisson (Swift Current - Maple Creek - Assiniboia): Madame, vous avez dit avant de commencer votre exposé que vous n'étiez pas une scientifique. Si mes questions ne sont pas dans vos cordes, je suis sûr que le président m'arrêtera rapidement.

Je suis gêné par le fait que tout votre exposé repose sur une prémisse fondamentale, qui n'est explicitée nulle part dans votre document, à savoir que l'activité humaine a des effets sur le macro-climat mondial. Or, je n'en ai vu encore aucune preuve véritablement scientifique. On va en répétant que nos émissions de gaz carbonique provoquent le réchauffement planétaire, mais je ne sais pas sur quelle recherche cela est fondé. C'est donc ce que je veux vous demander, de nous établir un lien de cause à effet.

.1155

Nous savons que l'homme industriel accroît les émissions de ce que vous appelez les gaz à effet de serre. Nous savons que nous nous situons dans une période de changement climatique. Nous savons également que, historiquement, il y a eu des changements de climat prononcés sur terre bien avant le début de l'ère industrielle. Je ne parle de millions d'années dans l'histoire géologique, je parle des temps historiques.

Après ce long préambule, voilà donc ma question: le ministère de l'Environnement ou n'importe qui d'autre, n'importe quelle institution du Canada, mène actuellement des recherches ou a mené des recherches pour établir un lien de cause à effet entre ces deux phénomènes, ou bien est-ce que tout le monde saute aveuglément à cette conclusion que les deux sont liés?

Mme Kirby: Comme je l'ai dit, je ne suis pas une scientifique, mais ce que je sais des connaissances scientifiques correspond exactement à ce que vous avez dit, à savoir que savons scientifiquement que les concentrations de gaz à effet de serre augmentent dans l'atmosphère. Mais nous n'avons pas la preuve d'un lien de cause à effet avec le changement climatique.

Néanmoins, l'hypothèse sur laquelle mon exposé est fondé - et parce qu'elle était implicite et non explicite, elle ne vous aura pas sauté aux yeux - c'est que le Canada a pris certains engagements. Nous avons signé un traité international et par des négociations fédérales-provinciales et d'autres discussions au niveau national, nous avons indiqué que nous sommes résolus à stabiliser les émissions de gaz à effet de serre. Je parle donc de la prémisse que nous avons contracté des obligations et qu'il nous faut maintenant les exécuter. Mon exposé visait donc à esquisser les possibilités de le faire et quelles en sont les difficultés.

D'après ce que je sais des recherches scientifiques, il subsiste encore une incertitude. Néanmoins, le Canada a fait sien de même qu'un certain nombre d'autres pays, ce que nous appelons le principe de précaution, qui veut qu'il soit trop risqué d'attendre jusqu'à ce que toutes les preuves scientifiques de lien de cause à effet soient rassemblées. Le risque est tel qu'il faut commencer à prendre des mesures qui vont dans la bonne direction. Il nous faut le faire sous des formes qui soient rationnelles, non seulement écologiquement en attendant les preuves scientifiques, mais également économiquement, avec la recherche de nouvelles façons d'utiliser l'énergie de manière plus efficiente, la recherche de nouvelles façons de mettre au point et d'utiliser des carburants de rechange. Nous pensons que ce sont des choses qui s'imposent de toute façon et c'est pourquoi nous prenons ces mesures.

Du point de vue de la recherche scientifique, le principal organisme à l'échelle internationale est le groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat, auquel le Canada contribue largement.

À l'échelle nationale, Environnement Canada fait beaucoup de travaux de recherche, au moyen de modélisation et de modèles de circulation atmosphérique mondiale. Notre ministère a effectué également nombre de recherches géologiques fondées sur les mouvements des glaces et des glaciers etc., que vus connaissez sans doute.

M. Morrison: J'apprécie votre franchise et je comprends votre position.

Je ne vais pas vous poser d'autres questions. Je voudrais simplement faire une remarque sans doute entachée de partialité à l'intention des autres membres du comité. Pendant que j'écoutais votre réponse sur le lien de cause à effet entre l'émission du gaz à effet de serre et les changements climatiques, une analogie m'est venue à l'esprit.

Je porte des chaussettes en laine et je perds mes cheveux. Il s'ensuit logiquement, si j'utilise le même type de raisonnement que celui employé sur le réchauffement planétaire, que des pieds chauds provoquent la perte des cheveux.

Je vous remercie.

Le président: Je ne sais pas si nous aurons une réponse à cela, ou si nous devons en souhaiter une.

Chers collègues, je voulais moi-même poser quelques questions. Vous avez dit dans l'exposé que l'objectif est d'élaborer des politiques et mesures à l'échelle internationale. Pourriez-vous me dire quelle est la position du Canada à ce sujet, et quelle sorte de politiques nous envisageons? À l'évidence, si nous allons avoir un protocole d'entente dès 1997, des discussions doivent être en cours pour déterminer ce que nous allons proposer au reste du monde, par exemple instaurer chez nous une taxe ou entreprendre quelque autre action d'envergure sur le plan des pratiques forestières, ce genre de choses.

.1200

Savez-vous où en sont ces discussions préliminaires? Y a-t-il une ébauche de propositions que le gouvernement formulera? Qui va ratifier ces suggestions?

Mme Kirby: C'est une idée relativement nouvelle qui circule sur la scène internationale. Jusqu'à présent, toute la discussion tournait autour des cibles visées et de l'échéancier, et nous-mêmes avons suivi cette approche. Ce n'est que très récemment que l'idée d'une «démarche mixte» a gagné en faveur.

Le Canada l'a appuyée, de façon générale, et a même été l'un des pays qui l'a suggérée en faisant valoir que si l'on combinait les deux on disposerait d'une plus grande souplesse. L'idée qui a été discutée dans les instances internationales jusqu'à présent est d'établir un menu de mesures possibles, parmi lesquelles les pays pourraient choisir.

Mais nous commençons seulement les négociations à ce sujet depuis Berlin. Il n'a pas encore eu de réunion de négociations. Nous n'avons donc pas eu à formuler de position canadienne détaillée, car toute cette idée d'une approche mixte a seulement été approuvée à Berlin. Nous allons devoir en élaborer une au fur et à mesure du déroulement de ces négociations.

La date de la première séance de négociation n'a pas encore été fixée. Il est question d'en tenir une dès juillet. La date n'a pas été convenue à Berlin, mais je crois savoir que l'Allemagne, en particulier, va relancer les choses et pourrait même le faire lors de la réunion des ministres de l'Environnement du groupe du G7 qui doit se tenir à la fin du mois.

Pour ce qui est d'autres dates possibles, on a envisagé octobre, car une réunion doit déjà se tenir ce mois-là, et l'on en ferait donc la première véritable séance de négociations. Même alors, nous n'aurons pas besoin d'avoir arrêté une position définitive, simplement de savoir dans quelle direction nous nous engageons. Le processus normal consiste à suivre le processus du Cabinet pour obtenir un mandat de négociation, lequel devra être réactualisé à mesure des négociations et que les enjeux se préciseront.

Nous poursuivrons également nos consultations avec les provinces. Nous avons pour cela un mécanisme régulier, appelé le Comité de coordination nationale sur les problèmes atmosphériques, dans le cadre duquel des rencontres sont tenues régulièrement pour traiter de toutes ces questions. Normalement, l'élaboration de positions internationales figure à l'ordre du jour de ces réunions.

De même, nous avons tenu un certain nombre de réunions et rencontres avec des parties intéressées. Nous sommes en train de revoir ce mécanisme pour voir s'il y a lieu de l'améliorer.

Quoi qu'il en soit, l'intérêt porté à cette question est suffisant pour que je puisse dire qu'il y aura quantité de pourparlers. Mais, au bout du compte, c'est au Cabinet qu'il revient en dernier ressort d'arrêter la position canadienne.

Le président: Bien.

J'aimerais justement m'attarder sur cette question des compétences. Dans tout votre exposé, il ressortait très clairement que notre position peut-être qualifiée d'un peu molle, car le gouvernement fédéral n'a pas la seule compétence et a besoin de la coopération des provinces, si bien que la seule façon de procéder est de ne pas légiférer et de rendre les programmes facultatifs, en quelque sorte. Nous obtiendrons davantage en procédant de cette façon. Je comprends donc la difficulté que présente le partage des compétences.

Mais je voudrais aller un peu plus loin pour aborder le document qui sera soumis à notre comité. Il traite du rôle qui sera celui de votre ministère, de ce nouveau ministère des Ressources naturelles. Bien entendu, si vous avez suivi le budget et la réaction du ministre aux changements annoncés au ministère des Ressources naturelles, il apparaît que le ministère aura une orientation plus internationale, deviendra plus actif dans ce domaine particulier à cause de son mandat fédéral.

Pourrez-vous me dire si le ministère s'occupe plus activement de ce genre de questions et des sources d'énergie de remplacement, parce que c'est l'orientation que le gouvernement semble avoir prise.

Mme Kirby: Je pense que la réponse est oui. Je ne crois que nos discussions fédérales provinciales perdent en importance. Elles nous permettent d'élaborer une position concernant les mesures volontaires etc. Mais même dans le domaine réglementaire, le gouvernement fédéral peut proposer des normes de construction, mais ce sont les gouvernements provinciaux qui doivent les adopter et les mettre en oeuvre.

Donc, au niveau national, cette coopération reste impérative. Je ne vois pas la nécessité de cette coopération diminuer, si c'est bien là le sens de votre première question. Si nous voulons continuer à progresser et prendre de nouvelles initiatives dans le domaine d'efficience énergétique et des énergies de remplacement, nous devrons continuer à travailler en collaborant avec les provinces.

.1205

Cependant, nous voyons un renouvellement s'accélérer sur la scène internationale et à bien des égards ce sont les pressions internationales qui ont été le moteur de l'action chez nous. En effet, le problème de changement climatique, en particulier, mais aussi certaines autres questions touchent de près la politique énergétique et, à mon sens, le ministère des Ressources naturelles devra y prêter de plus en plus attention.

Le président: J'aimerais revenir sur la partie de votre exposé qui traitait plus particulièrement des ressources forestières. On a beaucoup parlé d'améliorer les méthodes d'exploitation. Ceux d'entre nous qui siègent régulièrement à ce Comité savent que nous venons d'achever une étude sur les méthodes d'exploitation, particulièrement la coupe à blanc.

Il y eu des quantités de discussions à l'échelle nationale et internationale quant aux meilleures méthodes d'exploitation. Beaucoup de gens nous ont dit que la meilleure approche serait la coupe sélective. Or, celle-ci n'est pratiquement pas pratiquée au Canada.

Vous qui connaissez l'optique internationale et l'importance des forêts à l'égard des émissions du CO2, allez-vous poursuivre activement une politique visant à modifier radicalement, en concertation avec les provinces, nos méthodes d'exploitation forestière?

Ou bien M. Reed a-t-il raison lorsqu'il dit que nous sommes forts en paroles, mais que nous n'allons pas faire grand-chose de concret car il faudrait une action très pugnace de la part du gouvernement fédéral pour obtenir un changement des méthodes dans une industrie telle que l'exploitation forestière? Je pense que c'est à cela qu'il voulait en venir, sauf qu'il ne l'a pas dit tout à fait en ces termes. J'essaie de déterminer si c'est la direction dans laquelle le nouveau ministère des Ressources naturelles va s'engager.

Nous verrons quelles sont les estimations dans le document prospectif, j'essaie de concilier les deux car si c'est la direction dans laquelle le nouveau ministère veut aller, il faudra savoir, selon votre perspective et selon celle des milieux internationaux, où nous pourrions agir au plan national pour exécuter ces engagements.

Mme Kirby: Je ne suis pas non plus experte en sylviculture et je vais donc répondre à la question en termes généraux. Je ne peux pas vous parler de nouvelles orientations spécifiques qui pourraient être prises dans ce domaine.

Selon mon optique, l'élément essentiel est que l'exploitation forestière est l'un des champs d'action possibles. En raison de l'approche globale que nous avons prise, nous pouvons faire des compromis; nous pouvons choisir de faire plus dans le secteur de l'énergie et moins dans celui de l'exploitation forestière.

L'une des raisons pour lesquelles le Canada s'est fait le champion de l'approche globale en prépartion de Rio, était parce qu'il disposait d'une certaine souplesse et du pouvoir de saisir les occasions d'action là où elles se présentement, de façon à pouvoir mettre en place les solutions les plus rentables et celles qui touchent de plus près les intérêts de notre pays du point de vue de nos relations commerciales avec d'autres, etc.

À mon avis il serait regrettable de ne pas exploiter toutes les possibilités là où elles se trouvent. Je dirais que la forêt est manifestement un élément important de la solution, et il serait regrettable de la négliger, tout comme il serait dommage d'en négliger d'autres.

Je considère cette question comme très difficile, eu égard aux engagements que nous avons déjà pris. Si nous voulons les respecter, il n'y a pas beaucoup de domaines que nous pouvons nous permettre de ne pas examiner de très près pour voir si des arrangements concertés pourraient être conclus afin de progresser.

M. Solomon (Regina-Lumsden): J'ai une requête à présenter au Comité.

Le président: Est-elle fondée sur ce mémoire? Je laisserai partir les témoins si vous allez parler d'autre chose.

M. Shepherd aura la parole en premier, ensuite nous reviendrons à vous, John.

M. Shepherd (Durham): La notion de louer de l'espace aérien a été mise à l'essai aux États-Unis. A-t-elle abouti à une réduction des émissions de CO2 dans certaines industries, particulièrement dans le sud des États-Unis?

.1210

Mme Kirby: Cela n'a pas été vraiment appliqué aux émissions de CO2. Presque tout ce qui a été fait jusqu'à présent concerne soit les émissions de SO2 soit celles de NOx. Celles-ci sont plus faciles à cerner, plus localisées, etc. Elles concernent davantage la qualité de l'air urbain que le changement climatique, qui a tellement de sources qu'il est très difficle de mettre en place un système qui permette de tout couvrir. Mais le programme a très bien réussi à régler les problèmes de la qualité de l'air dans les villes des États-Unis. À Los Angeles et en Californie, on estime que cela a permis de réduire considérablement le coût de la réglementation sans pour autant perdre les avantages écologiques.

Nous n'en avons pas fait autant sur ce plan au Canada, mais les travaux-pilotes qui ont été effectués, principalement en Colombie-Britannique et en Ontario, montrent des résultat similaires sur le plan de la qualité de l'air urbain.

Le CO2, en revanche, est un problème très étendu et complexe. Les travaux préparatoires qui permettraient de mettre cette méthode à l'essai ne sont pas encore achevés, ni aux Etats-Unis ni au Canada. Je parlais tout à l'heure de l'idée d'une mise en oeuvre conjointe lancée à Berlin. Si on s'engageait dans cette voie à plein, on pourrait envisager des échanges transfrontaliers qui permettraient à chacun d'obtenir les solutions les moins coûteuses.

M. Shepherd: Une taxe administrée par les Nations Unies?

Mme Kirby: Elle pourrait avoir le même effet.

Le président: Madame Kirby, je tiens à vous remercier, au nom du comité, ainsi que vos collègues, d'être venue faire cet exposé aujourd'hui. C'est une question très complexe et nous ne pensons pas parvenir à des conclusions ce matin. Mais nous voulions au moins faire le point de la situation, car cela influe sur la suite de nos travaux.

Mme Kriby: Je vous remercie.

Le président: Monsieur Solomon, vous pouvez présenter votre requête.

M. Solomon: Je vous remercie.

Nous avons assisté ces derniers jours, à travers le Canada, à des hausses sensibles du prix de l'essence. Par exemple, en Saskatchewan, le prix a grimpé de 6c. le litre au cours des 10 derniers jours. A Toronto, la hausse est de 5c. ou 6c. le litre; ailleurs, elle atteint même 10c. le litre. Cela signifie qu'au cours des onze derniers mois nous avons assisté à six hausses successives du prix de l'essence, totalisant plus de 20 p. 100 pour le consommateur. Et dégageant des recettes en hausse de 40 p. 100 pour les compagnies pétrolières. Or, le prix du brut est resté relativement constant au cours des 12 à 16 derniers mois et les profits de compagnies pétrolières n'ont cessé de s'accroître année après année, au cours des trois dernières années.

En Saskatchewan, et particulièrement dans mon district ces hausses, que les compagnies pétrolières n'ont pratiquement pas justifiées, ont suscité l'indignation. Les compagnies ont vaguement parlé de coûts accrus. J'aimerais que ceux qui prétextent de telles augmentations de coûts comparaissent devant ce comité dans des conditions quasi judiciaires et les justifient.

Le comité a décidé de mener une étude préliminaire de l'établissement du prix de l'essence fin juin ou à l'automne prochain. Je demande que, face à ces hausses récentes alarmantes, le comité avance la date de cette étude du prix de l'essence, ou du prix de l'énergie, selon ce que vous préférez.

Je pense qu'il importe que notre comité entreprenne cette enquête le plus rapidement possible, ne serait-ce que pour faire comparaître devant notre comité toutes les parties intéressées, et pas seulement les compagnies pétrolières, mais aussi les compagnies de transport, les usagers, les entreprises, etc., afin d'expliquer pourquoi ces prix sont imposés aux consommateurs d'une manière qui confine à l'extorsion, à mon point de vue et à celui de milliers de Canadiens.

Le téléphone ne cesse de sonner dans mon bureau depuis deux jours. Nous avons reçu de plus de 30 appels hier de consommateurs qui sont indignés par ce genre de hausse. Les émissions de radio à ligne ouverte auxquelles j'ai participées au cours des dernières semaines montrent que le public est favorable à 95 p. 100 à une étude du prix de l'énergie, et en particulier de l'essence, à l'échelle du pays.

.1215

Je demande donc au comité de ne pas attendre la fin du mois de juin, mais d'avancer l'examen des prix de l'essence, pour qu'on puisse y procéder d'ici une semaine ou deux. Je demanderais également que cet examen soit exhaustif et qu'il dure le temps qu'il faut pour arriver à des conclusions.

Le président: Chers collègues, aurriez-vous des observations à faire?

[Français]

M. Pomerleau: Est-ce que le président a pris des engagements avec certains groupes concernant les horaires de travail?

[Traduction]

Le président: Oui, et je vais vous exposer ce à quoi ont abouti les discussions que nous avons eues au cours des dernières semaines.

Nous sommes prêts à nous lancer. Comme vous le savez, la Chambre nous impose des délais précis quant à l'examen des prévisions budgétaires. Si l'étude des prévisions budgétaires n'est pas terminée d'ici la fin du moi de mai, alors vous ne pouvez bien sûr pas en faire rapport.

Je tiens à ce qu'il soit bien clair pour tous les membres du comité que je considère l'examen des prévisions budgétaires comme l'un des travaux les plus importants, sinon le plus important du comité. Dans le cadre du régime du gouvernement précédent, personne ne s'est penché sur les prévisions. Les Conservateurs n'étaient pas du tout intéressés à examiner les prévisions budgétaires, car, bien sûr, ils étaient au pouvoir et ils s'imaginaient qu'ils faisaient tout à la perfection et qu'il n'était donc pas nécessaire d'examiner les prévisions.

Je peux vous assurer que bon nombre des députés avec qui j'ai parlé et que moi-même, en tant que président, prenons très au sérieux les prévisions budgétaires. Nous tenons à en faire un examen approfondi et à nous pencher également très sérieusement sur le document sur les perspectives.

En réponse à ce que demande John, voilà ce que je recommanderais. Nous avons établi le programme. Ce n'est pas à la fin du mois de juin que nous allons nous y pencher, mais bien au début du mois, soit d'ici une trentaine de jours. Nous avons quatre semaines pour nous lancer dans les prévisions budgétaires, pour en faire un examen attentif, pour préparer un rapport et pour nous pencher sur le document sur les perspectives. Nous pourrons alors tout de suite, dans les deux premières semaines de juin, nous attaquer à cette question des prix de l'essence.

D'après ce que j'ai compris, les prix ont augmenté de 4 ou 5c. ces derniers jours, et ils vont commencer à retomber à partir d'aujourd'hui. En fait, il semble qu'il y ait eu d'importantes fluctuations un peu partout au pays.

Nous avons pris un engagement, mais nous ne pouvons pas changer notre programme chaque fois qu'il y a un soubresaut ou un changement quelque part dans l'économie. Je pense que ce serait très difficile de changer les choses à cette étape-ci. Nous avons déjà prévu les séances avec le ministre et tous les hauts fonctionnaires. Nous avons mis cela au point ces derniers jours. Il nous faudrait annuler tout cela et essayer de convaincre quelqu'un de venir nous parler de l'établissement des prix de l'essence, car tout cela n'a pas encore été finalisé. Nous y travaillons toujours. Il vous faut comprendre que ces choses demandent du temps.

Enfin, ce que j'aimerais vous dire dans ce contexte c'est que toutes les études qui ont été faites sur cette question au cours des 20 dernières années ont abouti aux mêmes résultats, aux mêmes recommandations et aux mêmes perceptions: en résumé, le marché réagit comme il le doit et il n'y a aucun problème. Si nous nous lançons tête baissée dans cette entreprise, sans vérifier qu'on est en train de poser la bonne question, nous nous retrouverons avec les mêmes résultats et encore une autre étude qui ressemblera à toutes celles qui ont été produites au cours des 20 dernières années. Celle-ci, comme les autres, ne fera que ramasser de la poussière.

Je tiens à vous recommander d'être prudents, de ne pas agir trop vite, de veiller à ce qu'on se retrouve avec le mandat approprié et à ce que l'on pose les bonnes questions. Je suis convaincu que si nous posons les mauvaises questions - et ça a dû être le cas pour nombre de ces rapports, car - ils répètent les mêmes choses depuis 20 ans. Ou c'est cela, ou on court après quelque chose qui ne se concrétisera pas, soit qu'il y a quelqu'un qui a sa main dans le pot, comme le prétendent certains consommateurs et autres.

Je tenais tout simplement à vous faire cette mise en garde. Je suis sérieux lorsque je dis que j'aimerais qu'on examine cette question, mais je ne voudrais pas que le comité soit perçu comme s'adonnant à une chasse aux sorcières quelque part parce que cela lui permettra de marquer des points.

Il s'agit ici d'une question fort complexe qui pourrait nous sauter à la figure. Il y a deux paliers de gouvernement qui interviennent: le provincial et le fédéral. Il nous faut être certains de savoir pourquoi nous faisons cela et ce que nous en attendons. C'est ici qu'intervient la question du mandat.

.1220

En tant que président du Comité, je recommanderais que nous poursuivions la route que nous nous sommes tracée et que, dans l'affirmative, nous soyons certains à l'automne de savoir pourquoi nous le faisons.

John, je vous laisse dire le dernier mot, car je vous ai essentiellement dit non.

M. Solomon: Je pense que c'est une erreur de retarder encore beaucoup cela. Je comprends le point de vue de certains groupes et secteurs au Canada qui ont des intérêts directs dans cette question.

D'autre part, les consommateurs ont à l'heure actuelle des intérêts directs dans l'agriculture. Les prix sont en train d'être rehaussés juste au moment où l'on commence les semailles dans l'Ouest du pays. Les agriculteurs sont en train d'acheter leurs carburants en vrac. Ces hausses leur coûteront des millions de dollars de plus.

N'oubliez pas que l'agriculture vient juste de subir l'élimination de la subvention du Pas du Nid de Corbeau, ce qui coûtera chaque année aux agriculteurs de la Saskatchewan 320 millions de dollars par année, soit la moitié de leur revenu total net de l'an dernier.

Cette question est tout à fait d'actualité. Je ne pense pas que ce soit une chasse aux sorcières. C'est une responsabilité qui revient au gouvernement et au comité. Lorsqu'une question donnée est perçue comme nuisant aux consommateurs, il est de notre devoir, en tant que politiciens, en tant que représentants élus pour équilibrer les pouvoirs économiques qui gèrent le pays, de faire en sorte que certains secteurs et certains groupes demeurent honnêtes.

Je félicite le comité de s'être engagé à entreprendre ultérieurement un examen de la question. Il est important pour nous de faire cela. C'est un pas dans la bonne direction.

On ne parle pas ici d'une réaction réflexe. Il s'agit de la sixième augmentation depuis 11 mois dans tout le pays. Nous avons eu 11 mois pour agir, mais nous n'avons rien fait. Cela ne cadre pas avec nos obligations envers la population en tant que représentants élus. À mon avis, et d'autres le partagent, cela relève de la négligence.

Je tiens par ailleurs à revenir sur un point qui a été soulevé par le président. Ceci n'a rien à voir avec les provinces. Ce n'est pas une question qui relève de la compétence des provinces. L'établissement des prix de l'essence est une responsabilité nationale en matière de loi intéressant des consommateurs et l'énergie. Je peux l'affirmer en m'appuyant sur ma propre expérience: lorsque j'étais député provincial, nous avons entrepris une étude et nous avons conclu que cette question relevait des pouvoirs fédéraux, car les provinces ne peuvent exercer aucun contrôle ou influence sur le marché même en présence de preuves que certaines organisations ou entreprises s'adonnent à ce que l'on pourrait qualifier de vol.

Je ne veux pas débattre de cette question maintenant, mais nous devrions y réfléchir très sérieusement et consulter nos commettants et d'autres qui sont convaincus qu'il s'agit d'une question importante. Je vous demande de maintenir cela à l'ordre du jour, et je pense que s'il était possible de monter cette question sur la liste, cela serait dans l'intérêt de tout le monde.

Le président: J'apprécie ces remarques, John.

Je tiens à ce qu'elles figurent très clairement au procès-verbal - étant donné qu'il n'y a pas de caméra dans la salle et que tout cela est du domaine public - que je ne suis pas du tout d'accord avec vous lorsque vous dites que cela ne relève pas des provinces. Bien franchement, nous savons qu'il y a ici une question de compétence et de rôle. Je tiens à ce qu'il soit clair que l'une des raisons pour lesquelles je suis préoccupé et tiens à ce que nous soyons prudents, est que nous savons qu'il y aura bientôt des élections provinciales et que cette question y jouera un rôle. Cela fait plusieurs fois, dans votre province et dans la mienne, que des plates-formes électorales s'appuyent sur cette question que les partis politiques disent...

M. Solomon: Ce n'est pas vrai, monsieur le président.

Le président: Si.

M. Solomon: En Saskatchewan, cette question n'a pas dutout été au coeur des plates-formes électorales.

Le président: Ils n'ont cessé d'en parler et de s'en servir dans leurs dépliants, disant que ce n'est pas leur problème, que c'est celui du fédéral, alors que nous savons que la vérité est bien différente.

Je ne pense pas que le Comité veuille s'enliser dans ce genre d'histoires politiques, et c'est pourquoi j'ai recommandé à tout le monde de faire preuve de prudence afin d'être certains que si nous nous attaquons à cette question, c'est pour les bonnes raisons et non pas pour les mauvaises. C'est pourquoi je pense que l'échéancier proposé est le bon.

M. Solomon: Monsieur le président, avec tout le respect que je vous dois, vous faites de la politique avec cette question, non pas moi.

M. Arseneault (Restigouche - Chaleur): J'invoque le Règlement. Contrairement au député assis de l'autre côté, je n'ai pas reçu d'appels téléphoniques. Si je suis au courant, c'est que j'ai lu des articles dans les journaux au sujet des augmentations de prix. Je n'ai pas non plus cherché à pousser les gens à faire des appels téléphoniques en en parlant à la télévision et ailleurs. Plus vous parlez de cette question, plus vous vous attirez l'attention des gens en tant que particulier, et vous vous appuyez là-dessus.

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Le Comité a indiqué très clairement qu'il est désireux d'examiner la question. Comme le reconnaîtra tout le monde, il s'agit d'une question fort complexe.

Si nous décidions d'avancer cela à la semaine prochaine, qui pourrait être à notre disposition avec un préavis aussi court? Si nous n'entendons pas de témoins, au bout d'un certain temps, notre étude et nos recommandations n'auront aucun poids. Ils diront qu'ils n'avaient pas vraiment le temps de se préparer, qu'on n'a pas convoqué les témoins qu'il fallait et qu'on n'avait pas le bon ordre du jour.

Je suis d'accord avec le président lorsqu'il dit que le comité directeur a discuté de la question. Nous avons proposé un plan de travail au Comité et j'irai jusqu'à dire, monsieur le président, que l'objet de la réunion d'aujourd'hui était clairement énoncé à l'ordre du jour et que toute cette question est irrecevable.

Le président: Bien franchement, je pense qu'il y a consensus. Par conséquent, à moins que quelqu'un ne dise le contraire, je pense que le Comité est dans l'ensemble d'accord avec le programme que nous nous sommes fixés, et nous le suivrons.

M. Rideout (Moncton): Monsieur le président, j'aimerais dire quelque chose. John devrait peut-être intervenir auprès du président du Comité de l'industrie...

Le président: Il l'a fait.

M. Rideout: ...dont relèverait normalement cette question et lui demander comment se présente son programme et s'il ne pourrait pas s'en occuper là-bas.

Du point de vue ressources naturelles, nous pouvons nous pencher sur certains aspects de l'établissement des prix, mais il s'agit en réalité d'une question de protection des consommateurs, ce qui relève clairement du mandat du Comité de l'industrie. Ce serait peut-être la voie à suivre.

Le président: Merci.

Je tiens à ce qu'il soit clair que nous nous sommes engagés à examiner cette question à l'étape préliminaire et que nous respecterons cet engagement, conformément à la demande du Comité et à l'entente intervenue il y a quelques semaines.

Je tiens à vous remercier d'être venus. Nous nous retrouverons jeudi prochain, à la même heure.

La séance est levée.

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