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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 31 mai 1995

.1535

[Traduction]

Le président: Bonjour, chers collègues. Le comité poursuit son étude du projet de loi C-89, Loi prévoyant la prorogation de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada sous le régime de la Loi canadienne sur les sociétés par actions ainsi que l'émission et la vente de ses actions au public, et dont le titre abrégé est la Loi sur la commercialisation du CN.

Nous accueillons aujourd'hui, de Transport 2000, des gens que nous connaissons bien, à savoir M. Harry Gow, vice-président; et M. Bob. Evans, président sortant. Je présume que M. Glastonbury ne vous accompagne pas aujourd'hui.

Bienvenue, monsieur Gow et monsieur Evans. Je présume que vous avez un rapport. Nous écouterons d'abord vos remarques préliminaires, après quoi nous passerons aux questions des membres du comité.

[Français]

M. Harry Gow (vice-président, Transport 2000 Canada): Nous avons décidé de faire une présentation en anglais, mais l'essentiel en est contenu dans un bref résumé du mémoire en français.

Je vous remercie de l'occasion que vous nous fournissez de présenter les vues de Transport 2000 Canada.

Permettez-nous de dire que Transport 2000 Canada ne croit pas que la privatisation du CN prise en isolation soit déterminante pour la santé de l'industrie canadienne des transports. Nous avons déjà dit devant le Comité Nault que la propriété du CN, qu'il soit détenu par des Canadiens ou même par des Américains, n'est pas la question majeure. Il serait beaucoup plus important pour le Canada et pour les Canadiens que le gouvernement agisse afin de corriger ses préjugés à l'endroit de l'industrie ferroviaire tout en s'assurant que les intérêts des expéditeurs, des voyageurs et des contribuables soient respectés.

[Traduction]

M. Bob Evans (président sortant, Transport 2000): Merci, Harry.

Je vous remercie de l'occasion que vous m'avez offerte de vous présenter les vues de Transport 2000.

Permettez-moi, d'entrée de jeu, de dire ceci: Transport 2000 ne croit pas que la privatisation du CN - en soi - soit très importante dans le contexte du transport au Canada. Comme nous l'avons dit, il y a quelques mois, au Comité Nault, il importe peu que le CN appartienne au gouvernement, à des Canadiens, à des Américains ou à des extraterrestres.

Pour le Canada et les Canadiens, il est bien plus important de savoir si le gouvernement prendra immédiatement les mesures qui s'imposent pour corriger ses préjugés à l'endroit de l'industrie du rail tout en faisant en sorte que les intérêts des expéditeurs et des contribuables soient respectés.

Je pense que nous devons vous dire franchement que nous, à Transport 2000, sommes plutôt stupéfaits par toute l'attention qui est accordée à la future propriété du CN tandis que les décisions vraiment importantes concernant les règles et les procédures que le CN et tous les autres chemins de fer devront respecter semblent être prises en secret. À notre avis, ce qui compte vraiment, c'est ce que le gouvernement fera de la Loi sur les transports nationaux.

Vous m'excuserez de très peu parler du CN en soi. Je préfère traiter du contexte futur dans lequel tous les chemins de fer canadiens seront appelés à évoluer. Cependant, avant d'y arriver, j'aimerais soulever quelques remarques pour justifier l'importance que notre association attache à cette dernière question.

Vous vous demandez peut-être pourquoi j'ai apporté une mesure cet après-midi. Sur le plan géographique, le Canada est vraiment un pays unique. La partie habitée du Canada s'étend sur 8 000 kilomètres de longueur, mais elle n'a que 300 kilomètres de largeur environ. Si je tiens la mesure comme ceci, cela vous donne une idée du territoire où se trouve 99 p. 100 de notre population. C'est une répartition géographique assez bizarre.

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Pendant des années, les gouvernements canadiens successifs ont pensé qu'il fallait contrer l'attrait naturel qu'exerce notre amical géant du Sud si nous voulons garder notre pays uni. Mais nous, à Transport 2000, doutons de la conviction du gouvernement actuel quant à la nécessité qu'il y a d'encourager l'établissement de liens entre l'Est et l'Ouest.

De nombreux pays industrialisés - nous pensons en particulier à l'Allemage et au Japon - considèrent les systèmes de transport comme les assises d'une économie de libre entreprise et estiment que le gouvernement doit intervenir et les soutenir. Cependant, au Canada, nous semblons avoir tendance à penser que les transports ne sont qu'un autre élément du système de libre entreprise qui peut se maintenir ou que l'on peut laisser disparaître selon les profits qu'il apporte à l'entreprise privée.

À Transport 2000, nous craignons que la nouvelle Loi sur les transports nationaux ne conduise notre pays à adopter une attitude de laisser-faire au chapitre de la politique du rail. Nous craignons que cette attitude de laisser-faire n'entraîne inexorablement: l'abandon des lignes du CN et du CP dans le Nord-Ouest de l'Ontario au profit du transport de marchandises via Chicago; un grave déclin de la viabilité de nos ports de l'Est et de l'Ouest - et nous ne sommes pas les seuls à avoir ces préoccupations; une plus grande dépendance à l'égard d'un pays étranger - même quand il s'agit du transport de marchandises entre différentes parties du Canada; un déclin au chapitre du choix et de la qualité en ce qui concerne le transport intérieur et des coûts de plus en plus importants pour les contribuables à mesure que le transport des biens et des personnes dépendra davantage de routes subventionnées à même les fonds publics.

Nous craignons également des effets négatifs sur notre perception même que nous formons une nation. Je vous reparlerai un peu plus tard de cette question et de la nature un peu étrange de notre pays.

Il peut exister des situations - il y en aura - où l'abandon des lignes ferroviaires est dans l'intérêt de toutes les parties intéressées. Nous ne sommes pas opposés à une plus grande efficience qui permettrait d'éliminer des lignes de chemin de fer devenues inutiles, à condition que l'intérêt du public ne soit pas compromis. De plus, nous voyons d'un bon oeil la simplification du processus qui vise l'établissement de lignes de chemin de fer courtes. Toutefois, la nouvelle Loi sur les transports nationaux devrait offrir davantage qu'un simple moyen d'éliminer nos transporteurs ferroviaires.

Je voudrais maintenant vous parler de solutions possibles. Permettez-moi d'aborder les trois éléments que Transport 2000 considère essentiels pour que les chemins de fer participent le plus possible à la réalisation des objectifs du Canada au chapitre de l'économie, de l'environnement et de la société.

J'émettrai d'abord quelques commentaires quant à la nécessité d'offrir des chances égales aux divers concurrents en reconnaissant le coût total des différents modes de transport et en critiquant la situation actuelle où les gouvernements - les gouvernements au pluriel - taxent les chemins de fer et subventionnent le transport par camion.

Je parlerai ensuite de la nécessité qu'il y a de s'assurer que toutes les nouvelles libertés commerciales accordées aux entreprises ferroviaires s'assortissent de conditions qui permettront d'empêcher que les intérêts fondamentaux des expéditeurs, des collectivités, des régions et du public en général ne soient ainsi foulés au pied.

Enfin - vous avez peut-être entendu moins parler de cette question-ci - je dirai quelques mots de la protection que nous croyons nécessaire d'accorder à VIA Rail afin de garantir qu'il jouisse d'un traitement équitable dans de nouveaux contextes.

Selon Transport 2000, le gouvernement fédéral doit d'abord favoriser un climat qui permet aux chemins de fer d'atteindre leur plein potentiel de manière à ce qu'ils contribuent efficacement à la prospérité de notre pays.

Pour instaurer un climat qui offre à l'industrie du rail plus que la seule perspective d'abandonner plus facilement des tronçons, nous scruterons la nouvelle Loi sur les transports nationaux afin de discerner ce qu'elle offre en ce qui concerne les mesures pour corriger l'imposition injuste de taxes aux chemins de fer - nous pensons en particulier aux taxes sur le carburant et à la taxe foncière - et les mesures pour corriger les subventions actuelles liées aux services de camionnage.

Dans sa réflexion, Transport 2000 est fortement influencé par la connaissance qu'il ait des mesures prises dans certains pays européens où l'on a imposé des charges pour faire en sorte que les expéditeurs plutôt que les contribuables assument les coûts liés à l'environnement, aux accidents et à la congestion découlant des activités de transport routier et ferroviaire.

Je suppose que vous ne serez pas surpris si j'ajoute que ces coûts externes sont beaucoup plus élevés dans le cas de services de transport par route.

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Darrell Richards, qui fait partie de Transport 2000, et que plusieurs d'entre vous connaissent, est expert-conseil en transport. Sa société a produit un rapport extrêmement documenté sur la reconnaissance et l'emploi des coûts externes liés aux modes de transport par route et par rail. Nous nous ferons un plaisir de le mettre à la disposition des membres du comité. J'en ai un exemplaire.

La création - comme cela s'est fait dans plusieurs pays industrialisés - d'une société gouvernementale d'infrastructure ferroviaire qui louerait ses droits d'exploitation aux sociétés de chemin de fer privées pourrait également permettre d'accorder un traitement plus équitable au transport par rail par rapport au transport par route.

C'est certainement une idée intéressante. Ainsi, les routes de transport par rail et par camion seraient du domaine public.

Permettez-moi maintenant de formuler quelques commentaires sur la deuxième exigence quant au type de contexte auquel les Canadiens sont en droit de s'attendre dans le transport ferroviaire. À vrai dire, nous aimerions que les changements que le gouvernement apportera à la Loi sur les transports nationaux aient des répercussions tellement avantageuses pour l'industrie ferroviaire qu'ils réduisent de façon significative la nécessité d'abandonner des lignes de chemin de fer et les pressions exercées en ce sens.

Toutefois, dans la mesure où l'élimination de certaines lignes de chemin de fer demeure un élément essientiel de la santé de l'industrie, nous n'avons aucune objection à ce qu'elle soit effectuée comme s'il s'agissait d'une entreprise... À condition qu'on mette en place des mécanismes pour s'assurer que de telles mesures d'abandon ne causent pas des torts inacceptables à l'intérêt public.

Nous espérons que la nouvelle Loi sur les transports nationaux prévoira un genre de préavis si on a l'intention d'abandonner une voie de chemin de fer, qu'elle permettra à ceux qui se plaignent de s'exprimer et qu'elle mettra en place un processus qui permettra à ces personnes d'exprimer publiquement leur inquiétude et qu'elle prévoira une intervention gouvernementale au besoin.

En quoi pourrait consister l'intérêt public? Nous proposons qu'il y ait des audiences obligatoires dans le cas de l'abandon d'une ligne ferroviaire si ce dernier touche un train de passagers déjà en exploitation et si on peut prouver l'existence de préoccupations sérieuses quant à des torts éventuels causés à l'environnement, à un expéditeur important ou au développement régional.

Enfin, voici notre troisième commentaire. Nous nous attendons à ce que le gouvernement prenne certaines mesures pour protéger les intérêts de VIA dans le futur contexte où l'industrie du rail, totalement privatisée, fonctionnera selon de nouvelles règles. Nous avons déjà proposé que tout abandon de lignes touchant des services de trains de passagers déjà en exploitation fasse l'objet d'audiences publiques. Nous savons qu'un certain nombre de trains de VIA - ce sont toutes des lignes du CN, avec une seule exception, qui appartient au CP - roulent sur des lignes qui peuvent être des candidats tout désignés à l'abandon dans le cadre d'une structure réglementaire libéralisée.

Par exemple, nous pouvons citer les tronçons qui desservent Gaspé, Lévis, Churchill et l'île de Vancouver.

De plus, nous croyons qu'il est très important que VIA ne soit pas totalement laissé à la merci des chemins de fer de marchandises. Nous croyons que le gouvernement fédéral doit prendre des mesures pour s'assurer que VIA est traité équitablement en ce qui a trait aux coûts que cette société assume pour utiliser les lignes et les installations des chemins de fer de marchandises.

Il faut également s'assurer que VIA reçoit une certaine qualité de service en ce qui concerne la vitesse et la ponctualité des trains, etc. Nous nous attendons également à ce que le gouvernement fédéral prenne les mesures qui s'imposent pour permettre à VIA d'exploiter des lignes courtes si le besoin s'en fait sentir.

En conclusion, je voudrais simplement dire que dans le contexte actuel nous présumons qu'il est tentant pour le gouvernement de se dégager de toute responsabilité et de permettre au CN et aux autres chemins de fer d'agir plus ou moins à leur guise.

Nous affirmons cependant que l'industrie du rail mérite mieux que ce traitement - elle a besoin de vous pour régler le problème de l'inégalité des règles du jeu. Nous croyons que les expéditeurs et les voyageurs méritent mieux - ils veulent un système ferroviaire adéquat. Nous pensons que les contribuables méritent mieux - ils ne souhaitent pas se retrouver avec des politiques fédérales qui entraînent des hausses de taxes provinciales et municipales afin de pouvoir réparer les dommages de plus en plus importants causés aux routes et à l'environnement.

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Le président: Monsieur Evans, merci beaucoup de l'exposé que vous avez présenté au nom de Transport 2000.

Je voudrais d'abord faire un petit commentaire. Transport 2000 s'est toujours préoccupé des règlements écrasants imposés aux transporteurs ferroviaires au Canada, et s'inquiète plus particulièrement des effets des amendements proposés par le gouvernement. Je voudrais vous assurer que les Canadiens et les organismes tel que Transport 2000 auront la chance de comparaître de nouveau devant ce comité lorsque les amendements seront proposés, et que nous suivrons un processus établi.

[Français]

M. Guimond (Beauport - Montmorency - Orléans): Monsieur Gow, monsieur Evans, merci de votre présentation. Avant toute chose, je voudrais vous manifester mon intérêt à recevoir le rapport de M. Richards que vous mettez à notre disposition. Je ne sais pas si mes collègues seraient intéressés à l'avoir. Si vous ne nous le faites pas parvenir par le biais de notre greffière, je serais pour ma part intéressé à en avoir une copie.

Comme notre président l'a mentionné, la plus grande partie de votre mémoire porte sur les amendements à la Loi nationale sur les transports. Je vais en profiter pour vous poser une question. Vous savez que le 15 mai, Transports Canada, par le biais du service de Mme Greene, a déposé le document Proposals for Rail Renewal and Transportation Regulatory Reform. Est-ce que vous avez pris connaissance de ce document de travail, et est-ce qu'on vous a demandé votre avis sur ce projet?

M. Evans: On a vu le rapport du Comité Nault.

M. Guimond: Ce n'est pas du tout sur cela que je vous questionne.

M. Gow: Non, on ne nous a pas demandé notre avis là-dessus spécifiquement.

M. Guimond: Est-ce que vous les avez vus les Proposals for Rail Renewal de Transports Canada?

M. Gow: Sous forme de communiqué seulement.

M. Guimond: Donc, personne de Transports Canada ne vous a demandé votre avis là-dessus.

M. Gow: Très tôt dans le processus, il y a eu des demandes d'information et de participation. Pour être honnête, je ne me souviens pas d'y avoir participé personnellement de façon adéquate, mais je sais qu'il y a eu diverses demandes de participation, par exemple sur l'aspect des règlements touchant à la sécurité.

Ensuite, il y a eu d'autres demandes, mais c'est loin et je ne pourrais pas vous dire le détail de ce qu'on a répondu.

M. Guimond: Je me demande si je saisis bien votre mémoire. Vous dites qu'il importe peu que le CN appartienne aux Américains, aux Canadiens ou aux extraterrestres. Est-ce que le projet de loi C-89 qui est devant nous est un bon projet de loi? Est-ce que le gouvernement fait bien d'aller de l'avant? Est-ce que tout est préservé, le contrôle canadien, etc.? Quelle est votre opinion du projet de loi C-89?

Je ne dis pas cela pour vous insulter, mais vous semblez dire que la clé sera dans la réglementation, dans les amendements à la Loi nationale sur les transports.

M. Evans: Absolument. Le premier chemin de fer canadien d'un océan à l'autre était privé. C'était le Canadien Pacifique. Il y avait cependant une certaine réglementation gouvernementale. Il y avait beaucoup d'interventions gouvernementales concernant les actions de cette compagnie-là.

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Il faut accepter qu'actuellement, il existe partout au monde une tendance à la privatisation des lignes aériennes et des chemins de fer nationaux.

La chose la plus importante, c'est que le gouvernement assure suffisamment de contrôle sur ces services au nom des citoyens du Canada. Un moyen de le faire est d'avoir une compagnie nationalisée. Un autre moyen est d'avoir des compagnies privatisées tout en s'assurant que la réglementation soit adéquate et corresponde aux besoins. Quand la compagnie privée veut faire une chose et que ce n'est pas dans l'intérêt du public, le gouvernement peut intervenir.

Donc, la chose la plus importante, ce n'est pas que le CN soit privatisé ou demeure une société de la Couronne. C'est qu'on ait au Canada une réglementation des services de transport qui reflète les besoins de la popoulation canadienne.

M. Guimond: Encore une fois, monsieur Evans, je ne veux pas vous défier. J'ai beaucoup de respect pour Transport 2000, car vous jouez un rôle très important. Même s'il y a une tendance mondiale à la privatisation, cela ne veut pas nécessairement dire que c'est bon pour le Canada et pour les Canadiens. Il y a une forte tendance à avoir une droite plus importante dans le monde, mais cela ne veut pas dire que c'est bon pour la société. Cela incite à l'intolérance à l'endroit des immigrants, etc.

Je vous pose une question claire. Est-ce que Transport 2000 appuie le projet de loi C-89 et la privatisation du CN?

M. Evans: Transport 2000 tend à accepter ce projet. Nous ne nous y opposons pas. On n'était pas nécessairement en faveur de la privatisation du CN, mais ce n'est pas une chose à laquelle nous nous opposons avec force. On l'accepte.

Nous ne serions probablement pas venus ici recommander cette privatisation, mais puisque cela doit arriver, étant donné la situation fiscale du gouvernement et ce qui se passe dans le monde en général, Transport 2000 est prêt à accepter ce développement à condition qu'il y ait un certain contrôle gouvernemental au nom des Canadiens.

M. Guimond: Vous avez joué un rôle de leader au Canada, particulièrement en matière de transport de passagers du côté de VIA Rail. On sait que VIA Rail est né de l'abandon du transport de passagers de CN et de CP. Est-on assuré que le nouveau Canadien National, qui ne transportera pas nécessairement ce vécu, va faire preuve de la même ouverture que VIA?

.1600

M. Evans: C'est une très bonne question. Amtrak, aux États-Unis, fonctionne seulement avec des compagnies privées. Les compagnies de chemins de fer aux États-Unis, à part Amtrak, sont des compagnies privées, mais Amtrak bénéficie d'une loi qui lui donne une certaine protection, par exemple en ce qui concerne le montant à payer pour l'usage des voies ferrées, etc.

Vous savez probablement que Transport 2000, depuis un certain temps, a pris position sur l'importance d'avoir une loi sur la société VIA Rail Canada qui n'existe pas actuellement. Cette protection n'existe pas. C'est une chose qui manque. Nous l'avons reconnu dans nos observations concernant VIA.

[Traduction]

Le président: Monsieur Evans, est-ce que Transport 2000 estime qu'il y a de la place au Canada pour deux compagnies de chemins de fer concurrentielles?

M. Evans: Pour l'instant, je vous dirais que oui. Nous ne prétendons pas nécessairement être des experts, mais pour l'instant nous ne sommes pas convaincus qu'il n'y a pas de place. Voilà comment je décrirais les choses. Excusez-moi si je tourne quelque peu autour du pot.

M. Gouk (Kootenay-Ouest - Revelstoke): Messieurs, je n'ai que quelques remarques à faire. Vous avez dit, et je suppose que c'était un peu facétieusement, que peu vous importait que ce soit le gouvernement, des Canadiens, des Américains ou des extraterrestes. Je m'inquiète que la compagnie ne reste pas entre les mains du gouvernement. En effet, certaines des inéquités qui nous inquiètent s'il y a vente, comme par exemple une concurrence déloyale créant des distorsions sur le marché, se produisent déjà. La compagnie a été remise à flot à quatre reprises par le passé. Cela est appelé à se reproduire, car les forces du marché ne jouent pas ici.

À la deuxième page, vous vous inquiétez de l'abandon de certaines lignes du CN et du CP dans le Nord-Ouest de l'Ontario. Proposez-vous des parcours différents qui passeraient par les États-Unis, via Sarnia ou un autre carrefour, pour revenir plus loin dans les Prairies?

M. Evans: C'est cela. Ces lignes existent déjà.

Il y a des problèmes possibles du côté du volume. Essentiellement, cela signifiera un énorme trafic qui passera par Chicago, et là, les gares de triage sont encombrées tout comme l'aéroport O'Hare. Toutefois, les choses évoluent.

Tout d'abord, les deux compagnies de chemins de fer ont déjà leurs parcours là-bas. Le CN, en collaboration avec la ligne Soo, peut prendre des marchandises dans l'Est du Canada, passer par Windsor et Detroit, traverser les Prairies du côté américain puis revenir au Canada, si c'est là la destination, près de Moose Jaw. Le CN détient des droits de passage sur les voies de la Burlington Northern entre Chicago et Duluth. Bien entendu, le CN est propriétaire du chemin de fer Duluth-Winnipeg Pacific entre Duluth et Winnipeg. Entre Sarnia et Chicago, il peut compter sur ses propres voies. Le CN a déjà libre passage, et il y a un trafic intense dans cette direction.

Prétendez un instant être investisseur dans cette compagnie de chemin de fer. Voilà qu'elle est libre d'orienter le trafic dans la direction qu'elle souhaite alors qu'aux États-Unis la situation est beaucoup plus intéressante du point de vue des règles de dépréciation et des impôts. On évalue donc ce qu'il en coûte de faire passer les marchandises par les États-Unis. Supposez encore que les lois n'interdisent pas que tout le trafic passe par là. Ajoutez à cela que l'on puisse contourner le problème de l'engorgement de Chicago. N'oublions pas par exemple la possibilité d'une autre récession. Ainsi, il est fort tentant d'abandonner ces lignes du Nord-Ouest de l'Ontario.

M. Gouk: Je comprends les préoccupations à cet égard, mais je pense qu'il va falloir régler les choses en se contentant de supprimer les obstacles qui entravent le bon fonctionnement des chemins de fer dont vous avez parlé dans votre mémoire plutôt qu'en légiférant pour exiger des compagnies de chemins de fer...

.1605

M. Evans: Cela ne serait possible que dans la mesure où nous pourrions compter sur un secteur ferroviaire solide, bien pourvu, qui puisse se défendre et agir pour le bien public.

M. Gouk: Je pense qu'il va falloir se pencher sur certains éléments qui en eux-mêmes sont hors de la portée du projet de loi C-89. Manifestement, il y a une interconnexion. Voilà pourquoi je me demande pourquoi vous dites être étonnés qu'on fasse tant de bruit autour de la privatisation du CN. Je pense qu'elle est très importante. C'est une chose que je réclame depuis longtemps.

Il faut espérer que l'étape suivante ne se déroulera pas dans le secret. Des groupes comme le vôtre seront consultés. Dans cet esprit, et pour reprendre ce que mon collègue du Bloc québécois a dit, j'aimerais bien aussi avoir un exemplaire du livre. Je suppose que les autres membres du comité aimeraient bien en avoir un également.

La seule autre question que je voudrais aborder avec vous porte sur ce que vous avez dit concernant les besoins décroissants et l'exigence d'abandonner des lignes. Proposez-vous tout simplement que les principales compagnies cèdent l'exploitation de ces lignes?

Je pense qu'il va falloir sans doute se résoudre à abandonner des lignes. Nous devons donc nous employer à supprimer ce qui pourrait empêcher les exploitants d'embranchements de reprendre ces lignes de façon rentable, ce qui assurerait la viabilité du secteur.

M. Evans: Selon moi, si l'on confie une ligne à un exploitant d'embranchements, on ne l'abandonne pas.

M. Gouk: Je sais qu'on vous a déjà posé la question, mais avez-vous des objections précises aux dispositions du projet de loi C-89? Y a-t-il quelque chose dans le projet de loi qui vous fasse tiquer particulièrement? Vous avez dit que vous ne donniez pas votre aval, mais que vous n'alliez pas en faire tout un plat.

M. Evans: Je ne sais si je réponds assez directement à votre question, mais à ce propos je reviendrais aux inquiétudes à propos de VIA. Si le CN est privatisé, sera-t-il tenté de dire: il y aura un monopole, et pour avoir droit de passage sur les voies ferrées il va falloir absolument verser les droits exigés, n'est-ce pas? À moins que les choses ne se règlent autrement...

M. Gouk: Peut-être qu'on pourrait prévoir un droit de circuler en vertu des règlements qui seront pris par la suite en consultation avec l'ONT.

M. Evans: Je vais vous donner un exemple concret. Entre Montréal et Toronto il y a essentiellement deux voies ferrées. Il y a une voie double qui appartient au CN et une voie simple qui appartient au CP. Qu'arriverait-il si les deux sociétés privatisées se liguaient et déclaraient que toutes les marchandises vont passer par la voie du CN uniquement? Ce serait une bonne idée, n'est-ce pas? La difficulté, ce serait qu'il n'y aurait plus de place pour VIA. On pourrait songer à abandonner la ligne du CP, ou bien VIA pourrait emprunter la ligne unique du CP. C'est impossible, car dans ces conditions les trains de VIA mettraient six heures plutôt que quatre à parcourir ces distances.

M. Gouk: Pensez-vous qu'une des deux compagnies de chemins de fer privées devrait subventionner VIA?

M. Evans: Ce que je propose, c'est d'évaluer le coût total, compte tenu de l'usure des voies, de l'environnement et de tous les coûts des autres modes de transport afin d'établir un tableau logique pour VIA à partir de cela, et non pas à partir d'une comptabilité.

M. Gouk: Nous en revenons donc au droit de circuler.

Mme Wayne (Saint John): Je suis heureuse de vous revoir. Quelle est la position de Transport 2000 à propos de la privatisation du CN? Le CP est déjà une société privée. Quelle sera l'incidence sur nos ports au Canada? Pensez-vous que le CN va se tourner vers les ports américains, comme New York, plutôt que de promouvoir la prospérité des ports de l'Est du Canada? Je m'intéresse spécifiquement aux ports de Saint John et Halifax et aux autres ports de l'Est.

.1610

M. Evans: Ce qui nous préoccupe, c'est que, à moins que la privatisation du CN ne soit accompagnée d'assurances dans la réglementation de l'industrie du transport au Canada, l'objectif central de notre document, et si nous passons à un environnement de laissez-faire, avec une tendance à envoyer le trafic aux États-Unis, il serait tout naturel de voir une augmentation de l'utilisation des ports de San Francisco et de Seattle, sur la côte ouest, et de Philadelphie, sur la côte est, etc.

[Français]

M. Guimond: Je ne voudrais pas m'embarquer dans un débat constitutionnel. J'essaie de rester à l'extérieur de cela. Avez-vous lu le paragraphe 16(1) du projet de loi? Il se lit comme suit:

Vous savez qu'actuellement, les CFIL, les short lines, deviennent de juridiction provinciale. Est-ce que cet article, s'il demeure ainsi libellé - vous n'êtes pas nécessairement des avocats; je crois que M. Gow enseigne la criminologie - pourrait signifier que même les short lines pourraient devenir de juridiction fédérale alors qu'elles sont situées seulement sur un territoire provincial si elles sont déclarées être à l'avantage général du Canada? Est-ce que vous y voyez un problème? Est-ce que vous l'aviez vu? Y aviez-vous pensé?

M. Gow: Nous n'en sommes pas certain. C'est difficile à interpréter. Actuellement, si un CFIL reçoit un train de VIA, il pourrait devenir une ligne d'intérêt général pour le Canada et serait alors assujetti au Code canadien du travail. Cela pourrait causer des problèmes. Ce fut l'une des difficultés lors de la vente du Canadian Atlantic Railway.

Cette problématique semble se poursuivre et nous pensons que le Comité devrait se pencher sur les moyens d'empêcher qu'un CFIL recevant un train de VIA devienne automatiquement assujetti au Code canadien du travail.

M. Guimond: Un CFIL qui n'a pas de passagers, comme le Murray Bay dans ma circonscription, devient-il, avec cet article...

M. Gow: Cela pourrait possiblement être un problème. Nous croyons que le Comité aurait tout intérêt à obtenir une opinion juridique indépendante. Je l'ai lu et je me suis posé la même question, mais n'étant pas juriste, je n'ai pas été capable d'y répondre adéquatement. Vous n'êtes pas la première personne à nous poser cette question.

M. Guimond: Merci.

[Traduction]

Le président: Messieurs, je vous remercie beaucoup pour votre exposé et pour avoir répondu à nos questions. Nous vous sommes reconnaissants.

Nous souhaitons la bienvenue aux représentants du Syndicat national des travailleurs et travailleuses de l'automobile du Canada. Abe Rosner est représentant national du personnel, Chemins de fer, du Syndicat national des travailleurs et travailleuses de l'automobile du Canada. Monsieur Rosner, vous pourriez peut-être nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

M. Abe Rosner (représentant national du personnel, Chemin de fer, Syndicat national des travailleurs et travailleuses de l'automobile du Canada): Avec plaisir. Dennis Wray, de Winnipeg, est vice-président régional de la section 100 des TCA. John Moore-Gough est président de la section 100 des TCA. Jo-Ann Hannah est représentante nationale du service de recherche de notre bureau de Toronto.

.1615

Il faut dire que la section 100 est une des sections qui représentent les travailleurs du CN. C'est la plus importante en nombre, et pour l'essentiel elle regroupe les travailleurs des ateliers de réparation.

Le président: Avez-vous un exposé que vous voudriez lire avant que nous vous posions des questions?

M. Rosner: Oui. Je vais commencer à la page 1, par une citation:

C'est un extrait d'une lettre que l'auteur, l'actuel premier ministre, alors chef de l'opposition, adressait à George Rideout, député de Moncton, à la veille de la dernière élection fédérale. Ce n'était peut-être pas la veille même, plutôt deux ou trois jours auparavant. Je ne me souviens pas de la date exacte. Je pense que c'était cinq jours avant les élections.

Le Syndicat national de l'automobile, de l'aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada défend les intérêts de 205 000 travailleurs aux quatre points du pays. Au Canadien National, il représente 12 500 travailleurs des métiers d'ateliers et de bureaux. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de nous adresser au comité permanent sur le projet de loi C-89 relatif à la privatisation du CN.

Ce que je vais vous lire maintenant est intitulé: «Les TCA-Canada s'opposent à la privatisation du CN». Toutefois, quand j'aurai terminé, j'expliquerai le contexte et la perspective qui nous poussent à faire cette déclaration et celles qui suivent.

Lors de la présentation de notre mémoire en décembre 1994 au Groupe de travail sur la commercialisation du Canadien National, nous avions manifesté notre opposition à la privatisation du Canadien National. À notre avis, le CN a une grande responsabilité dans l'intérêt du bien public dont il peut le mieux s'acquitter en demeurant une société de la Couronne.

Le CN devrait catalyser le développement économique dans les diverses régions du Canada. Mais s'il devenait une entreprise privée, il agirait en fonction des intérêts des détenteurs d'actions plutôt que dans celui des communautés canadiennes.

Le Canada traverse présentement une période de troubles, alors que les régions luttent pour se remettre de la récession et s'ajuster au libre-échange. La privatisation ajoutera à l'instabilité au moment où il faut un réseau de transport fiable.

Nous ne sommes même pas convaincus que la décision du gouvernement d'aller de l'avant avec la privatisation lui permettra d'atteindre son objectif actuel de réduction du déficit, qui est apparemment le mot d'ordre derrière toutes les décisions qu'il prend.

Dans l'hypothèse où le CN serait vendu à une valeur inférieure à sa valeur comptable, le manque à gagner pourrait être d'un milliard de dollars ou plus. Il faut aussi se demander si le gouvernement va accorder une remise de dette ou non au CN.

D'un côté, il faut que le CN, sous sa forme privatisée, soit rentable pour assurer sa croissance à long terme. D'autre part, dans une période de restrictions budgétaires, et au moment où le gouvernement ne cesse de répéter que les contribuables canadiens doivent accepter des réductions des services sociaux, il est difficile de justifier la décision de dépenser des deniers publics afin de hausser la valeur des actions qui seront détenues par des intérêts privés.

La privatisation du CN a aussi un autre coût. Certains travailleurs perdront leur emploi dans le processus. Outre le coût des indemnités de départ, il faut compter celui des prestations d'assurance-chômage et des programmes de recyclage.

Avec le projet de loi C-89, le gouvernement exige du CN qu'il prépare un plan assurant sa prorogation dans le cadre de sa privatisation. Il est exigé spécifiquement que le siège social du CN soit maintenu à Montréal, que la propriété d'actions par une personne soit limitée à 15 p. 100 du total et que la société reste sous l'emprise de la Loi sur les langues officielles.

Nous nous soucions du sort réservé aux droits des travailleurs du CN en cas de privatisation. Il est fort probable que cette opération entraînera la vente de certaines lignes ferroviaires avant l'émission d'actions pour les actifs restants du CN. Nos membres se soucient de ce que sera leur travail au sein d'une entreprise privatisée, mais leur problème le plus urgent et le plus immédiat est bien celui de la vente de lignes ferroviaires.

Monsieur le président, je voudrais expliquer que nos préoccupations concernant les embranchements vont au-delà de ce que peut sous-entendre le mot «embranchement».

C'est avec une bonne dose d'amertume que nos membres se rappellent la privatisation de deux éléments du CN, soit les Messageries du CN, vendues à Route Canada, ainsi que les ateliers de réparation AMF. Dans les deux cas, la direction avait écarté du revers de la main les droits des travailleurs; cela ne doit plus se reproduire.

.1620

Les Messageries du CN avaient été vendues à Route Canada à une fraction de leur valeur marchande. Les nouveaux propriétaires avaient dépouillé la compagnie de son actif, réalisé un profit sur la vente des terrains et fermé boutique. Ce faisant, ils privaient 2 300 employés de leur travail.

Le 27 août 1993, le CN obtenait discrètement un décret selon les termes duquel il pouvait se départir des ateliers de réparation AMF à Montréal, que l'on appelait alors ateliers de Pointe-Saint-Charles, en créant une filiale à 100 p. 100. C'était le premier pas vers la vente du plus grand lieu de travail industriel de Montréal, la ville elle-même s'entend, plutôt que l'agglomération.

Cinq jours plus tard le CN créait une nouvelle société sans en avoir avisé ses employés ni les syndicats. Le CN a ensuite fait passer l'entreprise sous juridiction provinciale et ainsi a dépouillé près de 1 200 employés de tous leurs droits acquis à titre d'employés du CN représentés par les TCA. Du jour au lendemain, la représentation syndicale était abolie, en même temps que l'étaient le droit de négociation collective de même que les droits de rappel à des postes au CN.

C'est seulement au terme d'une bataille juridique qui a duré un an et demi que les travailleurs ont reconquis leur statut d'employé du CN et leur droit à la négociation collective. Ce dernier droit n'a été réintégré que le mois dernier.

C'est à la lumière de ces deux expériences malheureuses que nos membres voient approcher la privatisation du CN. Bon nombre d'entre eux se demandent ce qu'il adviendrait du fonds de pension en cas de vente de l'entreprise. Ils veulent obtenir l'assurance que leur fonds de pension au CN, auquel ils ont contribué longtemps, sera protégé.

Nous examinons aussi l'exemple américain pour voir de quelle manière les travailleurs seraient touchés par la vente de lignes ferroviaires de classe un à des exploitants régionaux de lignes courtes. Dans ce pays, la déréglementation a commencé avec l'adoption du Staggers Railway Act en 1980. De 1978 à 1987, les transporteurs ferroviaires de classe un aux États-Unis ont vendu plus de 11 p. 100 de leurs lignes ferroviaires à des exploitants régionaux et abandonné une autre tranche de 16 p. 100 de leurs lignes.

Aux États-Unis, il existe une loi pour protéger les intérêts économiques des travailleurs et défendre les conventions collectives au moment de la vente de chemins de fer. En 1984, cependant, l'Interstate Commerce Commission, qui contrôle ces ventes, a soustrait celle des lignes courtes à la législation sur l'emploi. Ainsi, la société qui se départit de certains actifs n'a plus à verser de compensation à ses employés en cas de perte d'emploi, et le nouvel exploitant n'a pas à offrir d'emploi aux employés dont les postes ont été éliminés.

Les exploitants des lignes régionales fonctionnent avec une main-d'oeuvre réduite. Selon certaines estimations, jusqu'à 70 p. 100 des employés au service d'un transporteur ferroviaire de classe un perdent leur emploi lors d'une vente d'actifs à un exploitant régional. Depuis 1980, les transporteurs de classe un ont réduit de 26 p. 100 le total de leurs voies ferrées, mais ont aboli un emploi sur deux.

Bien qu'on fasse grand cas des stratégies de marketing bien ciblées pour assurer la rentabilité des exploitants régionaux, l'objectif principal est de réduire les coûts en faisant appel à une main-d'oeuvre qui travaille à rabais. Les travailleurs «privilégiés» qui obtiennent un emploi chez un exploitant régional subissent une perte de salaire de 15 à 20 p. 100, une réduction des avantages sociaux et un abaissement des prestations du fonds de pension, et ils doivent faire des concessions importantes relativement à leurs tâches.

Le ministre des Transports a affirmé à plusieurs reprises que les travailleurs du secteur ferroviaire canadien ont des conventions collectives en or et qu'il est temps pour eux de faire des concessions. Il a même affirmé que le secteur ferroviaire du Canada devrait s'orienter vers la formule des exploitants régionaux en milieu non syndiqué. Il est de la responsabilité du ministre de défendre les intérêts des travailleurs canadiens, ce qu'il n'a pas fait; mais en plus ses déclarations sont tout simplement inexactes.

Après avoir examiné attentivement les conventions collectives des travailleurs du secteur ferroviaire, le commissaire H. Allan Hope est parvenu à la conclusion que ces conventions n'étaient pas supérieures à la norme en milieu industriel. Dans son rapport du 22 février 1995, le commissaire dit ce qui suit:

Nous demandons l'adoption de mesures législatives pour protéger les droits des travailleurs en cas de vente d'actifs du CN. Nos membres, qui ont travaillé pendant des années pour le CN et qui, contrairement à ce qu'affirme le ministre, ont accepté de faire des concessions sur le plan économique, méritent d'être traités avec respect.

Nous terminons notre mémoire avec des recommandations précises. Nous nous rendons bien compte que certains auront du mal à voir le rapport entre nos inquiétudes et les dispositions du projet de loi C-89. Actuellement, beaucoup d'enjeux intéressent le secteur des chemins de fer. On s'attend à de nouvelles lois. La Chambre des communes a adopté des mesures législatives il y a encore quelques mois.

Nous vous remercions de nous donner l'occasion d'exprimer notre point de vue même si les rapports peuvent sembler quelque peu indirects dans ce cas-ci.

.1625

Examinons maintenant ce que sera la situation de la majorité de nos membres, c'est-à-dire ceux qui resteront au service d'une Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada nouvellement privatisée. On a beaucoup parlé de l'occasion de participer à la privatisation du CN qui s'offre aux employés. Si cette participation signifie le rachat des emplois par l'inscription à des régimes d'actionnariat des employés, nous nous opposons à cette formule.

Voyez ce qui s'est passé avec les compagnies aériennes aux États-Unis, où les employés ont acheté des parts dans l'entreprise pour sauver leurs emplois. Les parts sont sans valeur, et les emplois ont été perdus de toute manière. Il est alarmant de voir à quel point les conditions salariales et de travail se sont détériorées pour tous les types d'emplois dans le secteur des transports aériens aux États-Unis. Après l'achat de parts dans leur entreprise, les employés ont dû accepter des diminutions de salaire et des pertes de bénéfices pour conserver leur investissement initial. D'autres transporteurs aériens ont exigé des concessions de la part de leurs employés.

Au Canada, nos membres à l'emploi des Lignes aériennes Canadien ont accepté de souscrire des parts selon la formule des retenues salariales. Malgré une perte de valeur des parts, l'employeur a exigé de ses employés une hausse des retenues salariales. Les actions des Lignes aériennes Canadien ne valent plus qu'environ la moitié de ce qu'elles valaient au moment de leur achat par les employés, et la compagnie demande à ses travailleurs de faire de nouvelles concessions.

Les régimes d'actionnariat qui s'adressent aux employés sont rarement, sinon jamais, avantageux pour les travailleurs. Ceux-ci se trouvent presque toujours à acheter des actions qui n'intéressent pas les investisseurs. Nous ne souscrivons pas non plus à l'idée qu'une participation au capital social ou qu'un siège au conseil d'administration procure aux travailleurs un droit de regard réel sur le fonctionnement de l'entreprise. En fait, notre syndicat a refusé de siéger au conseil d'administration des Lignes aériennes Canadien.

Nous ne voyons pas en quoi un régime d'actionnariat qui s'adresse aux employés peut aider financièrement le CN. Même si les employés acceptaient de réduire leur salaire de 10 p. 100 en retour d'actions, ce que n'approuve pas le syndicat, le CN ne réunirait pas 6 p. 100 de son financement par actions. Nous ne disons pas que cette offre a été faite : c'est simplement une illustration.

À notre avis, ces régimes d'actionnariat ne sont qu'un moyen de convaincre les travailleurs d'accorder des concessions. En cas de privatisation du CN, il ne faut pas demander aux employés d'accepter des concessions salariales en retour d'actions.

Jusqu'ici nous avons fait porter notre analyse sur les droits des travailleurs en cas de privatisation de l'entreprise. Mais nos membres entendent aussi que le Canada conserve un réseau ferroviaire rentable qui contribuera à l'atteinte des objectifs nationaux de développement socio-économique et de création d'emplois.

Cela soulève plusieurs questions qui ont une incidence sur le maintien d'une infrastructure ferroviaire nationale.

La plupart des communautés désireuses d'avoir un service par rail jugeront qu'une ligne régionale est préférable à l'abandon de tout service. Mais si l'on en juge par le pourcentage élevé des faillites des lignes régionales aux États-Unis, c'est une solution qui risque de ne pas dépasser le court terme.

Bon nombre des sociétés ferroviaires américaines ont été achetées par emprunt, elles doivent verser des paiements d'intérêt élevés et elles ont des problèmes de liquidités. Il est estimé qu'aux États-Unis entre 15 et 25 p. 100 des sociétés ferroviaires régionales cessent leurs opérations chaque année. Sur les 138 lignes régionales créées en 1986, 21 p. 100 n'ont pas tenu pendant une année. Étant donné la valeur élevée de l'équipement et des autres actifs, ce taux d'échec est impressionnant.

La sous-capitalisation crée aussi des problèmes de sécurité. Les lignes régionales ont souvent fait l'objet d'achats financés par emprunt, et l'équipement constitue le bien donné en garantie du prêt; le ratio d'endettement est fort et est à l'origine de paiements d'intérêt élevés. La marge de fonctionnement est réduite, et il se fait peu d'investissements dans la modernisation de l'équipement. L'exploitant est mal placé pour éponger le coût d'un accident majeur ou d'un désastre naturel.

Il faudrait que les nouveaux exploitants ferroviaires répondent non seulement aux normes de sécurité ferroviaire, mais aussi à des normes de rentabilité. On devrait fournir des garanties à la communauté que le service ferroviaire qui lui est destiné sera maintenu et que les travailleurs ne perdront pas leur emploi. La communauté doit aussi avoir des garanties selon lesquelles la ligne régionale ne rognera pas sur la sécurité afin de réduire ses coûts.

Nous allons maintenant aborder la question de la sécurité.

Au Canada, la plupart des lignes régionales sont sous juridiction provinciale, de sorte que la Loi sur la sécurité ferroviaire ne s'applique pas. Au mieux, les gouvernements provinciaux ont une législation dépassée en matière de sécurité ferroviaire et ne sont pas prêts à contrôler l'exploitation des services ferroviaires. La situation est compliquée du fait que les exploitants des lignes régionales se targuent d'avoir des employés polyvalents qui peuvent réparer des voies ferrées aussi bien que remplir des commandes. Les conséquences que cette mentalité peut avoir sur le plan de la sécurité font frémir.

Que les lignes soient vendues ou non, le réseau ferroviaire de classe un que nous possédons devrait avoir le statut d'entreprise exploitée à l'avantage du Canada et demeurer sous juridiction fédérale. La législation relative à la sécurité et aux inspections, dans le cas des lignes régionales, devrait rester sous juridiction fédérale.

Je voudrais signaler que nous aurons des observations à faire à propos du libellé de l'article 16. Nous ne sommes pas avocats, pas plus que les représentants de Transport 2000 Canada ici présents. Toutefois, en tout état de cause, il faudrait que le libellé de cet article soit clair afin qu'on puisse éviter des années de poursuites, comme c'est le cas actuellement. Mais j'expliquerai cela un peu plus tard.

Nous n'en faisons pas une recommandation spécifique, mais nous aimerions mentionner que le rapport du Groupe de travail Nault de janvier 1995 était en faveur du maintien sous juridiction fédérale des lignes régionales et des lignes courtes. Je m'abstiendrai de lire la citation du rapport du Groupe de travail Nault. Je poursuis.

.1630

Le gouvernement n'a pas fixé de limite à la participation d'intérêts étrangers. Nous craignons qu'une fois privatisé le CN n'agisse pas dans l'intérêt des communautés canadiennes. Une société contrôlée par des investisseurs étrangers serait encore moins portée à faire place aux intérêts des Canadiens.

Un plafond de 25 p. 100 a été imposé dans le cas des transporteurs aériens. Nous ne voyons donc pas pourquoi le transport ferroviaire, qui a probablement plus d'importance sur le plan du développement économique que les transporteurs aériens, est ainsi exposé à une prise de contrôle étrangère.

Les ministres des provinces ont eu des rencontres pour déterminer les conditions de la création d'un réseau ferroviaire central pour l'ensemble du pays. Avec la privatisation du CN qui devient imminente, c'est peut-être le moment ou jamais de créer ce réseau central pour les transporteurs de classe un. Cette question peut échapper à la portée du projet de loi C-89, mais elle n'y est pas étrangère.

Il y a des possibilités que le réseau ferroviaire de classe un subisse le même sort que celui des entreprises ferroviaires américaines qui ont vendu ou abandonné, déréglementation oblige, plus de 26 p. 100 de leurs lignes. Nous craignons les effets d'une possible fragmentation de l'infrastructure ferroviaire si des mesures de protection ne sont pas adoptées.

Il n'y a pas que le transport des marchandises qui est en jeu; il y a également le transport des passagers. VIA Rail loue différentes lignes du CN pour le transport de ses passagers. Le gouvernement doit faire preuve de responsabilité et mettre en place des mesures pour faire en sorte que les lignes ferroviaires essentielles au transport des personnes et des passagers restent en service. L'infrastructure ferroviaire est trop importante pour ne dépendre que des forces du marché.

Dans son rapport, le Groupe de travail Nault recommande que le ministre des Transports nomme une équipe de gestion pour contribuer au processus de la commercialisation du CN. Notre syndicat appuie cette recommandation et pense que les personnes désignées devraient provenir de l'extérieur du CN et avoir une bonne expérience des questions commerciales dans le domaine du transport ferroviaire; enfin, elles devraient avoir un bon dossier en matière de relations de travail.

Le gouvernement devrait ordonner au CN de faire en sorte que les droits des travailleurs soient protégés au moment de la privatisation. Ceux-ci risquent de perdre leur emploi sous le jeu d'une rationalisation et à mesure que des secteurs d'opération seront vendus. Lorsque certains éléments du CN seront vendus à des exploitants de lignes courtes, la vente devrait s'accompagner de conditions précises.

Premièrement, que les syndicats conservent leur droit de négocier une convention collective avec le nouvel employeur.

Deuxièmement, que les employés du CN obtiennent la priorité d'embauche auprès du nouvel employeur.

Troisièmement, que des mesures soient prises en vue de protéger le droit des employés à leur pension dans l'actuel plan de pension du CN.

Quatrièmement, que le gouvernement, l'employeur et les syndicats élaborent conjointement des régimes d'indemnité de départ, des programmes de rééducation professionnelle ainsi que des programmes de réinstallation des travailleurs déplacés par la rationalisation ou la vente de secteurs d'opération.

Les TCA-Canada veulent que le CN continue d'offrir un service rentable et sécuritaire qui participe au développement économique du Canada et qui crée de l'emploi pour les Canadiens. Nous formulons les recommandations suivantes en vue du maintien d'une infrastructure ferroviaire rentable et sécuritaire.

Cinquièmement, que les nouvelles lignes courtes restent sous juridiction fédérale pour que soient maintenues en vigueur les procédures d'inspection et la loi relative à la sécurité ferroviaire.

Sixièmement, que les exploitants de lignes courtes répondent à des critères économiques ainsi qu'à des critères de sécurité avant qu'on envisage de leur vendre des lignes du CN.

Septièmement, que le gouvernement fédéral limite la participation d'intérêts étrangers au CN à 25 p. 100 des parts.

Huitièmement, que le gouvernement fédéral voie à créer un réseau central de lignes ferroviaires afin d'assurer l'existence d'une infrastructure pour le transport d'un océan à l'autre des passagers et des marchandises.

Neuvièmement, que le ministre des Transports mette en place une équipe de gestion de transition qui provient de l'extérieur du CN pour superviser la privatisation de cette entreprise.

Merci.

Le président: Merci beaucoup pour votre exposé, monsieur Rosner. Nous passons maintenant aux questions.

[Français]

M. Guimond: Je salue les représentants du Syndicat national des travailleur(euse)s de l'automobile du Canada. Étant donné que mon parti est le seul à la Chambre des communes... Je ne voudrais pas insulter mon collègue du NPD, mais durant la dernière grève du rail au Canada, le Bloc Québécois a été le seul parti à défendre le droit de grève. On a siégé une fin de semaine là-dessus et nous sommes très fiers d'être le seul parti qui représente les intérêts des travailleurs au Canada.

Je trouve votre mémoire intéressant. Vous considérez le CN comme un instrument de développement économique, exactement comme un aéroport ou un port de mer. Donc, il doit être considéré comme tel; on ne doit pas regarder si l'exploitation est rentable ou pas. De toute façon, ce qui s'en vient pour les prochaines années, ce sont quand même des opérations rentables pour le CN. M. Tellier nous a dit ici que cela représentait des profits de l'ordre de 240 millions de dollars. Peut-être que nous avons passé une période creuse, mais l'avenir est prometteur pour le CN.

.1635

M. Rosner: Le proche avenir.

M. Guimond: Oui. Lorsque vous mentionnez certaines remarques, vous dites the minister of Transport has made several statements to the effect that Canadian rail workers have excessively rich agreements, je suis persuadé que vous pensez à la déclaration du ministre Young au WESTAC, à Winnipeg, le 5 octobre, alors qu'il avait dit railway workers with grade 8 or 9 education cannot be blamed for negotiating excessive labour contracts? Probablement pensez-vous à ce genre de choses-là?

M. Rosner: Pas nécessairement, c'était peut-être la moindre des déclarations qu'il a faites.

M. Guimond: La moindre?

M Rosner: Oui, parce que c'était une déclaration où il a trouvé quelque chose dont il ne pourrait pas blâmer les travailleurs. Il ne nous a pas blâmés, dans ce cas-là. Nous ne sommes pas ici pour discuter les déclarations ni les points de vue du ministre concernant les conventions collectives des travailleurs. C'est un dossier. Nous sommes non seulement très bien préparés, nous avons fait notre travail pour nous défendre dans ce dossier, nous avons bien apprécié aussi la contribution de tous ceux, peu importe leur parti pris, qui ont appuyé les droits des travailleurs en général. On a bien apprécié cela. Oui, c'est à ce genre de déclaration qu'on fait référence. On voulait juste préciser en disant cela qu'on a des préoccupations. Quand un ministre partage un certain point de vue qui n'est pas celui du patronat des chemins de fer au complet, mais d'une partie, il prend la partie extrême; cela nous cause des inquiétudes quand c'est le même ministre qui est responsable de la privatisation du CN. On veut faire en sorte que le CN, peu importe qu'il soit privatisé ou non, mais il va être privatisé... On est d'accord sur le fait que ça aille de l'avant parce que c'est clair qu'on ne peut pas l'empêcher. On voulait juste faire référence à certaines préoccupations, certains avertissements et aussi répéter les raisons pour lesquelles, historiquement, on s'est opposé jusqu'à maintenant à la privatisation du CN. Mais, vu la situation, on est réaliste. On veut que les droits des travailleurs, des communautés et du public en général soient protégés.

M. Guimond: Autrement dit, vous êtes contre la privatisation, mais vous savez que le gouvernement va aller de l'avant.

M. Rosner: Contre, dans le sens que si on pouvait trouver une manière de ne pas le privatiser et en même temps de ne pas faire en sorte que ce soit un financial basket case, on préconiserait beaucoup plus fortement qu'il faut battre le projet de loi C-89, etc. Ce n'est pas ce qu'on dit ici. On est réaliste. La privatisation va aller de l'avant. On veut que ce soit fait sur une base commerciale logique et intelligente et pas de manière que non seulement les travailleurs mais la compagnie elle-même vont souffrir. Il faut que ce soit fait sur une base intelligente au point de vue commercial et qu'il y ait des protections pour les travailleurs. C'est pour cela, entre autres, qu'on a fait référence, sans le mentionner spécifiquement, à l'article 16 du projet de loi, qui nous intéresse beaucoup.

M. Guimond: Lorsque vous parlez de la gestion en période de transition, vous nous dites que l'équipe de transition devra avoir une bonne expérience des questions commerciales dans le domaine du transport, devra avoir un bon dossier en relations de travail et, en plus, vous dites qu'elle ne devra pas venir de l'extérieur du CN. Donc, je pense que c'est clair que vous ne voyez pas quelqu'un comme M. Tellier, avec son prêt sans intérêt de 345 000$, qui s'engraissait alors qu'il disait aux travailleurs de se serrer la ceinture, ou quelqu'un de la gestion interne pour faire partie de cette équipe de transition.

.1640

M. Rosner: Mais, je n'ai pas analysé pour voir si M. Tellier satisfaisait ou non à ces critères.

M. Guimond: Est-ce que ça ne devrait pas venir de l'extérieur du CN?

M. Rosner: Mais M. Tellier vient de l'extérieur du CN.

M. Guimond: Pardon?

M. Rosner: Cela ne fait que trois ans qu'il est là.

M. Guimond: Je ne pense pas.

M. Rosner: Je n'ai rien contre le fait qu'il vient d'Ottawa et du secteur public, ça ne me dérange pas.

Ce qu'on voulait dire par cela, c'était juste un avertissement général qu'en préparant la privatisation au niveau de la gestion, une fois qu'on décide d'aller de l'avant, on élimine et on évite le plus possible la politique qui est là nécessairement dans une corporation de la Couronne. Une fois qu'on a décidé de faire cela, qu'on le fasse sur une base professionnelle et si ça veut dire remplacer, on ne préconise pas non plus remplacer d'un coup la gestion du CN par quelqu'un d'autre; si ça prend un conseil pour aider, pour conseiller ou pour faire partie de ce processus, on n'est pas sûr... On voulait juste dire qu'on partage le point de vue très général là-dessus qui a été énoncé par le groupe de travail de M. Nault.

M. Guimond: Est-ce que j'ai le temps?

[Traduction]

Le président: Bien sûr, allez-y.

[Français]

M. Guimond: Quelle protection devrait-on donner? Je reviens à votre recommandation numéro 3, «Que des mesures soient prises en vue de protéger le droit des employés à leur pension dans l'actuel plan de pension du CN», est-ce que vous auriez des mesures à nous suggérer et est-ce que ça devrait faire partie du projet de loi C-89?

M. Rosner: Pas nécessairement. Les inquiétudes concernant la pension, ce n'est pas directement relié à la privatisation du CN en soi, mais à la séparation de certains éléments du CN.

Je ne sais pas si cela devrait faire partie de cette loi. C'est une des préoccupations que nous avons soulevée, c'est une préoccupation brûlante, par exemple, dans le cas de AMF, qui est une entreprise à Montréal comptant 1 200 employés. Ça dépend de ce qui reste comme partie intégrante du CN privatisé et de ce qui ne restera pas.

En ce qui a trait aux parties qui vont être séparées, ou avant ou après, il y a une préoccupation vive concernant le régime de pension, parce qu'on risque de perdre ses droits. On vient juste d'aller en arbitrage: on attend le jugement de la Commission, de M. le juge Adams, on ne sait pas quels bénéfices il va couper, lesquels vont rester en place, mais un des bénéfices les plus importants, incontestablement, pour tous les employés des chemins de fer, c'est l'adhésion au fonds de pension du CN et je ne peux pas vous dire si ça devrait faire partie de ce projet de loi.

M. Guimond: Quelle est la position de votre syndicat relativement au siège social maintenu dans la Communauté urbaine de Montréal et à l'application de la Loi sur les langues officielles?

M. Rosner: On est d'accord sur les deux.

M. Guimond: En ce qui a trait à la recommandation 5, à la page 8 de votre mémoire, vous dites que les short lines devraient demeurer de juridiction fédérale; vous vous rendez compte que c'est vraiment à l'opposé de ce qu'il y a à l'heure actuelle? Parce que des short lines, il y en a en Nouvelle-Écosse, il y en a au Québec, il y en a en Alberta et ils tombent par le fait que ce n'est pas relié au commerce interprovincial, en vertu de la loi constitutionnelle de 1867, sous la juridiction provinciale.

Vous voudriez maintenant que les nouveaux short lines tombent sous la juridiction fédérale? Est-ce que c'est cela le sens de: Newly formed short lines should remain under federal jurisdiction?

M. Rosner: Oui.

M. Guimond: C'est ce que vous demandez?

M. Rosner: On demande que les paragraphes 16(1) et 16(2) du projet de loi soient clairs. Je ne suis pas avocat, je lis cela, c'est à peu près la même chose en anglais et en français: «Sont déclarés être à l'avantage général du Canada, les ouvrages de chemins de fer ou autres ouvrages de transports». Quels sont les ouvrages de chemins de fer et les autres ouvrages de transports?

Peu importe s'ils sont interprovinciaux ou non, d'après ce que je sais, on pourrait me corriger, le Parlement du Canada a le droit, peu importe si c'est un chemin de fer interprovincial ou non, de déclarer qu'un ouvrage quelconque est à l'avantage général du Canada.

M. Guimond: Dès que c'est interprovincial, la question ne se pose pas.

M. Rosner: Oui.

M. Guimond: Mais la question, c'est : Quand est-ce que c'est intraprovincial?

M. Rosner: Exactement.

.1645

M. Guimond: Dès que c'est interprovincial, la question ne se pose pas. La question se pose lorsque c'est intraprovincial. C'est pour cette raison que mon parti va déposer un amendement pour clarifier cet article 16, pour s'assurer que les short lines, qui opèrent seulement à l'intérieur de la province, soient de juridiction provinciale. On va complètement à l'opposé. Votre recommandation va dans le sens inverse. Il n'y a pas de problème, on a le droit de différer d'opinion.

M. Rosner: C'est la vie sociale et civilisée. On est tout à fait en désaccord sur votre amendement. Là-dessus, il faut que je précise quelque chose. L'article 16 ne parle pas seulement des short lines. Notre mauvaise expérience n'est pas avec les short lines, quand on parle des employés qui sont représentés par les TCA, mais avec AMF, qui n'est pas un short line, mais un atelier.

Il y a un autre atelier à Winnipeg, qui s'appelle Transcona Shops, qui est dans la circonscription de mon collègue, M. Blaikie. Depuis un an et demie qu'on paie des centaines de milliers de dollars aux avocats. Ce n'est pas la pire affaire, mais il y a des employés qui restent dans l'ombre, dans la zone grise. Ils ne savent pas. Est-ce qu'ils sont de juridiction provinciale ou fédérale? Est-ce qu'ils ont encore des droits de négociation?

Le mois passé, après un an et demi de contestations, on a commencé à régler certaines affaires. La Cour supérieure du Québec a décidé que cet atelier-là était provincial. Peut-être que ce l'est, peut-être que ce ne l'est pas. Il n'y avait pas un juge ni personne qui se préoccupait des droits des employés qui étaient là. D'un coup, ils ont perdu tous leurs droits: leur syndicat, leurs droits de négociation, leur appartenance au CN, sans que personne n'ait été avisé ou consulté. On ne savait pas. Ce fut fait à huis clos, il y a un an et demi, et ce n'est pas encore fini. On ne veut pas voir une telle situation se répéter. En ne clarifiant pas cet article ou l'article équivalent qui est dans la loi sur les chemins de fer, où est la déclaration «à l'avantage du Canada» concernant le CN?

On veut que ce soit clair, qu'un ouvrage de transport inclue AMF ou les futurs AMF et Transcona Shops. Quand on regarde le paragraphe 16(2), il y a des exceptions claires qui y figurent. L'exception à l'effet que le paragraphe (1) ne s'applique pas à l'achat, à la vente, à la location ou à la mise en service des véhicules à moteur... on exclut les véhicules à moteur! Est-ce qu'on exclut les locomotives, les diesels, les wagons de fret qui font partie intégrante de n'importe quel chemin de fer au monde? On trouve à l'AMF la réparation, l'entretien et la «remanufacturation». C'est la même chose en ce qui a trait à Transcona Shops. C'est ce qu'ils font là. Mon collègue, M. Wray, est responsable de Transcona Shops. Il y travaille. Il y a 1 200 travailleurs qui travaillent là.

Si on est en voie d'adopter cette loi, il faut que ce soit clair. Je comprends vos préoccupations et vos intentions concernant les short lines. On peut avoir une différence de point de vue, mais on ne peut pas avoir une différence de point de vue, d'après moi, quand on parle d'un atelier qui fait la réparation des locomotives et des wagons qui sont utilisés partout au Canada par tous les chemins de fer : CN, CP et VIA Rail.

M. Guimond: Je ne parlais pas des ateliers de locomotives. Je parle des

[Traduction]

nouvelles lignes courtes. Vous dites «que les nouvelles lignes courtes restent sous juridiction fédérale».

[Français]

M. Rosner: Ce que je veux dire par là, c'est qu'il faut prendre les mots short lines, dans notre mémoire, dans un sens plus large. Cela veut dire chaque partie de l'opération ferroviaire qui va être séparée ou qui est séparée.

[Traduction]

M. Guimond: «Lignes courtes» comprend les ateliers?

M. Resner: Oui.

M. Gouk: Messieurs, tout d'abord j'aimerais faire quelques remarques sur votre exposé liminaire concernant la lettre écrite par l'ancien chef de l'opposition. Cela doit être frustrant lorsqu'ils disent une chose avant les élections et autre chose après. Au Parti réformiste, nous n'avons peut-être pas dit ce que vous vouliez entendre, mais au moins vous connaissiez notre position.

.1650

Deuxièmement, parlons des lignes courtes: vous posez la question de savoir si elles doivent relever de l'État fédéral ou de la province. Une région où il y aura beaucoup d'abandons de lignes, ce qui théoriquement devra conduire à la constitution de réseaux de lignes courtes, c'est précisément l'Ontario. L'Ontario a une loi sur le maintien des droits syndicaux.

Si les nouvelles compagnies relevaient de la compétence fédérale plutôt que provinciale, la loi ontarienne concernant les obligations du successeur ne s'appliquerait pas. La loi fédérale vous offrirait-elle alors des protections semblables?

M. Rosner: Vous avez raison, la loi ontarienne ne serait pas appliquée, puisqu'il y aurait alors conflit de compétence. On appliquerait alors l'article 44 du Code canadien du travail, c'est-à-dire les obligations du successeur comme définies par le code fédéral.

M. Gouk: La clause d'extinction jouerait alors automatiquement, c'est-à-dire cette même clause dont vous fait bénéficier la réglementation provinciale à l'heure actuelle.

M. Rosner: Ce serait effectivement prévu dans la réglementation provinciale, comme ce l'est en ce moment en Ontario ou en Colombie-Britannique. Je ne me souviens pas si c'est la même chose pour la Saskatchewan. Je crois que oui. En tout cas nous pourrions bénéficier du maintien des droits syndicaux.

Ce débat recouvre en réalité deux questions. D'une part le réseau ferroviaire - à la construction duquel tous les Canadiens ont participé, avec l'aide de l'État, et aussi dans le cas du CN sous la direction de celui-ci, et cela reste également vrai pour ce qui s'est passé pour le CP dans le temps - doit profiter à tout le Canada. Le développement régional n'est pas simplement une question simplement régionale; il s'agit là encore de l'intérêt de l'ensemble du Canada.

Ensuite, nous avons un intérêt particulier à ce que les obligations du successeur soient respectées. Le syndicat y tient, non pas parce que nous avons peur de perdre des cotisations syndicales d'employés qui changeraient d'employeur, ou parce que nous craindrions de ne pas pouvoir les réinscrire sur nos listes après la vente d'une ligne courte qui leur aurait fait perdre leur carte de syndiqué, si la législation sur le maintien des droits syndicaux ne s'appliquait pas. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit.

Laissez-moi vous expliquer ce qui nous gêne. Il y a 11 juridictions au Canada - la fédérale et les 10 provinciales - et chacune d'entre elles, que je sache, corrigez-moi si je me trompe, dispose d'une loi sur le maintien des droits syndicaux pour toutes les transactions relevant de la juridiction concernée. Cela se comprend. Tout le monde reconnaît que les droits des ouvriers et employés à négocier collectivement et à conserver les bénéfices de la négociation ne doivent pas être simplement oubliés sous prétexte qu'une transaction commerciale se traduit par un changement de propriétaire.

Mais il y a un vide juridique, lequel doit concerner en gros moins de un pour cent des transactions qui ont lieu au Canada. Il s'agit des situations comme celles qui nous intéressent dans le cas de AMF et dans celui des lignes courtes, où un secteur relevant de la réglementation fédérale tombe subitement sous le coup de la loi provinciale du fait d'un démantèlement.

Onze juridictions ont donc déjà pris position sur ce point de droit, mais sept d'entre elles, pour diverses raisons, n'ont pas adopté de loi, et ne le feront peut-être jamais, pour assurer ce passage du fédéral au provincial. Voilà pourquoi nous demandons que le Parlement prenne des dispositions, surtout lorsqu'il est question du CN.

Si vous privatisez le CN, faites-le, mais faites-le bien. C'est-à-dire d'une façon qui n'empêche pas le CN d'être rentable, et qui ne transforme pas les obligations du CN en obligations de pacotille, ce qui va contre l'intérêt général. En même temps, et en ce qui concerne le CN en particulier, qui est notre propriété à tous, à moins que la Chambre des communes n'en dispose autrement, assurez-vous que les travailleurs obtiennent non pas des droits spéciaux, mais l'assurance qu'ils conserveront les droits pour lesquels ils se sont battus.

Et s'il faut négocier avec un nouveau propriétaire de ligne courte, les employés le feront, comme ils l'ont fait par le passé.

M. Gouk: Vous nous dites donc que la juridiction fédérale reconnaît les obligations du successeur.

M. Rosner: Oui, et cela en vertu du Code canadien du travail.

M. Gouk: Comment se fait-il alors que dans votre recommandation numéro un vous demandiez le maintien des droits syndicaux, alors que d'après ce que vous nous dites maintenant ce maintien est déjà garanti par la loi?

M. Rosner: Non. Ils ne le sont pas véritablement. Si vous vendez une ligne courte au Québec à une compagnie privée...

M. Gouk: Je parle de la vente des lignes du CN.

M. Rosner: Je ne parle pas en ce moment du CN.

M. Gouk: C'est ce dont je parlais, moi.

M. Rosner: Alors, oui, absolument.

La recommandation numéro un ne concerne pas la vente du CN comme entité faisant un tout. D'après la Constitution canadienne, le CN est une compagnie fédérale. La privatisation n'y changera rien. C'est simplement un changement de propriétaire.

Je reviens maintenant à ce que j'ai dit au départ, puisque cela s'applique ici. Nous avons un certain nombre de craintes, et nous essayons de mettre les différents aspects du problème en rapport les uns avec les autres, même si cela ne s'applique pas globalement à chacune des situations. Nous ne vous demandons pas de recommander des modifications au projet de loi C-89 qui garantissent, dans le cas de la privatisation du CN, le maintien des droits syndicaux; celui-ci est déjà garanti.

.1655

C'est ce démantèlement du CN qui nous inquiète, du fait de la disparition du maintien des droits syndicaux. Certes, les employés continuent à avoir le droit de se syndiquer, mais ils doivent recommencer à zéro, et perdre tout ce qu'ils ont pu obtenir au cours des négociations passées.

Il y a deux façons de sortir de cette difficulté. L'une serait que les provinces adoptent une loi concernant cette transition. Deux ou trois d'entre elles l'ont fait, à l'exclusion des autres. L'autre façon de procéder serait de déclarer ces lignes et éléments d'exploitation, qui concernent le transport, à l'avantage général du Canada, au sens qui est donné à cette expression à l'article 16. Nous recommandons cette solution.

M. Gouk: Voilà qui précise les choses pour moi. Merci.

M. Fontana (London-Est): Merci pour votre mémoire, mais j'ai moi aussi quelques problèmes en ce qui concerne vos recommandations, du fait qu'elles ne traitent pas du tout de la vente du CN. C'est-à-dire que ce sont des recommandations qui sont conditionnelles, qui dépendent d'un événement, tel que la création de réseaux de lignes courtes, qui dans la plupart des cas relèvent de la province.

Si donc la province de l'Ontario décide - comme elle l'a fait d'ailleurs - de disposer d'une loi sur les droits ou obligations du sucessseur, le gouvernement a ensuite toute latitude pour protéger les employés. Je suis heureux que vous reconnaissiez également ce que vous offre le projet de loi à ce sujet; c'est tout ce dont nous parlons maintenant...

Votre exposé explique également quel type de réseau ferroviaire, de règles de sécurité et de règlements de façon générale vous souhaitez. Tout cela, bien sûr, fera l'objet de discussions au moment où les amendements sur la LTN nous seront proposés, ce qui ne saurait tarder.

Il me semble que les employés du CN, maintenant et au sein d'un nouveau CN privatisé, continueront à être protégés par les conventions collectives qui ont été négociées par le passé. Elles resteront en vigueur, et le CN continuera à relever de la loi fédérale, comme vous l'avez déjà dit.

Je pense que tout cela est clair, que rien n'est assujetti à des conditions, et que ces droits ne sont pas compromis. Le projet de loi protège en fait les travailleurs.

M. Rosner: Absolument. Et pour ce qui est des conventions collectives, elles sont là et restent en vigueur. Cette loi ne les remet pas du tout en question. Vous avez tout à fait raison.

Mais sauf votre respect, je pense que nous n'aviez qu'en partie raison lorsque vous avez dit qu'il dépend de l'Alberta d'adopter ou non une loi à cet effet. Je crois que le Canada a un rôle à jouer. À moins que je ne me trompe complètement, je crois que vous pourriez résoudre ce problème en un tour de main en mettant les choses au point à l'article 16 du projet de loi, quoi que décide l'Assemblée législative de l'Alberta.

M. Fontana: Oui, mais nous sommes également tenus par la Constitution, et nous respectons les prérogatives provinciales. Par ailleurs, l'article 16 répond exactement à ce dont vous nous parlez ici.

Vous dites que le CN doit en même temps servir de vecteur d'une politique publique. C'est tout le problème. Beaucoup de gens ont vu dans le CN une entreprise ferroviaire permettant en même temps d'affirmer une certaine politique. C'est d'abord un chemin de fer, et notre gouvernement est fermement décidé à ce qu'il le reste. Ces questions de politique publique dont vous parlez sont très importantes, mais ne doivent pas être confiées à une compagnie ferroviaire; c'est au Parlement du Canada, etc., de régler cela. Voilà pourquoi cette privatisation du CN est quelque chose de très important.

Votre syndicat représente également le Canadien Pacifique, n'est-ce pas? C'est une société privée. Vous avez là aussi une convention collective. Et on est là dans le domaine des compétences fédérales. Où sont les différences?

M. Rosner: Il y a quelques différences, mais siffisamment mineures pour que nous n'ayons pas à en parler ici.

Vous avez raison: c'est au gouvernement et au Parlement de décider des politiques de transport canadiennes. Et vous avez également raison: malheureusement, le gouvernement s'est désintéressé de ce rôle pendant de nombreuses années, du moins dans le domaine des transports, où, disons, il est resté extrêmement passif.

Vous avez encore raison: que le CN soit vendu maintenant ou non - et nous souhaitons que cette vente se fasse bien si elle doit avoir lieu - le CN a depuis 17 ans maintenant une mission commerciale. Il n'a pas été un véhicule des politiques publiques depuis longtemps.

Nous voulons simplement nous assurer qu'il n'y ait aucun gâchis, pour que le gouvernement, lorsqu'il fixera une politique nationale pour toutes ces questions - ce que nous aplaudirons, dans la mesure où il s'agira d'une politique raisonnable, respectueuse des intérêts des Canadiens - ait toujours un réseau ferroviaire à policer, si c'est le verbe qui vient de «politique». C'est à cela que nous pensons surtout en ce moment.

.1700

Vous avez raison. Moi je suis employé du CP. C'est de là que je viens. Il n'y a pas véritablement de contradiction entre nos conventions collectives respectives, ni ailleurs.

Ce chemin de fer appartient aux Canadiens. S'il est privatisé, cela doit se faire d'une façon qui respecte ce que les Canadiens y ont apporté, et l'on doit veiller à ce qu'il ne s'agisse pas simplement d'une liquidation, assortie d'un véritable gâchis.

M. Fontana: Vous avez tout à fait raison. D'ailleurs, c'est ce que prévoit ce projet de loi.

L'un de vos collègues, M. Nault, qui se trouve être également un de nos députés, bien sûr - vous avez parlé de son groupe de travail - a posé des questions à M. Tellier sur l'importante question des pensions, que vous avez également abordée. Je suis sûr qu'il en sera à nouveau question plus tard; il faut veiller à ce que les pensions des employés soient protégées.

M. Tellier a dit qu'il ne faisait aucun doute que les pensions des membres de votre syndicat étaient préservées. À ce sujet rien ne changera. Vous savez également certainement que ce n'est pas ici qu'il faudrait changer quoi que ce soit, car vous et vos pensions êtes protégés par une autre loi, la Loi sur les normes des prestations de pension.

Ne pensez-vous pas que ce soit une protection suffisante? De quoi voulez-vous parler exactement?

M. Rosner: En fait, c'est également ce que M. Tellier nous a dit ce matin. Nous savons qu'il y a une protection de par la loi. Mais comme je vous l'ai déjà dit, certains des passages de notre document doivent être compris par rapport à d'autres éléments du dossier. C'est ainsi que vous devez les comprendre, si vous voulez, et c'est ainsi que nous les avons rédigés.

En ce qui concerne le régime de pension du CN, nous nous inquiétons de l'avenir de certaines personnes qui ont cotisé pendant toute leur vie, soit 10, 15, 20, 30 ou 35 ans, et qui risquent de se retrouver un beau matin sans pension du CN.

M. Fontana: Cela nous inquiéterait également beaucoup.

M. Rosner: Je reconnais qu'effectivement ce n'est pas au projet de loi C-89 de régler cette question.

M. Fontana: Voilà pourquoi M. Nault a posé la question à M. Tellier, le PDG du CN, à savoir: que deviennent les pensions sous le régime actuel de la compagnie, et peut-être ensuite sous le régime d'une nouvelle compagnie? Nous voulions que cela soit dit officiellement.

Mais nous sommes d'accord avec vous, la question reste encore en suspens. En ce qui nous concerne, nous n'avons pas d'inquiétude particulière; nous sommes convaincus que ces pensions sont protégées par d'autres lois.

M. Rosner: Si ce n'est que nous avons 1 200 adhérents qui travaillent maintenant pour AMF. Ils ont travaillé pour le CN toute leur vie. En fait, une décision du Conseil canadien des relations du travail du mois dernier précise qu'ils sont encore des employés du CN, alors que d'ici un mois ou deux ils pourraient fort bien ne plus avoir aucun droit à une pension du CN.

Leurs seuls droits seraient ceux des employés dont la société a été vendue à leur corps défendant, alors qu'en réalité on ne peut pas véritablement parler de vente. Tout cela fait encore partie du CN, à 100 p. 100, mais nous ne savons pas si les employés vont être encore adhérents du régime de pension du CN.

Nous pensons que l'article 16, avec une bonne formulation, pourrait nous tirer d'affaire, si le Parlement en a la volonté.

M. Fontana: Je ne veux pas me mêler au travail de la justice, mais dire que AMF et le CN sont dans des situations semblables n'est pas juste. C'est complètement différent. N'entrons pas dans cette discussion à ce moment-ci, puisque cette question doit faire l'objet d'une décision de justice.

J'ai encore deux ou trois questions à vous poser, et vos réponses sont d'une importance cruciale. Vous avez une vision très négative de votre expérience d'employé qui participe au capital-actions de la société; c'est peut-être dû à des déboires passés, ou c'est peut-être simplement une question de principe.

Ne pensez-vous pas qu'il y a une façon positive de considérer cette possibilité que peuvent avoir les employés de participer au capital-actions de la société où ils travaillent? Ne pensez-vous pas que c'est une véritable collaboration et association? Au contraire de ce que vous semblez penser, n'y aurait-il pas des aspects positifs à cela?

M. Rosner: Je ne peux vous donner que mon avis personnel. Ce n'est pas une opposition de principe dans mon cas. En ce qui concerne les TCA, nous avons déjà vu des offres de participation, où l'intention réelle était en fait inavouée, et qui se soldaient négativement pour les employés.

Mais si un membre du syndicat venait me voir en pensant que je connais le monde de la bourse, ce qui n'est pas du tout le cas, en me disant qu'il a un petit peu d'argent de côté à placer sur le marché, je lui conseillerais d'aller voir quelqu'un de compétent, un courtier par exemple, pour essayer de voir où il pourrait trouver les meilleurs dividendes.

.1705

Pourquoi souhaiteraient-ils investir dans l'entreprise de leur propre employeur? Tout simplement parce qu'ils y travaillent? J'ai du mal à trouver l'intérêt qu'il y aurait à être rémunéré par sa propre entreprise et à y investir tout en y travaillant.

M. Fontana: Dans certains cas les travailleurs ont racheté la totalité de l'entreprise et, manifestement, cela s'est révélé être une expérience très positive. Je suis sûr que les TCA ont des milliards de dollars dans leur caisse de retraite et que vous investissez dans l'immobilier et dans bien d'autres secteurs. Vous devriez peut-être commencer à investir dans vos propres membres. Pourquoi ne pas acquérir une partie du CN, siéger au conseil d'administration et participer à l'édification d'un grand chemin de fer?

M. Rosner: Pensez-vous que le CN serait prêt à nous céder des actions à un prix intéressant?

M. Fontana: Je vous ai posé une question sur le principe: songez-vous à prendre des intérêts dans le capital social du CN?

Mme Jo-Ann Hannah (représentante nationale, Pensions et avantages, Travailleurs de l'automobile du Canada): Nous investissons notre fonds de grève dans nos bureaux syndicaux locaux et dans notre centre de formation de Port Elgin, où se trouve en fait une bonne partie de ce fonds.

M. Fontana: Tous vos milliards investis ainsi?

Mme Hannah: Nous n'avons pas des milliards et nous n'avons pas le contrôle de la caisse de retraite de nos membres.

M. Fontana: Je parle de l'ensemble des TAC.

Mme Hannah: Nous n'avons pas des milliards.

M. Fontana: D'accord.

Quant à la question de la propriété étrangère qui vous inquiète, je vous rappellerai l'exemple du CP. Il s'agit d'une compagnie privée qui ne détient pas d'intérêts étrangers et quand on jette un coup d'oeil sur la répartition des actions, on constate qu'elles ne sont pas contrôlées par des étrangers. Le capital-actions est donc largement réparti.

Vous semblez vous inquiéter qu'on n'ait pas fixé de limite pour les participations étrangères. Pourquoi cela vous inquiète-t-il tant?

M. Rosner: Je ne me souviens pas d'avoir dit cela.

Nous avons dit qu'il faudrait limiter la propriété étrangère. Nous pensons qu'il serait tout à fait normal et raisonnable que le Canadien National, en l'absence du contrôle du gouvernement, soit au moins contrôlé par des Canadiens. C'est tout ce que nous avions à dire la-dessus.

Vous avez raison, quand on y regarde de près, on constate que les actions du CP sont détenues par des Canadiens. Si on a pu réaliser cela sans imposer de restrictions sur la propriété étrangère, à la bonne heure.

Ce qui nous semble avoir plus d'importance, c'est que les rédacteurs de cette loi n'ont pas jugé bon d'imposer une limite à la propriété étrangère. C'est assez singulier. On ne nous a pas donné d'explications à cet égard et nous avons pensé faire une recommandation dans ce sens car nous nous sommes dit qu'elle provoquerait sans doute une réponse.

Nous croyons savoir que, pour privatiser une société, surtout une société dont les actions ne se vendraient pas bien et dont les actifs représentent une somme assez considérable, il pourrait être difficile de trouver des investisseurs canadiens. Il y a peut-être un moyen de contourner cela. On pourrait commencer par faire une émission d'actions au Canada avant d'aller à l'étranger pour combler ce que l'on n'aurait pas pu obtenir ici.

M. Fontana: Je pense que vous venez de répondre à votre propre question. On souhaite que le contribuable canadien obtienne le maximum.

Hier nous avons accueilli des représentants des investisseurs qui ont expliqué pourquoi on ratissait aussi large. On nous a dit qu'il n'y avait pas de restrictions visant à garantir que le CN obtiendrait le maximum auquel cas trois groupes y gagneraient : les contribuables canadiens, le CN en tant qu'entreprise et les clients du CN.

M. Jordan (Leeds - Grenville): Merci d'être venus. Nous comprenons vos préoccupations et nous devions nous attendre à ce qu'elles soient telles.

Vous semblez dire qu'il vaudrait mieux laisser les choses en l'état et ne pas privatiser le CN. Je pense que c'est ce que vous préféreriez, n'est-ce pas?

M. Rosner: Nous ne pensons pas qu'il faille laisser les choses en l'état. En réponse aux premières questions, j'ai dit tout à l'heure que si l'on pouvait trouver le moyen de faire fonctionner le CN sans le privatiser, nous nous mettrions à nos tables de travail pour préparer courbes et graphiques, etc..

.1710

Nous ne sommes pas des spécialistes en ce domaine. Nous savons que le CN a des problèmes auxquels il faut remédier. La réponse à la question de savoir s'il faut le privatiser n'est pas tranchée. Nous voulons que la société soit rentable et qu'on ne la détruise pas. Nous ne voulons pas qu'on la fractionne en 100 morceaux. Nous voulons conserver un secteur ferroviaire au Canada. Nous sommes convaincus aussi qu'il y a de la place pour deux chemins de fer transporteurs de marchandise d'un océan à l'autre, même si le CP ne fonctionne plus d'un océan à l'autre.

M. Jordan: Mais il semblerait que ceux qui travaillent pour le gouvernement ont une certaine assurance de la sécurité. J'estime que cette assurance n'est pas tout à fait justifiée quand on travaille pour un gouvernement qui a des dettes d'un demi-trillion de dollars. Si vous avez ce sentiment d'insécurité dans votre travail, je vous conseillerais de continuer à travailler pour le même employeur, parce qu'il n'est jamais parvenu à rentabiliser les chemins de fer.

Si les lignes ferroviaires sur courtes distances vous inquiètent, je dirais que la façon la plus sure et la plus rapide de les fermer serait de les laisser entre les mains du gouvernement. La seule façon de les rentabiliser consiste à les remettre au secteur privé, car le gouvernement n'est jamais arrivé à le faire. Si l'on confiait l'entreprise à d'autres intérêts, il y aurait des chances que les employés du CN gardent leurs emplois. À la lumière de ce que j'ai vu, je ne crois pas que cela soit possible si le gouvernement continue à diriger la société.

Je crois que cela est incontestable. L'objectif de réduire le déficit semble inspirer toutes ou presque toutes les mesures du gouvernement, car nous ne pouvons tout simplement pas permettre que notre dette, qui est déjà de 500 millions de dollars, continue d'augmenter.

Il fallait donc passer à l'action. Je ne me sentirais pas très en sécurité si je travaillais pour un gouvernement affichant un pareil bilan. Je préférerais avoir un autre employeur qui aurait des chances de rentabiliser l'entreprise. Je pense qu'un tel changement offrirait aux employés de meilleures perspectives que de rester à bord d'un bateau qui coule.

M.Rosner: À titre d'éclaircissement j'aimerais ajouter une chose. Nous ne voulions pas laisser entendre, et je ne crois pas que nous l'ayons dit, que le gouvernement devrait posséder ou exploiter les lignes ferroviaires sur courtes distances. Dans le contexte d'un CN privatisé, nous proposions simplement que les services ferroviaires qu'assurait le CN devraient faire partie des ouvrages déclarés à l'avantage général du Canada. Il faut préciser les ouvrages de transport prévus à l'article 16, ce qui nous épargnera de devoir nous présenter devant les tribunaux pour soutenir qu'un atelier principal qui assure le fonctionnement de plusieurs lignes interprovinciales relève des gouvernements fédéral ou provinciaux.

Mais nous n'avons pas dit que la société devrait appartenir au gouvernement. Cela est une autre question. Quiconque la désire peut l'acheter.

M. Jordan: D'accord. Je veux juste dire que, dans le temps, les employés d'organismes gouvernementaux avaient un certain sentiment de sécurité dont ils ne jouissent plus aujourd'hui. Le gouvernement n'offre plus cette assurance de sécurité. Vous n'êtes pas les seuls à ressentir ce changement. Tous les employés d'organismes gouvernementaux se rendent compte qu'ils n'ont plus la même sécurité d'emploi dont ils jouissaient à tort ou à raison. C'est la réalité aujourd'hui.

M. Guimond: En réponse à votre dernier commentaire, monsieur Fontana, j'aimerais juste ajouter une chose. Il faut définir ce qu'on entend par le meilleur rapport qualité-prix pour le contribuable canadien.

M. Fontana: C'est le meilleur prix, le cours de l'action.

M. Guimond: Oui, mais le terme «meilleur» est subjectif. Si vous vous rappelez, j'ai fait des observations sur les termes subjectifs. Ce qui est le meilleur pour moi ne l'est forcément pas pour vous.

[Français]

Confirmant AMF, j'ai obtenu du président-directeur général du CN, M. Tellier, la confirmation que GEC Alsthom montrait un intérêt certain à l'achat de AMF. Est-ce que votre syndicat a été approché par GEC Alsthom? Comment le dossier AMF évolue-t-il? J'aimerais aussi connaître la situation concernant l'atelier Transcona Shops.

.1715

M. Rosner: Je commencerai par traiter de la best value. Nous insistons pour que le gouvernement, lors de la privatisation du CN, accorde la best value pour les biens que le CN va lui remettre, tels que les biens immobiliers.

[Traduction]

Le président: Je crois qu'on utilise le terme «valeur marchande».

M. Rosner: Moi, j'utilise le terme «meilleur rapport qualité-prix».

Le président: Dans le cas de l'actif qui n'est pas l'actif principal du CN, on utilise la valeur marchande et non pas le meilleur rapport qualité-prix.

M. Rosner: C'est exact. C'est pourquoi nous voulons que la valeur représente la vraie valeur de l'actif, car la valeur marchande a tendance à fluctuer. Nous ne voudrions pas que la valeur de l'actif du CN soit établie à un moment où la valeur marchande est en baisse.

[Français]

Le président: D'accord. Et maintenant, parlons d'AMF.

M. Rosner: C'est intéressant. En nous rendant ici, nous discutions à savoir si nous devions rencontrer GEC Alshtom ou non. Nous ne les avons pas encore rencontrés en tant que syndicat, mais nous négocions de façon intensive. Depuis environ deux semaines, nous rencontrons quotidiennement, M. Moore-Gough et moi, les négociateurs d'AMF. Parmi eux se trouve un avocat qui est là à titre d'observateur et qui représente GEC Alshtom.

Nous essayons de négocier une première convention collective en accord avec les lois du Québec. Nous venons en effet d'enregistrer à nouveau tous les membres du syndicat à la suite du transfert du niveau fédéral au niveau provincial. Nous sommes nouvellement agréés et nous essayons de négocier une nouvelle convention.

Nous accélérons le processus, mais il se pose des problèmes majeurs qu'il faut régler. Le résultat de ces négociations peut influencer énormément la décision de GEC Alshtom de donner suite à son projet d'achat. On s'attend que cette décision soit annoncée d'ici quelques jours. C'est ce que nous avons appris aujourd'hui.

À propos de Transcona Shops, le problème qui se pose, c'est qu'à tous points de vue, AMF et Transcona Shops se ressemblent comme deux gouttes d'eau, qu'il s'agisse de l'organisation, de l'exploitation ou de l'atelier, qu'il s'agisse de ce qui s'y faisait ou de ce qu'on y fait maintenant, ils sont pareils.

Or, la Cour supérieure du Québec a décidé qu'AMF relevait du niveau provincial. La question a été portée en appel, mais il va s'écouler quatre ou cinq ans d'ici à ce qu'on comparaisse en cour d'appel du Québec, si on poursuit dans ce sens. Ce serait provincial à cause du genre de travail qui se fait à l'intérieur du bâtiment.

M. Guimond: Mais ma question...

M. Rosner: C'est ça qui nous inquiète.

M. Guimond: Est-ce que la Transcona Shops va être fermée ou vendue? Est-ce que GEC Alshtom a manifesté l'intention de l'acquérir?

M. Rosner: Non.

M. Guimond: Quelle est la situation?

M. Rosner: Nous avons posé la question à M. Tellier aujourd'hui. Avez-vous l'intention de vendre Transcona Shops, de la fermer ou de donner en sous-traitance tout le travail qui s'y fait, de la provincialiser pour en faire une entreprise du Manitoba au lieu du gouvernement fédéral? Encore une fois, comme pour AMF, toutes les conventions collectives vont être annulées et nous allons perdre tous les avantages et les droits négociés, de même que le syndicat. Nous ne savons pas.

Toutes ces interrogations à propos de Transcona Shops, c'est ce qui nous inquiète. M. Tellier nous a répondu ce matin, à Montréal, qu'il voit mal comment un chemin de fer peut se passer d'atelier principal. C'est le terme employé dans le jargon du métier. L'atelier principal, c'est le lieu où on fait les réparations et l'entretien majeurs de l'ensemble de la flotte: locomotives, moteurs, wagons de fret, etc.

Donc, nous avons accueilli cette déclaration comme une certaine assurance, qui nous a soulagés, savoir qu'on n'entend pas fermer Transcona Shops ou la vendre. Mais, ce n'est pas clair ni sûr.

Donc, divers problèmes se profilent à l'horizon et nous inquiètent. Le statut constitutionnel de l'entreprise, fédéral ou provincial. Il suffirait d'une décision de la Cour supérieure du Manitoba pour tout changer. Cette décision pourrait être rendue avant, en même temps ou après que le CN soit privatisé, peu importe le propriétaire.

.1720

[Traduction]

Mme Terrana (Vancouver-Est): Permettez-moi de faire une observation au sujet de la participation d'intérêts étrangers. Le ministre a déclaré qu'en fin de compte, peu importe qui investit. Dans la plupart de ces sociétés, nous ne savons pas qui sont les investisseurs, mais peu importe, tant que cela fonctionne et que la chose est vendue à juste prix.

À la page 3, vous dites que vos membres se soucient de ce que sera leur travail au sein d'une entreprise privatisée. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Est-ce pour les raisons que vous mentionnez ensuite ou y en a-t-il d'autres?

Il s'agit de la dernière phrase du premier paragraphe, à la page 3.

M. Rosner: Si vous lisez toute la phrase, vous constaterez que... «Nos travailleurs s'inquiètent de ce que sera leur travail si le CN est privatisé, mais dans bien des cas, cette inquiétude nait d'une mauvaise compréhension de ce que signifie la privatisation. Si la privatisation ne représente qu'un simple changement de propriétaire, des patrons différents, au lieu que Sa Majesté du droit du Canada détienne la seule action de la société, la Couronne ou le ministre des Finances...» Je ne sais qui est propriétaire à l'heure actuelle. Il y a bien quelqu'un qui possède la seule action de la société.

Le président: Ce sont les contribuables.

M. Rosner: Oui - vous m'en direz tant. Non, ce ne sont pas les contribuables, mais les citoyens, qu'ils paient ou non des impôts. Est-ce exact? Les gens n'ont pas besoin de payer d'impôt pour bénéficier des services du CN.

Mme Terrana: C'est un peu comme changer d'emploi. Lorsqu'on change d'emploi, le propriétaire n'est pas le même, le patron non plus.

M. Rosner: Oui, vous avez raison. Ce que nous voulions dire, c'est que nos membres sont inquiets et il est clair, d'après tout ce qui a été dit ici - du moins j'espère que c'est clair - que même si ces inquiétudes ne sont pas directement liées à la privatisation elle-même, il faut y trouver des solutions. Bien des gens, et pas seulement nos membres, mais aussi des personnes qui sont censées être expertes dans le domaine, ne comprennent pas ce que signifiera la privatisation.

Nous avons lu des articles dans les journaux, des articles rédigés par des gens qui sont censés s'y connaître, et on ne sait toujours pas ce qui sera vendu et ce qui sera conservé, si les actifs du CN feront partie de la privatisation. On ne sait pas non plus clairement comment la privatisation du CN s'inscrira dans le cadre des modifications à la Loi sur les transports nationaux que le ministre est censé déposer en juin ou à un autre moment.

Nous sommes donc inquiets. L'une de nos préoccupations, bien franchement, c'est la participation d'intérêts étrangers. Cette société nous appartient; pourquoi les Canadiens ne pourraient-ils pas la conserver, du moins dans l'avenir immédiat, si c'est possible? S'il existe des raisons incontournables pour qu'elle n'appartienne plus aux Canadiens, même s'il s'agit des investisseurs et des gens d'affaires du Canada plutôt que la population en général, il faudrait le prouver avant d'éliminer tout simplement le plafond à la participation d'intérêts étrangers.

Mme Terrana: Si l'on procède de cette façon et qu'il n'est pas possible de vendre la société au Canada, vous ouvrez la porte à la participation d'intérêts étrangers. Croyez-vous que des intérêts étrangers seraient prêts à acheter la société? C'est une question importante.

Vous déclarez donc que...

M. Rosner: Je vous répondrai par l'affirmative. Les investisseurs étrangers seront intéressés à acheter la société, que ce soit à 5, 10 ou 30 p. 100, tant que cet investissement rapportera. Nous voulons nous assurer que les acheteurs des actions paieront un prix raisonnable et obtiendront un bon rendement de leur investissement, car ce n'est qu'ainsi qu'on peut avoir un chemin de fer viable.

Mme Terrana: Eh bien, c'est bien pour cela qu'on le vend, car nous ne pouvons plus le maintenir. Vous savez à combien de reprise le chemin de fer a été «décapitalisé». Il est temps d'agir.

De toute façon, j'ai siégé au sein du groupe de travail Nault. Lorsque nous avons commencé nos travaux, nous doutions de la possibilité d'appliquer un régime de participation des employés, mais quand nous sortions de la salle, mes collègues et moi, des employés nous disaient qu'ils seraient prêts à participer à un tel régime.

Vos observations à ce sujet reçoivent-elles l'approbation de vos membres?

M. Rosner: Excusez-moi; de quelle observation s'agit-il?

Mme Terrana: De celle sur la participation des employés. Vous semblez opposé à la proposition d'un régime de participation des employés ainsi qu'à cette participation elle-même. Lorsque nous avons commencé nos travaux, à Vancouver, c'était un sujet brûlant; tous les syndicats se sont opposés à l'idée d'un régime de participation des employés. Mais dans nos déplacements à travers tout le pays, cette idée est apparue de plus en plus possible, surtout du fait que certains de vos membres ont communiqué avec moi pour me dire qu'ils souhaitaient participer à la vente des actions du CN.

J'aimerais savoir si vous avez l'appui de vos membres.

M. Rosner: Pour commencer, nos membres appuient à peu près tout ce que nous faisons, car si ce n'était pas le cas, nous serions rapidement dégommés. Notre situation est particulière en ce sens que les gens que nous représentons peuvent se débarrasser de nous s'ils ne sont pas d'accord avec ce que nous disons ou ce que nous faisons. Ils peuvent le faire n'importe quand. Cela leur garantit une certaine protection.

.1725

Non, nous n'avons pas soumis d'avance, à nos nombreux membres, une ébauche du mémoire que nous destinions à votre comité permanent. Tout comme d'autre organismes professionnels, nous avons une division de la main-d'oeuvre et nous accomplissions diverses tâches. Nos décisions en matière de politique sont formulées par nos membres qui agissent à titre de délégués dans nos congrès. Nous faisons des déclarations sans nécessairement consulter tous nos membres, tout comme le Parlement ne consulte pas toujours les électeurs ou les contribuables. C'est normal.

Toutefois, pour en revenir à une réponse précédente, je vous ai dit ce que je conseillerais à nos membres. Supposons que des actions soient offertes aux employés. Nous ne pouvons rien faire pour obliger nos membres à les acheter, non plus que pour les en empêcher ou le leur interdire. Nous n'avons pas ce pouvoir et nous ne le voulons pas non plus. Mais si une telle offre nous était faite, selon la façon dont elle le serait, nous aurions peut-être quelque chose à dire.

Tout ce que nous avons dit se résume en deux points. Premièrement, nous n'avons pas dit que les employés ne devraient pas acheter d'actions de leur société. Du moins, j'espère que nous ne l'avions pas dit. Nous avons dit que nous avons connu des expériences malheureuses avec de tels régimes, et il en a été de même dans le secteur du transport aérien aux États-Unis.

Deuxièmement, nous ne croyons pas que l'achat d'actions de votre employeur remplace la garantit d'un salaire raisonnable inscrit dans une convention collective.

Ce sont les deux arguments que nous avons essayé de faire valoir. Ce n'est pas tant une question de principe qu'une mise en garde.

Mme Terrana: Vous dites ne pas être certain de ce qui se produira. Nous non plus. Nous sommes tous dans le mêm bateau. Pourrait-on dire que vous êtes prêt à collaborer avec le gouvernement à cet égard, mais que vous avez vos propres préoccupations?

M. Rosner: Nous sommes prêts à surveiller ce que le gouvernement fera et nous espérons que tous les Canadiens en feront autant, pour veiller à ce que les choses se fassent de la manière appropriée, si elles se font. D'après ce que nous avons entendu aujourd'hui de personnes qui devraient être au courant, c'est douteux, compte tenu de l'évolution de l'économie et de toute sorte d'autres facteurs politiques connexes.

Nous jouerons donc notre rôle de chien de garde et si l'on a besoin de notre opinion, à n'importe quel moment, nous nous ferons un plaisir de la donner.

Le président: Bill Blaikie se joint à nous.

Il nous reste encore du temps pour une question, Bill.

M. Blaikie (Winnipeg Transcona): Permettez-moi de souhaitez la bienvenue à votre délégation à Ottawa, et plus particulièrement à M. Wray, vice-président du Local 100. Lui et moi avons travaillé ensemble au CN, il y a 22 ou 23 ans. Il était alors apprenti-wagonnier et moi, j'étais l'un des employés qui passaient le balai dans l'atelier de réparation où il travaillait, à la fin de la journée.

Je suis d'accord avec tout ce qu'a dit la délégation du TCA, à une exception près - la garantie que le siège social demeurera à Montréal. Je dois avouer, bien franchement, que c'est l'une des dispositions de la mesure législative que j'ai critiquées. Je ne vois pas pourquoi il serait plus important de conserver le siège social à Montréal que de conserver l'atelier principal à Transcona ou quelque autre élément du CN ayant contribué à l'histoire de la Société. Pour moi, Transcona est tout aussi important dans l'histoire de l'atelier de révision, ou de l'atelier principal, selon le nom qu'on lui donne, du CN, que le siège social de Montréal. Si l'on veut protéger quelque chose, pourquoi en protéger certaines et pas les autres? C'est pour cela que je m'oppose à cette disposition de la mesure législative.

Compte tenu de la situation politique au Québec et de la possibilité - ce n'est pas encore une probabilité, mais c'est néanmoins une possibilité - que cette province devienne un autre pays ou qu'il y ait souveraineté association avec le Canada à un moment donné, si mon collègue du Bloc finit par gagner sa cause, pourquoi voudrait-on garantir que le siège social de cette nouvelle société privatisée du CN soit situé à Montréal?

M. Rosner: Vous ne proposez pas que l'atelier de Transcona soit déménagé à Montréal et que le siège social soit déménagé à Winnipeg, n'est-ce pas?

M. Blaikie: J'aimerais bien que le siège social déménage à Winnipeg, mais c'est une autre histoire. C'est dans l'ouest du Canada que se trouve la majeure partie de la circulation ferroviaire.

.1730

M. Rosner: Voici comment, pour ma part, je répondrai à cela. Il faut que je sois prudent. La principale raison pour laquelle j'estime que le siège social devrait demeurer à Montréal, c'est qu'un grand nombre de nos membres travaillent à ce siège social. Ce serait rassurant d'avoir au moins une petite garantie que ces gens là n'auront pas à se déraciner, eux et leur famille, pour déménager à ailleurs.

Vous savez, monsieur Blaikie, que l'un des plus grands problèmes que nous avons eus dans notre dernière campagne de négociations et dans l'arbitrage a été la question de notre sécurité d'emploi. Pour le TCA, le pivot de ces négociations était de savoir si les gens auront des emplois et si oui, s'ils devront se déplacer partout au pays pour conserver ces emplois.

M. Blaikie: N'aurait-il pas valu mieux avoir d'autres garanties, toutefois?

M. Rosner: Tout à fait. Mais ce n'est qu'un des maillons de la chaîne.

M. Blaikie: Je suis bien content que vous ajoutiez cela.

M. Rosner: D'accord; allons-y pour Transcona, et puis - tout à fait. Le siège social de Montréal n'a rien de particulier, c'est tout simplement qu'un grand nombre de nos membres y travaillent.

Le président: Monsieur Rosner, permettez-moi de reprendre ce que vous avez dit en réponse à l'une des questions de M. Guimond. Vous avez dit qu'il fallait éliminer la politique de cette question.

Toutefois, nous savons que la politique s'applique à tout, y compris à votre propre mémoire, qui commence par une citation du chef de l'Opposition.

M. Rosner: Nous voulions simplement faire preuve de respect.

Le président: Tout ce que je puis ajouter, c'est que je m'estime heureux de faire partie d'une équipe dirigée par un Premier ministre qui fait preuve d'assez de souplesse pour reconnaître que le monde évolue et que l'économie d'aujourd'hui, dirigée par les forces du marché, diffère totalement de ce qu'elle était à l'époque où il a fait cette déclaration. Nous évoluons maintenant dans un environnement international davantage fondé sur la rentabilité et une forte concurrence.

Merci beaucoup de votre témoignage.

M. Rosner: Tant que notre économie n'est pas axée sur les élections.

Le président: Il nous reste deux ans avant qu'il y ait une élection quelconque.

Je souhaite maintenant la bienvenue à nos derniers témoins, Ron Bennett et Robert Michaud, qui représentent les Travailleurs unis des transports.

Je remarque, messieurs, que votre mémoire semble très long. Pourriez-vous nous en faire un résumé de 10 ou 15 minutes de façon que nous puissions vous poser des questions?

M. Ron Bennett (directeur des affaires législatives canadiennes, Travailleurs unis des transports): Non, je croyais vous le lire aux fins du compte rendu, monsieur le président...

Le président: Eh bien, Ron...

M. Bennett: Mais je ne le ferai pas.

Le président: D'accord. Vous pouvez le présenter comme lu, mais nous aimerions en avoir un résumé de façon à pouvoir vous poser des questions.

M. Bennett: Bien sûr.

.1735

Tout d'abord, merci de nous donner l'occasion de comparaître devant vous. C'est toujours un plaisir de rencontrer votre comité, même si, malheureusement, il ne se réunit plus dans la Salle du chemin de fer.

Le président: C'est parce que cette salle sert maintenant aux comités télévisés.

M. Bennett: J'aurais cru, monsieur le président, que votre prestige vous aurait permis de l'obtenir.

Le président: Vous me flattez, mais le projet de loi sur le contrôle des armes à feu à davantage de poids de nos jours.

M. Bennett: Oui, il semble que le contrôle des armes à feu soit plus important pour un certain nombre de Canadiens que l'assise même de notre pays, c'est-à-dire les chemins de fer. À notre avis, le CN joue un rôle important. Cette situation ne nous remplit pas d'enthousiasme.

De toute façon, monsieur le président, je résumerai notre témoignage. Je suis accompagné aujourd'hui de mon confrère du Québec, Robert Michaud, qui a beaucoup travaillé pour moi dans le domaine du transport dans la province de Québec.

Mon témoignage sera très bref. Les annexes que j'ai ajoutées à notre mémoire, visent davantage à éclairer, si je puis utiliser ce terme, le comité et son personnel. Vous trouverez peut-être intéressant le mémoire présenté à George Adams, arbitre, car on y traite de questions de productivité et des résultats obtenus par les chemins de fer comparativement aux chemins de fer de catégorie 1 des États-Unis.

Le deuxième document est un rapport économique présenté au groupe de travail de M. Nault. On y signale clairement comment le CN s'est amélioré au cours des dernières années et comment il s'améliorera encore à l'avenir, si on y apporte certains changements.

Je n'ai pas l'intention de lire tout mon mémoire. J'espère toutefois qu'il sera annexé au procès-verbal de la séance. Je le passerai rapidement en revue. Malheureusement, comme nous nous opposons à la privatisation du CN préconisée dans cette mesure législative, la première partie de notre mémoire est plutôt négative. Je le regrette, car je n'aime pas me présenter devant votre comité dans un esprit négatif.

Il importe toutefois de déclarer officiellement que nous avons procédé à un sondage auprès de nos membres, que nous les avons consultés et que, en grande majorité, ils s'inquiètent de la privatisation du CN, selon les principes énoncés dans cette mesure législative, ainsi que du fait que... il y a les déclarations que le ministre a faites devant votre comité, selon lesquelles une autre mesure législative portant sur les règlements sera présentée très rapidement afin d'augmenter l'attrait de la Société canadienne des chemins de fer nationaux pour les personnes qui pourraient être intéressées à l'acheter.

Nous estimons, entre autres, que le gouvernement met la charrue devant les boeufs, pour reprendre une expression populaire. S'il veut vraiment intéresser les investisseurs aux chemins de fer du CN, il devrait commencer par faire adopter toutes les mesures législatives habilitantes. Je sais que le ministre avait une réponse à cette question; néanmoins, je crains que tout cela soit encore prématuré.

Nous pensons que c'est important... et je ne m'étendrai pas là-dessus; toutefois, j'espère avoir l'occasion de répondre à quelques questions sur ce sujet, mais pas en relation avec le projet de loi C-89; nous partons du postulat que le CN se tirerait très bien d'affaire s'il continuait à être une société d'État. Cela est dû aux gains de productivité qui ont été réalisés avec les ans ainsi qu'aux mesures qui ont déjà été prises pour garantir le bien-être des employés tant du CN que du CP à la table de négociations.

Nous savons que notre syndicat, Les travailleurs unis des transports, a fait sa part pour rendre le CN plus viable. Au fond, nous ne croyons pas nécessairement que le vrai problème soit de savoir s'il faut privatiser ou non le CN. Il faudrait plutôt se demander s'il ne faudrait pas modifier la taxe sur les carburants et alléger les autres fardeaux réglementaires, toutes choses dont les chemins de fer américains semblent libres, de façon que les chemins de fer puissent réduire leurs tarifs.

.1740

Notre autre préoccupation, qui semble être souvent répétée devant votre Comité - en tout cas, le ministre et les représentants du chemin de fer l'ont invoquée - , c'est qu'il est nécessaire d'abandonner certaines lignes et d'accroître le nombre des lignes régionales.

Officiellement, notre syndicat ne s'oppose pas aux lignes régionales. Nous croyons toutefois que ces lignes devraient être des lignes régionales internes intégrées au réseau du Canadien National ou du Canadien Pacifique, selon le cas. Le fait que ces lignes demeureraient des entités fédérales offre certaines protections. Ces protections ne se trouvent pas seulement au niveau des contrats, mais aussi des règlements sur l'hygiène et la sécurité au travail, etc.

Nous estimons qu'il est important - et le groupe de travail de M. Nault l'a même reconnu dans ses délibérations - que les mesures de protection en matière d'hygiène et de sécurité au travail soient conservées quelles que soient les dispositions prises à l'égard des lignes régionales provinciales.

Nous ne croyons pas, pour notre part, que certaines des lignes régionales devraient relever des provinces. Nous croyons que les règlements et les mesures de protection destinées aux travailleurs existent déjà dans le cadre fédéral canadien et nous croyons qu'il vaudrait mieux procéder comme l'a fait le Québec, c'est-à-dire négocier un accord de lignes régionales intérieures avec le Canadien National. Pour nous, cela a marché. Nous croyons que cela continuera de fonctionner à l'avenir. Notre économiste a étudié la question. Il a examiné les chiffres et a déclaré qu'en fin de compte, ce sera profitable pour le Canadien National. Nous croyons donc que c'est la bonne solution.

Quant aux provinces où il existe des dispositions visant le maintien des droits syndicaux, on nous a dit que toutes les parties avaient renoncé à ces droits car ils constituaient une entrave aux lignes régionales en Ontario. Ce n'est pas tout à fait exact dans les faits. Le chemin de fer du Wisconsin central a été créé à Sault Sainte-Marie en application de cette mesure législative. Nous avons négocié une nouvelle convention collective avec la Wisconsin Central.

Nous avons également tenu un certain nombre de réunions avec d'éventuels exploitants de lignes régionales dans la province et nous reconnaissons que si nous voulons conserver ces mesures de protection, c'est pour éviter qu'une société de chemins de fer se serve de la procédure d'abandon.

Nous reparlerons de cette question la prochaine fois, et peut-être la dernière, que je comparaîtrai devant vous, à l'automne lorsque vous étudierez la question de la déréglementation.

Nous ne voulons pas que cette mesure serve à désyndicaliser les chemins de fer canadiens. Selon nos membres, il semble que quelqu'un souhaite mettre en place une méthode de régionalisation des chemins de fer. De cette façon, les chemins de fer pourraient réduire leurs effectifs, se débarrasser des conventions collectives et les mettre sous la coupe d'une autre partie. Cela nous inquiète, nous et nos membres.

Nous croyons qu'il faut intégrer au projet de loi C-89 certaines mesures de protection. Contrairement à mon collègue précédent, du TCA... Je suis certain qu'après avoir entendu mon témoignage d'aujourd'hui, vous allez tous vous précipiter au bureau du ministre pour qu'il retire ce projet de loi. Du moins, nous aimerions que cela se passe ainsi. Nous ne croyons pas que ce soit un bon projet de loi. Nous n'en sommes pas moins réalistes et nous savons qu'il sera adopté. Nous savons que le gouvernement a ses raisons pour cela, quant à savoir si elles sont légitimes... À notre avis, tout comme de l'avis du CN et du gouvernement, elles le sont. Nous acceptons le fait que la mesure sera adoptée.

Cela dit, nous pensons qu'il faudrait trouver des solutions à certaines de nos préoccupations. Elles sont très brèves. Nous sommes inquiets de la disposition sur la participation à 15 p. 100. Nous ne savons pas exactement ce que cela signifie. Nous comprenons le principe, qui est de partager la richesse, d'éviter que le groupe contrôle le chemin de fer, mais ce que nous voudrions savoir, c'est ce qui se produirait si le gouvernement n'arrive pas à vendre suffisamment d'actions et se retrouve avec encore plus de 50 p. 100 des actions sur les bras. Comment le ministre des Transports agira-t-il à titre d'actionnaire principal? Qui nommera-t-il? Quel sera son rôle?

Nous espérons que ces questions soient résolues. Ce n'est peut-être pas possible de les régler, mais cela nous préoccupe. Que fera-t-on? Combien de temps faudra-t-il? Les actions seront-elles vendues? Le seront-elles rapidement?

.1745

Nous partageons également une préoccupation avec les employés et les pensionnés du CN, ceux qui reçoivent des prestations du Régime de pension du CN. Vous en avez sans doute déjà discuté. Nous avons entendu ce qu'ont dit le ministre et M. Tellier au sujet du régime de pension; si j'ai bien compris, les choses demeureraient telles qu'elles sont.

Compte tenu de la taille du CN, de l'ampleur du régime de pension et du fonds du régime en fiducie, étant donné que des dispositions spéciales ont été prises relativement à la Loi sur les langues officielles et ce que d'autres dispositions ont été prises pour que le siège social demeure à Montréal, nous aimerions que soient également prises des dispositions pour que l'administration et le financement du fonds de pension en fiducie du chemin de fer du Canadien National demeurent inchangés et qu'un article protège le statu quo. Pour les travailleurs du chemin de fer, ou les 50 000 pensionnés du CN, c'est une question importante.

Le gouvernement - et le groupe de travail Nault, en tout cas - croit que la participation des employés est importante. Je le crois également. Je crois que c'est important, qu'il s'agisse d'une société privée ou d'une société d'État. Nous sommes en faveur d'une plus grande participation dans l'exploitation de la société; toutefois, dans la mesure législative, on ne fait pas mention de la participation des employés. Peut-être l'ai-je mal lu. Ce n'est pas un gros document et je passe parfois par dessus des articles que j'aurais dû lire. Mais il ne semble pas y avoir de mécanisme à cet égard. Nous ne savons pas comment les employés pourront participer davantage dans la société.

Un grand nombre de nos membres détiennent des actions des chemins de fer du Canadien Pacifique. Cela ne veut pas dire qu'ils paticipent activement à l'administration ou aux décisions de la société. Il faudrait peut-être envisager de réserver certains sièges au sein du conseil d'administration aux représentants des employés. Nous croyons avoir un rôle à y jouer.

Je reviens à peine de Sault Ste-Marie, où j'ai discuté avec nos membres des Aciers Algoma. Le changement que j'ai constaté dans leur attitude à l'égard des méthodes d'exploitation en dit long sur la valeur de la participation des employés.

Notre dernière grande préoccupation porte sur ce qui se passera une fois le CN privatisé. Existe-t-il des garanties que la société ne sera pas démantelée, sachant que les chemins de fer du CP ont présenté une soumission pour faire l'acquisition de la partie du réseau? L'année dernière, le gouvernement n'a pas cru que c'était une bonne idée. Toutefois, une fois la société privatisée, le gouvernement ne pourra empêcher le nouveau propriétaire de vendre la partie est du réseau, ou quelque autre partie que ce soit - et je ne cite cela qu'à titre d'exemple. Le gouvernement était à l'époque l'actionaire principal ou le seul actionnaire de la société; il estimait qu'il était important pour le pays que le réseau du CN demeure entier et qu'il fallait refuser du CP.

.1750

L'autre question dont nous avons beaucoup entendu parler, et nous avons des réserves certaines ici, c'est la question de la dette. On ne sait pas exactement à combien se chiffrera cette dette au terme de l'exercice 1995. Nous savons que le CN, avec ses divers amortissements, sera dans une bien meilleure posture qu'aujourd'hui sur le plan rentabilité.

Mais nous savons qu'on ne peut vendre le CN avec une dette élevée car on ne pourra jamais trouver d'investisseur ou alors ce ne sera un achat attrayant pour personne.

Nous sommes donc favorables à toutes les mesures qui permettront d'abaisser cette dette à un niveau raisonnable. Ne me demandez pas ce que cela veut dire. J'imagine qu'une dette à zéro est une bonne chose, mais qu'une certaine dette est normale.

Voilà qui conclut mes observations. Je serai plus qu'heureux de répondre à vos questions dans la mesure de mes moyens.

Le président: Merci beaucoup, Ron, de votre exposé, et de toute la documentation que vous nous avez fournie.

Je sais que vous avez des réserves au sujet des retraites. Vous avez entendu le dernier témoin dire que la caisse de retraite du CN aujourd'hui est régie par la Loi de 1985 sur les normes de prestations de pension, qui contient des règles précises sur le maintien des prestations en cas de vente d'une entreprise. Croyez-vous que ces mesures protégeront les intérêts des employés du CN ici?

M. Bennett: Nous comprenons ce que la Loi sur les normes de prestations de pension fait pour nos pensionnés. Les garanties sont là. Ce que nous ne voulons pas, c'est voir un nouveau propriétaire qui aurait comme premier réflexe de s'emparer de notre caisse de retraite. Monsieur Tellier nous a dit clairement que c'est le status quo à ce sujet. Rien ne va changer. Le conseil des retraites va rester, etc.

Nous ne voyons aucune objection, en dépit de la Loi de 1985 sur les normes de prestations de pension, à inclure cela dans la loi. Le gouvernement peut avoir des objections.

Le président: Non, nous n'en avons aucune.

M. Bennett: Le problème pour nous, c'est que nous ne savons pas qui va acheter l'entreprise ni ce qu'on va faire.

Le président: Rassurez-vous, nous ne voyons pas de problème de ce côté; cette loi-ci protégerait les intérêts des employés et des pensionnés du CN.

[Français]

M. Guimond: Pour ce qui est de la question que notre président vient de poser au niveau des garanties, si je comprends bien, en ce qui a trait au Régime de retraite, vous aimeriez qu'on ait vraiment, dans la loi, et que ce soit écrit noir sur blanc, une disposition comme celles qui énoncent que le siège social du CN continuera d'être situé à Montréal et que la Loi sur les langues officielles continuera de s'appliquer à la société après sa privatisation. Est-ce exact?

M. Bennett: C'est exact.

M. Guimond: Pourrait-on inclure d'autres formes de garantie? Y a-t-il autre chose qu'on pourrait inclure comme garantie relativement à votre Régime de retraite pour assurer une plus grande protection de vos travailleurs et travailleuses?

M. Robert Michaud (président, comité législatif du Québec, Travailleurs unis des transports): Nous pourrions ajouter ce dont on parlait plus tôt. Quand on vendra la compagnie en plusieurs blocs, les fonds de pensions de plusieurs employés du CN ne les suivront pas. On aura un régime actuariel qui les suivra, un montant x, mais comme tel, le volume réel du fonds fiduciaire du CN ne sera pas là. Donc, il y a peut-être cet aspect-là aussi qui serait à protégé.

.1755

Il y aura sûrement un montant x qui les suivra. Mais ensuite, si on commence à régionaliser, à faire beaucoup de changements, et à faire des ventes partielles ou totales, à un moment donné, on se retrouvera dans une situation où nous ne serons qu'un corridor principal entre Sarnia et Québec.

Qui administrera le fonds de pensions du CN? Il restera 4 milliards de dollars et 2 800 employés. C'est un beau jeu. Donc, globalement, il y a moyen de protéger les actifs du CN, c'est-à-dire les 8 milliards de dollars. D'abord, tout le monde s'entend pour dire qu'on n'y touchera pas, à même la loi pour prévoir ces deux problèmes-là.

M. Guimond: J'en prends bonne note. Vous avez entendu la présentation du Syndicat national des travailleurs de l'automobile du Canada (TCA). Je vois qu'ils ne sont pas restés pour entendre la vôtre. Je ne veux pas me livrer à une lutte intersyndicale. Je ne sais pas de quelle façon vous collaborez ensemble. Mais que pensez-vous généralement de la présentation qui nous a été faite par la TCA?

[Traduction]

M. Bennett: Vous devrez être plus précis. Chose certaine, je suis d'accord avec certains aspects de l'exposé, mais il y en a d'autres avec lesquels je ne suis pas du tout d'accord.

Le président: Michel, il nous faudra au moins une heure si vous leur demander de commencer tous leur mémoire. S'agit-il de quelque chose en particulier?

M. Guimond: Oui. S'ils sont d'accord avec l'exposé...

M. Bennett: Je serai clair. Nous avons une opinion différente, mais nous l'avons déjà exprimée au sujet des lignes secondaires. Ils n'ont pas participé à la négociation de la ligne secondaire du Québec. Nous étions d'avis que c'était ce qu'il fallait faire, ne pas la vendre à un investisseur privé sans syndicat. Nous avons sauvé des emplois, et il est de notre devoir de représenter nos membres. Dans ce domaine, nous avons pris des voies exactement contraires.

Pour ce qui est de la participation des employés, encore-là, nous avons pris des voies différentes. Nous croyons qu'il est bon que des représentants des employés siègent au conseil d'administration, même s'ils n'y sont pas majoritaires. Un de nos membres a dit que nous devrions avoir des droits de veto. Eh bien, loin de nous cette idée. Si nous voulons des droits de veto, il nous faudra acheter 50 p. 100 de la compagnie.

Mais nous avons notre place-là, nous avons notre mot à dire, et si nous y sommes, nous avons un certain contrôle où nous pouvons du moins participer. C'est la règle du jeu. Il est sûr que cela nous intéresse.

[Français]

M. Guimond: Vous dites, à la page trois de votre mémoire, que le projet de loi C-89 contient une disposition indiquant que le siège social doit demeurer à Montréal et une autre qui énonce que la Loi sur les langues officielles continuera de s'appliquer à la nouvelle société. Que pense votre syndicat de ces dispositions?

[Traduction]

M. Bennett: Nous sommes d'accord d'une manière ou d'une autre. On se demande parfois pourquoi le gouvernement insiste pour prendre part aux pourparlers lorsqu'il est question de rendre cette entreprise plus compétitive par la privatisation, lorsqu'il s'agit d'en faire une entreprise plus compétitive, qui sera donc plus compétitive que CP Rail ou les transporteurs américains, pas plus le CP que les autres n'étant régi par ces deux dispositions. Cependant, en tant que syndicat, nous n'avons pas d'objection à l'inclusion de la clause sur Montréal ou sur la Loi sur les langues officielles. Nous en voyons tous la nécessité mais nous n'y voyons pas d'objection.

M. Guimond: J'ai deux dernières questions, monsieur le président.

[Français]

Vous dites, à la deuxième ligne de la page 3 de votre mémoire

[Traduction]

«Nous croyons fermement que cette loi est prématurée.»

[Français]

Comment le gouvernement aurait-il dû s'y prendre? Trouvez-vous que cela est prématuré? Aurait-on dû tenir des audiences publiques avant d'aller de l'avant? On l'avait quand même annoncé. Je ne voudrais pas que vous pensiez que je suis d'accord que ce n'est pas prématuré, mais le gouvernement a quand même annoncé clairement ses couleurs lors du budget de M. Martin, au mois de février.

[Traduction]

M. Bennett: Eh bien, ce qui m'inquiète, c'est que le gouvernement avait annoncé ses intentions bien avant cela.

Il ne fait aucun doute dans mon esprit, que M. Tellier est allé le voir avec cette mission. Il a fait beaucoup pour s'acquitter de cette mission. M. Young, le ministre des Transports, a déclaré à maintes reprises que c'était ce que nous ferions, et il y a plus d'un an et demi de cela.

.1800

Ce que j'entends par «prématuré», c'est que je ne sais pas si le CN est vraiment prêt, et même si nous ne sommes heureux des mesures de M. Tellier, nous admettons quelles ont rendu la compagnie plus efficience, et que certains de ces avantages seront évidents dans un an ou deux.

Le fait que rien de ce que j'ai énuméré à la page 3... On n'a aucune idée du nombre d'actions, de leurs prix, du genre d'actions, de ce genre de choses. On ne sait rien au sujet de la participation des employés. On ne sait rien de tout cela.

Le président: Question supplémentaire, si vous me le permettez, que devrait faire le CN pour être prêt? Vous dites qu'il n'est pas prêt.

M. Bennet: D'abord, il faut attendre un peu pour voir si les changements qui y ont été apportés au cours de la dernière année vont donner les résultats voulus.

Le président: Par exemple, Ron?

M. Bennett: Les compressions de personnel, les modifications aux conventions collectives que nous venions de négocier, tout cela.

Mais le vrai problème et la vraie solution, ce n'est pas la privatisation, c'est beaucoup plus le fait qu'on a modifié les règlements. Il faut que les provinces acceptent d'abaisser la taxe sur les carburants, et c'est chose presque impossible dans cet environnement fiscal où l'on coupe tout le monde. Mais il faut faire ça, et il faut modifier ces règlements. Nous admettons cela.

Nous trouvons un peu étrange que les chemins de fer n'aient même pas essayé d'abandonner autant de voies ferrées comme l'y autorise la LTN actuelle, je sais que l'une des propositions vise à accélérer ce processus. Nous admettons qu'il faudra peut-être faire cela.

M. Guimond: J'ai une dernière question au sujet de votre page 5, concernant la ligne secondaire interne de l'entreprise mère.

[Français]

En fait, c'est un nouveau concept. Mais je crois comprendre que c'est celui qui a été développé dans les régions de l'Abitibi et du Lac-Saint-Jean, dans la province de Québec.

M. Michaud: C'est cela.

M. Guimond: Bon. On sait que...

[Traduction]

M. Bennett: La première qu'on a eue, c'était en Colombie-Britannique. Cela n'a pas été fait nécessairement avec un accord officiel et des négociations faisant intervenir tous les syndicats, comme cela s'est fait dans la province de Québec, mais c'était la position que nous avions prise, nous les syndicats. Quatre syndicats se sont unis. Nous avons dit que le CN allait vendre ses lignes du Nord, 850 milles de voies ferrées au Québec, et nous ne voulions pas que ca arrive - ce n'était pas bon pour nos membres - donc, trouvons une bonne idée pour faire ça. Et c'est ce que nous avons fait; nous avons négocié cet accord sur la ligne secondaire interne, qui profitera à tout le monde, comme chacun le dit - aux membres et à la compagnie ferroviaire.

M. Guimond: Nous devrions avoir un article dans cette loi qui offrirait cette possibilité ou qui l'imposerait, parce que cela fait problème. Si le CN ou le CP décide de partir, vaut-il mieux avoir une ligne secondaire ou tout simplement abandonner la ligne? C'est le problème.

Je comprends qu'avec ces lignes secondaires, l'un des objectifs principaux est de gruger vos contrats de travail. J'en ai reçu la confirmation de San Elkas, l'ancien ministre des Transports libéral, qui, lorsqu'il a annoncé la création de la première ligne secondaire dans la province de Québec, à Murray Bay, dans ma circonscription, a dit qu'il voulait couper le nombre d'employés et la masse salariale de moitié grâce aux lignes secondaires. Mais le problème, c'est que si les nouvelles compagnies décident qu'elles ne veulent pas de lignes secondaires internes et qu'elles vendent ou ferment la ligne, quel choix nous restera-t-il?

.1805

M. Bennett: Le législateur ne pourra peut-être même pas intervenir. Je crois que c'est dans l'intérêt supérieur de l'entreprise ferroviaire d'aller de l'avant, et je crois que nous l'en avons convaincu. Lorsque nous reviendrons à l'automne pour discuter de ces règlements, - je ne crois pas que vous allez suivre le conseil du ministre et siéger cet été - et nous voudrons peut-être alors en discuter plus longuement.

Le président: Oui, nous pourrons poser cette question au sujet des modifications réglementaires...

M. Bennett: Je ne crois pas que vous puissiez faire cela ici. Même si nous voulons voir plusieurs garanties dans le projet de loi C-89, je ne crois pas que...

Le président: Vous avez raison, il s'agit davantage d'une loi habilitante visionnaire, et les détails dans le règlement de la LTM...

M. Bennett: «Visionnaire», c'est vous qui le dites, monsieur le président.

M. Guimond: Nous vous avons bien compris.

M. Gouk: Monsieur Bennett, il y a une chose qui m'intéresse, et ce sont les lignes secondaires.

Vous avez soulevé ici plusieurs problèmes qui en sont pour moi aussi. Demain, nous allons procéder à l'étude article par article du projet de loi, après quoi nous passerons à l'étape du rapport en Chambre. J'ai plusieurs amendements et d'autres stratégies que je pourrais employer au comité ou à l'étape du rapport. Certaines de mes idées rejoignent vos désirs.

Vous pourrez peut-être me donner des éclaircissements au sujet des lignes secondaires internes. Il y a une chose qui me dérange ici. Je crois qu'on verra s'ouvrir plusieurs lignes secondaires à l'avenir à moins que quelque chose ne change. Ce qui m'inquiète, c'est que les lignes secondaires internes, à certains égards, ne répondent peut-être pas aux intérêts supérieurs du syndicat. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Ce qui m'inquiète, c'est que lorsque vous avez une ligne secondaire, même une ligne secondaire interne, cela vous oblige à renégocier les avantages sociaux, les conditions de travail et le reste. Ce qui me dérange, c'est plus la façon dont une ligne secondaire serait exploitée, sauf que vous resterez sous l'aile de l'entreprise mère originale.

Dans un esprit vraiment machiavélien, si j'épouse le point de vue de l'entreprise, celle-ci pourra dire qu'elle va fermer ceci, fermer cela, fermer toutes ces autres lignes, puis vous dire qu'elle est disposée à garder toutes ces lignes comme lignes secondaires internes à condition que l'on sabre dans les conventions collectives.

J'ai toujours pensé qu'on voulait faire le contraire, et si la compagnie veut se débarrasser de ses lignes, les lignes secondaires représenteraient une solution, mais on pourrait avoir une loi quelconque qui dirait que l'entreprise mère ne peut pas posséder ces lignes secondaires ou y avoir une participation majeure, de telle sorte qu'elle pourrait ainsi se réserver des lignes secondaires rentables et vous jouer ce tour-là afin de réduire sa masse salariale.

Si ce n'est pas dans l'intérêt supérieur de la compagnie de conserver ces lignes, alors qu'elle les vende. Si c'est dans son intérêt supérieur de les conserver, qu'elle les exploite comme une vraie entreprise et qu'elle négocie à partir du point de vue général de l'entreprise.

Ce que vous avez dit est très différent. J'aimerais connaître vos vues à ce sujet.

M. Bennett: Je pense que je suis votre raisonnement. Ce que l'on constate dans les négociations de ce contrat dans le Nord du Québec, c'est que l'on réduit le nombre de postes dont on aurait normalement besoin pour exploiter cette ligne aux termes de la Convention collective du CN.

Mais cela n'a pas causé de licenciements. Nous n'avons fait que négocier quelques retraites anticipées, et on a donné aux autres employés la possibilité de demander à être placés aux terminaux qu'ils voulaient, et de là on est passé aux réinstallations et au reste.

Nous avons donc protégé de notre mieux les intérêts de tout le monde. Nous avons conservé...

M. Gouk: Me permettez-vous d'intervenir ici? Est-ce qu'on aboutirait alors à une situation où les employés ayant le moins d'années de service deviendraient des employés de cette nouvelle ligne?

M. Bennett: Non, absolument pas. Nous avons pensé que cela pourrait se faire très aisément. D'ailleurs, je crois que ce serait peut-être le résultat final pour l'un des syndicats, mais nous avons protégé pour notre part la masse salariale de nos membres. Le contrat peut être différent. Les règles de travail sont différentes parce que c'est l'une des choses qui marche sur la ligne principale mais qui ne marche pas nécessairement sur la ligne secondaire. Nous ne voyons pas d'inconvénient à procéder de cette façon.

L'une des choses que nous avons pu faire, aura été de prouver à la compagnie que nous pouvons nous approcher jusqu'à 90 p. 100 - je pourrais me tromper pour ce qui est du chiffre - de la valeur qu'elle obtiendrait à la vente de la ligne. Nous devons donc faire des économies ici.

M. Gouk: J'aimerais clarifier cela parce qu'il y une certaine confusion ici. J'aimerais beaucoup vous en reparler plus tard.

M. Bennett: Certainement.

Mme Terrana: Il est bon de vous revoir, Ron. Je veux seulement que vous m'expliquiez quelque chose. Lorsque vous avez dit que vous vouliez que le CN reste une société d'État parce qu'elle est en fait rentable, avez-vous tenu compte du fait que la subvention aux termes de la LTGO sera abolie?

J'entends tout le temps «Ah, oui, on se débrouille très bien», mais si on commence à enlever... La partie la plus rentable du CN est située à l'Ouest de Winnipeg, et c'est là que s'applique surtout la subvention aux termes de la LTGO.

.1810

M. Bennett: Je vais vous dire ce que nous pensons de la LTGO. Je ne vous dirai pas pourquoi, à notre avis, le gouvernement n'a pas besoin de faire cela et tout le reste, et je ne parlerai pas non plus de l'historique de cette mesure. Le fait est que le CN et le CP ne se sont pas récriés.

Donc, même si nous avons de nombreuses réserves - nous avons des réserves au sujet de la façon dont le ministre de l'Agriculture distribue l'argent et le reste - ce ne sont pas des réserves majeures. L'expédition demeure plus rentable par train que par camion. Le jour où le camion interviendra est encore loin.

Nous ne croyons donc pas que cette mesure nous rendra moins rentables - rien de sérieux en tout cas.

M. Fontana: J'aimerais ajouter une chose, monsieur Bennett. Je crois que vous avez dit - et je crois que M. Tellier a dit quelque chose dans le même sens - que la modification à la LGTO n'aurait qu'un effet de 50 millions de dollars sur la rentabilité du CN. Je crois donc que vos deux évaluations sont assez exactes.

Tout d'abord, je tiens à vous féliciter pour votre exposé. Même s'il est négatif dans la mesure où vous êtes contre ce que nous voulons faire, je dois vous dire que vous avez décrit votre position de la façon la plus positive et la plus constructive qui soit, comparativement à vos collègues qui vous ont précédés, qui... Bon, n'en parlons plus. Chose certaine, je vous ai toujours trouvé des plus coopératifs, et je vous en suis reconnaissant.

Pour ce qui est de vos réserves à l'égard de la propriété étrangère, je me demande si vous avez pris connaissance du dialogue que nous avons eu sur la question de savoir pourquoi il n'y a pas de restrictions à la propriété étrangère et pourquoi les 15 p. 100. En fait, les 15 p. 100 serviront à contrebalancer la propriété étrangère parce que les experts en investissement nous ont dit qu'en imposant un plafond, m ême un plafond imaginaire, sur la propriété étrangère, cela aurait un effet négatif, 1, sur la valeur, et 2, sur l'accès au marché, dont nous avons absolument besoin.

En imposant un plafond de 15 p. 100 à la propriété individuelle, on a assure en fait une représentation variée des actionnaires, sans qu'aucun groupe ne puisse contrôler tout la compagnie.

Vous avez dit le contraire, je crois. Ce que vous devez savoir à ce sujet, c'est que nous ne voulons pas que les compagnies deviennent propriétés étrangères. Nous donc voulu réaliser un équilibre; conserver la valeur maximale et en même temps, nous assurer que les compagnies demeurent canadiennes, propriétés de Canadiens.

Voyez le modèle du CP, et vous verrez qu'il n'y a là aucune restriction. Aucun actionnaire ne possède plus de 10 p. 100 ou 15 p. 100, ou même 20 p. 100, ce qui assure cette participation variée. Donc, dans une certaine mesure, je pense que nous avons pris nos précautions de ce côté-là.

Pour ce qui est des retraites, je sais que cela vous préoccupe beaucoup. Cette question a été soulevée à quelques reprises. Premièrement, nous devons prendre connaissance de la loi qui existe, évidemment, pour nous assurer que les retraites y sont protégées. On nous a donné l'assurance que c'était bel et bien le cas.

Quant à savoir si l'on peut inclure une disposition allant dans ce sens dans ce projet de loi-ci, je vous dirais que cela créerait un précédent, et que tous les autres syndicats, tous les autres groupes de pensionnés du pays nous réclameraient alors une disposition semblable protégeant le régime de retraite pour toutes les lois ou conventions collectives existantes. De toute évidence, c'est chose absolument impossible.

Nous devons nous assurer que la loi que nous avons protège vos employés ainsi que vos pensionnés, et nous devons compter aussi sur la bonne volonté de la nouvelle société, qui aura la responsabilité fiduciaire de s'assurer que les employés et les pensionnés sont traités conformément à la loi.

.1815

M. Bennett: Chose certaine, Joe, lorsque je vous écoute, je pense que mon bon ami, le sénateur de London est, qui doit être inquiet et qui doit bien se demander ce qui se passe maintenant.

Nous savons ce qu'il y a dans la Loi sur les normes de prestations de pension, et nous comprenons aussi ce qu'on nous a dit. Je suis heureux que vous souleviez la question. Nous n'avons rien vu dans les Procès-verbaux et témoignages de vos audiences, et c'est malheureux. Par le passé, on pouvait les obtenir assez rapidement.

Le président: Il y a eu un changement dans notre procédure. La technologie est là; nous tâchons de l'adapter pour que tout fonctionne plus rapidement.

M. Bennett: L'explication que nous avons entendue ne nous rassure pas vraiment. Je ne crois pas que la loi - et j'ai la certitude que vous avez tous réfléchi à cela. Si l'on commence à se demander qui est un groupe et qui est une association, et combien d'autres 15 p. 100 on peut réunir pour prendre le contrôle d'une compagnie, je ne m'y retrouve plus. J'ai des réserves ici, mais je n'ai pas la moindre idée de la façon dont on pourrait prévenir cela. C'est là, et j'espère qu'il n'y aura pas de problème. Chose certaine, je comprends la répartition de 50 p. 100.

Le président: Merci, monsieur Bennett et monsieur Michaud de votre mémoire et de vos réponse aujourd'hui. Nous vous savons gré de nous avoir accordé votre temps.

Chers collègues, nous reprenons demain matin à 9 heures. Nous entendrons trois témoins. Il s'agit de trois brefs exposés. Nous passerons ensuite à l'étude article par article.

La séance est levée.

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