TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 16 mai 1995
[Traduction]
Le président: Bonjour, chers collègues.
Conformément à l'article 108.(2) du Règlement, le comité entreprend aujourd'hui l'étude du projet de loi C-89, Loi prévoyant la prorogation de la Compagnie des chemins de fer natioaux du Canada sous le régime de la Loi canadienne sur les sociétés par actions ainsi que l'émission et la vente de ces actions au public, également appelée Loi sur la commercialisation du CN.
Le projet de loi C-89 a été déposé à la Chambre des communes le 5 mai courant par le ministre des Transports, l'honorable Doug Young, et renvoyé au Comité permanent des transports hier après-midi.
Comme vous le savez tous, chers collègues, ce projet de loi vise à établir le cadre et les conditions fondamentales dans lesquels les actions du CN pourront être émises et vendues au secteur privé. Après avoir jeté un coup d'oeil sur le cahier d'information que nous a fourni le cabinet du ministre, je suis sûr que vous êtes tous conscients de la portée et de l'importance de ce projet de loi, qui prévoit la plus importante émission publique initiale de l'histoire de notre pays.
Je voudrais tout d'abord vous présenter Michael Clegg, un autre visage souriant qui se trouve à mes côtés. Michael est conseiller législatif et il va nous aider à saisir l'interprétation juridique, au besoin, des dispositions du projet de loi.
Nous venons également d'apprendre que le ministre a bien malgré lui été retardé de quelques minutes. Il doit assister à une brève réunion du Cabinet. Nous allons faire une pause pendant deux ou trois minutes en attendant qu'il arrive, après quoi nous commencerons nos délibérations.
Si vous êtes d'accord, nous accorderons cinq minutes au ministre.
M. Althouse (Mackenzie): Existe-t-il pour l'étude des projets de loi une procédure précise permettant d'éviter la deuxième lecture? Si je ne m'abuse, cette procédure visait, au départ, à pratiquement rédiger une nouvelle version du projet de loi - recueillir les idées, en discuter et proposer ensuite un texte de loi. Est-ce de cette façon que votre comité compte procéder?
Le président: Non.
M. Althouse : Ou est-ce simplement une façon accélérée de faire adopter le projet de loi à la Chambre?
M. Fontana (London-Est): Les deux.
Le président: Oui, c'est un peu des deux. Nous nous efforçons d'appliquer la nouvelle procédure adoptée à la Chambre lorsque nous sommes arrivés au pouvoir. En fait, nous l'avons déjà appliquée.
Notre comité était le premier à appliquer cette nouvelle procédure lors de l'étude d'un projet de loi antérieur. Cela a donné d'assez bons résultats, car, en fait, nous n'avons coupé court à aucune discussion. Cela nous a permis de demander l'avis de tous les membres du comité sur les articles proprement dits du projet de loi. Puis nous avons tenu une discussion approfondie après que les propositions ont été faites au comité et nous avons renvoyé le projet de loi à la Chambre.
M. Althouse : Quand en serons-nous à l'étape où l'on peut formuler d'autres idées à l'égard du projet de loi?
Le président: À l'étude article par article du projet de loi. Nous commençons aujourd'hui nos délibérations, Vic, par le témoignage du ministre des Transports, qui répondra à nos questions.
M. Althouse : Il n'y a donc pas d'autres procédures que celle décrite dans le projet de loi? Il n'y a pas d'autres méthodes?
Le président: Je ne comprends pas votre question, je dois bien l'avouer. Qu'entendez-vous par «autres méthodes»? Nous sommes en plein dedans.
M. Althouse : Au départ, lorsqu'on a envisagé d'appliquer cette procédure, d'après le rapport de la Commission McGrath, il s'agissait de retenir une idée qui...
Le président: Eh bien, je ne veux pas me lancer dans une discussion avec vous à ce sujet, Vic. Puisque vous n'êtes pas l'un des membres réguliers du comité, j'en discuterai avec vous après, si vous le souhaitez, mais...
M. Althouse : Je voulais simplement savoir comment vous comptez procéder. Cela va se passer exactement comme dans tous les autres comités, si ce n'est que nous sautons l'étape de la deuxième lecture.
Le président: Parfaitement. C'est la même chose dans les autres comités. En fait, il vous suffira de lire le Hansard si vous voulez voir comment notre comité a procédé lorsqu'il a été saisi pour la première fois d'un ordre de renvoi directement après la première lecture. Cela s'est déjà fait.
Après avoir présenté l'ordre de renvoi et Michael Clegg, qui s'ajoute à notre personnel, mettons-nous sans plus tarder au travail.
Notre invité d'aujourd'hui est le ministre des Transports, l'honorable Douglas Young. Monsieur le ministre, si vous voulez nous distribuer certaines notes au préalable, nous pourrons commencer à vous poser des questions. Vous avez peut-être quelques remarques liminaires à faire avant de passer aux questions. Nous vous en saurions gré.
L'honorable Douglas Young (ministre des Transports): Monsieur le président, j'ai une très brève allocution liminaire, après quoi nous pourrons passer directement aux questions.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir invité à votre Comité aujourd'hui pour discuter du projet de loi C-89. Évidemment, le contenu du projet de loi est basé sur la décision du gouvernement annoncée dans le Budget, à l'effet que nous allions vendre les actifs touchant les activités ferroviaires du Canadien National.
Toute cette démarche entreprise par le gouvernement est basée sur notre engagement en vue d'assurer que, dans la mesure du possible, les activités traditionnelles du gouvernement au niveau des opérations soient transférées au secteur privé.
Dans le projet de loi que vous avez devant vous, nous avons identifié, dans la mesure du possible, les modalités du processus en ce qui a trait à la vente d'actions de la nouvelle compagnie Canadien National.
J'aimerais porter à l'attention des membres du Comité le fait qu'avant notre départ pour les vacances estivales, nous devrions être en mesure de vous fournir la législation complémentaire à ce projet de loi et qui touche la réglementation, en général, du transport au Canada, avec beaucoup d'emphase sur la façon de réglementer les activités ferroviaires. Sans cette législation, il me semble qu'il serait impossible de viser l'objectif que nous avons à coeur, qui est de voir le Canadien Pacifique et le Canadien National, aussi bien que d'autres lignes ferroviaires, fonctionner au Canada de façon viable et efficace.
[Traduction]
Nous comptons beaucoup sur la participation des parties intéressées, et j'espère que nous avons bien fait notre travail de préparation. Nous sommes en tout cas déterminés, dans le cadre de ce processus, à procurer un maximum d'avantages à l'ensemble de notre pays.
J'insiste sur le fait que notre objectif n'est pas de permettre à la Couronne de réaliser des rentrées d'argent fortuites. Nous ne sommes pas assez naïfs pour croire que la vente des biens ferroviaires du CN nous permettra de réduire considérablement la dette publique. Toutefois, nous sommes convaincus que cela nous permettra d'élaborer l'infrastructure de transport nécessaire dans notre pays pour garantir la compétitivité de nos entreprises à mesure que nous desservirons des marchés d'exportation plus concurrentiels que jamais.
Nous pensons également que, à la suite des événements de l'an dernier, où le CN et le CP examinaient un projet de fusion, et de l'offre spontanée faite par la suite par le CP en vue d'acheter les biens du CN dans l'Est du pays, ce qui nous a donné l'occasion de nous déplacer dans de nombreuses régions du pays, où nous avons été sensibilisés aux vives inquiétudes de tous les Canadiens, qui craignent une disparition de la concurrence dans le secteur ferroviaire... J'ai toujours dit carrément ce que j'en pensais; à mon avis, cette concurrence est en grande partie illusoire, car les Canadiens qui demeurent dans l'Est du pays, à l'est de Montréal, savent que le Canadien Pacifique est devenu une compagnie ferroviaire régionale, que l'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve n'ont pratiquement plus de services ferroviaires, et que l'abandon des services a mis le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse dans une situation catastrophique en ce qui a trait à toute concurrence possible.
C'est pourquoi nous estimons que cette démarche aura des résultats positifs pour l'ensemble des Canadiens dans le domaine ferroviaire.
Il va sans dire que nous tenons à ce que la vente de ce bien important soit le plus avantageuse possible pour le gouvernement du Canada. Bon nombre des questions relatives au coût de cette initiative, à la recapitalisation de l'endettement du CN et à la façon dont nous gérerons ce dossier font encore l'objet d'une étude approfondie.
Je peux vous dire tout de suite que nous ne connaissons pas les réponses à toutes ces questions et ne pourrons pas vous les fournir tant que nous ne saurons pas comment le marché intérieur réagit à notre initiative en vue de vendre le CN et comment les marchés américain et international en général réagissent. Nous ne le saurons que lorsque le processus sera déjà très engagé.
Je tiens toutefois à vous donner l'assurance, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, et en l'occurrence aux contribuables canadiens, que ce projet nous tient très à coeur. Toutefois, nous sommes également déterminés à agir de notre mieux, dans l'intérêt supérieur du contribuable et des gens qui comptent sur les services ferroviaires pour réaliser des bénéfices et acheminer leurs marchandises.
Au lieu de m'éterniser, monsieur le président, je pense qu'il vaudrait mieux laisser aux membres du comité un maximum de temps pour poser des questions. J'essaierai de répondre à un maximum d'entre elles, car je suis certain qu'il sera très difficile d'aborder toutes les questions en jeu; il s'agit en effet d'une initiative extrêmement complexe. Si je ne peux répondre à vos questions, nous en prendrons note et nous nous engageons à vous répondre par écrit...
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Chers collègues, nous allons procéder de la façon habituelle. Vous savez que j'aime prendre les choses en main.
Monsieur Mercier, vous avez 10 minutes.
[Français]
M. Mercier (Blainville - Deux-Montagnes): Monsieur le président, comme M. Guimond, d'autres collègues et moi-même l'avons annoncé hier à la Chambre, nous sommes favorables au principe de la prorogation du statut actuel du CN et à sa privatisation. Par contre, il y a deux articles au sujet desquels nous avons des objections. Ce sont les articles 8 et 16.
L'article 8, je vous le rappelle, est celui qui fixe - et c'est une bonne intention - à 15 p. 100 la part des actions avec droit de vote qu'un même acquéreur ou un même groupe d'acquéreurs peut acheter et ceci, pour éviter la main-mise d'un groupe ou d'une personne sur le CN.
Nous nous interrogeons sur le fait que le paragraphe 5
prévoit une dérogation par le biais d'une déclaration solennelle...
Ceci, évidemment, afin de justifier l'élargissement du bassin et la capacité d'achat des acquéreurs possibles.
Il s'agirait, dans ce paragraphe 5, que plusieurs personnes ayant entre elles des liens qui sont définis dans le projet de loi puissent, malgré ces liens, acquérir chacune 15 p. 100 ou moins, même si au total pour le groupe ça dépassait 15 p. 100, et que cette déclaration solennelle soit donc une déclaration par laquelle les acquéreurs du même groupe diraient qu'ils agiront en concertation dans leurs intérêts en ce qui a trait au CN.
C'est là-dessus que nous nous interrogeons. Quelle sera la manière de vérifier si les personnes qui auront signé la déclaration solennelle respecteront leur parole? Or, la procédure prévue est à l'effet que ce seront les administrateurs du CN qui auront à juger s'il en est bien ainsi, si les signataires d'une déclaration solennelle en ont bien respecté les termes.
Il se trouve que les administrateurs auront à porter un jugement défavorable sur les actionnaires qui les auront élus. Ma première question porte sur l'opinion que vous vous faites de cette possibilité pour les actionnaires de porter un jugement sur le fait que des actionnnaires auraient respecté ou non leur engagement.
Deuxièmement, ne croyez-vous pas que, en particulier pour les intérêts étrangers, un tel contrôle sera difficile à exercer?
[Traduction]
Le président: Chers collègues, veuillez excuser mon oubli. J'aurais dû prendre le temps de vous présenter Moya Green, la sous-ministre adjointe.
Veuillez accepter mes excuses, Moya.
M. Young: Monsieur le président, nous nous sommes penchés sur la question que soulève M. Mercier.
C'est la façon normale de résoudre le problème. Il n'est pas inhabituel que des restrictions visant la propriété de certaines sociétés ne soient pas fixées par la loi. Si vous voulez savoir si, à notre avis, ces personnes feront preuve d'honnêteté, nous en sommes convaincus. Il nous sera sans doute possible de le vérifier en imposant des sanctions à ceux qui agiront autrement.
En fait, le député veut savoir comment nous pourrons nous convaincre que tout le monde agit avec honnêteté. Je suppose qu'une fois la société vendue au secteur privé, elle sera assujettie aux lois du Parlement au même titre que les autres lois concernant les activités commerciales, et nous pourrons donc vérifier que les dispositions requises sont prises et qu'il n'y a aucune collusion, car je crois que c'est bien ce qui préoccupe le député. Je suis toutefois disposé à envisager les suggestions du député ou d'autres membres du comité quant à la façon pour nous d'être plus stricts à cet égard, car c'est justement pour cette raison que nous comparaissons devant le comité. Je compte sur lui pour me soumettre des idées.
Nous partons du principe que c'est la façon normale de procéder. Dans la mesure du possible, nous essayons de procéder au transfert du CN au secteur privé comme nous le ferions pour toute autre société, y compris celle à laquelle il fera directement concurrence.
[Français]
M. Mercier: Monsieur le président, je crois bien ce qu'a dit le ministre, mais ma question portait précisément sur ceci: le contrôle du fait que les signataires d'une déclaration solennelle par laquelle ils annonçaient qu'ils ne se concerteraient pas et au prix de laquelle ils obtenaient le droit d'acquérir chacun 15 p. 100, même s'ils étaient dans le même groupe, ce contrôle serait exercé, selon la loi, par les administrateurs du CN et il s'exercerait sur des actionnaires du CN. Alors, n'y-a-t-il pas là une difficulté d'exercer un contrôle sur ceux qu'ils ont élus et cette difficulté n'est-elle pas particulièrement grande en ce qui concerne les sociétés étrangères?
[Traduction]
M. Young: D'après ce que j'ai compris, dans sa première question, le député me demandait s'il existait ou non une protection pour nous garantir contre un problème éventuel. C'est toujours une question très difficile à définir. Je le répète, nous estimons que ces dispositions sont compatibles avec ce qui se fait dans le secteur privé pour un certain nombre de sociétés confrontées au même genre de dilemmes.
Quant à savoir si le conseil d'administration est en conflit d'intérêts lorsqu'il doit vérifier si certaines personnes respectent ou non leurs obligations, je répondrai au député qu'il s'agirait là d'une responsabilité fiduciaire du conseil d'administration.
Une des grandes difficultés auxquelles font maintenant face bien des gestionnaires du secteur privé - c'est un phénomène nord-américain, mais nous le connaissons bien au Canada - c'est la question de la responsabilité fiduciaire des administrateurs, et non seulement son application dans ce cas précis, mais aussi dans d'autres domaines de leurs responsabilités d'administrateurs.
Nous avons des administrateurs qui démissionnent à cause des conséquences que cela peut avoir pour eux personnellement si une compagnie est gérée d'une façon qu'ils croient inacceptable ou si la compagnie accepte des responsabilités financières qui pourraient devenir des engagements éventuels pour les administrateurs.
Puisque tout est très bien décrit dans la loi, puisque les statuts de cette nouvelle société préciseront ce qu'il faut à ce sujet et que les responsabilités fiduciaires des administrateurs sont précisées en vertu du «common law» et de la loi des affaires, nous sommes sûrs que tout ira bien et que c'est suffisant. Cependant, comme je l'ai dit plus tôt, je suis prêt à écouter toute recommandation que l'honorable député, se fondant sur sa propre expérience peut-être, ou sur les propos de ses collègues, pourra nous présenter. La responsabilité fiduciaire des administrateurs est bien précisée, et cela devrait suffire, à mon avis. Enfin, je suis prêt à revoir la chose.
[Français]
M. Mercier: Concernant l'article 6, celui qui vous permet d'acquérir - et vous avez l'intention de le faire - des biens qui ne font pas partie du réseau ferroviaire pour les revendre ensuite, je voudrais savoir dans quelle mesure les intérêts des employés, et notamment ceux d'AMF, sont garantis et dans quelle mesure, avant de vendre ces filiales qui n'appartiennent pas au réseau ferroviaire, vous êtes sûr qu'il n'en résulterait pas des pertes d'emplois, en ce sens qu'en rompant le cordon ombilical avec le CN, il se pourrait que les firmes qui avaient des commandes du CN ne les aient plus.
Est-ce que vous avez songé aussi qu'il pourrait y avoir des acquisitions qui seraient faites par quelqu'un qui voudrait se débarrasser d'un concurrent et qui voudrait l'acheter pour le fermer? Quelles sont les garanties qui sont prises pour empêcher le détriment des travailleurs lors de ces opérations de vente?
M. Young: Pour les employés qui seraient impliqués dans la vente du CN, je crois que vous reconnaissez qu'ils sont transférés avec tous les droits acquis. Pour ceux qui demeurent sous la responsabilité de la couronne, par exemple, les gens qui travaillent dans le secteur immobilier du CN, eux aussi, vont voir se maintenir le statu quo.
Pour ce qui est d'AMF, je crois qu'il faut être très précis. Il y a des négociations en cours à l'heure actuelle entre le CN et une grande compagnie internationale. Franchement, que la compagnie soit vendue ou qu'elle continue d'appartenir au CN, l'avenir des ces installations est précaire. L'avenir des employés d'AMF ne peut pas être garanti, pas plus qu'on a réussi à garantir les emplois des personnes qui étaient au CN depuis les derniers vingt ans, outre les garanties contenues dans les ententes collectives.
Tout le monde reconnaît que le défi sera majeur pour AMF à Montréal et j'espère que ce sera une question académique. Je ne veux pas du tout minimiser l'importance de la question de mon honorable collègue. Nous espérons réussir à conclure une entente de vente pour AMF qui protégera les employés dans la mesure du possible.
Je sais que la compagnie qui considère acquérir des installations d'AMF à Montréal songe à voir s'il peut y avoir des ententes avec les employés. Ça va être très épineux, que le CN maintienne le contrôle d'AMF ou qu'elle soit vendue.
Je crois que toute cette installation est dans une position assez difficile et j'espère qu'on trouvera une solution, mais ce ne sera pas une solution qui sera dictée simplement par le fait que lorsqu'on vendrait les actifs du CN, AMF aussi s'en irait avec le reste des actifs ferroviaires.
Je crois que cela ira beaucoup plus loin. Je sais qu'il y a des pourparlers avec les chefs syndicaux, avec la compagnie qui est intéressée à l'achat et, évidemment, avec les gens du CN.
Au niveau des garanties, je ne voudrais pas laisser croire, d'une manière ou d'une autre, qu'à long terme, il y aurait des garanties pour la survie de cette industrie.
Je crois que ce sera important d'avoir une collaboration très étroite entre les propriétaires et les employés. Il faut se demander quelles sont les possibilités de continuer de fournir des services qui seront nécessaires de la part du CN, mais aussi d'autres compagnies qui voudraient les acheter.
[Traduction]
M. Gouk (Kootenay-Ouest - Revelstoke): Merci, monsieur le président.
Puisqu'il est question de l'article 8, je pourrais peut-être commencer par là, même si ce n'est pas ce que j'avais prévu.
J'ai des réserves au sujet des 15 p. 100, mais elles vont exactement à l'opposé de celles de mon collègue du Bloc. Ce qui m'inquiète - comme je l'ai dit à la Chambre hier - , c'est qu'il y a en gros deux types d'investisseurs. Il y a d'abord ceux qui achètent simplement pour faire des profits sur leur investissement. En un sens, ils ne se préoccupent pas de ce que fait la compagnie, qu'elle s'occupe de transport ferroviaire ou aérien, ou qu'elle fabrique des machins; ils veulent seulement que leur investissement leur rapporte. Et il y a d'autre part les investisseurs qui pensent qu'ils peuvent faire fonctionner la compagnie mieux qu'actuellement, qui apportent des idées nouvelles et des innovations, et qui transforment la compagnie pour qu'elle devienne rentable, augmentant du même coup la valeur de leurs actions. Il me semble très peu probable que quelqu'un veuille faire un investissement majeur dans l'espoir de transformer l'entreprise, si la participation maximum est fixée à 15 p. 100 des actions, c'est-à-dire au septième de l'entreprise.
Pourquoi le gouvernement voudrait-il empêcher arbitrairement que des gens qui connaissent les chemins de fer achètent une bonne portion de la compagnie pour pouvoir l'exploiter avec des idées nouvelles et innovatrices empruntées au secteur privé, plutôt que d'essayer de diviser cela en petits morceaux pour les différents types d'investisseurs?
M. Young: Il y a bien des gens dans les milieux financiers qui seront étonnés d'apprendre qu'il existe deux genres d'investisseurs. Nous pensons qu'il y en a beaucoup plus. Il y a les investisseurs institutionnels, les administrateurs de fonds, les particuliers, les investisseurs étrangers et les investisseurs canadiens. Il y a les gros investisseurs, et il y a les petits. Il y a les gens qui recherchent un investissement à long terme et ceux qui préfèrent le court terme. C'est pour cela qu'il existe un certain nombre de possibilités d'investissement, qui se multiplient à peu près toutes les semaines. Malheureusement, certaines de ces possibilités se sont révélées tout à fait inappropriées pour l'investissement.
Nous avons parlé à diverses personnes au Canada, aux États-Unis, en Europe, en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Grande-Bretagne. Ces gens-là ont beaucoup d'expérience pratique et, dans certains pays, ils ont examiné la question de près, qu'ils aient privatisé, comme en Nouvelle-Zélande, ou non, comme en Australie.
En Nouvelle-Zélande, 35 p. 100 du réseau ferroviaire appartient à Wisconsin Rail. La Nouvelle-Zélande compte moins de trois millions d'habitants, et son réseau ferroviaire est limité. C'est probablement l'exception à la règle, et je pense que personne n'a pris une aussi grande part du marché nulle part ailleurs.
Comme nous tenions à nous assurer que la compagnie resterait aux mains des Canadiens dans la mesure du possible, on nous a dit qu'un des moyens d'avoir une compagnie ouverte sans que cela nous coûte trop cher sur le marché consistait à fixer une limite. Nous aurions pu la fixer à 10, 15 ou 20 p. 100. Le meilleur conseil que nous avons reçu, c'est qu'il serait tout à fait improbable que beaucoup de particuliers ou d'entreprises investissent, de façon prudente et intelligente, plus que l'équivalent de 15 p. 100 de la valeur du CN dans cette affaire. Cela pourrait se discuter. Il pourrait toujours y avoir quelqu'un qui voudrait vraiment être propriétaire de la totalité ou de la majorité des actions d'une société ferroviaire, que ce soit un particulier ou une entreprise.
Mais je pense que cela ne s'est jamais produit. Le CP est un assez bon exemple pour le Canada. C'est une compagnie privée depuis le début, et nous n'avons rien vu de ce genre dans son cas. Au CP, il n'y a aucune restriction au sujet de la propriété des actions, que ce soit pour les étrangers ou relativement à la part des divers actionnaires. Et nous n'avons vu personne se précipiter pour acheter 30, 40 ou 50 p. 100 des actions. Mais nous avons jugé que, plutôt que de prendre ce risque, nous devions fixer une limite. Il est possible que je me trompe et que quelqu'un nous arrive en disant que, dès que nous mettrons les actions sur le marché, il aimerait acquérir 75 ou 45 p. 100 du CN.
Si cela se produit, je vais devoir y repenser, mais personne ne nous a rien dit en ce sens.
Nous craignions beaucoup que la compagnie ne passe à des intérêts étrangers et nous pensions que ce n'était pas le bon signal à donner, surtout sur le marché américain, où il y a beaucoup de gens qui s'y connaissent dans le domaine ferroviaire. Le relèvement de ce secteur aux États-Unis a encouragé beaucoup d'investisseurs américains à s'intéresser de nouveau aux chemins de fer. Donc, c'est un compromis. Je n'ai pas pris cela sur le mont Sinaï; ce n'est pas nécessairement parfait à tous égards, mais en établissant un équilibre entre les intérêts étrangers et les efforts pour assurer une bonne répartition du capital au Canada nous en sommes arrivés à 15 p. 100, en nous fondant sur de nombreux avis. Je suppose que nous pourrions en débattre longtemps.
Une des options que vous devrez peut-être envisager, c'est celle selon laquelle il n'y aurait aucune restriction d'aucune sorte - ce qui devrait probablement faire l'objet d'une discussion - aucune restriction quant à la propriété étrangère, à la répartition des actions de particuliers ou d'entreprises, à la participation canadienne ou internationale... Nous avons bien sûr examiné cette possibilité. Nous ne pensions pas que les Canadiens étaient prêts à cela, parce qu'ils ont encore l'impression que nous devrions avoir un certain contrôle sur cette compagnie. Donc, nous avons essayé de trouver une solution qui ne nous pénaliserait pas sur le marché et qui nous permettrait, du moins nous l'espérons, de rendre très improbable une prise de contrôle par des intérêts étrangers.
M. Gouk: J'ai plutôt tendance à être d'accord avec vous quand vous dites qu'il n'y a probablement personne qui serait prêt à acheter plus de 15 p. 100 des actions, mais, évidemment, vous n'aurez pas d'offre d'achat pour 75 p. 100 des actions si la loi limite la participation à 15 p. 100.
M. Young: Permettez-moi de clarifier quelque chose. Nous voulions également éviter - et je pense que cela rejoint ce que M. Mercier a dit tout à l'heure - que quelqu'un prenne le contrôle de la compagnie en réunissant des blocs d'actions. Nous ne nous inquiétions pas seulement de la possibilité qu'un seul actionnaire détienne plus de 15 p. 100 des actions. Nous avons pensé à la possibilité que trois ou quatre personnes décident par exemple, pour une raison ou pour une autre, que le CN devrait désormais desservir uniquement l'Ouest.
M. Gouk: Premièrement, soit que nous vivons dans un régime de libre entreprise, soit que non, mais ce que vous voulez, c'est la libre entreprise qui aurait les mains liées jusqu'à un certain point. À mon avis, si vous voulez favoriser les intérêts canadiens, la méthode que j'envisage, ce n'est pas d'imposer une limite de 15 p. 100 ou quelque autre restriction de ce genre. Mais si vous tenez à ce que les Canadiens puissent acheter des blocs plus petits avant qu'une grosse entreprise, des États-Unis ou d'ailleurs, n'arrive et ne rafle une grande partie des actions, pourquoi ne pas offrir les actions, dans un premier temps, seulement aux Canadiens et aux entreprises canadiennes - que ce soit pour 30, 60 ou 120 jours, ou quelque autre période que le marché jugerait raisonnable - avant de les offrir sur le marché international? Cela protégerait les intérêts des Canadiens.
M. Young: Puis-je commenter? Je ne pense pas que nous voulions jouer à la roulette canadienne avec cette question non plus. Une des choses que nous essayons de faire, c'est de vendre 100 p. 100 des actions. Vous parlez de la possibilité que quelqu'un rafle tout. Mais croyez-moi, je suis allé à New York et j'ai des collègues qui sont allés à Londres et à Tokyo, et nous avons parlé aux investisseurs et aux gens des banques d'affaires. Nous avons parlé aux gens qui ont eu la responsabilité d'assurer des privatisations majeures, par exemple à ceux qui se sont occupés d'affaires de ce genre au Royaume-Uni à diverses reprises. Il n'y a pas tellement de ces oiseaux rares qui viennent acheter de gros blocs d'actions de ce genre. Ce qu'il faut, c'est établir un climat de confiance. C'est une affaire très risquée.
Il n'y a personne qui fait la queue pour retirer ses économies des caisses populaires, des banques et des obligations d'épargne du Canada dans toute l'Amérique du Nord pour se précipiter sur les actions du CN. C'est une question très complexe, qui va bien au-delà des questions de propriété. Il faut un tout que les investisseurs trouvent attrayant. Si nous mettions les actions en vente sur le marché canadien pour la première tranche, de façon limitée, et que nous attendions de voir comment les choses se passent en attendant de les offrir sur le marché international... Je voudrais parler à beaucoup de spécialistes des banques d'affaires avant de me lancer dans une entreprise de ce genre. Je voudrais bien entendre quelqu'un qui aurait de l'expérience dans le domaine de l'investissement et des finances discuter des répercussions possibles d'une approche de ce genre, quand cette personne comparaîtra devant vous.
M. Gouk: Je vais tenir compte moi aussi des avis de ce genre avant de présenter une recommandation ferme à cet égard. Mais j'ai l'impression que vous voulez protéger le marché et que le marché ne veut justement pas faire ce que vous suggérez.
Passons maintenant à la question de la réduction de la dette, qui est une de mes principales préoccupations dans cette affaire. Est-ce que vous prévoyez ou envisagez une recapitalisation quelconque ou une réduction de la dette, au-delà de la réduction de l'actif du CN avant de mettre ses actions sur le marché?
M. Young: Notre objectif, quand nous mettrons les actions du CN sur le marché, c'est d'avoir une structure de capital qui permettra à la compagnie de faire concurrence au CP et de recueillir le capital nécessaire pour investir.
Tous ceux qui ont examiné la question jugent qu'il faudrait au moins une cote triple-B pour atteindre cet objectif. Pour y arriver, compte tenu des ratios d'endettement, des différents critères qui entreraient en ligne de compte et de ce que les agences de cotation feraient pour en arriver à une cote, il faudrait, en fonction des opérations actuelles du CN, que sa dette tourne autour de 1,5 milliard de dollars, alors qu'elle est actuellement d'environ 2,5 milliards de dollars.
Ce que nous avons dit au CN, c'est qu'il devait vendre si possible ses actifs non ferroviaires. Le processus est déjà amorcé avec la vente de CN Exploration. Il y a aussi l'hôtel Scribe et AMF, dont nous avons parlé tout à l'heure, ainsi qu'une organisation de consultation et de gestion que la compagnie essaie de vendre. J'ai également indiqué que, même si nous allons conserver les bien immobiliers du CN et les traiter séparément, le CN cherche à se défaire de certains de ses intérêts locatifs, qu'il possède dans le cadre de coentreprises et d'associations de divers types. Donc, les efforts visent à la fois à réduire la dette de l'entreprise et à redresser sa situation le plus possible avant la vente.
Cela dit, il ne faut pas se leurrer. Il y aura certainement un déficit entre ce que le CN pourra recueillir grâce à la vente de ses actifs... Je tiens également à souligner que personne n'a donné instruction au CN de liquider ses actifs à tout prix. Nous voulons que toutes ces choses là se vendent à leur juste valeur, et si vous regardez la vente de CN Exploration, vous vous rendrez compte que nous avons extrêmement bien réussi dans ce cas-là. Mais, en dernière analyse, le gouvernement devra décider, quand les actions seront mises sur le marché, que la structure du CN devra être de nature à lui permettre de fonctionner dans le secteur privé et de s'occuper d'investissements de la même façon que le CP, ou à peu près.
Pour ce qui est de ramener la dette à 1,5 milliard de dollars... si vous examinez le véritable potentiel de vente des actifs non ferroviaires, si vous tenez compte d'une évaluation réaliste de la valuer des intérêts immobiliers du CN que le gouvernement conserverait et pour lesquels la compagnie obtiendrait un crédit, il reste encore un déficit, sur lequel je vais devoir me pencher avec le ministre des Finances, qui est avec moi dans toute cette affaire; nous allons devoir déterminer comment régler cela. L'équilibre sera difficile à établir, mais ce que nous avons dit et tenons à répéter, c'est que nous ne voulons rien faire pour donner au CN un avantage sur le CP. Ces deux compagnies appartiendront à des actionnaires, qui en assureront la direction. Il est important qu'elles soient là toutes les deux et qu'elles soient concurrentielles; nous allons donc essayer d'être aussi équitables que possible à cet égard.
Le président: Merci, monsieur le ministre. Je voudrais avoir une petite précision. Je vois que Dennis Apedaile, du CP, est là-bas. C'est un bon ami du comité. Quand nous parlons d'une participation de 15 p. 100 et des préoccupations soulevées par les membres de l'opposition - mais ma question porte peut-être plutôt sur la réglementation et s'adresse davantage à Moya, monsieur le ministre - si l'on en juge par l'expérience passée, et si on craint que quelqu'un n'achète un bloc d'actions, par exemple 80 p. 100, ou même 55 p. 100, ou que cinq compagnies liées au réseau ferroviaire américain se regroupent pour acheter un bloc d'actions pour prendre le contrôle du CN, est-ce que cela ne se serait pas produit dans le cas du CP? Y a-t-il des règlements qui ont empêché ce genre de choses, ou si le champ est libre et si cela aurait pu arriver au CP?
M. Young: Je vais vous répondre très brièvement. Au sujet des 15 p. 100, comme je l'ai dit, nous ne prétendons pas que ce soit absolument parfait. C'est simplement la meilleure solution que nous ayons pu trouver. Je n'insisterai jamais trop là-dessus, monsieur le président. Il existe des mécanismes en vertu du droit de la concurrence, des procédures d'examen d'investissement Canada, etc., mais il faut être très prudent à ce sujet. La principale préoccupation qui a été exprimée l'an dernier, quand il était question d'une fusion entre le CN et le CP et que le CP a présenté son offre pour les éléments d'actif du CN dans l'Est, c'était la disparition de la concurrence. Les Canadiens d'un océan à l'autre étaient vraiment convaincus qu'il fallait s'assurer qu'il y aurait encore de la concurrence, et c'est pour cette raison, encore une fois, et pour certaines autres, que nous pensons que la compagnie doit être ouverte, sur le plan régional...que tout le monde peut acheter, mais qu'il faut une approche nationale dans ce que nous proposons au sujet du CN. Les 15 p. 100 offrent une certaine protection, mais il y a d'autres éléments qui permettraient de garantir...
Le président: Oui. Ma question ne porte pas tellement sur le pourcentage lui-même; c'est plutôt que si l'on se fie à l'expérience passée... Il y aurait déjà eu quelque chose de ce genre dans le cas du CP. Un gros acheteur aurait pu arriver...
M. Gouk: Il n'y a jamais eu 15 p. 100 d'actions ou plus sur le marché, à moins que vous ne songiez à une prise de contrôle hostile.
Le président: C'est de cela que je parle. Et il y a déjà eu dans le passé, si je me souviens bien, des tentatives pour...
M. Gouk: Il y a toute une différence entre une simple acquisition et une prise de contrôle hostile.
Le président: Je comprends la différence, mais...
M. Young: Ne soyons pas hostiles.
Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Monsieur le ministre, vous avez mentionné que le Canada est un exportateur net de céréales et de certaines autres denrées. Dans la circonscription de Dauphin - Swan River que je représente, en particulier, et au Manitoba en général, où nous sommes plutôt éloignés du reste des marchés d'exportation, le transport, et notamment le transport ferroviaire, est essentiel pour permettre aux agriculteurs canadiens d'exporter leurs matières premières. Avec la fin de la concurrence que permettait la LTGO entre les deux grandes sociétés ferroviaires du Canada et les deux réseaux de chemins de fer, ce sera encore plus important que jamais.
J'ai au moins trois questions à poser. La première porte sur la période post-LTN et sur les moyens à prendre pour assurer l'équité. Avec la commercialisation du CN et la déréglementation du secteur du transport ferroviaire, quels sont les mécanismes qui seront mis en place après la période de transition de cinq ans pour veiller à ce que les sociétés ferroviaires traitent de façon équitable les gens qui expédient leurs produits agricoles, et à ce que les tarifs fixés pour le transport des céréales soient justes?
Je peux peut-être poser mes trois questions, après quoi le ministre pourra y répondre.
Au sujet des gains de rendement... Les agriculteurs des Prairies ont travaillé extrêmement fort pour améliorer leur rendement, et l'industrie a essayé de réduire les coûts du réseau de transport et de manutention. Quelles mesures de surveillance prendra-t-on pour s'assurer que les producteurs jouissent des retombées économiques des gains de rendement réalisés dans le réseau par suite de l'abandon de lignes secondaires, pour ne vous donner qu'un exemple?
Les producteurs de ma région me posent des questions au sujet de la répartition des wagons. Les agriculteurs doivent avoir des précisions concrètes sur la façon dont les questions relatives à la répartition des wagons, aux tarifs de fret et aux grèves seront réglées. Ils doivent savoir comment la commercialisation du CN influera sur la répartition des wagons et comment cette question sera résolue.
M. Young: Je répondrai avec plaisir à beaucoup de ces questions au cours des prochains mois. Je pense que nous devons attendre le dépôt du projet de loi qui portera sur l'ensemble du cadre de réglementation du transport ferroviaire, ainsi que des autres moyens de transport. Nous devrions déposer ce projet de loi à la Chambre avant de partir pour l'été, c'est-à-dire d'ici le 23 juin.
Je pense que la grande question... par exemple, la période post-LTN... et il y aura beaucoup de changements apportés à la LTN, et aussi à la réglementation.
Pour ce qui est des gains de rendement et des abandons de lignes secondaires, nous allons sûrement assister à une amélioration de l'efficacité des transports et à une baisse de coût. C'est notre objectif. Quant à savoir comment nous allons y arriver et selon quelles étapes, que ce soit sur cinq ans ou plus, nous allons devoir en discuter lorsque nous examinerons la réglementation.
La vente du CN aurait nécessité de toute façon des changements majeurs dans le cadre de la réglementation, parce que le CP existe depuis des années comme compagnie privée et a été assujetti à toute une réglementation dont une bonne partie nous semble inutile.
Je ne pense pas que nous devions aborder la question du CN sous l'angle de la déréglementation. Il s'agit d'un processus qui visera l'ensemble des sociétés ferroviaires et qui aura des répercussions sur le CP tout autant que sur le CN, que le CN soit vendu ou non.
La seule question à laquelle je peux répondre directement aujourd'hui... et ce n'est pas parce que je ne veux pas, mais parce que nous sommes en train de tenir des consultations sur le projet de loi que nous allons déposer. Mais la vente du CN ne devrait avoir aucune influence sur la répartition des wagons. Ce n'est pas là que cette question va se régler. La répartition des wagons touche tout autant le CP, le CN et les autres propriétaires de wagons. Il devrait en être question, j'espère, dans le projet de loi que nous allons déposer au sujet de la déréglementation.
M. Nault (Kenora - Rainy River): Je voudrais soulever une question dont l'opposition n'a pas parlé du tout, ce qui est assez intéressant. Mais c'est probablement la question à laquelle tout le monde pense, du moins dans le grand public; je veux parler de l'importance de l'intérêt public. L'argument qu'on pourra présenter dans bien des milieux, évidemment, c'est que... Il se trouvera bien des gens, de tous les partis politiques et de toutes les régions du pays, qui diront que, si le gouvernement est actuellement propriétaire du CN, c'est parce qu'il doit assurer l'intérêt public. Il m'a semblé important de vous poser la question spécifiquement. Comment le gouvernement croit-il pouvoir continuer à protéger l'intérêt public s'il n'est plus propriétaire des actifs du CN?
M. Young: Lors de la discussion que nous avons eue quand nous avons annoncé le dépôt du projet de loi, et du point de presse que nous avons fait à ce moment-là, quelqu'un a eu l'impression que je n'avais pas lu mes livres d'histoire assez attentivement.
La façon dont le CN est né d'entreprises en faillite, à l'exception d'une seule qui n'était peut-être pas en faillite quand on a réuni le tout... À ce moment-là, c'était une question de survie, et je pense que l'intérêt public... Si je retournais lire les débats, j'en saurais peut-être un peu plus. Mais il me semble que, quand le gouvernement a pris les rênes du CN, l'intérêt public en cause à ce moment-là, c'était la concurrence, parce que le CP était une compagnie privée. Il y avait un certain nombre de sociétés ferroviaires qui étaient en train de faire faillite, et le gouvernement national les a rassemblées en une seule entreprise qui est devenue le CN.
Il me semble aujourd'hui que l'intérêt public est encore le même. Nous avons une société ferroviaire privée, qui assurait un service national de Halifax à Vancouver et qui n'est plus maintenant qu'une entreprise régionale. C'est fini. Le CP n'existe plus à l'est de Montréal.
Ce qu'il faut nous demander aujourd'hui, c'est si nous voulons que la même chose arrive au CN. Les discussions sur la fusion, l'acquisition d'actifs du CN par le CP à l'est de Winnipeg, dont il a été question l'an dernier... nous estimions que l'intérêt public exigeait que nous essayions de mettre sur le marché une entreprise qui permettrait au CN de survivre et d'assurer un service viable et efficace à l'échelle nationale, de Halifax à Vancouver. Nous pensons que c'est le moyen d'y arriver.
Quelqu'un m'a dit que le CP aurait pu le faire. Mais c'est une compagnie privée, qui a déjà abandonné tout ce qui se trouve à l'est de Montréal. Pourquoi le CN ne le ferait-il pas?
Pour vous donner une réponse directe, monsieur Nault, je pense qu'il n'y a pas de garantie. Pour protéger l'intérêt public, dans ce cas-ci, nous devrons essayer de trouver un moyen de maintenir la concurrence dans la mesure du possible tout en accordant toutes les chances possibles à l'exploitation de lignes secondaires. Mais ce qui est fondamental, à notre avis, c'est d'essayer d'assurer la présence de deux sociétés ferroviaires concurrentes dans notre pays, et de toute une série de petites entreprises qui essaient de survivre alors que nous avons assisté à l'abandon de certaines lignes ces 10 ou 15 dernières années.
M. Nault: Permettez-moi de vous poser la question sous un angle...
Le président: Je suis désolé; je dois vous interrompre.
Madame Terrana.
Mme Terrana (Vancouver-Est): Si nous ne vendons pas l'ensemble des actions dès le début, qu'est-ce que nous allons faire de ce qui restera?
M. Young: Nous avons beaucoup d'expérience à cet égard. Nous avons encore des actions de Petro-Canada. C'est ce qu'on appelle une offre excédentaire, mais c'est aussi tout un casse-tête. Tout dépend de la façon dont on envisage les choses. Le cas d'Air Canada a été un peu difficile également.
Pour en revenir aux commentaires de mon collègue du Parti réformiste au sujet de la façon de stucturer tout cela, nous allons esssayer de mettre toutes les chances de notre côté. Nous espérons mettre toutes les actions en circulation. C'est du moins notre intention. Autrement, les actions qui demeureront aux mains du gouvernement du Canada seront strictement considérées comme des actions détenues pour vente future, et nous ne jouerons aucun rôle actif dans la gestion de la compagnie. Mais nous n'examinerons cela attentivement que quand nous saurons exactement ce que fait le syndicat financier, et que nous aurons une idée de la réaction des investisseurs canadiens et internationaux.
Quand on ne vend pas tout, on garde ce qui reste et on espère que le prix augmentera sur ce qui est déjà parti. Il n'y a aucune garantie à ce sujet-là. Mais il y a eu de nombreux cas, pas seulement au Canada, mais ailleurs... Il y a parfois des avantages. Si vous vendez vos actions à un certain prix et que ce prix a changé quelques semaines plus tard, vous vous direz peut-être que vous avez vendu trop bas et que vous auriez dû en recevoir un meilleur prix, ou alors que vous auriez dû faire quelque chose d'autre.
L'objectif de cet exercice, ce n'est pas d'essayer de résoudre le problème de la dette nationale d'un seul coup. C'est d'essayer de nous retrouver avec une société ferroviaire qui fonctionne, qui est concurrentielle et qui peut survivre.
Mme Terrana: Le groupe de travail recommandait d'accorder des droits de circulation sans restriction sur toutes les lignes de chemin de fer. La vente de ces lignes aurait-elle des répercussions sur cet aspect de la question, ou est-ce que ce sera aux acheteurs du CN et du CP à décider s'ils auront les mêmes droits?
M. Young: La question des droits de circulation fera partie de la réforme de la réglementation. À l'heure actuelle, le CN et le CP peuvent s'accorder mutuellement des droits de circulation par consensus, s'ils le veulent. Il en sera question dans le projet de loi sur la réforme de la réglementation, et nous sommes très conscients du rapport de la commission. Mais cela n'a rien à voir avec la vente des actifs du CN.
[Français]
M. Guimond (Beauport - Montmorency - Orléans): Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, on a beaucoup parlé du capital-actions, mais peut-être que ma formation en ressources humaines me force à revenir à un capital qui est beaucoup plus important, à savoir les êtres humains, les travailleurs et les travailleuses du CN.
Vous vous êtes rendu compte, lors du débat sur le règlement de la grève du rail, sans déplaire à mon collègue du NPD qui est un membre associé et qu'on ne voit pas souvent - sans vouloir l'offenser - , qu'il est devenu clair que le Bloc québécois était le seul parti en cette Chambre à défendre les intérêts des travailleurs, parce que nous nous sommes opposés au règlement hâtif de la grève du rail.
J'aimerais savoir, monsieur le ministre, si vous avez eu des informations ou des contacts parce que vous vous doutez bien que nous leur parlons, nous aussi. Je voudrais savoir si vos informations concordent avec les nôtres. Comment réagissent les syndicats et les employés du CN vis-à-vis du projet?
M. Young: Cela dépend à qui on parle et dans quel contexte. Évidemment, il y a des négociations en cours à l'heure actuelle pour les employés du CN et du CP. La législation à laquelle vous référez, on a été très heureux de la passer le plus rapidement possible afin d'assurer que l'économie ne tombe complètement en panne au Canada.
Évidemment, la première préoccupation des employés est de pouvoir maintenir leur emploi et je suis d'accord avec eux. Si on connaît bien la situation du système ferroviaire au Canada, on sait que pendant les derniers 15 ans, il y a eu des milliers d'employés qui sont disparus. On veut essayer d'éviter que cela ne continue.
Venant du Nouveau-Brunswick, je sais très bien ce qui s'est passé à Moncton où on a perdu des centaines et même plus de 1 000 emplois. On est bien habitué, dans certaines régions du pays, d'avoir à payer le prix pour ne pas avoir une politique des chemins de fer au Canada.
Les employés sont très inquiets au CN, mais pas plus qu'ils ne le sont au CP, parce qu'au CP, ils savent que les employés travaillent dans le secteur privé. Ils le font depuis le début de la compagnie, à la fin des années 1800. Je crois que c'est surtout au niveau de l'entente collective qu'ils vont être préoccupés parce qu'il n'y a pas énormément de différence entre les conditions de travail, la sécurité d'emploi et le salaire des employés du CN et du CP.
M. Guimond: Je voudrais poser une deuxième et dernière question, monsieur le ministre, car il me reste encore trois minutes.
Je suis persuadé qu'il y a des gens qui ont écouté le discours que j'ai prononcé hier midi à la Chambre. Le deuxième point où nous présenterons des amendements, c'est à l'article 16. Je ne veux pas tomber dans des discussions constitutionnelles, car je sais que vous êtes un excellent juriste. Je n'ai pas l'intention de commencer ce débat, mais je pense qu'on est d'accord sur le fait qu'en vertu de la loi constitutionnelle de 1867, le transport intraprovincial est de juridiction provinciale et le transport international et interprovincial est de juridiction fédérale.
Peut-être seriez-vous capable de dissiper la crainte que nous avons à cause du libellé actuel de l'article 16. Je vais vous donner deux exemples de CFIL ou de short line. Le premier est celui qui a eu lieu avec le CN, dans les secteurs Abitibi, Lac Saint-Jean, où le CN a vendu ses tronçons à ses employés et continue de demeurer un actionnaire de CFIL.
En vertu du libellé de l'article 16, le premier cas, celui des CFIL Lac Saint-Jean et Abitibi, est-ce qu'ils demeureraient sous la juridiction fédérale? Ils disent que c'est à l'avantage général du Canada.
Le deuxième exemple de CFIL est celui de la ligne de Murray Bay, qui est dans ma circonscription et qui est exploitée par la Compagnie des chemins de fer du Québec. Je pourrais fort bien citer Grand Trunk Western Railroad Incorporated ou Sydney - Truro en Nouvelle-Écosse. Donc, à propos d'un CFIL ou d'une compagnie vraiment indépendante, où le CN ou le CP a abandonné et vendu la ligne, est-ce qu'ils sont maintenant de juridiction provinciale?
M. Young: D'abord, monsieur le député, vous savez que j'aime être cohérent et l'article en question est déjà dans le projet de loi qui contrôle les activités du CN à l'heure actuelle, un peu comme le fait que le quartier général devrait être à Montréal et que la Loi sur les langues officielles doit s'appliquer, deux éléments qui ont quand même une envergure «Canada», parce qu'on pense que c'est important que ce soit consistant et c'est une situation, à mon avis, assez facile à comprendre dans le contexte où nous espérons que toutes les activités du CN qui sont à l'intérieur de la nouvelle corporation relèveront du gouvernement fédéral.
Maintenant, si, par exemple, dans le cas de Sydney-Truro, il y a un élément qui est vendu à une compagnie privée qui opère à l'intérieur d'une province, cela deviendra de juridiction provinciale. Mais lorsqu'on fait partie de l'ensemble de la corporation, dans ce cas-ci, le CN, comme c'est le cas pour le CP, ce sera de juridiction fédérale.
M. Guimond: Comme Newco serait...
[Traduction]
Le président: Laissez le ministre terminer sa réponse.
[Français]
M. Young: CN, parce qu'il semble qu'ils vont garder le nom, sans doute.
M. Guimond: L'autre exemple que je vous ai donné, c'est le Lac-St-Jean, où le CN est encore...
M. Young: Si le CN est propriétaire, monsieur le député, cela va demeurer sous le contrôle du gouvernement du Canada. Si c'est vendu à une autre entité légale et qu'on opère à l'intérieur des bornes d'une province, ce sera de juridiction provinciale.
[Traduction]
M. Gouk: Je ne sais pas combien de temps le ministre a prévu d'être parmi nous ce soir. Manifestement, il y aura beaucoup de questions.
Le président: Il a dit 19 heures ou 20 heures.
M. Gouk: Pourra-t-il rester jusque-là?
Étant donné que le ministre a reconnu lui-même qu'il s'agit là de la vente la plus importante de biens d'État - c'est certainement le projet de loi le plus important qui ait été soumis à ce comité, et peut-être à la Chambre, depuis longtemps - le ministre pourrait-il prévoir de revenir une autre fois afin que nous puissions traiter à fond du sujet?
M. Young: Avec plaisir. Je serai à Ottawa toute la semaine prochaine.
M. Gouk: J'espère que vous ne vous sentirez pas trop seul, Doug.
M. Young: Je suis sérieux; je serai là toute la semaine prochaine et disponible. Si les membres du comité veulent me voir la semaine prochaine, je viendrai.
M. Gouk: J'espère que le ministre sera également disponible à une heure plus normale, à une heure où les membres du comité ont l'habitude de siéger.
Le président: Le comité est maître de son destin, monsieur Gouk.
Vous êtes en train de gaspiller votre temps de parole.
M. Gouk: Je m'en rends compte, et si vous voulez bien cesser votre diatribe contre ma question, je vais poursuivre.
Le président: Une réaction s'imposait.
M. Gouk: Le ministre a-t-il procédé à une analyse coûts-avantages? Si vous ne ramenez la dette qu'à 2 milliards de dollars, et que cela fasse baisser le prix que vous pouvez escompter, existe-t-il une étude montrant qu'en réduisant la dette de 500 autres millions de dollars, le prix de vente augmentera de 500 millions de dollars? Autrement dit, la réduction de la dette sera-t-elle rentable, ou bien vous fiez-vous uniquement à votre intuition?
M. Young: Non, tout le contraire. La réduction de la dette ne nous rapportera pas un meilleur prix. Nous n'aurons aucun prix du tout si nous ne réduisons pas la dette à un niveau tel qu'elle soit gérable par une entreprise viable. Si j'achète une Rolls-Royce pour 10$, mais que je n'ai pas les moyens d'acheter l'assurance ou l'essence, je pourrai garder la voiture comme pièce de musée, mais je ne pourrai pas m'en servir.
Or, le CN sera une entreprise en exploitation qui devra pouvoir trouver des capitaux sur le marché financier. Il doit disposer pour cela d'une trésorerie raisonnable. Il doit pouvoir s'acquitter de ses dettes.
Nous bénéficions des conseils des meilleurs experts que l'on puisse trouver. Nous nous sommes inspirés d'exemples dans le monde entier - l'expérience britannique, l'expérience américaine et l'expérience canadienne, très limitée, mais néanmoins précieuse. Il faut créer des conditions telles que les organismes de cotation des obligations... Si vous voulez en savoir plus là-dessus, vous devriez les inviter afin qu'ils vous disent quels devraient être les niveaux d'endettement. Vous savez quels sont les actifs et l'avoir du CN, mais pour ce qui est de savoir quel endettement il peut supporter, quels sont ses flux de trésorerie, quel est le potentiel de croissance de ses recettes, etc.... Ce n'est pas un chiffre que nous avons tiré au hasard. Tous les experts que nous avons consultés ont davantage mis l'accent sur un niveau d'endettement raisonnable que sur tout autre facteur, à l'exception peut-être du prix de vente des actions au moment de leur mise sur le marché.
M. Gouk: J'aimerais en reparler plus à fond une autre fois, si j'en ai l'occasion.
M. Young: Ou bien invitez quelqu'un qui connaît vraiment ces aspects et qui pourra vous donner les réponses.
M. Gouk: Nous leur poserons les mêmes questions.
J'aimerais passer à autre chose, car je ne sais pas si j'aurai encore l'occasion de vous poser des questions. J'en ai une sur un éventuel réseau ferroviaire national. Le groupe de travail libéral sur le CN s'est penché sur la question, et sa conclusion principale était que ce concept n'était pas applicable aujourd'hui.
Si ce n'est pas fait aujourd'hui ce ne le sera jamais. Actuellement, l'État possède probablement plus de 50 p. 100 de l'infrastructure ferroviaire du pays. Si le CN est vendu, la totalité sera en des mains privées, et il est peu probable que l'infrastructure soit jamais acquise par une entité assez importante pour former un système national, lequel ne devrait pas nécessairement être administré par l'État.
Quelle est la position du gouvernement sur la possibilité d'ouvrir le réseau à la concurrence si le CN, pour quelque raison que ce soit, décide de ne pas exploiter une ligne, de façon à ce que d'autres exploitants puissent utiliser cette voie, sous réserve d'un recouvrement du coût, et renforcer ainsi la viabilité d'exploitants de lignes courtes?
M. Young: Monsieur le président, j'essaie de ne pas perdre de vue la direction dans laquelle nous sommes engagés, afin de préserver une certaine cohérence.
Nous parlions tout à l'heure de libre entreprise, et il me semble que l'honorable député était d'avis qu'il fallait laisser réellement la liberté à la libre entreprise. Nous essayons de désengager l'État de la gestion des chemins de fer. Nous avons regardé les précédents de la Suède et du Royaume-Uni, et ce dernier exemple est probablement la meilleure illustration d'un fiasco complet. Si vous voulez voir ce qu'il ne faut pas faire, il suffit de regarder là-bas. J'ai pris les trains britanniques, j'ai rencontré des représentants. Leur idée semblait bonne, en théorie; pour notre part, nous avons décidé de vendre les avoirs ferroviaires du CN, y compris les voies.
Encore une fois, je pense qu'il nous faudra réfléchir à la question que vous posez, car elle est très légitime sous l'angle de la concurrence, et je pense que vous parlez ici des droits de passage. Il faudra y réfléchir au moment de la réforme réglementaire. Je ne veux donc pas minimiser l'importance qu'il y a à assurer que le CN, le CP et les lignes courtes aient accès aux voies. Cependant, c'est au moment de la révision de la réglementation qu'il conviendra d'en discuter, à notre sens.
Pour ce qui est de la vente du CN et de la question de savoir si l'on pourrait constituer un réseau national dans l'avenir, je suppose que la question deviendrait académique s'il ne subsistait plus qu'une seule compagnie ferroviaire au Canada. Nous avons examiné la question et avons décidé de ne pas aller dans cette voie.
[Français]
M. Lavigne (Verdun - Saint-Paul): Monsieur le ministre, vous avez dit tantôt qu'une compagnie internationale était à négocier avec AMF à Pointe-Saint-Charles; comme vous le savez, c'est dans ma circonscription de Verdun - Saint-Paul; est-ce une compagnie internationale qui a son siège social au Québec ou à l'extérieur du Québec?
Deuxièment, est-ce que cette compagnie achète AMF pour la fermer et ne pas avoir de concurrence ou pour continuer à l'exploiter à meilleure escient, avec plus d'employés?
M. Young: Je n'ai pas de raison de croire que la compagnie, qui est une compagnie internationale, évidemment pas avec son siège social au Québec, ni même au Canada, nous n'avons nullement l'impression qu'elle est intéressée à acheter les installations d'AMF pour les fermer.
Non plus que la Bombardier, lorsqu'elle achète en Belgique, en Allemagne ou au Mexique, n'a l'intention de fermer des concurrents; c'est surtout pour desservir le marché nord-américain.
Mais je ne vous cache rien lorsque je vous dis que la situation là-bas est très précaire; tout le monde le sait, les employés le savent. Le CN a l'intention d'essayer de la vendre et je crois que c'est dans les meilleurs intérêts de tout le monde d'essayer d'en arriver à une solution, car la compagnie qui songe à acheter a une réputation internationale impeccable et je n'ai pas de raison de croire qu'elle n'a pas une intention ferme de se servir de ces installations pour faire une percée encore plus importante sur le marché nord-américain.
De là à savoir ce que cela voudra dire à l'avenir, c'est très difficile, parce que dans tous les secteurs, les changements sont quand même imprévisibles.
M. Lavigne: Merci, monsieur le ministre.
[Traduction]
M. Comuzzi (Thunder Bay - Nipigon): Monsieur le ministre, je pense que nous devons agir vite. Cela fait longtemps que le CN aurait dû être vendu. Transférons le CN en mains privées le plus rapidement possible. Quoi que le gouvernement doive faire pour cela, qu'il le fasse. Que le CN puisse travailler comme nous avons toujours espéré qu'il le fasse. Faisons tout ce qu'il faut pour cela.
Je ne sais si mes collègues seront d'accord avec moi, mais la facture du contribuable, d'après les états financiers, se situera aux alentours de 400 à 600 millions de dollars une fois vendus les avoirs ferroviaires et non ferroviaires. Est-ce le montant approximatif?
M. Young: Je n'aime pas faire des conjectures, monsieur le président. Permettez-moi de vous donner les chiffres que nous espérons réaliser. La dette du CN est de 2,5 milliards de dollars. Nous pensons qu'il faudra la ramener aux alentours de 1,5 milliard de dollars. Par la vente d'avoirs, des crédits pour la rétention de biens immobiliers du CN et probablement quelques arrangements avec mon collègue, le ministre des Finances.
Cependant, nous ne sortirons pas de tout cela sans quelques avantages tangibles pour le contribuable. Je pense que nous en retirerons un peu d'argent. Certains pensent qu'il s'agit là d'une vente destinée à dégager un gros profit. Ce n'est pas le but. Je pense qu'il est clair que les Canadiens estiment que l'État devrait se désengager d'un bon nombre de ces activités et laisser le secteur privé fonctionner avec le moins d'entraves possible. Il y aura donc un bénéfice matériel net en fin de parcours.
Cependant, si l'on considère ce qui a été investi dans le CN au cours de ces 70 dernières années - et nous ne sommes certainement pas naïfs à ce sujet - il s'agit tout simplement de savoir si nous voulons continuer ainsi ou bien de lâcher le CN dans un environnement concurrentiel, en compagnie du CP.
M. Comuzzi: Ma seule préoccupation à l'égard de tout ce processus et du projet de loi qui nous est proposé à cette fin, c'est de savoir ce qu'il adviendra de ces lignes de chemins de fer qui desservent l'agriculture céréalière et qui risquent d'être abandonnées, ou bien de ces lignes qui desservent les industries minières dans ma région et le reste du pays. J'aimerais que vous nous donniez l'assurance, si vous le pouvez, que si ces lignes vont cesser d'être exploitées, elles seront offertes aux industries concernées.
Je n'entrerai pas dans les détails, mais j'ai sous les yeux une situation qui souligne la difficulté qu'il y a eu à vendre 100 kilomètres de voies ferrées dans le Nord de l'Ontario, une ligne que vous connaissez. Je n'aimerais pas voir la même situation se reproduire lorsque nous aurons décidé quoi faire des voies abandonnées et, particulièrement, des servitudes qui desservent les industries d'exploitation de ressources qui sont indispensables à tant de localités canadiennes.
Si nous pouvons avoir cette assurance, je pense qu'il faut avancer à toute vapeur.
M. Young: Je n'ai jamais travaillé pour Eaton's, et je ne donne donc pas de garantie. Cependant, j'essaie de faire de mon mieux - et je pense que le gouvernement y est également résolu - pour créer un environnement où cela va fonctionner.
Il faut bien voir - et je passe mon temps à l'expliquer - que nous avons eu constamment des fermetures de voies ferrées dans notre pays. Certains semblent penser que le statu quo est préférable à ce que nous proposons. Dans la région atlantique, certains n'ont même plus le souvenir de ce qu'est un chemin de fer. Les gens confondent le service voyageurs avec le service marchandises. Il y a beaucoup de malentendus. Nous avons déjà perdu des centaines et des milliers de kilomètres de rail dans notre pays.
Je voudrais donc saisir cette occasion, monsieur le président, pour féliciter le CP et le CN du moratoire qu'ils ont instauré, du moins temporairement, sur les enlèvements de rails, car nous avons vu par le passé des exemples affligeants.
Je pense que ce que les gens veulent, c'est la garantie que si le CN ou le CP doivent abandonner l'exploitation d'une ligne, que le CN soit privatisé ou non, toutes les occasions soient données, de manière équitable et transparente, à une autre entité de reprendre la ligne. Je peux vous assurer que la loi que nous allons présenter prévoira un préavis, non pas par le biais de la LTN...
Toute cette histoire de décommercialisation d'une ligne, pour la rendre économiquement viable et faire que la prophétie se réalise d'elle-même, est de la folie. Cependant, il ne faut pas le reprocher au CN ou au CP. Ce sont les politiciens qui ont établi ces règles, et les compagnies ferroviaires étaient obligées de les suivre.
Nous disons que nous instaurerons un régime qui sera propice à la reprise facile et rapide des lignes que les grosses compagnies ne voudront pas exploiter, pour quelque raison que ce soit, par des exploitants de lignes courtes.
Je ne sais ce qui se passera en Ontario. Il se peut que nous devions reporter cette loi jusqu'après le 8 juin, pour être sûr qu'elle soit applicable en Ontario. Il n'y a pas eu une seule demande de création de lignes courtes en Ontario parce qu'il est impossible d'y mettre une telle exploitation sur pied sous le régime de la loi actuelle. C'est une véritable honte nationale, car il faut donner la possibilité de créer des chemins de fer de ligne courte.
L'honorable député a parlé de la ligne Sydney-Truro, en Nouvelle-Écosse, qui est l'exemple parfait de ce que l'on peut faire lorsqu'on conclut un arrangement viable, avec la participation des employés. Vous devriez parler à ces derniers si vous voulez savoir comment une ligne courte peut être exploitée de manière efficiente.
En réponse, donc, monsieur le président, à la préoccupation d'ordre général sur les assurances que nous pouvons donner, une chose est assurée, et c'est que si nous poursuivions sur la voie des abandons de lignes, telles que la ligne de Sherbrooke à Saint John et la ligne qui reliait Sydney à Truro, avec le mal qu'ils se sont donné pour obtenir la reprise par un RailTex, etc.... On ne pouvait continuer ainsi. Nous allons donc tenter de créer un cadre...
Nous pensons que si le CN et le CP sont mis sur un pied d'égalité, si nous leur allégeons quelque peu le fardeau réglementaire qui pèse sur eux, si les municipalités, les provinces et - mea culpa - le gouvernement fédéral leur allègent un peu le fardeau des taxes sur les carburants et des taxes foncières et tous les autres obstacles, nous pourrons avoir un système ferroviaire très dynamique dans notre pays, et c'est ce que nous visons, à savoir le CN, le CP, et les compagnies de lignes courtes, propriété des employés, oeuvrant de concert.
Je n'ai pas très bien saisi la question tout à l'heure concernant les employés, monsieur le président. L'un des éléments inhérents à tout cela sera la possibilité pour les employés d'acquérir des actions du CN.
M. Nault: J'ai deux questions. Comme vous le savez, monsieur le ministre, quand vous m'avez vous-même nommé président du groupe de travail des députés ministériels sur le CN nous avons sillonné le pays et reçu plus de 100 mémoires émanant de quantités de gens intéressés par le secteur ferroviaire. Très franchement, la vaste majorité d'entre eux n'étaient pas préoccupés par la vente du CN elle-même. Peu leur importait que le CN soit privatisé. L'exception, c'était des gens comme ceux de Transport 2000 et les employés eux-mêmes, du moins les représentants officiels des employés. J'ajouterais qu'étant un cheminot moi-même, j'ai beaucoup discuté dans les couloirs, où j'entendais un son de cloche un peu différent de la ligne officielle.
Cela dit, deux questions semblaient revenir sans cesse. L'une est la protection des employés. J'espère que nous pourrons avoir l'assurance que les conventions collectives seront protégées même après la vente et que les retraités du CN seront protégés et n'auront pas à s'inquiéter d'une répétition de la situation d'En Route, pour se retrouver sans pension, car c'est une préoccupation majeure d'un grand nombre de ces retraités.
La deuxième question qui revenait très régulièrement, c'était VIA. Quel effet la vente du CN aura-t-elle sur VIA, c'est-à-dire comment ferons-nous, en tant que députés, pour protéger l'intérêt public et l'intégrité de notre système de transport si l'État ne contrôle plus le CN comme actuellement?
Voilà les questions, monsieur le président.
M. Young: Pour ce qui est des employés, aucune incertitude, les employés conserveront leurs conventions collectives actuelles. Il n'y aura pas de changement à cet égard. Même chose pour le régime de retraite. Les prestations de retraite sont protégées, et il n'y aura pas de changement.
Pour ce qui est des effets sur VIA, comme vous le savez, la plupart de ses trains circulent sur des voies du CN, mais aussi sur quelques voies du CP. La commercialisation du CN ne devrait pas avoir d'effet direct sur VIA. Cependant, ce qui aura un effet sur VIA - et, nous l'espérons, un effet bénéfique sur VIA ainsi que sur les trains GO et d'autres systèmes urbains - ce sera la nouvelle réglementation, qui sera transparente et dont les stipulations concernant les droits de passage, les méthodes d'indemnisation, et autres mesures, autoriseront, pensons-nous, de meilleurs arrangements. La vente du CN ne devrait pas avoir d'effet direct sur le fonctionnement de VIA. Il faudra se pencher sur VIA dans l'avenir; cela ne fait pas de doute.
Mme Wayne (Saint John): Monsieur le ministre, la vente du CN suscite certainement beaucoup d'intérêt chez les investisseurs américains. Ils ont déjà défilé dans mon bureau de circonscription, pour me parler.
Ils ont formulé deux préoccupations. La première est l'article 8 et l'autre l'article 15. Pour ce qui est de l'article 8, ils voulaient savoir si le siège de la société devrait rester à Montréal même si la compagnie était reprise par des Américains. Ils s'inquiètent également de l'application de la Loi sur les langues officielles, qui exige que tous les employés soient bilingues. Pourquoi devrait-il en être ainsi si les propriétaires sont américains? demandaient-ils.
J'ai répondu que je ne savais pas, mais que je vous poserais la question, particulièrement en ce qui concerne le siège, pour savoir s'il y avait quelque flexibilité au cas où la prise de participation américaine serait suffisante.
M. Young: Monsieur le président, je répondrai deux choses à l'honorable députée. Premièrement, concernant des questions aussi complexes que celle-ci et qui suscitent beaucoup d'intérêt, nous serions ravis d'organiser des séances d'information à l'intention des investisseurs avec des représentants du CN. C'est une question complexe et dont je ne veux pas minimiser l'importance.
Si vous nous donniez leurs noms, nous pourrions donc les contacter. Nous pourrions les faire venir et nous leur expliquerions exactement de quoi il retourne.
Dans les deux cas - le siège à Montréal et la Loi sur les langues officielles - ce sont là les conditions actuellement applicables au CN. La compagnie les connaît très bien, et elles varient selon que l'on parle de la Saskatchewan ou de la Nouvelle-Écosse. La direction actuelle du CN, de même que les fonctionnaires du ministère, seraient tout à fait ravis de leur expliquer comment cela fonctionne dans la pratique. Il devait être assez compliqué d'expliquer à un Américain comment fonctionne la Loi sur les langues officielles, etc.
Mme Wayne: C'est vrai; c'était compliqué.
M. Young: Pour ce qui est du siège, on s'interroge toujours avant d'imposer une restriction à une compagnie. Nous nous sommes renseignés de très près sur les avoirs immobiliers du CN, sur ses bureaux de Montréal et la façon dont cela est structuré. Comme vous le savez, l'équipe de gestion ou le consortium que nous avons constitué pour cette vente comprend ScotiaMcLeod, Goldman Sachs et Nesbitt Burns. Personne, pas même Goldman Sachs, de New York, ni d'autres, n'a exprimé la moindre réserve ou indiqué que cela imposerait des difficultés à des investisseurs américains.
Des gens qui n'en comprennent pas la raison pourront peut-être formuler quelques réserves. Personne ne le leur a peut-être expliqué, mais nous serions ravis de le faire.
M. Althouse: Je n'ai pas grand-chose à redire aux arguments que vous utilisez pour justifier la privatisation ou la commercialisation du CN. Cependant, je pense que la méthode utilisée et l'issue pourraient être différentes et produire davantage de concurrence tout en réalisant tous les objectifs que vous poursuivez.
Je ne sais pas si vous avez vu la lettre que je vous ai écrite, mais l'un de vos fonctionnaires m'a envoyé une réponse qui ignorait tous les arguments que je présentais et ne faisait que répéter que vous alliez commercialiser le CN.
L'argumentation que je faisais valoir est celle-ci. Puisque les subventions versées aux agriculteurs équivalent quasiment à ce que vous comptez retirer du CN, pourquoi n'a-t-on pas réfléchi un peu plus à l'idée de simplement procéder à un échange, c'est-à-dire leur verser les subventions sous forme d'actions du CN, et les laisser opérer leur propre choix? Ils préféreraient probablement un modèle coopératif - avec un vote par membre. Il y a plusieurs systèmes électoraux appliqués aux fins des comités consultatifs sur le transport - les comités consultatifs de la Commission du blé, etc. La procédure existe déjà, que vous optiez pour sept ou onze membres.
Les actions seraient très largement disséminées. Il y a probablement 180 000 à 200 000 agriculteurs propriétaires qui vont toucher ces chèques qui leur sont actuellement versés. Vous éviteriez le spectacle d'avoir 100 p. 100 de ces actions planant sur le marché pendant des jours et des jours. Tout serait réglé très vite. Bon nombre de ces nouveaux fonctionnaires voudraient sans doute revendre ces actions pour se procurer des liquidités. Cela donnerait également la possibilité au reste de la communauté boursière de participer.
L'avantage de cette proposition, c'est que le contrôle appartiendrait aux usagers. Tous ces changements déplaisants qui doivent intervenir, sur le plan des fermetures de lignes, etc., ils auraient eux-mêmes à se débattre avec, car ils seraient les premiers concernés. Cette proposition introduirait également une réelle concurrence avec l'autre compagnie ferroviaire, qui doit dégager des bénéfices pour ses actionnaires. Celle-ci serait gérée dans l'intérêt des usagers. On pourrait espérer qu'au fur et à mesure que les premiers actionnaires vendraient leurs parts, certaines des régions minières, etc., voudraient les racheter, si bien que le conseil d'administration pourrait être diversifié ultérieurement.
À mon avis, il n'y a probablement aucun autre groupe qui ait un intérêt plus grand à garder les chemins de fer d'un océan à l'autre. Les céréales doivent aller à Québec et à Halifax, à l'occasion. Il y va de leur meilleur intérêt de garder la structure en place. Donc, cela semble répondre à toutes leurs exigences au niveau des intérêts canadiens. Je me demande si nous avons toujours l'occasion d'étudier cette question... ou combien de temps l'on a consacré à l'étude de la proposition avant de la rejeter.
M. Young: Monsieur le président, je me souviens très bien de l'avoir vue. Cela me semblait assez innovateur. Je savais que mon collègue, le ministre de l'Agriculture, avait largement consulté la population de l'Ouest sur la méthode de paiement et sur la façon dont se ferait ce changement par rapport à la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. Parlons franc. À part ce qui a été proposé par les honorables députés étudiant la question, c'est la seule fois que j'en ai été saisi. Je me suis renseigné, parce que nous avions été saisis de certaines propositions - toutes informelles. Par exemple, les syndicats voudraient peut-être acheter une participation aussi. Nous croyons que ceci le permettrait. Il n'y a rien du tout qui empêche les agriculteurs de l'Ouest, les syndicats du blé, ou même...
Il aurait fallu énormément de volonté politique pour forcer la main en la matière. Au lieu de donner les chèques directement aux propriétaires fonciers, leur envoyer des certificats du CN qu'ils pourraient encaisser, comme vous le dites - selon les réactions du marché, etc. - était une décision plutôt difficile à prendre. Cette option n'a pas été écartée du revers de la main sous prétexte que ce n'était pas logique de donner aux agriculteurs l'occasion d'avoir voix au chapitre sur l'avenir du CN. Mais je ne crois pas que ce que nous proposons maintenant nous empêcherait de le faire.
Ils pourraient décider de ne pas se servir de leur argent pour acheter des actions du CN, mais ils pourraient certainement le faire. Les organismes représentant nos agriculteurs de l'Ouest, c'est-à-dire les syndicats du blé et les autres, savent qu'à moins d'excéder les 15 p. 100... Par exemple, si le Saskatchewan Wheat Pool et le Manitoba Wheat Pool devaient investir - et nous espérons que c'est ce qui se fera, en réalité, mais il ne s'agirait pas d'un échange direct.
Il y a eu des consultations exhaustives partout dans l'Ouest à propos de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest et sur ce qu'il y a à faire au niveau de la réforme de la réglementation. Quoique l'honorable député ait soulevé la question, il n'a pas soulevé de foule énorme, ou même petite, qui aurait cherché à imprimer un certain mouvement.
Le président: Monsieur Guimond.
[Français]
M. Guimond: Merci.
Monsieur le ministre, de toute façon, dans ces comités-là, lorsqu'il y a un non, le Bloc Québécois questionne et ensuite, nos collègues du Parti réformiste questionnent aussi et vous vous rendez compte comment la dualité canadienne est difficile à vivre. Je suis persuadé que pour vous, en tant qu'Acadien, ça fait saigner votre coeur davantage.
C'était le commentaire que je voulais faire.
J'ai une question sur l'article 8.
M. Young: Mais vous avez réalisé qu'on a réagi prudemment.
M. Guimond: Oui, après cela vous auriez pu dire à Mme Wayne, la députée de Saint John, qu'il y a plusieurs entreprises américaines qui font affaires au Québec et au Canada et qui savent qu'il y a une Loi sur les langues officielles.
M. Young: Mais, aujourd'hui, je me sens très généreux et charitable : donc, je me suis restreint.
M. Guimond: Ça fait du bien!
Monsieur le ministre, je reprends encore l'article 8 parce que pour nous, ça pose problème. Vous allez vous en rendre compte par les amendements que nous allons suggérer.
Je donne l'exemple suivant parce qu'on sait que l'alinéa 5 donne la possibilité de faire une dérogation au niveau des entreprises apparentées.
J'ai donné, dans mon discours, l'exemple de Bell Canada Entreprises Inc., qui pourrait avoir 15 p. 100 des parts, Northern Telecom Canada Ltd., qui pourrait avoir 15 p. 100, puis Bell Canada, qui pourrait avoir 15 p. 100.
Maintenant, Bell Canada à changé son nom au Québec. Elle s'appelle Bell Québec.
M. Young: C'est tellement beau au Québec.
M. Guimond: Je ne sais pas si pour Bell Canada ça posait des problèmes de marketing, mais maintenant elle s'appelle Bell Québec.
M. Young: La grammaire n'est pas forte, mais le téléphone fonctionne bien.
M. Guimond: Si chacune de ces cinq compagnies achetait 15 p. 100 des parts, par la dérogation, elles auraient à signer une déclaration solennelle disant qu'elles n'agiront pas de concert.
Mais, on sait fort bien que les impératifs monétaires, le profit, faire plaisir à ses actionnaires... cela a beau être une déclaration solennelle, on sait fort bien - c'est malheureux à dire - quelle valeur ces déclarations peuvent avoir. Quand je parle ainsi, est-ce que je fais de la chasse aux sorcières? Est-ce que vous ne vous rendez pas compte qu'il pourrait y avoir une certaine emprise de gens qui pourraient être de mauvaise foi?
Je vais donner une autre possibilité. Si ce scénario d'amendement n'était pas accepté, je vous donnerais un autre amendement. Au moins, est-ce qu'on pourrait permettre la dérogation aux entreprises canadiennes et se protéger ainsi des entreprises étrangères?
M. Young: Laissez-moi essayer de réagir, en me fondant sur mon expérience corporative au Canada. Je pense que ce sera intéressant pour vous de poursuivre cette veine de questions avec les témoins qui vont venir comparaître devant vous parce que c'est quelque chose d'assez général. Vous réalisez à quel point les compagnies ont maintenant des liens contractuels parce qu'elles font affaires avec d'autres compagnies; des personnes qui siègent à des conseils d'administration sont liés parce qu'ils sont impliqués dans une institution financière. Les règles du jeu sont quand même assez sévères dans le monde corporatif. Je ne veux pas essayer de blanchir la situation et dire que tout le monde est parfait, qu'il s'agit d'anges, qu'il n'y a pas de possibilité de collusion, mais les deux éléments, la sanction, savoir que si quelqu'un est découvert en train de faire quelque chose de néfaste ou de jouer avec sa capacité d'influencer des décisions sans être totalement transparent, on peut l'obliger à vendre ses actions; ensuite, il y a les responsabilités fiduciaires du conseil d'administration et j'insiste beaucoup, car ayant plus de 25 ans d'expérience juridique, si vous m'aviez parlé des responsabilités des administrateurs de compagnies, j'aurais dit: jouer au golf, se réunir 15 minutes, signer ce que le secrétaire de la compagnie propose et on s'en va chez soi. Ce n'est plus ça du tout. Je ne veux pas minimiser l'importance de ce que vous soulevez, je suis prêt à écouter vos propositions, mais j'aimerais que vous fassiez des démarches pour faire témoigner des gens qui ont une compétence en droit corporatif, en ce qui a trait à la loi qui oblige ces personnes à agir de façon responsable. Ce n'est pas une chasse aux sorcières, mais il faut faire attention de ne pas non plus agir de façon inacceptable dans le contexte d'affaires en limitant la capacité de compagnies qui font partie de Bell, par exemple, et qui ont le droit de participer au marché comme n'importe qui d'autre. Il y des raisons de s'incorporer, il y a des lois qui contrôlent la façon dont ces gens doivent agir et je comprends très bien votre inquiétude. On va se pencher là-dessus. J'apprécierais que le Comité considère la possibilité de faire venir témoigner des experts qui connaissent la matière, qui ont l'expérience personnelle du fonctionnement administratif et qui pourraient peut-être vous donner un autre aperçu que le mien.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Young.
M. Gouk: J'espère que vous m'accorderez deux questions, tout simplement parce que la première porte sur un point de procédure... C'est-à-dire le ministre serait-il prêt, qu'il s'agisse de lui ou des représentants de son ministère, si je lui proposais une courte liste de questions, puisque nous n'aurons pas le temps d'en traiter aujourd'hui - avant que ce projet de loi ne soit étudié en détail par le comité...
M. Young: Oui, évidemment, certainement.
M. Gouk: Cela réglera...
M. Young: Mais je préfère que ces questions me soient posées par le comité. Donnez votre liste au président, et nous enverrons la réponse au comité pour que tous puissent être saisis des réponses.
Le président: Nous pouvons toujours citer à comparaître les fonctionnaires du ministère.
M. Gouk: Nous avons si peu de temps et j'ai tellement de questions que je ne sais par où commencer. D'après certaines personnes qui oeuvrent dans cette industrie et à qui j'ai parlé, une des raisons pour lesquelles la dette du CN a augmenté de façon plutôt substantielle à une époque où cette société perdait de l'argent, c'est parce que, de l'avis de certains, le CN n'était pas très intéressé par la rentabilité de ses projets. Par conséquent, le CN s'est tourné vers la Cadillac pendant que les autres du secteur privé se tournaient vers la Chevrolet. En lui accordant cette réduction de sa dette, nous mettons maintenant sur le marché une compagnie avec des caractéristiques d'une Cadillac pour faire concurrence à une compagnie du secteur privé avec les caractéristiques d'une Chevrolet.
Si nous tâchons de ramener arbitrairement la dette au niveau des autres compagnies qui ont peut-être dépensé de façon un peu judicieuse pour commencer, cela ne risque-t-il pas de défavoriser ces autres compagnies?
M. Young: Il ne fait aucun doute, monsieur le président, que c'est là l'équilibre précaire auquel nous devons arriver pour essayer d'être aussi justes que possible. Tout ce que je puis dire, c'est que je promets que nous allons faire tout notre possible pour ne pas prendre de mesure qui favorise une compagnie par rapport à une autre. Sur ce qui a été fait dans le passé en ce qui concerne les itinéraires habituels et le mode d'exploitation choisi, je n'ai aucun contrôle. Mais nous sommes parfaitement conscients que le Canadien Pacifique est maintenant la propriété des actionnaires. J'espère que nous avons fait preuve de la plus grande prudence possible s'agissant des activités aériennes ou de ce que l'on va maintenant faire sur le plan maritime.
Nous n'avons pas pour objectif de faire courir des risques à qui que ce soit. Cela ne serait pas indiqué. Le véritable test en ce qui concerne la dette ne sera pas nécessairement de voir si une compagnie a de meilleures locomotives qu'une autre ou des voitures plus luxueuses. Le test va consister à décider de ce qui va servir de base pour déterminer la valeur de la compagnie, les capitaux propres de la compagnie et sa dette, et non pas à se fier à ce que je vais dire, ou même à ce que les preneurs fermes vont dire, mais à ce que les organismes chargés d'attribuer une cote aux obligations vont dire.
Si nous voulons placer le CN à intérêt, en lui accordant une cote qui l'oblige à placer, à toutes fins utiles, des obligations de pacotille, autant ne rien faire. Peu importe ce que le compagnie peut faire et comment elle se trouve dans cette situation. Je ne vais pas porter de jugement pour dire si ce qui a été fait était judicieux ou non pour arriver à une telle accumulation de la dette. Nous ne cessons pas de nous occuper des chemins de fer parce que nous sommes satisfaits des résultats. Nous pensons simplement que cela peut être mieux fait dans le secteur privé.
M. Gouk: J'ai une toute petite question supplémentaire à poser.
Si nous pouvions fixer, à votre satisfaction, un seuil pour la réduction de la dette, pour savoir jusqu'à quel point la réduire - et je crois que les témoins ici présents pourraient fixer ce seuil - seriez-vous prêt à modifier l'article 12 pour insérer ce seuil auquel il faut ramener la dette?
M. Young: Non. Je ne crois pas que l'on veuille s'engager à cela. Il n'y a pas pour l'instant de seuil...
M. Gouk: Je le sais bien.
M. Young: ...et je ne veux pas fixer de seuil, pas plus d'ailleurs que je ne voudrais qu'on vienne nous dire quel prix fixer en définitive pour cette émission. C'est à la dernière minute que l'on doit décider de la façon dont on va procéder. Il faut tout d'abord savoir ce que les véritables intéressés vont faire.
Cela m'intéresse au plus haut point. Je suis un petit gars de Tracadie qui est en train de parler d'une dette de 2,5 milliards de dollars comme si je savais de quoi je parlais. Il y a 1,5 milliard de dollars, des cotes triple-A, des cotes triple-B, des ratios d'endettement, et j'en passe.
Savez-vous ce qui va se passer? Je ne crois pas qu'on vende pour 500$ d'obligations de cette émission autour de la table.
Il me faut parfois parler aux véritables intéressés qui vont s'occuper d'investir l'argent. Pour nous, tout cela est bien beau en théorie, mais lorsqu'il s'agit de placer une émission de 1,5 milliard de dollars, ce n'est pas comme s'il fallait accorder une guitare. Nous parlons d'affaires sérieuses ici. Si on se trompe, on va nuire énormément aux contribuables canadiens, au CP, aux expéditeurs, à VIA Rail et à tous les autres.
Je n'essaie pas d'écarter qui que ce soit ici, mais je veux être sûr que les conseils qu'on nous donnera proviennent du monde pragmatique des institutions financières - qui ne sont pas toujours gentilles entre elles - pour pouvoir prendre des décisions. C'est pourquoi je reviens constamment aux organismes chargés d'attribuer les cotes.
Ne demandez pas chez Goldman Sachs ce que va vouloir l'investisseur américain. On a une idée de la question. Ne demandez pas chez Nesbitt Burns ou ScotiaMcLeod ce que l'investisseur canadien voudra en l'occurrence. Il faut bien sûr poser ces questions, mais il faut aussi tenir compte par ailleurs de beaucoup d'autres informations, y compris ce que souhaitent ces organismes d'attribution des cotes, qui sont très indépendants, car ce sont eux qui en gros vont déterminer le genre de cote que l'on pourra donner à ces placements.
Mais je veux aussi être attentif à tout ce que vous avez à nous dire et à en tenir compte, monsieur le président. Si cela ne doit pas figurer dans la loi, cela ne veut pas dire qu'on ne vous écoute pas, qu'il s'agisse de la façon dont les compagnies peuvent être liées entre elles pour ce qui est de leurs avoirs de 15 p. 100 ou que cela concerne l'établissement du prix de façon à ce que cela ne constitue pas un avantage injuste pour le CN par rapport au CP. Nous allons regarder cela de très près, parce que c'est notre travail.
M. Jordan (Leeds - Grenville): Ma question porte sur la nécessité de la concurrence. Je crois que vous l'avez bien expliquée en montrant la nécessité de mettre la limite à 15 p. 100. Peut-on empêcher d'une façon quelconque le CP de prendre ces 15 p. 100?
M. Young: Pour ce qui est de s'approprier quelque chose qui serait considéré comme non compétitif, ce serait dicté par la loi relative à la concurrence, etc. Il y a toutes sortes de règles qui entrent en jeu et qui influent sur ce genre de choses.
Toutefois, si le CP ou une autre compagnie veut... Je suis sur le marché, et nous serons sur le marché en tant que gouvernement. Le CN va être à la recherche de quiconque a de l'argent - et j'espère n'avoir blessé personne en disant cela, car si vous voulez investir plus de 500$, nous en serons plus qu'heureux.
Des voix: Oh, oh!
M. Young: Je faisais cette remarque parce que je sais ce que c'est qu'être député et combien il est difficile de trouver un peu d'argent supplémentaire pour l'investir dans ce genre d'affaires.
M. Jordan: Est-ce que des restrictions vont s'appliquer à ce que l'on considère normalement comme de la concurrence, comme dans n'importe quel autre cas?
M. Young: Seules les restrictions de la législation, de la réglementation et du droit coutumier s'appliqueraient. Mais il n'y aurait pas de restrictions dans la loi.
Le président: Merci, monsieur Jordan. Monsieur le ministre, merci d'être venu aujourd'hui répondre à nos questions. Nous sommes heureux de vous avoir parmi nous ainsi que Moya Green.
M. Young: Monsieur le président, puis-je dire pour terminer que je tiens à vous remercier infiniment de m'avoir invité à comparaître devant le comité au sujet de cette question très importante.
Je ne saurais trop insister sur l'importance d'examiner cette question de façon aussi approfondie que nécessaire, de faire en sorte d'entendre tout ce que l'on a à dire sur le sujet. Nombreux sont ceux qui sont favorables à cette initiative. On pourra se poser quelques questions précises sur la façon de procéder, sur les précautions à prendre et sur les limites à fixer, mais il ne faut pas oublier que nous allons revenir vous voir avec le loi de réglementation.
Nous avons pour objectif de placer cette émission sur le marché à l'automne - en octobre ou début novembre. Mais cela ne pourra être fait sans avoir une idée précise du cadre réglementaire. Les investisseurs souhaiteront savoir dans quel genre de situation ils vont évoluer.
Je sais qu'on hésite beaucoup à se réunir lorsque la Chambre ne siège pas, mais je vous en conjure, lorsque ce texte de loi sortira fin juin, cherchez à savoir ce que la population du pays tout entier envisage comme cadre réglementaire. Si nous attendons, il faudra beaucoup de temps avant que le système de réglementation soit en place.
Je vous signale cela au cas où vous auriez prévu pour l'été de faire certaines choses que vous ne voudriez pas compromettre.
Le président: Peut-être ferons-nous quelques heures supplémentaires.
M. Guimond: Nous avons du travail à faire dans notre circonscription. Lorsque nous ne siégeons pas ici, nous travaillons dans notre circonscription.
M. Young: Moi aussi.
Le président: Merci encore. Chers amis, notre prochaine réunion aura lieu demain à 15h30. La séance est levée.