[Enregistrement électronique]
Le lundi 23 octobre 1995
[Traduction]
Le président: Chers collègues, bonjour.
Je vois arriver un ou deux membres du comité et nous allons donc pouvoir commencer l'étude du projet de loi C-101, la Loi sur les transports au Canada.
La première personne qui va témoigner cet après-midi représente le Roman Catholic Agriculture Coordinating Committee. Souhaitons la bienvenue à Paul Brassard.
Monsieur Brassard, pourriez-vous présenter les personnes qui vous accompagnent aujourd'hui et faire un résumé du mémoire que vous nous avez transmis à l'avance, ce qui laissera du temps pour que nous puissions poser quelques questions.
M. Paul J. Brassard (coordonnateur, Rural Life Ministry, Roman Catholic Agriculture Coordinating Committee): Merci beaucoup.
Je suis à l'heure actuelle coordonnateur du Catholic Rural Life Ministry, et j'occupe cette fonction depuis 1989. Avant cela, j'ai été gérant de coopérative de crédit pendant 16 ans, principalement dans de petites collectivités, et en 1976, j'ai représenté notre communauté à la Commission Hall. J'ai également été gérant de silo et j'ai donc quelque expérience en matière de transport du grain.
Je suis accompagné de M. George Burton, qui est agriculteur. Il est également l'ancien délégué de la Saskatchewan Wheat Pool. À titre de directeur des services communautaires de la Transportation Agency of Saskatchewan, il a participé aux travaux de divers comités qui s'occupaient de problèmes liés au transport. Il a également représenté le gouvernement de la Saskatchewan lors de nombreuses audiences de la Commission canadienne des transports. Il a été le porte-parole des producteurs au Comité supérieur du transport du grain, il est membre du Comité consultatif sur les embranchements, et président de Transport 2000 Saskatchewan, un organisme de défense des consommateurs qui s'occupe de questions de transport.
À ma droite, M. John Burton, qui agit à titre de consultant auprès du Catholic Rural Life Ministry. M. Burton est ancien député. Il a été membre de divers comités des transports et a présenté de nombreux mémoires, à titre de simple citoyen et de représentant du gouvernement, à l'actuel Comité des transports, ainsi qu'à la Commission canadienne des transports. Il a occupé les fonctions de directeur exécutif de la Transportation Agency of Saskatchewan et a été membre du Comité technique des coûts et du Comité supérieur du transport du grain. Enfin, il est agriculteur et spécialiste de l'économie agricole.
Ce mémoire est présenté au nom du Roman Catholic Agriculture Coordinating Committee, créé par les évêques catholiques de Saskatchewan et coordonné par l'entremise du Catholic Rural Life Ministry Office.
Le comité est heureux de pouvoir présenter ses opinions sur le projet de loi C-101, la Loi sur les transports au Canada. Notre comité a été fondé sur la recommandation de nombreux groupes paroissiaux et communautaires réunis pour discuter de la déclaration des évêques de la Saskatchewan de 1987 sur la situation de l'agriculture et de la vie rurale en général. Nous représentons tous les diocèses catholiques de la Saskatchewan et entretenons des liens étroits avec les représentants de nombre des autres confessions religieuses.
Notre groupe a pour objectif de cerner les enjeux stratégiques et les préoccupations qui affectent les gens de notre communauté rurale. C'est notre préoccupation pour le bien-être des gens, notre ressource la plus précieuse et la plus digne de respect, qui nous pousse à présenter le mémoire.
L'industrie ferroviaire est le seul mode de transport où tous les coûts ont été établis et publiés. En passant, toutefois, j'aimerais ajouter que l'on serait tenté de remettre en question quelques-uns des éléments qui ont servi au calcul. Ironiquement, ce que l'on appelle «aide gouvernementale», c'est-à-dire l'aide destinée au service ferroviaire, est décrite comme une «subvention», alors que les coûts d'amélioration des routes et des aéroports sont décrits comme des «investissements». Pour établir une vraie comparaison, il faudrait mesurer de la même façon tous les modes de transport.
Comme vous le savez tous, j'en suis certain, en 1897, on a instauré le tarif du Nid-de-Corbeau pour contrôler une politique de prix monopolistique de la part des sociétés de chemin de fer et encourager l'expansion économique régionale. À notre avis, toute modification devrait se faire selon ces mêmes objectifs.
Le projet de loi C-101, la Loi sur les transports au Canada, propose des modifications qui semblent relativement mineures, mais qui donneraient encore plus de pouvoir aux sociétés de chemin de fer.
M. John Burton (consultant, diocèse de Muenster, Rural Life Ministry Committee, Roman Catholic Agriculture Coordinating Committee): Monsieur le président, je suis très heureux que le Catholic Rural Life Ministry m'ait demandé de participer à cette présentation. Même si je n'ai pas collaboré étroitement aux travaux du comité, j'ai été tenu au courant dans le cadre de mes autres activités et de ma participation à diverses initiatives dans les milieux ecclésiastiques et agricoles. J'estime que l'oeuvre du comité est louable, car il essaie de s'assurer que les préoccupations et les intérêts de la population sont adéquatement pris en compte dans les mesures que nous envisageons, en réaction aux forces économiques et aux événements auxquels nous avons à faire face à l'heure actuelle.
Le projet de loi C-101, la LTC, est censé remplacer la Loi de 1987 sur les transports nationaux et la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. La LTGO prévoyait, tous les quatre ans, un examen de l'établissement des coûts qui obligeait les sociétés ferroviaires à faire profiter le producteur de toute épargne qu'elles avaient pu réaliser. Cela ne sera plus le cas. Étant donné que j'ai participé à cet examen, je peux dire qu'il s'agissait d'une procédure utile. Cela a permis d'atteindre des objectifs très valables. À mon avis, l'économie et la population canadienne y perdront si on élimine cet examen sans le remplacer par une procédure adéquate, quelle qu'elle soit.
La LTGO prévoyait également des garanties de rendement pour les sociétés de chemin de fer et elle permettait l'imposition d'une amende pouvant atteindre 10 p. 100 du montant de la subvention du Nid-de-Corbeau si les sociétés de chemin de fer ne satisfaisaient pas aux normes. Cela n'existera plus non plus.
La LTGO prévoyait également des tribunes comme le Comité supérieur du transport du grain, où les producteurs pouvaient obtenir des informations sur le mouvement du grain - un autre avantage de perdu.
Nous croyons que l'examen du projet de loi C-101 devrait mener à l'établissement d'un certain mécanisme qui permettrait aux producteurs de participer directement aux décisions qui affectent le transport de leur produit. La Loi sur les transports au Canada abroge plusieurs articles importants de la Loi de 1987 sur les transports nationaux concernant l'abandon des voies secondaires puisqu'elle permet aux sociétés de chemin de fer d'abandonner plus facilement des voies et qu'elle accroît la difficulté inhérente à l'exploitation continue de ces voies. Dans le passé, des comités se sont vu imposer le processus d'abandon et ne pouvaient y faire grand-chose. Toutefois, ils n'auront désormais plus la possibilité d'influer sur les décisions qui sont prises. Pourtant, les gens de ces collectivités feront les frais de l'abandon des voies ferrées.
Quand la Loi de 1987 sur les transports nationaux s'appliquait, il fallait examiner un certain nombre de facteurs avant de pouvoir abandonner une voie ferrée. Il fallait par exemple se poser les questions suivantes: quel effet aura la fermeture sur la collectivité et les régions? Quels sont les autres moyens et installation de transport? Quelles ressources sont accessibles dans la région et quels pourraient être ses besoins futurs en matière de transport? La société de chemin de fer souhaite-t-elle contribuer au financement d'autres installations de transport? Et enfin, quels seront les effets de la fermeture sur les autres voies ferrées, les autres transporteurs et le réseau de transport en général? Aucun de ces facteurs n'a été pris en considération dans la LTC. En d'autres termes, les sociétés de chemin de fer peuvent décider d'abandonner une voie ferrée comme bon leur semble.
D'après ce que nous avons pu voir grâce à notre analyse, les sociétés n'auront pas à donner de préavis avant de mettre une voie secondaire en vente. Nous sommes conscients du fait qu'on leur demande d'établir un plan triennal sur le sort de leurs réseaux secondaires, mais rien n'indique qu'elles sont obligées de s'y tenir. En réalité, si une société ferroviaire ne veut pas vendre une voie, elle ne le fera pas.
M. George Burton (représentant, diocèse de Muenster, Rural Life Ministry Committee, Roman Catholic Agriculture Coordinating Committee): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, il y a un autre facteur que l'on doit prendre en compte: lorsqu'une voie secondaire est abandonnée, les collectivités touchées perdent également les taxes foncières payées par les sociétés ferroviaires et, devrais-je ajouter, par les exploitants de silos. Notre examen de cette situation nous a amenés à constater que cela pourrait entraîner une perte de quelque 1 000 à 5 000$. C'est peut-être trois fois rien pour quelqu'un qui vient d'une grande ville, particulièrement une grande ville comme Toronto, mais laissez-moi vous dire que c'est une somme qui a une importance critique dans un petit village de quelque 200 habitants, où cela peut représenter un quart ou un tiers de l'assiette fiscale.
Cela a également un effet très marqué sur les autres activités commerciales de la collectivité et, en outre, en plus de perdre des revenus fiscaux en raison de la fermeture de l'élévateur et des voies secondaires, les collectivités et municipalités rurales vont faire face à des hausses substantielles des coûts d'amélioration et d'entretien des routes.
J'aimerais vous donner un exemple des conséquences que cela peut avoir. Je me souviens qu'un jour, on a demandé à un conseiller de la municipalité rurale de Weyburn quel était l'impact de la construction du terminal sur la région; il répondit que cela n'affectait pas trop cette municipalité, mais plutôt celle qui se trouvait au nord.
Dans la municipalité rurale de Wellington, la situation est la suivante: la ligne ferroviaire est faite d'acier léger; tous les silos ont déjà été fermés; elle fait déjà partie des municipalités où les taxes foncières sont les plus élevées, et peut-être même remporte-t-elle la palme en la matière dans toute la Saskatchewan; et l'on découvre aujourd'hui que toutes les routes vont dans la mauvaise direction. Que faire lorsqu'on se retrouve dans une telle situation? Il n'y a à peu près qu'une solution: le fusionnement, mais qui est prêt à accepter un tel fardeau?
Cela vous donne une idée du genre de problèmes qui se poseraient suite aux changements découlant du projet de loi C-101.
Nous croyons qu'il faut de toute urgence modifier les mesures législatives qui sont proposées pour garantir l'intégration de nouveaux intervenants, selon une forme juste et équitable, de façon à créer un système qui servira les gens les plus touchés par ces décisions et fera appel à leur participation.
Catholic Rural Life Ministry propose trois modifications qui rendraient, au moins, la Loi sur les transports au Canada un peu plus acceptable.
Premièrement, une disposition sur les droits d'exploitation permettrait à l'exploitant d'une voie secondaire d'utiliser la voie ferrée d'une société nationale de chemin de fer jusqu'à l'embranchement d'un autre chemin de fer de son choix. De cette façon, la société qui expédie sa marchandise sur la voie secondaire et l'exploitant de la voie secondaire proprement dit auraient accès à des voies ferrées concurrentielles qui leur permettraient de profiter d'un milieu compétitif.
Deuxièmement, il est impératif d'établir un comité qui permette aux sociétés de chemin de fer fédérales et provinciales d'avoir accès à un mécanisme de résolution des conflits. Le déséquilibre manifeste des pouvoirs et de la taille des sociétés de chemin de fer fédérales et provinciales rend absolument impératif l'établissement d'un mécanisme d'arbitrage de ce genre. Le comité pourrait s'occuper, par exemple, des conflits qui ont trait au tarif des voies secondaires et aux ententes d'exploitation, et veiller à ce que la desserte des lignes sur courte distance par les principales sociétés de chemin de fer soit équitable.
Troisièmement, nous insistons pour que soit abrogé le paragraphe 27(2), qui impose un «critère de captivité» aux expéditeurs qui souhaitent invoquer les dispositions de réparation prévues dans la loi. Ce paragraphe est contraire à l'intention de la Loi de 1987 sur les transports nationaux en ce que les expéditeurs n'ont plus un accès libre et facile à la concurrence intermodale.
Comme nous l'avons mentionné plus haut, notre mandat comprend l'éducation et la détermination de questions stratégiques et d'autres préoccupations qui affectent les gens des communautés rurales. Nous sommes la voix de maints agriculteurs et de nombreuses familles agricoles. La douleur et les souffrances auxquelles nous assistons - et la population a dû en endurer beaucoup au cours des dix à douze dernières années, particulièrement dans la Saskatchewan rurale - nous obligent à leur témoigner de la solidarité. Le transport est un excellent exemple des services qu'on peut rendre à toutes les régions d'une province, si éloignée soit-elle.
J'aimerais également vous dire quelques mots sur le rapport que j'ai rédigé sur l'examen des embranchements et dont j'ai envoyé copie au président. Je ne soulèverai qu'une question, celle de l'impact sur le réseau routier.
J'ai fait connaître mes inquiétudes à propos de la sous-estimation de l'impact financier qu'aura l'abandon des voies ferroviaires sur le réseau routier. Il y a un point d'importance critique dont on ne tient pas compte, c'est la vitesse des plus gros camions.
J'ai participé à une réunion intéressante avec certains conseillers de municipalités rurales de la région de Swift Current qui ont rapidement reconnu le bien-fondé de mes préoccupations. L'un d'entre eux a décrit comment le transport de gravier avait endommagé les routes de sa propre municipalité.
En fin de compte, le conseil municipal rural a imposé une limite de vitesse de 40 milles à l'heure aux camions qui transportaient le gravier en question, et après cela, les routes sont restées en assez bonne condition. Soit dit en passant, cette mesure était appuyée par l'entrepreneur concerné.
Quelle leçon peut-on tirer de cette expérience et cela s'applique-t-il au transport du grain?
On admet généralement que la vitesse est au moins pour moitié responsable de l'usure des routes, mais cela n'est jamais pris en compte dans les calculs. On estime l'usure en portant au carré le chiffre représentant la vitesse. Autrement dit, si les véhicules vont deux fois plus vite, cela multiplie par quatre l'usure ou les dommages que subit la route.
À mon avis, les agriculteurs seraient prêts à observer le genre de limite de vitesse imposée par la municipalité dont j'ai parlé sur des distances relativement courtes, comme les 10 à 20 milles qu'avaient à parcourir les camions de gravier. Dans ce cas, on pourrait faire valoir certaines des études relatives à l'impact sur le réseau routier, mais il serait impossible d'imposer ce genre de limite de vitesse sur des trajets plus longs. Le temps est un facteur dont tiennent compte les camionneurs, et les agriculteurs qui essaieraient de transporter leur grain sur des distances plus longues en tiendraient compte, eux aussi.
Il serait totalement impossible de faire respecter ce genre de mesure.
À la fin des années soixante-dix, le Department of Highways du Montana a établi que l'usure d'un mille d'autoroute résultant du passage d'un semi-remorque était équivalente à celle qui était due à 88 000 automobiles. J'ai vu des études semblables faites au Canada où l'on parlait de 10 000 automobiles.
De nos jours, on utilise des camions beaucoup plus gros; tout récemment, j'ai pu lire cette phrase dans le Telegraph Journal de Saint John:
- Diverses études effectuées au Canada et aux États-Unis ont démontré que les dommages dus
aux véhicules lourds augmentent de façon disproportionnée par rapport au poids du véhicule.
Un camion qui transporte une charge de 115 000 livres cause des dommages équivalents à ceux
que produirait le passage de 30 000 automobiles.
- ...c'est ce qu'écrit John Pearce, président de Transport 2000 Atlantique.
Même si l'on multiplie le nombre d'essieux et de pneus des camions, pour que le revêtement de la chaussée puisse en absorber l'impact, il faut du temps entre les passages de camions. Encore une fois, la vitesse est un facteur de première importance.
Il est essentiel que ces facteurs soient pris en considération dans les études qui sont effectuées actuellement sur les retombées de l'abandon de certains embranchements et de l'utilisation d'autres moyens de transport.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Burton, de ces données statistiques.
Monsieur Brassard, monsieur l'ancien député, nous vous remercions de votre présentation.
Nous allons passer aux questions. Monsieur Gouk, s'il vous plaît.
M. Gouk (Kootenay-Ouest - Revelstoke): Merci, messieurs, d'être venus et d'avoir pris la peine et le temps de préparer cet exposé. Je sais, d'après mes propres études sur le sujet, que cela représente beaucoup de travail, et j'ai pu constater la justesse de bien des statistiques que vous avez données.
Certaines des choses qui vous préoccupent m'inquiétaient moi-même. Je dois admettre que sur certains points - l'ironie, c'est qu'il s'agit précisément de la plupart de ceux que vous avez soulevés - j'ai quelque peu changé d'avis. J'aimerais vous donner deux ou trois des raisons qui m'ont poussé à le faire et voir si, de manière générale, vous les partagez.
Vous avez notamment déclaré que, grâce à ce projet de loi, les sociétés de chemin de fer pourront plus facilement abandonner des voies ferrées, et qu'il leur sera plus difficile de continuer à les exploiter. Je suis d'accord avec une partie de cette déclaration: cela leur permettra plus facilement d'abandonner des voies ferrées. Toutefois, ce qui me préoccupait auparavant, c'est essentiellement ceci: pour pouvoir abandonner une ligne, la société de chemin de fer devait d'abord démontrer qu'il n'était pas rentable de l'exploiter. Si elle souhaitait en abandonner une dont l'exploitation était rentable, il fallait qu'elle s'assure que cela n'était plus le cas avant de demander à l'abandonner. C'était obligatoire.
Je ne dis pas que les sociétés de chemin de fer étaient coupables en l'occurrence. C'était la règle.
En agissant ainsi, les compagnies ferroviaires faisaient en sorte qu'aucun exploitant de ligne sur courte distance ne pouvait alors raisonnablement envisager acheter la ligne en question. En effet, il aurait fallu essentiellement tout reprendre à zéro. Ou bien il n'y avait plus de marché, ou bien les expéditeurs qui se trouvaient sur la ligne avaient choisi un autre mode de transport dont ils étaient déjà satisfaits.
L'objectif de cette mesure est de permettre aux compagnies ferroviaires d'effectuer ces abandons plus facilement, c'est-à-dire sans les obliger à rendre les lignes en question inexploitables. Elles peuvent toujours essayer de passer la main à un moment où cela intéressera davantage un exploitant de ligne sur courte distance, sachant que, si elles ont essayé d'abandonner la ligne en question et n'ont pas pu la vendre - et cela touche un autre point que vous avez soulevé, à savoir que si les compagnies ferroviaires ne veulent pas vendre une ligne, elles ne le feront pas - les gouvernements fédéral, provincial ou régional, selon le type de ligne dont il s'agit, pourront l'acquérir à sa valeur de récupération.
Si j'étais homme d'affaires et si j'offrais 3 millions de dollars pour une ligne en exploitation dont la valeur de récupération est de un million de dollars, et si les compagnies de chemin de fer refusaient de me la vendre, je peux vous dire ce que je ferais. Je m'adresserais au gouvernement provincial et je dirais: Écoutez, voici ce que je propose: vous achetez la ligne pour un million de dollars, vous me la vendez pour la même somme, j'investirai les fonds nécessaires pour la remettre en état, je baisserai mes prix et tout le monde sera content.
Je pense que les compagnies de chemin de fer hésiteraient beaucoup à ne pas accepter une offre sérieuse.
Avez-vous pris ce genre de considérations ou de points de vue en compte avant de tirer vos conclusions?
M. G. Burton: Il est assez difficile de prendre des cas concrets en considération, car, à mon avis, c'est un principe que nous essayons d'établir. Le député soulève sans aucun doute des questions qui sont fondées, mais je ne veux pas me lancer dans la discussion technique que cela entraîne.
Je pense que le principe que nous voulons établir, c'est que cette possibilité soit offerte à nos collectivités. N'oublions pas que même si nous parlons des compagnies de chemin de fer et des exploitants de silos, au bout du compte, c'est l'agriculteur qui paie la facture; et c'est encore l'agriculteur qui paiera si la solution de rechange est de faire transporter les produits par camion sur une distance de 50 milles avec les retombées que cela peut avoir, comme je l'ai indiqué, en ce qui a trait aux frais d'entretien des routes.
M. J. Burton: Permettez-moi également de rappeler simplement que j'ai siégé pendant quelques années au Comité technique des coûts établi en vertu de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. Je peux vous dire que certains des chiffres fournis par les compagnies ferroviaires appellent bien des questions. Nos délibérations étaient essentiellement confidentielles et nous nous sommes tous engagés à ne rendre publics ni les chiffres, ni des informations spécifiques. Cela dit, il est souvent arrivé que le genre de renseignements fournis par les compagnies ferroviaires fassent l'objet d'un rappel à l'ordre. De fait, elles ont dû effectuer des changements et parfois, elles ont même admis qu'une modification était nécessaire. Cela a pu arriver uniquement parce qu'il existait une tribune où certains de ces facteurs pouvaient être évalués et où ces questions pouvaient être réglées. Il existait également à cette époque des circonstances particulières.
L'idée de faire reprendre les compagnies de chemin de fer par des gouvernements provinciaux, ou même des gouvernements régionaux ou locaux, soulève quelques difficultés si l'on se contente d'essayer ainsi de se décharger d'une responsabilité. Je n'ai pas, je pense, à rappeler au député que de nombreux programmes fédéraux ont été dévolus aux provinces et que, partout, ces programmes ont été à leur tour dévolus aux gouvernements locaux. En conséquence, ce genre de proposition pose beaucoup de problèmes à ces autorités même si, en soi, elle est tout à fait valable.
Enfin, la question fondamentale est que, parallèlement aux intérêts des compagnies ferroviaires, il y a ceux de la collectivité qui doivent être pris en compte de façon appropriée. Peut-être fallait-il apporter des changements au processus qui existait auparavant, mais il semble que les compagnies ferroviaires ont pu faire valoir leur point de vue aux dépens de tout le reste. Nous estimons qu'il faut laisser une plus large place à la participation communautaire et permettre aux intérêts des collectivités d'être mieux pris en compte.
M. G. Burton: Dans le même ordre d'idées, il y a également l'intérêt national. On a reconnu que, de façon générale, la production de grain et autres produits agricoles, ainsi que leur transport, étaient des activités d'intérêt public au Canada. À mon sens, il faut assurer que le système de transport ferroviaire et de manutention du grain continue à bien fonctionner.
M. Gouk: Peut-être pourrions-nous passer à autre chose, car j'ai deux ou trois points à soulever et je suis sûr que d'autres membres du comité aimeraient poser des questions. Nous avons un horaire plutôt serré à respecter.
À propos du paragraphe 27(2), qui traite de la notion de préjudice important, de nombreux points de vue ont été exprimés. Nous avons entendu des producteurs et des expéditeurs dire: cette disposition ne nous plaît pas car, à notre avis, cela va nous empêcher de faire jouer nos recours auprès de l'ONT. En revanche, nous avons entendu une compagnie de chemin de fer dire le contraire. Si l'on modifiait cet article de façon à ce qu'il soit absolument clair que cette disposition ne peut être invoquée pour régler sommairement le cas de ceux qui demandent à être entendus par l'ONT - autrement dit, on ne pourrait se servir de cette disposition pour empêcher les gens de formuler une demande et de faire valoir leurs arguments au cours d'une audience; il s'agirait uniquement d'un dernier recours une fois leur cause entendue - jugeriez-vous cela plus acceptable?
M. Brassard: J'hésite à m'engager avant de voir le texte.
M. Gouk: J'aimerais aborder brièvement la question des droits de circulation. Il y a une ou deux choses qui se sont produites. Je suis un peu contrarié par la façon dont Transports Canada, à ce qu'on dit, a mené les premières discussions et négociations avec les producteurs et les expéditeurs, parce que la question des droits de circulation a été mise dans la balance pour considération future, en échange d'autres concessions. Je pense que c'était partir d'un principe totalement erroné étant donné que, du point de vue constitutionnel, nous n'avons pas le pouvoir d'effectuer ce type de modification. Cela relève des autorités provinciales.
D'abord, je ne pense pas que Transports Canada aurait dû essayer d'utiliser cela comme appât au cours des négociations. Mais il y a une chose plus intéressante. J'ai parlé aux représentants d'au moins une des principales compagnies de chemin de fer et ils m'ont dit que ce droit n'intéressait pas les exploitants de lignes sur courte distance. Ils m'ont dit de ne pas les croire sur parole, de poser la question aux exploitants eux-mêmes. Jusqu'ici, j'en ai trouvé un seul qui veuille obtenir ces droits. Tous les autres, sans exception, ont déclaré que ces droits ne les intéressaient pas du tout.
Il y a une dernière chose qui me préoccupe. J'ai expliqué que les compagnies de chemin de fer avaient l'habitude de déstabiliser la rentabilité d'une ligne avant de faire une demande d'abandon, vous vous le rappelez sans doute. Si elles se retrouvent dans l'obligation de se séparer d'une ligne qui leur appartient, un de leurs épis, uniquement pour qu'ensuite cette même voie latérale serve au transport des marchandises de leurs anciens clients, à un tarif compensatoire ou non, selon un horaire qui peut ne pas s'intégrer au leur, avec certains des autres problèmes que cela comporte, et si elles doivent assurer cela à leur concurrent, elles pourraient fort bien, de fait, reprendre leur ancienne méthode, c'est-à-dire laisser péricliter la ligne et trouver un autre moyen de transporter les marchandises de leurs clients en les faisant transiter, par exemple, par un centre de rechargement.
Je tiens simplement à vous faire remarquer que cela me préoccupe. Je comprends très bien votre position, mais je veux m'assurer que, si nous apportons des changements, ils sont vraiment dans votre intérêt.
M. G. Burton: Cette disposition n'existait-elle pas dans la Loi de 1987 sur les transports nationaux?
M. Gouk: Non, pas la disposition que les expéditeurs cherchent à faire entériner dans le cadre de la présente loi.
M. G. Burton: Mais la protection qui était assurée en vertu de la LTN de 1987 constituait au moins une possibilité. On prévoyait l'accès au...
Le président: Les droits de circulation étaient réservés aux compagnies ferroviaires fédérales.
M. Gouk: Rien n'a été perdu.
M. G. Burton: À notre avis, cela devrait également s'appliquer aux compagnies de chemin de fer provinciales.
Le président: Monsieur Fontana.
M. Fontana (London-Est): Je tiens à remercier ces messieurs d'avoir présenté leur point de vue. Je peux comprendre les raisons pour lesquelles vous voulez protéger les exploitations agricoles familiales et les producteurs, mais certaines questions s'imposent, car il n'est plus possible de s'en tenir au statu quo.
Vous parlez des compagnies de chemin de fer comme s'il s'agissait de sociétés nationales publiques appartenant au gouvernement. De fait, ce sont des entreprises privées et - comme vous êtes probablement vous-mêmes des gens d'affaires, vous allez comprendre cela, j'en suis sûr - l'on ne peut pas les obliger à conserver des choses dont elles ne tirent aucun profit. Donc, en ce qui concerne la question des abandons, je pense que le gouvernement s'est montré très sensible aux arguments présentés par certains de mes collègues et d'autres pour faire valoir que la façon proactive d'assurer que les collectivités et les producteurs sont protégés est de mettre en place un système qui fonctionne beaucoup mieux que celui qui existait jusqu'ici. Je pense que M. Gouk a souligné cela.
Ce projet de loi a pour objet de maintenir la desserte ferroviaire des collectivités et de faciliter la participation de nouveaux intervenants, soit les exploitants de lignes sur courte distance. De cette façon, l'on ne sera pas obligé d'abandonner des lignes parce que l'infrastructure est trop lourde et que les compagnies de chemin de fer veulent s'en débarrasser. La façon proactive de procéder est de créer des lignes sur courte distance, de dresser une liste et de donner un préavis d'abandon, afin que les collectivités, les producteurs et les municipalités de chaque province puissent se concerter. Je pense que vous allez trouver ce système beaucoup plus proactif.
Cela m'amène à vous poser la question suivante. Ne pensez-vous pas que, pour assurer que les producteurs canadiens sont en mesure d'expédier leurs produits, ce qui est absolument essentiel pour garantir notre avenir économique, il faut que nous puissions le faire d'une manière qui soit très abordable et très efficiente? Cela signifie veiller à ce que la viabilité des compagnies de chemin de fer se maintienne afin de pouvoir compter sur une industrie ferroviaire solide, parce que le gouvernement, à moins d'être prêt à les racheter - de fait, nous en vendons une parce que nous estimons que c'est la meilleure solution - doit assurer qu'il existe des sociétés viables qui exploitent les grandes lignes ou les voies ferrées et qui peuvent se charger de transporter vos produits.
M. Brassard: Tout d'abord - et les personnes qui m'accompagnent peuvent également faire des observations à ce propos - je pense que nous avons été les premiers à reconnaître que certaines lignes ne pourront survivre si l'on essaie d'en faire des lignes sur courte distance. Nous ne cherchons pas à les conserver.
Toutefois, je demande aux députés de prendre également en considération le fait qu'au cours des dernières années, nous avons donné aux compagnies de chemin de fer quelque 43 millions d'acres de terrain - et tous les droits d'exploitation minière afférents - en plus de leur verser de fort jolies sommes. Ces compagnies se sont réservé toutes les opérations qui sont profitables et veulent maintenant que nous financions tous les frais d'exploitation. Cela ne fait aucun sens. Nous pouvons, vous et moi, à partir de n'importe quel programme d'activités, sélectionner celles qui dégagent des bénéfices et créer une entreprise qui en sera chargée: dans ces conditions, on peut garder le sourire. Je pense que c'est ce qui s'est produit, mais nous ne parlons pas de cela, et je m'excuse si...
M. Fontana: Je ne vois pas où est la solution que vous proposez. S'agit-il de tout maintenir en l'état?
M. Brassard: Non.
M. Fontana: Qui finance?
M. Brassard: Non. Je vais laisser les autres vous répondre. Je ne pense pas que ce soit cela que nous demandions.
M. G. Burton: Nous sommes bien conscients qu'en certains endroits, il faudra abandonner des lignes. Toutefois, rappelons-nous que dans les trois provinces des Prairies, on a déjà abandonné quelque 3 700 ou 3 800 milles de voies ferrées. C'est un processus qui est en marche depuis quelques temps. Jusqu'où peut-on aller tout en assurant un semblant de desserte dans les régions concernées? Tout est là. Et tout, dans nos suggestions, tend à démontrer que le processus peut être facilité.
M. J. Burton: Monsieur le président, j'aimerais ajouter un mot. Certaines des préoccupations qui ont déjà été exprimées au comité - et j'en ai entendu quelques-unes la semaine dernière - avaient trait au processus à suivre pour traiter une proposition ou une demande émanant d'une ligne ferroviaire sur courte distance. Les députés savent certainement de quoi je parle et nous espérons bien que ces préoccupations seront prises en compte.
Du point de vue de l'agriculteur, du point de vue de l'exploitant agricole, ce qui est important, ce n'est pas seulement le transport entre le point d'expédition et le marché d'exportation, mais tout le trajet, à partir de l'exploitation agricole. C'est un point qu'il faudra pleinement prendre en compte dans l'évaluation des diverses possibilités.
Le président: Madame Cowling, il nous reste un peu de temps pour ce premier tour de table. Avez-vous une question à poser?
Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Oui, monsieur le président.
Votre présentation portait principalement sur l'abandon des lignes ferroviaires. J'aimerais savoir ce que vous pensez de la concurrence entre le camionnage et le transport ferroviaire.
Par ailleurs, vous parlez, je crois, surtout du transport du grain. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi il y a tant de différence entre exporter du grain et exporter d'autres produits?
M. J. Burton: Je peux vous donner une première explication. Il faut pouvoir disposer d'un système de collecte très étendu pour regrouper la production céréalière que vous expédiez sur le marché d'exportation. Avec un produit comme le charbon, il y a généralement un seul point d'origine, comme d'ailleurs dans le cas des mines de potasse ou autre opération de ce genre. Dans certains de ces cas là, il faut avoir un système étendu à l'autre bout, pour la distribution sur les marchés. Mais dans notre cas, il faut un système de collecte très étendu à cause du produit auquel nous avons affaire. C'est fondamentalement ce qui distingue notre production.
M. Brassard: Vous avez parlé de concurrence. Le problème posé par la concurrence du camionnage vient du fait que ce sont les collectivités qui financent en totalité le coût d'entretien des routes. C'est la raison pour laquelle on ne peut pas vraiment parler de concurrence. C'est mélanger les torchons et les serviettes, et c'est ce qui nous préoccupe.
Le président: Quelqu'un d'autre a-t-il une question à poser? Monsieur Hubbard.
M. Hubbard (Miramichi): J'ai remarqué qu'en évoquant certaines des circonstances qui ont entouré l'installation du chemin de fer dans l'Ouest, M. Brassard s'est quelque peu énervé ou disons troublé. Si vous, ou votre groupe, pouvez transmettre plus tard aux membres du comité un bref document sur ce sujet, cela serait probablement utile.
Les avantages que vous mentionnez devraient être considérés à la lumière de certaines des dispositions de ce projet de loi et de leur application éventuelle. Les circonstances entourant l'expropriation des terres et l'accord de certains avantages sont nombreuses, et notre comité devrait peut-être en tenir compte.
Le président: Merci, monsieur Hubbard.
Madame Sheridan.
Mme Sheridan (Saskatoon - Humboldt): Est-ce que mon intervention compte dans les dix minutes qui nous sont accordées?
Le président: J'ai déjà donné la parole aux membres de l'autre parti et nous sommes prêts à passer au prochain témoin.
Mme Sheridan: Ah, bon. Très bien. Je vais donc être très brève, d'autant plus que j'ai déjà parlé à M. Brassard.
Je voulais simplement soulever certains points précis qui vous inquiètent.
Une des choses qui semblent vous préoccuper c'est que, dans le cadre de la procédure d'abandon décrite à la section V, c'est-à-dire des nouvelles dispositions énoncées dans le projet de loi, vous craignez que rien n'oblige la compagnie de chemin de fer à observer les règles établies, y compris la préparation d'un plan triennal. Je vais vous répondre rapidement et je vous invite à réfléchir à ce que je vais vous dire si vous ne pouvez pas faire d'observations tout de suite.
Tout d'abord, le libellé des dispositions contenues dans la section V les rendent obligatoires. C'est à titre d'avocate que je vous dis cela. Il est stipulé que la compagnie de chemin de fer doit préparer un plan et faire ceci et cela. Autrement dit, si elle veut mener à bien son plan d'abandon et transférer une ligne par vente ou par cession, elle devra suivre ces étapes sous peine de ne pouvoir abandonner la ligne en question.
Le projet de loi comporte également une nouvelle partie, les articles 177 et 178. Examinez-les lorsque vous serez rentrés chez vous et je me ferai un plaisir d'en parler à nouveau avec vous. De fait, un de ces articles est entièrement nouveau; d'après mes recherches, on ne le trouve pas dans l'ancienne loi. On a donné un peu de mordant à ces dispositions pour obliger les compagnies de chemin de fer à respecter ces règles qui vous inquiètent.
Vous avez raison: si elles n'ont pas l'intention de vendre une ligne, rien ne les oblige à en faire mention dans le plan qui nous intéresse. Je dis «nous», en me plaçant maintenant du point de vue des chemins de fer. Attention; j'adopte tour à tour des points de vue différents. Présumons que la compagnie ferroviaire n'a pas l'intention de transférer telle ou telle ligne; je dirais alors que si cela vous intéresse, à titre de municipalité rurale, vous ou un producteur, les compagnies de chemin de fer sont tenues de mettre leur plan à la disposition du public.
Par conséquent, si vous demandez à voir le plan et que les lignes A, B, C, et D ne sont pas sur la liste, cela signifie que les compagnies ferroviaires ont l'intention de les conserver. Si vous voyez ce que je veux dire, vous pourrez ainsi déduire que si les lignes ne sont pas sur la liste, c'est que les compagnies de chemin de fer n'ont pas l'intention de s'en séparer.
Vous avez si peu de temps à nous consacrer après être venus de si loin que j'ai pensé qu'il serait utile de soulever cela pour que vous puissiez au moins y réfléchir. Si vous avez d'autres observations à faire, je sais que le comité serait heureux que vous les lui transmettiez.
La deuxième question que j'aimerais vous poser est la suivante: à la page 3 du bref mémoire que vous nous avez présenté, vous avez fait la liste des facteurs qu'il fallait examiner en vertu de la LTN avant qu'une compagnie de chemin de fer puisse envisager abandonner une voie ferrée, ce qui revient essentiellement à déterminer l'impact sur la collectivité. Quelles sont les retombées sur les régions rurales canadiennes?
Monsieur Brassard, je sais que personne ne se préoccupe plus sincèrement que vous de tout cela. M. Hubbard nous a donné une idée de ce qui le troublait. C'est sa passion pour l'Ouest canadien qu'il exprimait, n'est-ce pas?
Je vous dirais que c'est une chose d'inclure dans le projet de loi la liste des préoccupations dont vous faites état à la page 3. Mais, après avoir voyagé dans tout le pays dans le cadre du projet de privatisation de CN Rail, et sachant, comme l'a mentionné monsieur Fontana, qu'il ne reste plus d'argent pour exploiter les compagnies ferroviaires, la première question que je vous pose est la suivante: ne pensez-vous pas que les conditions du marché obligeront les compagnies ferroviaires à vendre telle ou telle ligne, ce qui est la conclusion à laquelle vous aboutissez à la fin du paragraphe qui se trouve sous cette liste? Si les compagnies ferroviaires ne veulent pas vendre, elles ne le feront pas. Mais disons, pour le moment, que les conditions du marché les obligeront à le faire.
Deuxièmement, nous disposons de moins d'argent; permettez-moi de vous poser une question à laquelle vous pourrez réfléchir, à moins que vous ne souhaitiez y répondre dès maintenant. N'y a-t-il pas une autre façon d'appliquer la politique gouvernementale, et de relancer l'économie dans l'Ouest ou dans les autres régions du Canada, ce qui, au fond, est la question que vous soulevez par le biais de vos arguments? N'existe-t-il pas une meilleure façon d'utiliser l'argent des contribuables que de constamment renflouer les compagnies ferroviaires qui exploitent des lignes non rentables? Vous avez parlé des municipalités rurales et des taxes qu'elles imposent. Au bout du compte, c'est des poches de tous ceux et celles qui sont présents dans cette salle que vient cet argent.
Je m'excuse de la longueur de ma question, mais pourriez-vous faire quelques brefs commentaires sur l'un ou l'autre des points que j'ai soulevés. Je me demande simplement s'il est possible de prendre en compte les préoccupations fort valables que vous avez évoquées dans le cadre de la mesure législative que nous examinons.
M. Brassard: Il est difficile de vous répondre sans avoir eu la possibilité d'étudier de plus près certaines des choses dont vous avez parlé, mais ce qui me préoccupe au plus haut point, c'est la question du marché et de la concurrence. À l'heure actuelle, nous avons un système qui n'est absolument pas concurrentiel et je ne pense pas que la mesure législative dont il est question crée une concurrence quelconque. J'ai fait des recherches sur ce qui se passe actuellement sur le marché américain qui est dérèglementé, et j'ai pu constater que la situation est pire qu'elle ne l'a jamais été et que cela fait également l'objet là-bas de sérieuses préoccupations.
Je ne pense donc pas que la déréglementation va résoudre tous nos problèmes. Je suis d'accord avec vous, il faut faire certains changements, et nous sommes les premiers à dire que l'on ne peut conserver toutes les lignes qui existent, je peux vous l'assurer.
M. J. Burton: Il existe certainement dans ce texte des dispositions à respecter obligatoirement, mais on a déjà signalé au comité que ce qui est préoccupant, c'est qu'il y a une certaine marge de manoeuvre. Il est possible de jouer là-dessus et de changer les plans.
Par ailleurs, nous avons exprimé plus tôt nos préoccupations à propos des délais prévus dans ce projet de loi pour prendre certaines initiatives qu'il serait possible d'envisager.
La dernière chose que je voudrais souligner, c'est que le gouvernement actuel et celui qui l'a précédé se sont engagés à affermir la position des collectivités rurales du Canada, et à les armer davantage pour qu'elles puissent faire face à certains des graves problèmes qu'elles ont rencontrés au cours des dernières années, ce que tout le monde reconnaît. Mais toutes les mesures qui ont été prises ces derniers temps semblent saper ou affaiblir la position de la communauté rurale canadienne.
Je pense que cela fait partie de nos préoccupations. Nous ne pouvons pas considérer cette mesure législative isolément. Elle s'inscrit dans un cadre plus large.
La privatisation de CN Rail a été évoquée. La subvention du Nid-de-Corbeau a disparu. On parle maintenant d'abandonner des voies ferroviaires, de réduire les pouvoirs de la Commission canadienne du blé, qui était considérée comme une institution et qui est maintenant menacée. Je sais que tout cela ne fait pas partie des questions qu'examine actuellement le comité, mais je tenais simplement à souligner qu'elles font partie du contexte plus large dont j'ai parlé, et que les préoccupations que suscite ce projet de loi s'inscrivent dans le cadre de celles que partage la communauté rurale, plus particulièrement celle de l'Ouest canadien.
Le président: Mesdames, messieurs, je vous remercie de l'exposé que vous avez présenté au comité. Il va falloir que je vous arrête ici. Il y a quelques autres groupes qui comparaissent devant nous cet après-midi.
Monsieur Brassard, monsieur Burton, et vous, monsieur Burton, je vous remercie d'être venus de si loin pour témoigner.
Sans plus attendre, nous allons entendre Prairie Pools Inc. Le président de cette coopérative est M. Ray Howe.
Ray, je vous souhaite à nouveau la bienvenue au comité. Pourriez-vous nous présenter les messieurs qui vous accompagnent, avant de résumer le mémoire que vous avez fait parvenir il y a déjà quelque temps au comité. Merci beaucoup.
M. Ray Howe (président, Prairie Pools Inc.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Honorables députés, mesdames et messieurs, nous considérons notre présence ici comme un vrai privilège et nous remercions le comité de nous avoir donné l'occasion de comparaître.
Vous savez, je pense, qui nous représentons. Il s'agit de Prairie Pools, un organisme régional, qui a toutefois des ramifications nationales et internationales, car notre champ d'activité est, de fait, mondial. C'est par notre entremise qu'environ 60 p. 100 du grain des Prairies est commercialisé chaque année. Nous comptons également 5 000 employés dans tout le Canada.
C'est M. Ken Edie qui va faire un exposé aujourd'hui. Je suis président de l'organisme. Ken Edie est premier vice-président de Manitoba Pool Elevators et c'est lui qui s'est chargé de la présentation. Gordon Miles est directeur général du secteur des services et du développement de Manitoba Pool Elevators; Anders Bruun est avocat-général de Manitoba Pool Elevators; et John Petruic est directeur intérimaire du service des affaires générales d'Alberta Wheat Pool. Les trois organismes sont donc représentés ici aujourd'hui.
Monsieur le président, j'aimerais donner la parole à M. Ken Edie.
M. Ken Edie (vice-président, Prairie Pools Inc.): Merci, monsieur le président.
Prairie Pools Inc. vous a transmis son mémoire à l'avance. Nous serons très heureux de répondre aux questions portant sur ce document, mais étant donné que nous disposons de très peu de temps, j'aimerais prendre quelques minutes pour souligner quatre points qui, à notre avis, dans le cadre de l'examen de ce projet de loi, sont très importants pour les expéditeurs de grain.
Avant d'en parler, il faut, je crois, bien comprendre la nature de l'industrie du grain et des oléagineux des Prairies. Tous les ans, les agriculteurs des Prairies produisent plus de 50 millions de tonnes de grain, d'oléagineux et de produits de culture spéciale. La capacité d'entreposage dans les exploitations agricoles et dans les installations commerciales se limite à la production d'une année, et il faut donc que nous nous en débarrassions tous les ans, en prévision de la récolte suivante. Moins de 25 p. 100 de ces 50 millions de tonnes sont utilisés au Canada. Ce pourcentage de la production est en grande partie dirigé vers des centres de transformation nationaux assez éloignés. Plus de 30 millions de tonnes de grain et d'oléagineux produits dans les Prairies sont exportés tous les ans.
Un des objectifs de notre industrie est de donner plus d'ampleur aux activités qui ajoutent de la valeur à la production en vrac de grain et d'oléagineux, et nous faisons régulièrement des progrès en ce sens. La transformation, sur le sol canadien, des six principaux grains et oléagineux a augmenté de plus de 35 p. 100 au cours des dix dernières années; toutefois, étant donné le volume que cela représente, ce sont les exportations qui continueront d'être la principale source de revenus de l'industrie de la production de grain et d'oléagineux.
Les premières questions qui doivent être soulevées sont celles de la captivité des expéditeurs et de la concurrence. Il y a des points importants à souligner en la matière. Les expéditeurs de grain ne disposent que d'un moyen de transport, les chemins de fer. Il n'y a pratiquement pas de réelle concurrence entre les deux compagnies de chemin de fer nationales pour assurer le transport du grain. Mais tout d'abord, parlons de l'emprise exclusive des compagnies de chemin de fer sur les expéditeurs.
L'Ouest canadien est une région de production sans accès à la mer. En raison de sa situation géographique, la concurrence du transport routier ou maritime ne peut s'exercer. Il n'existe pas de cours d'eau pour le transport des marchandises des Prairies vers les ports d'exportation, et le camionnage n'est pas une solution envisageable pour des raisons d'ordre économique et pratique. Les tarifs actuels du transport par camion, de Calgary, en Alberta, à la côte du Pacifique, sont approximativement de 10 à 15$ par tonne supérieurs au plein tarif appliqué par les chemins de fer, et ils augmentent proportionnellement à la distance entre le point d'origine et le port.
Même si le camionnage était envisageable sur le plan économique, il serait impossible, sur le plan pratique, de transporter de grandes quantités de grain par camion. Comme il est indiqué sur ce transparent, pour expédier au port de Vancouver les mêmes quantités que celles que nous avons fait transporter par chemin de fer en 1992-1993, il faudrait faire passer par la rue Hastings, à Vancouver, un camion super-B chargé à plein toutes les deux minutes, 24 heures par jour, 365 jours par an, soit un camion par feu de circulation.
En novembre et décembre 1993, le gouvernement a institué un programme de camionnage d'urgence pour desservir la côte du Pacifique et Thunder Bay. Dans le cadre de ce programme, le gouvernement a versé aux expéditeurs une subvention de transport par camion équivalente à celle qui s'appliquait au transport ferroviaire. Malgré la grande pénurie de wagons et la très forte demande, on n'a expédié par camion que 270 tonnes de grain à Thunder Bay et 600 tonnes sur la côte ouest. Cela équivaut au chargement de dix wagons. Les quantités de grain expédiées par chemin de fer et déchargées chaque semaine sur la côte ouest correspondent approximativement au contenu de 5 000 wagons. Même s'il était possible d'envisager faire transiter tous ces camions par la rue Hastings, les installations portuaires ne sont pas faites pour en assurer le déchargement. Par conséquent, les expéditeurs qui doivent acheminer de très grandes quantités de grain vers les marchés nationaux et étrangers constituent, pour les compagnies ferroviaires, un marché captif.
Le deuxième point à souligner porte sur la concurrence entre les compagnies de chemin de fer. Il n'existe que deux transporteurs ferroviaires nationaux au Canada. Les analyses économiques démontrent que lorsqu'il n'y a sur le marché que deux fournisseurs, la concurrence au niveau des prix ne s'exerce pas de façon permanente. Le transport du grain au Canada est un exemple typique. Vous voyez sur ces transparents les tarifs d'encouragement pratiqués par CN et CP entre 1988 et 1995. Ces tarifs sont censés être, pour chacune des compagnies, un moyen d'attirer la clientèle de l'autre. Autrement dit, c'est ainsi qu'elles se font concurrence.
Vous pouvez voir qu'en réalité, les tarifs d'encouragement offerts par les compagnies ferroviaires sont moins intéressants qu'ils ne l'étaient en 1988. Jusqu'à cette année, CN et CP offraient des escomptes supplémentaires pour les expéditions en grande quantité. Cette année, cette pratique a été abandonnée. Les deux compagnies ont expliqué cette décision en disant que trop d'expéditeurs profitaient des escomptes consentis sur les livraisons en grande quantité.
C'est dans le meilleur des cas qu'existe une certaine concurrence. Dans bien des régions des Prairies, les expéditeurs ne peuvent avoir recours qu'à une seule compagnie ferroviaire. À High Level, en Alberta, les expéditeurs se trouvent à plus de 500 kilomètres de la seconde compagnie.
Le second point que nous voudrions soulever a trait aux relations qui se sont établies au cours des années entre les expéditeurs de grain et les compagnies ferroviaires canadiennes. Depuis la fin des années 1890 et jusqu'en 1983, les tarifs-marchandises qui s'appliquaient au transport du grain jusqu'à la côte du Pacifique et jusqu'à Thunder Bay étaient fixés par le biais d'un règlement - ce qu'on appelait le tarif de la Passe du Nid-de-Corbeau. En 1984, ce tarif a été aboli et l'on a institué un système où les tarifs étaient établis à partir des coûts des compagnies ferroviaires, lesquels étaient financés conjointement par les agriculteurs et le gouvernement, dans le cadre de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest.
Le 1er août de cette année, la Loi sur le transport du grain de l'Ouest a été abrogée. Cela a eu pour conséquence la disparition de la subvention gouvernementale au transport et d'un mécanisme qui permettait d'établir des tarifs de façon transparente par le biais d'un examen quadriennal de tous les coûts.
Lors de leur comparution devant le comité, les dirigeants du CN ont déclaré que même si la compagnie subit, comme les expéditeurs, les conséquences néfastes d'une baisse du prix des marchandises, elle ne peut profiter d'aucune amélioration des conditions du marché, à cause de la menace que représente le recours possible à l'arbitrage. La compagnie a cité l'exemple de la réglementation du tarif qui s'appliquait au transport du grain, en prétendant que cela a empêché le CN de profiter de la hausse récente du prix du blé. S'en tenir à cela, c'est toutefois présenter un seul côté de la question.
Nous aimerions attirer votre attention sur les deux transparents suivants. Sur le premier, on a indiqué les revenus tirés par les compagnies ferroviaires du transport du grain entre 1989 et 1994. Sur le deuxième, on voit les revenus tirés par les producteurs de l'exportation du grain entre 1989 et 1994. Si l'on place les deux transparents l'un sur l'autre, on peut voir le rapport entre les revenus tirés du transport du grain par les compagnies ferroviaires et ceux que l'exportation des principales céréales a générés pour les agriculteurs. Les revenus des producteurs grimpent jusqu'à 5,6 milliards de dollars pour tomber brusquement en 1993. Les revenus des transporteurs s'élèvent jusqu'à 1,18 milliard de dollars, tombent ensuite à environ 1 milliard de dollars et restent relativement stables à ce niveau. En comparant les deux graphiques, on peut constater que lorsque les revenus des agriculteurs ont augmenté, ceux des compagnies ferroviaires en ont fait autant. Ensuite, toutefois, les taux relatifs ont changé.
Il est vrai que l'examen des coûts entrepris en 1994 s'est soldé par un tarif-marchandises moins élevé, même si le prix du blé était à la hausse. Toutefois, pendant la période au cours de laquelle les profits réalisés par les producteurs de grains et d'oléagineux ont baissé, le tarif-marchandises des compagnies ferroviaires est resté constant. Ce tarif avait été calculé de façon à garantir aux compagnies ferroviaires le financement de leurs coûts variables, plus une contribution de 20 p. 100 à leurs coûts fixes ainsi qu'un bénéfice. Contrairement à ce qui a été dit au comité, aucun avantage n'a été consenti aux agriculteurs, même par le biais des tarifs réglementés.
Le troisième point dont nous voulons discuter a trait aux dispositions du projet de loi C-101 qui limiteraient notre recours aux mesures qui protègent les expéditeurs.
Lorsque la LTGO a été abrogée, le gouvernement du Canada a assuré les expéditeurs de grain qu'ils ne se retrouveraient pas dans un marché où ils seraient captifs de transporteurs et où il n'y aurait que peu de concurrence, sinon aucune. On nous a dit que nous pourrions avoir pleinement recours aux dispositions de la Loi de 1987 sur les transports nationaux assurant une protection aux expéditeurs. Le grand avantage de ces dispositions est que la menace qu'elles représentent oblige souvent les parties en cause à engager des négociations et à régler leurs différends. Même s'il existe toujours des dispositions assurant la protection des expéditeurs dans le projet de loi C-101, des articles comme celui qui porte sur la notion de préjudice important, qui ne se trouvait pas dans la LTN de 1987, rendent plus difficile notre recours aux mesures assurant la protection des expéditeurs.
Monsieur Bruun, qui est avocat-général de Manitoba Pool Elevators, a fait quelques recherches sur l'application juridique de la notion de préjudice important. Il va vous en parler dans quelques instants.
Enfin, j'ai quelques observations à faire sur l'article 155 du projet de loi C-101. Pour les producteurs de grain et d'oléagineux, cet article du projet de loi a une importance critique. C'est en effet celui qui établit le tarif-marchandises maximal appliqué au transport du grain. Ce tarif assure aux compagnies de chemin de fer le financement des coûts variables du transport du grain, ainsi qu'une contribution à leurs coûts fixes et un profit. Le tarif maximal repris dans le projet de loi C-101 provient de mesures législatives portant exécution du budget. Le gouvernement a pris en compte les motifs ayant trait à la captivité de l'expéditeur et à la concurrence dont nous avons parlé plus tôt et a reconnu qu'il fallait éliminer la disposition permettant d'abroger en l'an 2000 le plafond des tarifs-marchandises. L'amendement adopté par le gouvernement oblige le ministre des Transports à déterminer si l'élimination du plafond peut porter atteinte aux expéditeurs d'une manière notable, avant de décider de procéder ainsi.
Le comité a consacré beaucoup de temps à l'étude du système de transport en place aux États-Unis pour voir si le Canada pouvait s'en inspirer. Voyons ce qui s'est passé aux États-Unis en l'absence de concurrence ou de règlements qui auraient pu créer des conditions quasi concurrentielles.
Ce transparent illustre la situation qui existe aux États-Unis. En cent par tonne par mille, le tarif-marchandises appliqué à l'expédition d'orge de Moccasin, au Montana, à Portland, en Oregon, par Burlington Northern qui n'est concurrencé par aucune autre compagnie ferroviaire ni par aucun autre mode de transport, est de 4,75c. De Bismarck, au Dakota du Nord, à Tulare, en Californie, c'est-à-dire dans une région où la concurrence s'exerce pleinement, le tarif-marchandises est de 2,88c. par tonne par mille, soit presque la moitié du tarif appliqué dans un marché captif.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie d'avoir pris le temps d'écouter les arguments des expéditeurs de grain. Nous serons très heureux de répondre à toutes vos questions, mais auparavant, j'espère que vous accepterez que M. Bruun fasse une déclaration à propos de la notion de préjudice important. À mon avis, cela s'intègre tout à fait au reste de notre présentation.
M. Anders Bruun (secrétaire général et avocat-général, Manitoba Pool Elevators): Merci, monsieur Edie. Et merci à vous, monsieur le président et honorables députés.
Cette présentation porte sur les problèmes réels auxquels devront faire face les expéditeurs à cause de l'utilisation des expressions «préjudice important», que l'on trouve au paragraphe 27(2); «frustratoires», au paragraphe 34(1); et «commercialement équitables et raisonnables», à l'article 113. Il n'est pas possible, dans les limites du temps qui m'est imparti, de donner une analyse juridique détaillée de ces expressions; je peux toutefois vous dire ce qui en découlera, sur le plan pratique, si elles restent dans le texte du projet de loi.
Le test du préjudice important signifie que chaque requérant doit, compte tenu des circonstances afférentes à son cas particulier, démontrer à l'Office qu'il subira un préjudice important s'il ne peut obtenir réparation autrement que par le biais d'un arrêté de l'Office. C'est à l'expéditeur, et à lui seul, qu'il incombe d'apporter la preuve requise. Si l'expéditeur n'est pas en mesure de prouver qu'il subira un préjudice important, l'Office n'a, légalement, aucune autorité pour rendre un arrêté en sa faveur.
Les définitions du mot «préjudice» données par les tribunaux, dans le cadre des affaires les plus importantes en la matière, montrent que cela s'applique à des plaignants à qui l'on a «injustement causé un tort» - pour reprendre une des citations - et qui ont «subi un dommage ou une perte pécuniaires». Pour que ce dommage soit qualifié d'«important», il faut que les pertes subies soient considérables.
L'application de la disposition concernant le préjudice important instaurera un mécanisme juridique qui affectera la compétitivité des entreprises, quels que soient les facteurs économiques sous-jacents. Par exemple, un expéditeur qui dispose d'une seule installation et qui fait transporter 100 000 tonnes d'un certain produit sur une seule ligne peut plus facilement démontrer qu'il a subi un préjudice important qu'un expéditeur qui fait transporter 3 millions de tonnes sur diverses lignes, mais dont la demande porte uniquement sur 100 000 tonnes transportées sur une seule ligne, même si, à part cela, les circonstances sont identiques.
Dans le premier cas, la demande de l'expéditeur concerne l'ensemble de ses activités commerciales. Dans le second cas, même s'il s'agit toujours du transport de 100 000 tonnes d'un certain produit, la demande de l'expéditeur ne concerne qu'un trentième du total de ses activités commerciales.
Étant donné qu'il faut tenir compte des circonstances entourant la demande de chaque requérant pour déterminer ce qui constitue un préjudice important, il est clair que l'Office a le droit et, j'en suis certain, est également légalement tenu d'établir différents niveaux de recours aux réparations prévues dans le projet de loi, selon l'importance de la quantité totale des produits transportés par le requérant.
Lorsqu'une personne dépose une plainte frustratoire, l'Office peut lui ordonner de verser une indemnité pour toute perte ou tout retard en résultant. Même s'il n'est pas rare que les tribunaux disposent d'un mécanisme pour contrôler l'abus des procédures qu'ils sont chargés d'administrer, une disposition permettant d'ordonner le versement d'une indemnité pour perte ou retard n'est pas chose commune. Même si l'Office traite aussi rapidement et aussi diligemment que possible les demandes qui lui sont transmises, il peut parfois y avoir des retards qui sont totalement indépendants de la volonté du plaignant. En vertu du projet de loi C-101, l'Office a le pouvoir d'ordonner à un requérant de payer les frais entraînés par un retard dépendant de l'Office lui-même ou d'autres parties concernées. Cela démontre à quel point le projet de loi C-101 protège tout à fait indûment les transporteurs aux dépens des expéditeurs.
L'expression «commercialement équitables et raisonnables» se soldera, sur le plan pratique, par de sérieux problèmes pour les expéditeurs. Tout d'abord, on peut se demander pour qui et du point de vue de qui les prix et conditions en question doivent être commercialement équitables et raisonnables.
Concrètement, il est fort probable que les expéditeurs auront beaucoup de difficulté à prouver, dans n'importe quelles circonstances, que ce qu'un transporteur trouve commercialement équitable et raisonnable ne l'est pas. Autrement dit, les transporteurs peuvent faire valoir à l'Office que les conditions ou les prix qu'ils offrent, selon le cas, sont commercialement équitables et raisonnables, et un expéditeur aura d'énormes difficultés à prouver qu'il en est autrement, à moins de pouvoir obtenir des informations sur les frais du transporteur.
Il est clair que l'on doit modifier en profondeur ces dispositions si l'on veut que le projet de loi C-101 soit équitable, et que tous les Canadiens qui assurent les expéditions ou qui comptent sur les expéditeurs pour gagner leur vie le jugent acceptable.
Je serai heureux de fournir au comité, s'il le souhaite, une analyse juridique approfondie de chacun des éléments de mon exposé. Merci beaucoup.
Le président: Messieurs, merci de votre présentation.
Nous allons passer tout de suite aux questions. Monsieur Gouk.
M. Gouk: Très bon exposé, particulièrement la dernière partie sur le paragraphe 27(2). J'ai posé la question que vous avez soulevée à bien des gens et vos arguments sont les meilleurs que j'ai entendus.
Pendant l'été et au début de l'automne, j'ai rencontré de nombreux groupes, des expéditeurs et des producteurs, des exploitants de lignes sur courte distance et de lignes principales, y compris le groupe que vous représentez, et je connais donc bien la plupart de vos sujets de préoccupations.
Sur les sept articles que vous citez dans votre mémoire et que vous voulez faire modifier, il y en a six auxquels je vais proposer des modifications, ou du moins, j'envisage cette possibilité. Le septième touche le domaine du transport du grain et je compte sur mes collègues spécialistes de l'agriculture, qui sont ici aujourd'hui en force, pour en parler.
Là-dessus, je passe la parole à l'un d'entre eux qui a des questions à vous poser.
M. Benoit (Végréville): Je suis heureux de vous voir ici aujourd'hui. Moi aussi, j'ai bien aimé votre présentation. Je l'avais reçue à l'avance, et je vous en remercie.
Je voudrais commencer par une question sur le paragraphe 27(2). On ne trouve pas le même article dans la LTN de 1987. À votre avis, pourquoi l'a-t-on ajouté à la présente mesure législative?
M. Edie: Comme nous l'avons fait remarquer, nous pensions qu'on allait revenir à la LTN de 1987, mais c'est ce projet de loi qui a été proposé. En toute franchise, cela nous a surpris.
Anders, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet, de votre propre point de vue?
M. Bruun: Je peux seulement donner la réponse qui me paraît la plus évidente, c'est-à-dire que cette mesure a été suggérée au gouvernement par les parties qui estimaient pouvoir le plus en bénéficier.
M. Benoit: Les compagnies de chemin de fer. Toutefois, si vous pouviez vous mettre à la place des compagnies de chemin de fer - essayez un peu, même si c'est difficile - pourriez-vous trouver une raison légitime à donner pour justifier cet article?
M. Bruun: L'Office est devenu une commission de trois membres. Son personnel a été réduit. Il pourrait avoir plus de difficulté à considérer les demandes qui lui sont transmises. Dans certaines circonstances, il se pourrait que l'Office ne soit pas saisi d'affaires d'importance mineure - ce à quoi certains ne verraient aucun inconvénient.
Toutefois, je dirais que la véritable question que doit se poser le comité est la suivante: va-t-on adopter une loi qui empêche les Canadiens d'avoir recours à l'Office?
M. Benoit: Les compagnies de chemin de fer ont déclaré qu'elles aimeraient que cette disposition soit, de fait, plus stricte. Pourquoi en ont-elles besoin maintenant, dans le cadre de la LTC, alors que cette prescription n'existait pas dans la LTN?
Avez-vous fait des recherches afin de déterminer combien de fois le paragraphe 27(2) aurait pu être invoqué s'il avait été inclus dans la LTN? Combien de plaintes ont été déposées en vertu de la LTN. Qu'est-ce qui peut permettre de conclure qu'une telle disposition doit être incluse dans la présente législation?
M. Bruun: Je n'ai pas fait de recherches quantitatives à ce propos. J'ai lu les documents se rapportant à un certain nombre d'affaires dont l'Office a été saisi au cours des dernières années, et je ne me souviens pas de cas qui n'étaient pas jugés importants par les personnes qui avaient décidé de les porter à l'attention de l'Office. Ces affaires m'ont semblé sérieuses et soulevaient de réels problèmes qui devaient être examinés et résolus.
Les documents se rapportant aux affaires dont l'Office est saisi sont du domaine public. Tout le monde peut en prendre connaissance. C'est sans doute aux représentants de cet organisme de venir eux-mêmes vous dire dans quelle mesure on leur a fait perdre leur temps.
M. Benoit: Ils vont venir témoigner devant le comité et, j'en suis sûr, mon collègue va leur demander de combien de plaintes qui, maintenant, pourraient être déposées en vertu du paragraphe 27(2) ils ont été saisis, au total. Mais dans votre...
M. Bruun: Puis-je faire une dernière observation à ce sujet? Mon analyse des affaires tranchées par l'Office au cours des trois ou quatre dernières années indique qu'il n'y en a pas beaucoup qui ont fait perdre du temps aux représentants de cet organisme, et que cela ne justifie certainement pas que l'on empêche les Canadiens d'avoir recours à cette instance.
M. Benoit: Dans votre document, vous faites allusion à la procédure d'arbitrage. On m'a dit que cette procédure laisse quelque peu à désirer; de fait, une fois que l'expéditeur a fait sa proposition finale, la compagnie de chemin de fer peut l'examiner avant de décider quel genre de contre-offre elle veut faire. Est-ce exact et cela vous pose-t-il des problèmes?
M. Edie: Cela nous a certainement surpris. Étant donné que mes activités au sein de notre entreprise familiale m'ont permis d'acquérir une certaine expérience du processus de soumission, je me demande comment, si l'expéditeur est censé révéler sa proposition finale et si la compagnie de chemin de fer a ensuite la possibilité de prendre cela en considération, cela peut bien représenter un avantage pour l'expéditeur. C'est comme si l'on offrait un contrat à un entrepreneur pour lui dire ensuite: eh bien, maintenant que nous avons reçu votre soumission, nous allons faire un autre appel d'offres afin que tout le monde puisse vous damer le pion. De mon point de vue, cela n'a aucun sens.
M. Benoit: Ce qui fait la force de l'arbitrage, c'est que les deux parties concernées sont obligées de divulguer leurs meilleures offres. Pensez-vous que c'est à cela qu'aboutit cette disposition?
M. Edie: Absolument pas.
Le président: Pour préciser, monsieur Edie, vous êtes donc, de toute évidence, en faveur de supprimer 27(2), 34, 113, etc., de laisser les agriculteurs, à titre individuel ou par l'entremise d'une coopérative, négocier avec les compagnies de chemin de fer et, si une condition est jugée insatisfaisante, d'avoir la possibilité de recourir à l'arbitrage en s'adressant à l'ONT - c'est-à-dire la concurrence pure et simple.
M. Edie: Essentiellement, c'est bien cela, parce que nous avions l'impression que nous allions passer de la LTGO, qui protégeait étroitement les intérêts des expéditeurs, à la LTN qui renfermait quelques dispositions permettant d'obtenir réparation dans certains cas. Lorsque les présentes dispositions ont été avancées, ce n'était pas du tout ce que l'on nous avait laissé entendre au départ.
Le président: Madame Cowling.
Mme Cowling: Merci d'être venus témoigner devant le comité et d'avoir fait un si bon exposé.
Dans l'ensemble, que pensez-vous du projet de loi C-101?
M. Edie: À part les points que nous avons soulignés, il y a, dans ce projet de loi, beaucoup de bonnes dispositions.
M. Gordon Miles (Prairie Pools Inc.): Dans l'ensemble, le projet de loi C-101 a tendance à reprendre en grande partie ce que contenait la LTGO, à condition que les dispositions sur l'accès concurrentiel puissent s'appliquer sans réserve. Nous avons déclaré que ce qui nous préoccupe, c'est certaines des dispositions que l'on trouve actuellement dans la LTC et qui auraient pour effet de nous empêcher d'obtenir satisfaction sur le plan des tarifs ou du service.
Mais, en clair, la mesure législative elle-même semble, dans l'ensemble, satisfaisante.
Mme Cowling: Parfait.
Prairie Pools a présenté des recommandations qu'appuyaient certains des groupes qui ont comparu devant le comité. Si ces recommandations ne sont pas suivies d'effet, quel impact cela aura-t-il sur l'industrie céréalière de l'Ouest canadien, en ce qui a trait au transport du grain vers les marchés internationaux? Vous avez demandé que les paragraphes 27(2) et 34(1), ainsi que l'article 113, soient éliminés. S'ils ne le sont pas, quelles retombées cela pourra-t-il avoir sur l'ensemble de l'industrie céréalière, ainsi que sur les expéditeurs et les agriculteurs de l'Ouest canadien?
M. Edie: À notre avis, cela aura une incidence négative importante.
Il y a une chose que je veux dire clairement. Si l'on remonte à l'époque où existait un tarif réglementé, le tarif de la Passe du Nid-de-Corbeau, et à la période qui a précédé la LTGO, Prairie Pools a toujours reconnu qu'il fallait que les compagnies de chemin de fer puissent fonctionner de façon autonome. Il y a une chose qui est pire que des compagnies ferroviaires qui demandent des prix trop élevés, ce sont des compagnies ferroviaires en faillite. Aux États-Unis, on a reconnu cela par le biais du Staggers Act qui a permis d'adopter des dispositions très favorables à l'endroit des compagnies ferroviaires.
Nous ne cherchons pas à ce que les compagnies de chemin de fer ne soient pas prospères et ne fassent pas de profits car, au bout du compte, nous y perdrons davantage. Toutefois, nous voulons être sûrs de ne pas avoir à faire face à la série d'obstacles qu'à notre avis, il va falloir que nous franchissions pour nous faire entendre à cause de ce projet de loi. Pour nous, le problème est là. Comment allons-nous pouvoir tenir des discussions fructueuses si l'une des parties argumente sans cesse et si les avocats n'en finissent pas de débattre ce qui constitue un préjudice important et quelles conditions sont frustratoires? Je pense que l'Office sera en mesure de déterminer cela comme il l'a fait dans le passé, et que nous pourrons ensuite progresser.
La dernière chose qui nous intéresse se sont des compagnies de chemin de fer qui ne sont pas compétitives, efficientes et économiques pour les expéditeurs de grain.
Le président: Monsieur Collins.
M. Collins (Souris - Moose Mountain): Merci de votre exposé.
Étant originaire de l'Ouest, ce qui me préoccupe, c'est que si nous n'arrivons pas régler le problème cette fois-ci, il se peut que nous ayons à payer pendant fort longtemps. J'espère que lorsque le comité fera la revue du projet de loi, il s'attachera vraiment à analyser les questions qui doivent être réglées et à apporter des changements importants et durables. Si nous sommes ici uniquement pour passer le temps, je sais que je regretterai, tout comme vous et d'autres d'ailleurs, que ce processus ait été lancé. Pour moi, les points que vous avez soulevés, par exemple ceux qui ont trait aux paragraphes 27(2) et 34(1) et à l'article 113, sont très préoccupants.
Cela dit, j'aimerais, s'il vous plaît, que vous m'éclairiez sur les points suivants. Ce n'est que récemment que l'on a confié à l'ONT la responsabilité du transport du grain; qu'est-ce que cela signifie pour les agriculteurs? Deuxièmement, quelle est la différence dont nous allons devoir tenir compte dans notre analyse entre le grain et les autres marchandises en vrac?
M. Edie: On nous pose souvent la question car nous disons que le grain est différent et les gens en déduisent que nous demandons un traitement spécial. Ce n'est pas ce que nous voulons dire. Toutefois, la différence c'est qu'il y a 2 000 lieux de production et - de nombreuses catégories de grain - au moins dix ou douze si l'on prend en compte les cultures spéciales comme les lentilles, etc. - en tout cas, six catégories principales qui regroupent chacune des grains dont la qualité est différente, qui renferment plus ou moins de protéines, et ainsi de suite. Il faut donc opérer un tri et le système doit permettre de maintenir ces distinctions. Il y a quatre points d'exportation: Prince Rupert, Vancouver, Churchill et Thunder Bay.
Sur le marché des marchandises, on répète volontiers certains proverbes, notamment que ce qui est fait est fait. Vous perdez un marché si vous ne pouvez l'alimenter de façon continue. Il faut que vous ayez le produit de qualité requise au bon moment, au bon endroit et au prix qui convient.
Un consultant embauché par Transports Canada, Andrew Elliott de Saskatoon, a indiqué dans son rapport qu'en réalité, c'est tout le contraire qui se produit; il a cité l'exemple de la potasse qui est produite en quatre endroits et distribuée à 2 000 utilisateurs. C'est vrai, mais on peut entreposer la potasse, on peut décider de l'expédier, de la stocker, de la livrer au client, alors que l'on ne peut procéder ainsi avec le grain qui est une denrée périssable.
Nous ne sommes donc pas d'accord avec cette façon d'envisager les choses; pourtant, c'est un argument qui a été présenté à Transports Canada par quelqu'un qui a été embauché pour formuler des commentaires sur la réglementation du transport ferroviaire.
M. Collins: Dans le cadre de la présentation que vous avez faite ici aujourd'hui, à quelle conclusion aboutissez-vous à propos du transport ferroviaire au Canada?
M. Edie: Je pense que cela se résume aux points que nous avons soulevés parce que cela ne concorde pas avec ce à quoi nous nous attendions en nous référant à la LTN de 1987.
Comme l'a déclaré M. Miles, on trouve dans le projet de loi C-101 de nombreux principes qui sont bons et que nous pouvons accepter si nous avons la possibilité - disons, pour ne pas reprendre la formule consacrée - de préserver notre compétitivité tout comme les compagnies de chemin de fer, en ayant accès à un organe de réglementation qui peut nous assurer un environnement concurrentiel tout en garantissant aux compagnies de chemin de fer des revenus suffisants.
Si je peux me permettre de donner une opinion quelque peu subjective, je dirais qu'à notre avis, on se préoccupe beaucoup de maintenir et de hausser le niveau des revenus dont disposent les compagnies ferroviaires et, dans la mesure où cela est possible, c'est très bien. Toutefois, pour une entreprise, il n'existe que deux façons de se maintenir à flot: soit il faut augmenter les revenus, soit il faut réduire les frais. Nous ne sommes pas convaincus que l'on ait donné aux compagnies de chemin de fer la possibilité de réduire leurs frais en toute liberté. Cela les aiderait et nous serons heureux de collaborer avec elles dans ce domaine.
M. Collins: J'ai remarqué, car vous l'avez dit très clairement, que vous tenez à demeurer compétitifs, que ces compagnies de chemin de fer doivent être rentables et que vous appuyez les dispositions qui vont en ce sens.
M. Hermanson (Kindersley - Lloydminster): Messieurs, je vous remercie de comparaître devant le Comité des transports.
Je veux parler de l'article 151 et des articles afférents mais, d'entrée, je dois dire que tous les expéditeurs qui ont préparé un mémoire et qui ont comparu devant le Comité des transports ont, semble-t-il exprimé les mêmes préoccupations. Je suis sûr que, pour les législateurs, cela en dit long et s'ils sont sages, ils apporteront des modifications au paragraphe 27(2).
Nous ne voulons pas que ce qui s'est passé dans l'Est du Canada se reproduise dans l'Ouest où les compagnies de chemin de fer ont fait de bonnes affaires, ont réalisé des profits et ont très bien desservi des industries comme l'agriculture. Nous ne sommes donc certainement pas sourds aux arguments que vous avancez.
L'article 151 porte sur le plafond des tarifs-marchandises. Je suppose que Prairie Pools appuie cette disposition du projet de loi C-101. J'aimerais savoir si vous avez des preuves indiquant que si l'on fixe un plafond, dans l'ensemble, les frais de transport sont moins élevés et non le contraire.
Je me pose la question car j'estime, comme vous, que les statistiques démontrent qu'il est impossible de transporter le grain jusqu'aux ports par camion. De toute évidence, cela ne saurait être remis en question. Toutefois, la concurrence est grande lorsqu'il s'agit de transporter le grain sur de courtes distances. Vous avez parlé de High Level... ce n'est pas à cela que je pense, mais au transport sur de plus courtes distances pour acheminer le grain soit au CN, soit au CP, ce qui attise la concurrence. D'ailleurs, cela permettrait peut-être de faire baisser les prix là où l'on n'a pu le faire et de donner aux producteurs l'occasion de profiter des tarifs moins élevés sur les lignes principales et peut-être, dans l'ensemble, de réduire le coût du transport du grain.
Comment rationalisez-vous cela et quels arguments pouvez-vous faire valoir contre cette proposition?
M. Edie: Dans la LTGO, les prix plafonds c'était le barème des taux qui était ajusté tous les quatre ans après un examen des coûts. On ne retrouve pas cela dans la nouvelle mesure législative.
Ce barème garantissait aux compagnies de chemin de fer de couvrir leurs coûts variables et les coûts afférents à l'exploitation des lignes et de rentabiliser leurs investissements ainsi que leurs coûts fixes.
Nous avons montré que dans l'Ouest canadien, les prix qui s'appliquent au trajet entre Brandon et Vancouver sont moins élevés qu'entre Bismarck et Portland. Pour vérifier cela, il suffit de comparer le barème de Burlington Northern et celui que l'on trouve dans la LTGO.
Toutefois, le barème était moins élevé pour un trajet parallèle au Mississippi. Les compagnies de chemin de fer sont compétitives là où elles sont obligées de l'être et, en l'occurrence, elles devaient faire concurrence au transport par péniche qui, sur le Mississippi, bénéficie d'importantes subventions de la part du gouvernement américain.
Si je comprends bien, vous voulez savoir ce qui se passerait si des prix plus élevés que le maximum s'appliquaient sur certaines lignes et des prix plus bas sur d'autres? De notre point de vue, cela permettrait aux compagnies du chemin de fer de déterminer arbitrairement la configuration du système ferroviaire de collecte du grain et de ne pas prendre en compte les coûts afférents au transport entre l'exploitation agricole et le terminal, mais plutôt entre le silo et le terminal.
Le financement, par les producteurs, des frais encourus par les compagnies ferroviaires nous a toujours préoccupés. Cela n'est pas acceptable, notamment si ce financement est plus élevé que les frais en question.
Toutefois, cela ne veut pas dire que nous avons rejeté l'idée d'une rationalisation du système ferroviaire par le biais de l'abandon de certaines lignes. Nous sommes d'accord avec les dernières propositions concernant l'abandon de 535 milles de voies - cela ne fait aucun doute - ces lignes devraient disparaître. À moins qu'il n'y ait une possibilité d'exploitation moins coûteuse, et personne n'a été en mesure de nous le démontrer... on devrait abandonner toute voie à moins qu'il n'y ait une solution moins coûteuse, compte tenu des frais de transport routier et de tout autre coût que cela entraînerait pour l'agriculteur. Pourquoi voudrait-on un système qui, dans l'ensemble, coûterait plus cher?
M. Hermanson: Qu'est-ce qui vous prouve que si les compagnies ferroviaires abandonnaient d'autres lignes et si l'on devait assurer le transport sur des trajets de 100 milles ou de 50 milles par camion, le total des coûts de transport ne pourrait pas être réduit? Après tout, il y a beaucoup plus de concurrence dans l'industrie du camionnage qu'il n'en existe peut-être dans le secteur du transport ferroviaire; en effet les compagnies peuvent demander très cher pour assurer le transport sur ces lignes et, si l'on fixe un plafond, elles absorberont ces coûts supplémentaires en les transférant à l'exploitation des lignes qui leur reviennent moins cher, et les coûts totaux seront plus élevés qu'ils ne le seraient si l'on abandonnait plus de lignes et si l'on comptait davantage sur le camionnage.
Je me fais l'avocat du diable en vous demandant quelles preuves vous pouvez me donner.
M. Edie: Je pense que nous devons examiner ce qui s'est passé et ce qui se passe encore aux États-Unis. S'il n'y a pas de concurrence, les prix ont tendance à monter. Au cours des trois ou quatre dernières années, le transport de la récolte de grain des Prairies s'est chiffré à environ 1,1 milliard de dollars, et vous me demandez si cela pourrait coûter 900 millions au lieu de 1,1 milliard?
Nous sommes prêts à étudier la question, comme nous l'avons fait dans le cas de l'abandon de 535 milles de voies, pour voir si la solution proposée s'avère moins coûteuse. Cela ne servirait à rien de réduire les frais de transport ferroviaire à 900 millions de dollars si cela aboutissait à faire payer aux agriculteurs et aux municipalités une facture de 300 millions de dollars pour frais de transport routier, etc.
Quant à dire que l'on a fait une étude concluante... je me méfie un peu des études que l'on dit concluantes une fois pour toutes. Mais si l'on fait une étude cas par cas des embranchements, nous sommes prêts à participer à toute initiative qui permettrait de faire baisser les coûts totaux.
Le président: Madame Sheridan.
Mme Sheridan: J'aimerais traiter assez rapidement de certains points précis que vous avez soulevés dans votre analyse juridique. J'aimerais, comme les autres membres du comité, j'en suis sûre, que vous nous fournissiez éventuellement une analyse détaillée.
M. Bruun: Je serais heureux de le faire.
Mme Sheridan: Il y a tout d'abord la question du paragraphe 28(2), soit le paragraphe 40(3) de l'ancienne loi. Il s'agit de donner à l'Office le pouvoir de prendre des mesures provisoires. Je vous ferai remarquer que le paragraphe 28(2) donne déjà ce pouvoir à l'Office. Plutôt que de nous lancer dans une discussion à ce propos, je vous suggère d'examiner cela dans la mesure... à moins que vous ne souhaitiez des pouvoirs plus étendus que ceux qui sont déjà conférés par le biais du paragraphe 28(2). Vous recommandez d'inclure le paragraphe 28(3).
M. Bruun: Non, dans mon exposé, je n'ai pas du tout parlé de l'article 28.
Mme Sheridan: C'est dans la liste de vos recommandations. Bref, jetez-y un coup d'oeil lorsque vous parlerez aux juristes qui ont fait vos recherches.
Ma deuxième question porte sur le paragraphe 27(2) et sur le rapport que l'on peut établir avec le paragraphe 34(1) et l'article 113. Si j'ai bien compris ce qu'a dit Ken, ce qui est ici en question, c'est de déterminer si le projet de loi C-101 empêche les Canadiens d'avoir recours à l'Office pour faire entendre leurs plaintes. Prétendez-vous que la notion de préjudice important empêche les gens d'avoir accès à cet organe?
J'aimerais que vous réfléchissiez à cela. D'après mon interprétation de cette disposition, la notion de préjudice important s'applique à l'arrêté qui peut être éventuellement rendu, mais cela n'empêche aucunement quelqu'un de transmettre une demande à l'Office. La notion de préjudice important ne représente pas un obstacle qu'il faut franchir avant de faire une demande. J'aimerais savoir quelle est votre opinion à ce sujet.
M. Bruun: Je suis très heureux que vous ayez posé la question de cette façon, car ce que l'on a dit au comité sur le projet de loi C-101, c'est que le paragraphe 27(2) ne permet pas à l'Office de refuser d'entendre une plainte, ni de prendre rapidement une décision. C'est ce qu'on vous a dit, et c'est vrai. N'importe qui peut transmettre une demande à l'Office et se faire entendre en temps utile.
Toutefois, si vous lisez attentivement le paragraphe 27(2), vous verrez que l'Office peut acquiescer à tout ou partie d'une demande uniquement s'il estime que le requérant subirait autrement un préjudice important. Il peut acquiescer à une demande uniquement s'il estime qu'il y aurait un préjudice important en l'absence de toute réparation.
Je pense qu'il est juste de dire que le paragraphe 27(2) oblige l'Office à entendre votre plainte, mais, légalement, il ne peut vous accorder la réparation que vous souhaitez si vous êtes incapable de prouver qu'autrement, vous subiriez un préjudice important.
Mme Sheridan: Je coupe un peu les cheveux en quatre parce que vous avez présenté votre argument sous l'angle juridique. Je dirais que ce n'est pas la même chose que d'être privé d'un recours. Ce paragraphe porte sur la réparation que l'on souhaite obtenir. La notion de préjudice important pose un problème à d'autres témoins que nous avons entendus, notamment la définition de cette expression, et je pensais d'ailleurs que c'est un point que vous alliez soulever.
M. Bruun: Ce que j'ai essayé de remettre en question, c'est l'accès aux recours ou à la réparation, aux mesures de redressement que peut prendre l'Office. Je ne considère pas que j'ai eu gain de cause si, après une journée passée au tribunal, le juge me dit qu'il est désolé de ne pouvoir acquiescer à ma demande parce que je n'ai pas rempli telle ou telle condition.
Mme Sheridan: Nous sommes toutefois d'accord, je suppose, pour dire que cela a trait à l'arrêté qui peut, ou non, être rendu et non au droit de se faire entendre.
M. Bruun: Oui, nous pouvons nous faire entendre du tribunal, mais à moins de prouver que nous avons subi un préjudice important, nous allons perdre notre cause.
Mme Sheridan: Vous avez également déclaré que le comité s'est beaucoup inspiré du modèle américain pour élaborer ce projet de loi. Peut-être n'est-ce pas vous qui l'avez dit; je ne veux pas vous accuser à tort.
M. Bruun: Je n'ai pas du tout parlé des États-Unis.
Mme Sheridan: Eh bien, quelqu'un d'autre en a parlé et c'est bel et bien ce qui a été dit.
M. Edie: C'est moi qui ai parlé des États-Unis et j'ai dit que nous devrions examiner ce qui s'est produit suite à l'adoption du Staggers Act dont les dispositions tendent à protéger les compagnies de chemin de fer plus que ne le fait la LTN qui, d'ailleurs, n'a pas besoin d'être sévère à leur endroit. Il reste que cette mesure législative donne aux deux parties intéressées la possibilité de faire valoir leurs arguments sans qu'il soit nécessaire de définir des expressions dont on peut donner une interprétation subjective comme «préjudice important», «frustratoire», etc. Si l'on ne se débarrasse pas de cela, nous allons être désavantagés.
Il reste que l'on prend souvent les États-Unis comme modèle et, si l'on examine les choses de plus près, ce n'est pas nécessairement celui que nous voulons prendre. C'est ce que nous voulions dire.
Mme Sheridan: Vous avez raison, nous avons étudié le système de transport ferroviaire américain ainsi, d'ailleurs, que ceux de bien d'autres pays. Toutefois, c'est aller un peu loin que de prétendre que ce projet de loi est fondé sur la législation américaine, et en ce qui me concerne, je n'accepte pas cela. Il fallait que je vous le dise.
Lorsque le vent soufflera sur les Prairies cet hiver et que vous n'aurez rien de mieux à faire, comparez la déclaration qui se trouve à l'article 5 et ce que l'on trouve dans la législation américaine dont l'objet, au bout du compte, est d'assurer que les intéressés gagnent de l'argent - beaucoup d'argent, le plus vite possible et par tous les moyens.
L'article 5 porte sur tous les modes de transport existants. On y parle en particulier des besoins des expéditeurs et des voyageurs, y compris les gens qui souffrent d'une déficience. On y parle de la prospérité et du développement économique du Canada. On y parle de compétitivité. Et dans la conclusion, on souligne qu'il faut dûment tenir compte de «la politique nationale», ce qui comprend la politique gouvernementale - le genre de choses dont parlait monsieur Brassard - ainsi que du contexte juridique et constitutionnel.
Si ce n'est pas là une déclaration typiquement canadienne, je ne sais pas ce qu'il vous faut. Je tiens simplement à dire, aux fins du compte rendu, que l'on ne peut confondre ce projet de loi et la législation américaine. Toutefois, il ne faut pas non plus rejeter l'idée d'avoir un réseau ferroviaire commercialement viable.
M. Edie: Merci de m'avoir donné l'occasion de mettre les choses au point si j'ai pu donner de fausses impressions.
J'ai dit à plusieurs reprises que la LTGO représentait un compromis entre les intérêts des expéditeurs et ceux des compagnies ferroviaires, avec une participation gouvernementale au financement. Les compagnies ferroviaires ont gagné de l'argent en assurant le transport du grain, et la participation gouvernementale a bien servi nos intérêts.
La seule chose que nous avons dite à propos du système américain, c'est que le Staggers Act assurait une grande protection aux chemins de fer à cause de la faillite de Penn Central et du resserrement du crédit qui a suivi. À mon avis, les Américains ont réagi de façon excessive. Lorsqu'on parle aux agriculteurs américains, ils ne sont pas du tout satisfaits des résultats, et cela souligne, comme vous venez de le dire vous-même, le rôle important que joue la politique sociale ou la politique nationale, ou encore, de façon plus générale, la prospérité économique du Canada.
Le président: Monsieur Easter, s'il vous plaît.
M. Easter (Malpèque): En parcourant votre mémoire... de façon générale, la question clé qui se pose est celle de l'équilibre des pouvoirs entre les expéditeurs et les transporteurs et, je suppose, du rôle que doit jouer le gouvernement pour protéger l'intérêt public.
M. Bruun a déclaré auparavant que le projet de loi C-101 protège les transporteurs aux dépens des expéditeurs. On sait déjà que lorsque la LTGO était en vigueur - une loi qui, à votre avis, était plus équilibrée - les compagnies de chemin de fer se tiraient assez bien d'affaire. Elles avaient des profits assurés. Sur le sujet de la protection des expéditeurs, pouvez-vous nous dire plus précisément ce qui n'est pas satisfaisant dans ce projet de loi et ce qui peut-être fait afin d'assurer un meilleur équilibre, dans l'intérêt de la communauté agricole en général?
M. Bruun: Monsieur Easter, pour faire une observation d'ordre général... toutes nos observations ont pour objet de garantir un accès aussi large que possible aux réparations que l'Office a le pouvoir d'accorder. Cet objectif peut être atteint de plusieurs façons. On devrait faire disparaître toute allusion au «préjudice important», afin que les expéditeurs qui ont des problèmes et qui estiment pouvoir obtenir réparation en s'adressant à l'Office puissent le faire, présenter leurs arguments et obtenir ou non, selon le cas, une réparation appropriée. Il ne devrait pas incomber à l'expéditeur de prouver, non seulement qu'il a subi un préjudice, mais que ce préjudice est important, avant qu'il puisse avoir droit à une réparation.
Il suffit donc de faire disparaître toute allusion à un «préjudice important». Faites en sorte que les gens puissent demander à l'Office d'entendre leur cause. Si je peux m'exprimer ainsi, faites en sorte que les Canadiens aient voix au chapitre.
Pour ce qui est des demandes «frustratoires», je pense que d'ordinaire, les tribunaux - et cet organisme aura les pouvoirs d'une cour supérieure - disposent d'un mécanisme de contrôle afin d'écarter les personnes qui déposeraient cinquante plaintes par an à propos de rien. On raconte que ce genre de choses arrive bel et bien. Il faut un mécanisme pour contrôler les abus.
Peut-être devriez-vous assurer uniquement que l'Office ne peut accorder d'indemnité en cas de perte ou de retard. Mettez simplement en place un mécanisme permettant de compenser ceux pour qui une plainte frustratoire s'est soldée par une perte de temps et un gaspillage d'énergie, mais n'allez pas jusqu'à permettre à l'Office d'ordonner à un requérant de verser une indemnité pour toute perte ou tout retard résultant d'une plainte. La peine est tout simplement trop lourde. Conservez un mécanisme permettant de contrôler les plaintes frustratoires, mais allégez-le de façon à ce qu'il n'en coûte pas aussi cher.
Nous avons remis en question l'article 113 à cause de l'expression «commercialement équitables et raisonnables». Je pense qu'il faut obtenir d'autres avis là-dessus. Cette expression devrait être précisée ou mieux, définie. On devrait relier cela aux coûts réels, à mon avis, d'une façon ou d'une autre.
Telles sont les suggestions que je ferais sur les trois sujets que j'ai abordés. Elles ont toutes pour but de permettre aux Canadiens d'avoir plus facilement recours à cet organisme.
M. Easter: Je crois que c'est le ministère qui a fait valoir que l'on devrait éliminer les plaintes de pacotille.
M. Fontana: Est-ce que cela fait partie des produits à expédier?
M. Easter: Non, Joe, en agriculture, on n'expédie jamais de pacotille.
Je crois qu'entre 1982 et 1995, on n'a formulé, en vertu de l'ancienne loi, que trois plaintes relatives aux tarifs. Même si peu de demandes ont été formulées, je suis convaincu que le fait qu'elles puissent être facilement transmises tend à empêcher les compagnies de chemin de fer d'augmenter leurs tarifs. Ne pensez-vous pas que, même si peu de plaintes sont formulées, le fait qu'elles peuvent l'être est un moyen de pression subtil?
M. Bruun: Je pense que l'on examine un peu plus attentivement toute initiative et que l'on réfléchit bien lorsqu'on sait que la décision que l'on va prendre pourrait faire l'objet d'une analyse approfondie et impartiale.
M. Easter: Donc, de votre point de vue, si on éliminait les paragraphes 27(2) et 34(1) ainsi que l'article 113, cela irait davantage dans le sens de l'intérêt public que si on les maintenait. C'est bien cela?
M. Bruun: J'en suis convaincu, mais je ne pourrais jamais le prouver. La vérité, c'est qu'un tel mécanisme découragerait toute initiative pouvant faire l'objet d'une remise en question.
Le président: Est-ce de l'intérêt public ou de celui des expéditeurs que vous parlez?
M. Easter: De l'intérêt public et de l'intérêt des expéditeurs.
Le président: Merci, monsieur Easter.
Pour terminer ce tour de table, je donne la parole à M. Fontana et nous passerons ensuite à une autre série de questions.
M. Fontana: Merci.
À propos des intérêts des expéditeurs, permettez-moi de commencer par le paragraphe 27(2), dont mes collègues ont tous deux parlé. Je suis heureux que l'on vous ait demandé combien de fois on a eu recours à l'Office en invoquant la loi de 1987 qui protégeait étroitement les intérêts des expéditeurs. La réponse, c'est qu'il n'y a pas eu beaucoup de plaintes car, pour commencer, votre secteur est très réglementé. Vous êtes protégé sur deux fronts.
Je sais à quoi vous voulez en venir. De toute évidence, vous seriez tout à fait satisfaits du statu quo parce qu'à l'heure actuelle, vous jouissez d'une protection maximale en ce qui concerne les tarifs et, si je comprends bien, vous ne souhaitez pas que les coûts soient déréglementés au point où cela permettrait d'améliorer le rendement du système. Je pense qu'au bout du compte, si le secteur des transports devient plus solide, plus efficient et plus compétitif, comme l'a indiqué Ken, les coûts devraient commencer à baisser, tout comme les tarifs depuis 1987 - c'est ce que je souhaite.
À propos des intérêts des expéditeurs et du modèle américain, il faut dire que le compromis que le gouvernement cherche à atteindre est très intéressant. Nulle part ailleurs dans le monde, même aux États-Unis, on ne trouve dans un projet de loi des dispositions qui assurent un accès compétitif au marché. Je veux parler des dispositions qui existaient dans la loi de 1987 et que l'on retrouve dans cette mesure législative, celles qui concernent l'interconnexion, les prix de ligne concurrentiels et l'arbitrage.
Ces mécanismes et ces prescriptions représentent, pour les expéditeurs, une protection peu commune, et cela ne s'applique à aucun autre mode de transport. Il n'y a rien de tel dans l'industrie du camionnage. Demandez donc à un transporteur routier s'il est prêt à faire face au PLC de l'interconnexion. C'est un compromis intéressant que l'on essaie d'atteindre.
Si je comprends bien, vous voulez en réalité que la concurrence puisse s'exercer, parce que cela vous permettra de bénéficier de tarifs moins élevés. À ce que je sache, lorsqu'il y avait une voie de chemin de fer, 80 p. 100 de la production céréalière se trouvaient dans un rayon de 35 milles des deux compagnies ferroviaires. J'aimerais que vous m'expliquiez, en vous fondant sur les graphiques que vous avez présentés, pourquoi il n'y a pas de concurrence. Se pourrait-il que l'on vous impose un tarif maximal? Dans ce cas, quel intérêt y aurait-il à ce que la concurrence s'exerce entre deux compagnies de chemin de fer?
Mon collègue a parlé du transport routier et des mesures incitatives qui ont été prises pour encourager le transport du grain par camion jusqu'à certains points. En créant des lignes sur courte distance, ce qui est également ce que nous cherchons à faire par le biais de ce projet de loi, nous allons, de toute évidence, désenclaver le système, et il faut espérer que la concurrence fera baisser les coûts.
J'ai vraiment beaucoup de difficulté à comprendre comment vous pouvez vous attendre à ce que le gouvernement favorise la concurrence et des tarifs moins élevés si, en fait, vous voulez que nous réglementions à nouveau complètement un système qui, à mon avis, a besoin d'être déréglementé pour que les coûts baissent dans tous les secteurs.
M. Edie: J'ai une brève observation à faire avant de demander à M. Miles d'intervenir. Vous avez parlé du nombre de plaintes qui ont été déposées et vous avez dit qu'il n'y en avait eu que trois. Où est donc le problème? Lorsque la LTGO était en vigueur, la question ne se posait évidemment pas. C'est lorsque la LTN était en vigueur que ces trois plaintes ont été déposées et elles n'émanaient que d'expéditeurs.
M. Fontana: Il y a également dans ce texte des dispositions sur le taux maximal, donc...
M. Edie: Mais il faut se rappeler que les taux maximaux étaient établis en fonction des coûts et que cela garantissait la rentabilisation des investissements, un bénéfice de 20 p. 100 par rapport aux coûts constants. La couverture des coûts variables et de ceux qui étaient liés à l'exploitation des lignes était garantie entièrement.
La seule chose que nous demandons, c'est que l'on fixe des prix plafonds, et nous sommes prêts à participer à d'autres analyses de coûts afin d'assurer que les compagnies ferroviaires peuvent survivre.
M. Miles s'est occupé de cela plus que moi.
M. Miles: J'ai deux ou trois observations à faire. La seule demande qui a été formulée en vertu de la LTN de 1987 concernait une expédition de grain vers l'Est à partir de Thunder Bay. De fait, les compagnies de chemin de fer ont cessé d'offrir des contrats de transport confidentiels, autorisés en vertu de la LTN de 1987, parce qu'elles ont découvert que cela leur coûtait trop cher. Pour avoir la clientèle, elles assuraient tout simplement le transport à leurs frais. Elles ont refusé de continuer à offrir ce genre de contrats, alors que cela est censé être un des principes de compétitivité de la législation.
Les tarifs s'appliquant au transport du grain dans l'Ouest canadien se sont stabilisés, mais ils n'ont pas baissé au cours des dernières années, pendant la période d'application de la LTGO. Ils ont atteint environ 32$ la tonne, et vous pouvez constater qu'ils sont toujours à peu près à ce niveau, et ce, depuis plusieurs années.
Il faut assurer un accès compétitif aux transporteurs car de grandes régions de l'Ouest canadien ne sont pas concurrentielles. Le système de transport - modal, par camion et par chemin de fer ou entre compagnies ferroviaires - n'est tout simplement pas concurrentiel. Les lignes sur courte distance sont appropriées dans les régions où la densité des exploitations agricoles est assez élevée, où les quantités produites sont suffisantes et où l'on trouve également d'autres marchandises.
Le problème qui se pose dans l'Ouest canadien vient du fait que la plupart des embranchements qui seront abandonnés ne pourront pas être transformés en lignes sur courte distance car ils sont tributaires du transport du grain et pas assez protégés des intempéries. Si les quantités produites étaient constantes, cela pourrait se justifier, mais dans les régions où elles varient énormément, si la ligne sur courte distance sert au transport d'une seule marchandise, l'exploitant court de grands risques.
Il se peut que les lignes sur courte distance aient place dans le système. Leur utilisation pour le transport du grain dans l'Ouest canadien sera limitée.
M. Fontana: J'ai une autre brève question à poser sur les droits de circulation provinciaux, dont on parle à l'article 138: êtes-vous pour ou contre? Vous n'en parlez pas dans votre mémoire, mais...
M. Edie: De fait, vous demandez si les lignes sur courte distance représentent une solution de rechange viable.
M. Fontana: Oui.
M. Edie: Le point de vue de Prairie Pool's, que nous avons présenté à l'ATG en 1991 et en 1993, est que la création de lignes sur courte distance est la solution la moins chère et donc, que c'est une bonne solution.
M. Fontana: Ce n'est pas cela que je voulais savoir. Ma question porte sur l'attribution de droits de circulation aux lignes sur courte distance.
M. Edie: John, est-ce que cela concerne l'Alberta? Il y a d'autres observations à faire sur... Dans la mesure où cela accroît la concurrence, oui, certainement.
M. Fontana: Voulez-vous accorder aux sociétés d'exploitation de lignes sur courte distance provinciales des droits de circulation sur les lignes principales sans y attacher quelques restrictions que ce soit?
M. Edie: Oui, si l'on peut parvenir à une entente avec les lignes principales.
M. Fontana: Il ne s'agit pas de cela. Voulez-vous que cela soit prescrit dans la loi?
M. Edie: Oh, que cela fasse partie de la loi...
M. Fontana: Cela se fait actuellement officieusement.
M. Edie: Je ne vois là aucun problème.
M. Fontana: Et sur le processus de transfert et d'abandon, avez-vous des observations à faire? Êtes-vous d'accord ou non?
M. Edie: Parlez-vous de ce que l'on propose à l'heure actuelle, c'est-à-dire de transfert aux lignes sur courte distance?
M. Fontana: Oui.
M. Edie: Et vous parlez du processus qu'il faudra suivre. Ce n'est pas le processus qui s'applique actuellement dans le cas des 535 milles de voies que l'on envisage abandonner. Nous avons toujours dit qu'il faudrait examiner chaque embranchement pour voir si son transfert à une ligne sur courte distance ne se traduit pas par des coûts supplémentaires pour les agriculteurs, et s'il s'agit bien d'une solution de remplacement moins chère. C'est sur ce point que nous avons concentré tous nos efforts.
M. Fontana: Bon, je ne sais plus quoi penser. Êtes-vous pour ou contre les droits de circulation, sans restriction?
M. Edie: Je ne pense pas que cela pose de problèmes car cela introduit un autre facteur de compétitivité dans les activités commerciales...
M. Fontana: Ne pensez-vous pas cependant que si vous accordez, sans restriction, des droits de circulation à des compagnies de chemin de fer provinciales, les lignes principales vont décider de ne pas abandonner leurs embranchements, de ne pas les vendre, et que, par conséquent, il n'y aura pas de lignes sur courte distance ni d'ailleurs de concurrence? L'article 138 du projet de loi C-101 interdit d'accorder des droits de circulation sans restriction aux compagnies de chemin de fer provinciales, parce que, de toutes façons, nous ne sommes pas en position de le faire. Il existe quelque chose qui s'appelle la Constitution et cela donne certains pouvoirs aux provinces. Toutefois, certains ont indiqué que les droits de circulation...
M. Gouk: J'invoque le règlement, je suis quelque peu perplexe. Il semble que le député essaie de pousser les témoins à formuler une demande dont ils n'ont pas parlé dans leur mémoire. Je comprends mal où l'on veut en venir.
Le président: Laissez-lui poser la question et laissez le témoin répondre, ensuite
M. Fontana: Où est le problème? Cela fait partie du projet de loi. Ne pensez-vous pas que j'ai le droit de demander l'opinion d'un témoin sur un sujet important?
M. Gouk: Il semble que vous essayiez...
M. Fontana: Non, j'essaie de savoir quelle est leur position.
Le président: À l'ordre. Posez la question et laissez les témoins répondre. Avez-vous une autre question à poser?
M. Fontana: Je n'ai pas encore eu la réponse que je souhaitais.
Le président: Le témoin a déclaré qu'il ne voyait là aucune difficulté.
M. Edie: Comme je l'ai indiqué, nous n'avons pas abordé cette question dans notre mémoire. Dans la mesure où il faut tenir compte de la Constitution et où ces droits pourraient s'appliquer sur le territoire de plusieurs provinces, cela soulève toutes sortes de problèmes. Il faudrait vraiment que nous fassions des recherches avant de déterminer si cela est compatible avec nos politiques et quelle position nous devrions adopter.
M. Fontana: Comme vous le savez, ce projet de loi représente un compromis délicat. Avant que nous passions à l'examen article par article, je voudrais vraiment savoir quelle est votre opinion à propos des droits de circulation.
Enfin, ne pensez-vous pas que l'arbitrage des propositions finales est, en définitive, le moyen d'action auquel les parties en cause auront recours: du moins, la menace du recours à l'arbitrage des propositions finales? Et si nous faisions de l'APF le règlement par excellence et éliminions tous les autres du projet de loi, ce qui laisserait aux expéditeurs et aux transporteurs la charge de négocier les conditions et modalités qui s'appliqueraient, au lieu de les prescrire par voie législative?
M. Edie: Nous ne jugeons pas acceptable le genre d'arbitrage des propositions finales qui est stipulé dans le projet de loi. Reste à savoir si cela serait le cas dans n'importe quelle autre circonstance... Comme l'a indiqué M. Miles, les compagnies de chemin de fer n'ont pas respecté ces dispositions lorsqu'elles ont eu l'occasion de transporter du grain à l'est de Thunder Bay, parce qu'elles ne les jugeaient pas satisfaisantes, non plus. Je ne pense pas que nous devrions faire des observations à ce sujet sans y avoir réfléchi parce qu'à mon avis, il n'est pas nécessairement possible d'instaurer un système de manutention du grain viable uniquement sur cette base.
Le président: Messieurs, merci d'être venus faire cette présentation au comité et d'avoir répondu à nos questions.
Mes chers collègues, nous avons sans doute le temps d'entendre les représentants de la Western Grain Elevator Association avant d'aller voter.
M. Taylor (The Battlefords - Meadow Lake): Pendant que nous changeons de place, est-ce que je peux dire quelque chose à M. Fontana à propos des droits de circulation?
Le président: Nous pouvons vous entendre à titre de témoin, mais il serait sans doute préférable que vous alliez vous asseoir à côté de lui pour le mettre au courant.
M. Taylor: Pourrais-je simplement...
Le président: Non.
M. Taylor: C'est juste pour m'assurer qu'il comprend que cela ne s'applique pas uniquement aux lignes sur courte distance.
Le président: Je suis sûr que le secrétaire parlementaire comprend fort bien que... mais vous pouvez, si vous voulez, venir bavarder avec lui...
Mes chers collègues, nous accueillons M. Greg Arason qui représente Western Grain Elevator System.
Monsieur Arason, nous sommes impatients de vous entendre.
Greg Arason (administrateur, Western Grain Elevator Association): Merci, monsieur le président. Je suis heureux de pouvoir présenter notre point de vue au sujet de cette importante loi.
Je suis administrateur et ancien président de la Western Grain Elevator Association et directeur de Manitoba Pool Elevators. Je suis également administrateur de quatre autres compagnies fortement tributaires du transport - à savoir, Prince Rupert Grain, le terminal de Pacific Elevators à Vancouver, XCAN Grain Pool Ltd. - le plus important exportateur canadien de céréales produites hors Commission - et CanAmera Foods - le plus important triturateur de graines oléagineuses du Canada.
La Western Grain Elevator Association, qui représente plus de 95 p. 100 des silos des Prairies, est aussi l'organisme qui chapeaute la Lakehead Terminal Elevator Association et la B.C. Terminal Association.
Notre mémoire a été préparé en coopération avec la Commission canadienne du blé étant donné que nous sommes ses agents et responsables de l'expédition et de la manutention des grains de la Commission, du silo de collecte au point de vente, soit à quai, soit aux clients finals.
Je crois que notre mémoire a été distribué aux membres du comité et je vais donc passer en revue nos recommandations sur le projet de loi C-101 avant de répondre aux questions que vous voudrez poser.
À toutes fins utiles, je signale que la liste des membres de la Western Grain Elevator Association figure sur la couverture de notre document.
De façon générale, avant le 31 juillet 1995, le grain de l'Ouest canadien était visé par le cadre de réglementation établi dans la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, laquelle prévoyait un tarif maximal pour le transport, des garanties de rendement des chemins de fer, et une allocation pour la désignation de points concurrentiels et contigus.
Le projet de loi C-76 a abrogé la Loi sur le transport du grain de l'Ouest et la protection des tarifs était désormais assurée par la Loi de 1987 sur les transports nationaux qu'on avait modifiée. Les dispositions sur la protection tarifaire sont maintenant incluses dans les articles 149 et 150 du projet de loi C-101.
Tout au long des consultations reliées à l'élimination de la LTGO, l'industrie céréalière a été rassurée: ses préoccupations au sujet du rendement, des tarifs et des obligations des transporteurs recevraient toute l'attention voulue grâce aux dispositions d'accès concurrentiel et aux mécanismes de règlement des conflits tarifaires de la Loi de 1987 sur les transports nationaux, c'est-à-dire les prix de ligne concurrentiels, l'interconnexion et l'arbitrage des propositions finales.
Le projet de loi C-101 renferme la plupart des dispositions les plus souhaitables et nécessaires qui intéressaient les expéditeurs dans la Loi de 1987 sur les transports nationaux. Cependant, un certain nombre d'articles ont été ajoutés, et ils pourraient, de fait, annuler les dispositions relatives à l'accès concurrentiel.
Il faut protéger les expéditeurs céréaliers. Un certain nombre de caractéristiques distinguent le grain des autres produits en vrac comme le charbon, la potasse et le soufre. Dans l'Ouest canadien, le grain provient de plus de 100 000 centres de production distincts, les exploitations agricoles. Le réseau de transport prévoit l'acheminement à des utilisateurs dans plus de 1 000 endroits et, comme on l'a mentionné, il y a une multitude de types et de catégories de grains.
En raison de l'importante quantité de produits qu'il permet de transporter, soit plus de 30 millions de tonnes chaque année, et de la distance moyenne des trajets, plus de 1 000 milles, rien ne saurait concurrencer efficacement le chemin de fer pour le transport du grain. Ce caractère unique du grain a été reconnu dans la Loi sur le transport du grain de l'Ouest.
Il faut protéger l'expéditeur pour trois raisons.
Premièrement, il n'existe aucun autre moyen de transport aussi efficace que les chemins de fer pour les producteurs de grain et d'oléagineux des Prairies. À l'encontre des États-Unis, les Prairies n'ont pas de voie navigable vers les ports d'exportation, et le transport par camion n'est pas rentable en raison des distances.
Deuxièmement, les producteurs de grain ont un pouvoir limité pour négocier les tarifs de transport et garantir la qualité des services. Comme on l'a déjà mentionné, il n'y a aucun autre moyen d'acheminer le grain, à part le transport ferroviaire.
Troisièmement, il n'existe aucune concurrence efficace entre les sociétés ferroviaires. Il n'y a que deux transporteurs ferroviaires nationaux. En vertu du duopole qu'exercent ces deux sociétés, la concurrence sur le plan des tarifs et des services est forcément limitée. Plus important encore, il ne semble pas que l'adoption du projet de loi C-101 soit susceptible d'attiser la concurrence dans l'industrie ferroviaire. En fait, on a toutes les raisons de craindre que la concurrence et la qualité du service diminuent si le projet de loi C-101 est adopté dans sa forme actuelle.
Le projet de loi C-101 contient un certain nombre d'aspects positifs: tarif maximal pour le transport du grain, maintien des obligations des transporteurs, ainsi que de l'arbitrage des propositions finales pour résoudre les conflits relatifs aux tarifs - bien que, selon la formulation proposée dans le projet de loi, le processus d'arbitrage ressemble à une partie de poker où l'on montrerait son jeu - et, finalement, dispositions relatives à l'accès concurrentiel, comme les prix de ligne concurrentiels et l'interconnexion.
Le paragraphe 27(2) nous inquiète. En vertu de ce paragraphe, l'Office n'acquiesce à la demande d'un expéditeur relative au prix ou au service que s'il estime, compte tenu des circonstances, que celui-ci subirait autrement un préjudice important. Ce paragraphe n'a jamais figuré dans la Loi de 1987 sur les transports nationaux. On ne trouve nulle part de définition de «préjudice important», et l'on risque ainsi d'accorder trop de pouvoirs aux transporteurs.
Nous sommes également préoccupés par le fait que ce qui risque d'être considéré comme un préjudice important pour un expéditeur peut ne pas l'être pour un autre. Les jugements subjectifs aboutissent à un traitement inégal.
En vertu du paragraphe 34(1), l'Office peut ordonner le paiement des frais en alléguant que la plainte est de nature frustratoire. Ce mot n'est pas défini et, s'il est vrai qu'il faut dissuader les plaintes injustifiées, les expéditeurs ne devraient pas être soumis à des contraintes indues au moment de faire valoir leurs droits.
En vertu de l'article 113, les prix et conditions de service fixés par l'Office doivent être commercialement équitables et raisonnables, et cela s'appliquerait au niveau de service, aux tarifs relatifs à l'interconnexion, aux prix de ligne concurrentiels et aux droits de circulation. L'article comporte des éléments ambigus, dangereux ou inutiles. La loi ne contient aucune définition de ce qui est «équitable et raisonnable». Ainsi, chaque transporteur et chaque expéditeur peuvent lui donner sa propre définition.
Je ferais remarquer que lors de précédentes séances du comité, le CN a fait valoir qu'on pourrait considérer qu'un taux tiendrait les expéditeurs en otage s'il représentait 180 p. 100 ou 200 p. 100 du coût variable. Notons que dans la LTGO, on considérait équitable et raisonnable un taux équivalant à 120 p. 100 du coût variable par rapport à celui acquitté par d'autres expéditeurs. Nous nous inquiétons de l'interprétation que peuvent donner à «équitable et raisonnable» les différents intéressés.
La Western Grain Elevator Association appuie de façon générale l'article 155 et la nécessité de procéder à une évaluation de l'efficience de la manutention du grain et du réseau de transport ainsi que du partage des gains d'efficience entre les expéditeurs et les compagnies de chemin de fer. Ce qui est préoccupant ici, c'est que l'article ne donne au ministre aucune directive précisant sur quoi porteront ces examens et évaluations.
La LTGO prévoyait l'examen des coûts. Aucune disposition dans le projet de loi C-101 n'est prévue à cet effet, et il n'y a pas, non plus, de disposition obligeant l'Office à constituer une base de données ou à retenir les services de spécialistes en matière des coûts. L'article 155 devrait prévoir la prorogation des examens des coûts jusqu'à la conclusion d'une entente visant l'instauration d'une autre mesure.
Enfin, en vertu du paragraphe 40(3) de la Loi de 1987 sur les transports nationaux:
- (3) Si les circonstances en l'espèce le requièrent, l'Office peut, par arrêté provisoire ex
parte, prendre toute mesure d'autorisation, d'obligation ou d'interdiction qu'il aurait été
habilité à prendre sur demande et avis après audition.
Le grain est commercialisé sur un marché mondial compétitif où tout retard dans l'établissement d'un prix peut se solder par la perte d'une vente; il se peut aussi que le bateau parte pendant qu'on attend une décision. Nous recommandons que cet article soit repris dans le projet de loi C-101.
Monsieur le président, telles sont mes observations. Je serais heureux de répondre aux questions que vous voudrez bien me poser.
Le président: Monsieur Arason, merci de votre exposé.
Étant entendu qu'un bon texte de loi est habituellement un texte équilibré, après avoir entendu les divers expéditeurs qui se sont manifestés, et si nous cherchions un nouvel équilibre? Et si nous suivions votre suggestion - supprimer les paragraphes 27(2) et 34(1) et l'article 113 - tout en compensant ces suppressions par l'élimination des dispositions relatives aux prix de ligne concurrentiels, à l'interconnexion et autres recours accordés aux expéditeurs - exception faite de l'arbitrage - de façon à laisser libre cours à la concurrence?
Les expéditeurs négocieront avec le transporteur, et s'il y a une difficulté, ils pourront demander à l'ONT d'arbitrer. Qu'en pensez-vous?
M. Arason: L'équilibre doit provenir de l'accès à des solutions de rechange. En supprimant des dispositions comme celles qui traitent des prix de ligne concurrentiels, de l'interconnexion, etc., vous limitez sérieusement les solutions de rechange et les options dont disposerait un expéditeur.
Le président: Mais nous allons nous débarrasser de ce qui fait l'affaire des expéditeurs, tels que les paragraphes 27(2) et 34(1) et l'article 113.
M. Arason: Oui je comprends. Selon nous, ces articles ont pour conséquence de limiter l'accès. C'est ce qui nous inquiète.
On peut parvenir à un équilibre quand il existe des solutions de rechange. Notre sentiment est qu'à moins qu'il y ait des solutions de rechange... L'arbitrage est une bonne chose si les deux parties mettent leurs offres dans une enveloppe, mais si je suis obligé de soumettre mon offre à une compagnie de chemin de fer en respectant toutes les conditions et de m'engager à fournir les marchandises dans le cadre de cette même offre, cela limite sérieusement l'équité de l'arbitrage.
Le président: Je pense que nous avons des opinions divergentes à propos de ce qu'il faut entendre par équilibre.
M. Arason: Je pense que oui.
Le président: Je pense que nous avons la réponse - non.
M. Gouk, s'il vous plaît.
M. Gouk: J'ai été intrigué par la carte qu'a jouée le président. J'aimerais bien étudier cela de plus près; toutefois, je voudrais entendre l'avis de tous ceux qui ont déjà comparu, car nous n'avons pas véritablement abordé cette question. Un changement d'une telle magnitude justifierait probablement d'autres avis. Je serais curieux de connaître la réaction de tous ceux qui ont comparu.
J'ai juste une question à propos du paragraphe 27(2). Nous savons tous que nous ne vivons pas dans un monde idéal et que l'on parvient rarement à des solutions parfaites. Le paragraphe 27(2) serait-il acceptable - sans pour autant soulever l'enthousiasme - si l'on changeait sa formulation de manière à le rendre absolument clair - car il y en a qui comprennent, et d'autres qui ne comprennent pas, que ce paragraphe ne constitue pas un moyen d'empêcher une demande de parvenir à l'ONT - et parallèlement, si l'on modifiait le texte de manière à indiquer clairement que cela ne s'applique pas à l'arbitrage?
M. Arason: Je m'exprime, je l'espère, au nom des membres de notre association quand je déclare que notre grande préoccupation est le caractère subjectif du paragraphe 27(2). Je pense qu'il serait extrêmement difficile de définir ce que l'on entend par préjudice important. Comme on l'a déjà dit auparavant devant ce comité, il n'y a pas eu de nombreux abus. Je ne pense pas qu'un expéditeur se plie de gaieté de coeur au processus d'audience réglementaire pour faire établir un prix. Je pense que, dans la plupart des cas, le fait qu'il existe une solution de rechange suffit pour que les parties parviennent à une décision et qu'il est inutile de recourir à d'autres entraves telles que l'obligation de démontrer qu'il y a un préjudice important ou autre chose encore.
M. Gouk: Autrement dit, votre réponse est non.
M. Arason: C'est non, en effet.
M. Gouk: Très bien, je vous remercie.
Le président: Chers collègues, j'entends la sonnerie qui nous appelle à la Chambre pour voter. À notre retour, monsieur Gouk, il vous restera huit minutes.
M. Gouk: J'allais justement passer la parole à M. Hermanson, qui ne pourra pas revenir après le vote.
Le président: Malheureusement, je ne veux pas être tenu responsable si nous arrivons en retard pour voter. J'espère que nous allons pouvoir revenir. Monsieur Arason, pouvez-vous patienter et attendre notre retour dans environ une demi-heure?
M. Arason: Je pense que oui. Je vais faire le nécessaire pour changer l'heure de mon vol.
Le président: Ça serait fantastique.
Je m'excuse de ce retard auprès de la Saskatchewan Wheat Pool et de l'Institut de chimie du Canada, mais nous devrions être de retour ici pour reprendre nos audiences dans une trentaine de minutes.
PAUSE
Le président: Je suis content que vous soyez de retour, chers collègues. Je vous remercie, monsieur Arason, d'avoir patienté pendant que nous participions à ce vote important à la Chambre des communes. Au fait, le gouvernement a remporté une autre victoire.
Il vous reste huit minutes, monsieur Gouk.
M. Gouk: Je laisse la parole à M. Hermanson.
M. Hermanson: Tous les expéditeurs ont exprimé leur inquiétude au sujet du paragraphe 27(2) et de deux ou trois autres. Ils se sont aussi déclarés préoccupés par la méthode d'arbitrage. Ils la jugent insatisfaisante car il ne s'agit pas d'un véritable arbitrage de dernier recours.
J'aimerais connaître l'importance relative que vous attachez à la suppression de ces articles jugés inacceptables, et comment vous liez cela à l'intérêt d'inclure dans cette loi des dispositions sur les tarifs-marchandises maximaux. Je veux donc savoir quelles sont vos priorités. Autrement dit, si la question de l'arbitrage était réglée et que le paragraphe 27(2) disparaissait, ainsi que quelques autres articles, tels que celui qui porte sur les conditions frustratoires, cela serait-il d'importance égale ou supérieure à l'élimination du plafond des tarifs-marchandises?
M. Arason: Je réfléchissais à la question posée par le président à la fin de mon exposé. Si j'ai bien compris, il m'a demandé si je serais satisfait que l'on fasse sauter les verrous pour que je puisse ouvrir toute grande la porte. Ma réponse est que je serais sans doute pas heureux de pouvoir ouvrir la porte s'il n'y a rien derrière. Là est la véritable question. Il faut qu'il y ait des dispositions qui nous garantissent certaines réparations et un certain accès compétitif, afin de mieux refléter l'environnement concurrentiel.
Pour ce qui est du plafond du taux maximal, je pense que les taux actuels se sont avérés satisfaisants. Je trouve qu'ils sont équitables par rapport aux autres produits, comme le stipulait le projet de loi C-155. Au moment où il a été rédigé, 20 p. 100 était jugé satisfaisant et équitable par rapport aux autres marchandises. Cette disposition a fait l'objet d'une autre révision et elle n'a pas été modifiée, par conséquent, j'estime que pour les chemins de fer, ces taux n'ont pas été uniquement compensatoires mais ont contribué, en général, à leur prospérité.
Je ne pense pas que cela représente un fardeau important si l'on conserve ces taux dans l'avenir prévisible, pendant la période de transition. Je ferais remarquer que le ministre étudie la question, et il pourrait déterminer si ces dispositions sont réellement équitables.
Ce qui ne nous satisfait pas, c'était l'inversion de la charge de la preuve qui nous obligeait à démontrer que ce n'était pas équitable. C'est l'article auquel nous nous opposions, mais notre point de vue se reflète mieux dans l'énoncé actuel du projet de loi.
M. Hermanson: J'attends toujours une réponse claire.
M. Arason: Quels sont les sacrifices à consentir?
M. Hermanson: Si une fée passait et vous accordait trois souhaits, quels sont les trois articles que vous aimeriez faire supprimer ou modifier, et dans quel ordre? Si, pour que ces trois souhaits soient exaucés, vous deviez renoncer à une disposition de ce projet de loi, parmi celles que veulent les chemins de fer, quelle est celle que vous seriez prêt à abandonner?
M. Arason: Les questions soulevées par les expressions «préjudice important» et «équitable et raisonnable» sont probablement plus importantes à nos yeux que, disons, le mot «frustratoire», qui nous inquiète, mais qui n'est pas notre première préoccupation.
Je ne suis pas certain d'être en position de consentir des sacrifices au nom des autres membres de mon association...
M. Hermanson: C'est juste.
M. Arason: ...car en fait mon organisme n'en représente probablement qu'environ 10 p. 100. Manitoba Pool expédie probablement environ 10 p. 100 du grain qui est transporté dans les Prairies, et j'hésiterais à remettre en question la protection que cet organisme a jugée équitable, comme moi, d'ailleurs. Honnêtement, je ne pense pas pouvoir répondre à la question au nom de l'association.
M. Hermanson: C'est une position honnête et je l'accepte.
Si nous ne pouvions pas supprimer le paragraphe 27(2), comment souhaiteriez-vous le modifier?
M. Arason: Je n'en suis pas certain. Je commencerais par faire remarquer que je ne suis pas avocat. Éventuellement, on s'en remettra pour régler tout cela à une forme quelconque de processus judiciaire. Tout ce qui est de nature subjective est très difficile à formuler de façon à apporter une certaine garantie. Rien n'est laid pour celui qui aime, mais je ne suis pas certain que cet article puisse être retapé.
M. Hermanson: Par conséquent, vous pensez qu'il doit être supprimé?
M. Arason: C'est notre avis.
M. Hermanson: N'est-il pas un peu prématuré d'adopter un texte de loi comme celui-ci, avant même de savoir comment évoluera le processus d'attribution des wagons? La question fait actuellement l'objet de discussions. Quelle sera l'incidence des dispositions du projet de loi C-101 sur l'attribution des wagons? Votre association s'est-elle penchée sur la question?
M. Arason: La question de l'attribution et de la propriété des wagons, comme celle du rôle de la Commission canadienne du blé dans le secteur du transport, sont trois sujets qui ont effectivement été étudiés par un groupe représentant l'industrie - expéditeurs, compagnies ferroviaires et producteurs. Je crois savoir qu'un rapport est en cours de finalisation, et je pense que certaines des questions qu'il aborde toucheront au barème général des taux et au prolongement, pour un certain laps de temps, du taux maximum et que l'on justifiera la prise en compte des frais des wagons. Je pense donc que le projet de loi et le rapport sont étroitement liés et je m'attends à ce que cette information soit disponible dans les toutes prochaines semaines.
M. Hermanson: Si je puis m'exprimer, non pas en tant que député, mais en tant qu'agriculteur, je me sens coincé entre le marteau et l'enclume, car le gouvernement s'efforce de faire adopter un texte de loi afin de vendre le CN dans les prochains jours. En revanche, je ne sais pas à quoi va aboutir le processus d'attribution des wagons, et quelle incidence cela pourrait avoir, en l'occurrence.
Trouvez-vous que nous avons une approche coordonnée pour régler toutes ces questions? Y a-t-on réfléchi suffisamment?
M. Arason: La propriété des wagons et leur attribution sont certainement deux questions liées; elles ont beaucoup occupé l'industrie au cours de l'été.
En tant qu'expéditeur et gérant de silos, et ayant moi-même été élevé dans une ferme, je comprends votre inquiétude. Je crois que les questions entourant la répartition des wagons seront résolues, mais les mesures qui seront prises feront partie d'un tout qui constituera une approche équilibrée.
M. Hermanson: Merci.
Le président: Si, derrière la porte dont vous parliez un peu plus tôt, vous trouviez un mode d'arbitrage satisfaisant, cela serait-il acceptable?
M. Arason: Cela apporterait certaines garanties, mais je pense...
Le président: Vous aimeriez pouvoir examiner le tout.
M. Arason: Je l'ai déjà dit, je siège au conseil de plusieurs autres entreprises, entre autres, CanAmera et Can-Oat Milling.
Le président: Dans la bonne ville de Hamilton, Ontario.
M. Arason: Oui. Et Can-Oat dans la belle ville de Portage la Prairie.
Pour ce type d'industries qui expédient des produits finis vers de nombreuses destinations, l'interconnexion et les prix de ligne concurrentiels sont extrêmement importants.
Le président: Comme le sont les paragraphes 27(2) et 34(1), ainsi que l'article 113.
M. Arason: Plus encore peut-être que dans le cas du grain non préparé que nous expédions à Vancouver, Thunder Bay ou ailleurs.
Mme Cowling: M. Arason, le CN a indiqué que dans 80 p. 100 des cas, les expéditions de grain se font dans un rayon de 35 milles de la compagnie de chemin de fer concurrente. S'il en est ainsi, cela fait-il disparaître toutes les inquiétudes que vous pourriez avoir au sujet de la «captivité» des expéditeurs de grain?
M. Arason: Une des questions qui a fait l'objet d'un débat - qui remonte années soixante-dix - c'est la configuration du réseau ferroviaire.
Il y a eu d'importants abandons de lignes de chemin de fer. Dessiner une carte et dire que le point A est distant de 35 milles du point B ne suffit pas. Dans de nombreuses régions des Prairies il existe des obstacles géographiques - rivières, infrastructures routières insuffisantes, etc. - ce qui signifie que ce qui apparaît comme une distance relativement courte peut en fait ne pas l'être véritablement.
Prenez The Pas: il faut admettre qu'il s'agit certainement d'un cas auquel la moyenne de 35 milles ne s'applique pas. Une seule compagnie ferroviaire dessert The Pas: le CN. Une seule compagnie céréalière dessert The Pas: Manitoba Pool. Là-bas, les producteurs ont le choix en ce qui concerne le mode d'expédition: ils peuvent faire transporter leur grain par wagons de producteurs, ils peuvent l'expédier au syndicat ou ils peuvent l'acheminer jusqu'à Swan River, le centre le plus proche. Swan River est également desservi par CN. Mais il y a deux autres entreprises céréalières à Swan River.
Mais en réalité, les habitants de The Pas n'ont pas vraiment beaucoup de choix. Ils ne vont pas faire transporter leur grain par camion jusqu'à Churchill pour des raisons évidentes, et Thunder Bay ou Vancouver ne sont pas des destinations réalistes pour le transport par camion.
On rencontre donc ce type de situations, mais je peux aussi mentionner des cas, dans le sud du Manitoba, où on pourrait croire que les lignes de chemin de fer suivent un trajet parallèle, alors qu'en fait, pour se rendre du point A au point B, il faut parcourir des milles vers l'est et revenir dans l'autre sens.
Il y a aussi le fait que les silos sont des structures permanentes. On ne peut pas simplement les déménager d'un endroit à un autre. C'est un gros investissement. Dans l'industrie céréalière, nous avons tous collaboré étroitement avec les chemins de fer à la planification de nos futurs réseaux. Nous tenons compte des abandons de lignes possibles, et je ne pense pas que nous nous soyons laissés aller à de trop nombreux investissements frivoles. Et à l'avenir, nous poursuivrons dans la même voie.
Mais on ne peut pas dire qu'il y a toujours concurrence entre les lignes de chemin de fer.
Mme Cowling: Je vous remercie.
Le président: M. Collins, s'il vous plaît.
M. Collins: À la page 2 de votre mémoire, vous déclarez «On conserve le tarif maximal pour le transport du grain». Quel est le sentiment de votre groupe à propos de la disposition relative au plafonnement qui figure dans le projet de loi C-76?
M. Arason: Notre groupe souhaitait que le plafond du tarif-marchandises maximal soit maintenu. Nous avons pensé que c'était important, compte tenu du fait que l'avenir est incertain et qu'il s'agit d'un taux équitable et raisonnable qui s'est avéré avantageux pour l'industrie au cours des dernières années.
J'ajouterais seulement qu'à notre avis, pour que l'on puisse assurer qu'il demeure équitable et raisonnable, il faudrait qu'il y ait un processus d'évaluation des coûts avant que d'autres décisions soient prises, que l'on conserve des dossiers, et que l'on garde les moyens de les établir.
Mme Collins: Cette opinion est-elle partagée par les exploitants de terminaux intérieurs?
M. Arason: Je ne suis pas leur porte-parole. Je sais que leurs associations viendront vous présenter leur point de vue. Weyburn est membre de Western Grain et à ce titre, appuie la déclaration officielle que je vous ai présentée. Mais je m'attends à ce que ces associations vous fassent part elles-mêmes de leur opinion.
M. Collins: Je reprends la question qui a été posée au groupe précédent. Vous exprimez un point de vue très important en disant que si certaines parties pertinentes de la loi ne sont pas modifiées, cela vous fera du tort à vous ainsi qu'à tous les expéditeurs figurant sur la liste. Afin de minimiser cela, maintenez-vous que les paragraphes 27(2), 34(1) et l'article 113 soulèvent des problèmes qu'il est critique de régler si l'on veut parvenir à une solution qui n'impose pas un trop lourd fardeau à une des parties concernées et qui, au bout du compte, vous permettra de toujours compter sur un bon service ferroviaire à des prix compétitifs?
M. Arason: Nous soulignons dans notre mémoire que le projet de loi C-101 revêt de nombreux aspects positifs. Nos inquiétudes se rapportent notamment à ces articles. Selon nous, il n'y aura pas beaucoup d'initiatives frustratoires ou futiles, et les questions qui seront soulevées seront importantes et sérieuses.
Nous craignons toutefois que ce qu'un expéditeur considère comme une affaire sérieuse ne le soit pas pour un autre - et donc que beaucoup de choses soient sujettes à interprétation.
Nous pensons que si l'on se contentait de supprimer ces articles et de laisser le processus suivre son cours, on établirait un environnement concurrentiel dans lequel nous pourrions fonctionner et qui s'avérerait satisfaisant pour les chemins de fer et pour les expéditeurs.
M. Collins: Venons-en à l'aspect juridique: s'il y avait des contreparties quelconques, de quelle façon amèneriez-vous les chemins de fer à procéder à certains changements, à condition que l'on règle la question des conditions «frustratoires»? Pourriez-vous nous aider à amender cela?
M. Arason: Comme je l'ai dit, je ne suis pas aussi préoccupé par les conditions «frustratoires» que par le «préjudice important». Par conséquent, s'il faut établir des priorités, c'est l'ordre dans lequel je rangerai ces notions.
Le président: Monsieur Nault, s'il vous plaît.
M. Nault (Kenora - Rainy River): Au nombre des choses qui ne me surprennent pas, il y a, bien sûr, le fait que les expéditeurs considèrent que ce projet de loi supprime une partie de la protection dont ils bénéficient. C'est une évidence qui ressort de toutes les présentations que nous avons entendues.
Nous n'avons pas vraiment demandé aux expéditeurs s'ils estiment qu'il existe un problème fondamental dans l'industrie des chemins de fer telle qu'elle est actuellement, ou s'il s'agit simplement d'un produit de l'imagination des chemins de fer et si, en fait, il ne vaudrait pas mieux conserver la Loi de 1987 sur les transports nationaux car, pour être franc, elle accorde aux expéditeurs tout ce qu'ils ont toujours souhaité avoir?
En ce qui me concerne tout du moins, quand je lis ce texte de près, cela me fait penser au Père Noël car il offre une protection sans faille aux expéditeurs. L'histoire montre que cela est vrai dans la mesure où les tarifs qui s'appliquent aux différentes marchandises ont baissé d'environ 30 p. 100 depuis 1987 pour les chemins de fer.
Reconnaissez-vous, oui ou non, qu'il existe un problème fondamental dans l'industrie ferroviaire? Dans la négative, vous prétendrez évidemment qu'il vaudrait mieux en rester au statu quo.
M. Arason: Pour déterminer la santé relative de l'industrie des chemins de fer, il faut envisager la question dans une perspective est-ouest. Il faut se rappeler que la LTN de 1987 ne s'appliquait pas à nous. C'était la LTGO, une loi qui était le fruit de sacrifices et de compromis. En échange d'une garantie de financement aux chemins de fer équivalant à leurs coûts variables plus une contribution, etc., les expéditeurs ont accepté de payer plus cher pour expédier le grain.
On nous demande aujourd'hui de passer de ce type d'environnement à une mesure qui, au départ, devait suivre le modèle de la LTN de 1987,mais qui est devenue le projet de loi C-101, un texte similaire mais qui recèle certains aspects préoccupants dans le domaine de l'accès aux compensations.
Comme l'a rappelé M. Edie, il n'est pas de notre intérêt d'avoir des transporteurs en difficulté. C'est d'ailleurs ce qui avait motivé l'adoption de la LTGO au départ. Nous pensons que ce projet de loi, si l'on respecte un certain équilibre, assurera la viabilité future des chemins de fer.
Nous ne voulons pas que l'on nous pousse pour ainsi dire au bord du précipice avant de nous permettre de faire quelques pas en arrière pour nous rassurer et nous faire reprendre nos esprits. Ce ne serait pas sain pour notre industrie. Nous croyons qu'un certain équilibre doit exister.
M. Nault: Reprenez-moi si je me trompe, mais j'ai l'impression en vous écoutant, que vous reconnaissez qu'il existe des problèmes fondamentaux dans l'industrie ferroviaire auxquels il faut apporter des solutions.
M. Arason: Je pense que certains problèmes d'efficience doivent être examinés. Il y a eu, pendant l'été, des tentatives d'arbitrage pour tenter de régler cela, notamment dans le domaine des contrats que les chemins de fer ont à respecter.
Nous ne nous opposons pas aux abandons de lignes de chemin de fer. De fait, nous les avons appuyés dans des situations où cela s'avérait bénéfique. Nous avons favorisé certains abandons et nous avons collaboré avec les chemins de fer à cet égard. Nous continuerons d'ailleurs d'agir ainsi.
Nous avons participé à la rationalisation des ports. Nous avons l'intention de coopérer avec les transporteurs afin de mettre en place un système efficace. Il n'est pas dans notre intérêt que leur fonctionnement soit inefficient. Et il n'est pas dans leur intérêt que nous soyions chassés du marché par des prix trop élevés. Je pense qu'avec un environnement adéquat, on parviendra à un équilibre.
M. Nault: Parfait. Je comprends cela et je pense que c'est ce que nous visons.
Toutefois l'un des problèmes auxquels nous faisons face vient du fait que l'on ne peut pas dire, comme l'ont déclaré certains intervenants, qu'il existe un partenariat entre les chemins de fer et les expéditeurs. Je suis de ceux qui pensent que cela n'est pas exact, car vous avez des positions très divergentes et vos mémoires présentent des vues si opposées qu'on pourrait penser que vous parlez de deux projets de loi différents et que vous n'habitez pas le même pays.
Pensez-vous, comme moi, que si nous voulons jouer correctement notre rôle de parlementaires, si nous cherchons à adopter une approche équilibrée et à avoir une industrie du transport - ou au moins une industrie des chemins de fer - qui soit prospère mais qui assure en même temps aux expéditeurs un certain degré de protection, cela va finalement aboutir à ne vous satisfaire ni les uns ni les autres?
Jusqu'à présent, j'ai constaté que les expéditeurs se situaient à un extrême et les chemins de fer à l'autre. Ces positions extrêmes ne sont bonnes pour personne car il faudra qu'il y ait un gagnant et un perdant; et vous ne pouvez survivre les uns sans les autres. Cela fait penser à un mauvais mariage, mais c'est la vie.
J'essaie de voir s'il n'existerait pas un moyen terme, parce que chaque question que nous posons à l'expéditeur... Regardons les choses en face, vous ne seriez pas assis autour de la même table que nous si vous n'étiez pas vous-mêmes de bons politiciens. Vous êtes parvenus jusqu'à présent à éluder chacune des questions que nous vous avons posées. Vous n'avez jamais dit clairement quelle tractation vous seriez disposés à envisager s'il le fallait absolument.
C'est pour cela que nous sommes ici; pour faire des compromis. Il n'est pas possible d'avoir une politique strictement axée sur les expéditeurs ou strictement axée sur les chemins de fer. S'il ne nous est pas possible de savoir clairement ce que vous êtes disposés à négocier, il devient très difficile pour nous de prendre une décision éclairée sur ce qui vous convient véritablement.
M. Arason: Sauf le respect que je vous dois, je ne suis pas certain que les divergences de vues entre les expéditeurs et les transporteurs soient aussi extrêmes que vous le dites. Je pense que nous sommes généralement en faveur des objectifs fondamentaux de ce projet de loi. Nos divergences portent sur certains détails concernant l'accès.
Nous avons eu de longues discussions avec les transporteurs à propos de ce processus et de ce projet de loi. Nous ne nous sommes pas présentés avec une vingtaine de pages d'amendements. Nous sommes arrivés avec deux ou trois questions à propos des dispositions qui, selon nous, freinent notre accès aux mesures compensatoires d'ordre concurrentiel. Voilà essentiellement ce qui nous inquiète.
Nous ne prétendons pas que les chemins de fer ne devraient pas gagner de quoi vivre. Nous ne sommes pas venus ici pour dire qu'ils ne peuvent pas prendre des décisions sur ce qui les concernent en propre.
Nous pensons toutefois que l'importance relative des deux transporteurs et l'absence d'autres moyens de transport - pas de voie fluviale, base d'opérations sans accès à la mer - constituent des problèmes importants pour nous, les expéditeurs.
Nous demandons simplement que l'on respecte un certain équilibre de manière à ce que nous puissions obtenir réparation quand cela est nécessaire. Pour parler carrément, je pense que si cet équilibre existe, il sera beaucoup moins nécessaire de recourir à une procédure judiciaire ou à un organisme de réglementation car ce qui est équilibré ne peut être que rationnel.
M. Nault: Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que si l'on accepte les suppressions que vous suggérez - vous ne parlez pas en effet de modifier mais de supprimer certains articles - on en reviendra exactement à la protection dont bénéficiaient les expéditeurs au départ? Vous n'acceptez aucun changement; vous demandez que l'on élimine certaines dispositions de façon à revenir au statu quo. Vous n'êtes pas disposés à faire quelque compromis que ce soit. Quand on examine les préoccupations que vous exprimez, on se rend compte qu'elles nous ramènent à l'ancienne législation - la LTGO exceptée - et c'est le seul changement qui a été apporté.
M. Benoit: La production céréalière est une activité très importante.
M. Nault: Revenons sur terre. On ne peut pas dire que les gens qui comparaissent devant nous sont des gagne-petit. Aux dernières nouvelles, Cargill se porte très bien. Pourtant vous donnez l'impression d'être mal traités. Vous ne pouvez pas construire vos propres chemins de fer, gérer vos propres installations, ou prendre d'autres dispositions.
On mentionne, entre autres, dans votre mémoire que votre produit est expédié, en moyenne, à 1 000 milles. J'ai voyagé par chemin de fer dans l'Ouest et je suis en mesure d'affirmer qu'il n'existe pas un seul point du système ferroviaire qui se trouve à plus de 1 000 milles des États-Unis ou d'une ligne américaine. On n'a pas besoin de parcourir 1 000 milles pour atteindre un port américain et l'on peut expédier par camion en passant par les États-Unis si on le souhaite. En ce sens, vous n'êtes pas sans accès à la mer.
N'êtes-vous pas de mon avis?
M. Arason: Je ne nierais pas qu'il y a des expéditions par camion vers les États-Unis.
M. Nault: Il y en aurait beaucoup plus si les tarifs grimpaient; il y a donc une forme de concurrence.
M. Arason: Tout dépend de la destination aux États-Unis; si l'on ne s'éloigne pas trop du Mississippi, on peut obtenir des tarifs décents. Dans les régions où le transport fluvial n'exerce pas une concurrence, les prix ne sont pas très attrayants, et passer la frontière n'est plus véritablement une option. Je crois qu'il a été question ici aujourd'hui de ces tarifs pratiqués outre-frontière.
Le fait est que le Canada est unique. Les choses évoluent. La situation est différente au Manitoba par rapport à l'Alberta ou à la Saskatchewan du fait que les producteurs paient le plein tarif. Il va y avoir des changements.
Le résultat, c'est qu'il nous faut exporter pour survivre. La densité de notre population n'est pas assez élevée pour faire vivre l'agriculture, notamment pour absorber la production de l'Ouest du Canada. La seule chose que nous demandons, c'est de pouvoir établir nos prix de manière à être concurrentiels sur le marché mondial, en tant qu'exportateurs, et non pour que Manitoba Pool fasse concurrence à Cargill, car le Canada se bat contre l'Europe, l'Australie et les États-Unis. Telles sont les conditions concurrentielles auxquelles nous devons faire face, et il ne s'agit pas de savoir si Manitoba Pool peut faire concurrence à la société Paterson. Nous sommes compétitifs à l'échelle nationale, mais nous faisons tous face au même problème lorsque nous essayons de nous situer sur le marché de l'exportation.
M. Hoeppner (Lisgar - Marquette): Monsieur Arason, je me suis intéressé aux partenariats, qui ressemblent fort à des absorptions, entre les entreprises céréalières et les multinationales de l'industrie américaine de la transformation alimentaire, qui possèdent d'immenses entrepôts tout au long de la frontière. Cela ne va-t-il pas, dans une certaine mesure, alléger la pression sur l'industrie ferroviaire? Allez-vous expédier vos produits à ces conglomérats par chemin de fer ou recourrez-vous au camionnage?
M. Arason: Cargill possède ses propres installations des deux côtés de la frontière, mais pour ce qui est des entreprises canadiennes, je sais qu'Alberta Wheat Pool est copropriétaire, avec General Mills, d'installations dans le Montana, de l'autre côté de la frontière. C'est la seule coentreprise officielle que je connaisse. Manitoba Pool a collaboré avec ConAgra, Anheuser-Busch et d'autres sociétés américaines, mais nous n'avons pas fait d'investissements communs.
Nous nous sommes naturellement demandé si, sur le plan stratégique, il ne serait pas à notre avantage d'installer un entrepôt de l'autre côté de la frontière. Cela pourrait être une option, mais nous préférerions un trajet par le Canada. Si les conditions dans lesquelles s'exerce la concurrence sont satisfaisantes, c'est ce que nous ferons. Autrement, nous examinerons les autres possibilités.
Le président: Monsieur Arason, nous vous remercions de nous avoir présenté cet exposé et d'avoir bien voulu patienter jusqu'à notre retour de la Chambre pour répondre à nos questions.
M. Arason: Merci. N'hésitez pas, le cas échéant, à communiquer avec nous si à un moment donné, vous avez des questions à poser à notre association.
Le président: Merci.
Nous accueillons maintenant à la table Saskatchewan Wheat Pool, son président, M. Leroy Larsen, et ses collègues. Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Larsen.
Veuillez avoir l'obligeance de nous présenter les personnes qui vous accompagnent et de faire un résumé de votre exposé, si possible. Nous avons reçu votre mémoire et nous en avons tous pris connaissance. Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous en donner le sommaire, afin que l'on puisse passer aux questions.
M. Leroy Larsen (président, Saskatchewan Wheat Pool): Je vous remercie, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les membres du comité, je m'appelle Leroy Larsen. Je suis président du Saskatchewan Wheat Pool, et je suis heureux d'avoir l'occasion de faire cette présentation.
Je suis accompagné de Richard Wansbutter, directeur du marketing et des transports, et de Terry Harasym, directeur de la politique et de la recherche économique, du Saskatchewan Wheat Pool.
Je commencerais par une brève déclaration rappelant les points clés du mémoire que nous vous avons fait parvenir. J'espère qu'il restera un maximum de temps pour vos questions.
D'abord, permettez-moi de vous donner un aperçu de l'organisation que je représente.
Le Saskatchewan Wheat Pool est une coopérative établie il y a 70 ans qui regroupe plus de 60 000 agriculteurs de la province. Notre structure est démocratique et notre association regroupe uniquement des agriculteurs. Nous élisons 133 délégués et 16 administrateurs pour représenter les membres et faire valoir leurs intérêts. Le Saskatchewan Wheat Pool est aussi une entreprise agro-alimentaire canadienne majeure. En 1994, nous étions la plus grosse entreprise de la Saskatchewan, et la plus grande coopérative du Canada.
Nous nous occupons de la manutention du grain à grande échelle. Lors de la campagne agricole 1994-1995, grâce à notre système de collecte et d'expédition du grain, nous avons géré le mouvement d'environ 10,3 millions de tonnes de grain, d'oléagineux et de cultures spéciales. Cela représente 55 p. 100 du grain entreposé dans les silos de la Saskatchewan - cultures spéciales non comprises - et 31 p. 100 des livraisons hors exploitations agricoles de grains et d'oléagineux dans l'Ouest du Canada.
Notre système de ramassage et de manutention du grain est composé de 400 unités opérationnelles. Le Saskatchewan Wheat Pool est également propriétaire, en totalité ou en partie, de plusieurs silos terminus. Plus de 50 p. 100 des grains exportés par le Canada par la côte Ouest au cours de la dernière campagne agricole ont transité par ces installations. À Thunder Bay, environ 34 p. 100 du trafic portuaire l'année dernière sont passés par nos installations.
La politique du transport a un impact très important sur les producteurs et le Saskatchewan Wheat Pool. Il est essentiel que le projet de loi C-101 n'aboutisse pas à affaiblir les expéditeurs. Ce projet de loi doit constituer le cadre qui est indispensable pour assurer la viabilité de l'industrie du grain de l'Ouest canadien et permettre à notre pays d'être encore plus compétitif sur les marchés internationaux.
Le projet de loi C-101 présente plusieurs éléments positifs, notamment le maintien d'un tarif-marchandises maximum pour le grain, une procédure d'arbitrage et des dispositions en matière d'accès concurrentiel, par exemple les tarifs routiers concurrentiels et l'interconnexion.
Parmi ces dispositions, le maintien d'un tarif-marchandises maximal est la plus importante. Sans cela, les tarifs-marchandises de l'Ouest canadien appliqués au grain risquent d'être fixés par les chemins de fer à des niveaux qui affecteraient beaucoup la position concurrentielle des producteurs sur les marchés internationaux.
Toutefois, le projet de loi C-101 contient également plusieurs articles qui limitent de manière significative la protection des expéditeurs et qui auraient un effet négatif pour les producteurs de l'Ouest canadien.
Le paragraphe 27(2) stipule que:
- l'Office n'acquiesce à toute ou partie de la demande d'un expéditeur [...] que s'il estime,
compte tenu des circonstances, que celui-ci subirait autrement un préjudice important.
Contrairement à Transports Canada, nous ne pensons pas que la notion de préjudice important n'est que l'une des considérations dont tiendra compte l'OTC au moment de prendre ses décisions.
En outre, l'expression «préjudice important» n'est pas définie. Le paragraphe 27(2) constituera une entrave majeure à l'évaluation d'une demande en fonction de ses mérites, et risque d'aboutir à enlever toute signification au processus d'arbitrage.
Le paragraphe 34(1) autorise l'Office à ordonner le paiement des frais directs ou indirects entraînés par une procédure et à obliger une personne présentant une plainte, une demande, une intervention ou une objection frustratoire à verser une indemnité pour toute perte ou tout retard en résultant.
Même s'il peut s'avérer utile de décourager les plaintes injustifiées, le fait que l'Office puisse exiger le versement d'une indemnité en réparation du dommage subi est une mesure punitive qui doit être supprimée.
L'article 113 stipule que les prix et conditions visant les services fixés par l'Office doivent être commercialement équitables et raisonnables. Cette expression n'est pas définie, et l'article ajoute un niveau de réglementation inutile, en plus de créer une incertitude quant à son interprétation par l'OTC et l'industrie du grain. Cet article ne figurait pas dans la Loi de 1987 sur les transports nationaux. Il restreint la capacité de l'OTC de fournir une réparation adéquate aux expéditeurs, et risque d'entraîner l'Office dans des évaluations inutiles et laborieuses de ce qu'il faut considérer comme équitable et raisonnable.
Afin de rétablir un semblant d'équilibre entre les expéditeurs et les chemins de fer, ces articles doivent être supprimés. Les expressions utilisées dans ces articles ne sont pas définies et créeraient des entraves réelles aux recours réglementaires auxquels pourraient en appeler autrement les expéditeurs.
Le Saskatchewan Wheat Pool est globalement en faveur du réexamen de l'article 155 en 1999, et reconnaît aussi la nécessité de procéder à une évaluation du système de transport et de manutention du grain, du partage des gains de productivité entre les expéditeurs et les compagnies de chemin de fer, notamment, la nécessité d'évaluer l'impact sur les expéditeurs de la déréglementation des prix, avant de décider si la section VI et les annexes I, II et III devraient être abrogées.
Nous craignons que le projet de loi C-101 ne donne pas au ministre d'indication sur ce qui justifie ces révisions et ces évaluations. S'il n'existe pas de critères pour quantifier le partage des gains de productivité entre les expéditeurs et les chemins de fer, sur quoi le ministère pourra-t-il se fonder pour déterminer si l'abrogation du barème des taux aura une incidence négative importante sur les expéditeurs?
Le Saskatchewan Wheat Pool demande au comité de recommander que l'article 155 soit modifié de façon à exiger que l'OTC maintienne une base de données et fasse appel à des spécialistes du calcul des coûts pour pouvoir procéder à ces examens, et que les critères d'évaluation soient arrêtés en commun par Industrie Canada et Transports Canada avant la fin de 1996.
La question a été posée plus tôt aujourd'hui: quelle preuve a-t-on de l'incidence d'un déplafonnement? Nous avons un transparent à titre d'illustration. Je vais demander à M. Wansbutter de la commenter.
M. Richard Wansbutter (directeur, Marketing et transports, Saskatchewan Wheat Pool): Il s'agit des tarifs de 1994. Nous avons pu mettre la main sur les tarifs-marchandises de la société Burlington Northern. Ils se rapportent à des mouvements de 26 wagons. Nous avons essayé de faire une comparaison avec les pleins tarifs énoncés dans la Loi sur le transport du grain de l'Ouest en vigueur en 1994, qui ne diffèrent pas foncièrement des tarifs qui ont cours aujourd'hui.
Comme vous pouvez le constater le tarif BN pour le blé de force roux de printemps à Minneapolis, le tarif BN pour le blé de force de printemps à destination du Pacifique nord-ouest et le tarif BN pour le maïs à destination du Golfe sont, en règle générale, plus élevés que ceux prévus par la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. Pour ce qui est du blé de force roux de printemps, il existe une concurrence au Minnesota et dans certains États du Sud, près du Golfe: on constate que le tarif-marchandises est généralement inférieur à celui de la LTGO.
Ce qui est remarquable c'est que lorsqu'il y a concurrence, à la fois en ce qui concerne les moyens d'acheminement et le produit, les taux sont inférieurs. Toutefois, lorsqu'il n'existe pas de concurrence véritable, comme vous pouvez le voir, les tarifs BN sont considérablement plus élevés que les pleins tarifs de la LGTO.
M. Larsen: Monsieur le président, mon exposé a porté aujourd'hui sur nos principales préoccupations à propos du projet de loi C-101. Il nous paraît notamment essentiel que les dispositions relatives au taux maximal soient conservées, que les dispositions existantes qui assurent la protection des expéditeurs ne soient pas affaiblies, et que les entraves au recours à l'OTC et aux mesures assurant la protection des expéditeurs, figurant dans les paragraphes 27(2) et 34(1), et à l'article 113, soient supprimées.
Nous formulons d'autres recommandations formelles dans notre mémoire. Je me ferais maintenant un plaisir de répondre aux questions éventuelles. Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, monsieur Larsen, de votre présentation.
Monsieur Gouk.
M. Gouk: Je crois qu'au sujet du paragraphe 120(1), vous demandez une modification du délai de publication des hausses de prix pour revenir à un préavis de trente jours. Exactement quel avantage apporteraient dix jours supplémentaires, selon vous?
M. Wansbutter: Compte tenu de la façon dont nous passons nos contrats et dont nous fonctionnons, il est assez difficile de réagir dans un délai de vingt jours. C'est possible, mais nous considérons que dix jours de plus nous accorderait plus de flexibilité. Nous reconnaissons que ce n'est pas une question d'importance critique, simplement un sujet d'inquiétude.
M. Gouk: Parfait.
Vous avez dit craindre que le paragraphe 27(2) rende la procédure d'arbitrage inopérante. Si l'on amendait le paragraphe 27(2), une chose que de nombreux intervenants ont demandé - certains considèrent ce paragraphe utile et d'autres s'en inquiètent - afin qu'il soit parfaitement clair qu'il ne s'agit pas d'un moyen d'obstruction, mais plutôt d'un recours une fois une plainte entendue, et que cela ne s'applique pas à l'arbitrage, cela répondrait-il de façon générale aux objections que vous formulez à l'égard de ce paragraphe?
Il ne serait peut-être pas parfait, mais cela pourrait-il être une solution - pas la meilleure, mais une solution qui vous satisferait?
M. Larsen: Nous considérons actuellement que le paragraphe 27(2) constitue un obstacle à l'arbitrage. S'il est possible de le simplifier d'une manière ou d'une autre, pour rendre l'accès plus facile, cela vaudra certainement mieux que de conserver le texte actuel.
Terry, vous aimeriez peut-être ajouter quelque chose.
M. Terry Harasym (directeur, Politique et recherches économiques, Saskatchewan Wheat Pool): C'est tout à fait exact, mais d'un autre côté, il y a nos préoccupations à propos de la définition de l'expression «préjudice important», dont vous avez déjà entendu parler trois fois aujourd'hui.
De notre point de vue, cela ne ferait pas entièrement disparaître nos inquiétudes concernant le recours aux mesures assurant l'accès à des conditions concurrentielles.
M. Gouk: Plus tôt cet après-midi, nous avons entendu une proposition assez intéressante. Qu'adviendrait-il si l'on supprimait tous les obstacles pour les expéditeurs, les paragraphes 27(2) et 34(1) et l'article 113, et si, parallèlement, on éliminait toutes les dispositions relatives à l'accès concurrentiel et que l'on disait: «C'est un marché libre; négociez avec les lignes de chemin de fer. Si vous ne parvenez pas à vous entendre, vous pourrez avoir recours à un arbitrage dans sa forme la plus pure - pas à l'arbitrage partial qui existe maintenant - mais à une offre en double aveugle soumise par chacune des parties»? Cela réglerait-il les problèmes?
Je me rends compte que vous perdriez certains avantages. Naturellement. Mais il en serait de même pour les compagnies ferroviaires. Si l'on se contentait de dire: «Cela fait problème de part et d'autre; on va donc tout supprimer et vous laisser négocier sans entrave. Si vous ne parvenez pas à vous entendre, on aura alors recours à l'arbitrage»? Qu'en dites-vous?
M. Larsen: Permettez-moi de répondre pour commencer à titre de producteur et membre du Saskatchewan Wheat Pool.
Premièrement, j'adopterai le point de vue du producteur de grain et de l'expéditeur qui s'expose à plus grande variation des frais de transport. Il me serait très difficile de déterminer le type de productivité que je devrais atteindre dans ma ferme sans connaître à l'avance le niveau de protection dont je serais susceptible de bénéficier.
Je vais donner la parole à M. Wansbutter pour qu'il vous donne la perspective opérationnelle.
M. Wansbutter: La proposition est intéressante, mais je pense honnêtement qu'il faudrait que l'on y réfléchisse. Elle vient de faire surface aujourd'hui. Nous aimerions pouvoir l'examiner et y réfléchir.
Le problème pourrait venir des prix de ligne concurrentiels. En tant qu'industrie céréalière, nous n'avons pas accès aux prix de ligne concurrentiels. Je sais toutefois que c'est un sujet de préoccupation pour certaines sociétés telles que CanAmera, dans le domaine de la trituration ainsi que dans le secteur de la transformation à valeur ajoutée.
Il est plutôt difficile de répondre par un oui catégorique, mais c'est quelque chose qu'il pourrait valoir la peine d'envisager.
M. Gouk: Je voudrais que vous sachiez que je ne suis ni pour, ni contre cette proposition. Il s'agit d'un nouveau concept. Je cherche simplement à obtenir la réaction des gens.
Des voix: Oh, oh!
M. Nault: Qu'en dites-vous, Jim?
M. Gouk: Calmez-vous, idiots.
Une voix: Nous essayons de trouver une solution au problème.
M. Gouk: C'est une idée nouvelle et intéressante. La difficulté, c'est que la moitié des témoins sont déjà repartis et qu'elle n'a jamais été discutée. Je veux m'assurer qu'elle est abordée avec les autres intervenants. Vous pouvez donc choisir de commenter immédiatement ou, si cela vous est impossible, ce qui est compréhensible, communiquer avec moi plus tard pour me dire ce que vous en pensez.
M. Wansbutter: Nous aimerions communiquer avec vous ultérieurement.
M. Gouk: Je vous remercie. Je laisse le reste de mon temps de parole à M. Benoit.
Le président: Il reste quatre minutes.
M. Benoit: C'est parfait. Merci, monsieur le président.
Le président: Au fait, juste pour vous interrompre - mais je vous accorderai vos quatre minutes - voilà que l'imagination de votre président prend de l'ampleur. C'est moi qui ai posé cette question à notre tout premier témoin, Maria Rehner, lorsqu'elle a comparu.
M. Gouk: C'était sans doute lors de la réunion convoquée à la hâte lundi, celle à laquelle je n'ai pas pu assister.
Le président: Oui, peut-être étiez-vous absent. Cela a été mentionné par pratiquement tous les intervenants qui se sont succédés depuis, et chacun d'entre eux a déclaré qu'il répondra à cette suggestion.
M. Gouk: Parfait. Je tiens simplement à m'assurer que tous les angles sont couverts.
Le président: C'est bien ce que nous faisons.
M. Benoit: Au sujet du plafonnement des taux, M. Gouk a posé plusieurs des questions qui m'intéressaient. J'allais vous demander si la suppression du plafonnement des taux, des paragraphes 27(2) et 34(1) et de l'article 113, et la mise en place d'un processus d'arbitrage serait une solution qui vous paraîtrait acceptable?
Si les plafonds étaient supprimés et que tous les expéditeurs avaient libre accès à tous les grains du marché nord-américain, cela provoquerait-il plus de concurrence entre les chemins de fer au Canada? Autrement dit, on propose comme solution de rechange le libre accès à la société Burlington Northern.
Je sais que les tarifs de Burlington Northern sont actuellement plus élevés que ceux de CP ou de CN, mais Burlington Northern a déclaré que, si on lui offrait du grain canadien en quantité raisonnable, elle deviendrait concurrente avec des tarifs probablement très compétitifs par rapport à ceux de CN et CP.
M. Larsen: Permettez-moi de répondre à vos questions en commençant par la dernière.
Premièrement, je suis heureux de vous entendre dire que Burlington Northern est prête à négocier, mais le système de transport américain n'est pas gratuit, lui non plus. De fait, nous vous avons donné des exemples montrant qu'il est considérablement plus cher que le nôtre.
Sur l'autre point, j'espère que tous les membres du comité se rappellent qu'au cours des derniers mois, on a éliminé la protection des tarifs en vertu de la LTGO, ainsi que le processus d'examen des coûts qui permettait de garantir certains profits aux compagnies ferroviaires et d'assurer aux producteurs des tarifs équitables. Je crois comprendre que le tarif maximal qui est aujourd'hui en vigueur a été établi selon ce processus.
Quand on a abrogé la LTGO, on nous a dit qu'il y aurait d'importants gains d'efficience dans tout le système grâce à la suppression de cette loi et de ses mécanismes, ainsi que des ordonnances d'interdiction qui font partie de la structure d'ensemble déjà en place. Je ne pense pas qu'il faille s'inquiéter à propos des taux maximaux qui ont été établis en vertu de l'ancien processus d'examen des coûts.
Je suis producteur et je dépends de l'embranchement auprès duquel je me trouve. Je ne pense pas que je devrais avoir à payer un prix plus élevé pour expédier la quantité de grain qui transite actuellement par cet embranchement, être privé de cette ligne de chemin de fer et finir par payer un prix faramineux pour faire livrer mon grain à un endroit plus éloigné de ma ferme.
Je ne considère pas le taux maximum en vigueur, établi suite au processus existant d'examen des coûts, comme une entrave à l'application de mesures destinées à rendre le système plus efficient.
M. Benoit: Pensez-vous que les chemins de fer pourraient devenir compétitifs au point que le taux maximal ne serait plus perçu comme un problème?
M. Larsen: Les compagnies de chemin de fer nous ont dit que d'importantes économies suivraient si elles n'étaient plus soumises à la LTGO et aux ordonnances d'interdiction se rapportant aux embranchements. Je pense qu'il faut leur laisser un peu de temps avant de juger.
M. Wansbutter: Au sujet de toute cette notion d'accès au système américain, je suis convaincu que le tarif inférieur dont parle Burlington Northern est, à vrai dire, une fausse promesse. Permettez-moi de vous suggérer, avec tout le respect que je vous dois, que de prendre contact avec tous les expéditeurs américains, Harvest States, ConAgra, Cargill, ou n'importe quelle autre grande entreprise, et je pense qu'ils vous le diront ce qu'il en est. Au cours de nos discussions avec Burlington Northern, la société nous a fait savoir qu'elle n'accordait pas de ristourne. Quand elle détient un monopole, Burlington Northern l'exerce pleinement. Je ne crois pas que nous pourrions avoir libre accès au système américain.
En outre, du point de vue de la viabilité des chemins de fer - et nous ne sommes pas indifférents à la question - expédier le grain canadien par l'intermédiaire du système américain s'avérerait néfaste, non seulement pour les agriculteurs canadiens, mais aussi pour tout le système ferroviaire canadien.
M. Benoit: Mais on introduirait ainsi un semblant de concurrence.
M. Wansbutter: Je ne crois pas que c'est à quoi l'on aboutirait avec Burlington Northern. Ce n'est, en tout cas, pas ce qui ressort jusqu'à présent de la situation au Dakota du Nord, dans le Montana et dans plusieurs autres États du Nord des États-Unis.
Le président: Merci.
Monsieur Fontana.
M. Fontana: C'est quelque chose qui doit être clarifié. Même si vous avez perdu la LTGO, le gouvernement a compensé les producteurs directement. Personne ne se donne la peine de le mentionner, mais je trouve utile de le faire pour remettre les choses en place. Même si vous avez perdu la LTGO et si nous mettons en place un nouveau barème qui favorisera l'efficience et appuiera le taux maximum, vous recevrez x dollars du gouvernement fédéral pendant la période de transition. Il me semble utile de le dire, encore une fois, pour remettre les choses en place.
Je voudrais vous parler de votre activité, car cela concerne directement la concurrence et tout le reste. Vous avez certainement recours au transport routier pour transporter le grain de certains endroits jusqu'à vos installations. Le grain est ensuite expédié de vos installations par chemin de fer. Le plus souvent, si je comprends bien, il y a deux compagnies ferroviaires et elles ont accès à environ 80 p. 100 de la production; il y a donc une certaine concurrence. Pourquoi n'y a-t-il pas de concurrence dans le domaine des taux? C'est bien ce que l'on se demande.
Proposez-vous des mesures d'incitation qui s'appliqueraient au mouvement du grain du producteur à vos installations?
M. Larsen: D'abord, permettez-moi de répondre à vos observations à propos de la perte des avantages conférés par la LTGO et de la compensation que nous avons reçue. Son montant ne correspond qu'à une fraction des sommes que nous recevions précédemment.
M. Wansbutter va répondre à la seconde partie de votre question.
M. Wansbutter: À propos de la concurrence, je ne mettrai pas en doute ce qu'affirment les compagnies de chemin de fer selon qui 80 p. 100 du grain se trouve dans un rayon de 30 milles des endroits qu'elles desservent. Tout comme l'ont fait d'autres intervenants, nous essayons nous aussi - à titre de céréaliers - de faire comprendre que nous sommes prisonniers du transport ferroviaire. Être prisonnier du transport ferroviaire signifie qu'il y a très peu de concurrence sur les prix, et cela a certainement été manifeste au cours des deux dernières années.
M. Fontana: Mais cette concurrence existe par rapport au transport routier. J'aimerais savoir comment cela fonctionne dans votre secteur.
M. Wansbutter: Nous utilisons beaucoup de transport routier. Pour attirer la clientèle des producteurs, nous offrons des incitatifs à ceux qui font transporter leur grain par camion jusqu'à nos silos. Ces incitatifs varient considérablement en fonction du type de marchandise et de la qualité de la récolte: cela va de 2 à 5$ ou 6$, selon les conditions du marché.
M. Fontana: Le fait que vous soyez en mesure d'offrir ces incitatifs au transport routier me porte à croire, une fois encore, qu'il existe une forme de concurrence dans le système. Jusqu'à présent, on nous a répété le contraire. Pourtant, il y a deux compagnies de chemin de fer, voire une troisième, même si elle est américaine.
Vous recourez actuellement au transport routier sur le trajet entre les exploitations agricoles et vos installations. Il y a aussi parfois des lignes sur courte distance qui seront encore plus utilisées si l'on parvient à faire passer cette loi. On introduit donc un fort élément de concurrence dans le marché. Qui accorde ces incitatifs au transport routier?
M. Wansbutter: Je suis heureux que vous abordiez le concept de concurrence sous cet angle. On trouve dans le système de commercialisation et de manutention du grain, huit grandes compagnies céréalières et une multitude de petits négociants. C'est un marché très concurrentiel.
Quand le Saskatchewan Wheat Pool a tenté de mettre la main sur la production de canola, nous nous sommes retrouvés en concurrence avec tous les autres distributeurs. C'est la même chose pour les catégories de grain établies par la Commission. Nous offrons des incitatifs au transport routier pour nous procurer ce grain, mais il y a très peu de concurrence du côté des transports.
M. Fontana: Comme la question de l'arbitrage et du paragraphe 27(2) revient sans arrêt, je voudrais que l'on comprenne bien qu'il s'agit de deux choses tout à fait distinctes. Je ne comprends pas pourquoi on les amalgame. Le paragraphe 27(2) traite des décisions de l'Office; l'APF est une décision arbitrale qui n'a absolument rien à voir avec l'Office. Les gens se trompent s'ils croient que le paragraphe 27(2) va limiter de quelque façon que ce soit le recours à l'APF ou pourra influencer un arbitrage. C'est complètement faux. Les deux n'ont absolument rien à avoir l'un avec l'autre. Cela doit être clair; le paragraphe 27(2) a trait aux décisions de l'Office qui sont liées aux dispositions relatives aux recours communs. L'arbitrage n'a absolument rien à voir avec cela et n'influe d'aucune façon que ce soit sur les décisions de l'Office.
M. Wansbutter: Ce que je vais dire au sujet de la confusion n'engage que moi car je ne m'y retrouve pas très bien moi-même. Dans nos échanges avec le ministère fédéral des Transports au sujet de la transition de la LTGO au projet de loi C-76 puis au projet de loi C-101, nous avons été informés que pendant cette période de transition, nous bénéficierions des mesures visant les expéditeurs et des dispositions en matière d'accès concurrentiel. Il n'a jamais été question à quelque moment que ce soit au cours de nos discussions - et nous en avons eu un certain nombre avec les fonctionnaires des Transports - de conditions «frustratoires» ni de «préjudice important». Nous avons été très surpris - et je pense que l'on peut en dire autant des autres expéditeurs - que ces expressions aient été introduites sans discussion préalable avec les expéditeurs. D'où la confusion. Nous ne savons pas pourquoi ces expressions se trouvent où elles se trouvent, et nous ignorons pourquoi elles ont été ajoutées.
M. Fontana: Mais ce n'est pas ce que j'ai demandé. Je vous ai demandé si vous aviez besoin de précisions parce que la chose a été clarifiée au cours des deux ou trois dernières semaines. Vous avez certainement, à un moment ou à un autre, entre le moment où ont eu lieu vos rencontres avec Transports Canada, en mai, juin ou juillet, et le moment où vous avez reçu le projet de loi, si vous l'avez compulsé... les deux n'ont absolument rien à avoir l'un avec l'autre, le paragraphe 27(2)... quoique vous ayez certaines réserves, bref, nous cherchons un moyen de mieux l'expliquer afin d'assurer que ce n'est pas perçu comme une entrave à l'accès, mais comme une des directives qui permettrait à l'Office d'offrir réparation. C'est donc de réparation et non d'accès qu'il est question.
L'arbitrage n'a absolument rien à avoir avec la partie du projet de loi qui porte sur l'Office. C'est la raison pour laquelle je tenais à donner des précisions.
M. Harasym: Sans vouloir vous contredire, si tel est bien le cas, je suggère que l'on pourrait peut-être amender le texte pour préciser que le paragraphe 27(2) ne concerne pas les arbitrages.
M. Nault: Les deux choses n'ont, et n'ont jamais rien eu à voir l'une avec l'autre. Pourquoi en serait-il autrement aujourd'hui?
M. Fontana: Je pense que l'on a apporté les clarifications voulues mais qu'elles n'ont manifestement pas été entendues ni comprises. Il faut donc en faire beaucoup plus.
Je pense que dans votre mémoire, vous vous êtes déclarés en faveur du projet de loi C-101, tout en exprimant certaines réserves. Mais il y a certaines choses que vous n'avez pas mentionnées, et je souhaite entendre officiellement ce que vous avez à dire à leur sujet. Si je comprends bien, vous n'avez aucune objection à l'égard des dispositions relatives à l'abandon des voies ferrées ni de celle qui porte sur les droits de circulation, l'article 138.
M. Larsen: C'est exact. Nous ne prenons pas position sur les droits de circulation.
M. Fontana: Quand vous dites que vous ne prenez pas position, entendez-vous que vous êtes en faveur de l'article 138, ou qu'il ne vous pose aucun problème dans un sens ou dans un autre?
M. Larsen: Je suppose que c'est cela qu'il faut comprendre.
M. Nault: Juste une question. Je ne veux pas vous retenir, messieurs, ni vous faire manquer votre avion. L'Ouest est très loin d'ici, je le sais bien.
Nous n'avons pas vraiment beaucoup parlé du rôle que jouent les lignes sur courte distance dans le trafic du grain. Si l'on a voulu faciliter la création de lignes sur courte distance, c'est qu'il y a beaucoup d'embranchements dont ne veulent pas les principales compagnies ferroviaires. Certains on l'impression qu'il existe un énorme potentiel pour les lignes sur courte distance.
Partagez-vous ce sentiment, commun à bien des gens, qu'il existe un potentiel pour les lignes sur courte distance dans l'Ouest? Ou s'agit-il juste d'une chimère à laquelle croiraient seulement les imbéciles? Y aura-t-il d'importants abandons de voies ferrées, particulièrement de voies en acier léger?
M. Larsen: Nous pensons, depuis plusieurs années, que les lignes sur courte distance devraient faire partie du système, à condition que l'on démontre qu'elles représentent la solution de rechange la moins chère compte tenu des coûts de transport à ma porte, de l'impact sur l'état des routes, des frais de transport routier, et de tout ce qui s'y rattache. Par conséquent, si ces lignes représentent l'option la moins chère, nous sommes d'accord: elles pourraient et devraient être utilisées.
M. Nault: Monsieur le président, c'est la dernière question je me poserai et elle est très courte.
Si le Saskatchewan Wheat Pool est tellement préoccupé par la protection de ses intérêts, pourquoi a-t-il complètement écarté la possibilité d'acheter une partie du CN? L'achat de 10 p. 100 du CN ou d'une compagnie de chemin de fer quelconque ne serait-il pas la meilleure façon pour le Saskatchewan Wheat Pool de protéger ses intérêts?
Ne s'agirait-il pas d'un bon investissement pour un agriculteur de l'Ouest?
M. Larsen: Premièrement, le projet de loi n'est pas encore adopté.
Je crois que la possibilité à laquelle vous faites allusion n'est pas complètement abandonnée, bien qu'à la lumière de la privatisation du CN, cela ne pourrait probablement pas cadrer avec notre situation économique actuelle.
Il s'agissait d'une position de principe: à la réunion de l'année dernière, les délégués ont demandé que l'on envisage la possibilité. C'est ce que nous avons fait.
Le président: C'est une démarche saine. Naturellement, vous savez que vous ne pouvez pas vous porter acquéreurs de plus de 15 p. 100.
M. Larsen: C'est exact. Vous avez fixé la limite pour nous.
Le président: Monsieur Larsen, je sais que vous avez un avion à prendre.
Messieurs, je tiens à vous remercier d'être venus témoigner et d'avoir répondu à nos questions.
M. Larsen: Merci de nous avoir prêté attention. Si d'autres préoccupations font surface, n'hésitez pas à communiquer avec nous.
Le président: Nous serons heureux de connaître votre réponse aux suggestions qui ont été faites pour parvenir à un équilibre, ainsi d'ailleurs qu'aux envolées de notre imagination.
M. Larsen: Merci infiniment.
Le président: Pour terminer, chers collègues, nous accueillons les représentants de l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques. Ils ont patiemment attendu d'avoir le micro.
Monsieur Alexander, monsieur Goffin, et monsieur Jensen, soyez les bienvenus. Nous serons heureux d'écouter votre exposé. Nous avons déjà reçu votre mémoire et vous remercions de votre coopération. La plupart d'entre nous en ont pris connaissance et si vous pouvez faire un résumé, ce sera parfait.
Monsieur Alexander, auriez-vous l'obligeance de nous présenter les messieurs qui vous accompagnent?
M. Wayne Alexander (vice-président, Comité de logistique, Association canadienne des fabricants de produits chimiques): Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Wayne Alexander, je suis directeur de la logistique de Sterling Pulp Chemicals et vice-président du Comité de logistique de l'ACFPC. J'ai avec moi aujourd'hui Al Jensen, de Novacor Chemicals de Sarnia, et David Goffin, vice-président de l'association.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques vous remercie de lui avoir donné l'occasion de vous rencontrer aujourd'hui. L'ACFPC regroupe 68 sociétés qui produisent un vaste éventail de produits pétrochimiques, de produits chimiques inorganiques et de produits chimiques spéciaux. La liste de nos membres figure à la fin de notre mémoire.
Comme nous en faisons état dans notre mémoire, les sociétés membres de notre association utilisent le système de transport canadien pour expédier annuellement des produits d'une valeur de 12 milliards de dollars sur les marchés tant intérieurs qu'extérieurs.
Les exportations représentent maintenant plus de 50 p. 100 de la valeur de nos expéditions, et 80 p. 100 des produits exportés prennent la destination du marché américain, même si l'Europe et la région d'Asie-Pacifique ainsi que d'autres destinations sont aussi pour nous des marchés importants. Pour atteindre les marchés eux-mêmes, les ports d'exportation et les moyens de transport maritimes, nos membres ont besoin d'un système de transport efficace et offrant un bon rapport coût-efficacité, afin d'être compétitifs dans chacun de ces marchés.
Le mémoire de l'ACFPC sur le projet de loi C-101 aborde des questions que vous avez déjà explorées avec d'autres associations d'expéditeurs. Il traite du paragraphe 27(2), des conditions commercialement équitables et raisonnables dont il est question à l'article 113, de la compensation pour les plaintes frustratoires mentionnées à l'article 34, et de nos préoccupations à propos de l'accès concurrentiel aux chemins de fer soumis à une réglementation provinciale, et ainsi de suite.
Notre position n'a rien d'original, et vous comprenez déjà parfaitement les problèmes des expéditeurs. Par conséquent, plutôt que de consacrer mon temps à vous les répéter, je vais faire quelques observations sur les questions que vous avez soulevées avec d'autres groupements d'expéditeurs.
Les membres de l'ACFPC se préoccupent-ils de la viabilité financière future des chemins de fer? Absolument. Par conséquent, nous ne sommes pas opposés aux dispositions de rationalisation prévoyant le transfert ou l'abandon de voies ferrées qui figurent dans le projet de loi C-101. Elles permettront aux chemins de fer de trouver une solution à la sous-utilisation des voies et de réduire le coût du système.
Qu'on ne s'y trompe pas: les compagnies adhérentes renoncent à beaucoup de choses en acceptant ces dispositions dans l'intérêt de la viabilité des chemins de fer. Elles n'auront pratiquement plus voix au chapitre en ce qui concerne la future structure du système ferroviaire outre un éventuel recours à la Loi sur la concurrence, le cas échéant.
À cet égard, le projet de loi C-101 prévoit un rééquilibrage substantiel de la législation à l'avantage des chemins de fer. En outre, le règlement des conflits sociaux dans ce secteur, plus tôt cette année, contribuera à sa façon à sa viabilité future.
Suite à la publication, il y a deux ans, de l'étude de l'Association des transports du Canada sur l'imposition des chemins de fer, l'ACFPC a apporté son appui aux chemins de fer pour qu'ils obtiennent des carburants compétitifs et des avantages dans le domaine des taxes foncières. Même si nous appuyons ces mesures de rééquilibrage, l'ACFPC n'accepte pas que l'on touche aux mécanismes d'accès concurrentiel par l'emploi des expressions «préjudice important» ou «commercialement équitable et raisonnable» dans le projet de loi.
Dans son rapport de 1993, la Commission d'examen de la Loi sur les transports nationaux a déclaré: «Nous pensons généralement que l'effet le plus important de la loi a été de faire baisser les frais des expéditeurs». Il faut protéger ces gains. Les dispositions du projet de loi C-101 porteront-elles atteinte aux gains réalisés par les expéditeurs dont fait mention la Commission d'examen? Notre industrie ne peut pas se permettre de courir ce risque. Comme nous l'avons déjà souligné, la viabilité financière des chemins de fer est déjà prise en compte dans le cadre de plusieurs autres importantes initiatives.
On nous dit que les priorités actuelles du gouvernement sont l'emploi, l'emploi et encore l'emploi. Le gouvernement a aussi besoin que le Canada connaisse une croissance économique raisonnable pour atteindre ses objectifs en matière de réduction du déficit. On sait que depuis la dernière récession, la croissance économique du Canada est due aux exportations, par exemple, celles des fabricants de produits chimiques qui ont, notamment, exploité les débouchés qui se présentaient aux États-Unis. Pourquoi risquer, en touchant à l'accès concurrentiel, que cela entraîne une augmentation des coûts du transport ferroviaire pour les expéditeurs, freine leur réussite sur le marché national et les marchés d'exportation et nuise aux perspectives de croissance économique du Canada?
À ce que nous sachions, les membres du comité ont demandé si un moins grand nombre de mécanismes d'accès concurrentiel ou une limitation du recours des expéditeurs au nouvel Office des transports du Canada pourrait réduire le fardeau réglementaire et les coûts, et ainsi aider les chemins de fer et peut-être même les expéditeurs.
Nous pensons que les économies qui pourraient être ainsi réalisées seraient minimes. Le projet de loi C-101 réduira, de toutes façons, l'envergure de l'Office. Les coûts afférents à l'élaboration de la réglementation sur l'interconnexion ont, en grande partie, été amortis en 1988. Il est vrai qu'il y a des mises à jour annuelles des coûts, et que les règlements sont, eux aussi, mis à jour, mais il ne s'agit pas d'une dépense importante.
L'interconnexion fonctionne virtuellement en dehors de toute intervention régulatoire. L'Office n'a été saisi que par deux expéditeurs depuis 1988 pour déterminer un prix de ligne concurrentiel.
On a également constaté très peu de recours directs à la médiation, aux enquêtes publiques ou à l'arbitrage. Ainsi, pendant l'été 1994, l'Office n'a reçu que deux demandes d'arbitrage. Nous ne pensons pas que beaucoup d'économies potentielles découleraient d'une limitation de l'accès à ces dispositions; toutefois, le fait que l'on n'y ait pas recours directement ne signifie pas qu'elles ne sont pas utiles aux expéditeurs.
Les examens annuels effectués par l'Office ont régulièrement démontré que les expéditeurs recourent à ces dispositions quand ils discutent avec les chemins de fer afin de parvenir à des accords négociés.
Si le projet de loi C-101 a les conséquences que craignent les expéditeurs, nos coûts ne peuvent qu'augmenter. L'importance des dispositions relatives à l'accès concurrentiel pour nos compagnies adhérentes est démontrée dans l'annexe II, qui est jointe à ce document.
M. Keyes a demandé la semaine dernière si l'on pouvait déréglementer en supprimant les mécanismes d'accès concurrentiel et en s'en remettant uniquement à l'arbitrage. Cela exigerait un examen attentif. Les mécanismes en place sont fondés sur une analyse approfondie de l'accès au réseau des chemins de fer à travers le pays, qui a été effectuée lors de l'élaboration de la Loi de 1987.
Jusqu'à maintenant, on a très rarement eu recours à l'arbitrage; il s'agit donc d'un mécanisme qui n'a pas véritablement été testé. Notons également que plus de 200 000 wagons de chemin de fer sont interconnectés tous les ans sans qu'il y ait d'interventions directes de la part des autorités de tutelle ou des arbitres. S'en remettre uniquement à la dernière offre pourrait inutilement alourdir le processus et accroître les coûts pour les expéditeurs comme pour les chemins de fer. Toutefois, comme nous l'avons mentionné, il serait utile d'étudier la question pour savoir s'il vaut la peine d'y donner suite.
Les membres du comité ont également parlé du système ferroviaire américain et de l'absence de mécanismes d'accès concurrentiel dans ce pays. En fait, par le passé, les expéditeurs captifs américains ont régulièrement demandé réparation.
Ils ont récemment fait valoir leurs arguments de façon particulièrement véhémente à la suite de fusions, réelles ou envisagées, de sociétés ferroviaires. Par exemple, la U.S. National Industrial Transportation League, s'est intéressée de près aux dispositions relatives à l'accès concurrentiel en vigueur au Canada.
Nos collègues américains nous disent que la NITL espère que des dispositions semblables seront adoptées par le législateur américain cette année, mais cela ne s'est pas encore réalisé. Ils déclarent également que si la fusion envisagée entre les sociétés Southern Pacific et Union Pacific se réalise, elle comportera probablement une disposition assurant l'accès de la Burlington Northern-Santa Fe aux expéditeurs qui feraient les frais de la disparition de la concurrence ferroviaire, par suite de la fusion des sociétés. Aussi serons-nous peut-être témoins dans le proche avenir d'une convergence de vues sur l'accès concurrentiel en Amérique du Nord.
Nous avons joint au résumé de notre exposé des annexes où vous trouverez une ventilation de nos frais de transport et de l'utilisation des mécanismes d'accès concurrentiel par les membres de l'ACFPC. Nous avons réfléchi à des définitions possibles de l'expression «préjudice important». Les tribunaux ont défini un «préjudice» comme une perte ou un dommage pécuniaires. La difficulté est de donner une signification utile au mot «important» dans cette expression. Nous n'y sommes pas parvenus. Nous préférerions que l'expression soit supprimée dans le projet de loi C-101, et que les expéditeurs continuent de jouir sans entrave du recours aux dispositions relatives à l'accès concurrentiel, comme en vertu de la LTN de 1987.
Notre mémoire mentionne les améliorations possibles à l'accès concurrentiel dont on pourrait avoir besoin si la rationalisation des chemins de fer se poursuit. Nous ne nous attendons plus à grand-chose - si tant est qu'il y aura quoi que ce soit - au plan des améliorations, mais nous devons pour le moins protéger la concurrence ferroviaire qui existe aujourd'hui. Comme nous l'avons dit plus tôt, nous ne sommes pas prêts à courir les risques qui découleraient d'une modification de l'accès concurrentiel.
Je vous remercie, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité. J'en ai terminé avec mes observations et je me ferais un plaisir de répondre aux questions que vous pourriez avoir.
Le président: Je tiens à remercier, au nom du comité, l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques de son examen très détaillé du projet de loi. Vous avez fait un travail remarquable dont nous vous félicitons.
M. Gouk.
M. Gouk: Comme l'a fait remarquer le président, vous avez bien exposé la situation. Quant aux nombreux aspects que vous avez abordés, beaucoup - mais pas tous - me préoccupent également. Je ne manquerai pas de faire des suggestions pour vous rassurer sur certaines des choses qui vous inquiètent.
Pour ce qui est de la suggestion de supprimer les dispositions relatives aux expéditeurs et celles qui protègent les chemins de fer, envisagez-vous toujours de prendre une position à cet égard ou pensez-vous que vous n'êtes pas vraiment enclins à aller dans cette direction?
M. Alexander: Je pense que, pour l'instant, nous ne sommes pas très enclins à aller dans cette direction, mais M. Goffin souhaite peut-être faire un commentaire.
M. David Goffin (vice-président, Développement commercial, Association canadienne des fabricants de produits chimiques): M. Alexander a raison. Comme il l'a souligné dans son exposé, nous considérons que la viabilité des chemins de fer est une chose importante. Mais nous pensons que plusieurs autres dispositions agissent en ce sens. Il n'est peut-être pas nécessaire d'ajouter aux autres mesures qui sont prises un changement des dispositions relatives à l'accès concurrentiel ou à leur recours.
M. Gouk: Penseriez-vous la même chose si...? Je peux comprendre que l'idéal serait probablement, du point de vue d'un producteur expéditeur, de se débarrasser du paragraphe 27(2), du paragraphe 34(1) et de l'article 113, de conserver le reste - et le projet de loi serait parfait.
Si, pour une raison quelconque, les paragraphes 27(2), 34(1), et l'article 113 restent, la suppression de tout l'ensemble serait-elle une solution que vous seriez disposés à examiner? Est-ce que parce que vous préférez l'autre solution que vous ne l'envisagez pas pour l'instant? Si le projet de loi passe tel quel, ou si l'on envisage la possibilité de supprimer les dispositions dont bénéficient les deux parties en cause et que l'on s'en remet à un mode d'arbitrage dans sa forme la plus pure, seriez-vous alors disposés à l'examiner, ou trouvez-vous tout simplement que ce n'est pas une solution qui vous convient, de toutes façons?
M. Alexander: Nous sommes disposés à envisager toutes les solutions, mais je pense que notre position, telle que nous l'avons exposée, est relativement claire. M. Nault a laissé entendre que vous ne réussissiez pas à obtenir une réponse claire de certains témoins. Nous disons clairement qu'en ce qui nous concerne, le paragraphe 27(2) doit disparaître, et que tout le reste est négociable.
M. Gouk: Très bien. Je vous remercie.
Mme Sheridan: Je voudrais vous poser une question au sujet du paragraphe 27(2). Avez-vous passé tout l'après-midi ici?
M. Alexander: Non. Aurait-il fallu?
M. Nault: Ils ont l'air trop en forme pour cela.
Mme Sheridan: Je m'apprêtais autrement à vous demander quel était votre secret pour garder la forme. J'ai une question importante à vous poser.
La raison pour laquelle je vous ai demandé si vous aviez passé l'après-midi ici, c'est que beaucoup de gens ont dit à peu près la même chose. Les expéditeurs ne sont pas satisfaits de la façon dont le projet de loi est rédigé, et je ne suis pas convaincue que l'emploi de l'expression «préjudice important» soit nécessairement la meilleure façon de régler les choses.
Jusqu'à maintenant, on a suggéré, des deux côtés de la table, soit que l'on conserve l'expression, soit qu'on la supprime complètement. J'aimerais toutefois vous demander quelque chose que j'aurais dû également demander aux autres: y a-t-il un critère quelconque qui pourrait être introduit dans la procédure envisagée à l'article 27 et qui, selon vous, pourrait préserver l'équilibre qu'à mon avis, tout le monde souhaite. Il n'est pas raisonnable de pousser les expéditeurs ou les chemins de fer à la faillite, car vous couleriez ensemble.
Il faut trouver une façon de nourrir le loup tout en gardant la chèvre en vie - et je ne sais pas si vous vous voyez dans la peau du loup ou dans celle de la chèvre. Quoi qu'il en soit, y a-t-il un critère que l'on pourrait utiliser et qui serait plus satisfaisant que le préjudice important? Peut-être cela ne veut-il rien dire.
M. Alexander: Franchement, je ne vois pas quelle est la justification indiscutable qui explique son utilisation ici. Je vous avouerais que nous sommes plutôt perplexes.
Mme Sheridan: Vous parlez de tout le processus envisagé à l'article 27?
M. Alexander: Oui. Nous n'arrivons pas vraiment à comprendre ce qui justifie la présence du paragraphe 27(2). Qu'est-ce que cela ajoute du point de vue de la protection des chemins de fer ou de tout autre transporteur ou expéditeur? Nous nous demandons d'où tout cela peut bien venir. Il nous semble qu'il s'agit d'un processus déjà suffisamment peu clair, alors pourquoi ajouter cela? Cela créera plus de problèmes qu'autre chose.
Mme Sheridan: Voulez-vous dire que, concrètement, dans le cadre de vos activités, vous ne pouvez pas envisager de situations dans lesquelles vous auriez recours à l'article 27 tel qu'il est actuellement rédigé?
M. Alexander: Il constitue pour nous un obstacle qui n'était pas présent dans la LTN de 1987. On a conservé ce qui, dans la LTN de 1987 se rapportait à notre capacité de négocier avec les chemins de fer, alors, pourquoi introduire cet obstacle?
Mme Sheridan: Vous considérez donc qu'il s'agit uniquement d'un obstacle et non d'un recours qui pourrait s'avérer utile pour les expéditeurs?
M. Alexander: Oui.
Mme Sheridan: Vous ne concevez pas de situations où vous pourriez y avoir recours.
M. Alexander: Je laisse la parole à mes collègues.
M. Al Jensen (Association canadienne des fabricants de produits chimiques): Je n'en vois pas l'utilité. Autrement dit, on ne voit pas en quoi cela nous aide; en revanche, c'est une entrave dont nous devons être conscients lors de nos tractations régulières avec les chemins de fer pour négocier les tarifs et services.
Mme Sheridan: Pour conclure, on peut dire qu'il ne s'agit pas simplement de supprimer les mots «préjudice important»; c'est tout l'article qui est en cause. C'est bien cela?
M. Jensen: En toute justice, je ne comprends pas ce que cela apporte. Est-ce que cela aide les chemins de fer? Si c'est le cas, demandons-leur de dire exactement ce que cela leur apporte. Cela contribuerait à l'équilibrage dont parlait plus tôt M. Goffin, avec tout ce qui équilibre en choses. Pourquoi ajouter une autre disposition dont l'utilité n'est pas évidente pour nous?
Le président: Je vous remercie, madame Sheridan.
Monsieur Nault.
M. Nault: J'essaie de comprendre votre présentation.
Il y a un point que vous appuyez: vous comprenez que les voies sont sous-utilisées. De l'opinion générale, une rationalisation est nécessaire, ce qui signifie, pour parler franchement, que certains de vos membres pourraient avoir à faire face à un abandon des voies ferrées. Je suppose que c'est une chose qu'il est beaucoup plus difficile de surmonter que le problème posé par ce mécanisme d'accès concurrentiel entièrement libre.
J'essaie de réconcilier tout cela. D'un côté, vous conseillez aux compagnies de chemin de fer de faire leur travail, de faire ce qui est nécessaire, de rationaliser et d'en finir. D'un autre côté, vous parlez du préjudice important et, en ce qui me concerne, du moins, cela signifie que vous devez craindre que les chemins de fer vous entraînent à la faillite ou vous placent en état de cessation d'activités, avant que vous ayez pu aller vous plaindre parce qu'ils veulent vous faire payer 2$ de plus par tonne par mille, ou quelque chose du genre. Je crois que c'est ce que cela veut dire, en ce qui me concerne.
Je ne suis pas avocat - Dieu soit loué - mais c'est ce que mon bon sens m'amène à croire que cela signifie. Il faut vraiment que les choses deviennent sérieuses avant que vous puissiez... Autrement, il vous incombera, d'une certaine façon, de négocier les tarifs. Telle est ma façon de voir les choses.
D'un côté, vous déclarez parfaitement acceptable que les compagnies de chemin de fer procèdent à une rationalisation. Dieu sait que ce n'est pas ce qu'elles ont fait. Tout le monde a l'impression que c'est ce qu'elles feront si on leur en donne la possibilité. On verra alors si les lignes sur courte distance survivent, sous une forme ou une autre. Nous sommes tous d'accord qu'il y aura toutefois d'importants abandons de voies ferrées.
Cela ne vous gêne pas, mais tout ce que soulève le paragraphe 27(2) vous dérange. Je n'arrive pas à réconcilier tout cela, car d'un côté, vous vous déclarez prêts à affronter la concurrence et vous pensez pouvoir bien vous en tirer, ou vous êtes prêts à accorder le bénéfice du doute aux compagnies de chemin de fer quand elles veulent faire affaire avec vous et vous accorder des tarifs satisfaisants. Mais en revanche, vous semblez croire que l'Office a pour mission de vous tenir par la main. Je ne pense pas que c'est ainsi que devraient être les choses, parce que vous avez déjà dit qu'il n'y avait eu que deux plaintes depuis 1987.
Foncièrement, vous utilisez l'Office pour dire aux compagnies de chemin de fer qu'elles n'ont pas le droit de vous imposer quelque chose et qu'autrement, vous aurez recours à l'Office et que vous les dénoncerez. Voilà à quoi vous sert l'Office, car vous ne l'utilisez pour rien d'autre. Vous vous en servez comme une sorte d'épée de Damoclès.
Qu'en dites-vous? Vous nous avez laissé entendre que vous n'en avez pas besoin de cette disposition, qu'elle n'est pour vous d'aucune utilité.
M. Goffin: Je ne crois pas que vous ayez dit grand-chose que nous ne puissions pas appuyer.
Pour ce qui est de la rationalisation du système, M. Alexander a déclaré dans son exposé qu'il s'agit essentiellement d'un acte de foi de la part des expéditeurs. Depuis 1987, les compagnies de chemin de fer ont continuellement défendu la rationalisation. La question a figuré à l'ordre du jour de toutes les conférences sur les transports auxquelles j'ai assisté depuis huit ans, et de toutes les tables rondes expéditeurs-transporteurs, et ainsi de suite. Les expéditeurs se sont graduellement laissé convaincre.
Nous craignons, bien sûr, que dans certains cas, des lignes soient abandonnées ou qu'il n'y ait pas de lignes sur courte distance et qu'on laissera les gens en plan. Cela nous inquiète. D'un autre côté, dans le cadre des abandons qui ont déjà eu lieu, il y a une ligne sur courte distance - sur laquelle deux de nos adhérents avaient des installations - qui n'a pas été ouverte à cause des dispositions ontariennes relatives au droit du successeur. Une fois que l'on tiendra compte de cela...
Une ligne sur courte distance aurait pu être installée grâce à cette nouvelle loi. Nos compagnies ont graduellement accepté ce concept. Nous avons une compagnie à Arnprior qui a constitué en société sa propre ligne sur courte distance parce qu'elle y a été forcée. On a l'impression qu'à mesure que la rationalisation progressera, les gens prendront des initiatives pour occuper le terrain, mais cela nous préoccupe, sans aucun doute.
En ce qui concerne la façon dont l'Office est utilisé, je pense que vous avez tout à fait raison. C'est bien ce qui ressort des précédents. On a rarement transmis de demandes directes à l'Office. Les expéditeurs s'en sont servis comme d'un moyen de pression, et dans de nombreux cas, ils ne traitent qu'avec une seule compagnie de chemin de fer dont ils sont captifs. On peut s'en rendre compte en examinant nos données. Si les compagnies ne bénéficient pas de ce moyen de pression, à quoi auront-elles recours pour finir par s'entendre avec les chemins de fer?
M. Nault: Avant de passer à autre chose, pourrait-on dire qu'il s'agit d'une utilisation pernicieuse de l'Office comme moyen de pression? On a l'impression que vous en avez besoin, mais en fait, ce n'est pas le cas.
La raison pour laquelle les compagnies de chemin de fer négocient, c'est parce qu'elles ont besoin de vous comme clients, et non parce que vous les menacez d'aller vous plaindre à l'Office. Les compagnies de chemin de fer n'ont pas intérêt à vous envoyer promener; elles sont en affaires pour obtenir une partie du gâteau.
Je crains, d'un autre côté, que les expéditeurs se trompent d'objectif dans leur débat et dans leur argumentation. À mon avis, nous avons consacré beaucoup de temps à cet article particulier qui s'avérera, je pense, plutôt insignifiant. Vous n'y avez jamais recours, de toutes façons. On entend dire qu'il a été utilisé deux fois depuis 1987, et pourtant tous les gens qui sont ici ne cessent de discuter du paragraphe 27(2). Personne n'y a recours. Nous n'avons pas parlé de l'abandon des voies de chemin de fer, de la rationalisation des compagnies ferroviaires et de toutes les conséquences qui en découleront pour les expéditeurs. Nous n'avons pas parlé de la compétitivité des chemins de fer, sous une forme ou sous une autre. Nous parlons seulement de créer une sorte de compétitivité par le biais d'une réglementation.
Nous avons consacré tout notre temps au paragraphe 27(2). Je ne sais pas si c'était l'objectif du ministre. C'était peut-être un bon stratagème, mais j'essaie de voir si l'on ne pourrait pas en finir avec ce paragraphe 27(2), et parler de choses un peu plus substantielles.
M. Goffin: Permettez-moi un bref commentaire avant de donner la parole à mes collègues, parce que je n'expédie pas grand-chose moi-même. Je crois qu'ils seront en mesure de vous répondre.
Si vous vous reportez à ce qui se passait avant 1987, quand ces mécanismes n'existaient pas, et à l'après-1987, vous comprendrez pourquoi les expéditeurs en avaient besoin pour traiter avec les compagnies de chemin de fer. Après 1987, les chemins de fer nous ont dit que cela les avait forcés à étudier beaucoup plus attentivement en quoi consistait notre activité, quels marchés nous essayions d'atteindre, et comment elles pourraient peut-être collaborer pour nous aider à y pénétrer - ou conclure qu'elles ne pouvaient peut-être rien faire. Mais au moins, aujourd'hui c'est ce qui se passe.
Peut-être que M. Alexander et M. Jensen devraient donner plus de précisions.
M. Alexander: Si je m'en tiens à mon expérience personnelle, je ne peux qu'approuver ce qu'a dit M. Goffin.
Monsieur Nault, vous dites que les compagnies de chemin de fer ont le droit de rationaliser leurs installations - elles ont parfaitement le droit de le faire, et elles ne devraient pas être handicapées par des contraintes réglementaires. Nous souhaitons que les compagnies de chemin de fer soient rentables, de façon à être des transporteurs fiables, sur la présence desquels on peut compter pour que nos installations survivent à long terme.
À quel coût? L'histoire nous enseigne que les augmentations de tarifs-marchandises des compagnies de chemin de fer avant 1987 pouvaient être qualifiées d'«importantes» et de «fréquentes». Nous ne pouvons pas, comme un grand nombre d'autres industries, nous montrer ouverts à l'intermodalisme de façon générale. Nous expédions des produits chimiques. En ce qui nous concerne, il n'y a pas d'autres choix que d'utiliser des wagons citernes et des wagons trémies.
Vous avez donc parfaitement raison: le paragraphe 27(2) n'est pas si important, et pourquoi y consacre-t-on autant de temps? Il ne s'agit que d'un autre obstacle critiquable. Dans quel but l'a-t-on ajouté? Les dispositions relatives à l'accès concurrentiel de la LTN de 1987 ont en apparence le mérite de donner satisfaction aux deux parties.
M. Fontana: Je crois que l'un des adhérents de votre association, Stelco, a comparu devant ce comité la semaine dernière ou la semaine d'avant, et nous avons abordé la question du paragraphe 27(2). Nous avons discuté pour savoir s'il était nécessaire ou non d'avoir un test de captivité. J'ai posé la question suivante: si un expéditeur particulier est captif, cette captivité est-elle attribuable aux chemins de fer ou au mode de transport en général?
Pensez-vous que l'on devrait restreindre l'application du paragraphe 27(2) pour être en mesure de déterminer si un expéditeur est véritablement captif d'une compagnie ferroviaire donnée et/ou d'un mode de transport? C'est essentiellement ce que nous visons.
M. Jensen: Un test de captivité serait beaucoup plus difficile à interpréter que l'article dont nous parlons. La captivité est vraiment une notion très subjective. Qu'est-ce qu'être captif? Il se peut que trois mouvements sur dix soient captifs et que sept ne le soient pas. Le marché, c'est la distance, le volume et le coût.
M. Fontana: Mais la question est justement d'essayer de fournir une certaine orientation, non sur l'accès à l'Office mais sur le type de réparation concernant les taux et le service. On pourrait donner à l'OTC une certaine directive sur ce qui pourrait constituer un préjudice et sur les raisons des demandes.
Mon collègue a déjà déclaré que même en vertu du système actuel, personne n'a réellement recours à l'Office. On y a fait appel deux fois. Et je ne sais même pas pourquoi. L'Office a servi de moyen de pression.
Afin de restreindre la portée du mot «préjudice» ou de l'expression «préjudice important», ne pensez-vous pas qu'il faudrait au moins ajouter...? Cela n'est pas sans précédent. D'autres mots ont été utilisés dans des contextes quasi judiciaires. Des décisions ont été prises un peu de la même façon par d'autres instances pour déterminer la nature d'un préjudice important.
Donc, en fait, si vous avez un problème à cause du taux ou du service et que vous souhaitez vous adresser à l'Office - advenant que vous vouliez aller jusque là - il vous faut prouver que vous avez subi un préjudice important avant de présenter votre demande. Qu'y a-t-il de mal à cela quand on veut protéger et développer une industrie ferroviaire concurrentielle?
Autrement, si les chemins de fer n'existent pas, votre activité n'est plus possible. C'est bien cela, n'est-ce pas?
M. Alexander: Dans certaines circonstances.
M. Fontana: Dans quelles circonstances?
M. Alexander: Je ne comprends pas. Quand une loi est élaborée et que l'on introduit quelque chose de neuf, il devrait y avoir une raison indiscutable de le faire. Mais je ne vois pas quelle raison indiscutable il pourrait y avoir en l'occurrence. En quoi améliore-t-on ce qui existe?
M. Fontana: Permettez-moi de vous demander quelque chose d'autre. Vous avez parlé des problèmes des expéditeurs avant 1987. Vous avez obtenu d'importants avantages en 1987.
M. Alexander: Tout à fait.
M. Fontana: Qu'est-il advenu de vos tarifs depuis 1987? Ont-ils augmenté ou baissé?
M. Alexander: Ils sont de l'ordre de nos prix de vente.
M. Fontana: Ils ont donc baissé.
Un témoin: D'environ 30 p. 100.
M. Fontana: Le système a donc fonctionné en votre faveur. Maintenant le problème - si vous reconnaissez qu'il s'agit d'un problème - est que l'industrie ferroviaire est en difficulté.
Disons que l'on veut préserver notre compétitivité en tant que pays. Vous exportez de grandes quantités de marchandises - Dieu merci - mais il nous faut un système concurrentiel afin que vos prix s'alignent sur ceux des autres pays et de tous ceux qui cherchent à vendre les mêmes produits que vous.
Par conséquent, on doit donc examiner le système globalement. Je comprends que les coûts de transport sont une composante importante de vos prix. Donc, en fin de compte, si l'on parvient à mettre en place un système concurrentiel mieux adapté et plus efficace n'en bénéficiriez-vous pas, puisque la baisse de son coût sera répercutée sur les vôtres?
M. Alexander: Effectivement. Vous prétendez qu'en 1987, on a passé une loi pour les expéditeurs, ce que je ne conteste pas. Ce qui est en face de nous maintenant, c'est un projet de loi à l'intention des compagnies de chemin de fer. Nous prétendons que c'est nécessaire, et nous approuvons la démarche, mais pourquoi faut-il introduire cet obstacle? Quel en est l'avantage?
M. Fontana: Mais s'il n'y a rien pour les compagnies de chemin de fer... Le projet de loi C-101 fait le ménage dans 2 000 pages de règlements divers, et considère les compagnies de chemin de fer comme des entreprises tombant sous le coup de la Loi sur la concurrence. Il y a donc toutes sortes de recours en vertu de la Loi sur la concurrence qui n'ont pas été repris parce qu'ils sont vieux et archaïques, mais qui existent depuis une centaine d'années. On a fait d'importantes améliorations, mais au bout du compte, les compagnies de chemin de fer vous diront - l'une d'entre elles l'a déjà fait - qu'elles ne bénéficient en rien de ce projet de loi.
M. Goffin: Monsieur Nault, elles vont abandonner et transférer tout ce qu'elles veulent. Nous n'avons même pas la possibilité de leur dire quoi que ce soit.
M. Fontana: L'abandon des lignes fait partie du projet, et il s'agit d'une amélioration. D'aucuns prétendent que des droits de circulation devraient être donnés d'un seul coup à toutes les lignes sur courte distance provinciales, ce qui empêcherait ensuite les compagnies de chemin de fer de vendre les voies. Nous essayons donc de trouver un équilibre satisfaisant.
J'aimerais poser une dernière question. Permettez-moi d'ajouter que si vous êtes en affaires, les compagnies de chemin de fer le sont aussi. Je viens de rappeler qu'elles passent sous la tutelle de la Loi sur la concurrence.
Disons que nous allons imposer les mêmes réglementations à votre industrie que celles que vous nous demandez d'imposer à l'industrie ferroviaire. L'industrie du transport routier n'est pas assujettie à cette réglementation, les transports maritimes non plus, personne d'autre ne fait l'objet de ces dispositions réglementaires. Que diriez-vous si nous nous mettions à faire la même chose à votre industrie?
M. Alexander: Vous ne vous adressez pas à la bonne personne. Dans l'industrie chimique, ce ne sont pas les règlements qui manquent.
M. Fontana: Oui je sais, les règlements qui portent sur l'environnement, mais pas ceux qui se rapportent aux prix ou au calcul des coûts.
M. Goffin: Mais si nous formions un monopole ou un oligopole, nous serions certainement confrontés aux mêmes types d'interventions réglementaires que les chemins de fer.
M. Jensen: Une très forte concurrence.
M. Fontana: Donc, il n'y a pas de concurrence actuellement?
M. Goffin: Il y a la Loi sur la concurrence. Elle est en place.
Le président: Monsieur Gouk, vous souhaitiez poser une question complémentaire?
M. Gouk: Juste une question complémentaire, dans le prolongement de celle qu'a posée M. Fontana. Je veux simplement m'assurer que votre position est que le paragraphe 27(2) constitue un obstacle. Votre principal argument est le fait que vous ne comprenez pas en quoi cela il peut apporter quoi que ce soit aux compagnies de chemin de fer. Ce n'est rien de plus qu'un autre obstacle bureaucratique auquel vous devez faire face. C'est donc désavantageux pour vous et les compagnies de chemin de fer n'en tirent aucun bénéfice. Est-ce bien votre position?
M. Goffin: Je pense que les chemins de fer en tireront un avantage. On nous a demandés si les expéditeurs en bénéficient, ou si advenant que l'on supprime l'expression «préjudice important», il faudrait supprimer tout le paragraphe? Si l'on supprime «préjudice important» il n'y a aucune raison de conserver le paragraphe.
À propos des chemins de fer, si nous étions à leur place... une fois que le projet de loi adopté, je m'attends à ce qu'ils se montrent impitoyables. Si j'ai bien compris M. Nault, ils vont se dire ceci: à moins que le gars ne soit au bord de la faillite, il est probable qu'il n'obtiendra pas réparation. Si le gars en question ne parvient pas à comparaître devant l'Office pour montrer qu'il va faire faillite, on ne l'aidera pas. Alors, pourquoi ne pas faire grimper les prix? Cela améliorera leur rentabilité, comme disait M. Fontana.
Nous n'en profiterons pas. Nous considérons être actuellement sur un pied d'égalité avec nos concurrents américains et autres. Mais si les prix grimpent, nous ne pourrons plus guère contribuer à la prospérité du pays et il n'y aura pas beaucoup d'investissements dans notre industrie.
M. Fontana: Je n'irai pas jusque là. Vous avez mal interprété nos propos.
M. Nault: J'aimerais, si vous le permettez, monsieur le président, clarifier mes propos. Je ne veux pas donner l'impression aux témoins ni au comité que le seul cas où l'on pourrait faire appel à l'Office, c'est quand on est au bord de la faillite.
J'ai dit quelle était, selon moi l'intention derrière l'utilisation de l'expression «préjudice important». M. Comuzzi a parlé juste l'autre jour lorsque nous discutions de l'augmentation significative des profits réalisés dans l'industrie forestière avec le bois d'oeuvre, les deux par quatre et ce genre de choses. Les prix ont monté en flèche au cours des derniers mois.
C'est fantastique. Nous sommes heureux de voir qu'il en est ainsi. Je suis originaire d'une région forestière et cela me fait plaisir. Mais parallèlement, on s'aperçoit que les compagnies de chemin de fer n'ont pas augmenté leurs prix pour réaliser un petit bénéfice supplémentaire sur ce produit particulier, alors que tous les autres augmentaient leurs prix de 200 ou 300 p. 100.
C'est ce que signifie pour moi l'expression «préjudice important». Prétendons pour un moment que les compagnies de chemin de fer viennent vous voir et vous déclarent qu'elles aimeraient augmenter leurs tarifs de 12 à 15 p. 100. En vertu du système actuel, vous pourriez en appeler à l'Office et vous plaindre. Mais avec la clause du «préjudice important» cela ne vous sera pas possible. Il faudrait en effet que l'Office décide que cela n'a pas de conséquence significative pour votre industrie. Que 3 p. 100 est une augmentation raisonnable.
Telle est, je pense, l'intention de la démarche. Le but est que les chemins de fer puissent augmenter leurs tarifs. Je ne pense pas qu'il y a d'arguments à ce sujet. Si quelqu'un prétend que cela ne se produira pas... il ne sert à rien de se voiler la face; c'est exactement ce qui va se produire avec cet article. Son objet est de permettre aux compagnies de chemin de fer de procéder à des augmentations raisonnables.
Toutefois, en vertu du système en place, les compagnies de chemin de fer ne sont pas autorisées à le faire. C'est la raison pour laquelle il y a eu une baisse de 30 p. 100 des tarifs. On ne discutera pas de cela ce soir, monsieur Alexander, parce que je sais que vous avez, vous aussi, connu des périodes de vache maigre.
Voilà ce dont je voulais vous faire part, à vous et au comité, car c'est selon moi, l'intention de l'expression «préjudice important».
M. Goffin: Je m'excuse d'avoir mal compris vos remarques antérieures.
M. Nault: Je ne veux pas que vous ayez à attendre d'être au bord de la faillite pour pouvoir faire appel à l'Office; on pourrait aussi bien, dans ce cas, se dispenser d'avoir un Office.
Le président: Monsieur Alexander, monsieur Jensen, et monsieur Goffin, nous vous remercions du temps que vous nous avez consacré aujourd'hui. Votre présentation était des plus complètes et je vous remercie d'avoir répondu à nos questions.
Messieurs, je vous remercie.
M. Alexander: Merci de nous avoir accueillis. Nous vous souhaitons bonne chance.
Le président: Merci, chers collègues. Rendez-vous demain matin à 9h30.
La séance est levée.