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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 30 mai 1995

.0936

[Traduction]

Le président: Bonjour, mes chers collègues. Le Comité reprend aujourd'hui l'étude du projet de loi C-89, Loi prévoyant la prorogation de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada sous le régime de la Loi canadienne sur les sociétés par actions ainsi que l'émission et la vente de ses actions au public, connue également sous le titre Loi sur la commercialisation du CN.

Nous accueillons aujourd'hui de Nesbit Burns, Gordon Lackenbauer, vice-président; de Scotia McLeod, David Wilson, le président; et de Goldman, Sachs, Mark Tercek, vice-président.

Bonjour messieurs, et bienvenue au Comité. Merci d'avoir accepté de vous joindre à nous. Je crois savoir que vous avez une brève présentation à faire et que nous pourrons ensuite passer aux questions. Si vous êtes prêts, commencez.

M. Gordon Lackenbauer (vice-président, Nesbit Burns Inc.): Merci, monsieur le président. Je m'appelle Gordon Lackenbauer.

Les trois firmes travaillent ensemble à titre de conseillers du gouvernement du Canada et du CN dans le but de déterminer la structure qui permettra au CN de devenir une société privée prospère dans un marché concurrentiel grâce à un contexte réglementaire approprié et à une structure de capitaux adéquate pour qu'une émission publique de titres réussisse et se révèle avantageuse pour le gouvernement et les contribuables canadiens.

M. David Wilson (président, Scotia McLeod Inc.): Je m'appelle David Wilson et je représente Scotia McLeod. Je suis responsable de l'équipe qui, au sein de notre firme, travaille sur ce projet.

Depuis le début du mois de mai, nous nous sommes familiarisés avec les tenants et les aboutissants du projet concernant le CN. Je peux dire au Comité qu'à l'heure actuelle, nous sommes tout à fait convaincus que c'est un projet qui peut aboutir; il est tout à fait possible de faire une première émission publique de titres du CN. Nous sommes également persuadés que, dans le contexte approprié que M. Lackenbauer a décrit, 100 p. 100 des actions de l'entreprise peuvent être vendues à des investisseurs publics au Canada et à l'étranger, principalement aux États-Unis.

M. Mark Tercek (vice-président, Goldman, Sachs & Co.): Bonjour. Je m'appelle Mark Tercek et je représente Goldman, Sachs.

Nous estimons que les résultats financiers solides obtenus récemment par le Canadien National, ainsi que les résultats financiers que l'on peut prévoir en se fondant sur les plans d'entreprise de la compagnie permettent d'établir un parallèle avec l'expérience positive des compagnies de chemin de fer américaines au cours des dernières années. Je veux dire qu'en contrôlant strictement leurs coûts, en apportant des améliorations notoires au niveau du service ainsi qu'à l'efficacité de l'ensemble de leurs opérations, les compagnies de chemin de fer américaines ont amélioré de façon spectaculaire leurs résultats financiers, et cela s'est traduit pour les investisseurs de ces compagnies par une expérience extrêmement positive.

Nous estimons que ces tendances attireront les investisseurs lorsque l'on fera une émission publique de titres du Canadien National à l'automne. Nous pensons également que cela fournira à la direction des balises utiles car il lui sera possible de faire des analyses comparatives et de fixer des cibles qui permettront à l'entreprise de progresser. Enfin, il faut noter qu'aux États-Unis, la remise en selle de ces compagnies ainsi que les améliorations du service qu'elles offrent et de leur efficacité se sont révélé très bénéfiques pour tout le secteur de l'expédition.

Merci.

Le président: Merci, messieurs, pour vos présentations.

Monsieur Wilson, peut-être pourriez-vous compléter l'exposé que vous avez fait ce matin au Comité en y ajoutant de brèves explications. Par exemple, on est revenu hier à plusieurs reprises sur la question de savoir comment on allait pouvoir réduire la dette du CN qui est de 2,5 milliards de dollars à un niveau acceptable pour un actionnaire, par exemple, à 1,5 milliard de dollars. Comment peut-on y parvenir et d'où proviendra l'argent nécessaire?

M. Wilson: Je vais vous répondre avec plaisir et j'invite mes collègues à faire leurs propres commentaires.

.0940

Pour parler de la question que vous avez soulevée, monsieur le président, il faut se référer à des chiffres précis. Je dois souligner, d'entrée, qu'il s'agit de chiffres établis de façon très préliminaire. Les trois firmes ne travaillent sur ce projet que depuis le début du mois de mai. Nous sommes parvenues à certaines conclusions préliminaires sur des questions comme la valeur ainsi que le niveau approprié de la dette, mais ce ne sont que des conclusions préliminaires. Il reste beaucoup de travail à faire. Je me permets de formuler cet avertissement avant de passer à mes commentaires.

Pour vraiment explorer la question que vous avez soulevée, il faut que nos explications s'appuient sur des chiffres. Permettez-moi donc d'utiliser des chiffres pour apporter les précisions que vous avez demandées. Mes collègues ajouteront leurs propres observations.

Le CN, en tant qu'entité commerciale, a ce que nous appelons dans notre milieu une valeur d'entreprise. La valeur d'entreprise est la valeur de l'entité commerciale au total - la somme des capitaux empruntés et des capitaux propres qui font partie de la structure du capital de l'entreprise. Nous avons estimé qu'à l'heure actuelle, la valeur d'entreprise du CN se situe entre 3,1 milliards de dollars et 3,5 milliards de dollars.

À notre avis, le CN, ayant une valeur d'entreprise se situant entre 3,1 milliards de dollars et 3,5 milliards de dollars peut, sans risque, avoir une dette se chiffrant au maximum à environ 1,5 milliard de dollars. Si l'on fait un simple calcul, en soustrayant une dette de 1,5 milliard de dollars d'une valeur d'entreprise de 3,1 milliards de dollars à 3,5 milliards de dollars, on obtient une valeur comptable de 1,6 milliard de dollars à 2 milliards de dollars. C'est simplement pour avoir une idée des paramètres que nous cherchons à établir en ce qui concerne la valeur comptable.

Donc, la valeur comptable est de 1,6 milliard de dollars à 2 milliards de dollars et la dette à long terme, de 1,5 milliard de dollars. Le CN a actuellement une dette à long terme de 2,5 milliards de dollars et il faut donc la faire passer de 2,5 milliards de dollars à 1,5 milliard de dollars afin de parvenir à la structure de capital que je viens de décrire et qui, à notre avis, est appropriée si l'on veut faire une émission publique de titres.

De notre point de vue, il existe trois possibilités pour trouver l'argent nécessaire afin de faire passer la dette de 2,5 milliards de dollars à 1,5 milliard de dollars - et ces chiffres sont tout à fait provisoires.

Pour réduire la dette, on pourra tout d'abord puiser dans les fonds que le CN a actuellement en caisse par suite de la vente à des tierces parties d'actifs secondaires. Il s'agit de fonds excédentaires provenant de la vente déjà effectuée d'actifs à des tierces parties, par exemple les actifs du CN dans des sociétés pétrolières et gazières, ainsi que de l'excédent par rapport aux besoins actuels de financement entre les dépenses en capital. Nous estimons que les liquidités qui sont ainsi disponibles sont de l'ordre de 300 millions de dollars à 400 millions de dollars. Nous cherchons à réduire la dette de 1 milliard de dollars et nous avons déjà trouvé de 300 millions de dollars à 400 millions de dollars.

La deuxième source de fonds afin d'amortir la dette est la vente au gouvernement du Canada d'actifs immobiliers secondaires détenus actuellement par le CN. Le ministre a décidé que ces actifs devaient être conservés par le gouvernement du Canada. À notre avis, il n'est pas approprié qu'une société faisant un appel public à l'épargne conserve ces actifs. Des investisseurs faisant partie du grand public ne paieront pas la valeur de ces actifs s'ils sont, à toutes fins utiles, enterrés au sein d'une grande compagnie de chemin de fer.

La valeur de ces actifs, établie de façon tout à fait préliminaire, se situe entre 400 millions de dollars et 600 millions de dollars. Le CN s'en débarrassera en les vendant au gouvernement du Canada et cette vente fournira des fonds supplémentaires afin de réduire la dette.

Par conséquent, tout dépendant de la valeur réelle de ces actifs, on pourra par ces deux moyens obtenir assez de capitaux pour faire passer la dette de 2,5 milliards de dollars à 1,5 milliard de dollars. Pour revenir à ce que je disais au début, on a ainsi une société faisant publiquement appel à l'épargne qui possède une structure de capital où la dette est de 1,5 milliard de dollars et où les capitaux propres sont de 1,6 milliard de dollars à 2 milliards de dollars.

C'est une réponse un peu longue, monsieur le président. J'invite mes collègues à compléter ce que je viens de dire.

.0945

M. Lackenbauer: Par ailleurs, si ces deux éléments ne permettent pas de réduire la dette de 1 milliard de dollars, tel que requis, il peut s'avérer nécessaire d'utiliser une partie des profits réalisés sur la vente de titres afin d'amortir la dette. Ce serait le troisième élément, le cas échéant.

M. Wilson: Ce troisième élément serait relativement peu important si la valeur des deux autres dont nous avons parlé est exacte. Le cas échéant, il s'agirait peut-être de 200 millions de dollars.

M. Tercek: Je suis d'accord avec les observations de David et de Gordon, mais j'ajouterais que la réduction de la dette devra être aussi importante que l'a mentionné M. Wilson afin que l'entreprise se trouve dans une situation comparable à celle de ses principaux concurrents en Amérique du Nord ou aux États-Unis qui, tous, à une seule exception près, jouissent d'une solide évaluation de crédit triple B ou A.

De notre point de vue, si le Canadien National parvient à réduire sa dette de la somme que nous avons mentionnée, il pourrait obtenir une évaluation triple B, ce qui, à notre avis, est une nécessité pour que la compagnie puisse réussir et progresser à titre d'entreprise indépendante et autonome.

Le président: Merci, messieurs, d'avoir apporté ces précisions. Je donne maintenant la parole à mes collègues, pour dix minutes chacun, afin qu'ils puissent poser leurs questions.

[Français]

M. Guimond (Beauport - Montmorency - Orléans): En ce qui a trait aux prévisions budgétaires des cinq prochaines années, de 1995 à l'an 2000, j'aimerais connaître trois choses. Quels pourraient être

[Traduction]

l'encaisse d'exploitation, les liquidités disponibles une fois déduites les dépenses en capital mais avant octroi des dividendes, ainsi que le bénéfice d'exploitation et les revenus nets?

[Français]

Avez-vous ces renseignements-là?

[Traduction]

M. Lackenbauer: La réponse est oui, nous avons ces données et nous les utilisons pour nos propres travaux, mais nous ne pouvons pas en parler publiquement parce que cela constituerait une projection. Au point où nous en sommes, on considère cela comme une information confidentielle.

[Français]

M. Guimond: Comment ces renseignements seront-ils divulgués aux actionnaires qui voudront acquérir du capital de la nouvelle compagnie?

[Traduction]

M. Lackenbauer: Cela pourra finalement être divulgué si la compagnie décide d'inclure des prévisions dans son prospectus préliminaire, et à ce moment-là, on pourra en parler. Mais à moins que cela ne soit inclus dans le prospectus préliminaire, on ne peut pas parler de projections en vertu des lois sur les valeurs mobilières en vigueur au Canada et, je crois, aux États-Unis, comme le confirmera sans doute M. Tercek. Une fois que cette information a été publiée dans un prospectus - et à ma connaissance, cette décision n'a pas encore été prise - alors, on peut en parler.

À part cela, tout analyste qui suit la compagnie peut faire ses propres projections, et cela arrive fréquemment. Les analystes font des projections couvrant les comptes institutionnels et ils communiquent leurs hypothèses et leurs recommandations par le biais de leurs propres systèmes de vente au détail. C'est ainsi que l'on procéderait.

[Français]

M. Guimond: J'espère que je n'aurai pas ce genre de réponse pour toutes les questions que je poserai. Par exemple, quelle est, à l'heure actuelle, la valeur au livre des actifs non ferroviaires de la compagnie? Est-ce possible de le savoir?

[Traduction]

M. Wilson: Votre question porte-t-elle sur la valeur comptable des actifs ou sur ce qu'ils valent?

M. Dumont: La valeur comptable.

M. Wilson: Vous parlez des actifs immobiliers non ferroviaires. Je n'ai pas le chiffre en tête. Est-ce qu'un de mes collègues pourrait vous répondre?

M. Tercek: Je n'ai pas ce chiffre. Nos travaux ont porté surtout sur les actifs ferroviaires qui continueront à être détenus par la compagnie après la privatisation.

M. Wilson: Dans mes remarques liminaires, j'ai donné une estimation provisoire non pas de la valeur comptable de ces actifs mais de leur valeur marchande. De façon tout à fait préliminaire, on peut estimer la valeur des actifs immobiliers entre 400 et 600 millions de dollars, et il existe également d'autres actifs qui peuvent être vendus dont la valeur est d'environ 300 millions de dollars, ce qui comprend des fonds excédentaires qui pourraient être utilisés pour amortir la dette.

.0950

C'est une estimation du prix que paieraient des tierces parties pour acquérir ces actifs, et non de leur valeur comptable.

[Français]

M. Guimond: À l'heure actuelle, selon vous, quel serait le prix de vente d'une action?

[Traduction]

M. Lackenbauer: Encore une fois, c'est une décision qui n'a pas été prise. Ce que nous vous avons fourni c'est une estimation de la valeur de la compagnie se situant entre 1,6 et 2 milliards de dollars, en partant du principe qu'elle a une dette de 1,5 milliard de dollars.

De fait, quand on en vient au prix de l'action, c'est fonction du nombre d'actions qu'on décidera d'offrir et du cours vendeur qui sera établi, et alors, il s'agira tout simplement de déterminer le nombre d'actions émises. Ce qui est en question ce n'est pas tellement la valeur de l'action mais la valeur totale. Que les actions se vendent 10 ou 20$, cela ne va pas affecter la valeur totale de l'entreprise. Par conséquent, nous n'avons pas déterminé cela en nous fondant sur la valeur des actions individuelles.

[Français]

M. Guimond: Depuis que vous avez été confirmé dans le poste, y a-t-il déjà des groupes ou des compagnies qui vous ont approchés, et est-ce que ce sont davantage des intérêts canadiens, américains ou de l'extérieur de l'Amérique du Nord?

[Traduction]

M. Lackenbauer: J'aimerais quelques précisions. Dans quel but nous auraient-ils approchés?

[Français]

M. Guimond: Savez-vous qu'il y a déjà un plafond de 15 p. 100 en ce qui a trait aux actions qui peuvent être détenues? Certains groupes se manifestent-ils? Manifeste-t-on déjà de l'intérêt?

[Traduction]

M. Lackenbauer: Non.

M. Wilson: Personne n'a pris contact avec nous dans le but d'acheter des actions. La participation des investisseurs intéressés par un achat se produit beaucoup plus tard, une fois qu'un prospectus a été soumis. Personne ne nous a contactés.

Goldman, Sachs peuvent dire ce qu'il en est en ce qui les concerne.

M. Tercek: C'est la même chose aux États-Unis. Les investisseurs institutionnels, notamment, qui joueront un rôle très important dans la transaction savent maintenant, étant donné les rumeurs qui viennent du Canada, qu'il est probable qu'il y aura une privatisation cet automne.

Ils savent également, étant donné leur expérience, que nous les contacterons dans le cadre d'une initiative de marketing savamment orchestrée immédiatement avant l'appel public, et ce sera à ce moment-là qu'ils obtiendront les informations dont ils ont besoin afin d'évaluer précisément si cela les intéresse ou non d'investir. Ils se fonderont sur les renseignements contenus dans le prospectus et sur les conclusions qu'ils vont tirer de réunions avec des représentants de la compagnie dans le cadre de ce que nous appelons une tournée de marketing.

Et, pour répondre à la question que vous avez posée plus tôt, c'est à ce moment-là qu'ils formuleront eux-mêmes leurs propres projections en ce qui concerne les bénéfices, l'encaisse et les liquidités disponibles, et qu'ils prendront en toute indépendance la décision d'acheter ou non des actions.

M. Lackenbauer: J'aimerais préciser quelque chose pour qu'il n'y ait pas de malentendu. Il est tout à fait inhabituel - de fait, je ne pense pas que cela soit déjà arrivé - que l'on s'adresse aux placeurs et que l'on manifeste de l'intérêt avant qu'un prospectus ait été soumis. Cela ne s'applique pas en particulier à la privatisation du CN; c'est tout simplement la pratique habituelle dans le secteur des placements.

M. Gouk (Kootenay-Ouest - Revelstoke): Hier, un représentant de Wood Gundy nous a dit qu'à l'heure actuelle, l'évaluation de crédit du CN était double A moins, et que si l'on injectait environ 1 milliard de dollars afin de réduire la dette grâce à la vente d'actifs et à l'apport de fonds gouvernementaux, on n'arriverait encore qu'à une cote triple B. Est-ce également votre avis?

M. Lackenbauer: Oui.

M. Gouk: Alors, on va ajouter environ 1 milliard de dollars, en achetant certains actifs immobiliers et en donnant le reste comptant. Ce monsieur a laissé entendre que les ventes permettraient de réaliser des profits de l'ordre de 1 milliard de dollars. Est-ce aussi votre opinion?

M. Lackenbauer: Il y a deux choses. Votre premier commentaire m'a distrait et j'aimerais apporter des précisions, et nous pourrons ensuite passer au second point, l'injection de 1 milliard de dollars.

Du point de vue du gouvernement, et par conséquent, du point de vue du contribuable, ce n'est pas une question d'injecter des fonds. Ce dont on parle, c'est de transférer des actifs. Il est beaucoup plus sensé, comme M. Wilson l'a indiqué plus tôt, de laisser au gouvernement les actifs immobiliers secondaires et d'obtenir des liquidités en contrepartie, car cela en optimisera la valeur et ils pourront être vendus méthodiquement, alors que s'ils étaient, pour reprendre ce qu'a dit M. Wilson...

M. Gouk: Je comprends cela. Nous allons acquérir les actifs pour ce qu'ils valent, mais de quelque façon que vous présentiez les choses, on injectera 1 milliard de dollars dans le CN, avec une contrepartie pour un certain montant, pour réduire la dette et la faire passer à 1,5 milliard de dollars.

.0955

M. Lackenbauer: Le point que nous voulons préciser c'est que, de notre point de vue, cela correspond entièrement à une contrepartie. C'est le seul point que je voulais souligner.

Dans votre deuxième question, est-ce que vous demandiez pourquoi nous passions à une cote triple B?

M. Gouk: Non. Vous m'avez fait perdre le fil.

M. Lackenbauer: Je m'excuse.

Le président: Peut-être aviez-vous les réponses.

M. Gouk: Non, je ne les avais pas.

Si nous obtenons ces actifs, nous allons tirer des ventes des revenus d'environ un milliard de dollars. Est-ce à peu près exact?

M. Lackenbauer: Est-ce que vous parlez du un milliard de dollars de capitaux empruntés devenant des capitaux propres par le biais de la restructuration du capital? Est-ce cela que vous voulez dire?

M. Gouk: Eh bien, lorsque nous allons vendre ces actions, nous allons obtenir un million de dollars.

M. Lackenbauer: Ah bon?

Une voix: Un milliard.

M. Gouk: Un milliard, oui. L'argent compte si peu pour le gouvernement que je m'y perds entre les millions et les milliards.

M. Wilson: Pour reprendre les chiffres que j'ai cités, nous nous attendons à ce que la valeur comptable d'une entreprise dont le capital a été refondu se situe entre 1,6 et 2 milliards de dollars.

M. Gouk: Bon, c'est la valeur comptable. Personne ne va se présenter et vous donner 100 p. 100 de la valeur comptable.

M. Wilson: Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, nous estimons qu'il est certainement possible de trouver parmi le public au Canada, aux États-Unis et à l'étranger, des investisseurs qui achèteront 100 p. 100 des actions de la compagnie.

M. Gouk: Combien cela va-t-il nous rapporter?

M. Wilson: Cette partie de la transaction produira de 1,6 à 2 milliards de dollars si toutes les actions sont vendues.

Je pense que ce que vous voulez dire c'est que le gouvernement va prendre une partie de cet argent pour acquérir les actifs immobiliers de la compagnie. Les chiffres que nous avons utilisés se situent entre 400 et 600 millions de dollars. On utilisera une partie de la somme de 1,6 à 2 milliards de dollars provenant de la vente de toutes les actions pour acheter les actifs du CN juste avant l'appel public. Je pense que c'est de cette façon que vous arrivez à la somme de 1 milliard et plus.

M. Gouk: Je crois que je ferais mieux de noter cela, car nous tournons en rond et je veux m'assurer que nous en revenons aux mêmes points.

À l'heure actuelle, ils doivent 2,5 milliards de dollars. Par divers moyens, nous allons faire tomber cela à 1,5 milliard de dollars. Donc, nous allons leur acheter des actifs que nous allons ensuite vendre afin de récupérer notre argent. Toutefois, entre temps, nous détiendrons les actifs mais nous n'aurons pas l'argent que nous leur avons donné pour faire cette acquisition.

M. Wilson: Vous acquerrez les actifs contre des liquidités; c'est bien cela.

M. Gouk: Cela ne produira pas le un milliard de dollars nécessaire pour réduire la dette à 1,5 milliard de dollars et obtenir l'évaluation de crédit magique triple B?

M. Wilson: Vous dites que l'achat d'actifs effectué par le gouvernement ne suffira pas?

M. Gouk: Je vous demande si c'est vrai.

M. Wilson: Eh bien, il y a trois sources de...

M. Gouk: L'argent en caisse, la valeur des actifs, et le reste, quelque montant que ce soit, sera financé par le gouvernement.

M. Wilson: Non. Le reste, quel que soit le montant, sera financé à même le capital de la compagnie constitué par la vente d'actions lors de l'appel public, au cas où il y aurait un manque à gagner.

M. Gouk: Eh bien, c'est comme prendre de la main droite et donner de la main gauche. Au bout du compte, s'il y a un manque à gagner de 300 millions de dollars, c'est le gouvernement qui financera, même si cela est remboursé par la vente d'actions. Pour pouvoir vendre cette compagnie qui a une dette de 1,5 milliard de dollars...

Nous n'allons pas vendre une compagnie qui doit 1,8 milliard de dollars et rembouser ensuite 300 millions de dollars et, même si nous procédons ainsi, cela revient à la même chose. S'il faut rembourser 300 millions de dollars de dette supplémentaire, il faut les rembourser. Peu importe d'où vient l'argent.

M. Lackenbauer: Vous avez parfaitement raison. Je comprends maintenant ce que vous voulez dire. Vous dites qu'étant donné que le milliard de dollars est pris sur le capital, il faut que la contrepartie reçue par le gouvernement, quelle que soit la somme que cela représente, soit déduite du 1,6 à deux milliards de dollars; c'est bien cela?

M. Gouk: Eh bien, c'est la façon dont vous, vous voyez les choses. Moi, j'essaie de ne pas les compliquer.

Le CN doit 2,5 milliards de dollars. Nous voulons vendre la compagnie avec une dette de1,5 milliard de dollars afin qu'elle ait une évaluation de crédit triple B. Il faut donc réduire la dette de 1 milliard de dollars.

M. Lackenbauer: Oui.

M. Gouk: Nous allons acheter ses actifs. Nous allons utiliser les liquidités excédentaires que possède la compagnie pour réduire la dette et ce qui manque, c'est le gouvernement qui va le financer. Peu importe d'où vient l'argent; le gouvernement va payer. Par conséquent, nous allons injecter un milliard de dollars.

Le président: Je pense que c'est une chose qui a été établie à plusieurs reprises.

M. Gouk: Eh bien, c'est aussi ce que je pensais et puis nous avons commencé à entrer dans...

Le président: Non, je pense...

M. Gouk: Permettez-moi de décider moi-même, monsieur le président, quelles sont les réponses qui ont été fournies, s'il vous plaît.

Le président: Mais je ne peux pas vous laisser poser la même question six fois, monsieur Gouk.

M. Gouk: Pourquoi pas? J'ai dix minutes. Laissez-moi les utiliser à ma guise.

M. Fontana (London-Est): Il prend le juge Ito pour modèle.

M. Gouk: Non, c'est vous, messieurs, que je prends pour modèle, et j'ai eu une bonne leçon.

M. Fontana: Allons, continuez.

M. Gouk: Vous pourrez faire comme il vous plaira lorsque ce sera votre tour, Joe.

M. Fontana: Vous harcelez le témoin.

M. Gouk: Je ne harcèle pas le témoin; c'est le président qui m'empêche de procéder. Permettez-moi de vous demander...

Le président: Monsieur Gouk, si vous avez fini...

M. Gouk: ...d'arrêter.

Le président: Finissons-en.

M. Gouk: Vous avez fini? Puis-je continuer?

Pour en revenir à la question, si nous obtenons un milliard ou 1,2 milliard, ou quelque chose du genre, si nous réduisons la dette de 300 millions de dollars de moins et si nous vendons simplement des actions pour 300 millions de dollars de moins, est-ce que cela s'équilibrera relativement?

.1000

M. Lackenbauer: Non.

M. Gouk: Pourquoi?

M. Lackenbauer: Parce que vous n'avez pas la structure financière appropriée. Vous pourriez - ce qui arriverait probablement - mettre en danger la cote de crédit triple B qui, comme l'a dit M. Tercek, est le minimum qu'il vous faut absolument avoir.

À mon sens, cela ne suffit pas. C'est un bon départ, mais il faut que cette compagnie canadienne obtienne sa cote A. La compagnie n'a aucune chance au monde de se financer si elle ne commence pas au moins avec une cote triple B. De plus, une fois la structure financière optimale dépassée, le marché prend plus de valeur que la dette additionnelle, et vous fait perdre cet effet optimal. Vous perdez donc sur les deux fronts.

Soyons clairs: le gouvernement ne sort pas perdant de cette restructuration du capital. En fait, il sort gagnant, à cause de la valeur de l'entreprise que le gouvernement possède à 100 p. 100. La restructuration du capital en augmente donc la valeur du point de vue du marché et rend la compagnie intéressante pour le secteur privé, ce qui n'aurait pas pu être le cas autrement.

Ce n'est certes pas un jeu de passe-passe ni un jeu au cours duquel on déplace de l'argent d'une poche à l'autre. Ces mesures doivent augmenter la valeur des actifs du gouvernement. Mais la clé de tout cela, c'est que le gouvernement ne sort pas perdant de la restructuration du capital.

M. Gouk: Vous nous avez donné une petite idée de ce que représentent les actifs que nous allons acheter. Vous êtes-vous fondés sur la valeur comptable, la valeur marchande actuelle ou sur un quelconque autre facteur?

M. Lackenbauer: Nous nous sommes fondés sur une évaluation de la valeur marchande actuelle, c'est-à-dire que nous nous sommes demandés ce que le gouvernement pourrait faire de façon ordonnée à la vente de ces actifs.

M. Gouk: Vous établissez la valeur marchande comme étant le prix que paiera un client ou un acheteur après un temps raisonnable d'exposition au marché?

M. Lackenbauer: Oui.

M. Gouk: C'est donc la valeur actuelle.

M. Lackenbauer: C'est exact.

M. Gouk: Revenons aux actifs que nous pourrions acheter ou qui existent, que nous les achetions ou pas - savez-vous s'ils appartiennent tous au CN ou si certains des actifs détenus par le CN appartiennent actuellement à l'État et dont le CN n'est que le dépositaire? Le CN a-t-il en main certains actifs dont il ne serait pas propriétaire?

M. Wilson: Je crois qu'ils sont tous la propriété de la personne morale, sauf erreur, et mes collègues me corrigeront. Ils sont tous au CN, à la compagnie.

M. Gouk: Très bien.

Le ministre des Transports a laissé entendre qu'il ne paiera pas ces actifs comptant, mais qu'il inscrirait la valeur de ces actifs comme crédit. Cela équivaut-il à une garantie d'emprunt?

M. Wilson: Non. En fait, pour payer les actifs immobiliers vendus par la compagnie et que garde le gouvernement, il faudra un crédit-relais temporaire. C'est donc un prêt, mais une fois l'émission publique terminée, le prêt devra être amorti et la structure financière conventionnelle que nous avons décrite devrait être en place au CN, sans que le gouvernement n'ait de garanties de prêt.

M. Gouk: Il s'agit donc d'un prêt provisoire garanti par les actifs immobiliers.

M. Wilson: Le prêt disparaîtra dès que les actifs immobiliers seront véritablement transférés de la compagnie et dès que le public achètera des actions du CN.

M. Gouk: Supposons que je vous prête 1 million de dollars et que je détienne des actifs; supposons aussi que je vous prête provisoirement cet argent; si je vends ces biens immobiliers ou si nous les vendons collectivement et que la vente nous rapporte 800 000$ ou 1,2 million de dollars, puisqu'il s'agit de vos actifs immobiliers et que je vous fais un prêt temporaire, vous pourriez vous retrouver soit avec un manque à gagner de 200 000$ ou avec un profit de 200 000$. Est-ce ainsi que cela se passera?

M. Wilson: Non, et je me suis peut-être mal fait comprendre. Lorsque j'ai parlé de crédit-relais, je voulais parler de la façon dont les actifs seront transférés au moment de l'émission des actions au public.

Une fois les actifs transférés et une émission publique effectuée, puisque ces actifs sont la propriété du gouvernement, on ne pourra plus parler de prêt consenti par le CN ni de participation de sa part. Si j'ai bien compris, ces actifs seront la propriété libre et sans entrave du gouvernement du Canada.

M. Gouk: Donc, nous pourrons payer à partir des produits de la vente.

M. Wilson: C'est exact.

M. Gouk: Autrement dit, c'est nous qui payons pour l'achat.

M. Wilson: C'est exact, en effet.

M. Fontana: M. Gouk semble oublier qu'en fait le CN et le gouvernement ne sont qu'une seule et même entité et que le gouvernement est déjà propriétaire du CN.

M. Gouk: Je crois que c'est le gouvernement qui l'oublie de temps en temps.

M. Fontana: Non. Le gouvernement est l'actionnaire du CN, et le jeu auquel vous voulez jouer, c'est un petit tour de passe-passe des Réformistes, c'est tout. Un plus un, ça fera toujours deux.

Merci, messieurs, de votre exposé du début. Il a été nécessaire pour préciser certaines choses dans la confusion qui règne dans l'esprit de certains.

Il est même possible que cette transaction produise trois gagnants: le contribuable canadien, dont le sort préoccupe toujours le Parti réformiste; le Canadien National en tant que compagnie privée; et espérons-le aussi, les clients du CN.

.1005

Mais revenons à la composition de la dette et à la structure financière qui, comme vous l'avez dit, sont absolument nécessaires. Le ministre ainsi que d'autres et vous-même avez affirmé que le maximum absolu que vous puissiez assumer comme dette vis-à-vis de vos concurrents dans l'industrie, c'est une dette de 1,5 milliard de dollars.

Étant donné que le CN a des recettes d'environ 4 milliards de dollars et que sa valeur de réalisation est d'environ 1,6 milliard de dollars à 2 milliards de dollars, même en envisageant une structure du capital et de l'endettement comme vous le faites, vous avez sans doute jeté un coup d'oeil du côté de l'exploitation. Tout investisseur potentiel s'intéresse à la capacité d'exploitation de la société visée. Avez-vous fait la comparaison avec nos concurrents nord-américains pour voir si nous soutenons la comparaison?

M. Tercek: Nous avons commencé à regarder ce qui se passait du côté de l'exploitation, mais il est important d'établir dès maintenant qu'il nous reste beaucoup à faire encore au cours de l'été. Toutefois, pour l'instant, nous croyons que les investisseurs américains pourraient être fortement intéressés par la compagnie et, par conséquent, il serait intéressant pour eux que nous suivions la voie tracée par les chemins de fer américains et que nous allions du côté des compressions des coûts, d'amélioration des services et d'une meilleure utilisation des actifs.

Le CN n'a pas besoin de réinventer la roue pour atteindre les objecfifs qu'il s'est fixés. Le cadre de travail est très clairement défini aux États-Unis et a donné de beaux résultats chez les compagnies, les investisseurs et les expéditeurs. D'après nos recherches à ce jour, nous pensons que le CN peut fort bien atteindre les objectifs qu'il s'est fixés.

M. Fontana: Merci.

D'après le rapport Nault et d'après ce que nous avons entendu, l'un des aspects importants de ce projet de loi-ci, c'est celui qui permet aux employés de devenir actionnaires. Vous êtes-vous demandés comment cela pouvait se faire? Nous croyons que l'actionnariat chez les employés est important pour plusieurs raisons. Vous êtes-vous demandés comment vous pourriez mettre en marché ce plan?

M. Wilson: Nous ne nous sommes pas encore penchés en détail là-dessus. Toutefois, à cette étape-ci de notre réflexion, nous souscrivons en principe à l'idée de l'actionnariat chez les employés. Demander aux employés d'investir des capitaux en achetant des actions de la compagnie dans laquelle ils travaillent, c'est évidemment un avantage du point de vue des investisseurs extérieurs, car les employés sont sur la même longueur d'ondes économique qu'eux. Mais nous n'avons pas encore réfléchi à la structure de cet actionnariat.

M. Fontana: D'aucuns ont jugé que le plafond de 15 p. 100 était artificiel et qu'il aurait pu tout aussi bien être fixé à 10 ou 20 p. 100. Certains affirment que 15 p. 100, c'est beaucoup trop, alors que d'autres disent le contraire. Pouvez-nous nous expliquer comment vous êtes parvenus à ce pourcentage. Quels sont les avantages ou les désavantages de cette formule par rapport aux possibilités de devenir propriétaire d'un plus grand nombre d'actions de la nouvelle société?

M. Lackenbauer: Lorsqu'on fixe une limite, c'est que l'on veut que le seuil soit suffisamment élevé pour ne pas décourager matériellement certains investisseurs institutionnels qui détiennent déjà d'énormes quantités d'actifs et qui souhaiteraient acheter chez vous mais qui jugent qu'ils ne peuvent en acquérir autant qu'ils en voudraient.

Pour parler cru, certains détenteurs de portefeuilles canadiens, et surtout américains étant donné la taille des bassins d'actifs aux États-Unis, ne se déplaceront même pas pour une peccadille de 100 millions de dollars. Ce n'est pas rien pour nous qui sommes réunis dans cette pièce-ci, mais lorsque des milliards d'actifs vous passent entre les mains et que vous cherchez à diversifier votre portefeuille, cela ne vaut pas la peine pour vous d'acquérir certains lots d'actions, si on ne vous en offre pas en quantités suffisantes.

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Il faut jongler pour trouver un seuil suffisamment élevé pour laisser entrer les gros joueurs, dans la mesure évidemment où l'investissement les intéresse, tout en les empêchant d'exercer un contrôle direct, mais en les laissant acquérir des intérêts minoritaires importants qui leur permettraient d'exercer une saine influence. Voilà l'équilibre fragile qu'il faut trouver.

Le seuil de 15 p. 100 représenterait 250 à 300 millions de dollars à l'émission initiale d'actions. Ce chiffre devrait augmenter si la compagnie réussit bien et sa valeur continuerait à augmenter de pair avec une amélioration de l'efficience et une amélioration du service, entre autres. Autrement dit, le seuil pourrait être rehaussé si tout va bien, comme nous l'espérons tous.

M. Fontana: En ce qui concerne les 15 p. 100, certains se sont inquiétés du fait que, le projet de loi ne plafonnant pas de façon générale l'actionnariat, la collusion était toujours possible. Vous qui êtes les spécialistes, que nous suggéreriez-vous d'inscrire au projet de loi pour empêcher toute collusion qui permettrait à ceux qui ne peuvent obtenir le contrôle direct d'obtenir le contrôle véritable néanmoins par des voies détournées?

M. Wilson: Nous avons examiné avec grand soin l'ébauche de projet de loi. Sans être avocats, nous croyons néanmoins que le projet de loi accorde aux dirigeants du CN suffisamment de pouvoir pour qu'ils puissent prévenir les effets d'une collusion réelle ou éventuelle.

M. Fontana: Avez-vous déjà vu, lors d'émissions d'actions semblables, le même type de conditions s'appliquer pour protéger l'intérêt public? Après tout, c'est tout ce que nous essayons de faire.

M. Wilson: Chaque fois que l'on a vendu au public des actions de biens de l'État, des restrictions à la propriété s'appliquaient. Nous sommes d'avis que les restrictions à la propriété proposées dans la Loi sur le CN sont les plus logiques, car elles arrivent à atteindre le juste équilibre dont parlait M. Lackenbauer plus tôt: elles n'empêchent aucunement les investisseurs canadiens et de l'extérieur d'acheter des actions tout en empêchant la mainmise sur la compagnie.

M. Lackenbauer: Puisque M. Wilson parlait de règles logiques je crois que l'absence d'un plafond sur l'actionnariat étranger constitue un ingrédient des plus importants. Un plafonnement aurait une incidence certaine sur la valeur globale de la compagnie et sur l'actif du gouvernement, et les contribuables ne réaliseraient pas les mêmes gains qu'en son absence.

M. Fontana: Récapitulons, car cela me semble important. Il existe 400 millions de dollars environ comptant - qu'il s'agisse de liquidités internes, de liquidités excédentaires ou de liquidités potentielles. On pourrait utiliser 300 à 400 millions de dollars pour commencer à rembourser la dette de 1 milliard de dollars, car c'est nécessaire.

Le virement des actifs du CN au gouvernement, qu'il faut payer de façon provisoire, et dont le gouvernement garantit la valeur à la fin de l'émission publique, va chercher entre 400 et 600 millions de dollars, ce qui représente à votre avis la valeur marchande des actifs non ferroviaires.

M. Wilson: C'est ce que devrait représenter avec le temps la valeur réalisable de ces actifs.

M. Fontana: Vous avez donc un milliard de dollars que vous allez chercher à partir d'une somme de 2,5 ou de 1,5 milliards de dollars. En supposant que tout ce que vous avez prédit se produise et que vous puissiez vendre toutes vos actions, comme vous semblez le croire, les contribuables pourraient se retrouver avec la somme nette de 1 milliard de dollars dans leurs poches.

M. Wilson: Oui, dès que le contribuable aura effectué la réalisation des éléments d'actifs immobiliers dont la valeur est constante et qui auront fait l'objet d'une réacquisition.

M. Fontana: Les contribuables auront donc 1 milliard de dollars nets de plus dans leurs poches, ou même Paul Martin qui en fera ce qu'il veut.

M. Wilson: Oui, sous forme de comptant ou de valeur retenue dans l'immobilier.

M. Fontana: Bien sûr.

M. Lackenbauer: Laissez-moi toutefois émettre une réserve au sujet de la valeur. Tout ce dont nous avons parlé dépend des conditions actuelles et futures du marché d'ici six mois. Nous ne prétendons pas que cela se concrétisera peu importe ce qui arrive. Comprenez-nous bien. Il faut évidemment que les conditions du marché soient convenables, mais c'est vrai aussi pour toute émission d'actions. Ce n'est pas particulier à celle-ci.

M. Fontana: En ce qui concerne le délai, est-ce vraiment essentiel que les actions se vendent sur le marché d'ici l'automne? Je suis sûr que les spécialistes que vous êtes ont une vue à moyen terme du marché sur six, 12 ou 24 mois. C'est évidemment ce qu'attendent de vous les investisseurs: Que votre boule de cristal soit infaillible.

À votre avis, quel est le délai le plus approprié? Évidemment, le gouvernement vise le début de l'automne. C'est d'ailleurs pourquoi nous devrons peut-être travailler tout l'été pour préparer le cadre réglementaire qui fait partie intégrante de la mise en marché, j'en suis sûr. Pouvez-vous nous le confirmer?

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M. Wilson: Mark, je vais commenter la situation canadienne, et vous pourriez peut-être nous parler des États-Unis?

J'aimerais que notre boule de cristal soit aussi bonne que vous semblez le penser. En fait, il n'en est rien. Certes, nous essayons de prévoir. Pour le moment, le marché se prête tout à fait aux émissions telles que celle que le CN prépare. Nous pensons qu'il est probable que ces conditions se maintiendront jusqu'à l'automne de cette année.

Mais au-delà de l'automne, et pour 1996, il devient beaucoup plus difficile d'avoir le même degré de certitude, bien que rien ne prouve pour le moment que ces mêmes conditions ne se maintiendront pas. En ce moment, et dans un avenir proche, les conditions sont en fait favorables à ce genre de transaction, et nous recommandons vivement que tout soit mis en oeuvre pour procéder à une mise en marché à l'automne.

M. Tercek: Pour ce qui est du marché américain, nos analyses coïncident avec ce que vous venez d'entendre. D'après nous, la Bourse et les conditions économiques du moment sont presque idéales pour l'émission du Canadien National. Voilà pourquoi nous pensons qu'il serait bon de faire les choses à l'automne.

M. Lackenbauer: Le risque que l'on court, au fur et à mesure que nous attendons trop, c'est que nous nous retrouvions en fin de cycle économique. Tout le monde cherche l'atterrissage en douceur, selon l'expression, et en même temps un prolongement de celui-ci.

Tel que nous voyons les choses aujourd'hui, si nous reportons les choses à l'année 1996, les risques augmentent d'autant. S'il y a un retournement du marché - c'est l'expression utilisée dans notre métier - parce que l'on prévoit une récession, ou un ralentissement sensible de l'économie, les actions vont évidemment baisser.

Il est tout à fait normal, et c'est même notre habitude, lorsque les conditions du marché se prêtent à une souscription d'actions, de faire avancer les choses autant que l'on peut et, après que le coup d'envoi a été donné, de conserver une certaine marge de manoeuvre pour contrôler le mouvement et le déroulement de l'opération, afin d'éviter de se retrouver pris dans un processus qui vous dépasse.

Le président: Nous passons maintenant au tour de cinq minutes.

M. Guimond: Monsieur Fontana, j'aimerais rectifier quelque chose. Notre parti n'estime pas que 15 p. 100 est un plafond trop élevé, mais comme nous l'avons dit, il y a un risque de collusion. Voilà pourquoi nous proposerons un amendement à titre de mesure préventive. Ce n'est pas que les 15 p. 100 soient trop élevés.

[Français]

J'espère, messieurs, que vous ne me répondrez pas que c'est confidentiel parce qu'il est question ici de l'argent des contribuables du Québec et du Canada. Il est facile de dire que cette information est confidentielle, mais ce sont les contribuables du Canada qui vous le demandent. Quels seront vos honoraires pour cet exercice? Sur quoi seront basés vos honoraires? Est-ce un forfait, un taux horaire? S'il s'agit d'un taux horaire, quelles sont vos estimations d'honoraires?

[Traduction]

M. Lackenbauer: Je ne peux pas parler pour les autres, mais je ne suis pas, en ce qui me concerne, disposé à divulguer publiquement nos honoraires. Si la compagnie, ou le gouvernement, en décidait autrement, cela les regarde. Nous n'aurions pas à le faire dans une rencontre du secteur privé, et je ne pense pas qu'il soit nécessaire que nous le fassions ici non plus.

M. Guimond: Mais l'État canadien n'est pas une société du secteur privé. Les contribuables canadiens veulent savoir, et je suis ici pour représenter les contribuables de ma circonscription de Beauport au Québec. Nous voulons savoir tout ce que cela coûte.

Cela va sortir de ma poche, cela va sortir de votre poche... Excusez-moi, j'oubliais que vous êtes Américain. Je ne sais pas si vous payez des impôts au Canada.

C'est une question à mon avis normale. Je pense qu'elle est tout à fait justifiée.

Le président: Je ne voudrais pas vous interrompre, mais je pense qu'effectivement c'est une bonne question.

M. Guimond: Qui se propose de répondre?

Des voix: Oh, oh.

Le président: Ce qui se passe, monsieur Guimond, c'est qu'on a affaire à trois sociétés différentes, avec trois modes d'organisation différents probablement. Mais vous pouvez toujours, comme député, poser la question, la faire inscrire au Feuilleton, par exemple, et attendre la réponse.

M. Guimond: Je vais donc poser la question séparément.

Pour Nesbit Burns, quels seront les honoraires?

M. Lackenbauer: Je ne suis pas disposé à répondre à la question, monsieur le député.

M. Guimond: Et pour Scotia McLeod?

M. Wilson: Permettez-moi de développer un petit peu ce qu'a dit M. Lackenbauer. Nous avons eu des pourparlers avec la compagnie et avec l'État pour négocier nos honoraires. Et comme l'a dit M. Lackenbauer, je ne pense pas qu'il soit bon, en ce moment, que nous prenions la décision de divulguer cette information. De toute évidence, c'est une question que vous pourrez poser à notre client, l'État canadien et la compagnie. N'hésitez pas à leur poser la question.

.1020

M. Fontana: Le client étant le ministre, vous pourrez poser la question au ministre.

M. Guimond: C'est le ministre, le client? L'argent sort de sa poche?

Ce n'est pas le ministre. Les clients sont l'État canadien et les contribuables.

Le président: Mais c'est lui qui a la responsabilité de la transaction.

M. Guimond: Oh! Oh!

M. Wilson: Je peux vous dire que nous avons discuté avec le ministre, avec le ministère des Transports et la compagnie, de cette question que vous évoquez, mais c'est à eux de divulguer, s'ils le désirent, les chiffres du contrat, ce n'est pas à nous.

Monsieur Tercek, êtes-vous d'accord?

M. Tercek: Je suis d'accord avec M. Wilson et M. Lackenbauer.

M. Guimond: Très bonne réponse, en effet.

[Français]

Quant à la valeur marchande des immeubles ferroviaires - je ne vous parle pas des immeubles non ferroviaires, car vous n'avez pas voulu me répondre là-dessus - , en avez-vous fait une évaluation? Par exemple, je pense aux terrains où passent les voies ferrées avec les emprises.

[Traduction]

M. Wilson: Je vais d'abord répondre, et mes associés pourront compléter.

Nous avons estimé cette valeur du point de vue de l'entreprise ferroviaire, puisque ces terrains dont vous parlez rapportent à la compagnie. Nous avons donc procédé à une évaluation sur le plan commercial, de ce que ces terrains rapportent à la compagnie, ce qui me ramène encore à cette fourchette de 1,6 à 2 milliards de dollars, c'est ce que représente ce capital.

C'est ainsi que nous avons évalué cette propriété ferroviaire, c'est-à-dire la valeur de ce que rapportent ces actifs. Nous n'en avons pas calculé la valeur séparément, c'est-à-dire la valeur du terrain, ou de la voie. C'est à partir de ce que cela rapporte que nous avons fait nos calculs.

[Français]

M. Guimond: Avez-vous tenu compte, dans votre évaluation, du fait que certains des emplacements ferroviaires pouvaient être contaminés? Avez-vous tenu compte d'une variable environnementale? Par exemple, lorsque cela sera vendu, devra-t-on replacer les emplacements dans l'état... Je parle toujours des emplacements qui servent aux opérations ferroviaires.

Il pourrait y avoir des terrains contaminés. Avez-vous tenu compte du coût de la décontamination, s'il y a lieu? Qui va assumer la facture? Est-ce le contribuable qui n'a pas le droit de savoir combien vous allez nous coûter?

[Traduction]

M. Tercek: Nous n'avons pas encore terminé nos recherches à ce sujet. Ce travail sera fait pendant l'été.

M. Lackenbauer: Évidemment, quel qu'en soit le coût, c'est le contribuable canadien qui va payer. Quelle que soit la répartition des frais de l'opération, tout cela reste le CN. Et si, effectivement, il faut facturer un coût pour ce genre d'opération, cela fera partie ensuite du calcul de la valeur de l'entreprise. Que ce soit l'État qui paye, ou le CN, il faudra ensuite que ce soit déduit de la valeur globale, et cela revient au même.

Quelle que soit la façon dont c'est calculé, les conséquences seront les mêmes pour le contribuable canadien. Ce qui est certain, c'est que cela va avoir des conséquences pour ce contribuable.

M. Guimond: Au total, je ne suis pas très heureux de la réponse que vous avez donnée à ma première question.

J'espère que les journalistes ne vont pas encore dire que c'est le Parti réformiste qui a posé cette question le premier. Même si très souvent nous lisons que le Parti réformiste a posé des questions insidieuses, cette fois-ci c'est le député du Bloc qui l'a posée.

Des voix: Oh! Oh!

Le président: Vous aurez d'autres occasions de poser cette question, Michel. Je peux déjà en prévoir deux.

Mais vous avez raison les uns et les autres; il s'agit bien de l'État canadien, mais au bout du compte, c'est le ministre qui est responsable.

M. Gouk: Je me pose des questions sur cette responsabilité du ministre. S'il y a une dette à éponger, vous pouvez être certains que cela ne va pas venir de la poche de M. Young.

Mais ce n'est pas de ça que je veux continuer à discuter, nous pourrions en débattre toute la journée sans aboutir.

Pourrions-nous être plus clairs? Êtes-vous intéressés à la transaction, touchez-vous une commission?

M. Lackenbauer: Oui.

M. Gouk: Plus les actions se vendront bien, mieux vous serez rémunérés.

M. Lackenbauer: Absolument.

M. Gouk: Vous avez donc intérêt à ce que l'émission se fasse de façon à rapporter le plus possible.

M. Lackenbauer: Absolument. C'est d'ailleurs une façon de procéder tout à fait habituelle. C'est une commission à la souscription, sous réserve d'une rémunération de notre travail au cas où l'émission ne se ferait pas, puisque nous aurons passé beaucoup de temps et dépensé beaucoup d'énergie pendant six à huit mois, pour la préparation du montage.

.1025

Tout ce que je peux vous dire en notre nom à tous - mes collègues auront peut-être quelque chose à ajouter - c'est que les négociations concernant le CN ont été les plus difficiles auxquelles il m'ait été donné d'assister en 27 ans de carrière.

J'aimerais certainement que M. Young négocie pour moi à l'avenir, car il a obtenu le maximum que l'on puisse tirer d'une émission initiale d'actions. C'est tout ce que je peux vous dire.

M. Gouk: Nous pourrions peut-être vous arranger cela après les prochaines élections.

Des voix: Oh, oh!

M. Gouk: Vous me dites que si nous réduisons la dette à 1,5 milliard de dollars, la société aura une cote de crédit triple B, ce qui rendra ses actions mieux vendables, c'est bien cela?

M. Lackenbauer: Oui.

M. Wilson: Telle est notre opinion préliminaire pour le moment.

M. Gouk: Voyez-vous un problème à ce que la loi soit rédigée de façon à ce que l'argent des contribuables ne serve pas à réduire la dette en deçà de 1,5 milliard de dollars sauf en se servant des liquidités ou de la vente de l'actif?

M. Lackenbauer: Oui, j'en vois un.

M. Gouk: Quel est ce problème?

M. Lackenbauer: Cela risque de limiter la marge de manoeuvre de la société sur le plan financier, car une cote triple B risque d'être trop difficile à maintenir. Ce ne serait pas dans l'intérêt de la société ou du gouvernement et ce ne serait donc pas plus dans l'intérêt des contribuables. Comme nous l'avons déjà dit, c'est la valeur totale de l'entreprise qui doit entrer en ligne de compte.

Si la dette est réduite en deçà de 1,5 milliard, l'avoir des propriétaires augmente en conséquence. Cet avoir, qui appartient au gouvernement ou aux contribuables, ne va pas se trouver diminué si la dette est réduite encore davantage. A mon avis, nous aurions tort de nous lier les mains en fixant un chiffre.

M. Gouk: Si j'ai bien compris, vous dites que nous pourrions payer une proportion de la dette plus importante que celle que nous envisageons.

M. Lackenbauer: Je ne serais pas aussi catégorique. Lorsque vous essayez de vendre un actif et de le structurer, vous ne voulez pas vous trouver limité par un chiffre qui risque de changer en fonction des conditions du marché et de toutes sortes de facteurs. Je ne veux pas dire que ce sera le cas.

M. Gouk: Ce que vous voulez dire, c'est que nous pourrions abaisser la dette en deçà de 1,5 milliard de dollars.

M. Lackenbauer: Je ne voudrais pas que cette possibilité soit éliminée artificiellement.

M. Gouk: Autrement dit, nous pourrions le faire.

M. Lackenbauer: Oui.

M. Gouk: Dans certaines circonstances, nous pourrions assumer une dette de plus d'un milliard de dollars.

M. Lackenbauer: Ce n'est pas ce qui est prévu pour le moment, mais cela reste une possibilité.

M. Gouk: Et pour le moment, vous ignorez combien nous allons payer pour l'actif et comment nous allons déterminer sa valeur?

M. Lackenbauer: Quelle valeur?

M. Gouk: La valeur de l'actif immobilier que nous reprenons au CN.

M. Lackenbauer: C'est une chose que l'on va calculer bientôt et nous n'avons pas encore de résultat concluant.

M. Gouk: Comme je l'ai mentionné hier, on me demande de voter sur ce projet de loi avant de savoir quelle partie de la dette les contribuables vont devoir assumer, combien ils vont payer pour l'actif immobilier ou comment sa valeur sera calculée.

Autrement dit, on nous demande de signer un chèque en blanc. Vous comprendrez sans doute que l'opposition hésite à signer un chèque en blanc au gouvernement.

M. Lackenbauer: Si vous le permettez, je pense que vous vous trompez largement.

M. Gouk: Dites-moi où je fais erreur.

M. Lackenbauer: C'est ce que je vais essayer de vous expliquer.

Nous partons du principe qu'une entreprise a une certaine valeur. Je suppose que vous êtes d'accord là-dessus. Si vous additionnez la dette et l'avoir des propriétaires, vous obtenez la valeur totale de l'entreprise sur le marché.

M. Gouk: Dans le cadre de certains paramètres.

M. Lackenbauer: Oui, du moment que la structure du capital est optimale. Cela étant, comme l'a dit M. Wilson, les trois firmes avancent une valeur de l'ordre de 3,1 à 3,5 milliards de dollars.

Prenons l'actif immobilier et le reste. Si vous le payez 600 millions de dollars, vous augmentez la valeur des autres éléments du CN de 600 millions.

Vous ne cessez de répéter que les contribuables assument la dette sans rien obtenir en retour. Ce n'est pas ce qui se passe. Il s'agit plutôt de transformer de l'argent en avoir de façon à capitaliser la compagnie de façon optimale pour que l'entreprise atteigne sa valeur maximale sur le marché. Le gouvernement possède ainsi un actif immobilier qu'il peut vendre.

Il ne s'agit pas de réduire la dette aux dépens des contribuables. Tout vise à augmenter au maximum la valeur de l'entreprise.

M. Gouk: A la condition que nous vendions 100 p. 100 des actions au prix fixé.

M. Lackenbauer: Ce n'est même pas indispensable. Toutefois, dans des conditions normales, cela contribuerait à accroître la valeur.

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Encore une fois, tout dépend, car si le marché n'est pas en mesure d'absorber 100 p. 100 des actions, vous avez intérêt à ne pas les vendre toutes. Par contre, si vous êtes en mesure de vendre la totalité des actions, si le gouvernement décide d'en retenir une partie, cela nous empêchera sans doute d'obtenir le maximum.

Néanmoins, d'après ce que j'ai entendu dire, le gouvernement a annoncé explicitement son désir de vendre le CN en totalité et nous le croyons sur parole. C'est seulement si nous lui disions que pour vendre 100 p. 100 des actions, il serait pratiquement obligé de les donner ou que le marché ne serait pas en mesure de les absorber quel qu'en soit le prix que le gouvernement renoncerait à vendre la totalité de la société. Ce serait seulement dans ces conditions.

Mme Terrana (Vancouver-Est): Lors des audiences du groupe de travail, on nous a dit qu'il vaudrait mieux partager les actions en trois émissions au lieu de les vendre toutes en même temps. Vous ne semblez pas d'accord sur ce principe et j'aimerais que vous nous donniez davantage d'explications.

M. Wilson: Si les conditions du marché le permettent, la meilleure façon pour le gouvernement canadien de se départir de cet actif, serait de vendre la totalité des actions en une fois. En effet, si le gouvernement se retrouve avec des actions invendues qui se retrouveront nécessairement sur le marché ultérieurement, cela risque de ralentir les transactions et d'abaisser le prix de vente.

Ce n'est pas nécessairement impossible à faire. Il est déjà arrivé qu'une partie des actions soit vendue et que le reste soit mis en vente plus tard. Mais la meilleure façon de vendre ces actions est de les mettre en vente toutes en même temps, si les conditions du marché sont favorables.

Mme Terrana: Je suis heureuse de vous voir aussi positifs. Vous semblez très optimistes au sujet de cette vente.

Nous savons qu'il va falloir apporter certains changements à la réglementation. Ce que le ministre propose suffit-il à vous convaincre qu'une fois la nouvelle réglementation en place, nous pourrons vendre ces actions ou souhaiteriez-vous des mesures supplémentaires?

M. Wilson: D'autres changements doivent être apportés à la réglementation et à la législation. Nous ne pouvons pas parler de dispositions qui n'ont pas encore été déposées, mais nous croyons qu'elles sont en cours de préparation et qu'elles permettront de vendre le CN à des investisseurs publics.

Mme Terrana: Y a-t-il des changements que vous souhaiteriez pour que le CN soit plus facile à vendre?

M. Wilson: Je ne suis pas certain d'avoir bien compris la question.

M. Tercek: Il est difficile de parler des nouvelles dispositions législatives, mais d'après ce que nous avons compris, elles permettront à la direction de gérer l'entreprise sur des bases commerciales à peu près comme son homologue des États-Unis. Cela incitera les investisseurs à croire que la direction prendra les mesures nécessaires pour assurer un rendement maximal. À notre avis, c'est ce qui assurera le succès de cette vente.

Mme Terrana: Ma dernière question concerne également votre optimisme au sujet de cette vente. Étant donné que le Canada est différent des États-Unis, pensez-vous que la vente de ce chemin de fer peut susciter autant d'intérêt que la vente d'un chemin de fer américain? Vous semblez comparer constamment le CN aux compagnies de chemin de fer américaines.

M. Tercek: La comparaison avec les chemins de fer des États-Unis nous paraît parfaitement légitime. Comme la réglementation américaine a déjà été modifiée, les chemins de fer des États-Unis ont une légère avance sur ceux du Canada. La libéralisation de la réglementation leur a permis de prendre des mesures très énergiques pour réduire leurs frais généraux et améliorer le niveau et l'efficacité de leurs services. Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, cette expérience a été très positive tant pour les compagnies que pour leurs actionnaires et la clientèle.

Le CN se trouve dans une situation très semblable à celle dans laquelle se trouvait Conrail, par exemple, au moment de son émission initiale, il y a une dizaine d'années. C'est notre firme qui s'est occupée de cette transaction. Si l'on s'y prend bien, nous nous attendons à susciter, à l'égard des actions du CN, la même demande que pour celles de Conrail, tant au Canada qu'aux États-Unis ou en Europe. Cette vente devrait avoir beaucoup de succès.

M. Jordan (Leeds - Grenville): Comme Anna l'a dit, vous semblez très enthousiastes et très optimistes. Mais le contraire serait étonnant étant donné que c'est votre domaine et que vous allez sans doute gagner de l'argent.

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Cependant, la valeur d'une action sera celle qu'on voudra bien vous en donner, n'est-ce pas?

M. Lackenbauer: Certainement.

M. Jordan: C'est aussi simple que cela.

Si vous déterminez la valeur d'une action en fonction de l'actif et de toutes sortes d'autres facteurs, n'avez-vous pas une bonne idée de ce que vous pouvez en tirer? Faites-vous un essai sur le terrain ou téléphonez-vous à vos amis?

Des voix: Oh, oh!

M. Jordan: Par où commencez-vous? Cette action vaut-elle 20$ ou 200$? Vous devez avoir un moyen de calculer la valeur approximative d'une action.

M. Wilson: Comme nous l'avons dit aujourd'hui, nos chiffres préliminaires correspondent à la valeur totale des actions qui est de l'ordre de 1,6 milliard à 2 milliards de dollars.

À titre d'exemple - nous n'avons pas déterminé le prix par action - si la structure du capital du CN comprenait 200 millions d'actions et si la valeur globale obtenue sur le marché en haut de la fourchette dont nous avons parlé est de 2 milliards de dollars, pour prendre un chiffre rond, chaque action vaudra 10$.

M. Jordan: Vous allez bientôt arriver à ce chiffre.

M. Wilson: En effet, le chiffre par action.

Comme M. Lackenbauer l'a dit tout à l'heure, la valeur par action est simplement fonction du nombre d'actions que vous autorisez et vous divisez ce nombre par la valeur globale estimative. D'après nos calculs préliminaires, cette valeur globale est de l'ordre de 1,6 à 2 milliards de dollars.

M. Jordan: Cependant, si vous êtes enthousiastes, c'est parce que vous avez pour métier de vendre des actions. Considérez un peu le point de vue du contribuable. Est-ce un marché avantageux?

M. Lackenbauer: Je ne suis pas d'accord avec votre préambule.

M. Jordan: Vous ne gagnez pas d'argent?

M. Lackenbauer: Non, ce n'est pas cela, car si nous ne pensions pas gagner de l'argent, nous ne serions pas là. Nous faisons des affaires pour gagner de l'argent.

M. Jordan: C'est ce qui suscite votre enthousiasme.

M. Lackenbauer: Non. Notre enthousiasme vient en partie du fait qu'il s'agit là d'une transaction très importante à laquelle nous tenons tous à participer. Cela ne fait aucun doute. Néanmoins, si nous ne pensions pas que c'est faisable et que cette vente peut être un succès...

Du point de vue de notre réputation, il n'est pas très intéressant de participer à une transaction qui n'intéresse personne. Le simple fait que nous allons gagner de l'argent ne suffirait pas à susciter notre enthousiasme.

Nous devons toujours juger de ce que les marchés financiers, tant les investisseurs institutionnels que les particuliers, seront prêts à payer. Nous faisons des évaluations en fonction d'un ensemble de critères et de méthodes, mais pas seulement parce que nous sommes enthousiastes à l'idée de gagner de l'argent.

M. Jordan: Je suppose que les deux sont difficiles à dissocier.

Pensez-vous que c'est là une transaction avantageuse pour le Canada?

M. Lackenbauer: Je pense que c'est effectivement une excellente transaction pour le Canada.

M. Jordan: Vous allez liquider une bonne partie de l'actif du CN parce que la société n'a pas pu la vendre elle-même à profit. Il semble qu'elle ait réussi, récemment, à monnayer certains de ses biens. Je suppose que cela va susciter de l'intérêt.

Mais le CN va également conserver une partie de son actif. N'aurait-il pas été préférable que le gouvernement se débarrasse entièrement du tout, par exemple de choses comme la Tour du CN? Même si cela rapporte un peu d'argent pour le moment, ce ne sera sans doute pas pour longtemps. Pourquoi ne pas liquider la totalité des actifs?

M. Wilson: L'actif non ferroviaire est vendu avant l'émission d'actions. L'actif immobilier est transféré au gouvernement canadien pour qu'il puisse le rendre ultérieurement et le CN vend d'autres biens secondaires.

L'actif que nous allons vendre au public est l'actif ferroviaire de base. C'est ce que les investisseurs vont acheter dans le cadre d'une réglementation qui permettra à la direction de restructurer l'actif ferroviaire, même après la vente des actions.

M. Jordan: Mais la société restera endettée, même quand cet actif sera vendu. Le CN aura encore une lourde dette à assumer, n'est-ce pas?

M. Wilson: Oui. Nous croyons que la société peut assumer sans problème une dette d'environ 1,5 milliard.

M. Jordan: Qui va payer la note?

M. Wilson: L'encaisse provenant des opérations ferroviaires permettra d'assurer le service de la dette.

M. Jordan: Pensez-vous vraiment que le CN va pouvoir absorber ses dettes au cours de la période proposée?

M. Wilson: Oui.

M. Lackenbauer: La cote de crédit en atteste. Vous ne pourriez jamais obtenir une cote triple B ou supérieure si les agences de cotation et les autres analystes indépendants et, donc, l'ensemble du marché, ne s'attendaient pas à ce genre de résultat. C'est indispensable.

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M. Jordan: Si vous perdiez votre cote de crédit, les seuls à en souffrir seraient les contribuables canadiens, n'est-ce pas?

M. Lackenbauer: La perdre par rapport à quel niveau?

M. Jordan: Du niveau B au niveau inférieur.

M. Lackenbauer: Après l'émission d'actions?

M. Jordan: Oui.

M. Lackenbauer: Après l'émission d'actions, cela n'aurait pas la moindre conséquence pour les contribuables canadiens; seuls les détenteurs de la dette seraient touchés.

M. Jordan: Les personnes qui auront investi leur argent dans ces actions seront celles qui en feront les frais.

M. Lackenbauer: Exactement, et dans la mesure où il s'agit de contribuables, cela les toucherait évidemment, mais pas en tant que propriétaires d'un bien public.

M. Jordan: En effet.

M. Gouk: Je voudrais en revenir à votre déclaration liminaire. Vous avez dit que la valeur totale de l'actif de la société se situait, pour le moment, entre 3,1 et 3,4 milliards de dollars. Est-ce avant la dette?

M. Wilson: En effet, il s'agit de la valeur de l'entreprise avant la dette.

M. Gouk: Si nous prenons le chiffre le plus élevé, la valeur est donc de 3,4 milliards de dollars. Si vous soustrayez de ce montant une dette de 2,5 milliards, cela nous laisse un avoir de 900 millions de dollars.

M. Wilson: Je pense qu'il s'agit d'un milliard.

M. Gouk: Oui, mais cela dépend. Je prends votre chiffre le plus élevé...

M. Wilson: Il est de 3,5 milliards.

M. Gouk: D'accord, cela nous laisse donc un milliard tout rond. Je vais vous accorder ces 100 millions supplémentaires.

M. Wilson: Merci.

M. Gouk: Vous dites que l'actif immobilier non ferroviaire vaut entre 400 et 600 millions de dollars. Si nous prenons un chiffre intermédiaire de 500 millions il nous reste, une fois qu'il est soustrait, un avoir de 500 millions.

Vous allez réduire cette dette d'une façon ou d'une autre...

M. Wilson: La valeur de l'entreprise estimée de 3,1 à 3,5 milliards correspond à l'actif ferroviaire qui sera vendu au public.

M. Gouk: Cela ne comprend donc pas l'actif immobilier?

M. Wilson: En effet.

M. Gouk: Je voulais obtenir cette précision, car vos chiffres ne concordaient pas. C'est très bien.

Vous nous avez dit que cette limite de 15 p. 100 ne posait pas un gros problème. Est-ce parce que personne, d'après vous, n'est disposé à acheter plus de 15 p. 100? Est-ce à peu près cela?

M. Lackenbauer: Non; ce n'est pas ce que je pense personnellement. Mes collègues sont peut-être d'un autre avis. Il pourrait y avoir quelqu'un qui serait prêt à acheter plus de 15 p. 100 des actions.

La question qui se pose pour le moment est de savoir si en empêchant un acheteur d'acquérir davantage d'actions vous allez réduire la valeur que vous pouvez obtenir sur le marché? La réponse est non étant donné que la demande sera suffisante. Si le gouvernement ne désire pas ou ne peut pas satisfaire cet acheteur, cela sera compensé par la présence d'autres investisseurs.

M. Gouk: En principe.

M. Lackenbauer: C'est ce que nous croyons.

M. Gouk: Ne pensez-vous pas qu'une compagnie souhaitera acquérir un bloc de contrôle pour pouvoir moderniser et rationaliser l'exploitation du chemin de fer en adoptant ses propres idées et son propre sytle de gestion et que cela pourrait poser un problème?

M. Lackenbauer: Je ne pense pas, du moins à court terme. Cela pourrait être vrai à plus long terme, mais cela ne va pas du tout se répercuter sur la valeur de l'émission initiale d'actions.

M. Gouk: Ce n'est pas nécessairement un atout, mais vous ne pensez pas que ce sera un facteur dissuasif important.

M. Lackenbauer: En effet.

M. Wilson: Cela ne devrait pas avoir de répercussion négative pour le moment.

M. Gouk: Si la limite de 15 p. 100 n'existait pas, cela poserait-il un problème?

M. Wilson: S'il n'y avait aucune limite, cela ne poserait pas de problème.

M. Lackenbauer: Vous voulez dire du point de vue du marché?

M. Gouk: Oui.

M. Lackenbauer: Non.

M. Gouk: Vous avez dit que vous aviez participé à la vente de Conrail. La transaction a été couronnée de succès et elle a donné de bons résultats depuis. Quelles limites ont été imposées lors de l'émission des actions de Conrail?

M. Tercek: Il n'y avait aucune limite.

M. Gouk: Merci.

Je voudrais un ou deux autres éclaircissements. Avant que mon collègue du Bloc brandisse la bannière séparatiste, je voudrais aborder avec vous les dispositions du projet de loi concernant le siège social. Contrairement à ce que mon collège s'imagine parfois, je ne m'oppose pas à ce qu'il soit à Montréal, mais plutôt à ce qu'il soit limité à une ville. Cela a-t-il des répercussions négatives quelconques?

M. Wilson: En ce qui concerne l'émission d'actions?

M. Gouk: En ce qui concerne l'émission d'actions au cas où quelqu'un souhaiterait, à un moment donné, que le siège social soit situé ailleurs.

M. Wilson: Les investisseurs n'achètent pas des actions en fonction de l'endroit où se trouve le siège social d'une entreprise. Ils les achètent en tenant compte des perspectives commerciales, de la trésorerie, de la qualité de l'actif et de la qualité de la gestion.

M. Gouk: Qu'en est-il de l'exploitation ultérieure de la société?

M. Wilson: La qualité de la gestion est un facteur très important aux yeux des investisseurs.

M. Gouk: Mais cette restriction ne risque-t-elle pas de poser un problème à la compagnie un jour ou l'autre?

M. Wilson: Je ne vois pas pourquoi.

M. Lackenbauer: J'en doute énormément.

.1045

M. Gouk: Qu'en est-il des exigences linguistiques? Le CN doit continuer à appliquer la politique du gouvernement en matière de langues officielles contrairement à ce que font les autres compagnies du même secteur.

M. Lackenbauer: Je ne pense pas que le marché réagisse à cela de façon négative.

M. Gouk: Y a-t-il quoi que ce soit de positif dans l'une ou l'autre de ces dispositions?

M. Wilson: Cela ne change en rien la façon dont les investisseurs déterminent la valeur d'une entreprise.

M. Gouk: Ces dispositions n'ont donc rien de positif.

M. Wilson: Elles ne servent en rien à déterminer la valeur et les perspectives d'avenir d'une entreprise.

M. Comuzzi (Thunder Bay - Nipigon): Je voudrais revenir à ce que ma collègue a dit à propos de la valeur des actions. Au cours des discussions d'aujourd'hui, cela n'a pas été abordé... Nous en parlerons peut-être, mais c'est une question de votre ressort.

Nous tenons tous à voir le CN prospérer. En l'absence de réglementation, s'il est capable de centrer ses efforts sur l'exploitation d'un réseau de transport, le CN peut certainement devenir une entreprise prospère, viable et rentable, surtout maintenant qu'il a accès aux États-Unis par le tunnel de Sarnia.

Je ne vous ai pas encore entendu prédire ce que le CN allait faire. Tout récemment, les actions de Chrysler se transigeaient à environ 39$. L'un de ses principaux actionnaires a déclaré que c'était un prix beaucoup trop bas, qu'il devrait atteindre 55$ ou 60$ l'action et il a donc fait une offre. Cette offre n'a pas abouti, mais elle a eu deux effets. Elle nous a permis d'obtenir environ 2$ de plus de dividendes par action, que la société n'était pas prête à nous donner, et je pense que les actions se transigent toujours aux alentours de 44$. Cette initiative a eu un résultat.

Vous qui êtes des experts dans ce domaine, je ne vous ai pas entendu nous dire ce que le CN allait faire pour augmenter la valeur de ses actions lorsqu'elles seront offertes au public. Avons-nous besoin d'un certain délai?

Il ne fait aucun doute dans mon esprit que le CN restera une entreprise très rentable. Qu'allez-vous faire pour augmenter sa valeur? Je pense que vous êtes payés pour cela.

M. Lackenbauer: Avec tout le respect que je vous dois, je ne pense pas du tout que nous soyons payés pour cela.

M. Comuzzi: Ne dites pas «avec tout le respect que je vous dois». Je suis avocat de profession.

M. Lackenbauer: Dans ce cas, vous savez ce que cela veut dire, n'est-ce pas?

M. Comuzzi: Oui.

Des voix: Oh, oh!

M. Lackenbauer: D'accord.

Nous ne sommes pas là pour dicter au CN la façon de faire marcher ses trains. Nous sommes là pour le conseiller quant aux mesures à prendre pour augmenter au maximum la valeur de l'émission d'actions, c'est certain. Cependant, nous ne sommes certainement pas là pour lui dire comment gérer ses affaires. Comme l'a dit M. Tercek, le CN doit donner au marché l'impression de pouvoir améliorer continuellement sa rentabilité. Tout cela se reflète dans la valeur des actions.

Je ne sais donc pas très bien ce que vous attendez de nous.

M. Comuzzi: Comme l'a dit M. Jordan, vous êtes les experts et même si vous ne voulez pas divulguer quels sont vos honoraires, je suppose qu'ils sont confortables sans quoi vous ne seriez pas là. Votre rôle consiste en partie à veiller qu'une fois ces actions offertes au public la compagnie pourra tirer certains bénéfices qui augmenteront la valeur de ses actions. Je voudrais savoir ce que vous faites sur ce plan.

M. Tercek: Au stade préparatoire où nous examinons ce que la compagnie peut réaliser au cours de la période dont elle dispose, nous l'amenons à se fixer des objectifs très ambitieux. Lorsque la compagnie fera connaître ses intentions aux investisseurs, ses objectifs généraux dépasseront le cadre de la compagnie proprement dite.

Ensuite, la discipline exigée par le marché incitera efficacement la direction à faire tout en son pouvoir pour atteindre les objectifs qu'elle se sera fixés.

.1050

Bien que notre tâche consiste à aider l'actionnaire à vendre à meilleur prix la société et à veiller à ce que celle-ci soit correctement structurée pour cette vente, notre expérience d'autres privatisations nous permet d'affirmer que ce processus engendre une discipline et un dynamisme tels que la société est amenée à se surpasser.

M. Comuzzi: A ce stade il est question, de toute évidence, du CN qui a connu toute une série de déboires dûs à de mauvaises décisions de gestion, cela ne fait aucun doute.

J'en vois qui sourient, en face, parce que ce sont des gens du CN mais il est regrettable que je doive le dire.

Que faites-vous pour rassurer les futurs investisseurs et les convaincre que cette société sera dorénavant très bien gérée?

M. Tercek: J'aimerais tout d'abord vous faire remarquer que les résultats enregistrés recémment démontrent que l'équipe de direction actuelle de la société a mené sa gestion bon train, accomplissant des progrès remarquables en comparaison d'autres sociétés, y compris les compagnies américaines de chemins de fer.

Nous continuerons à faire preuve de toute la diligence requise et consacrerons beaucoup de temps avec les divers paliers de gestion pour nous assurer que l'équipe en place est parfaitement à même d'atteindre les objectifs de la société.

M. Lackenbauer: Une fois rassuré à cet égard - et à ce jour tous les augures semblent favorables - la gestion elle-même se portera garante du succès.

Dans le cadre du processus de commercialisation de l'émission, la haute direction rencontre, au cours de la période d'enregistrement, tous les principaux investisseurs professionnels et fait ce que nous appelons «la tournée des grands-ducs», autrement dit, elle joue un rôle clé pour assurer une bonne vente, car du jugement des investisseurs dépendra le succès de la vente du CN.

M. Comuzzi: Tout ceci est un processus permanent pour rehausser la valeur de la société pendant la période d'émission.

M. Lackenbauer: C'est exact.

M. Nault (Kenora - Rainy River): Permettez-moi de prendre en exemple le cas de Conrail. Je voudrais aborder la question des relations de travail et l'importance de la participation des employés.

Je crois savoir qu'à Conrail la participation des employés était importante lors du transfert du secteur public au secteur privé. J'aimerais que mon collègue américain me dise quel a été l'effet de sa participation sur les marchés financiers, si on la compare à la participation restreinte des employés dans le cas du CN. Ou bien recommanderiez-vous à votre client - le gouvernement, en l'occurrence - de tout faire en son pouvoir pour faire participer les employés dans une grande mesure?

J'aimerais que vous m'éclairiez là-dessus, car il y a en réalité deux problèmes dans cette affaire: nous en parlons comme si l'actionnaire va en bénéficier, mais il y a également des employés et des expéditeurs en jeu, qui doivent tirer profit de la privatisation. Pour que ceci se réalise il nous faut une compagnie de chemins de fer en très bonne santé.

Je sais que l'exemple de Conrail est à suivre, parce que ce fut une privatisation relativement réussie. Pouvez-vous nous montrer le différences entre ce que vous proposez pour les employés de la compagnie canadienne, et ce qui s'est passé pour Conrail?

M. Tercek: En premier lieu je vous ferai remarquer que nous n'avons pas encore achevé notre propre évaluation du niveau souhaitable de participation des employés à la société ou d'une structuration idéale de cette participation. C'est là un travail important qui reste encore à faire.

En second lieu j'ai constaté que les marchés financiers, d'une façon générale, apprécient la participation des employés en tant qu'actionnaires parce qu'ils considèrent que, toutes choses étant égales, c'est une bonne chose pour le moral que les intérêts de employés, de la gestion et des actionnaires aillent tous dans le même sens.

Je prévois toutefois que les actionnaires éventuels voudront surtout que la haute direction soit encouragée à augmenter la valeur des actions par un régime de souscriptions à des actions ou par un régime de propriété des actions lié, le cas échéant, aux objectifs d'exploitation de la société. C'est le cas de plusieurs compagnies de chemins de fer d'Amérique du Nord - la liste est longue, mais citons Southern Pacific, Conrail - où la haute direction a été encouragée, de façon très concrète, à atteindre certains objectifs.

Les actionnaires en ont été très réconfortés, car ils s'attendent alors à ce que la gestion fasse tout ce qui est en son pouvoir pour atteindre ces objectifs. Ce sont toutefois là des observations préliminaires, et nous ne sommes pas encore parvenus à évaluer qu'elle devrait, dans ce cas être la structure appropriée.

M. Nault: Toujours dans le même ordre d'idées, il a été proposé, dans la presse et dans les milieux officiels, que le régime des relations de travail tel qu'on le trouve dans le secteur des chemins de fer - lui-même influencé, bien entendu, par les relations de travail hors de ce secteur, par exemple les élévateurs à céréales, entre autres - est dans une mauvaise passe et que la question devrait être réglée.

.1055

Sauf erreur, tout au moins sur le long terme, les relations de travail dans l'industrie des chemins de fer au Canada, ont toujours été très stables et en fait aussi bonnes sinon meilleurs que les relations de travail dans l'industrie des chemins de fer aux États-Unis.

C'est bien votre avis? Est-ce que nous n'exagérons pas un peu en disant que si cette question de la main-d'oeuvre n'est pas réglée le CN sera invendable? Personnellement, j'ai l'impression que les relations de travail, sur le long terme, ont toujours été assez bonnes dans l'industrie des chemins de fer.

M. Tercek: Notre impression est que les relations de travail dans la compagnie sont bonnes. Cependant, c'est peut-être dû en partie au fait que la compagnie a longtemps toléré des effectifs plus importants qu'il n'était absolument nécessaire. Les coûts du Canadien National sont plus élevés que ceux de ses homologues aux États-Unis. Si on veut que cette souscription soit un succès et si on veut atteindre les objectifs financiers fixés, il faudra réduire ces coûts.

Ce sont les gains en productivité qui permettront en grande partie de réaliser cette réduction. Il est possible que les relations de travail en souffrent. Par contre, il est aussi possible que l'offre d'actions aux employés atténue un peu le problème.

M. Nault: En étudiant les chiffres j'ai vu qu'au CN et au CP, il y avait beaucoup plus de cols blancs, de personnel de direction - et le CN et le CP ne sont pas très différents sur ce chapitre - que dans les compagnies comparables aux États-Unis. Ce n'est pas tant au niveau des cols bleus qu'au niveau de la gestion que les effectifs du CN et du CP sont largement plétoriques par rapport à leurs concurrents américains. Est-ce que vous avez aussi pour rôle de recommander un dégraissage à ce niveau?

Les chefs syndicalistes du CN nous ont dit - et les chiffres le prouvent - que du côté de la gestion il y a environ 4 000 employés de trop si on fait la comparaison avec des compagnies analogues aux États-Unis. Ce n'est pas du tout une question de relations de travail. La structure de la gestion contient beaucoup trop de couches inutiles, à mon avis.

Votre travail constitue-t-il à donner ce genre de conseil?

M. Tercek: Notre travail consiste à bien comprendre la situation afin de pouvoir correctement l'exposer dans l'appel à la souscription et lors de nos discussions avec les investisseurs.

Je suis d'accord avec vous, il semblerait qu'il y a beaucoup trop de cols blancs. Cependant, la compagnie est sur le point d'arriver aux termes d'un plan triennal très ambitieux de réduction des niveaux d'emploi qui, d'après ce que j'ai cru comprendre, a permis d'éliminer un grand nombre de postes de gestion et de réaliser des économies rendant la compagnie globalement plus rentable.

Il y a probablement encore à faire sur ce plan-là. Encore une fois, nous n'avons pas complètement terminé notre travail. Au cours des deux prochains mois nous chercherons à déterminer avec plus de précision les possibilités de réduction des coûts, d'amélioration du service et de l'efficacité car c'est indispensable dans tout exercice d'investissement.

M. Nault: On a beaucoup discuté de l'importance de la commercialisation d'une compagnie publique, d'une société d'État, comme le CN... On a beaucoup parlé de mauvaise gestion due à ce caractère public et à la mission différente d'une compagnie du secteur privé. Qu'en pensez-vous?

Vous dites que dans le secteur privé, ils font les choses différemment, ils y sont plus incités et ils sont beaucoup plus susceptibles et capables de faire de cette compagnie une réussite commerciale. Pourtant, si on compare les structures de gestion du CP et du CN, il n'y a pas beaucoup de différences.

Par conséquent, ce n'est peut-être pas tant l'appartenance au secteur privé ou au secteur public mais plutôt notre régime de réglementation qui est responsable de cette gestion pépère.

Vu de l'extérieur, quand on compare les effectifs de gestion de ces deux compagnies à ceux des compagnies américaines, il n'y a pas beaucoup de différences entre le CN et le CP. Il faut être juste avec la direction du CN, elle n'est pas aussi coupable que beaucoup veulent le prétendre.

Est-ce que c'est notre régime de réglementation qui nous a fait prendre dix ans de retard par rapport aux Américains?

M. Tercek: Je crois que notre régime de réglementation y est pour beaucoup. Dans beaucoup de domaines, les directions des deux compagnies canadiennes ont les mains liées en matière d'exploitation, de relations de travail, etc.

.1100

Il est aussi possible qu'un CN privatisé fera une plus grande concurrence au CP qui sera alors lui aussi obligé d'améliorer sa gestion. C'est un scénario fort plausible de notre point de vue. Si tel est bien le cas, ce sera très avantageux pour toute l'économie canadienne et certainement pour les expéditeurs.

La concurrence entre le rail et la route aux États-Unis depuis cinq ou dix ans est extrêmement vigoureuse. Les clients y ont gagné une réduction des coûts et une meilleure palette de choix au niveau du transport. Je crois qu'en grande partie c'est dû aux forces du marché avec l'avantage de l'épaulement d'un régime de réglementation plus libéral.

Il ne devrait pas en être autrement au Canada. Cette transaction devrait marquer une étape importante dans cette direction.

Le président: Messieurs Lackenbauer, Wilson et Tercek, nous vous remercions infiniment de votre déclaration et de vos réponses à nos questions. Nous vous savons gré d'en avoir pris le temps.

M. Wilson: Le plaisir était pour nous.

M. Lackenbauer: Merci.

M. Tercek: Merci.

Le président: Avant d'inviter les représentants du CP à venir à la table, faisons une pause de cinq minutes. Nous reprendrons à 11h05.

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PAUSE

.1108

Le président: Chers collègues, nous reprenons notre audience. Notre témoin est Bob ritchie, le PDG de CP Rail. Il est accompagné de Katharine Braid, la vice-présidente exécutive.

Bienvenue au comité. Merci d'être venus. Je crois que vous nous avez distribué un mémoire dans les deux langues officielles. Est-ce M. Ritchie ou Mme Braid qui nous fera un résumé de ce document?

M. Bob Ritchie (président directeur général, CP Rail): C'est moi, monsieur le président.

Katharine est la vice-présidente exécutive responsable du développement stratégique et des affaires gouvernementales et industrielles.

Le président: Formidable. Merci beaucoup.

M. Ritchie: Nous vous remercions de votre invitation.

Comme le président vient de vous le dire, nous avons préparé un mémoire. Nous ne vous le lirons pas car il est assez long mais nous vous en recommandons ainsi qu'à votre personnel la lecture car il contient beaucoup de détails que nous estimons importants. Je vais le résumer brièvement pour que nous ayons un maximum de temps pour la période de questions et de réponses.

La privatisation du CN est un événement important. C'est ce que nous avons toujours souhaité et nous continuons à le souhaiter à condition que cela se fasse correctement. L'époque où il était nécessaire que le gouvernement exploite les chemins de fer est révolu si tant est que cela ait jamais été vraiment nécessaire. Cette présence a dénaturé les transports de surface pendant des années. Nous félécitons le gouvernement d'avoir pris cette initiative que l'opinion publique semble avoir acceptée tout du moins au niveau du concept.

La privatisation est aussi un élément important d'un ensemble de réformes plus larges, nécessaires et attendues depuis longtemps. Cela fait des décennies que la politique des chemins de fer fait l'objet d'études, d'analyses et de révisions. Les problèmes ont été identifiés et les besoins généralement compris depuis la Commission royale MacPherson il y a quelque 35 ans et pourtant les réformes ont toujours été insuffisantes.

.1110

Les règlements continuent à traiter les chemins de fer comme s'ils étaient immunisés contre toute concurrence. Les mesures fiscales ou autres continuent à supposer une capacité illimitée à absorber des coûts imposés et à fausser les investissements dans l'infrastructure.

Le gouvernement s'est engagé à régler certains de ces problèmes. Le ministre souhaite un secteur ferroviaire stable dans un environnement concurrentiel sain. Nous sommes tout à fait en faveur de ces objectifs. Il ne faut pas rater l'occasion.

La privatisation du CN et sa réalisation en font partie. Bien réalisée, la réforme de la Loi sur les transports nationaux, de la LGTO et de la Loi sur les chemins de fer, peut stimuler l'innovation et rendre possible l'assainissement de l'industrie ferroviaire. Les chemins de fer et les expéditeurs devraient se réjouir de cette perspective.

Nous tenons à encourager le gouvernement dans cette voie, mais comme nos amis américains aiment le dire «Attention, pas de faux pas». Attendez-vous à nous entendre si cette privatisation prend une tangente inattendue et incorrecte.

Pour le gouvernement, la privatisation du CN est un exercice délicat. Ce n'est pas une simple vente parce que le gouvernement n'est pas un simple propriétaire et le CN n'est pas une simple compagnie. Vendre le CN doit répondre à une logique financière tout en respectant les objectifs politiques, concurrentiels et économiques du gouvernement.

C'est un exercice délicat car il faut que le gouvernement agisse rapidement, obtienne le meilleur prix et perturbe le moins possible le marché sur lequel le CN opère. En tant que principal concurrent du CN, l'intérêt du CP pour ce projet est unique. Après le CN lui-même et le gouvernement, nous sommes probablement l'intéressé direct le plus favorable à cette privatisation. C'est aussi nous qui courrons le plus de risques si elle est mal exécutée.

Nous consacrons une partie considérable de notre mémoire aux «limites du raisonnable» pour la privatisation du CN. Permettez-moi d'en citer les principales.

La question centrale est l'endettement du CN et sa réduction nécessaire pour séduire le marché. Le chiffre d'un milliard de dollars a été avancé. Cela pourrait être plus ou cela pourrait être moins, mais à ceux à qui j'en ai parlé et dont c'est le métier, cela semble assez juste.

Il est vraisemblable, comme le ministre le propose, que la dette sera réduite en partie en vendant divers actifs non-ferroviaires outre la remise au CN d'un crédit pour divers biens immobiliers. Cela ne nous plaît pas beaucoup. Permettez-moi de vous expliquer pourquoi.

Le CN possède des actifs qu'une compagnie privée n'aurait pu acquérir et il est donc déjà avantagé sur ce plan par rapport à la concurrence - il a acquis ces actifs grâce à la remise périodique de sa dette.

Même aujourd'hui, malgré de réelles aspirations à la privatisation depuis quelques années, cette dette a atteint un niveau qu'aucune compagnie privée n'aurait pu soutenir ou ne devrait soutenir. Cette dette n'est pas justifiée par ses dépenses d'exploitation et encore une fois elle va être partiellement épongée par son propriétaire.

Cette dot d'actifs impressionnants, inimaginable pour une compagnie normale, est ce qui distingue la vente du CN d'une vente ordinaire. Cela signifie que toute réduction de la dette qui ne résulte pas d'actions internes du CN affecte la concurrence et tout naturellement cela nous préoccupe. Pourtant, le CP accepte, sur un plan pratique, la nécessité d'une certaine réduction de cette dette si cette compagnie doit être privatisée.

Un autre problème majeur qui représente à la fois un risque pour le CP et pour les deniers publics, est jusqu'où devra peut-être aller le gouvernement pour séduire le marché en réduisant la dette au-delà de ce que la vente de ces actifs peut couvrir. Que le CN soit enrichi dans le seul but de séduire les clients sur le marché, aurait un effet immédiat sur la capacité du CP à trouver des capitaux. Les implications au niveau de la concurrence sont évidentes.

J'ai un dernier commentaire concernant le programme plus général de relance du rail. Le succès de cette privatisation cette année et au fil des années sera fortement influencé par d'autres réformes, tant par celles qui sont actuellement en cours que par celles qu'il reste encore à faire. Menées à bien, à condition que la viabilité des chemins de fer reste le critère, les mesures actuellement en cours, combinées aux réformes fiscales, peuvent concourir au succès de cette privatisation et à la pérennité de l'industrie ferroviaire canadienne.

Dans le contexte de la réforme de la LTN et de la LTGO, de fortes pressions sont exercées aujourd'hui pour qu'on dilue les éléments qui pourraient accroître la stabilité financière de l'industrie ferroviaire. Nous citons deux exemples dans notre mémoire. Ils sont fondés sur de bonnes intentions mais ils vont à l'encontre des objectifs de revitalisation de l'industrie ferroviaire.

.1115

Le premier concerne l'extention des droits de circulation. Cela semble être un bon concept mais les transporteurs de ligne principale y voient le potentiel d'une érosion supplémentaire de leurs recettes et d'une perte de trafic. Nous craignons que nos efforts de rationalisation pour réduire nos coûts n'en pâtissent.

Deuxièmement, la Chambre est saisie d'une proposition de gel du plafonnement des tarifs céréaliers. Cela irait largement à l'encontre des efforts réclamés aux principaux céréaliers pour réduire le coût de l'ensemble du système.

En résumé, la privatisation du CN est une initiative importante que nous approuvons. Le gouvernement abroge la LTGO et révise la LTN et la Loi sur les chemins de fer. Ce sont aussi deux initiatives importantes que nous applaudissons. Dans chaque cas, il sera impérieux que le gouvernement ait une vision claire de ce qu'il faudra pour assurer que le transport ferroviaire réponde aux besoins commerciaux internes et externes du Canada à une des périodes les plus dynamiques de son histoire.

Il sera également impérieux que le gouvernement s'attaque immédiatement aux problèmes financiers et d'infrastructures restants qui empêchent le rail d'offrir le niveau de service dont il est capable et qu'on attendra de plus en plus de lui à l'avenir.

Je vous remercie infiniment de votre attention. Mme Braid et moi-même nous ferons un plaisir d'essayer de répondre à vos questions.

Le président: Madame Braid, voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Katharine Braid (vice-présidente exécutive, CP Rail): Non.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Ritchie, de ce résumé et de ce mémoire très complet.

Monsieur Guimond, je vous en prie.

[Français]

M. Guimond: Merci, monsieur Ritchie et madame Braid. Dès le départ, j'aimerais vous féliciter, madame Braid, parce que dans une revue, - je pense que c'était Canadian Law - , vous étiez perçue comme l'une des dix plus puissantes avocates du Canada. Je veux vous féliciter d'avoir été à ce palmarès. C'est tout à l'honneur du Canadien Pacifique.

Je ne vous poserai pas la question que j'aurais pu poser aux trois agents chargés de l'émission des actions. Je n'aurais pas voulu leur demander s'ils considéraient que c'était un bon projet de loi. Un proverbe dit: «On ne doit pas cracher dans la main qui nous donne à manger.» Je ne m'attendais pas à ce que les représentants de Nesbitt Burns Inc., Scotia McLeod Inc. et Goldman, Sachs & Co. disent que c'est un projet de loi pourri. J'imagine qu'ils toucheront des honoraires et, habituellement, on ne doit pas être impoli à l'endroit des clients qui nous donnent des honoraires.

Vous qui représentez une entreprise privée, je vous demanderais de faire abstraction du fait que vous pouvez avoir des relations avec le gouvernement fédéral au niveau de la réglementation. Je ne vous demande pas d'indisposer Transports Canada et le ministre Doug Young, parce que c'est quelqu'un qui n'oublie pas facilement. Je suis même d'avis qu'il doit être rancunier.

Cependant, je vous demande, de façon détachée et objective, si vous considérez que ce projet de loi... Je ne vous demande pas si c'est un bon projet de loi. Je suis persuadé que vous allez me dire oui. Si vous étiez dans ma position, diriez-vous qu'il y a des choses qui pourraient peut-être être améliorées dans ce projet de loi?

[Traduction]

M. Ritchie: Vous avez raison, monsieur Guimond. D'une manière générale, nous croyons que c'est un bon projet de loi. Les intentions sont bonnes. Notre problème, c'est la délicatesse de l'exercice. Ce n'est pas tant le contenu de ce projet de loi que la manière dont vous, les parlementaires, allez l'appliquer.

Comme nous le disons dans notre mémoire, le problème pour nous c'est le niveau d'endettement. Comment trouver un juste milieu entre l'endettement et les avoirs propres. Si la dette est trop réduite, le CN pourra appliquer des tarifs inférieurs à ce qu'il nous faut appliquer pour rembourser notre dette. Si les avoirs propres sont insuffisants, le marché jugera la valeur de la compagnie à la baisse. L'opération sera délicate à mener.

Certains disent actuellement qu'il faut laisser une certaine marge de manoeuvre et de créativité aux banquiers parce que ce sont eux qui ont la responsabilité de prendre le pouls du marché.

.1120

On nous a dit que l'entreprise vaut entre 3 et 3,5 milliards. Nous recommandons aux députés de s'assurer que le propiétaire - c'est-à-dire vous, moi, tous les Canadiens - en aient pour leur argent et qu'on impose à la compagnie une dette raisonnable au moment de la vente.

[Français]

M. Guimond: Vous avez déjà manifesté le désir d'offrir 1,4 milliard de dollars pour les actifs du CN, à l'est de Winnipeg. Êtes-vous en mesure de nous dire si le réseau Canadien Pacifique démontrera un certain intérêt pour des actions dans la nouvelle compagnie, jusqu'au maximum de 15 p. 100? Cela vous intéresse-t-il? Selon vous, combien vaut la mise en vente?

[Traduction]

M. Ritchie: Premièrement, je doute que nous voulions acheter jusqu'à 15 p. 100 du CN. Nous n'avons rien à gagner à cela. Cela ne nous permettrait pas d'établir une synergie avec cette entreprise, donc nous perdrions les avantages de notre proposition d'achat originale.

Encore là, nous ignorons quelle était la valeur au départ de l'entreprise. Nous n'avons pas vu ses livres comptables lorsque nous avons songé en acheter une partie, nous avons seulement dit qu'à notre avis, la partie est du réseau valait 1,4 milliards de dollars. Nous ne savons pas combien vaut la partie ouest, et il serait présomptueux de notre part de le prétendre.

Je vais maintenant céder la parole à Katharine car c'est elle qui était responsable de l'achat et de la fusion.

Katharine, voulez-vous répondre?

Mme Braid: Comme M. Ritchie l'a dit, nous ne disposons pas de renseignements qui nous permettraient de juger la valeur totale du Canadian National. Notre évaluation des actifs de la partie est du réseau reposait sur les informations dont nous disposions et sur des hypothèses que nous avons faites à partir des informations dont nous disposons sur notre propre entreprise.

On peut affirmer sans crainte de se tromper que les actifs, la valeur de l'entreprise et le revenu potentiel du réseau ouest du Canadien National dépassent largement ceux du réseau est. Les deux entreprises ferroviaires ont perdu beaucoup d'argent dans l'est, et la rentabilité de ce tronçon du chemin de fer est douteuse.

Même si nous faisons tout en notre pouvoir à l'avenir pour améliorer l'entreprise, les deux entreprises ferroviaires continueront d'éprouver des difficultés dans l'est, même si le réseau ouest du Canadien National demeure bien sûr beaucoup plus vulnérable aux effets des changements à la Loi sur le transport du grain de l'Ouest qui sont envisagés. Mais chose certaine, le réseau ouest du Canadien National a certes été rentable depuis cinq ans.

[Français]

M. Guimond: Êtes-vous d'avis que la réglementation proposée par Transports Canada facilitera la transaction? Mme Moya Greene, sous-ministre adjointe, nous a donné un briefing là-dessus. Elle m'a dit qu'il y aurait des ajustements à la réglementation concernant la privatisation du CN pour donner plus de flexibilité, d'efficience et aussi une meilleure compétitivité par rapport au camionnage, etc. Vous avez sûrement vu ces ajustements. Êtes-vous d'avis que cette réglementation, si elle était adoptée par Transports Canada, faciliterait vos opérations en tant que compagnie et faciliterait aussi la privatisation du Canadien National?

[Traduction]

M. Ritchie: On a dit que la Loi sur les transports nationaux visait à revitaliser le rail. Nous n'avons pas tellement de quoi nous réjouir. Par exemple la nouvelle loi ne va pas aussi loin que le voulait M. Rivard lorsqu'il a examiné la loi en 1987.

.1125

Cela représente une amélioration modeste par rapport à notre situation actuelle mais, comme nous le disons dans notre mémoire, il faut aller plus loin. A notre avis, les organes de réglementation canadiens, qui voudraient voir la concurrence, des tarifs bas, des entreprises ferroviaires viables et nombreuses, exhibent un comportement d'évitement. Leurs voeux ne se réaliseront pas. Ils ne sont pas réalisés par le passé et ne se réaliseront pas à l'avenir. Depuis mon arrivée ici, nous n'avons pas cessé de dire à votre comité qu'il faut faire des choix et, que ces choix seront difficiles. C'est pourquoi le gouvernement a besoin d'une vision claire dans son approche.

Si vous voulez une industrie ferroviaire privée, il faut lui permettre de rentabiliser son capital, ce qui n'a pas été le cas au CP depuis 10 ans.

M. Gouk: Monsieur Ritchie, il y a deux semaines, M. Tellier a déclaré ici même que le CP avait écrit à Transport Canada afin d'encourager la réduction de la dette du CN. Voulez-vous nous en parler?

M. Ritchie: En effet, j'ai écrit au ministre des Transports et j'ai envoyé une copie de la lettre à M. Tellier. C'est bien la lettre dont M. Tellier parlait.

Nous sommes favorables à la privatisation du CN. J'ai exprimé mon avis très clairement à ce sujet, et il y a longtemps que le CP y est favorable. S'il doit y avoir privatisation, à notre avis, la dette du CN doit être réduite. Là encore c'est l'exercice délicat dont je parlais à M. Guimond à propos de la mise en oeuvre du projet de loi.

M. Gouk: Il semblait croire que vous étiez favorable à la réduction de la dette outre la vente des actifs.

M. Ritchie: Il est vrai que j'ai fait des observations en ce sens, mais j'avais à l'esprit le caractère pratique d'une transaction qui sera nécessaire si les actifs ne sont pas d'une valeur suffisante pour abaisser la dette à un niveau qui encouragerait la privatisation. C'est là où il faut être prudent, parce que vous demandez quel est ce niveau. Encore là, nous ne le savons pas vraiment. Nous n'avons pas eu les détails financiers de cette transaction.

M. Gouk: Si je comprends bien, la cote obligataire actuelle du CP est A moins. Est-ce exact?

M. Ritchie: Monsieur Gouk, je crois que c'est exact.

M. Gouk: Etes-vous d'accord pour dire que si l'on réduisait la dette du CN à environ 1,5 milliard, sa cote obligataire serait de.AAB?

M. Ritchie: Encore là, nous l'ignorons - et je n'essaie pas d'éluder la question. Nous ne le savons tout simplement pas parce que nous n'avons pas eu d'accès à la comptabilité de la compagnie. On me dit que cela lui donnerait un ratio d'endettement d'environ 45 p. 100, ce qui donne normalement une cote.AAB.

M. Gouk: J'ai la conviction que vous seriez heureux si cette cote était de C moins. Mais seriez-vous relativement heureux, serait-il équitable à votre avis que la réduction de la dette donne à la compagnie une cote.AAB? Serait-elle alors en mesure d'attirer un acheteur si on lui ôtait l'avantage artificiel qui lui permet de vous concurrencer?

M. Ritchie: Vu la capitalisation actifs de cette entreprise, une cote.AAB - si c'est ce que vous donne un ratio d'endettement d'environ 45 p. 100 - ne nous effraierait pas. Oui, nous serions relativement à l'aise à ce niveau.

Katharine, avez-vous quelque chose à ajouter à cela?

Mme Braid: Nous voulons que le CN soit privatisé. Nous sommes favorables à la privatisation. Nous croyons qu'il sera impossible de privatiser avec une cote inférieure à.AAB. Il s'agit donc de choisir le moindre mal.

M. Gouk: Il faut choisir.

M. Ritchie: Oui.

M. Gouk: Ceux qui vont vendre les actions nous ont dit plus tôt que le CN a une dette de2,5 milliards. Ils ont dit que le CN dispose d'une encaisse ou d'actifs réalisables immédiatement dont la valeur se situerait entre 300 et 400 millions de dollars, et quelque 400 à 600 millions de dollars en biens immobiliers non ferroviaires que le gouvernement acquerrerait en échange d'un crédit. Ce qui nous donnerait à peu près la réduction d'un milliard de dollars dont l'entreprise a besoin. Personnellement, je ne m'oppose pas à ce que le CN vende ses actifs à un prix honnête pour réduire sa dette. Je crois que toute entreprise a parfaitement le droit de le faire.

.1130

Ce qui m'inquiète alors, c'est l'écart qui subsiste entre ce montant et celui qu'il faut trouver pour abaisser la dette à 1,5 milliard de dollars. On ne semble pas pouvoir abaisser cette dette au-dessous de 1,5 milliard de dollars, ce qui m'inquiète aussi. Est-ce que le montant précis de cette réduction, ou simplement la cote obligataire future du CN qui vous inquiète?

M. Ritchie: Nous nous préoccupons surtout du montant précis de la réduction. Il faut assurer le service de la dette parce que l'entreprise a désigné un ensemble d'actifs que cette dette représente. La vente de ces actifs lui permettra de réunir des liquidités. Ces actifs doivent permettre de réduire la dette si l'on veut privatiser l'entreprise, comme Katharine l'a dit.

Ce qui nous inquiète, c'est comment réduire cette dette à 1,5 milliard de dollars. Comment allons-nous trouver les 600 millions de dollars ou le milliard qu'il faut? On a besoin de liquide pour rester en affaires. On ne peut pas simplement dire qu'on va liquider l'encaisse et les sommes à recevoir parce qu'il faut du comptant pour financer ses activités. Vous exploitez là une entreprise de 4 milliards de dollars, et il vous faut pour ça une encaisse d'environ 200 millions de dollars. Il faut donc combler l'écart entre 600 millions de dollars et 1 milliard de dollars. Comment allez-vous faire ça? C'est ce qui nous inquiète, et c'est ce qui devrait inquiéter tout le monde.

Quels sont les autres actifs qu'on peut vendre? Il y a la Tour du CN. Il y a AMF. Est-ce que tout cela vaut 400 millions de dollars? Si vous ne pouvez pas trouver le milliard qu'il faut pour payer la dette, même avec les mesures que prend aujourd'hui le CN pour la réduire à même son exploitation ferroviaire régulière, qu'est-ce qui va arriver? Encore là, c'est ce qui nous inquiète.

M. Gouk: Il y a une autre question qui m'intéresse, et c'est cette restriction de 15 p. 100. Si vous, l'expert du rail, deviez diriger l'autre entreprise ferroviaire, y verriez-vous un empêchement pour un autre groupe qui voudrait imposer un nouveau style de gestion? Vous songiez à acheter 100 p. 100 du réseau est. Vous avez dit qu'être simplement actionnaire à 15 p. 100 ou moins ne vous intéresse pas parce que vous ne pourriez pas faire le genre de choses que vous songez à faire avec les actifs de l'Est. Que ce soit maintenant ou un jour quelconque dans l'avenir de cette nouvelle entreprise, y voyez-vous un problème, et croyez qu'une telle restriction empêcherait un groupe quelconque d'appliquer son plan de gestion?

M. Ritchie: Katharine, je vais vous laisser répondre.

Mme Braid: Pour ce qui est de l'émission d'actions initiale, je n'y vois pas de problème. Quinze p. 100, c'est beaucoup. À moins qu'on ne vende à Canadien Pacifique ou à une entreprise ferroviaire américaine, il n'y a pas beaucoup d'entreprises qui peuvent se payer 15 p. 100. À plus long terme, c'est autre chose de savoir si cela limiterait les investissements. Personne ne possède plus de 15 p. 100 du Canadien Pacifique - ou même plus de 10 p. 100 - et cela n'a empêché personne d'investir dans notre entreprise.

M. Gouk: Je n'ai plus d'autres questions.

M. Fontana: Merci, monsieur Ritchie et madame Braid, je vous sais gré d'être des nôtres et de nous avoir adressé votre mémoire. Nous prendrons le temps qu'il faut pour le lire en détail, mais je crois que votre résumé illustre bien les questions et les réserves que vous avez.

De toute évidence, CP veut un CN privatisé parce que vous voulez égaliser les chances. Faut-il en conclure alors qu'à votre avis, les chances ne seront pas égales tant qu'une entreprise ferroviaire appartenant à l'État vous fera concurrence?

M. Ritchie: C'est exact. Encore là, c'est ce que le CP dit depuis toujours.

M. Fontana: Vous avez dit plus tôt qu'avec une dette de 2,5 milliards de dollars, le CN avait une cote AA- malgré une dette élevée - de toute évidence, parce que l'État est son principal bailleur de fonds. C'est essentiellement le soutien de l'État qui donne confiance à Moody's et aux autres. Donc, au bout du compte, si nous réduisons cette dette à 1,5 milliard de dollars, la société privée qui exploitera le CN aura une cote.AAB, ce qui signifie essentiellement que les chances ne seront peut-être pas égales. En fait, cette nouvelle société perdrait même un peu de terrain par rapport à vous.

.1135

M. Ritchie: Non, nous ne sommes pas d'accord parce que cette entreprise conserverait des actifs importants.

Le CN s'est toujours subventionné en restructurant son capital. Il se dote d'actifs, les épuise, restructure son capital, se dote de nouveaux actifs, les épuise, et restructure son capital. En fait, il fait cela par cycles de 10 ans.

M. Fontana: Alors, monsieur Ritchie, venons-en au coeur du problème. Procédons par hypothèses. En tant que concurrent du CN entreprise d'état ou entreprise privatisée, et en votre qualité aussi de contribuable et de représentant d'une entreprise de notre pays, êtes-vous d'accord avec les banques de placement?

Soyons francs: vous avez offert au CN d'acheter ses actifs dans l'Est. Vous devez sûrement avoir une idée exacte de la valeur de l'ensemble du réseau. Je ne connais d'entreprise responsable qui ferait une offre sans avoir une idée de la valeur de ce qu'elle veut acheter. Est-ce à dire que vous avez des doutes sur la valeur de l'entreprise?

Êtes-vous d'accord avec les banques de placements qui estiment la valeur brute du CN aux environs des 3,1 et 3,4 milliards de dollars?

M. Ritchie: Non, vous n'avez pas le droit de me poser cette question. Nous ne connaissons pas les chiffres....

M. Fontana: Eh bien, vous avez mis en doute la valeur de l'entreprise que le contribuable canadien subventionne...

M. Ritchie: C'est exact.

M. Fontana: Sauf tout le respect que je vous dois, monsieur Ritchie, CP a également profité des subventions du contribuable canadien depuis un siècle qu'elle existe.

M. Ritchie: Au cours de ses 114 années d'existence, oui, mais jamais au montant dont nous parlons aujourd'hui.

M. Fontana: Je ne parle pas du même montant, mais comme il faut en parler, nous devons être francs.

Vous êtes favorables à la privatisation; vous voulez vous assurer que le gouvernement du Canada ne donne pas au CN un avantage que vous n'avez pas. Donc venons-en au coeur de la question. Premièrement, à votre avis, combien vaut cette entreprise?

M. Ritchie: Nous ne pouvons tout simplement pas répondre à cette question. C'est....

M. Fontana: Mais vous voulez que nous y répondions.

M. Ritchie: C'est exact. Vous avez accès aux livres comptables, monsieur, c'est vous le propriétaire de l'entreprise.

M. Fontana: D'accord.

M. Ritchie: Nous n'y avons pas accès. Il ne nous servirait à rien de faire des conjectures sur la valeur de cette entreprise.

M. Fontana: Supposons alors que la valeur du CN selon les banquiers en placements... les mêmes auxquels vous vous adressez probablement lorsque vous émettez des actions, ce sont donc évidemment des gens crédibles. Vous êtes d'accord, n'est-ce pas? Si ces gens disent que la valeur du CN se situe entre 3,1 et 3,4 milliards de dollars et que sa dette ne peut pas dépasser 1,5 milliard de dollars, ce qui laisse une valeur nette se situant entre 1,6 et 2 milliards de dollars - et c'est ce qu'il faut - donc le contribuable canadien y gagne, le CN y gagne, les clients y gagnent et l'industrie ferroviaire y gagne... êtes-vous d'emblée en désaccord avec ces hypothèses? Il faut se comprendre sur le fond avant de pouvoir....

Le président: Laissez-le répondre à la question.

M. Ritchie: Monsieur, je n'accepte ni ne refuse ces chiffres parce que je n'ai pas les moyens de juger. Mais de toute évidence, je ne vous aide pas. Permettez-moi d'essayer.

Katharine, pouvons-nous venir en aide à M. Fontana?

Mme Braid: Qu'est-ce qui vaut combien pour qui, c'est ce qu'il faut toujours savoir. Le Canadien Pacifique a offert 1,4 milliard de dollars pour les actifs du Canadien National dans l'Est parce que c'est ce qu'ils valent pour nous si nous réalisons la synergie voulue avec notre propre exploitation.

Ce dont vous parlez, et il s'agit, si je comprends bien, des chiffres que vous a donné M. Woods hier soir, mais je n'étais pas ici...

M. Fontana: Aujourd'hui.

Mme Braid: ...de 3,2 à 3,8 milliards de dollars, soit la valeur totale du Canadien National. Est-ce bien ce qu'il a dit?

M. Comuzzi: Il l'a évaluée à entre 3,1 et 3,4 milliards de dollars.

Mme Braid: Il parlait de la valeur que donnerait une émission publique d'actions, ce qui est différent de la valeur que donnerait un acheteur privé, et cette valeur repose sur le potentiel de gains. Nous n'avons pas la moindre idée du potentiel de gains du Canadien National, nous ne pouvons donc pas faire les calculs voulus pour confirmer ou contester cette valeur.

À première vue, ça ne me semble pas exagéré. Pour nous, la valeur de tout le système de Canadien National serait plus élevée que ça.

M. Fontana: Vous parlez de la valeur de tout le CN. Lorsque vous avez fait votre offre pour la partie est du réseau, combien CP aurait-il offert pour l'ensemble du réseau?

.1140

M. Braid: Je l'ignore.

M. Fontana: Ce serait plus élevé que cela. Vous avez dit que ce serait plus élevé que...

Mme Braid: Je crois que ce serait probablement plus élevé que la valeur que vous avez citée, mais chose certaine, je ne recommanderais pas de prix précis sans avoir plus d'informations que je n'en ai aujourd'hui. Je ne me présenterai certes pas devant le conseil d'administration du CP avec les informations que j'ai.

M. Fontana: J'imagine donc, et partant de ce que vous avez dit, à savoir que ce n'était pas exagéré - entre 3,1 et 3,4 milliards - sachant que même CP estime que c'est une bonne affaire. Maintenant parlons de...

Mme Braid: Ce n'est pas ce que j'ai dit, M. Fontana.

M. Fontana: D'accord, parlons de la dette. Vous croyez que 1,5 milliard de dollars pour un CN privatisé serait la dette maximale absolue pour obtenir au maximum le.AAB qu'il faut.

Mme Braid: Non, je n'ai pas qualité pour exprimer la moindre opinion sur le ratio d'endettement qu'il faut pour établir une cote quelconque. Il faut être conseiller ou expert dans ce domaine pour exprimer une opinion de ce genre, et je n'ai aucune qualification de ce genre.

M. Fontana: Eh bien, le ratio d'endettement du CP vous donne une cote A moins...

Mme Braid: C'est exact.

M. Fontana: ...et vous avez une dette à long terme de 1,071 milliard de dollars.

M. Ritchie: Monsieur Fontana, ce A moins est basé sur l'ensemble de l'entreprise, pas seulement sur CP Rail. Cette cote est basée sur des industries dont l'avenir est totalement différent de l'industrie ferroviaire. Nous possédons des actifs très importants dans le secteur énergétique et dans le transport océanique, deux secteurs qui, de l'avis des investisseurs, sont promis à un avenir meilleur que celui de l'industrie ferroviaire.

M. Fontana: Je vais résumer parce que je ne comprends toujours pas la position de CP.

Si le gouvernement canadien veut obtenir un prix équitable pour une entreprise publique, dans l'intérêt du contribuable canadien, partant des hypothèses qu'on nous a données, du fait qu'on nous a dit que les surplus de l'encaisse et la vente de certains actifs non ferroviaires nous permettraient d'obtenir le milliard de dollars qu'il faut, ce qui réduirait la dette du CN de 2,5 milliards à 1,5 milliard, cela vous satisferait-il, ou dites-vous qu'au-delà de 1,5 milliard de dollars, vous ne voulez pas que le contribuable contribue davantage?

M. Ritchie: Nous avons dit que nous pouvons admettre l'abaissement de la dette par la vente des actifs. Nous l'avons dit dans notre mémoire, et nous n'allons pas assortir notre position des adjectifs que vous ne cessez de nous attribuer dans ce domaine, mais il s'agit d'une approche pragmatique si l'on veut réaliser cette privatisation.

M. Fontana: Donc si le CN peut vendre près de... et si le CN peut se servir de ces liquidités et vendre ces actifs pour obtenir près d'un milliard de dollars, même si de l'avis des banquiers en placements il set impossible de dire maintenant ce qui va se produire - et bien sûr, on verra plus tard ce qui en est - vous n'avez en principe aucune objection.

M. Ritchie: Si les banquiers en placements ne peuvent rien prédire maintenant, il serait un peu présomptueux de notre part de dire que nous n'avons aucune objection.

Nous sommes très inquiets lorsqu'un banquier en placements s'exclame: «qu'adviendra-t-il si je ne peux vendre?» et c'est là où nous en sommes. Voici ce qui arrive normalement. On nous dit que la valeur nette réelle est élevée et qu'on va réduire la dette, puis à la onzième heure, lorsqu'on est prêt à émettre des actions, les banquiers annoncent: «ah, mon Dieu, on ne peut pas vendre, qu'est-ce qu'on fait?» La valeur de...

M. Fontana: Les banquiers en placements, ce matin,...

M. Ritchie: ...de l'investissement baisse.

M. Fontana: ...ont dit qu'il y avait entre 300 et 400 millions de dollars dans l'encaisse, ce sont donc des ressources financières internes, le surplus de l'encaisse et le surplus de l'encaisse de l'exploitation, la vente de certains actifs qui a été réalisée jusqu'à présent se situe entre 400 et 600 millions de dollars, selon la valeur marchande de ces autres biens immobiliers non ferroviaires. Voilà votre milliard de dollars.

À dire vrai, selon les banquiers en placements il pourrait y avoir un manque à gagner d'environ 200 millions de dollars - qui sait - parce qu'on ne peut pas dire exactement combien valent ces choses aujourd'hui.

Etes-vous en désaccord avec ces hypothèses?

M. Ritchie: C'est ce que nous avons dit. Vendez les actifs à leur valeur marchande et réduisez la dette en conséquence. Mais les actifs ont cette fâcheuse habitude de baisser en valeur dès lors qu'on les met en vente.

.1145

M. Fontana: Qui va déterminer leur valeur... comment va-t-on procéder alors?

M. Ritchie: C'est le marché qui va fixer cette valeur. Il faut le faire. C'est ce qui se produit dans le cas d'une privatisation. Quelle est la valeur de cette entreprise?

M. Fontana: Je pense que le ministre l'a déjà dit. Je ne crois pas qu'on ait dit quoi que ce soit de différent.

Le président: Merci, monsieur Fontana. Le ministre a signalé, bien entendu, qu'on allait examiner les biens immobiliers non ferroviaires en fonction de leur valeur marchande. Cela est donc déjà établi.

M. Guimond: Monsieur Ritchie, où est le siège social de CP Rail?

M. Ritchie: Il est situé à Montréal.

M. Guimond: Travaillez-vous dans un milieu bilingue?

M. Ritchie: Oui.

M. Guimond: Quel est votre sentiement face à cela?

M. Ritchie: J'aime Montréal, monsieur Guimond.

M. Guimond: Je voudrais poser une autre question dans le même sens, mais M. Gouk vous posera probablement la même pour la sixième ou la septième fois et je ne veux pas lutter contre mon collègue réformiste, car lorsque les Libéraux voient les membres de l'Opposition se battre, c'est un peu comme sous l'empire romain, où Julius César disait qu'il fallait diviser pour régner. Canadiens, restez unis sur cette question. Restez unis, mon oeil. On peut voir ce que les Réformistes de l'Ouest pensent du dénigrement du Québec.

Le président: Est-ce une question?

M. Guimond: Monsieur Ritchie, vous avez écrit dans la conclusion de votre mémoire, à lapage 15:

Que voulez-vous dire par là au juste?

M. Ritchie: Il est question des autres problèmes auxquels les chemins de fer privés sont confrontés au Canada. Je veux parler de la rationalisation des lignes, du problème d'imposition et des autres aspects de la réglementation dans le cadre de la réforme de la Loi sur les transports nationaux. Ce sont les principaux problèmes qui se posent.

Dans l'est du pays, il existe un très grave problème qui ne disparaîtra pas avec la privatisation du CN. Il s'agit du manque de densité en ce qui concerne les lignes ferroviaires, dans l'est du pays. C'est un problème qui existait il y a trois ans, deux ans et encore l'année dernière et il se pose toujours. La privatisation ne change rien à cela.

M. Guimond: Je n'ai pas compris au juste.

M. Ritchie: La surcapacité des lignes de chemins de fer dans l'est du pays est un problème que nous avons essayé de résoudre grâce à des fusions et des acquisitions, mais il se pose toujours et on doit le régler. Il ne suffit pas de privatiser le CN pour y arriver.

M. Guimond: Considérez-vous toujours que vous n'êtes pas dans la même situation que le secteur du camionnage? Maintenez-vous que le secteur ferroviaire est désavantagé au Canada?

M. Ritchie: Tout à fait, surtout lorsqu'on compare le Canada aux Etats-Unis. Ici, les camions sont beaucoup plus lourds et beaucoup plus longs dans l'ensemble qu'aux Etats-Unis. Il est vrai que les camions paient des taxes sur le carburant, comme les chemins de fer, mais ces derniers versent également des impôts fonciers ce que ne font pas les entreprises de camionnage. Nous ne pensons tout simplement pas qu'il existe une politique claire sur les camions, M. Guimond, je vous remercie donc de me l'avoir signalé.

M. Guimond: Je poserai la même question demain après-midi aux représentants du secteur du camionnage.

M. Gouk: Vous avez offert 1,4 milliard de dollars pour les opérations du CN dans l'Est. Si le CN avait accepté votre offre il aurait réduit ainsi sa dette de 1,4 milliard de dollars, il lui serait quand même resté une dette de 1,1 milliard de dollars. On nous a dit aujourd'hui qu'en moyenne, la valeur des biens immobiliers était de l'ordre de 500 millions de dollars, que l'excédent d'encaisse et divers autres biens représentaient un montant de 300 millions de dollars, ce qui lui aurait laissé une dette de 300 millions de dollars et tout le réseau de l'Ouest.

À votre avis, cette nouvelle société serait-elle alors viable?

M. Ritchie: Oui. Cependant, je vais laisser Katharine répondre à cela, car c'est elle qui a préparé ce que nous considérions comme une offre équilibrée pour l'Est, offre qui aurait protégé la viabilité du réseau du CN dans l'Ouest. Je pense qu'elle mérite d'être celle qui donne des explications à ce sujet.

Le président: Auparavant, je dois intervenir un instant, monsieur Guimond, car ce que notre dernier témoin a déclaré n'était pas aussi clair que cela.

M. Gouk: C'était assez clair.

.1150

Le président: Il a dit, et les intéressés l'ont cité très clairement, que les chiffres étaient tous approximatifs. Ils n'étaient pas aussi précis que ce que vous avez laissé entendre, tous les intéressés ont déclaré que les actifs excédentaires non-ferroviaires variaient entre 300 et 400 millions de dollars. Il a été question d'une somme variant entre 400 et 600 millions de dollars...

M. Gouk: En toute déférence, je tiens à dire que j'ai posé une question hypothétique.

Le président: Monsieur Gouk, j'ai la parole pour l'instant. Je vous donnerai du temps supplémentaire, ne vous inquiétez pas à ce sujet.

Le témoin vous a donné un chiffre approximatif et il a été ensuite question de la vente des immobiliers non-ferroviaires qui devait rapporter entre 400 et 600 millions de dollars ainsi que du montant restant qui s'établissait entre 200 et 300 millions de dollars. Tant que votre question porte sur les grandes généralités énoncées par le témoin précédent, il n'y a aucun problème. Cependant, vous ne pouvez pas simplement établir des chiffres comme vous l'avez fait dans votre question initiale, car ce n'est tout simplement pas...

M. Gouk: Je crois que j'ai posé ma question de façon à montrer ce que le témoin avait déclaré. J'ai donné des paramètres établis par le témoin lui-même. Quoi qu'il en soit, le CP n'a pas acheté les opérations de l'Est. J'essaie tout simplement d'avoir une idée de la valeur en question. Si cela s'était produit, le CN aurait-il été viable dans l'Ouest du pays?

Le président: Je n'ai rien à redire à cela tant que les témoins comprennent que les paramètres étaient beaucoup plus larges que les chiffres précis donnés par le Parti réformiste.

Mme Braid: Je n'étais pas ici durant toute la durée de l'exposé de ce matin, je ne formulerai donc aucune observation à ce sujet. Je tiens à signaler que l'offre d'achat des opérations de l'Est du CN que le Canadien Pacifique a présenté ne portait sur aucun bien non-ferroviaire. Ainsi, on aurait pu vendre tous les biens immobiliers excédentaires, la Tour du CN et tous ces biens.

M. Hoeppner (Lisgar - Marquette): Je voudrais poser deux brèves questions sur les droits de circulation. Nous savons que vous allez concurrencer le CN ou ceux qui vont acheter le CN. Les représentants des chemins de fer secondaires nous ont dit à l'occasion d'un certain nombre de réunions du sous-comité qu'ils peuvent réduire les coûts en rassemblant le grain à certains endroits et qu'ils doivent collaborer avec vous. Nous n'ignorons également pas que pour rendre l'acheminement du grain efficace, vous devrez probablement partager certains droits de circulation avec vos éventuels concurrents, lorsque le CN sera vendu. Vous opposez-vous à cela? Je vois certaines possibilités, et surtout en ce qui concerne les chemins de fer secondaires, dans le domaine de la manutention du grain, ainsi que du tourisme, car nous constatons que certains chemins de fer secondaires sont très prospères. Je voudrais connaître votre opinion là-dessus.

De plus, je suis l'un des agriculteurs dont l'exploitation n'est qu'à 12 milles environ de la frontière américaine. Vous devrez également concurrencer certaines compagnies de chemin de fer américaines, car le transport du grain se fera probablement davantage du sud au nord, dans un avenir rapproché. Je vois que les chemins de fer au Canada paient quelque 560 millions de dollars de plus en impôts fonciers, en taxes sur le carburant et taxes de vente. Ne doit-on pas réduire dans une certaine mesure cet écart si nous voulons être compétitifs sur le continent nord américain?

M. Ritchie: Ces questions sont toutes reliées entre elles et je pense que vous l'avez voulu ainsi, car il est très difficile d'essayer de séparer diverses parties du système en chemins de fer secondaires et en chemins de fer de classe I. Ces deux types de compagnies de chemin de fer sont symbiotiques, elles travaillent ensemble. Il est alors impossible de créer un système artificiel qui permet, par l'entremise de la réglementation, aux chemins de fer secondaires d'utiliser les actifs des chemins de fer de classe I et s'attendre à ce que ces derniers aients une bonne relation symbiotique avec les chemins de fer secondaires. Des règlements artificiels créent un concurrent différent. On peut se demander pourquoi la compagnie de classe I investirait dans son réseau pour permettre aux vieux chemins de fer secondaires d'en profiter. Ils n'en feront rien. Je ne pourrai convaincre nos investisseurs, qui n'obtiennent aucun rendement, que ce serait une bonne idée pour eux. Ils s'y refuseraient tout simplement.

En ce qui concerne les transporteurs ferroviaires américains, c'est une question que nous soumettons au gouvernement du Canada et aux gouvernements provinciaux depuis au moins 10 ans. Ils comprennent tous le problème, mais nous attendons encore qu'ils prennent des mesures concrètes. Le Manitoba a bougé quelque peu et nous espérons qu'il en ira de même en Colombie-Britannique et au Québec, mais ce n'est généralement pas le cas.

M. Hoeppner: C'est donc un problème.

M. Ritchie: C'est un problème énorme, non seulement en ce qui concerne les impôts, mais en ce qui a trait également aux déductions pour amortissement. J'ai écouté les observations de M. Nault sur la productivité. Une bonne partie de notre productivité dépend de nos investissements, et nous ne sommes pas encouragés, au Canada, à investir. Non seulement nous n'avons pas l'argent, mais une fois que nous investissons, il nous faut deux fois plus de temps environ que nos concurrents américains pour amortir ces sommes. Qu'arrive-t-il alors? Les locomotives de notre parc sont les plus vieilles en Amérique du Nord - 24 ans. Dans le cas du CN, la situation n'est guère meilleure. Par contre, il est question de 10 ans à l'Union Pacifique. Ainsi, on concurrence des gens qui ont du bien meilleur matériel et dont l'entretien est nettement moindre. La consommation de carburant d'une nouvelle locomotive est de 20 p. 100 inférieure à celle d'une vieille locomotive, ce sont là les problèmes structurels que nous devons résoudre, comme je l'ai dit à M. Guimond. Nous pouvons gagner sur tous les tableaux.

.1155

M. Nault: Monsieur Ritchie, je suppose que la question la plus évidente que quiconque devrait poser autour de cette table c'est: croyez-vous qu'il y a place pour deux chemins de fer nationaux au Canada?

M. Ritchie: Cela dépend dans une large mesure du type de réglementation que nous aurons à long terme. Beaucoup de gens qui considèrent la situation des chemins de fer au Canada se demandent pourquoi nous ne pouvons pas avoir la même chose que les Américains. Je répond à cela qu'il y a plus de compagnies de chemins de fer au Canada qu'aux États-Unis. La population américaine est dix fois plus importante que la nôtre et pourtant il n'y a que six chemins de fer de classe 1 aux États-Unis. Y en a qu'un dans l'Est des États-Unis.

L'Est du Canada est confronté à un problème. Contrairement aux chemins de fer de l'Est des États-Unis, il ne pas compter sur le transport du charbon. Nous luttons pour éviter la disparition des compagnies, parce que nous n'avons pas été en mesure de réduire les lignes de chemins de fer.

Y a-t-il place pour deux compagnies? On verra avec le temps. Selon moi, que j'échafaude des hypotèses là-dessus, cela ne sera d'aucun secours ni à vous ni à la compagnie.

M. Nault: Seriez-vous prêt alors à reconnaître que l'intérêt manifesté par le CP pour l'achat des voies du CN dans l'est et pour fusionner ses opérations avec celles du CN, montre bien que vous ne croyez pas qu'il y a place pour deux grandes compagnies de chemins de fer dans l'est du pays et, en fait, dans le Canada dans son ensemble? Serait-ce une évaluation de la situation, compte tenu de l'offre du CP d'acheter le réseau du CN dans l'est?

M. Ritchie: Il serait juste de dire que nous pensions que c'était la façon la plus rapide de parvenir à la viabilité dans l'est du Canada. La situation est différente dans l'ouest du pays, monsieur Nault. Nous croyons qu'elle est plus stable que dans l'est.

M. Nault: Je comprends le débat sur la densité, etc. Je ne vais m'attarder trop longuement là-dessus, je suppose monsieur le président, que les représentants vont revenir témoigner lorsque nous étudierons la réforme de réglementation, chose dont vous avez, bien entendu, parlé dans votre exposé. Je pense que ce sont des questions extrêmement importantes.

Je voudrais notamment m'attarder sur ce que vous avez dit à la page 7, à l'avant-dernier paragraphe 3.6, c'est-à-dire:

Par cette déclaration, serait-il juste de dire que vous nous précisez que vous avez de meilleures chances de fusionner le CN lorsque cette compagnie sera privatisée que maintenant qu'elle est une société d'État?

M. Ritchie: Je ne pense pas que nous faisions allusion à cela dans cette phrase. Il est plutôt question des modifications qu'on envisage d'apporter maintenant à la Loi sur les transports nationaux et qui nous permettraient de collaborer avec le CN.

Si nous pouvons faciliter l'élimination d'une ligne de chemin de fer, par exemple, et permettre à notre compagnie d'utiliser cette voie, c'est l'avantage que nous y verrions. Il est insensé qu'une compagnie de chemins de fer fasse circuler ses trains sur la même voie que l'autre compagnie qui continue, pour sa part, d'offrir ses services, comme cela se fait depuis toujours.

M. Nault: Nous pouvons peut-être clarifier ceci, car on a l'impression, lorsque nous parlons des lignes de l'est, qu'il est question de la région de l'Atlantique. Ceux d'entre nous qui se sont rendus dans cette région savent que le CP n'y est pas présent; et d'une. Cependant, l'autre question qui se pose, c'est que la région de l'Atlantique elle-même subit une rationalisation radicale de son réseau ferroviaire depuis un certain nombre d'années. Ainsi, lorsque nous parlons de l'est du Canada, n'est-il pas question, en fait, du Québec et de l'Ontario ou la majeure partie de la rationalisation du réseau ferroviaire doit se faire?

M. Ritchie: Depuis toujours, Thunder Bay est le point de démarcation au Canada, comme le Mississippi l'est aux États-Unis. Je vous rappelle monsieur Nault, que nous avons encore 12 milles de voies ferrées à Edmonston, au Nouveau-Brunswick.

M. Nault: Je soulève cette question parce que les Canadiens de la région de l'Atlantique ont le sentiment qu'ils vont être laissés pour compte et qu'on va procéder à une plus grande rationalisation du réseau ferroviaire dans leur région. Cependant, je ne peux voir où vous allez rationaliser davantage. Je suis allé là-bas. J'ai regardé toutes les voies. Il n'en reste pas beaucoup. Je pense donc qu'il faut préciser que la rationalisation du réseau ferroviaire qui doit se faire se fera au Québec et en Ontario.

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M. Ritchie: Je pense que dans la région de l'Atlantique, il y a toujours la question de la ligne de chemin de fer Gaspé qui n'est pas réglée.

M. Nault: Je crois comprendre qu'il ne reste plus que 400 milles environ.

M. Ritchie: Cette ligne est importante pour les gens de l'endroit, n'oubliez pas qu'il y a encore le chemin de fer du sud du Nouveau-Brunswick et le CN Amérique du Nord qui est exploité comme un chemin de fer secondaire, ce que nous essayons d'encourager. On offre donc encore un service ferroviaire à partir de St. John's et ce n'est pas le CP qui le fait.

Non, on doit procéder à une rationnalisation du réseau ferroviaire à partir de l'Île de Vancouver jusqu'à l'autre bout du pays.

M. Nault: Ma dernière question, monsieur le président. Je pense qu'il est important de signaler cela.

Les représentants du CP ont parlé de droits de circulation accrus et d'un plafond sur le tarif applicable aux grains. Bien sûr, ils n'ont pas parlé des dispositions sur la qualité du service, mais nous nous arrêterons là-dessus à un autre moment.

Je voulais vous interroger sur les répercussions d'un plafond sur le tarif applicable aux grains et sur les effets de tout cela sur la capacité du CN et du CP d'être compétitifs à long terme. Je voudrais connaître les conséquences pour les compagnies de chemin de fer, car bien entendu, les agriculteurs de l'Ouest demandent dans la plupart des cas, par l'entremise du ministère de l'Agriculture, qu'on plafonne le tarif applicable aux grains. Je pense que nous devrions obtenir des éclaircissements sur ce que cela signifie vraiment en ce qui concerne la nouvelle réglementation.

M. Ritchie: Nous croyons que le gouvernement veut - et nous l'encourageons en cela - développer davantage le système de ramassage et de livraison des grains pour améliorer l'efficacité du système. Cela exige des investissements. Ceux qui n'effectuent pas ces investissements doivent supporter des coûts variables et supérieurs. Pour ce faire, il faut que le tarif de base soit flexible. Les gens qui expédient un wagon sur une ligne par an, ne devraient pas payer le même prix que ceux qui sont prêts à installer sur cette ligne un élévateur à grand débit, permettant de remplir un train céréalier de 110 wagons.

Pour pouvoir offrir ce taux progressif, il faut tenir compte des coûts variables du chemin de fer, plus du coût en capital du système d'élévateurs dans ce cas-ci, et on obtient alors un montant supérieur au prix total exigé de l'expéditeur. Le coût total pour l'expéditeur dépasserait le plafond actuel.

Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Ma question porte quelque peu sur ce que Bob vient juste de demander.

Pouvez-vous nous préciser les volumes de grains qu'achemine le réseau ferroviaire et nous dire à quel point le secteur céréalier est essentiel au secteur ferroviaire?

M. Ritchie: Il représente à l'heure actuelle 25 p. 100 de notre base de revenus et le volume - je m'y retrouve mal dans les tonnes métriques - est d'environ 42 millions... Je dirais qu'il est de l'ordre de 16 millions de tonnes métriques pour CP Rail, et je pourrais faire confirmer ce chiffre.

Mme Cowling: Merci.

Pour en revenir au plafond sur les taux maximums, croyez-vous qu'il risque de ne pas permettre la déréglementation d'un certain nombre d'embranchements dans tout le pays? Va-t-il avoir cet effet?

M. Ritchie: Nous croyons qu'il va vraiment étouffer l'innovation. Nous ne pensons pas qu'il soit dans l'intérêt à long terme des céréaliers.

Nous pouvons comprendre la grande méfiance qu'éprouvent les gens dans le secteur céréalier à l'heure actuelle. Nous ignorons comment la faire dissiper. Nous avons déployé des efforts dans ce sens au fil des ans, mais cette méfiance demeure. Nous devons laisser les choses progresser d'elles-mêmes et cela signifie que certains taux vont être plus élevés et d'autres plus bas, dans le secteur céréalier canadien dans son ensemble, qui profitera d'un avantage sur le plan de la concurrence.

La réglementation, l'imposition d'un plafond, l'application d'une amende de 10 000$ pour l'abandon d'un embranchement, soit une autre forme de réglementation, ne permettent pas aux systèmes d'être le plus rentables possible.

Nous pouvons comprendre qu'il y a une période transitoire, mais il est question de plafond permanent, et ni le ministre de l'Agriculture ni celui des Transports ne seront motivés à changer quoi que ce soit à cela. Les conséquences politiques seraient trop lourdes. Nous recommandons donc de permettre à la transition d'aller de l'avant et de s'en remettre à l'ONT à la fin de la période de transition.

M. Comuzzi: Monsieur le président, permettez-moi de revenir un instant sur la question de M. Nault. Je voudrais m'attarder plus particulièrement sur la province de l'Ontario.

La situation que vous avez décrite au sujet des lignes non-utilisées ou utilisées peu fréquemment, s'applique-t-elle fondamentalement en Ontario?

M. Ritchie: Katharine, vous connaissez bien des lignes en Ontario. Voulez-vous répondre à cette question?

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Mme Braid: En Ontario, certaines lignes sont sous-utilisées, je crois, la densité moyenne y est très faible, bien en-dessous de la moitié de la densité moyenne sur les chemins de fer américains.

M. Comuzzi: Serait-il possible d'en tirer le meilleur usage grâce au système des lignes secondaires? Est-ce là une possibilité?

Mme Braid: Pour répondre à cette question il faut faire un examen cas par cas. Pour certaines ce serait une possibilité intéressante, il y a suffisamment de traffic pour qu'un exploitant de chemins de fer secondaires, à coûts plus faibles, puisse assurer un bon service. C'est effectivement souvent une bonne option, mais il faut examiner le cas de chaque tronçon. Souvent il est nécessaire de tronçonner une ligne, certains tronçons seront bien exploitables, d'autres ne le seront pas.

M. Comuzzi: Sans vouloir m'ingérer dans votre plan de société, pourriez-vous nous procurer des informations sur les lignes qui seraient le mieux exploitables en tant que voies secondaires?

Mme Braid: Le Canadien Pacifique met en vente tout ce qu'il considère pouvoir se prêter à constituer des lignes ferroviaires secondaires. Nous avons eu pour principe de...

M. Comuzzi: Mais une décision est-elle intervenue sur l'une ou l'autre de ces lignes?

Mme Braid: Non, pas spécifiquement, nous sommes en train d'examiner la question.

M. Comuzzi: Seriez-vous disposé à nous faire connaître vos pronostics pour celles dont la densité ne vous paraît pas suffisante, afin que nous nous ayons un tableau d'ensemble? Sans vouloir prêcher pour ma paroisse, je pense particulièrement à l'Ontario. Est-ce trop vous demander?

Mme Braid: C'est demander plus que nous ne pouvons actuellement le faire pour vous rendre service.

M. Comuzzi: Eh bien tant pis.

M. Ritchie: Mais vous pourriez demander ce que nous devrons faire si la nouvelle Loi nationale sur les transports est adoptée, parce que nous devrons alors produire un plan de trois à cinq ans.

Mme Braid: Nous essayons de nous mettre nous-mêmes en mesure de faire face à ces exigences, le cas échéant. C'est ainsi qu'aux Etats-Unis vous devez déposer une carte sur laquelle vous montrez quels sont les tronçons que vous envisagez d'abandonner ou les lignes secondaires. Si le cas se produit j'espère, à ce moment-là, être en mesure de répondre à cette exigence.

M. Comuzzi: Je me trouvais l'autre jour sur l'autoroute 401, me rendant de Détroit à Toronto, et à un certain moment je me suis vu entouré de 22 camions; j'étais la seule voiture. La situation devient effarante, nous devrions chercher une meilleure façon de transporter nos marchandises.

Il semblerait que nous avons deux offres en cours. Celle de CP qui porte sur une partie des avoirs de CN, et une offre qui revient à une privatisation. Pour que la décision éventuelle soit la meilleure possible, j'aimerais beaucoup que l'on m'indique les avantages de l'offre de CP.

Le président: Est-ce une question que vous posez aux témoins, ou est-ce que vous vous livrez simplement à une conjecture? Pouvez-vous formuler votre question? Le temps presse.

M. Comuzzi: C'est une bonne comparaison pour prendre une décision définitive quant à la privatisation de CN, pour avantager au maximum les actionnaires, ne pensez-vous pas?

M. Ritchie: Certainement.

M. Comuzzi: Je parle de la comparaison entre les deux offres.

Le président: Il nous reste une question de Elsie Wayne.

Mme Wayne (Saint John): Je voudrais vous poser une question, Rob: est-ce que vous vous efforcez surtout de faire des affaires avec le port de New York et des ports américains plutôt que d'encourager l'utilisation des ports canadiens? Combien de votre temps et de vos efforts portent-ils sur New York et les ports américains, et combien de temps et d'efforts consacrez-vous aux ports canadiens?

M. Ritchie: Je n'oublie jamais que nous desservons un grand nombre de ports et je m'efforce d'être impartial.

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Je tiens compte des succès enregistrés par CP au port de Montréal et de tous temps au Nouveau-Brunswick. En effet, nous avons transporté plus de conteneurs, par an, à partir du Nouveau Brunswick que nous le faisons actuellement à partir de New York. On ne peut parler de grand succès, en raison de contraintes qui existent pour les ports américains. Le port de Montréal est très compétitif pour nous, nous essayons de le faire concurrencer Norfolk, l'autre grand port de transit du Midouest américain. C'est là où s'exerce la concurrence.

Le président: Je vous remercie, Elsie.

Madame Braid, monsieur Ritchie, merci encore d'avoir comparus devant le comité, de nous avons présenté votre mémoire et le résumé et d'avoir répondu à nos questions.

Nous reprendrons la séance à 15h30, dans la même salle. La séance est levée.

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