[Enregistrement électronique]
Le lundi 29 mai 1995
[Traduction]
Le président: Bonsoir, chers collègues. Nous reprenons l'étude du projet de loi C-89, Loi prévoyant la prorogation de la Conpagnie des chemins de fer nationaux du Canada sous le régime de la Loi canadienne sur les sociétés par actions ainsi que l'émission et la vente de ses actions au public, connue aussi sous le nom de Loi sur la commercialisation du CN. Notre témoin de ce soir est M. Tom Woods, vice-président et directeur de Wood Gundy.
Bienvenue au comité, monsieur Woods. Je crois comprendre que vous devez nous faire un exposé. Commencez quand vous voudrez. Nous vous poserons des questions ensuite.
M. Tom Woods (vice-président et directeur, Wood Gundy Inc.): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs. Je suis heureux de me présenter devant vous ce soir pour vous parler du projet de loi et de certaines des questions financières dont il a été question lors de votre réunion précédente et à la Chambre.
Le texte de mes remarques est disponible dans les deux langues officielles.
Je travaille depuis 18 ans, soit toute ma carrière, au Service des opérations de banque d'investissement de Wood Gundy et je me suis consacré, au cours des dix dernières années, au dessaisissement d'actifs du secteur public. Je me suis déjà présenté devant des comités de la Chambre des communes et du Sénat relativement à des transactions de Télésat et de la Société canadienne des postes et j'ai fait des recommandations touchant le dessaisissement de divers actifs du secteur public.
Wood Gundy est l'une des principales maisons bancaires d'investissement au Canada; elle appartient à la Banque canadienne impériale de commerce et aux employés de Wood Gundy dans des proportions respectives de 88 p. 100 et de 12 p. 100. Le groupe chargé des opérations bancaires d'investissement donne des conseils aux sociétés et aux gouvernements sur la manière de structurer les appels publics à l'épargne pour la vente aux investisseurs intitutionnels et individuels. Elle donne également des conseils touchant l'achat ou le dessaisissement d'entreprises, la structure du capital et d'autres politiques qui conviendront aux actionnaires. D'autres groupes de Wood Gundy participent à la vente et à la négociation de titres et mènent des recherches sur l'économie, les groupes industriels et les sociétés individuelles.
Entre septembre 1994 et mars 1995, Wood Gundy a fourni des conseils financiers à Transports Canada relativement à l'offre du CP d'acheter les actifs du CN à l'Est du pays, de même qu'à la possibilité pour le CN de faire un appel public à l'épargne et au montage d'un tel appel.
Rôle des maisons bancaires d'investissement dans le cadre d'un premier appel public à l'épargne: les maisons bancaires d'investissement offrent trois grands services aux sociétés qui envisagent de vendre leurs actions au public.
Premièrement, elles recommandent la manière de structurer la société et l'appel public de manière à ce que l'émission puisse être mise en marché au coût le plus élevé possible. Par exemple, dans le cadre de notre mission avec Transports Canada, nous avons donné des conseils sur les points suivants: répercussions éventuelles sur la valeur de l'inclusion des actifs non ferroviaires dans la société visée; structure du capital (la négociabilité et les répercussions sur la valeur selon divers niveaux d'endettement); restrictions touchant l'actionnariat; type de titres offerts; composition du conseil d'administration; et politique de dividende.
Les banques d'investissement achètent et revendent aussi des actions aux investisseurs institutionnels et individuels au Canada et à l'échelle internationale. Elles soumettent ensuite aux investisseurs des rapports de recherche sur le rendement et les perspectives des sociétés et négocient des actions sur le marché secondaire, mettant souvent leurs propres capitaux au service des clients qui veulent vendre rapidement leurs actions.
Je voudrais faire certaines observations sur le projet de loi C-89. Bien que je ne sois pas avocat et que je ne sois pas intervenu directement dans la rédaction de ce projet de loi, il me semble que ce projet porte sur des questions qui feraient en sorte que les investisseurs qui décideront de le lire avant de prendre une décision de placement devraient s'y retrouver facilement.
Je vais maintenant aborder les articles du projet de loi qui portent sur des questions financières et qui ont été mentionnés par ce comité à l'occasion de précédentes réunions et à la Chambre des communes.
L'article 8 - Limite de 15 p. 100 à la participation individuelle - précise qu'aucun actionnaire, avec tout associé, ne peut détenir plus de 15 p. 100 des actions du CN. Les investisseurs connaissent bien ce type de restriction, étant donné que, selon nous, il a été inclus dans tout appel public à l'épargne fait par des sociétés appartenant au gouvernement fédéral ou à un gouvernement provincial au Canada au cours des 15 dernières années. Vous trouverez ci-après des exemples de restrictions touchant la participation individuelle dans des sociétés canadiennes au moment d'un premier appel public à l'épargne: Air Canada, 10 p. 100; Alberta Energy, 5 p. 100; Cameco, 25 p. 100; Nova Scotia Power, 15 p. 100; Petro-Canada, 10 p. 100; Potash Corporation of Saskatcheqan, 5 p. 100; et Telus, 5 p. 100.
Les premiers appels publics à l'épargne faits à l'échelle internationale par des sociétés d'État sont typiquement assortis de telles restrictions également, le pourcentage variant de 2,5 p. 100 à 15 p. 100 dans le cas des sociétés répertoriées.
Nous sommes d'avis qu'une limite de 15 p. 100 touchant la participation individuelle ne réduirait pas l'intérêt des investisseurs pour l'appel public du CN, et n'empêcherait pas les investisseurs d'exercer une influence considérable sur la direction de la société. Bien qu'il soit vrai que ce que l'on désigne communément dans le secteur des investissements comme une «prime de prise de contrôle» ne soit pas comprise dans le prix de l'action du CN, une telle prime ne serait au mieux que nominale, surtout dans le cas d'une société comme le CN, dont la prise de contrôle semblerait, pour les investisseurs, peu probable.
Compte tenu des avis juridiques que nous avons reçus, nous concluons que l'article 8.(4)g) n'empêcherait pas un groupe d'actionnaires mécontents de voter en faveur de la dissolution du conseil d'administration. À condition que ces actionnaires agissent pour leurs propres intérêts économiques en tant qu'investisseurs individuels plutôt qu'en tant que groupe, ces derniers seraient en mesure d'exercer des droits de vote en nombre suffisant de façon à restreindre les actions d'une équipe de direction dont la performance laisserait à désirer. Cette hypothèse s'applique aux investisseurs dans d'autres sociétés imposant pareille restriction et, par conséquent, nous sommes d'avis que la limite de 15 p. 100 ne représente pas une menace pour l'équipe de direction.
En ce qui concerne les préoccupations selon lesquelles l'article 8.(5)a) pourrait offrir une échappatoire aux actionnaires qui sont des associés de fait, les avis juridiques obtenus soutiennent que la formulation permet sans équivoque aux membres du conseil d'administration du CN d'avoir le dernier mot pour déterminer si deux parties agissent en fait «de concert».
En bref, nous sommes d'avis qu'une limite de 15 p. 100 touchant la participation individuelle assure un équilibre satisfaisant entre, premièrement, l'objectif du gouvernement d'empêcher l'acquisition totale ou le contrôle du CN par une seule partie - par exemple une société ferroviaire étrangère ou toute autre partie qui, si elle connaissait des difficultés financières, pourrait être très défavorable au CN - et, deuxièmement, l'objectif de ne pas nuire au succès de l'appel public pour ce qui est de l'intérêt général pour les actions et du prix de ces actions.
Une limite de 15 p. 100 représenterait quand même un actionnariat très important - en dollars notamment - même pour l'investisseur institutionnel le plus important; de plus, il s'agit d'un des pourcentages les plus élevés pour une telle limite au Canada et à l'échelle internationale. Ce dernier élément ainsi que le fait que l'on n'envisage aucune restriction supplémentaire touchant la participation d'intérêts étrangers devraient permettre aux investisseurs de considérer qu'il s'agit d'une mesure progressiste et, par conséquent, favorable au programme de commercialisation de l'appel.
Au sujet de l'article 8.(1)c), qui concerne l'emplacement du siège social, les investisseurs ne seraient pas préoccupés par le fait que le siège social du CN demeure à Montréal, ni par l'article 15 exigeant que la Loi sur les langues officielles continue de s'appliquer.
Même si des exigences de cette nature ont tendance à ne s'appliquer qu'à des sociétés dont le gouvernement veut se dessaisir - ainsi Air Canada et Petro-Canada ont de telles restrictions - les investisseurs en comprennent la raison d'être.
À propos de l'article 12, Titres de créance du CN, l'encours de la dette du CN est d'environ 2,5 milliards de dollars et sa cote d'obligations est AA moins. Comme vous le savez, une cote est un point de référence que les investisseurs utilisent pour juger de la solvabilité d'une obligation. Les entreprises et les gouvernements qui possèdent des cotes plus élevées peuvent émettre des obligations assorties de taux d'intérêt moins élevés.
Les cotes des obligations s'établissent comme suit dans un ordre décroissant: AAA est la cote la plus élevée possible... AA plus; AA; AA moins; A plus; A; A moins; et ainsi de suite jusqu'à C.
Les obligations ayant des cotes inférieures à.AAB moins - c'est-à-dire des obligations dans la catégorie.AA et les plus basses - sont considérées par les investisseurs comme n'ayant pas une cote supérieure d'investissement. La plupart des groupes importants de capitaux ont des règles qui interdisent ou restreignent l'achat d'obligations n'ayant pas une cote supérieure d'investissement - c'est-à-dire des obligations cotées.AA ou inférieures.
La cote des obligations du CN devrait fléchir si le gouvernement vendait ses actions, étant donné que le soutien financier implicite du gouvernement - même si les obligations ne sont pas en principe garanties - ne sera plus présent. La plupart des sociétés de chemin de fer aux États-Unis ont des cotes de la catégorie.AAB ou des cotes plus hautes.
Compte tenu des discussions que nous avons eues avec les services d'évaluation du crédit, nous croyons que le CN pourrait atteindre une cote.AAB s'il réduisait sa dette pour la ramener à approximativement 1,5 milliard de dollars. Une dette de 1,5 milliard de dollars permettrait au CN d'atteindre un ratio de couverture de l'intérêt - le ratio des bénéfices disponibles pour les frais d'intérêts, rajusté pour tenir compte des paiements de location - d'environ 5,0 d'ici à la fin de 1996. Le ratio de couverture de l'intérêt - rajusté pour tenir compte des paiements de location - est la principale mesure, mais non la seule, que les services d'évaluation du crédit utilisent pour évaluer la qualité des obligations des compagnies de chemin de fer.
Une cote.AAB fournirait une assurance raisonnable que le CN pourrait maintenir son accès aux marchés obligataires pour financer ses dépenses de capital et les échéances de ses obligations au cours des prochaines années. En outre, cette assurance serait essentielle au succès de l'appel public à l'épargne visé et au produit net que le gouvernement en retirerait. À moins que les investisseurs n'estiment que le CN puisse atteindre une cote.AAB, au minimum, ils ne seront pas prêts à payer la pleine valeur des actions du CN.
Autres questions; les actifs immobiliers du CN
Nous avons informé Transports Canada que la valeur totale des investissements du gouvernement dans le CN serait plus élevée si les actifs immobiliers étaient traités séparément. Dans un premier appel public à l'épargne portant sur les sociétés autres qu'immobilières, les investisseurs paient rarement la pleine valeur de tels actifs. De plus, certains investisseurs accueilleraient favorablement une séparation des actifs reliés au rail des autres, car ils l'interpréteraient comme un indice que le CN entend se consacrer entièrement au transport.
Vente d'actions à l'étranger
Nous croyons que le gouvernement n'obtiendra pas la pleine valeur des actions du CN si elles ne sont vendues initialement qu'au Canada. L'émission envisagée serait la plus importante jamais offerte par une société canadienne et devrait avoir un attrait important aussi bien chez nous qu'à l'étranger. Aussi, limiter la mise en marché au Canada compromettrait également la possibilité de vendre, tel que prévu, 100 p. 100 des actions en une seule émission.
Participation des employés
Le fait de permettre aux employés d'acheter des actions du CN sur une base privilégiée aurait un effet positif sur le programme de commercialisation élargi. La plupart des appels publics à l'épargne portant sur les sociétés d'État prévoient la participation des employés en leur permettant d'acheter un montant prescrit d'actions à un cours au-dessous du pair - par exemple, dans le cas d'Air Canada, les employés pouvaient acheter jusqu'à 5 000$ d'actions pour 3 700$.
Monsieur le président, ceci met un terme à mes commentaires sur le projet de loi C-89 et sur les questions financières s'y rapportant. En résumé, je crois que le projet de loi ne contient aucune restriction qui causerait des préoccupations injustifiées parmi les investisseurs. Il serait cependant prudent de ne pas introduire de restrictions additionnelles à ce moment-ci.
Bien que les initiatives que le CN a prises pour améliorer ses activités durant les dernières années, combinées avec un environnement économique favorable, devraient susciter un intérêt généralisé pour les titres offerts, imposer d'autres restrictions limitant la flexibilité de la société est accompagné du risque de menacer le succès de l'appel public à l'épargne.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Woods, de cet exposé solide sur les questions financières du projet de loi.
À titre de comparaison, vous dites à la page 5 que l'encours de la dette du CN est d'environ 2,5 milliards de dollars et que sa cote d'obligations est AA moins. Pouvez-vous nous dire quel est l'encours de la dette du CP et sa cote d'obligations?
M. Woods: Oui. La cote du CP est A moins pour la majorité de ses obligations. Je crois que chacun sait que le CP est une compagnie beaucoup plus importante, un «conglomérat», comme nous les appelons chez nous, pour lequel les activités ferroviaires et maritimes sont importantes, mais ne représentent qu'environ un tiers de son chiffre d'affaires.
Nous ne considérons pas qu'il soit possible de faire une comparaison directe, mais, quoi qu'il en soit, son endettement consolidé est d'environ 4,6 milliards de dollars. Mais cela inclut la dette de toutes les filiales, pour un ratio d'environ 40 p. 100, comparativement à celui du CN, qui est d'environ 50 p. 100.
Le président: Merci, monsieur Woods.
Nous passons aux questions avec M. Guimond.
[Français]
M. Guimond (Beauport - Montmorency - Orléans): Monsieur Woods, à la ligne 125 de la page 6 de votre présentation, vous dites: «Most U.S. railroads have bond ratings in the «triple B» category or above.».
Pouvez-vous nous donner des exemples de ce que vous entendez par Most U.S. railroads? Est-ce que ce sont des compagnies comparables avec le CN en termes d'activités économiques ou si ce sont de petites lignes?
[Traduction]
M. Woods: Il y a environ 10 grosses compagnies de chemins de fer au États-Unis qui ont une cote d'obligations. Pour la plupart ce ne sont pas des exploitants de petites lignes, mais de grosses compagnies de chemins de fer comparables au CN.
Permettez-moi de vous lire les dernières cotes des huit plus grandes de ces 10 compagnies: Norfolk Southern, AA; Union Pacific, A; Conn Rail, A; Kansas City Southern,.AAB plus; Burlington Northern,.AAB; CSX,.AAB; Illinois Central,.AAB; Santa Fé Pacific,.AAB; Chicago and Northwestern,.AA plus - c'est une plus petite compagnie - et Southern Pacific,.AA.
[Français]
M. Guimond: Pouvez-vous mettre ce tableau à la disposition de la greffière pour que nous puissions en prendre connaissance?
[Traduction]
M. Woods: Oui, absolument.
[Français]
M. Guimond: Toujours à la page 6, ligne 128, vous dites - suite à la question du président où on disait que le CN avait une dette approximative de 2,5 milliards de dollars - que si on réduisait cette dette à 1,5 milliard de dollars, le CN serait dans une position beaucoup plus intéressante pour être vendu avec une cote «triple B». Selon vous, comment s'y prend-on pour réduire une dette de 2,5 milliards de dollars à 1,5 milliard de dollars?
[Traduction]
M. Woods: Il y a l'exemple d'Air Canada. En 1988, l'offre publique d'achat a été considérée comme une offre du Trésor. C'est-à-dire que tout l'argent recueilli sur le marché public a été directement versé à la compagnie.
Ils ont ensuite pu utiliser ces fonds pour rembourser la dette, dans certains cas, et, dans d'autres, les investir dans des titres dont les échéances correspondaient à celles de certains d'entre eux. En examinant la situation, les investisseurs diraient qu'en fait ils ont réduit leur dette du montant des fonds obtenus.
On pourrait faire quelque chose de semblable ici. D'après le travail que nous avons fait, et qui s'est terminé en mars, nous comprenons que cette entreprise a des actifs considérables dont elle pourrait se dessaisir avant de faire une émission publique, à moins de les transférer contre de l'argent à une société de propriété gouvernementale, ce qui aurait pour effet de réduire cette somme de 1 milliard de dollars.
Prenons un exemple: disons qu'on réduit la somme à 500 ou 600 millions de dollars. Pour obtenir le reste, on pourrait faire comme Air Canada, soit une émission concurrente à celle des titres du gouvernement. Dans le cas du CN, une bonne partie de la dette ne peut être remboursée immédiatement; il faut attendre l'échéance. Le CN devrait alors prendre cet argent et l'investir dans d'autres titres, puis rembourser sa dette lorsque les échéances des titres et de la dette coïncideront.
[Français]
M. Guimond: Monsieur Woods, vous avez personnellement procédé à l'examen des états financiers du CN pendant un certain nombre d'années... Votre connaissance personnelle des états financiers du CN couvre quelle période?
[Traduction]
M. Woods: Dans ce cas-ci, comme de coutume, nous avons examiné les chiffres des cinq à dix années précédentes pour comprendre les caractéristiques de ce genre d'entreprise, en donnant une attention particulière aux années les plus récentes. Mais je pense que nous comprenons assez bien, comme les investisseurs, le rendement de cette société depuis cinq ou dix ans.
[Français]
M. Guimond: J'aimerais vous parler des états financiers de 1992. Si votre mémoire est bonne, vous vous rappellerez qu'en 1992, il était question de prévisions négatives de l'ordre d'environ 900 millions de dollars qui tenaient compte des primes de séparation aux cadres et aux employés du CN.
Selon les états financiers du 31 mars 1995, - malgré qu'il y ait eu, d'après ce que M. Tellier a dit, environ 7 000 mises à pied et de réduction d'effectifs - il resterait encore 564 millions de dollars non dépensés pour tenir compte des prévisions négatives sur les états financiers dont je vous parlais et qui sont de l'ordre de 890 millions de dollars.
Que direz-vous aux acheteurs potentiels des actions du CN? Cela veut-il dire que ces 564 millions de dollars seront dépensés dans les prochains mois, ce qui est physiquement impossible? Que direz-vous aux actionnaires? Y aura-t-il d'autres mises à pied majeures pour en arriver à réduire ces 564 millions de dollars ou, ce qui est davantage possible, que les 564 millions de dollars qui avaient été pris à partir du 900 millions de dollars ne soient pas dépensés, causant ainsi un impact sur les chiffres réels sur l'endettement du CN. Comprenez-vous ma question?
[Traduction]
M. Woods: Non, je comprends bien.
Le président: Mais vous êtes avocat.
M. Woods: Je crois comprendre.
Nous pensons que des investisseurs avisés comprendront l'annonce faite en 1992 par le CN relativement à un programme de réduction des effectifs dans le cadre duquel environ 11 000 emplois seraient éliminés sur une période de trois ans, ainsi que les dispositions corrélatives d'indemnité de cessation d'emploi de 890 millions de dollars. Nous savons qu'un certain nombre d'entreprises canadiennes ont vécu la même situation au cours des dernières années.
Les investisseurs ne considèrent pas la question uniquement du point de vue comptable. Je crois qu'ils savent reconnaître que parce que les analystes ou les établissements financiers ont eu l'occasion auparavant d'examiner les états financiers de ces sociétés, ils le font en tenant compte à la fois du nombre d'employés qui vont recevoir une indemnité de départ, c'est-à-dire en faisant une approximation de l'indemnité moyenne, dont le total, d'après la compagnie, est de 890 millions de dollars, et des déboursés pendant la même période. Je ne peux pas vous dire précisément ce à quoi on s'attend, mais la période serait sans doute de trois, quatre ou cinq ans. Naturellement, au premier coup d'oeil, cela peut rebuter quelques investisseurs. Il s'agit d'une dépense énorme.
Mais les investisseurs analyseront les incidences que cela aura sur la position concurrentielle de la société et sur sa capacité de réduire ses coûts et d'augmenter ses revenus. Ils ne s'arrêteront pas aux entrées comptables d'une seule année relatives à ces transactions.
Ce qui leur semblera probablement plus important, c'est la mesure dans laquelle la société respecte le calendrier d'exécution de ce programme. Si elle est très en retard, ce sera vu négativement, même si les dépenses associées aux indemnités de départ seront moindres; en effet, il y aura un effet négatif sur les coûts.
En fait, d'après nos entretiens avec des investisseurs, ce programme a rendu le CN plus concurrentiel, même s'il a fallu décaisser des sommes considérables pour réduires ses effectifs.
M. Gouk (Kootenay-Ouest - Revelstoke): Tout d'abord, j'aimerais comprendre comment sont établis ces évaluations du crédit. Dans une même catégorie, si l'on passe de AA plus à AA, est-ce la même chute, pour ce qui est de la stabilité financière, que si l'on passe, disons, de A à A moins? Sont-ce les mêmes écarts?
M. Woods: Je pense que la meilleure réponse serait de vous dire où sont échangées les obligations.
M. Gouk: Je comprends que le marché a ses petites particularités, mais pour un expert comme vous, si l'on regarde des évaluations du crédit - A, A plus, A moins, puis les B - s'agit-il d'écarts relativement semblables?
M. Woods: Ils sont relativement égaux. Il y a certainement un grand écart entre.AAB et.AA, parce qu'on tombe alors dans la catégorie de non-investissement. Mais les écarts sont relativement égaux.
M. Gouk: Le CN se trouve actuellement dans la catégorie AA?
M. Woods: Oui, AA moins.
M. Gouk: C'est à quatre échelons du sommet.
M. Woods: Exact.
M. Gouk: Nous dites-vous que simplement en raison du dessaisissement du gouvernement, même s'il n'avait la responsabilité d'aucun des emprunts, le CN dégringolera de six échelons?
M. Woods: Oui. Il est intéressant de voir que c'est exactement ce que disent les sociétés américaines d'évaluation du crédit dans leurs rapports. Je peux vous les lire si vous le désirez. Ce qui est intéressant, toutefois, c'est que même si ces sociétés d'évaluation n'ont pas encore dévalué le CN - elles hésitent à le faire avant qu'une émission publique soit imminente ou chose faite - les marchés obligataires ont déjà commencé à dévaluer les obligations, ce qui signifie que l'écart entre le prix payé et le prix d'émission équivaut à une cote.AAB, même si rien n'est encore arrivé. Pour être plus précis, les obligations sont échangées aujourd'hui en fonction d'une cote équivalant à un faible A.
Cela fait toute une différence.
Pour les institutions, même si le gouvernement n'était pas responsable des dettes, il y avait une certaine confiance. Cela valait également pour Air Canada et d'autres sociétés de la Couronne non garanties. La confiance aurait été supérieure si ces entreprises avaient été garanties, mais c'était presque la même chose. On croyait que si les paiements d'intérêts de ces obligations étaient compromis, des mesures seraient prises afin que les répercussions sur le marché ne nuisent pas au crédit du pays. Quand le gouvernement n'est plus propriétaire, comme c'est le cas pour Air Canada et certaines autres sociétés, aux yeux du marché, c'est une société comme une autre.
M. Gouk: Pour ce qui est des actifs immobiliers, avez-vous un montant approximatif de leur valeur? Vous avez utilisé certains chiffres. Est-ce là essentiellement les valeurs dont vous pouvez parler?
M. Woods: Non. Les chiffres que j'ai donnés tantôt étaient arrondis. Le travail que nous avons fait n'a rien à voir avec le travail de précision qui mène à une émission de titres dans le public.
Mais d'après nos entretiens à ce sujet avec Transports Canada et le CN, la valeur des actifs serait dans une fourchette de 400 à 600 ou 700 millions de dollars, si l'on prend une évaluation très approximative. Si vous connaissez le fonctionnement des marchés immobiliers, la valeur attribuée à un actif et la valeur réelle sur le marché peuvent varier énormément, particulièrement si l'actif doit être vendu rapidement à cause d'un bouleversement de la dynamique du marché. Il reste qu'il s'agit d'actifs immobiliers considérables.
M. Gouk: Oui, je le comprends bien. Il s'agit d'actifs d'une valeur de 400 à 700 millions de dollars. Sont-ils associées à des emprunts?
M. Woods: Certains actifs sont grevés d'une dette, mais pas beaucoup. Le chiffre que j'ai donné, qui est très approximatif, est le chiffre net, compte tenu de... Je pense qu'il y a environ 92 millions de dollars de dettes. C'est le chiffre qui me vient à l'esprit au sujet de propriétés à revenus.
M. Gouk: Mais si le gouvernement reprenait ces actifs, il se chargerait également des emprunts. Alors, en plus de payer le CN pour ses actifs immobiliers, on assumerait la dette dans le cadre de ce transfert?
M. Woods: Les actifs immobiliers sont dans certains cas des terrains qui ne sont pas associés à une dette et, dans d'autres, des sûretés relatives à la construction d'immeubles, soit des participations dans une société, soit des intérêts directs. La dette est donc la responsabilité de la société propriétaire de l'immeuble. Si l'actif est transféré, nous parlons en fait de terrains et de participation dans des immeubles. Toute la société ou toute la participation serait transférée, et, par conséquent, le gouvernement détiendrait des actions ou des unités de participation dans un bien qui fait l'objet d'une dette.
M. Gouk: Bien, mais s'agit-il de 92 millions de dollars de dette réelle?
M. Woods: Oui, ce sont des dettes réelles.
M. Gouk: On assumerait une dette de 92 millions de dollars.
M. Woods: Encore une fois, je ne veux pas trop aller dans le détail, mais le gouvernement ou l'acquéreur des titres ou de la participation serait détenteur des titres, c'est-à-dire d'une partie de la société qui a une dette à rembourser. Ainsi, si vous ou moi achetons une société, nous sommes propriétaires des actions, sans être responsables des dettes de la société; c'est la société qui rembourse ses dettes.
M. Gouk: S'agit-il d'actifs appartenant au CN ou de biens de la Couronne qui lui ont été confiés?
M. Woods: Je ne comprends pas très bien la distinction. Il s'agit d'actifs détenus par le CN en tant que société. Si vous voulez savoir comment le CN les a acquis, je ne peux pas vous dire si, dans tous les cas, ils ont été achetés ou si certains d'entre eux lui ont été confiés. Je ne le sais tout simplement pas.
M. Gouk: Vous n'êtes pas au courant de propriétés qui ont été confiées au CN et qui étaient des biens de la Couronne?
M. Woods: Nous ne nous sommes pas penchés sur la question. Nous avons examiné en détail les avoirs de la société. Je dois dire que nous n'avons pas passé au peigne fin les moyens grâce auxquels ces avoirs ont été transmis au CN par le passé. Je n'en sais rien.
M. Gouk: Si je puis me permettre un aparté, comment se fait-il que Wood Gundy ne s'occupe pas de la coordination de la vente des actions?
M. Woods: Nous espérons le faire. Dans notre secteur, comme dans bien d'autres, on espère obtenir tous les contrats. Nous avons été ravis de récupérer le contrat en matière de consultation en septembre. Les trois compagnies qui ont été choisies sont excellentes, et nous espérons pouvoir également jouer un rôle dans la distribution.
M. Gouk: Je ne veux même pas poser de questions facétieuses. J'essaye de m'élever au-dessus de cela ces jours-ci.
M. Nault (Kenora - Rainy River): Je voudrais aborder la question de la cotation des obligations, le CN ayant une cote AA moins, et voir dans quelle mesure les modifications de la réglementation influeront sur sa cote. Si l'on peut passer d'une cote AA moins à cause de la présence du gouvernement, qui vend ensuite les actions sur le marché libre sans rien changer au cadre réglementaire... Je suppose que c'est à cela qu'a abouti l'analyse, à savoir que la société tombera à une cote de.AAB moins, ou quelque chose du même ordre. Si vous tenez compte de la modification réglementaire et des améliorations que l'industrie ferroviaire elle-même juge nécessaires pour repartir sur un bon pied, quelle sera à votre avis la cotation des obligations du CN?
M. Woods: Ce n'est pas une science parfaite. Quand nous avons effectué une analyse en vue d'établir à quel niveau devait se situer la dette du CN pour attirer les investisseurs éventuels en leur donnant une certaine garantie que les obligations seraient intéressantes pour eux, nous sommes partis de l'hypothèse qu'il y aurait une réforme de la réglementation. Toutefois, lorsqu'on passe en revue la longue liste de critères que les services de cotation appliquent pour établir la cote d'une entreprise, cela va beaucoup plus loin, comme je l'ai dit dans mes remarques, que d'envisager le taux d'intérêt possible, ce qui d'après eux est l'élément le plus important. Un certain nombre d'autres facteurs entrent en considération, comme la réforme de la réglementation, la capacité de la société de limiter ses dépenses, le caractère cyclique des marchés...
Il est évident que lorsqu'on lit les observations des sociétés américaines de cotation à l'heure actuelle, elles connaissent bien le domaine. Elles savent que lorsque l'on compare le cadre réglementaire des États-Unis à celui du Canada, il y a un écart. Nous sommes donc partis du principe que la situation s'améliorait dans ce domaine.
Il est difficile de donner une réponse précise si votre question se fonde sur l'hypothèse de savoir ce qui se passera si la réforme de la réglementation ne progresse pas aussi rapidement que l'on pourrait l'espérer; quelle incidence cela aurait-il sur la cote des obligations? C'est difficile à dire. Il est évident que ce facteur entre en ligne de compte. Lorsqu'on considère ce que j'appelle des problèmes: une réforme réglementaire médiocre, des gains faibles, un taux d'endettement supérieur à la moyenne, il ne fait aucun doute que la cote.AAB commence à inquiéter les investisseurs. Ce n'est toutefois qu'un aspect du problème.
M. Nault: Je voudrais vous soumettre une idée. Je sais qu'on parle beaucoup d'hypothèses. Supposons aux fins de la discussion que l'on ramène la dette du CN à 1,5 milliard de dollars, ce qui d'après nos renseignements correspond à la norme ou du moins à la moyenne pour le réseau ferroviaire nord-américain, en tout cas pour des chemins de fer de taille comparable. Nous supposons donc que le gouvernement serait fou de laisser le CN avec une dette de 2,5 milliards de dollars et d'essayer de vendre... Il va faire savoir que la dette a été ramenée à 1,5 milliard ou à un montant semblable.
Autrement dit, lorsque vous avez examiné la cote des obligations, ou toute cette question, il vous a manifestement fallu vous fonder sur un niveau d'endettement différent des 2,5 milliards de dollars, car le gouvernement a déjà fait savoir, sauf erreur, qu'il va ramener cette dette à 1,5 milliard environ.
Quels autres critères appliquez-vous pour modifier la cote de la société, actuellement établie à AA moins? Est-ce simplement dû au fait que le gouvernement est là pour renflouer la société à la dernière minute et l'empêcher de faire faillite? Nous la mettons dans le même panier que toutes les autres compagnies de chemins de fer, nous procédons à une réforme de la réglementation, et vous dites que vous en avez déjà tenu compte. À quoi est donc dû cette baisse importante de la cote du CN? J'ai du mal à le comprendre, si le gouvernement fait bien ce qu'il faut.
M. Woods: Je pense avoir compris l'essentiel de votre question.
Lorsqu'on considère l'industrie ferroviaire en Amérique du Nord, et c'est dans ce contexte que les agences d'évaluation américaines, qui influent sur les décisions, si vous voulez, examineront les obligations du CN par rapport à celles d'autres sociétés ferroviaires américaines... lorsqu'elles se penchent sur la situation du CN aujourd'hui, elles ne considèrent pas qu'il s'agit d'une compagnie de chemin de fer, pas plus qu'elles n'ont considéré Air Canada comme une compagnie aérienne. Elles se disent: voilà une société qui oeuvre dans le secteur ferroviaire, et qui a un énorme encours de dette, une histoire cyclique, des conflits de travail et un milieu de réglementation qui n'est pas aussi favorable que celui des États-Unis, mais il s'agit d'une société d'État. Ces agences se demandent ce qui se passera si le versement d'intérêts arrive à échéance et que pour une raison ou une autre la société n'a pas l'argent nécessaire. Elles partent du principe que le gouvernement paiera la note. À ma connaissance, jamais une société d'État fédérale n'a manqué un seul versement d'intérêts.
Ces agences adoptent une attitude légèrement différente si la société est libre et indépendante. Elles commencent à la considérer dans le contexte de l'industrie ferroviaire américaine, où des facteurs comme le cadre réglementaire, la densité du trafic, les coûts et les ratios d'exploitation sont raisonnables à l'heure actuelle.
M. Nault: C'est pourquoi j'ai essayé de comprendre quels sont les critères que vous appliquez, car chacun sait également que le CN a sans doute la meilleure infrastructure de tous les chemins de fer nord-américains. Son réseau est bien construit, bien entretenu et de loin supérieur à celui de toute autre compagnie ferroviaire d'Amérique du Nord.
Autrement dit, lorsqu'on le met sur le même pied que les autres en l'assujettissant à un bon régime réglementaire, et qu'on ramène son niveau d'endettement à 1,5 milliard, on lui donne tous les moyens possibles. Bien sûr, parallèlement, il faut que le calme revienne dans le domaine des relations de travail et que l'on signe une convention collective de cinq ans, ce qui devrait calmer les investisseurs.
Après avoir dit tout cela, j'essaie de comprendre pourquoi quelqu'un interviendrait en disant que, même compte tenu de tous ces facteurs, lorsque la société sera transférée au secteur privé, sa cote de crédit va tomber d'un seul coup.
Cela nous amène à une question très pertinente, à savoir comment en arrive-t-on à cette décision? Ceux d'entre nous qui s'occupent de l'industrie ferroviaire savent que le CN a une excellente infrastructure.
M. Woods: C'est exact, et je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit. Les agences d'évaluation du crédit, qui, je suppose, sont payées pour être sceptiques, invoqueront la faiblesse du trafic et le ratio d'exploitation élevé.
Malgré tous les facteurs que vous avez cités et qui, du moins nous l'espérons, entreront en jeu, il reste certains domaines où, je dois l'avouer, toute compagnie de chemin de fer canadienne sera légèrement en retard par rapport à son homologue américaine, et ce, en raison de la nature du pays.
La cote.AAB est très acceptable dans le domaine ferroviaire aux États-Unis. Comment obtenir une cote A? Est-ce vraiment nécessaire? Il s'agit là d'autres questions.
M. Nault: Je voudrais aborder maintenant un autre aspect de la question. Nous nous intéressons de près, moi du moins, à la participation des employés, à l'importance que cela peut avoir et à l'incidence que cela aura sur les investisseurs eux-mêmes. Pourriez-vous nous dire quelle incidence cela aurait si l'on permettait une participation comme dans le cas d'Air Canada, ou si nous allions un peu plus loin et mettions sur pied un programme un peu plus complexe? On ne nous a pas vraiment expliqué jusqu'ici dans quelle mesure cette option va être envisagée en ce qui concerne la participation des employés, car nous n'avons pas vu les détails de la proposition. Pourriez-vous nous dire, du point de vue de l'investisseur, dans quelle mesure on pourrait prévoir la participation des employés pour s'assurer qu'ils ont voix au chapitre dans les décisions, au lieu de jouer un rôle plus passif... s'il est possible d'acheter quelques actions qui se révéleront être un investissement rentable dans l'avenir, etc..
M. Woods: Bien entendu. Les régimes de participation des employés ne datent pas d'hier, mais remontent à l'expérience britannique du début des années 80 ainsi qu'à toutes les cessions d'entreprises canadiennes qui ont eu lieu dans notre pays. Les investisseurs aiment que les employés détiennent une part de l'entreprise, et surtout dans le cas d'une société connue pour ses conflits de travail au fil des ans, ce qui a, il faut le dire, été le cas du CN.
Par ailleurs, les investisseurs sont assez futés pour se rendre compte des cas où l'on donne des actions aux employés, en fait. Même si bien souvent les analystes ne perdent pas leur temps à évaluer les régimes d'achat d'actions par les employés, il ne fait aucun doute que dans la mesure où le marché croit que les employés y vont de leur poche pour investir dans leur entreprise, il doit envoyer un message positif, surtout dans le cadre de certaines questions que se poseront les analystes relativement aux conflits de travail.
Du point de vue du gouvernement et des contribuables, il est difficile d'imaginer un plan plus généreux ou plus novateur, qui prévoit le subventionnement des placements des employés par le gouvernement et les contribuables... Le marché ne sera pas dupe.
Il est important que les employés participent au plan, mais il est également essentiel qu'ils risquent leur propre argent.
M. Nault: Vous dites donc qu'une réduction du coût des actions n'est pas nécessairement une bonne chose..
M. Woods: Je vous demande pardon...?
M. Nault: Vous avez cité en exemple la réduction de 5 000$ à 3 500$ pour les employés d'Air Canada. N'était-ce pas là une bonne initiative?
M. Woods: Le critère que nous avons utilisé en tant qu'analystes dans tous les plans qui ont été mis de l'avant, c'était le montant que le propriétaire, le gouvernement ou la compagnie, était prêt à subventionner. Combien d'actions gratuites étaient distribuées. Lors des cas précédents, les subventions ont été de l'ordre de 1 500$ à 2 500$ par employé participant.
Je dis d'une façon un peu détournée que dans la mesure où le chiffre est élevé ou dépasse la norme, les employés risquent de ne pas y trouver leur compte. Le marché ne risque pas de leur rapporter grand-chose. Ce n'est pas la méthode employée qui est en cause. La compagnie et le gouvernement auraient simplement avantage à présenter un plan que les investisseurs jugeront raisonnable quant au montant subventionné, mais en même temps qui soit suffisamment intéressant pour amener un fort pourcentage d'employés à investir dans les actions.
[Français]
M. Guimond: Monsieur Woods, à la page 3, vous donnez des exemples de compagnies d'État qui ont été privatisées. Par contre, les deux plus importantes compagnies auxquelles le gouvernement réfère souvent dans le guide d'interprétation de la loi, sont, bien entendu, Air Canada et Petro-Canada, vous en conviendrez.
Je reviens à l'article 8 en ce qui a trait à la limitation de 15 p. 100 pour les individus. Pourquoi le gouvernement, lorsqu'on a privatisé Air Canada, avait-il prévu une limitation de 10 p. 100 et pourquoi prévoit-on 15 p. 100 aujourd'hui?
[Traduction]
M. Woods: En septembre 1988, lorsqu'Air Canada a été offerte au public, il y avait très peu d'exemples de compagnies canadiennes qui étaient passées par là. Le gouvernement et la compagnie ont dû se fier à des exemples britanniques, et dans la plupart de ces cas les pourcentages avaient été fixés à un niveau relativement bas. Je puis vous les fournir, si vous le désirez. Je pense qu'ils variaient de 5 à 15 p. 100.
Je ne sais pas pourquoi 10 p. 100 a été choisi, plutôt que 7,5 ou 15 p. 100; c'est peut-être parce qu'il s'agit d'un chiffre rond. Que ce soit 10 ou 15 p. 100, pour ce qui est des chances du gouvernement d'atteindre ses objectifs, ce n'est pas important pour moi. Il est difficile de dire si ce devrait être 20 p. 100, 15 p. 100 ou 10 p. 100. Ce qui compte... Dans mon exposé, j'ai discuté des objectifs, mais pour ce qui est des pourcentages, je ne peux pas être précis. Ils doivent se situer dans une certaine fourchette.
[Français]
M. Guimond: Monsieur Woods, dans votre présentation, vous nous avez dit que vous n'étiez pas avocat et que vous n'aviez pas joué un rôle direct dans la rédaction de ce projet de loi. Donc, vous êtes un consultant indépendant, votre firme a été choisie suite à un concours où trois compagnies postulaient. Vous êtes là pour conseiller le gouvernement dans la privatisation.
Chez nous, au Québec, quand on veut dire du mal des consultants, on dit: «Un consultant vous emprunte votre montre pour vous dire l'heure». J'espère que vous ne répondrez pas à mes questions en vous comportant de la sorte.
Étant donné que vous êtes très indépendant, que vous n'avez pas rédigé le projet de loi, pourriez-vous nous dire si il y a des articles dans ce projet de loi qu'on devrait améliorer pour en accroître la compréhension, pour avoir un meilleur projet de loi, plus clair, plus limpide? Si vous étiez dans le rôle de législateur, nous suggéreriez-vous des amendements? Y a-t-il des points qui mériteraient d'être éclaircis?
[Traduction]
M. Woods: Ce que nous essayons de faire en tant que conseillers ou consultants, c'est de traiter de choses que nous connaissons bien. Un certain nombre d'objectifs sont visés par un projet comme celui-ci.
Je ne veux pas éviter votre question, mais tout ce que je puis vous dire, c'est qu'au cours de toutes ces années où nous avons conseillé les gouvernements au sujet de cessions d'actions, nous nous sommes efforcés de nous en tenir aux questions financières, de conseiller nos clients sur l'opinion du marché.
Pour ce qui est des questions financières, nous pensons qu'elles sont traitées d'une façon qui n'amènera pas les investisseurs à pénaliser le gouvernement ou la compagnie pour ce qui est de l'évaluation. Si les limites à la propriété avaient été plus sévères, par exemple, le marché aurait pu pénaliser le gouvernement ou la compagnie. Si les affaires de la compagnie avaient été restreintes, l'évaluation aurait pu en souffrir. Du point de vue financier, je ne pense pas que quelque chose d'autre puisse être ajouté.
Il est difficile de dire si l'abaissement des limites pourrait amener une évaluation plus favorable. Je ne pense pas que le changement serait appréciable.
Je ne peux pas parler des autres objectifs que le gouvernement poursuit au nom des contribuables en imposant des limites. Je ne peux pas dire si ajouter d'autres articles visant d'autres objectifs pourrait être bénéfique. Tout ce que je peux répondre, si le comité désire savoir - et je suis sûr que c'est le cas - si le projet de loi est rédigé de sorte à assurer le succès de l'offre, c'est qu'il est dans la norme par rapport aux autres transactions semblables, ce qui intéresse les investisseurs. Ils risquent d'être nerveux s'ils s'aperçoivent qu'il y a quelque chose de différent.
Comme je l'ai indiqué plus tôt, ce projet de loi suit un modèle déjà utilisé. Du point de vue financier, il a toutes les chances d'être bien accueilli par les investisseurs.
[Français]
M. Guimond: Si je vous parle de la vente des actifs non-ferroviaires, quels devraient être les critères retenus par le gouvernement pour s'en départir? Quels devraient être les critères pour vendre la Tour du CN? Combien, selon vous, vaut la Tour du CN?
[Traduction]
Le président: Il devrait s'assurer d'obtenir le meilleur prix.
M. Woods: Là encore, le gouvernement, en tant que propriétaire de cet élément d'actif, doit décider de le garder quelque temps ou de le vendre tout de suite. Je ne peux pas répondre à votre question directement. Tout ce que je peux dire, c'est que dans un marché immobilier pour le moins volatile, la première chose à voir, c'est s'il est avantageux de vendre tout de suite ou d'attendre.
À mon avis, si le gouvernement, ou n'importe quel autre propriétaire de biens immobiliers, veut vendre rapidement, le marché, en particulier le marché actuel, ne sera pas prêt à payer autant qu'à la suite d'un délai établi de façon méthodique.
Ce qu'il faut faire, c'est établir la valeur anticipée de l'élément d'actif selon deux ou trois des délais de vente possibles et décider du moment le plus propice.
Le président: Le ministre a bien dit qu'il n'était pas prêt à sacrifier ces éléments d'actif.
M. Gouk: Il y aurait tellement de choses à dire; je ne sais par quoi commencer. Je vais d'abord revenir au point que vous avez abordé, monsieur le président.
Quant à un éventuel bradage, si tous les biens immobiliers tombaient dans la même catégorie et étaient identiques en nature et que l'on essayait de les vendre tous à perte, alors on pourrait parler de bradage. Étant donné qu'il s'agit entre autres choses d'immeubles à bureaux, d'hôtels ou de propriétés immobilières, ces biens ne sont-ils pas suffisamment différents pour que, du moins dans la plupart des cas, leur mise en marché ne soit pas considérée comme une vente de liquidation?
M. Woods: Il est vrai qu'il s'agit là d'un groupe de biens de nature variée. Toutefois, la notion de bradage est tout à fait relative. Dans la mesure où les acheteurs éventuels auraient l'impression que le vendeur cherche à vendre à tout prix, il faudrait supposer que cela influera sur leur position de négociation. C'est donc peut-être un élément de moins dans la situation hypothétique que vous présentez, où tous les biens tomberaient dans la même catégorie. Toutefois, si quelqu'un venait vous voir en vous disant: «J'ai un immeuble à vous vendre», et que vous saviez que cette personne a divers autres biens à vendre, vous réagiriez de façon différente, je suppose - en tout cas moi je le ferais - que si c'était le seul immeuble à vendre et que le vendeur ne tenait pas absolument à conclure la transaction dans les plus brefs délais. Tout est relatif, donc, mais votre argument est juste.
M. Gouk: Quel est à votre avis la valeur totale des actions du CN?
M. Woods: C'est une société qui a fait des bénéfices nets de 245 millions de dollars l'an dernier. Il faudra attendre encore un peu pour savoir combien elle a gagné cette année. Le premier trimestre a été des plus prometteurs. Tant que vous n'irez pas consulter les institutions et essayer de vendre les réalisations de cette entreprise, c'est difficile à savoir. Toutefois, on peut dire sans trop se tromper que la valeur des actions du gouvernement à l'heure actuelle, sans la moindre injection de fonds du Trésor, serait supérieure à 1 milliard de dollars. Je ne peux pas être plus précis pour le moment.
M. Gouk: Étant donné le niveau actuel d'endettement de la société, elle vaut environ 1 milliard de dollars.
M. Woods: Non. Si la société était mise en vente et que l'on ramenait son niveau d'endettement comme nous en avons parlé plus tôt, nous estimons que, grâce aux avantages que possède cette compagnie ferroviaire par rapport à ses homologues américaines, la valeur des actions que le gouvernement possède aujourd'hui, sans tenir compte de ce qu'il pourrait obtenir grâce aux transferts des biens immobiliers, serait de cet ordre.
M. Gouk: Si nous utilisions les biens immobiliers du CN pour réduire de 1 milliard de dollars sa dette et que nous nous débrouillions bien, nous pourrions la vendre à 1 milliard de dollars.
M. Woods: Non. J'ai dit que si l'on diminue sa dette et que si les questions liées à la réglementation et aux conflits de travail...
M. Gouk: Mais vous avez bien parlé d'une réduction de l'endettement d'environ 1 milliard de dollars, soit de 2,5 milliards à 1,5 milliard?
M. Woods: Pour le moment la valeur comptable de l'actif du CN est d'environ 2,5 milliards, c'est exact. Or, il s'agit d'une valeur comptable, et toute entreprise a une valeur comptable différente de sa valeur marchande. J'ai dit que, selon nos estimations, qui sont très approximatives pour le moment, la valeur des actions que le gouvernement détient dans le CN atteint au moins 1 milliard de dollars.
M. Gouk: Donc, nous vendons la compagnie ferroviaire et obtenons 1 milliard de dollars.
M. Woods: C'est exact, plus la valeur des biens immobiliers ou autres.
M. Gouk: Nous conserverions donc la valeur non répartie des biens immobiliers.
M. Woods: C'est exact.
M. Gouk: Disons que nous réduisons sa dette de 1 milliard de dollars. Nous obtiendrons 1 milliard et nous aurons entre 400 et 500 millions de dollars de biens immobiliers. Cela ferait donc en tout 1,5 milliard.
Que se passerait-il si nous prenions les biens, ne réduisions pas du tout la dette et cédions la société à une tierce partie? Quelqu'un l'achèterait-il pour 1$?
M. Woods: Je ne connais pas tous les éléments de votre hypothèse. Parlez-vous d'une personne ou d'un groupe de personnes?
M. Gouk: Une entreprise ou autre.
M. Woods: Absolument. Tout ce qui vaut 1 milliard de dollars...
Le président: À ce prix-là, je l'achèterais.
M. Gouk: Je veux être certain de bien comprendre le problème. Nous parlons de rembourser environ 1 milliard sur les 2,5 milliards de dollars de dettes du CN, de prendre les biens immobiliers et d'essayer de vendre la société pour 1 milliard en vue de récupérer le milliard que nous avons utilisé pour éponger une partie de la dette, tout en conservant les biens immobiliers.
M. Woods: Il faut voir les événements dans l'ordre.
M. Gouk: Est-ce ce que nous allons faire, que nous le fassions dans l'ordre ou non?
M. Woods: Non.
M. Gouk: Alors expliquez-le-moi encore une fois, car c'est ce que j'avais cru comprendre en vous écoutant.
M. Woods: Pour le moment, la société ferroviaire a une dette de 2,5 milliards de dollars. Son actif se compose de biens ferroviaires et non ferroviaires. Les biens ferroviaires pourraient être cédés ou vendus avant l'émission d'actions. Si la société conservait ses biens ferroviaires, à notre avis, l'investisseur public ne payerait pas autant que ce que vous pourriez obtenir...
M. Gouk: Je comprends bien, et je ne prétends pas que...
M. Woods: C'est bien, mais ce n'est qu'une étape du processus. Si ces biens étaient vendus au gouvernement, ce dernier ne serait pas plus avancé. Il détiendrait 500 millions de dollars en biens immobiliers, et détiendrait toujours des actions dans une société qui pourrait être cédée, d'après nous, pour environ 1 milliard de dollars. Autrement dit, que l'on procède à une émission ou que le gouvernement injecte des fonds, la société vaut ce qu'elle vaut et, selon nous...
M. Gouk: Si je comprends bien, si nous prenons les 2,5 milliards de dollars de dette et rachetons nos propres biens à la société - car n'oublions pas qu'ils appartiennent en fait au gouvernement - nous achetons les biens immobiliers et lui faisons crédit. Que nous vendions la société maintenant ou plus tard, supposons que nous rentrons dans nos frais. La dette du CN est donc de 2 milliards au lieu de 1,5 milliard de dollars, ce qui semble être l'objectif visé, d'après vous. Qu'est-ce qui nous empêche de vendre simplement cette société pour 500 millions de moins au lieu d'y injecter encore 500 millions de dollars de fonds publics?
M. Woods: L'obstacle, c'est qu'à notre avis les investisseurs ne seront pas intéressés par l'achat d'actions dans une société dont la cote de crédit est trop faible pour en faire un bon placement. C'est aussi simple que cela. À un certain prix, les investisseurs seront prêts à acheter des actions, mais cela sera considéré plus ou moins comme une vente de liquidation. Nous sommes convaincus que, sur le marché actuel, cette société doit avoir une cote de crédit acceptable pour les investisseurs. L'évaluation que vous obtiendrez ne sera donc pas une évaluation linéaire. C'est pourquoi il faut équilibrer le bilan avant l'émission des actions.
M. Comuzzi (Thunder Bay - Nipigon): Je vais essayer de comprendre ce que vous nous dites.
J'aime toujours savoir, monsieur Woods, comment nous en sommes arrivés là où nous nous trouvons. Lorsque j'ai examiné le bilan du CN, je n'ai pas compris que sa cote de crédit était aussi bonne que cela, c'est-à-dire AA. Est-ce exact? Pourquoi avons-nous décidé il y a plusieurs années d'émettre des débentures pour des montants énormes en dollars américains, remboursables en dollars américains, et de verser des intérêts supérieurs à 15 p. 100 en dollars américains si la société avait une telle cote de crédit?
Ce n'était pas la question que je voulais poser au départ, monsieur le président, mais je veux obtenir une réponse. Nous avons décidé d'émettre des sommes énormes d'obligations, pour plus de 100 millions de dollars, à un taux d'intérêt supérieur à 15 p. 100 - je n'ai pas les états financiers sous les yeux - remboursables en dollars américains. À 40c. de plus par dollar, au taux actuel, cela représente un endettement énorme. Pourquoi une société agit-elle ainsi?
M. Woods: À l'instar de bon nombre de sociétés, le CN avait besoin de fonds pour rembourser une dette venue à échéance, faire des dépenses en immobilisations, et financer des pertes. Au lieu de s'endetter, le CN aurait pu limiter son programme d'immobilisations et renoncer à certaines activités. Le fait qu'il ait eu une cote de crédit très élevée, il faut bien l'avouer, a permis de réduire le taux d'intérêt qu'il a dû payer. Vous parlez des débuts des années 1980, où certaines entreprises...
M. Comuzzi: C'est en 1985-1986, si ma mémoire est bonne.
M. Woods: Les taux d'intérêt étaient aussi élevés à l'époque, et rien ne permettait de s'attendre à une réduction de ces derniers. Certaines personnes pensaient même qu'ils allaient encore augmenter. Avec le recul, évidemment, nous constatons que ce sont des taux d'intérêt très élevés. Certaines obligations ont été remboursées en dollars canadiens.
Pour répondre à votre question, la compagnie avait l'utilisation de ces fonds. Elle avait décidé d'emprunter parce qu'elle pensait pouvoir investir dans des actifs qui lui rapporteraient plus tard, et elle ne s'est pas trompée, puisqu'ils lui ont rapporté en 1994 et qu'ils lui rapportent jusqu'à présent en 1995.
M. Comuzzi: Nous sommes des politiciens et nous connaissons les raisons concernant le siège social et d'autres mesures imposées par cette loi qui feront que cette vente ne nous rapportera pas autant qu'elle l'aurait pu.
Je suis un peu surpris que vous, le spécialiste, défendiez ces raisons. Si nous nous adressons à Wood Gundy et Nesbitt Burns, c'est pour avoir un avis professionnel. Pourquoi défendez-vous ces raisons?
M. Woods: Je me permettrais de répondre que c'est à vous de les justifier. Je crois pouvoir dire en toute honnêteté que dans ce genre de dessaisissement, c'est tout à fait courant, et si vous me demandiez quel pourcentage de la valeur cela représente, je vous répondrais que c'est négligeable.
En fait, dans le cas du CN, si quelqu'un posait la question, ce dont je doute, il est évident que l'emplacement de son siège social dans la Communauté urbaine de Montréal et le respect de la Loi sur les langues officielles sont justifiés par son très fort volume d'activité dans cette province. La compagnie a des clients et des fournisseurs qui parlent les deux langues. Je doute même que la question soit soulevée.
M. Comuzzi: Ne nous a-t-on pas dit que l'essentiel des activités du CN a lieu entre Vancouver et Winnipeg? C'est ce qu'on nous a dit, est-ce inexact?
M. Woods: Non. Cela dépend de la mesure utilisée.
M. Comuzzi: En dollars.
M. Woods: Oui, en dollars. À l'heure actuelle, le trafic transfrontalier représente au minimum 60 p. 100 des recettes. Il ne fait aucun doute que le transport des grains est ce qui lui rapporte le plus. C'est le transport intermodal qui connaît la plus grosse croissance et qui représente, selon d'aucuns, le plus gros potentiel.
Vous avez raison, à l'heure actuelle, en termes de recettes, c'est l'Ouest qui rapporte le plus.
M. Comuzzi: Comment envisagez-vous l'avenir? Quel sera le rôle de VIA Rail? Il lui faut utiliser ces voies, que ce soit celles-là ou celles du CP. Je sais que VIA Rail verse un forfait annuel au CN. Est-ce qu'offrir ce service peut être considéré comme un avantage ou un inconvénient?
M. Woods: Je dois avouer que nous n'avons pas étudié cette question très en détail. Je ne suis pas sûr de savoir exactement ce que vous voulez savoir. Si vous voulez savoir si les versements de VIA Rail au CN pour l'utilisation de ces voies est un atout pour le CN, il est évident qu'ils entrent dans les recettes et les bénéfices. Cependant, d'après mes souvenirs, cela ne représente pas grand-chose. C'est ce que vous vouliez savoir? Ou il y a autre chose?
M. Comuzzi: Non. Je m'inquiète de l'avenir de VIA Rail une fois le CN privatisé.
M. Woods: Oh, je vois.
M. Comuzzi: Est-ce que le CP et le CN rivaliseraient pour avoir VIA Rail comme client, ou s'en désintéresseraient-ils? Je ne suis pas certain des conséquences de cette transaction pour le service voyageurs.
Le président: Je ne sais pas si c'est une question que nous devrions poser à M. Woods.
M. Woods: Je répondrai simplement qu'en matière d'évaluation financière pour le CN, c'est négligeable. Il est évident que pour VIA Rail, cela ne l'est pas du tout.
M. Comuzzi: Je pense bien.
M. Woods: L'impact sur la valeur du CN, ce qui nous intéresse en fait...
M. Comuzzi: VIA Rail est simplement un client parmi d'autres.
M. Woods: C'est un client important, mais comparativement au grain, à la potasse et aux transports intermodaux, il perd beaucoup de son importance.
Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Je suis de l'Ouest et je m'intéresse particulièrement au transport des grains. Ma question suit celle de Joe et concerne l'importance des recettes apportées par l'industrie du grain dans l'Ouest. Je crois savoir que le grain compte pour au moins 53 p. 100 des activités de transport.
Pensez-vous qu'il faudrait faire des efforts spéciaux pour encourager les Canadiens ou les coopératives céréalières de l'Ouest à acheter des actions du CN?
J'ai une autre question qui a quasiment un rapport direct avec la première. Nous savons que le CN a une surcapacité considérable et qu'il a une structure d'exploitation dispendieuse. Or, mes électeurs me disent que nous devrions conserver ce lien d'acier de la côte ouest à la côte est et qu'il est de l'intérêt du CN de demeurer une entreprise nationale. Mais si d'importantes parties du réseau ne sont pas rentables, comment pensez-vous que nous pourrions maintenir cette liaison d'un côté à l'autre du pays?
M. Woods: Vous m'avez posé deux questions. D'abord, vous m'avez demandé s'il serait intéressant d'inciter les clients-céréaliers à acheter des actions du CN. Pour ce qui est de la question de la participation des employés, ce peut être une bonne chose que certains clients du CN soient perçus comme étant des investisseurs actifs, dans la mesure où il n'y a pas de risque qui influence l'entreprise au détriment des investisseurs passifs.
En fait, il revient au gouvernement de décider s'il faut consentir aux clients les mêmes incitatifs qu'aux employés. Cela s'est fait à l'occasion de quelques cessions de participation en Grande-Bretagne. Je n'en avais jamais entendu parler ici au Canada, mais il appartiendrait au gouvernement de décider s'il est disposé à se livrer à ce genre de compromis coût-bénéfice. Quant aux investisseurs institutionnels s'intéressant à l'entreprise et à cet appel public à l'épargne, pour vous dire bien franchement, ils estiment que plus c'est simple mieux c'est, et que moins il y a de fanfreluches, mieux cela vaut. Mais si les choses sont faites dans les limites de la raison, alors elles auraient une incidence de nulle à légèrement positive.
Vous vouliez aussi savoir s'il convient de céder certaines parties de l'entreprise qui ne seraient pas rentables. Eh bien, si vous voulez que les investisseurs paient le prix le plus élevé possible pour les actions du CN, il faut qu'ils soient relativement convaincus que la direction de l'entreprise sera libre de mener sa barque comme pour n'importe quelle autre compagnie privée. Par la suite, si elle désirait prendre de l'expansion dans tel ou tel secteur, elle aurait la possibilité d'augmenter l'endettement pour y parvenir. D'un autre côté, si la direction devait constater que certains secteurs ne rapportent pas leur dû, elle pourrait continuer de les exploiter en les faisant financer par les parties intéressées, ou elle pourrait décider de les abandonner, éventuellement aux mains des exploitants de lignes ferroviaires sur courtes distances. Il est très important que la direction dispose d'une telle souplesse d'action.
M. Gouk: Je vais aborder un dernier aspect relativement à la réduction de l'endettement.
Supposons que nous prenions 500 millions de dollars de l'argent des contribuables pour réduire l'endettement du CN... Je fais allusion à ce que vous avez dit plus tôt, à savoir que si le CN n'obtenait pas au moins une cote.AAB, les investisseurs ne seraient pas disposés à payer la pleine valeur des actions de la compagnie. Donc, si nous réduisions le niveau de l'endettement de la compagnie en injectant 500 millions de dollars puisés dans les coffres de l'État, êtes-vous à peu près certain que l'on pourrait obtenir 500 millions de dollars de plus lors de la vente des actions?
M. Woods: Tout à fait.
M. Gouk: Pourrions-nous obtenir plus que cela?
M. Woods: C'est possible. Tout à l'heure, si je ne m'abuse, vous vous êtes demandé ce que nous pourrions obtenir si nous essayions de vendre cette compagnie qui a un niveau d'endettement de plus de 1,5 milliard de dollars. Eh bien, nous nous heurterions alors à une barrière psychologique très importante sur le marché. En fait, tout argent qu'investirait le gouvernement dans le CN finirait, au bout du compte, par aboutir dans ses coffres.
M. Gouk: C'est une idée intéressante.
Donc, vous estimez que si nous pouvions ramener la dette à 1,5 milliard de dollars, le CN obtiendrait une cote raisonnable et que, en retour, nous pourrions mieux vendre les actions. Mais rien n'est garanti.
M. Woods: On nous a demandé d'indiquer à quel niveau d'endettement la compagnie pourrait obtenir une cote intéressante. Comme je l'ai dit il y a un instant, il est difficile d'être précis à ce sujet. Il faut émettre des hypothèses à propos d'autres facteurs. Mais, moyennant une amélioration du régime de réglementation, une autre bonne année sur le plan des rentrées et d'autres progrès en matière de réduction des coûts, une dette de 1,5 milliard de dollars pourrait permettre de couvrir l'intérêt d'une façon qui, nous croyons, donnerait lieu à l'émission d'une cote.AAB.
M. Gouk: Verriez-vous un problème si, dans cette mesure législative que vous avez abondamment commentée, nous fixions un plancher de 1,5 milliard de dollars à la réduction de l'endettement?
M. Woods: Cela me gênerait. Ce n'est pas tant le montant lui-même que l'optique qu'adopteraient alors les investisseurs potentiels en voyant qu'on fixe un plancher dans la loi, parce que les investisseurs y verraient quelque chose d'inhabituel, surtout dans une situation où les choses évoluent avec le temps. Je pense que le montant de 1,5 milliard de dollars est raisonnable. Par contre, le fait d'imposer une telle restriction dans la loi donnerait l'impression aux investisseurs que l'entreprise risque de faire l'objet d'autres limitations encore. Ce n'est pas quelque chose de déterminant en soi, mais c'est la façon dont les gens percevraient alors les choses qui m'inquiète.
M. Gouk: C'est intéressant de vous entendre dire qu'il serait inhabituel pour le gouvernement de se montrer prudent dans ses dépenses et d'imposer certaines limitations à cet égard. Sur ce point, je suis d'accord avec vous.
Mais si vouliez acheter ma mallette, parce qu'elle vous serait tombée dans l'oeil, et si j'acceptais de vous la vendre, seriez-vous prêt à me rédiger un chèque en blanc sur un compte bien rempli?
M. Woods: Certainement pas, mais cela me rassurerait certainement de prendre part à un processus normal d'acquisition et d'avoir un chèque au montant que j'aurais prévu. Ce que je veux dire - et je pense que vous vouliez plaisanter un peu - c'est que les investisseurs - et les contribuables - ne pourront être que rassurés par le fait que le gouvernement agit de façon prudente.
Ce que je veux dire, c'est qu'en procédant ainsi vous risquez de soulever des questions, parce que ce projet de loi porte sur des aspects qui risquent de préoccuper certains, ou du moins les décisions prises risquent d'être synonymes d'une souplesse moindre.
M. Gouk: Vous dites que j'invoque la prudence au bénéfice des actionnaires potentiels, mais sachez que je me préoccupe beaucoup plus du sort des contribuables qui paieront la note en fin de compte.
Il se trouve que je dois voter sur cette question. Je suis d'accord avec la notion de privatisation du CN. En fait, c'est ce que nous réclamons depuis des lustres. Et M. Nault le sait très bien. Je craignais, personnellement, que son gouvernement ne s'y refuse.
Mais, à présent, je me demande comment je vais pouvoir voter en faveur de cette loi si l'on me dit qu'on va réduire l'endettement du CN. On a bien fait valser des chiffres, mais rien ne nous dit que nous n'abaisserons pas la dette à 1 milliard de dollars plutôt qu'à 1,5 milliard. Je ne sais absolument pas combien le gouvernement est disposé à payer pour les actifs du CN, s'il ne va pas payer deux fois plus que ce que nous pourrions obtenir en fin de compte si nous liquidions la compagnie, si nous n'allons pas finir par exagérer. Au fond, je représente les contribuables canadiens, à qui l'on demande de signer un chèque en blanc pour cette petite opération à laquelle nous aimerions nous livrer, qui est donc de vendre le CN.
Voilà pourquoi j'aimerais que vous me disiez en quoi il serait gênant de préciser dans le projet de loi que la dette du CN sera ramenée à un niveau qui, selon vous, qui êtes un expert financier, pourrait permettre à la compagnie d'obtenir une cote de crédit qui la rendrait viable sur le marché. Mais c'est au contraire si nous ne le faisions pas que le bât blesserait, parce que je m'estime responsable envers tous ceux et toutes celles qui n'achèteront pas ces actions.
M. Woods: Je comprends. Pour en revenir à ce que j'ai dit, ce n'est pas là un obstacle très important. Je pense que c'est le ministre qui a parlé de 1,5 milliard de dollars.
Par ailleurs, je suis convaincu que chaque dollar investi par le gouvernement canadien augmenterait d'autant la valeur de la compagnie, parce que son revenu net pro forma, qui sert de base à l'évaluation, serait ajusté à la hausse.
Je comprends tout à fait ce que vous voulez dire. D'un point de vue financier, toute injection d'argent se traduit par une incidence positive sur l'évaluation de l'entreprise. Et toujours d'un point de vue financier, j'aimerais que ce projet de loi paraisse, aux yeux d'un critique relativement peu au courant de la situation, ne comporter que très peu de restrictions.
Mais ce ne serait pas très gênant.
M. Hubbard (Miramichi): Pour enchaîner sur ce qui vient d'être dit, vous vous êtes certainement demandé quel genre de prospectus il faudrait préparer pour la vente du CN, et vous avez peut-être une idée à ce sujet.
Je me souviens que dans le cas d'Air Canada on avait fixé un certain prix pour l'action. Vous avez certainement une idée à ce sujet dans le cas du CN... est-ce que ce serait 10$, 15$, ou un autre montant?
En outre, combien d'actions faudrait-il émettre pour couvrir la valeur du CN à un prix nominal donné par action, lors de l'appel public à l'épargne? Avez-vous réfléchi à cette queston?
M. Woods: Pour être honnête avec vous, je n'ai pas fait le point sur cette question, contrairement à d'autres firmes qui sont intervenues plus récemment dans le dossier.
Dans le cas d'Air Canada, on a demandé aux maisons bancaires d'investissement de donner une idée du prix unitaire qui favoriserait le plus la négociabilité des actions. Dans ce cas, les gens ont consulté et ont estimé qu'il valait mieux viser bas, car le gouvernement voulait surtout attirer des investisseurs particuliers. C'est pour cette raison qu'on en est arrivé à un prix de 8$ l'action. Comme les actions s'échangent par lot de 100, même une personne n'ayant que 800$ pouvait acheter 100 actions d'Air Canada.
Pour les investisseurs institutionnels, la chose importe peu. D'aucuns soutiennent que plus le prix des actions est élevé, plus les institutions sont intéressées, mais la chose est discutable. Très honnêtement, je dois dire que le prix de l'action importe peu, sauf si vous essayez d'attirer des investisseurs particuliers.
Mais pour répondre plus précisément à votre question, eh bien je dirais que selon le volume d'actions auto-détenues offert, le cas échéant, vous pouvez simplement retenir le montant que les investisseurs accepteront de payer globalement, d'après l'évaluation des maisons bancaires d'investissement, et qui s'exprime alors en millions, voire en milliards de dollars. Si vous savez quel prix vous voulez obtenir pour chaque action, il vous suffit de le diviser par la valeur globale de l'entreprise, et vous obtiendrez le nombre d'actions à émettre, qui peut se chiffrer dans les centaines de millions. Mais pour les investisseurs, cela n'a pas vraiment d'importance, parce que c'est finalement la valeur globale qui les intéresse, beaucoup plus que le prix de l'action.
M. Hubbard: Et, selon votre étude, à combien se chiffrera cette valeur globale?
M. Woods: Eh bien, pour 1995, si l'on suppose que le niveau d'endettement soit réduit, vous économiserez sur les intérêts versés au titre de la dette. Vous pourriez porter à 400 millions de dollars le chiffre d'affaires d'une entreprise ayant réalisé 250 millions l'année dernière.
Pour bien vous expliquer cela, le truc, c'est que l'année suivante, l'entreprise n'aura pas à payer d'impôt sur les bénéfices, parce qu'elle disposera de crédits. En fait, elle n'en payera pas pendant quelques années.
Le marché n'acceptera pas la simple application d'un taux de capitalisation des bénéfices sur 400 millions de dollars. Il y aura forcément un déport.
Nous pensons pouvoir évaluer la part des actions que le gouvernement détient actuellement dans la compagnie à environ un milliard de dollars ou plus. C'est le montant qu'il faut retenir pour le calcul de la valeur globale. Il suffit de diviser ce montant par le nombre d'actions, et l'on obtient alors le nombre d'actions en circulation.
M. Hubbard: En théorie, vous nous dites que si M. Gouk a bien posé sa question, et si le gouvernement injecte 500 millions à un milliard de dollars dans le CN, nous pourrions récupérer ce milliard de dollars. C'est cela?
M. Woods: Non. Vous obtiendrez un milliard de dollars ou plus au titre des avoirs d'une entreprise ayant une dette de 1,5 milliard de dollars. Dans cet exemple, il faut également tenir compte de l'évaluation des biens immobiliers appartenant au gouvernement. Nous les avons estimés, selon...
Je préférerais vous faire la démonstration sur un bout de papier, parce que c'est difficile oralement. Mais je peux vous garantir que tout argent injecté par le gouvernement accroît d'autant la valeur de la compagnie. Et cette plus-value revient au gouvernement. Les investisseurs seront naturellement plus disposés à payer davantage pour une entreprise dans laquelle on a injecté des fonds. En fait, cela se ramène à une équation linéaire. C'est très difficile à décrire oralement, mais je puis vous garantir...
M. Hubbard: Je vais enchaîner sur l'autre question, celle d'une liaison ferroviaire d'est en ouest. Vous nous avez parlé de deux contraintes, relativement à l'emplacement du siège social et à l'application de la Loi sur les langues officielles.
Par ailleurs, la Constitution nous oblige à maintenir un service ferroviaire entre Halifax et le Canada central. Est-ce que vous avez tenu compte de cet aspect dans l'étude que vous avez conduite pour le ministère?
M. Woods: Je dois vous avouer que je ne suis pas très versé en droit constitutionnel. Nous sommes partis du principe que l'environnement réglementaire permettrait au CN de fonctionner sans avoir à subir d'éventuelles entraves qui l'empêcheraient de conduire des opérations rentables.
Je me dois d'être honnête avec vous. Si vous me dites que cette question d'ordre constitutionnel risque de contraindre le CN ou le CP à continuer d'exploiter des lignes qu'il fermerait autrement, alors je devrais...
M. Hubbard: Cela ne fait pas partie de votre...
M. Woods: Non.
M. Nault: Je veux en revenir à la question des conflits de travail. Ce que j'ai retenu de tout le dossier des relations industrielles dans le secteur des chemins de fer en Amérique du Nord, c'est qu'en fin de compte les choses sont relativement stables. On pourrait compter le nombre de fois où, au cours des 100 dernière années, il y a eu une grève dans les chemins de fer au Canada. Il n'y en pas eu beaucoup.
À quoi attribuez-vous les conflits de travail, aux employés des chemins de fer ou à la situation générale qui règne dans le domaine des relations industrielles au Canada? Je m'explique. Quand les types des élévateurs à grain se mettent en grève, même s'ils ne travaillent pas pour les chemins de fer, ils bloquent le fonctionnement de cette industrie. Est-ce que vous en tenez compte lorsque vous parlez des remous sociaux qui agitent le monde du travail ou estimez-vous vraiment que les problèmes que nous éprouvons sur ce plan sont pires ici qu'aux États-Unis, par exemple?
M. Woods: Je dois dire que je ne connais pas parfaitement la situation aux États-Unis. Mais on pourrait se risquer à affirmer que la cote accordée au Canada par l'Agence d'appréciation des obligations est teintée par tout ce qui a été négocié dans les années passées pour régler les tensions ouvrières ou les arrêts de travail. Le nombre de grèves importe moins.
Les investisseurs se rendront compte que la liaison ferroviaire d'est en ouest est tellement essentielle pour l'économie qu'aucune grève ne saurait durer trop longtemps, mais à leurs yeux, les résultats des négociations conduites, par exemple sur le plan de la sécurité de l'emploi, ont sans doute un effet beaucoup plus négatif que ne le laisserait croire leur importance économique. On a ici affaire à une perception, à une impression qui ont sans doute un effet beaucoup plus marqué sur la valeur de l'entreprise que les grèves.
M. Comuzzi: J'ai un point à éclaircir à la suite des questions de Charles.
Quand il a été question pour la première fois de réduire la dette, monsieur Woods, certains d'entre nous se sont livrés à un calcul et se sont rendu compte que pour rendre cet appel public à l'épargne intéressant et ramener la dette à 1,5 milliards de dollars, les contribuables devraient injecter quelque 500 millions de dollars. Mais si je vous ai bien compris, ce soir - et corrigez-moi si je me trompe - dans vos réponses à MM. Hubbard et Gouk, - si je fais le calcul et si j'oublie les actionnaires - , vous avancez un chiffre qui s'approche beaucoup plus de 1 à 1,2 milliard de dollars. Est-ce que je me trompe?
Je vais essayer de mieux formuler ma question. Pour permettre la privatisation du CN, les contribuables canadiens devraient s'engager à hauteur de 1 à 1,2 milliard de dollars, n'est-ce pas?
M. Woods: Ce n'est pas ainsi qu'il faut envisager la chose. Je vais essayer...
M. Comuzzi: Alors dites-moi donc comment il faut s'y prendre, parce que je ne comprends pas ce que vous dites.
M. Woods: Il s'agit d'un concept difficile. Permettez-moi une simple analogie.
Supposons que vous possédiez une maison dont la cuisine ait vraiment besoin d'être réparée. Il se trouve que vous voulez vendre cette maison. Vous savez que votre maison vaut quelque chose. Et si vous vouliez que nous poussions l'analogie jusqu'au bout, vous pouvez même imaginer que vous payez encore une hypothèque, mais restons-en...
M. Comuzzi: Restons-en aux réparations de la cuisine.
M. Woods: Alors vous vous dites: «Est-ce que je devrais vendre la maison et en tirer 100 000$ avec une cuisine dans cet état, ou est-ce que je devrais investir 20 000$ ou 50 000$ pour la réparer pour, premièrement, avoir la certitude que je vendrai la maison et, deuxièmement, obtenir un montant supplémentaire correspondant à la somme investie dans les réparations de la cuisine.
Ce concept est difficile à appréhender, parce que...
M. Comuzzi: Jusqu'ici, je vous suis.
M. Woods: ...Quand on prend le cas d'une compagnie fortement endettée - et nous prendrons le cas extrême où les dirigeants, au gouvernement ou dans une entreprise ayant une filiale, se disent «Pourquoi ne vendrions-nous pas cette entreprise à des investisseurs» - , on se trouve donc dans la situation où les investisseurs, selon nous, ne veulent pas les actions d'une compagnie trop fortement endettée. C'est peut-être là un jugement trop arrêté, mais j'estime que c'est ce qui se passe dans le cas du CN, parce qu'on pourra craindre que l'entreprise n'aura pas la capacité d'obtenir un financement additionnel l'année prochaine ou l'année suivante.
S'il s'agissait d'une très petite compagnie, se vendant pour peu, ce ne serait pas un problème. Mais comme nous le savons tous, nous avons affaire à l'émission d'actions la plus importante jamais offerte au Canada.
Ce que nous disons, c'est que vous avez en main une entreprise qui, selon nous, ne pourra être vendue tant que l'on n'aura pas restructuré son capital. Les contribuables, représentés par les membres, ont la possibilité d'injecter de l'argent dans l'entreprise pour essayer, en fin de comte, d'en obtenir une valeur globale supérieure à celle qu'ils obtiendraient autrement.
Ce que je vous disais c'est qu'en fin de compte, cette valeur glohale se situera aux environs de 1,5 milliard de dollars, notamment pour les actifs immobiliers. À l'analyse, vous verriez que sans modifier la dette, vous en retireriez beaucoup moins.
M. Comuzzi: Sauf le respect que je dois au témoin, il n'a pas pleinement répondu à ma question, monsieur le président.
Donc, vous estimez que nous devons injecter environ un milliard de dollars pour infléchir la dette.
M. Woods: Soit vous, soit les investissesurs qui possèdent des actions au taux détenu. D'une façon ou d'une autre, il faudra ramener la dette de 2,5 milliards à 1,5 milliard de dollars, à peu près.
M. Nault: L'avoir propre, en biens fonciers, est de 500 millions de dollars.
M. Woods: C'est à peu près cela.
M. Nault: Donc, nous n'injecterons que 500 millions de dollars pour obtenir 2 milliards de dollars en retour.
M. Woods: C'est exact. Si vous injectez de l'argent, c'est cela, il vous faudra 500 millions de dollars.
Le président: Si vous voulez plus de précisions à ce sujet, Joe, peut-être pourriez-vous vous entretenir en privé avec M. Wood après la réunion.
M. Gouk: Si vous me permettez de poursuivre par un tout petit commentaire, je dois vous dire que j'ai beaucoup aimé votre analogie de la maison.
Si vous possédez une maison de 100 000$ et que vous mettez 5 000$ pour réparer la cuisine, vous pourrez peut-être en tirer 110 000$, mais je puis vous garantir que si vous investissez 50 000$ dans cette cuisine, vous ne tirerez jamais 150 000$ ou 160 000$ de la vente de la maison. Et c'est cela qui m'inquiète dans le cas du CN.
Comme on va m'imposer une limite de temps ce soir, il y a bien des questions que j'aurais aimé poser et qui demeureront sans réponse.
Mais ce qui m'inquiète le plus, pour l'instant, c'est la limite de 15 p. 100. Dans votre document, vous ne pensez pas que, l'un dans l'autre, cette limite occasionnera des difficultés. Donc, nous n'agirons pas «pour faire quelque chose», mais parce qu'il n'y aura «rien contre».
Dans ce même document il est aussi question de ce qui s'est passé pour d'autres compagnies canadiennes au moment du premier appel public à l'épargne. S'agissant du terme «premier», définit-il la toute première fois où il y a eu effectivement un appel public à l'épargne ou la toute première fois où l'on a imposé les restrictions en question pour les retirer ensuite, comme dans le cas d'Air Canada et de Petro-Canada?
M. Woods: Ce sont les deux choses. Le tableau en question dresse la liste des différentes restrictions touchant à la participation individuelle au moment d'un premier appel public à l'épargne. Il s'agit donc bien des limitations qui étaient imposées au moment où les actions des compagnies en question ont été mises sur le marché.
Mais depuis lors, deux compagnies ont retiré ces restrictions, à savoir l'Alberta Energy et la Potash Corporation of Saskatchewan. Les limitations sont demeurées dans le cas d'Air Canada et de Pétro-Canada. Donc, cela revient à dire que même s'il le jugeait nécessaire, à cause de préoccupations exprimées ou d'objectifs différents, le gouvernement ne pourrait pas éliminer ces restrictions.
M. Gouk: Mais ce ne serait pas un obstacle?
M. Woods: Un obstacle de les enlever?
M. Gouk: Oui.
M. Woods: Non. Sur le moment, ce serait peut-être même positif, à cause de la perception qu'ont les investisseurs. Reste à savoir si l'inverse est vrai, et si le fait de maintenir ces restrictions aujourd'hui a un effet négatif? Ce n'est pas positif, c'est très courant et ce n'est sans doute pas un obstacle.
M. Gouk: Eh bien, je terminerai sur cette note positive.
Le président: Merci beaucoup pour cet exposé très fouillé, monsieur Woods, pour vos réponses savantes et pour le professionalisme dont vous avez fait preuve dans vos réponses. Nous apprécions le temps que vous avez pris pour venir nous rencontrer.
Pour information, monsieur Gouk, vous disiez que plusieurs de vos questions demeureront sans réponse, sachez que demain nous accueillerons trois autres souscripteurs à qui vous pourrez sans doute les poser.
M. Gouk: Je suis conscient des contraintes de temps.
Le président: Effectivement, nous en avons. Notre témoin est là depuis 18h30 et il est maintenant 20h10.
M. Gouk: Je le reconnais. Mais j'y suis aussi.
Avant que vous ne laissiez retomber votre maillet, est-ce qu'on va répondre à ma question?
Le président: M. Gouk a une question à nous poser.
M. Gouk: Ma question concerne le Budget principal des dépenses de Transports Canada, pour l'actuel exercice financier. J'ai toujours eu l'impression que le comité allait devoir se repencher sur ce budget. Mais je crois à présent comprendre qu'on ne nous l'a pas spécifiquement demandé et qu'il est considéré comme ayant été accepté.
Mais il se trouve que j'aimerais proposer certaines motions à ce sujet. Comme cela doit être fait d'ici mercredi, j'aimerais que ces motions soient inscrites à l'ordre du jour de la prochaine réunion, qui est demain.
Le président: Parfait, nous les inscrivons à l'ordre du jour de la prochaine réunion, qui est demain, et nous voterons en conséquence.
Par ailleurs, chers collègues, j'aimerais que nous obtenions le plus de réponses possibles des différents témoins que nous entendrons cette semaine. J'apprécie beaucoup l'efficacité avec laquelle nous travaillons pour mettre un point final à l'étude de ce projet de loi.
Nous espérons que si vous avez des amendements... J'ai compris que M. Gouk a déjà préparé cela. Ah, le voilà, parfait!
M. Gouk: Peut-être que vous-même ou le greffier pourriez répondre à cette question. La réunion de demain est confirmée, mais celle de mercredi ne l'est pas, et il est prévu, à priori, que nous commencions l'étude article par article jeudi.
Le président: Après l'audition des témoins de jeudi.
Le greffier du Comité: Monsieur Gouk, l'avis de convocation pour mercredi a été envoyé vendredi dernier.
M. Gouk: Ah oui?
Le greffier: Oui.
M. Gouk: Parfait.
Le greffier: Tout le monde en a reçu copie et tous les avis de convocation pour jeudi sont partis aujourd'hui.
M. Gouk: C'est très bien.
Le président: Donc l'ordre du jour pour l'écoute des témoins est arrêté.
Si nous recevons les amendements à temps, nous pourrons les prendre en considération lors de notre étude article par article de jeudi.
M. Gouk: J'attends un dernier amendement qui est à la traduction. Mais ma liste n'est pas longue.
Le président: J'espère que non, il y a 21 articles, ce qui n'est pas beaucoup.
La séance est levée.