[Enregistrement électronique]
Le mercredi 1er novembre 1995
[Traduction]
Le vice-président (M. Comuzzi): Bonjour mesdames, bonjour messieurs.
Le Comité permanent des transports poursuit son étude du projet de loi C-101, la Loi sur les transports au Canada.
Au nom des membres du comité, je souhaite la bienvenue à plusieurs éminents Canadiens venant de l'ouest de Thunder Bay. Nous avons l'honneur d'accueillir l'honorable Glen Findlay, ministre de la Voirie et des Transports de la province de la Saskatchewan, et son sous-ministre, M. Andrew Horosko.
L'honorable Glen M. Findlay (ministre de la Voirie et des Transports, gouvernement du Manitoba): En réalité, du Manitoba.
Le vice-président (M. Comuzzi): Oh, ils se sont trompés. Vous ressemblez pourtant à un Manitobain.
Je suppose donc que les témoins qui, d'après ma liste, viennent du Manitoba sont en réalité de la Saskatchewan. Est-ce bien cela?
M. Findlay: Il vaudrait peut-être mieux laisser les choses comme cela.
Le vice-président (M. Comuzzi): Nous accueillons aussi l'honorable Andy Renaud, ministre, et M. Bernie Churko, sous-ministre de la Saskatchewan. C'est bien cela n'est-ce pas?
M. Bernie Churko (sous-ministre adjoint, Division de la politique et des programmes, ministère de la Voirie et des Transports, gouvernement de la Saskatchewan): En réalité, je suis sous-ministre adjoint.
Le vice-président (M. Comuzzi): Pardon, le sous-ministre adjoint.
Je suppose que l'on a trop fêté le référendum.
Il ne reste plus qu'une province, à l'exception de la Colombie-Britannique, et je ne peux pas me tromper. Bienvenue à l'honorable Stephen West, ministre des Transports et des Services publics, et à M. Tom Brown, directeur exécutif, Direction de l'élaboration des politiques. C'est bien cela? Bon, ça fait trois sur six.
Bienvenue, messieurs. Je crois que vous nous avez transmis un mémoire, mais que chacun des honorables députés souhaite faire son propre exposé, et est disposé à répondre ensuite à toutes les questions des membres du comité. Est-ce que cela vous convient?
M. Findlay: Oui.
Le vice-président (M. Comuzzi): Monsieur Findlay, permettez-moi de dire à nouveau combien nous sommes heureux de vous accueillir. C'est une journée très importante. Je vous invite à prendre la parole, monsieur Findlay.
M. Findlay: M. Renaud interviendra en premier, ensuite, ce sera mon tour, puis celui de M. West - c'est, en quelque sorte, l'ordre dans lequel nous frapperons - et nos adjoints finiront le travail.
L'honorable Andy Renaud (ministre de la Voirie et des Transports, gouvernement du Manitoba): Je tiens, en premier lieu, à remercier les membres du comité de nous donner l'occasion de comparaître aujourd'hui et de donner notre avis sur cette importante mesure législative.
J'ai l'intention de limiter mes propos à l'incidence de l'industrie ferroviaire sur le transport au Canada. J'aimerais commencer par dire que ce projet de loi va beaucoup plus loin qu'une simple restructuration de l'industrie ferroviaire du Canada. Il faut s'attendre à ce que ce texte et ses effets d'entraînement modifient fondamentalement la façon dont les agriculteurs, les expéditeurs et les industriels fonctionneront à l'avenir.
Les expéditeurs des provinces des Prairies sont les principaux usagers du système ferroviaire canadien. Chaque année, environ 80 millions de tonnes de marchandises, pour la plupart des marchandises en vrac, comme le grain, le charbon, le soufre, la potasse, etc., sont expédiées des Prairies par chemin de fer à destination de clients du marché national, transfrontière ou international. Les expéditeurs des Prairies fournissent approximativement 50 p. 100 du tonnage véhiculé par le CN et le CP, et ils assurent presque le même pourcentage du chiffre d'affaires de ces transporteurs.
La Saskatchewan et nos provinces voisines, l'Alberta et le Manitoba, partagent nos préoccupations au sujet de ce texte législatif, car nous pensons que ce projet de loi fait inéquitablement pencher la balance des pouvoirs en faveur des chemins de fer, au détriment des expéditeurs et des agriculteurs.
Le Canada a besoin de lois qui encouragent des pratiques économiques saines ainsi que la concurrence. Nous demandons au gouvernement fédéral de favoriser un niveau de concurrence équitable et raisonnable et de faire place au choix dans le domaine du transport ferroviaire. Nous souhaitons des règles garantissant que les prix imposés dans ce secteur sont établis en fonction de la concurrence.
La concurrence est le seul moyen d'empêcher les prix de monopole.
Tout aussi important, la concurrence assurera qu'au moins une partie des économies de coût dont bénéficieront les chemins de fer grâce à ce projet de loi seront répercutées sur les agriculteurs et les expéditeurs.
Le concept qui sous-tend les changements que nous demandons n'est pas nouveau. Le gouvernement fédéral a fréquemment démontré que susciter la concurrence où il n'y en a pas naturellement dans le marché est dans le meilleur intérêt de l'économie canadienne.
Le gouvernement fédéral a manifesté sa volonté de prendre des mesures pour créer un environnement concurrentiel. Dans le secteur des télécommunications, il a mis en place avec le CRTC des règlements qui permettent à une entreprise d'avoir recours aux infrastructures d'une autre. De fait, ce sont les Télécommunications CNCP qui, au début de la décennie quatre-vingt, furent la force agissante derrière cette idée.
Si le partage d'infrastructures peut servir à créer la compétition dans le domaine des télécommunications, pourquoi ne pourrait-on pas appliquer le même principe à l'industrie ferroviaire?
Je tiens également à dire très clairement aux membres du comité que nous voulons une industrie ferroviaire saine et que nous en avons besoin. J'entends par là deux chemins de fer concurrents et prospères, opérant d'un océan à l'autre, et non deux transporteurs qui réalisent des bénéfices excessifs aux dépens des agriculteurs et des expéditeurs. Pour avoir une industrie ferroviaire saine, il faut une industrie du transport saine.
Les nouveaux règlements fédéraux doivent faire l'équilibre entre les besoins des chemins de fer, qui souhaitent moins de règlements, et ceux des expéditeurs, qui souhaitent un service plus compétitif.
La Saskatchewan est l'un des plus grands utilisateurs du système ferroviaire canadien, et génère plus de 30 millions de tonnes de fret par an.
Plus de 60 000 agriculteurs de la Saskatchewan sont directement concernés par le contenu de ce projet de loi. Les agriculteurs absorbent eux-mêmes les coûts d'expédition. Ces coûts sont soustraits directement du prix rendu. Si les tarifs-marchandises augmentent ne serait-ce que de 5 p. 100 à cause de l'absence de concurrence, cela coûte entre 50 et 60 millions de dollars aux agriculteurs de la Saskatchewan, qui ne peuvent pas répercuter cette somme. Ils sont en bout de ligne.
Bien que le grain soit, en quantité, la marchandise la plus importante, nous expédions également de la potasse, du charbon, du sulfate de sodium, de la luzerne déshydratée, des graines oléagineuses, des produits forestiers et beaucoup d'autres marchandises par chemin de fer. Comme les marchés auxquels elles sont destinées se trouvent généralement outre-mer ou aux États-Unis, elles sont, en majorité, déjà captives des chemins de fer pour leur transport. Il n'est pas économique de les livrer par camion jusqu'à une côte distante de plus de 1 000 milles.
En plus d'être captives des chemins de fer qui semblent le seul mode de transport logique, un grand nombre de régions de la Saskatchewan le sont aussi parce qu'elles ne sont desservies que par une seule compagnie de chemin de fer. Cette double captivité assure aux chemins de fer une certaine puissance commerciale qui, en s'affirmant, les autorise à établir des tarifs qui dépassent de beaucoup leurs coûts.
La nouvelle LTC ne doit pas affaiblir les dispositions relatives à l'accès concurrentiel et aux recours des expéditeurs qui figuraient dans la LTN de 1987. Bien que rarement invoquées, ces dispositions assurent le respect d'une certaine discipline commerciale quand les expéditeurs et les chemins de fer négocient des contrats. Il se pourrait qu'en remplaçant la LTN de 1987 par la nouvelle LTC, on fasse un pas en arrière.
Chaque expéditeur a besoin de pouvoir faire jouer la concurrence en ayant accès à au moins deux compagnies de chemin de fer. Là où s'exerce une véritable concurrence, nos chemins de fer nationaux ont largement démontré qu'ils étaient capables de relever le défi. En revanche, en l'absence de concurrence, les compagnies de chemin de fer ont fixé des tarifs dépassant de beaucoup les coûts. Afin que les agriculteurs et les expéditeurs ne se retrouvent pas coincés dans une telle situation - comme ils le craignent, à juste titre - ils doivent être desservis par deux compagnies de chemin de fer ou bénéficier d'une protection réglementaire afin de pouvoir négocier comme s'il existait deux services concurrents.
Les agriculteurs et les expéditeurs situés sur une ligne de chemin de fer d'intérêt local se retrouveront fréquemment captifs du CN ou du CP. Pour gommer ce désavantage, nous recommandons que les dispositions relatives à l'accès concurrentiel et aux recours des expéditeurs précisent que les droits de circulation limités qui figuraient dans la LTN de 1987 soient accordés aux expéditeurs desservis par des lignes sur courte distance. Cette disposition est nécessaire tant pour la protection des chemins de fer d'intérêt local que pour celle des expéditeurs et des agriculteurs qui recourent à ces lignes secondaires. Ils ont besoin d'un mécanisme pour assurer qu'ils ne sont pas captifs; qu'ils ont un choix.
Cette mesure législative doit également être révisée afin d'assurer que leur capacité d'action en faveur de la préservation des embranchements n'est pas limitée. On recense en Saskatchewan 3 600 embranchements tributaires du transport du grain. Il faut encourager leur cession à des chemins de fer d'intérêt local, notamment en faisant disparaître les désavantages qu'engendre leur dépendance à l'égard du CN ou du CP. Il faut donner aux entreprises légitimes la possibilité de se développer et de prospérer. L'amendement des dispositions relatives à la cession et à l'abandon des lignes facilitera de telles initiatives.
La Saskatchewan doit avoir un service ferroviaire de qualité et des chemins de fer efficaces qui offrent un service de classe internationale. Les compagnies ferroviaires doivent continuellement s'améliorer et s'adapter aux pratiques logistiques modernes. La compétition entre les chemins de fer assurera qu'il en est ainsi. J'ai pleinement confiance que les chemins de fer du Canada peuvent relever ce défi.
Mesdames et messieurs les membres du comité, votre responsabilité est importante. Ce que vous déciderez aura une influence permanente sur ce grand pays. Je vous demande de recommander que l'on apporte à ce projet de loi des changements qui contribueront à la croissance et à une économie canadienne forte.
Le vice-président (M. Comuzzi): Je vous remercie, monsieur Renaud.
M. Findlay: Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, c'est pour moi un vif plaisir d'être ici au nom du Manitoba.
Marlene, vous êtes une vraie manitobaine. Il neige là-bas aujourd'hui. On se croirait déjà en hiver.
J'aimerais m'étendre assez longuement sur le projet de loi. Beaucoup de ce que j'ai à dire va dans le même sens que les remarques de M. Renaud.
Globalement, je pense que l'on peut dire qu'une grand partie de l'activité économique du Manitoba est liée à l'industrie du grain et aux gros expéditeurs. Toutefois à cause des changements qui ont suivi la suppression de la LTGO, il y a eu une évolution spectaculaire dans les Prairies. Il y a cinq ans, il était question de diversification et d'industrie à valeur ajoutée. Aujourd'hui, suite à la disparition de la LTGO, l'impact du changement est dramatique.
Je pense qu'il est juste de dire, avant d'en arriver à proprement parler aux commentaires que j'ai préparés, que les chemins de fer d'aujourd'hui, qui transportent de grande quantité de produits volumineux de faible valeur unitaire, auront de grandes difficultés à trouver de tels chargements dans cinq ans. À ce moment là, on s'orientera plutôt, pour répondre à la demande, vers la valorisation du grain ou la transformation des oléagineux et des cultures spéciales. Les chemins de fer de l'avenir transporteront des quantités beaucoup moins importantes de produits de plus grande valeur, et les wagons trémies ne feront plus l'affaire. Les chemins de fer transporteront des marchandises de plus grande valeur dans des conteneurs de type différent. Les exploitants de silos à grain se rendent compte qu'un changement radical se profile à l'horizon.
Quand on parcourt cette loi, qui contient beaucoup de bonnes choses et qui ouvre des possibilités, il faut se rappeler que dans cinq ans - si l'on pense à ce que l'agriculture produit et exige qu'un transporteur expédie - on se retrouvera dans une situation très différente de celle que nous avons connue au cours du dernier siècle.
Nous estimons que l'économie du Manitoba est excessivement dépendante de l'exportation. Nous avons besoin de gens capables d'expédier des produits à travers le monde, alors que 30 p. 100 de notre produit intérieur brut provincial provient des exportations et que la tendance se confirme. Le transport ferroviaire est un élément essentiel du processus et les chemins de fer doivent survivre. C'est ce que nous voulons, mais à moins que les expéditeurs survivent, on peut se demander si les chemins de fer sont nécessaires. La question est à ce point fondamentale.
Si l'on peut faire en sorte qu'ils survivent les uns et les autres et qu'ils réagissent à la concurrence en harmonie - et faire face à la concurrence signifie, au fond, maintenir des coûts peu élevés et répondre à tous les signaux économiques - les uns et les autres survivront et la province se développera. Mais si les uns réussissent et que les autres échouent, nous le paierons très cher.
Voilà mon avant-propos. Je n'ai qu'un mot à la bouche: le changement, le changement, et encore le changement. Ce n'est pas fini, et nous devons être prêts à adapter notre législation pour qu'il puisse se produire.
Il est certain qu'un grand nombre des produits qu'exporte le Manitoba sont des produits lourds et volumineux tels que le blé et les minerais, dont l'acheminement vers des marchés éloignés est naturellement et idéalement adapté au transport ferroviaire. Le tonnage des exportations totales du Manitoba transportées par chemin de fer est plus de quatre fois supérieur à celui du transport routier. Sur les 8,5 millions de tonnes de biens d'origine manitobaine transportés par chemin de fer, plus de 60 p. 100 sont destinés à l'exportation par bateau. Il s'agit de transport sur de longues distances. D'où nous sommes situés, le transport sur courtes distances vers la mer n'existe pas.
Comme vous pouvez le constater, pour un grand nombre d'expéditeurs du Manitoba, le transport routier ne constitue pas une solution concurrentielle, pratique et viable par rapport au chemin de fer. Les coûts de transport représentent aussi un important élément du prix rendu global de ces produits, dans certains cas, jusqu'à 45 p. 100 du prix rendu.
Dans son contexte global, un transport ferroviaire performant, d'un bon rapport qualité-prix est indispensable à la prospérité économique du Manitoba. Dans la loi, le gouvernement fédéral reconnaît que les chemins de fer doivent rationaliser leur exploitation. C'est un objectif louable. La LTC permettra aux chemins de fer de réduire leurs coûts et leur accordera la liberté nécessaire pour gérer leurs activités en fonction des conditions du marché. Corollairement, la LTC vise aussi à promouvoir le développement des lignes sur courte distance. Même si la LTC s'efforce de répondre à ces deux objectifs - la rationalisation des chemins de fer et la croissance subséquente des lignes sur courte distance - elle passe à côté des possibilités qui s'offrent de rendre l'industrie nationale des chemins de fer plus dynamique et plus axée sur le marché.
Même si l'on peut réaliser des gains d'efficacité au niveau du réseau en accordant aux chemins de fer une plus grande liberté de gestion, on pourrait améliorer encore les performances si on permettait à la libre concurrence de s'exercer dans le domaine ferroviaire, comme dans les autres secteurs du transport. Le transport routier étant une option limitée, la concurrence intermodale s'avérera capitale pour garantir le rapport qualité-prix du transport ferroviaire dont ont besoin les expéditeurs. Malheureusement, le CN et le CP ont depuis toujours adopté une attitude très peu concurrentielle sur le marché du transport quand il s'agit de marchandises qu'il est naturel de faire expédier par chemin de fer.
Dans le passé, les chemins étant étroitement réglementés et devant assurer un service public, la libre concurrence dans l'industrie était difficile, et c'est une chose à laquelle on ne s'attendait peut-être même pas. Mais il n'y a plus d'excuses aujourd'hui pour ne pas exposer les chemins de fer aux forces du marché intermodal. Face à la dynamique du marché, les transporteurs seront forcés de chercher en permanence à améliorer leur productivité, leurs prix et leur service. Les gains d'efficacité qui découleront de la concurrence seront alors répercutés sur les expéditeurs sous forme de tarifs moins élevés et de meilleurs services. De ce point de vue, le rôle du gouvernement dans la politique de transport ferroviaire doit être de créer un environnement où les incitatifs et les solutions qui viennent du marché sont les premiers générateurs de gains d'efficacité.
Toutefois, la LTC donne aux membres du comité et au gouvernement une occasion exceptionnelle de favoriser la concurrence en maintenant et en consolidant les dispositions relatives à l'accès des expéditeurs à des conditions concurrentielles et à l'utilisation des lignes sur courtes distances pour créer une véritable concurrence. Le texte actuel de la LTC ne répond pas pleinement à ces objectifs. La rationalisation de la croissance des chemins de fer d'intérêt local doit être accompagnée d'initiatives visant à accroître le niveau de la concurrence dans l'industrie ferroviaire.
J'aimerais, en premier lieu, parler du maintien des dispositions relatives à l'accès concurrentiel. La LTN de 1987 fut la première initiative majeure qui a permis au gouvernement fédéral de reconnaître à quel point les deux compagnies de chemin de fer nationales étaient peu concurrentielles et de s'attaquer avec vigueur au problème. Les dispositions relatives à l'accès concurrentiel des expéditeurs, telles que les prix de ligne concurrentiels, l'arbitrage et l'extension des limites relatives aux interconnexions ont été élaborées pour multiplier les options qui s'offrent aux expéditeurs en matière de choix de transporteur, de prix et de service. Et les mesures relatives à l'accès concurrentiel se sont avérées satisfaisantes du fait que leur simple existence a accru le pouvoir de négociation des expéditeurs avec les chemins de fer, ce qui s'est soldé par des améliorations au niveau des prix et du service.
Malheureusement, nous considérons que la LTC nous fait faire un pas en arrière. Elle affaiblit ces deux dispositions en entravant la capacité des expéditeurs à recourir aux mesures relatives à l'accès concurrentiel de façon opportune et en n'étendant pas clairement cet accès aux expéditeurs qui pourraient, à l'avenir, être desservis par des chemins de fer d'intérêt locaux.
Manifestement, selon le paragraphe 27(2) - je sais que vous en avez beaucoup entendu parler - un expéditeur qui s'adresse à l'Office pour obtenir réparation doit démontrer qu'il subira un préjudice important si l'indemnisation en question ne lui est pas accordée. À l'article 34, on constate que l'Office peut ordonner à un expéditeur qui a engagé une instance devant lui non seulement de payer les frais que cela entraîne, mais aussi de verser une indemnité pour toute perte ou tout retard découlant d'une cause jugée frustratoire. L'article 113 qui stipulait que les tarifs ferroviaires devaient être compensatoires dispose maintenant que l'Office s'assure que le prix établi est commercialement équitable et raisonnable.
Je sais qu'on vous l'a déjà dit, mais ces trois expressions - préjudice important, frustratoire et équitable et raisonnable - ne sont pas définies dans le projet de loi, et les interprétations qu'on pourra en donner nous inquiètent beaucoup.
Prises ensemble, ces mesures représentent un obstacle administratif coûteux et fastidieux pour un expéditeur qui tente d'obtenir rapidement réparation auprès de l'Office. Le fait que ces expressions ne sont pas définies découragera probablement un grand nombre d'expéditeurs de recourir aux dispositions relatives à l'accès concurrentiel, notamment à l'arbitrage. Il en découlera un affaiblissement du pouvoir de négociation des expéditeurs avec les chemins de fer, une baisse de la concurrence dans le secteur des chemins de fer et un déséquilibre des relations établies entre les expéditeurs et les chemins de fer grâce à la LTN de 1987. Selon nous, ces trois expressions devraient être supprimées du projet de loi C-101.
Même si l'article 132 étend l'accès concurrentiel aux expéditeurs desservis par des lignes secondaires, il n'est pas clair que cette disposition s'appliquera à ceux qui se retrouveront à l'avenir sur une ligne secondaire. Les dispositions relatives à l'accès concurrentiel et aux recours des expéditeurs doivent s'appliquer aux expéditeurs actuels et futurs dont les installations sont situées au point d'interconnexion entre une ligne de chemin de fer provinciale et une ligne de chemin de fer fédérale.
Globalement, les recommandations formulées dans le mémoire commun des trois provinces visent à permettre aux expéditeurs de choisir le chemin de fer national qu'ils souhaitent utiliser pour acheminer leurs produits. En maintenant ces dispositions, on contribuera à créer un environnement où les deux compagnies nationales, le CN et le CP, sachant que les expéditeurs ont le choix, se trouveront peut-être obligées d'agir d'une façon authentiquement concurrentielle lorsqu'elles établiront leurs tarifs.
Parlons maintenant des droits de circulation sur les lignes secondaires et de la concurrence. Même avec les dispositions relatives à l'accès concurrentiel, les chemins de fer agissent souvent comme un duopole classique. Au lieu de considérer les lignes sur courte distance comme des sources potentielles de concurrence, le projet de loi les relègue au rôle de système d'apport par rapport aux lignes principales. C'est envisager les choses de façon étroite et peu perspicace.
Le Manitoba propose que l'on donne des droits de circulation réciproques limités aux lignes secondaires sur les voies de connexion principales jusqu'au point de jonction le plus proche avec la ligne d'un transporteur fédéral concurrent.
Le gouvernement fédéral a la possibilité, grâce aux lignes sur courtes distances, de permettre que la concurrence se développe dans l'industrie de façon naturelle; c'est-à-dire, de donner l'occasion à des intervenants et à des exploitants nouveaux sur le marché d'offrir aux expéditeurs des solutions de rechange en concurrence avec les lignes principales. Les droits de circulation serviront cet objectif.
L'article 132 confie toujours à l'Office la responsabilité de déterminer si les droits de circulation sont dans l'intérêt public. Les chemins de fer sous règlement fédéral, c'est-à-dire le CN et le CP, peuvent s'adresser actuellement à l'Office pour obtenir des droits de circulation sur les lignes du concurrent. Le Manitoba ne voit pas pourquoi, si l'on veut permettre à tout le monde de lutter à armes égales, cette disposition ne s'applique pas également aux chemins de fer provinciaux sur courtes distances. Le principe de la concurrence exige qu'en l'occurrence, les lignes secondaires bénéficient des mêmes privilèges commerciaux que les chemins de fer fédéraux, et aient au moins la possibilité de s'adresser à l'Office pour obtenir des droits de circulation sur d'autres lignes.
Comme l'a fait remarquer M. Renaud, il existe un précédent indéniable dans l'industrie des télécommunications, domaine dont je suis aussi le ministre de tutelle et dans lequel les concurrents sont autorisés, en échange de l'acquittement de certains droits, à faire passer leurs produits sur les lignes des concurrents: et cela fonctionne raisonnablement bien. Tout peut changer avec le temps, mais le principe existe dans l'industrie des télécommunications.
Le troisième point sur lequel j'aimerais attirer l'attention du comité est celui de la rentabilité des lignes secondaires. La LTC ne favorise pas un climat suffisamment propice à l'émergence de lignes secondaires et à leur viabilité à long terme.
Le Manitoba craint que les chemins de fer nationaux, pour pouvoir abandonner les lignes plutôt que de les céder à des chemins de fer d'intérêt local, cherchent à les décommercialiser et à les rendre inattrayantes pour d'éventuels acheteurs. En outre, les chemins de fer pourraient éventuellement décourager les investisseurs en imposant des conditions de financement et d'exploitation déraisonnables.
Pour ces raisons, le Manitoba propose que l'on intègre à la loi des mesures de sauvegarde, afin d'assurer qu'on donne aux acheteurs assez de temps et d'incitatifs pour acheter une ligne. Une compagnie de chemin de fer ne devrait pas pouvoir amorcer l'abandon d'une ligne à moins que l'interruption du service sur cette ligne pour une période de 90 jours n'ait été prévue dans le plan triennal.
Les tiers devraient pouvoir entreprendre des procédures d'acquisition à tout moment si, premièrement, l'Office conclut qu'une compagnie de chemin de fer coupe le service sur une ligne ou n'en assure pas l'entretien ou, deuxièmement, si une compagnie de chemin de fer a indiqué dans son plan triennal qu'elle compte vendre, céder ou louer une ligne, ou encore cesser de l'exploiter.
L'Office devrait disposer d'un pouvoir d'arbitrage dans le cas où la compagnie de chemin de fer et l'acheteur intéressé sont incapables d'en venir à une entente après cinq mois de négociation.
Afin que tous les acheteurs bénéficient, pour mener leurs négociations, d'un processus et d'informations semblables, la compagnie de chemin de fer devrait avertir l'Office des procédures de réception et d'évaluation des offres qui devront être respectées en toutes circonstances.
Passons à la promotion de la viabilité à long terme des lignes sur courtes distances: celles-ci sont habituellement reliées à une ligne principale, ce qui donne au transporteur fédéral un pouvoir de négociation disproportionné lorsqu'il s'agit de questions comme la fourniture des wagons, le partage des revenus et les accords de fonctionnement.
Les droits de circulation mentionnés plus tôt sont aussi un moyen de donner aux chemins de fer d'intérêt local un pouvoir de négociation pour parvenir, avec les lignes principales, à des accords mutuellement bénéfiques. Tout comme les expéditeurs peuvent recourir à l'Office en cas de différend avec la compagnie de chemin de fer, l'Office devrait intervenir pour résoudre les conflits entre les lignes secondaires et les lignes principales dans le but de préserver la concurrence, d'améliorer les services et d'assurer un certain équilibre.
Les droits de circulation et le recours plus large aux mécanismes de règlement des différends n'ont qu'un but: donner aux chemins de fer d'intérêt local, tout comme aux expéditeurs, la possibilité de choisir entre deux transporteurs nationaux. La viabilité à long terme exige que le gouvernement favorise, pour le moins, des conditions qui permettent aux lignes sur courtes distances de lutter à armes égales avec les lignes principales.
Le quatrième et dernier point est une brève observation que j'aimerais faire sur le rôle des gouvernements provinciaux. Les dispositions de la loi fédérale actuelle, la LTN, qui permet aux gouvernements provinciaux d'être entendus par l'Office à titre de parties intéressées, n'ont pas été reprises dans la LTC, ce qui empêchera les gouvernements provinciaux d'intervenir au sujet de demandes qui pourraient avoir d'autres motifs.
Par ailleurs, les dispositions de la LTN actuelle qui autorisent les gouvernements provinciaux à obtenir des informations confidentielles n'ont pas été incluses dans la nouvelle LTC. Cela entravera certainement la capacité des autorités provinciales à contribuer de façon intéressante à l'établissement du prix du grain ou des tarifs d'interconnexion du trafic.
Le Manitoba recommande fortement l'inclusion de ces deux dispositions dans la nouvelle LTC pour permettre aux provinces de continuer à jouer leur important rôle traditionnel dans l'élaboration de la politique de transport nationale.
J'aimerais conclure en répétant à nouveau que l'agriculture évolue de façon radicale, et que ces changements affectent tous les expéditeurs qui se retrouvent confrontés au marché mondial concurrentiel que nous connaissons. Tout le monde doit avoir la possibilité de survivre et de livrer concurrence. Nous croyons en la concurrence. Nous considérons que le marché impose une discipline, nous nous rendons compte, au Manitoba, que nous sommes un peu coincés à cause de la distance qui nous sépare de la mer et nous reconnaissons que les expéditeurs doivent relever un grand défi. Les expéditeurs de l'avenir seront de moins en moins souvent de grosses compagnies et de plus en plus de petites entreprises qui auront affaire à des marchés spécialisés et qui chercheront des débouchés dans le monde entier.
Il ne va pas y avoir de grosses compagnies de chemin de fer et, de l'autre côté, de gros expéditeurs; il y aura des grosses compagnies de chemin de fer - et aussi, avec un peu de chance, des plus petites, les chemins de fer d'intérêt local - et tout un tas de petits expéditeurs qui seront désavantagés sur le plan concurrentiel s'ils doivent faire face à des obstacles procéduriers pour arriver à régler certaines questions. C'est la raison pour laquelle, même si nous pensons que la LTN a bien fonctionné et que la LTC apporte de nombreuses améliorations, nous avons cependant signalé des dispositions qui, s'avéreront de notre point de vue, gênantes pour les expéditeurs à l'avenir.
Merci de votre attention.
Le vice-président (M. Comuzzi): Monsieur Findlay, je me demande si je pourrais vous donner une ou deux minutes de plus pour que vous puissiez préciser vos projections pour les prochaines années et la manière dont vous envisagez la consolidation de l'industrie céréalière ou de la production de marchandises à valeur ajoutée dans votre province ainsi que les conséquences que cela aura sur les chemins de fer du futur. Il s'agit d'un aspect très important pour le comité. Je ne veux pas vous mettre dans une situation difficile, mais s'il vous était possible de nous donner une réponse...
M. Findlay: Je serais très heureux de vous répondre car dans la vie, je suis agriculteur, et c'est donc mon expérience et mon éducation d'agriculteur que j'ai parachevées en siégeant à l'assemblée législative et par le biais de mes relations avec les gens que je fréquente dans le secteur privé.
Par le passé, la LTGO et, dans une certaine mesure, la Commission canadienne du blé ont encouragé l'exportation aux quatre coins du monde de produits agricoles à l'état brut, et les emplois associés au traitement de ces produits à l'état brut étaient créés ailleurs. Avec la disparition de la LTGO - ce qui est une bonne chose - les coûts, pour l'agriculteur que je suis, sont passés cette année de 10$ à 33$ la tonne pour l'expédition du blé et de 10$ à 45$ la tonne pour l'expédition de l'orge fourragère. Pour mon canola , c'est passé de 10$ à 21$. Je me dis alors que je ne peux pas payer 45$ pour une chose qui me coûtait avant 10$, même si je peux envisager débourser 21$ pendant un certain temps.
Un grand nombre d'hommes d'affaires du privé, et peut-être certains habitants des villes, se demandent pourquoi nous expédions des produits à l'état brut, pourquoi on ne le garde pas au Canada, pourquoi on n'investit pas 10, 20 ou 40 millions de dollars dans une usine de transformation. On pourrait alors expédier un produit à valeur ajoutée, moins volumineux et de plus grande valeur, vers les marchés du monde entier.
Au cours des tous derniers mois, un grand nombre d'industries sont venues au Manitoba construire des usines de trituration, de fabrication de frites, de transformation de la viande de porc, ou agrandir des installations existantes. Il s'agit de grosses entreprises, mais il y en a un tas de petites qui se développent.
Un représentant de l'industrie céréalière est venu me voir hier et m'a dit que selon lui, dans les cinq prochaines années, les gens de son secteur n'exporteront plus de grain non préparé et deviendront de simples courtiers qui vendront des marchandises à valeur ajoutée car ils ne pourront plus se permettre de payer les coûts de transport des produits volumineux. Cela pousse les compagnies de chemin de fer à se demander quelle sera l'incidence d'un tel changement, si cela se produit.
C'est la raison pour laquelle j'ai dit que nous aurons un tas de plus petits marchés spécialisés et de plus petits expéditeurs de produits à l'exportation. Le chemin de fer est peut-être le moyen de transport approprié mais s'il ne peut offrir les prix, l'efficacité et le service requis, le transport routier envahira largement le secteur. Une part grandissante de notre commerce se fait avec les pays du Sud et du Pacifique. Nous regardons davantage vers le Sud et l'Ouest, alors que jusqu'ici, c'est l'Est qui nous intéressait.
Telle est ma perception de l'évolution des choses. Dans les régions rurales du Manitoba, cette opportunité a suscité énormément d'intérêt, et des gens de l'extérieur du pays ou de la province viennent investir chez nous. Le fait est que c'est l'endroit indiqué pour transformer des produits. Je ne dis pas que la Saskatchewan et l'Alberta ne connaissent pas le même phénomène, mais il s'agit d'un changement spectaculaire qui va modifier la nature du transport dont nous aurons besoin à l'avenir par comparaison à celui que nous avons utilisé depuis toujours dans l'industrie du grain. Dans le secteur minier ou forestier, il se peut que la situation soit à peu près la même, mais l'évolution n'est pas aussi spectaculaire, je pense, pour l'instant.
C'est ma conception personnelle des choses, bien que j'aie eu beaucoup d'échos de la part de bien des gens. Je pense que c'est ce vers quoi nous nous dirigeons et je ne sais pas comment on peut arrêter le mouvement. La question est de savoir si le chemin de fer et les moyens de transport en général sont en mesure de répondre aux besoins d'une telle industrie, ou de tels expéditeurs? Si les expéditeurs ne peuvent pas survivre, l'économie va péricliter plutôt que croître, mais je pense que la perspective de croissance est fantastique. Merci.
Le vice-président (M. Comuzzi): Je vous remercie. Monsieur West.
L'honorable Stephen West (ministre, ministère des Transports et des Services publics, gouvernement de l'Alberta): Merci. Une partie de ma présentation sera bien sûr, répétitive, et l'on pourra peut-être y revenir plus tard. Je vais essayer d'être aussi bref que possible, mais je souhaite insister, comme l'ont fait mes collègues du Manitoba et de la Saskatchewan, sur l'importance que nous attachons à cette question dans la mesure où elle concerne nos industries et la vie économique de chacune de nos provinces.
Je veux surtout souligner que ce projet de loi est extrêmement important pour l'économie à base de ressources de l'Alberta, particulièrement en ce qui a trait au secteur du transport ferroviaire dont dépend énormément un grand nombre de nos industries.
L'économie de l'Alberta est tributaire du commerce, et une grande partie de notre commerce s'effectue avec des marchés outre-mer. Étant géographiquement enfermés dans les terres, très loin du littoral, nous dépendons, pour être compétitifs dans ce marché extrêmement concurrentiel, de l'efficacité des systèmes de transport.
Pour l'Alberta, les moyens de transport sont la clé du commerce sur le marché international, et les échanges commerciaux, la force qui propulse notre économie. Un fort pourcentage de notre trafic concerne des marchandises très volumineuses - le charbon, le grain, le soufre, et les produits chimiques - qui doivent franchir de très longues distances avant d'atteindre le marché. Dans ce cas, le chemin de fer s'avère, de très loin, le moyen de transport le plus efficace. De fait, pour un grand nombre de produits, c'est le seul moyen de transport économique.
Permettez-moi de vous fournir quelques données et chiffres publiés par Statistique Canada en 1993 pour démontrer l'importance de l'industrie ferroviaire en Alberta.
Sur les 57 millions de tonnes de marchandises albertaines acheminées par des moyens de transport en surface en 1993, 39 millions de tonnes, soit 68 p. 100 du total des marchandises transportées, l'ont été par chemin de fer. Ces 39 millions de tonnes représentent plus d'un cinquième des 187 millions de tonnes de marchandises transportées par le CN et le CP en 1993, et c'est plus que toute autre province au Canada. Des produits albertains d'une valeur de près de 7 milliards de dollars ont été transportés par rail en 1993, ce qui représente près d'un tiers de la valeur totale du trafic ferroviaire canadien pour ce qui est du transport interprovincial et du commerce avec l'outre-mer.
Ces chiffres démontrent la dépendance de l'Alberta vis-à-vis le secteur ferroviaire. Naturellement, ils démontrent également qu'une part importante de l'activité des deux compagnies de chemin de fer nationales du Canada a son origine en Alberta.
L'Alberta est en faveur d'une diminution de la réglementation dans le secteur ferroviaire.
Monsieur le président, avant de vous faire part de mes observations sur le projet de loi C-101, je tiens à vous prévenir que je m'en tiendrai aux principes énoncés dans le projet de loi, plutôt qu'à l'énoncé ou à l'aspect légal des dispositions. Je suis plus intéressé par les résultats, et ceux que je recherche sont un secteur ferroviaire viable et des services ferroviaires compétitifs pour les industries de l'Ouest du Canada qui sont grandes consommatrices de ressources.
Je tiens aussi à vous affirmer sans équivoque, à titre de représentant du gouvernement de l'Alberta à ces audiences sur le projet de loi C-101, que je ne témoigne pas ici aujourd'hui uniquement à titre de défenseur des expéditeurs de l'Alberta. Au contraire, mon gouvernement est vivement intéressé à faire en sorte que les besoins des chemins de fer et ceux des expéditeurs soient, autant que faire se peut, équilibrés dans la nouvelle Loi sur les transports au Canada.
J'ai la ferme conviction que l'Alberta et l'Ouest du Canada ont besoin d'un système ferroviaire à la fois rentable et compétitif. Les chemins de fer doivent avoir la possibilité de fonctionner comme une entreprise, avec un minimum absolu de réglementation. Ils doivent avoir la liberté de gérer leurs coûts, de rationaliser leur système afin de le rendre efficace et de fournir des services concurrentiels à leurs clients.
C'est la raison pour laquelle le gouvernement de l'Alberta a donné son appui à la proposition du gouvernement fédéral visant à commercialiser le CN, pour le libérer des fers que représente la bureaucratie gouvernementale et lui permettre de fonctionner davantage comme une entreprise.
Permettez-moi de souligner que je ne suis pas un ministre qui encourage la réglementation économique de l'industrie. Non, je ne cherche pas à réglementer, mais à instaurer un mécanisme d'appel efficace contre l'abus éventuel des pouvoirs monopolistiques que détiennent nos chemins de fer nationaux.
Il va sans dire que le moyen de rendre superflue toute forme de réglementation économique est d'éliminer ce monopole, et de faire en sorte que la concurrence existe, et que les expéditeurs aient le choix et puissent faire des comparaisons et obtenir les meilleures conditions. Si telle était la situation dans le secteur ferroviaire canadien, nous n'aurions pas besoin de la Loi sur les transports au Canada. Mais ce n'est pas le cas, et cela ne le sera probablement jamais, car les chemins de fer sont des monopoles naturels à forte intensité de capital, comme les services d'utilité publique, et comme dans ce dernier cas, il faut disposer d'un processus pour empêcher les chemins de fer de tirer un avantage injustifié de leur monopole.
La nécessité de conserver dans ce projet de loi les dispositions en matière d'appel réglementaire s'explique simplement par le fait que les expéditeurs sont souvent à la merci des monopoles ferroviaires. Cette réalité a été reconnue et prise en compte dans la Loi sur les transports nationaux quand elle fut révisée en 1987. Autant que je sache, les choses n'ont pas suffisamment changé en huit ans pour justifier la suppression de ces dispositions.
Les recours des expéditeurs auprès de l'Office au moyen de mécanismes d'accès concurrentiels - interconnexion, prix de ligne concurrentiels et arbitrage - ont été utilisés moins de vingt fois depuis leur inclusion dans la loi de 1987. Toutefois, même si on y a rarement recours, ils se sont avérés efficaces pour inciter les chemins de fer et les expéditeurs à s'entendre sur les conditions des contrats. En réalité, ces mécanismes ne servent véritablement qu'à une seule chose, c'est-à-dire à introduire un degré de compétitivité dans ce qui est essentiellement un monopole naturel.
La loi de 1987 a bien fonctionné. Elle a forcé les chemins de fer à devenir plus efficaces et plus concurrentiels. Il reste peut-être beaucoup de chemin à accomplir avant de parvenir à une efficacité optimale, mais ils auraient eu très peu d'incitation à se restructurer et à accroître leur productivité s'ils avaient continué à fonctionner comme des monopoles absolus... sans qu'il y ait de recours.
Si vous faites vôtre l'opinion des chemins de fer nationaux voulant que ces mécanismes d'appel soient dilués ou supprimés, à quel résultat aboutira-t-on? La réponse est simple. Les compagnies de chemin de fer pourront facturer plus cher leurs services, car les expéditeurs auront moins de pouvoirs pour négocier. Ce sera une situation avantageuse pour les chemins de fer, mais cela n'aidera aucunement nos industries à devenir compétitives sur le marché international.
Naturellement, les compagnies de chemin de fer croient que les dispositions relatives à l'accès concurrentiel ne sont pas nécessaires, car selon elles, les expéditeurs ne sont pas captifs des chemins de fer canadiens. Elles évoquent la possibilité de faire transporter les marchandises par camion ou de les faire passer par les systèmes ferroviaires américains.
Même s'il peut en être ainsi pour certains expéditeurs et dans certaines régions du Canada, cela ne correspond tout simplement pas à la réalité dans l'Ouest du Canada. Le transport routier n'est pas un moyen efficace pour acheminer des marchandises en vrac lourdes et volumineuses sur de longues distances. Pour ces types de marchandises, le transport routier n'est pas une solution de rechange.
Permettez-moi de faire référence au document publié par Transports Canada qui explique les objectifs du projet de loi C-101. On remarque, à la page 7, qu'il arrive souvent que le CN et le CP ne soient pas en concurrence; qu'il serait impossible ou irréaliste de confier le transport de certaines marchandises comme le charbon au transport routier; et que le CN et le CP occupent une position monopolistique dans certaines régions du pays.
Nul besoin d'être un génie pour se rendre compte que ces observations par un ministère de l'administration fédérale sont parfaitement valides. Il suffit de regarder une carte des chemins de fer de l'Alberta pour constater que le CP occupe une position dominante dans la partie méridionale de la province, et que le CN est la seule compagnie de chemin de fer dans le Nord. Nous croyons, par conséquent, que pour un grand nombre d'industries albertaines, il n'y a pas de véritable concurrence naturelle entre les principales compagnies de chemin de fer. S'il n'existait pas de mécanisme d'appel adéquat tenant compte du monopole ferroviaire dans notre province, les expéditeurs et l'économie de l'Alberta en supporteraient les conséquences.
Les besoins des chemins de fer et des expéditeurs doivent être placés sur un pied d'égalité. Nous ne sommes pas disposés à approuver des changements à la politique ferroviaire qui feraient subir un préjudice injustifié aux expéditeurs.
L'industrie doit pouvoir bénéficier de tarifs de transport ferroviaire qui permettront aux produits d'être concurrentiels sur les marchés éloignés. Dans le cas de certaines industries s'appuyant sur les ressources de l'Alberta, comme le charbon, le transport peut représenter jusqu'à 45 p. 100 du prix rendu. Nous ne pouvons pas permettre que la situation soit exacerbée par une nouvelle législation susceptible de faire monter ces coûts encore plus, au point où nos industries ne pourront plus être concurrentielles sur les marchés mondiaux.
Il est tout à fait normal d'essayer de faire baisser les frais des chemins de fer en réduisant la réglementation de manière à ce qu'ils puissent faire concurrence aux transporteurs américains, attirer des capitaux frais, et être en mesure de procéder aux investissements nécessaires dans de nouvelles installations et de nouveaux équipements. Mais ne créons pas une situation inextricable en favorisant les profits des chemins de fer aux dépens des industries.
S'il faut encourager la profitabilité et la compétitivité des chemins de fer, faisons-le en rendant les chemins de fer plus efficaces et moins bureaucratiques, afin qu'ils puissent réduire leurs coûts. Occupons-nous des pratiques syndicales archaïques des chemins de fer. Trouvons des moyens de réduire leurs frais généraux et de maîtriser leurs dépenses d'administration. Aidons-les à vendre ou, tout simplement, à abandonner les voies sur lesquelles ne passe, à perte, que quelques trains. Par-dessus tout, ne prétendons pas qu'en empêchant les expéditeurs d'adresser des demandes inutiles à l'Office des transports du Canada, on rendra le CN et le CP plus profitables et plus concurrentiels.
Bien que le gouvernement fédéral ne parle pas dans son document de la nécessité d'adopter une approche équilibrée à l'égard de cette mesure législative, il semble assez évident, si l'on se fie aux déclarations qui ont été faites, que c'est bien son intention. Nous applaudissons cette intention, mais nous suggérons que l'objectif n'a pas été atteint dans la version du projet de loi que nous avons entre les mains. Des changements sont nécessaires, et ces changements sont précisés dans le mémoire qui a été soumis au comité par les trois provinces des Prairies.
Le projet de loi C-101 donnera le ton aux relations d'affaires entre l'industrie et les chemins de fer pendant de nombreuses années; nous croyons donc qu'il est important de ne pas se tromper et d'avoir une loi permettant de créer un environnement législatif et réglementaire qui soit équilibré et adapté, un environnement permettant à la fois aux chemins de fer et à leurs clients industriels de se montrer concurrentiels et de prospérer sur leurs marchés respectifs.
Permettez-moi de conclure mes propos en résumant certains des principes de base qui devraient être pris en compte dans ce projet de loi, et les résultats fonciers que cette nouvelle loi devrait viser.
Premièrement, il faut qu'il y ait un équilibre entre les obligations respectives des chemins de fer et des expéditeurs en matière de compétitivité et de profitabilité sur leurs marchés respectifs. Ni l'une ni l'autre des industries ne doit prospérer aux dépens de la seconde.
Deuxièmement, la réglementation économique des deux compagnies de chemin de fer nationales du Canada doit être réduite à un minimum absolu. La seule réglementation à conserver devrait être celle qui empêche les chemins de fer d'abuser des pouvoirs monopolistiques.
Troisièmement, les dispositions actuelles relatives à l'accès concurrentiel qui ont été mises en place en 1987 devraient être conservées, afin d'assurer que les expéditeurs puissent avoir recours à un tribunal équitable et impartial.
Ce qui, dans ce projet de loi, tend à réduire la portée de ces dispositions et à limiter l'accès des expéditeurs à l'intervention de l'Office est inutile et superflu. Si des centaines de demandes non fondées avaient été adressées à l'Office depuis 1987, je serais le premier à convenir de l'utilité de restrictions. Comme cela n'a pas été le cas, pourquoi trouve-t-on ce genre de restrictions dans le projet de loi?
Telles sont mes observations. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions.
Le vice-président (M. Comuzzi): Merci.
Monsieur West, souhaitez-vous prendre quelques minutes pour parler de la question soulevée par M. Findlay à la fin de son exposé et faire des commentaires sur les produits à valeur ajoutée de l'Alberta et sur l'influence que cela pourrait exercer sur l'industrie ferroviaire?
M. West: Permettez-moi d'aborder la question sous un autre angle. Les choses évoluent et je pense que cette évolution découle en partie de la Loi sur le transport du grain dans l'Ouest. C'est l'impression que nous avons. Mais nous avons une composante agricole assez diversifiée, et il y a beaucoup d'autres choses qui se passent, dans l'industrie pétrochimique ou ailleurs.
Ce dont nous avons tous l'impression en Alberta - et c'est aussi mon sentiment depuis que j'ai pris mes fonctions de ministre des Transports - c'est qu'il va falloir trouver d'énormes ressources pour construire un réseau routier. À l'heure actuelle, le volume du trafic routier vers les États-Unis et les autres destinations des exportations croît à un rythme phénoménal.
Comme je l'ai dit, il est impossible de recourir au transport routier pour certains produits. Mais alors que l'on s'éloigne des méthodes traditionnelles en ce qui concerne le grain de l'Ouest, on va certainement essayer d'avoir accès à des marchés pour écouler les produits agricoles, en ayant recours à une ligne ferroviaire partant de ces terminus intérieurs ou alors - si l'on pense au vote, au plébiscite qui va avoir lieu, aux attaques qui visent la Commission canadienne du blé et à la possibilité d'instaurer une commercialisation à deux vitesses des produits céréaliers - on va commencer à transporter d'énormes quantités de produits par camion.
C'est une arme à double tranchant. Si la compétitivité de ces compagnies de chemin de fer pouvait nous permettre d'améliorer la position dans laquelle nous nous trouvons à l'heure actuelle, cela réduirait les sommes astronomiques qu'il va falloir consacrer au transport routier.
Il n'y a pas longtemps, j'ai parlé - comme tout le monde - à Doug Young du programme routier national. Il ne s'agit pas d'un mythe, mais d'une réalité. Nous avons pour tradition au Canada de protéger les infrastructures. Si le chemin de fer ne peut pas prendre le relais en l'occurrence, il va nous falloir dépenser des millions. De fait, le premier projet que j'examine est un projet d'un milliard de dollars pour la construction d'une route à l'exportation comme nous l'appelons, et ce n'est que la pointe de l'iceberg si l'on se met à recourir au transport routier sur des distances inhabituelles, du fait que l'on ne peut obtenir des prix compétitifs raisonnables des chemins de fer.
Les compagnies de chemin de fer s'en ressentiront également. Il ne s'agit pas d'une vague menace proférée juste parce que l'on souhaite que certaines dispositions figurent dans un projet de loi. C'est un fait que nous ne souhaitons pas, non plus, que nos chemins de fer soient soumis à des pressions économiques excessives. Nous voulons que ce soit des entreprises qui marchent.
L'échéance de cinq ans? Je ne sais pas ce que cela veut dire, mais nous allons indubitablement assister à une expansion du secteur à valeur ajoutée - comme on dit - mais il s'agira d'économies diversifiées fondées sur l'exploitation de nos ressources. Cela ne fait pas de doute; c'est ce que l'avenir nous réserve. Cela nous satisfait, mais nous savons qu'il va nous falloir mettre en place d'énormes infrastructures.
Nous voulons que ce système ferroviaire reste viable. En revanche, nous ne voulons pas d'un monopole absolu. Nous voulons que les deux compagnies subsistent, c'est certain, et qu'il y ait place ceux qui considèrent rentable de jouer un rôle et d'approvisionner ces systèmes.
Le vice-président (M. Comuzzi): Vous avez annoncé que vous aviez un batteur de relève pour finir le travail. Qui va jouer le rôle de Kenny Lofton?
M. Taylor (The Battlefords - Meadow Lake): M. Renaud veut peut-être répondre.
Le vice-président (M. Comuzzi): Certainement, ça me ferait plaisir. Je m'excuse.
M. Renaud: Je pense que l'industrie à valeur ajoutée est très importante pour la Saskatchewan, particulièrement depuis la disparition de la LTGO. Je crois qu'en tant que gouvernement, nous devons essayer de faciliter l'implantation d'industries à valeur ajoutée aussi près que possible de nos producteurs; toutefois, elles n'absorberont pas tous nos produits. Nous continuerons d'avoir à transporter de grandes quantités de marchandises volumineuses pour les exporter. Nous exportons environ 80 p. 100 de ce que nous produisons dans la province de la Saskatchewan.
Il y aura un changement dans le secteur ferroviaire en ce qui concerne les conteneurs, mais la concurrence reste nécessaire. Il n'y a aucun doute là-dessus. Les produits en vrac transiteraient inévitablement par le Sud, ce qui, à mon sens, serait un désastre pour nos ports et peut-être pour nos infrastructures d'un bout à l'autre du Canada si l'on envisage les choses d'un océan à l'autre. Je pense, par conséquent, que la situation est quelque peu inquiétante de ce point de vue.
Les changements qui surviendront dans le domaine de l'agriculture et du transport en Saskatchewan modifieront en profondeur le système routier et auront des conséquences non seulement dans les municipalités rurales, mais aussi pour les responsables provinciaux de la voirie. Je pense que les chemins de fer - le CN dans le Nord et le CP dans le Sud - peuvent déterminer presque exclusivement la viabilité des collectivités et l'état du réseau routier dans quelques années, ce qui fait que je suis inquiet. Je pense que la concurrence susceptible d'exister ne sera pas sans effet à ce dernier niveau.
Par conséquent, je suppose que nous devons nous réjouir de l'évolution vers des industries à valeur ajoutée. Je pense que le plus important, c'est que nos producteurs veulent, avant tout, avoir un choix; c'est ce qu'ils recherchent. Personne n'envisage construire un autre chemin de fer - le ministre de l'Alberta a mentionné que le coût en immobilisations rend tout simplement la chose impossible - et l'on reste donc avec les deux principales compagnies de chemin de fer. La situation d'une entreprise de transport routier n'est pas comparable, si vous voyez ce que je veux dire. Personne ne va créer une autre compagnie de chemin de fer, et il faut donc qu'il existe une certaine concurrence entre les chemins de fer afin de donner aux expéditeurs et aux agriculteurs la possibilité de choisir, dans une certaine mesure, la façon dont ils veulent livrer leurs produits.
Le vice-président (M. Comuzzi): Merci, monsieur Renaud.
Est-ce M. Churko qui va conclure ou chacun de vos adjoints va-t-il intervenir?
M. Findlay: Je plaisantais.
Le vice-président (M. Comuzzi): Ah, bon.
M. Findlay: Je voulais simplement les prévenir que les questions difficiles seront pour eux.
Le vice-président (M. Comuzzi): Naturellement. Vous faites votre exposé, puis vous vous sauvez. Très bien. Il faudra que je m'en souvienne.
Y a-t-il d'autres observations avant de passer aux questions?
M. Findlay: Me permettrez-vous de donner un autre éclairage à ce que nous avons dit?
Le vice-président (M. Comuzzi): C'est votre chance. Il est très important que nous puissions avoir votre opinion.
M. Findlay: J'ai à l'esprit l'opposition entre l'industrie ferroviaire et l'industrie du transport routier, et bien sûr, c'est l'impact de cette dernière sur les routes qui nous concerne.
Imaginez une localité rurale du Manitoba. Si l'on remonte trente ou quarante ans en arrière, pratiquement tout ce qui arrivait dans cette localité ou qui en repartait empruntait le chemin de fer. L'examen des tableaux illustrant la croissance des quantités de marchandises transportées par la route et le déclin des quantités transportées par chemin de fer au plan national, au cours des trente dernières années, permet de faire un parallèle avec ce qui se passait dans les localités rurales. Le combustible, les engrais, les voitures et les camions neufs, le matériel agricole, et même les produits alimentaires et le courrier arrivaient par le train. Aujourd'hui, tout vient par camion. Il y a eu une évolution favorable au transport routier.
Quand il est question de marchandises très volumineuses comme le grain, les coûts du transport routier sont prohibitifs. Néanmoins, cela continue quand même. On constate qu'il y a encore du grain qui est transporté sur des distances relativement longues par camion. On peut se demander comment ils arrivent à faire concurrence aux chemins de fer qui disposent d'un énorme avantage au niveau des coûts. J'ai demandé pourquoi les chemins de fer n'ont pas ajusté leurs coûts de manière à livrer une vraie concurrence au transport routier. À mon sens, les chemins de fer n'ont pas suffisamment essayé de se montrer compétitifs au cours des deux dernières décennies. Je pense qu'aujourd'hui ils envisagent les choses différemment, mais je ne vois pas comment nous pourrions permettre aux chemins de fer de procéder à des ajustements en haussant des tarifs qui posent déjà un problème aux expéditeurs. Les compagnies de chemin de fer doivent contrôler leurs coûts, comme tout le monde.
Il ne faut pas prendre cela comme une critique. Ce n'est rien d'autre qu'un processus évolutif. La situation de monopole ou de duopole dont les chemins de fer bénéficiaient leur a donné le sentiment qu'ils étaient protégés d'une réalité à laquelle ils sont maintenant confrontés. C'est ce qui s'est passé dans la prairie du Manitoba et, je crois, dans tout l'Ouest du Canada; et le changement qui s'annonce, et dont nous avons tous parlé, sera relativement radical. L'impact sur nos routes sera phénoménal, car on appliquera au transport du grain par camion un principe totalement nouveau: ce sera la chasse au meilleur prix.
Le vice-président (M. Comuzzi): Monsieur Mercier.
[Français]
M. Mercier (Blainville - Deux-Montagnes): J'ai une question à poser à M. Renaud et deux à M. Findlay.
Monsieur Renaud, vous dites qu'en Saskatchewan, de nombreuses régions sont desservies par une seule compagnie ferroviaire. Vous dites aussi qu'il y a là un danger de situation monopolistique. Enfin, vous dites qu'en pareil cas, dans les régions qui sont desservies par une seule compagnie, le CP ou le CN, les expéditeurs devraient pouvoir négocier les tarifs comme si deux compagnies desservaient la région. Est-ce que vous pouvez nous expliquer concrètement comment ils pourraient négocier comme s'il y en avait deux?
[Traduction]
M. Renaud: Merci de nous avoir posé cette question.
En vertu de la LTN de 1987, vous avez l'accès concurrentiel, vous avez une disposition relative à l'arbitrage et vous avez l'interconnexion. Ce sont quelques-uns des éléments qui agissent en faveur de la concurrence, ce qui fait que les expéditeurs ne sont pas complètement démunis. Cela équivaut presque à avoir le choix entre deux compagnies de chemin de fer.
Il s'agit des dispositions de la LTN de 1987 que nous aimerions voir conserver dans la nouvelle LTC. Dans cette nouvelle loi, on trouve certaines expressions comme «frustratoire» et «équitable et raisonnable», et nous ne savons pas vraiment ce qu'elles signifient. Je pense qu'il vaudrait mieux se contenter de supprimer ces articles et de ne pas toucher au reste, car cela a bien fonctionné jusqu'à maintenant.
[Français]
M. Mercier: Merci, monsieur Renaud. J'ai deux questions à poser à M. Findlay. D'ailleurs, l'une des deux recoupe ce que M. Renaud vient de dire.
Monsieur Findlay, vous parlez du paragraphe 27(2), celui qui dit que pour intervenir auprès de l'ONT, l'expéditeur doit pouvoir prouver le préjudice qu'il subirait. Vous regrettez l'absence de définition et de précisions concernant le mot «préjudice».
Vous dites que cette absence de précisions pourrait faire que, dans les faits, les expéditeurs pourraient renoncer aux bénéfices de cette disposition. Vous êtes d'avis qu'ils devraient savoir exactement dans quels cas leur demande serait acceptée parce qu'ils auraient effectivement prouvé le préjudice.
Est-ce que vous pourriez proposer une définition ou du moins préciser une notion de ce que devrait signifier le mot «préjudice» pour que vous estimiez que ladite précision est suffisante?
[Traduction]
M. Renaud: C'est exact. Ce que dit la LTN de 1987, est très clair et cela nous satisfait. Je trouve que l'énoncé de la nouvelle LTC risque de frustrer les expéditeurs. Ils ne voudront peut-être pas réagir parce que ce n'est pas clair. Il s'avérera peut-être très coûteux et très fastidieux de réagir dans le cadre de la nouvelle LTC. Je crois que si on laissait les choses telles quelles... Pourquoi changer quelque chose qui fonctionne?
[Français]
M. Mercier: Si je comprends bien, vous estimez que la Loi de 1987 était meilleure pour les expéditeurs et pour la protection de leurs intérêts. Est-ce exact?
[Traduction]
M. Findlay: Je suis d'accord. Il n'y a aucune raison d'ajouter ces expressions. Comme l'a fait remarquer M. Renaud, la LTN de 1987 semble donner satisfaction. Il semble exister une certaine parité entre les expéditeurs et les chemins de fer. On se demande pourquoi on voudrait changer les choses. Qu'est-ce qui motive de tels ajouts, autrement dit, ces changements? Nous recommandons donc fortement que le paragraphe 27(2) soit supprimé.
[Français]
M. Mercier: Merci. J'ai une autre question à poser à monsieur Findlay.
Vous dites - et je suis bien d'accord avec vous - que les acheteurs, dans le cas d'un projet d'abandon d'une compagnie, devraient avoir suffisamment de temps pour se manifester.
De mémoire, je crois que c'est 60 jours pour les acheteurs et 15 jours pour chacun des niveaux de gouvernement. Je suis bien d'accord avec vous que 15 jours, c'est tout à fait insuffisant pour qu'une municipalité puisse manifester son intention.
Est-ce que vous auriez des suggestions à faire quant à des périodes de temps qui vous paraîtraient suffisantes pour permettre aux acheteurs de se manifester? Quelles périodes de temps préféreriez-vous?
[Traduction]
M. Findlay: J'ai parlé, dans ma présentation, de quatre-vingt-dix jours pour quelqu'un qui demande la permission de créer un chemin de fer d'intérêt local. En ce qui concerne les gouvernements, M. Renaud souhaiterait peut-être faire des commentaires. Je ne m'attends pas à ce que les gouvernements achètent des lignes de chemin de fer.
[Français]
M. Mercier: Ça pourrait arriver.
[Traduction]
M. Renaud: Je suis d'accord avec M. Findlay: du point de vue du requérant, quatre-vingt-dix jours c'est beaucoup mieux que soixante jours. Naturellement, les gouvernements ont aussi à s'occuper du réseau routier, il y a de grandes difficultés financières de ce côté là.
Nous ne nous attendons pas à ce que les provinces participent et achètent des lignes de chemin de fer. Je ne pense pas que vous verrez des provinces s'engager en ce sens.
[Français]
M. Mercier: Eh bien, il pourrait arriver que le maintien d'une ligne soit considéré comme nécessaire au développement d'une région par le gouvernement qui est responsable du développement de cette région, alors que cette ligne ne serait plus rentable et, par conséquent, ne pourrait pas intéresser un acheteur privé.
Dans beaucoup de pays, le transport ferroviaire est considéré comme un service public et les gouvernements le subventionnent. Ici, ça pourrait prendre la forme d'un rachat par un gouvernement de certaines lignes dont le maintien serait jugé nécessaire au développement de la région. Alors, il n'est pas impossible que le gouvernement veuille acheter. Quel délai vous paraîtrait alors raisonnable? Quinze jours, c'est irréaliste!
[Traduction]
M. Findlay: J'aimerais faire un commentaire. Foncièrement, vous avez sans doute raison, théoriquement. Mais sur le plan pratique, peut-on se permettre de le faire? Ce n'est même pas la peine d'en discuter. Nous n'avons tout simplement pas les ressources nécessaires, même si vous nous vendiez une ligne 1$, pour la moderniser et l'entretenir, quand il s'agit d'une ligne non rentable. À notre avis, il faut laisser au secteur privé le soin de s'en charger. S'il peut faire en sorte que l'opération est économiquement rentable, c'est parfait. S'il ne le peut pas, ce n'est pas à nous d'intervenir et de subventionner. Nous ne sommes pas dans le coup, parce que nous ne pouvons même pas financer les dépenses d'investissement que représentent la construction et l'entretien des routes.
Nous n'aurions pas assez d'argent. C'est tout simplement économiquement impossible. Voilà pourquoi le secteur privé est la solution. Il faut lui donner cette occasion d'intervenir. S'il juge que ce n'est pas rentable, je ne vois pas comment le Manitoba pourrait faire quelque chose. Je ne peux pas envisager cela aujourd'hui étant donné dans les circonstances économiques dans lesquelles nous devons survivre.
[Français]
M. Mercier: Mais comme la loi prévoit cette possibilité, même si vous estimez qu'il n'est pas réaliste qu'une province veuille racheter une ligne, d'autres provinces pourraient avoir une optique moins néo-libérale, disons, et voudraient peut-être la racheter. C'est pour cela que j'ai posé la question.
[Traduction]
M. Findlay: Au sujet du temps qu'il faudrait pour prendre une décision, tout le reste étant égal, le gouvernement ne pourrait pas répondre en moins de six à neuf mois. Je suis franc avec vous, on ne pourrait pas faire autrement.
Le vice-président (M. Comuzzi): C'est du gouvernement provincial dont vous parlez.
M. Findlay: Oui, je parle du gouvernement provincial, si on avait l'argent...
Sur le plan philosophique et financier, ce n'est pas quelque chose que l'on puisse jamais envisager. En dépit de toutes les bonnes raisons, de toutes les justifications qui pourraient être avancées, quand tout est dit, nous n'avons tout simplement pas l'argent nécessaire si la proposition n'est pas rentable. Dans le cas contraire, alors, le secteur privé devrait s'en charger, à notre avis.
Le vice-président (M. Comuzzi): Monsieur Chatters.
M. Chatters (Athabasca): Je trouve encourageante votre position sur l'achat de lignes de chemin de fer par les provinces. Toutefois, je pense que le projet de loi aboutira, entre autres conséquences, à la création de plusieurs chemins de fer d'intérêt local sous compétence provinciale.
La réussite de ces lignes secondaires provinciales est votre responsabilité. J'aimerais connaître votre position au sujet de ces lignes secondaires provinciales. Existe-t-il actuellement une législation qui s'y applique ou envisagez-vous de nouvelles lois?
J'aimerais entendre, au nom de Jake Hoeppner et pour ce qui a trait au Manitoba en particulier, vos commentaires concernant la ligne qui va jusqu'au port de Churchill. Globalement, quelle est votre position vis-à-vis les lignes secondaires provinciales, comment envisagez-vous leur fonctionnement, et comment les provinces devraient-elles favoriser leur création?
M. Findlay: Nous avons effectivement passé une loi sur les chemins de fer du Manitoba il y a, je pense, deux ans. Nous disposons, au niveau provincial, des outils législatifs nécessaires pour gérer un chemin de fer d'intérêt local au cas où on en établirait un. Nous avons le cadre juridique nécessaire.
Notre loi porte sur la sécurité de l'exploitation des chemins de fer et c'est à peu près tout. Nous n'avons jamais envisagé avoir une activité économique quelconque dans ce secteur. Les exploitants de lignes secondaires viendront du secteur privé.
M. Chatters: Mais l'accès des lignes secondaires provinciales au type de protection accordé aux chemins de fer nationaux est important pour leur survie.
Qu'arrive-t-il s'ils n'ont pas accès à ces mêmes mesures de protection ou à ces mêmes règlements? J'ai fait valoir l'opinion que vous défendez aux compagnies ferroviaires nationales qui sont venues témoigner devant nous, c'est-à-dire qu'il leur reste beaucoup de chemin à faire en matière de réduction des coûts et d'amélioration de la productivité.
Elles m'ont répondu que c'est ce qu'elles aimeraient faire, mais qu'elles sont depuis toujours tellement réglementées qu'on ne leur a pas permis de prendre les initiatives nécessaires. Il n'est pas possible de faire les deux à la fois.
Je vous entends dire que vous voulez, en quelque sorte, le beurre et l'argent du beurre. Vous voulez conserver la protection accordée aux expéditeurs - je pense que c'est important - mais vous voulez parallèlement que les compagnies de chemin de fer nationales se comportent comme des entreprises du secteur privé. Elles devraient devenir plus efficaces, être capables de mettre en oeuvre les mêmes mesures d'amélioration de la productivité que semblent adopter les chemins de fer d'intérêt local. Elles me déclarent que cela leur est impossible à cause de la surréglementation dont elles sont victimes.
M. Findlay: Permettez-moi d'être franc: la liberté d'action des compagnies de chemin de fer réglementées par le fédéral est entravée par les conventions collectives. Une des solutions qui s'offre à un chemin de fer d'intérêt local pour survivre, c'est de s'assurer qu'une même personne puisse occuper tous les emplois. C'est un procédé qui permet de réduire les coûts. C'est la vérité. C'est une méthode d'exploitation sanctionnée par la loi.
Nous ne poussons personne à faire la culbute. Nous ne voulons pas que qui que ce soit se retrouve victime du processus, qu'il s'agisse d'un expéditeur ou d'une compagnie de chemin de fer. Quand tout est dit, si quelqu'un prend une décision qui n'est pas viable pour des raisons économiques, cela reste une décision d'ordre commercial.
Nous ne voulons pas que quiconque se retrouve, à cause de la réglementation, dans une position non concurrentielle. Nous croyons que ce sera le cas de plusieurs expéditeurs parce que les compagnies de chemin de fer pourraient jouir de pouvoirs supplémentaires en vertu des articles dont nous avons parlé.
Les expéditeurs ont besoin de droits semblables à ceux dont ils disposent aujourd'hui. Les chemins de fer d'intérêt local doivent être en mesure de faire transiter le chargement d'un expéditeur sur leur ligne secondaire et d'avoir accès à l'une ou l'autre des compagnies de chemin de fer, de manière à ce qu'il y ait une véritable concurrence entre ces lignes principales pour prendre charge de la marchandise et la transporter jusqu'à une destination éloignée.
Pour réussir, les chemins de fer d'intérêt local doivent avoir la possibilité de faire jouer la concurrence. Je sais que les chemins de fer ont parlé de lignes secondaires intérieures. Cela pourrait être une solution. Je ne sais précisément comment cela pourrait se faire, mais ce pourrait être une solution pratique.
En vérité, il faut maximiser les moyens de réduire les coûts de manière à ce que tout le monde soit compétitif sur le marché international.
M. Chatters: Les chemins de fer déclarent qu'ils sont tellement réglementés qu'ils se trouvent pratiquement au bord de la banqueroute. N'êtes-vous pas de cet avis?
M. Findlay: J'ai beaucoup de difficulté à croire cela. Selon moi, n'importe qui dans le monde des affaires peut dire être au bord de la faillite, parce que les revenus ne sont pas suffisants. Il faut prendre un peu de recul, regarder les choses en face et se demander: suis-je véritablement parvenu à contrôler mes coûts?
La réussite tient beaucoup plus en dernier ressort, au contrôle des coûts qu'au volume des revenus. Franchement, je ne pense pas que les compagnies de chemin de fer se soient montrées aussi déterminées à contrôler leurs coûts qu'un grand nombre d'autres intervenants sur le marché. Je ne prétends pas que c'est de leur faute. Nous n'avons pas été assez disciplinés et convaincus pour que cela se fasse.
Aujourd'hui, je pense que la volonté nécessaire existe, comme en témoigne le projet de loi. Mais cette législation ne doit pas leur permettre d'améliorer leur situation économique aux dépens des expéditeurs ni de façon plus générale, des économies provinciales.
M. Chatters: Vos commentaires à propos de la ligne de Churchill...
M. Findlay: Je me doutais que vous finiriez par revenir là- dessus.
Sur le plan provincial, nous reconnaissons tout à fait le potentiel économique de Churchill. Mais il est impossible que nous nous engagions au niveau provincial à verser des subventions. Nous pensons que la Gateway North Marketing Agency, le rejeton du groupe de travail sur Churchill, a présenté une proposition relativement raisonnable au gouvernement fédéral et a suggéré une marche à suivre en ce qui concerne le port et la ligne.
Je reviens à ce que j'ai dit plus tôt. De tels projets doivent laisser présager une éventuelle viabilité commerciale, autrement, aucun gouvernement, à quelque niveau qu'il se situe, ne pourra se permettre de financer perpétuellement ce genre d'activité. Une certaine viabilité commerciale est indispensable.
Dans la région de Churchill, c'est surtout le grain qui est exporté. Évidemment, il y a des gens qui prétendent que des produits comme les pois et le canola pourraient être expédiés vers l'Europe plus avantageusement. Manifestement, importer par là des minerais bruts destinés à être traités au Manitoba, en Saskatchewan ou en Alberta est une solution à envisager. Le SpacePort pourrait évidemment être développé sur le plan commercial. Le dernier chapitre sur cette question reste à écrire. Le tourisme se développe dans la région, et le chemin de fer joue un rôle important à cet égard. Le réapprovisionnement du District de Keewatin est un autre élément. Un grand nombre de facteurs économiques seraient susceptibles de faire de Churchill et de la ligne des propositions rentables.
Mon sentiment est que l'on n'est pas loin d'une conjoncture favorable. Mais la proposition a été transmise par un groupe du secteur privé au gouvernement fédéral du fait que la privatisation du CN est perçue comme un élément positif. J'espère que le gouvernement fédéral verra les choses de façon constructive, comme une perspective d'avenir, car nous pensons que c'en est une.
Le vice-président (M. Comuzzi): Madame Cowling.
Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Merci, monsieur le président.
J'aimerais tout d'abord remercier nos témoins d'être venus de l'Ouest du Canada. Votre présentation sera d'un grand secours lorsque nous prendrons une décision.
Je voudrais aborder le dossier des chemins de fer d'intérêt local. Je crois me rappeler que la Saskatchewan a déclaré avoir 3 600 milles de lignes secondaires et qu'elle exporte environ 80 p. 100 de sa production. L'Alberta pourrait-elle indiquer au comité combien elle compte de lignes secondaires et quelles sont ses exportations totales?
Cela m'amènera à ma question suivante sur les lignes sur courtes distances. Les compagnies de chemin de fer ont prétendu que réduire les taxes sur le carburant et les impôts fonciers, comme l'on fait plusieurs autorités provinciales, aboutirait à une amélioration de leur rentabilité et permettrait d'envisager la création de nouvelles lignes secondaires. Avez-vous des plans à cet égard ou des opinions à ce propos? Je pense que cela s'est produit dans plusieurs provinces, en Nouvelle-Écosse, au Manitoba et en Colombie-Britannique, par exemple. Avez-vous des remarques à ce sujet?
M. West: Je ne suis pas en mesure de vous dire combien nous avons de lignes secondaires. Il existe une compagnie de chemin de fer d'intérêt local en Alberta, la Central Western Railway. Je pense qu'elle devra rationaliser son mode de fonctionnement pour survivre dans le nouvel ordre des choses.
Quant à la taxe imposée aux chemins de fer, un de nos groupes de travail a effectivement recommandé son élimination. Je ne suis pas certain que cela avantage le chemin de fer d'intérêt local. Je ne pense pas que la question se pose en l'occurrence. À mon avis, cela faciliterait certains investissements et donnerait aux deux chemins de fer nationaux une plus grande liberté de manoeuvre pour rationaliser certaines de leurs activités dans les gares de regroupement et autres choses du genre en Alberta. Je pense que c'est ce que les compagnies ont dit. Je ne sais pas qu'elle est leur position sur les autres questions.
Nous recevons 25 millions de dollars des chemins de fer grâce à cette taxe, mais je ne pense pas que cela ait quoi que ce soit à voir avec la question des chemins de fer d'intérêt locaux. De fait, avant que le système soit rationalisé au cours des cinq prochaines années - on en parle, mais on ne sait pas très bien de quoi il s'agit - 125 silos fermeront en Alberta dans très peu de temps. Le terminal ferroviaire est déjà divisé en blocs réservés à diverses compagnies et cet espace pourra éventuellement être élargi pour accueillir 50, 75 ou 100 wagons. Je ne sais pas si nous allons installer des terminus intérieurs, mais nous allons certainement utiliser des trains complets car c'est un moyen rationnel et efficace. Tout cela doit être réalisé avant qu'un chemin de fer d'intérêt local qui transporte du grain ou d'autres marchandises puisse envisager de s'engager, parce que je ne pense pas qu'il lui serait possible de fonctionner dans le marché actuel sans recevoir de subventions.
En ce qui concerne le charbon et le soufre, c'est ce qui va se passer si on laisse la porte ouverte à de possibles alliances entre les deux compagnies ferroviaires nationales et les expéditeurs, dont les deux-tiers des produits doivent être acheminés par chemin de fer. La question ne se pose même pas en terme de transport routier. C'est hors de question.
Donc, vous vous demandez... si elle était appliquée à des marchandises de plus grande valeur, oui, peut-être que la taxe sur le carburant serait un problème, mais pas quand il s'agit de la multitude d'embranchements tributaires du transport du grain, et ce sont les principaux.
La majorité de vos lignes ne servent-elles pas au transport du grain?
M. Renaud: En effet.
M. West: Il faudrait d'abord que les compagnies céréalières rationalisent leurs activités. Cela aura des conséquences sur un grand nombre de petites localités, mais il faudrait d'abord rationaliser. La seule chose que nous pouvons faire, c'est prendre du recul et laisser la situation imposée, mais on va voir les embranchements disparaître ici, là et ailleurs, parce que les silos vont fermer et les camions feront ensuite leur apparition sur les routes. Ce qui nous préoccupe, c'est de savoir à quoi ils auront accès.
Mme Cowling: En ce qui concerne les embranchements, la Saskatchewan et l'Alberta sont-elles prêtes à en racheter quelques-uns et à les céder aux chemins de fer d'intérêt local? Par ailleurs, Churchill est naturellement le seul port des Prairies et beaucoup de gens l'utilise en Saskatchewan. J'aimerais aussi entendre ce que vous avez à dire au sujet de l'utilisation du port de Churchill par les expéditeurs de la Saskatchewan.
M. Renaud: Quelle était votre première question, s'il vous plaît?
Mme Cowling: Elle portait sur l'abandon d'embranchements et sur leur cession à des lignes secondaires. J'aimerais connaître le point de vue de la province, et savoir si vous pourriez envisager leur acquisition.
M. Renaud: Nous serions très réticents à nous engager dans le secteur ferroviaire. Cela ne veut pas dire que, dans des circonstances exceptionnelles, nous ne pourrions pas envisager un partenariat avec le secteur privé, une compagnie ou un groupe d'agriculteurs, ou je ne sais qui, mais c'est improbable.
Le fait que le gouvernement fédéral ait décidé de se retirer du secteur ferroviaire est probablement probant. Je ne sais pas s'il appartient au gouvernement d'être présent dans ce secteur, et je pense, par conséquent, qu'il faudrait examiner la question.
En ce qui concerne Churchill, si c'est rentable pour nos producteurs et que cela s'avère économiquement viable, cela nous intéresse; c'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous croyons que si l'Office de commercialisation est en mesure de prouver qu'il y aura des acheteurs et des vendeurs qui utiliseront le port de Churchill, alors cela devrait tous nous intéresser, à l'échelle nationale car c'est le seul port des Prairies. Toutefois, il faut que ce soit économiquement viable, comme l'a déclaré le Manitoba, et que cela soit appuyé par les agriculteurs ainsi que les vendeurs et les acheteurs qui, en pratique, utiliseront le port.
M. West: Votre question était très ingénieuse et vous vouliez, en la posant, diviser et conquérir l'ennemi. Vous saviez parfaitement que nous n'avons aucune intention d'acheter l'une ou l'autre de ces lignes. Nous venons de vendre la Northern Alberta Railway, on vient de s'en débarrasser, et la réponse est non. Je l'ai donnée quand il a été question à n'en plus finir des embranchements. Nous avons tout simplement décidé d'abandonner une fois pour toutes l'idée qu'un gouvernement peut tout faire en toutes circonstances pour une industrie.
Nous avons perdu quelque 40 milliards de dollars dans l'histoire, et après avoir réussi à équilibrer nos comptes en très peu de temps, il va nous falloir payer nos erreurs en remboursant. C'est la loi du marché qui va régner, et c'est une loi à laquelle tous autant que vous êtes vous allez devoir également vous soumettre.
Le vice-président (M. Comuzzi): Monsieur Collins.
M. Collins (Souris - Moose Mountain): Étant moi-même originaire de l'Ouest, je trouve remarquable que trois ministres puissent se présenter avec une approche à la fois concertée et cohérente sur les problèmes de transport.
Comme je viens de la Saskatchewan, du Sud-Est, cela m'intéresse beaucoup, monsieur Renaud, de savoir comment on va s'accommoder de l'entrée en jeu de plus grands silos à céréales, alors que notre infrastructure routière s'en va à vau-l'eau, c'est le moins qu'on puisse dire. Cela m'intéresse parce que j'ai entendu le ministre de l'Alberta laisser entendre que sa province avait un programme d'investissement d'un milliard de dollars.
Selon moi, nous devons nous pencher sur l'agro-alimentaire et ses activités dérivées. À cet égard, je félicite le Manitoba et les autres provinces.
Ce qui me préoccupe, c'est ce que nous allons faire. J'appuie sans réserves vos préoccupations à propos des paragraphes 27(2) et 34(1) et de l'article 113, ainsi qu'à propos de certains autres aspects qui doivent être examinés, car cela va avoir un impact énorme sur les expéditeurs de l'Ouest du Canada. Qu'allons-nous faire à propos de l'infrastructure routière? J'aimerais entendre chacun de vous dire comment vous envisagez vous attaquer à ces problèmes qui vont avoir une importance majeure quand on va changer le système de transport.
M. Renaud: Monsieur Collins, je vous remercie de votre question.
Nous estimons que si la moitié des embranchements disparaît avec le temps - c'est-à-dire la moitié des 3 600 milles - on pourrait faire face à des coûts de l'ordre de 30 à 50 millions de dollars par an. Naturellement, nos budgets ne permettent d'y faire face, cela ne fait pas de doute. Le fonds de transition offrira une certaine aide, tout dépendant de la façon dont il sera distribué. Il servira en partie à défrayer les frais d'entretien du réseau routier, notamment les routes municipales. Cela aidera certainement au niveau des routes municipales et des autres routes, mais cela reste, bien sûr, insuffisant.
Je pense que sur les 140 millions de dollars du fonds de transition, la Saskatchewan, à cause du nombre d'embranchements qui s'y trouvent, pourra probablement prétendre à environ 80 millions de dollars sur quatre ans, ce qui ne sera pas suffisant. La solution, c'est que nous collaborions avec les municipalités rurales. Les temps changent, et nous devons mieux planifier la façon dont nous allons réagir face aux dommages routiers, non seulement au niveau des municipalités rurales et du ministère de la Voirie et des Transports, mais aussi des compagnies céréalières et des chemins de fer, afin de dépenser moins de façon plus intelligente. Voilà, je suppose, la façon dont nous réagirons en Saskatchewan.
J'en reviens ainsi au fait que, même si les provinces devraient peut-être acheter des compagnies de chemin de fer, ce n'est tout simplement pas envisageable. La dégradation des routes va devenir un grave problème, et il ne sera donc pas possible de nous occuper d'une autre infrastructure. Cela va faire problème. Il va nous falloir collaborer avec les municipalités, les compagnies céréalières, les compagnies de chemin de fer et tout simplement, mieux planifier nos dépenses.
Le vice-président (M. Comuzzi): Merci, monsieur Collins.
Il ne reste pas beaucoup de temps, car on me dit que ces messieurs doivent prendre l'avion à 18 heures, ce qui veut dire qu'il va falloir que nous les laissions partir à 17 heures, 17h05, 17h10 au plus tard. C'est bien cela messieurs?
M. Findlay: Oui.
Le vice-président (M. Comuzzi): Une question de M. Jackson.
M. Jackson (Bruce - Grey): Messieurs, en tant que ministres des transports de vos provinces respectives, vous avez certainement une politique relative aux systèmes de transport aérien, routier et maritime. N'existe-t-il pas dans vos politiques... Quand les camions rouleront sur les routes, cela entraînera une dégradation majeure du système routier sans parler des encombrements. Ne pouvez-vous pas chercher un moyen de collaborer avec les compagnies de chemin de fer et les responsables de lignes secondaires?
M. Findlay: Je devrais peut-être essayer de répondre rapidement à la question. Bien évidemment, le système de transport de l'avenir sera tout à fait intermodal, et combinera le transport routier, ferroviaire, aérien et maritime. L'intermodalité sera nécessaire. On planifiera mieux le rôle des modes de transport en visant l'efficacité du mouvement des marchandises, que ce soit par rapport aux coûts ou aux économies de temps. C'est en marche.
Nous sommes d'avis que les compagnies de chemin de fer sont une importante partie intégrante de l'ensemble et, en ce qui concerne nos routes, plus on fera circuler de marchandises sur les rails plutôt que sur les routes, plus on pourra faire les dépenses d'investissement et d'entretien nécessaires pour les garder en bon état.
Comme M. Renaud, je sais que notre réseau routier va subir une certaine dégradation à laquelle nous ne pourrons pas faire face au cours des années à venir, car nous sommes tenus légalement de respecter l'équilibre budgétaire. Au Manitoba, nous dépensons 100 millions par an en immobilisations et 15 millions en frais d'entretien, mais cela n'est que poussière par rapport aux besoins et à la demande, car ce sont des travaux qui ne finissent jamais. Un grand nombre de nos routes vont être beaucoup plus utilisées à l'avenir. Il y aura le grain qui circulera dans les deux sens sur ces routes - peut-être le double ou le triple du tonnage par mille dans la province par rapport à il y a cinq ans. Il s'agit donc d'un changement radical.
Par conséquent, si les chemins de fer ferment de plus en plus de lignes sans qu'il y ait des lignes secondaires en exploitation, on utilisera de plus en plus des routes que nous ne pouvons pas entretenir. L'utilisation efficace des lignes secondaires est importante pour assurer l'expédition du grain dans diverses directions, que ce soit pour l'exportation ou pour la transformation ailleurs dans la province. C'est une question d'importance critique. Ne permettons pas le démantèlement des chemins de fer; faisons plutôt en sorte qu'ils soient reconvertis économiquement en lignes secondaires partout et quand cela est faisable.
Le vice-président (M. Comuzzi): Madame Terrana.
Mme Terrana (Vancouver-Est): Je suis de Vancouver et le port se trouve dans ma circonscription. Je suis donc de plus en plus inquiète quand je vous entends parler d'aller vers le Sud. On nous a dit que les chemins de fer américains étaient plus chers que les canadiens. Quelle pourrait être la raison qui vous pousserait à passer par le Sud plutôt que de recourir à nos propres chemins de fer?
M. Findlay: Voici, en quelques mots, la situation. Nos producteurs, ceux qui possèdent le grain, sont amenés à rechercher les marchés les plus avantageux. Nous expédions depuis des décennies vers l'Est et l'Ouest, et au cours des deux à quatre dernières années, les exportations de grain en direction de l'Ouest sont de plus en plus importantes. Mais, parallèlement, nous nous sommes rendu compte que les États-Unis constituaient un énorme débouché économique pour notre grain. Les inondations du Mississippi ont été le détonateur, car les gens ont cherché à acheter du grain pour remplacer celui qu'ils avaient perdu, notamment le grain fourrager, et ils ont découvert une marchandise de grande qualité vendue à un prix raisonnable. Aujourd'hui, un grand nombre de nos compagnies céréalières et de nos agriculteurs constatent que les prix sont plus intéressants là-bas et ils veulent vendre leurs produits sur ce marché.
La Commission canadienne du blé s'est montrée relativement prudente à cet égard par crainte de contrarier les Américains. Vous avez entendu parler des conflits frontaliers à propos du grain, mais il ne fait aucun doute qu'il existe là-bas des conditions économiques favorables pour un très vaste éventail de produits céréaliers. Le transport est moins cher, donc les quantités expédiées sont plus importantes. Parallèlement, jamais on n'a autant exporté du Manitoba via Vancouver. Vous y gagnez dans un sens, mais au plan de l'activité économique canadienne, nos exportations vers le Sud sont dommageables, mais les débouchés existent.
Telle est la dynamique du changement et les compagnies de chemin de fer doivent se mettre au diapason - elles le font - en ce qui concerne le transport Nord-Sud, car géographiquement, les mouvements en Amérique du Nord sont orientés Nord-Sud.
M. Renaud: Vous avez déclaré que c'était peut-être plus cher aux États-Unis. Je pense que c'est exactement la raison pour laquelle nous sommes ici, car là où il n'y a pas de concurrence aux États-Unis, c'est très cher, mais quand la concurrence existe, ça l'est moins. Je pense que la question de M. Lavigne qui se rapportait à la promotion des lignes secondaires pour limiter la détérioration des routes est très importante. C'est une autre des raisons pour lesquelles nous sommes ici. Si les lignes secondaires peuvent constituer une solution de rechange ou faire partie d'un système, cela nous aidera certainement tous à faire face à la dégradation des routes. C'est donc un argument tout à fait probant.
Mme Terrana: Puis-je vous poser une brève question sur les droits du successeur? Votre province est l'une de celles où existent des droits du successeur, et on nous répète qu'ils empêchent la vente des lignes secondaires.
M. Renaud: En Saskatchewan, la législation relative aux chemins de fer d'intérêt local est un peu différente, du fait que la procédure n'est pas automatique. Il faut s'adresser au Conseil des relations de travail lequel est autorisé à examiner ce que la ligne secondaire envisage faire, si l'équipement va changer et toutes les dispositions que doit prendre un chemin de fer d'intérêt local. Jusqu'à présent, personne ne s'est prévalu de cette législation. Nous avons une compagnie de chemin de fer d'intérêt local dans la province, et nous pensons que la loi qui s'y applique est équitable. Il faudra voir avec le temps.
Mme Terrana: Peut-être est-ce parce que la compagnie ne souhaite pas subir les conséquences.
Le vice-président (M. Comuzzi): Monsieur Fontana.
M. Fontana (London-Est): Merci, monsieur le président. Je remercie aussi les ministres de leur contribution constructive et utile à nos travaux.
Je voudrais dire quelques mots au sujet des concepts. Bien sûr, c'est toujours quand on entre dans les détails que rien ne va plus... enfin, je crois que vous avez indiqué que vous souhaitiez une industrie ferroviaire qui soit compétitive, abordable et fiable, essentiellement pour que vos expéditeurs et vos producteurs puissent commercialiser leurs produits dans le monde entier. Naturellement, tout le monde sort gagnant avec un tel scénario.
Mais vous comprendrez tous, je crois, que la réglementation de 1987 avantageait les expéditeurs. Tout le monde souhaite que les frais de transport baissent, et c'est précisément l'objet du projet de loi C-101. Les coûts et les règlements auxquels font face les chemins de fer se sont avérés tellement onéreux qu'ils n'ont pas pu faire baisser suffisamment les frais en question. De fait, si l'on examine les économies que le CP et le CN ont réalisées au cours des cinq dernières années au plan de la main-d'oeuvre et de la productivité, on constate que ces deux compagnies ont été aussi loin qu'elles le pouvaient sans toutefois pouvoir passer à cette autre étape.
Venons-en au coeur de la question. Nous souhaitons évidemment créer des lignes secondaires, et vous aurez tous besoin d'une simple loi qui reconnaît les droits de circulation sur vos lignes secondaires provinciales.
Le vice-président (M. Comuzzi): J'espère que vous allez bientôt arriver à votre question Joe, ou il va vous falloir prendre l'avion avec eux pour pouvoir la poser.
M. Fontana: Pour ce qui a trait à la législation provinciale réciproque, êtes-vous disposés à collaborer avec nous pour assurer qu'il y a une législation parallèle reconnaissant les droits de circulation sur les lignes secondaires provinciales? Je pense que c'est capital pour l'interconnexion des droits de vos expéditeurs.
Deuxièmement, je souhaite m'adresser à M. West, car j'ai bien aimé ce qu'il avait à dire. Moins il y a de règlements mieux c'est, et j'aimerais vous faire une proposition. Que diriez-vous si l'on se débarrassait de tous les règlements - il n'y en a aucun aux États-Unis - et que l'on se servait de l'arbitrage comme mécanisme pour conclure ces contrats commerciaux, ou si l'on accordait des droits de circulation à tout le monde, sans restrictions, mais que l'on supprime tous les droits des expéditeurs? La concurrence régnerait et le système pourrait beaucoup mieux fonctionner.
M. Renaud: La Saskatchewan serait certainement intéressée à collaborer avec vous au sujet des droits de circulation pour assurer la cohérence du système.
En ce qui a trait aux règlements aux États-Unis, je pense qu'il y en a qui protègent les lignes secondaires dans le cadre du Staggers Act. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
Nous souhaitons aussi qu'il y ait moins de règlements ou pas de règlements du tout, mais en attendant qu'il y ait une véritable concurrence, on peut avoir besoin d'une certaine réglementation pour stimuler la compétition. Nous nous contentons de demander que l'on conserve les dispositions de la LTN de 1987, qui accordaient une certaine protection aux expéditeurs ou qui fonctionnaient d'une certaine manière comme si les deux compagnies de chemin de fer étaient côte à côte et que l'expéditeur avait le choix. Je présume que la question du choix est ce dont il est question.
Quand on observe ce qui se passe dans le secteur des télécommunications, où une compagnie peut utiliser l'infrastructure d'une autre, je pense que c'est ce qui crée la concurrence et rend tout le monde plus efficace. Ne vous y trompez pas, nous souhaitons des chemins de fer économiquement sains. Nous avons besoin de chemins de fer sains en Saskatchewan; c'est très important en ce qui nous concerne. Nous avons des produits volumineux et de faible valeur: par conséquent, nous comptons sur les chemins de fer.
M. West: Votre question est, encore une fois, tendancieuse. Il existe un monopole naturel au Canada, je l'ai dit dans mon exposé. Vous pouvez appliquer la méthode du laissez-faire, c'est une habile façon de déréglementer et d'espérer que les choses vont se régler d'elles-mêmes, mais les États-Unis comptent 300 millions d'habitants. Il y en a seulement 2,7 millions en Alberta, un peu plus de 900 000 en Saskatchewan, et je ne sais pas combien au Manitoba. Si vous abandonnez tout aux forces du marché, on ne se retrouvera pas avec un plus grand nombre de chemin de fer. C'est à côté de la question, et par conséquent il faut faire avec ce que l'on a.
Quand on examine ce qui s'est passé jusqu'ici au Canada, d'une manière ou d'une autre, nous avons toujours subventionné les deux compagnies de chemins de fer nationaux. Les habitants de ce pays ont assuré le développement des chemins de fer d'une façon ou d'une autre que ce soit en leur accordant des droits d'exploitation du pétrole, du gaz, de la terre ou je ne sais quoi. Je l'ai déjà dit, il existe un monopole naturel et nous souhaitons un processus d'appel, et non un processus d'arbitrage. L'arbitrage n'est pas adapté à ce type de contexte.
J'aime le laissez-faire. Je suis un fervent partisan de la libre entreprise. Si c'est ce que vous voulez faire, si on en arrivait là, l'Alberta serait prête à affronter n'importe qui. Mais tout le monde est-il prêt à appuyer un tel environnement commercial avec deux compagnies de chemin de fer, étant donné la population et la densité démographique que nous avons? À l'idée qu'on puisse aboutir à un véritable méli-mélo de compagnies ferroviaires comme aux États-Unis est...
Le vice-président (M. Comuzzi): M. Findlay avez-vous l'intention de répondre à la première question de M. Fontana et de la commenter?
M. Findlay: Au sujet des droits de circulation réciproques je me contenterais de dire que nous souhaitons que notre législation corresponde à la législation fédérale. À l'échelle nationale, le CN et le CP ne peuvent pas emprunter les lignes sur courtes distances car ces voies ne peuvent tolérer le poids de certains wagons, mais à condition de...
M. Fontana: Nous parlons des droits de circulation des expéditeurs dans votre propre province ou sur les lignes provinciales.
M. Findlay: Je n'ai aucune objection à propos des droits de circulation réciproques, à condition qu'ils mènent à la concurrence et au contrôle des coûts. Tout est là. Si la question se posait, nous alignerions la législation provinciale en conséquence.
M. Fontana: Je m'adresse maintenant au ministre Renaud.
La loi américaine, le Staggers Act, ne fixe aucun droit de circulation aux États-Unis. Toutefois, la plupart des droits de circulation en existence, y compris ceux qui existent au Canada, sont négociés commercialement. Parmi les lignes sur courtes distances, aucune, à une exception près, n'a indiqué qu'elle souhaitait qu'il y ait des droits de circulation car, foncièrement, il y a un partenariat entre les compagnies qui possèdent les lignes principales et celles qui exploitent les lignes secondaires. Elles préfèrent ce type de collaboration à des droits de circulation imposés et légalisés.
Mais, monsieur West, vous avez parlé de parvenir à un équilibre. C'est vous qui parlez de compagnies de chemin de fer viables et compétitives, et d'un moins grand nombre de règlements. Je vous demande carrément si le projet de loi C-101 va, ou non, appuyer suffisamment les chemins de fer pour qu'en fin de compte, il reste deux compagnies de chemin de fer. S'il n'y a pas de chemin fer, ou même moins de chemin de fer, on pourrait se retrouver avec d'énormes problèmes dans ce pays. Est-ce que le projet de loi C-101 satisfait la volonté du gouvernement qui est d'assurer, pour le moins, que l'on dispose de chemins de fer viables au bout du compte?
M. West: Oui, avec quelques retouches. Nous avons proposé quelques amendements, mais pour le moment, je pense que nous devrions réexaminer les choses à la lumière de l'évolution de la situation du transport au cours de la prochaine décennie, de ce qui ressort des négociations que nous allons entreprendre au niveau provincial et en fonction de l'intérêt national. Si vous modifiez ce texte de façon à ce que les expéditeurs le perçoivent comme équilibré à court terme et à ce que l'on puisse progresser, alors la réponse est oui.
L'ensemble des expéditeurs qui viennent nous voir nous déclarent ne pas souhaiter être exposés à l'heure actuelle à un contexte de laissez-faire total. Ils demandent simplement qu'on leur assure un certain équilibre.
Maintenant, pour en revenir au préjudice important, s'il vous plaît, définissez ce qu'il faut entendre par cela. Ne nous laissez pas dans l'expectative. Si on laisse les avocats et leurs semblables interpréter cette expression à leur guise, on s'expose à tous leurs caprices.
Le vice-président (M. Comuzzi): Je vous remercie. Vous pouvez rester plus longtemps, si vous le souhaitez. Nous nous ferions un plaisir de vous garder encore une heure car nous avons encore bien des questions.
M. West: Pourquoi, la Chambre ne siège-t-elle plus?
Le vice-président (M. Comuzzi): Non, mais vous avez vraiment un avion à prendre, n'est-ce pas?
M. West: Oui.
Le vice-président (M. Comuzzi): Je vous remercie beaucoup d'avoir pris le temps de venir comparaître. Je n'ai pas eu moi-même le temps de vous poser certaines des questions qui n'importaient énormément. Vu que vos adjoints sont ici, si je vous posais simplement la question, accepteriez-vous de la noter et de répondre par écrit?
M. Findlay: Oui, allez-y.
Le vice-président (M. Comuzzi): Je commencerais par dire que les compagnies de chemin de fer se sont beaucoup plaintes du fait que le fédéral les taxe de façon disproportionnée, à leur avis, par le biais d'une taxe d'accise de 4 p. 100 et en leur accordant une provision pour amortissement de l'équipement insuffisante. L'autre facteur qui contribue à une imposition élevée est naturellement la taxe sur le carburant que chacune de vos provinces perçoit des chemins de fer, ce qui aboutit à les rendre non concurrentielles; et c'est sans compter les taxes municipales. Pourriez-vous nous expliquer, par écrit, comment, selon vous, les diverses formes d'imposition influent sur le coût du transport des produits à l'exportation.
Ma deuxième question est la suivante: Vu que deux d'entre vous sont propriétaires d'un nombre important de wagons trémies et de wagons désignés, comment envisagez-vous la répartition des wagons trémies appartenant à la Commission canadienne du blé? Allez-vous tout simplement en assumer le contrôle? Où pensez-vous qu'aboutiront les wagons trémies désignés dans cet exercice de rationalisation des compagnies de chemin de fer?
Ma troisième question est plus philosophique dans la mesure où elle concerne la politique des transports du Canada pendant les quelque 100 dernières années. Elle a toujours reposé sur une circulation Est-Ouest et inversement, dans le but de préserver l'unité du pays. Ces derniers temps, suite aux contraintes budgétaires et à notre volonté farouche de réduire tous les frais de transport au Canada, on constate - nous l'avons entendu aujourd'hui - que le trafic Nord-Sud s'intensifie aux dépens du trafic Est-Ouest. Pourriez-vous nous dire en quoi, selon vous, cela influe sur l'évolution future de notre pays. Pourriez-vous me rendre ce service?
M. Findlay: Oui monsieur, certainement.
Le vice-président (M. Comuzzi): Vous pouvez envoyer votre réponse au greffier.
Monsieur Taylor, je n'aime pas vous voir assis là sans avoir eu la possibilité de poser une seule question. On pourrait prendre une minute, si ça ne vous dérange pas? Pardonnez-moi, cher monsieur.
M. Taylor: Je vous remercie. Je vais être bref et revenir tout de suite à la première question que vous avez soulevée, celle de la valeur ajoutée. Je pense qu'il faut clarifier certaines choses et retoucher la description optimiste qu'a faite M. Findlay.
Foncièrement, 80 p. 100 des produits céréaliers bruts sont exportés en dehors de la Saskatchewan, et ce pourcentage est probablement à peu près le même dans les autres provinces de l'Ouest. Si l'on double la consommation domestique, et si l'on double la production à valeur ajoutée, en Saskatchewan, en particulier, on peut s'attendre quand même à exporter environ 70 p. 100 de notre production. Pour assurer l'exportation des produits à l'état brut le système ferroviaire reste essentiel. Monsieur Findlay, et peut-être vous aussi, monsieur Renaud de la Saskatchewan, vous pourriez peut-être clarifier quelque peu cette question et préciser l'importance du système ferroviaire pour ces produits à l'état brut.
Le vice-président (M. Comuzzi): Je vais demander si la réponse à cette question pourrait nous être donnée par écrit afin que ces messieurs ne manquent pas leur avion. Cela vous dérange-t-il, ou souhaitez-vous qu'ils répondent tout de suite? Si vous avez le temps, vous pouvez répondre, naturellement.
M. Findlay: Puis-je répondre rapidement? Nous sommes tellement loin d'un lieu d'exportation maritime que nous nous attendons à ce que la production change radicalement au Manitoba. Par exemple, nous produisons 1 p. 100 du boeuf de toute l'Amérique du Nord. Si l'on parvenait à 3 p. 100, cela signifierait une grosse consommation de grain. L'industrie porcine se développe beaucoup au Manitoba, et le même raisonnement s'y applique. Nous représentons un très petit marché en Amérique du Nord et par rapport aux pays du Pacifique, mais il n'y a pas de limites à la quantité de céréales fourragères que l'on peut consommer et transformer en viande. En ce qui concerne les graines oléagineuses et la trituration, nous exportons de l'huile et de la farine, non les oléagineux à l'état brut. Il n'y a pas de doute, toutes les initiatives marchent vraiment bien.
Il y a une région dans le Sud-Est du Manitoba, la zone des Mennonites fondamentalistes qui n'exporte pas beaucoup de grain. Ils ont trouvé la potion magique, si on peut dire, dans la culture diversifiée du grain. Ils cultivent beaucoup de grain mais ne l'exportent pas, et n'ont donc pas besoin de chemin de fer. Ce principe s'appliquera dans beaucoup d'endroits des Prairies au cours des prochaines années. C'est la conséquence des forces économiques. Comment peut-on s'adapter à cette évolution?
Nous avons absolument besoin des chemins de fer, car ils assureront le transport dans les deux sens. Je veux que ce soit les chemins de fer qui se chargent du transport aller-retour, plutôt que les camions. Je ne sais pas s'ils seraient en mesure de le faire aujourd'hui, mais la législation ne devrait pas les empêcher de se mettre sur les rangs.
J'ai eu une sorte d'intuition de ce que l'avenir nous réserve, mais je n'ai pas de boule de cristal.
Le vice-président (M. Comuzzi): Messieurs, je vous remercie une fois encore d'être venus à Ottawa.
M. Findlay: Je suis heureux d'avoir eu l'occasion de me faire entendre et de collaborer à vos travaux.
Le vice-président (M. Comuzzi): Mesdames et messieurs, le témoin suivant est M. Blaikie, que je n'ai pas besoin de vous présenter.
Souhaitez-vous déposer votre rapport ou en faire lecture?
M. Bill Blaikie, député (Winnipeg Transcona): Je vous remercie, monsieur le président, de me donner l'occasion de m'exprimer aujourd'hui devant le comité. J'ai une copie de mon mémoire qui pourrait peut-être servir aux interprètes. Quand je m'en tiendrai au texte cela leur sera peut-être utile, mais pas quand je n'en écarterai. On m'a demandé une copie hier, mais je n'en avais pas. Aujourd'hui, j'en ai une.
Monsieur le président, si je comprends bien, le projet de loi C-101 a pour objet de transposer au niveau des décisions de politique gouvernementale la présumée rationalité du marché. Parallèlement à la privatisation du CN, le projet de loi C-101 s'inscrit dans le cadre d'un programme plus vaste de déréglementation de secteurs d'activité économique canadiens improductifs. Vous le savez j'en suis sûr, monsieur le président, je me présente devant le comité en tant que ferme opposant de ce programme.
En tant qu'opposant de longue date de ce programme, je me rends compte que je suis la seule personne ici qui était membre du Comité des transports à l'époque des précédentes audiences portant sur la déréglementation et la loi qui a créé l'Office national des transports en 1987. Je me souviens avoir été membre du comité à l'époque, en 1986 et 1987, et même avant cela. Voilà pour la petite histoire. Je pense que la première réunion à laquelle j'ai participé en tant que membre du Comité des transports a eu lieu à l'automne de 1979.
Je veux jouer cartes sur table. Je suis venu argumenter contre cette idée. Je sais que ce projet de loi ne dérèglemente pas complètement ou parfaitement le système de transport. Comme M. Fontana le faisait remarquer dans son échange de vues avec le ministre, il pourrait être beaucoup plus radical. Néanmoins, il représente une autre étape d'une nouvelle déréglementation.
Si je comprends bien, un des buts du projet de loi est d'encourager ou de faciliter l'abandon des voies par les compagnies de chemin de fer et(ou) de créer des chemins de fer d'intérêt local, puis de faciliter l'abandon de ces mêmes lignes secondaires si elles ne s'avèrent pas rentables pour leurs propriétaires.
Du point de vue des précédents témoins... Je partage les inquiétudes formulées par les trois provinces des Prairies. Bien que je n'approuve pas, en soi, la création de lignes secondaires, je partage leurs préoccupations.
On devrait empêcher les compagnies de chemin de fer d'agir d'une façon qui rend plus difficile la transformation des compagnies de chemin de fer en chemin de fer d'intérêt local: la décommercialisation, par exemple, ou le fait de ne pas entretenir des lignes qui pourraient éventuellement être utilisées comme lignes secondaires. Par conséquent, si votre intention est de créer des chemins de fer d'intérêt local, faites-le correctement et quand cela est nécessaire, et ne laissez pas les compagnies de chemin de fer vous mettre des bâtons dans les roues.
Néanmoins, monsieur le président, ayant dit ce que j'ai à dire, j'aimerais maintenant aborder ce que j'appelle le cadre conceptuel plus général dans lequel s'inscrit cette mesure législative. Je dis pour commencer que la rationalité, l'efficacité, la rentabilité et autres slogans du zeitgeist, de l'esprit du siècle, qui règne maintenant sur le marché sont des chants de sirène auxquels bien peu de députés ont eu la force de résister. Quiconque tente de le faire est considéré comme un dinosaure: je me présente donc devant vous aujourd'hui en tant que dinosaure convaincu. Il en reste quelques-uns parmi nous, les happy few - mais je crois qu'il en reste beaucoup plus parmi les Canadiens - qui ne se laissent pas aussi facilement séduire par la rhétorique néo-conservatrice - appelée maintenant plus communément néo-libérale. Soit dit en passant, je ne vise pas ici les Libéraux avec un grand «L» ni les Conservateurs avec un grand «C». C'est juste une expression.
Je vais tenter, dans mon exposé, de communiquer au comité les raisons de ma résistance à cette tendance en décodant le langage de la privatisation et de la déréglementation. Rationalité, efficacité, rentabilité sont des mots accrocheurs; des mots qui devraient éventuellement, nous sommes tous d'accord là-dessus, être à la base d'une politique gouvernementale et économique solide. Ce ne sont donc pas aux mots que je souhaite m'attaquer, mais à leur signification et à leur contenu, particulièrement lorsque cela touche une partie aussi vitale de notre infrastructure économique que l'industrie ferroviaire.
Il y a une énorme différence entre ce que l'on prétend que signifie l'expression «rationalité économique» et ce qu'elle pourrait et devrait signifier. La rationalité économique doit faire la différence entre la rentabilité pour les investisseurs individuels et la viabilité économique pour l'économie prise dans sa globalité. La rationalité économique doit prendre en compte le principe crucial de la viabilité écologique. La rationalité économique doit englober la notion de relations de travail constructives et l'appréciation des avantages économiques d'un marché du travail qui assure des emplois permanents et rémunérateurs.
Naturellement, ce n'est pas ce que l'on entend habituellement par rationalité économique. Ce n'est pas la signification que revêt la rationalité économique qui émane des écrans d'ordinateurs des satrapes financiers de Bay Street, Wall Street, Tokyo et Frankfort. Et puisque c'est là-bas que les actions du CP et maintenant, celles du CN seront achetées et vendues, ce n'est certainement pas le concept de rationalité économique qui semble inspirer la politique du transport canadien reflétée dans le projet de loi C-101.
Le projet de loi C-101 subordonne le développement de l'infrastructure du transport au Canada à une rationalité marchande qui mesure la viabilité économique de façon simpliste, à partir de la rentabilité qu'elle assure à l'investisseur. En vertu du projet de loi C-101, toute ligne secondaire qui n'est pas rentable d'elle-même, soit pour le CN ou pour le CP, ou pour un exploitant local, sera susceptible d'être abandonnée et le service interrompu, indépendamment de toutes autres considérations. Mais la rentabilité n'est pas le seul critère de la viabilité économique, et c'est l'argument que je viens défendre aujourd'hui.
Il faut souligner que la rentabilité doit être entendue dans le nouveau contexte de la «financialisation» de l'économie. Les investisseurs ont aujourd'hui facilement accès à une pléthore de moyens de placement, sous forme d'instruments financiers à court terme qui offrent des taux de rendement élevés à très court terme. Les compagnies qui recherchent des capitaux pour des investissements à long terme dans des infrastructures, telles que les compagnies de chemin de fer d'intérêt local, doivent se faire concurrence sur un marché axé sur une vision à court terme et les taux élevés de rendement des instruments financiers. Il s'ensuit une inflation du coût du capital et une hausse du seuil où une ligne secondaire individuelle pourrait devenir économiquement viable ou non, du point de vue d'un investisseur.
Les lignes secondaires qui s'avéreraient économiquement viables dans un système financier capable de fournir du capital patient et raisonnablement exigeant au plan de la rentabilité, le ne seront pas dans le système financier que nous connaissons, qui repose sur les exigences à court terme extravagantes des négociants en obligations obsédés par leurs coupons qui peuplent nos marchés financiers; par conséquent, un grand nombre de localités et d'économies locales verront disparaître un atout économique qui se serait autrement avéré viable. La vision à court terme de notre système financier et l'existence de lignes secondaires privées dans notre système ferroviaire ne peuvent pas coexister harmonieusement.
Un second problème lié à la complète «marchéisation» du transport ferroviaire est l'incapacité de percevoir que ce qui peut ne pas être rentable pour un investisseur particulier peut s'avérer économiquement viable et important pour le pays, une localité ou une région, d'ailleurs. L'exploitation d'un chemin de fer d'intérêt local peut ne pas s'avérer rentable en elle-même, mais être économiquement viable si l'on tient compte de ses retombées économiques sur une localité ou une économie locale, par comparaison aux coûts que devront absorber d'autres municipalités, intervenants, etc., s'il n'y a pas de chemin de fer sur courte distance, comme le disaient les ministres du Transport qui ont comparu juste avant moi.
La viabilité économique peut être atteinte par l'utilisation intelligente - voilà, monsieur le président, où j'apparais sous mes vraies couleurs, celles d'un dinosaure - de subventions au moyen desquelles la communauté entière participe aux coûts qu'il faut engager pour permettre à l'économie globale de prospérer. Mais le mot «subvention» est un mot condamnable de nos jours. Les marchés financiers protégés par les subsides provenant de notre système d'assurance-dépôt et les institutions financières qu'il faut rescaper à grands coups de fonds publics, comme on a pu le constater récemment lors de la crise mexicaine - ces mêmes milieux subventionnés crient au loup lorsque les gouvernements subventionnent une activité économique qui génère des avantages pour les localités et les économies locales; ils ne disent rien cependant quand ils sont eux-mêmes subventionnés par le Trésor public.
Je maintiens que l'on continue d'avoir besoin d'un recours intelligent aux subventions pour protéger l'infrastructure ferroviaire et pour protéger les lignes secondaires, si telle est la politique, si l'on veut défendre l'idée de viabilité économique dans la mesure où elle s'applique au bien-être des localités, des régions, etc. Je soutiens que le projet de loi C-101 rend cela peu probable, et même improbable. Certains prétendront qu'il rendra la chose tout à fait impossible. Je ne connais pas tous les détails du projet de loi suffisamment bien pour soutenir qu'il rend la chose absolument impossible, mais c'est un fait qu'il tend à aller dans la direction opposée.
Une autre conséquence non économique de la «marchéisation» totale de notre infrastructure ferroviaire sera l'inévitable imprévisibilité du service. S'il y a quelque enseignement à tirer de la déréglementation de l'industrie aérienne américaine, c'est que lorsqu'on place les services d'infrastructure dans un environnement commercial gouverné par la loi du plus fort, il y en aura effectivement qui couleront et d'autres qui survivront. Il se peut fort bien qu'un chemin de fer d'intérêt local change régulièrement de propriétaire et connaisse une activité épisodique. L'imprévisibilité qui en résulte rend très difficiles les prises de décisions non seulement pour les expéditeurs, mais pour les autres investisseurs, susceptibles d'être intéressés par des investissements dans la localité, mais qui s'en trouvent dissuadés par l'imprévisibilité des services de transport.
Cela est vrai non seulement au niveau local, mais également au niveau national. Il n'y a pas de garantie, ni dans ce projet de loi, ni dans la législation relative à la privatisation du CN, que le Canada conservera un réseau ferroviaire transnational. La seule assurance qui est donnée concernant la préservation d'un réseau ferroviaire transcanadien est offerte par le marché, ou ce que j'appellerais les caprices du libre jeu des mécanismes du marché.
Cette insécurité finira par nuire au développement économique local des régions du pays où l'infrastructure ferroviaire joue un rôle essentiel dans les économies régionales, par exemple, dans le Nord de l'Ontario, les Maritimes et la ville de Winnipeg.
Bref, se fier à la rentabilité comme seul critère pour décider de fournir un service ferroviaire n'est pas économiquement viable au sens le plus large et, selon moi, le plus valable de cette notion.
On ne trouve rien dans le projet de loi C-101 qui nous assure que les pouvoirs publics ont la possibilité ou l'intention d'intervenir - et qu'ils le feront - pour préserver un service économiquement viable, en donnant ici à «viable» son sens le plus large, quand un exploitant trouve qu'il n'est pas suffisamment rentable, au sens étroit du mot «viable», de continuer.
La viabilité économique ne doit pas seulement dépasser la notion de rentabilité; elle doit comprendre la notion de rentabilité écologique. Tous les gouvernements aiment parler du développement durable et de la nécessité d'envisager l'environnement comme un facteur essentiel dans toute décision économique. Telle est la rhétorique. Mais on ne retrouve rien dans le projet de loi C-101 qui prescrive un contrôle environnemental des conséquences de l'abandon d'une voie ferrée.
Je me souviens parfaitement - monsieur le président, vous étiez peut-être aussi présent à la Chambre des communes - du jour où l'on a annoncé à l'automne de 1989 les coupures à VIA Rail. Le premier ministre de l'époque, M. Mulroney, revenait tout juste d'une grande conférence où il s'était fait photographier avec Gro Harlem Brundtland; il avait aussi beaucoup été question d'adopter le rapport Brundtland et on avait dit qu'à partir de ce moment-là, il y aurait des analyses environnementales qui précéderaient toutes les grandes décisions de politique, puisque c'était l'une des principales recommandations du rapport Brundtland.
Je ne pense pas que le gouvernement actuel ait étudié le rapport Brundtland, mais je me rappelle qu'à l'époque, le premier ministre s'est trouvé quelque peu pris au dépourvu quand on lui a posé des questions à ce sujet. Il a déclaré: «Eh bien non, il n'y a pas eu de contrôle ni d'examen environnemental concernant les coupures à VIA Rail». On procéda à un contrôle environnemental interne plus tard, dont le résultat fut rendu public parce que la question avait été posée, mais à ma connaissance, il n'y a pas eu de vérification environnementale des conséquences du projet de loi C-101. Je me permets de suggérer qu'il y en ait une.
Dans un contexte plus général, on ne retrouve rien dans le nouvel environnement réglementaire qui donne aux pouvoirs publics la capacité de façonner une stratégie de transport nationale écologiquement viable, dans laquelle l'industrie ferroviaire doit naturellement jouer un rôle central. Le projet de loi C-101 se préoccupe avant tout des résultats des compagnies ferroviaires et des expéditeurs, mais ne propose aucun mécanisme susceptible de fournir une évaluation indépendante de l'incidence des abandons de lignes sur les routes, les émissions de gaz à effet de serre ou sur d'autres facteurs environnementaux, sans parler des conséquences sociales sur les localités.
En dernière analyse tout cela se ramène à une forme de comptabilité. Il s'agit simplement de savoir quel genre de comptabilité on veut. Trop souvent on ne fait que passer d'un cadre politique à un autre, d'une sorte de comptabilité à courte vue à une autre forme de comptabilité à courte vue, si bien que l'on oublie la colonne réservée à l'environnement et aussi celle de l'impact social des décisions qui sont prises.
Il me paraît indiscutable que tout ce qui encourage, intentionnellement ou non, l'utilisation accrue des camions par rapport aux chemins de fer est, prima facie, écologiquement irrationnel. Si le gouvernement publiait une étude prouvant le contraire, je me ferais un plaisir de la lire, mais je ne pense pas qu'une telle étude ait été faite. Je souhaite, par conséquent, faire connaître mon opposition à la tendance dont j'ai parlé, de ce point de vue également.
Enfin, la viabilité économique doit aussi tenir compte de l'importance de bonnes relations de travail et d'un marché du travail qui assurera des emplois rémunérateurs et donc, la prospérité économique, monsieur le président. Il est juste de dire que la privatisation du CN, et la déréglementation de l'industrie ferroviaire tout entière, est un moyen expéditif d'enlever aux syndiqués la possibilité de préserver les contrats qu'ils ont négociés dans le passé. Il suffit de parler à un cheminot pour savoir que c'est ce qui se passe parallèlement à ce développement, et ce n'est pas par simple coïncidence.
On ne trouve rien dans le projet de loi C-101 qui empêchera les employeurs d'ignorer les syndicats et les conventions collectives actuelles quand un service passera de la compétence fédérale à la compétence provinciale. Les investisseurs éventuels dans le CN ainsi que dans les futurs chemins de fer d'intérêt local se délectent du fait que le nouvel environnement réglementaire place les syndicats exactement dans la position de vulnérabilité où les marchés financiers aiment les voir. Ils savent que cela n'est pas du boniment.
Pour conclure, monsieur le président, je veux faire remarquer que l'on trouve une disposition dans la nouvelle législation du gouvernement en matière de transports qui va à l'encontre des forces du marché auxquelles on accorde autrement tant de confiance. Je veux parler de la disposition qui place toujours à Montréal le quartier général permanent du CN privatisé. Si on laissait jouer les forces du marché, comme c'est le cas pour tous les autres aspects du plan gouvernemental, le CN déménagerait très probablement dans l'Ouest du Canada où il fait presque toutes ses affaires.
Cette mesure se comprendrait si le projet de loi C-101 reposait sur la conception de la viabilité économique que j'ai défendue aujourd'hui et où d'autres valeurs que la rentabilité des investisseurs individuels ont un rôle à jouer. Il me serait alors possible d'accepter cet argument. Si nous bâtissons une nation, parfait, nous bâtissons une nation. Si nous maintenons la paix, parfait, nous maintenons la paix. Si nous faisons du développement régional, très bien, nous faisons du développement régional. Mais telle n'est pas actuellement la philosophie sous-jacente à la politique des transports du gouvernement, et c'est pourquoi je souligne cette exception.
La politique que je préconise, et dont le gouvernement ne semble vouloir adopter aucun aspect, reconnaîtrait la valeur de l'infrastructure ferroviaire pour Montréal, mais aussi pour les autres localités comme la mienne, Transcona, où l'industrie ferroviaire joue un rôle capital. Mais le gouvernement a plutôt montré qu'il préfère que le marché dévaste toutes les autres localités canadiennes, à l'exception d'une seule. Eh bien, monsieur le président, je pense que ce n'est pas bien de faire une telle exception, et je ne dis pas ça pour critiquer Montréal, mais pour bien me faire comprendre. Si l'on peut considérer que protéger ou isoler certains objectifs du marché dans des circonstances données est logique, pourquoi n'est-il pas possible de faire la même chose quand il s'agit de construire le pays?
Un habitant de Winnipeg m'a récemment fait parvenir un document. Il s'agissait d'une note de service adressée à Kleysen Transport Ltd., une grosse compagnie de transport routier du Manitoba. Cette note de service expliquait comment tout le trafic Winnipeg-Toronto et Winnipeg-Montréal allait transiter par les États-Unis. On y indiquait même les stations-services américaines où on avait l'intention d'acheter de l'essence et combien on économiserait en agissant de la sorte. Si je comprends bien, il s'agit de camions qui transportent le courrier canadien. Monsieur le président, en bout de ligne, voilà où mène cette déréglementation, et j'ajouterais que cela reflète la mentalité libre-échangiste, et que le pays ne devient rien d'autre qu'un endroit où gagner de l'argent, que vous soyez une compagnie de transport routier, un investisseur, un travailleur ou n'importe quoi. Des choses qui n'auraient jamais été envisagées il y a dix ou quinze ans, qui auraient été jugées inadmissibles, sont maintenant considérées monnaie courante dans le monde des affaires.
Je pense que dans le contexte du débat sur l'unité nationale et à propos de notre pays, c'est ce genre de choses qui empêche les gens d'avoir le sentiment d'appartenir à un tout et d'être autre chose que des compagnies individuelles, des investisseurs individuels, des travailleurs, des expéditeurs et des producteurs qui n'ont d'autre motivation que de réussir le mieux possible individuellement, et qui trouvent dépassés les arguments tentant de faire valoir ce qui est meilleur du point de vue général, du point de vue du pays ou du point de vue du bien commun.
Je vous remercie, monsieur le président.
Le vice-président (M. Comuzzi): Merci, monsieur Blaikie.
Si cet article ne figurait pas dans la loi, avez-vous une idée de l'endroit où vous aimeriez que se trouve le siège social du CN?
M. Blaikie: J'ai une suggestion. Je pense que Winnipeg serait tout indiqué.
Le vice-président (M. Comuzzi): Monsieur Chatters.
M. Chatters: Je n'ai pas vraiment de questions, mais j'ai apprécié la leçon de socialisme que vous nous avez donnée. Comme toujours, je pense qu'un grand nombre de vos critiques sont valides, ainsi qu'un grand nombre de vos idées. Mais comme toujours, vous oubliez de nous dire comment les socialistes équilibreraient les comptes et financeraient votre vision des choses; et c'est là votre talon d'Achille, et où vous échouez. Vous vous emportez contre les maléfices du marché et du capitalisme et vous choisissez d'ignorer les réalités économiques du monde d'aujourd'hui. Nous avons près de 600 milliards de dette et il faut que nous trouvions une solution dans le cadre d'un régime fiscal qui pousse une compagnie de transport comme celle dont vous parlez à passer par les États-Unis car l'essence y est moins cher. Notre essence coûte cher à cause d'une fiscalité imposée aux Canadiens suite aux pratiques socialistes employées dans le passé. Voilà à peu près tout ce que je peux dire de cette présentation.
Le vice-président (M. Comuzzi): Est-ce une question ou une simple observation?
M. Chatters: C'était juste une observation.
M. Blaikie: Me permettez-vous de répondre, monsieur le président?
Le vice-président (M. Comuzzi): Bien sûr.
M. Blaikie: Il me semble que le déficit, qui semble beaucoup inquiéter le député du Parti Réformiste, s'est précisément développé au cours de la période pendant laquelle on a mis en place des politiques néo-conservatrices. À l'époque où nous avions au Canada les politiques socialistes très simples dont parle le député, je ne dirais pas qu'il s'agissait de socialisme, car je suis sûr que les Libéraux qui mirent ces politiques en oeuvre ne se considéraient pas comme des socialistes... Bref, prenons le député au mot, ou au pied de la lettre. Il ne s'agissait pas de pratiques socialistes étrangères. Elles n'inscrivaient dans une tradition canadienne remontant à la création du NPD ou du CCF et même à la politique nationale de Sir John A. Macdonald, en 1867.
On pouvait s'enorgueillir d'une tradition canadienne, et c'est ce que l'on est en train de changer. Je ne me suis pas emporté contre les maléfices du capitalisme. Je n'ai jamais prononcé le mot «maléfice» ni parlé de «capitalisme», mais si c'est la conclusion à laquelle vous êtes parvenu, vous avez sans doute bien saisi mes propos ou la situation.
Le fait est qu'à cause de la déréglementation, de la privatisation et du libre-échange, les sources de recettes du gouvernement ont disparu, comme ont disparu les bons emplois qui servaient à alimenter l'impôt sur le revenu et donc l'absorption du déficit. Les gens déménagent au Sud ou alors, ils doivent accepter des salaires de plus en plus bas.
Ce n'est pas par hasard que le gouvernement ne parvient pas à atteindre ses objectifs en matière de déficit. C'est indissociable du problème, et il y a d'autres causes à l'origine du déficit, comme les taux d'intérêt et les échappatoires fiscales. On pourrait en parler très longtemps, mais je sais que vous n'y tenez pas.
Le vice-président (M. Comuzzi): Bill, s'il vous plaît, nous essayons de discuter du projet de loi C-101.
Charles, avez-vous des questions?
M. Hubbard (Miramichi): Non.
M. Blaikie: Tout se tient.
Le vice-président (M. Comuzzi): Éventuellement tout se tient.
Madame Cowling, aucune question?
Madame Terrana, pas de question non plus? Quand je ne vous le demande pas, vous vous fâchez.
Mme Terrana: Non, ce n'est pas vrai.
Le vice-président (M. Comuzzi): Y a-t-il d'autres questions?
Messieurs, je vous remercie de votre présentation. J'ai une question, mais je vais la poser en privé car nous avons un ordre du jour très chargé.
M. Althouse (Mackenzie): M. Blaikie a parlé de la déréglementation due à ce projet de loi. Mais je pense qu'il est assez évident que de très importants règlements continueront d'exister après le projet de loi C-101. Quant aux limites relatives à la responsabilité publique, les compagnies de chemin de fer et certaines lignes secondaires les ont demandées, nous sommes tous au courant. Ce n'est pas nouveau: les chemins de fer qui font subir des torts au public ou aux personnes avec lesquelles ils traitent n'en subissent pas pleinement les conséquences, car la loi les protège en limitant leur responsabilité. Le seul fait de se constituer en société limite la responsabilité.
Ne trouvez-vous pas quelque peu surprenant que l'on semble sélectionner les règlements auxquels on décide de s'en prendre lorsqu'on prétend tout déréglementer?
M. Blaikie: Je voudrais dire clairement que je ne suis pas venu ici défendre aveuglément tous les règlements qui ont jamais existé, mais plutôt la notion de règlement elle-même. L'une des choses que j'ai critiquées par le passé est la même que celle qu'a critiquée par le passé le député de Mackenzie, à savoir les règlements qui ont protégé les compagnies de chemin de fer en limitant leur responsabilité publique.
J'ai fait allusion plus tôt, monsieur le président, à la première réunion du Comité des transports à laquelle j'ai assisté quand j'y siégeais. Il s'agissait d'une séance d'urgence après le désastre ferroviaire de Mississauga. C'est certainement l'un des domaines dans lequel il faudrait apporter des changements aux règlements, plutôt que d'abandonner le principe.
Le vice-président (M. Comuzzi): M. Blaikie, je vous remercie.
M. Blaikie: Merci.
Le vice-président (M. Comuzzi): Je souhaite la bienvenue Transport 2000.
M. David W. Glastonbury (président, Transport 2000 Canada): Je m'appelle David Glastonbury. Je suis président de Transport 2000 Canada.
Les deux personnes qui vont faire cette présentation avec moi ne sont pas celles qui devaient m'accompagner à l'origine. Permettez-moi de vous présenter mes deux confrères. M. Robert Evans est ancien président de Transport 2000 Canada et le Dr John Bakker est vice-président, région de l'Ouest.
Comme vous le savez, Transport 2000 représente des gens qui veulent s'assurer que le Canada dispose d'un réseau de transport viable sur les plans environnemental, social et économique.
Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant le comité cet après-midi, et de nous permettre de témoigner au nom de nos membres, même à cette heure tardive.
Le projet de loi omnibus que vous examinez actuellement est d'une envergure et d'une complexité telles qu'à notre avis, la meilleure façon pour Transport 2000 de contribuer au débat est de se concentrer uniquement sur certains des éléments d'importance particulièrement critique.
Par conséquent, après avoir fait des observations générales sur les retombées qu'auront, de notre point de vue, les principes fondamentaux véhiculés par le projet de loi C-101, nous nous proposons de nous concentrer sur deux grands sujets de préoccupation pour notre association.
Nous ne chercherons pas à justifier le fait que les deux points en question ont trait au chemin de fer. Nous sommes d'avis qu'une industrie ferroviaire saine et bien gérée peut apporter une bien meilleure contribution à la réalisation des objectifs économiques, environnementaux et sociaux du Canada. À cet égard, toute mesure prise pour améliorer la situation précaire des chemins de fer a donc une importance critique.
Je donne maintenant la parole à M. Evans.
M. Robert Evans (ancien président, Transport 2000 Canada): Notre association s'est toujours déclarée prête à appuyer toute mesure raisonnable ayant pour but d'améliorer l'efficience du réseau de transport canadien. Si la meilleure façon d'y arriver consiste à limiter le rôle de l'État dans le secteur, soit. Nous exprimons toutefois une réserve. Nous avons souligné que toute rationalisation de l'appareil réglementaire devrait permettre de continuer à protéger de façon appropriée l'intérêt public et national qu'il est légitime de faire valoir. On ne saurait permettre que le rêve canadien soit totalement sacrifié sur l'autel du mercantilisme.
Au Canada, à part dans le secteur routier, on semble vouloir s'empresser de donner à l'entreprise privée pratiquement tout le contrôle effectif du système de transport. Cela va à l'encontre de ce qui se passe dans plusieurs pays développés dont la situation est des plus florissantes. Par exemple, l'Allemagne, le Japon et les États-Unis ont développé des économies dynamiques centrées sur l'entreprise privée en s'appuyant sur des réseaux de transport où, dans l'intérêt national, l'État continue à jouer un rôle important pour ce qui est du financement et (ou) du contrôle.
On vient d'ailleurs de me transmettre un article où l'on signale que la Interstate Commerce Commission américaine est intervenue pour que soit maintenue en Virginie-Occidentale une ligne de chemin de fer que CSX Transportation Inc. voulait abandonner.
Si le projet de loi C-101 est adopté tel quel, le Canada pourrait fort bien se retrouver avec un vague réseau ferroviaire disparate, constitué littéralement de douzaine de sociétés dont certaines seraient assujetties à la réglementation fédérale et d'autres, aux règles imposées par les diverses provinces. Ce qui inquiète Transport 2000, c'est que les différentes composantes ne forment pas un tout cohérent. Il ne fait aucun doute que, si le gouvernement cède aux pressions exercées par des expéditeurs trop zélés en faveur de certaines mesures législatives, l'activité des nouveaux chemins de fer sur courtes distances consisterait non plus à alimenter les grandes lignes, mais plutôt à leur faire concurrence. De notre point de vue, le désordre qui en résulterait ne servirait pas l'intérêt des Canadiens, pas même celui des expéditeurs.
N'ayons pas peur des mots. À moins que le gouvernement fédéral ne joue un rôle plus actif que ne le laisse entrevoir le projet de loi C-101, tel que nous l'interprétons actuellement, Transport 2000 craint que pour servir leurs intérêts légitimes, les actionnaires de nos compagnies de transport privées ne transfèrent aux États-Unis une bonne part de la planification, du soutien et de l'exploitation de ces services.
Pourquoi les exploitants des entreprises privées de transport ne choisiraient-ils pas la solution la moins coûteuse? N'est-elle pas susceptible de se trouver souvent de l'autre côté de la frontière? Que fera le gouvernement fédéral si les transports canadiens optent pour des trajets passant par les États-Unis? Si l'on se fie à l'énoncé du projet de loi C-101, il nous semble que la réponse à cette dernière question est: «Pas grand-chose, sinon rien».
Le transport est une composante qui, dans l'infrastructure canadienne, a une importance cruciale; pourtant, il semble que nous allons dépendre de plus en plus d'un autre pays pour assurer le mouvement de notre population et de nos biens, même lorsqu'il s'agit de trajets entre deux points situés à l'intérieur de nos propres frontières.
Prenons quelques minutes pour approfondir cette question générale en la situant dans un contexte plus précis: le projet de loi C-101 facilite la tâche des sociétés ferroviaires qui veulent abandonner des lignes. Comme nous l'avons affirmé aux audiences portant sur les recommandations de la Commission d'examen de l'Office national des transports, Transport 2000 ne s'oppose pas à une rationalisation du processus d'abandon; toutefois, nous n'y souscrivons que dans la mesure où la nouvelle législation reconnaîtrait toujours au gouvernement fédéral le droit d'intervenir dans les cas où l'abandon d'une ligne serait jugé contraire à l'intérêt national. Nous ne voyons rien dans le projet de loi C-101 qui assure ce genre de protection.
Malheureusement, inclure une disposition ou un mécanisme dans un texte de loi ne garantit pas nécessairement que le gouvernement s'engage à l'appliquer sérieusement, ni à y avoir recours. Il nous semble cependant préférable que le projet de loi C-101 comporte, au moins, une disposition permettant au gouvernement fédéral d'agir au nom de tous les Canadiens lorsque l'abandon d'une ligne de chemin de fer est envisagé, dans la mesure où une telle intervention est justifiée.
Nos réserves sur la façon dont le projet de loi C-101 traite les abandons de lignes de chemin de fer portent plus précisément sur l'énoncé du paragraphe 145(2) qui empêcherait le gouvernement fédéral d'intervenir dans l'intérêt public, lorsque la ligne qui doit être abandonnée se situe intégralement à l'intérieur d'une province.
Le gouvernement fédéral a toujours eu la responsabilité première des chemins de fer au Canada. À notre avis, il n'est pas du tout approprié qu'il renonce maintenant tout à fait à défendre l'intérêt public dans un si grand nombre de cas. Nous craignons que les provinces hésitent à prendre le relais et qu'en conséquence, les préoccupations légitimes de la population restent lettre morte, parce que les autorités se déclareront incompétentes.
Nous proposons donc d'apporter au projet de loi C-101 les deux modifications suivantes: premièrement, supprimer du paragraphe 145(2) l'expression suivante: «si la ligne franchit les limites d'une province ou les frontières du Canada»; et, deuxièmement, inclure dans la loi une disposition obligeant le ministre à examiner toutes les demandes de vente ou d'abandon de lignes de chemin de fer, pour s'assurer que l'intérêt public est pris en considération. Cette disposition s'appliquerait chaque fois qu'une ligne est mise en vente, afin que le gouvernement fédéral ait la latitude voulue pour réagir en toute connaissance de cause dans le délai de quinze jours dont il dispose pour acheter la ligne en question à sa valeur de récupération.
Le Canada aura-t-il encore un chemin de fer transcontinental dans trois ans? Y aura-t-il encore une véritable ligne principale reliant Halifax dans trois ou cinq ans? Y aura-t-il encore une voie ferroviaire reliant le centre du Canada et Winnipeg? Vancouver et Montréal seront-ils encore des ports en pleine activité? La société VIA Rail aura-t-elle accès aux voies dont elle a besoin?
De l'avis de Transport 2000, personne dans cette salle ne peut répondre à l'une ou l'autre de ces questions en se fondant sur le projet de loi C-101 tel qu'il est rédigé actuellement.
Nous aimerions maintenant aborder notre deuxième grand sujet de préoccupation à propos de l'incidence du projet de loi C-101 sur le secteur ferroviaire, et traiter de plusieurs questions portant plus particulièrement sur le trafic voyageur au Canada. Si le projet de loi C-101 est adopté - et nous craignons que cela n'arrive rapidement - VIA Rail, et peut être les compagnies assurant des liaisons ferroviaires interurbaines, pourraient être obligées de composer avec, premièrement, l'abandon pur et simple de lignes de chemin de fer essentielles et, deuxièmement, une augmentation des coûts due à la nécessité de traiter avec une pléthore de nouveaux chemins de fer sur courtes distances relevant d'administrations provinciales. Bien entendu, la privatisation du CN compliquera encore davantage la tâche de VIA Rail.
Sur le premier point - c'est-à-dire l'abandon de lignes ferroviaires - nous croyons comprendre que plusieurs services voyageurs, maintenus par décret ces dernières années, sont encore une fois menacés à cause du projet de loi C-101. Nous voulons parler de la ligne qui passe par la gare de Lévis et de celles qui relient Chandler et Gaspé, ainsi que Senneterre et Cochrane. En outre, nous nous attendons à ce que d'autres services voyageurs disparaissent par manque de lignes, par exemple, sur l'Île de Vancouver et, très probablement et sans doute rapidement, entre Montréal et Ottawa.
Quant au service voyageur sur courtes distances, nous sommes heureux des dispositions que prévoit le projet de loi pour en faciliter le fonctionnement. Nous reconnaissons la valeur éventuelle de l'arbitrage pour VIA Rail, mais nous avons certaines réserves. Nous n'avons trouvé dans le projet de loi C-101 aucune directive assurant que VIA Rail bénéficie de tarifs raisonnables pour l'utilisation de lignes prévues pour le transport de marchandises, ni aucune disposition garantissant que VIA Rail puisse continuer à maintenir et à améliorer son service voyageur sur le plan de la vitesse et de la fréquence. Rien dans le projet de loi n'indique non plus que VIA Rail pourra obtenir toutes les informations nécessaires sur le coût du transport des marchandises par chemin de fer avant de déposer une demande d'arbitrage.
Par ailleurs, le fait que VIA Rail ait à traiter avec des intervenants très différents pourrait se solder, pour cette compagnie, par des difficultés importantes, et cela nous inquiète. Par exemple, si les règlements qui s'appliquent aux lignes sur courtes distances provinciales diffèrent substantiellement de la réglementation fédérale, cela pourrait être une source de problèmes.
Pour mieux assurer la défense de l'intérêt public dans le domaine du service voyageur, nous proposons que le projet de loi C-101 soit modifié et stipule que: premièrement, le gouvernement fédéral n'autorisera la cessation d'une liaison ferroviaire interurbaine empruntant une ligne réglementée par les autorités fédérales qu'après avoir tenu des audiences publiques pour évaluer pleinement les effets environnementaux, sociaux et économiques d'une telle décision; deuxièmement, que le gouvernement fédéral achètera à sa valeur de récupération toute ligne réglementée par les autorités fédérales sur laquelle circule des trains de passagers assurant une liaison interurbaine que l'on se propose d'abandonner, en vue de remettre la ligne en question à la compagnie qui assure ce service voyageur; et troisièmement, que le gouvernement fédéral énoncera dans le projet de loi C-101 des directives assurant aux compagnies qui offrent des services voyageurs un accès aux lignes de fret équitable sur le plan des droits d'utilisation des lignes, de la possibilité de maintenir et d'améliorer la qualité du service offert aux passagers et des recours possibles en cas de problème.
Au cas où quelqu'un prétendrait que notre troisième recommandation n'est pas applicable, nous nous hâtons de préciser que c'est exactement le genre de règlement pris par le gouvernement américain en ce qui concerne Amtrak.
Comme nous l'avons déjà mentionné, Transport 2000 appuie sans réserve plusieurs des dispositions contenues dans le projet de loi C-101 qui ont pour objet d'assurer l'avenir de nos lignes de chemin de fer destinées au transport des marchandises. Peut-être devrait-on se préoccuper davantage de traiter VIA Rail sur le même pied.
En conclusion, le fait que certaines dispositions du projet de loi C-101 remettent sérieusement en question le juste équilibre entre l'intérêt futur de l'industrie canadienne des transports et celui de tous les Canadiens nous préoccupe. C'est la raison pour laquelle nous avons recommandé certains amendements au projet de loi qui vont dans le sens d'une légère augmentation de la participation du gouvernement fédéral à la planification et à l'exploitation du réseau de transport de notre pays.
Nous sommes convaincus que cela n'entraînera que des coûts peu élevés, alors que donner au gouvernement la possibilité d'orienter, le cas échéant, l'évolution du secteur des transports est un moyen essentiel de garantir que l'on défendra l'unité canadienne et la viabilité économique de notre pays.
Merci.
Le vice-président (M. Comuzzi): Merci, monsieur Evans.
Vos collègues ont-ils quelque chose à ajouter à votre exposé?
M. Glastonbury: Non, pas pour l'instant.
Le vice-président (M. Comuzzi): Merci.
[Français]
M. Mercier: Je partage vos préoccupations. Dans le projet de loi, on se préoccupe très peu de l'intérêt général et, en somme, on ne considère pas le chemin de fer comme un service public. Alors que tout le monde trouve normal que les pouvoirs publics entretiennent les routes, il semblerait normal qu'ils participent aussi à l'entretien du rail puisque c'est un service public.
Vous dites, avec raison, que dans beaucoup de pays occidentaux, le chemin de fer est effectivement un service public. Le Bloc québécois présentera des amendements en ce sens. Tout en acceptant certains aspects de la loi, nous ne partageons pas l'optique suivante.
La loi dit qu'en cas de projet d'abandon d'un tronçon par l'une des compagnies nationales, le secteur privé va l'acheter s'il le trouve rentable. Si personne ne le trouve rentable mais qu'un gouvernement, qu'il soit fédéral, provincial ou municipal, trouve que la ligne doit être maintenue dans l'intérêt général, il pourra toujours le racheter. C'est donc cela, l'optique du projet de loi.
Vous dites, avec raison, que même s'il se donne le pouvoir de le racheter, rien ne garantit que le fédéral le fera même si l'intérêt général l'exige. L'ancienne loi prévoyait la tenue d'audiences publiques par l'Office national des transports au cours desquelles le milieu pouvait présenter des arguments. Cela n'existe plus. Donc, vous avez tout à fait raison de dire que l'intérêt public est moins bien servi par cette loi que par celle de 1987.
Vous dites également, en ce qui a trait aux tronçons à l'intérieur d'une province, que vous êtes inquiet parce que la loi ne donne pas au fédéral le pouvoir de les racheter. Cependant, la province le pourrait. Je me demande pourquoi vous faites plus confiance au fédéral qu'à une province pour s'occuper de l'intérêt général dans un tel cas. Pour ma part, je ferais le contraire. Cela dépend des provinces, mais j'en connais au moins une qui se soucierait beaucoup de l'intérêt général.
J'aimerais que vous répondiez à mes propos d'une façon générale. Sur le plan pratique, je trouverais intéressant que vous fassiez parvenir au comité des propositions concrètes d'amendements aux articles que vous souhaiteriez modifier. J'aimerais que vous nous disiez quels articles devraient être supprimés, lesquels devraient être modifiés et comment. Ce serait là un complément utile à votre document qui est extrêmement intéressant.
Maintenant, dites-moi pourquoi vous faites plus confiance au fédéral qu'au provincial en ce qui a trait à l'intérêt public. Cela m'intéresse.
[Traduction]
Le vice-président (M. Comuzzi): Peut-être ne veulent-ils pas le dire en public, mais j'ai entendu un de ces messieurs dire en aparté qu'il ne faisait pas nécessairement confiance aux autorités gouvernementales, quelles qu'elles soient. Peut-être est-ce cela la bonne réponse à votre question.
Une voix: Nous ne faisons aucune différence.
Le vice-président (M. Comuzzi): Pour ce qui est d'accorder votre confiance, vous ne faites aucune différence?
Allez-y messieurs.
[Français]
M. Evans: J'aimerais répondre sérieusement à la question. Les gouvernements changent et, à un moment donné, même celui du Québec pourrait changer. C'est une question d'attitude de chaque gouvernement. Notre position est fondée sur le point de vue suivant. Au fond, c'est le gouvernement fédéral qui a toujours eu la responsabilité des chemins de fer et nous ne voulons pas que, dans certaines circonstances, il laisse échapper cette responsabilité.
M. Mercier: Êtes-vous contre le fait que les lignes interprovinciales soient de compétence provinciale sauf si elles sont déclarées d'intérêt général pour le Canada?
M. Evans: Je ne répondrai pas directement à votre question si vous envisagez que beaucoup de short lines seront du domaine provincial au Québec. On aurait alors des chemins de fer fédéraux et des chemins de fer provinciaux. Il serait nécessaire d'harmoniser la réglementation fédérale et celles des provinces. Ce qui est important, c'est que l'industrie du chemin de fer fonctionne de manière plus efficace.
[Traduction]
M. Chatters: Une fois de plus, je n'ai pas de questions précises à poser, parce que tout l'exposé me semble exprimer davantage une philosophie que porter sur des dispositions particulières du projet de loi. Il faut cependant que je vous félicite; le mot «subvention» que le dernier témoin jugeait tabou, devient pour vous «une légère augmentation». Ce n'est pas mal.
Toutefois, si je devais appuyer et demander une légère augmentation des liaisons offertes aux voyageurs entre Ottawa et Montréal, je préférerais de beaucoup une légère augmentation du prix de mon billet d'avion plutôt que de mon billet de chemin de fer, pour que le trajet prenne moins d'une heure.
M. Evans: Entre Montréal et Ottawa?
M. Chatters: Oui.
M. Evans: Un jour, nous ferons la course, vous et moi, entre Montréal et Ottawa, le train contre l'avion, du centre-ville au centre-ville.
M. Chatters: D'accord.
Merci.
M. Hubbard: J'ai une question sur les principes en cause. Vous représentez Transport 2000.
Si, pour essayer d'améliorer la situation dans notre pays, ainsi que notre système de transport, on prend en considération tous les moyens de transport, on peut constater que les lignes aériennes qui desservent le pays atterrissent dans des aéroports qui appartiennent à quelqu'un d'autre. Les compagnies de camionnage dont les camions sillonnent le pays empruntent des routes dont les gouvernements provinciaux sont propriétaires. Les compagnies maritimes utilisent des voies fluviales et des ports qui appartiennent à différentes villes et municipalités. Par contre, en ce qui concerne les chemins de fer, nous sommes toujours restés enlisés dans la même ornière: c'est la compagnie qui est propriétaire de la voie.
Votre association a-t-elle jamais envisagé les choses d'une autre façon et pensé à instaurer un système différent pour déterminer qui possède les voies de chemin de fer, qui emprunte les routes et qui paie les taxes sur l'emprise ainsi que l'entretien des gares où s'arrêtent les trains? Le projet de loi que nous examinons ici - qui nous engage, je sais, parce qu'il a été déposé en Chambre - impose probablement à une autre génération ou plus une notion qui date des années 1830, à savoir: la compagnie qui veut faire transiter une locomotive sur une voie de chemin de fer doit posséder non seulement la locomotive, mais également la voie. La situation n'est pas du tout la même en ce qui concerne les autres moyens de transport. Cela place certainement notre pays et notre industrie dans une perspective fort différente. Avez-vous des observations à faire à ce sujet?
M. John J. Bakker (vice-président, Région de l'Ouest, Transport 2000): Certainement. J'ai écrit au Premier ministre à ce propos en mai dernier, et je n'ai toujours pas reçu de réponse. Il est dommage de ne pas recevoir de réponse lorsqu'on fait des propositions. J'ai également transmis un mémoire sur le même sujet au groupe de travail chargé de la privatisation du CN, et je n'ai pas, non plus, reçu de réponse. De fait, la chose n'a jamais été prise en considération.
Ce qu'il faudrait faire - ou, disons, la solution qu'il aurait fallu envisager au lieu de privatiser le CN - c'est diviser le CN en deux compagnies différentes - une qui serait chargée de l'infrastructure et l'autre, de l'exploitation - et inviter le CP à faire la même chose, pour pouvoir ensuite fusionner les deux compagnies chargées de l'infrastructure en un seul service public que pourraient utiliser les compagnies qui se consacrent à l'exploitation, c'est-à-dire VIA, CN, CP ou, dans les provinces, les lignes provinciales. Il existerait ainsi une véritable concurrence. La coentreprise chargée de l'infrastructure pourrait alors également sous-traiter, soit aux compagnies ferroviaires, soit au secteur privé, la construction et l'entretien des voies. Il faudrait cependant, avant tout, établir un réseau ferroviaire fédéral.
Quel genre de réseau ferroviaire fédéral devrait-on avoir dans ce pays? Rien dans le projet de loi C-101 n'établit une structure qui pourrait servir de point de départ pour assurer que ce qui ne fait pas partie du réseau ferroviaire fédéral - et qui constituerait un service public commun, comme dans le cas des services téléphoniques, des réseaux routiers et des aéroports - est traité sur un pied d'égalité. Essentiellement, la seule chose que les compagnies d'autocars doivent payer, c'est la taxe sur le carburant, mais une compagnie ferroviaire qui assure le transport des passagers paie également une taxe sur le carburant qui sert à financer l'entretien des routes, puisqu'une partie va aux provinces et une autre, au gouvernement fédéral qui fait disparaître cette contribution au fond des coffres de l'État. Après, je ne sais pas ce qui se passe.
M. Collins: Moi, je sais.
M. Bakker: Ah oui? Tant mieux, je suis content que quelqu'un le sache, parce que, moi aussi, je contribue à ce qui disparaît dans les coffres de l'État.
M. Collins: Moi aussi.
M. Bakker: En toute franchise, le problème c'est que VIA Rail doit, en plus, payer les compagnies ferroviaires, tant et si bien qu'à mon avis, le mot «subvention», que bien des gens rejettent, se justifierait si cela servait à financer un droit d'utilisation du réseau des compagnies ferroviaires dont l'accès serait beaucoup plus facile. Nous avons donc besoin d'appliquer à tout notre réseau de transport un système de financement complètement différent, pour que les expéditeurs puissent choisir en connaissance de cause entre le transport par route et par chemin de fer ou même entre le transport par chemin de fer et le transport aérien. Peut-être devrait-on avoir recours au transport ferroviaire sur de courtes distances et au transport aérien lorsque les distances sont plus longues. Les deux moyens de transport ont un rôle à jouer et ils devraient se compléter.
Malheureusement, rien ne démontre qu'au sein du gouvernement fédéral, quelqu'un envisage la question du transport de façon rationnelle. L'histoire se répète, tout simplement. C'est un peu comme si ce projet de loi avait été élaboré par les compagnies ferroviaires et comme si le gouvernement était une sorte de filiale de ces compagnies. Le projet de loi me déçoit beaucoup et le gouvernement aussi.
J'espère que cela répond à votre question, monsieur.
Le vice-président (M. Comuzzi): Monsieur Hubbard, avez-vous une autre question à poser?
M. Hubbard: Non, mais j'ai pensé que, pour remettre les choses en perspective, il serait utile, aux fins du compte rendu, de signaler que les moyens de transport dont nous parlons ne se font pas concurrence à armes égales.
Le vice-président (M. Comuzzi): Monsieur Collins.
M. Collins: Monsieur le président, j'ai participé à certaines des audiences concernant la privatisation du CN et, c'est le moins que l'on puisse dire, je suis déçu d'entendre le témoin dire qu'il a transmis un mémoire et qu'on ne lui a pas répondu. Je trouve cela choquant.
M. Bakker: Moi aussi, monsieur.
M. Collins: Permettez-moi de vous dire qu'à mon avis, nous ne procédons pas à l'aveuglette, je vous assure. On a mis en place un processus. Il est facile de considérer les choses de façon subjective, lorsqu'on n'a peut-être pas en main toutes les données qui entrent dans le plan d'action que nous avons établi en ce qui a trait à la dette, au déficit et ainsi de suite.
Chaque fois que vous parlez de subvention, je crois que cela nous rend tous un peu nerveux car, au fil des années, c'est ce qui s'est produit. Lorsqu'il n'y avait pas d'autres portes à laquelle vous pouviez frapper, vous vous êtes adressés au gouvernement et le gouvernement vous a accordé soit une subvention, soit un octroi, soit une aide quelconque. Cette époque tire rapidement à sa fin.
Quant à savoir si j'ai une idée de ce qui va se passer au cours des trois prochaines années, je ne me fais pas de souci. Je ne pourrai peut-être pas répondre à toutes vos questions, mais je suis heureux que vous n'ayez pas hésité à comparaître devant nous et à nous donner votre opinion sur ce que nous devrions chercher à accomplir par le biais de ce projet de loi et en ce qui concerne tout le système de transport. Cela me contrarie d'entendre dire que le gouvernement en place et notre comité donnent l'impression de ne pas savoir où ils s'en vont. Je pense qu'au contraire, nous le savons fort bien.
Ce qui me préoccupe, c'est que l'on puisse appliquer concrètement ce projet de loi, et pas seulement à court terme. Il a une fonction à long terme, celle de répondre aux besoins de tous les Canadiens, ceux de l'Ouest, de l'Est et d'ailleurs. J'ajouterai simplement que je vais m'informer afin de découvrir pourquoi vous n'avez pas reçu de réponse du Cabinet du Premier ministre ni de mes collègues qui s'occupent de la question des transports; je ferai le nécessaire pour que l'on vous réponde.
Je ne suis pas si sûr qu'à court terme... À votre avis, pouvons-nous amender le projet de loi C-101, ou y a-t-il un aspect particulier de cette mesure qui donne une idée de son résultat et que vous voudriez nous signaler? Ou bien rejetez-vous le projet de loi en bloc?
M. Evans: La position adoptée officiellement par Transport 2000 est celle qui est exprimée dans notre mémoire...
M. Collins: Très bien.
M. Evans: ...et les recommandations que l'on y trouve - il y en a quelques-unes - sont celles que nous vous présentons. Ces recommandations sont étroitement liées à notre interprétation du projet de loi C-101. Nous avons essayé, par exemple, d'obtenir copie de certaines des analyses détaillées sur lesquelles s'appuie le projet de loi. Nous n'avons pu obtenir ces documents, mais nous avons décidé de donner notre point de vue sur le projet de loi lui-même en nous basant sur l'interprétation que nous en donnons. Nous avons donc quelques recommandations à formuler, et ce sont celles que vous trouverez dans ce document.
M. Collins: Très bien.
Le vice-président (M. Comuzzi): Madame Terrana.
Mme Terrana: Bonsoir. Moi aussi, le transport au Canada m'inquiète beaucoup, mais je dois dire que certaines des comparaisons que vous utilisez dans votre mémoire ne tiennent pas debout, à mon avis. Vous comparez le Canada à l'Allemagne, au Japon et aux États-Unis. Il me semble que la densité des populations et la grandeur des pays varient énormément.
Hier, j'ai pris un train de VIA Rail pour me rendre de Montréal à Ottawa et il y avait à peu près 10 personnes à bord, alors que le train que j'ai pris il y a un mois entre Tokyo et Osaka était bondé. C'est la raison pour laquelle les comparaisons que vous faites me gênent un peu.
L'autre point que j'aimerais souligner, c'est que VIA Rail doit faire l'objet d'une étude. Le projet de loi C-101 ne porte pas sur cette compagnie, comme vous le savez, on y fait juste brièvement allusion. Donc, même si c'est fort bien d'avoir inclus des commentaires à ce sujet dans votre mémoire, il va probablement falloir que vous comparaissiez une autre fois lorsqu'on discutera de VIA Rail.
J'ai deux questions à vous poser. La première a trait à l'intérêt public. Il y a l'article 49 où l'on dit, à un moment donné: «le ministre peut... conclure des accords de mise en oeuvre de la politique nationale des transports». C'est à la page 17. À l'article 49, on mentionne l'intérêt national des chemins de fer. Je veux donc vous demander si, de votre point de vue, cela n'est pas suffisant.
Deuxièmement, il semble que vous n'aimez pas ce projet de loi. Je vais donc vous poser la même question que celle que j'ai posée aux autres groupes: A-t-on besoin de ce projet de loi ou est-ce que la LTN de 1987 suffirait?
M. Evans: Permettez-nous de répondre. Voilà le projet de loi. C'est une brique. Nous n'avons fait que deux ou trois suggestions. Je ne pense pas que vous puisiez en conclure que «nous n'aimons pas le projet de loi».
Mme Terrana: Je n'ai pas dit cela. Je vous pose la question.
M. Evans: À mon avis, vous ne voulez tout de même pas que nous venions ici pour vous déclarer que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Mme Terrana: Non, non.
M. Evans: En réalité, je pense que vous voulez que nous...
Le vice-président (M. Comuzzi): Nous aimerions bien que vous nous disiez cela.
M. Evans: Nous essayons de souligner certains points.
Si vous le permettez, avant de répondre précisément à votre question, j'aimerais mentionner que la densité d'occupation des trains de VIA Rail sur le trajet en question est d'environ 70 p. 100, et non de 10 p. 100. Vous pouvez poser la question à VIA Rail, mais je me permets de vous donner ce renseignement. L'autre jour, j'ai pris le train entre Ottawa et Montréal et il y avait 700 personnes à bord, mais c'est une autre histoire.
Mme Terrana: Effectivement, c'est une autre histoire.
M. Evans: Je veux souligner que...
Le vice-président (M. Comuzzi): Ce n'était pas vendredi dernier?
M. Evans: Mais si, justement. Nous étions tous les deux à bord de ce train.
Vous avez fait une observation. Je m'excuse, mais je ne m'en souviens plus. Que vouliez-vous...
Mme Terrana: Ma première observation portait sur les comparaisons que vous avez faites; la deuxième concernait VIA Rail. J'ai juste dit qu'on allait en discuter plus tard. J'ai parlé de l'intérêt public, de l'article 49 du projet de loi C-101. Et je vous ai demandé si vous aimiez le projet de loi. C'était ma... Je comprends les critiques que vous formulez. On m'a dit que certaines choses vous préoccupaient. Ce que je vous demande, c'est de me dire si le projet de loi C-101 est nécessaire. Ne fait-il pas double emploi?
M. Evans: Transport 2000 s'est déclaré en faveur d'une amélioration de la compétitivité des chemins de fer, et ce, pour un certain nombre de raisons. Il y a plusieurs initiatives qui, à notre avis, vont dans ce sens et nous les appuyons. Parallèlement, toutefois, nous avons souligné la nécessité de reconnaître que l'intérêt public est un facteur fondamental, l'intérêt public, l'intérêt national. En conséquence, il faut qu'il y ait une sorte de...
Mme Terrana: Vous voulez donc que l'article 49...
M. Evans: Nous recommandons l'inclusion d'un mécanisme bien défini assurant que le gouvernement fédéral peut intervenir et acheter une ligne à sa valeur de récupération, s'il considère que cela va dans le sens de l'intérêt national. Premièrement, on parle de la valeur de récupération; deuxièmement, si l'existence de cette ligne est réellement et véritablement d'intérêt national, il est permis d'espérer que le gouvernement pourrait la revendre. Il n'est donc pas question nécessairement de créer d'énormes déficits, mais nous pensons qu'il doit y avoir certains... Une chose fondamentale nous préoccupe - nous et bien d'autres, dont le témoin qui nous a précédés - il s'agit du fait que notre système de communication va de plus en plus dans le sens Nord-Sud que dans le sens Est-Ouest. On peut fort bien imaginer, ou craindre, que cela nous fasse perdre non seulement de l'argent, mais également des emplois, des débouchés et Dieu sait quoi encore.
Mme Terrana: C'est ce qui me préoccupe.
M. Evans: Les moyens de contrôle définis dans ce projet de loi ne nous semblent pas suffisants pour que l'on puisse défendre l'intérêt public quand c'est nécessaire, et cela nous inquiète. Nous ne suggérons pas que l'on prenne ce genre d'initiative tous les jours, ni même toutes les semaines, mais en examinant ce projet de loi, nous avons l'impression que personne ne peut savoir ce qui va vraiment se passer. Nous nous sommes concentrés sur la question des chemins de fer, si vous voulez, mais nous ne savons pas ce qui va leur arriver une fois que le projet de loi C-101 aura été adopté. Est-ce que le CN demeurera une compagnie nationale de chemin de fer ou est-ce que cela deviendra une compagnie ferroviaire qui circule uniquement dans les Rocheuses? Est-ce que le CN prendra une forme quelque peu bizarre et deviendra une compagnie tronquée dont le siège social sera situé à Montréal? Mais ça, c'est une autre histoire.
Ce qui nous préoccupe, c'est ceci: même si nous sommes en faveur de l'efficience, il faut garantir d'une façon quelconque que les autorités nationales défendront, si cela est nécessaire, les objectifs nationaux appropriés
Mme Terrana: Merci.
M. Chatters: J'ai encore une question, monsieur le président.
L'idée d'avoir un réseau ferroviaire national dont le gouvernement est propriétaire, mais que peut emprunter toute compagnie ferroviaire - et dont l'entretien et tout le reste est sous-traité - est séduisante, nous l'avons d'ailleurs examinée et avons cherché à obtenir de plus amples renseignements à ce sujet. Pendant des années, nous avons eu dans ce pays deux chemins de fer nationaux et nous avons partagé, d'un océan à l'autre, le même rêve sur la manière dont cela devait fonctionner; toutefois, il semble que ce rêve s'effrite parce que les relations entre syndicats et patronat sont sclérosées. Il existe maintenant des lignes sur courtes distances dont l'exploitation dégage des profits substantiels - alors que ce n'est pas le cas des chemins de fer nationaux - parce que le président-directeur général peut fort bien faire marcher les trains et en assurer l'entretien, entre autres choses.
Comment pourrait-on faire fonctionner ce réseau ferroviaire national afin qu'il soit aussi rentable que les lignes exploitées par le secteur privé? Comment cela pourrait-il empêcher les tarifs s'appliquant aux droits de circulation des trains sur ce réseau de devenir si élevés que nous nous retrouverons encore dans la même situation, et que nous ne pourrons offrir aux expéditeurs des prix compétitifs?
M. Bakker: Tout d'abord, il n'est pas nécessaire que le gouvernement soit propriétaire de ce réseau. Le gouvernement n'est pas propriétaire de Bell Canada et pourtant, il s'agit d'un transporteur général utilisé par de nombreuses compagnies de téléphone interurbain. Si l'on fusionne les infrastructures du Canadien National et du Canadien Pacifique, cela ne donne pas nécessairement naissance à une compagnie publique.
Ce sur quoi j'insiste, c'est qu'il faudrait viser l'efficience, notamment le genre d'efficience qui peut exister lorsqu'on met en place une nouvelle structure - ce qui permet de faire de la sous-traitance. Si la compagnie dont j'ai parlé ne faisait rien, en soi, mais se contentait de tout sous-traiter, cela pourrait être la source d'une très grande efficience étant donné que l'on aurait recours à des appels d'offre concurrentiels. En soi, cela réduirait vos coûts.
J'ai eu affaire, par exemple, à la compagnie de transports en commun de St-Albert, au nord d'Edmonton, où tout est fait par le biais de contrats. Ainsi, même si la municipalité est propriétaire des autobus et du garage, les chauffeurs, ainsi que le personnel chargé de l'entretien et du nettoyage, sont engagés à contrat. Cela a permis de faire baisser les frais de 40 p. 100 par rapport à l'époque où ces services étaient assurés par des employés de la ville d'Edmonton, avec tous les frais généraux que cela implique. Par ailleurs, une entente avec le syndicat des chauffeurs s'applique pendant toute la durée du contrat, ce qui écarte toute possibilité de grève. On peut faire la même chose dans le cas d'une compagnie chargée de l'infrastructure.
Il y a donc de nombreuses possibilités si les choses sont organisées comme il faut. Ce n'est pas tellement que le gouvernement doit être propriétaire, mais il doit y avoir un mécanisme de financement. Je trouve choquant que les taxes qui frappent les locomotives servent à améliorer le réseau routier. À mon avis, une part des impôts versés dans les coffres de l'État devrait être utilisée pour financer le reste de l'infrastructure des transports du pays. Je n'appellerai pas «subvention» une taxe payée par les usagers du réseau de transport qui servirait à financer ces initiatives - je dirais plutôt que c'est appliquer le principe de l'utilisateur-payeur. Les expéditeurs seraient en mesure de prendre des décisions plus rationnelles s'il existait une infrastructure commune, mais le problème, c'est que cette proposition n'est pas prise en compte.
Le vice-président (M. Comuzzi): Il va falloir que je vous interrompe, monsieur Bakker. Nous avons prolongé de plus de dix minutes l'intervention de Transport 2000 à cause de l'intérêt que présentent vos arguments.
Merci d'avoir comparu devant le comité et de nous avoir présenté votre exposé.
M. Glastonbury: Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. Comuzzi): Il y a un problème. Deux autres groupes doivent faire des présentations. L'un vient de la Saskatchewan et l'autre, de Halifax. Certains membres du comité ne sont plus là et ne pourront entendre ces exposés, alors que les témoins ont d'importantes déclarations à faire sur le projet de loi C-101 et que cela représente, pour eux, un gros investissement d'argent et de temps.
Nous avons, encore une fois, invité aujourd'hui trop de témoins. Il va falloir que nous nous organisions un peu mieux. À mon avis, il est injuste de demander à des témoins de présenter un exposé s'il n'y a personne ici pour les écouter et si nous ne leur réservons pas le temps qui devrait leur être imparti.
Mme Terrana: Monsieur le président, étant donné que ces personnes viennent d'aussi loin, peut-être devrions-nous leur demander de témoigner.
Le vice-président (M. Comuzzi): C'est bien mon intention.
Mme Terrana: S'ils veulent être entendus ce soir, ils peuvent rester jusqu'à environ 19 h 15, et les autres membres du comité pourront lire le compte rendu.
M. Hubbard: Je suis prêt à rester jusqu'à 19 h 30.
Le vice-président (M. Comuzzi): Monsieur Althouse, vous n'êtes pas membre du comité, mais si vous voulez rester, vous êtes le bienvenu.
L'autre solution serait de les entendre en premier demain matin, mais il faudrait que quelqu'un se charge de défrayer leurs dépenses s'ils doivent passer la nuit ici. Messieurs les représentants du ministère, êtes-vous habilités à le faire? Le comité a-t-il les ressources nécessaires?
M. Ron Gleim (directeur, Division 2, Saskatchewan Association of Rural Municipalities): Il faut, de toutes façons, que nous restions ici jusqu'à demain. Nous devons nous rendre à Toronto demain matin et nous pourrions probablement changer l'heure de notre vol et faire notre présentation demain matin.
Le vice-président (M. Comuzzi): Les membres du comité s'engagent à rester jusqu'à 19 h 30. Cela vous ennuirait-il de témoigner maintenant?
M. Gleim: Bernie sait ce que nous avons à dire, donc...
Quand on parle du projet de loi C-101, cela me fait penser à l'époque où j'allais à l'université et où je prenais le cours d'anglais 101, mais j'espère mieux m'en tirer cette fois-ci.
Nous sommes heureux d'avoir l'occasion d'être parmi vous. Je vais vous donner quelques informations générales mais, étant donné que nous disposons de peu de temps, je vais être bref.
Le vice-président (M. Comuzzi): Prenez tout le temps qu'il vous faut.
M. Gleim: Très bien.
Je vais vous parler brièvement de notre association. La Saskatchewan Association of Rural Municipalities représente le troisième ordre d'administration de la Saskatchewan. Nous défendons les intérêts de 235 000 personnes habitant des régions rurales. Bien que notre mandat concerne les questions d'intérêt municipal, nos membres travaillent pratiquement tous dans le secteur de l'agriculture et, lors de nos assemblées, nous discutons également de questions qui ont trait à l'agriculture et au transport.
Nous allons nous concentrer aujourd'hui sur les économies qui peuvent être faites dans le secteur du transport et sur les retombées que cela peut avoir sur le secteur routier, un sujet dont on a déjà abondamment parlé aujourd'hui. Dans les municipalités rurales, la détérioration plus rapide de l'état des routes est, la plupart du temps, liée aux changements apportés à la politique des transports. Nous sommes certainement en faveur d'une industrie des transports efficiente et concurrentielle mais, à l'heure actuelle, ce que l'on gagne dans un secteur se traduit par des coûts supplémentaires dans un autre.
Le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux, les compagnies de chemin de fer et les exploitants de silos transfèrent essentiellement certains de leurs frais aux municipalités rurales. Lorsque celles-ci veulent à leur tour financer ces coûts, c'est vers les producteurs qu'elles se tournent finalement. Par conséquent, on aboutit à faire assumer par le producteur les coûts inhérents à tout changement.
En vertu de l'ancienne LTN, lorsque l'abandon d'un embranchement était envisagé, seuls les coûts de l'embranchement en question entraient en ligne de compte. Toutefois, à cause du regroupement des silos, des abandons d'embranchements, de la construction de nouveaux terminus intérieurs et des tarifs d'incitation que les chemins de fer offrent aux exploitants de silos, les agriculteurs font parfois transporter leur grain par camion sur des distances de plusieurs centaines de milles afin d'essayer de faire des économies. Cela a un impact sur le réseau routier municipal et provincial. Les routes qui traversent nos municipalités n'ont pas été conçues pour résister à une circulation aussi intense que celle qu'il y a actuellement ni au poids que cela représente.
Vous trouverez à l'annexe A des tableaux illustrant le mouvement de regroupement des silos et d'abandon des différentes catégories d'embranchement qui s'est amorcé.
La Saskatchewan est la province canadienne qui possède les plus vastes réseaux routiers et ferroviaires, mais également la plus grande superficie cultivée. À notre avis, nous ne pouvons nous permettre de défoncer ni de mettre hors d'usage aucune de nos routes.
Au cours de l'année écoulée, la SARM a fait valoir les préoccupations des municipalités à propos de la détérioration du réseau routier auprès d'instances gouvernementales supérieures et, dans deux cas, le gouvernement fédéral a reconnu le bien-fondé de nos arguments.
Par exemple, 140 millions de dollars du fonds de transition établi suite à l'abolition de la LTGO ont été affectés à la réparation du réseau routier. D'autre part, le Comité d'étude des embranchements qui sera présidé par Marian Robson prendra en considération les frais d'entretien des routes dans l'évaluation de l'impact qu'aurait l'abandon d'embranchements en acier léger.
La SARM a clairement indiqué qu'elle était en faveur du moyen de transport le moins coûteux, qu'il s'agisse du camionnage ou du transport ferroviaire. Quel que soit le moyen retenu, il faut que cela se justifie sur le plan économique. Nous ne savons pas si nous pouvons nous permettre de garder les deux. Toutefois, il est important de noter que les coûts des embranchements pris en compte par le comité d'étude sont ceux des transporteurs de catégorie un, c'est-à-dire le CP et le CN. Comme nous l'avons dit plus tôt, il a été démontré qu'aux États-Unis, les chemins de fer d'intérêt local peuvent assurer le transport du grain sur des lignes en acier léger où la circulation est peu dense pour moins cher que le CP ou le CN. À notre avis, le comité d'étude des embranchements de Marian Robson devrait utiliser ces chiffres. On devrait se fonder sur les coûts des lignes sur courtes distances - c'est-à-dire la solution de remplacement - et non sur ceux que le CP et le CN ont communiqués.
Nous estimons que les chemins de fer d'intérêt local représentent une solution viable à condition d'être rentables, mais il faut leur donner la possibilité de faire valoir leurs avantages. Tous les intéressés devraient pouvoir comparer les coûts d'exploitation des lignes sur courtes distances et ceux qui sont liés à l'autre solution que l'on peut envisager, c'est-à-dire construire des terminus intérieurs, acheter de plus gros camions et engager des dépenses supplémentaires pour entretenir les routes. Ils devraient avoir ces chiffres en main avant que l'on détruise une ligne, afin d'être en mesure de décider s'il vaut mieux exploiter une ligne sur courtes distances ou construire des terminus.
Nous estimons qu'un réseau de lignes secondaires peut permettre aux producteurs de faire baisser le coût du transport de leurs marchandises, que cela peut compléter le service offert par les transporteurs de catégorie un et stimuler la concurrence au niveau des prix entre ces deux transporteurs. Toutefois, le plus important est sans doute d'assurer que la nouvelle loi favorise une répartition équitable des revenus ainsi que la conclusion d'ententes sur les lieux de correspondance avec le CN et le CP.
J'ai deux ou trois observations à faire sur les chemins de fer d'intérêt local aux États-Unis et ensuite, j'en aurai terminé.
Depuis 1980, on a installé 263 nouvelles lignes secondaires aux États-Unis et aujourd'hui, il y en a 450 en exploitation. Cela représente 70 000 kilomètres de voies qui auraient pu être abandonnés si l'on n'avait pas créé de chemins de fer d'intérêt local. Ces lignes secondaires ont contribué à augmenter la densité du trafic des transporteurs américains de catégorie un. Aux États-Unis, les lignes secondaires comptent pour 25 p. 100 des kilomètres de voie ferrée, 11 p. 100 des emplois dans le secteur ferroviaire et 9 p. 100 des revenus de cette industrie.
Après vous avoir fait part de notre point de vue sur la question du réseau routier et les chemins de fer d'intérêt local, nous aimerions formuler des observations et des recommandations concernant des dispositions précises du projet de loi C-101, Loi sur les transports au Canada.
Jim.
M. Jim Hallick (directeur, Division 4, Saskatchewan Association of Rural Municipalities): Merci, Ron.
Monsieur le président, il y a un certain nombre de recommandations que la SARM aimerait signaler à votre attention.
La première porte sur l'article 5. Nous appuyons l'esprit de la loi et ses objectifs, mais nous nous inquiétons du fait que l'on ne dit peut-être pas assez catégoriquement dans le texte qu'il y aura un processus d'arbitrage. Nous estimons en effet qu'avec le nouveau régime, il va y avoir un grand nombre de différends à régler et qu'il est donc essentiel de stipuler dans la loi que l'on aura recours à l'arbitrage.
Je passe maintenant au fameux paragraphe 27(1) dont on a déjà parlé, celui qui porte sur le préjudice important. Encore une fois, c'est la définition que l'on peut donner de cette expression qui nous pose un problème et le fait que cela pourrait empêcher les gens d'avoir recours aux dispositions de la loi. Nous demandons donc que l'on supprime cet article.
L'autre disposition dont nous voulons parler est le paragraphe 34(1) qui traite des demandes frustratoires et qui stipule que le versement d'une indemnité peut être ordonné. De notre point de vue, même si cela n'interdit pas les interventions des petits expéditeurs, c'est du moins une mesure dissuasive qui limitera probablement le recours à cette disposition.
Le paragraphe 96(3) et l'article 97 définissent les conditions dans lesquelles les compagnies ferroviaires peuvent construire ou abandonner des lignes. Nous recommandons que l'on stipule dans cet article que les compagnies ferroviaires ne seront pas autorisées à abandonner leurs biens, avant d'avoir obtenu d'un organisme indépendant un certificat stipulant que le terrain abandonné a été nettoyé et ne présente aucun danger pour l'environnement.
Je passe maintenant à l'article 127, sur les contrats confidentiels, où l'on stipule que les parties en cause doivent être d'accord pour transmettre à l'Office une demande d'arbitrage. Du point de vue des plus petits expéditeurs, du moins, cet article peut poser un problème lorsque des circonstances imprévues affectant l'exploitation de leur entreprise surviennent. À notre avis, ils devraient avoir la possibilité de négocier de nouvelles dispositions.
En ce qui a trait aux articles 131 à 137 qui portent sur les prix de ligne concurrentiels, nous sommes d'accord sur le principe et nous reconnaissons l'impact de la captivité de la clientèle sur les coûts. Nous suggérons de préciser que les prix de ligne concurrentiels s'appliquent non seulement au transport des marchandises au Canada, mais également lorsqu'elles seront dirigées vers un port qui peut être situé aux États-Unis. Nous aimerions qu'un expéditeur puisse bénéficier de prix de ligne concurrentiels même dans les cas où il a choisi de faire transiter ses marchandises par un port américain.
Quant aux articles 138 et 139 qui concernent les droits de circulation communs, nous pouvons prévoir, d'après ce qui se passe en Saskatchewan, que les abandons de lignes ferroviaires vont rapidement se multiplier. Cela va avoir de graves conséquences sur le réseau routier, mais il se peut fort bien que certains chemins de fer d'intérêt local s'avèrent rentables. Pour qu'ils le soient, il faut absolument, à notre avis, leur accorder des droits de circulation communs sur les lignes conduisant au lieu de correspondance le plus proche, ce qui permettrait d'ailleurs de générer une certaine concurrence entre les transporteurs de catégorie un.
Je passe maintenant à l'article 141 où il est stipulé que les intentions des compagnies concernant leurs lignes doivent être précisées dans un plan triennal. Nous sommes en faveur de ce plan tout en ayant cependant certaines réserves en la matière. Aucune transaction ne peut être engagée à moins qu'elle ne porte sur des lignes qui font partie de la liste incluse dans le plan triennal. De notre point de vue, s'il y a assez de signes indiquant qu'un transporteur de catégorie un fait tout pour rendre une ligne moins intéressante pour des acheteurs éventuels ou ne l'entretient pas, on devrait pouvoir entamer des négociations et faire une proposition d'achat. Nous estimons également que lorsqu'une ligne se trouve sur la liste incluse dans le plan triennal, il ne devrait pas être nécessaire d'attendre que cette période soit écoulée avant de négocier la vente de la ligne en question.
Le paragraphe 142(2) porte sur les lignes mentionnées à l'annexe 1 qui doivent faire l'objet des recommandations du comité Robson. Ce qui nous inquiète, même si on nous a dit que cela ne va probablement pas arriver, c'est qu'il est possible que l'on ajoute des lignes à la liste, même en avril. Cela ne nous laisserait pas assez de temps pour déterminer si l'achat de ces lignes nous intéresse. Nous recommandons de donner un délai de 90 jours, par exemple, après le 30 avril, pour que les intéressés puissent évaluer ces lignes avec toutes les données en main et décider, ou non, de s'en porter acquéreurs avant qu'elles soient retirées effectivement du réseau.
Un des articles suivants, l'article 144(1), stipule qu'une compagnie ferroviaire doit communiquer la procédure qu'elle va suivre lorsqu'elle met une ligne en vente. Comme on l'a déjà mentionné aujourd'hui, nous voudrions que cette procédure s'applique uniformément à toutes les lignes, et pas seulement dans certains cas, par exemple, lorsqu'une compagnie ferroviaire n'est pas pressée de vendre et peut rendre l'achat plus difficile. Si la même procédure s'applique à tous les cas, tout le monde se retrouve sur un pied d'égalité.
L'article 145 porte sur l'offre aux gouvernements. Cette disposition ne nous pose pas de problèmes, sauf sur un point, à savoir... si ni le secteur public, ni le gouvernement fédéral, ne se portent acquéreurs, le gouvernement provincial dispose d'un délai de quinze jours pour manifester son intérêt, mais cette période peut ne pas être suffisante pour qu'une entente soit conclue; si les négociations n'aboutissent pas, la ligne est abandonnée immédiatement et l'administration municipale n'aura pas la possibilité de s'en porter acquéreur.
Nous recommandons que le troisième ordre de gouvernement dispose du même délai que les autres au cas où les négociations avec le gouvernement provincial n'aboutiraient pas.
L'article 150, où est calculé le barème des taux, nous pose beaucoup de problèmes, notamment la formule elle-même où l'on fixe arbitrairement à 10 000$ par mille le montant d'argent qui reviendra au producteur. Nous demandons que l'on modifie cette formule et que l'on remplace ce montant par la notation algébrique: z moins 90 p. 100, ou au moins, que la somme en question soit portée à 20 000$ par mille. De notre point de vue, l'indemnité prévue est très généreuse pour une compagnie qui va tirer un avantage matériel du fait qu'elle cesse de fournir certains services.
Prenons simplement le cas de deux sous-divisions où les quantités transportées sont importantes. Par exemple, Brooksby, exploitée par le CN. Trois cent un mille tonnes de grain sont transportées sur une distance de 51,1 milles et le coût de l'opération est évalué à 21 500$ par mille. Dans ce cas, les producteurs recevront 10 000$, alors que l'on versera 11 500$ aux compagnies de chemin de fer et ce, bien entendu, à perpétuité.
L'autre exemple que je voudrais citer est celui de la sous-division Cromer du CN. La quantité de grain transportée sur cette ligne est de 166 000 tonnes; cette ligne tributaire du transport du grain couvre une distance de 58,8 milles. On évalue les coûts, dans ce cas, à 22 800$ par mille, ce qui signifie que les producteurs recevront 10 000$ et les compagnies de chemin de fer, 12 800$.
Nous estimons que les retombées négatives de la situation n'ont pas été convenablement prises en compte, car ce sont les producteurs qui vont devoir payer davantage pour faire transporter leurs produits, et cela va avoir des conséquences graves sur l'infrastructure ferroviaire - des conséquences qui se chiffrent à des millions de dollars. Pour que cette formule soit un peu plus équitable, il faudrait qu'elle soit modifiée afin de prendre certains de ces coûts en compte; cela me dépasse en effet que l'on puisse envisager verser tant d'argent à une compagnie alors qu'elle cesse ses activités.
Je passe maintenant à l'article 155 qui traite de l'examen. Nous sommes d'accord avec ces dispositions. Il y a deux ou trois autres points sur lesquels nous souhaiterions que porte l'examen. Premièrement, il faudrait examiner le rendement financier des compagnies de chemin de fer fédérales. Deuxièmement, il faudrait évaluer les nouvelles procédures relatives à la cession et à l'abandon des lignes. Troisièmement, il faudrait examiner les dispositions touchant le développement et la viabilité des lignes de chemin de fer secondaires.
Nous avons noté que, dans un autre mémoire, on a recommandé que l'examen comprenne une analyse des moyens utilisés par d'autres actionnaires du secteur de la manutention et du transport du grain pour répercuter sur les agriculteurs les économies réalisées grâce à l'amélioration de la productivité et du rendement, et que l'on ne s'en tienne pas uniquement aux initiatives des compagnies ferroviaires en la matière.
Du point de vue des producteurs, nous estimons que cette recommandation est juste et raisonnable, même s'il peut s'avérer difficile d'examiner comment les compagnies céréalières ont partagé avec les agriculteurs leurs gains de productivité, dans le cadre d'une loi qui ne comporte aucune disposition ni règlement s'appliquant à ces intervenants.
Monsieur le président, tels sont les amendements que nous recommandons.
M. Gleim: Juste quelques observations pour conclure. J'en ai ajouté quelques-unes à celles qui sont consignées dans ce document, mais cela ne fait rien puisque je ne crois pas qu'on vous l'ait distribué.
Cette loi semble avoir pour objectif d'assurer la rentabilité des compagnies ferroviaires de catégorie un. À notre avis, il faut également se préoccuper de la rentabilité des producteurs et des expéditeurs.
Depuis le 1er août 1995, les producteurs ont acquis le droit de financer en totalité le système de transport et de manutention qui existe à l'heure actuelle et qui existera à l'avenir, quoi qu'il arrive.
Pour vous citer quelques chiffres, un agriculteur qui ensemence mille acres aujourd'hui, en Saskatchewan, devra assumer des coûts de transport et de manutention de 45 000$ et ce, uniquement pour livrer son produit sur le marché.
Le vice-président (M. Comuzzi): Sur la base de quel rendement par acre?
M. Gleim: Vingt-cinq boisseaux par acre.
Le vice-président (M. Comuzzi): C'est-à-dire une tonne par acre?
M. Gleim: Oui, une tonne. Les coûts sont de 45$ la tonne. C'est ce que je dois déduire du chèque que je reçois lorsque je fais livrer un boisseau de grain. Et cela ne comprend pas les frais liés à l'infrastructure, c'est-à-dire les routes ou les ponts, le transport par camion ou les terminus. C'est le genre de choix que nous avons.
Les agriculteurs ont dû améliorer leur rendement à la fin des années quatre-vingt. Nos prix ont baissé de moitié et tout le reste a doublé. Selon nous, les compagnies de chemin de fer devraient devenir efficientes, et elles ne le deviendront pas si on leur paie 12 000$ du kilomètre pour abandonner une voie qu'elles souhaitent laisser tomber depuis 20 ans. Dans l'esprit des producteurs, 5 p. 100 des coûts...
Le vice-président (M. Comuzzi): Elles ne vont pas devenir efficientes si elles paient...
M. Gleim: Si le gouvernement les paie... ou si on leur verse... Selon l'étude du comité Robson, on va leur verser à perpétuité - pour toujours - toutes les économies qui pourront être réalisées, mis à part 10 000$.
Le vice-président (M. Comuzzi): Nous ne comprenons pas cela.
M. Gleim: Alors, nous vous donnerons des explications à la fin de la séance, d'accord?
Le vice-président (M. Comuzzi): D'accord.
Revenons un peu en arrière. En partant du principe que 25 boisseaux égalent une tonne, quels sont vos coûts par acre? Pourriez-vous refaire le calcul?
M. Gleim: Cela représente environ 1,30$ par boisseau.
M. Hallick: Cela fait 45$ par tonne en partant du principe que la production moyenne par acre est d'une tonne.
M. Gleim: Donc, si vous ensemencez 1 000 acres, il va falloir que vous déboursiez 45 000$ pour livrer votre récolte sur le marché.
Le vice-président (M. Comuzzi): Et le rendement de 1 000 acres est de...
M. Gleim: Le rendement est de 25 boisseaux de blé.
Le vice-président (M. Comuzzi): Vous avez déclaré que cela ne comprenait aucun...
M. Gleim: Cela ne comprend pas les coûts liés aux routes ou aux ponts ou encore au transport par camion ainsi qu'à la construction de nouveaux terminus intérieurs.
M. Hallick: Cela sert uniquement à financer le transport du produit jusqu'au port d'exportation.
M. Gleim: C'est probablement ce qu'il faut compter pour une récolte de 30 boisseaux.
Si l'on prend en compte les prix pratiqués par les camionneurs à l'emploi des douanes, plus la disparition des tarifs d'encouragement, nous allons payer...
Le vice-président (M. Comuzzi): Un instant, s'il vous plaît. Cela ne comprend pas les frais liés au réseau routier. Quels sont les autres frais qui ne sont pas couverts?
M. Gleim: Cela n'inclut pas les frais d'entretien des routes ou des ponts. Cela n'inclut pas les nouveaux camions dont nous allons avoir besoin. Lorsque vous commencez à transporter des marchandises sur des distances de 100 milles, ce n'est pas un camion de trois tonnes qu'il vous faut. Certaines des discussions que nous avons eues avec les compagnies céréalières... On va construire 300 terminus intérieurs en Saskatchewan. Il va y en avoir deux au lieu d'un, quel gaspillage!
Le vice-président (M. Comuzzi): Faisons le lien avec ce que l'on vous paie pour un boisseau de blé. Quel est le prix à l'exportation?
M. Gleim: Aujourd'hui? C'est difficile à dire.
M. Hallick: J'ai livré du blé dur l'autre jour et j'en ai tiré 4,42$ le boisseau.
M. Gleim: Il y a un an, c'était moitié moins.
Le vice-président (M. Comuzzi): Donc, en comptant tout, les frais de transport s'établissent à environ 35 p. 100?
M. Gleim: Oui, probablement 35 p. 100.
M. Althouse: ...[Inaudible - Éditeur] ...environ 55 p. 100.
Le vice-président (M. Comuzzi): Cela devient presque aussi cher que pour le charbon.
M. Althouse: L'année d'avant, le pourcentage était encore plus élevé, 70 p. 100, je pense.
Le vice-président (M. Comuzzi): J'ai toujours dit que si les expéditeurs voulaient vivre aux crochets des agriculteurs, ils feraient mieux de commencer à travailler comme les agriculteurs.
M. Gleim: C'est ce que nous leur avons dit.
Permettez-moi de continuer. Pour placer les déficits auxquels font face les compagnies ferroviaires en contexte, les embranchements représentent 5 p. 100 de leurs coûts. En Saskatchewan, c'est essentiellement tout ce dont nous entendons parler. Nous savons tous que certains embranchements vont disparaître. Les coûts de main-d'oeuvre représentent 49 p. 100 des frais des compagnies ferroviaires, mais on n'entend pas parler de cela. Selon nous, pour qu'elles deviennent efficientes, il va falloir qu'on les oblige à l'être. Elles ne vont pas le faire d'elles-mêmes et quelqu'un va devoir leur forcer la main.
En conclusion, j'aimerais ajouter que la LTC, telle qu'elle est rédigée actuellement, ne serait probablement pas acceptable. Il est absolument essentiel que l'arbitrage soit un des principes clés de la loi car, étant donné que les expéditeurs et les transporteurs vont avoir à faire face à de nouvelles conditions, il ne fait aucun doute que cela va générer des incertitudes et, éventuellement, des différends qu'il faudra résoudre par le biais de l'arbitrage et de la médiation.
En terminant, je tiens à remercier le Comité permanent des transports et à vous demander de considérer sérieusement les amendements que nous recommandons. Nous sommes convaincus que ces amendements équilibreront les dispositions qui s'appliquent aux expéditeurs et aux transporteurs.
Nous vous remercions à nouveau de nous avoir invités et nous serons heureux d'apporter des précisions ou de répondre à vos questions.
Le vice-président (M. Comuzzi): Merci.
Monsieur Chatters.
M. Chatters: Je n'ai pas vraiment de questions à vous poser, mais je tiens à vous dire que j'appuie votre position sur bien des points. Je doute fort que les compagnies ferroviaires soient prêtes à faire ce qu'il faut pour combler leur déficit, et que les chemins de fer d'intérêt local puissent réaliser des profits que n'ont pu dégager les compagnies ferroviaires nationales à cause de leurs pratiques syndicales et même patronales. J'appuie tout à fait vos déclarations; je pense que vous avez raison. Les uns après les autres, les expéditeurs nous signalent qu'un grand nombre des articles dont vous avez parlé les préoccupent.
Le vice-président (M. Comuzzi): Madame Terrana.
Mme Terrana: Bonsoir. Excusez-nous de vous entendre à une heure aussi tardive.
J'ai deux ou trois questions. Il y en une qui porte sur les droits du successeur. J'ai demandé au ministre si les droits du successeur constituaient un obstacle. Il pense qu'une seule ligne a été vendue et je lui ai fait remarquer que, dans ce cas, cela pourrait fort bien constituer un obstacle. Pensez-vous que les droits du successeur empêchent la vente des voies secondaires? Vous vous plaignez du coût de la main-d'oeuvre, et vous avez probablement discuté de cela auparavant. Que pensez-vous des droits du successeur?
M. Gleim: Eh bien, de fait, nous en avons parlé avec RailTex. Des représentants de cette compagnie sont venus et je ne sais pas s'il y avait des lignes qui les intéressaient, mais ils ont dit que si la question des droits du successeur n'était pas réglée, ils ne toucheraient probablement à aucune ligne. Entre temps, nous avons parlé à Doug Anguish, le ministre du Travail de la Saskatchewan, ainsi qu'à Andy Renaud, et nous sommes en train d'organiser une réunion pour la fin du mois avec le Premier ministre pour examiner cette question.
Nous avons également parlé à un certain nombre de syndicats. Il y en a deux ou trois qui nous appuient. Ils réalisent que si la question n'est pas réglée, les emplois risquent, de toutes façons, de disparaître. C'est un cap qu'il ne sera pas facile de franchir, mais tout espoir n'est pas perdu. Les syndicats se rendent compte que s'ils ne règlent pas la question des droits du successeur, les chemins de fer d'intérêt local ne représenteront pas une solution envisageable en Saskatchewan. Je ne vois pas comment ils pourraient éviter de ne pas régler cette question.
Mme Terrana: Ma deuxième question porte sur le grain. Il me semble que vous faites transporter votre grain par camion. Est-ce pour le livrer au silo le plus proche ou plus loin? Si vous le faites transporter plus loin, pourquoi utilisez-vous ce moyen de transport?
M. Hallick: C'est une question de rentabilité. L'autre jour, j'ai fait une expédition de grain par train B sur une distance de 200 milles, et j'ai gagné un peu plus de 1$ le boisseau à cause de la qualité du grain et de sa teneur en protéine.
Le grain voyage dans toute la Saskatchewan. Une fois qu'un train B est chargé, il n'est pas du tout garanti que sa destination est le silo le plus proche. Ce n'est pas du tout ce qui se passe ni ce qui se passera. Les producteurs eux-mêmes ne savent pas où ce train va se retrouver la semaine prochaine. Tout dépend des tarifs d'encouragement offerts par une compagnie, des commandes qui lui sont passées, etc. Il y a toutes sortes de stimulants qui s'appliquent au transport du grain et il circule partout et sur de très longues distances.
M. Gleim: J'ai une observation à faire à ce propos. Dans le Sud-Ouest de la Saskatchewan, 49 municipalités rurales se sont réunies, afin d'essayer d'élaborer un plan pour faire face aux changements qui se dessinent à l'horizon.
Nous avons interviewé un exploitant de silos de la région qui possède probablement la plus grosse entreprise de la Saskatchewan. Il a un grand nombre de silos - je ne sais pas exactement combien, mais je crois qu'il en a une cinquantaine. Il pense qu'il n'y aura plus d'embranchements. Il conservera ses silos pour entreposer le grain à l'époque de la récolte, et il le transportera ensuite par camion là où il doit être livré. Nous ne savons pas quelle sera la destination de ce grain, et lui non plus.
Même à l'heure actuelle, lorsque vous faites transporter du grain jusqu'aux lignes principales, les compagnies ferroviaires l'expédient par camion sur des distances de 100 milles et plus pour l'entreposer dans leurs gros terminus intérieurs. Au cours des deux dernières années, on a transporté plus de grain par camion que jamais. C'est comme cela partout. Cela n'a ni rime ni raison. Nous essayons d'élaborer un plan pour l'avenir, mais nous ne savons pas comment nous allons nous y prendre.
Mme Terrana: Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. Comuzzi): Monsieur Hubbard.
M. Hubbard: Je vais être bref. Nous avons entendu aujourd'hui un certain nombre de groupes de l'Ouest canadien mais, d'après ce que je comprends, c'est en Saskatchewan que les taxes d'accise sur le carburant qui frappent les compagnies ferroviaires sont les plus élevées, par comparaison avec toutes les autres provinces canadiennes. Nous nous préoccupons également de l'impact probablement très négatif du recours au transport routier sur les municipalités et les routes de votre région.
J'ai posé une question tout à l'heure sur l'acquisition de lignes de chemin de fer par les divers niveaux de gouvernement. Premièrement, est-ce que l'un ou l'autre des groupes que vous représentez a examiné le problème de la taxation? Deuxièmement, avez-vous envisagé la possibilité de créer des coentreprises afin d'acquérir des lignes de chemin de fer? Ce genre d'accord pourrait fort bien ne pas vous obliger à exploiter conjointement les lignes, mais se limiter à la copropriété et à l'établissement en commun des droits d'utilisation.
M. Gleim: Nous n'avons pas exploré cela à fond mais, croyez-moi, il y a dans la région de nombreuses associations de producteurs et des municipalités qui veulent examiner les chiffres de près. Si nous abandonnons telle ligne, quelle quantité de grain va devoir transiter par certaines routes? Vers quelle destination? Le problème, c'est que nous ne savons pas quelle est la destination du grain. Un jour, on le transporte dans une direction et le lendemain, à cause d'un tarif d'encouragement, il part dans la direction opposée. Nous avons parlé à Burlington Northern et à Columbia Grain International, deux compagnies américaines. Elles sont intéressées à acquérir éventuellement certaines de ces lignes pour expédier le grain vers le Sud.
Les municipalités voudraient bien savoir si cela coûterait moins cher de conserver tel ou tel embranchement que d'entretenir les routes. À mon avis, on pourrait arriver à les convaincre d'acheter l'embranchement. Mais je ne pense pas que c'est ce qu'elles choisiraient de faire en premier. Elles préféreraient, de loin, que ce soit le secteur privé qui s'en charge. Au bout du compte, c'est une question de finances car, si elles doivent dépenser un million de dollars pour refaire une route ou si, pour en améliorer la qualité, elles doivent payer 80 000$ du kilomètre, les municipalités vont peut-être juger qu'il est dans leur meilleur intérêt d'acheter l'embranchement.
M. Hubbard: Je viens du Nouveau-Brunswick. Dans les provinces atlantiques, le transport des marchandises s'effectue surtout par la route. Une des raisons pour lesquelles il en est ainsi est que nous expédions surtout des marchandises spécialisées. Nous avons des usines de pâte à papier dont les produits sont de différentes qualités. Elles trouvent beaucoup plus rentable d'expédier leurs produits par camion en chargements de 40 ou 50 tonnes que d'essayer de remplir un wagon de chemin de fer.
Avez-vous le même problème dans l'Ouest avec vos cultures spéciales, vos différentes qualités de grain, etc.? Les compagnies ferroviaires pensent peut-être qu'elles vont avoir à faire face à une situation très difficile, parce que les expéditions risquent de ne pas être aussi importantes qu'elles l'étaient. Allez-vous continuer à produire assez de blé pour charger cinq trains ou cinq wagons? Lorsque vous cherchez à établir la rentabilité des moyens de transport, est-ce que les cultures spéciales constituent un facteur qui entre définitivement en ligne de compte?
M. Hallick: Je pense que les cultures spéciales constituent une part très importante des chargements transportés par rail, particulièrement en Saskatchewan. Les quantités des différents types de produits entrant dans cette catégorie, par exemple, les légumineuses à grain, sont suffisantes.
Nous avons entendu les trois ministres déclarer craindre que les quantités de marchandises transportées par chemin de fer baissent au cours des cinq prochaines années. Peut-être est-ce vrai au Manitoba mais, si l'on se place du point de vue d'un producteur de la Saskatchewan, il semble que les choses ne vont pas évoluer aussi vite. Je pense que les changements se feront beaucoup plus tard. Peut-être est-ce un peu paradoxal mais, étant donné que le prix du blé a augmenté, il se peut qu'à court terme, la diversification soit freinée parce qu'il est plus rentable de vendre du blé. De fait, cela peut ralentir la diversification sous toutes ses formes. Cela génère beaucoup d'activités en Saskatchewan, mais je ne pense pas que dans notre province, cela va prendre de l'expansion dans le proche avenir.
M. Gleim: Permettez-moi de faire une observation à propos des cinq chargements de grain dont vous venez de parler. J'aurais bien voulu intervenir lorsque M. West était ici; enfin, je peux toujours dire maintenant ce que je pense. Il a déclaré qu'abandonner les embranchements et construire des terminus intérieurs était la solution qu'il fallait adopter. Mais en faisant cela, on répercute les coûts ailleurs. De notre point de vue, dans les régions rurales de la Saskatchewan, il faut considérer les choses dans leur ensemble. En Saskatchewan, s'il y a cinq ou dix silos sur un embranchement, il faut d'abord faire venir les stocks de la ferme.
Les agriculteurs de la Saskatchewan disposent de toutes les installations d'entreposage dont ils ont besoin. Il n'est pas nécessaire de construire des terminus intérieurs. Nous avons parlé de cela à la Commission canadienne du blé et on nous a répondu que, oui, il était possible de faire l'inventaire de la production. Lorsqu'un navire vient embarquer du grain roux de printemps de l'Ouest canadien de calibre 13,5 et de première catégorie, la Commission sait où l'on a récolté dans les Prairies chaque boisseau du grain en question. Elle peut demander qu'on le lui livre, et ce grain est alors expédié au silo. Au lieu d'être plein de grain de vingt catégories différentes, le silo est plein de grain roux de printemps de l'Ouest canadien de calibre 13,5 et de catégorie numéro un. Il est chargé dans des wagons à partir de chaque silo et l'expédition est chose faite.
Nous avons parlé à M. West lorsqu'il est sorti de la salle. Nous lui avons dit qu'il peut y avoir un tarif d'encouragement qui s'applique à l'embranchement qu'il veut abandonner. Peut-être ne servira-t-il que deux fois par mois parce que, étant donné la façon dont on achète le grain aujourd'hui, il se peut qu'il n'y ait plus que 30 rames à charger au lieu de 200, comme c'est le cas aujourd'hui.
Il faut changer complètement la façon dont on procède pour acheter du grain, et les agriculteurs doivent modifier les méthodes qu'ils utilisent pour le vendre. Si nous avions été en mesure de faire cela il y a environ quatre ans, je ne pense pas que nous nous retrouverions avec les problèmes d'embranchements et de terminus intérieurs auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui. Nous avons un système qui fonctionne et qui est payé, mais on envisage de le démanteler et de dépenser des milliards de dollars pour tout reprendre à zéro.
Le vice-président (M. Comuzzi): Si vous en avez terminé, monsieur Hubbard, je vais donner la parole à M. Althouse.
M. Hubbard: Oui.
Le vice-président (M. Comuzzi): Merci.
M. Althouse: Une précision, aux fins du compte rendu: vous avez mentionné le prix des routes municipales. Vous avez parlé de 80 000$ au kilomètre. Je présume que c'est pour une route répondant aux normes voulues pour que les plus gros poids lourds puissent circuler, c'est bien cela?
M. Gleim: Ce sont les frais qu'il faut engager pour passer à la norme de qualité supérieure sur l'échelle. Pour celle qui existe à l'heure actuelle, le prix est de 30 000$ au kilomètre et la route peut supporter des poids de 75 000 livres, ce qui est la norme pour la plupart de nos routes municipales. Pour passer au degré au-dessus et avoir une route qui peut supporter des poids de 120 000 livres, il faut améliorer le soubassement. Et dans ce cas, il est plus simple de construire une nouvelle route que de démolir celle qui existe et de tout recommencer à zéro. C'est la meilleure solution.
M. Althouse: C'est qu'autrement, il y a deux fois plus de travail à faire.
M. Gleim: C'est la situation difficile dans laquelle nous nous trouvons. En passant, cela ne vous donne qu'une route de gravier. Pour mettre un revêtement, il faut compter au moins deux fois plus.
M. Althouse: Et ces routes servent pendant combien de mois de l'année? Je sais que cela varie d'une région à l'autre.
J'habite le Nord-Est. Au printemps dernier, les autobus scolaires n'ont pas pu circuler pendant six semaines. Beaucoup d'entre nous habitons le long de routes de section, et ce n'est qu'à cheval que nous avons pu sortir. Autrement dit, les normes de qualité ne sont pas très élevées.
M. Gleim: Un des problèmes liés au changement de système, c'est qu'il y a un grand nombre de camionneurs qui sont disponibles - comment dit-on déjà, à contrat? Ce qu'ils veulent, c'est gagner de l'argent. Même si la route est humide, ils disent à l'agriculteur: «On y va». Ils ont un camion de 100 000$ à amortir et ce qu'ils veulent, c'est faire bouger ce grain. Ils conduisent à 60 ou 70 milles à l'heure sur des routes de gravier, et ils sont nombreux. Ils sont là pour faire de l'argent.
Le vice-président (M. Comuzzi): Vous parlez de routes humides: quelle est l'importance de ce détail?
M. Gleim: Si une route de section est légèrement humide, la dernière chose à faire est d'y faire circuler un semi-remorque chargé, car cela va laisser des ornières de deux ou trois pouces.
Le vice-président (M. Comuzzi): Ah, je vois.
M. Gleim: Dans la région du Nord-Ouest, il y a des semi-remorques qui sont restés embourbés. Impossible d'avancer. Les ornières étaient profondes. Voilà ce qui se passe.
M. Althouse: Monsieur le président, sur les routes bitumées, on trouve des ornières d'un pied de profondeur. Lorsqu'il pleut, elles se remplissent d'eau. De temps en temps, les services de voirie essaient de les combler. Éventuellement, après que le trou a été comblé trois ou quatre fois, l'ornière ne se reforme plus, mais rien ne permet de prévoir ce qui va se passer si quelqu'un passe par là. C'est la façon dont nous avons procédé depuis quarante ans. On ne peut pas prévoir ce qui peut arriver si quelqu'un passe par là.
M. Chatters: Monsieur le président, les témoins ont soulevé une question qui était très complexe. Ils ont promis de revenir là-dessus et de nous donner une explication.
M. Hallick: Pour ce qui est de la formule incluant la somme de 10 000$, nous estimons qu'elle est très généreuse pour quelqu'un...
Le vice-président (M. Comuzzi): Je ne sais pas de quoi vous parlez.
Une voix: Lorsque les compagnies ferroviaires abandonnent aujourd'hui un embranchement...
M. Hallick: Cela a trait au tarif-marchandises dont il est question à l'article 150.
Le vice-président (M. Comuzzi): De quelle loi?
M. Hallick: De la législation dont nous parlons, le projet de loi C-101.
Le vice-président (M. Comuzzi): Expliquez-nous ce dont il s'agit. Est-ce que quelqu'un le sait?
M. Gleim: D'après ce que nous croyons comprendre, si les coûts s'élèvent à 24 000$ par mille, les agriculteurs reçoivent les premiers 10 000$ ou bien cette somme est reversée aux producteurs, et les compagnies de chemin de fer reçoivent le reste une fois que la ligne est abandonnée.
M. Hallick: C'est à cela que revient la formule que l'on trouve à l'article 150.
M. David Cuthbertson (recherchiste du comité): Il s'agit des avantages que retirent les compagnies ferroviaires de l'abandon d'une ligne, n'est-ce pas? Vous parlez bien de la réduction des coûts?
M. Gleim: Oui. Nous obtenons une réduction des coûts qui se chiffre à 10 000$, et les compagnies de chemin de fer conservent le reste des économies réalisées grâce à cette réduction.
M. Cuthbertson: C'est la formule qui est appliquée à l'heure actuelle. Lorsqu'une ligne est abandonnée, il va y avoir une réduction des coûts, les avantages qui en découlent vont être répartis entre les agriculteurs et les compagnies de chemin de fer.
M. Hallick: C'est cette répartition que nous n'acceptons pas.
Le vice-président (M. Comuzzi): Qui paie? La compagnie ferroviaire?
M. Cuthbertson: La réduction des coûts, les économies ainsi réalisées, se répercutent sur le tarif.
Le vice-président (M. Comuzzi): Les 10 000$ en question reviennent aux clients ou aux agriculteurs qui résident le long de l'embranchement.
M. Gleim: Non, cela revient à tous ceux qui utilisent les services de la Commission canadienne du blé.
M. Hallick: Les producteurs ou les expéditeurs ne récupèrent que moins de 50 p. 100 des économies provenant de l'abandon de cette ligne; le reste va aux chemins de fer. À notre avis, étant donné que ce sont les expéditeurs qui sont le plus touchés parce qu'ils devront absorber les frais de transport ainsi que les frais d'entretien des routes, les compagnies ferroviaires sont certainement très bien payées alors qu'elles cessent de fournir un service. C'est la même chose que si je louais des locaux qui vous appartiennent pour pouvoir exercer une activité commerciale. Vous me dites que vous ne pouvez plus vous permettre de me loger, mais vous pouvez continuer à financer 60 p. 100 du prix du loyer à perpétuité.
Le vice-président (M. Comuzzi): Qui paie ces 25 000$?
M. Hallick: Le gouvernement.
M. Gleim: Par le biais du tarif-marchandises, je suppose.
M. Hallick: Effectivement, par le biais du tarif-marchandises.
M. Gleim: Le tarif-marchandises n'est réduit que de 10 000$. Le reste des économies qui sont réalisées, soit 12 500$, n'est jamais pris en compte.
M. Hallick: Les compagnies ferroviaires tirent profit du système d'établissement des tarifs-marchandises.
Le vice-président (M. Comuzzi): Je ne veux pas vous retarder, mais je vous remercie d'avoir attiré notre attention sur ce point. Je viens de demander à David Christopher de rédiger une note de service afin de nous expliquer cela plus précisément.
Y a-t-il d'autres questions? J'en ai une. Combien y a-t-il de petits agriculteurs en Saskatchewan qui gagnent environ 45 000 ou 50 000$ par an?
M. Hallick: Brut ou net?
Le vice-président (M. Comuzzi): En bout de ligne, combien avez-vous en poche?
M. Hallick: Je pense qu'au cours des cinq dernières années, tous les agriculteurs de la Saskatchewan vivaient en-dessous du seuil de pauvreté. La rémunération nette s'élevait à 20 000$ ou moins.
M. Gleim: Pour vous donner un exemple, mes activités se divisent entre la culture du grain et l'élevage. On ne peut pas dire que je gagne grand-chose avec mon grain. Le prix de l'engrais est passé de 330$ à 450$ la tonne; je n'ai pas mis d'engrais cette année. J'aurais dû, mais j'ai essuyé des pertes deux ans de suite: une année à cause du gel et l'autre, à cause de la grêle. Il faut assumer et prendre les décisions qui s'imposent.
Si le prix du blé augmente, à court terme, tant que la tendance se maintiendra, cela se traduira par un bénéfice. Toutefois, au cours des cinq dernières années, comme l'a souligné Jim, la culture du grain n'a rien rapporté. Si tout ce que vous possédez est payé et si vous n'avez pas de dettes, c'est une chose, mais si vous devez de l'argent, comme la plupart d'entre nous...
Le vice-président (M. Comuzzi): Voilà où je veux vraiment en venir: quel est le niveau de vie d'un agriculteur, par comparaison avec celui d'un employé de chemin de fer?
M. Gleim: J'ai trois enfants âgés de 10, 13 et 17 ans. Le plus vieux peut faire fonctionner toutes mes machines agricoles. Ce n'est pas parce que c'est ce que je voudrais qu'il fasse, c'est parce que nous n'avons pas les moyens d'embaucher quelqu'un pour nous aider.
C'est la situation dans laquelle se trouvent tous les gens de mon âge ou plus jeunes que je connais. Les gars de 60 ans que je connais et qui n'étaient pas endettés il y a 20 ans s'en tirent tout à fait bien. Mais il ne s'agit pas de la génération pour laquelle nous essayons d'élaborer le projet de loi C-101.
Si vous cherchez à faire des comparaisons, il y a dans la ville de Chaplin une mine qui marche assez bien. Le salaire moyen se situe autour de 40 000$. Ils s'en tirent mieux que nous.
Le vice-président (M. Comuzzi): Les employés de chemin de fer?
M. Gleim: Oui.
Le vice-président (M. Comuzzi): Et pourtant, ils dépendent de... S'il n'y avait pas de grain à expédier - le fruit du labeur de l'agriculteur - il n'y aurait pas de compagnies ferroviaires, n'est-ce pas?
M. Gleim: C'est exact. Beaucoup d'entre nous fonctionnent comme les gouvernements. Les agriculteurs doivent financer leur déficit. Ils survivent grâce à un prêt d'exploitation, ils font jouer la dépréciation. Il y a quinze ans, j'avais 75 000$ à la banque que je gardais pour ma retraite; aujourd'hui, je n'ai rien. Ce n'est pas parce que j'ai dépensé trop d'argent. Ou plutôt, si, mais cela m'a servi de leçon.
Le vice-président (M. Comuzzi): Si votre fils de 17 ans cherchait du travail, vous souhaiteriez donc par-dessus tout qu'il puisse être embauché par les chemins de fer.
M. Gleim: Bien des jeunes trouvent un emploi dans les compagnies céréalières, et c'est très bien.
Le vice-président (M. Comuzzi): Est-ce que c'est mieux que d'être agriculteur?
M. Gleim: Oui, mais ce qui est drôle, c'est qu'ils veulent avoir une ferme.
Le vice-président (M. Comuzzi): Oui, je comprends cela. Mais je ne plaisantais pas lorsque j'ai dit plus tôt que si l'on veut vivre au crochet des agriculteurs, il faut commencer à travailler aussi fort qu'eux. Il faut qu'il y ait une certaine équité.
Chaque fois que l'on touche au grain, cela affecte les coûts d'expédition à la clientèle. Cela représente 35 p. 100 et peut même aller jusqu'à 40 p. 100, tout dépendant du prix. Parfois, ce pourcentage est encore plus élevé, et c'est vous qui sortez perdant.
Je ne veux pas vous faire dire quoi que ce soit, mais est-ce cela...
M. Gleim: Nous avons discuté avec beaucoup de syndicats. La semaine dernière, nous avons participé à une réunion avec le Conseil des grains.
Nous avons fait certaines observations. Henry Cancs lui-même a dit que le salaire moyen sur la côte Ouest était de 100 000$ par an, y compris les avantages sociaux.
Qu'on me donne donc un de ces emplois-là! De fait, même si on coupait cette somme en deux et si on se débarrassait de tous ces gens-là, tous les agriculteurs que je connais seraient prêts à aller travailler là-bas.
Cela n'est pas si facile car le coût de la vie à Vancouver est beaucoup plus élevé qu'ici.
Le vice-président (M. Comuzzi): Disons que vous faites transporter votre grain jusqu'au port de Mme Terrana. Le pilote qui prend ensuite la barre du bateau pour lui faire franchir un chenal, par exemple, gagne plus de 200 000$ par an.
Merci beaucoup. Merci, monsieur Hallick. C'était très intéressant et je tiens à vous complimenter. Votre mémoire est excellent.
Monsieur Gratwick, je vous souhaite la bienvenue. Je vous ai entendu parler à David Cuthbertson il y a quelques minutes. Je vous prie de nous excuser de vous recevoir à une heure aussi tardive. Même si tous les membres du comité ne sont pas présents, vous avez décidé de faire quand même votre présentation. Vous avez dit à David que vous avez déjà participé bien des fois à ce genre de séances, et que vous étiez prêt à témoigner. Je vous en remercie. M. Jeans n'a pas participé aussi souvent que vous à ce genre de séances.
M. John Gratwick (président, Halifax-Dartmouth Port Development Commission): Je suis président de la Halifax-Dartmouth Port Development Commission établie par la province et les municipalités situées dans les environs du port. Les remarques que nous allons faire aujourd'hui ont un caractère chauvin dans la mesure où nous avons examiné le projet de loi C-101 en nous plaçant dans la perspective du port de Halifax. Cela signifie que nous allons nous concentrer sur la desserte ferroviaire, car le port de Halifax ne peut exister s'il ne peut compter sur un service ferroviaire de qualité.
À l'heure actuelle, Halifax est desservie par une seule compagnie ferroviaire. Ce qui nous préoccupe donc avant tout, c'est qu'il y ait au moins une compagnie de chemin de fer qui assure la liaison avec Halifax; par ailleurs, si une seule compagnie assure cette liaison, nous nous demandons comment nous pouvons bénéficier, à Halifax, d'un service ferroviaire concurrentiel.
Nous recommandons que la loi protège de l'abandon en vertu de la section 5 un réseau ferroviaire essentiel, même si cela se limite à reconnaître ce qui pourrait constituer un réseau ferroviaire national, car si un tel réseau est défini, nous espérons qu'Halifax en fera partie. Étant donné les remous qu'entraîneront l'adoption de cette législation ainsi que la privatisation du CN, l'avenir n'est pas du tout assuré et il serait réconfortant de savoir qu'Halifax pourra compter sur une liaison ferroviaire.
Nous nous demandons par ailleurs comment Halifax pourrait bénéficier de services concurrentiels. Le projet de loi C-101 comporte certaines mesures de protection mais, à notre avis, il faut aller plus loin que cela. Pour qu'Halifax puisse bénéficier de services ferroviaires véritablement concurrentiels, il faudrait que la ligne puisse être utilisée conjointement par des transporteurs en concurrence pour desservir le port. Il pourrait s'agir d'entreprises intéressées à l'exploitation du port - des compagnies de transport maritime ou la société de port elle-même - qui pourraient exploiter le service spécialisé requis pour répondre aux besoins du port.
J'aimerais parler brièvement des dispositions de la loi destinées à favoriser un semblant de concurrence, c'est-à-dire les prix de ligne concurrentiels. Il y a également les articles portant sur les droits de circulation et sur l'arbitrage. C'est presque comme si la loi comportait des articles portant précisément sur Halifax, qu'il s'agisse des dispositions sur les prix de ligne concurrentiels ou de celles qui concernent l'arbitrage. Normalement, les PLC ne s'appliquent pas au transport intermodal de remorques ou de conteneurs sur wagon plat. Cela est spécifiquement exclu.
Les PLC ne s'appliquent qu'au transport ferroviaire de marchandises d'importation ou d'exportation reçues ou expédiées. Dans ces conditions, on pourrait envisager que le transport de marchandises par conteneur puisse bénéficier d'un prix de ligne concurrentiel, mais il faut aussi que l'autre critère soit respecté - c'est-à-dire que la ligne locale soit exploitée par une seule compagnie. C'est l'exigence fondamentale pour que les dispositions concernant les PLC s'appliquent.
Halifax est le seul port du Canada desservi par une seule compagnie ferroviaire, et nous présumons donc que ces deux articles ont pour objet de nous rassurer quelque peu. Il est stipulé que l'arbitrage ne s'applique pas au transport intermodal - les remorques ou les conteneurs sur wagon plat - sauf dans le cas d'un port desservi par une seule compagnie de chemin de fer. Encore une fois, même si Halifax n'est pas nommée, les dispositions correspondent tellement bien à sa situation, qu'il n'y a qu'un port auquel elles peuvent s'appliquer. Je suppose que ces deux articles ont été élaborés pour qu'Halifax sache qu'il lui sera toujours possible d'avoir recours à des mécanismes favorisant une certaine concurrence.
Nous avons examiné ce processus en détail, notamment les PLC qui sembleraient, à première vue, constituer le mécanisme le plus propice à créer un semblant de concurrence. Comme vous le savez peut-être, les PLC ne sont pas chose commune dans le secteur du transport ferroviaire. Je pense que jusqu'ici, il n'y a eu que deux cas, et que ce sont deux compagnies de chemin de fer américaines assurant le transport de marchandises vers les États-Unis qui en ont profité. Il n'existe aucun accord de réciprocité et les compagnies américaines sont très heureuses de pouvoir profiter des avantages de notre législation. Le CN et le CP n'ont jamais voulu prendre cela en considération, et les dispositions de la loi actuelle leur permettent de rester sur leur position. Aucune de ces compagnies ne veut appliquer des dispositions allant à l'encontre de son intérêt respectif car cela précipiterait encore davantage leur chute et n'aurait aucun objet.
Sur le plan concret, les PLC ont été utilisés par des expéditeurs canadiens comme monnaie d'échange lorsqu'il s'agissait de négocier des tarifs avec les compagnies ferroviaires. Il est difficile de dire si cela a eu un résultat positif ou non car, de nos jours, ces négociations aboutissent à l'établissement d'un tarif confidentiel qui ne peut être remis en question et qui est tenu secret. Par conséquent, personne ne sait vraiment si cela a donné de bons résultats; toutefois, à mon avis, les expéditeurs estiment que la menace que représentent les PLC leur a permis d'avoir gain de cause sur certains points.
Pour Halifax - et nous avons examiné certains cas particuliers où cela pourrait être appliqué chez nous - le problème c'est qu'un PLC n'offre aucun avantage sur le plan des coûts et que, sur le plan du service, essayer d'en obtenir un peut être un désavantage. Les PLC sont un moyen de s'attaquer à la question du prix, du tarif; mais cela ne touche pas la qualité du service, et c'est un mécanisme qui ne permet pas d'instaurer un service compétitif.
À cet égard, je dirais qu'en ce qui concerne le transport par conteneurs, il est aussi important d'obtenir un service de grande qualité, suivi et régulier, qu'un prix aussi bas que possible. De fait, le prix demandé pour un tel service est déjà probablement plus élevé que celui qui s'appliquerait à un service minimal de transport ferroviaire de conteneurs car les expéditeurs requièrent un niveau de service qui va coûter un peu plus cher. Par conséquent, ce n'est pas une monnaie d'échange utile en ce qui concerne les clients, les expéditeurs, qui assure le transport des marchandises transitant par Halifax.
Dans une certaine mesure, les mêmes remarques s'appliquent à l'arbitrage, auquel on a rarement eu recours, bien que le mécanisme existe depuis des années. Il ne semble pas que cela puisse s'appliquer de façon concrète, sinon lorsque les expéditeurs essaient de faire de vagues menaces à l'endroit des compagnies de chemin de fer.
Si c'est la seule chose que nous avons à offrir, peut-être devrait-on le dire plus clairement. De notre point de vue, aucun des deux mécanismes n'a véritablement d'utilité. De fait, en ce qui concerne Halifax, la seule façon de résoudre le problème est de trouver un moyen d'attirer à Halifax des exploitants de compagnies de chemin de fer concurrents - c'est-à-dire la ou les compagnies ferroviaires existantes et toute autre entreprise qui souhaiterait intervenir sur ce marché.
L'établissement d'un chemin de fer d'intérêt local pourrait être une autre solution à considérer. Encore une fois, le problème c'est que la voie secondaire qui part d'Halifax est assez longue. De fait, elle traverse deux provinces; pour rejoindre Montréal, c'est même trois provinces qu'il faut traverser. Cela voudrait donc dire regrouper trois voies secondaires qui, d'une façon ou d'une autre, seraient en mesure d'offrir un service continu sans transfert. Je ne pense pas que cela soit même légal, en vertu des dispositions qui s'appliquent actuellement aux voies secondaires. Il faut qu'il y ait un échange de wagons, un transfert quelconque entre les compagnies. Donc, même si les voies secondaires ont un intérêt local et si leur rendement est et resterait très intéressant, de notre point de vue, elles seraient certainement...
L'exploitant d'un chemin de fer d'intérêt local qui se consacrerait au transport de conteneurs au départ et à destination d'Halifax s'intéresserait certainement de très près à cette activité et chercherait à la développer en procédant exactement comme nous le souhaitons. Toutefois, nous ne voyons pas comment cela peut être possible dans le cadre des arrangements qui existent à l'heure actuelle. En toute franchise, je crois que ce projet de loi est trop avancé pour que l'on puisse envisager le modifier de façon radicale, et, à notre avis, l'idée d'avoir une emprise à usage commun est la seule solution possible non seulement à notre problème particulier mais, je pense, aux problèmes beaucoup plus importants auxquels les compagnies de chemin de fer vont devoir faire face.
Tout ce que nous pouvons faire, c'est demander deux choses.
Peut-être est-il possible de donner plus de portée aux articles sur les droits de circulation et l'usage commun des voies qui n'ont pas vraiment été modifiés par rapport à ce qui existait dans la loi précédente. Tel qu'il est actuellement, le texte ne s'applique vraiment qu'à des arrangements réciproques entre le CN et le CP, lorsque l'utilisation de leurs voies respectives par l'autre compagnie sert leurs intérêts. Mais c'est un processus qui n'autorise personne d'autre à en profiter. Bien entendu, étant donné que la mesure législative ne s'applique qu'aux compagnies de chemin de fer réglementées par les autorités fédérales, cela ne concerne que le CN et le CP et c'est une disposition à laquelle ne peuvent avoir recours les exploitants de lignes sur courtes distances. Par conséquent, peut-être pourrait-on envisager élargir l'application de cette mesure. Je ne crois pas avoir la formation juridique requise pour suggérer une autre façon de la modifier.
Bref, nous avons l'occasion de préparer l'avenir. Si l'idée d'une emprise à usage commun a quelque mérite, on pourrait en faire état dans l'article 5 du projet de loi, où l'on décrit l'objet de cette mesure législative, car on trouve là de nombreuses déclarations inattaquables auxquelles on ne prête pas véritablement attention, mais qui étaient déjà incluses dans les deux lois précédentes et que l'on a gardées pratiquement telles quelles. À l'heure actuelle, on accorde peut-être un peu plus d'attention à certaines d'entre elles. Quoi qu'il en soit, c'est un article où il est approprié d'énoncer des idées et où il serait possible de définir l'orientation que l'on va suivre. Parallèlement, c'est une notion qui pourrait intéresser la commission d'examen dont il est question dans ce projet de loi. Je crois que cet examen est prévu dans cinq ans, alors qu'en ce qui concerne la loi actuellement en vigueur, l'examen a eu lieu au bout de quatre ans. J'ai fait partie de la commission d'examen, et je me rends compte que nombre des recommandations que nous avons faites ont servi à élaborer le projet de loi C-101. J'en suis très heureux.
Je pense que ce processus à deux volets pourrait être utilisé pour explorer une idée plus audacieuse: autoriser l'usage commun de toutes les voies ou de certaines d'entre elles. Cela ne devrait pas, à mon avis, concerner les chemins de fer d'intérêt local, mais uniquement le réseau de voies principales.
Si vous le permettez, j'aimerais faire une autre observation qui n'a pas strictement trait à la situation de Halifax, mais qui est d'ordre un peu plus général. Quand on pense à l'avenir, le véritable problème auquel nous faisons face en ce qui concerne les chemins de fer canadiens vient du fait que nous n'avons pas encore réussi à nous attaquer à ce qui distingue les compagnies ferroviaires des autres moyens de transport. Je veux dire que, dans la plupart des cas, les compagnies de transport disposent d'une infrastructure qui leur est fournie pour moins cher que le prix coûtant et que, dans tous les cas, elles n'ont pas à inclure dans leurs actifs les dépenses d'investissement consacrées à l'infrastructure, si bien que les entreprises privées doivent, au moins, rentabiliser quelque peu leurs actifs.
Le problème, c'est que l'on demande au CN et au CP de rentabiliser l'exploitation de leur emprise dans le cadre de l'ensemble de leurs activités. Même dans les secteurs que nous privatisons - par exemple, la voie maritime - nous ne cherchons à établir que des organismes à but non lucratif.
Nous ne suggérons pas la création d'organismes qui devraient être exploités... Bien entendu, dans la plupart des cas - je suppose que l'on pourrait remettre cela en question en ce qui concerne le réseau routier, mais certainement pas dans le cas de la voie maritime - nous ne recouvrons pas, par le biais des taxes, des péages et redevances diverses, une fraction du coût d'exploitation de l'infrastructure en question, et encore moins les contributions aux coûts d'investissement. Et pourtant, les compagnies ferroviaires sont tenues - du moins, c'est ce qu'elles sont censées faire - non seulement de maintenir et de développer leur infrastructure pour répondre aux besoins de la clientèle, mais également, pour satisfaire leurs actionnaires, de dégager des profits sur leurs investissements. On leur demande l'impossible. C'est la raison pour laquelle les prix qu'elles imposent vont toujours être plus élevés.
Il y a un deuxième problème qui découle de cela. Nous cherchons, par le biais de cette mesure législative, à leur permettre d'entreprendre plus facilement ce que l'on appelle une rationalisation - c'est-à-dire se débarrasser de voies qu'elles considèrent superflues par l'entremise d'exploitants de lignes sur courtes distances, etc. - mais on les pousse ainsi également à... Étant donné que la seule forme de concurrence qui existe entre les deux compagnies ne concerne que leur emprise respective, nous allons finir par avoir dans ce pays deux réseaux de lignes principales appartenant aux deux compagnies ferroviaires fédérales qui seront sous-utilisés en permanence. À l'heure actuelle, aux États-Unis, les voies sont utilisées en moyenne deux fois plus que chez nous et, par comparaison avec les lignes américaines les plus fréquentées, notre taux d'utilisation tombe à un quart ou un tiers.
Si l'on en juge par la quantité de lignes dont les compagnies ferroviaires veulent se débarrasser la prochaine fois qu'elles en auront l'occasion, on se rend compte - même si l'on s'en tient à la densité actuelle de circulation et si l'on ne prend pas en considération le trafic qu'elles vont perdre à cause de ces abandons - que le taux d'utilisation est loin d'être ce qu'il faudrait qu'il soit pour que ces compagnies soient rentables. Ce problème ne concerne pas uniquement les compagnies ferroviaires; je pense que cela concerne le pays tout entier.
J'aimerais bien pouvoir vous donner une solution facile. C'est la raison pour laquelle j'ai suggéré qu'il serait peut-être judicieux de reconnaître le problème et d'en référer simplement à la commission chargée du prochain examen de la législation. Peut-être est-ce la seule chose que nous puissions faire cette fois-ci.
Nous avons raté une belle occasion puisque, à ce que je sache, le CN va être vendu ce mois-ci. Nous avions l'occasion unique de nous acquitter d'un seul coup de la moitié de notre tâche, et le processus aurait probablement été beaucoup moins douloureux qu'il ne va l'être maintenant, face à un propriétaire du secteur privé - sans compter les difficultés que nous allons avoir pour lui faire lâcher prise et avoir accès aux voies.
Le vice-président (M. Comuzzi): Merci, monsieur Gratwick. Monsieur Chatters.
M. Chatters: C'était un exposé très intéressant. Comme je l'ai dit plus tôt, la notion de cette - comment avez-vous appelé cela, une voie de transport en commun?
M. Gratwick: Un chemin de fer d'utilisation commune, oui.
M. Chatters: L'idée d'avoir une emprise d'utilisation commune est intéressante. Elle a été proposée au comité chargé d'examiner la privatisation du CN. Nous en avons discuté brièvement, et il est clair que nous avons raté l'occasion qui nous était offerte. Toutefois, à mon avis, cela présente toujours beaucoup de problèmes.
Dans la conjoncture actuelle, je ne vois pas comment une entreprise privée investirait dans une emprise ferroviaire et accepterait de fournir des services d'un certain niveau, tout en étant assujettie à une étroite réglementation pour ce qui est des tarifs qu'elle serait autorisée à imposer aux utilisateurs. Je ne vois pas comment un investisseur privé pourrait accepter ce genre de conditions. La seule façon dont cela pourrait marcher, à mon avis, c'est que le gouvernement reste propriétaire de l'emprise, mais dans ce cas, il y a le problème de la bureaucratie et du manque de rentabilité des compagnies de chemin de fer auquel nous faisons face actuellement.
M. Gratwick: Je pense qu'on pourrait envisager une solution intermédiaire entre ce que prévoit actuellement le gouvernement fédéral dans le cas des infrastructures aéroportuaires et les mesures qu'on entend appliquer aux sociétés et aux voies maritimes ainsi qu'aux ports. On pense créer des sociétés privées, indépendantes du gouvernement et à but non lucratif. C'est ce que l'on entend faire avec les aéroports et ce que l'on propose pour la voie maritime, afin de transférer les compétences en la matière au niveau local. Autrement dit, l'organe dont nous parlons serait autorisé à percevoir des droits de péage auprès des utilisateurs ou accepterait certainement une aide locale si une province, ou même une municipalité, souhaitait raccorder une ligne et couvrir certains des coûts de l'emprise.
M. Chatters: Mais dans le cadre de ce que l'on pourrait appeler la privatisation de l'infrastructure aéroportuaire, les aéroports vont devenir la propriété de personnes ou d'entreprises dont l'activité aura un but lucratif, ou bien d'un autre palier de gouvernement. On n'envisage rien d'autre. Soit les municipalités se chargent de l'exploitation de l'aéroport, soit ce sont des entreprises à but lucratif qui s'en occupent.
M. Gratwick: Non, je ne pense pas. Si l'on considère le modèle adopté pour les ports qui, nous le savons, est celui qui semble être retenu en ce qui concerne Halifax et d'autres ports, les autorités gouvernementales parlent, sans aucun doute possible, d'instaurer une entreprise à but non lucratif dans le cadre de la Loi sur les compagnies. C'est une entreprise à but non lucratif qui louera les installations appartenant au gouvernement. Elle sera ensuite libre de les agrandir ou de les réduire, de faire des levées de fonds, de développer les infrastructures si elle le souhaite, et ses revenus proviendront des droits qu'elle percevra auprès des utilisateurs.
M. Chatters: Mais ce qui se passe le plus souvent, c'est que la municipalité se charge d'exploiter l'aéroport.
M. Gratwick: Ah, bon? Il y a eu beaucoup de...
M. Chatters: Elle agit par l'intermédiaire d'une administration aéroportuaire, évidemment, qui est l'organisme à but non lucratif dont vous parlez, mais derrière, il y a toujours un gouvernement.
M. Gratwick: Il y a beaucoup d'aéroports municipaux. Il y en a toujours eu et je suppose qu'il va y en avoir davantage maintenant que le gouvernement fédéral se débarrasse de ses aéroports de moindre envergure. Toutefois, les principaux aéroports, comme ceux qui ont déjà été transférés, Vancouver, par exemple, etc., deviennent en fait des entreprises à but non lucratif.
Le vice-président (M. Comuzzi): ...[Inaudible - Éditeur] ...monsieur Chatters.
M. Chatters: Eh bien, Edmonton serait mon...
M. Gratwick: Vous voulez parler de celui qui se trouve en ville?
M. Chatters: Oui, mais c'est la municipalité qui l'exploite. Il est exploité par la Edmonton Regional Airport Authority.
M. Cuthbertson: C'est vrai dans le cas de l'aéroport qui se trouve en ville.
M. Chatters: Oui, les deux aéroports sont exploités par l'administration aéroportuaire régionale.
M. Cuthbertson: Ce n'est pas la municipalité qui est responsable de l'aéroport international, c'est une administration aéroportuaire.
M. Chatters: Qui est placée sous l'autorité de la municipalité.
M. Cuthbertson: Non.
M. Chatters: Alors, c'est que j'ai confondu et si c'est le cas, j'aimerais avoir votre...
Le vice-président (M. Comuzzi): C'est parce qu'il y a deux aéroports à Edmonton. On ferait mieux de prendre comme exemple l'aéroport de Calgary qui est exploité à titre d'entreprise à but non lucratif par une administration aéroportuaire au sein de laquelle la municipalité est représentée, mais pas exclusivement. Je ne me trompe pas? Je vais demander à quelqu'un, là-bas, si c'est bien cela.
Une voix: Oui.
M. Chatters: D'accord, je m'excuse. Je me suis trompé, bien évidemment. Mais je suis d'accord. Je pense que c'est une idée intéressante que nous devrions examiner plus à fond, mais on va encore dans la mauvaise direction au Canada.
M. Gratwick: Il y a, bien sûr, un autre avantage énorme dont pourraient bénéficier les compagnies ferroviaires si elles le souhaitaient, même dans le cadre de leurs propres activités internes. Pendant des années - depuis qu'il y a des règlements les obligeant à fournir des données sur leurs coûts, etc. - ces compagnies ont traité l'infrastructure comme une dépense de base dont elles font ensuite la moyenne et qu'elles répartissent au prorata dans tous les secteurs d'activité. En réalité, si l'on voulait traiter intelligemment l'infrastructure, on imposerait des prix moins élevés en période de faible utilisation, et pour ce qui est du trafic en période de plus forte demande...
L'indice d'utilisation de la capacité par rapport au temps d'occupation est trois fois plus élevé dans le cas d'un train de passagers circulant à haute vitesse que dans le cas d'un train de marchandises, et les tarifs devraient refléter cela. Faire circuler un train transportant des marchandises en vrac, à petite vitesse, pendant les week-ends, ou quelque chose du genre, lorsqu'il n'y a personne sur la voie, devrait coûter moins cher. À l'heure actuelle, on ne fixe pas de façon intelligente le prix de l'infrastructure. Cela n'a jamais été le cas. De fait, je ne pense pas que les règlements le permettent, car l'établissement du tarif compensatoire, dont on fait toujours état dans la loi, se fait à l'aide d'une formule de calcul des coûts qui a été conçue en 1959 pour évaluer à combien devait s'élever la contribution des passagers. On utilise toujours cette formule pour décider si un transport de marchandises entre, ou non, dans le cadre de la loi. Nous avons beaucoup de retard.
Le vice-président (M. Comuzzi): Monsieur Hubbard.
M. Hubbard: Monsieur le président, vous voulez me donner la parole avant que les députés de l'Ouest s'intéressent tous à l'analyse de M. Gratwick. Elle a d'énormes incidences sur la vente des lignes dans l'Ouest.
Le vice-président (M. Comuzzi): La nationalisation des voies par l'entremise d'un quelconque organisme sans but lucratif, l'utilisation commune des voies et...
M. Chatters: Oui, je trouve qu'il s'agit d'une idée fascinante et positive sous bien des angles. Je n'ai pas entendu beaucoup de commentaires négatifs.
M. Hubbard: J'avais en tête plus particulièrement la façon dont on estime le coût de revient des voies; il y a celles qui sont utilisées dix ou quinze fois par an et celles qui sont empruntées deux fois par jour. Lorsqu'on examine les abandons, cela pourrait être un facteur à prendre en compte.
Le port de Halifax est desservi uniquement par le CN, et vous avez de très bonnes relations avec la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada.
M. Gratwick: Effectivement, nous avons de bonnes relations. Cela a pris du temps, mais nous sommes parvenus à établir de bonnes relations avec la compagnie. Toutefois, il faut dire que ces bonnes relations sont, dans une certaine mesure, dues au fait que c'est une société d'État qui n'aurait pas eu le front de partir ni de faire quoi que ce soit de scandaleux à notre égard, même si elle l'avait voulu. Autrement dit, elle a été pour ainsi dire contrainte, du fait de son statut de société d'État, à livrer la marchandise. Elle ne nous a pas apporté tout ce qu'elle aurait pu et ne nous a pas desservis aussi bien qu'elle le peut.
Cela dit, les innovations qui se sont avérées nécessaires pour satisfaire les besoins du port ne sont pas venues du CN; il a fallu compter sur le gouvernement provincial. Il a financé les wagons à conteneurs gerbés, sans lesquels nous n'aurions pas eu le service. Le CN disait que la région figurait tellement bas sur sa liste de priorités en matière d'immobilisations qu'il ne fallait pas compter sur quoi que ce soit. Que nous pouvions nous considérer chanceux d'avoir ce que nous avions déjà.
Le CN a ajouté: si vous souhaitez une amélioration du service, voilà ce qu'il vous en coûtera. Récemment, comme vous le savez, des discussions se sont tenues. Le CN a construit un nouveau tunnel à Sarnia, qui peut accommoder les wagons à conteneurs gerbés et permet maintenant aux conteneurs d'être acheminés de Halifax directement au Midwest américain. On gagne au moins 24 heures, par rapport à n'importe quel autre itinéraire. C'est très intéressant.
Le vice-président (M. Comuzzi): À cet égard, on nous a dit - vous me le confirmerez - qu'il est maintenant possible pour un wagon porte-conteneurs partant de Halifax d'atteindre le Midwest en moins de 48 heures.
M. Gratwick: En théorie, effectivement. Mais cela n'arrive pas tous les jours. Il serait ridicule de le prétendre, mais techniquement, c'est tout à fait possible. Notre problème actuellement est que le CN n'est pas vraiment intéressé par ce trafic, qui a progressé de 300 p. 100 - à partir de quasiment rien, il faut le reconnaître - depuis que le tunnel est opérationnel. Aujourd'hui, les difficultés viennent de la capacité dans d'autres secteurs du système du CN et des installations de manutention. Le CN a l'intention de construire de nouvelles installations à Chicago, mais ne s'engagera pas avant quelques années. Il demande donc que l'on ne cherche pas à développer ce trafic en ce moment car tout n'est pas encore prêt. Soit dit en passant, nous aimerions aussi de l'aide pour construire...
M. Hubbard: Par conséquent vous craignez que si le CN est privatisé, ce niveau de service... L'article 133 semble indiquer que s'il y a une plainte relative aux obligations en matière de service, vous pourrez - l'interprétez-vous de façon différente...
M. Gratwick: Oui, car les obligations en matière de service couvertes par l'article 133 se rapportent généralement aux aspects pratiques du service, par exemple, la fourniture d'un wagon - il n'est pas question de la qualité.
Je pense qu'une compagnie de chemin de fer pourrait dire: si c'est cela que vous voulez et si c'est le prix que vous êtes disposé à payer, nous pouvons vous satisfaire. Nous ne pourrons pas former un petit train chaque jour, donc nous en mettrons un plus grand tous les deux jours. Cela serait considéré parfaitement compatible avec l'obligation d'assurer un service complet, mais dévastateur en ce qui concerne notre trafic.
M. Hubbard: Vous soutenez donc que vous ne pouvez pas vous plaindre auprès de l'Office dans une situation comme celle que vous venez de décrire.
M. Gratwick: On pourrait se plaindre, mais il y a deux problèmes: premièrement, je ne pense pas que l'Office jugerait cette plainte recevable. Il accepterait sans doute l'argument en apparence raisonnable du CN à cet égard - à savoir que le CN ne peut pas rendre des services particuliers à tout le monde et ainsi de suite; deuxièmement, je ne vois pas très bien ce que l'Office pourrait faire de toute façon.
Le service, contrairement au prix, ne peut être réglementé. Le service est conditionné par l'existence d'un client intéressé et d'un fournisseur intéressé qui trouvent un terrain d'entente. C'est la raison pour laquelle les exploitants de lignes sur courtes distances réussissent si bien. Ils cherchent à savoir ce que veut le client, ils expliquent ce qu'ils peuvent faire, et ils s'efforcent de le faire un peu mieux que les autres. Ils se rendent indispensables et leur client devient pour eux tout aussi indispensable. Du point de vue du CN, en tant que grande compagnie de chemin de fer nationale, je crains que les problèmes de Halifax ne pèsent pas très lourd.
Le vice-président (M. Comuzzi): Monsieur Gratwick, compte tenu de ce que vous venez de dire et des initiatives prises par le CP et le CN pour développer leur activité aux États-Unis plutôt qu'au Canada, craignez-vous de dépendre exclusivement du CN?
M. Gratwick: Encore une fois, vu l'intérêt qu'ils portent à cette région, la question est de savoir où ira le prochain dollar qu'ils investiront. Manifestement, ils veulent se tourner vers les régions qui leur rapporteront le plus. C'est ce qu'ils doivent faire étant donné la façon dont ils sont organisés et l'environnement dans lequel ils fonctionnent. Il n'existe pas d'autres solutions pour eux.
Le vice-président (M. Comuzzi): Ceux d'entre nous qui siègent au comité depuis deux ans ont constaté que le port de Halifax réussit très bien, particulièrement dans le secteur des conteneurs.
Vous avez réduit d'un jour les expéditions assurées par des navires qui, autrement, iraient à Boston ou à New York. Vous réussissez à expédier ces conteneurs dans le Midwest en 48 ou 56 heures, en réalité, en 24 heures car c'est plus avantageux à partir du port de Halifax. Si l'on fait abstraction de cette journée en moins sur le parcours océanique, vos concurrents dans les ports de Boston et de New York subissent des retards pour expédier les conteneurs dans le Midwest. Si je comprends bien, vous avez de biens meilleurs résultats que vous ne l'espériez.
M. Gratwick: Non, on attend toujours plus que ce que l'on obtient.
Le vice-président (M. Comuzzi): Comme toujours, en Nouvelle-Écosse.
M. Gratwick: À l'heure actuelle, notre trafic grimpe régulièrement vers les niveaux d'il y a cinq ans, mais nous n'avons pas encore complètement rattrapé le terrain perdu lors de la dernière récession. Deuxièmement, toute l'industrie de l'expédition par conteneurs à travers le monde, particulièrement à cause des systèmes informatiques qui, aujourd'hui, contrôlent tout, et à cause des échanges entre compagnies de transport maritime - location, partage de créneaux et ainsi de suite - est devenue extrêmement instable. Le routage d'un conteneur peut très bien changer deux fois au cours de sa traversée de l'Atlantique.
Il ne faut pas perdre de vue que même si les ports américains nous font concurrence, nous leur rendons aussi service dans une certaine mesure. Ils ont des difficultés à accueillir certains navires, même maintenant. Certains ports ne peuvent accueillir un navire à pleine charge, et Halifax sert au déchargement partiel ou à un chargement d'appoint sur le chemin du retour. Ils nous tolèrent parfaitement bien du moment que nous nous contentons de jouer ce rôle quelque peu marginal, mais si l'on tente de les attaquer ouvertement, ils ont beaucoup plus d'influence que nous sur les compagnies maritimes. Deuxièmement, ils bénéficient d'une meilleure assistance de la part du gouvernement et des autorités locales dont les ingénieurs effectuent des dragages et rendent d'autres services du genre.
Le vice-président (M. Comuzzi): Saint John vous fait-il concurrence?
M. Gratwick: Non, le trafic est différent. À un certain moment, ils ont été actifs dans le secteur des conteneurs quand certaines compagnies maritimes trouvaient pratique de se rendre du Japon directement à Saint John. Leur gros problème, ce sont les porte-conteneurs - ils n'en ont pas avec les produits en vrac, car le chargement et le déchargement des navires prend plus de 24 heures, mais un porte-conteneurs reste rarement plus de 12 heures, et il faut qu'il respecte exactement l'heure de la marée. Autrement, il peut ne pas entrer ni sortir.
Le vice-président (M. Comuzzi): Oui, je sais cela. Vous attendez-vous à ce que les nouvelles installations de Belledune vous fassent concurrence?
M. Gratwick: Je ne peux pas dire dans quelle mesure cela nous affectera. Je l'ai dit, un fort pourcentage de notre trafic dépend de navires qui se dirigent vers les États-Unis.
Le vice-président (M. Comuzzi): Avez-vous déjà songé à vous lancer vous-même dans les chemins de fer? Avez-vous déjà considéré la chose?
M. Gratwick: Oui, nous en avons discuté à plusieurs reprises. Compte tenu de la restructuration des ports et de la tendance à établir des organismes locaux sans but lucratif qui auraient la liberté financière nécessaire pour agir comme bon leur semble - nous avons envisagé, dans le cadre de cette idée d'usage commun des voies, la possibilité de gérer notre propre équipement. Aux États-Unis, les compagnies de transport maritime achètent souvent leur propre équipement et charge des entreprises d'en gérer le raccordement et l'acheminement. On pourrait envisager quelque chose de semblable, et cela ne serait pas déraisonnable. Une fois que l'on adopte le concept d'usage commun, le chemin de fer passe d'un marché non disputable à un marché disputable, et l'on a plus de latitude. Les intéressés peuvent y entrer ou en sortir relativement facilement sans craindre d'y laisser leur chemise ni de subir quelque chose d'irréparable. Une fois que vous parvenez à placer un chemin de fer dans cette situation, alors, les conditions d'une réelle concurrence sont réunies.
Le vice-président (M. Comuzzi): Je vous remercie, monsieur Gratwick, et monsieur Jeans d'être venus nous communiquer cet intéressant point de vue. Je m'excuse de vous avoir gardés jusqu'à une heure aussi tardive, mais cela en valait la peine.
M. Gratwick: Je suis en partie responsable. Je parle trop.
Le vice-président (M. Comuzzi): La séance est levée.