[Enregistrement électronique]
Le jeudi 11 mai 1995
[Traduction]
Le président: Chers collègues, je déclare la séance ouverte. Dans le cadre de notre examen du budget principal, nous recevons ce matin les représentants d'Énergie atomique du Canada limitée. M. Morden va continuer sans rétro-projecteur, et nous allons donc nous contenter de vous remettre une copie de son exposé, afin que vous puissiez suivre au fur et à mesure. Il nous arrive à l'occasion de suivre cette même procédure, et donc, cela ne devrait pas vous causer d'inconvénient, à mon avis.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Morden, président directeur général, et lui demander de nous présenter ses collaborateurs. Nous passerons ensuite directement à son exposé. À partir de là, les membres du comité pourront poser des questions.
Monsieur Morden, vous avez la parole.
M. Reid Morden (président-directeur général, Énergie atomique du Canada limitée): Merci infiniment, monsieur le président. Je suis accompagné ce matin de M. William Hancox, vice-président de la planification stratégique, et de M. David Thomas, directeur financier.
J'espérais pouvoir vous illustrer mon exposé au moyen d'acétates, car c'est plus intéressant pour vous, mais comme vous en avez des copies, je vais devoir m'assurer que mon petit exposé suscite votre intérêt.
Notre intention ce matin est de vous situer le contexte de votre examen des prévisions budgétaires qui est l'objet de la présente réunion. Ce faisant, je voudrais insister tout particulièrement sur la position de EACL sur le marché mondial.
Je pense que la plus importante réalisation de l'entreprise, en collaboration avec les services publics canadiens et un certain nombre de compagnies du secteur privé, a été la mise au point du système à énergie nucléaire CANDU. Le réacteur CANDU est le résultat de l'investissement du gouvernement fédéral dans le savoir. Il s'agit d'un investissement important, et je crois pouvoir résumer les résultats de cet investissement en affirmant que les centrales nucléaires CANDU ont assuré en 1994 près de 20 p. 100 de l'électricité produite au Canada et 65 p. 100 de l'électricité produite dans la province où nous sommes actuellement situés.
La technologie CANDU fait l'objet d'un commerce d'exportation solide et en plein expansion, générant ainsi des avantages économiques substantiels pour le Canada. Nous comptons continuer à décrocher des contrats malgré une concurrence internationale acharnée. À mon avis, nous pourrons ainsi garantir que le Canada continuera à posséder sa propre technologie concurrentielle qui lui permette de répondre à ses besoins futurs en matière de production d'électricité.
La première activité principale d'EACL consiste à renforcer le commerce CANDU en décrochant des contrats de création de nouvelles centrales CANDU et en élargissant les services de recherche et de développement et les services techniques que nous offrons actuellement aux centrales déjà en exploitation. Il s'agit en effet de maintenir la compétitive de la technologie CANDU sur le marché mondial en continuant d'investir dans la recherche et le développement et l'ingénierie de produits.
Notre deuxième activité consiste à mettre au point une technologie de stockage permanent des déchets nucléaires, composés essentiellement du combustible nucléaire stocké à chacune des centrales nucléaires.
Dans ce contexte depuis 15 ans, EACL, en collaboration avec Hydro-Ontario, a mis au point une technologie, et les principes scientifiques qui la sous-tendent, d'élimination des déchets de combustibles nucléaires, qui consiste à les enfouir dans le roc du bouclier canadien. L'Agence canadienne d'évaluation environnementale étudie actuellement un énoncé complet des incidences environnementales qui décrit la méthode d'enfouissement et les concepts scientifiques et mécaniques qui la sous-tendent.
Notre troisième activité principale consiste à faire de la recherche fondamentale dans les secteurs des sciences nucléaires, ce qui contribue à la réalisation des objectifs du Canada en matière de science et de technologie. EACL possède toujours un laboratoire nucléaire national, qui constitue un centre de recherche unique au Canada auquel peuvent accéder le universités canadiennes et qui entretient des rapports très étroits avec des organismes de recherche nucléaires d'autres pays.
[Français]
Depuis le mois de mars 1990, le gouvernement fédéral a financé les activités de recherche et de développement de l'EACL par voie de crédits de l'ordre de 172 millions de dollars par année: 80 millions de dollars pour faire reculer les limites du savoir et pour mettre au point de nouvelles technologies qui permettront aux centrales CANDU de demeurer concurrentielles sur le plan international; 20 millions de dollars pour la mise au point d'une technologie de stockage permanent des déchets de combustibles nucléaires du Canada; 52 millions de dollars pour faire reculer les limites du savoir en sciences nucléaires fondamentales qui contribuent à la réalisation des objectifs généraux du Canada en matière de science et de technologie; 20 millions de dollars pour englober les coûts de déclassement des installations ayant atteint la fin de leur vie utile et les coûts en immobilisations d'envergure.
Ontario Hydro, Hydro-Québec et Énergie Nouveau-Brunswick contribuent une somme additionnelle de 89 millions de dollars, dont 20 millions de dollars sont affectés aux programmes de recherche et de développement liés aux déchets de combustibles nucléaires, ce qui porte le total à 40 millions de dollars. Soixante-neuf millions de dollars sont affectés aux programmes de recherche et de développement nécessaires pour s'assurer que l'exploitation actuelle des 22 centrales CANDU au Canada est sûre et efficace.
Quel a été le rendement obtenu sur cet investissement depuis 1990? Ces 80 millions de dollars investis dans la technologie CANDU peuvent être évalués sur un plan de rendement financier ou économique direct.
Ce rapport s'établit en fonction du rendement commercial du commerce CANDU ainsi que des revenus provenant des projets de centrales CANDU et de la prestation de services de recherche et de développement et de services techniques aux centrales en exploitation.
Depuis 1990, soit une période de cinq ans, le gouvernement fédéral a investi la somme de 420 millions de dollars dans la nouvelle technologie CANDU et la science qui la sous-tend. Pour sa part, l'EACL a réalisé des recettes de l'ordre de 500 millions de dollars provenant de la prestation de services techniques et de services de recherche et de développement auprès de compagnies d'électricité du Canada et de l'étranger.
De plus, des recettes de l'ordre de 800 millions de dollars proviennent de la réalisation en cours de projets de centrales CANDU en Corée et en Roumanie; 80 p. 100 de ces recettes ont profité au secteur privé du Canada, en particulier les fabricants de biens de production. Le bilan se limite à une période de cinq ans, mais chaque projet produit en général des recettes qui s'échelonnent sur une période de six ans. Les projets en cours de réalisation continuent donc de rapporter des avantages.
[Traduction]
Pour vous donner un exemple des avantages associés à la vente de réacteurs, je voudrais pendant quelques instants vous parler de notre projet à Wolsong en Corée.
Notre projet en Corée prévoit un investissement par la Corée de 5 milliard de dollars dans la technologie canadienne. Nos contrats d'une valeur globale d'environ 1,2 milliard de dollars vise des travaux qui seront exécutés au Canada ou dont les fournisseurs seront des Canadiens. Ce montant se répartit ainsi: 300 millions de dollars pour les services techniques, 540 millions de dollars pour les biens de production et 330 millions de dollars pour l'eau lourde. Les travaux exécutés par EACL représentent seulement 100 millions de dollars. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, le reste en l'occurrence va aux sociétés d'ingénierie et aux fournisseurs de matériel canadiens.
Les travaux ont commencé en 1991, et les trois centrales actuellement en construction entreront en service en 1997, 1998 et 1999. Je regrette de ne pas avoir nos acétates pour vous montrer l'image suivante, qui est une photographie des trois centrales CANDU actuellement en construction. On l'a incluse simplement pour vous donner une idée de l'ampleur de ce projet de construction, qui est considérable.
Si vous regardez votre copie, vous allez voir la première centrale, que nous appelons Wolsong 1, à l'arrière-plan. Elle est en service depuis 1983 et sa performance dépasse systématiquement celle des autres installations de production d'électricité, qui consistent en réacteurs à eau légère conçus aux États-Unis, et en centrales, alimentées au charbon et au gaz naturel.
En 1994, Wolsong 1 a enregistré la meilleure performance du monde entier. D'autres centrales CANDU ont également obtenu ce classement à différents moments, notamment celle de Pointe Lepreau et d'un de nos autres clients à Embalse, en Argentine. La performance de Wolsong 1 et l'engagement de la Corée vis-à-vis de la technologie CANDU nous donnent une assise solide sur le marché international pour augmenter notre chiffre d'affaires.
Je parle surtout dans mon exposé des centrales nucléaires CANDU, mais je vous fais remarquer qu'il existe également un marché pour la technologie de notre réacteur de recherche. Ce printemps, l'Institut de recherche de l'énergie atomique de la Corée a mis en service son réacteur de recherche HANARO, qui est axé sur la technologie d'EACL et les efforts que nous avons déployé avec les Coréens depuis sept ans pour construire le réacteur en question. Je crois que le succès de cette entreprise ouvre grande la porte à d'autres ventes dans la région Asie-Pacifique, et au-delà.
Quant à l'avenir, je pense que nous avons la possibilité d'obtenir des contrats pour cinq nouvelles centrales au cours des deux ou trois prochaines années. Vous savez sans doute déjà qu'à la suite de la visite en Chine du premier ministre en novembre dernier, nous avons entamé des négociations avec les autorités chinoises pour la construction de deux centrales. Ces dernières seront construites sur le modèle de la centrale Walsong. Les travaux devant être exécutés par des fournisseurs canadiens représenteront une valeur minimale de 1,5 milliard de dollars.
Nous avons également entamé des pourparlers avec la Turquie concernant la première de deux centrales CANDU. Encore une fois, l'unité en question serait construite sur le modèle de la centrale Walsong. Les travaux devant être exécutés par des Canadiens représenteront une valeur 700 millions de dollars.
Puisque nous avons à l'esprit non seulement les ventes futures mais aussi la réalisation de nouveaux produits à l'avenir, nous sommes actuellement en discussion avec la Corée concernant la construction de deux unités supplémentaires sur le site de Walsong. Cependant, ces centrales seraient de 900 mégawatts, plutôt que de 600 mégawatts, soit la capacité des quatre centrales actuellement en service à Walsong. Encore une fois, les travaux canadiens représenteraient une valeur d'environ 1,5 milliard de dollars.
La centrale de 900 mégawatts représente un produit nouveau, bien qu'il suit le modèle éprouvé qu'utilise la centrale Darlington d'Hydro-Ontario actuellement en exploitation. Nous consacrons une partie de nos recettes commerciales à la conception de cette nouvelle unité. Nos études de marché indiquent que ce produit sera extrêmement concurrentiel sur plusieurs nouveaux marchés. Nous sommes convaincus que nous arriverons à vendre nos produits à la grande majorité de ces prospects.
Toutefois, nous ne pouvons réussir dans cette entreprise si nous ne continuons pas à financer nos activités de recherche et de développement. Les produits CANDU resteront viables uniquement s'ils peuvent concurrencer d'autres types de centrales nucléaires et de technologie de génération d'électricité, notamment les centrales alimentées au charbon et celles à turbine à gaz à cycle combiné. Notre position concurrentielle est soutenable uniquement si notre base technologique reste solide.
La technologie CANDU se distingue de celle qu'emploient d'autres types de centrales nucléaires par plusieurs caractéristiques techniques uniques. Ces caractéristiques sont à l'origine de l'avantage concurrentiel des produits CANDU sur le marché et doivent être constamment être perfectionnées et prouvées.
L'expertise et les compétences techniques actuellement en place - grâce aux investissements du passé - et l'orientation de nos activités futures rassure l'acheteur potentiel en le convainquant que son investissement de 2 ou 3 milliards de dollars dans une centrale conçue par EACL sera avantageux.
Nous avons besoin d'environ 165 millions de dollars par an pour perfectionner les produits CANDU et la technologie qui les sous-tendent. Les revenus commerciaux de l'entreprise nous permettent d'investir entre 25 et 35 millions de dollars dans cette activité. Les services publics qui possèdent des centrales CANDU tels que Hydro-Ontario, Hydro-Québec et Énergie Nouveau-Brunswick, versent la somme additionnelle de 35 à 40 millions de dollars. Ainsi quelque 100 millions de dollars devront être versés par le gouvernement fédéral.
Je voudrais ouvrir brièvement une parenthèse pour essayer de vous donner un petit peu le contexte. Les principaux concurrents de EACL sont FRAMATOME de France, Siemens d'Allemagne, ainsi que Westinghouse et .AA Combustion Engineering des États-Unis. Toutes ces entreprises vendent des centrales qu'elles ont mis au point pour répondre à leur besoin intérieur. Toutes dépendent de crédits de leurs gouvernements pour mettre au point de nouveaux produits. Toutes dépendent également des crédits que leur versent leurs gouvernements au titre des activités de recherche et de développement.
Nous avons d'ailleurs des chiffres précis concernant les sommes accordées à nos concurrents par leurs gouvernements nationaux. Je ne veux pas retenir le comité pour vous donner tous ces chiffres maintenant, mais je pourrais peut-être vous en citer un exemple - la France.
Du point de vue de ses relations avec le gouvernement français, FRAMATOME a une structure qui n'est guère différente de celle de EACL. FRAMATOME a recours à la société d'État appelée le Commissariat à l'énergie atomique pour faire avancer sa technologie et son savoir technique relativement à la conception de son réacteur à eau sous pression.
[Traduction]
En 1995, le Commissariat à l'énergie atomique dispose d'un budget global d'environ 10 milliards de francs, qui correspond, avec le taux de change actuel, à environ 2,8 milliards de dollars canadiens. Environ 2 milliards de francs, soit 530 millions de dollars, sont consacrés à la technologie des réacteurs, 1,6 milliard de francs, soit environ 450 milliards de dollars canadien, aux cycles du combustible nucléaire, 1,2 milliard de francs, soit 330 millions de dollars canadien, à la sécurité nucléaire. Autrement dit, la dépense associée à la technologie des centrales est de l'ordre de 1,3 milliard de dollars.
Nos autres concurrents reçoivent des sommes plus ou moins équivalentes de leur gouvernement national, mais selon des modalités un peu différentes.
Si j'ouvre cette parenthèse, ce n'est pas pour vous dire que nous avons besoin de plus de crédit pour affronter la concurrence. Je pense que nous possédeons d'excellents experts dans le domaine qui, au fil des ans, ont mené des activités de recherche et de développement et de mise au point de produits qui ont permis d'assurer la compétitive du système CANDU. Nous ne vous demandons pas de nous accorder plus que nous ne recevons actuellement. Si nous avons voulu vous donner ces chiffres, c'est pour vous permettre de faire la comparaison avec nos concurrents et mieux vous décrire le texte de nos prévisions budgétaires.
Pour ce qui est du rendement de cet investissement annuel de 100 millions de dollars au cours des cinq prochaines années, par exemple, nous pouvons affirmer qu'un tel investissement rapporterait des recettes de 1,7 milliard de dollars lors de l'achèvement des projets CANDU actuellement en cours en Corée et en Roumanie et des quatre nouveaux projets prévus. Encore une fois, j'insiste sur le fait qu'une forte proportion des revenus de ces projets seront touchés, par l'entremise d'EACL, par des sociétés d'ingénierie et des fabricants de matériel canadiens.
Sans vouloir faire preuve d'un optimiste excessif, je crois pouvoir affirmer que l'engagement de la Corée vis-à-vis de la technologie CANDU devrait nous garantir l'achat de centrales supplémentaires de 900 mégawatts, pour un total de quatre. Ceci suppose évidemment la prestation de services accru au moment de la mise en service des nouvelles centrales.
Si nous réussissons à conclure un accord avec la Chine, et quand nous y aurons construit une centrale et prouvé la valeur de notre technologie, je pense que nous pourrons nous attendre à ce que la Chine adopte la technologie CANDU pour l'ensemble de son système officiel de génération d'électricité.
Bref, la réputation acquise par EACL depuis cinq ans et les excellentes perspectives des nouveaux projets planifiés dans l'immédiat prouvent sans aucun doute la contribution importante qu'apporte l'entreprise à l'économie canadienne.
Vous ayant fait ce bref exposé, je vais m'arrêter là et je vais essayer maintenant de répondre aux questions des membres du comité.
Le président: Merci, monsieur Morden.
Nous passons immédiatement à M. Canuel.
[Français]
M. Canuel (Matapédia - Matane): Les documents budgétaires de 1995-1996 font état d'une baisse prévue d'environ 10 p. 100 des dépenses de fonctionnement en matière de recherche et développement par rapport à l'année précédente. D'une part, il y aurait une hausse de 50 p. 100 des dépenses d'immobilisation et, d'autre part, un fléchissement de 14 p. 100 des recettes et contributions externes.
Pourriez-vous préciser aux membres de ce Comité la nature des changements à la hausse? Ne serait-il pas nécessaire d'augmenter les recettes pour financer la part croissante des travaux de développement et de génie de l'EACL à l'interne?
L'Énergie atomique du Canada Limitée reçoit également une part importante d'Ontario Hydro, d'Hydro-Québec et d'Énergie Nouveau-Brunswick. Vous avez également dit que ces ententes arrivent à échéance en mars 1997. Que fera la direction de l'AECL pour s'assurer que ces ententes de financement de sept ans soient reconduites?
J'aimerais également que vous répétiez ce qu'est la participation d'Ontario Hydro, d'Hydro-Québec et d'Énergie Nouveau-Brunswick.
Je constate qu'il y a énormément de centrales CANDU, et je dis bravo à cela. Dans un sens, nous couvrons presque le monde entier. Vous avez également cité de nombreux chiffres qui peuvent être drôlement intéressants.
Vous avez probablement répondu à cela, mais j'aimerais qu'on me dise si la vente d'une centrale à la Corée crée des emplois ici au Canada. Par province, particulièrement pour le Québec, quelles sont les retombées en ce qui a trait aux emplois et aux revenus?
[Traduction]
M. Morden: J'essayerai de répondre à ces questions, mais peut-être pas dans l'ordre.
Pour répondre d'abord à votre deuxième question, les accords de financement arrivent effectivement à échéance en 1997. Dans mes remarques liminaires ce matin, j'ai dit que le versement de crédits fédéraux au titre de la recherche et du développement de la technologie est essentiel et cadre parfaitement avec la politique d'autres pays qui souhaitent entretenir une industrie nucléaire sur leur territoire national.
Au cours des prochains mois, j'imagine que nous allons entamer des discussions avec le gouvernement fédéral et avec nos partenaires des services publics. Nous essaierons de nous entendre sur le niveau de soutien permanent qui serait requis pour les activités de recherche et de développement de l'entreprise, afin que nous ayons un plan stratégique en place lorsque ce financement prendra fin en 1997.
Quant à votre troisième question, je vous ai déjà donné des données très précises sur l'ampleur des travaux qui seraient exécutés par des compagnies et fournisseurs canadiens. Il va sans dire que ce genre d'activité économique crée des emplois d'un type ou d'un autre.
Par exemple, si nous réussissions à décrocher le contrat pour le projet en Turquie, qui représente une valeur de 700 millions de dollars pour des travaux exécutés au Canada ou pour de l'équipement fourni par des entreprises canadiennes, nous croyons pouvoir affirmer que cet investissement créerait des emplois correspondant à environ 25 000 années-personnes. Monsieur le président, je n'ai malheureusement pas de ventilation, par province, des travaux à exécuter, mais je pourrai évidemment vous la fournir par la suite. Je m'engage à vous transmettre ces données dans les plus brefs délais.
Il va sans dire que l'Ontario et le Québec sont les deux provinces qui exécuteront le plus gros du travail. Mais les 150 compagnies qui dépendent plus ou moins de l'industrie nucléaire pour mener leurs activités commerciales sont implantées un peu partout, d'un bout à l'autre du pays.
Je voudrais maintenant demander à M. Thomas de répondre à votre première question, mais je ne suis pas sûr qu'il en ait noté les détails.
M. David Thomas (vice-président, Finances et administration, Énergie atomique du Canada limitée): Non.
M. Morden: Je crois qu'il avait du mal à brancher son écouteur. Auriez-vous donc l'obligeance de répéter votre question?
[Français]
M. Canuel: Sûrement. Les documents budgétaires de 1995-1996 font état d'une baisse d'environ 10 p. 100 des dépenses de fonctionnement en matière de recherche et développement par rapport à l'année 1994-1995. Ils font également état d'une hausse de 50 p. 100 des dépenses d'immobilisation et d'un fléchissement de 14 p. 100 des recettes et contributions externes. Ma question était: Pourriez-vous préciser aux membres du Comité la nature de ces changements à la hausse? Je ne repose pas la sous-question. C'est à vous de trouver des moyens de vous en tirer. Ce qui me surprend un peu, ce sont les 50 p. 100 ayant trait aux dépenses en immobilisation. C'est surtout là-dessus que j'aimerais une réponse.
[Traduction]
M. Thomas: Merci.
Dans la note en bas de page qu'on retrouve dans les documents budgétaires, on explique que nous avons changé notre méthode de déclaration entre l'année financière 1994-1995 et l'année financière 1995-1996 pour nos divisions des isotopes et des accélérateurs. Dans les prévisions budgétaires de 1994-1995, ces unités faisaient partie intégrante du service de la recherche.
Pour l'année financière 1995-1996, nous en avons fait des services commerciaux distincts pour nous permettre de régler plus facilement des questions contractuelles relatives aux isotopes et pour disposer d'une unité commerciale distincte chargée des accélérateurs. Par conséquent, les chiffres pour les deux années financières en ce qui concerne le poste des dépenses de fonctionnement et le poste des recettes et contributions externes ne sont pas comparables. Le changement réel est consigné sur la ligne du total partiel, indiquant le chiffre de 163 618 000$ pour 1994-1995, comparativement à 162 211 000$ pour l'année financière 1995-1996.
Si nous éliminons les différences associées à un changement d'organisation, les chiffres sont tout à fait comparables. Mais comme vous l'avez dit, il s'agit tout de même d'une augmentation importante des dépenses d'immobilisations qui est surtout liée à une augmentation de 6 millions de dollars pour l'ancien programme de remise en état de l'infrastructure des laboratoires de Chalk River.
Bon nombre des bâtiments de l'installation de Chalk River remontent aux années cinquante et arrivent effectivement à la fin de leur durée de vie utile. L'organisation doit par conséquent investir dans son infrastructure pour donner à ses chercheurs les installations dont ils ont besoin et pour réaliser des économies opérationnelles qui ne sont pas possibles dans le cas de bâtiments plus anciens. Cette augmentation de 6 millions de dollars représente donc la première étape de ce programme.
Le président: Monsieur Canuel.
[Français]
M. Canuel: Combien y a-t-il de laboratoires de recherche en Ontario et au Québec?
[Traduction]
M. Morden: L'entreprise est actuellement représentée par des bureaux situés dans cinq provinces différentes qui assument diverses fonctions. Il y a un bureau à Fredericton. Il y a également un bureau doté de 150 employés à Montréal, qui se charge d'effectuer des travaux d'ingénierie et de conception et de fournir certains services liés au commerce CANDU. Les deux principaux centres de recherche sont situés à Chalk River, en Ontario, et Whiteshell, à Pinawa, au Manitoba.
Nous avons également un service de conception technique....
[Français]
M. Canuel: Cela représente combien de personnes?
[Traduction]
M. Morden: C'est là que travaillent la majorité de nos employés. Je pense que nous en avons plus de 2 000 à Chalk River. Nous avons réduit nos effectifs à Pinawa au Manitoba, et par conséquent nous y avons environ 750 employés. Nous avons environ 100 employés au bureau de Saskatoon.
Le président: Monsieur Morrison, vous avez la parole.
M. Morrison (Swift Current - Maple Creek - Assiniboia): Monsieur Morden, j'ai toute une série de petites questions. Pour simplifier les choses et pour éviter des problèmes de communication, je préfère vous les poser une à la fois. Nous pouvons prendre chacun notre tour.
Vous avez parlé des unités CANDU qu'il est question de vendre au gouvernement de la Chine. Des contrats ont-ils déjà été signés pour les unités en question, ou êtes-vous toujours en pourparlers ou à l'étape du protocole d'entente, par exemple?
M. Morden: Je pense que c'est probablement votre dernière supposition qui correspond le plus à la situation actuelle, car à la suite de la visite du premier ministre et les premières discussions sur les paramètres du projet - dans le cadre desquels j'ai visité la Chine à la fin janvier - nous nous efforçons surtout de préparer les conditions de financement, qui sont extrêmement importantes, du point de vue de la participation de la Société pour l'expansion des exportations à ce projet. Évidemment, les choses évoluent toujours beaucoup moins rapidement qu'on le souhaiterait. Ce n'est que tout récemment que nous avons réussi à obtenir une décision là-dessus et à entamer des discussions plus poussées avec les autorités chinoises. Nous nous attendons à ce qu'une délégation chinoise arrive dans quelques jours pour commencer à discuter en détail du projet et négocier les modalités d'un contrat commercial.
M. Morrison: Cela m'amène à vous poser ma question suivante. Si cet accord est conclu, comment les ventes seront-elles financées, notamment en ce qui a trait à la participation de la Société pour l'expansion des exportations?
M. Morden: Il s'agit évidemment d'un projet de très grande envergure, et seulement une petite proportion des dépenses sera financée par la SEE. Nous avons déjà choisi un conseiller financier - une institution financière - qui se charge de parler à d'autres organismes de crédit à l'exportation de fournisseurs étrangers pour prévoir les autres modalités de financement qui nécessiteront probablement des emprunts sur le marché financier et le consentement de prêt de source privée. Pour un projet de cette ampleur, il faut évidemment une gamme de sources de financement, nous obligeant à procéder par étape.
En ce qui concerne la contribution de la SEE, il s'agira d'un prêt à des taux non concessionnels déjà prévu dans les accords de l'OCDE. L'entreprise accepte d'assumer toute charge supplémentaire associée au prêt original pour que nous ayons le soutien financier dont nous avons besoin.
En ce qui concerne le contribuable, je peux vous dire sans hésitation qu'il s'agit d'un arrangement non concessionnel avec la SEE.
M. Morrison: Quelle proportion du financement relèvera de la SEE? Pouvez-vous me révéler cette information?
M. Morden: À cet égard, je me dois de répéter ce que j'ai dit dans mes remarques liminaires. Nous nous attendons à ce que la valeur des travaux exécutés par des Canadiens se monte à 1,5 milliard de dollars. Nous espérons faire progresser cette somme, mais disons qu'il s'agit là du strict minimum.
M. Morrison: Donc, la somme de 1,5 milliard de dollars sera financée intégralement par l'entremise de la Société pour l'expansion des exportations.
J'ai une autre question d'ordre financier. À la dernière page de votre exposé, vous parlez de recettes anticipées de 2,6 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. Quelle proportion de cette somme correspond aux recettes nettes avant la dépense de 500 millions de dollars au titre de la recherche et du développement? Autrement dit, si nous consacrons 500 millions de dollars à la recherche et au développement, quelles seront les recettes nettes projetées?
M. Morden: Je pense que les chiffres que je vous ai donnés représentent des résultats nets.
M. Morrison: Ah, bon.
M. Morden: Oui, en effet, il s'agit de recettes réelles, et non de marges. C'est-à-dire qu'il s'agit de recettes dont bénéficiera le Canada.
M. Morrison: Oui, mais vous ne répondez pas à ma question. Il va sans dire que les fournisseurs ne s'intéressent qu'aux bénéfices qu'ils vont réaliser; en tant que pays, nous nous intéressons uniquement aux bénéfices qu'ils vont réaliser et aux impôts qu'ils vont payer là-dessus. Donc, quelle proportion de ces 2,6 milliards de dollars correspond à des revenus nets soit pour EACL, soit pour les fournisseurs.
M. Thomas: Ce chiffre comprend les résultats nets sur le plan des bénéfices et sur le plan de la valeur ajoutée. J'aimerais cependant avoir quelques secondes pour réfléchir à la façon de répondre à votre question.
Il va sans dire que la valeur ajoutée dont bénéficie le Canada représente un fort pourcentage des 2,6 milliards de dollars. Quant aux bénéfices nets, chaque organisation a évidemment un taux de rendement différent. Les vrais bénéfices nets, après paiement des salaires, des impôts et de tous les autres frais, ont tendance à ne représenter qu'une petite proportion de cette somme. Donc, pour ce qui est de la valeur ajoutée, il est clair que cette dernière représente une proportion considérable des 2,6 milliards de dollars.
M. Morrison: Très bien. Je ne veux pas trop insister là-dessus, étant donné que nous manquons de temps, mais je dois vous avouer que votre réponse ne me satisfait pas entièrement. Pourriez-vous préparer quelques chiffres et les transmettre au greffier du comité, afin que je puisse me pencher sur cette question précise?
M. Morden: Avec plaisir.
Permettez-moi de revenir sur ce que j'expliquais dans mon exposé en parlant de Wolsong. En tant que principal dirigeant canadien du projet de Wolsong, nous avons décroché des contrats d'une valeur global de 1,2 milliard de dollars - un peu moins de 10 p. 100 de la valeur globale de tous les contrats de l'entreprise. Par conséquent, dans le contexte des chiffres que je vous ai donnés, il faut compter que 90 p. 100 des sommes en question reviennent aux fournisseurs canadiens...
M. Morrison: Oui, j'en suis conscient.
J'ai une autre question concernant les ventes de la division des accélérateurs de EACL, dont vous n'avez pas parlé dans votre exposé. Je crois comprendre que parallèlement à vos négociations pour la vente de réacteurs à la Chine, des discussions sont actuellement en cours en vue de vendre des accélérateurs d'électrons à l'Inde et au Japon. Comment ces discussions progressent-elles? Avons-nous déjà conclu des ventes? Nos chances de succès sont-elles bonnes ou douteuses?
M. Thomas: Pour ce qui est du Japon, nous avons un client là-bas qui nous a versé des arrhes remboursables. Nous espérons pouvoir conclure nos négociations pour la vente d'une centrale au Japon. Comme c'est le cas de l'Inde, nous avons un client là-bas avec lequel nous entretenons des discussions déjà assez détaillées. Lui aussi a un calendrier, puisqu'il compte utiliser l'unité en question à des fins de stérilisation médicale. Il va nous falloir plusieurs mois encore pour terminer les négociations si elles débouchent sur un résultat positif.
M. Morrison: Oui, je comprends, et je suppose que vous voulez dire par là que vous allez devoir attendre assez longtemps avant de savoir si vous vendez ou non.
M. Thomas: Exactement, pour savoir si la vente est sûre ou non.
M. Morrison: Et il en va de même pour l'Inde et le Japon.
M. Thomas: Oui.
M. Morrison: J'imagine que vous déployez des efforts considérables pour conclure cette vente, n'est-ce pas?
M. Thomas: Absolument. Il s'agit de ventes potentielles d'une valeur considérable.
M. Morrison: Je voudrais encore poser quelques questions sur les ventes et les autres aspects économiques, mais comme j'en ai une ou deux autres à poser, je ferais mieux d'attendre le deuxième tour pour le faire.
Je voudrais savoir quand nous aurons une installation d'élimination des déchets à haute activité dans notre pays et ainsi à qui elle appartiendra et comment on financera sa construction et son fonctionnement. C'est une question de taille, mais nous possédons pour l'essentiel la technologie nécessaire. Quand cela sera-t-il un fait accompli?
M. Morden: Elle est de taille effectivement et je suis heureux que vous l'ayez posée. Au début de mon exposé, j'ai décrit très brièvement les études préparatoires et les recherches que nous avons faites. Comme vous le savez, nous sommes convaincus d'être rendus assez loin dans les travaux scientifiques et techniques préparatoires pour préparer l'énoncé des incidences environnementales que le Bureau fédéral d'examen des évaluations environnementales est en train d'examiner. Pour ma part, j'estime qu'il est très important d'étudier à fond les incidences environnementales ainsi que les incidences qu'il aurait sur un lieu donné, étant donné qu'il s'agit d'un système assez révolutionnaire.
Étant donné que vous avez demandé quand tout cela se réalisera, je vais faire un bref historique du projet. Selon le moment choisi comme point de départ, je dirais que ces recherches se poursuivent depuis une dizaine ou une quinzaine d'années.
En 1988, c'est-à-dire il y a pas mal de temps, le ministre de l'Énergie, des mines et des ressources a demandé que l'on examine le système d'élimination dans le cadre du processus fédéral d'évaluation et d'examen en matière d'environnement. En octobre 1989, un groupe d'experts a été formé dans ce but. Au mois de mai de l'année suivante, ce groupe a tenu quelques journées ``portes ouvertes" dans diverses localités du Canada. À la fin de l'été de 1990, il a créé un Groupe d'examen scientifique chargé d'en faire une évaluation scientifique. À la fin de l'automne, le groupe d'experts a tenu des réunions d'établissement de la portée des incidences dans 14 localités des cinq provinces concernées, pour voir ce qu'il fallait prévoir dans les lignes directrices en vue de la préparation de l'énoncé sur les incidences environnementales. Vers le milieu de 1991, c'est-à-dire sept mois plus tard, le groupe d'experts à publier des lignes directrices provisoires à examiner. En mars 1992, il nous a communiqué les lignes directrices définitives. Deux ans plus tard, nous lui avons présenté l'énoncé en question.
Je peux dire en toute franchise que nous nous ferons un plaisir de réaliser ce projet le plus vite possible. J'estime le processus des évaluations des incidences environnementales important, mais comme vous pouvez le constater, c'est devenu un mécanisme très lourd.
J'ai l'impression que les audiences du Bureau d'évaluation pourraient très bien débuter vers la fin de l'année, bien que l'on ait dit l'autre jour qu'il est possible que ce ne soit pas avant l'année prochaine. Elles dureront pas mal de temps et par conséquent, je ne peux pas vous dire exactement quand le projet sera réalisé.
Si l'on part du principe que le système sera approuvé sans nécessiter trop de travail supplémentaire, je veux dire que la société n'a pas encore annoncé quand on passera à l'étape suivante, celle de la réalisation, qui consiste à choisir un emplacement et à construire l'installation en question. C'est évidemment une autre décision qui ne relève pas entièrement de nous.
L'élimination des déchets de combustible nucléaire irradié est la responsabilité des entreprises de services publics qui utilisent ce combustible. Elles utilisent bien sûr la grosse majorité du combustible nucléaire irradié qui serait ainsi éliminé. Par conséquent, ces entreprises canadiennes et surtout Hydro Ontario, je suppose, auront un rôle très important, voire déterminant, à jouer dans le choix de l'échéance et les moyens utilisés. Ce sont elles qui investissent beaucoup d'argent et ce sont principalement leurs déchets qui seront éliminés une fois que l'installation aura été construite et qu'elle fonctionnera.
C'est une longue réponse, mais c'est une grosse question que vous avez posée.
M. Morrison: Cela ne répond pas à ma question car vous ne m'avez pas donné, ne fusse qu'une vague idée, de la date de réalisation du projet.
Je sais que c'est la responsabilité des entreprises de services publics. L'EACL a toutefois certainement une certaine responsabilité fiduciaire. Si je ne m'abuse, elle a dépensé des fonds fédéraux - de 350 à 400 millions de dollars - pour concevoir cette installation de stockage de déchets à haute activité. Nous devons par conséquent avoir une certaine participation directe et c'est la raison pour laquelle le deuxième volet de ma question porte sur le financement de la construction proprement dite. Qui va payer et qui percevoir les droits d'entreposage éventuels?
M. Morden: Ce sont des questions qui n'ont pas encore été réglées. Je suppose que cela dépend également de l'attitude que le gouvernement fédéral voudra adopter une fois que le projet aura été approuvé et qu'il sera apparemment prêt à être mis en oeuvre.
En ce qui concerne l'EACL, il n'existe aucun lien direct entre le développement d'un projet de recherche et sa commercialisation. Nous avons effectivement engendré un certain nombre d'entreprises liées au projet de moindre envergure que nous avons développé et nous les avons privatisées arrivés à un certain stade. Je ne pense pas qu'il soit possible de ne pas tenir compte des possibilité d'action du gouvernement.
Il a consacré de l'argent à cela de son plein gré et les compagnies d'électricité en ont également fait autant. Ce sont elles qui ont fourni une très grosse partie des quelque 400 millions de dollars que nous avons consacrée à cela.
Hydro Ontario qui possède actuellement la majeure partie du combustible irradié, ne compte pas avoir besoin de ce système de stockage, donc de la réalisation de ce projet, avant l'an 2025 au plus tôt.
M. Morrison: On va donc laisser le combustible entreposé autour des réacteurs, dans des piscines ou à sec, jusqu'en 2025?
M. Morden: C'est Hydro Ontario prévoit pour l'instant.
Le président: Merci, monsieur Morrison. Nous vous donnerons de nouveau la parole au cours de la deuxième période de questions.
Monsieur Hopkins.
M. Hopkins (Renfrew - Nipissing - Pembroke): Ce matin, nous avons appris combien d'argent a été investi dans l'énergie atomique du Canada limitée et combien cela rapportait en partie. Monsieur le président, à une époque où on examine de très près tout ce qui concerne la recherche, j'estime qu'il est important de répéter que depuis 1952, les contribuables canadiens ont investi 4,7 milliards de dollars dans cette société. D'après le rapport d'Ernst & Young, de 1962 à 1992, le secteur nucléaire a ajouté au bas mot 23 milliards au produit intérieur brut de notre pays. C'est donc le revenu sur une période de 30 ans de l'investissement de 4,7 milliards de dollars fait au cours d'une période de 40 ans, c'est-à-dire de 1952 à 1992.
Chaque fois que l'on commence à investir dans la recherche, certains Canadiens pensent que c'est un énorme gouffre financier. Il est donc important de préciser ce que cela rapporte.
D'après Hydro-Ontario, par exemple, l'économie canadienne a économisé environ 17 milliards de dollars rien que sur le change de 1965 à 1989. Je ne crois pas que cela comprend Hydro Nouveau-Brunswick, qui a également réalisé des économies à ce niveau.
Pour des raisons évidentes, le témoin que nous avons entendu ce matin, M. Morden n'a pas parlé du réacteur Maple-X. Je présume que c'est parce qu'il fait l'objet de discussions d'ordre juridique. Je me demande s'il pourrait de toute façon nous en parler. Si la réponse est négative, nous comprendrons. Il importe de comprendre pourquoi le réacteur Maple-X est important, parce que vers l'an 2000 NRU qui est le seul réacteur qui continue à produire des radioisotopes au Canada, arrivera au bout de son cycle de vie et que le réacteur Maple-X servira à produire uniquement des radioisotopes. Ce ne sera pas un réacteur de recherche.
Pour vous donner une idée de l'importance nationale de la question - et c'est pourquoi je l'aborde - , je vous signale que la Commission de contrôle de l'énergie atomique a accordé jusqu'à présent 2 253 permis commerciaux et industriels à des entreprises ou à des organisations canadiennes, notamment à 690 établissements médicaux et à 514 organismes gouvernementaux. En outre, 286 permis d'achat de radioisotopes ont été accordés à des établissements d'enseignement, à des universités. Il existe au total 3 743 permis de ce genre au Canada.
Si vous voulez une ventilation, cela fait 1 541 pour l'Ontario, 887 pour le Québec, 447 pour l'Alberta, 373 pour la Colombie-Britannique, 110 pour le Manitoba, 107 pour la Saskatchewan, et 105 pour la Nouvelle-Écosse, 95 pour le Nouveau-Brunswick, 47 pour Terre-Neuve, 12 pour l'Île-du-Prince-Edouard, 11 pour les Territoires du Nord-Ouest et 8 pour le Yukon. Il y en a donc dans tout le pays.
Il est très important de poursuivre cette production, sans compter que nous produisons de 88 à 90 p. 100 de l'approvisionnement mondial en radioisotopes.
Je me demande si M. Morden pourrait nous dire quelles sont les perspectives d'avenir en ce qui concerne ce marché extérieur important et quelles garanties on offrira aux établissements médicaux et autres organismes qui auront besoin de ce produit au cours des années à venir.
M. Morden: Je dirais d'abord que, comme l'a signalé M. Hopkins au cours de son exposé, il y a encore des discussions animées qui sont en cours entre les parties et que celles-ci ne se sont pas encore mises d'accord sur la façon de s'y prendre. Par conséquent, je ferai preuve d'une certaine circonspection. Je vais toutefois vous révéler le plus possible sur la situation actuelle. Je vais commencer par vous faire un bref historique.
L'AECL a un très long passé et une très longue tradition dans le domaine de la recherche liée à la médecine nucléaire ainsi que dans les autres domaines dont M. Hopkins vient de parler. Vers la fin de la dernière décennie, on a toutefois décidé qu'il fallait privatiser la Société radiochimique, qui faisait partie de l'AECL et qui s'occupait d'isotopes et de diverses autres choses. On désirait vivement la privatiser, et le plus vite possible.
Étant donné que je suis en quelque sorte arrivé en scène au milieu du deuxième acte, je dois dire que, du point de vue strict des intérêts d'AECL, c'était une très bonne décision. La Société radiochimique subissait des pertes considérables.
Malgré la privatisation de la société, nous avons continué à avoir la responsabilité de fournir l'isotope de molybdène 99 à la nouvelle société privée, qui s'appelle Nordion, pour lui permettre de continuer à approvisionner sa clientèle. Cette obligation a entraîné pour nous des pertes énormes.
Divers événements se sont produits, notamment la fermeture du plus vieux réacteur de recherche situé à Chalk River, le NRX, ce qui nous a fait comprendre il y a environ un an que notre société ne pouvait pas poursuivre ses activités et prendre ces risques en maintenant sa structure. Cette situation a été à l'origine de recours à l'arbitrage et de poursuites devant les tribunaux, ce qui nous a amenés aux discussions en présence d'un animateur.
Les poursuites en justice ont été suspendues pour la durée des discussions. Celles-ci se déroulent assez bien et dans un climat très constructif, à mon avis.
Nous sommes parvenus à nous entendre dans une très grande mesure avec un nouveau propriétaire de Nordion, MDS Health, en ce qui concerne les grandes lignes, les grands principes. Il ne reste plus qu'à régler certaines questions de détail. Il reste à s'entendre sur les sommes et les moyens nécessaires pour réaliser le réacteur Maple-X10 que nous appelons tous le Maple-1 - car nous sommes tous des optimistes - , en prévision d'un éventuel Maple-2, sait-on jamais?
La discussion entre le gouvernement et le propriétaire de Nordion, MDS Health, se poursuit, sous la direction d'animateurs, mais nous n'y participons pas directement. Je crois que tout le monde espère que ce soit une réussite. En attendant, nous continuons à faire tout notre possible pour assurer un approvisionnement continu et régulier d'isotope à la Société Nordion.
Cela nous coûte cher car comme vous l'avez signalé, M. Hopkins, le réacteur NRU est pas mal vieux et ce qui est vieux tend à nécessiter davantage d'entretien et de réparations, ce qui coûte toujours de l'argent. Malgré tout, nous continuons à fournir les isotopes et nous faisons d'énormes efforts pour maintenir la position du Canada, qui est axée principalement sur l'exportation et qui, comme vous l'avez signalé, est le fournisseur de la très grosse majorité des isotopes utilisés dans le monde entier.
C'est à peu près tout ce que je peux vous dire. Voilà où nous en sommes pour le moment.
M. Hopkins: Ce matin, on a dit qu'il fallait une certaine infrastructure et une technologie de pointe si l'on voulait maintenir et accroître la stabilité de notre réputation et de notre position économique, à l'échelle mondiale. De nos jours on parle beaucoup d'infrastructure. Le terme couvre toute une série de domaines. Par contre, c'est la technologie de pointe qui est l'élément le plus coûteux et celui dont nous aurons besoin si nous voulons maintenir notre réputation sur le marché mondial dans ce domaine en particulier.
Que dire au sujet du remplacement du réacteur NRU? Je sais que l'on en a beaucoup discuté. C'est une éventualité à court terme simplement, on parle de le remplacer d'ici cinq ans. Nous arrivons à un stade où il pourrait y avoir un décalage entre l'élimination graduelle du NRU et l'entrée en service d'une nouvelle génération de réacteurs. Où en est actuellement le projet de construction d'un nouveau centre de recherche intégré? Les discussions se poursuivent-elles? Les travaux de conception sont-ils terminés? Savez-vous quel genre d'installations vous voulez établir? Dans l'affirmative, quand sera-t-on confronté à la réalité financière?
M. Morden: Depuis quelques semaines et quelques mois, nous sommes en discussion avec toutes sortes de de gens: le gouvernement fédéral, plusieurs gouvernements provinciaux, les milieux universitaires. Par conséquent, les discussions sont en cours.
En ce qui concerne la conception et la technologie, par exemple, il s'agira de celle dite du Maple, c'est-à-dire du Maple-X ou Maple-1. C'est la technologie actuellement appliquée en ce qui concerne le réacteur de recherche HANARO, situé en Corée, dont j'ai déjà parlé. C'est la technologie qui serait utilisée.
Pour ce qui est du design, nous n'avons pas encore prix de décision définitive parce qu'il faut savoir quel type d'installation la clientèle veut pour faire de la recherche et des expériences, par exemple. S'il s'agissait d'une simple machine de l'EACL, la question serait peut-être déjà réglée, mais nous avons parlé de la perspective de remplacer le NRU et d'établir un nouveau réacteur de recherche qui soit en quelque sorte un instrument national. Cela signifie que nous avons largement consulté les universités ainsi que d'autres organismes de recherche de toutes les régions du pays pour essayer de construire le meilleur outil possible, celui que tout le monde souhaiterait avoir au lieu de se contenter d'un type de machine raisonnable que l'on pourrait construire à un coût abordable, ainsi que pour voir si les gens seraient prêts à participer au financement.
En retour, nous sommes disposés à partager la gestion du temps d'utilisation des réacteurs avec des gens qui deviendraient nos partenaires dans le cadre d'un projet scientifique national, si l'on veut.
Nous partageons certes vos préoccupations au sujet de l'âge du NRU. Nous avons fixé l'échéance théorique à l'an 2000. Passé cette date, nous ne pouvons pas avoir autant de garanties qu'à l'heure actuelle que le réacteur continuera à fonctionner. C'est pourquoi nous mobilisons nos efforts pour concrétiser le projet. Par ailleurs, nous avons examiné également la question budgétaire pour essayer de répondre aux desiderata des chercheurs de la façon la plus efficace et la moins coûteuse possible. Voilà où nous en sommes en fait.
Le président: Bien. Une autre question?
M. Hopkins: Je ne sais laquelle choisir, monsieur le président.
M. Thalheimer (Timmins - Chapleau): Choisissez celle-là.
M. Hopkins: Je crois que c'est M. Morrison qui vous avait posé la question. La vente des réacteurs à la Chine pose-t-elle des problèmes? Le processus suit-il son cours normal? Pensez-vous que cette vente causera des difficultés dans l'immédiat ou à long terme? Pensez-vous qu'elle se réalisera? Comme vous le savez, il y a eu des commentaires négatifs à ce sujet dans les médias.
M. Morden: J'ai fait des déclarations publiques à ce sujet à la suite des divers commentaires qui ont été faits dans les médias. Les instruments de base qui nous ont permis de pénétrer le marché chinois sont en place. En effet, le Canada exige toujours la conclusion d'une entente de coopération dans le domaine nucléaire. C'est chose faite et le gouvernement s'est assuré qu'elle contient les autres exigences canadiennes officielles qui viennent s'ajouter à celles de la participation de la Chine au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Nous avons donc cette protection qui réfute évidemment une des critiques qui ont été faites.
Sur le plan purement financier, je dois dire, à la lumière de l'expérience accumulée pendant plus de 20 ans dans le commerce extérieur et d'après les antécédents, la Chine est un pays qui paye toujours ses dettes quand il décide de faire quelque chose et signe un contrat. Franchement, nous n'avons aucune inquiétude à ce sujet.
En ce qui concerne les discussions, comme je l'ai dit il y a quelques instants, je ne pense pas que l'on se heurte à des difficultés particulières. En fin de compte, comme dans tout contrat commercial, pour que la transaction se fasse, il faudra que le prix et le coût qui sont acceptables à la Chine nous laissent des marges bénéficiaires raisonnables, à nous et aux autres fournisseurs canadiens. Pour l'instant, je n'ai pas lieu de croire que l'on n'y arrivera pas.
Bien des gens qui ont fait des affaires avec la Chine s'empressent de dire ceci: «Si vous voulez vous lancer sur le marché chinois, j'espère que vous avez de la patience, car cela peut durer longtemps. C'est ce qui nous est arrivé». J'ai toutefois toujours remarqué que les gens qui font de telles affirmations trouvent également qu'il est très difficile de gagner de l'argent en Chine, mais qu'aucun n'a jamais dit qu'il avait fermé son bureau à Beijing. Il faut peut-être de la patience et il est peut-être difficile de gagner de l'argent, mais ils continuent à essayer.
En ce qui concerne la rapidité d'exécution, je reconnais que dans certains cas les négociations avec les Chinois ont duré très longtemps. Par contre, je tiens à signaler que, dans ce cas-ci, les besoins en électricité de la Chine pour les 20 prochaines années seront littéralement énormes. Je crois avoir signalé l'automne dernier, quand c'était un sujet d'actualité, que rien que pour rattraper son retard, elle devrait installer chaque année, pour les dix prochaines années à venir au moins, une nouvelle capacité correspondant à la capacité totale installée de la province de l'Ontario, qui comme vous le savez, est très considérable.
Au cours du voyage que j'ai fait en Chine à la fin de janvier, la dernière réunion que j'ai eue à été une réunion avec les vice-premiers ministres. Je dois dire qu'après m'avoir dit qu'il fallait qu'ils puissent faire la transaction la moins coûteuse possible, la conversation a été en majeure partie consacrée aux délais dans lesquels nous pourrions livrer la marchandise au cas où le marché serait conclu, parce que les besoins en énergie sont vraiment énormes.
Comme je l'ai signalé, nous aurons cette semaine la visite d'un groupe de représentants chinois, pour passer à la prochaine étape de discussions plus précises et nous nous dépêchons le plus possible. En raison de l'ampleur des besoins, il y a de bonnes chances que cela se fasse au cours des prochains mois.
Le président: Monsieur Morrison, s'il vous plaît.
M. Morrison: Monsieur Morden, je change de vitesse parce que le temps commence à manquer et je passe à un sujet complètement différent. Pourriez-vous me dire au pied levé, combien l'on consacre chaque année à la recherche sur la fusion au Canada.
M. Morden: La contribution du gouvernement fédéral dépasse légèrement 8 millions de dollars, si je ne me trompe.
M. Morrison: Je vois. Y a-t-il d'autres institutions que les universités qui financent ce type de recherche, ou est-ce que cela s'arrête là, en gros?
M. Morden: Je crois que de petites sommes d'argent viennent d'ailleurs, mais je ne sais pas d'où au juste. M. Hancox le sait peut-être. C'est toutefois le gouvernement fédéral qui assure la majeure partie du financement.
M. William Hancox (vice-président, Développement stratégique, Énergie atomique du Canada limitée): Le gouvernement de l'Ontario, par le truchement d'Hydro-Ontario et le gouvernement du Québec, par l'intermédiaire des services de recherche d'Hydro-Québec, versent une contribution proportionnelle à la participation fédérale.
M. Morrison: Je vois. Par conséquent, cela se chiffre à environ 16 millions de dollars par an au total.
M. Hancox: Ou plutôt trois fois...
M. Morrison: Oh, leur contribution est équivalente à la totalité du montant?
M. Morden: Oui. Je m'excuse.
M. Hancox: Cela fait une contribution de l'ordre de 26 millions de dollars.
M. Morrison: Bon. Ma question suivante porte également sur la fusion. Où en est le Canada en ce qui concerne l'offre de construire ici le réacteur thermonucléaire expérimental international? Où en est-on à ce sujet?
M. Morden: Monsieur Morrison, vous feriez mieux de poser la question à Hydro-Ontario, qui est le principal intéressé. Vous savez sans doute que nous sommes en quelque sorte des gestionnaires du programme, à cause de la contribution fédérale et que nous servons seulement d'intermédiaires pour l'argent destiné aux deux centres de recherche situés l'un au Québec, et l'autre en Ontario.
En ce qui nous concerne, la recherche sur la fusion est évidemment un but scientifique à long terme. J'ai essayé de vous expliquer quelles sont nos priorités en matière de recherche. Je vous avoue franchement que nous ne sommes pas directement impliqués dans ce cas-là et je suis incapable de vous dire exactement où l'on en est.
M. Morrison: Bien. Si le projet aboutit, quels seront les risques financiers pour l'EACL? Savez-vous combien cela pourrait coûter en gros au Canada si l'on construit cette installation à Darlington ou ailleurs, même si je comprends bien que vous ne pouvez pas parler au nom des promoteurs du projet. Combien cela va-t-il coûter à EACL par an et pendant combien de temps? Combien cela va-t-il coûter à tous les participants canadiens et pendant combien de temps? Avez-vous une idée?
M. Morden: En toute franchise, si cela devait arriver, je suppose que la situation serait différente. Dans ce cas, si quelqu'un me soumettait une proposition qui impliquerait la divulgation du bilan de l'entreprise, évidemment, à ce moment-là, je l'examinerais. À l'heure actuelle, je n'ai pas l'intention de divulguer les bilans de l'entreprise correspondant à ce projet.
M. Morrison: Vous ne soutenez donc pas activement cette proposition et ce n'est pas une priorité pour EACL de faire en sorte que le projet ITER soit confié au Canada? Vous ne vous intéressez pas à cela?
M. Morgan: Pourrais-je exprimer cela un peu différemment? Je serais très heureux si nous étions chargés de ce qui se présente comme un projet d'envergure très intéressant et axé sur les perspectives d'avenir sur le plan scientifique, je serais très heureux si le Canada en héritait. Je dis cela de façon générale et j'exprimerais mon appui si l'on me demandait de le faire où que ce soit et à quelque moment que ce soit. Mais à l'heure actuelle, les priorités de l'entreprise qui fait face à de sévères contraintes financières sont celles que j'ai décrites et pour le moment, je n'ai pas l'intention de consacrer quelque part que ce soit de nos revenus à ce projet.
M. Morrison: Alors je vous demande simplement une opinion. Pensez-vous qu'il soit possible d'envisager que le projet soit confié au Canada ou bien est-ce que ce sont seulement des paroles en l'air?
M. Morden: Je crois qu'au tribunal, à un moment donné, un des avocats dit: «Objection, car le témoin est appelé à tirer une conclusion».
En réalité, je ne peux vraiment dire oui ou non. Il s'agit d'un projet de très grande envergure et les sommes d'argent que l'on mentionne sont énormes, ce qui permettrait de conclure que les gens qui participent actuellement au programme et qui ont fourni la majeure partie des fonds jouiront probablement d'un certain avantage lorsque nous nous retrouverons à la case de départ et qu'il s'agira de trouver l'endroit où le projet sera implanté.
Toutefois, comme je l'ai dit dans mon exposé, si l'on prend en compte les fonds de recherche qu'accordent à nos concurrents leurs gouvernements respectifs, en comparaison de ce que nous recevons ici au Canada, nous avons réussi à faire des choses assez appréciables avec beaucoup moins que ceux dont disposaient beaucoup d'autres.
Alors, je ne pense pas que ce ne soit que des paroles en l'air. Nous avons certes l'infrastructure scientifique nécessaire et les capacités de recherche. Les représentants d'Hydro-Ontario, ont, je pense, déclaré qu'ils utiliseraient une partie de leur installation de Darlington, par conséquent, nous avons l'infrastructure adéquate pour entreprendre un tel projet. Nous avons donc des atouts réels pour nous permettre de soumissionner pour ce projet.
La seule chose que je peux dire, je suppose, c'est que comme dans bien d'autres situations, étant donné que nous n'avons pas la même envergure que nos concurrents de bien des façons, et à bien des points de vue, il va falloir travailler plus fort et ceux qui s'occupent de ce projet vont devoir se battre âprement.
M. Morrison: Je veux revenir sur les questions qu'a posées M. Hopkins à propos de la production des radioisotopes. D'après ce que vous savez, est-ce que Nordion International Inc. cherche toujours activement une autre source d'isotopes aux États-Unis. Si ces efforts aboutissent, quelles vont être les conséquences non seulement en ce qui a trait au projet Maple-X mais également, en général, aux activités des laboratoires de Chalk River? S'ils peuvent remplacer la capacité d'isotopes que nous leur procurons en s'approvisionnant à une source américaine à laquelle ils font davantage confiance, cela va-t-il avoir des conséquences sérieuses?
M. Morden: Je ne sais pas exactement ce que fait Nordion. Ils recherchent sans doute ce qui est dans leur meilleur intérêt. Je présume - et ce n'est rien de plus qu'une hypothèse - que si j'étais à la tête de Nordion et si la situation était aussi incertaine qu'elle l'est actuellement au Canada, je chercherais des moyens de protéger mon entreprise à l'avenir.
Je l'ai dit lorsque j'ai décrit où en sont les pourparlers, à mon avis, toutes les parties prenantes espèrent que l'on en arrivera à une conclusion et que l'on pourra savoir si cette initiative d'envergure va être confiée au Canada et lui permettre d'assurer sa place sur le marché ou si, malheureusement, il n'est pas possible de parvenir à un accord, auquel cas Nordion devra prendre ses propres décisions.
M. Morrison: Mais, monsieur Morden, la deuxième partie de ma question est la suivante: Quelles vont être les conséquences pour nous? Je crois comprendre qu'une très grande partie des dépenses d'exploitation du réacteur NRU est couverte par la production d'isotopes. Si je me trompe, dites-le moi.
M. Morden: Environ un tiers.
M. Morrison: Alors, une autre question se pose, où en est le projet Maple-X10. La dernière fois que je me suis informé, ce projet était complètement arrêté. Est-ce qu'il y a toujours le feu vert? Est-ce qu'il a été mis en réserve? Qu'est-ce qui se passe?
M. Morden: Environ un tiers des dépenses d'exploitation liées au réacteur NRU est couvert par les revenus - provenant des isotopes. Quant au projet Maple-X10, c'est vrai, il est arrêté, mais la majeure partie du matériel est là et, bien entendu, la carcasse est prête à recevoir l'équipement d'importance cruciale qui doit être installé. Si le projet était repris, il faudrait environ trois ans pour le mener à bien.
M. Thalheimer: Pour en revenir à cette question de déchets, j'aimerais avoir une idée... et nous pourrions voir quelle est l'envergure du problème par rapport à celui que nous posent les ordures.
J'ai également été surpris de vous entendre dire à M. Morrison que c'est au producteur que se posait le problème. Étant que c'est EACL qui a mis en valeur cette technologie, il me semble qu'à ce titre, elle devrait se charger de se débarrasser des barres de combustible irradiées. Vous avez bien dit que c'était la responsabilité des producteurs? Vous vendez ces réacteurs et vous vous fichez complètement de savoir où le combustible irradié va atterrir. Est-ce une bonne façon de voir les choses?
M. Morden: Non.
M. Thalheimer: J'espère que non. C'est, comme vous l'avez dit, la responsabilité du producteur. Si vous me vendez une usine, vous dites, eh bien, trouvez-vous vous-même un moyen de disposer de vos déchets.
M. Morden: Permettez-moi d'essayer de répondre à vos deux dernières questions. D'abord, quelle est l'envergure du problème. Cela tombe encore une fois dans la catégorie des questions que je suis heureux que vous me posiez car il me semble que l'envergure du problème a fait l'objet de discussions quelque peu enflammées et c'est peut-être aussi bien d'essayer de vous expliquer ce qui se passe.
La combustion de carburant dans les réacteurs CANDU du Canada a généré un peu plus de 1,5 million de barres et de faisceaux de combustible irradiés. Qu'est-ce que cela signifie? Permettez-moi de faire une référence directe à quelque chose que l'on retrouve très souvent le soir sur nos écrans de télévision, je veux parler des éliminatoires de la coupe Stanley. La masse et le volume dont nous parlons occuperaient un espace un plus grand qu'une patinoire de hockey, remplie du niveau de la glace jusqu'à environ le haut des palissades. Je peux donc dire que le problème ne se présente pas comme si nous avions des quantités de combustible nucléaire irradié dispersées ici et là. De fait, il s'agit d'un volume quantifiable et plutôt limité de matériaux.
Quant à votre deuxième question, monsieur, elle est également très intéressante. Je pense qu'avec le temps, les vendeurs de produits nucléaires qui se feront concurrence, comme c'est notre cas, en partie parce qu'ils voudront se montrer responsables et en partie pour mieux commercialiser leurs produits, voudront être en mesure de dire à un acheteur potentiel que, s'il achète nos machines, nous nous rendrons sur place, nous nous chargerons de l'installation et nous formerons le personnel nécessaire. Si des problèmes surgissent, comme cela sera inévitablement le cas au cours de la trentaine ou de la quarantaine d'années de vie de la machine, nous n'hésiterons pas à nous déplacer pour les aider à les résoudre, et au bout du compte, nous trouverons un moyen de nous débarrasser du combustible.
À part les technologies de stockage que nous avons mis au point et que, de fait, nous avons vendues à divers endroits pour entreposer le combustible à sec, une fois sorti des piscines, il n'y a pas eu... Lorsque nous avons vendu les machines, l'acheteur savait pertinemment que l'une des conditions du contrat était qu'il acceptait la responsabilité d'entreposer le combustible irradié. Jusqu'à maintenant, cela a fait partie des modalités contractuelles.
Parallèlement, nous avons parlé ce matin des recherches qui ont été faites afin de trouver un moyen d'entreposer notre combustible irradié de façon plus permanente dans le Bouclier canadien, qui se révèle certainement idéal à cette fin pour ce qui est du Canada. D'autres pays, notamment certains où l'on retrouve le même type de formation géologique, comme la Russie et la Suède, ont entrepris des recherches similaires.
L'avenir reste l'avenir. Le processus qui est en marche à l'heure actuelle nous a certainement permis de faire avancer nos travaux concernant le stockage permanent des déchets. Si la proposition à laquelle nous sommes arrivés est approuvée, nous envisageons qu'au cours du premier quart du prochain siècle il soit possible qu'on y ait recours, en tout cas, ici au Canada.
M. Thalheimer: C'est comme si vous disiez que le fabricant d'automobiles n'est pas responsable des émissions, mais que les gouvernements l'ont rendu responsable. C'est quelque chose qui finit par préoccuper le grand public car si ces déchets sont tout simplement enfouis ici et là ou s'il y a des risques de fuites parce qu'ils ne sont pas entreposés correctement, c'est moi et mes voisins qui vont en faire les frais. C'est sûrement la responsabilité de EACL de s'assurer que ces trucs là sont éventuellement entreposés correctement.
M. Morden: Je dois dire qu'à mon avis, les services publics qui ont utilisé la technologie CANDU au Canada ont trouvé, en incorporant cela au prix de leur produit, divers moyens de financer l'entreposage en surface de leur combustible irradié et qu'il a été démontré que cela respectait les règles de la sécurité. Je ne pense pas avoir entendu qui que ce soit dire qu'Ontario Hydro ni Énergie Nouveau-Brunswick ou Hydro-Québec ont agi de façon irresponsable en ce domaine et je crois donc que l'on s'est fort préoccupé de la question. À condition que le même genre de pressions s'exercent, je pense également qu'aucun de nos clients étrangers ne va agir de façon irresponsable en ce qui concerne l'entreposage du combustible irradié qui sort des réacteurs que nous leur vendons.
Juste pour vous donner quelques renseignements supplémentaires, j'ai mentionné le fait que, selon toute probabilité, les unités que nous espérons vendre à la Corée à l'avenir seront des CANDU plus grands que ceux que nous fabriquons actuellement. Cela est en grande partie dû au fait que le gouvernement coréen tient compte de l'opinion exprimée par la population qui a fait valoir que le pays est petit et qu'il n'y a pas beaucoup de terrain et que par conséquent, les sites de génération nucléaire devraient être utilisés au maximum afin que les réacteurs ne soient pas disséminés ici et là dans tout le pays. Je ne sais pas si cela se fonde sur une intuition ou sur des faits, mais le gouvernement coréen ainsi que le service public concerné nous disent qu'ils veulent maximiser la production énergétique sur les sites existants. Par conséquent, ils nous encouragent beaucoup à leur présenter un plus grand CANDU qui leur donnera plus d'électricité par unité.
C'est le même genre de réaction. Je pense que des pays comme celui-là tiennent compte de l'opinion publique et que cela se reflète également dans les dispositions qu'ils prennent en ce qui concerne leur combustible irradié.
M. Thalheimer: Il y a trois ou quatre ans, pendant la révolution, j'ai lu des histoires horribles sur la Roumanie. Il semble que l'on était en train d'installer un réacteur CANDU là-bas et les histoires que j'ai lues étaient tout simplement épouvantables. Est-ce que l'on a rectifié le problème et qui paie la facture? J'ai lu qu'ils avaient fait appel à des ingénieurs non qualifiés et que tout était fait à l'envers.
M. Morden: Pour répondre brièvement à votre question, oui, le problème a été rectifié. C'est un projet que l'on a lancé il y a longtemps, en 1979, et qui s'est déroulé depuis par bonds successifs. Je peux vous dire ce matin que les problèmes ont été rectifiés mais, environ à l'époque de la révolution et au cours de la période qui a suivi, nous avons dû abandonner le projet pendant un certain nombre d'années pour des raisons que ne pourrait donner que M. Ceausescu. Mais à la fin des années quatre-vingt, les Roumains ont pris contact avec nous pour nous demander d'essayer de restructurer et de ressusciter nos relations de travail.
Depuis le début des années quatre-vingt-dix, nous travaillons en Roumanie de concert avec une très importante firme italienne qui se charge des travaux de génile civil et contrôle la construction civile. Le coût de toutes les réparations qui doivent être faites avant de passer aux travaux qui nous permettront de terminer le réacteur lui-même est inclus dans le contrat commercial que nous avons passé avec les Roumains quand ils se sont adressés à nous.
Il s'agit d'un îlot nucléaire qui peut comprendre cinq unités et nous sommes actuellement en train de terminer la première. Le réacteur est terminé à 96 ou 97 p. 100 et, si nous obtenons les autorisations appropriées de la part des autorités roumaines chargées de la réglementation, nous espérons mettre en service et amener le réacteur au point de criticité au cours de l'été, si bien qu'il pourra faire partie de la grille roumaine et être pleinement opérationnelle en toute sécurité au début de l'année 1996.
[Français]
M. Canuel: À l'aube de l'an 2000, il me semble que dans la recherche nucléaire, on n'a pas assez mis l'accent sur le domaine médical, même si, depuis une dizaine d'années, cela bouge un petit peu, même très peu. Est-ce que cela ne devrait pas être l'une de vos priorités?
On a beaucoup parlé du programme CANDU. C'est très beau, mais selon moi, dans le domaine médical, il y a encore énormément de choses à faire. Si ce n'est pas une de vos priorités, je vais comprendre. Dans le cas contraire, est-ce l'argent qui vous manque? Comment se fait-il qu'on ne bouge pas assez dans ce domaine? Si vous me dites que vous avez bougé beaucoup, je voudrais que vous m'indiquiez dans quels domaines.
[Traduction]
M. Morben: Dans l'ensemble, vos observations sont tout à fait justes. Certaines des recherches qui sont faites ont trait au domaine médical. Nous avons notamment à Chalk River une unité qui travaille dans le domaine des sciences biologiques. Mais ces activités sont en réalité liées, du moins indirectement, à la sécurité du réacteur lui-même. Pour ce qui est de l'orientation actuelle de l'entreprise, la recherche médicale n'est pas une priorité.
Bien entendu, une partie du mandat de EACL... J'ai parlé dans mon exposé des trois principaux secteurs d'activité et l'un d'entre eux est chargé des recherches fondamentales dans un certain nombre de domaines qui ont lien avec le nucléaire. Cela pourrait, bien entendu, inclure des recherches d'ordre médical.
C'est par le biais de la cobaltotechnologie, des isotopes, etc. que nous avons le plus contribué et nous continuons à le faire.
Et puis, on en vient à la question du financement. Si des fonds nous étaient alloués, à cause du rôle qui a été confié à EACL à titre de laboratoire nucléaire national, si quelqu'un devait nous dire: «Voici telle somme. Nous voulons que vous fassiez des recherches médicales», alors, bien entendu, nous mettrions nos experts au travail et nous en engagerions d'autres. Mais dans le monde d'aujourd'hui, on fait les choses que l'on peut se permettre de faire.
À l'heure actuelle, nous utilisons en priorité la majeure partie de l'argent dont nous disposons pour financer des travaux sur l'évolution et la compétitivité de notre réacteur afin qu'il demeure à la fine pointe de la technologie en matière de génération d'énergie nucléaire. À court terme, comme je l'ai dit, nous visons surtout le marché de l'exportation mais, à moyen terme, nous voulons nous assurer de pouvoir compter, ici, au Canada, sur une très bonne technologie de génération d'énergie lorsque la demande augmentera, c'est-à-dire probablement dans 7, 8 ou 10 ans.
[Français]
M. Canuel: Quel pourcentage de votre budget consacrez-vous à la recherche médicale?
[Traduction]
M. Hancox: Parmi les chiffres qui ont été cités plus tôt, on a dit que 52 millions de dollars étaient consacrés aux travaux dans le domaine des sciences nucléaires. Là-dessus, environ 3 millions de dollars sont affectés aux recherches portant principalement sur les effets biologiques des radiations. Ce n'est peut-être donc pas le genre de recherche médicale dont vous voulez parler, mais plutôt des travaux sur l'effet des radiations.
De fait, EACL n'a pas, du moins autant que je puisse m'en souvenir, effectué de recherche médicale du type dont vous voulez parler. Bien entendu, nous avons examiné la question de l'application des isotopes aux procédures permettant d'établir un diagnostic, et ce genre de choses, mais n'avons jamais fait de recherche médicale proprement dite. Cela a toujours été un domaine auquel d'autres se sont intéressés.
[Français]
M. Canuel: Je vous remercie, mais je déplore énormément que, sur l'ensemble, ce ne soit que 3 millions de dollars. C'est presque rien. Je formule le souhait qu'on en fasse une priorité. Je formule également le souhait que le gouvernement puisse y consacrer ce qu'il faut. Pour moi, c'est essentiel.
Existe-t-il un document qui m'indiquerait, en pourcentage, combien d'argent on y consacre au Québec, en Ontario et dans chacune des autres provinces?
J'aimerais obtenir cela le plus rapidement possible. Je vous remercie.
[Traduction]
M. Morden: Je pense pouvoir dire que l'on effectue ce genre de recherche exclusivement à Chalk River.
M. Reed (Halton - Peel): J'aimerais faire quelques observations à propos des déchets à haute radioactivité et poser quelques questions.
Une des observations que je voudrais faire c'est que, probablement, les moyens auxquels on a recours à l'heure actuelle sont, entre autres, à l'origine des préoccupations à ce sujet. Je veux bien admettre que cela ne présente aucun danger et je me rends compte du volume que cela représente, mais nous avons parfois tendance à oublier que si nous voulons pouvoir continuer à entreposer les déchets nucléaires comme nous le faisons actuellement, nous devons pouvoir compter sur la stabilité de la société.
Nous pouvons dire qu'au Canada, personne ne va jeter une grenade dans une piscine, ou 100 grenades, ou la charge qu'il faut pour faire exploser les parois, même si le geste d'un groupe d'extrémistes à Oklahoma City, aux États-Unis, nous a plus que choqués.
Il reste que ceux qui achètent ces réacteurs partout dans le monde sont, comme vous l'avez dit, bien évidemment responsables de l'entreposage et de l'enlèvement de leurs propres déchets. Il me semble que l'on compte sur le fait que leur société va demeurer aussi stable et aussi paisible que la nôtre pendant encore longtemps.
Savoir que l'on garde ces déchets-là en surface et qu'ils sont exposés me préoccupe depuis l'époque où je siégeais au comité de l'énergie hydro-électrique en Ontario. Pour ce qui est de savoir qui paie l'entreposage à long terme des déchets à haute radioactivité, vous avez dit en toute candeur que la question n'avait pas été réglée.
À l'heure actuelle, les services qui fournissent de l'électricité ont tendance à tout prendre en compte pour établir leurs coûts; on chiffre même maintenant les retombées environnementales. C'est en tout cas ce qui se passe en Colombie-Britannique, et les Nations unies ont effectué des recherches approfondies sur l'utilisation de l'énergie dans le monde entier. Certaines choses ont été chiffrées, qu'il s'agisse des émissions de gaz carbonique dans l'atmosphère et de la combustion de charbon ou de souffre, ou encore du réchauffement de l'eau de refroidissement, etc.
Tôt ou tard, il faudra régler la question de savoir qui paie la facture, parce que si vous dites qu'à l'avenir la demande nationale va augmenter, nous pouvons nous attendre à ce qu'il y ait plus de centrales nucléaires au Canada.
Le problème avec l'énergie nucléaire au Canada c'est essentiellement qu'à l'heure actuelle, elle n'est pas concurrentielle. Si l'on ajoute les coûts de l'entreposage de déchets à haute radioactivité - et bien évidemment, c'est le contribuable ou celui qui achète l'électricité qui va finir par payer - comment peut-on même imaginer que l'on va pouvoir construire des centrales nucléaires qui seront concurrentielles? Ce n'est pas le cas de Darlington. En dépit de toute la créativité dont fait preuve Ontario Hydro pour en assurer le financement, c'est loin d'être le cas. La rentabilité de cette centrale est marginale alors que des exploitants privés qui ont recours à d'autres technologie construisent des installations qui produiront de l'énergie pour la moitié du prix et qui dégageront des profits.
C'est la raison pour laquelle je me demande, lorsqu'on parle de l'avenir, si l'on ne bâtit pas des châteaux en Espagne. À moins de résoudre une fois pour toute le problème des déchets et d'incorporer cela dans le coût total de l'énergie électrique, comment peut-on justifier de continuer sur cette lancée?
M. Morden: De fait, Ontario Hydro ne serait peut-être pas du même avis que vous en ce qui concerne la production d'énergie à la centrale de Darlington à des prix compétitifs. Je ne veux pas engager un débat sur cette question avec vous, mais je pense que c'est ce qu'elle dirait.
Ce qui est sûr, c'est que les trois services publics canadiens qui utilisent des réacteurs CANDU ont inclu le prix de l'entreposage et de l'enlèvement des déchets dans le coût de l'électricité et que, dans le cas de l'Ontario, cet argent est versé dans un fonds en fiducie pour considération future. Par conséquent, cela est déjà compris dans la facture d'électricité réglée par le consommateur.
Dans bien des pays que nous... La Corée, par exemple, n'a pas la chance de pouvoir compter sur les mêmes ressources naturelles que celles qui existent ici et qui délimitent les conditions économiques dans lesquelles l'électricité peut être générée ou distribuée en Amérique du Nord. Il y a peu de ressources sur place, comme du charbon ou du gaz et certainement très peu d'énergie hydro-électrique; par conséquent, dans un pays comme cela et d'ailleurs dans de nombreuses régions de la Chine, il est clair que les conditions économiques rendent la production d'énergie nucléaire très compétitive par comparaison avec ce qu'il en coûterait pour générer de l'électricité par d'autres moyens.
Permettez-moi de ne pas être d'accord avec vous, à mon avis, il ne s'agit pas de châteaux en Espagne. Certaines personnes trouvent cette solution tout à fait sensée. Si cela n'était pas le cas, ils rempliraient leur pays de centrales alimentées au gaz ou au charbon ou par des combustibles fossiles. Étant donné le coût initial élevé, les gens ne choisissent pas cette solution sans avoir longuement réfléchi à ce qui peut justifier cette décision.
Par exemple, tout comme tout le monde doit posséder une ligne aérienne, on pourrait dire que tout le monde doit avoir un réacteur. Je ne pense pas que cela soit le cas. Je ne voudrais pas me fonder uniquement sur l'exemple de la Corée, mais il est certain que dans ce cas, le gouvernement, de concert avec le service public intéressé, a longuement réfléchi à la façon dont il souhaite produire l'électricité dont la Corée a besoin, à son avis, pour assurer son développement économique. Et il compte énormément sur l'énergie nucléaire.
Les dirigeants ont également pris une décision qui, selon moi, témoigne de leur clairvoyance mais qui, pour un petit pays, est toutefois très brave: ils ont choisi d'avoir un système nucléaire qui fait appel à deux technologies, c'est-à-dire, pour la production normale un réacteur américain à eau ordinaire et, dans un rôle subsidiaire, le nôtre. Je crois qu'ils pensent à l'avenir et, par exemple, au jour où l'on pourra utiliser le combustible irradié provenant des réacteurs à eau ordinaire pour alimenter, une fois traitée, les réacteurs CANDU, ce qui signifie que pour le même prix, on pourra doubler la production.
Je pense donc que les gens envisagent cette solution très sérieusement; ils sont obligés de le faire à cause des coûts initiaux. Les gens qui ont acheté un réacteur, c'est certainement le cas pour les achats les plus récents, ont examiné les conséquences de leur décision de façon très approfondie.
M. Reed: Je peux fort bien comprendre que certains pays choisissent d'avoir recours, entre autres, à l'énergie nucléaire. La Chine en fait partie. Comme vous l'avez fait remarquer avec raison, la demande supplémentaire d'électricité en Chine augmente actuellement au rythme de 30 000 mégawatts par an, un chiffre si énorme que l'on croit rêver. Ils ont déjà installé dans le pays plus de 100 000 turbines hydrauliques. Naturellement, il existe des endroits où les conditions géographiques, entre autres, ne sont pas favorables et par conséquent, c'est la nécessité qui fait loi et le coût entre probablement moins en ligne de compte dans certains de ces cas-là.
Au Canada, la situation est différente. Il y a 100 000 mégawatts, ou à peu près, d'énergie hydraulique qui n'est pas exploitée; en prenant en compte le projet de La Grande, c'est un peu moins. Avant le grand projet lancé par Québec, cela se chiffrait à 125 000 mégawatts. L'industrie nucléaire va se trouver en concurrence avec nombre de ces installations à l'avenir. À titre de référence, ces renseignements proviennent de la Société canadienne des ingénieurs.
De fait, Ontario Hydro attend peut-être avec impatience l'époque où elle ne produira plus d'électricité mais se contentera de la distribuer et où, par conséquent, elle n'aura plus à tenir compte, à cause des coûts que représent les installations... c'est peut-être la façon dont on raisonne actuellement, je ne sais pas. Mais cela va coûter moins cher à Ontario Hydro d'acheter de l'énergie produite par des entreprises privées.
Bien entendu, au cours de ce débat, on a soulevé la question de savoir si la production d'énergie nucléaire devrait être confiée également à des intérêts privés; Ontario Hydro ainsi que les comités comme celui-ci qui ont été saisis de la question se sont montrés très réticents même à l'idée de prendre cette possibilité en considération. Je ne veux pas être un oiseau de mauvais augure, mais je veux simplement dire les choses telles qu'elles sont.
Je m'intéresse à ce qui se passe à Darlington depuis que le premier dollar a été engagé. J'ai vu comment les dépassements de coûts s'accumulaient et combien d'argent on a versé pour payer de l'intérêt parce que les choses ne fonctionnaient pas à Darlington. Ce genre de mégaprojet n'a plus aucune chance. Il n'y en aura plus au Canada. Ceux qui penseraient en lancer un autre maintenant n'envisagent pas la dépense d'argent de façon rationnelle.
Le président: Je vais vous arrêter là car nous avons déjà dépassé un peu le temps qui nous est alloué et je veux avoir l'occasion de remercier M. Morden et ses collègues de s'être joints à nous cet après-midi.
Je me permets simplement de rappeler à M. Reed que ceux d'entre nous qui venons du nord de l'Ontario et du Québec pouvons avoir un point de vue différent sur l'énergie hydro-électrique et sur les effets que cela peut avoir sur notre environnement et sur nos paysages.
M. Reed: Cela a des avantages pour vous.
Le président: C'est une discussion qui pourra avoir lieu à un autre moment. Je ne l'engagerai pas mais il y en a beaucoup parmi nous qui ont une opinion différente à propos de l'énergie nucléaire par opposition à l'énergie hydro-électrique.
Je tiens à saisir cette occasion de vous remercier de nous avoir présenté un très bon exposé et d'avoir participé à nos débats au cours des deux dernières heures. Il se peut d'ailleurs que nous revenions sur vos activités et sur la question de l'énergie atomique plus tard, après que nous ayons pris connaissance du document sur les perspectives que le ministre a envoyé à tous les bureaux et au ministère. Nous allons examiner cela et je veux donc juste vous dire qu'il est possible que nous vous demandions d'autres renseignements. Naturellement, certains députés en ont aussi demandés et j'espère que cela parviendra bientôt au bureau.
Au nom du comité, merci beaucoup pour votre exposé.
Chers collègues, la séance est levée jusqu'à mardi prochain, date à laquelle le ministre des Ressources naturelles comparaîtra devant nous pour parler du budget des dépenses et, bien entendu, du document sur les perspectives.
La séance est levée.